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CONTRIBUTIONS
U'
DE G. E. LESSING
PAR
Camille PITOLLET
Agrégé d'espagnol, Docteur es lettres.
lin Ganzen — haltet Eiich an Worte !
Dann geht Ihr durch die sichre Pforte
Zuni Teinpel der Gewissheit ein.
(Gœthe. — Faust, J. ThI.)
PARIS
FÉLIX ALOAN, ÉDITEUR
I08, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, Io8
1909
CONTRIBUTIONS
A L'ÉTUDE DE L'HISPANISME
DE G. E. LESSING
C. l'ilOLLEl.
CONTRIBUTIONS
U'
DE G. E. LESSING
PAR
Camille PITOLLET
Agrégé d'espagnol, Docteur es lettres.
Im Ganzen — haltet Euch an Worte !
Dann geht Ihr durch die sichre Pforte
Zum Tempel der Gewissheit ein.
(Gœthe. — Faust, T. Thl.)
PARIS
FELIX ALCAN, ÉDITEUR,
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, I08
1909
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.
A mon ancien Maître
Monsieur Ernest MÉRIMÉE
PROFESSEUR DE LANGUE ET DE LITTERATURE ESPAONOLES
A l'université DE TOULOUSE
PREFACE
Touchant les occupations espagnoles de Lessing, le premier témoin
direct à citer — que les Lessing-Forscher d'aujourd'hui n'apprécient
peut-être pas assez objectivement! — est son avant-dernier frère,
Karl Gotthelf Lessing, auteur de la première biographie du célèbre
critique. Au chapitre IV, traitant de son séjour et de ses occu-
pations à Berlin en 1750, ce garant écrit donc :
« Er legte sich anch in dieser Zeit aaf die spanische Sprache und glaubte
dabei, sie ivûrde ihm mit der Zeit nûtzliche Dienste leisten, da sie damais, und
vielleicht auchjetzt. in Dentschland nicht sehr betrieben ivard. Aber von diesem
Nutzen fiir ihn hat man ivohl nichts gehôrt, ausser folgende Anekdoie. Er
spazierte einmal mit seinem Freunde Mylius unter den Linden und plauderte
mit ihm zur Uebung spanisch. Ein Spanier ging hinter ihnen her, freute sich
herzlich, ivo nicht Landsleute, doch Kundige seiner Muttersprache zu Jinden,
und redetesie an. Sie verstanden ihn aber kaum; und konnten ihn noch
iveniger spanisch unterhalten. xoeil die Unterhaltung vermutlich von Dingen aus
dem gemeinen Leben, und nicht von Wissenschaften, sein mochte. So geht es
gewôhnlich Gelehrten, die keinen Lehrmeister einer fremden Sprache haben,
als sich selbst^' »
K. G. Lessing ne fait d'ailleurs, sauf l'anecdote, — qu'il narre
comme un on-dit dont il n'entend pas prendre la responsabilité, —
i. M. Otto F. Lachmann, qui a donné une réédition abrégée du Leben Lessings
publié originairement en 1798 et en 1795 par K. G. Lessing {Univ. Bibl. de Ph.
Reclam j'un., n° 2^08-2409 [Leipzig, 1887]) écrit {Einleilung, 3): « Selbst die neueslen
Lessingforscher stimmen aile — fast ausnahmslosdarin ùberein, dass Lessings Bruder
in ziemlich leichtsinniger Weise verfahren ist, ohne freilich eu bedenken, dass sie
im Grunde genommen doch aile auf seiner Arbeit fussen. w L'année d'avant, le
D' Eug. Wolff rendait, dans sa thèse de doctorat d'Iéna, un juste hommage à la
biographie du frère de Lessing {Karl Gotthelf Lessing [Berlin, i886J, p. 106-120.) Que
M. Franz Mehring traite K. G. Lessing de « unertrâglicher Schwâtzero et sa biographie
de « liederlich und zerfahren » (p. 6od note, 60G et 606 note **) dans la première partie
de ses feuilletons aux tomes iqI et lo^ de la Neue Zeit (Die Lessing- Légende. Eine
Rettung) cela n'a rien qui puisse surprendre, vu la tendance générale de cette étude
qui, apportant de précieuses reclifîcations historiques, n'en esquisse pas moins un
portrait de Lessing dont Tinexactitude n'est comparable qu'à celle du portrait tracé
par ces Lessingforscher contre lesquels l'auteur s'élève. M. Fr. Mehring, qui cite natu-
rellement le Xenion de Schiller, n'aurait pas dû taire que le Leben avait été castré et
mutilé en manuscrit par l'éditeur berlinois Sander.
a. Éd. O. F. Lachmann, p. 67.
vin PREFACE
que transcrire ce que son frère avait écrit de Berlin à son père, le
2 novembre 1750 :
« Aaf das Spanische habe ich eine Zeit her sehr viel Fleiss venvendet, und
ich glaube meine Mûhe nicht umsonst angewendet zu hahen. Da es eine
Sprache ist, die eben in Deutschland so sehr nicht bekannt ist, so glaube ich,
dass sie mir mit der Zeit niitzliche Dienste leisten soll ' . »
Dix-neuf ans plus tard, le 5 janvier 1769, Lessing, écrivant de
Hambourg au professeur de Gôttingen Johann Andréas Dieze pour le
remercier de lui avoir fait tenir un exemplaire de sa traduction
allemande des Ongenes de la poesia castellana de L. J. Yelâzquez,
confesse au premier hispanisant véritable qu'ait eu l'Allemagne :
« Aile gute Spanische Schriftsteller, die ich noch zur Zeitkennen lernen, lassen
sich ziemlich in einem Athem hersagen: die Komôdien ausgenommen, von
luelchen ich hier eine ansehnliche Menge zusammengebracht habe. Denn sellen
ist ein Hamburger, der sich zu Cadix bereichert, ivieder zuriickgekommen, ohne
ein paar Komôdien mitzubringen...^ . »
Et de ces « bons écrivains » d'Espagne, si minime qu'en ait été le
nombre, puisque Lessing pouvait les citer «tout d'une haleine », la
compréhension qu'il en avait est assez bien caractérisée par ce passage
des Brie/e, die neueste Litteratur betreffend, où, en juin 1765, Lessing
adopte et loue sans restrictions ces sottises de Th. Nie. Meinhard,
dans les Versuche ûber deii Charakter und die Werke der besten
italienischen Dichter^ :
« Die Spanier sind endlich so màssig, dass sie sich mit einem blossen proch-
tigen und harmonischen Schalle, mit einer Reihe tunender Worte begnCigen
kônnen. Man hat in der That Poesien von ihren beriihmtesten Dichtern, die
niemals ein Mensch, auch ihre Verfasser selbst nicht verstanden haben, die
aber sehr gut klingen und von pràchtigen Metaphern sind, »
En ces trois citations peu encourageantes s'est condensée la totalité
des informations originales sur la matière qui nous intéresse. Les
1. M. XVII, 22. J'emploie l'abréviation iM. pour désigner la troisième édition des
Œuvres de Lessing par Lachmann, revue et augmentée par M. Franz Muncker, en
cours de publication depuis 1886 à Stuttgart et dont, sauf exceptions signalées, je me
suis servi au cours de cette étude.
2. M. XVII, 280.
3. Brunswick, 1703-176^. La troisième partie de cet ouvrage dans le goût de
VAu/klàrung et qui s'arrête à l'Arioste, fut donnée sept ans après la mort de l'auteur,
en 177/i, par l'abbé Ch. J. Jagemann. Meinhard connaissait cependant l'Espagne de
visu et avait même projeté de traduire l'Araucana. Ses Versuche eurent une seconde
édition en 1774. Lessing dit à sou propos : <• Die poetische Landkarte, die er bei dieser
Gelcgenheit entwirft, scheinel dem ersten Ansehen nach ein Spiel des \Vitzes zu seyn
und ist im Grunde mit aller Genauigkeit einer gesunden Kritik aufgenonimen. »
(33?. Brief.)[M. VIII, 281-282.]
PREFACE TX
renseignements, à coup sûr instructifs, que nous aurions pu tirer,
relativement aux livres espagnols possédés par Lessing, du catalogue
de sa bibliothèque, imprimé lors de la vente aux enchères de celle-ci
à Hambourg, sont devenus, du fait de l'impossibilité radicale de
retrouver aujourd'hui en Allemagne un exemplaire de ce catalogue,
jusqu'à nouvel ordre illusoires'. Il reste donc, pour qui entreprend
d'élucider le problème non encore résolu de l'hispanisme de Lessing,
l'unique ressource — qui est aussi la plus sûre — de contrôler cet
hispanisme par lui-même, c'est-à-dire sur les passages correspondants
de l'œuvre lessinguienne. Mais, comme un écrivain, pour si génial
qu'on le suppose, ne connaîtra jamais véritablement une nation
étrangère et sa littérature qu'autant et dans la mesure qu'il en
possédera d'abord l'idiome, la première question qui se présentait
pour nous a été celle-ci : A quel degré Lessing savait-il l'espagnol?
Il existe, heureusement, plusieurs traductions ou fragments de tra-
ductions de l'espagnol exécutées par Lessing à diverses phases de sa
carrière, qui nous ont permis de résoudre documentairement ce
problème capital. C'est bien, en effet, de la nature de sa solution que
dépend en grande partie la méthode à suivre dans l'étude du second
point, fort ardu, de cette enquête : A quelles sources Lessing a-t-il
puisé lorsqu'il a parlé de l'Espagne? Car il semble évident que s'il
1. Aucun des Lessingforscher n'a jamais eu connaissance du dit catalogue, et mes
recherches dans les bibliothèques allemandes, à commencer par celle de Hambourg,
pourtant si riche en Auktions-Kataloge du xviii' siècle, n'ont i^as abouti. M. le Geh.
Justizrat Robert Lessing à Berlin m'a d'ailleurs afïirmé, le 21 mars 1906, que ses
propres recherches n'avaient pas eu plus de succès que les miennes. Touchant la
vente même des livres de Lessing, voici l'annonce sommaire que j'ai copiée du n° 64
(21 avril) du Hamburgischer Unpartheyischer Correspondent de 1770 : « Durch den
Auclionarium, Johann Diederich Kleseker, sollen folgende Auctionen gehalten werden...
II' Montags, den IU"° May, auf dem Eimbeckischen Ilause, eine Sammlung rarer und
seltener, grusstentheils klassischer, gebundener Bûcher aller und neuer Sprachen. Der
Calalogus ist bey dem Auclionario und bey Kôster auf dem Brauerknechlgraben fiir 6 Pf.
zu haben. n (Cf. à ce sujet les lettres de Lessing à Nicolai du i4 mars 17G9, à K. G.
Lessing du 4 janvier 1770, à Ebert du 7 mai 1770.) Nous savons, par une lettre à
Gleim du 1" février 1767 (M. XVU, 338), que cette Bibliothèque comptait 6,000 nu-
méros et que le possesseur n'entendait alors en conserver que ce qu'il estimait
strictement indispensable pour ses travaux. En outre, une lettre de Lessing à son frère
(M. Wll, 2G0) nous apprend que, dès le 24 septembre 1768, le catalogue était
imprimé. Moses Mendelssohn mentionne deux fois dans sa correspondance avec
Lessing, en décembre 1755 et en août 1767, les «livres espagnols» de son ami, mais
sans préciser ni citer aucun titre (M. XIX, 3o et 96). Il n'y a rien non plus à ce sujet
dans le Moses Mendelssohn {II. Aufl., Berlin, 1888) de feu M. Kayserling, qui a utilisé
pour cet ouvrage des papiers inédits. — Cette vente, de la Bibliothèque de Lessing,
avait été précédée d'une vente partielle, à Berlin, avant son départ pour Hambourg
durant l'hiver 1767. 11 n'avait alors conservé que nden besten Teil» de ses livres
et s'était défait plus spécialement des ouvrages de philologie et de critique,
« worunter sich auch die ersten Drucke der lateinischen und griechischen Autoren
befanden.» (K. Lessing, op. cit., p. i54.) Le frère de Lessing ajoute, on ne sait si
mélancoliquement ou dédaigneusement, que « wenn nicht aus Warschau fiir die Zalus-
kische Bibliothek Beslellungen eingelaufen vjàren», personne à Berlin n'aurait acheté
<i den seltenen .Schund ».
X PRKFACE
ne posséda, par exemple, de la langue castillane que des notions
confuses et rudimentaires, il lui fut difficile, sinon impossible, de lire
dans le texte les ouvrages espagnols dont il était, par le hasard de
ses besognes de dilettante, amené à traiter et que, par suite, il fut
contraint, pour se documenter sur leur compte, de recourir à des
intermédiaires, qu'il importait alors de découvrir. Que si, au con-
traire, il dominait, comme on dit, l'idiome central transpirénaïque, la
tâche de l'investigateur en résulte singulièrement facilitée, l'hypothèse
de l'information directe de Lessing acquérant de ce fait une consis-
tance presque inébranlable.
De cette brève exposition se dégage le plan suivi dans notre travail :
/" Lessing a-t-il su le castillan? Il" Quelles ont été les sources de l'infor-
mation espagnole de Lessing? telles en seront les deux divisions
essentielles. Malgré quelques enquêtes partielle* — dont la plus
copieuse ne laisse pas d'atteindre un volume étonnamment modeste»
— le terrain que nous avons tenté d'explorer était, en somme, resté
à peu près vierge. Presque tous ceux qui ont traité, en Allemagne,
jusqu'à cette date — et ils ne l'ont guère fait qu'en passant — de
l'hispanisme de Lessing, n'avaient de la langue castillane que des
notions sommaires, si tant est qu'ils ne l'aient pas ignorée, et n'étaient
renseignés sur la littérature espagnole que par des ouvrages de
seconde main : d'oii l'insuccès de leurs investigations, dont plusieurs
réjouissants exemples ont été, à titre d'amusement scientifique, réunis
à l'Appendice. Le seul érudit — mais c'est un Italien, quoique ayant
passé dans les pays germaniques une partie de sa vie — qui eût été à
même de dissiper des légendes soigneusement entretenues parce
qu'elles flattent le chauvinisme germain, — que n'y aurait-il pas à dire
sur le culte qu'affectent, de nos jours, tant de bourgeois universi-
taires allemands pour Lessing, pour ce Lessing en lequel Fr. Schlegel
exaltait si justement, dans son article du Lyceum der schônen Kiinste
en 1797, '^* qualités qui leur manquent le plus : le mépris d'autorités
et de traditions surannées, la jalouse indépendance, l'audace à fronder
des mensonges sociaux routinièrement et conventionnellement reçus,
le (( cynisme littéraire » ! — qui eût pu rétablir définitivement la vérité,
dénaturée à plaisir, des faits, M. Arturo Farinelli, s'en est malheu-
reusement, dans un ouvrage de jeunesse où il y a, d'ailleurs, tant
d'originale recherche et de constatations laborieuses, tenu aux résultats
acquis par son prédécesseur en la matière, M. B. A. Wagner, et n'a
consigné aucune découverte nouvelle dans le rapide passage consacré
à Lessing de sa revue des relations intellectuelles hispano-allemandes.
I . Wissenschaftliche Beilage :uni Programm des Sophien-Bealgymnasiums. Ostern 1883.
7.11 Lessings spanischen Sladien. Von B. A. Wagner. — Berlin, Gaertner, i883, broch.
in 4" de iG pages numérotées, mais seulement i3 p. i/3 de texte.
PREFAJCE XI
à laquelle nous aurons maintes fois l'occasion de revenir i. Quelle que
soit la manière dont les juges qualifiés — nous récusons à l'avance les
appréciations émanant de critiques ne possédant pas les deux langues,
castillane et allemande, et n'étant pas à la fois versés dans les deux
littératures, espagnole et germanique, car nous les considérons comme
incapables d'apprécier sainement l'ensemble de ce travail, bien que
nous nous inclinions devant leur compétence probable pour y relever
des erreurs de détail — accueilleront cet essai, nous les prions dès
maintenant d'user d'indulgence à notre endroit si la manière de
Lessing nous a — provisoirement, mais, fût-ce de manière durable,
est-il plus auguste modèle à proposer au critique? — quelquefois
contaminé, et si un long et assidu contact avec ses Œuvres — que
nous voulons admettre que ces juges connaissent, en leur totalité,
par expérience directe et non sur la foi d'analyses de manuels — ainsi
qu'avec son ambiance de libres esprits, comme il n'en existe plus
guère aujourd'hui dans cette Allemagne des milliards où la science
littéraire patentée est devenue une sorte de finalité sans fin au Betrieb
merveilleusement monté, mais qui fonctionne, dirait-on parfois, pour
le plaisir et, quoi que prétendent les intéressés, aux seules fins de
VHonorar et de la considération de la Zunjt, nous a appris à résolu-
ment préférer au calcul, qui peut être habile, voire productif, de
« ménager la chèvre et le chou», l'expression sans fard et toute nue
de la vérité — de ce qui nous a paru représenter la vérité scientifique.
Et ces juges vénérables, dont le verdict nous remplit d'un si tremblant
effroi, nous voudrions avoir le droit de les implorer dans les termes
mêmes du jeune Lessing, lors de son escapade à Berlin, à son rigide
père, le pasteur de Kamenz :
« Erlauben Sie mir, dass ich Ihnen die Rede eines Vaters bey dem Plautus
mittheile, welcher gleichfalls mit seinem Sohne nicht durchaus zufrieden
war :
Non optumae haec sunt, neque ego ut aequum censeo;
Verum meliora sunt, quam quae deterrima :
Sed hoc unum consolatur me atque animum meum.
Quia, qui nihil aliud, nisi quod sibi soli placet,
Gonsulit adversum filium, nugas agit;
Miser ex animo fit ; secius nihilo facit,
Suae senectuti is acriorem hyemem parât etc. ^
I. Farinelli Art. — Die Beziehungen zwischen Spanien und Deutschland, etc. /. Teil.
Bis ziim 18. Jahrhundert. (Thèse de doctorat es lettres de l'Université de Zurich.)
Berlin, Haack, 1892, 72 p. in-8. Cette dissertation avait paru la même année dans la
Zeitschrift fur vergleichende Literaturgeschichte, p. i35-2o6, 276-332. M. Morel-Fatio,
dans la Revue Critique (1892, n*" 33-34), en vanta l'excellente méthode, et la Bomania
de l'année suivante (1893, i-jd) la recommandait également.
a. Tit. M. Plaut. frinam. act. //, 2, v. lit seq.
XII PREFACE
Die Gedankcn sind so vcrnûnftig, dass die Ihrigen nothwendig damit
ùbereinstimmen mùssen. ' »
Nous espérons joyeusement que cet appel à la clémence sera, grâce
au patronage dont il se recommande, entendu.
Nous espérons aussi, avec le même optimisme sanguin, que, pour
nous limiter à la France, plusieurs de ceux qui y incarnent présen-
tement la science hispanique véritable n'hésiteront pas, en rendant
hommage à la sincérité de nos intentions, à donner aux débutants
dans la carrière dont ils dispensent, après les avoir glorieusement
franchies, les étapes, la preuve consolante et bienfaisante qu'aujour-
d'hui moins que jamais le souci de la gloriole individuelle, à plus
forte raison les intérêts de castes adroitement gérés n'eurent la
moindre prise sur leurs actes, et que, si un méritoire hispanisant
étranger a pu, dans un article biographique sur le représentant
le plus autorisé de l'hispanisme allemand jusqu'au delà des deux
premiers tiers du siècle dernier, évoquer avec regret l'époque,
point si ancienne, du « wissenschaftlichen Betriebs romanischer
Forschung in jener Zeit , da die sparlichen Besteller des
Arbeitsfeldes sich freuten, einander freundschaftlich die Hande zu
reichen, im Gegensatz zu heute, wo die grôssere Zahl von Arbeits-
krâften auf demselben Felde nur zu haufig Reibungen veranlasst «a,
de tels « frottements » n'atteignent nulle part chez nous cette intensité
capable d'entraver le progrès scientifique d'une spécialité qui ne doit
devenir le fief de personne, mais rester un domaine librement et offi-
ciellement cultivable pour toutes les capacités avérées. C'est ainsi, mais
ainsi seulement, que la constatation que consignait le i5 octobre i854
Saint-René Taillandier dans la Revue des Deux Mondes, — alors plus
ouverte qu'aujourd'hui aux souffles d'Espagne, — touchant le (( savant
concours sur les destinées intellectuelles » de la péninsule ibérique,
où l'Allemagne détenait le premier rang par le nombre et la portée de
ses découvertes scientifiques, où la France lui disputait la prééminence
par (( le goût, par l'intelligence vive et pénétrante, par l'érudition
ingénieuse et philosophique » 3, pourra être définitivement refondue
dans le sens qu'insinuait, sous réserves, en 1908, ce même his-
panisant étranger lorsqu'il écrivait que notre nation « semble main-
1. K. G. Lessing, op. cit., "p. 57.
2. Allg. Deut. Biogr., t. 43 (1898) : art. Ferdinand Josef HoZ/par le D' Rudolf Béer,
p. 731.
3. liev. des Deux Mondes, VIH, 282 : La litt. esp. et ses historiens au MX' siècle. —
DaDs celte remarquable vulgarisation de Sg p. (278-317), on perçoit une plainte,
à propos des relations de Corneille et de Calderôn, contre les « consciencieux Alle-
mands » (Schack et F. Wolf) qui ont « fait leur siège d'avance » et dénient justice à la
France. « S'ils obéissent à de niaises rancunes contre la France, nous les plaindrons
de celle maladie opiniâtre. » (P. 309.)
tenant prétendre au premier rôle sur cette parcelle du champ de la
science » • . Premier rôle qui nous revient, si l'on peut dire, par tradition
historique et par affinité raciale, mais qui suppose — à titre de seconde
condition indispensable — la répudiation résolue, en certaines sphères
officielles, de critères sophistiques tendant à établir, dans notre
enseignement universitaire des langues et des littératures étrangères,
une table des valeurs pédagogiques ou culturelles inadéquate, comme
si la possibilité de dégager du traitement scientifique, de l'étude
critique de la pensée d'un peuple en son développement successif une
leçon philosophique et une signification éducatrice était esclave des
latitudes et restait liée à tel domaine linguistique à l'exclusion de tel
autres!
Camille PITOLLET
Paris, 3o décembre 1906.
P.-S. — Pour des causes extérieures à nous, l'impression de cet
essai a été retardée de plus d'une année. Nous n'avons, sauf quelques
adjonctions passagères, rien changé, en l'envoyant en février 1908 à
l'imprimerie, au manuscrit original.
Paris, 10 février 1908.
I R. Béer, Spanische Literalurgeschichlc {Leipzig, igoS), H, «55.
2. Il importe d'ajouter, comme complément à cette préface, qu'ayant appris, à la
date du 8 mars igoG. par un correspondant qu'on venait de découvrir en Allemagne
un exemplaire, ayant appartenu à Fr. v. Raumer, du GeLehrten-Lexikon de .locher
portant des remarques manuscrites de Lessing, «spécialement cdncernant les auteurs
espagnols,» dont la publication m'était annoncée comme devant tarder au moins
d'une année et craignant, en outre, que les KoUeklaneen inédits qu'a annoncés
M. Muncker ne continssent des détails hispaniques, j'écrivis au professeur de l'Uni-
versité de Munich, qui m'affirma qu'en ellet on avait bien trouvé à la Stadlbibliothek
de Bromberg l'exemplaire du Jôcher, en ajoutant: « Wer Ihnen aber gesagt hat, dass
dièse Anmerkungen besonders den spanischcn Autoren gelten, hat Ihnen etums Grundver-
kehrtes mitiieteilt. Unter den paar hundert Glossen, die Lessing in die vier Bande seines
Jôcher-Exemplars kritzelle, sind keine zehn, die aaf spanische Schriftsleller gehen, und
dièse wenigen sind hôchst unbedeutend. Sie verbessern meist nur ein irriges iVort Jôchers.
Ich habe soeben meine Abschrift daraufhin noch einmal durchgesehen und kann Ihnen
versichern, dass fiir die von Ihnen geplante Arbeit ans dies n Eintrugen in den a Jôcher n
wie gar nichls :u holen ist, so dass Sie sie ohne Schaden ruhig bei Seite liegen lassen
kônnen. » Il a paru depuis dans Euphorion, 1906, p. /i3i : Ein Lessing-Fund, une courte
note sur la trouvaille de Bromberg. Concernant ma seconde question, sur la nature
des documents hispaniques inédits qui pouvaient être publiés au xxii* vol. de son
édition, — qu'il m'écrivit, le 29 août 1906, devoir paraître au printemps de 1907, —
M Muncker m'a déclaré : <( Der Nachtragsband wir nichtS enthalten, was fiir Lessings
Beschdftiyung mit der spanischcn Sprache und Literalur Wert hat. Es miisste denn sein,
dass ich gan: anerœarleter- und unwahrscheinlicher Weise in der nàchsten Zeit noch neaes,
bisher ungedrucktes Material erhielte. Ich wiissle aber nicht, woher. » Fort de ces expli-
cations, j'ai pu, selon le conseil de mon honorable correspondant, mener mon travail
u nun ruhig zu Ende, ohne den Schlussband abzuwarten ».
i
CONTRIBUTIONS A L'ÉTUDE DE L'HISPANISME
DE G. E. LESSING
PREMIÈRE PARTIE
LESSING ET LA LA.N&UE CASTILLANE
Dans ses Brieje, die neueste Litteratur betrefjend {M. III, 9), Lessing
a écrit, à la date du 1 1 janvier 1769, cette déclaration :
Unsere Uebersetzer verstehen selten die Sprache; sie luollen sie erst verstehen
lernen; sie tibersetzen sich zu iiben, und sind klug tjenug, sich ihre Uebungen
bezahlen za lassen. Ain luenifisten aber sind sie vermogend, ihrem Originale
nachziidenken . Denn waren sie hierzu nicht ganz iinfâhig, so iviirden sie es
fast immer, aus der Folge der Gedanken abnehmen konnen, wo siejene mangel-
hafte Kenntniss der Sprache zu Fehlern verleitet liât.
Nous allons rechercher si ce sévère censeur a procédé lui-même
d'autre sorte que les traducteurs à la brasse à l'égard du castillan.
Négligeant, dans la démonstration documentaire qui va suivre, les
menues preuves qu'offrent tels ou tels contresens de vocables isolés
que nous relèverons au passage dans la seconde partie, nous nous
bornerons à examiner les quelques traductions d'assez longue haleine
où Lessing, à des dates diverses, a mis à l'épreuve ses connaissances
linguistiques castillanes, pour en déduire la nature.
I. Orfeo.
(M. I, i5o).
]'dii, dans le Bulletin liis[janicjue de 1904', réimprimé d'après l'édi-
tion deSaragosse, 1649, du Parnaso Espanol, la teneur du romance de
I. Bail, hisp., VI (i9o4),'p. 333 seq, : A propos d'un romance de Quevedo; cf. en outre
les excellentes adjonctions de M. A. Buchanan dans Modem Language Noies, XX, .'(, p.
116 seq. et ma note complémentaire Bull, hisp., VIIJ (1906), p. Sgu-SgS : Un écho
oublié du romance de Quevedo, Orfeo. Je compléterai prochainement cette première
esquisse.
2 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LUISPAMSME DE G. E. LESSllSG
Quevedo que Lessing a, sous le titre Orpheiis, traduit partiellement en
prose, et déjà relevé, par la comparaison de son texte avec le texte
espagnol, les copieux contresens de son essai, d'ailleurs inachevé. Je
m'abstiendrai, en conséquence, de reproduire ici les deux pièces.
Comme VOrpheus est une œuvre posthume non datée, les critiques
allemands ne sont pas d'accord sur l'époque à laquelle la rattacher.
Boxberger, dans l'édition en i4 parties de la Nation.-Lit. deKiirschner
(58, p. 82), et, à sa suite, M. Muncker la datent 1707, tandis que
K. Redlich a émis l'hypothèse qu'elle pouvait remontera 1750'. En
outre, ces deux éminents éditeurs commettent l'erreur de la classer
parmi les Odes, bien qu'il soit évident — pour emprunter une expres-
sion de Redlich — qu'elle représente « un prosaïque essai de traduc-
tion », une piteuse « Sprachûbung n 2 sur un thème alors assez populaire
pour que des versificateurs s'exerçassent à l'imiter et à le gloser en
France, en Angleterre et en Allemagne. Au fond, la question de date
est secondaire : si VOrpheus était en réalité de 1767 au lieu de 1760, la
seule conséquence à tirer serait d'autant plus préjudiciable, du point
de vue linguistique, à l'hispanisme de Lessing. Redhch, dans sa lettre
à Boxberger, souligne à bon droit les erreurs élémentaires commises
dans cette version des vingt premiers vers d'une poésie qui en com-
prend quarante, et, faisant honneur à son nom, a eu la loyauté de
confesser qu'elle ne possède d'autre valeur que « ats Beweissliick,
dass es mit Lessings Spanisch nicht weit her gewesen isty) et même
d'ajouter qu'à son avis Lessing n'avait pas pu traduire la suite. L'impi-
toyable Paul Albrecht a imaginé de tirer la moralité de l'aventure sous
forme de cette plaisante fable, qui pimente agréablement l'érudition
rébarbative de ses Leszing's Plagiate :
Le plagiaire mourant.
Le plagiaire, son heure suprême sonnée, jetait un dernier regard à son
immortalité finissante. « En vérité, je suis pécheur, confessa-t-il, mais non, je
l'espère, des plus grands, fai commis le mal, mais j'ai aussi, parfois, que
I. Lettre à Boxberger, du 3o janvier i883, imprimée au t. 71 de la collection
J. Kurschner (dernier vol. de l'éd. de Lessing), p. 44i-/i'i2.
■2. L'expression « Sprachûbung » a été reprise par M. E. Schmidt dans la seconde
édition de son Lessing (1899), I, p. 89, et il a sans doute emprunté aussi à la lettre
précitée de Redlich sa remarque sur l'erreur naïve de K. Lessing. Dans la première
édition de son ouvrage (i884) le biographe de Lessing se contentait (I, 33i, note) de
qualifier, cette fois à la suite de M. Bernays, VOrpheus de « Uebertragumj ». Enfin, il
est faux, comme le prétend Boxberger (58, p. 82, note), que VOrpheus ait rien à voir
avec la version de Brockes dans Poésie der .\iedersachsen, 1, 3o6-3o7 (Hambg.1725). J'ai
montré dans mon article du Bull. hisp. que Brockes traduisait une variante du
romance et non pas le n' 90 de la sixième Muse du Parnaso Espahol. J'ajouterai que le
texte espagnol des redondillas citées par Brockes était déjà connu du P. Bouhours,
qui le donne p. 178-179 de La manière de bien penser dans les ouvra<jes d'esprit. Dia-
logues. (Paris, 1687.)
LESSING KT LA LANGUE CASXILLAINE O
dis-je, souuentes fois réalisé le bien. Un jour, il m'en souvient, ayant volé à
Quevedo y Villegas les cinq premières strophes de son Orfeo, il me vint un
remords et je laissai tout en pagaie... »
« Ce dont je puis rendre témoignage», répliqua, lui coupant la parole, Dame
Critique qui l'aidait à mourir une seconde mort, <( car j'ai aussi présentes à
l'esprit que si elles étaient d'hier toutes les circonstances de ce délit que ta
commis à l'époque où tes progrès en castillan étaient encore trop minces pour
te permettre de dérober plus de cinq strophes... *. »
On serait tenté d'admettre cette conclusion du monomane érudit de
Hambourg en constatant, dans le texte de VOrpheus, que riscos, con-
fondu avec rios, est rendu par Fiasse; que la phrase : Si canlara muy
mal, le sucediera lo mesmo, est traduite : iind wenn er aach so
schlecht gesungen halte, so wàren sie ^ ihm doch nachgefolgt ; que :
cessa elpenar en llegando y en escuchando su intento est compris :
als er ankam und seine Absicht entdeckte ; que : que pena no
dexa à nadie quien es casado tan necio se transforme en : und was
kônnten fur einen so dummen Ehemann wohl fur Martern ùbrig
seyn?
II. Huarte.
A la foire de Pâques 1752 fut mis en vente un volume in -8 de
456 pages, munies d'une préface, et intitulé :
Johann Huarls (sicj Prûfung der Kôpfe zu den Wissenschaften, tvorihne er
die Verschiedenen Fàhigkeiten, die in den Menschen liegen zeigt, Einer jeden
den Theil der Gelehrsamkeit bestimmt, der fur sie eigentlich gehôret. Und
endlich den Mltern Anschldge ertheilt, ivie siefàhige undzu den Wissenschaften
aufgelegte Sôhne erhalten kônnen. Aus dem Spanischen ûbersetzt von Gotthold
Ephraim Lessing. ZERBST. In der Zimmermannischen Buchhandlung . 1752.
Réservant pour la seconde partie toute étude autre que la compa-
raison, du point de vue de la traduction, de l'original espagnol dans
l'édition suivie par Lessing, — l'édition d'Amsterdam, 1662, in-12,
J. de Ravestein, — avec le texte du volume dont je viens de transcrire
le titre, je n'ai ici qu'à illustrer, par quelques exemples nullement
choisis ad hoc, le mode de traduire de l'auteur.
D'abord, son titre est déjà une infidélité. L'édition d'Amsterdam,
qu'il suit, porte le simple énoncé Examen de los ingénias para las
1. Leszing's Plagiale, uonPaul Albrecht, D' med. et phil., Kôniglich Preussischer
Professer (Hambg.-Lpzg., 1890-91), Bd. I, Hft. i, p. 4 16. 11 sera parle plus loin de
cet ouvrage.
2. C'est-à-dire Berge, Fliisse und Steiiie. Lessing croit que suceder signifie suivre au
sens de venir après quelqu'un, par conséquent de seguir. En outre, il prend sucediera
pour une troisième personne du pluriel.
C. PirOLLET. 2
Ix
CO>TRIBtJTlOiNS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSllNG
sciencias. S'il eût voulu s'acquitter en toute rigueur de son métier de
traducteur, il eût dû établir rigoureusement la bibliographie de son
ouvrage — nous verrons dans la seconde partie comment il s'y est pris
à ce propos — et choisir comme texte l'édition de l'Examen représen-
tant la dernière expression de la pensée de Huarte, sauf à indiquer en
note les variantes. Or, cette édition est celle de iSg/i et voici son titre :
Examen de ingenios para las sciencias, en el cual el lector hallarâ la manera
de su ingenio, para escoger lasciencia en que ha de aprovechar y la diferencia
de habilidades que hay en los hombres, y el genero de letras y artes que a cada
uno responde en particular. — Compueste por el Dr. Juan Huarte de sant Juan,
Agora nuevamente enmendado por el mismo autor, y anadidas muchas cosas
curiosas y provechosas. Dirigido a la C. R. M. del rey Don Felipe nuestro seiîor,
cuyo ingenio se déclara exemplificando las reglas, y preceptos desta doctrina. —
Con privilegio, impreso en Baeza, en casa de Juan Baplista Montoya, aiïo lb9U.
En admettant, ce qui ne laisse pas d'être fort probable, que Lessing
ait rencontré des difficultés insurmontables pour se procurer en Alle-
magne cette édition, du moins eût-il dû rechercher ou bien l'édition
originale de \^~j^, ou bien une de ses copies, celle, par exemple, de
Bilbao, i58o. Or, la première porte le titre suivant :
Examen \ de ingenios para las sciencias \ Donde se muestra la différencia de
ha I bilidades que hay en los hombres y \ el genero de letras que a cada vno
res I ponde en particular. \ Es obra donde el que leyere con attencion hallara |
la manera de su ingenio, y sabra escoger la scien | cia en que mas ha de apro-
uechar : y si por vê \ tara la uuiere ya professado, entendera \ si atino a la que
pedia su 'habilidad | natural. | Compuesla por el Doctor luan huarte \ de sant
juan, natural de sant luan del | pie del puerto. | Va dirigida a la Magestad del
Rey D. Phelipe \ nuestro senor Cuyo ingenio se déclara exem \ plificando las
reglas, y preceptos desta \ doctrina. | Con priuilegio Real de Castilla y Aragon.
I Con licëcia impreso en Baeça en casa de | Juan baplista de Montoya.
Celle de Bilbao reproduit ce titre, sauf qu'elle déclare simplement :
Al rey Don Phelipe II, sans l'adjonction ci-dessus. Comme nous
savons par un passage des Materialien — qui sont très vraisemblable-
ment antérieurs à la publication de la traduction de Huarte — que
Lessing connaissait l'existence des deux éditions de 1675 et i58o ', son
procédé apparaît d'autant plus inexcusable, et son titre, qui semble
être le titre du livre de Huarte, n'est en réalité, en sa teneur arbitraire,
qu'un façon de contresens absolument inadmissible.
Il ne sera guère paradoxal d'affirmer, en anticipant sur les preuves
subséquentes, qu'en 1751-52 Lessing ne savait pas assez d'espagnol
pour traduire Huarte directement et uniquement sur l'original 2. Du
1. M. XIV, 170 : « Eu Baeça, anno i575. En Bilbao 1580. »
■A. Des jugeinonls du genre de celui de M. H. Dûntzer (Lessings Leben [Leipzig, 1882],
p. 120): que la traducliou de Huarte par Lessiugest» mit grosscrSorgfalt gearbeitet »,
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE O
moins, a-t-il été assez habile pour ne suivre servilement aucune des
traductions étrangères — tant françaises qu'anglaises, latines ou ita-
liennes — alors existantes et dont les bibliothèques d'Allemagne rece-
laient et recèlent encore de nombreux exemplaires. J'ai comparé
minutieusement et une à une avec la version de Lessing toutes celles
connues, sauf la version hollandaise à laquelle il sera fait allusion et
que je n'ai pu identifier, en 1751, — la sienne a été, à ma connaissance,
la dernière en date, — et n'ai pu découvrir pour aucune d'elles une
imitation patente et suivie. J'incline à croire que Lessing aura usé d'un
procédé familier aux traducteurs novices. 11 lisait, à l'époque, passa-
blement l'anglais et l'italien et parfaitement le français, et, naturelle-
ment, maniait sans nulle difficulté, en sa qualité de Magister liber,
art., le latin. 11 aura donc eu sur sa table de travail un exemplaire ou
de Carew, ou de Bellamy, ou bien de Camilli, ou bien de Chappuis, ou
deVion d'Alibray, ou de d'Alquier, ou de Joachim Caesar, ou de Theod.
Arctogonius, ou, peut-être, de chacun de ceux-ci, et aura, grâce tantôt
à l'un tantôt à l'autre de ces guides, démêlé grosso modo, sans trop
de peine, le sens de la phrase castillane. Il lui est arrivé très souvent,
ce nonobstant, de broncher et je doute qu'on puisse lui appliquer la
jolie image qu'il a, dans la Préface, trouvée sur Huarte, lequel
serait semblable à ces chevaux fougueux qui ne soulèvent jamais
plus d'étincelles que lorsqu'ils trébuchent. Telle quelle, par suite,
sa version ne transgresse en aucune sorte les limites d'un honnête
à peu près et frise même, plus d'une fois, la catégorie des belles
infidèles. C'est une composition besogneuse et laborieuse, dont les
fautes résultent surtout de l'ignorance où se trouve le traducteur des
tournures spécifiques et des habitudes génuines du parler castillan,
si nettement perceptibles dans le traité du médecin navarrais.
Ne pouvant ici examiner le volume entier et consigner la série
copieuse des bévues que j'ai notées en collationnant les 4 10 pages de
l'édition d'Amsterdam avec les 456 pages de celle de Zerbst, je me
bornerai à reproduire celles contenues dans les deux prologues, puis
les 16 premières pages de la traduction de l'Examen. Elles permettront
de se faire une idée assez exacte du reste. Je ne crois pas non plus
ne sauraient avoir de valeur scientifique qu'en tant que le critique qui les formule
s'est préalablement donné la peine de comparer minutieusement au texte allemand
celui de l'édition espagnole qu'est censé avoir suivie Lessing. M. H. Dûntzer s'est-il
livré à cette besogne? L'eût-il voulu, aurait-il été en état de le faire dans les condi-
tions de compétence philologique requises? J'ai vainement essayé de comprendre,
d'autre part, quelles raisons avaient poussé M. Fitzmaurice-Kelly à faire de « Juan de
Dios Huarte » un « physicien» et hésite à admettre un anglicisme ou un archaïsme
tels de la part de M. Henry D. Davray, qui collabore au Mercure de France. M. Fitz-
maurice-Kelly, qui doit sans doute le renseignement, — comme tant d'autres, — de
la traduction de Lessing à Ticknor, déclare avec une belle audace que l'u indépen-
dance pleine de hardiesse » et la « dialectique » de Huarte amenèrent Lessing à tra-
duire l'ouvrage {Litt. esp. [Paris, 1904], p. 218).
6 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LHlSPAiMSME DE G. E. LESSliNG
nécessaire de donner chaque fois en note, à côté de la traduction
erronée de Lessing, l'exacte traduction allemande, puisque ce travail
s'adresse surtout et avant tout à des lecteurs possédant les deux
idiomes. 11 me suffira donc de souligner en caractères gras les passages
particulièrement mal réussis.
Al lectori.
Para que las obras de los artifices
tuviessen la perfecion...
Der Verfasser an den Léser.
Wann die Werke der Kûnstler -
die Vollkommenheit erlangen soll-
ten...
en estos estados y seiiorios...
Este mesmo qulsiera yo que hizie-
ran las Academias destos Reynos, que
pues no consienten que el estudiante
passe a otra facultad, no estando en
la lengua Latina perito, que tuvieran
tambien examinadores, para saber
si...
in elnem so eingerichteten Staate...
Ein gleiches wollte ich auf den
hohen Schulen unsers Kônigreichs^
beobachtet wissen. Man sollte es
durchaus nicht erlauben, dass ein
Studirender zu irgend einer Wis-
senschaft schreiten dùrfe, wann er
nicht vorher in der lateinischen
Sprache erfahren ist. Es sollten her-
nach gewisseLehrerbestelltwerden,
die es untersuchen mùssten...
Y echan a perder la salud de los
hombres [Los que son inhabiles para
medicina.l
Gleichfalls ist die Gesundheit der
Menschen in nicht geringer Gefahr
[da sich die Leute die ganz unge-
schickt zur Medicin sind, damit
abgeben.l
Todos los philosophos antiguos
hablaron por experiencia...
[Pero ninguno ha dicho con dis-
tinction ni claridad... quantas dife-
rencias de ingenio se hallan en la
Aile alte Weltweisen kommen
darinne iiberein und die Erfahrung
lehrt es...
[Keiner von ihnen aber hat es
deutlich zu erklàren gewusst... wie
viel Yerschiedenheiten des Génies in
1 . Dans l'édition originale, cette préface était adressée à Philippe II.
2. Si Lessing eût été quelque peu au courant du castillan classique, il eût su
qu'à l'époque de Huarle artifice ne signifiait pas seulement artiste, mais aussi artisan,
qui est ici le seul sens admissible, puisque, immédiatement après avoir employé ce
mol, l'auteur espagnol énumère une série d'artisans. Cf. Govarrubias, Tesoro (i 6 ii)
p. gS, s. V. artificio et arte. Aussi bien, d'ailleurs, Chappuis que d'Alibray ont traduit:
artisans. Tout le reste de la phrase est, dans Lessing, faussé par cette inexactitude.
Quelques lignes plus loin, il traduira encore: los mejores artifices del mundo y las
obras de mayor perfecion...., die grôssten Kiinstler in der Welt und die allervollkom-
menslen Kunstiverke....
3. Lessing n'a évidenunent pas un concept exact de la division politico-adminis-
trative des aEspaiias» au xvi° siècle.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE
especie hiimana ni] que artcs y
sciencias respondeii a cada uno en
particular.
dem menschlichen Geschlecht anzu-
treffen sind] und welche Kûnste
und Wissenschaften einer jeden
davon ■ zukomme.
Y si como Baldo... estudio la
medicina, y la uso, passara ade-
lante...
Wann gegentheils Baldus... die
Medicin zu studiren fortgefahren
hàtte...
Prohemio^.
[los dichos y sentencias que de
improvise se publican... no sirven
demas... que alborotar el audito-
rio... de manera que viene à...]
perder la pia affecion y aborrecer
la doctrinao.
Einleitung.
[denn die Aussprùche und Mei-
nungen... Avann sie unvermuthet
vorgetragen werden... dienen... zu
Aveiter nichts, als dass sie die Zuhô-
rer... verwirren... so... dass sie]
die Hochachtung gegen den Lehren-
den verlieren und seinen Vortrag
verabscheuen...
...si uviera forma para poderte
primero tratar y descubrir a mis
scias el talento de tu ingénie...
Ich wollte, dass ich anfangs das
Talent deines Génies entdecken
und probiren kônnte...
que pues elles [los antiguos] no
hallaron mas que dezir, argumente
es, que no ay otra novedad en las
cosas...
Weil in den Gegenstànden selbst
seitdem nichts neues vorgefallen
sey, so kônne man auch nichts
mehr davon sagen als das was sie
schon gesagt hâtten...
[porque te dara pena ver provado]
quan misérable diferencia de ingé-
nie te cupo...
[Weil du nur das Missvergnûgen
haben môchtest, in der Folge bewie-
sen zu sehen], was du fiir ein elen-
des Génie habest...
bien compuesto.
ûberlegend...
[...dezirte he très conclusiones muy
verdaderas,] aunque por su nove-
dad, son dignas de grande admi-
racion...
[..so will ich dir drey vollkomme-
ne wahre Folgerungen sagen,] wel-
che wegen ihrer Neuigkeit deine
Bewunderung verdienen...
...sino es que
muy poderosa...
naturaleza, como
...die Natur miisste denn zur Zeit
als sie dich bildete sehr stark
gewesen seyn...
1. Lessing croit donc que a cada uno se rapporte à quantas difereiicias de ingenio.
2. Dans l'éd. originale, préface an lecteur.
3. «.La pia affecion » se rapporte de tonte évidence à « la doctrina », qui ne signifie
nullement Vortrag.
CONTRIBUTIONS A L ETLDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
...ternas de las otras [sciencias]
gran remission, aunque trabajes
dias y noches.
...[so dass] du es in allen ùbrigen
[Wissenschaften] zu nichts bringen
wirst, wenn du auch Tag und Aacht
darùber studiertest.
...porque estas dos partes, en
qualquier genero de letras que sea,
son tan opuestas entre si...
...denn dièse zwey sind in allen
Theilen der Gelehrsamkeit einander
so entgesren...
[Duras sentencias son, yo lo con-
flesso], pero otra cosa tienen de
mas dificultad y aspereza, que de
ellas no hay a quien apelar, ni po-
der dezir de agravios...
...por la oposicion o dificultad que
de juntarlas ay...
[Dièse drey Sàtze, ich bekenne es
seibst, klingen hart] : doch andre
Sachen sind noch schwieriger und
noch schwerer zu begreifen, die
man gleichwohl nicht in Zweifel
ziehen oder gar verwerfen darf...
...wegen der untereinander strei-
tenden Beschaffenheiten dersel-
ben...
...y de las sciencias que gratuita-
mente reparte entre los hombres,
por maravilla da mas que una en
grade eminente...
...und theilte auch von den iiber-
natlirlichen Gnadengaben einem
nicbt mehr als eine in einem hohen
Grade mit...
...antes que los llenasse de sabidu-
ria...
ehe er ihnen die Weisheit beylege.
...de tal manera que la [sabiduria]
pudiessen [Adam y Eva] recebir con
suavidad, y fuesse commodo instru-
mente para con ella poder discurir
y raciocinar...
...las sciencias sobrenaturales se
han de subjetar en el anima...
...dass es [das Gehirn] derselben
[der Weisheit] fàhig seyn und der
verniinftigen Seele ein bequemes
Werkzeug zum Schliessen und
Ueberlegen werden kônnte ' ...
...die ùbernatùrlichen Gaben [mùs-
senl sich nach der Seele richten...
...y que... se infunda una sciencia
y no otra, o mas o menos de cada
cual délias...
...dass Gott dem Menschen dièse
und keine andre Gabe in diesem
und keinem andern Grade ertheilt...
I. A. noter que, dans le texte espagnol, il n'est nullement question du cerveau
mais de la sagesse. Peut-être est-ce ce passage qu'avait lu M. Emile Grucker en 1896,
dans son Lessing (Paris et Nancy), quand il traduisait le titre du livre de Huarte par
Examen des crânes pour l'étude des sciences (p. 392). 11 est vrai que ce critique nous
parle au même endroit de Don Auguslino de Montano, connaît une pièce espagnole
intitulée : Dar la vida por su donna, e el Conde de Sex, appelle VArte de Lope: Rimas
con el arte nuevo de hacer comedias en le datant : Madrid, 1609-1623 (p. 896, note i). Le
chapitre, d'une science hispanique à l'avenant, s'intitule : La tragi-comédie. Lope de
Vega.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE 9
...Por la quai razon dizen los ...Die Gottesgelehrten behaup-
theologos que se atrevio el Démo- ten daher, dass der Teufel eben
nio de enganarla... desAvegen sich an das Weib gemacht
habe...
...porque como sea... tan facil ...weil es... was sehr leichtes [sey]
anadir a lo que ya esta dicho y tra- etwas zu dem was schon erfunden
tado... ist hinzuzusetzen...
Cap. lo. I. Hauptstuck.
casos extranos (p. a) : besondre Fâlle fid.); devio de ymajinar Ciceron
(id.): konnte sich Cicero zwar einbilden (id); con la buena industria fid.):
durch den redlichen Fleiss ' (id. ) ; Lo mesmo escrive (Ciceron; de Cleante
(id.i : Eben derselbe schreibt von dem Kleantes (p, 3j ; mal razonado (id.):
unverstàndig (id.); no menos disparate parecio el ingenio (id.) : eben so
ungeschickt schien das Génie (id.); como quien juega a los dados, que si
en la pinta es desdichado, monstrandose con arte a hincarlos en el
tablero, viene a emendar su mala fortuna fid.) : wie mit einem der im
Brete spielet; wenn der Wurf unglùcklich ist, so muss er ihn durch eine
gescbickte Setzung ertràglicb zu machen und also sein schlechtes Gluck
zu verbessern wissen (id.;^ ; peroningun exemplo destos que trae Ciceron
dexa de tener muy conveniente respuesta en mi doctrina (id) : doch
keines von den Beispielen, welche Cicero anfûhrt, ist eigentlich wider
meine Meinung (id.); rudeza (id.) : eine gewisse Ungelehrigkeit (id.); ser
rudo y tardo en el hablar (p. 4): langsam und schwer reden (id.); las
[diligencias] que hizo Ciceron (id.) : aile Sorgfalt welche Cicero.... an-
wandte (id.): fecundo ingenio (p. 5) : ein fàhiges Génie (id.); si se hallara
[mi discipulo] de buen natural (id.) : wenn ich eine gute natûrliche Ge-
schicklichkeit... bei ihm fànde (id.); entrar en un curso de cualquier
sciencia (id.) : [sich] in einerley Schranken [begeben] (p. 6); con ygual
diligencia y cuidado (id.) : mit einerley Aufmerskamkeit und Begierde
(id); aguila caudal (id.) : ein rechter scharfsichtiger Adler3 (id.); supo
mas que a los demas jamas non pudo entrar (id.) : er wusste mehr als die
andern bei ihm [dem Lehrer] jemals lernen konnten (p. 7); fecunda y
paniega (^p. 6) : fruchtbar (p. 8) ; porque no cualquiera tierra puede panificar
con qualquiera simiente sin distinction (id.) : weil nicht jede Erde ohne
Unterschied jeden Samen fortbringen kcinne (id.); y desse trigo, tierras ay
que muitiplican mucho candial, y el trugillo no lo pueden sufrir (p. 7) :
auch gegen den Weitzen ist die Erde nicht einerley, weil einige nur den
besten Weitzen annimmt, welchen sie hundertfàltig wiedergiebt, den
1. Ce contresens est répété plus bas, à la même page.
2. On voit que Lessing doit le contresens général de toute cette phrase à la
confusion entre ïe juego de los dados et lejuego de las tablas (Brettspiel), confusion qui
lui vient de l'une des traductions qu'il a sous les yeux.
3. La caractéristique de Vâguila caudal est d'avoir la queue (cauda) plus large
que ses congénères : le terme allemand correspondant, Konigsadler, eût été d'un
emploi fort simple.
lO CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
schlechtern Weitzen aber durchaus nichtfortbringtdd.j; fabulas y enarra-
ciones honestas (p. 8) : nûtzliche Fabeln und lehrreiche Historien (p. 9);
porque ya se comiença a descubrir el entendimiento (id.) : weil alsdann der
Verstand sich zu entwickeln anfangt (id.); nuestro entendimiento travado
con las reglas y préceptes de la dialectica (id.) : unser Verstand. wenn ihn
die Grundsàtze und Regeln der Vernunftlehre gebândiget haben (id.); un
modo de discurrir y raciocinar muy gracioso (id.) : eine gesetztere und
anstàndigere Art zu schliessen und zu untersuchen (id.); desamparado del
favor y regalo de su patria (id.j : aller vàterlichen NachsichtenundVerziirt-
lungen beraubet ^p. 11); valor (id.). Tugend (id.j; pero quiere que los
hombres se dispongan con aquel medio que el ordenô (id.) : so Avill er
doch, dass die Menschen die Mittel die er ihnen vorgeschrieben bat
gebrauchen (id.;; el rudo 'id.) : ein Unfàhiger (id.) ; la tercera diligencia
(id.) : die dritte Sorge ' (id) ; que su doctrina sea buena y segura (id) :
.... dass.... dessen Lehre gut und grûndlich... sey (p. 12); por no tener
discrecion ni entero juyzio para discernir, ni apartar lo falso de lo verda-
dero (id.) : weil ihm (dem Schiller) die Kraft zu beurtheilen und das
Falsche von dem Wahren zu unterscheiden noch fehlt (id.); teniendoles ya
convencidos, con muchas experiencias y razones (id.) : als er sie, aus ver-
schiedenen Erfahrungen und Grûnden ûberfùhrt fid.); en jjerjuicio de la
salud de los hombres (id.) : der menschlichenWohlfahrt nachtheilig (id.);
se les saltaron las lagrymas de los ojos (id.) : .... sie hàtten .... die
bittersten Thrànen geweinet (id.) ; las condiciones del maestro (id.) :
die Stàrke des Lehrmeisters (id.); lo que dizen bien (id.) : wenn es
etwas gutes ist (id.) ; si el discipulo no se [al maestro] las apun-
tara (id.): wenn der Schiller nicht darauf gefallen wâre (id.) ; falsas pro-
posiciones (id.) : falsche Begriffe (p. i3); no... masque un libro, que con-
tenga llanamente la doctrina (id.) : nicht mehr als ein Buch...., welches
die Wissenschaft... vôllig in sich fasse (p. i4); y en este [libro] estudie
y no en muchos (id.) : in diesem [Bûche] allein und in keinem mehr soUe
cr studiren (id.); esperar que la sciencia se cueza y eche profundas raices
(id.) : [dass er] die Zeit erwartet, bis das was er gelernt bat in ihm feste
Wurzeln schlàgt (id.) ; cosas.... que atras no pudo alcanzar ni saber (id.) :
Sachen, die es [unser Génie] eher nicht begreifen konnte (id.); pero tener
[el mochacho] buena y correspondiente naturaleza a la scientia que
quiera estudiar, es lo que mas haze al caso (p. i5; : das meiste aber
kommt nocht immer auf das Génie an (id.); cualquiera estudiante que
procurare vencer a su mala naturaleza (id.) : ein Studirender der mit
seinem schlechten Kopfe kàmpfet (p. 16;.
III. « Eraclio und Argila, » « Fenix. »
(iV. III.)
Publiés pour la première fois, sous le titre inadéquat ci-dessus, par
Boxberger en 1876, ces deux soi-disant « fragments dramatiques »
sont tout bonnement des lambeaux en prose de traductions espa-
1. En revanche, p. i3, la même expression est rendue ipar Sorgfalt.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE
gnoles, l'un d'une pièce anonyme : i\o hay cosa buena por fuerza,
l'autre d'une comedia de Francisco de Leyva : Qiiando no se aguarda;
el principe tonlo. Ces lambeaux, dont la date est imprécise, pourraient,
semble-t-il, être rattachés aux essais écourtés de versions de comedias
dont parle Lessing dans sa lettre à Dieze du 5 janvier 1769. Peu
importe, d'ailleurs, encore l'époque où ils furent rédigés. Que l'on
admette qu'ils se rattachent, non pas, comme le voudrait M. Muncker
(111, Vorrede : IX), — en vérité sans preuves déterminantes, — aux
premiers essais littéraires de leur auteur, mais à la période de Breslau
(fin i76d-Pâques 1760) — on connaît la phrase de K. Lessing à
propos de ses occupations dramatiques dans cette ville : « Bei allen
seinen Zerstreuungen niachte er sich Plane zu Komôdien und Tra-
gôdien, und seine Lust zu theairalischen Arbeiten verleidete ihm nicht
der sonderbare Geschmack, der damais in Breslau herrschte^)) —
le résultat est identique pour nous. Les contresens qu'y a commis
Lessing démontrent qu'il ne péchait pas par excès de modestie quand,
à la date précitée, il écrivait à l'hispanisant de Gôttingen qu'il lui
avait été impossible jusqu'alors d'aller jusqu'au bout d'une traduction
de Comedia. Cet aveu s'explique parce que, comme on s'en convaincra
à l'examen attentif des textes ci -dessous, il en comprenait trop
imparfaitement la langue pour en goûter la profonde saveur de terroir
et en apprécier les mérites intrinsèques. Ses tâtonnements sur le sens
des périodes, ses constants recours au dictionnaire pour des vocables
inconnus — sur le manuscrit ciEraclio und Argilar) il a noté : dentro :
innerhalb : dentro de si, dentro de pocos dias; asir : nehmen, verbinden
[ce second sens est Jaux]', roto : zerrissen, zerbrochen ; gastado : ver-
derbt, verzehrt; hilo: ein Faden; couchillo [sic]: ein Messer; ame-
nazar : drohen; llegar : anlangen; golpe : Schlag ; nunca : niemals;
metido : gesetzt; mocedad : Jugend; dispensar: erlauben [faux sens,
c'est i.(entschuldigeny) qu'il fallait]; acetar : annehmen; gozo: Freude;
gozoso : erfreut; el para bien [sic] : Glûckwunsch; descanso : Ruhe —
transformaient en une besogne de manœuvre, forcément sans attraits,
une occupation qui, pour être agréable et féconde, suppose, à titre
de condition sine qua non, l'absolue maîtrise du castillan classique.
Comme c'est la première fois que le texte espagnol des « fragments
dramatiques » est rapproché de leur traduction, je ne me limiterai
pas, ainsi que pour Huarte, à quelques extraits, mais reproduirai
la teneur intégrale des deux documents bilingues, en imprimant en
caractère gras, de même que précédemment, les contresens de
Lessing par trop massifs. Que l'on n'oublie pas, d'ailleurs, que nous
ignorons totalement dans quelles conditions ont été réalisées ces
versions, et, par suite, si Lessing les a rédigées seul...
1. Loc. cit., p. i36.
13 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
[Eraclio] '
[Garr.]
[je] nerplôtzlichen AbreiseNachricht
geben soll? Siebe, ob ich Zeit mei-
nes Lebens ein so gutcs Gedâchtniss
gehabt habe. Was willst du sagen?
Barb.
Ich will nichts, als dass wir uns
alsbald auf die Reise machen.
Garr.
Wenn du die Argila nicht noch
sehen willst, so liegt es bloss an
dir, wenn wir langer zaudern.
Barb.
Ich wûrde meinen Schmerz nur
vermehren. Wir woUen ja ohnedem
in ein paar Tagen zurûck seyn.
Garr.
Nun so komm.
ten schon3.
Die Pferde war-
Comedia famosa. — No hay cosa
buena por fuerza. — De un ingenio de
esta Corte. — Personas que hablan en
ella.
Eraclio, viejo.
Glaudino',su hijo.
Argila, su hija.
El Demonio.
Un Angel, y Fama.
Don Trebacio.
Sofronisa, su her-
mana.
Garron, Lacayo.
Roselio, Criado.
Dos Ciudadanos.
Roselan, Moro.
Mami, Moro.
Dragud, Moro.
Dos Cavalleros.
Jornada Primera. — Salen Don
Trebacio, y Garron, de camino,y trae
un cogin, y espuelas en la mano.
[Gar.\
quieres le cuente tu historia
de esta resuelta partida ?
mira que en toda mi vida
he tenido tal memoria :
que quieres?
Treb.
No quiero nada,
sino que al punto parlâmes.
Car.
Pues solo por ti tardâmes
de no hacer esta jornada,
que a Argila no piensas ver.
Treb.
Es aumentar penas mias,
pues dentro de pocos dias
la buelta avemos de dar.
Gar.
Pues vén,
Que el cavallo aguarda.
I. Le début de la version de Lessing manque. Elle commence au vers 94 de la
Jornada primera. Pour les renseignements sur la comedia elle-même et le texte repro-
duit ici. Cf. 2"* Partie. Je donne la liste des personnages pour faciliter la compré-
hension du passage.
3. Et non pas, comme l'impriment les éditeurs de Lessing, Claudio. Ces éditeurs
font également de Don Trebacio un monstrueux Barbacio. Cependant Boxberger
faisait remarquer, en 1876 (Vier und zwanzig zum Theil noch ungedruckte dramatische
Entwiirfe und Plane G. E. Lessings [Berlin, Hempel], p. 683) : « Barbacio » : der Name
ist undeutlich. Ses successeurs n'ont plus eu ce scrupule.
3. Ce pluriel au lieu du singulier semble une faute légère : en réalité, il fournit
une preuve typique de l'ignorance où est Lessing d'expressions d'un usage coutumier
et banal. Au vers 57, en elfet, D. Trebacio a dit à son valet: « Bueno estas por las
espuelas. » Garron, rhozo de espuelas, allait à pied, devant le cheval de son maître. Il
ne pouvait donc y avoir, pour leur voyage, deux chevaux.
LESSING ET LA LANGLE CASTILLANE
Barb.
Lebe wohl, glûckliches Canturien.
Meine Seele verlâsst dich voiler
Furcht ' , und ich weiss nicht was
sie niederschlâort.
Treb.
A Dios, Canturia dichosa,
el aima Ueva medrosa,
que un no se que la acobarda.
Z-weyter Auftritt.
Claud.
Ich habe aile Ehrfurcht fur dein
graues Aller ; allein es kômnit mir
doch als etwas ganz besonderes an
dir vor, dass du uns in aller Stille,
so eilig hast lassen hierher rufen.
Erac.
Wundre dich nicht Claudio, dass
ich mich jetzoentscldossen habe, von
unterschiedenen Sachen eine Probe
zu machen.
Claud.
Was ist dein Wille ?
Er.
Ihr soUt es gleich erfahren, wes-
senwegen ich euch habe rufen lassen.
Arg.
Himmel ! Wenn er wissen soUte,
dass ich liebe, und dass ich den
Barbacio liebe. (bey Seite)
Erac.
Roselio, verschliesse die Thûre,
und mâche sie die Zeit ùber keinem
auf, er mag auch so unverschàmt
rufen ^ .
Ros.
Ich will dir so gleich gehorchen.
Claud.
Ich weiss nicht was das bedeu-
ten soll, und was mein Vater im
Sinne hat.
Vanse, y sale Eraclio viejo, con haculo,
y Argila Dama, y Claudino de Estudiante y
Roselio criado.
Claud.
Essas canas reverencio,
y el vèr que con prisa tanta
nos Hamas aqui en silencio,
esto en ti es cosa muy nueva.
Era.
Pues no os admireis, Claudino,
porque agora determino
hacer de mil cosas prueba.
Claud.
Que nos quiei-es ?
Eracl.
Bien de espacio
Sabreis los dos a que os llanio.
Arg.
Cielos, si sabe que amo, (ap.)
y tengo amor a Trebacio ?
Era.
Roselio, cierra essa puerta,
y por un rato a ninguno,
por mas que llame importuno
no se la ofrezcas abierta.
Ros.
yo me parto a obedecerte.
Claud.
No se que siento en el pecho
de esto que nuestro padre ha hecho.
1. Lessing comprend llevar comme si c'était un -verbe neutre et lui donne la
signification de : s'en aller. Il était si simple de corriger la faute d'impression : el
aima llevo medrosa.
2. Outre que Lessing prend dans sa signification littérale l'hispanisme llamar a una
puerta (klopfen), il rend importuno par unverschàmt quand le contexte exige ungelegen.
î/i
CONTRIBUTIONS A L ETLDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
Arg.
Undich prophezeye mir schon den
Tod.
Eracl.
Xehmtdie beyden Stûhle, denn es
ist nôthig dass ihr euch zu dem,
was ich sage, niedersetzt '.
Claud.
Was muss das fur eine besondre
Neuigkeit seyn ! (Sie setzen sich,
und Eraclio setzt sich in die ^litte.)
Erac.
Ihr wisst es allzuwohl, liebsten
Kinder, wie sehr ich euch schàtze,
und dass es allezeit meine Sorge
gewesen ist, cure Umstande zu ver-
bessern. Ilir wisst aucli, dass mein
Leben an dem letzten Eaden liângt,
der zugleich der schwàchlichste
ist, und dass ich unsicher bin, dass
ihm niobt die grausame Sensé des
Todes drohe ^ , ohne dass es an eineni
andern hiinge. Ehe also dieser
Scbritt3 nocli geschieht, will ich
euch, meine lieben Kinder, beyde
in einen Stand versetzen i, den euch
der Himmel recht antràgt. Seitdem
ihr in der Welt seyd, habe ich nie
wahrgenommen, dass ihr weltlich
gesinnet wàret, oder einigenLastern
anhinget. Ich habe nie gesehen, dass
ihr mit schiindUchen Lûsten eure
Zeit zubringet, welche die Liebe den
Menschen, die ihr dienen, anbietet.
Eure Neigungen sind allezeit beson-
ders tugendhaft gewesen, ohne ju-
gendliche Vergehungenô und ohne
grosse Gefàhrlichkeiten. Ich habe
euch derohalben in Betrachtung der
Tugend, die ihr allezeit gezeigt habt,
zweyerlei ausgesucht, was euch Vor-
theil und Ehre bringen wird. Was
Arg.
Yo me anuncio yà la muerte.
Eracl.
Essas dos sillas tomad.
porque para lo que intento
aveis menester asiento.
Claud.
Que notable novedad !
Sientanse, y Eraclio en medio.
Eracl.
Bien sabeis. hijos del aima,
que como a ella os estimo,
y que aumentar vuestro estado
siempre mi intencion ha sido ;
y bien sabeis, que mi vida
esta asida al postrer hilo.
el mas roto, y mas gastado,
que el tiempo le ha consumido.
y que no tiene seguro,
porque yà el fiero cuchillo
de la muerte le amenaza
sin que de otro quede asido ;
pues antes que el golpe llegiie
quiero, mi Argila, y Claudino,
daros à los dos estado,
pues el cielo os le ha ofrecido.
Despues que al mundo nacisteis,
nunca, hijos, os he visto
que à èl esteis inclinados,
ni tener en èl un vicio ;
nunca os vi gastar el tiempo
en los torpes apetitos,
que amor ofrece a los hombres,
que en servirle estan metidos ;
siempre vuestra inclinacion
de grande virtud ha sido,
sin mocedades algunas,
y sin mortales peligros;
de donde, considerando
la virtud que aveis tenido,
I. Lessing ne comprend pas le sens figuré de asiento (\'ernunft, Eahe,) ni, par
suite, le jeu de mots.
a. Y que no tiene seguro est donc pris par Lessing pour : y que no estoy seguro.
3. Au lieu de : ehe also inich dieser Schlag noch ereilt...
U. Lessing ne sait pas que dar estado signifie marier et confère à la proposition com-
plétive suivante un sens de subordonnée qu'elle n'a nullement dans le texte castillan.
5. C'est Jugendstreiche qu'il eût fallu mettre; de même mortales peligros corres-
pond plus exactement à lôdliche Wagnisse.
LESSING ET LA LAiMGlJE CASTILLAINE
l5
dich also anbelangt, Claudio, weil
ich sehe, dass du die Wissenscliaften
liebst, so habe icli deinetwegen mil
dem Erzbiscliof von Ganturieii ge-
sprochen, und ihn ersucht er môclite
erlauben ', dass Ihr^ in einem Tage
den Habit aniegen kônntet, welcher
einem Venvalter Gliristi geziemet.
Er verspracli mir es, und verspracli
mir nocli darzu Eucli zum Biscliof
von Baltridente zu machen, mit
einem Einkommen, das fur dièse
Bedienung 3 zureicliendist. Iclinalim
das Verspreclien an und gab mein
Wort, dass du, Claudio, lieute noch,
Messpriester werden solltest, ob du
gleicli so vieler Ehre unwerth seyst.
Was aber dich anbetrifTt, Argila,
so hat mir, zu Ehren deines guten
Vorsatzes, die Aebtissin von Santa
Isabel einen Schleier fiir dich ange-
boten. Sie sagte mir, dass du vor
zwey Jaliren sie aus einem gôttli-
chen Eyfer selbst darum ersuclit
hàttest, und, dass sie dir ihn gern
geben wollte. Ich gab gleiclifalls
mein Wort, und glaube lieute noch
zwey Kinder zu haben, wovon das
eine ein Bischofshut und das andre
ein Franciscanerhabit zieren wird^.
Ganz Can- 5
fFenixJ
Quando no se aguarda.
Comedia famosa.
De Don Francisco de Leyva Ramirez
de Arellano, nalural de Malaga.
Hablan en ella las personas sig mentes :
dos cosas os hc buscado
con que honraros y serviros.
A vos, Claudino, por ver,
que de letras sois amigo,
para haceros Sacerdote
he hablado al Arzobispo
de Canturia, que dispense
el daros en un dia mismo
el Habito que requière
el ser Vicario de Christo.
Ofreciùmelo, y tambien
me ofreciô haceros Obispo
de Baltridente,
con renta
muy bastante al tal oficio.
Acetèlo, y di palabra
de que aveis de ser, Claudino,
oy Sacerdote de Missa,
aunque de ello sois indigno.
Y a vos, mi Argila, tambien,
para lionrar nuestros designios,
un vélo en Santa Isabel
la Âbadesa me ha ofrecido.
. Dixome, que avia dos aiïos,
que con un zelo divino
vos misma se lo pedisteis,
y que os le daria me dixo.
Tambien le di la palabra,
oy pienso tener dos hijos,
uno que honre una Mitra,
y otro, con Habito Francisco.
Embidiaràme Can [turia]...
Fadrique Infante.
Ramiro Principe
tonlo.
El rey de ïracia
viejo.
El Duque.
Triguero gracioso.
Camacho.
Fenix Princesa de
Tracia.
Estela su prima.
Nise criada.
Un Almirante.
Mnsicos.
Flora criada.
1 . Dispensar est beaucoup moins encore ici que précédemment erlauben (permettre),
mais erlassen (accorder la dispense.)
2. Pourquoi maintenant ce Ihr, en présence des Du qui précèdent et qui suivent?
3. Ce n'est pas d'une Bedienung, mais d'un Amt qu'il s'agit.
U. C'est exactement l'inverse en castillan, mais la transformation du concept est
bien allemande.
5. La version de Lessing s'arrête ici.
l6 CO>TRIBLTIO>S A l'ÉTUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
Erster Aufzug. Erster Auftritt. Acto primero.
FELIX weinend. ESTELA, NISA' und Salen FENIX llorando, ESTELA, MSE
FLORA. y FLORA.
Estela.
Stille deine Thrànen ^ Fenix,
mâssige deinen Verdruss und mâche
deinen Augen nicht so viel Plage
und Schmerz. Wann du sie noch
langer, bei so viel Sâuffzernverstel-
lest, so wird sich der Himmel
beklagen, dass du seinen Sternen
ùbelbegegnests. Sagemir, Muhmei,
deinen Schmerz, lege deine Klagen
bey mir nieder. Siehe, wie eyfer-
sûchtig meine Liebe auf deine Thrà-
nen ist. Bemerke deinen Irrthum5,
dass du deiner Bekùmmerniss lieber
im Weinen als in meiner Freund-
schaft Trost suchen làsst.
Fenix.
Meine Plage, Estela, ist so gross,
mein Schmerz, Muhme, ist so heftig,
dass ich so gar eine Erleichterung
des Uebels darinnen gefunden habe,
es dir zu verhâlen.
Este.
Suspende senora el llanto,
Fenix templa los enojos,
Y no les dés à tus ojos
tanta pena, dolor tanto.
No prima à tus ninas bellas
castigues con tanto anbelo,
que se quexarâ tu cielo,
si maltratas sus estrellas.
Dî senora tu dolor,
descansa tu pena en mi,
mira que zeloso aqui
de tu llanto esta mi amor,
pues notando tu desvio
vé que busca tu desvelo
en el llanto su consuelo,
y no en el affecto mio.
Fen.
Tanto Estela es mi tormento,
prima mi dolor es tal
que el no referirte el mal
alivia mi sentimiento.
Es ist Vorsichtigkeit nicht Hàrte,
was mich zum Schweigen verdam-
met, und nichts zeuget mehr von
meiner Nelgung gegen dich, als
dass ich dir mein Leiden nicht sage.
Meine Liebe ist allzu aufmcrksam
auf die deinige, und mag dir die
Empfindung ihrer ungliicklichen
Schmerzen nicht entdecken, damit
sie dir das Mitleid erspareC.
Fineza es, no es sequedad
lo que à callar me condena,
y el no dezirte ini pena,
prueva es de mi voluntad.
Pues mi amor al tuyo atcnto,
de su dolor infelice
el sentimiento no dize,
por ahorrarte el sentimiento.
1. Au lieu de Aise, mais l'erreur n'est- elle pas du transcripleur initial ?
2. Senora n'est pas traduit, et ce titre n'était nullement superflu.
3. Le contresens est réussi. Est-il besoin de noter que tu cielo, que Lessing prend
pour le firmament, s'applique à Fadrique, et que les estrellas, ce sont les propres
yeux, ou plutôt les pupilles de Fenix?
4. Qu'est-ce que cette Muhme familière, traduisant le rigide senora — qui va
devenir tout à l'heure Vueslra Altcca — de l'étiquette castillane ?
5. Desvio n'est pas du tout erreur: Estela reproche à Fenix sa dcliance à son
endroit (Abneigung).
6. Si, au lieu de die Empfindung, Lessing avait mis das Leid, il aurait à peu près
rendu le conceto castillan, qu'il n'a pas aperçu.
LESSIJiG ET LA LANGUE CASTILLANE
17
Estela.
Es ist mehr eine Beleidigung als
eine Gefâlligkeit, dass du mich von
deinem Unglùcke ausschliessest. Ich
-Nverde deine Plagen mit zu empfin-
den Vasallin, Anverwandte und
Freundin seyn. Ist es ein Rath der
Klugheit, sein Uebel zu entdecken,
so siindigest du darwieder', >vann
du langer gegen mich darmit haltst.
Ich kan dir als eine dreyfaclic
Person mit tragoQ helfen ^.
Fenix.
Deine Liebe, Estela, und deine
SorgfaltS ist ungemein verbindlich.
Est.
Mas me ofende que me obiiga
hazerme del mal agena,
pues seré al sentir tu pena,
vasalla, deuda y amiga.
Y si es consuelo dezir
los maies, ofensa es
negarmelos, pues soy très
para ayudarte a sentir.
F en.
Mucho oy Estela me obligas
con tu amor y tu fineza.
Est.
Estela.
Sie wlinschet nichts mehr, als Quisiera que vuestra Alteza
dass du dein Herz bey mir aus- descansàra en sus fatigas.
schùtten môgtesti.
Flora. Flo.
Nisa, worinne magwohl das Uebel Nise, que pena sera
bestehen, das meine Gebieterin so - la que à mi Ama aflige assi?
heftig quàlet ?
Nisa. Nis.
[Romance hà de haver aqui,
et Romance lo dira.] 5
Estela. Est.
Gestehe mir also deine Unruhe. Ea, dime tu pesar.
Nisa. Nis. .
Ich bin ganz thôrigt drauf, es zu Rabiando estoy por oirlo.
erfahren.
Flora.
Und ich dessgleichen.
Flor.
Yo tambien.
I. Lessing ne devine pas l'antithèse et coordonne deux phrases opposées. Il était
cependant aisé de rendre consuelo par Trost, et ofensa par Beleidigung.
■2. Lessing a-t-il compris que cette «drey/ache Personi) n'était, en style culte, que
la vasalla, deuda y amiga de tout à Tiieure? En tout cas, sentir n'est pas du tout mit
tragen, mais empfinden.
3. Tout à l'heure, fineza était Vorsichligkeit, voici que c'est à présent Sorgfall. En
fait, dans les deux cas, le terme eût dû être rendu p^r Artigkcit. Lessing généralise aussi,
daus la phrase ci-dessus, le compliment, que Fenix n'entend appliquer f[u'à aujour-
d'hui (oy).
l\. Est-il possiljle de reconnaître dans la phrase de Lessing le sens de la phrase
castillane? A noter qu'il s'imagine que quisiera se rapporte à tu amor et est une troi-
sième personne.
5. Cette réplique n'a pas été traduite par Lessing. A-t-il cru à une indication scé-
ui([ue, ou ne serait-ce pas plutôt qu'il u'a pas saisi la finesse.''
i8 GONXKlBUTlOiNS A L EILDE 1)E L HISPANISME UE G. E. LESSl.NG
Fenix. Fen.
Wann ich dir sie entdecken soll... Si he de dezirlo.
Flora. Flor.
Nun fiingt sie an. Ya empieça.
Misa. Nis.
Stille aiso, hôre I Pues a escuchar.
Fenix. Fen.
So mûssen wir alleine seyn. Ent- Idos, y a solas quedémos.
fernt euch.
Nisa. Nis.
Unser Zuhôren bat also schon ein Malogrose nuestro oido.
Ende'.
Flora. Flor.
Das verdrûsst mich, dass ichs Harto el no oirla he sentido.
nicht hôren soll.
Nisa. Nis.
Komm, wirwerden es dochwohP Vén, que despues lo sabremos.
hernach erfahren.
i\isa und Flora gehen ab. Vanse.
Andrer Auftritt.
FEMX. ESTELA.
Estela. Est.
Rede nun. Habla yâ.
Fenix. Fen.
So wlrd main Unglûck noch viel Es mi pena mucha.
schwerer 3.
Est. Est.
Dein Mund môchte es selbst gerne Dezirla tu labio intente,
sagen^.
Fenix. Fen.
Du willst also, dass ichs dir er- En fin quieres que la cuente ?
zehle P
Estela. Est.
Ich wartc eben darauf. Ya te aguardo.
1. Lessing prend oido pour un substantif verbal signifiant l'action d'écouler. 11 eût
fallu : Unsere Ohren sind um das Hôren gebracht worden.
2. La phrase castillane n'implique nullement le concept de probabilité marqué
par u'ohl. Les traditionnelles criadas de la Comedia savent comment faire parler leurs
maîtresses.
3. Il fallait simplement: mein Schinerz ist gross.
It. Lessing prend donc l'impératif pour un conditionnel.
LESSING EX LA LAISGLE GASTILLAISE
19
Fenix.
Hôre alsol Mein Vater der Kônig
— aber ach I wie unrecht nenne ich
ihn meinen Vater. Da er sich nicht
so gegen mir erzeugt, ist es billig,
dass ich ihn so heisse? Der Kônig
also, sag ich, erbte dièses Reich von
dem Kônig Balarte, seinem Vater
und meinem Grossvater, aber mit
einer so schweren, ungerechten und
tyrannischen Bedingung', dass ich,
wenn ich hàtte wehlen konnen,
lieber auf den rauhesten Gebûrgen
sein Vasall hàtte seyn, aïs sic an-
nehmen wollen^.
Fen.
Pues escucha.
Mi padre el Rey, ay de mi I
mal dixe en decir mi padre
pues quando no lo parece
no es juste que assi le liame
El Rey digo, aqueste Reyno
heredô del Rey Balarte
su padre y abuelo mio,
con una pension tan grave,
tan tirana, tan injusta,
que si yo pudiéra hallarme
en les tratos, antes que
tal condicion acetasse
à la aspereza de un monte
le rindiera vasallaje.
Sie wurden nehmlich eins, 0
Unglûck! dass, Aver nach ihm das
Reich erben wùrde, wenn es eine
Weibsperson wâre, sie den Kônig
von Athen, o welche GrausamkeitI
heyrathen sollte. Ich ward zu mei-
nem Unglûcke gebohren, und es
gefiel3 dem Himmel, ehe ich noch
das Licht dièses runden Weltge-
bàudes genau betrachten konnte,
meine Wiege zu einem elenden
Grabmale meines Lebens zu ma-
cheu. Denn bore nur, liebste
Muhme, doch dass mein Unglûck
delne Zàrtlichkeit nicht ersch-
recke^, aus der Grosse desselbenS
wirst du alsdann die Grosse meines
Schmerzes erkennen konnen. Der
Kônig von Athen, wie du weist, bat
zwei Sôhne, der eine ist Ramiro, der
Erbprinz, und der Infant Fadrique
ist der andre. Ramiro ward von allen
Eigenschaften, die zu einem Prinz
gehôren so entblôsst gebohren, dass
er zu Athen die Verachtung der Gros-
Fue pues el concierto (ay triste)
que quien ei Reyno heredasse,
si hembra fuere (que crueldad)
con el Rey de Athenas case.
Nacf yo por mi desdicha,
(pluguiera al cielo que antes
que a esta maquina redonda
las luzes examinasse,
fuera à mi vida la cuna
monumento misérable).
Oye prima, y de mi pena
la terneza no te espante,
pues lo grande de el dolor
te dira mi dolor grande.
Tiene dos hijos el Rey
de Athenas, ya tu lo sabes,
Ramiro es el heredero,
y el segundo el Infante
Fadrique; naciô Ramiro
tan ageno de las partes
de Principe, que en Athenas
es la irrision de los grandes,
de los plebeyos la hurla,
y la afrenta de su padre:
pues le hizo el cielo tan necio,
1. Pension n'est pas ici condition (Bedingung) mais redevance, charge (Last). D'ail-
leurs, le mot condicion se présente dans la même phrase : Lessing a trouvé plus facile
de réunir les deux termes en un seul.
2. Lessing croit que le se rapporte à el Rey et comprend â la aspereza de un monte
comme s'il y avait: en la aspereza.
3. Lessing prend plagiera pour un prétérit de l'indicatif et transforme ainsi un
souhait en une réalité.
4. Lessing traduit comme s'il y avait: qut mi pana ta terneza no espante.
5. Lessing fait rapporter desselben à mein Ungliick: de là, le contresens de pensée.
C. PilOLLET. '6
20 CONXaiBUTIONS A l'ÉTUOE DE l'hISPANISME DE G. E. LËSSlNG
sen, die Verspottung des Pôbels, und
die Schande seines Vaters ist. Denn
der Himmel machte ihn so dumm,
und erschuff ihn so unwissend, dass
er nicht einmal so viel weiss, als der
raueste Bauer wissen muss ' . Fadri-
que hingegen ist von so verwun-
dernswûrdigem Verstande, von so
edler Gemûtlisart, von so liebens-
wùrdigem Naturell, dass ihn aile
Vasallen, mehr als seinen Vater,
vor ihren Herrn verehren^. Es
scheint, als wolle die Natur, bey
Erzeugung der jiingeren Prinzen,
das, was ihnen an Macht abgeht",
durch ihren inneren Werth erset-
zen3. Nun soUte der Kônig zwar
dem Ramiro, wegen seiner grossen
Unfâhigkeit, das Reich entziehen,
und es^ dem Fadrique, als einem
Avûrdigen Lohn seiner vortrefflichen
Eigenschaften, erben lassen: aber
die Liebe verblendet ihn so sehr,
und macht ^, dass sich die Leiden-
schaft seiner so bemeistert, dass
Ramiro der einzige Gegenstand
seiner Zartlichkeiten, und Fadrique,
G welche Grausamkeit, der Vorwurff
seines Basses ist. Zwar in dieser
unbestândigen Welt ist es eben
nichts neues, dass das Gute verab-
scheut, und das Bôse geliebt -svird.
AJso will mich mit dem Ramiro, o
Pein, mit dem Erben — o schweres
LeidenC! — des atheniensischen Rei-
ches — welches Unglùck! — mein
Vater der Kônig — o unseelige
Noth 7! — verbinden — o wiithendes
le crio tan ignorante,
que no sabe ni aun aquello
que un rudo villano sabe.
Es al contrario Fadrique
de ingenio tan admirable,
de tan noble condicion,
de natural tan amable,
que de los vasallos todos
es mas dueno que su padre:
porque la natviraleza,
quando los segundos nacen,
lo que en el poder les quita,
en el valor les anade.
Y quando déviera el Rey,
por su incapacidad grande,
quitarle el Reyno à Ramiro,
y que Fadrique heredasse,
pues que tanto lo merece
por sus generosas partes,
tanto le ciega el amor,
y tanto dexa llevarse
de la passion, que es Ramiro
de sus ternezas examen,
y Fadrique (que crueldad!)
es de sus iras ultraje.
Mas no es, prima, novedad
en este mundo inconstante
que se aborrezca lo bueno
y que lo malo se ame.
Con Ramiro pues (que pena!)
como heredero (ansias graves)
de el de Athenas (que desdicha!)
mi padre el Rey (que pesares!)
casarme intenta (que ahogo 1 )
y los tratos (dolor grande)
ajustados, (que violencia!)
le espéra ya por instantes,
para celebrar las Bodas,
1. Ce muss est superflu.
2. Le texte espagnol dit simplement que Fadrique est plus maître de ses vassaux
que le roi, sans parler de vénération (verehren).
3. Lessing dénature triplement la phrase castillane: i" elle ne contient pas l'hypo-
thèse es scheinl; i!" elle n'est pas appliquée aux cadets princiers, mais, de manière
générale, à tous les cadets; 3* elle ne parle pas de «valeur intérieure», mais de
«vaillance».
4. 11 n'y a pas, dans la phrase castillane, cette détermination, mais simplement
que Fadrique devrait ((hériter».
5. Cet enchaînement n'est nullement dans le castillan, où l'ordre des propositions
est beaucoup plus logique. En outre la traduction «der einzige Gegensland» pour
«.examen » est bien faible et « \'orwurfy> pour vultraje» est tout à fait un contresens.
6. Ansias = Angsl.
7. N'était-ce point assez de Noth tout court .^
LÈSSING ET LA lANGtJE CASTILLANE
3t
SchicksalM Die Tractate — ach,
empfindlicher Schmerz — sind
schon geschlossen. Welche Grau-
samkeit ! Er erwartet ihn aile Au-
genblicke, das Beylager zu feyern.
Ja — Begràbniss sollte ich es lieber
nennen. Denn ich hoflFe schon
einzig auf die bittre Hùlfe des
Todes'. Und ich iiberlege3 — o
BetrùbnissI dass ich meinen Willen
verde von so einem unwissenden
Menschen mùssen unterdrûcken
lassen, — o Quaall so gerathe ich
in solche Verzweiflung, dass ich,
wenn ich mich nicht vor dem Him-
mel fùrchtete, mich selbst umbrin-
gen môchte.
Estela.
Dein Vater kommt.
(exequias mejor llamarlas
pudiéra) y ya de mi muerte
espero el amargo trance,
pues quando conozco (ay triste!)
que mi alvedrio postrarse
ha de dexar (que tormento ! )
de un hombre tan ignorante,
tanta desesperacion
siento, que he intentado darme
la muerte, si no temiéra
que el cielo...
Est
Tu padre sale.
Dritter Auftritt.
DERKONIG. DERHERZOG. FENIX:
ESTELA. BEDIENTER.
Der Kônig.
Was fehlt dit? meine Tochter i.
Fenix.
Ich wundre mich, dass du dich
so fremde stellest, da du doch meine
Bekiimmerniss weistâ. Mehr will
[ich] hier ûber meine Lippen nicht
kommen lassen ; doch erlaube mir
deine Gegenwart zu vermeidenC.
Rey.
Hija, que disgusto tienes?
Fen.
Admirome que lo extraùes
quando de mis sentimientos
ères... mas de aqui no passe
el labio, y dame licencia
que de tu presencia faite,
Denn bey einer so heftigen Leiden-
schaft kan die Ehrfurcht nicht an-
ders als in Gefahr seyn.
porque se arriesga el respeto
en una passion tan grande.
Vase.
1. 11 n'y a rien, dans ahogo, d'un udestin en furie-D. Welche Beklemmuny .' eût suffi.
2. Ich encarte den bitteren Augenblick meines Todes. Il n'y a pas, en castillan, l'idée
d'un a secours ri octroyé par la mort.
3. Lessing, en modifiant l'ordre de la construction, fausse le sens général de la
phrase. De plus, il ne traduit pas exactement «que he intentado darme la muerte... »
4. L'expression ctioisie par Lessing ne correspond pas assez précisément à l'inter-
rogation espagnole.
5. Il n'y a pas cela en espagnol. Le mol que Fenix ne prononce pas est la causa ou
un terme analogue.
6. Le sens du texte, malgré l'apparence, n'est pas: permets-moi d'éviter ta pré-
sence, mais: permets-moi de sortir.
■22
CO.NTKIBUTIO'S A l'ÉTUDE DE l'uISPAiMSME DE G. E. LESSIKG
Vierter Auftritt.
DER KÔNIG. DER HERZOG. ESTELA.
BEDIENTER.
Der Kônig.
Ich ergrûnde die Ursache ihres
Schmerzes wohll (bey Seite.)
Estela.
Herr, sie kônnte dich beschul-
digen'.
Der Kônig.
Hait inné, Estela, und gieb mei-
nem Verdrusse durch deine Klage
nicht noch niehrere Kriifte. Es ist
ein unwissendes Verfahren, wenn
ein Versehen begangen ist, sich
ùber die Folge desselben zu be-
schweren^. Die Klugheit erfordert
sich vorzusehenS, wenn ihm noch
zu helfen ist, aber ist es einmal so
weit gekommen, so ist es eine...''.
Rey.
Bien de su dolor la causa
penetro.
Estela.
Senor, culparte pudiéra.
Rey.
Mas no prosigas
Estela, ni a mis pesares
dés mas fuerça con tu quexa,
porque es estilo ignorante
el yerro ya cometido
culpar al que el yerro hace :
quando remediar se puede
cordura es el avisarleS,
mas despues de cometido
es [imprudencia culpable
referirle su desdicha...]
IV. Essex.
eu. X, 33-78.)
Bien que, dans son compte rendu du Conde de Sex, aux 60-69""
chapitres de la Dramaturgie, Lessing paraphrase presque constam-
ment plutôt qu'il ne traduit les passages dont il entend illustrer son
commentaire, tout en donnant tacitement et implicitement pour une
véritable traduction ces inexacts spécimens, — procédé apte à induire
en erreur maints lecteurs touchant la nature intime et le caractère
spécifique de la comedia que l'auteur s'imagine avoir découverte, —
il lui est impossible, cependant, de ne pas laisser percer, à plus d'une
reprise, son ignorance du castillans. Dans l'examen qui suit, c'est le
I. Ce n'est pas Fenix, comme le croit Lessing, qui pourrait accuser le roi, mais
— la réplique de celui-ci le prouve clairement — Estela. Il fallait donc : Ich au lieu
de sie.
3. Il serait difficile d'imaginer contresens plus corsé.
3. Le traducteur n'a pas soupçonné que le se rapportait à el que el yerro hace et a
faussé ainsi le sens limité de la phrase castillane.
4. Boxberger a ajouté ici (op. cit., p. 689): nOffenbar sind frixher noch mehr FoL-
Bogen vorhanden gewesen. ù
5. 11 ne sera pas superflu de noter dès maintenant que, justement, les Lessing-
forscUer germaniques qui proclament l'authenticité de l'hispanisme de Lessing
aiment à déclarer que ce dernier profila de sou séjour à Hambourg pour se familia-
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE 23
texte espagnol de l'édition originale de la Dramaturgie (Hambg., 1767,
t. II, p. 57-128) qui a servi de base à la collation. Certains éditeurs
de Lessing, et spécialement M. Muncker, ont cru devoir corriger les
« erreurs » de ce texte. Un peu de familiarité avec les éditions des
sueltas espagnoles i leur eût appris que ces « erreurs » — à part quel-
ques graves coquilles dues ou à la légèreté de transcription de Lessing,
ou à l'inattention du correcteur des épreuves — peuvent se soutenir
au même titre et avec autant de vraisemblance que leurs émendalions,
puisque pas un d'entre eux ne s'est avisé de recourir à l'édition
princeps du Conde de Sex, et que M. Muncker, par exemple, prétend
rectifier le texte de Joseph Padrino, reproduit par Lessing, au moyen
de celui de l'édition de... Leefdael ! Les renvois aux pages auxquels
j'aurai recours se rapporteront donc au volume précité de l'édition
de 1767 de la Dramaturgie, d'où, cependant, ont été supprimés de
trop manifestes errata.
P. 59. — Lessing cite les vers du i" Acte, où Essex détaille à Cosme
les beautés de la dame masquée surprise par lui au bord de l'eau et
la lui décrit, en particulier, au moment où elle boit, dans le creux de
sa main, l'onde du courant :
y como tanto,.en fin, se parecia
A sus manos aquello que bebia,
Terni con sobresalto (y no fue en vano)
Que se bebiera parte de la mano.
riser avec la Comedia et, par suite, avec les raflBnements de langage de celle-ci.
M. Erich Schmidt écrit, par exemple (L., I, 597) : « Er nutzt die in Hamburg durch den
Handelsverkehr gebotene Gelegenheit, Biihnenschâtze Spaniens und das tragikomische Ver-
fahren Lopes etwas eingehender :u stadieren. » M. E. Schmidt serait bien embarrassé
s'il lui fallait citer, pour se justifier, autre chose que le passage de la lettre à Dicze,
où Lessing dit simplement qu'il a réuni à Hambourg un nombre respectable d'exem-
plaires de comedias sueltas. En réalité, on ne sait absolument rien sur les prétendues
éludes hispaniques de Lessing en la cité hanséatique, et c'est parce que l'on ne sait
rien sur elles que ni Feodor Wehl {Lessings Aufenthalt in Hamburg, dans Unterhalt.
am hàusl. Herd, i855, III, n°' /|5 [712-718] et /(G [721-726]), ni le consciencieux Lexikon
der Hamburg. Schriftsteller de Schrôder (186G, IV, art. Lessing, p. i5o-46i), ni Schrô-
ter et Thiele {Hamburgische Dramaturgie, Halle, 1877 : p. XXI et seq. : Lessing's Leben
in Hamburg) n'en soufflent mot. Que Lessing ait pu facilement trouver à Hambourg
des négociants ou autres personnages qui avaient acquis en Espagne ou en Portugal
une connaissance assez étendue du castillan — tel ce B. W. Rahmeyer, dont il sera
parlé dans la Seconde Partie — cela n'est pas douteux, mais les renseignements sur ce
point font défaut. Et, en admettant qu'il ait eu recours à eux, nous allons voir, par
rEssej-, puis le cl/aranijn», qu'il n'abusa pas de leurs lumières. — Il n'est pas sans intérêt
de noter que M. L. Crouslé, qui a revu et annoté, pour l'édilion parue chez Didier
en 187.^, la traduction de la Dramaturgie pur E. de Suckau, déclare que «quand nous
traduisons des citations, c'est d'après la traduction allemande, légèrement corrigée
lorsqu'elle s'écarte trop du texte espagnol, n L'hispanisme de Lessing était donc déjà
suspect à ce germanisant français.
1. Ou simplement la lecture des élémentaires indications formulées à leur sujet
dans le classique Handbuch der spanischen Litteratur de Ludwig Lemcke, t. III,
p. 753 seq.
2k CONTRIBUTIONS A l'ÉTL DE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
Voici comment est rendu ce passage : « Dièse Hand, sagt er [Essex],
war dem klaren Wasser so ahnlich (c'est l'inverse qui est dit dans la
comedia), dass der Fluss selbst fur Schrecken zusammenfuhr
(terni con sobresalto!!!), weil er (toujours le fleuve) befûrchtete, sie
môchte einen Theil ihrer eignen Hand mittrinken. » Lessing, une fois
de plus, ne sait pas distinguer la première de la troisième personne
d'un verbe en castillan.
P. 60. — Nouveau contresens, à propos d'une autre citation du récit
d'Essex :
Yo, que al principio vi, ciego y turbado,
A una parte nevado,
Y en otra negro el rostro,
Juzguè, mirando tan divino monstruo,
Que la naturaleza cuidadoza
Desigual[-dad] uniendo tan hermosa,
Quiso hacer por assombro, o por ultrage,
De azabache y marfil un maridage...
Lessing : u Er kann nicht begreifen, in welcher Absicht die Natur ein
so gôttliches Monstruum gebildet, und auf seinem Gesichte so
schwarzen Basait (voici le jais [Pechkohle] devenu basalte) i mit so
glànzendem Elfenbeine gepaaret habe : ob mehr zur Bewunderung,
oder mehr zur Verspottung ?» — Il le comprend, au contraire, très
bien, et le dit (juzgué). Et l'intention de la Nature lui est, en bon
gongoriste, tout à fait familière et accessible. Celui qui ne comprend
pas, c'est Lessing, qui n'entrevoit Essex qu'à travers les verres fumés
de l'Au/klàrung.
P. 60. — (( Zugleich, sagt sie [die Kônigin], soll dièse Scharpe
dienen, mich Euch zu seiner Zeit zu erkennen zu geben...» En
réalité, la reine dit :
Aquesa banda
Senal para hacer buscaros
Sera...
P. 62. — Lessing cite la première réponse de Cosme à la question
d'Essex, qui lui demande quelle pouvait bien être la mystérieuse Beauté
du bord de l'eau :
La muger del hortelano
Que se lavaba las piernas,
I. Cf. sur ce contresens la remarque de W. Cosack, Materialien zu G. E. L. « Hamb.
Dram. (Paderborn, 1891), p. 3o8. Au lieu de Pechkohle, Lessing avait le choix du syno-
nyme : Gagal. — On sait que la première édition du manuel de Cosack est de 1876,
et que la plupart de ses renseignements sont passés, très complétés, dans Schrôter
et Thiele.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLAÎSE 25
puis il ajoute cavalièrement : « Aus diesem Zuge, kann man leicht auf
das Uebrige schliessen. » Ce «reste )> n'est nullement si mauvais... ni
si facile à déduire. Mais Lessing, incapable de saisir les allusions, si
savoureusement espagnoles, du valet, préfère recourir au facile argu-
ment du Renard et les Raisins. Cosme disait :
Detràs de una mascarilla
pudo estar Arias Gonzalo,
la Monja Alférez, Elvira,
y la moza de Pilatos'.
P. &&. — « Sie hatte an ihren Oheim geschrieben, welcher, aus
Furcht, es môchte ihm, wie seinem Bruder, ihrem Vater, ergehen,
nach Schottland geflohen war. » Cf. Conde de Sex :
y hasta Roberto, mi primo,
por pariente de mi padre,
que no por otro delito,
huyô el riesgo, y sin estado,
vive en Escocia escondido...
A la même p. 66, la même confusion réapparaît : « Er [Essex] soU
sogleich an ihren Oheim... schreiben » Cf. El Conde de Sex :
Blanca :
Escribe al Conde, mi primo...
Même confusion de nouveau p. 68, puis p. 74.
1. De même p. 63, Lessing, notant la déclaration de Flora touchant le peu de
chances de succès du duc d'Alençon sur Blanca, à cause des différences de rang,
écrit : « Man erwartet, dass der Herzog auf diesen Einwurf die Lauterkcit seiner
Absichten betheuern werde : aber davon kein Wort ! Die Spanier sind in diesem Punkte
lange so strenge und delikat nicht, als die Franzosen. » Cf. la réponse du duc :
Yo vine como sabras,
Gon color de una embajada
A Londres, y mi jornada
No fué â las paces; que mâs
Fué â tratar mi casamiento
Gon la Reina; y tanto gano,
Que â Londres el Rey, mi hermano.
Me enviô para este intento ;
T aunque esto esta en buen estado
Con les grandes y la Reina,
Blanca, que en mi pecho reina
Hoy, me da mayor cuidado...
Et, plus bas,
Pues soy cautivo
De la causa de mi pena
Quitame tù esta cadena.
On voit avec quel sérieux procède Lessing dans certaines affirmations. On voit, en
même temps, quelle profonde ignorance de la galanterie — j'entends de la galanterie
littéraire et telle que la révèle la seule comedia — espagnole décèle sa remarque que
les Espagnols sont infiniment moins rigoureux et délicats que les Français lorsqu'il
s'agit, en amour, de faire admettre à la femme aimée la traditionnelle « pureté
d'intentions » de l'amant.
36 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hiSPANISME DE G. E. LESSING
P. 70. — <i Aber genug, dass ich es sage : Blanca ist unschuldig »
est censé rendre:
... Pero yo lo digo,
Que en mi es el mayor empeno
De la verdad el decirlo,
Que no tiene Blanca parte
De estar yo aqui...
Même page: « Und nur ihr [Blanca], Mylord, haben Sie dièse
Erklârung zu danken », traduit :
Y estad muy agradecido
A Blanca, de que yo os de,
No satisfacion, aviso
De esta verdad ..
P. 70.
Cond.
Cond.
Lessing :
Quîen dixere...
Duq.
Yo lo digo,
No pronnncieis algo, Conde,
Que yo no pueda sufriros.
Qualquier cosa que yo intente...
Der Graf.
Wer darf das sagen?
Der Herzog.
Ich ! Nicht ein Wort mehr ! Ich
will kein Wort mehr hôren, Graf!
Der Graf.
Meine Absicht mag auch gewesen
seyn...
P. 71,
Duq.
Mirad que estoi persuadido
Que hace la traicion cobardes ;
Y assi quando os he cogido
En un lance que me da
De que sois cobarde indicios,
No he de aprovecharme desto,
Y assi os perdona mi brio
Este rato que teneis
El valor desminuido,
Que a estar todo vos entero
Supiera daros castigo.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE 27
Lessing :
Der Herzog.
Denn kurz : ich bin ûberzeugt, das ein Verrâther kein Herz hat. Ich
treffe Sie als einen Verrâther : ich muss Sie fur einen Mann ohne Herz
halten. Aber um so weniger darf ich mich dièses Vortheils ûber Sie
bedienen. Meine Ehre verzeiht Ihnen, weil Sie der Ihrigen verlustig sind.
Wâren Sie so unbescholten, als ich Sie sonst geglaubt, so wûrde ich Sie
zu zûclitigen wissen.
P. 73:
Mirad que ay verdugo en Londres,
Y en vos cabeza, harto os digo...
devient :
« ... so erinnern Sie sich, dass Sie einen Kopf haben, und London einen
Henker ! »
P. 76:
Y assi el secrète averigùe
Enormes delitos, quando
Mas que el castigo, escarmientos
Dé exemplares el pecado.
« Traduction » de Lessing :
« Ausserordentliche Verbrechen werden besser verschwiegen, als bestraft.
Denn das Beyspiel der Strafe ist von dem Beyspiele der Sûnde unzer-
trennlich ; und dièses kann oft eben so sehr anreitzen, als jenes
abschrecken. »
P. li
Rein. Loco amor. — Cond. Necio imposible.
Rein. Que ciego. — Cond. Que temerario.
Rein. Me abatis a tal baxeza —
Cond. Me quieres subir tan alto...
Lessing :
Die Kôniginn. — Thôrichte Liebe I —
Essex. — Eitler Wahsinn.
Die Kôniginn. — Wie blind I —
Essex. — Wie verwegen I
Die Kôniginn. — So tief willst du, dass ich mich herabsetze ' ?
Essex. — So hoch willst du, dass ich mich versteige ?
I. Lessing n'a pas compris que l'antithèse était purement matérielle. Bajeza a ici
son sens archaïque de lugar bajo d hondo. De même, ne comprenant pas la significa-
tion figurée du modisme familier employé par Cosme :
... que tengo tal propiedad
que en un hora, o la mitad,
se me hace postema un cuento,
il le rend littéralement: <( Er kann kein Geheimniss eine Stunde bewahren; er
fûrchtet ein Geschwàr im Leibe davon zu bekommen. >>
28 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE I.HISPAMSME DE G. E. LESSING
P. 85:
« Sollten meine verliebten Klagen zu deiner Kenntniss gelangen : o so
lass das Mitleid, welches sie verdienen, den Unwiilen ùberwâltigen, den
du darûber empfindest, dass ich es bin, der sie fùhret »,
est donné comme l'équivalent de la redondilla que chante Irène :
Si acaso mis desvarios
Uegaren a tus umbrales,
la lastima de ser maies
Quite el horror de ser mios.
P. 86 :
« Eine Liebe, sagt sie [die Kônigin] unter andern, die man verschweigt.
kann nicht gross seyn ; denn Liebe wâchst nur durch Gegenliebe, und der
Gegenliebe macht man sich durch das Schweigen muthwillig verlustig, »
serait l'équivalent de :
No puede haber grande amor
sin ser pagado ; y por eso
fingiô alla la antigùedad
que hasta que creciese Anteo,
que es el reciproco, nunca
crecia Cupido ; luego,
si no decis vuestro amor,
nunca lo sabra el sujeto ;
sin saberlo, no os tendra
reciproco amor, es cierto...
P. 92:
... Con. Segun lo que dixo
vuestra Alteza aqui, y supuesto
que cuesta cara la dicha
que se compra con el miedo,
quiero morir noblemente.
Lessing :
Essex : Wenn denn also, — ^vie Ihre Majestât, und wie ich einràumen
muss ■ — das Gluck, welches man durch Furcht erkauft, — sehr theuer zu
stehen kômmt ; — wenn man viel edier stirbt : — so will auch ich, — ...
P. 93. — Il y a dans le texte original :
Con. (ap.J i Que espero ? —
Si a vuestra Alteza (ap. è Que dudo ?)
Le declarase mi afecto
Algun amor... ;
Le sens est manifeste : Essex, se décidant à insinuer à la Reine que
«son afTection va jusqu'à î'amourj). mais effrayé, néanmoins, par
I. Sujjuesto.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE 29
l'audace inouïe de cet acte, parle en phrases coupées, et les apartés qui
hachent sa déclaration ne servent qu'à mieux révéler aux spectateurs
son hésitation, Lessing, trouvant tout cela obscur, ponctue ainsi :
Con. Que espero,
Si a vuestra Alteza (que dudo!)
Le déclarasse mi afecto,
Algun amor...
et traduit :
Essex: Weil ich hoffe, dass, wann ich — warum fùrchte ich mich noch?
— wann ich Ihro Majestât meine Leidenschaft bekennte, — dass einige
Liebe...
Au lieu, donc, de la période originale, qui commence par une
incise interrogative, se continue par une proposition subordonnée, —
ayant pour sujet mi afecto, — et dont la sentence principale reste
inexprimée par suite de la brusque interruption de la Reine : </ Que
decis?, le critique de la Dramaturgie refond à sa manière la phrase,
comprend que comme s'il y avait porque : porque espero algun amor,
si le declarase d Vuestra Alteza mi afecto et brouille inextricablement
la pensée du comte.
P. 94:
L'espagnol a
Wissen Sie, wer ich bin ? Und wer Sie sind ?
c Quién soy yo ?
Decid i quién soy ?
P- 97 :
Blanca. — Schmeicheleyen, Seufzer, Liebkosungen, und besonders Thrâ-
nen, sind vermôgend, auch die reinste Tugend zu untergraben. Wie
theuer kômmt mir dièse Erfahrung zu steheni Der Graf... Die Kôniginn.
— Der Graf? Was fiir ein Graf? Blanca. — Von Essex. Die Kôniginn. —
Was bore ich? Blanca. — Seine verfùhrerische Zârthchkeit... — Die Kôniginn.
— Der Graf von Essex? Blanca. — Er selbst, Kôniginn.
Ceci traduit :
Blanca. Pues requiebros y suspiros,
Âmores, ansias, finezas ',
Y lâgrimas sobre todo,
I. Tout cela, c'est Liebkosungen, qui, justement, est requiebros, rendu par « Schmei-
cheleyen. n — Un peu plus loin, la jolie repartie de Blanca :
R... Loca estoy,
El afecto me despena :
Esto es zelo, Blanca.
Bl. Zelo,
Anadiéndole una letra,
qui joue sur le double sens du vocable, au singulier et au pluriel, eût mérité autre
chose que le silence de l'incompréhension.
3o CO^'TRIBI TIOIVS A l'ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. I,ESSING
Son, aunque el honor no quiera,
Lima sorda del secrète
En la muger mas honesta.
] Oh, cuân a mi costa supe
Desta verdad la experiencia 1
Porque el Conde...
Reina. ^ El Conde ? Blanca. El mistno.
Beina. (ap.) çQué escucho? Blanca. Gon sus ternezas
De amor... Reina. ^ El Conde de Sex?
Blanca. Si, Senora.
P. 98:
Die Kimiginn. Eifersucht ? — Nein ; blos deine Auffûhrung entriistet raich. . .
pour rendre :
Reina. ,» Que son zelos ?
No son zelos, es ofensa
Que me estais haciendo vos.
Même page :
id. : VVenn ich, — Ich ihn liebte,und eine andere wâre so vermessen,
so thôricht, ihn neben mir zu lieben...
correspond à
Pues si yo al Conde quisiera
Y alguna atrevida, loca,
Presumida, descompuesta,
Le quisiera...'.
P. 1022 :
Die Kôniginn...
Sind Sie der Verràther, Graf ? Bist
du es, Blanca ? Wer von euch war
mein Retter ? Wer mein Môrder ?
Mich dùDkt, ich hôrte im Schlafe 3
euch beide rufen : Verriltherinn I
Verràther !
Reina...
Conde, vos traidor ? Vos, Blanca ?
£1 juicio esta indiferente,
^Oual me libra? c Quai me mata?
Conde, Blanca, respondedme.
c Tù â la Reina ? ^ Tù â la Reina ?
Oi aunque confusamente 3 :
j Ah traidora ! dixo el Conde ;
Blanca dixo : Traidor ères.
1 . Je ne transcris pas le reste de la tirade, également estropié et rendu mécon-
naissable dans la prétendue « version d de Lessing. Voici comment sont interprétés
les deux vers finaux :
Escarmentad en las hurlas,
i\o me deis zelos de veras,
ujetzt slelle ich mich nur eifersuchtig : hûte dich, mich es wirklich zu machen! »
2. J'omets le début du dialogue, glosé vaille que vaille — et dont Lessing,
d'ailleurs, n'a pas donné le texte castillan — pour me borner au passage dont il
rapproche l'original.
3. J'entendis confusément, devient chez Lessing : ('/ me semble que j'entendis dans
mon sommeil.
LESSING ET LA LANGUE CASTlLLAxNE 3l
Und doch kannnur einesvoneuch Estas razones de entrambos
diesen Namen verdienen. Wenn ei- A entrambas cosas convienen :
nés von euch mein Leben suchte, Uno de los dos me libra,
so bin ich es dam andern schuldig. Otro de los dos me ofende.
Wem bin ich es schuldig, Graf ? i Conde, quai me daba vida ?
Wer suchte es,Blanca?Ihrschweigt? i Blanca, quai me daba muerte?
Wohl, schweigt nur ! Ich will in Decidme ! — no lo digais,
dieser Ungewissheit bleiben; Que neutral mi valor quiere,
ich will den Unschuldigen nicht Por no saber el traidor.
wissen, um den Schuldigen nicht zu No saber el inocenle.
kennen. Vielleicht diirfte es mich Mejor es quedar confusa.
eben so sehr schmerzen, meinen En duda mi juicio quede,
Beschiitzer zu erfahren, als meinen Porque quando mire a alguno
Feind. Ich will der Blanca gernihre Y de la traicion me acuerde,
Verràtherey vergeben, ich will sie Al pensar que es el traidor,
ihr verdanken : wenn dafûr der Graf Que es el leal tambien piense.
nur unschuldig war. Yo le agradiciera a Blanca
Que ella la traidora fuesse,
[ap.] Solo a trueque de que el Conde
Fuera el que estaba inocente.
L'épreuve avec VEssex semblera sans doute suffisante, et nous
pourrons nous abstenir de fournir de longues citations tirées du
troisième acle.
P. 107, le fragment du monologue de Cosme est superficiellement
glosé, nullement traduit; p. 109, il en est de même du dialogue entre
Essex et le Sénéchal : à noter : Irazar la muerte rendu par : den Tod...
beschliesseii, ainsi que cette traduction d'une question du Sénéchal :
« Pues (î como cl Duque,
que escuchô vuestros intentes,
os convence en la traicion ? »,
(« Wie kam es denn, dass der Herzog den verrâtherischen Vorsatz aus Ihrem
eignen Munde vernehmen musste? » ; p. 110 :
Sen. ^ Cômo hallado en vuestra mano
Os culpa el vil instrumento ?,
Lessing : « Wie kam es denn, dass sich das morderische Werkzeug in Ihren
Hiinden fand ? » ; même page :
Sen. Pues sabed, que si es desdicha
Y no culpa, en tanto aprieto
Os pone vuestra fortuna,
Conde amigo, que supuesto
Que no dais otro descargo,
En fe de indicios tan ciertos
Manana vuestra cabeza ha de pagar...
est ainsi rendu :
it Der Kanzler : Wenn ailes das Ungliick, und nicht Schuld ist: wahrlich,
Frcund, so spielet Ihnen Ihr Schicksal einen harten Streich. Sie werden
3a CONTRIBUTIONS A LÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E, LESSING
ihn mit Ihrem Kopfe bezahlen mûssen';» p. ii3, Lessing fait dire à la
Reine :
«Der Graf hat mir das Leben nehnien wollen: das schreyet um Rache. »
Il y a dans la Comedia :
El Conde me daba muerte,
Y assi ofendida me quejo;
P. I iZ| : « Was seh ich! » — « Keinen Traum..., » équivaudrait à :
Conde. — ^ Que miro? Reina. — No es sombra^;
P. 122, la Reine dit qu'elle entend que personne ne soit informé de
la mort du comte :
Mas no quiero que lo sepan
Hasta que el tronco cadaver
Le sirva de muda lengua.
Il n'y avait lieu à aucune équivoque: le décapité parlera, à défaut de
langue, par son propre tronc, devenu cadavre, et parlera un langage
qui, pour être muet, n'en sera que plus éloquent. Voici comment Les-
sing arrange ce passage: «Das Volk soll nichts davon erfahren, bis
der gekôpfte Leichnam ihm (le!) mit stummer Zunge Treue und
Gehorsam zurufe.» Ihm rend le, qui se rapporte à cadaver, mais que
Lessing imagine de mettre en connexion avec «le peuple!»
P. 123: «Den Ropf soll der Kanzler... unter einen Teppich legen
lassen,» pour traduire:
Y assi
Hareis que
alli le vean
Debaxo de una cortina.
Pour Lessing, peu importe tapis (alf ombra) ou rideau (cortina). 11
en est resté au stade des « Neue Beispiete » .
Y. « Maranôn. »
Réservant, comme précédemment, pour la Deuxième Partie l'étude
bibliographique et critique, il suffît de noter ici que ce document,
1. Manana est resté en route. Même page. Lessing attribue au comte \e rnalo ex
eslo (^schlimtn genug) de Cosme.
2. Tout lo dialogue entre Essex et la Reine est dans Lessing (p. ni- 120) de la plus
haute fantaisie. Le « traducteur)) n'a certainement possédé qu'une vague intuition de
son texte, dont il n'observe, et au petit bonheur, que la donnée générale, en com-
mettanl les plus lourds contresens. De même, p. 121-122 le raisonnement de Gosme.
LESSIING ET LA LANGUE CASTILLANE 33
publié en 1780 par Lessing et Leiste d'après le texte espagnol et sa
traduction allemande contenus dans un manuscrit de la Bibliothèque
de Wolfenbûttel, sera reproduit par nous, texte espagnol et traduction
allemande, pour la première fois d'après le manuscrit original de cette
Bibliothèque. Les éditeurs de Lessing, y compris M. Muncker, ne
réimprimant que le Vorbericht qui précède l'édition de la relation de
Pedro Cudena, sans toucher, même en note, un seul mot du manuscrit,
leurs lecteurs, ne pouvant entreprendre, pour se renseigner, le voyage
de Wolfenbûttel, se voient réduits à s'en tenir aux déclarations de
Lessing dans ce Vorbericht. Or, voici, entre autres choses, ce qu'on
y trouve : « Was sonst diesen Aufsatz des Cudena anbelangt, so ist
er in sehr misslichen Umstanden bey uns erhalten worden. Das
Spanische Original ist sehr fehlerhaft copiret, und die alte Deutsche
Uebersetzung, die sich dabey fîndet, ist so schiilerhaft und kauder-
welsch, dass der Urheber w^eder das Spanische, noch das Deutsche,
noch die Sachen muss verstanden haben. » Voilà qui est clair.
Écoutons, maintenant, Lessing nous expliquant sa méthode critique.
A coup sur, il s'offrait à lui une occasion unique de fournir, parvenu
au terme de sa carrière, une preuve patente — à la fois première et
dernière — de la solidité de ses connaissances espagnoles. Il eût pu
choisir entre deux procédés, également scientifiques. Ou bien il
publiait intégralement le texte du vieux manuscrit, avec ses graphies
arbitraires et ses fautes écolières de transcription et d'interprétation,
en l'enrichissant, au moyen de notes, d'un commentaire philologique,
dans lequel il eût proposé ses variantes et consigné ses propres recti-
fications. Ou bien il donnait le texte castillan, ainsi corrigé, du
manuscrit, et substituait à la version allemande, « si enfantine et
amphigourique, » une version nouvelle, dont il eût été l'auteur, en
reproduisant dans un appendice les textes primitifs. L'œuvre était
d'une réalisation enfantine. Elle incommoda cependant Lessing à tel
point qu'il se mit en quête d'un aide. « Schwerlich also, dass ich es
der Miihe wûrde werth gehalten haben, ihn meinen Lesern in seinem
ganzen Umfange vorzulegen, wenn mir nicht noch beygefallen w^âre,
das Urtheil eines kundigen Mannes dariiber einzuholen. » Cet homme
compétent, ce fut le recteur Leiste. C'est Leiste qui, s'enthousiasmant
pour le grimoire, va en parfaire, en limer, en fignoler, sous la haute
direction du conseiller de Cour, les corrections les plus importantes.
Lessing n'hésite pas à le confesser : c'a été grâce à cet adroit colla-
borateur que « der Aufsatz selbst, sowohl in seinem Grundtexte, als
in seiner Uebersetzung, um ein vieles leserlicher geworden. Besoa-
ders hat er in der letztern eine Menge Ungereimtheiten verbes-
sert... » Néanmoins, comme cet excellent Leiste n'a pas corrigé toutes
les ((absurdités», mais simplement «quantité» parmi les innom-
brables dont pullule la relation que lui a apportée son ami, voici
34 CONTKIBLTIONS A LÉTLDE DE l'hISPAMSME UE G. E. ],ESS1>G
l'ingénieux expédient qu'a imaginé ce dernier pour tout arranger :
«... einige derselben [der Vergehungen], die selbst einem, welcher
der Sprache nur ein wenig mâchtig ist, sogleich in die Augen fallen,
hat er auf meine Vorbitte stehen lassen, damit es doch nicht an allen
Spuren des alten Wustes fehle : und andere waren zu tief venvebt,
einem andern Mittel, als einer ganz neuen Uebersetzung, weichen zu
wollen, die sich nicht der Mûhe verlohnte. » Il faut que ce soit
Lessing qui l'affirme pour qu'on le croie: émanant d'une plume
moins illustre, semblable explication paraîtrait la tentative la plus
maladroite de jeter de la poudre aux yeux des naïfs et l'excuse, moins
encore rouée que piteuse, d'un ignorant dans l'embarras. On verra de
quelle nature et de quelle importance ont été les corrections de Leiste
et de Lessing. En reproduisant la teneur diplomatique du manuscrit de
Woifenbuttel et en réimprimant en note chacune des corrections, y
compris les corrections significatives de ponctuation, qui émanent de
l'édition de 1 780, nous offrons un moyen précieux de contrôler à l'œuvre
l'hispanisme de Lessing. La conclusion de cette intéressante confron-
tation ne saurait différer de celle que tirait déjà R. Redlich dans sa lettre
précitée à Boxberger, du 3o janvier i883, à savoir que la méthode
hispanique de Lessing atteint dans k Marahôn » son apogée. Elle se
révèle de cent coudées supérieure à celle qu'il avait inaugurée au
début de sa carrière, lors de la fragmentaire tentative de version du
romance de Quevedo. Car, alors, Lessing s'arrêtait à mi-route. Ici, il
est allé vaillamment jusqu'au bout de la redoutable tâche. Mais, à
tant d'années de distance, les résultats ont été identiques. Il ne lui a
manqué, cette fois encore, pour mériter les lauriers de l'hispanisme,
que la connaissance de la langue castillane, et il a terminé ses arides
excursions de cabinet tras los montes comme il les avait inaugurées :
en « Stumper ». Voici, donc, le corps du déht^ :
A Don Gaspar de Gusman' Conde Dem Hochwolgebornen Herrn
de Olivares, Duque de Sanlucar ^ la Don Gaspar de Gusman. Ghraffen
mayor, Marques de Cliché, de Los de Oliùares, Herzogen von San Lùcar
Conseyos d'estadoS, y guerra : i de der grôssem : MarggrafTen von Cli-
Mag') su Cavallerico Mayor, Com- che; Kôniglicher Mayet in Spanien
mendador Mayor de .Vlcantara, y getieimcn Estât, ùnd Kriegs Rath.
Chanciller mayor de las Indias Ober Stallmeister und Ober Gom-
Occidentales 0 Gapitan generad delà mandeùr vonAIcantara, Ghros Canz-
I. Gusmann ; — ;;. San Lucar ; — 3. Virg. sup. ; — '4.: sup. ; — 5. Mgd. ; —
6. Virg. aj.
a. Je ne relèverai dans la traduction allemande de 1780 que les variantes de
vocables et de ponctuation modifiant le sens primitif, laissant de côté les moderni-
sations d'orthooraphe (HocInvohlRcljohrnen. etc.) et quelques changements do
pouctualiou, indiUcrciiU au sens.
LESSING ET LA LANGUI: CASTILLANE
35
Gavalleria de Espana y perpetuo' de
Seuilla-, y su tierra, Alcaide perpe-
tuo de Sevilla-, y su tierra 3 Alcaide
perpétue de losi reaies alcaçaresS
de aquella Guidad6, y de sus
ataracanas/ Aguacil mayor de la
Casa de la contration 8 de las Indias 9
y Cori-eo mayor délias '°.
lernûber Indien, General Capitain
liber die Reûterey von Spanien, ûnd
iïnerwehrender von Sei'iilla, lind
derselben Lânder, iïnerwehrender
Castellan der Kôniglichen Heûser
derselben Sladt, ûnd ihrer Zeug-
heûser. Ober. Inspector des Ost-
Indianischen Handelhaûs. ûnd Ober
Postmeister ûber Indien.
Ex""^ Senor".
Esta relacion brève de grandes
sitios, y esta pequena muestra de
maravillosas obras de naturaleza ' ^ ,
pongo a los pies de V. Ex, '3 por
saber'i que a la grandeza de su
capacidad no es necessaria mas no-
ticia, para q.' '5 le comprenda todo,
ni a la infinidad de tantas occupa-
tiones es razon cargar con prolixos
escritos. Propongo como en tabla, a
dondo sin dano de la verdad '<"',
aunq.'*' conmenos'8 cabo deIa'"J
largueza, se representan los mares
y las tierras, y lo q.'^° he Anisto^',
y experimentado en la costa del
Brasil, dandome por premiado de
todos mis trabaios. Conque ^^ sean
admitados de V. Ex^^o cuya vida sea
la que desseamos sus criados para
aumento de la religion Christiana,
y bien destos Reinos.
Madrid 20. -ide Septemb : ^5 i634
Criado
de-0 V. Ex^^7
Pedko Cudena.
HOCHWOLGEBORNER HeRR.
Dièse kurze Relation von so gros-
sen Lândern. ûnd dièse kleine Dar-
stellûng ihrer wûndex'lichen natûr-
lichen Avùrkûngen. lege ich zû den
Fûssen E. Excell. wol wissend, das
zu ihren grossen verstand sie nichs
mehr zû Avissen nôthig hat, das sie
nicht ailes solte begreifFen kônnen.
soist es avîch nicht billich, bey ihren
vielen hohen geschefften sie zi'i be-
schweren mit weitleûftigen schrifï-
ten. Ich stelle fur gleichsam in einer
taffel, das sie mit grûnd der wahr-
heit daraûs ersehen kan, so wol das
wasser, als das land, ûnd ailes was
ich gesehen, und erfahren hab an
der kûsten von Brasil, und gib mich
selbsten vor eine Avidervergeltûng
aller meiner arbeit, da es nûr wol
wird angenomen werden von E.
Excell : Ghott lasse sie leben, so lang
es ihre diener ' ihr das leben Avûn-
schen, zû aûfnehmûng der wahren
religion, iind diesen Konigreichen
zûm besten. Madrid den 20 Sep-
tembris
i63/i.
E. Excell.
Ghehorsamer Diener
Pedro Cùdena.
1. Perpetuo. ; — 2. Virg. sup. ; — 3. Virg. aj. ; — .'4. las. ; — 5. Reaies Alcaçaros;
— 6. Virg. sup.; — 7. Ataracanas; — 8. Contration.; — 9. Virg. aj.; — 10.: —
n. Senor. ; — 12. Virg. sup.; — i3. Exia. ; — li. Virg. aj.; — i5. que.; — 16. Virg.
sup.; — 17. aunque. ; — 18. con menos. ; — kj. de la.; — ao. que.; — 21. Virg.
sup.; — 22. trabaios conque.; — 23. Exa. ; — 2/1. 20; — 25. Septemb.; —
26. do. ; — 27. Exia.
I. So lange ihre Diener.
C. PITOLLET.
36 COMRIBUTIONS A î/ÉTUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
Discripcion de mil y treinta y ocho
léguas de tieira del esto de Brasil '
conquista del maranon- y gran3
Para pori sus Verdaderos5 rumbos,
y de setenta léguas que tienne de
bocca el Rio de las Amazonas <J q.' esta
en la linea equinocial?, y de qua-
renta y seis léguas s que tienne de
boca el rio de la Plata, que esta en
treinta y seis grados de la banda del
sur delà dicha linea equinocial9,
como todo se muestra a baxo.
En un grado y très quartos de grado
de la banda del Norte de la linea
Equinocial esta el Gabo ' "^ que se dize
del Norte" a do empieca'-* el Rio
de las Amazonas, y la tierra de las
Indias Occidentales '3:5 endôpara ' ^
Lueste ' â en esto Cabo esta un pue-
blo grande d'ingleses '"J y Olan-
deses ' " que labrantabaco, y ' 8 ostros
frutos de la tierra sin contradicion
de nadie.
Del Cabo del Norte setenta Léguas
a la Sueste esta el cabo '9 del Mara-
cana^" que es en la linea Equi-
nocial - ' y en ella empieçan las
tierras de la conquista del Maravon,
y gran -^ Para, y las dichas setenta
léguas son las que tienne ^3 de bocca,
eP'i dicho Rio de las Amazonas de
ancho ^5, en laquai y por el aRRiba ^6
para el sur ^7 ay muchas lias, y una
délias ^8 que se dize delos^9 Jua-
nes 30, tienne setenta léguas de
lai'go, y diez de ancho3', este Rio
se navega nueue cientas léguas, y
à 32 quatro cientas léguas ciece la
marea quatro bracas.
Del Cabo de Maracana al sur su-
Beschreibung der Lânder von
Brasil auf io38 meilen, so erobert
und erfûnden sind worden von
Maranon, und Gran Para' durch
ihre richtige Seeconipas, wie avich
des Elusses de las Amazonas, wel-
cher unter der Eqûinoctial Uni
liget. und 70 meilen hat in seiner
mûndûng, Avie aûch des flvisses de la
Plata, so 46 meilen hat in der mûn-
dûng, und liget 30 grad von der
Uni -Eqûinoctial gegen Sûden. wie
ailes mit mehrern folget :
Aûf I grad und | von der Uni
-Eqûinoctial gegen Nordenistdas end
von Norden ^ . Daselbst fenget an der
flûs de las Amazonas, und das land
von Indien, Avenn man reyset ûber
Lûesteo, an diesen end wohnet ein
grosses volck von Englischen, und
Hollandcrn,Avelcheden Toback zûbe-
reiten, und andre Erûchte des Lan-
des, und ist niomand der es ihnen
Avehret.
Von Cabo del Norte 70 meil gegen
Westeni liget das end von Mara-
cana 5, so da ist unter den Polo G,
und da fangen an die lànder so da
erobert seind von Maranon, und
Grand Para, und dièse 70 meil seind
eben die. so da im umbgreif hat an
der mûndûng der flûs de las
Amazonas, in der breite, ober den-
selben "1 gegen Sûden hat es viel
Insel. darûnter eine genand wird de
los JûanesS, hat 70 meil in die
lenge, und 10 in die breite. Aûf die-
sen Flûs Avird gefahren biss aûf die
900 meil, und aûf 4oo meil wechset
die Eben und flût 4 ellen.
1. virg. aj.; — 2. Maranon.; — 3. Gran.; i. per. ; — 5. verdaderos. ; —
6. virg. aj.; — 7. Equinocial.; — 8. virg. aj.; — 9. Equinocial.; — 10. virg. aj.;
— II. virg. aj.; — 12. empieça. ; — i3.;; — j/i. y en do para.; — i5. Sueste.;
— 16. Ingleses. ; — 17. virg. aj.; — 18. labran tabaco y.; — 19. Cabo.; — 20. virg.
aj.; — 21. id. ; — 22. Maranon y Gran.; — 23. tiene.; — 2^. boca el. ; — 25. .;
— 26. arriba. ; — 27. Sur. ; — 28. virg. aj.; — 29. de las. ; — 3o. ;; — 3 1 . ;; — 32. a.
I. von Maranjon und Grand Para [Lessing-Leiste impriment tantôt Maranon,
tantôt Maranjon.]; — 2. ist das sogennante Cabo del Norte; — '^. gegen Sûdost; —
/j. gegen Sudost; — 5. das Cabo del Maracana; — (3. unter der -Eqûinoctial =
Linie ; — 7. In und iïber demselben ; — 8. de las Juanes.
LESSl>G ET LA. LA:SGUE CASTILLANE
37
duesle' treinta y çinco^ léguas
esta la Guidado de Navidad del
grani Para 5 en dos grades australes tj ,
es gobierno sugeto al Maranon " :
dcl Cabo Maracana ciento y viente
léguas a leste 8 quarta a Sueste^^
esta el cabo ' ° de Cuma en dos grados
australes, y en el empieca la boca
del Rio Maranon, que tienne viente
léguas ' ' de costa ay muchos rios
caudaloses'^, los seis principales se
dizen ' 3 , Cutipura , Caite ' i gua-
ropi ■ j, Gara vata '6, Inri ' 7, Guma ' 8,
perono'O tienen portos ^° porq.'-'"
ny^^ muchos baxios, y poco fondo.
Del Gabo de Gunia veinte léguas
a Testées quarla al Sueste^i esta el
Gabo de la Perea^5 en dos grados
australes, y es la boca del dicho
Rio^<i y en alla esta la Isla, que
tienne quinze léguas de largo, y
diez de ancho-", a do esta la cin-
dad^ï> cabeca^9 del Maranon y enS»
la misnia altura. Del Cabo de la'
Perea ciento y viente léguas a
Teste 3' quarta al Suesteo^ en la
misina altura esta el cabo, y Rio de
Siarâ, y en ellos muchos Rios 33, los
principales se dizen 34, Para 35
Camosi, leracoaquara, cororuibe36,
Modoita, Pernambuco, SiariâS" :
a qui haze una ensenada 38 a do esta
el pueblo3(t, y Gastillo4° que se dize
Santingo deste goûvernoi' de
Siara '1^ que es sugeto al Maranon -t3
en la dicha costa no ny^'i puertos
para basceles, y en la ensenada del
Siarâ dan fondo todos los 43 que
quisieren. Desde Siarâ cien léguas a
Von Gabo de Maracana 35 meilen
gegen Sv'id Siidwesten ist die Stad
darinnen geboren ist der Gran Para,
auf 2 grad gegen Sùden, und ist
dem Maranon ûnterAvorlTen. Von
Gabo Maracana 120 meil gegen Sùd-
westen liget el Gabo de Gùma aiif
2 grad gegen Sûden und daselbst
fenget an der mùnd des flûsses Ma-
ranon so da 20 meil in sich hat.
an der Kûste seind noch andere
schnelle strôme. die 6 fûrnemsten
davon werden genand Gulipûra,
Gaite, gûaropi, Garavala, Inri',
Gùma, sie haben aber keine hafen,
denn es viel klippen ^ hat, und
wenig griind.
Von Gabo de Gùma 20 meil von
Sùden zu Sùdwesten liget el Gabo
de la Perea aùf 2 grad Sùdwerts,
und ist der mùnd des vorgemelden 3
stroms und bey denselben^ ist die
Insel, so da i5 meil lang ist, und
10 breit, dar ist die Haiïptstadt des
Maranon, und in derselben hôhe.
hùndert und zweinzig meil von
Gabo de la Perea gegen West Sùd-
w^est5 in derselben hôhe liget das
end 6 und der flùs von Siarâ?, und
hat noch viel andere flùs. die fûr-
nemsten werden genand Para Ga-
mosi, Teracoaqùara, Gotoruibe 8, Mo-
doita, Pernambuco, Siaria'.'. Hier
machet der Flùs einen Busem. da
leùt wohnen. und ist ein Gastell, so
genand wird Santingo. gehôret
unter das Goùùernement von Siara,
und ist unterworffen dem Ma-
ranon, an denselben strand hat es
I. Sur Suduesle. ; — 2. cinco. ; — 3. Ciudad; — /i. Gran.; — 5. virg. aj.; —
(3.;; — 7-; —8. virg. aj.; — 9. virg. aj. ; — 10. Cabo.; — 11..; — 12.;; — i3. virg. sup. ;
— i/j. virg. aj. ; — i5. Guaropi; — 16. Gara vata; — 17. Turi; — 18.;; — 19. pero no;
— 20. virg. aj.; — 21. perque; — 22. ay; — 28. leste; — a/i. suestc; — 25. virg. aj.;
— 2O. id. ; — 27.;; — 28. ciudad; — 2g. cabeça; — 3o. Maraiion, eu; — 3i. leste, —
32. Suesta; — 33..; — 34. virg. sup.;— 35. Para; — 36. Gororuibo; — 37. Siarà. ; —
38. virg. aj. ; — 3(j. virg. sup.; — 4o. virg. aj.; — 4i. governo; — 42. virg. aj.; —
43..; — 44. ay; — 45. virg. aj.
I. Turi; — 2. Sandbànke; — 3. vorgemeldeleu ; — 4. in demselben ; — .'>. gegeit
Osl gen Sud; — 6. das Gabo; — 7. Siara;— 8. Para, Camosi, leracoaquara, Coro-
ruibe; — 9. Siara.
38 COMRIBLTIONS A LÉTUDE DE l'uISPAMSME DE G. E. LESSING
les sueste' esta cl Cabo de Peran-
duba^, aqui acaba el destrito del
Marailon, y empiecaS el del Brasil,
y en esta costa ay muchos Rios^,
los principales son tresô y sedizen,
longarribe'i, Gon mare", y de la
Miel.
Y estos très gouvernos del Para,
Maraùon, y Siarâ, ticncn de Dis-
tricto trecientas y noventa y dos
léguas, y en particular no esta çeua-
ladoS a cado uno lo que ha de
tenerO, valen los diezmos'°, dellos
dos mil escudos de diez Reaies ' '
tienen'^, de Cargas quarenta mil
escudos. Vale cl Comercio jîarti-
cular dellos quarenta mil escu-
dos, que se compone de Algodon,
tabaco, açucar, madera, y otros
generos ' 3 y tienen yados ' -' ingenios
de açucar, y buenas ' t tierras para
hazer otros ' '"', y se pueden fabucar' 7
cado anno en Estos ' t; gobiernos doze
Galeones de a mil tonelado ' '' cada
uno^", y doze de a seis ccntas tone-
ladas cada uno, y pueden venir car-
gados de maderas lauradas ^ ' para
hazer otros Galeones en Espana-^
por que ^ 3 ay muchas, y muy buenas,
y faciles de traer a deserbiere de
hazer la fabrica, y costaran quatro
mil escudos de a diez rcales cada
cien tonncladas^'i por el precio de la
tierra benefîciado este precio la mi-
tad menos.
keine Hafen vor die Schif in dem
busem del Piara ' kônnen so viel,
schif ligen, als niir wollen. Fùnf
meil von Siara gegen Sùdwesten^
liget el Cabo de Perandùba. hier
endiget sich das gebiet des Mara-
ùon. und fenget an das land von
Brasil, an Dieser kûsten bat es auch
viel fliïs, der fiirnemsten scind
3 und werden genand longaaribe,
Gonmareo, und de la miel.
Dièse 3 Goiuîernement, des Para,
Maranon, und Siarâ haben in umb-
kreys 392 meilen. und ist nicht
absonderlich abgetheilet. Avas ein
ieder haben soll. die zehenden brin-
gen 2000 Gronen zû 10 Realen, was
geladen wird av'if schif, bringet
4o 000 Gronen, an baùmwoUcn.
Toback. Zucker. und Holz, und
andere wahren, und haben Zweyer-
ley art Zûcker^, und ein gut land
noch j ander art zù machen : es
kônnen iâhiUch in diesen lilndern
gebaiiet werden 12 galeonen, einc
iede von 1000 lastC, und 12 von
denen die 600 last tragen. und kôn-
nen geladen werden mit ziibereiteten
holz, umb andere galeonen zii
machen in Spanien. dann des holzes
viel ist, und aûch sehr gi'it, und kan
gebi'aûchet Averden zû was man niir
will. ein solch gebaû zii machen wird
kosten 4ooo Gronen zù 10 Realen
iede 100 last. wegendesgiUen kaiïITs
im land. kan man c^; die helfte
geringer haben.
Brasil.
Von Gabo de Perandùba, aldar
anfenget das gebiet von Brasil nach
Brasil.
Del Gabo de Perandùba ^5 a do
impieca el estado del Brasil, a les
I. Lessueste; — 2..; — 3. empieça. ; — 4..; — 5. virg. aj.; — U. sedizen longaaribe;
— 7. virg. sup. ; — 8. evalado; — 9..; _ lo. virg. sup. ; — n. virg. aj. ; — 12. virg.
Slip.; — i3.;; — li. ya dos;— i5. Luonas; — 16.;;— 17. fabricar; — 18. estos; —
19. toneladas; — 20. le membre de phrase qui suit est supprimé dans Lessing-Leiste
jusqu'à : y pueden; — 21. virg. aj.; — 22.;; — 28. porque; — ai virg. aj.; —
25. Virg. aj.
I. Siara; — 2. Uogen Ost Siid Osl; — 3. Goraraare; — 4. zwey Zucker = Mûh-
len; — 5. uni.; — G. Leistc s'est aperçu qu'une Last valait deux toneladas el a
corri^^é l'erreur p. 89 de l'cd. de 17S0. aux Anmerkungcn: « Tonnen, nichi Laslcn, %\ie
in der Deutsclien Uebersetzun^ stehel. v,
LESSTXG ET LA LANGUE CVSTFLLANE
3d
Sueste ' quarenta léguas esta la forta
leza ^ del Rio grande 3 en cinco gra-
des australes, y seriada deagun 'i toda,
5 desde ally a média légua esta la Cui-
dad de los Reyes, que es gouuiernoS
sugeto al Brasil, y tiene sinquenta
léguas de destricto por la marina, y
quatro puertos 6 que se dizen Rio
grande, Punta negra, Puerto de
Busios, y Bahia fermosa 7 de très y
quatro braças de baxamarS. Su
commercio es interiorl^i y se com-
ponede genado'" algodon' ', açucar,
y ambar. Ay dos ingenios de açucar' ^
valen los diezmos seitecientos '3 y
cinquenta escudos, y las cargas
miene mil escudos ' 4 : es govierno
del Rey.
Rio Grande.
Sinio'5 léguas deste'O instillo
para el norte estansos ' 7 baxios q. se
dizen de san Roque. Sessanta léguas
deste ' 8 Castillo a les ' 9 ISordeste
esta la isla de Fernan de^° Norona,
a dondelos^' Olandeses ^ ^ van hazer
aqua, y refréscar de carne, que tiene
muchas, y cspalmar sus baxeles^S
para ira ^ i robar à la Costa del Brasil,
y a las Indias Orientales ^ 5 tienne
muy lindo puerto para ello —
Parayba.
Del Rio grande al susneste^'i qua-
renta léguas esta elcabo^V Blanco, y
antes del quatro léguas esto^^* el Rio
de la Parayba y en el el fuerte del
cabedelo'O y del a 3° quatro léguas
por el Rio arriba la Ciudad de fili-
pea3' de Nuestra Senora de las
Siid westen '^ 4o meil liget die Ves-
tiîng del Rio Grande aùf 5 grad
gegen Suden ist ganz mit wasser
beschlossen. und von dar eine halbe
meil ist die. dieKônigs Stadt, Avelche
tmter Brasil gehôret, bat 5o meil in
seinen district nach der Sec zvî, und
k Hafen, welche genand werden Rio
grande, Pùnta negra, Puerto de
Bûsios, und Bahia fomosa^ von,3|^
ellen niedrig wasser. der handel ist
innerhalb des lands an viehe, wolln,
zùcker, und amber. Es bat zweyerley
art zùcker 3. die zehenden davon
bringen 65o Gronen. und die ladimg
komet aùf looo Gronen, ist das gebiet
des Kônigs.
Rio grande.
fùnf meil in dieser gegend gegen
Norden seind die klippen welche
genand Averden de San Roque. 6o
meil von diesen Castel nach Nord-
westen i ist die Insel de Foman de
Norona, da die Hollànder frisch
wasser holen, und aùch mit fleisch
sich proviantiren. dessen die Insel
viel hat. bessern aùch ihre schif dar
aùs, das sie gar lîber fahren kônnen
nach der kùsten von Brasil, und
nach den Orientalischen Indien 5 . bat
aùch einen gùten Hafen.
Paràvba.
Yon Rio grande Uav, esten <j
4o meil liget el Cabo t». ico, und
4 meil vor denselben ist der flùs de
la Parayba, und in denselben die
schanz del Gabedelo, und 4 meil von
dar ùberV den strom hinaùfwerts
die Stadt von Filipea : welche zù den
I. Lessueste; — 2. forlaleza; — 3. virg-. aj.; — h- agua; — 5. gouierno; — G.virg.
aj.; — 7. virg. aj.; — 8. baxa mar ; — 9. virg. aj. ; — 10. id.; — 11. algodan; — la..;
— i3. sei centos;— i/j.;; — i5. Sinco; — iG. desde; — 17. estan los; — 18. desde;
— 19. Les; — 20. da; — 21. donde los; — 22. Olandoses; — .■î3. baxeles; — ih- ir a;
— 25. virg. aj. ; — 26. Susneste; — 27. Cabo; — 28. esta; — 2g. Gabedelo; — 3o. de
la: — 3i. Filipea.
I. nach Oslsiidosl;— 2. fermosa;— 3. zwey Zùcker- Mi'ililen;— 4. nach Oslnord-
ost; — 5. das sie, um zu rauben. nach der Kiisle von Brasil, und nach Ostindicn
fahren kônnen; — G. nach Sud gen Ost; — 7. eben.
^O CONTRIBUTIONS \ I.'f.TUDK DE T. 'hISPAMSME DE G. E. LESSING
Nienes ' que es gonierno ^ sugeto
al Brasil, y esta en seis grados, y dos
tercios de grado, y tienne viente
legas de destricto por la marina, y
dos pnertosS que se dizen Parayba.
Baliin '" de la traycionô de quatro
liracas de fondo de baxa mari>, Su
comercio vale seis cientos mil escu-
dos y se compone de açucar, tabaco,
palo Brasil, algodon, y otros generos
inenudos", Cargan en el trienta
iiamosS cada aiïo para Portugal de
los frutos de la tierraO, Valen los
diezmos cada ano diez mil escudos,
Tienne de cargas seis mil escudos '° :
l'uedense fabricarcada ano dos navios
de a Irecientas ' ' toneladas cada uno,
sin hazer daiîo a los ingenios, j tienne
viente y quatro ingenios de açucar.
Itamaracâ
Del cabo Blanco viente y ocho
léguas al susneste ' ^ esta el Cabo de
san augustin'3 en 9 grados: entre
estos cabas en ocho grados esta la
Isla de Itamaracâ, y en ella la Villa
de Nuestra Senora de la concepcion,
que es gouvierno del Conde de Mon-
santo ■ '1 y sugeto al del Brasil, y entre
esta Villa y la Parayba aydos '5 puer-
tos'15 sin el de la Isla principal '7
capazes de navios de todo fondo,
que se dizen Puerto de los fran-
ceses'8, y Catuama'9 tienne treze
léguas de destricto por la marina :
Vale su comercio trezientos mil escu-
dos, y se compone de lo mismo^"
que el delà Parayba, a donde" y
a Pcrnambuco^^ van los frutos a
cargaraS, y aqui cargan solamente
quatro navios para Portugal al ano
de a ciento y viente toneladas cada
uno'i. valen los diezmos siete mil
land Brasil gehôret.liegetaûfô.? grad,
und bat 20 meil in umbkreys, nach
der Seekant, und 2 Hafen. Avelclie
genand werden Parayba, und Babia
de traycion, bat 4 ellen tief ^vasser.
die handlûng bringet -iiL Cronen.
und ist von Ziicker, Toback, Bra-
silisch Holz, baûm^vollen, l'ind andere
kleine wahren. Sie beladen iJo ' scliif
iahrlich vor Portûgall von den frûch-
ten des landes, die Zehenden komen
iahrlich aûf -IIL Cronen, von den la-
dûngen 6000 Cronen. Es kônnen
iahrlich gebaûet werden 2 schif ein
iedes von 3oo last, und thût der
Hôlzûng keinen schaden, es hat aûf
24 erley art Ziîcker^.
Itamaracâ.
28 meil von Cabo Blanco nach
Sùdwesten liget el Cabo de San
Augustin aûf 9 grad.Zwischendiesen
beeden aûf 8 grad liget die Insel von
Itamaracâ, und aûf dei'selben das
Schloss Unserer lieben fraùen der
Empfengnùs, Avelches besitzet der
Ghrafi" de Monsanto, ûnd gehôret zu
Brasil. zAvischen diesen Schloss ûnd
la Parayba hat es 2 Hafen ohne den
von der fûrnemsten Insel 3, ûnd
kônnen schife darinnen ligen, so
gros sie aûch sein môgen, und wer-
den genand der Hafen der Franzosen,
und Catûamai, begreiftt i'6 meil in
district, nach der Seekant. der Handel
bringet -^ Cronen. ûnd hatoben">
die Avahren. A\elche da hat der Flûss
Parayba, an Avelchen ort. wie auch
zû Pernambûco sie die frûchte einla-
den. ûnd hier laden nûr 4 schif
iiihrlich vor Portugal, von 'lO last
I. naciones; — 2. gouierno; — 3. virg. aj. ; — 't. Bahia ; — 5. virg. aj. ; — 6..; —
7..; — 8. naves; — 9..; — 10..; — 11. trecienta; — is. Susneste; — i3. Augustin; —
i4. virg. aj.; — 15. ay dos. — i6. virg, aj. ; — 17. id.;— 18. Franceses; — 19. Catuaina ;
— 20. virg. aj,; — 21. ,; — 22. id. ; — 28.;; — 24...
I. 20; — 2. auf 2'i ZuckertiMiihlen ; — .S. otine dem fûrnemsten der Insel;
4. Catuaina: — j.eben.
LESSING ET LA. T.AXGtE CVSTTfXANE
^.t
escudos al aîïo, y tiene de cargas
none cientos escudos a raùo ', tiene
deze ocho ingenios de açucar^, pue-
dense fabricar cada ano des 3 baxelles
de atrezientas 't toneladas.
Pernamhuco.
Quatro léguas para cl sur') de
la Villa de Nuestra Senora de la con-
ception'', esta la Villa de Olinda,
cabeca " del Gouvierno de Pernam-
buco, que es de Duarte, de Albu-
guerq.8: y mas al sur 9 una légua
supuerto '° en ocho grados y medio,
y se dize el Arrecife ' ' de très braças
de fondo ' ' todo es sugeto al Govierno
del estado del Brasil ' 3 ; Tienne sin-
quenta léguas de dislricto ' 'i , su com-
mercio se compone de lo mismo ' j
quuel'G delà '7 Parayba, y Itama,
raçà'8 y e estima cada ano en dos
milliones y medio sin los retornos '9
solo de los frutosde la tierra, porque
tienne ciento y sinquenta ingenios-
de açucar 2", y valen los diezmos sin-
quenta mil escudos al ano, y tienne
de cargas quarenta y sinco mil escu-
dos^'. Cargan para Portugal todos
los aîïos.
Ciento y Viente - '' baxelles de a
ciento y viente toneladas ^3 : Del
Cabo de San Augustin quarenta
léguas al Suduestequartadel sur esta
el Rio de San Francisco en diez gra-
dos y medio, y en esta Costa muchos
Rios^i, los Principales ^5 son siete,
que se dizen, Pouicari^*', Una légua
del a leste ^7 esta ^ 8, la Isla de san
Alexa, Rio Serinaem una^'i Rio Icr-
ein iedes schif, die Zehenden komen
iiihrlich auf 7000 Cronen, lind die
ladiingjjringot 900 Cronen iàhrlich.
es bat 1 8 erley art Zûcker ' . es kônnen
gebaûet werden iàhrlich schif ^ von
3oo last.
Pernainbiico.
Vier Meil nach Sûden von den
Schloss Unserer 1. fraûen der Emp-
fengmîs ist das Castel de Olinda, da
sich anfenget das goùûerncment von
Pernambûco3, Avelches gehôret dem
Diiarte de Albùqiîerqiïe, ûnd bcsser
nach Sûden i meilistderhafenaûf 8 i
grad, und wird genand el Arrecife.
bat avif 3 ellen grûnd. gehôret ganz
zû den Goûûernement von Brasil,
hat 5o meil in ûmbkreys. der Handel
ist eben der. welcher ist zd Parayba,
ûnd Itama '1 , wird iàhrlich geschetzet
aûf 2 I million, ohne was zu rûck
komestj,nûralleinvonijdenfrûchten
des landes, es hat hûndert und fûnf-
zigerley art Ziîcker/. die Zehenden
komen auf J^^ Cronen des Jahrs, die
ladiîng aûf £1 Cromen. Es werden
vor Porliigall beladen 120 schif, von
120 lasten. Von Cabo de S. Augustin
4o meil nach Sûd-Westen von 8 Sû-
den ist der fli'is von S. Francisco 9 aûf
10 i- grad, ûnd an solcher Kûsten hat
es viel fliis-der fûrnemstem sind7.
welche genand werden Poûicari '"
eine meil von dar nach Westen ' ' ist
die Insel von San Alexa, Rio Seri-
naem, Rio fermoso, Sonto Antonio,
Miri ■ ^, Santo Antonio a Su' 3, Cama-
ragibe. ûnd nahe dabey el Rio San
Francesco, welcher /l meil breit ist.
I. al. ano; — 3.;; — 3. diez; — '|. a trezienlas; — 5. Sur; — fi. Conception; —
7. cabeça ; — 8. Albuguerque; — 9. Sur; — 10. su puerto ; — u. virg. aj. ; — 12.;; —
10..; — i.'i.,; — i5.,; — i6. que, quel; — 17. de la; — 18. Itamaraçâ; — 19.,; —
20.;; — 21. escuidos; — 22. todos los afios ciento y viente...; — !?..; — 2^.;; —
25. principales; — 2C. Poiucari; — 27. Leste; — 28. virg. sup. ; — 29. Rio Serinaem,
Rio fermoso.
I. 18 Zucker^Mùhlen; — 2. jahrlicli 10 schiff; — 3. die Hauptsladt des Gouver-
nements von Pernamhuco; — .'i. Itamarika; — 5. ohne was zurûck kommt; — 0. bey.;
— 7. hundert und funfzig Zucker =Muhlen ; — 8. gen. — 9. S. Francesco; —
10. Pojucari; — ii. Ostcii ; — i t. Sanlo Antonio Miri; — i3. Santo Antonio Guacu.
/.3
CONTRIBUTIONS A I, KTUDE DE L HISPAMSME DE G. E. LESSING
moso, Santo Antonio Miri, Santo
Antonio a su ' y Camaragibe ^ y
luego dreho Rio San Francisco 3
qui tienne quatro léguas de ancho,
y en el acaba el destricto de Pernam-
buco, y todos eslos Rios no son
cupazes '■> de tcner en si baxales â
parq/'j tiennen poco fondo.
Sirigipe del Rey.
Del Rio San Francisco viente léguas
a Suedueste y quarta al Vueste esta
Sirigipe del Rey enonze " grados
australes 8 y en el Rio de la Ciudad
de San Christoual, que es govierno
del Rey y sugeto a del Brasil, y en
esta Costa 9 es la ensenada, que se
dize de Unzia barriles "^ muy nom-
brada por su peligro ' ' tiene qua-
renta y miene léguas de destricto
par la marina'^, su comercio se
compone de tabaco, ganado, algo-
don '3, tiene unas minas de métal ' ''
que es entre plata y estano, que se
dize tutunaya '5, los diezmos van
inclujdos con los de la Bahia de
todos Santos, tiene de cargas qui-
nientos escudos.
und bey denselben hôret aùf das
Land von Pernambûco, und aile dise
flûs liônnen keine schif lassen, weilen
sie wenig grùnd haben.
Sirigipe del Rey.
2o meil von Rio S. Francesco nach
Sûdwesten,zù ' Weslen liget Sirigipe
del Rey aùf 8 grad Sùdwerts, und an
den Flûs die Stadtvon S. Christoi'ial,
Avelche die Residenz ist des Konigs ^ ,
und gehoret zu Brasil, an diesen
Kûsten ist der bùsen so genand wird
Unziabarriles3,sehrberûhmt, wegen
dergefahr hat.. 4o meil in ûmbkreys
nach der Seekant. der Handel so
gefûhret wird, ist von Toback, viehe,
Baumwollen. es hat aûch einige
Bergwerk. ist halb silber lind halb
Zin, wird genand tûtiinaga '-*, die
Zehenden werden eingeschlossen mit
denen von Bahia de todos Santos, die
Ladûng bringet 5oo Cronen.
Bayhia de Todos Santos.
De Sirigippe del Rey treinta y
sinco léguas al Sud = ueste esta la
Bahia de todos los Santos' 0 cabeça
del estado del Brasil, que'/ es el
Rey '8 de la punta de San Antonio
una légua al Norte esta la Cuidad
del Salvador entrece grados austra-
les'9 y desde la dicha punta san
Antonio ^° seis léguas al Sudueste
quarta al Veste, que es lonnicho de
la boca de la Bahia ^^ haze la punta
Bahia de todos Santos
Von Sirigippe del Rey 35 meil
nach Sûdwesten liget la Bahia- de
todos los Santos und fenget sich an
das land von Brasil, und ist el Rey
de la piinta de San Antonio 5. 1 Meil
nach Norden ist die Stadt del Salva-
dor, auf i3 grad gegen Sûden vînd
von gedachter spiz San Antonio
0 meil nach Siïdwesten welches die
Hôlung ist von der mùndûng de la
Bahia, machet die spize abweichen'î.
I. Santo Antonio guaçu ; — 2. virg. aj. ; — 3. Francesco; — 4. capaces; — 5.,; —
6. porque; — 7. en onze; — 8.,; — 9. costa; — 10.,; — 11. perigio; — 12.;; — i3.;;
— i4.,; — i5. Tutunaga; — iG.,; — 17. que; — 18.;; — 19.,; — 20. id. ; — 21. id.
I. gen ; — ■'.. welche ein Gouvernement des Konigs isl; — 3. Unzia Barriles; —
4. Tutunaga; — 5. ... la Hahia de Todos los Santos, das Haupt-Gouvernement von
Brasil, welches dem KiJiiigu gehort. Von der Spitze de San Antonio, i Meil etc. ; —
6. Le traducteur ancien avait lu, au lieu de Tinharé, desviarse, et Lessing-Leiste, n'y
comprenant rien, modiflent : und von gedachter Spitz San Antonio bestinimen 6 Mei-
len nach Siidwesl gen West, quer iiber die Miindung gemessen, die Breite der Bay.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE
43
de finare' '* y en esta costa esto^ el
Rio JapacuraS y el Rio Real, y la
torre de gracia de a Villa i, y unas
d'unasô d'arenaC blanca, a que se
dize Savanas7 y una Islai^ que se
dize lapoamO y cerca délia el Rio
Vermeio, tiene quarenta léguas de
destricto perla marina, dospuertos,
el principal de seis bracas de baxa-
mar, el oltro se dize Ioagripe'°,
tiene poco fondo ' ' su coniercio se
compone de açucar'^ tabacor'3
algodon, palo Brasil'i, y incavan-
da'ô ambar'ij aziete de Valenas, y
se estiman en dos milliones ' " de
que cargan cada Ano ' S ochenta
baxelles de a ciento y viente tonela-
das cada uno '9: Ay ochenta ingé-
nies de açucar^°: Valen los diezmos
sessenla mil escudos, en que van
incluydos los de los dénias goviernos
del Sur ^ ' : Puedese fabricar cada
aiïo en la Bahia una nao de la ^ ^
India, oquatro^o Galeonesde a ocho-
cientas toneladas cada uno ^ '-* sin
danois a los ingenios.
und auf dieser kûsten ist der flûs
Japacûra', l'ind Rio Real, und der
Thûrm de la gracia eines Schlosses,
und einer bey den andern von
weissen sand ^, daher es genand
wird Savana, und eine Insel, welche
genand wird lapoamS, ùnd ùmb
dorsclbigci der flus Vermejo, hat
4o meil in BegrifT nach der Seekant
zù, 2 hafen, der fûrnemste von
6 ellen niedrig wasser. der andere
wird genand loagiineS, hat Avenig
grvind. die handhing ist von Zùcker,
Toback, baumwoll, BrasilienholzO,
amber, ôhl von Valenas", und wird
geschezet aûf 2 million. Davon laden
sie ialirlich 80 schif von hûndert
und zwanzig last ein iedes. Es hat
80 erley art ZûckerS. Die Zehenden
koinen aûf ^^ Cronefi, damit aûch
eingeschlossen sind die von der Re-
gierùng gegen Sûden. Es kan ialir-
lich gebaûet werden in Bahia ein
schif von Indien, oder 4 galeonen
von 800 last ohne schaden der Hôl-
Isleos.
De la punta de Tinare veinte y
çinco^O léguas al Sur en catorze
grados, y dos tercios de grado^/
esta la villa de san lorge, que el del
govierno de los Isleos de francisco ^ 8
de Sa a ^9 de Meneses, y en estas
viente y sinquoSo léguas esta el
morro de San Paulo, y el iamamu3'
tienne sinquenta léguas d. 3^ des-
tricto, très puertos capazes de navios
de quatrocientas toneladas, y se
Isleos.
Von der Spiz de Tinare ^ meil
nach Sûden, auf i4 | grad ist das
Schloss von St. GhôrgO welches ist
von der Regierving de los Isleos, de
Francisco de Sa. oder von Meneses.
25 meil davon ist. der fels von St.
Paul, ûnd Camama'°. der Begriff
ist von 5o meilen ûnd hat 3 Hafen:
welche schif von 4oo last herbergen
kônnen, ûnd werden genand tambe,
pejtepe". der Handel Avird getrie-
I. Évidemment, il faut lire -.que es lo ancho de la boca de la bahia, hay la punta de
Tinharé; — i".;; — 2. esta; — 3. Tapicura; — ',. Garcia de Auila; — 5. duiias; —
G. de arena; — 7.,; — 8.,; — 9. Tapoam ; — 10. leguaripe; — n..; — 12.,; —
i3. tabaco ; — i4. virg. sup. ; — i5. incarauda ; — 16.,; — 17. id.; — 18. ano; —
19..; — 20. id. ; — 21. id. ; — 22. delà; — 28. o quatro; — 24.,; — 25. dano; —
2G. Sinco; — 27.,; — 28. Francisco; — 29. 6 ; — 3o. cinco; — 3i. Camamu; — 32. de.
I. Tapicura; — 2. und der Thurm de Garcia de Avila, und einige Dùnen von
weissen Sand; — 3. Tapoam; — !i. dieselbige; — 5. leguaripe; — 6. Lessing-Leiste,
qui lisent incaranda dans le texte castillan, se sont bien gardés de traduire ce terme,
omis par l'ancien traducteur; — 7. von Wallfisclien; — 8. 80 Zucker =Mulilen ; —
9. von St. Gorge; — 10. Camamu; — ir. Tanabe Pecitepe,
CONTRIBUTIONS A I. ETT DE DE L HISPANISME DE G. E. LESSÏNG
dizen Isleos, tam be pecitepe ' : Su
comercio interios^ se compone de
açucar, palo BrasilS tabaco, algodon,
V harinas de palo deq.'-i se haze el
casane5, quatro ingenios de açucar*)
y quinientos escudos de CargasV
Puedense fabricarS cada aîioO
quatro Galeones de a quatro cientas
toneladas cada uno, sin dafio'°
a los ingenios —
Puerto Seguro.
Delos ' ' Isleos treinta y sinco lé-
guas al sur esta puerto seguro ' ■*, y
en dicho puerto se hazen très Rios
todos capazes de baxeles de todo
fondo, porq. '3 tienne diez braças'4
de baxamar'a el uno sellatna'iJ
santa Crux ' " donde estubo la pobla-
cion antiga ' i^ Lo del medio esta la
poblacion nuova, y en medio deste
Govierno de puerto ' 9 Seguro q' ^ o
esta en deziseis grados y medio (: ^ '
y es de Don Alfonso de Lencastre
Hermano-' del Ducque de Aveiro'^3
y tienne en el titulo de Marques :) y
los Isleos '"i ay très Rios, el uno se
dize Rio grande, Guriruiq.'^ô, Santo
Antonio, tiene sinquenta léguas de
destricto por la marina -'O, su comer-
cio es de algodon, tabaco, y maderas
y palo Brasil, tiene quinientos escu-
dos* 7 de Curgas'8. Puedense fabri-
carcadaAno"J quatro Galeones de
a ocho cientas toneladas cada Uno3'\
y su govierno es sugcto al del Brasil.
Espirito Sanlo.
De Puerto Seguro Viente y sinco
léguas al Sur esta del 3' Cabo de
Gorumbabo, y del dicho Gabo treinta
ben von Zûcker, Brasilien holz.
Toback; ûnd baiimwollen, aûch
sand ' von Brasilien holz, es hat
viererley art Zûcker'. die ladûng
bringet 5oo Gronen. Es kônnen
iahrlich gebaûet werden 4 Galeonen
zù 4oo last. ein iedes. ohne schaden
der holzi'ing.
Puerto Seguro .
35 meil von Isleos nach Sûden ist
der Hafen Seguro, und in diesen
Hafen samlen sich 3 flûs, darinnen
ligen kônnen schif von allerley
grosse, denn die tiefe ist lo ellen
Avasser. der eine wird genand Santa
Cnix, da die al te colonien gewesen
seind. in der mitte seind die ncûe
Golonien, und mitten in land ist
der Hafen Puerto Segiiro liget aûf
i6 y grad, ûnd gehôret de m Don
Alfonso de Lancastre. so ein Brûder
ist des Herzogs de Aveiro, und hat
den titre eines MarggrafFen. wie
avich los Isleos, begreifft in sich
3 flûs. der eine wird genand Rio
grande. BûrirûiqiieS, Santo Anto-
nio, hat 5o meil in Begriff. nach der
Seekant. die Handlûng ist von baûm-
woUcn, Taback, bretern, ûnd Brasi-
lisch holz, die ladiing bringet 5oo
Gronen. Es kônnen iahrlich gebaûet
werden 4 Galeonen, von 8oo last
eine iede, die Regierurg gehôret zu
den land Brasil, und ist derselben
unterworfTen.
Espirito Santo.
23 meil nach Siiden von Puerto
Seguro ist el Gabo de Gorumbabo,
und 3.^ meil von dar nach Sud zii
I. Tambe, Pecitepe; — 2. interior; — 3.,; — tt. deque; — 5. virg. sup. ; — G.,; —
7..; — 8.,; — 9. anno; — 10, danno; — 11. De los; — 12. Puerto Seguro; —
i3. pourque; — i/l. bracas; — i5..; — lO, se llama; — 17.,; -- 18..; — 19. Puerto;
— 20. q' supprimé; — 21. : (; — 22. Germano; — 23.,; — 24. de Marques, y los
Isleos;); — 26. Guriruiquc; — 2O..; — 27. soudes;— 28. Cargas; 29. Anno; —
3o. uno; 3i. el.
I. Mclil; — 2. vier Zncker=Mrihl(n ; — 3. Guriruiquc.
LESSn'G ET LA LA-VGUE CASTILLANE
y sinco léguas al surquarta ' al
Sudueste en viente grades esta La ^
Villa de Corumbabo del Gouierno3
del Espirito Santo, que es de Fran-
cisco de Agniar continuo sugcto al
del Brasil, y en medio de estos dos
gouiernos^ esta el Rio de las Gara-
nelas, tiene quarenta léguas de dis-
tricto por la marina 5 un puerto del
mismo nombre <> y otro del Rio de
las CaranelasT : Su 8 comercio se
compone de açucar, tabaco, algo-
don'J y maderas, cargan ocho navios
de ciento y viente toneladas cada
ano, ay ocho ingenios de açucar, vale
el comercio ciento y sinquenta mil
escudos al ano. Puedense fabricar
quatro baceles de a ciento y sin-
quenta toneladas cada uno : Sessenta
léguas al Vues sudueste ny unas
minas de esmeraldas.
45
Sûdwesten ' aûf 20 grad liget das
Castel de Cori'imbabo ùnter der
Regierùng del Espirito Santo geho-
ret Francisco de Aguiar'^ welcher
ein vasall ist von den Land Brasil.
mitten ùnter 3 diesen beiden Goù-
vernementen ist der flûs de las
Caranelas't. hat 4o meil in ûmb-
kreys nach der Seekant. der Hafen
hat eben diesen Nahmen, und noch
einen andren an den flvïs de las Ca-
ranelasS. die Handlùng ist von Zû-
cker, Toback, baùmwoUen, ûnd
bretern. sie laden iâhrlich 8 schif
von 120 last ein iedes. es hat 8 erley
art ZûckerO. der Handel bringet
iâhrlich
Cronen . Es kônnen
4 schif gebaûet werden, von i5o last
ein iedes. Go meil nach V^est Sûd-
westen, seind einige Smaraged-
ffrùben.
Rio de Enero.
Del Espirito Santo quarenta y
sinco léguas al Sur esta el cabo de
San Thome en viente y dos grados y
medio. Del Cabo de San Thome
viente y dos léguas al Sudueste
quarta al sur esta el Cabo pio'°,
quinze léguas a Veste esta el Rio de
Enero en la misma altura, es gouier-
no ' ' sugeto al del Brasil. La ciudad
se il ama' ^ San Sébastian, tiene trein-
ta léguas de destricto, su puerto
capaz para navios de todo fondo'3,
su comercio vale quinientos mil
escudos, y es de açucar, tabaco, con-
serva de Membrillos, y gen gibre ' '1,
palo Brasil Maderas, ganado, y harl-
nas de palo, que van para Angola '■">,
Sinco mil Escudos de Carga : Seis-
senta ingenios de açucar : Cargas
inda ' 0 Ano Viente ' 1 y sinco navios de
Rio de Enero.
45 meil des Espirito Santo nach
Sûden liget el Cabo de San Thome
auf 22 I grad. 22 meil von Cabo de
San Thome nach Sûdwesten liget el
Cabopio7, i5 meil nach Westen ist
der flûs de Enero, auf derselben
hôhe. gehôret ziî der Regierùng von
Brasil. Die Stadt wird genand San
Sébastian, hat 3o meil in ùmbkreys,
in den Hafen kônnen einlaùffen
allerley schif. die Handlùng brin-
get ^5 Cronen. ùnd ist von Zùcker,
Toback, Qùiten, Conserv, und Ing-
wer, Brasilien Holz, breter, schàfe-
rey, ùnd sand 8 von Brasilien Holz,
wird nach Angola geschicket, 5ooo
Cronen treget die Ladung. hat 60-
erley art Zùcker ^, es werden iâhrlich
geladen 26 schif, von 120 last. Es
kônnen iâhrlich gebaûet werden G
I. Sur quarta; — 2. la; — .?. govierno; — [\. goviernos ; — 5. ,; — 6.,; -
7. Caravelas ; — 8. su; — 9. ,; — lo. Frio; — 11. govierno; — 12. se lia ma; — i3.
lU. gengibre; — i5.:; — lO. cada; — 17. viente.
I. gen West; — 2. Agniar; — 3. zwischen; — 4. Garevelas; — 5. id. ;
6. Zucker=Mûhlen ; — 7. Frio ; — 8. Mehl ; — 9. ijo Zucker^Miihlen.
46 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE DE i/hISPANISME DE G. E. LESSTNG
a ciento y Viente — toneladas ' ; Pue-
denso Tabricar cada Ano^ seis gal-
lones deseiscientasH toneladas 4, cada
Uno5 sin daiîo a los ingenios.
galeonen von 600 last einc iede
ohne schaden der holzûng.
Angla de los Reyes^'i.
O Santo Amaro.
Del Rio de Enero quaranta léguas
al Veste/, quarta al Sud -ueste esta
Curiipare, y antes del Vointe« y
dos Léguas esta el Angla de los
Reyes, y alll la Villa de neustraî'
Senora de la Conception, que es
Un'° gonierno" poco poblado, por
otro nombre se dize de santo ama-
ro'2, de la Condeça de Vimiciro'3
sugeto al del Brasil, esta en Viente
y très grados, y medio, tiene diezi-
seis'4 — léguas de destricto, y dos
puertos para pequenos baxeles ' 5
que se dizen Tojuca'O Paratubii'7,
en la Angla de los Reyes van a Es-
palmar ' 8 , y Refi-escar ' 0 los enne-
migos^° que ban para el sur, notie-
nemas comercio en l'anchas ^ ' que
con el Rio de Enero y S. Vicente, el
quai se compone de harinas de palo,
maderas, ganados y otras menuden-
tias^^.,
San Vincente.
De Gurupare doze léguas a Venste
quarta al Suduesteestael gonierno^S
de San Vincente y la Villa quése^'»
dize de Santos en Viente y quatro
grodos, 5 un tercio^'» doxe léguas a
Lueste ''i desta Villa de santos estan-
los sierras '" de Paranaplacaba en la
cumbre y slano délias esta La Villa
desan ^« Pablo, donde estan Unas^'.'
minas deoro 3<^ muy bucnas, y se saca
poco por la percza de la giente de la
Angla de hs Reyes
oder Sanio Amaro.
^o meil von Rio de Enero narh
Westen zii Siidwcsten ' liget Cunî-
pare, ûnd 22 mcil vorher el Angla
de los Reyes, und daselbst das Schloss
Unserer 1. Fraûen der Empfengnûs.
ist ein land so nicht gar volckreich
ist, A\ ird sonsten genand Santo Ama-
ro an der Ghrafîschaft de Vimiciro,
so liget unter Brasil, liget auf
23 -j grad, hat 16 meil in begriff,
iind '2 hafen vor kleine schif, welche
genand Averden Tojùca, Parasiibu^.
Aûf Angla de los Reyes werden die
schif aiîsgebessert, und mit proviant
versehen, welclie nach Suden gehen,
sie haben keinen handel in die
weite, als nùr mit Rio de Enero vînd
S. Vincente. der handel Avird getrie-
ben von sand von Brasilien holz,
von bretern, ûnd viehe, und andern
geringen wahren.
San Vincente i.
12 meil von Gûrûpare nach Wes-
ten zû Sûdwesten liget das land von
San Vincente, ûnd das Schloss so
genand wird de Santos aûf 24
grad. 4,^ 12 meil von diesen Schloss
nach Westen ligen die liinder von
Parana piacaba'i. aiif der spize ist
das schloss de San Pablo, daselbst
Goldgrûben sind, und wird wenig
heraùsgebracht wegen der faiilheit
der leût, so da wohnen, ûnd ist das
I. ciento y viente tonclada ; — 2. Anno; — 3. de seiscientas; — 4. virg. sup.; —
5. uno; — 6.,; — 7. virg. sup.; — 8. veinle; — 9. nueslra; — 10. un ; — 11. gouierno;
— 12. Santa Amaro; — i3. virg. aj. ; — i'i. virg. sup.; — i5. virg. aj.; — iG.,; —
17. Garaluba; — 18. espalmar; — 19. refrescar ; — 20.,; — 2t.,; — aa. menadentias;
— 23. gouierno; — a.'i. que se; — 25..; — aO. al Veste; — 27. stan los sierras; —
2S. de san; — 29. unas; — 3o. de oro.
I. gen Siid.; — 2. Tojuca, Garatui)a; — 3. San ^incento; — !t. Paranaplacaba.
LESSl.NG ET LA LANGUE CASTILLANE
47
lierra y es elmas ' subido que se
sabe : este gonierno - de San Vi-
cente es del Conde de Monsantoso
tiene doze legnas '• de destricto 5
trespuertos 'J que se dicen San
Vicente, Capinari V y Bertioga t>
lodos capazes de nanios** de lodo
fondo, porgne tienen ' " seis, ocho
y diez bracas de fondo de baxa
mar ' ' , Puedense fabricar cada ano
en ellos seis Galeones de a ocho — ' ^
cientos toneladas'3 cada uno^'i,
Carganen el doze navios jDara An-
gola, y la Costa del Brasil de los
frutos delà tierra, que son trigo,
açucar ' "> conservas de todo genero ' 6
algodon, y Liencos''/ del para todo
servicio, hierro, y mûchas carnes ' !^
vale su comercio sinquenta mil
escudos, y de Cargas quinienlos
escudos, tiene dos ingenios de açu-
car'9, très herrerias ^ "^"j
beste gold so man Aveis. dièses land
de San Vincente ist des Ghralîen von
^lonsanto, bat 12 meil in district,
ûnd 3 hafen, Avelche genand A\erden
San Vincente, Capinari ' und Ber-
tioga kônnen dar allerley schif ein-
lav'ifFen. haben 6, 8, und 10 ellen
gri'md im wasser. Es kônnen iahrlich
gebaûet Averden 6 galeonen von
800 last. ein iedr. Es Averden 12 schif
geladen nach Angola, und dcr kûste
von Brasil, von den frûchten des
landes, Avelche da scind getreid.
zi'icker conserv. von allerley art.
baûmwoll. ûnd leinAvand. aiîf aller-
ley art. eysen und viel fleisch. die
handlng Avird geschezet auf ^ Ci'o-
ncn^, die ladung 5oo Cronen. es bat
ZAACyerley art zùckero.
Cananea.
De San Vicente treinta y très lé-
guas al sudueste - ' esta el govierno de
la Cananea, su pueblo en Viente^^
y sinco grados australes, tiene qua-
renta léguas de destricto, un pûcr-
to-3 que se dize Incaduarà^'i capaz
de baxeles de ciento y sinquenta
toneladas, y es de la Condeça ^ 5 de
Vinverro^tj si'igeto al del Brasil, esta
poco poblado, y assy nu le^'/ poco
su comercio, que nolo^?^ tienne
Mas^l' que con3° sano' Vicente, y
se compone de algodon. tabaco, ha-
rinasdepalo, carnes, y pescado, de que
es muy ferrilo^, no tienne mas car-
gas, que lo que sedâ a un Clerigo33,
Puedense fabricar cada ario34 seis
Cananea '1 .
33 meil von San Vincente nach
Sud Avesten ist das land de la Ca-
nanea .">, auf 20 grad, bat ^o meil in
begrifl", eincn hafen wird genand
Incadi'iara und kônnen dar einlaûflen
schif von lôo last. und gehôret der
Ghrâfïin Aon Vinveiro, ist ùnter
Brasil, und nich volckreich, und
bat dahero Avenig handel. nûr allein
mit San Vincente und ist der handel
von baiiniANollen Toback, sand'i von
Brasilien holz, fleisch, und fische-
rey. davon es aber fleissig7 bat. es
wird nicht mehr geladen aiif schif.
Als Avas man einem Gheistlichon
giebt, und zukoîîïen lest. Es kônnen
iahrlich gebaûet Averden 0 patachen
1. cl mas; — :;. gouierno; — 3. s inférieur supprima et remplace par ,;
!t. léguas; — 5.,; — 6. très puertos; — 7. Capiuari; — 8.;; — 9. nauios;
10. tiener; — 11. baxamar; — 12. — sup.; i3. ,; — i4- •■; — i5.,; — 16.,;
17. lienços; — 18.,; — 19. acucar; — 20. virg. sup.; — 21. Sudueste; — 22.viente;
a3. pucrto; — 24.,; — aS. Condeça; — aê.,; — 27. y assyna le; — 28. no lo;
39. mas; 3o. con sup.; — 3i. San; — 32. fertil; — 33.,; — 34. ano.
1. Capiuari; — 2. 4^ Grouea; — 3. zwey Zucker^ Miihlen ; — 4. Cananea;
5. id.; — G. Melil ; — 7. cincn grossen Ueberiluss.
'|8 COMKIULTIONS A l'ÉTLOE DE LHISI'AJMSME UE G. E. LESSING
pataches' oCaraullas^ de ciento y odei- Caraùellen' von i5o last.
sinquenta toneladas, porque tienne dann es holzûng hat an allerley art.
maderas de todo Genero para ellos 3 . ,
San Anna.
De la Gananea setenta léguas al
sudulstei en Viente y nueneô gia-
dos australes esta el Rio<3 y tierras
de Upana", y antes del en Viente y
siete grades esta otro goniernoS,
que se dize Santa Ana 9, y se llama' "^
la tierra de los pactes ' ■ , tiene qua-
renta léguas de destricto por la
marina, dos puertos para base eles' ^
de duzientas toneladas que sedizen.,
Baisaga sur '3, y siîparabu " i, es del
Conde de Monsanto que la empieca
agora a poblar des de san Vicente,
conqui en tiene solamente ' ô conier-
cio'<), Puedense en el fabricar cada
ano seis naûios ' " de a ducientos
toneladas cada Lno'i^, Aqui ay mu-
chos Indios naturales de la tierra '9
nûestros amigos, la mayor parte
dellos podrian ser de mucha Utili-
dad^° assy para ellos, como para-
los - ' Espano les ^ ^ su amistad y
conservation.
UPAVA.
Noventa y seis léguas al sudueste^S
quarta del sur ^4 esta el Rio grande
cntreinta y^ô dos grados australes,
es angosto^6 a la boca con poco fon-
de, y muy ancho a la tierra ad entro,
y sessanta léguas por el ariba ny^/
Unas^f5 minas decobre^P de mucha
importancia, y toda esta tierra de la
Gananea hasta el Rio de la PlataS^
que son duzientas y treinta y quatre
Santa Anna.
70 mil de la Gananea - nach
Sûdwesten aiif 29 grad liget der
flùss und das land von Lpana3, ûnd
vor denselben aùf 27 grad ist ein
ander land, welches genand Avird
Santa Anna, und Sellama, das land
de los pactes i hat 4o meil in ùmb-
kreys nach der Seekant, 2 hafen vor
schif von 200 lasten, und werden
genand Baisaga Sûr î. und Siiparaba.
gehôrt dem Ghraffen de Monsanto,
der es nùn erst bewohnet macht
von San Vincente, mit denselben
land hat es allein gewerb. Es kônnen
iàhrlich gebaùet w erden 6 schif von
200 last ein iedes hier hat es aIcIO
geborne Indianer se ùnsrer freund
seind, die meiesten kondten nûzen
schafen, se wol ver sich, als vor die
Spanische. Avann sie freùnd bleiben.
Upaûal .
96 meil nach Sûdwesten ist el Rio
grande, auf 82 grad, ist eng in den
mûnd, und hat wenig grûnd, aber
sehr weit nach den land hinein,
60 meil hinaùf hat es KûpfTer berg-
werck die da reich seind. das ganze
land de la Gananea 8 biss zù den
flûs de la Plata, se da seind 284 meil
nach der Seekant ist sehr velckreich
von gebernen Indianern. ûnd die
I. petachcs; — 2. Garaueles ; — 3. vlrg. sup.; — 4. Sudueste; — 5. nueue; — 6.,; —
7. Upaua; — 8. gouierno; — 9. Ana; — 10. sellama; — 11. Pactos; — 12. baxeles; —
10. que se dizeii Baisaguazu; — i4. Suparaba; — i5. Solamenta; — iG..;— 17. nauios;
— 18. uno; — 19.,; — 20.,; — 21. paro los; — 22. Espanoles;— 23. Sudueste; —
L>4. Sur; — 25. en treiuta y; — 26. angosta; — 27. av; — 28. unas; — ag.dccobre; —
3o.,.
I. Caravellcn; — 2. Gananea; — 3. Upava;— h. ... Santa Anna. Es heisst das Land
de los Pactos; — 5. Baisaguazu; — C. ...ein jedes. Hiergiebles viel...;— 7. Upava; —
8. Gananea.
LES81NG ET LA LANGUE CASTILLANE
^0
léguas de dislancia por la marina '
es muy poblada de Indios naturales
de la tierra, > los mas dellos no son
domesticos, pero séria facil traellos
a nuestra amistad con grande nu-
mento de la cultibacion de sus
aimas.
Des de el Rio grande setenla lé-
guas al sedueste^ en treinla y
sinco grades esta el caboS de Mal-
donado por estar, enfrente'i de la
Isla de Maldonado a qui acaban las-
tierrasô del Brasil y Principia'' la
boca del Rio delà plata, que es y a
goniernoV del Peru.
Del cabo de ^laldonado quarenta
y seis léguas al suduesteiS, que es
la 9 boca del dicho Rio delà '^ Plata
esta el cabo ' ' de San Antonio en
treinta y seis grades y medio. Y del
dicho cabo ' ^ de Maldonado Ireinta
léguas a sucste ' 3 esta Montenideo ' '•
porel Rio de la Plata ariba.
De Monte nideo ' ô treinta léguas al^
neste ' G quarta al sudo este ' / atra-
nessando ' S el Rio esta la Cuidad ' 9
de Buenos Aires en la tierra dela^°
banda del sur^' del dicho Rio en
treinta y seis grados'^ esel Peri'i.
meisten seind wild, doch kondten
sie leichtlich zv'i was gezogcn werden
mit grossen vortheil. und erbawung
ihrer Seclen.
70 meil nach Sûdwesten * aûf 35
grad liget el Cabo de Maldonado.
weiln es liget gegen der Insel de Mal-
donado liber ^. hier endiget sich das
land von Brasil, und fenget an der
mûnd des ttdssesde la plata, welcher
gehôret zu den land del Perû !
^ meil von Cabo de Maldonado
nach SûdAvesten, da der mi'md ist
des tlûsses de la Plata liget el Cabo
de San Antonio aûf 30 4- grad. und
3o meil von Cabo de Maldonado
nach Sûdwesten Montenideo 3. hin-
aûfwerts gegen den flûs de la Pla-
ta, 3o meil von Montenideo nach
Westen zû Sûden. ûnd lliesset aber
qûer der flûs, liget ^ die Stadt de
Buenos Aires gegen Sûden von» den
flûs, aûf 36 grad liget PerûO !
Nous avons noté que Lessing attribuait gracieusement à Leisle la
correction de « quantité » des (( absurdités » de l'ancienne traduction
allemande, mais qu'il avait cru devoir formuler une prudente réserve.
Leiste, ajoutait-il, ne se pique pas, dans sa modestie, d'avoir supprimé
toutes les fautes du vieux texte'. Cependant, il ne citait qu'une
seule des corrections de Leiste : Ingénias de Aziïcar, que le traducteur
primitif rendait par Arien Ziicker, et qui a été, en effet, rectifié en
Zackermûhlen. Leiste nous a, d'autre part, confessé comment il s'était
1. ,; — 2. Sudueste; — 3. Cabo; — ^.eiifunte; — 5. las Tieras; — 0. principia; —
7. gouicrno; — 8, Sudueste; — g- a; — 10. de la ; — 11. Cabo; — 12. Cabo; —
i3. Sueste; — i'a- Monleuidco;— i5. Monte uideo;— 16. Veste; — 17. Sudueste;
— i8. atrauessando; — 19. Ciudad ; — 20. de la ; — 21. Sur; — 22. ,.
I. 70 Meil von Rio grande nach Sûdwesten; — 2. aber; — 3. Montevideo; —
4. ...zu Sùden, queer iiber den FIuss, lieget...; — 5. bey; — 0. ... auf 36 Grad, und
gehôrt zu Peru.
I. Vorherichl, p. 12... c< Ob er sich schon nicht verinisst, dergleiciien V«rgcliungcn
aile gelioben zu haben.»
5o CONTRIBUTIONS A. L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
aperçu que ingenio de azûcar ne pouvait point signifier : Art Zucker.
Dans les Anmerkungen de l'édition de 1780, il écrit p. 87 : Der deutsche
Uebersetzer hat hier iind in dem folgenden Ingenio durch Arten
Lihersetzt : dos ingenios acucar (sic) heiszt bei ihni zwey Arten
Zucker. Das liesse man nun noch gelten (!!!). Wenn er aber von
Itamarka (sic) sagt, dass es daselbst ISerley Arien gebe, iind dass
Pernambiico gar lôOerley Arten Zucker habe; so braucht man kein
Spanisch zu verstehen, um so gleich zu urtheilen, dass dies
falsch iibersetzt sey. » Ce franc aveu en dit assez long sur les connais-
sances linguistiques du collaborateur de Lessing et nous dispense de
commentaires. Au demeurant, il n'était besoin que d'ouvrir le plus
élémentaire dictionnaire castillan — à commencer par celui de Sobrino,
alors si fort en crédit i — pour y trouver le sens de cette expression
technique courante, de même que la lecture de l'ouvrage indispen-
sable de Sebastiaô da Rocha Pitta — que les deux éditeurs de Cudena
ignorent, bien que ce fût — et que ce soit encore, Cf. Ch. Leclerc,
Bibliotheca americana, Paris, 1878, p. A26 — la meilleure histoire de
l'Amérique portugaise, et qu'elle eût été signalée aux érudits européens
par les Mémoires de Trévoux'^ — suffisait pour renseigner amplement
sur l'aspect et le fonctionnement des Engenhos brésiliens 3, La compa-
1. Dieze (Velà:quez, p. 126, note à la p. 12 2) avoue que les étrangers se servent, pour
apprendre l'espagnol, de la grammaire et du dictionnaire de Sobrino, qu'il déclare
très mauvais. Et il recommande la Nouvelle mélhode de Porl-Uoyal (Paris, i065) et la
Grammaire espagnole de l'abbé de N'ayrac (Paris, 171 /i, in-8). Mais en septembre 1755,
le Journal étranger déclarera encore que le Sobrino, dictionnaire et grammaire, est le
meilleur instrument de travail qui existe (p. 147). Le Sobrino (Diccionario nuevo de
las lenguas espanola y francesa) parut en deux vol. in-A à Bruxelles en 1706, puis en
1731 et en 1733, revu par l'auteur, qui ne put cependant, étant mort la même
année, achever la révision de l'édition de 1783. L'ouvrage en était, en 17O0, à sa
sixième édition. En 1776, parut le Sobrino aumentado, par Francisco Carmon, Maestro
de arles de la L'niversidad de Paris, y de Lengua Castellana (Amberes, de Tournes, 3 vol.
in-4) avec la traduction latine des vocables. On lit dans celte édition — qui fut
vraisemblablement celle dont Lessing-Lciste se servirent — t. Il, p. i3/i: Ingenio, Se
dit des machines que les Ingénieurs inventent. Lat. Machina... Ingenio de azucar. Moulin à
sacre. Lat. Machina sacchari extracloria. Le Sobrino ne disparut de l'usage allemand
que quand Er. Aug. Schmid (7 1809) — ce traducteur du Buscôn, au t. li (1781) du
Magazin de Bertuch, que ni M. E. Mérimée (Essai sur la vie et les œuvres de Fr. de
Queredo [Paris, i886|, p. '161) ni \V. Feldmann (Fr. J. Beriuch [Saarbrûckcn, 1902],
p. 70) n'ont identilié — eût publié à Lpzg., 1796-1805, in-8, son Diccionario Espaiiol
y Aleman avec préface de Bertuch. — N. de Séjournant, dans son Nouveau Dict. Esp.-
Fr.-Lat. (Paris, 1709, in-4), traduisait aussi Ingenio comme il convient, p. 699, t. 1.
De même le capitaine Stevens.
2. Mars 1739, p. 552; oct. 1739, p. 2207-3351 et janv. 1740, p. 49-94. H va sans
dire que si Lessing et Leistc avaient eu connaissance de l'œuvre magistrale de Rocha
Pitta, ils n'eussent pas songé un instant à donner au maigre périple du mystérieux
Cudena une importance qui ne correspondait nullement, à la date de 1780, à l'état
de la littérature géographique hispano-portugaise sur l'Amérique du Sud. C'est cette
ignorance d'une littérature cependant assez riche qui dicte à Lessing à l'adresse des
Espagnols la j^hrase dédaigneuse du Vorbcrichl (p. 1 1 de l'édit. de 1780) : Nur die Volker
sollten die Welt besitzen, irelche die W'clt der Welt doch wenigstens bekannl macheni
3. Sebastiaô da Rocha Pitta: Historiada America Portugueza desde 0 anno de mil e
quinhentos do seu Descobrimento, aie 0 de mil e setecentos e vinte e quatro, etc. (Lisboa,
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE 5l
raison attentive du texte espagnol et de la traduction allemande qui
occupent les pages précédentes avec les variantes dont les ont enrichis
Lessing et Leiste, aura démontré suffisamment à quel point Lessing
exagérait en déclarant que Leiste avait corrigé « quantité » d'absurdités
du manuscrit original. Cette affirmation, que nous nous abstiendrons
de qualifier, n'échappa pas, d'ailleurs, à la critique sagace d'un
contemporain, lequel publia, au 51. Stiick du Hannoverisches
Magazin, jeudi 27 juin 1788, une dissertation signée H. L.,a laquelle
nous reviendrons bientôt, et où je trouve la remarque malicieuse que
(i~ungeachtel dièses wahren Urtheils vonder... Uebersetzung [l'auteur
vient de transcrire le jugement de Lessing sur la valeur de l'ancienne
traduction]... ist doch Herr Lessing der letztern gefolgt, und hat sie...
als zuverldssig angenommen; welches sie doch keinesweges ist » i.
A. da Sylva, 1730), p. iQSeq. — Cet ouvrage est un in-V de 716 pp., et non, comme
Brunet l'indique, vraisemblablement d'après les Mémoires de Trévoux, un in-folio. —
Lessing- Leiste avaient du moins, s'ils ignoraient Bocha Pitta, l'ouvrage latin de lo.
de Laet : Novus Orbis \ seu \ Descriptionis | Indiœ Occidentalis \ Libri XVIII \ Authore |
Jeanne de Laet Antiverp. \ etc. Lugd. Batav. apud Elzevirios, A° iG33; pet. in-fol. de
690 pp. plus l'Index [ils ne connaissent, d'ailleurs, de toute la littérature hispano-
américaine, que Laet et Gasp. Barlaeus {Rerum per octenniam in Brasilia et alibi nuper
gestarum sub praefectiira Illuslrissimi Comitis I. Mauritii, Nassoviœ etc. Comitis, etc.
Historia. — Amstelodami, lo. Blaeu, MDQXLVII, in-fol. de 34o pp. plus l'Index). Cf.
Vorbericht, p. 11]. Or Laet écrit, p. 092 : Scribit Olyveira: In hisce provinciis Brasilien-
sibas plarimae siint machinae, quibus Saccharum conjîcitur, (Portugalli vocant
Ingénies), etc.
I. Anmerkungen liber ein Paar Stellen in dem Vorbericht des Herrn Hofraths Lessing
zu der von ihm heriusgegebenen Beschreibung Brasiliens, betreffend die vermeinte Person
eines spanischen Hauptmanns, der mit seinem Geschlechtsnamen Maranon y Gran Para
geheissen haben soll, lac. cit., p. 8oi-8i4. Lessing était mort depuis plus de deux ans
lorsque parut cette lumineuse critique. .Nous savons, du moins, l'ellet qu'elle pro-
duisit sur Leiste. Mes recherches m'ont fait découvrir, dans un livre du jésuite Franz
Xavier Veigl, ancien missionnaire de la province de Maynas et correspondant de
Leiste, intitulé : Griindliche Nachrichten liber die Verfassang der Landschaft von Maynas
in Siid-Amerika bis zum Jahre 1768, etc. (Niirnberg, Zeh, 1798, in-8 de 6ii pp.), une
lettre adressée à l'auteur par Leiste, après lecture de l'article du Hann. Magazin, et que
nous reproduirons tout à l'heure. Elle constituera la digne conclusion de cette
première partie. Cependant il semble que dès l'époque de la publication du périple
de Cudena, le bon recteur de Wolfenbûttel ait vaguement soupçonné que s? méthode
philologique n'était pas exemplaire. Dans le ror6e/-(c/i<mispar lui en tète de l'édition
de 1781 — celle du 6. Beytrag de : Zur Geschichte und Litteratur — et daté 5. May 1781,
il a, galamment, rejeté sur Lessing, défunt et qui ne pouvait se défendre, l'incongruité
du procédé éditorial suivi en 1780 et auquel il n'a cependant pas fait subir la moindre
modification. Du moins, a-t-il formulé en cette place l'aveu, inappréciable du point
de vue qui est le nôtre, que seules les « corrections » apportées à l'ancienne version
allemande étaient de lui, ce qui met sous un jour plus cru l'impéritie castillane de
Lessing. « Dass die allé deutsche Uebersetzung, ajoute-t-il (p. 23), deren nothwendige
Berichtigung mir mehr Mûhe gekostet hat, als eine ganz neue, beybehalten ist, hat,
wic man aus des seligen L. Vorberichte sieht, nicht auf meine Wahl beruhet. » Sous
peine de méconnaître en Lessing cette merveilleuse logique qui fut Tune des forces
de son génie, il faut admettre qu'au fond et malgré sa prudente déclaration, il s'ima-
ginait que les corrections de Leiste rendaient superflue une version entièrement
nouvelle, et que s'il eût eu le moindre soupçon des contresens qu'elle laissait passer,
il n'eût pas consenti à autoriser de son nom un si mauvais travail. Mais l'origine de
ce malentendu part de sou ignorance du castillan.
C. PITOLLET. 5
02 CO>tulHUTlO>'S A l'ÉTUDE DE L HISPANISME DE G. E. t^ESSlNG
Il ne manquait, en vérité, que cette incomparable édition de Cudena
pour convaincre de leur erreur les plus réfractaires partisans de l'au-
thenticité de l'hispanisme de Lessing. Or, jusqu'à présent, nul parmi
eux n'a daigné, je ne dirai pas lui attribuer l'importance extrême
qu'elle possède, mais — à part les deux mots, cités plus haut, de
K. Redlich, que personne n'a, d'ailleurs, relevés — simplement la
mentionner. Voilà pourquoi il importe que nous insistions sur les
bévues, dignes du pire tû^o grammatlcus, que Lessing et son collabo-
rateur ont commises en face d'un document entièrement simple et
qu'ils présentent comme un joyau géographique de premier ordre.
Nous ne nous arrêterons pas sur la quantité de graphies copiées telles
quelles quand il eût fallu les rétablir, ou corrigées quand elles
étaient exactes. Dès le début, on s'étonne de lire discripcion, esto
(abréviation, non comprise, de estado) per (corrigé du correct por du
manuscrit), etc., etc. A la rigueur, l'on se remémore la déclaration
de Lessing, transcrite précédemment, l'on songe que peut-être les
éditeurs ont-ils voulu, de la sorte, conserver à leur texte son cachet
archaïque, que per au lieu de por n'est qu'une faute d'impression
(qu'il aurait fallu, cependant, corriger dans l'édition de 1781, où
aucune retouche n'a été faite) et l'on invente ces mille excuses bien
intentionnées que les lapsus des génies inspirent à la gent timorée
des pédagogues. A mesure, pourtant, que Ton avance dans la lecture
de l'élégant petit volume de 1780, l'accumulation d'élémentaires
bévues finit par déconcerter, et l'on se sent contraint, quitte à
commettre le plus noir des sacrilèges, en fermant le livre, ein fiir
allemal, de passer, d'un cœur léger, condamnation de l'hispanisme,
de cette forme primordiale et sine qaâ non de l'hispanisme : ta
connaissance des rudiments du castillan, chez Lessing. Il serait fasti-
dieux de relever toutes les bévues que décèle l'édition de « Maranon » :
seules les plus massives méritent quelques mots :
Dédicace...: sin dano de la verdad, aunque con menoscabo de la largueza :
mit Grand der Wahrheit. Dans le même S : esta pequena muestra de maravil-
losas obras de naturaleza : dièse kleine Darstellung ihrer wunderlichen natûr-
lichen Wirknngen. Ce ihrer est rattaché au vocable Lànder, traduisant sitios,
de la phrase précédente festa relacion brève de grandes sitios y esta
peqaena, etc.'J.
S I. En la caal [la boca del rio] y por el [rio] arriba : In and iiber demselben
[dem Fiasse Amazonas]. Même S, à noter le « Caftell, so genannt wird San-
tingo. » Lessing-Leiste ne connaissent même pas Santiago. Id. : [maderas]
faciles de traer à do se tiubiere [il n'était pas difficile de reconstituer ainsi le
a deserbiere du manuscrit] de fiacer la fâbrica : [das Holz] kann gebraucht
werden za luai man nnr will.
1
S Brasil : 1res y cuatro brazas : 3 - ellen.
à
Lessing et la langue castillane 53
S Rio Grande: bajios: Klippen. L'expression est du vieux traducteur. Au
5 /, elle se présentait également. Mais, là, les récifs sont devenus bancs de
sable : porqae hay mnchos bajios : denn es viel Sandbànke hat.
S Parayba : la ciudad de Filipea de Nuestra Senora de las Nienes [i. e. Nieves;
mais Lessing, qui, fils de luthériens, ne sait ce que c'est que Notre-Dame
des Neiges, met : naciones] : die Stadt von Filipea. Il n'y en avait pas davan-
tage dans la version originale. Leiste a pensé : « ce bloc enfariné ne me dit
rien qui vaille » et a laissé là neige et nations.
S Sirigipe del Rey : enonze grados australes [corrigé : en onze, comme il
convenait] : Auf 8 Grad. Quelques lignes plus bas : tiene cuarenta y miene
[i. e. naeve] léguas: hat 40 meil. Lessing, qui, lorsqu'il lui est arrivé de cor-
riger exactement le texte castillan, le doit à la traduction allemande origi-
nale, trouvant dans celle-ci : W, n'a plus su que faire de ce miene et l'a, en
conséquence, traité en quantité négligeable ' .
S Bahîa de Todos Santos : Nous avons vu que la phrase : y desde la dicha
panta San Antonio seis léguas al sudueste quarta al ueste, que es lonnicho
[c.-à-d. lo ancho] de la boca de la bahia, haze [c.-à-d. hay] la punla de
Tinharé [compris par l'ancien traducteur : desviarse\, rendue dans la
version originale : und von gedachter Spitze San Antonio 6 Meil nach Sûd-
westen, ivelches die Hôhlung [nicho.'jdst von der Mûndung de la bahia, machet
die Spitze abiveichen, ayant semblé à Lessing-Leiste trop « kauderwàlsch » ,
a été ainsi reconstituée : und von gedachter Spitze San Antonio bestimmen
6 Meilen nach Sûdwest gen West, quer iiber die Mûndung gemessen, die
Breite der Bay. Grammaticalement, la période est correcte. Malheureuse-
ment, elle ne correspond plus à rien dans la phrase castillane, que l'ancien
traducteur avait tâché, en dépit de la syntaxe, de respecter.
S Isleos : la villa de San Jorge : das Schloss von St. Ghôrg [corrigé :
Gorge]; au S Espiritu Santo : la villa de Corumbabo: das Castell de fsicj
Corumbabo. Au S San Vincente: la villa, que se dice de Santos: das Schloss,
I. Dans ce même S il y a la phrase : tiene unas minas de métal, que es entre
plata y estaiio, que se dize tutunaya [corrigé : tutunagà] : es hat auch einige Bergwerk, ist
halb Silber und halb Zinn, wird genannt tâtdnaga [écrit: Tutunagà]. Les éditeurs
n'avaient qu'à consulter Barlaeus. Ils y eussent trouvé d'intéressants détails sur ce
métal qu'ils ne connaissent pas, puisqu'ils en écrivent le nom de travers. Op. cit.,
p. 3iG : <(Quac in monlibus Seregippes, [Itoabouhanas (c.-à-d. Itabaiana) \ocanl],
deprehenduntur metalla, post crcbra examina, nuUius esse valoris compertum.
priraum reperta perhibentur, imperante hoc Ludovico de Sousa, per Mamoluchum
Melchiorem Dias, qui conjectis forte in micantes lapillos oculis, argentuni inesse
arbitrabatur, re ad Hispaniarum regem relata, Sousius jussus aperire montium
sécréta et scrutari hoc arcanum, vanas spes perditique laboris nuntium Régi suo
rcmisit. » Le métal en question était la loutenugue, en portugais : tutenaga, sorte de
tutie. — Au S suivant, nous avons également noté que Lessing-Leiste, embarrassés
par le vocable incavanda [corrigé : incaranda], que n'avait pas traduit la version
primitive, l'avaient, comme elle, passé sous silence. L'explication, cependant, s'en
trouvait dans Laet (op. cit., p. 6i3) : Yacaranda [i. e. Jacaranda] pruno arbori
admodum similis, sed foliis latioribus, flore candido; fert fructuni duorum pugnorum
magniludine, et ubi coctus fuerit, edulem : barbari cuquunt ce illo pulmentnni quuddani
slomacko imprimis umicuni et salubre quud vocant Manipoy. »
54 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E LESSlNG
so genannt ivird de Santos. A ce même S Isleos, un exemple frappant de
la manière dont Lessing a revu le texte espagnol : francisco de Sa à de
Meneses de l'original [Saâ de Meneses] est transformé par lui en : Francisco
de Sa ô de Meneses. Or, la version allemande originale avait — et a conservé
l'interprétation vicieuse : Francisco de Sa oder von Meneses. Sa méthode
de reconstitution des textes est on ne peut plus ingénieuse.
S Puerto Seguro : y en medio deste Gobierno de Puerto Seguro, que esta
en dieciseis grados y medio y los Isleos, hay très rios : und mitten im Land
ist der Hafen Puerto Seguro, liget auf 16{Grad wie auch los Isleos,
begreift in sich 3 Flùsse. Voilà, pourrait-on conclure, pourquoi votre fille
est muette.
S Espîritu Santo : tiene [et gobierno de Espiritu Santo] cuarenta léguas de
distrito por la marina, un puerto del mismo nombre, y otro del Rio de las
Caravelas... : hat [die Regierung del Espiritu Santo] W Meil in Umkreis nach
der Seekante, der Hafen hat eben diesen Namen, und noch einen andern an
dem Fluss de las Caravelas. Inutile d'insister sur l'ingéniosité de l'interpré-
tation : le port d'Espiritu Santo s'appelle d'abord Espiritu Santo et d'autre
sorte encore, mais se trouve, cette fois, sur la rivière des Caravelles. On ne
saurait imaginer port de meilleur caractère ni plus amusante géographie.
S Rio de Enero; conserva de membrillos : Quiten, conserv. La virgule fait
d'un même mot deux concepts distincts : des coings et des conserves, alors
qu'il s'agit de confiture de coings.
^ Angla de los Reyes : de la Condesa de Vimiciro [au paragraphe Cananea,
le même patronymique apparaît sous la forme Vinverro dans le texte
castillan, et, dans la traduction : Vinveiro, sans que Lessing-Leiste se
soucient, ce qui n'était pas malaisé, dans l'un et l'autre cas, de reconstituer la
graphie exacte']: an der Grafschaft de Vimiciro. — Même paragraphe: ...
en la Angla de los Reyes van a espalmar y refrescar los enemigos que van
para el sur; no tiene màs comercio en lanchas que con el Rio de Enero y
S. Vicente... : auf Angla de los Reyes loerden die Schiffe ausgebessert, und
mit Proviant versehen, ivelche nach Suden gehen; sie haben^ keinen Handel
in die Weite 3 als nur mit Rio de Enero und S. Vincente.
S San Vicente: ... estân las sierras de Paranapiacaba '^ ; en la cumbre
y llano délias esta la villa de San Pablo... : liegen die Lànder von Parana-
piacaba: auf der Spitze ist das Schloss de (sic) San Pablo... Même S: ...
algodôn y lienzos del para todo servicio : Baumwolle und Leinwand von
allerley Art...
1. Du moins, cette fois, condesa est-il rendu par Grdfin dans l'ancienne tra-
duction et, par suite, dans Lessing-Leisle. — Il s'agit de la « Condessa do Vimieiro ».
2. Die Schiffe. Le mot enemigos (traduit par Schiffe) désigne évidemment les
Hollandais, qui venaient de concjuérir le Brésil.
3. En i'a/ic/ios (compris corn me s'il y avait entes ane/ias/) équivaut, dans le castillan
de Lessing, k: d lo lejos.
4. C.-à d.: Parananpiacaba. Cf. à ce sujet Rocha Pitta, op. cit., p. i3i.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLAîSE 55
S Cananea : ... esta poco poblado, y asi vale^ poco sa comercio:... nicht
volkreich, und hat dahero ivenig Handel. A la rigueur, la traduction peut
passer. Mais comment expliquer que cette traduction rende la correction,
réalisée par Lessing : y assyna le poco su comercio ?
§ Santa Ana : Aqui hay muchos Indios... la may or parte dellos podrian ser
de mucha utilidad: asi para ellos como para los Espanoles su amistad y con-
servaciôn... : Hier hat es viel... Indianer... die meisten konnten Niitzen schajfen,
80 wohl fur sich als fur die Spanischen, wann sie Freunde bleiben.
S Upava : pero séria fâcil Iraerlos [los Indios] â nuestra amistad : doch
konnten sie leichtlich zu was gezogen werden. Même s : por el rio de la
Plala arriba: hinaufwarts gegen den FIuss de la Plata...
Nous avons réservé pour la fin quatre des plus colossales bévues
de Lessing-Leiste. Bien qu'ayant corrigé : ingénias de aziicar : Zucker-
mûhlen, ils n'omettent pas une fois de traduire la phrase : sin hacer
dano d los ingénias : und thiit der Hôlzung keinen Schaden. Il était,
cependant, manifeste qu'il ne pouvait s'agir de « bois » en général,
mais uniquement des plantations de canne à sucre et de l'activité des
fabriques de sucre coloniales. En second lieu, le cliché tiene de
cargas X mil escudos est infailliblement rendu : was geladen wird au/
Schiff [ou simplement : die Ladung] bringt X tausend Kronen. Même
quand ce non-sens apparaît raclicalement absurde, au § Cananea:
no tiene mâs cargas que lo que se da d un clérigo, Lessing-Leiste n'en
démordent pas et transcrivent intrépidement la phrase du vieux tra-
ducteur : es wird nichi[s] mehr geladen auf Schiff, als was nian eineni
Geistlichen giebt,. und zukommen lùsst. La confusion était si mons-
trueuse qu'elle sauta aux yeux du critique de VAllgemeine Deutsche
Bibliothek^, — qui, à coup sûr, n'était pas, lui non plus, un hispani-
sant redoutable, — et qu'il déclara avec candeur qu'il n'arrivait pas
à saisir « Cudenas Meynung von dem Werih der Ladung einer jeden
Provinz))^. Troisièmement, harina de palo, que la version originale
1. Il est évident qu'ainsi doit être rétabli le i<.assi nu le» du texte original, que
Lessing a si merveilleusement reconstitué.
2. Allg. Deutsche Bibliolhek, 1780, vol. 43, /. Stuck, p. 211-214. — Dans le Vorberictit
de l'éd. de 1781 (p. i5-i6), Leiste disait que ce critique devait être le professeur
d'histoire Sprengel, de Halle. 11 a signé Dg., et c'était bien là son signe, en effet,
dans VAllg. D. Bibl.
3. Loc. cit., p. 212. Le trop subtil Leiste a même étayé sur cette fausse compré-
hension du terme Ladung l'ingénieux raisonnement que, même en admettant que
les 120 navires qui, d'après Cudena, arrivent annuellement de ces territoires, ne
fussent chargés que de sucre, il n'en eût pas moins été impossible que plus de cent
sucreries fussent en activité auxdits territoires. En conséquence, concluait-il, <' ich
vermuthe daher, dass er [Cudena] dem spanischen Minister durch Vorrcchnung
flO grosser Einkûnfte [le chiffre des Ladungen!] aus dieser von den HoUândern
damais besessencn Provinz die Lust zur Wiedereroberung desto mehr hat erregen
wollen. w {Annierliungen, p. Sog de l'édition de 1781, au t. VI des Wolfenbiittler
Beytrcige). C'était supposer au mystérieux Cudena des intentions patriotiques sans
doute fort toucjiantes, mais qui ne reposent que sur un contresens.
56 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
rendait, comme s'il y eût eu arena, par : Sand von Brasilienholz ,
ineptie par trop évidente, est traduit, sauf au § Angla de los Reyes,
où le vocable Sand subsiste, par Lessing-Leiste : Mehl von Bra-
silien-Holz, soit u farine de bois de Brésil y^, pure absurdité. C'est,
est-il besoin de le noter, Brotwiirzelmehl qu'il fallait. L'adjonc-
tion, au S Isleos : de que se hace el casave, était, cependant, assez
précise et il eût suffi, au surplus, d'ouvrir, soit De Laeti, soit
Barlaeusa, pour y trouver tous renseignements sur le manihot, dont
la racine pulvérisée, appelée en portugais : /arm/îa de pao, donne le
manioc, sorte de pain, en castillan : cazabe, ou casave (manioc).
Venons-en, enfin, à la dernière erreur de Lessing, la plus caractéris-
tique du degré de son « hispanisme», celle qui, en outre, anéantit la
portée scientifique de sa publication du périple de l'énigmatique
Cudena. Il ne s'imaginait, en effet, en éditant cet obscur manuscrit
de Wolfenbûttel, rien moins qu'avoir réalisé une découverte géogra-
phique d'une nouveauté extrême. Le hasard de ses excursions biblio-
graphiques avait voulu qu'il trouvât, dans la riche bibliothèque dont
il était le chef, non pas, certes, dans la relation originale, mais dans
la traduction allemande de la Relaciôn histôrica del viaje d la America
méridional, etc. du grand marin et géographe espagnol Antonio de
Ulloa3, un passage'' où il est dit — d'après kg. de Zarate, Historia
del descubrimiento y conquista de la provincia del Perû, Lib. IV,
cap. U (B. A. E., XXVI, p. libg-5']li) — que le fleuve Amazone ou
Orellana aurait bien pu recevoir sa troisième dénomination : Marahôn,
d'un capitaine espagnol de même nom qui l'aurait pour la première
fois remonté, hypothèse qu'Lilloa repousse catégoriquement. Sur ce,
Lessing de triompher :
« Denn, s'écrie-t-il, dass man ûberhaupt von keinem Spanischen Haupt-
manne dièses Namens wisse; dass Zarate einen solchen bloss gemuthmasst
habe ; dass aile andere Geschichtschreiber, als von einem Wesen der Einbil-
dung, von ihm schweigen : das ist es, was ich dcm Don Antonio widerspre-
chen muss. Ich weiss nehmlich so zuverlàssig, als man dergleichen Dinge
1. Op. cit., p. 620: Loco pamim aut farris utuntur farina e radicibus M&nioch...
confecta, etc.
2. Op. cit., p. 3 25.
3. Madrid, .\nt. Marin, 1748, 4 vol. in-4. On sait que l'ouvrage a été écrit en
collaboration avec D. Jorge JuandeUUoa, frère de l'auteur. La traduction allemande
est au tome IX (Leipzig, i-jôi) de l'Allgemeine Historié der Reisen za Wasserundzu Lande.
L'aveu de Lessing, qu'il ne connaît Ulloa que dans la traduction allemande, se trouve
en note de la première page du Vorbericht. L'ouvrage espagnol avait été loué l'année
après son apparition dans les Gôttingische Zeitungen von gelehrten Sachen, io4. Sliick,
a3 oct. 1749, p. 827-828. <( Wir hoffen, y lit-on, dièses schône Werk um desto cher
ûbersetzt zu sehen, je unmôglicher es einem Reisenden, der kein Spanier ist, fâllt, in
den Spanischen Pflanzslâdten diegehôrigen Anmerkungen zu machen. » (P. 827.)
4. P. 285 de la traduction allemande précitée. (Lib. VI, cap. V.)
LESSING ET LA LANGUE G VSTTLL ANE Ol
nur wissen kann, dass es allerdings einen Maranjon ' gegeben, der mit
seinem voUstàndigen Geschlechtsnamen Maranjon y Gran Para hiess, an
welchen man hier wohl denken kônnte, indem ihm die Entdeckungen und
geographische Bestimmung eines grossern Stûck Landes in Amerika
beygelegt wird, als nur imraer von einem Seefahrer zu rûhmen ist; und
sich dieser nehmlich von ihm entdeckte Strich Landes gerade von dem
Amazonenflusse oder Maranjon anfângt. Freylich folgt daraus noch nicht,
dass dieser Fluss von ihm den Namen habe, weil ich in eben der Quelle,
die mich von seinen Entdeckungen unterrichtet, auch finde, dass er unter
gleichem Himmel ohngefàhr geboren, und er eben so wohl, ja noch cher,
den Namen von dem Flusse, als der Fluss den Namen von ihm erhalten
haben kônnte. »
La trouvaille de Lessing est donc la suivante : « Maranôn y Gran
Para », ainsi s'est appelé le capitaine hispano-américain auquel l'uni-
vers civilisé est redevable de la découverte de cette vaste portion de
l'Amérique méridionale qui s'étend de l'embouchure de l'Amazone
au Rio de la Plata. Cette trouvaille, véritablement neuve, annoncée
dans les termes radieux qu'on vient de lire, s'appuie, particularité
rare, sur un fait d'ordre grammatical. Parmi les « absurdités » de
l'ancienne traduction, il en est une, justement, qui a plus spéciale-
ment frappé Lessing :
« Unter jene, écrit-il, gehôrt der ^Fehler, welcher selbst auf dem Titel
stehen geblieben, durch den der alte Uebersetzer aus dem nothwendig
zusammengehôrenden Namen « Maranjon y Gran Para » zwey verschiedene
Personen gemacht bat, wovon die eine Maranjon und die andere Grand
(sic) Para geheissen. »
L'ancienne traduction rendait ainsi le titre espagnol du périple
(Descripciôn de mil y treinta y ocho léguas de tierra del Estado de
Brasil, Conquista del Maraiion y Gran Para, por sus verdaderos
rumbos, etc.) : « Beschreibung der Lànder von Brasil auf 1038
Meilen, so erobert und erfunden sind worden von Maranon und Gran
Para, durch ihre richtige Seecompas...)) L'a absurdité» consistait donc
I. Nous verrons, dans la seconde partie de ce travail, que Lessing se moque
cruellement de Jôcher parce que ce laborieux érudit a négligé d'imprimer certains
vocables espagnols avec des n. Or, non seulement il conserve la graphie Maranon,
à côté de Maranon, mais, comme nous l'avons déjà remarqué et comme on en voit
ci-dessus la nouvelle preuve, il transcrit, exactement comme Jôcher : Maranjon.
C'est en vain qu'il croit devoir s'excuser de ce procédé à la page 3 du Vorbericht
(éd. de 1780) en alléguant que « das Spanische nicht doppelte sondern circumflectirte
n ... in unsern Druckereyen nicht gebrâuchlich ist. » Cette défaite maladroite ne
signifie rien, puisqu'il emploie quand bon lui semble la graphie Maraûon (nous
n'insisterons pas sur la valeur pliilologique de l'explication de cet n « nicht doppelt,
sondern circumjlectirt »). Il fallait ou ne pas l'employer du tout — et alors l'excuse
ci-dessus aurait eu du sens — ou l'employer constamment, ce qui était possible,
puisque le signe n existait à l'imprimerie de la Waisenliausbuchhandlung à Brunswick.
En outre, la graphie Maranôn, nécessaire en tant que reproduction du texte espagnol
de Cudena, eût dû, dans la traduction allemande, être substituée par la dénomination
portugaise : Maranhaô, qui, géographiquement, était la seule exacte.
58 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. I.ESSINO
à parler de deux personnages, quand il n'y en avait, en réalité, qu'un
seul : Maraiiôn y Gran Para, capitaine u fluvial » et nouveau Colomb i .
Ainsi raisonne Lessing. 11 prend le Pirée pour un homme, ou, plutôt,
entend faire de deux Pirées un seul et même homme. Et cela, simple-
ment parce qu'il ignore un point si élémentaire de grammaire castil-
lane qu'on se sent confus en face d'une telle ingénuité linguistique,
et que l'on craint, en insistant, de s'attirer de nouveau le reproche
d'irrévérence à l'endroit du plus auguste des Geisteshelden de VAuJkla-
rung germanique. Aussi sommes-nous heureux de pouvoir passer,
en cette délicate circonstance, la plume au critique, cité plus haut,
du Hannoverisches Magazin, lequel, concitoyen et contemporain de
Lessing, a su trouver, pour exalter sa «découverte», les termes un
peu « zopfmàssig » qui convenaient et qui, d'ailleurs, nous ont semblé
aujourd'hui encore excellents. Après avoir fidèlement exposé l'argu-
mentation de Lessing, ledit critique conclut par ces paroles 2 :
« Herr Lessing hait also nicht allein das Daseyn eines Hauptmanns Maran-
non fur uiizweifelhaft, sondern sagt auch, dass ilim die Entdeckung,
Eroberung und geographische Bestimmung eines grossen Strich Landes in
Amerika, nemlich der io38 Meilen, welche sich von der Mùndung des
Amazonenflusses an, um ganz Brasilien und I^araguay bis an den Fluss de
la Plata erstrecken, beigelegt werde, ingleichen dass der Hauptmann
Marannon unter gleichem Hinimel (der gedachten Lânder) geboren sey ;
und die Handschrift des Gudena sollzum Beweisevon diesem allen dienen.»
Mais, continue- t-il, c'est là une confusion facile à dissiper. D'abord,
conqiiista ne saurait être rendu par erobert (conquistado), mais par
Eroberung, ce qui n'est nullement identique 3. Puis « das Wort
erfunden ist ein ofîenbarer Zusatz, der im Spanischen nicht steht».
La faute capitale gît cependant ailleurs :
« Aber der Hauptfehler des Uebersetzers ist, dass er nicht allein in dem
Titel, sondern auch in der Abhandlung selbst, au s Marannon und Grand
I. Dans Rocha Pitta {op. cit., p. 89) était narré comment «Luiz de Mello da Sylva
descubre o Maranhaô. »
a. P. 807, art. cit. — M. Julius W. Braun, dans son travail en 2 volumes : Lessing im
Vrtheile seiner Zeitgenossen, ne connaît, sur le « Maraiiôn », que deux critiques : celles
de VAllg. D. Bibl. et des .\eueZtg. von gelehrten Sachen, qu'il a réimprimées t. II (Berlin,
1893) do son ouvrage, et don t la première était déjà, nous l'avons dit, signalée par Leiste.
3. Détail curieux : Leiste narre lui-même (Anmerkungen, p. 72-78) — sans doute
d'après De Laet, op. cit., p. 622-28 — que les Français s'étant établis en 1612 dans le
Maranhaô en furent repoussés en iGi4 par une flotte portugaise commandée par
« Hieronymus von Albuquerque », sans se douter que cet incident pourrait expliquer
l'expression : Comjuista. Sans aller jusqu'à Rocha Pitta, que nous avons vu que les
deux éditeurs ne connaissent pas et où l'on trouve tous détails sur l'expédition de
Jeronymo de Albuquerque etAle. de Moura (Op. cit., p. 90, n" 42), lesdits éditeurs de
Gudena n'avaient besoin que de feuilleter Joh. Jac. Schmauss : Der neueste Staat des
Kônig reic lis Port ag ail und der darzu gehôrigen Lander, etc. (Halle im Magdeburg., 1714,
2 vol. in-8) pour trouver une autre explication du vocable en le fait que « die Por-
tugiesen... die guntze Gegend sich unterworj'en haben» (t. i, p. i55).
LESSINr, ET LA LANGUE CASTILLANE 5()
Para Personen gemacht hat, da der spanische Verfasser vielmehr die bekan-
ten Namen zwoer Landschaften, oder sogenanten Capitanias in Brasiiiea
darunter versteht, welche die Portugiesen noch jetzo gebrauchen (Maranhaon
e Graon Para) und, seitdem sie in dem vôlligen Besitze dièses grossen
Landes sind, immer gebraucht haben '. »
La traduction eût dû, en conséquence, s'intituler : Beschreibung
von 1038 Meilen Landes des Staats von Brasllien, von der Eroberung
der Liinder Maranhaô und Graô Pard^, nach ihrer richligen Kilsten-
aiifnahme^, und von 70 Meilen, ivelche die Miindung des Amazonen-
Jlusses hat. Si Lessing s'est trompé, c'est parce qu'il ignore la gram-
maire castillane et le plus commun usage de la langue^ :
« Denn bei den Spaniern ist es ganz gewôhnlich, dass sie den Artikel El vor
die Namen der Lander setzen, z. E. el Peru, el Brasil, und eben so el Maran-
non, el Gran Para, oder, so wie hier, zusammen, el Marannon y Gran Para.
Hingegen, wenn sie von Personen, besonders wenn sie von einiger Bedeu-
tung sind, reden : so nennen sie dieselben mit ihrem Tauf- und Geschlechts-
namen, mit Vorsetzung des Wortes Don 5. Z. E. Don Antonio de Ulloa, und
mit Beifûgung ihres Titels, Avenn sie einen haben : Z. E. Don Fernando de
Toledo, Daque de Alva. Dies geschieht wenigstens allezeit, wenn eine
vornehme Person das erste mal erwâhnt wird; aber hernach, wenn sie in
einer Erzâhlung ôfter vorkomt, heiszt es, ohne Wiederholung des ganzen
Namens und Titels, ganz kurz : Don Antonio, el Duque de Alva, oder
schlechtweg el Daque, aber nicht el Alva, und eben so wenig el Marannon,
wenn es der Name einer Person seyn soI16. »
1. Art. cit., p. 8o8.
2. De ce que cette «conquête» n'est pas décrite dans le ms., il ne s'ensuit
pas qu'elle ne l'était pas dans l'original d'après lequel ce ms. a été si maladroitement
et, sans doute, partiellement transcrit. Rien n'empêche, d'ailleurs, d'admettre que
l'expression : conquista del Maranôn y Gran Para n'indique simplement ces provinces, ne
représente qu'une dénomination géographique tirant son origine des faits historiques
qui viennent d'être mentionnés. La phrase du S I'^'' : en ella empiezan las tierras de
la Conquista del Maranôn y Gran Para semble justifler cette interprétation, et c'est bien
ainsi qu'écrivent des auteurs espagnols de l'époque, en particulier le P. Cristôbal de
Acuna, de l'ouvrage duquel il sera parlé dans la //« partie.
3. On a vu que Lessing-Leiste avaient laissé le udurch ihre richtige Seecompas >>
qui, dans l'ancienne traduction, est censé traduire : par sus verdaderos rumbas, en
comprenant sus comme relatif à Maranôn y Gran Para. Or, rumbos, loin de signifier,
comme le croient les éditeurs : boussoles — sens que le mot n'a jamais eu — indique
ici la ligne, déterminée par la boussole et la carte, d'après laquelle les navires règlent
leur marche, d'ofi, par extension, la situation des pays dont il est question par
rapport aux vaisseaux qui en côtoient les rivages (cf. le portugais : rumos da
navegaçaô).
4. Voir les particularités de la règle de l'article défini devant les noms propres de
personnes dans Bello-Cuervo, S 865-68.
5. L'auteur ajoute en note une juste remarque sur l'emploi de Don, si simple et
cependant si souvent incompris. En i8o8, J. Fr. Bourgoing en formulera une sem-
blable à la p. m de l'Avertissement du Nouveau voyage en Espagne, qui ne la contient
pas dans l'Avant- Propos de l'édition originale (Paris, 1788). On pourrait, aujourd'hui
encore, la rappeler à l'attention d'écrivains qui continuent à donner libéralement
aux Espagnols du Don à tort et à travers.
6. Art. cit., p. 8oy.
6o CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDK DE i/hISPANISME DE G. E. LESSING
A cet argument grammatical s'ajoutent deux arguments tout aussi
solides, l'un lexicologique, l'autre logique, qui n'eussent pas échappé
à l'examen d'éditeurs compétents. On lit, en effet, au § 1er :
« Del Cabo de Maracana al Sur Sudueste treinta y cinco léguas esta la
Ciudad de Navidad del Gran Para, en dos grades australes; es gobierno
sugeto al Maranon. >•
Lessing-Leiste acceptent cette traduction de la version originale:
« \ on Cabo de Maracana 35 Meilen gegen Sûd-Sûdwesten ist die Stadt
darinnen geboren ist der Gran Para, auf 2 Grad gegen Sûden, und ist dem
Maranon unterworfen. »
Outre que l'on ne s'explique pas, en présence de la netteté de la
phrase castillane, comment Lessing a pu persister à croire — toute
considération de grammaire mise à part — que « Maraîlon » et u Gran
Para», cependant si nettement dissociés, n'étaient qu'une seule et
même personne, il eût suffi de consulter Sobrino sur le mot Navidad
pour se convaincre que ce vocable n'a jamais signifié naissance
(nacimiento) , mais uniquement naissance de Jésus -Christ, et, par
extension, époque où elle tombe, Noëh. En conséquence, le non- sens
de l'ancien traducteur devait être corrigé à peu près en ces termes :
« Von Cabo de Maracana gegen Sûd-Sûdwesten liegt, unter zwei Grad
sûdlieher Breite, die Stadt Navidad ^ in Grao Para; es ist eine Statthalterschafl,
die der von Marantiao untergeben ist. »
Au S 1", également, on lit : « Aqui acaba el distrito del Maranon y
empieza el del Brasil. » U eût sutïî d'un instant de réflexion pour
saisir que ce parallélisme ébranlait fortement la thèse de la person-
nalité de « Maranon ». « El Brasil », nom de pays, en position gram-
maticale identique avec (( El Maranon », nom d'homme : c'était là un
grave illogisme, contraire de tout point à l'esprit d'un texte qui, pour
contenir plusieurs graphies corrompues, n'en restait pas moins, d'un
bout à l'autre, admirablement clair, précis et rationnel. Mais Lessing-
Leiste ignorent ces scrupules. Ils transcrivent intrépidement le vieux
traducteur : Hier endiget sich das Gebiet des Maranon, und fàngt an
das Land von Brasil. Gomment qualifier un tel manque de sens
critique ?
Il est regrettable, pour la thèse soutenue ici, que la mort de
I. Sobrino, op. cit., éd. cit., t. II, p. 269 : Il se dit du jour et du tems auquel Notre
Seiijneur est né, c'est-à-dire, de la Noël. Lat. Nativitas. On sait que l'on trouve navidad
parfois employé au lieu de natividad — dont il n'est qu'une contraction — dans le
sens de la naissance de Marie et de quelques saints.
a. Sur cette ville, Nossa Senhora de Belem, on trouve tous détails dans Rocha
Pitta, op. cit., p. 85 seq.
LESSING ET LA LANGUE CASTILLANE 6f
Lessing, survenue dans l'intervalle des deux éditions de u Maranôn »,
nous ait privés de connaître ce qu'il eût pensé de l'article du Hanno-
verisches Magazin. Du moins, n'ignorons- nous pas l'impression qu'il
produisit sur Leiste, dont l'opinion, en la matière, était exactement
la même que celle de Lessing i. Dans sa lettre à Franz Xavier Veigl,
datée du i4 août 1788 — postérieure de fort peu, par conséquent, à
l'article ci -dessus — et que le malicieux jésuite n'a pas manqué
d'insérer dans le volume publié quinze ans plus tard, nous lisons :
« Ein Englander, der auf Befehl der Admiralitàt eine Reise nach dem
Amazonenflusse gethan, und von da auf dem Rio negro in den Orinokofluss
gekommen, hatte uoch neulich, da er hier^ in gevvissen Angelegenheiten
einigeWochen sich aufhalten musste,wegen des Maranon y Gran Para einen
eigenen Gedanken, den ein anderer aufgrifF, und sogleich im Hannôve-
rischen Magazin bekannt machte. Er glaubt nicht, dass ein Maranon y gran
Para in dem Verstande, wie Lessing und ich gemeint, je vorhanden
gewesen. Para, die wir, nacli Anleitung der deutschen Ueberselzung3, fiir
seine Geburtsstadt hielten, bat nach seiner Meinung la Ciudad de Navidad
geheissen, und der Ausdruck des Gudena, por sus verdaderos rumbos, geht
gar nicht auf Maranon y Gran Para, den wir fur den Entdecker des nord-
lichen Theils hielten. Seine Meinung hat sehr viel Wahrscheinlichkeit, und
ich getraue mir noch nicht, etwas darauf zu antworten, da ich selbst in
Rocha Pitta'i, den ich nun endlich nebst verschiedenen spanischen und
selbst 2 in Mexico gedruckten Hauptbûchern, erhalten, aucli nicht die
geringste Spur von einem solchen Maranon y Gran Para finde... » —
(( Das glaube ich gerne, » ponctue en note Veigl, avec une ironie
facilement compréhensible, sinon fort charitable de la part d'un Bon
1. On n'a, pour s'en convaincre, besoin que de lire, dans ses Anmerkungen, avec
quelle âpreté de conviction il défend l'idée de son coéditeur.ll vamème plus loin que
lui en audace. Il afQrme (p. 66) que « le capitaine Maranjon et Gran Para doit avoir
reçu son nom des fleuves qui viennent d'être décrits, et non ceux-ci d'un conquérant
ainsi appelé», et que «ce n'est pas le chef des Espagnols qui s'établirent en ces lieux,
mais bien un de ses descendants — probablement son fils — qui fut le Maranjon et
Gran Para dont Cudena fait mention ». Der Beweis, ajoute-t-il, ist leicht. Et sa
«preuve» sembla, en effet, si évidente aux savants de VAllgemeine Deutsche Bibliothek
qu'on y affirma que « die Zweifel iiber den Hauptmann Maranjon, der nach dem Cudena
Brasilien erobert haben soll, sind von Hrn. Lleiste] sehr gut gehobeny> [art. cit de 1780,
p. 21 3]. Nous avons dit que Rocha Pitta expliquait très nettement et catégoriquement
que le nom des deux capitaineries Maranhaô et Graô Para tirait son origine des deux
rivières qui les traversaient (op. cit., p. 85 et 89),
2. A Wolfenbûttel.
3. De cette même traduction donc, pour laquelle nous avons vu que Lessing n'avait
pas assez de dédains.
4. Leiste avait enfin appris l'existence de l'ouvrage portugais par le compte rendu
de son édition de Cudena dans VAllg. Deutsche Bibliothek, loc. cit., p. 2i3. «Eine
bessere als Hrn. Leistes Beschreibung von Brasilien cxistiert zur Zeit nicht, und bis
jemand Gelegenheit hat Sebastiano de Rocha Pitta Historia da America Portugueza
des de Csic) o Anno i5oo. de su Descolirimonto, a te (sic) o de 1724. Lisboa. Fol. 1730,
welche Recensent nur aus Robertson kennt, zu benutzen, vvelches nach dem Zustande
der portugiesischen Litteratur mit mancheii Schwierigkeiten verkniipft scyn diirfte,
W'ird Hr. Leiste immer unser [''ùhrer bey diesem unbekannten Lande bleiben.»
62 CONTRlRUtlONS A l'ÉTUDE DE i/hISPAMSME DE G. E. LESSING
Père. Il nous suffira, à nous, de relever deux des expressions de Leiste :
l'Anglais a eu une «idée singulière», et son opinion a beaucoup
de « vraisemblance ». Ces expressions nous paraissent infiniment plus
éloquentes que tous les solécismes de l'édition de « Maraîlôn », et attei-
gnent, par delà le recteur de Wolfenbûttel, dans sa tombe, son inspira-
teur et guide, Lessing. En leur béatitude élyséenne, les mânes de Jôcher
— ce modeste et ce laborieux, auquel ne manquèrent qu'un peu de goût
et quelque esprit, ainsi qu'une conception moins élastique de la biblio-
graphie — durent tressaillir d'aise à constater que l'homme qui, au
début de sa carrière littéraire', avait livré sans pudeur à la risée
publique la science hispanique d'un professeur de Leipzig soi-disant
coupable d'avoir pris pour un titre d'ouvrage l'énoncé du lieu de
naissance d'un auteur, confondait, à l'issue de ses jours et grâce à un
contresens de cancre, avec un capitaine espagnol imaginaire deux
provinces du Brésil !
I. Dans les Kritische Nachrichten du 29 octobre 1761, au 44. Stûck(M. IV. 266):
Vor einigen Tagen fielen wir in dem Herumblâttern [du Gelehrten-Lexikon, qui venait
de paraître] auf eine Stelle, wo es von einem gewissen Schriftsteller heisst, er solle
geschrieben haben Natural de la ciudad de Alteran en Alemania la baxa, d. i.
gebûrtig aus der Stadt Alteraii in den Niederlanden. VVer sieht nicht, dass hier auf
die làcherlichste Art die Bezeichnung der Vaterstadt des Schriftstellers zu einem
Werke desselben ist gemacht worden? — Je n'ai pu retrouver, bien que je l'aie lu en
entier à cette fin, dans le Jôcher la citation en question, qui peut, cependant, m'avoir
échappé. M. Menéndez y Pelayo, aux lumières duquel j'avais recouru, m'a écrit que
« tampoco se me ocurre nada sobre el escritor natural de Alteran en Alemania la
Baja » et ajoute que « se trata sin duda de un litulo de broma ». 11 se pourrait qu'en
effet ce soit encore ici Lessing qui ail tort, et qu'il s'agisse bien d'un titre (tronqué)
d'ouvrage en castillan cité par Jôcher, comme tant de fois, au petit bonheur.
DEUXIEME PARTIE
LA NATURE ET LES SOURCES DE L'HISPANISME
DE LESSING
Dans les notes qui vont suivre et dont l'aspect décousu déplaira
sans doute à nos maîtres académiques du beau langage et des spiri-
tuelles études, j'aurais pu, au lieu de procéder par analyses séparées,
réunir, en les groupant sous deux ou trois chefs de titre corres-
pondant aux genres littéraires espagnols effleurés par Lessing, les
résultats de mes recherches, et en rendre ainsi la lecture, sinon plus
probante, plus agréable. Convaincu cependant qu'en pareille besogne
la littérature ne saurait être de mise qu'au détriment de la science,
j'ai sacrifié de gaîté de cœur à une plus austère méthode cette
tentante perspective. En adoptant, enfin, le procédé chronologique,
je crois être resté dans l'esprit — esprit de minutieuse et complète
enquête — qui m'a dicté ce travail. Les lecteurs auxquels s'adressent
les dites notes n'auront, j'en suis sûr, aucune peine à reconstituer,
à l'aide de ces lambeaux de preuves successifs, la physionomie essen-
tielle de l'hispanisme de Lessing, et à assembler en une mosaïque bien
ordonnée les pièces dispersées au hasard des besognes capricieuses du
grand dilettante.
1750-57 (?). Orfeo.
Étant donnée l'incertitude touchant la date de ce fragment de
traduction, j'ai cru être en droit de commencer par lui l'étude des
sources auxquelles Lessing a puisé ses renseignements sur la litté-
rature et les choses de la péninsule ibérique. J'ai déjà, comme je l'ai
dit dans Ia première partie, expliqué antérieurement (luelle diffusion
64 CONTRIBL'TIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DË G. E. LËSSING
avait trouvée, dans les littératures française, anglaise et allemande,
l'interprétation bouffonne donnée par Quevedo de la descente
d'Orphée aux enfers. Il se pourrait que l'attention de Lessing ait été
attirée sur la poésie espagnole par l'allusion à celle-ci contenue dans
l'article Ehestand de X'Universal-Lexikon de J. H. Zedler (1784, t. VIII,
p. 374)', et que le souvenir d'avoir lu naguère la traduction de
Brockes (1725) l'ait incité à chercher dans une des nombreuses
éditions du Parnaso Espanol cette pièce, qui devait tenter ses instincts
d'amateur de curiosités littéraires. En tout cas, par quelque source
qu'il l'ait connue, l'essentiel est qu'elle fût traduite en allemand —
bien qu'en une variante — avant sa tentative fragmentaire de version.
Ce simple fait enlève à cette dernière l'originalité relative qu'elle eiU
possédée si Lessing avait été le premier à signaler la parodie de
Quevedo à l'Allemagne. Enfin, il n'est pas sans importance de noter
que Lessing intitule sa version : Orpheus, tout court, sans souffler mot
de Quevedo. De là, l'erreur initiale de ses éditeurs, qui ont pris cet
exercice d'écolier pour un brouillon d'ode originale.
1750-52. Novelas Ejemplares.
Dans la lettre à son père, datée Berlin, 2 novembre 1700, citée dans
la Préface, Lessing annonce qu'il a l'intention de publier « à Pâques »
une traduction des Novelas de Cervantes, qu'il rend, à un intervalle
de presque deux années, deux fois par l'ineffable contresens : Neue
Beispiele, confondant ainsi le substantif avec l'adjectif et vice versa 2.
(( Da ich ûbrigens zu Ostern auch eine Ubersetzung der Novellas
(sic) Exemplares des Cervantes [zu liefern gedenke].... », déclare-t-il.
Ce {(.gedenke y) ne prouve pas grand 'chose, pour peu que l'on veuille
songer à la facilité avec laquelle Lessing projeta quantité d'oeuvres,
dont il ne réalisa que le titre, facilité que son frère reconnaissait en
1. D'autant plus que Lessing devait chercher à se documenter sur la «miso-
gynie ». Der Misogyn, date, en effet, de 17^8, et, en 1705, il est publié, en un acte, au
VI. Theil des Schriften, pour être refondu en 3 actes en 1767.
2. Cf. art. Cervantes et Nov. Ejemp. — B. A. Wagner se contente de qualifier cette
traduction de « unrichtU/ » (progr. cit. p. i4), en déplorant que la version de Lessing
<( n'ait point été achevée, ou, du moins, point éditée ». Avant de regretter la non-appa-
rition d'un travail aussi hypothétique, n'eùt-il pas mieux valu se demander si Lessing
eût été à même de le réaliser ? A ne juger que par sa traduction du titre de l'ouvrage, on
pourrait déjà en douter. Mais B. \. Wagner ne nourrit pas de tels scrupules. 11 traite
de <» imlicrufener Uebersetzer n Conradi, auteur de la traduction que Lessing critiquera
le 12 décembre 1702, et qui fit, somme toute, ce que Lessing eût fait : une besogne
médiate. M. B. A. Wagner aime mieux comparer Lessing àGœthe, en affirmant, sans
preuve aucune du premier, qu'ils appartenaient « zu den entschiedenen Bewunderern der
Novelas ejeinplares » (p. iG). Lessing n'a nulle part manifesté cette admiration.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L H1S1>AMSME DE LESSING 65
ces termes : dass er nicht ailes, was er wollte, vollendete, lag in
seiner Menschlichkeit ; denn oft wollte er mehr, als seine Krafte
vermochten. Oft hàtten sie auch vermocht, was wergewollt; aberer
floh zuweilen Mûhsamkeit und Anstrengung mit der unmutvoUen
Frage: wozu das ailes i? De même, il n'y a pas grand'chose de
probant à déduire de l'aflirmation de Lessing, le 12 février 1751, que
son entreprise est «in der Arbeit))2. Car, le 12 décembre 1752,
époque à laquelle Conradi recevra de lui quelques légères chique-
naudes dans la Vossische Zeitang, elle n'était point encore réalisée —
nous ne disons pas commencée — et il n'en soufflera, d'ailleurs,
plus mot. Nous ne retiendrons donc, de cette traduction avortée,
que le neues Beispiel de l'ignorance grammaticale la plus élémentaire
de Lessing, dont le lapsus nous rappelle ce personnage du Pasagero
de Suârez de Figueroa, lequel, à la question s'il aimait les novelas à la
mode, répliquait avec une franchise des plus louables : no entiendo
ese término3. Mais l'ignorance de Lessing, du moins, apparaît
inexcusable. Quelque hypothétique que reste sa traduction, il ne sera
peut-être pas paradoxal d'affirmer qu'il avait dû lire avec certaine
attention, soit dans l'original, soit plutôt dans une traduction étran-
gère, la préface mise par Cervantes en tête de son recueil. Or, n'est-ce
point dans cette préface que se trouve la meilleure définition du
titre ^? Un peu de familiarité avec la littérature espagnole, ou
simplement avec le Diccionario de Auloridades fi 726-1 789), n'eût-elle
pas, en outre, renseigné Lessing sur la signification littéraire attribuée
depuis l'archiprêtre de Hita et D. Juan Manuel au vocable exemplo,
devenu synonyme d' « enseignement » , d' « histoire édifiante » ? Et
Nicolas Antonio, dans cette Blbllolheca hispana nova, « zu der wir
doch aile unsere einzige Zuflucht nehmen, wenn wir von einem
Spanier was ^\^ssen wollen», avouera, parlant à coup sûr au nom des
érudits de sa nation, Gebauer en 17095, Nicolas Antonio n'expli-
1. Op. cit., p. 121.
2. Cf. p. 81.
3. Cité par Fernândez de Navarrete, B. A. E., 33, XXXVIII.
4. « Heles dado nombre de exempiares, y si bien lo miras, no hay ninguna de quien
no se puede sacar algun exemplo provechoso». — A quoi l'énigmatique Avellaneda,
dans le prôlogo à sa seconde partie du Quixole (iGi/i), répliquait que les nouvelles de
son rival étaient « mâs satîricas que cjemplares, si bien no poco ingeniosas ».
5. A l'article Soasa de Macedo, I. Register, à la fin de la Portugiesische Geschichte
dont il sera question plus bas. — Ces témoignages, d'ailleurs fort légitimes, d'érudits
allemands à l'adresse de la Bibl. tiisp. seraient faciles à accumuler : ainsi Joh. Erhard '
Kapp, sous le rectorat duquel Lessing se fit inscrire à Leipzig en septembre 17/16 et
qui, cette année-là (Cf. Danzel, 1, 53, note) faisait un cours « ùber den neuesten
Zustand der Litteratur in Europa », en \antait, en 17/18, les mérites dans la préface
de Die Gelehrte Republik, traduction de la Rcpûblica literaria attribuée à Saavedra Fa-
jardo. II est bon, en outre, de ne pas oublier qu'à son arrivée à Berlin, en lin 1748,
Lessing reçut de Rûdiger, le propriétaire de la Berlin. Ztg., plus tard Vossische Ztg.,
la mission d'ordonner sa vaste bibliothèque et que c'est de la sorte sans doute qu'il
lia une première connaissance avec maints ouvrages d'érudition ou de polyliisloirc
66 CONTKIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
quait-il pas, à l'article Cervantes et à la rubrique : Doce Novelas : « uti
patrius mos, et Italicus fabulas vocat » ' ? Ce n'étaient donc pas les
lumières — et le simple dictionnaire eût suffi pour éclairer sa religion
hésitante — qui manquaient à Lessing. Si sa « traduction » eût paru,
c'eût été, comme celle de Conradi, très vraisemblablement une
traduction de traductions. En tout cas, il serait puéril d'attribuer,
comme certains l'ont fait, une importance quelconque à un projet
mort-né, dont il ne subsiste qu'un grossier contresens, indigne d'un
écolier.
1750. La Vida es Sueno.
(M. III. 3o3)
Lachmann a publié pour la première fois (XIll, 647) un brouillon
de Lessing contenant les lignes suivantes :
Das Leben ist ein Traum
Ein Schauspiel ans dem Spanisdien des Don Pedro Calderon
de la Barca ûbersetzt.
Berlin den 23 August 1750
Erster Aufzug
Erster Auftritl
Rosaura kômml von der Hôhe eines Berges herab, sie ist als eine
Mannsperson verkleidet, im Reisehabit, und sagt folgendes.
Sur cette transcription insignifiante, quelques lessingolâtres ont
édifié le conte d'une traduction d'après l'original espagnol, d'une révé-
lation, avant la lettre romantique, de Calderon à l'Allemagne. M. B. A.
Wagner, y. gr., écrit résolument 2 :
« Es gelang Lessing sogar, wie es scheint, des spanischen Originals habhaft
zu werdcn, und schon am aS. August 1760 begann er die Uebersetzung des
Dramas, von der uns freilich nicht viel mehr als die Ueberschrift erhalten
ist. »
d'où il tira plus tard tant de sa science médiate, car, à la base de toute érudition
encyclopédique, on trouve toujours une bonne bibliothèque. La « contemplation »
des livres rares — ainsi s'expriment MM. Menéndez y Pelayo et Zarco del Valle
p. xui de la !'« Partie du Cat. de la Bibl. de M. Rie. lleredia (Paris, 1891) — n'est
malheureusement pas donnée à tous !
I. Je citerai la Bibl. hispana nova d'après la seconde édition, par Th. A. Sânchez,
A. Pellizer et R. Casalbon (f 1787) (Madrid, 1788 ) Cette réédition, pour tous les
articles, ne difTère nullement de l'édition originale, parue à Rome en 1O72 et la
seule que pouvait consulter Lessing. Il est amusant d'obscrxer que pas plus M. R.
Béer que M. Fitzmaurice-Kelly ne sont capables de parler exactement — M. R. Béer les
date 1783-1788, op. Cit., II, ii5; M. Fitzmaurice-Kelly, qui date, comme il convient,
attribue comme R. Béer à Pérez Bayer (p. 43G) l'œuvre totale — des réimpressions
de la Bibl. Ilisp.
1. Progr. cit., p. (">.
LA NATURE ET LES SOURCES DE LHISPA.MSME DE LESSITSG 67
Voilà donc Lessing — qui, dans la préface des Beytrdge, datée
novembre 1749 et publiée cette même année 1750, ignore le nom de
Calderôn — transformé, sur le fait d'un titre et d'une indication scé-
nique tronquée, en interprète fidèle d'un drame dont l'intention
allégorique et morale déteint, si je puis dire, sur le style, lequel,
pour quelques passages naturels, énergiques, pleins de mouvement
et d'émotion, est si souvent recherché, maniéré, froid, insipide et de
mauvais goût, et présente au traducteur, même rompu au commerce
des poètes dramatiques espagnols de l'âge d'or, tant d'insurmontables
difQcultés » ! Il faut un robuste et bien peu scientifique optimisme, ou
un culte aveugle de l'universalité du génie de Lessing pour soutenir
sérieusement de semblables paradoxes.
En réalité, il est fort probable qu'une circonstance toute fortuite
éveilla en Lessing le désir de connaître une oeuvre que le hasard d'une
publication récente, signalée dans un organe qui lui était familier,
venait, non certes de révéler à l'Allemagne, mais de défigurer une fois
de plus, en ajoutant une mutilation nouvelle aux mutilations plus que
séculaires infligées par les fournisseurs de littérature théâtrale à la
Comedia espagnole. Depuis, en effet, que La Vida es Sueno avait reçu,
le 23 novembre i635, l'approbation du Maestro José de Valdivielso, pour
paraître l'année suivante dans l'édition de J. Calderôn et au tome XXX
des Comedias famosas de varias aatores, ses avatars hors d'Espagne
avaient été variés et lamentables 2. De Hollande, elle avait, dans des
adaptations méconnaissables, passé en Allemagne 3, où des troupes
1. Se représente-t-on le Lessing de VOrfeo en face des décimas de Segismundo, à
la seconde scène du i" acte :
Ojos hidrôpicos creo
Que mis ojos deben ser;
Pues cuando es muerte el beher,
Beben màs: y desta suerte,
Viendo que el ver me da muerte,
Estoy muriendo par ver etc. 9
On n'ignore pas que de tels passages ne sont pas rares dans La Vida es sueho. On sait,
d'autre part, que, pour beaucoup d'Espagnols, ils sont, aujourd'hui encore, consi-
dérés comme des beautés; mais que l'on songea l'état d'àme d'un jeune héros de
l'Aufklâruny, aussi novice qu'était Lessing en matière simplement de grammaire
castillane, en face de ces difficultés! — M. Max Koch, qui a écrit l'article Lessing
pour la continuation — malheureusement abandonnée — de l'Encyclopédie de Ersch
et Gruber (i!i3. Tkeil, Leipzg., 1889, p. 221), parle, à propos de cette nouvelle tentative
mort-née, d'une « geplanle Uebersetzung Calderon'scher Dramen ! » Ce n'est plus La Vida,
mais toute une série de drames caldéroniens qu'eût traduits Lessing !
2. On trouve quelques éléments bibliographiques d'une histoire de la Vida es
Sueno en Europe dans l'ouvrage de M. H. Breymann : Calderôn = Studien. /. die Caldcron-
Literatur (Mûachen und Berlin, 1900), où est utilisée et indiquée la littérature anté-
rieure, bien que le livre soit fort loin de posséder toute l'exactitude scientiOque
désirable et pèche, à plus d'un égard, d'incomplet, inexact et môme erroné.
3. Dans VArchiv de Herrig (LXXXII), J. Boite, dans l'Appendice à son article
Molihre-Uebersetzungen des 17. Jah.rhunderls,comaiel{p. 119) la singulière erreur d'affir-
mer que l'Allemagne a connu la Vida es sueno par une pièce (dont il ne transcrit pas
c. UrOLLET. 0
68 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
errantes et des montreurs de marionnettes, tel ce M. D. Drey à Lûne-
burg dans la seconde moitié du xvir siècle, en égayaient la rudesse
truculente d'un vulgaire inculte dont les appétits rudimentaires se
repaissaient en ces visions d'un art à demi barbare, « con finales de
grandes y aturdidores efectos, con toscas, negras lineas que significa-
ban crimenes y sangre, 6 acciones obscenas que inspiraban terror 6
movian â risa, pinturas singulares, enigmâticasi. » C'était encore
d'après un intermédiaire hollandais que Chr. Heinrich Postel écrivait le
texte d'un opéra en 3 actes de J.-G. Conradi intitulé: Der Kôniglkhe
Prinz aus Pohlen Sigismimdus, oder das Menschliche Leben ein
Traum^. D'autre part, l'Italie apportait aussi à l'Allemagne quelques
remaniements de la création caldéronienne, et il est fort probable que
dès 1674, dix ans après son apparition à Venise sous le titre La Vita
è an sogno, opéra scenica, la version de Gicognini fournissait à l'acteur
Paulsen, à Dresde, son rôle du Prinz Sigismiindo^. Ceite ver sion
italienne pénétrait également en France et était jouée pour la première
fois par les comédiens italiens le 10 février 1717 : Vie [la] est un songe,
Tragi-Comédie Italienne en 5 actes ; en Italien : la Vita e un sogno. Le
sujet est tiré de l'Espagnol, intitulé: la Vita (sic) es Sue no i*. Un des
exactement le titre) de Gillet de la Tessonerie publiée en iGdG chez Quinet, à Paris :
Sigismond | Duc de Varsar. | Tragi-Comedie ; Dediee | a la Reine. 11 sulTisait d'en lire
l'énoncé des personnages pour se convaincre que cette œuvre, dont la scène se passe
à Cracovie, si elle est de quelque façon redevable à Caldcrôii, l'est, et à peine, de son
titre. Il en existe un exemplaire à la Bibliothèque Nationale ("Vf 6 868). Mais il se
pourrait que J. Boite ait pris son affirmation, qui ne repose évidemment pas sur
l'examen de la pièce, dans Angel Lasso de la Vega : Calderôn de la Barca. etc.
(Madrid, i88i),p. 67, note i, où elle est mentionnée et attribuée à Guillcl de la Tisson-
nerie. C'est là, en tout cas, certainement, que l'a puisée M. A. Savine {Pedro Calde-
rôn de la Barca dans Le Magasin Littéraire et Scientifique de 1890, i" semestre, p. 533,
note i). Le catalogue de la Bibliothèque Nationale (XXII, p. 63o, [igoS]) porte, à la men-
tion de la pièce de La Tessonerie, l'étonnante indication: imitée de Calderôn, indica-
tion que rien ne justifie, cependant, ni le titre de l'œuvre, ni son contenu.
1. A. Farinelli dans sa critique de J. Schwering : Zur Geschichte des niederlàndisctmn
und spanischen Dramas in Deutschland (Munster, 1896, 100 pp. in-8), parue au numéro
de novembre 189C du tome 1" de la Ftevista critica, etc., de M. R. Altamira.
2. .S', a., en réalité Hambourg, 1G93, in- 4, Sa feuilles et 2 préfaces, dans la
seconde desquelles l'auteur avoue sa source hollandaise. Cf. sur cette œuvre une
bonne bibliographie dans Breymann, op. cit., p. 93. Un cuurt résumé du contenu a
été donné par Chrysander dans son .Allgemeine Musikalische Zeitung, t. XIII (Leipzig,
1878, p. 422-2/1). Les troupes errantes n'en continuèrent pas moins de jouer leurs vieux
thèmes, sans doute modifiés au gré des acteurs et selon les lieux, et A. Schneider
(Spaniens Anteil an der deutschen Litteratur des 16. und 17. Jahrliunderts, Strassb., 1898,
p. 3o3) a relevé une représentation de Von Sigismundo oder dem Tyrannissen Prin: von
Bolen en 17^1 à Francfort-sur-le-Mein.
3. Dessoff : Ueber englische, italienische und spanische Dranien in den Spielverzeichnis-
sen deutscher Wandertruppen, dans Stud. zur vergleich. Literaturgesch. I (1901),
p. 439. Sur Gicognini et l'Espagne, cf. le t. XI (1906) de la Bibl. délie scuole italiane :
Lefonti spagn. del teatro dram. di G. A. Cicognini. art. de M. G. Gobbi.
/i. Catalogue alphabétique des comédies représentées par les Comédiens Italieiis jusqu'à
l'année 1732, au t. I du Nouveau Théâtre Italien {Paris, Briasson, 1733) p. Ixvij. Déjà
Schack avait noté, d'après Riccoboni, la date de cette représentation {Geschichte, 111,
4^3).
La Sature et les sources de l'hispamsme de i.Essno 69
fournisseurs du Théâtre Italien et traducteur de plusieurs pièces de
Cicognini, Thom. Simon Gueulette, avait, l'année d'avant, donné, sur
l'initiative de Riccoboni, une version française de La Vila e un sofjno,
qui aura, jusqu'en 1789, plusieurs éditions, et dont d'Origny, dans ses
Annales du Théâtre Italien^, écrira que « c'est une tragi-comédie
italienne » qu'il a u traduite de l'espagnol ». Un autre littérateur faisait
représenter en novembre 1732, par ces mêmes Comédiens Italiens, une
version en vers libres intitulée La Vie \ est un Songe \ Comedie-Heroï-
que I De Monsieur de Boissy, où le nom deCalderon n'était pas même
cité 2. L'Allemagne subissait, de nouveau, le contre-coup de ces rema-
niements français. En 1760, paraissait à Strasbourg, avec la date
indiquée à la dédicace : Strasshurg, den 6. M einmonat HUd, un petit
in-8 de 167 pp., contenant, à gauche, la version par Gueulette de
la Vita h Sogno de Cicognini, et, à droite, la refonte mit poetischer (?)
Feder de cette même version, bien que l'auteur prétendît, dans son
avant-propos ampoulé à toutes sortes d'Altesses Sérénissimes, rendre
en allemand u ein Italiânisches Schauspiel » trouvé par hasard. Cette
dédicace, intercalée entre le titre allemand : Das \ Lehen \ als \ Ein
Traum, etc. et le titre français: la Vie \ Est \ Un Songe \ Tragi-Comedie
1 traduite de l'Italien, n'est pas signée. Peu nous importe, d'ailleurs,
que l'auteur de ce médiocre plagiat ait été ou non un prêtre de Montbé-
liard, Jul. Friedr. Scharffenstein3. L'œuvre nous intéresse uniquement
i. Paris, Duchesne, 1788, 3 vol. in-8; l. I, Ai. Au tome \XVI1 de la Petite Biblio-
thèque des Théâtres, etc. (Paris, 1789, Belin et Brunet) : Catalogue des pièces de Boissy,
p. 25, il est fait mention de la traduction de Gueulette «avec l'Italien à côté » [ainsi,
par exemple, au t. II d'une édition du Nouveau Théâtre Italien, Paris, Flahaut, 1728,
où le nom du traducteur n'est d'ailleurs pas donné], puis on lit: « Ce sujet Espagnol
fut aussi traité par un autre anonyme, en François, pour le Collège des Quatre-
Nations, où il fut joué en «788, avec tant de succès, que la Duchesse du Maine désira
que les Elevés de ce Collège allassent représenter la Pièce à son Château de Sceaux. »
En 1857, un traducteur italien de la Vida, Giovanni La Cecilia, qui publia 48 traduc-
tions en prose de drames espagnols (Teatro scelto spagnuolo antico e moderno, etc.
Torino, 1867-59, 8 vol. in-12) s'imaginait encore que la pièce était une « Commedia
di Lope de Vega » (t. 111, p. 167 seq.),
2. Mais il est cité au Catalogue des pièces de Boissy mentionné dans la note précé-
dente. La Bibliothèque Nationale possède plusieurs des assez nombreuses éditions,
ainsi qu'une traduction en hollandais, de la version de L. de Boissy. On trouvera
dans A. Lista y Aragon : Ensayos literarios y criticos (Sevilla, 18W), II'^ par t., 88 seq. une
comparaison entre la version de Boissy et l'original. — Lasso de la Vega (op. cit., loc.
cit.) croit que la traduction de Boissy est de 1752.
8. Cf. à ce sujet Breymann, op. cit., p. 9'( seq. Sur Scliarffenstoin, Cf. Godekc,
Grundriss, III, p. 865. Schack (111, 453) signalait la représentation à Vienne (sans indi-
quer qu'il tenait ce renseignement d'un Almanachde spectacles viennois, signalé par
E. Dorer dans sa brochure : Ueber Das Leben ein Traum, Dresden, i884), en 1760, de
l'œuvre de ScharfTenstein. Cf. sur cette représentation p. iiv seq. de la préface de la
traduction allemande de la Vida par P. Herlth (Berlin, 1868), d'après l'Almanach
précité. L'exemplaire de l'éd. de Strasbourg, 1760, conservé au British Muséum
(tl 725 f.) a, à l'énoncé allemand du titre du volume, cette adjonction en initiales
imitant des caractères majuscules d'imprimerie : D. F. H. W. M., à la suite de mit
poetischer Feder entworffen. Schreyvogel (E. A. West) était, en 1816, formel dans
l'attribution à ScharlTenstein de la Vita en 5 actes et eu mauvais ale.xan4rins
70 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LHISPAMSME DE G. E. LESSING
parce que, le i8 juillet 1750, elle fut analysée en ces termes au
86. Stuck de la Berliner Privilegierte Zeitung, que rédigeait alors l'ami
de Lessing, Mylius :
Strafsbarg. Das Leben als ein Traum in einem Schaiispiele vorgestellet. Aus
dem Italiànischen ûbersetzt, und mit poetischer Feder enlworfen. (Nebst einer
franzôsischen prosaischen Ubersetzang J Zu finden bei Amand. Kônig,
Buchhandler unter der grossen Gewercks-Laub. 1750. In Oct„ 11 Bogen. W'er
noch keinen Begrijf von dem Abgeschmackten des italiànischen komischen
Theaters hat, der kann ihn durch Lesung dièses Stûcks bekommen. Basilius,
Kônig in Pohlen, batte seinen Sohn Sigismund in einen Thurm an einem xuiïsten
Orte eingeschlossen, lueil ihm die Sterndeuter prophezeiet hatten, dass er tyran-
nisch regieren wûrde. Der Ausgang aber lehrete das Gegenteil. Das Tragische
ist hier mit dem Komischen auf die bey den Italiànern gewôhnliche Weise
vermisctit, und Rosaura, Pantalon und Arlequin sind geivisse Kennzeichen von.
der Art, zu luelcher dièses Schauspiel gehôret. Die Verse sind grofstenteils so
erbàrmlich, wie die ganze Einrichtung. Ist in den Vossischen Buchlàden Jûr
5 Gr. zu haben.
M. B. A. Wagner, qui a tenté de démontrer que Lessing collaborait
dès 1748 à la Berl. Ztg. ^, ne veut pas que cette misérable Anzeige soit
de Lessing, parce qu'il y est mal parlé du théâtre italien 2. Il ne s'est
peut-être pas cru justifié d'ajouter : <( à propos d'une pièce espagnole»,
bien qu'il ne se refuserait pas, à coup sûr, à nous accorder que l'auteur,
quel qu'il soit, des lignes ci-dessus est convaincu qu'il a affaire à
une production de source italienne. En conséquence, il les attribue
généreusement à Mylius, qui, cette même année 1760, devait,
dans l'avant-propos à sa traduction de la Clitia de Machiavel, écrire^:
« Fragt man mich, warum ich nicht lieber ein gutes, als ein mittel-
allemands : cf. sa préf. de Das Leben ein Traum (5* éd. [Wien, 1867], p. ix). —
Signalons, car ce détail dissipe une équivoque possible, que VVolfgang Menzel a
prétendu que le jésuite de Kempten Anton Claus (1691-1754) aurait imité la Vida
es sueno dans un drame scolaire en latin intitulé Vulpanser, imprimé à Augsburg
en 1741 {Gesch. der deutsch. Dichtung, Stuttg., 1869 [l\eue Ausg. Leipzg., 1876], II,
254-255). Breymann a transcrit (op. cit., p. i35) cette donnée sans la contrôler: s'il
eût consulté la réédition, par le P. jésuite Carlos Sommervogel, de la Bibliotfieque de
la Compagnie de Jésus de De Backer (Bruxelles-Paris, 1891, II, i3o5) il y eût trouvé que
cette prétendue imitation — que signalait déjà E. Dorer d'après Menzel [broch. cit.,
p. 19J — avait paru en 1755 à .\ugsbourg chez J. WolfT dans les u Exercitationes
théâtrales a Societatis Jesu inagistris inferiorum classium dirigente P. Antonio Claus, ejusdem
Societalis in Episcopali et .Academico Gymnasio Dilinganoexhibitae» et qu'elle s'y lit 1, 57 seq.
1. Lessing- Forschungen, nesbt Nachtràgen zu Lessings Werken (Berlin, i88i), //. Teil,
S 1, p. 61-70.
2. Prog. cit., p. 6. Quand M. Wagner écrit : « die mitgeleilte Besprechung des Calde-
ron-Dramas riitirt sictierlicti nicht von ihm her, » il s'exprime mal : dans l'esprit du
Rezensent, ce n'était guère de Calderôn qu'il s'agissait! Il est, d'ailleurs, habile de
créer de telles équivoques.
3. P. 398 des Beytrage zur Historié und Aujnahme des T/ieafers (Stuttgart, 1700).
Lessing lui reprochera ses dires en 1764, dans la préface de 1'/. Siixck de la Theatra-
lische Bibliothek {M., VI, k).
I.V NATURE ET T.ES SOURCES DE L HISPANISME DK I.ESSING 7I
massiges Stûck, geAvâhlet habe? So bitte ich, mir erst ein gutes Stûck
von dem italienischen Theater zu nennen. » Mais où il dépasse les
limites d'une saine méthode d'investigation, c'est quand il affirme, en
vertu de sa connaissance infuse de la psyché lessinguienne, que l'ami
de Mylius, qui reçut « sûrement » de celui-ci la révélation « de
l'étrange drame », « aurait eu de la peine à le condamner aussi absolu-
ment » que son collègue, mais, au contraire, « reconnut le fond
excellent de la composition poétique' ». D'autre part, pour expliquer
comment Lessing identifia l'auteur véritable de la pièce, M. B. A.
Wagner a recours au biais suivant. En 1754, c'est-à-dire k années
après avoir transcrit le titre de la comedia espagnole en allemand,
Lessing traduisit, au 2. Stûck de sa Theatralische Bibliothek, l'Histoire
du Théâtre Italien de Riccoboni, où celui-ci déclarait que les tragi-
comédies traduites de l'espagnol, en particulier La Vie est un songe,
comptaient parmi «les plus beaux ornemens du Théâtre Italien» 2.
M. Wagner déduit de ce fait que Lessing connaissait en 1750 ce
passage de Riccobini, et que le dit passage fut pour lui le trait de
lumière qui le fit se mettre en quête de l'original espagnol, et le
découvrir, « Avie es scheint»3. Nous n'irons pas si avant dans l'à-
priorisme. Il nous suffira de constater que, si Lessing a vraiment
connu le texte de la Vida dans sa forme première, il a résolument
manqué une excellente occasion d'opposer aux grossières déformations
des Scharffenstein et autres manœuvres de lettres, une traduction
fidèle (?) d'une œuvre, en somme, inconnue. Malheureusement, nous
ne pouvons oublier la conclusion de la fable de Paul Albrecht à propos
de VOrfeo. Lessing eût-il été capable de mener à bien une telle
1. Prngr. cit., loc. cit. M. B. A. Wagner est persuadé que la traduction de
ScharfTenstein était faite « nach einer italienischen Ueberarbeitung ».
2. P. 46-/17 du tome I de l'édit. de Paris, 1780-31, en 2 vol. g" in-8. Riccoboni fait
allusion à la traduction de Cicognini et parle du théâtre d'Italie au xvii* siècle.
3. M. B. A. Wagner a été dépassé par M. Farinelli. Ce « wie es scheint » indiquait
encore certaine pudeur critique. M. Farinelli rattache cette « traduction » de la Vida
aux Beytràge, déclare que Lessing entendait remanier la pièce de Calderôn « fur die
deutsche Bùhne », et conclut en nous révélant que « wiiren die <( Beitrûge » nicht so
friih eingestellt worden, so hâtten wir [ce wir n'est-il pas ici admirable?] in Lessing
den ersten wahren Uebersetzer des grossen Spaniers », ce qui est d'autant plus à
regretter que Lessing et Calderôn sont — qui l'eût cru ? — « in Manchem venvandte
Naturen. » (Spanien and die span. Lilt. etc., p. 285. — Je citerai cette thèse de M. Farinelli
d'après le texte du t. V de la Zlschft. fiir vergleich. Literaturgesch.) Je me permets de
signaler cette affinité psychique de Lessing et de Calderôn à la perspicacité d'un
jeune Lessingforscher de l'école de B. A. Wagner. Je l'engagerai, cependant, avant
d'explorer ce nouveau domaine de la littérature comparée, à méditer le jugement
porté par ce même M. A. Farinelli sur Calderôn dans un autre de ses livres : Grillpar-
zer und Lope de Vega. Mit den Bildnissen der Dichter (Berlin, iSgi), p. 119 seq. : « Der
Dichtcr weicht dem Theologen. Calderôn verneint jede That, jede Selbstbestimmung
des Menschen. Jcder Kampf hieniden ist unnûtz. Unwahr sind aile Gcdanken, die
nicht nach dem Ewigen gerichlet sind, etc. n Le jeune Lessingforscher essaiera alors
de concilier le « théologien » et le « parent spirituel » de Lessing. Un tel tour de force
lui gagnera ses éperons.
72 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
besogne? Il nous semble que poser la question, c'est la résoudre. Et
n'est-il pas significalif qu'il ne soit point allé au delà, cette fois, du
titre ?
lyBo. Les Beytraege.
a) Les dramaturges espagnols.
En 1700 parurent chez Johann Benedict Metzler, à Stuttgart, ano-
nymes, des Beytrage zur Historié iind Aufnahme des Theaters, dont
les éditeurs étaient G. E. Lessing, alors âgé de vingt-deux ans, et
Alylius. Dans la préface, écrite en novembre 1749, on promettait aux
lecteurs de s'occuper, outre les drames des Grecs et des Romains, des
œuvres théâtrales des Anglais et des Espagnols :
« Wir werden besonders unsev Augenmerk auf das englische undspanische
Theater richten. Shakespeare, Dryden, Wycherley, Vanbrugh, Cibber,
Congreve sind Dictiter, die iiian fast bey uns nur dem Namen nacli kennt,
und gleichwohl verdienen sie unsere Hochachtung sowohl als die geprie-
senen franzosischcn Dichter'. Ebenso ist es mit dem Lopez de Vega,
Augustin Moreto, Antonio de Mendosa, Francisco de Rojas, Fernando de
Zarate, Juan Ferez de Montalvan, Antonio de Azevedo, Francisco Gonsalez
de Bustos und andern. Dièse sind aile Manner, die zwar eben so grosse
Fehler ais Schônheiten haben, von deneii aber ein vernûnftiger Nachahmer
sich sehr vicies zu Nutze machen kann -. »
B. A. Wagner qui, comme tous les critiques allemands antérieurs
qui ont touché, en passant, quelques mots des rapports de Lessing
avec la littérature espagnole, ne connaît cette littérature que par les
manuels courants en Allemagne, — celui de Schack et la traduction
de Ticknor par Julius avant tout, — n'a point, ici, retenu certain
étonnement en présence de cette étrange mixture de noms de poètes
dont on affirme qu'ils recèlent autant de w grands défauts que de
beautés », jugement qui suppose, en bonne logique, la connaissance
directe et personnelle de leurs principales productions, u Die von ihm
angefûhrten Dichter, » écrit-il 3, usind allerdings ziemlich -willkûrlich
gewahlt, aber aile lebten in der Zeit, wo der echt nationale Stil zur
1. Sur les rapports de Lessing avec la littérature anglaise, Cf. Lessing und die
Englander, par J. Caro (Euphorion, G [iSgij], p. 460-490).
2. M., IV, 52,
3. Progr. cit., p. 4. — M. A. Bosserl a, dans son excellente Histoire de la Littéra-
ture allemande (2'' éd., Paris, 1904), au § sur Lessing, trouvé que la «première har-
diesse » de Lessing et, sans doute aussi, sa première « vue prophétique » (p. SSa),
consistaient en ce renvoi à l'étude, dès les Beilràge, des Anglais et des Espagnols. Une
affirmation k peu près analogue était déjà dans Hettner, Litcraturgesch. des XVIU.
Jahrh. III [IV. Aujl. Braunsch. iSgSJ, p. 456-457. Nous ne saurions admettre — etonva
voir pourquoi — cette opinion qu'avec les réserves qui s'imposent dès qu'il s'agit, en
LA NATURE ET LES SOURCES DE I,'hISPA1S'ISME DE LESSING 78
unbedingten Herrschaft gekommen war. » Et il renvoie à Schack, en
confessant, cependant, qu'il n'y a rien trouvé concernant «Antonio de
Azevedo ». Si la première affirmation de B. A. Wagner n'apparaît que
trop véridique en son appréciable modération, — que l'on pèse ce
« ziemlich « willkiirlich ! — la seconde est, nous allons le voir, complè-
tement erronée. Mais il importe, tout d'abord, d'insister — ce dont
s'est gardé \e LessingJorscherhevWno'x'è — sur l'omission des noms de
Tirso de Molina, de Solis, d'Alarcôn, et surtout de Calderôn, pour
nous en tenir aux toutes premières splendeurs de la Comedia, et sur
ce qu'une telle omission décèle de tranquille et confiante ignorance
de la part du jeune Lessing. L'incohérence des noms qu'il jette ainsi
au hasard de quelque répertoire consulté à l'étourdie, et la disparité
chronologique des auteurs qu'il énumère — que l'on songe à Ant.
de Azevedo voisinant avec F. de Zârate ! — ne justifient que trop la
sévérité de notre jugement. Que signifient, en effet, dans une énumé-
ration de poètes dramatiques qui sont censés avoir été triés sur le
volet pour être présentés au public allemand comme représentatifs
d'un art théâtral encore ignoré de lui dans un recueil qui devra se
borner à n'ofTrir que le meilleur d'œuvres choisies, que signifient, je
ne dirai pas un Antonio Hurtado de Mendoza, — dont nous connais-
sons le nom surtout parce que son Marido hace mujer servit à Molière
pour L'École des Maris et beaucoup moins parce que Sir Rie. Fanshawe
donna, en 1671, une excellente version anglaise de son Qiierer por
solo querer — mais le Portugais Antonio de Azevedo, pour lequel nous
sommes obligés, si nous voulons savoir sur son compte quelque
chose, de recourir aux in-folios de Diogo Barbosa Machado, qui
relate simplement de lui que, vivant sous le règne de Jean III, il
composa beaucoup d'œuvres poétiques dignes de louange, sendo entre
todas a mais esiimavel a Comedia, que fez sobre estas palavras do
Evangelho : Venite post me, faciam vos Jieri piscatores hominum^, et
littérature comme ailleurs, de «prophéties». P. 82/1, M. Bossert affirme que « Lope
de Vega n'avait qu'à suivre les impulsions de son facile génie <>. Il est curieux que
l'on en soit toujours, dans des milieux cependant familiers avec le procédé critique,
à juger un personnage littéraire sur des légendes populaires dont William Hazlilt
s'est, pour nous en tenir au seul Lope, moqué avec raison dans son Table-Talk, etc.
(i8ai-2i). Que sait-onde documentaire sur les conditions dans lesquelles produisait
Lope?
I. Bibliotheca Lusitana, etc., I (Lisboa, 1741), P- 2i3. C'est sur cette maigre notice
de Barbosa Machado que La Barrera a rédigé les quelques lignes concernant Azevedo,
p. 5ii du Catdlogo. Cependant Schack, qui a imprimé au t. III de sa Geschichte les
titres de pièces de la Collection en 48 volumes des Comedias nuevas de los mejores
ingenios de Espana, cite à l'énoncé du vol. XI (p. 542) deux autres titres :
iO. Los Vandos de Laça y Pisa, de Antonio de Azevedo.
12. Origen de N. Senora de las Angustias y Rebelion de los Moriscos
de Antonio Faxardoy Azevedo.
Il se pourrait que ces attributions ne fussent pas probantes et qu'il s'agisse ici d'autres
«Azevedo». Barbosa (I, aaS) cite — ainsi que N. Antonio (I, io3) — un Antonio de
'!l CONTRIBUTIONS A I/ÉTUDE DE i/hISPAMSME DE G. E. LESSING
ce Gonzalez de Bustos, qui, pour être Espagnol, partage avec le Portu-
gais la même infortune d'être profondément inconnu i? M. Wagner
rejette fort cavalièrement sur les Français l'incohérence de Ténumé-
ration de Lessing :
« Vermutlich entnahm Lessing, » dit-il, « die Namen, die zum Teil (wie Lo-
pezstatt Lope) in franzôsischer Form erscheinen, irgend einein franzôsischen
Werke. Die Franzosen liebten es ja, auf das spanische Drama aïs auf einc
freilich lângst ûberschrittene Vorstufe ihrer eigenen Schôpfungen zurûck-
zublicken. Dabei gaben auch manche Litteraturforscher zu, dass ihre
klassischen Dramatiker den Spaniern viel verdankten ' . »
Si Lessing a emprunté à un ouvrage français sa liste de noms,
M. Wagner a-t-il songé à ce que révèle de frivolité une semblable
méthode, spécialement dans la circonstance présente, à l'annonce
d'une publication dont la nouveauté nous est représentée à l'envi
comme salutaire pour la littérature nationale? D'ailleurs, il n'est pas
exact que « les Français » — il s'agit, sans doute, des Français du
xviir siècle — fussent, sauf réserve de ces «manche Literaturforscher »
qui ne laissaient pas, à pareille époque, d'être d'assez rarse aves en
ce domaine littéraire, si dédaigneux du drame espagnol. Les affir-
mations de Voltaire ont dû déteindre sur l'esprit de M. Wagner,
lorsqu'il se prononce de la sorte touchant l'opinion des littérateurs
français du siècle de Lessing à l'endroit de la Comedia. Nous verrons
qu'au contraire ceux qui ont eu l'occasion de s'en occuper d'un peu
près, s'ils ne l'ont pas jugée toujours à sa vraie valeur, n'ont pas
manqué de regretter qu'elle fût si méconnue dans leur pays et d'expri-
mer le désir que leurs compatriotes se familiarisassent avec elle. Mais
M. Wagner erre outrageusement lorsqu'il déduit du fait de la graphie
Lopez, au lieu de Lope, la probabilité de l'origine française de l'énumé-
ration de Lessing. M. Wagner n'a-t-il donc pas, au surplus, remarqué
que Lessing écrit aussi Mendo^a, au lieu de Mendoza, Gonzalez, au lieu
de Gonzalez, ilugustin au lieu de la forme nettement castillane .4gustin?
Ce n'étaient, en aucune sorte, les Français seuls qui disaient et impri-
maient Lapez, tant s'en faut ! Le fameux professeur de Kiel, Morhof,
Azevedo Saa qui «pela continua assistencia, quo fez en Espanha, soube a lingua
Castelhana com summa perfeiçaô », mais dont il n'énumère que des œuvres
spirituelles. Les auteurs de la Portugiesische Litteratar, au Grundriss de Grôber,
M"' Michaelis de Vasconcellos et M. Th. Braga, ne mentionnent qu'en note A. de
Azevedo comme l'un des admirateurs du parti nationaliste et de Sa de Miranda, dont
on sait que M"' Michaelis a édité les Poésies à Halle en 1881. Sur les auteurs portu-
gais qui écrivirent en castillan, cf. le Cat. raz. de los aut. port, que escrib. en cast. de
Domingo Garcia Perés (Madrid, 1890).
1 . Tout ce que l'on sait de lui, c'est qu'il vécut à la fin du xvii' siècle. Cf. Catâlogo,
p. 177,1a mention des quelques pièces, totalement et à juste titre oubliées, qui restent
de lui.
2. Progr. cit., p. 5.
LA NATURE ET LES SOURCES DE r.'niSPAMSME DE I.ESSING 76
dont le Polyhistor, l'un des premiers essais européens de littérature
universelle, jouit durant toute la première moitié du xviii" siècle
d'une si considérable estime dans les milieux érudits, — la quatrième
édition de cette compilation indigeste, Liibeck, 1747, en est une
preuve, — ne déclare-t-il pas résolument au livre VII i : « Si quaeras,
unde tantum dignitatis accesserit Hispano Dramati, et quis praecipuus
ejus artifex? LUPUM (Hisp. Lopez) FELICEM DE VEGA CARPIO tibi
memorat..., etc.?^)) Et, en 175 1, Jôcher ne fait-il pas, à l'article Vega
du Gelehrten-Lexikon (IV, p. 1492), ce merveilleux o?i6ffmgr«o ;« D£
VEGA CARPIO (Lopez), ot/er LOPE FELIX...»? Et ce distinguo n'est-il
pas repris par Gottsched à l'article VEGA, p. 1601 du Handlexikon
oder kurzgefasstes Wurierbuch der schônen Wissenschajlen undfreyen
KUnste, publié à Leipzig en 1760? Même un hispanisant de la valeur de
V. Aimé Huber, l'universitaire qui finit dans le conservatisme et le
piétisme après avoir produit ces œuvres si connues : collection de
romances espagnols anciens (Aarau, 182 1, anonyme), édition de la
Chronique du Cid et dissertation sur les romances (i844), parlera,
dans sa conférence du 9 février 1802 : Ueber span. National, u. Kunst
im i6. II. 17. Jahrh. (Berlin, 1862, iv et 28 p.), p. 26, de Lopez de
Vega 3. M. E. Schmidt a donc exprimé une vérité de bon sens lorsqu'il
formula, sur la malencontreuse promesse des Beitrdge, cette appré-
ciation : « Nâchst den Alten sollen Spanier und Englânder die Haupt-
rolle Ispielen, und Lessing... schiittelt eine Menge britischer und
spanischer Dichternamen aus dem Aermel, die ihm grôsstenteils doch
nur ein leerer Schall sind, denn die bedeutendsten, Lope, Calderon,
werden im zufalligen Wust vergessen^. » Quand on songe à la
manière de procéder de Lessing à l'endroit de Jôcher — laquelle, bien
que restée obscure par suite de la perte des lettres adressées par
Lessing à l'éditeur du Gelehrtenlexikon, n'en a pas moins mérité, le
1. Peu importe que ce livre soit de Muhle, du point de vue qui nous occupe.
2. Polyhistor Literarius, Lib. VII, p. loio de l'édition de 1747-
3. Tout récemment encore, l'organe du D' Thurau, qui professe cependant
l'espagnol à l'Université de Kônigsberg (Prusse), imprimait, comme aux âges de Jôcher
et Gottsched, Lope: de Vega. (Cf. Zeitschrift fiir franzôsischen und englischen Unterricht,
V (1906), 111. Heft, p. 256). Du moins, la bévue n'était point si colossale que celle du
Hannov. Mag. qui, en 1764, reproduisant un extrait des Letters de Edw. Glarke paru
l'année d'avant dans The Univ. Mag. of Knoiol. and Pleas. (Il, p. 18-20), faisait,
col. iG53, de «Lope: de Vega» et de a Carpio >■> deux entités distinctes. L'erreur,
d'ailleurs, était si peu spécifiquement française qu'elle s'est produite en Espagne.
Cf. la preuve dans M. Morel-Fatio : La Comedia Espagnole du XVW .siècle {Paris, i885),
p. 3/i, note i/i. Et, en Allemagne, Goethe lui-même a employé la forme Lopez (Ecker-
mann, Gespràche, I, 167 de l'éd. Ph. Reclam jun.). La même faute se commettait en
Angleterre en 1861, où l'auteur d'une bonne review des Œuvres de F. Caballero dans
The Edinbargh Heview do 18G1, p. 99-129, écrit p. 99: Lope: de Vega. On voit donc que
« lliacos intra muros peccatur et extra ».
4. Op. cit., I, 166. — M. Schmidt prendrait-il le Lope: de Lessing pour un rimeur
pyrénéen différent de Vega Garpio ? En outre, il faut bien croire que, pour lui, ni
Tirso, ni Alarcôn, ni SoHs ne sont des « bedeutendste »,
76 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE UE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
détail est caractéristique, d'être traitée par Karl Lessing, directement
renseigné, de « moralische Kleinigkeit in Lessings Charakter » », —
n'a-t-on pas quelque raison de ne point se montrer trop tendre à
l'endroit de cette prétentieuse ignorance d'un jouvenceau ivre de
réclame? Je sais que l'on m'objectera la difficulté extrême de se ren-
seigner, de première main, à cette date, en Allemagne sur la littéra-
ture espagnole. Les œuvres originales n'y étaient, cependant, nullement
si rares, dans les centres d'érudition, qu'on le laisse entendre, bien
que, pour ce qui concerne les œuvres dramatiques, — sauf quelques
collections déjà d'accès facile, — le mode de leur publication en
Espagne et les mœurs des libraires espagnols en rendissent l'acqui-
sition généralement risquée et soumise à de fâcheux hasards hors des
frontières de la péninsule ibérique. Du moins ne manquait-on nulle-
ment, en 1750, d'une consciencieuse et volumineuse compilation
réunissant un assez bon nombre de précieux renseignements sur
l'Espagne et sa littérature. L'année même où Lessing et Mylius
publiaient leurs Beilriige, les Kritische Nachrichten — qui devaient
leur être plus familières qu'à quiconque — imprimaient un compte
rendu très favorable — en même temps que très hostile aux Jésuites
— de la Storia e ragione d'ognipoesia, de Quadrio, u das vollstandigste
vielleicht, Avelches bisher von der Dichtkunst erschienen ist. ..; von
allen denen gesucht..., die nicht Jesuiten waren'^. » Or, Lessing aurait
pu, dans la Part. II du t. III, parue à Milan en 1744, trouver, p. SSq-
3/i5, un catalogue bio-bibliographique relativement exact, quoique,
naturellement, incomplet, des dramaturges espagnols, avec, en parti-
culier, la bibliographie des 9 volumes in-4 de Comedias de Calderôn
publiés parVera Tassis — de la 7" Parte, Madrid, Sanz, i685, à la IX%
1691 — le renvoi aux Autos et aux Obras pôstumas dans l'édition de
Pando y Mier (Madrid, Murga, 1717), avec ce jugement sur le poète:
(( Le sue Gommedie sono per avventura le più ingegnose e plausibili
di quante ne abbia la Spagna^. » De Lope, outre un rapide essai
bibliographique et l'indication d'une collection de ses Comedias impri-
1. op. rit., p. 89.
2. Anhang :u den Critischen \achrichten aus dem Beiche der Gelehrsainkeit voin Monat
April 17Ô0. Ce compte rendu annonçait que la dernière partie de l'ouvrage de
Quadrio paraîtrait ce même mois.
3. Op. cit., p. 3/42. — Il n'est pas sans intérêt de noter en passant que si Ticknor
avait connu le passajfc de Quadrio sur Calderôn — à défaut d'autre autorité — il eût
hésité à dater le tome IX de l'édition Vera Tassis 169/», au lieu de 1691. On voit, en
outre, que Quadrio ne connaissait, lui aussi, du t. I que l'édition de i685 et, en effet,
l'hypothèse de La Barrera sur l'existence d'une édition de 1682 de ce tome I semble
avoir été une erreur du consciencieux bibliographe, bien que cette date 1682 soit
également donnée par Lemcke, Ilandbuch, III, G70. U est inutile de mentionner que la
/« Parte de Vera Tassis était la Parte V, par suite des 4 Partes (16/40-1672) de J. Cal-
derôn. A propos de l'ex-jésuite italien Quadrio, cf. le trait que lui lance le rancunier
J. B. P. Forner, l'auteur de VAsnn eriidito, dans sa. Salira contra los vicias introd. en la
poesia casl. B. A. E. 63, p. 3 10.
LA NATURE ET LES SOL'RCES DE L HISPAMSME DE LESSING 77
niée à Milan chez Giambatista Bidelli (lôrg, in-8) et de quelques-unes
des Parles espagnoles, il est dit : « Ma queste Commedie in venti-
cinque volumi raccolte, ciascuno de'quali ne comprende dodicii,
non sono le sole, ch' egli compose. » Et Quadrio, comme preuve de
son assertion, cite Lope lui-même, puis donne une liste de ses
œuvres non dramatiques. De même, il traite assez amplement de
Solis et signale à l'attention des lecteurs le volume imprimé en 1681
à Madrid par M. Alvarez et qui contient 9 comédies du poète histo-
rien. Mais, au lieu de se documenter, le jeune Lessing énonce impru-
demment des noms qui hurlent de se trouver réunis et cet enfantillage
semble suffisant à M. B. A. Wagner pour proclamer que déjà, sans
doute, il s'était «formé un concept personnel, encore qu'imprécis, du
caractère spécifique de la scène espagnole na.
P) Guevara.
x\u premier Stiick des Beytriige (M. IV, 61), intitulé : Von dem Leben
und den Werketi des Plantas, il y a cette phrase : « Wenn ich nicht
dem spanischen Schriftsteller, dessen Taubmann gedenket, gleich
werden, und in Ermanglung gegriindeter Nachrichten von dem
Plautus, meine Erdichtungen oder Vermuthungen dem Léser aufhiin-
gen Avill, so kann ich Aveiter nichts zur Lebensbeschreibung unsers.
Dichters beyfiigen, als seinen ïod. »
Taubmann, poète et professeur de poésie et d'éloquence à VVittenberg,
publia, en cette même ville, en i6o5, un volumineux in-4, intitulé :
M. AccI I PLAUTI I LAT. COMOEDI.E \ facile principis \ fabulae XX.
superstUes etc. | operâ | Friderici Taubmani, | Professons Acad. \ etc. Witten-
berg, Apud Zachariam Schurerum.
A la page i3o6 de cet ouvrage, se trouve cet avis :
« Narro tibi, Leclor. Cùm extremas hasce pagellas | typographiae adorna-
rem commodùm mihi e Bibliothecà | Lud. Personii JC. et Elect. Sax.
1. Cette collection est en réalité de plus de 25 volumes, parce que certaines des
réimpressions d'un volume identiquement numéroté ne sont pas semblables. On sait
que plusieurs pièces qui y sont attribuées à Lope ne sont pas de lui. Le premier qui
ait essayé d'en donner un Catalogue est Dieze, p. 33 1 seq., de sa traduction de Velâz-
quez. Schack l'a complété, II, 691 seq. (en utilisant, sans le mentionner, Bertuch,
Mag. der sp. u. port. LU., I (Dessau, 1781), p. 35i-358), puis Lemcke, Handbuch, III
(i856), 180-181.
2. Progr. cit., p. 'i. — On ne sait trop que penser lorsqu'on lit dans M. Farinelli —
critique, d'ailleurs fort érudite comme toujours, du livre de V. Cian sur Conti au
t. XX\ (1897) du Oiornale slor. délia lett. ital. p. ^-76-290 — que « dal Riccoboni e dal
Signorelli trasse il Lessing le prime notizie sui poeti dolla Spagna che studio poi,
come ora si sa, con scarso amore e con pochissimo frutlo » (p. a85). Si Lessing a
connu Signorelli, dont la première ébauche de la Sloria critica, etc., est de 1777, et
s'il est parti de lui pour « étudier » les poètes d'Espagne, nous serions obligé à
M. Farinelli de vouloir bien recourir à ses fiches pour nous confondre en nous
apprenant avec son exubérance documentaire coutumière comment il s'y est pris.
-8 CONTRirsUTIONS A l/ÉTUDE DE t/hISPAMSME DE G. E. LESSI>T;
Consil. ac Profess. pri- | marii libellus ab amico offertur Nob. cuiusdam
Hispani, | in quo ille, pag. 19 German. edit. ut rem certam ponit, | Plautum
nostrum in juventute variis fuisse moribus : | sectatum esse militiam : per
maria circumvectum esse : pi- | storem fuisse : mercaturam, et imprimis
oleariam exercu- | isse : factum etiam vestiarium et sarcinatorem : tandemq.'
I in bonis litteris acquievisse. Sed nisi potior ab aevo | prisco juvet auctoritas,
qui credam ista | omnia Taubmannus? | credat Judaeus apelles, Non ego. »
Lessing illustre le passage de cette remarque lapidaire : « Wo ich
nicht irre, so ist dieser Spanier Antonio von Guevara. Denn se viel ich
mich besinne, glaube ich an einem Orte seiner Schriften ein gleiches
gelesen zu haben. »
Lessing nous offre ici une occasion amusante d'illustrer son « hispa-
nisme 0, et de montrer combien est médiate son information littéraire
touchant les « choses d'Espagne ». Le mystérieux (( libellus » de Taub-
mann, à la page 19 duquel se trouve le passage où le c noble Espagnol»
a divagué si agréablement sur Plante, doit d'abord être identifié.
L'édition des comédies de Plante par le professeur de Wittenberg â,
nous l'avons vu, paru en i6o5. Un peu avant la mise en vente de
celle-ci, un de ses amis lui a remis l'opuscule à propos duquel il a
écrit la note finale de la page i3oG. Or, cette même année i6o5, la
libraire genevois De Tournes publiait une seconde édition, enrichie
d'une traduction allemande, d'un petit volume paru en lôgi et conte-
nant le texte espagnol, ainsi qu'une traduction française et une traduc-
tion italienne, du Libro llaniado menosprecio de la corte, y (dabanza de
la aldea i, du faussaire de Mondonedo. Cette seconde édition, imprimée
en quatre colonnes, dont les deux de gauche contenaient l'original
castillan et la version italienne, tandis que celles de droite renfer-
maient la version française et la version allemande, avait conservé la
préface de la première, laquelle était datée : 20. may 1591. Elle s'inti-
tulait : Mespris de \ la Cour, et Lou- | ange de la vie rustique :
I * I Composé premièrement en Espagnol par Dom An- \ toine de
Gueuarre, etc., etc.... par lean de Tournes M.DCV. Le passage auquel
faisait allusion ïaubmann s'y trouvait, non, comme il l'imprimait,
p. 19, mais p. 119. Ce passage était le suivant :
« Plato der Philoso- | phus war in seiner ju- | gent liederlich gnug, | dann
er liefT dem krieg | nach 1 unnd fuhr auffm | meer 1 er war auch ein |
I beck I und handlete mit | kauffmanschafTt | ver- | kauffte ôl | und lernte
I das Schneider handt- | werck. Als er derwe- | gen gefragt ward | wel- |
ches amt ihm am be- | sten gefiele | gab er zur j antAvort etc. »
P. 118, le texte espagnol, ainsi traduit, avait la teneur suivante :
c( Platon el philoso- | pho fue en su moce- | dad muy humano, y | aun
mîidano, porque | anduuo enla guerra, | nauego por mar, fue | panadero,
I. Valladolid, lôSg, in-fol. Le texte de De Tournes est celui de l'édition ultérieure
d'Anvers, sans date.
LA NA.TUHE ET LES SOUKCES DE L HISPANISME DE LESS1NG "u
tracto en | mercaderia, vendio | azeyte, y aprendio | un oficio de sastre. |
preguntado este phi- i losopho,en que of- I ficio auia eslado mas | contento,
y se auia | hallado mas assosse- | gado, respondio.... »
Objectera-t-on, maintenant, que Lessing a, par un lapsus memoriae
qu'expliquerait et excuserait la distance, confondu Platon et Plante? Ce
serait mal connaître sa manière, lorsqu'il traite de détails espagnols.
Nous n'avons qu'à nous reporter au traducteur allemand de Guevara
et d'autres auteurs espagnols, à cet effroyable barbouilleur d'.Egidius
Albertinus, dont nous verrons Lessing signaler et critiquer dédaigneu-
sement — et d'ailleurs à juste titre — l'année suivante la version du
Giizmdn de Alfarache. On lit, en effet, au cap. II, p. 1 1, de
Drey schône Tractiitlein, dereii | Das Eine \ De Molestiis Aulae \ et Ruris
Laude | Das ist : \ Missbrauch des Hoff - Lebens \ und Lob dess Landt-
Lebens etc. etc. | diirch ' Herrn Antoniam de Guevara \ In Hispanischer Sprach
beschrieben \ jetzundaber durch^gidiumAlbertinumetc. \ in Teutsche Spraach
versetzt (Frank/art MDCXL VJ :
« Plautus der Philosophus war in seiner Jugend liederlich genug | dann
er lief dem Krieg nach I und fuhr auffm Meer | er war auch ein Beck | und
handlete mit Kaufmannschaft verkaufTt Oel | und lernete das Schneider
HandAverck. Aïs er derwegen gefraget Avard \ Avelches Ampt im am besten
geflel I gab er zur Antwort. Es ist kein. stand d' | sich nit verkehre | es ist
kein Ehr ohne Gefahr f es ist kein Reiclithumb ohne Mûhe etc. etc.. Dieser
Philosophus Plautus hat gantz weissiich | und wie ein erfahrncr Mann
geredet, etc. »
On comprend, maintenant, pourquoi Lessing n'a pas relevé Terreur
de Taubmann — lui qui aimait tant les Rettungen, il avait là une
excellente occasion d'entreprendre une Rettung de Guevara, « abernur
in einer Kleinigkeit)) — et ce que vaut sa déclaration qu'il a lu les
« Schriften » del'évêque franciscain. Il les a lues, sans doute, il faut
l'en croire, mais dans .Egidius Albertinus. Et sa mauvaise étoile a
voulu qu'au lieu de se servir de la charmante et correcte édition de
Jean de Tournes, il n'ait connu que la réédition défectueuse de Franc-
fort, 1645, de la traduction d'Albertinus, et ait accepté sans le contrôler
sur le texte original l'erratum monstrueux qu'elle contenait i.
1751-1753. Les « Rezensionen » hispaniques.
Nous abordons, avec les critiques hispaniques publiées soit dans la
Derlinische Zeilung, soit dans les Kritische Nachriclden, un terrain
I. Sur Jigidius Albertinus, un Hollandais immigré en Allemagne, cf. A. Schnei-
der, op. cit., p. 5 seq. Sur le Menosprecio de Corte et la version — dont la première
impression est vraisemblablement de Munich, 1092 — qu'en a l'aile Alljcrtinus, id.,
p. 77 seq. Sur l'édition de Francfort, iG4/4-45, id., p. 97.
8o COTKUJUTIONS A l'ÉTUDE DE L HISP.VMSME DE G. E. LESSING
fort chancelant. Il manque, en effet, de preuves décisives qui pour-
raient rendre admissible l'attribution à un auteur déterminé de tel ou
tel entre les articles anonymes de ces gazettes, et les critères adoptés
par les Lessingforscher pour résoudre ce délicat problème — le plus
décisif à leurs yeux est le caractère u lessingisch » du style — ne sont
guère convaincants. M. Muncker n'ose conférer à Lessing, à l'époque
où celui-ci rédige personnellement la Berlin. Ztg., en 1751, que
zum aUergriissien. Telle {M. IV, p. ix-x) la paternité des critiques de
livres qui y parurent. Quant à celles des Krltische Nachrichten
de 1751 qu'il lui attribue, il ne va pas, pour en garantir l'authenticité,
au delà de l'épithète : ziemlich zuverlâssig (ici., p. viii)«. C'est là le
langage d'une saine méthode. J'ai déjà fait une brève allusion à l'in-
trépidité de B A. Wagner en matière d'attribution à Lessing d'articles
des Krit. Nachrichten. Deux exemples plus frappants encore de cette
hypnose lessingophile ne seront pas superflus à cette place, ne
dussent-ils servir qu'à illustrer une thèse que certains aimeront peut-
être à donner comme paradoxale, ou comme produit d'une germa-
nophobie ridicule. Le premier de ces exemples est consigné dans la
Vierteljahrschrifl fiir Liiteraturgeschichle, III (1890), p. 398-4132.
Von Weilen y a tenté de conférer le baptême « lessingisch » à deux
articles anonymes de la Hamburgische Neue Zeitung, dont l'un est un
compte rendu extrêmement long de la Pragmatische Geschichte der
Protestanlen in Deutschland, de K. R. Hausen^. Si M. Erich Schmidt,
au lieu de s'être déclaré sceptique^, de n'avoir pas reconnu « die
Lowenkiaue » dans cette filandreuse dissertation, eût admis l'idée de
V. Weilen, nous aurions eu, à n'en pas douter, dans l'édition Muncker,
au lieu du plus court des deux articles en litige (M. X, 222) — déclaré
(I lessingisch » par Redlich et Boxberger, bien qu'Erich Schmidt eût
manifesté à son endroit de la défiance ^ — un nouveau morceau
« inédit n de critique lessinguienne à savourer. Le second exemple
concerne le fragment Zorade. Son histoire est essentiellement ana-
logue à la précédente et, comme on en trouvera les péripéties dans
Danzel (éd. de iSôo, p. 523-53o), Muncker (III, p. vi-vii) et E. Schmidt
(II, 708-704), je ne la reprendrai pas à cette place.
II était nécessaire, avant de passer en revue celles des critiques
I. Cf. en outre son aveu {id., p. V) : Ob >ch hei der Aufnahme oder Ausschliessunij
solcher ntaen Aufsàtze stets dos Richtige getroffen habe, weiss ich niclit. Cf. aussi la pré-
face de Boxberger, 61 ', p. i-v, et surtout E. Conseutius : Lessing und die Vossi^che
Zeitung, Leipzig, 1902, in-8° de no pages.
a. Leasings Beziehungen zur Hainburgischen l\euen Zeitung.
3. Réimprimé p. ioi-/ti! de la Vierleljahrschrift. L'ouvrage de Hausen, un
insupportable écrivassier dont les œuvres sans goût ni tenue littéraire sont indi-
quées dans Meusel, avait paru comme L Thl. à Halle en 1767, in-8. 11 n'eut pas de
seconde partie.
4. Ibid., p. 'ii3-,'ii5.
5. Ibid., p. il a.
LA NATURE ET LES SOUKCES DE L HISPANISME DE LESSING 8 F
hispaniques que les Lessingjorscher s'accordent à reconnaître comme
étant du Maître, de formuler les prudentes réserves qui précèdent. De
ces critiques, — au demeurant des plus médiocres, comme on pouvait
s'y attendre, — deux au moins appartiennent indubitablement à Lessing :
celle du 1 1 juin i-5i et celle du i3 décembre 1762, Tune et l'autre sur
les Novelas de Cervantes. J'emploierai, dans les § qui vont suivre,
les abréviations K. N. et B. Z. pour désigner chacune des deux
gazettes oîi elles ont été originairement publiées».
a) Cervantes. K. N., 12 février 1751.
(M., IV, 204.)
Leipzig.
La Zingarella 6 gli amori di Don Giovanni di Carcama et Donna Coslanza
d'Azevedo, nova Istoria, tradotta dalV originale Spagnuolo da Don Clémente
Romani, in Italiano, attuale Maestro délie ambe due lingue in Lipsia. Stampalo
a Lipsia da Federico Lanckisch Eredi, 1751, In Ocl. 7 1/2 Bogen.
Lessing commence par une affirmation assez étourdie : « Ein Ita-
liener braucht kein Hexenmeister zu sein, um Spanisch zu kônnen. »
Ce jugement sommaire rappelle celui qu'il formulera vingt-quatre ans
plus tard, en 1775, sur la foi de Montaigne, au Tagebiich der italien.
Reise {M. XVI, 269 et 274): «la lingua popolesca [piemontese] è un
[sic] lingua la quale non ha quasi altro che la pronunzia italiana: il
restante sono parole délie nostre... Je conseillai en Italie à quelqu'un
qui etoit on 2 peine de parler Italien, que pourvu 3 qu'il ne cherchât
qu'a se faire entendre, sans y vouloir autrement exceller, qu'il
employât seulement les premiers mots qui lui viendroient à la bouche.
Latins, François, Espagnols ou Gascons, et qu'en y adjoutantla termi-
naison Italienne, il ne fauldroit jamais à rencontrer quelque idiome
du pays ou Toscan ou Romain ou Vénitien, ou Piemontois ou Napo-
litain. » A quoi Lessing ajoute : « Dieser Rath ist in dieser Absicht
recht gut; aber hôchst nachtheilig fur einen, der das wahre Tosca-
nische lernen will. » Tout cela ne suppose pas une acribie philo-
logique très rigoureuse. D'autres détails sont à noter : la graphie
1. Redlich,qui dans l'article Lessing de VAllg. Deutsche Biographie, t. XIX(i884), est
loin d'être sévère pour son héros, n'en a pas moins relevé certain « Eindruck blosser
Lohnschreiberei, die mit oberflâchlicher Leichtigkeit fur den einen Tag hinwirft,
was am anderen vergessen sein kann » (p. 761), impression produite en lui par la
lecture des liezensionen dans les deux feuilles berlinoises.
2. .S'i'e dans M. — Boxberger a : en (71, 409).
3. Id. — Boxberger: pourvu. Il est inutile de remarquer que, même corrigée
de la sorte, l'orthographe des deux citations reste arbitraire. La première est tirée du
Journal de Voyage en Italie, dont on sait que Montaigne écrivit en italien une portion
linale, ofi il raconte sa cure en Toscane (p. Vjs de l'éd. Lauliey, Paris, njoG); la
seconde, de l'Apologie de Haimond Sebond {Essais, 11, la).
Sa CO>TRIBLTI0>S A l'ÉTL'DE DE l'uISPAMSME DE G. E. LESSING
« Michael de Cervantes Saavedra » et une allusion à ceux — dont,
naturellement, Lessing — «die sich mit dem spanischen Witze etwas
nciher bekannt gemacht haben», ainsi que l'annonce que «von diesen
neuenBeispielen doch eine ganz neue hoUàndische Auflage von 1789
in jedermanns Handen ist ». Cette « toute nouvelle édition », c'est
celle de La Haye : Novelas Exemplares de Miguel de Cervantes Saa-
vedra (En Haya, a costa de J. Neaulme, lySg), en 2 élégants volumes
in- 12 avec portrait et planches gravées, qui n'était, en effet, nulle-
ment une rareté. Lessing a la magnanimité de déclarer qu'il n'en
voudrait en aucune sorte à son auteur du Kleiner Betrug qui consiste
à avoir déguisé qu'il s'était servi d'un original français, « "vvenn uns
der Titel eines spanischen Sprachmeisters, den er sich beilegt, nicht
das Recht gabe, etwas schdrfer mit ihm zu verfahren». En rétor-
quant l'argumentation du censeur de Romani, l'on serait tenté
d'inférer que lui, qui n'était point un maître d'espagnol, bornait ses
ambitions à métamorphoser en son allemand archaïsant la version
donnée à iVmsterdam, en 1707- 1709, des narrations de l'hidalgo
d'Alcalâ par l'abbé Saint-Martin de Chassonville", en la corrigeant
au moyen d'autres intermédiaires. Quoi qu'il en soit, il fait, avec
un sérieux que démentiront peu après ses actes, un crime de sa
méthode au maestro di spagnuolo de Leipzig. Et pour mieux le confon-
dre et mettre son ignorance en lumière, voici le modèle de traduction
type qu'il prend la peine de lui fournir :
« Wir wollen, » dit-il, « eine kleine Probe anfûhren, die unsre Beschul-
digung rechtfertigen mag. Gleich nach dem ersten Romanse (sicj heisst es
im Spanischen': El cantar de Preciosa fue para admirar a quantos la
escuchavan : unos dezian: Dios te bendiga la muchacha, otros : Lastima es,
que esta moçuela sea Gitana. En verdad en verdad que merecia ser hija de
un gran senor. Otros avia mas groseros, que dezian : Dexen crecer a la
1. youvelles de Michel de Cervantes Traduction nouvelle. Amsterdam, 1607 (pour
i707)-i709; 3 vol. in-12 avec frontispice et planches gravées. Plusieurs éditions posté-
rieures de cette version sont, ainsi que cette version elle-même, à la Bibliothèque
Nationale. Cf. Catalogue, t. XXV (190G), p. 85i. — Dans l'Avertissement, Chassonville
avouait honnêtement: (.(J'ai retranché autant que j'ai pu ce qui n'est pas du génie de
notre langue. Quant au reste, je n'ai point perdu de vue mon original. »
2. Éd. de La Haye, I, p. 5. — B. A. Wagner déduit de la date de cette Rezension
la preuve que Lessing travaillait encore en 1751 « an der Ueberselzung der geistvoUen
Novellen » {prog. cit., p. i5). On pourrait, en suivant cette méthode, suggérer que,
puisque Lessing choisit son exemple au début de la Gitanilla, alors que le texte de
Romani offrait tant d'autres iuBdélités typiques, son travail n'était guère avancé.
Je ne comprends plus ce qui fait affirmer à M. Wagner, à propos des IS'ovelas, que
« es sind deren 13 in zwei bânden ». S'il avait simplement feuilleté quelque catalogue
bibliographique du genre de Graesse, il aurait pu facilement constater que la ques-
tion dos deux volumes ne signifie rien, que le chiffre i3 n'a de sens qu'après 1818 —
époque de l'impression du texte complet de la Tia fingida — et n'aurait pas taxé
lledlich d'erreur pour ne pas avoir compté parmi les Novelas le récit FA curioso
impertinente, qui constitue, comme nul ne l'ignore, les ch. XXXIII et XXXIV de la
1" partie du I). (^)uijole.
L\ NATURE ET LES SOURCES DE l'iHSPANISME DE LESSING 83
rapaza, que ella hara de las suyas, a fe que se va anudando en ella gentil
red barredera, para pescar coraçones. Otro mas humano, mas basto, y mas
modorro, viendola andar tan ligera en el bayle, le dixo: A ello hija, a ello;
andad amores, y pisad el polvito a tan menudito. Dièses heisst bey dem
Italianer : Preciosa cantô si bene, che rapi tutti quelli, che l'inteseio. Gli
uni li dauono benedizzioni, gli altri dicevono, esser peccato, che nata sia
Egizziana, essendo degna d'altra nascita, altri si servivono d'altri termini,
dicendo che cresciuta, che sarebbe, si vedrebbe la seconda Arpia, lasciatela
solamente crescere e vedrete cosa saprà fare, diceuono fra di loro. Li suoi
occhi sono molto più proprii per li larcini, che le sue mani : e giudicando
per le sue nascenti, e grazziose fattezze, ch' attraggono di già i cuori di
tutt' i viventi, si prevedeva ben, esser nata per accattivarseli, e farli Schiavi :
che prépara buschate invingibil' à coloro, che sel accosteranno da Vicino
e pochi ne li scapperanno. Was fur eine abgeschmackte Verwirrung istnicht
in der spanischen sinnreichen Kùrze entstandenl Der letzte und artigste
Gedancke : So recht, Mâgdchen! kommt ihr Liebesgôiter, und beriihret den
Staub so leicht! ist gar weggeblieben. Damit wir aber deutlich zeigen,
woraus eigentlich Herr Romani ûbersetzt hat, so wollen wir eben die Stelle
aus der Franzôsischen Uebersetzung des Abts de Chassonville anfûhren ■ :
Pretiosa chanta si bien qu'elle ravit tous ceux qui l'entendirent. Les uns lui
donnoient des bénédictions. Les autres disoient que c'etoit dommage qu'elle
fut née Egyptienne, qu'elle etoit digne d'une autre naissance. Les plus
penetrans tenoient un autre langage. Qu'on la laisse seulement croître la
petite Harpie, disoient-ils, qu'on la^ laisse seulement croître, et l'on verra
ce qu'elle saura faire. Ses yeux sont bien plus propres pour les larcins que
ses mains: et à en juger par ces charmes naissans, qui lui attirent déjà les
suffrages de tout le monde, on entrevoit bien qu'elle est faite pour faire
des Esclaves ; qu'elle prépare des embûches qui seront funestes à ceux qui
la verront de trop près, et que peu de cœurs lui echaperont. Herr Romani
muss nicht gewusst haben, dass beynahe aile Franzôsische Uebersetzungen
nach diesem Muster der Richtigkeit verfertiget sind, sonst "vvûrde er sich
schwerlich auf seinen Vorgânger so sehr verlassen haben, dass er ihn uns
fur das Original verkaufen will... »
Lessing apprécie fort « l'ingénieuse brièveté )) espagnole et daigne
nous offrir un avant-goût de la manière dont il entend la rendre en sa
langue. 11 choisit donc le membre de phrase, fort simple : ci ello, hija,
â ello; andad, amores, y pisad el polvito d tan menudito 1 En en faisant
le So recht, Mâgdchen! kommt ihr Liebesgotter, und beriihret den
Staub so leicht! qu'il oppose triomphalement à l'w insipide confusion »
de Romani, il témoigne à son insu qu'avant de se risquer à donner des
leçons à autrui, il eût mieux fait d'aller encore modestement à l'école,
puisque, en traduisant amores par «les Amours «a, il commet un
1. op. cit., t. I, p. i35.
2. On sait que amores est un terme d'un usage courant en castillan pour désigner
la personne aimée, ou simplement adresser un compliment à une femme. D'ailleurs
andad traduit par kommt représente une confusion si élémentaire qu'il serait
superflu d'insister. Enfin, en comprenant: â tan menudito: so leicht, Lessing met le
comble à la mesure : trois contresens eu un membre de phrase. Le premier Iradiic-
C PITOLLET. 7
S'a contributions a l'étude de l'hispanisme de g. e. lessinc.
contresens impardonnable, dénature radicalement le contexte et nous
permet de nous demander ce que fût devenu, sous sa plume, le vague
à peu près de l'abbé deChassonville, s'il eût réalisé son projet de traduc-
tion des Novelas. Le gâte-métier de Leipzig, qui savait plus d'espagnol
que Lessing, s'il était vrai qu'il ait été cause de l'interruption de la
besogne entreprise par ce dernier, nous aurait privés d'une série de
preuves copieuses — heureusement superflues — pour confirmer une
thèse qui n'est que la constatation documentaire de l'évidence.
6) Montiano. K. N., H juin 1751.
(M. IV, 2j5.)
Cette Rezension, publiée au vingt-quatrième numéro des Kritische
Nachrichten, p. i85-i86, démontre à quel point Lessing était fondé en
manifestant à l'endroit des Français une méfiance que n'avait pas eue
le bon Romani, et combien conséquent avec sa manière de se docu-
menter lui-même il restait en prêchant à autrui l'étude directe des
textes, le recours immédiat aux sources. Pour entraîner la conviction
de qui croirait que nous usons ici d'une ironie frivole et malséante,
nous allons, pour la première fois, imprimer face à face le texte de
VAnzeige de Lessing d'après l'original et celui du Journal français qu'il
plagie impudemment, sans la moindre allusion susceptible d'indiquer
à ses lecteurs qu'il ne parle pas en son nom propre, mais n'est que le
servile écho d'un organe étranger en matière de littérature étrangère.
Kritische Nachrichten. Auf das Journal des Sçavans, tome CLVI,
Jahr 1751. 2-7. Stiick. Freytags, den Avril 1751, p. ^50-^66^ .
11. Junius.
Madrid.
Im verwichenen Jahre gab allhiei DISGIJRSO SOBRE LAS TRAGE-
Don Augustin de Montiano y Layan- DL\S ESPAGNOLAS &c., G'est-a-
teur français de la Gitanilla, F. de Rosset (cf. p. loi), avait ainsi rendu ce passage:
Là, mes Amours, là, el foule: la terre bien menu. L. Viardot (La Bohémienne de Madrid,
Paris, i853, p. 5) le traduit : Courage, ma fille, courage; en danse, les amours, et
frétille à perdre haleine, en renvoyant en note au texte espagnol, où il découvre
« quelque malice dont il est fort difficile de deviner le sens aujourd'hui ». pour l'explica-
tion de laquelle il n'a lUrouvé personne » Le dernier traducteur français que je
connaisse de la nouvelle, J. Soldanelle, [Cervantes, la Jitanilla, Paris, 1892, Petitecollec-
tion Guillaume] écrit Courage, ma fille, courage... alerte, les amours, pulvérise la terre! On
voit que cVst encore de Rosset qui se tenait le plus près du texte. — Notons que Rius
ignore, dans sa Bibl. crlt., etc., 1, 345 seq., la version de Romani.
i. Je n ai eu à ma disposition, pour transcrire le texte, que la contrefaçon d'Ams-
terdam, Rey. Dans l'édition originale de Paris, le texte, identique, se trouve au
numéro de février 1761, p. io4-iio. Le Journal des Savants n'était pas le premier
organe français à signaler à l'Europe l'ouvrage de Montiano. Les Mémoires de Trévoux,
qui sui\ aient attentivement le mouvement intellectuel en Espagne, en avaient donné.
LA NATUUE Et LES SOURCES OE l'hISI'ANISME DE LESSINC
85
do, bestàndiger Director der Akade-
mie der Historié allhier, und Mitglied
der Konigl. Spanischen Akadeinie,
ein Buch von 255 Seiten, in Duodez,
un ter dem Titel : Diseur so sobre las
Tragedias Espagnolas etc. heraus.
Er kùndiget in diesem Bûche ein
Werk an, Avorinnen er die Ehre des
Spanischen Theaters retten und zci-
gen will, dass Spanien sich hierin-
nen ganz Avohl mit Frankreich,
Italien und England in Vergleichung
slelien kônne.
Er eifert auch Avider den Verfasser
des Théâtre Espagnol ' , welches 1 788
zu Paris herausgekomnien, und
worinne der Verfasser desselben
behaupten will, den Spaniernwàren
die Trauerspiele unbekannt, und
nian kônne einige von ihren Stù-
cken, welche zwar den Namen der
Trauerspiele fùhrten, als z. E. Celes-
tina und Helena, nicht mit Recht
Trauerspiele nennen, und sie hôch-
stens nur fur Romane InGespràchen
kônnten gehalten werden.
mnv., Discours sur les Tragédies Espa-
gnoles, suivi d'une Tragédie aussi en
Langue Espagnole, intitulée Virginie,
par Don Augustin de MONTIANO ET
LAYANDO, du Conseil de Sa Majesté
Catholique, Son Secrétaire de la
Chambre de Grâce, de Justice, cf- d'E-
tat de Cnstille, <;- Directeur Perpétuel
pour le Roi de l'Académie Royale de
l'Histoire, i|^ Académicien de l'Acadé-
mie Royale Espagnole, in-12. pp. 255.
A Madrid, 1750.
L'Auteur de ce Discours nous an-
nonce un Ouvrage qui doit paroitre
incessamment, & dans lequel on se
flatte de prouver que les « Espagnols
ont un plus grand nombre de
Comédies parfaites & dans les règles
de l'Art, que les François, les Ita-
liens &; les Anglois ». L'amour de la
Patrie qui dans Dom Augustin nous
paroît toujours modéré par l'amour
de la vérité, ne l'emporte pas si loin.
Il ne dit pas la même chose des Tra-
gédies Espagnoles; son but est seule-
ment de faire voir que c'est avec
autant de légèreté que d'injustice,
que l'Auteur du Théâtre Espagnol,
imprimé à Paris en 1788, a osé
dire qu'il n'y avoit point de Tra-
gédies en Castillan, ou, pour mieux
dire, que les Espagnols ne connois-
soient pas cette sorte de Poëme; car
on ne peut, dit-il, «donner raison-
nablement le titre de Tragédies à
quelques-uns de leurs Ouvrages qui
le portent sans le mériter. Telles
dans leur numéro de décembre 1760, une analyse (p. 2719-2741, art. CL), où le juge-
ment de Duperron de Castera sur les tragédies espagnoles était spécialement attaqué,
analyse qui terminait par une louange de la Poétique de Luzân. Après la publication
de l'article du Journal des Savants, le Mercure de France de mai 1751 donna également
un insignifiant compte rendu de l'ouvrage espagnol (p. 1 28-1 33), où le nom de
l'auteur apparaît déformé en Don Auguslin de Marliano y Layardo. D'Hcrmilly, dans
la préface de sa traduction du Discurso sobre las Tragedias espanolas, dont nous parle-
rons plus loin, renvoyait (t. I, Paris, 1764, p. xiij) aux organes français ci -dessus,
ajoutant qu'on y verrait « que les sçavants et judicieux journalistes ont déjà pris soin
d'en donner une très haute idée, etc. ». Cette indication était suffisante pour mettre
sur la voie du plagiat de Lessing par la simple comparaison de la date de publi-
cation des articles français et de l'article des Kritische Nachrichten.
I. Nous verrons plus bas qu'en 1754 Lessing désignera par son nom l'auteur de
ce Théâtre Espagnol: Duperron de Castera. Nous verrons aussi d'où provient alors
cette science nouvelle.
86
CONTRIBUTIONS A L ÉTUDE DE L HISPAMSME DE G. E. LESSING
De Montiano mrft also dem Ver-
fasser vor, er habe von der Sache
geurtheilet, ohne eine Kenntniss
davon erlangt und die besten Spa-
nisehen Dichter gelesen zu haben.
Dièses ist eiae endemische Seuche
unter den Kunstrichtera und witzi-
gen Kôpfen in Frankreich. Sie ma-
chen es mit ihren Nachbarn gegen
Morgen ebenso, und ihr Abscheu
vor allen fremden Sprachen, wel-
chen das Vorurtheil fiir ihre Nation
bestàndig unterhâlt, wird auch so-
bald keine Mittelwider dièse Krank-
heit anschlagen lassen^. Wenn
der Verfasser des Théâtre Espagnol
nur, wie es seine Schuldigkeit erfor-
derle, die ganz bekannte Bibliothek
des Don Nicolas Antoine nachge-
schlagen hâtte, so wiirde er eine
zieniliche Anzahl Spanischer Dichter
gefunden haben, welche Trauer-
spiele geschrieben, die man noch
itzo, wiewohi veràndert, in Spanien
auffûhret. Er wundert sich auch,
dass der Verfasser des Théâtre Espa-
gnol die Celestina unter die Tragô-
dien rechnet, da sie docli, als sie
17893 zu Sevilien war gedruckt wor-
sont la Célestine & V Ingénieuse Hé-
lène, qui ne peuvent passer tout
au plus que pour des Romans en
Dialogues ■ . »
Dom Augustin montre d'abord que
l'Auteur François, comme il arrive
à presque tous ceux qui s'arrogent
le droit de juger les Etrangers, a
prononcé sans connoissance de cause,
c'est-à-dire sans avoir lu les princi-
paux Poëtes Espagnols. Il soutient
que s'il avoit seulement ouvert la
Bibliothèque de Dom Nicolas Antoi-
ne, Ouvrage très-connu des Sçavans,
il y en auroit trouvé grand nombre
dont plusieurs ont écrit des Tragé-
dies qu'on représente encore en
Espagne, mais à-la-vérité avec quel-
ques changemens. Il y auroit vu
aussi qu'il s'est trompé jusque dans
le titre, qu'il donne à la Célestine &
à ïingénieuse Hélène, puisque la pre-
mière, imprimée en 1789 à Séville,
ne porte que le titre de Tragi-Comé-
die, &: la seconde, qui a été réim-
primée à Madrid en 161 4, celui de
Nouvelle, le seul que le tissu même
de l'ouvrage, & le plan qu'on y suit,
puisse comporter.
1. Cette citation est empruntée à la page 4 du Th. Esp., t. I. — Vv Ingénieuse
Hélène», c'est le roman scabreux de Salas Barbadillo, dont la Bibl. Nat. (Rés. Y. 1129)
possède la première impression, de Saragosse, i6i2,sous le titre : La Hyja de Celestina.
Par une curieuse confusion du si consciencieux Germond de Lavigne, dans sa traduc-
tion de La Célestine, tragi-comédie de Calixie et Mélibée (Paris, i84i), Juan de Herrera,
l'éditeur madrilègne qui en iGi/i publia une réimpression « illustrée et corrigée » du
roman sous le titre : La ingeniosa Elena hyja de Celestina, est devenu, dans l'Essai
histor. sur la C. mis en tète du volume (p. x), l'auteur même. Cette erreur a été relevée
par P. d'Aglosse (= de Roberville) dans des « Notes de lecture. Molière, Scarron et
Barbadillo » parues dans la Revue de Loir-et-Cher — rebaptisée depuis 1890 : Le Loir-
et-Cher historique, etc., etc. — 1887, pp. 69-70, 78-79, 86-86(p. 78, note 4). Nous retrou-
vons la correction dans M. E. Martinenche : Molière et le Théâtre Espagnol (Paris, 1906),
p. i63, note i.
2. Cette double phrase est la seule qui appartienne en propre à Lessing. Elle
venait, il faut l'avouer, fort à propos au milieu de ce plagiat éhonté.
3. Lessing reproduit ingénument cet erratum du Journal des Savants. Montiano
{op. cit., p. 7) avait: 1639. Du moins, ne se trompait-il pas de plus de deux siècles.
Il n'est pas sans importance de noter que Boxberger [t. 5, p. 5 des Lessings Werke,
dans Kiirschncr) a cru devoir corriger en note — intlucncc vraiscniblablcnient par
I.A NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING
87
den, den Titel einer Tragikomôdie
fûhrete.
Er beweiset, dass man schon von
i533 an gute Trauerspiele in Spa-
nien fîndet, als z. E. la Venganza de
Agamemnon und Hecuba triste, wel-
che beyde Fernand Ferez de Oliva in
Prosa verfertiget hat.
Er geht hierauf aile Spanische
Trauerspiele durch, welche von die-
ser Zeit an herausgekomnien, und
beurtheilet sie, da er denn gestehet,
dass viel schlcchte darunter sind.
Il fait voir que les Tragédies sont
connues si anciennement en Espa-
gne, que dès l'an i533 on en trouve
deux bien caractérisées, l'une sous
le titre de la Venganza de Agamem-
non, l'autre sfus celui d'Hécuba
triste; l'une et l'autre sont en Prose,
& ont été composées par Ferrand
Pérez de Oliva. Quoique le sujet en
soit pris de Sophocle & d'Euripide;
ce Poëte en a tellement changé la
disposition, qu'il se l'est rendu pro-
pre, & que ces deux pièces passent
pour originales. Selon Dom Augus-
tin, les trois unités qui n'ont pas,
dit-il, comme quelques-uns se l'ima-
ginent, été enfantées par le caprice
& par la fantaisie, mais qui sont
fondées sur la Nature & la Raison, y
sont parfaitement observées, tous les
Episodes étroitement liés au sujet, les
caractères des personnages bien sou-
tenus,les passions maniées avecautant
de force que de vérité, & enfin la
diction en est si pure que ces pièces
ne laissent rien à désirer sur ce point.
Notre Auteur parcourt toutes ' les
Tragédies Espagnoles qui parurent
depuis ce tems. 11 en fait la critique, &
convient que plusieurs ^ d'entre elles
méritent ce que l'Auteur François a
dit de toutes en général. Il relève en
passant une erreur de Dom Nicolas
Antoine, qui trouvant que les deux
Tragédies de Ferrand Pérez, dont
nous venons de parler, n'avoient été
imprimées qu'en i586, tandis que
la Misé Lastimosa & la Misé Laureada
d'Antoine de Silva l'avoient été dès
15753, a cru que ce Poëte étoit,
D'Hermilly (traduction franc, du Discurso, t. I, p. 7) — : iSSg, ignorant évidemment
que l'édition la plus ancienne, susceptible d'être datée avec certitude, de la Celestina,
est celle de Burgos, 1499, ^" '^ actes, réimprimée en 1902 par M. Foulché-Delijosc
au t. XII de la Bibl. hisp. et que la dénomination initiale de l'œuvre a été : Comedia,
et non : Tragicomedia. Quanta M. Muncker, il a tout simplement substitué, dans le
texte et sans remarque aucune, la date lâSg à la date 1739.
1. Cette affirmation, est-il besoin de le dire, n'émane pas de Monliano.
2. On voit la précision avec laquelle traduit Lessing.
3. Dans Monliano, 1877, qui est la date exacte.
88
COMRIBLTIO.NS A l'ÉTLDE DE LUISI'AMSME DE G. E. LESSING
Unter die wohlgerathenen werden
hier die a Trauerspiele des Antonio
de Silva, la Xise lastimosa und la
I\lse lanreada von 1075 gezahlet.
comme il s'en est faussement vanté ' ,
le premier qui eût donné des Tragé-
dies Espagnoles.
Du reste Dom Augustin pense
comme le sçavant Auteur de la Biblio-
thèque espagnole, que dans les deux
Nisés Antoine de Silva a suivi exac-
tement toutes les règles de l'Art, ^
que fidèle imitateur des Tragiques
Grecs & Latins, il les a même sur-
passés en certains points^. Il ajoute
qu'on ne peut lire ces deux Tragédies
sans être pénétn'' de tous les senti-
mens qui répondent à la terrible &
célèbre avanture qui en fait le sujet.
Cette avanture est celle de Dona Inès
de Castro, &. la mort funeste de
ceux qui en furent les auteurs. Il
ajoute qu'Antoine de Silva a fait en-
trer dans les chœurs des Odes si
ingénieuses & si élégantes, qu'on
pourroit les comparer à celles d'Ho-
race. Elles sont, continue-t-il. embel-
lies d'une grande variété de Vers
Phaleuques, Saphiques &; Adoniques,
ce qui montre que les Poètes Grecs
& Latins lui éloient très-familiers.
Nous observerons en passant que les
Espagnols mettent presque toujours
des Chœurs dans leurs Tragédies, &
que ces Chœurs sont en musiques.
Nous voudrions pouv oir suivre r Au-
teur dans l'examen critique qu'il fait
de la plupart des Tragédies Espagnoles
qui parurent dans le seizième siècle.
Nous remarquerons seulement qu'en
parlant d'une Tragédie de Jean de la
Cuéva, intitulée Le Tyran i, et dans
laquelle cet Auteur fait paroître deux
ombres, Dom Augustin s'exprime
ainsi 5...
I. Dans la Dédicace, datée 8 mai 1575, à D. Fernando de Castro y Andrade.
■i. Nicolas .\ntonio n"a rien dit de tout cela. Montiano dit que le jugement qu'il
rapporte, il l'a trouvé manuscrit dans son exemplaire de la Bibliotheca Hispana,
« y es del Sabio Autor del Prologo con que se reimprimieron las Comedias de Cer-
vantes el ano proximo passado ». Cet auteur était donc le bibliothécaire royal Blas
Nasarre.
3. Cette « observation » malheureuse est de l'auteur de l'article.
[>. El Principe Tyrano.
5. Je ne reproduis pas la longue citation, où Montiano s'élève contre l'emploi
des ombres et fantômes. Je noterai, cependant, que l'auteur de l'article parle des
LA .NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPAMSME DE LESSI>G 89
Dom Augustin regrette fort de
n'avoir jamais pu trouver les trois
Tragédies, dont il est parlé avec tant
d'éloge dans le quarante -huitième
chapitre de la dernièi'e partie de
Dom Quichotte ' . Ce qu'en dit cet
Auteur, qui assurément étoit un
homme de goût, prouve évidem-
ment qu'il y avait alors en Espagne
des Tragédies, & même de bonnes
Tragédies, mais en même tems
qu'elles commençoient déjà à se cor-
rompre.
Hingegen werden wieder andere C'est ce qu'on aperçoit aisément,
getadelt, als des Hauptmanns Al- entr'autres dans cinq Tragédies du
phonso Virues 5 Trauerspiele, des Capitaine Alphonse ^ Virûés, qui
sonst berûhmten Fr.3 Lope Félix de furent imprimées en 1609, et dont
Vega Carpio 6 Trauerspiele, das on trouvera ici une critique rai-
Trauespiel Paulino, welches 17^0 sonnée... i.
zu Madrid herausgekommen und Notre Auteur parle bien moins
andere. favorablement de six Tragédies
composées par le célèbre François
Lope Félix de Véga Carpio 5...
c< personnes sages et religieuses » qui ne reçoivent qu'avec beaucoup de réserve les
histoires de visions et d'apparitions non appuyées sur l'autorité de l'Écriture ou de
l'Église, alors que Montiano mentionnait — comme, l'eût fait le P. Feijôo — seule-
ment les « cathôlicos cultos y prudentes » (p. 28).
1. C'est dans la première partie, mais la faute n'est, naturellement, pas dans
Montiano. Ces trois comédies étaient la Isabela, la Filis, la Alejandra Les rétlexions
qui suivent faussent la pensée de Montiano.
2. Dans Montiano : Christoval (p. 26). C'est son père, le médecin valencien ami de
Luis Vives, qui s'appelait Alonso.
3. Lessing a eu l'abréviation heureuse. Son Fr. n'est pas le Fr. de Montiano (p. 47),
mais la simplification du « François n du texte français.
4. J'omets le résumé des critiques adressées par Montiano à la Cruel Casandrael
Atila Furioso, [où l'écrivain espagnol souscrit aux idées émises par Voltaire dans la
Dissertation en tète de la Sémiramis, sur l'absence de l'amour dans les tragédies,] qui
concluent par le regret que Virués, ayant connu les règles et les ayant quelquefois
appliquées, les ait négligées à seule fin de passer pour l'inventeur d'un nouveau genre
de tragédie. Lessing a, ne comprenant rien à tout cela, omis de tirer prrti de ces
considérations.
5. Ces six « tragédies » seraient, d'après Montiano, les six énigmatiques pièces
dont Lope, dans VArte, dit :
Porque, fuera de seis, las demas todas
Pecaron contra el arte gravemente.
M. Morel-Fatio a noté, dans sa réimpression de l'ylr/e (Bui/. hisp., III, 1901, p. 4o5),
que « Ticknor prend la déclaration au sérieux et rappelle que Montiano et V. de la
Huerta ont vainement cherché ces six pièces... [Ticknor-Julius, 1. 622].» Ticknor-
Julius dit : « Man sehe Montiano y Luyando, Discurso sobre las tragedias esp. (Madrid,
1760, 12, S. 47) und Huerta, Teatro Hespahol, inder Vorrede, ùberdieSchwierigkeiten,
auch nur dièse sechs Slùcke ausfinding zu machen. » Je soupçonne fort que Ticknor
a pris tous ces renvois dans Lord HoUand (Some account, etc., I [London, 2* édition,
1817]), oîi il y a une analyse un peu trop dogmatique de ÏArte et où sont cités Huerta
et Montiano, lequel avait énuraéré les six pièces qu'il croyait régulières, et que Lord
90 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE U HISPANISME DE G. E. T.ESSING
Il avertit qu'il n'auroit pas parlé
d'une misérable Tragédie Espagnole
intitulée Paulin, & qui a paru à
Madrid en 17^0, s'il n'eût craint
que les gens peu instruits qui
liroient le prologue de cette Pièce
n'allassent croire sur la parole de
l'Auteur, que les Tragédies Fran-
çoises qu'il prétend avoir imitées,
sont conduites comme la sienne.
Elles diffèrent extrêmement, dit
Dom Augustin, d'une imitation si
malheureuse. Ceux qui voudront
s'en convaincre par eux-mêmes
peuvent en faire la comparaison.
Pour moi, dit -il, je ne suis pas
d'humeur à perdre aussi mal mon
temps ' .
Après avoir porté avec autant
de goût que d'impartialité son
jugement sur toutes les Tragédies
Espagnoles qui sont venues à la
connoissance, Dom Augustin montre
que ses Compatriotes ont toujours
eu un goût si décidé pour ce genre
de Poëme, qu'outre les différentes
traductions de la Poétique d'Aris-
tote qui ont été faites en Espagnol,
plusieurs Auteurs, dont il indique
les ouvrages, ont écrit très-soli-
dement sur les règles de la Tragédie,
& en dernier lieu Don Ignace de
Lussan dans la Poétique imprimée
en 1787, à quoi il ajoute que d'autres
ont traduit avec succès différentes
Tragédies Grecques & Latines : de
nos jours, dit -il, le sçavant Marquis
de S. Jean a donné la traduction de
Von den Neuern lobt er Don
Ignazo de Lussan und die Ueber-
setzung des Cinna des Corneille
durch den Marquis de St. Jean.
HoUand analyse à son tour, i4i seq. Sur ces six pièces, Labeaumelle a une remarque
très sensée dans sa Poétique de Lope de Vega (Chefs-d'œuvre des th. étrangers, 2' vol. de
Lope de Vega, Paris, 1827) et qui témoigne d'une exacte connaissance du théàlre de
Lope.
I. Monliano dédaignait Anorbe y Gorregel; c'est pourquoi d'Hermilly n'a pas
mis de notice sur son compte, et c'est la seule omission qu'il s'est permise à
l'Index des poètes cités. Il se borna à l'expédier dans une peu flatteuse note. Le
Paulino — imitation du Cinna de Corneille — avait été précédé en 1736 par un in-i
contenant huit comedias, puis, en 1788, par la Comedia de la Tutora de la Iglesia y
Doclora de la ley, en trois parties, dont le Dinrio de los literatos de Espana disait la
même année (t. IV, p. 3Go^ que (( las personas que no gustan de poesias profanas, ni
de saber el arte comico, hallarân en su leccion un entretenimiento apacible y prove-
choso». Anorbe répondit à ce coup droit dans le prologue de sa zarzuela : Jupiter y
ûanae( 1738), dédiée à D. Pedro Vedoya.
I.A. NATURE ET LES SOURCES DE i/hISPAMSME DE LESSING
91
In dem zu Madrid 1 735 gedruckten
Verzeichnisse der Spanischen Komô-
dien, deren Anzahl sich auf 4409
belauft, und worunter sehr viel
Cinna par Pierre Corneille ', & il a si
bien réussi, qu'au jugement de son
Approbateur, « si la Métempsycose
') des anciens Payens pouvoit avoir
» quelque vraisemblance, on pourroit
" croire que l'ame de l'Auteur & et
«du Traducteur étoit la mème»^.
... S'ils ont [les Espagnols] un
goût si dominant pour le vrai
Tragique, comment est -il possible,
dira-t-on, que la plus grande
partie du Peuple, celle qui constitue
le Corps de la Nation, soit en même
temps celle qui s'amuse le plus de
ces compositions bizarres & extra-
vagantes que vous condamnez jus-
tement, & qu'il y en ait un si grand
nombre en votre Langue, toutes
semblables à celles dont parle l'Au-
teur François que vous critiquez ?
Rien de plus aisé, dit l'Auteur,
que de répondre à la première partie
de l'objection... 3.
Dom Augustin ne pense pas qu'il
soit plus difficile de répondre à la
deuxième partie de l'objection. Il ne
nie pas '-* que parmi le nombre des
Comédies Espagnoles, qui selon un
1. Imprimée sans nom d'auteur en 1718, puis rééditée en 1781. L'approbateur
était D. Juan de Ferreras; le traducteur, Francisco de Pizarro y Piccolomini, marqués
de San Juan.
2. Suit un résumé des considérations de Montiano sur la décadence de la comédie
depuis Virués, avec la restriction que, cependant, la nation a conservé le goût du vrai
tragique, résumé que je ne reproduis pas, puisque Lessing n'en tient pas compte.
3. J'omets la suite de l'argumentation, qui repose sur une citation de Voltaire dans
lapréfacede la S'émjramis, déjà invoquée. Lessing s'est bien gardé de citer Vol taire, quand
il était mentionné à son avantage : il n'oubliait pas l'afïaire — encore toute fraîche —
du Siècle de Louis XIV, et il s'en souviendra derechef lors de la Dramaturgie. Notons,
à propos de cette affaire, que non ^seulement la dernière édition de Voltaire (éd.
Moland, t. 87 [Paris, 1880], p. 219-221) ignore complètement que la lettre de Lessing
à Richier et celle de Voltaire à Lessing ont paru originairement dans la biographie de
ce dernier par son frère, avec de fort curieuses réflexions (op. cit., p. 70-82), mais
encore prétend inexactement que la seconde de ces lettres fut publiée dans « l'A thenœum »
de i85/i, p. 876 : c'est VAthenseum français qu'il eût fallu dire (n° 87 : Voltaire et
Lessing, par O. Barbier, qui renvoie, d'ailleurs, à K. G. L.).
4. La phrase de Montiano, déjà défigurée par le journaliste français, perd toute
sa valeur dans la mutilation de Lessing. Qu'on en juge : « En el afio de 1785 impri-
mieron con esta confusion [c'est-à-dire en mêlant comédies, tragédies et tragi-
comédies] los herederos de Francisco Medel, curioso Mercader de Libros de esta
Corte, un Indice de 4409 Comedias, entre las quales, y otro mayor numéro, que no
estan inclusas, y andan en varias listas, que he logrado ver manuscritas, se halla una
cantidad exorbitante de las que quedan indicadas en este Discurso. » Montiano veut
démontrer que le nombre des tragédies régulières est beaucoup plus considérable
f)-î CONTKTBUTIONS \ I, ETUDE HE I. HISPANISME DE G. E. I.ESSING
schlechte seyn mûssen, hat man die Catalogue imprimé à Madrid en
Tragôdien und Tragikomôdien unter 1785 se montent à 4,^09, il ne se
den Titel Komôdien mit Unrecht trouve plusieurs de ces misérables
gesetzt. & pernicieuses Pièces Pléhéyennes.
aussi propres à gâter l'esprit qu'à
corrompre le cœur ; mais il soutient
en même temps, que sous le nom de
Comédies on a confondu dans ce
Catalogue plusieurs excellentes Tra-
gédies dont il a fait mention dans
ce Discours & différentes Tragi-
comédies, qui à la vérité ont leurs
irrégularités, comme il ne l'a pas
dissimulé toutes les fois qu'il a eu
occasion d'en parler, mais qui
cependant ne peuvent être regardées
comme des Pièces sans règle, sans
méthode, uniquement remplies
d'une galanterie insipide, ou d'une
basse bouffonnerie, & enfin comme
n'ayant d'autre but que de flatter
grossièrement la multitude.
D'où il conclut qu'il n'en demeure
pas moins certain que les Espagnols
sont les premiers qui ayent eu des
Tragédies et des Tragédies régulières ;
& conséquemment il se croit fondé
à dire que c'est avancer « une pro-
position insoutenable, inconsidérée
&. indigne d'un critique qui se
propose d'apprendre la vérité»,
que de dire, comme a fait l'Auteur
du Théâtre Espagnol, que ceux de
cette Nation n'ont point de Tra-
gédies, & qu'ils ont baptisé de ce
nom des Ouvrages qui en étoient
absolument indignes : il convient
que le goût des Tragédies régulières
dura peu parmi les Espagnols, qu'il
se corrompit bientôt, que cette
corruption dure encore aujourd'hui :
mais autre chose est, dit-il, de
n'avoir jamais connu, ni marché
dans le chemin respectable de l'Anti-
quité, & autre chose est de l'avoir
qu'on ne le croit généralement. Chez Lessing, il y a simplement que, dans la
catalogue de 1 785, les tragédies, les tragi-comédies et les comédies se confondent, et ce
catalogue est représenté comme le catalogue «officiel et complet», si je puis dire, des
comedias espagnoles! On sait que ce médiocre recueil de titres de Comedias fut très
mal réimprimé par Garcia de la Huerta à Madrid en 1780.
1
LA N'VTUllE ET I,ES SOURCES DE 1, HISPANISME DE I,ESS1>G
93
Endlich macht Don Montiano sich
auch ûber den Herrn von Voltaire
her, welcher behauptel, dass die
Franzosen zuerst die Schaubûhne
wieder hergestellt. Er laugnel dièses,
und spi'icht diesen Ruhm seiner
Nation zu.
ensuite abandonné pour entrer dans
des routes dangereuses & peu
battues.
D'où il suit encore que c'est contre
toute justice que M. de Voltaire dans
la Préface de son Œdipe c< que les
» François sont les premiers d'entre
» les nations modr*rnes qui ont fait
» revivre les sages règles du Théâtre.
» et que les autres Peuples ont été
» longtemps sans vouloir se sou-
» mettre à leur joug ». Bien loin d'en
convenir, Dom Augustin se flatte
d'avoir prouvé dans tout ce Discours,
que les Espagnols sont les premiers
qui ont rompu la glace, qu'on ne
peut leur disputer cet avantage, ni
même celui de tenir le premier
rang dans la classe des Auteurs
Dramatiques, par rapport au prin-
cipal de ses objets, qui est la Tra-
gédie.
Pour achever de convaincre les
. incrédules sur le goût qu'on a dans
sa Nation pour la Tragédie, & sur
les heureuses dispositions qu'on y
apporte en naissant pour s'y con-
former aux règles du Théâtre, il
nous donne une Tragédie de sa
composition intitulée Virginie. Mais
les bornes qui nous sont prescrites
ne nous permettent pas d'en rendre
compte, nous pourrons en parler
dans les Journaux suivans.
Ainsi donc, Lessing, qui dédaigne si fort la superficialité française,
accepte d'elle en bloc ce qu'elle publie sur l'Espagne, qu'à coup sûr,
vu son «horreur pour toutes les langues étrangères », elle doit fort
mal connaître. Nous voyons, en effet, qu'il a tenté les corrections dont
il était capable au texte du Journal des Savants. Au lieu de Dom Nico-
las Antoine, il a mis Don; au lieu de Dom Augustin il a mis — ô
excellente intention frustrée! — Don Montiano; au lieu de Ferrand
Pérez de Oliva, il a substitué Fernand P. de 0., sans aller, malheureu-
sement, jusqu'à oser supprimer le d final ou à le faire suivre d'un o;
du Viriles français, il a fait Virues tout court ; il a même, ô comble
du bon vouloir, espagnolisé à sa manière VIgnace de Lussan qui
offusquait son sens castillan : Jgnazo de Lussan : c'est ainsi qu'il
rebaptise le protagoniste académique du pseudo-classicisme à la
04 CO>'THTBUTlO>S A lÉTUDE DE l'hISP ANISME DE G. E. LESSING
Boileau, à la Rapin, à la Le Bossu, et des Trois Unités. Mais sa
(( science » hispanique ne va pas, pour l'instant, plus loin. Le Don
Augustin de Montiano y Layando, le Nicolas Antoine, les Tragedias
Espagnolas, l'Alphonso de Yirues, le Marquis de St. Jean sont de
suggestifs témoignages des limites plus que modestes de celle-ci. Pour
lui, la Celestina est bien de 1789; pour lui, ces exercices d'école —
très libres traductions de Y Electre de Sophocle et de VHécuhe d'Euri-
pide, sans destination ni valeur théâtrales aucunes — du Maestro
Fernân Pérez sont de « bonnes tragédies » ; comme, enfin, pour lui, la
trop peu scénique refonte de l'Inès de Castro d'Antonio Ferreira (Nise
Lastimosa) et la collection disparate d'extravagances brutales intitulée
Nise Laureada sont bien, non seulement — et derechef — de « bonnes
tragédies », mais encore l'œuvre d'u Antonio de Silva » 1!
Décidément, M. B.-A. Wagner avait infiniment raison, lui qui
savait parfaitement où Lessing se documentait, d'affirmer que « der
deutschen Recension eigentiimlich ist nur der Seitenhieb auf die
Selbstiiberhebung der Franzosen, die von Lessing schonzu jener Zeit,
wo er noch fast ganz in dem Bann des franzôsischen Geschmackes
stand, bekanntlich oft verspottet v^urden^. Cet n eigentiimlich ))
enferme, en ses douze lettres, plus de sens que ne sont coutumièrement
portés à en mettre dans un seul vocable les auteurs désintéressés
d'obligatoires et réglementaires v programmes scolaires ».
c) Guevara. B. Z. 2i août i75i.
(M. IV, 347.)
Hildburgshausen .
Das vergnûgte Land- und beschiverliche Hofleben, worinne soiuohl die Anmu-
thigkeiten des einen, als auch die Miihseligkeiien. des andern auf das artigste
abgebildet luerden; vormals beschrieben in spanischer Sprache von Antonio de
Guevara, Bischoffe zu Mondognedo, Rath, Beichtvater und Historiographo
Kayser Caris des V. jetzo aber seiner schônen Moralien halber von neuem ins
Teutsche ûbersetzt. Verlegts loh. Gottf. Hanisch 1751. in 8t. 11 Bogen.
Nous ne relèverons, dans cet insignifiant compte rendu que rem-
plissent de banales réflexions, que ce qui a trait directement à
I. Montiano désignait clairement le futur moine galicien Jerônimo Bermùdez
— cet inspirateur de Vêlez de Guevara — comme s'étant servi de ce pseudonyme.
Cf. Discurso, p. 13 : « Tampoco reparô Don Nicolas Antonio en que era supuesto el
nombre de Antonio de Sylva; descubriéndolo Diego Gonzalez Durân, en el primer
terceto de un Soneto, que acompana a las dos Tragedias :
» Geronimo Bermùdez ha compuesto
j> las Tragedias de Nise lastimosa
» en su passion y en muerte laureada... »
■>.. Prmj. cit., p. 8.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSIN(; ().")
Guevara. Tout ce que Lessing sait dire de lui, c'est que « er war iiber
i8 Jahr an dem Hofe Caris des V"", wo er ansehnlichen Bedienungen
vorstand, und lernte auf seinen Reisen andre Hôfe, sowohl als den
seinigen, kennen ». Sans aller — c'eût été pour lui voyage trop difficile
— jusqu'à recourir aux renseignements biographiques qui nous sont
fournis sur Guevara en tête des éditions complètes des Episiolas fami-
liares et dans la préface du Menosprecio de Cortey Alahanza de Aldea,
— que Lessing, nous l'avons vu, connaissait déjà dans la traduction
d'Albertinus dès l'année précédente — il suffirait d'ouvrir la Blbllolheca
Hispana Nova, 1, 125-28, pour y trouver les maigres détails consignés par
notre Recensent, qui se révèle, cependant, par cette phrase : Die Kunst
zu declaniieren war ihm eigen. Und welchem Spanier ist sie es nicht?
Ce jugement sommaire, révélant la plus profonde ignorance de
l'Espagne et de sa littérature à l'époque des Bourbons, qui est celle où
écrit Lessing et où le rationalisme critique domine, où la déclamation
est, chez les intellectuels de la péninsule, si impitoyablement bannie,
n'est-il pas caractéristique? Au lieu, cependant, de déclarer que
Guevara « war ein Geistlicher und dièse Art Lente bat Yergrôsse-
rungsgliiser, Avelche auf dem schonsten Gesichte unmerkliche Poros zu
den abscheulichsten Lôchern machen » et de se perdre en lieux com-
muns de cette force et de cette psychologie, quelle excellente occasion
ne s'offrait pas, en cette place, à Lessing d'attirer, à la suite de Bayle',
l'attention de ses compatriotes, que les innombrables versions d'_Egi-
dius Albertinus avaient inondés de « guevarisme », sur les méthodes
d5 mauvais aloi suivies par ce franciscain qui fut, dans toute la force
du terme, un faiseur à un âge où les évéques savaient généralement
mieux employer leurs loisirs qu'à des mystifications du genre de celle
du manuscrit de Florence et à des mensonges du volume de ceux que
recèlent la Década de los Césares et les Epistolas Familiares ! Lessing
croit en avoir dit assez quand il s'est moqué de la maîtrise innée des
Espagnols dans u l'art de déclamer ». Cela lui explique suffisamment
son Guevara, qu'il ne connaît, au surplus, qu'à travers les proses
ampoulées de versions où sa bonhomie, en somme réelle, avait sombré
en un pathos grotesque, et où son savoureux parler castillan de la fin
du règne de V Emperador était devenu, sous la rude gangue germa-
nique qui l'enserrait, le plus fastidieux des verbiages.
1. A l'article Guevara, dès l'éd. de 1697 du Dict. hist- et crit., 1, 1828. Gottsched,
qui, de 17/11 à 17W, traduisit en allemand, avec maints contresens, le Dictionnaire.
d'après la commode édition d'Amsterdam 17^0, avait ajouté, au mot Guevara, une
excellente note sur la contamination cultiste et l'influence de Graciân sur Lohenstein
(t. II, Leipzig, 1742, p. 674). Déjà, d'ailleurs, l'article de Nie. Antonio n'était pas tendre
pour Guevara.
g6 CO.\TKlUUTlO\S A. l'ÉTUDE DK l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
d) Alemàn. K. N. 29 octobre 1751.
(M. IV, 366.)
Leipzig.
Lustige Lebensgeschichte Gussmanns von Alfarache, andern zam Beyspiele
von ihm selbst beschrieben, und ihres besondern Inhalts wegen ins Deutsche
ubersetzt. Mit vielen Kiipfern. Bey Cari Ludiuig Jacobi. i75i. in 8. 1 Alphab.
6 Bogen.
u Der Verfasser,» commence Lessing, « ist Matheo Alemann » (sic). —
Toute sa science hispanique va consister, touchant l'auteur de cet
aventureux Picaro, à essayer de rectifier ce qu'en a dit Jôcher.
L'article an Gelehrlen-Lexikon avait la teneur suivante :
ALEMANN (Mattheas), ein Spanier oder Italiâner, ivar geheimer Secretarius
bey PhUippo II l im Anfange des 17. Seculi. legte sich auf die Humaniora,
erwehlte aus Liebe zu den Stadiis ein Privât- Leben, iibersetzte den Horalium
in die spanische Sprache, und gab das Leben Antonii von Padua; Cominentarios
linguae castellanae, und andere Schriften heraus. Ant. Si ' .
L'article était donc censé provenir de Nie. Antonio et d'une disser-
tation de Urban Gottfried Siber : De illuslribiis Alemannis (Lipsiœ,
1710), où le passage concernant Mateo Alemàn se trouve S XLIII,
p. i34-i38. Lessing déclarant n'avoir pu se procurer Siber, ne sait pas,
en conséquence, que c'est là que l'auteur de l'article a puisé ses doutas
sur l'origine espagnole de l'écrivain dont il traite a. Il va se borner, par
suite, à réfuter Jôcher par Nicolas Antonio, pour en conclure
triomphalement à la légèreté, à l'absence de sens critique du polyhis-
torien de Leipzig. En réalité, cependant, Lessing se sert habilement,
sans le citer^ d'un recueil bibliographique qui venait de paraître
partiellement et dont il tirera souvent parti, la célèbre Bibliothèque
curieuse^ de Clément, à laquelle il est, en fait, redevable des quelques
détails qu'il donne sur le « Guzmdn ». Voyons-le procéder.
I. Gel.-Lex., I, 2/47.
■->.. Les conjectures de Siber sur rascendance italienne d'Alcniân sont p. i35. Siber
a fair de s'appuyer sur une autorité par ce renvoi : vid. Arnaldi Ossati Eplst. '2^5 et
Aineluli Obs. T. IV, p. l'iO. Il s'ag:itde l'édit. des Lettres du cardinal d'Ossal enrichie des
noies d'Amelol de la Houssaye (éd. d'Amsterdam, 1708, t. IV, p. i4o). Mais on ne
trouverait rien, dans la lettre CCXLV, à Monsieur de Villeroy, Home, 3i oct. 1600, qui
justifiât les hypothèses de Siber.
o. Bibl. car., I (Gottingen, lyûo), p. 1G6-168. Clément confond dans cet article
Mateo Lujân de Sayavedra, c'est-à-dire l'avocat valencien Juan Marti(?), avec Alemàn
lui-même, dont il croit que c'est le pseudonyme. Mais il renvoie à Gordon du Percel
(c'est-à-dire Lenglet-Dufresiioy) : tSibl. des Homans, II, lOa, où Lessing: pouvait
aisément se documenter sur les traductions françaises du Guzmân. Euliii, Clément
décrivait amplement (p. i06) l'édition de Saragosse, 1099, et c'est certainement li que
Lessing a pris U: : criado del Fey D. Felipe III.
L\ NATURE ET LES SOUUCES DE L HISPANISME DE LESSING <)"
« Alemann ein Italiener oder Spanier. Dièse Ungewissheit ist sehr
wunderlich. Es ist wahr, dass man Italiener dièses Namens hat, allein
man hat auch Deutsche, welche so heissen. Warum hat man nicht
auch dazu gesetzt : oder ein Deutscher ? » Il n'était besoin, dit-il, que
de lire Antonio. Il y a : Hispalensis. N'est-ce pas clair? Et, en effet,
voici ce que rapporte la Bibl. hisp. nov. (Il, ii5) :
MATTH^US ALEMAN, Hispalensis e minislerio Regiarum sub Philippo II.
Rege Catholico tractandarum Rationam, quod inunus ei ex aliqua parle fuerat
commissum, ad privatam vitae conditionem sponle declinans, otiuin coliiit libe-
ralibus studiis, unde ingeniosa valde utiliaque varii generis qaaedam Scripla
prodierunt, cuni humaniores disciplinas olim didicissel curiose inlenteque,
nimiram.
Au surplus, ajoute triomphalement Lessing, Alemân ne se nomme-t-il
pas lui-même, sur le titre du Guzmdn : natural vezino de Sevilla?
Malheureusement, le triomphe de ce jeune matamore est trop hâtif.
Au début de sa critique, il a malicieusement insinué que si Jôcher
avait daigné lire Antonio, il u eût peut-être copié ses errata, mais
n'eût jamais commis d'aussi impardonnables bévues». Et, ce nonobs-
tant, le voici qui, exactement comme Jôcher — ou le collaborateur de
Jocher — et malgré Antonio, accepte qu'Alemân a été fonctionnaire
sous Philippe III et prétend avoir lu sur ce même titre de l'édition
espagnole originale du Guzmdn : criado del Rey D. Felipe III i. iMais
il ne lui suffit pas de redresser Jôcher, il apporte une conjecture per-
sonnelle pour élucider la trop obscure biographie de cet aventurier de
lettres : « Was man also mit Grunde sagen kann, » avance-t-il, « ist, dass
er mit den kôniglichen Einnahmen zu thun gehabt, und wohl gar,
wie wir muthmassen, in Mexico, wo er sich eine Zeitlang aufgehalten
hat. » Ce wie wir muthmassen est charmant, si l'on songe qu'il s'appuie
uniquement sur le passage suivant d'Antonio, qui ne saurait justifier
l'air dégagé de conjecture personnelle qu'affecte Lessing. « Gertum
quidem esse débet in occidentales Indos, hoc est Mexicanam Novae
Hispaniae urbem, aliquando venisse nostrum Matthaeum, cnjus rei
I. Il n'y eût trouvé, s'il eût bien regardé et n'eût pas simplement copié une
notice bibliofrraphique erronée : criado del Bey nuestro Senor. Le Sage — de l'édition
duquel il va être parlé et que Lessing n'a pas connue — expliquait nettement (Pré/ace,
p. v), sur la foi de V Éloge d'Wemân par Luis de Valdés, en tète de la IV partie du
Guziiiân. que l'auteur avait « exercé pendant plus de vingt années la charge de Conlndor
de résultas SOUS Philippe II. » Aujourd'hui, — mais déjà F. VVolf avait consigné une
fort judicieuse remarque touchant la date de publication de la véritable Seconde
Partie du G. de A. dans les Jahrbiicher der LUteratur viennois, CXXII (i8i8), p. ro5, —
quelques découvertes de C. Pérez Paslor (au n" 771 de //' P. de sa Bibliogr. Madril.
[Madrid, 190O]), venant après les Nuevos datas, etc. de J. Gestosoy Pérez(Sevilla, iSqO),
ont légèrement éclairci la carrière d'un homme qui a eu l'avantage de servir de thème
à deux discours académiques : en 1892, à Séville, à J. Hazaiîas y la Rua, et en 1907 à
Fr. Rodriguez Marin à l'Académie espagnole, discours ne compensant pas l'absence
d'un ouvrage véritablement critique s\u' Aleman, qui fait au moins aussi défaut
qu'une étude analogue sur Guevara.
gS CO-M RIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LHISI'AMSME DE G. E. LESSl^G
testimonium extat in eo, quem in ea urbe librum edidit : Ortografia
Castellana inscriptum, typis Hiernonymi Balbi 1609, in- 4- » On sait
que Gallardo a, dans VEnsayo (lY, 1191-1210), signalé le ms. d'un
corregidor d'Atitalaquia, Bart. de Gongora, où il est dit qu'Alemân
vint « conmigo el afio de 1608 », à la Nouvelle-Espagne, « mereciendo
Méjico su precioso cadâver difuntoo, par quoi l'hypothèse du biblio-
graphe espagnol — qu'avait, en 1871, déjà solidement appuyée
D. Luis Fernândez-Guerra dans son volume sur Alarcon, — est devenue
un fait historique. Celle de Lessing reste, par contre, une médiocre
prouesse, vu son origine.
Jôcher affirmait, nous venons de le voir, qu'Alemân avait «traduit»
Horace. Lessing, cette fois, a beau jeu de le corriger, k Uebersetzte
den Horatium in die spanische Sprache. Auch dièses ist falsch. Erstlich
bat er niemals den Horatium, sondern nur einige Stûcke desselben
iibersetzt; z^veitens sind auch dièse Stiicke niemals gedruckt worden. »
Science facile. Cf. Antonio : « Algunas traduciones de Horacio, Car-
donae diici nunciipatas, in schedis MSS. vidisse se refert D. Thomas
Tamajus.)) A coup sûr, le témoignage de Tamayo de Yargas était
digne de respect, mais justifiait-il, de la part de Lessing, écho d'un
écho, tant de cràneriedans l'affirmation' ? Reste la dernière étourderie
de Jôcher, touchant l'Ortografîa castellana : « Schrieb Commentarios
linguae castellanae. Dieser Umstand wird alsdann Avahr werden,
wenn man einen kleinen Traktat ûber die spanische Rechtschreibung
einen Commentar ûber die spanische Sprache Avird nennen kônnen. »
On a vu par le passage d'Antonio d'où provenait ce nouveau jet d'éru-
dition. Si Lessing eût parlé d'autre sorte que par ouï-dire de ces
83 feuillets 2 qu'il appelle «petit traité», peut-être eût-il fait remarquer
à Jôcher que ces prétendus n commentaires sur la langue castillane »
discutaient tout autre chose que l'orthographe pure et simple, bien
que contenant sur ce point des suggestions entièrement neuves et
censées, vu l'époque où elles étaient formulées.
Dans le « and andere Schriften » était contenu le « Guzmdn ». Lessing
veut y voir une « imitation du roman espagnol Lazarillo de Tormes )^.
« Es ist vielleicht die einzige Nachahmung, die ihr Original iibertrolTen
bat 3, )) va-t-il jusqu'à déclarer : « sie fand in Spanien einen so allge-
meinen Beifall, dass der I. Teil in sieben Jahren 20 Mal mit Privi-
legiis gedruckt ward, ohne die Nachdrucke zu rechnen. » Cette dernière
I. Ces traductions ont été publiées à Câdiz en iSgS : Odas de Horacio. traducidas
por M. A.
a. B. Nat., X 2673. Le comte de la Viiîaza a résumé l'O. C. à Madrid en 1893
dans sa Bibl. hist. de la fil. east., col. nSS-iigi.
3. Ce jugement émis sans connaissance de cause a cependant semblé à M. Fitz-
raauricc-Kelly digne d'èire rapproché de celui du consciencieux Chapelain (trad.
française précitée de A hist. ofsp. Lit., par H.-D. Davray, p. ayn). Ni l'édition anglaiî-c
(i8<j8) ni la traduction espagnole (1900) n'avaient ce passage maleuconlrcux.
LA. NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSLNG 99
phrase est tout à fait caractéristique d'une légèreté que Lessing censure
cependant si vertement en Jôcher. Le Sage {Préface, p. v) disait :
« Si l'on en croit ce Valdés, lorsqu'elle parut \la 7'« partie] pour la
première fois en Espagne, elle y fut reçue si favorablement, qu'on
appela par excellence son auteur le divin Espagnol. Il en a été fait
depuis ce tems-là vingt-six éditions. » En se rejDortant à Valdés, on y
trouve ceci : « De cuales obras en tan brève tiempo se vieron hechas
tantas impresiones, que pasan de cincuenta mil cuerpos de libros los
estampados, y de veinte y seis impresiones las que han llegado a mi
noticia, que se le han hurlado, con que muchos han enriquecido,
dejando a su dueno pobre. » Lessing, parlant de 25 éditions « mit
Privilegiis » sans compter les contrefaçons, est évidemment victime,
comme tout à l'heure, de son information médiate, car il ne semble pas
possible d'admettre que ce soit le texte de Valdés qu'il rende de la sorte.
Quant à l'affirmation que le Giizmdn représente peut-être la seule
imitation qui ait surpassé son original, elle ne saurait reposer sur une
comparaison directe et une étude détaillée des deux œuvres; sinon,
force serait de décerner au futur réformateur de la littérature allemande
un brevet de mauvais goût initial i. Ici encore, il parle d'après un
ouï-dire, et lorsque, justement, quelques lignes plus bas. il voudra
formuler en deux phrases un jugement personnel sur l'œuvre qu'il
vient d'exalter de confiance, il ne trouvera que des platitudes :
« Von dem Inhalte tragen wir Bedenken etwas zu sagen. Wem wird es
schAver werden, zu erraten, was in der Lebensgeschichte eines Bettlers ^
vorkommen kann? Man Avird ailes darinne suchen, was darinne vorkommt,
nur vielleicht die vortreflliche Moral nicht, Avelche die abwechsclnden Scenen
der niedrigsten Lebensart ebenso nûlzlich macht, als sie angenehm sind. »
Si le hasard avait voulu qu'au lieu de quelque sec résumé de gazette
littéraire, la traduction de Jean Chapelain tombât aux mains de Lessing,
il y aurait trouvé, dans les considérations préliminaires, — celles en
particulier mises en tête de la Seconde Partie, — matière à de plus
exactes réflexions. Mais sa documentation est rudimentaire , et,
quand il cite le Lazarillo, l'a-t-il seulement parcouru? Si oui, c'aura
été en le délaiement indigeste de Caspar Eus, qui ne lui aura pas
permis de savourer en son rude parfum de terroir castillan, — et nous
savons qu'il en eût été incapable, — cette géniale condensation en sept
chapitres d'une matière humaine si spécifique 3.
1. F. ^Volf («r<. cil., p. io3) traite le Guzinân de anorh ani ineislen ebrnburlig » au
Lazarillo, et c'est bien là l'expression juste. L. Leincke, dans sa notice sur Alemân,
{llandbuch, 1, 260), est à peu près du même avis.
2. Cette qualification de Bclller indiquerait que Lessing n'a même pas lu les
aventures de Guzmân et le détail de ses fortunes diverses.
3. Peut-être connaissait-il déjà le volume qu'il notera comme sujet de lecture à
l'époque de Wolfenbùttel, alors qu'il recueillait les fragments qu'édita Fiilleliorn
(J. PllOLLEl. 8
lOO GO.NTRIBUTIOJNS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
Il entend, néanmoins, convaincre son public qu'il possède la biblio-
graphie du Guzmdn. A défaut de l'Angleterre, sur laqueUe ses sources
sont muettes, il se rejette sur la France. « Besonders, » écrit-il, « haben
die Franzosen sie zu dreienmalen iibersetzt. Die erste Uebersetzung ist
von einem gewissen Chappuis und die zweite von einem Manne, den
viele aus andern Werken, wenige aber -als den Uebersetzer des
Giizmann d' Alfarache (sic) kennen, von dem ungliicklichen Dichter
Chapelain. Die neueste fran^ôsische Uebersetzung ist diejenige, nach
welcher man die gegenwârtige deutsche verfertiget hat. Sie ist von
dem Originale nicht Avenig unterschieden, weil ihr Verfertiger sie
allzu sehr nach dem franzôsischen Geschmacke einzurichten gesucht
hat. I) Un peu plus de précision n'aurait pas nui à la facile érudition
du critique improvisé des livres d'Espagne. D'abord, il importait de
remarquer que la traduction de Chappuis (cf. à son sujet Niceron,
XXIX, p. 92-174), parue en 1600 à Paris, ne pouvait, de ce fait, que
comprendre la Première Partie. Ensuite, il n'était pas sans utilité de
noter que l'ignorance de u beaucoup » concernant la version de
Chapelain (1° Partie en 1619, II""" en 1620) était fort excusable par
suite de l'anonymat des 6 éditions françaises et des 2 hollandaises de
cette dernière. Enfin, — et c'est ici que la Bibl. des Romans a joué
à Lessing un vilain tour, — quelques détails sur cette « neueste fran-
zôsische Uebersetzung, » — qui n'était point du tout la dernière, —
n'eussent nullement été de trop. Le vague avec lequel elle est désignée
décèle que Lessing, bien quelle fût loin d'être rare, ne la connaissait
pas personnellement. Quoique anonyme, comme celle de Chapelain,
elle avait pour auteur un de ces nombreux Français qui, réfugiés par
force en Hollande à la fin du xvii' siècle, s'étaient mis aux gages des
libraires des Provinces-Unies et vivaient en publiant des écrits plus ou
moins sérieux, le romancier Gabriel de Brémond, Cette prétendue
traduction, cependant, n'en est, en réahté, point une. C'est purement
et simplement une refonte de la version de Chapelain, pour laquelle
Brémond employa les loisirs d'un emprisonnement à La Haye. Déjà
l'éditeur des Lettres de Bayle notait, ajuste titre, en 1714', qu'il avait
sous le litre de Altdeatscher IVitz und Verstand, volume contenant, outre un remanie-
ment de Rinconcte y Cortadillo par Ulenhart, — cf. sur celui-ci Schneider, op. cit..
3 10-222, — une traduction allemande du Lazarillo. Cf. à ce sujet R. Koehler (Archiv
fiir Literalurgeschichte, de Gosche, 1 (1870), p. 295-297) et M. XV, 483, note. Sur la
traduction d'Alemân par Albertinus, que Lessing déclare connaître, cf. Schneider,
op. cit., p. 2o5 seq. elles corrections de M. Farinclli, Ztschft. f'iirvergl. Lilleraturgesch.,
N. F. (1899), \1II, p. 436. La version de Ens, le traducteur du Licenciado Vidriera,
contenue précisément dans son Guzmdn latin, ch. VU, a été réimprimée par M. Fitz-
maurice-Kelly au t. XV de la Hev. hisp. (1906), p. 771-790 : Caspar Ens' Translation of
Lazarillo de Tormes.
i. Lettres choisies de M. Bayle avec des Remarques, I, loC, noie 2 (Amsterdam, 171/»).
La note, signée M, doit être de Des Maizeaux lui-même. M. Granges de Surgères,
qui a, dans le Bulletin du Bibliophile (Paris, i885, et njn 188G comme l'indique Bel.',
Lilléralure comparée, 2° éd., p. 223j décrit bibliographiquement, p. 209-314, les traduc-
I
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING lOt
accommodé le livre «à la Françoise, y insérant une infinité de petites
Histoires connues de ceux qui connoissent la carte de la Cour et de
Paris ». L'arrangeur n'y manque surtout pas une occasion de tomber
à bras raccourcis sur les gens de justice. Ce fut cet intérêt de scandale
et d'actualité qui procura certain succès à cette médiocre Vie de
Guzman d'Alfarache (Xmslerdann, 1695, 3 vol. in-12), laquelle fournit
aux libraires de Paris une excellente occasion d'uljcr de représailles
à l'endroit de leurs peu scrupuleux collègues de Hollande en réimpri-
mant incontinent l'ouvrage (Paris, Perraud, 1696, 3 vol. in-12). Le
nouvel abrégé de Le Sage : Histoire de Guzman d'Al/arache, nouvelle-
ment traduite et purgée des moralité: superflues (Paris, 1732, 2 vol.
in-12) fit complètement oublier cette œuvre sans valeur, qui ne fut
mise, sans doute, en allemand que par spéculation de librairie,
à moins que le traducteur, Ferdinand AYilhelm Béer, n'ait partagé la
même ignorance que son critique au sujet de la « dernière version
française » k
Il importe, enfin, avant de conclure l'article Alenmn, de dissiper
un malentendu de M. A. Farinelli touchant les rapports de Lessing
avec l'auteur espagnol. M. Farinelli écrit, dans sa thèse de doctorat
{loc. cit., p. 286), que Lessing « schrieb... selbst das Leben Alemans
lions françaises du Gucmâii, attribue faussement, à la suite de la Biographie Didot
(Paris, i863, t. VII, p. 3i3, art. de J. Lamoureux)^ la remarque à Bayîe lui-même.
L'édition d'Amsterdam iGgS n'ayant pu être découverte par 1 auteur de l'article du
Bulletin, je la mentionne sous toutes réserves et sur la foi de l'auteur précité de
l'article Brémond dans la B. Didot.
i. Le nom du traducteur n'est pas nommé sur le premier volume, qui est celui
que Lessing critique, et où il n'y a ni avertissement, ni préface qui renseignent le
lecteur sur la nature de l'ouvrage et la méthode suivie. On pouvait croire, ainsi,
à une traduction directe de l'espagnol. L'année suivante parut le second volume,
Fortsetzung und BeschlusSj où, cette fois, le '(traducteur» se nommait, mais restait,
par ailleurs, aussi muet que l'année précédente (Leipzig, Jacobi, in-8 de 490 pages,
1752). Cependant les planches étaient, indice révélateur, celles de la « traduction» de
Brémond. Graesse {Trésor, I [iSSg], p. 67 s. v. Alemân) igaorc le nom de l'auteur de
la seconde version allemande du-Gu:inân. — La critique de Lessing aux K. N. doit
être complétée par une note précédente, beaucoup plus brève, qui parut le 9 octobre,
dans la B. Z. (M., IV, 3do). Lessing y qualifle Alemdn de secrétaire de Philippe III. —
renseignement qu'il doit avoir pris dans le Jôcher, — reproche à la « traduction »
allemande d'être faite sur la française, en conséquence de quoi « unzâhlige Schôn-
hciten der Urschrift verlohren gegangcn sind,» déclare qu'à défaut de l'original
espagnol, « welches doch eben so selten nicht ist, » c'est à la traduction italienne
qu'il eût fallu avoir recours, « die man sehr oft antrift, und welche weit getreuer als
die franzosische gewescn wâre». II s'agit de la Vita del picaro Gusinano d'Alfaracc
|Ie Calai, de la Bibl. Nat. porte à tort: d' Alfar trace] descrilta da Matteo Alemanno di
Siviglia et tradolta dalla liiigua Spagnuola nelV Italiana da Barezzo Barezzi Crcmonese
(Vcnetia, 1G06, in-8), dont Clément décrivait la réédition de 1629, en renvoyant, i^our
deux éditions antérieures, à «Gordon du Percel», auquel a recouru Lessing. Dès
«731, Sincerus (pseud. de Georg Jakob Schwindel) avait signalé l'édition de 1629
dans ses Nachrichten von lauier alten und raren Biichern, 1 (1731), p. 121-126, où se
trouve copié le passage de Siber sur Alcmân. Pour la bibliographie de la version de
Lesage, cf. VEssai bibliogr. sur les Œuvres d'A.-R.L.,paT M. H. Cordier, commencé au
no de janvier 1908 du Bull, du Bibliophile.
I02 CO.MRIBLTIOS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E, LESSlîJG
fiir die in Wittenberg (1752) unternommene Kritik des Jôcherschen
Lexikons». Dans l'impossibilité de découvrir le moindre indice, non
pas même de cette mystérieuse Vie, mais de la source à laquelle
M. Farinelli en avait puisé l'existence, je m'adressai à cet érudit pour
le prier de consentir à m'éclairer. Il me répondit, le i5. V. 1906, que
ses fiches se trouvant à Innsbruck, — 011 venaient d'éclater les troubles
entre Italiens et Germains à l'Université, — sa science était surprise
par ma question et restait sans voix. « Fossi io ad Innsbruck, sicura-
mente potrei darle quegli schiarimenti sul Lessing che or mi chiede.
Ho moltissime note, rettificazioni ed aggiunte ail' antica mia tesi -^
ma tutto giace ormai sepolto corne in una tomba. » En fait, l'indi-
cation de M. Farinelli apparaît totalement u aus der Luft gegrifîen ».
En lisant avec un peu d'attention la Vie de Lessing par K. G. Lessing',
on saisit de façon inéquivoque que les quelques feuilles que le premier
avait fait imprimer — dans une intention de chantage peu honorable
— ne sauraient être autres que celles qu'il inséra en 1763 dans la
seconde partie des Kleine Schriflen, et qu'a réimprimées M. Muncker
au t. V, p. 127 seq., de son édition. Elles ne traitent nullement
d'Alemân, mais seulement d'Abaris, Abaucas, George Abbot, Abraham
Usque, Johannes Abrenethius, Laur. Abstemius, Abudarnus, Donat
Acciajoli, Zenobius Acciajoli. Si Lessing avait publié une vie d'Alemân
en rectification au Jocher, il est hors de doute que le continuateur de
celui-ci, Joh. Christ, Adelung, — qui est allé jusqu'à la lettre K, —
l'aurait utilisée à l'article Alemâii (t. I, p. 5^8) de ses Fortselzung und
Ergànzungen zu Christian Gottlieb Jochers Allgemeinem Gelehrten-
Lexikon, etc. (Leipzig, 1784 et suiv.). Or, cet article ne renvoie qu'aux
sources courantes de la polyhistoire contemporaine : Clément, Percel,
et Mayâns, sans souiller mot d'une élucubration de Lessing^. D'autre
part, si cette prétendue Vie d'Alemân fût restée manuscrite, Adelung
l'aurait ou mentionnée dans la préface du t. 1 de sa continuations,
ou utilisée au supplément du tome IL Comme il ne l'a pas fait, nous
laisserons à M. Farinelli la responsabilité de son atOrmation, dont,
1. Ed. cit., p. S8-89. Baumanu, une connaissance de Lessing, possédait en 1702
«die ersten drey gcdruckten Bogen » de la critique du Gelchrten-Lexikon. Cf. l'extrait
de sa lettre à Hailer dans E. Consentius, op. cit., p. U-j, note **.
2. Adelung a précisément, à l'article .Abraham Usque (t. 1, p. 62), relevé une
erreur de Lessing — erreur dont il sera parlé plus loin au S Usque — émanant
de ses corrections imprimées au Jocher, s. v. Usque. 11 n'eût pas manqué de citer
Lessing à l'article Alemân, si celui-ci eût publié la soi-disant Vie.
3. Ayant énuméré ses sources, il ajoute : " Ausser diesen (Hùlfsmittclu) habc ich
durch die Gûtigkeit des gegenwàrligen Miinz- Directors zu Breslau, Hcrrn Cari
Gotthelf Lessings, die von seinem verstorbcnen Herrn Bruder hinterlassenen àhnli-
chen littcrarischen Sammlungen erhalten. Es betinden sich darunlcr wenig ausgcar-
bcitele Leben; das Meiste besteht aus cinzelnen Umstànden und Nachrichten, welchc
der verdiente Mann, dem Anscheine nach in seinen jungern Jahren, vvenigstens
noch eheer an die reichen Quellen litterarischer Schàtze zu Wolfenbùttel gekommen
isl, aus verschicdcnen Schriftstellcrn gesammelt hal. Da ich dicse Bevtragc erst
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING Io3
jusqu'à ce que ses notes, sans doute aujourd'hui rentrées en sa pos-
session, d'Innsbruck viennent nous démontrer qu'il ne l'a pas copiée
dans B. A. Wagner, Lessing -Forschiingen, p. i43, nous dénions la
réalité objective i.
e. Novelas Ejemplares. B. Z. 12 décembre 1752.
(M. V, 1i.)
Satyrische und lehrreiche Erzehlungen des Michel de Cervantes Saavedra,
Verfasser der Geschichte des Don Quischotts; nebst dem Leben dièses beriihm-
ten Schriftstellers wegen ihrer besondern Annehmlichkeilen in das Tentsche
iiberselzt. Frankfiirt und Leipzig. In der Knoch und EssUngerischen Buch-
handlung.
M Es sind Erzehlungen,» explique Lessing, « oder, wie sie Cervantes
in seiner Sprache nennt, neue Beyspiele. » Puis il reproche à Conradi
de n'avoir pas traduit sur l'original, « dass sich der Geist des Spaniers
an unzahligen Orten in einer weit reitzendern Starke Avurde gezeigt
haben. »
Et c'est tout ce que l'auteur présumé de la merveilleuse et non
moins mystérieuse traduction des Novelas a trouvé, lui qui cependant
eût dû, à cette date, être familiarisé avec elles et leur littérature, à
reprocher au professeur de droit à Marburg, J. C. Conradi, lequel,
pour être qualifié par M. Muncker de « ein ungenanntcr Uebersetzer ») 2,
ne nous en a pas moins laissé, signées de son nom, de réjouissantes
Betrachtungen iiber die Erziihlungen des Cervantes, au commen-
cement delà Seconde Partie de sa traduction — car — déjà l'indiquait
erhieit, als der gegenwârtige Band beynahe schon abgedruckt war, so vveiss ich noch
nicht, was und wie viel mir davon wird niitzlich seyn kônnen , ich werde aber
solches in der Folge anzuzeigen nicht unterlassen. » — Concernant les rapports de
Lessing avec le Gelehrten-Lexikon, il est intéressant de lire Danzel (i85o), I, 217 seq.
et M. Muncker, qui a succinctement discuté la question, XIV, p. 172-173.
I. M. Erich Schmidt n'a guère eu raison non plus d'affirmer (I, 224) que l'article
d'octobre 1751 sur Alemân est « sorgfâltig». S'il ajoute que ledit article tend
à augmenter le Jôcher à la Bayle (Baylisch zu vermehren), il ne fait que répéter,
sans l'avoir contrôlée, une phrase de Danzel, I (i85o), p. 221, phrase que l'ignorance
radicale du méritoire et infortuné Privatdocent en matière de littérature espagnole
explique, sinon justifie,
■>.. M. XIV, 164, note 3. — D'autres Lessingforscher ont recours à de moins ingé-
nues périphrases pour masquer leur ignorance. Pour B. A. Wagner, Conradi est «oin
imberufener Uebersetzer» (progr. cit., p. 16); pour M. E. Schmidt, « ein Marktver-
derber» (I, 191). A défaut d'autres sources d'informations non moins accessibles, il
n'était besoin que de consulter E. Dorer : Cervantes und seine Werke nach dcutschen
Urtlœilen (Leipz., 1881), pour y trouver, en toutes lettres, le nom d'auteur de Conradi
(p. 1 5 de la Cerv. Lit.). C'est là aussi que s'est documenté Rius, op. cit., qui a eu tort
de prendre au sérieux et de traduire (II, .So5) le récit d'un projet de Don Qidjoticida
qui y était relaté et que nous mentionnons plus bas.
I04 CO?iTRIBUTIO>S A l'ÉTUDE DE l'hISP.A.?*ISME DE G. E. LESSING
Lessing — le volume ci -dessus n'était pas complet et une Seconde
Partie parut en 1753 '.
En admettant qu'il laissât passer la Vie de Cervantes (p. 11- AS),
compilée dans le prologue des Nouvelles, l'article Cervantes de Moreri,
et surtout la traduction française de la Vida écrite par ^la} ans y Siscar
pour l'édition de Londres, 1788, du Quijote^, quelles remarques
n'appelait pas, sur la plume d'un Lessing, le procédé critique du rival
qui avait déclaré, p. 37-38 de cette Vie: u Ich weiss indessen nicht,
wer der Uebersetzer ist, der die Geschichte des Ruis Dias mit unter
dièse Erzehlungen hat einschleichen lassen, da sie doch weder in
Ansehung ihrer Erfindung, noch was die Ausbildung betrift, mit den
andern, die von dem Cervantes ursprùnglich herrûhren, im geringsten
kan verglichen werden. Sie ist desswegen in dieser Herausgabe, aïs
apochryphisch, untergedriicket luorden », et qui, nonobstant cette
déclaration, avait traduit et publié tout au long cette même nouvelle!
Outre de justes motifs de censurer comme il convenait un tel sans-
façon 3, Lessing n'avait-il pas de nouveau la plus excellente des occa-
sions de faire montre de son érudition en une matière que l'on nous
dit qui l'occupait depuis des années. Nous avons vu qu'il connaissait
la version de l'abbé de Chassonville. Or, celui-ci citait, dans sa Pré-
face, Rosset et d'Audiguier. Une légitime curiosité eût dû inciter
Lessing à rechercher la traduction des Novelas par ces derniers^. Il y
1. Ces Betrachtungen sont datées Marburg,den 1. April 1753. — Le /. Theil compre-
nait: Die beriihmte Fregonne; der freygebige Liebhaber; die Egypterin; die Kraft des
Gebliits : das Gespràch zweyer Hunde ; plus, au début (p. i-W), la «.Geschichte des Ruis
Dias, eines Spaniers, und der Quipaire, einer Molukischen Prinzessin ».
2. Nous reviendrons, à l'article Essex, sur cette T'i'e, mise en français en 17^0.
3. Conradi ne s'est aperçu de son lapsus qu'en 1753. La raison qu'il donne pour
l'excuser est ineffable. Il prétexte s'être servi, pour façonner sa version allemande,
d'une double traduction française, celle de l'abbé de Chassonville, déjà plagiée par
Romani, et une autre, publiée à Paris en 1728 et qu'il appelle, dans son ignorance :
die :iveyte Franzosische Ueberselzung. C'est dans cette dernière qu'il aurait trouvé les
raisons qui le décidèrent à faire passer la fausse (( novela ejemplar » dans son recueil:
uJener [l'éd. de 1723) ru Fo^^e, » conclut- il, « is< die von dem /erfern [Chassonville]
verworfene Quipaire [au lieu de Quixaire] von der iiber sie ergangenen Verdammung
gleichsam freygesprochen. d (Betrachtungen, etc., en tète du //. Theil.) Or, non seule-
ment Chassonville a imprimé sans mot dire l'Histoire de Buis Dias, espagnol, et de
Quixiaire (sic), princesse des Moluques (t. 111, p. 1 10 de l'éd. originale), mais la prétendue
«deuxième traduction française» de 1728 n'est qu'une réimpression de l'édition
d'Amsterdam, parue en deux volumes in- 12 chez P. Witte [Rouen et Paris] (Bihl. Nat.
y^ Ii068-ii069). La confusion commise par Conradi est inqualifiable, mais aussi le
silence de Lessing.
U. Traduction qui était loin d'être rare, vu ses rééditions. Cf. sur celles-ci la des-
cription bibliographique qu'en a donnée M. R. Foulché-Delbosc, p. 8 seq. du Licencié
Vidriera (Paris, 1892). Inutile que soit mentionné de nouveau le catalogue, postérieur
au travail de l'érudil directeur de la Bev. Ilisp., de L. Rius, dont quelques omissions
— ainsi l'éd. de 1C25 de Rosset et d'.\udiguier — ont été signalées par M. J. Brimeur,
Bev. hisp., XV, 82/1 seq. Notons, cependant, que si M, Foulché-Delbosc avait su que la
traduction du Licencié Vidriera par Charles Romey avait paru originairement en 1857
au t. XI de la Beuue française, p. 469 408, il ne l'eût point accusé si fort d'impérilit
bibliographique, p. 33 du L. V.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSUNG Io5
eût appris — et n'eût pas manquer d'en humilier Conradi — quel
était ce traducteur innomé qui avait laissé « se glisser » l'histoire de
« Ruis Dias » dans les c Nouveaux Exemples ». Ce traducteur n'était,
en effet, autre que l'original consortium ci -dessus, qui, sur la page
du titre, déclarait loyalement que l'o Exemple » nouveau — et (( nou-
veau » sans contresens — n'émanait pas de Cervantes :
Les ! Nouvelles ' de Miguel de \ Cervantes Saavedra \ ... t^aduides d'Espa-
gnol en François : Les six premières par F. de \ Rosse t. Et les autres six, par
le S'' D'Audiguier. | Avec l'Histoire de Ruis Dias, et de Quixaire Princesse
des I Moluques composée par le Sr. de Bellan.
Et pour mieux éviter une fâcheuse équivoque, l'histoire, « tirée des
Mémoires des Indes, » était munie d'une pagination spéciale (p. 1-22)
à la fin du premier tome, réuni, dans mon édition, avec le second en
un volume in -8. Lessing, ne sachant rien de tout cela, cherche querelle
à Conradi parce qu'il a rendu Gitanilla par « Egypterinn. Il trouve que
c'est là un grotesque contresens. « Das ist franzosisch Deutsch, » s'écrie-
t-il, «es sollte die Zigeunerin heissen. » Que n'avait- il ouvert Covarru-
bias, auquel nous le verrons en appeler, — quand il l'aura connu par
une source française, — pour justifier ses excursions philologiques en
domaine castillan? 11 y eût trouvé s. v. gilano que, dès 161 1, le pré-
tendu contresens qu'il censure était reconnu comme l'étymologie véri-
table d'un mot qui signifie « Quasi egitano, de Egypto. »
/. L'Inca Garcilaso de la Vega. B. Z. 23 juin 1753.
(M. V. 176.)
Geschichie der Eroberung von Florida, aus deni spaniscf^en des Ynca Garci-
lasso de la Vega, in die Jranzôsische, und aus dieser in die Teutscfie Sprache
iibersetzt von Heinricfi Ludewig Mayer. Zelle und Leipzig 1753. bey G. C. Gesel-
Uus. in-8v. 1 Alphb. 8 Bogen.
Les quelques renseignements que Lessing fournit ici sur le célèbre
Inca sont inexacts ou vagues. «Als er nach Spanien kam, » dit-il,
«arbeitete er verschiedene Werke aus, welche aile in die Historié von
Amerika einschlagen. » Passe encore qu'il ignore — Cervantes lui-
même ne décèle -t- il pas une égale ignorance au Prologue de la
Première Partie du Quijote? — la traduction des Dialoghi di amore du
juif espagnol, expulsé de son pays en 1692, Jehudah Abrabanel, dit
Leôn Hebreo, par Garcilaso en 1690, traduction dédiée à Philippe II ',
I. En lySi, Baumparten, que Lessing pratiquait cependant assidûment, avait, au
t. 7 de ses Nachrictxten von einer hallisclien BiblioUieli (Halle, 17.')!, p. 89) signalé en ces
termes la traduction de l'Inca : « Aus dem zweiten Theil oder der algemeinen
Geschiclite von Peru verdienet ein ziemlich unbekanntcr Umstand angemerket zu
loG CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSïNG
mais sur quoi étaie-t-il son afTirmation que « lot^sqii'il arriva en
Espagne » l'Inca « acheva divers ouvrages, qui tous se rapportent à
l'histoire de l'Amérique » ?
Appelé en Espagne en i56o, à l'âge de vingt ans, par Philippe II,
lequel, dit-on, aurait pris ombrage du chauvinisme péruvien du jeune
aristocrate, Garcilaso y est resté trente années avant de rien publier,
et ses « divers » ouvrages se bornent aux Comenlarios reaies, imprimés
en deux parties en 1609 et 1617, et à celui dont la traduction alle-
mande, faite sur la version française de P. Richeleti, a motivé
l'article de Lessing: VHistoria de la Florida, dont le sous-titre dit
mieux le contenu : Jornada que a ella hizo el Governador Hernando
de Solo, ouvrage publié en i6o5 à Lisbonne chez Craesbeek.
Lessing prétend, enfin, que Garcilaso n'a point été « ein partheyi-
scher Schriftsteller ». 11 lui eiît été malaisé d'appuyer documen-
tairement cette opinion étourdie. Balancé entre l'amour de sa terre
natale, à laquelle le liaient les attaches maternelles ainsi que les
traditions glorieuses de la famille de Huayna Capac, et la crainte
d'encourir le reproche d'hétérodoxie, lui, le déraciné déjà frappé une
fois par l'Inquisition, n'a pas de critère stable et ressemble beaucoup
plus aux naïfs chroniqueurs médiévaux qu'à un contemporain d'his-
toriens tels qu'un Ambrosio de Morales et un Zurita. Si Lessing eîit eu
la moindre teinture de son œuvre, il se fût souvenu de quelques
werden ; der darin bestehet, dass der Verfasser nach der Zuschrift an die Mariam eine
Vorrede an die Yndios mistizos (sic) y criollos de los Reynos y prouincias del grande
y ryqiiissimo ymporio del Paru gerichtet, darin er von seinen gesamten Schriften
Nachricht erUieilet; worans zu ersehen ist, dass er die spanische Uebersetzung der
3 Gespriiche Leonis Hebriii verfertiget liabe, die von der Inquisition verboten, und
in den Indicera librorum prohibitor. gesetzt worden, dahei* er die derselben vorge-
selzte Zusclirilt an den Konig Philip 2 vom Jahr i58G, ingleichen ein anders an
gedachten Kônig gerichtetes Schreiben vom Jahr 1089, nebst einer langen Erziilung
der gnâdigen Aufnam und erhaltenen Antwort, aïs eine Art seiner VerUieidigung
beidrucken lassen. » Cette traduction de Leôn Hebreo, qu'avaient précédée d'autres
traductions en castillan qu'il semble avoir ignorées, porte le titre : LaTraduccion del
Indio de los Très Dialogos de Amor, de Léon Hebreo, echado de Italiano en Espahol, por
Garcilasso Inca de la Vega (Madrid, 1690, in- A) et est restée inconnue (de là le
silence de Lessing?) à Nie. Antonio, qui ne la mentionne pas à l'article Garsias
Laso delà Vega (I, 5ii). Sur la graphie Abrabanel, au lieu de la forme vicieuse,
mais courante — bien qu'il y ait eu, il y a plus de soixante-dix ans, à ce sujet une
polémique entre Gotthold Salomon et le théologien de Rostock Hartmann, auteur des
articles Jsaakel Jehuda Abrabanele dans VAllg. Enc. de Ersch et Gruber, i. Thl. [Leipz.
i8i8j, p. i5o-i53 — Abarbanel, qui est celle qu'emploie encore l'historien de Léon
l'Hébreu, le rabbin B. Zimmels, dans sa traduction du passage de M. Menéndez y
Pelayo sur L. l'H. dans les Ideas Estéticas : Leone Hebreo. Neue Studien, Hefl 1 (Wien,
1S92), il importerait de ne pas oublier la note de M. Kayscrling, Gesch. der Jiiden in
Portugal {BcrWn, 18G7) p. 72, note 1. Le Catalogue de la Bibl. !\'at. (t. i [1897! p. li)
fait cette distinction puérile de graphies : Isaac Abravanel et Leôn Abrabanel.
I. Histoire | delà \ Floride etc. \ traduite en François par | P.Richelet (Paris, '1C70,
2 vol. in-12). L'exemplaire de la Bibliothèque Nationale est celui de Huct, l'évèque
d'Avranches (01. Gô.'j).- Lessing a bien voulu accorder à la traduction de Richelet un
brevet d'excellence, brevet d'ailleurs superflu, vu la date.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING IO7
exemples typiques de cette manière hybride i et il ne lui eût pas
échappé l'affirmation qu'on vient de lire, pas plus qu'il n'eût songé à
reprocher à l'Inca de manquer de « Kunst und Artigkeit », car il
aurait réfléchi, sans doute, que le premier Américain qui écrivit en
castillan, langue dont l'esprit ne pouvait lui être, malgré son long-
séjour en Espagne, pleinement familier, ne devait point être jugé avec
la même sévérité, en matière de style, qu'un Diego Ilurtado de ^len-
doza ou quelque autre castcUano neto possédant à Valladolid ou à
Tolède sa casa solariega.
g. Don Quijote. B. Z. U sept. 1753; U oc t. 1753;
23 fév. i75ù,
{M. V, 19G, 201, 388.)
Dans ces trois comptes rendus insignifiants de mauvaises imi-
tations du Don Quichotte — les deux premières du moins : Der
Teutsche Don Quichotte, etc. [traduit du français], Don Qiiixote im
Reifrocke,etc. [traduit de l'anglais]; la troisième : der Riissische Avan-
turier se donne faussement pour une traduction de l'espagnol —
Lessing a risqué quelques assertions qui méritent d'être relevées. Il
écrit, dans le premier : « Unter allen spanischen Werken des Witzes
ist bei Auslandern keines bekannter geworden als der Don Quixote
des unnachahmlichen Cervantes, und beynahc wird es keine Ueber-
treibung seyn, wenn St. Evremont verlangt, dass man bloss dièses
Buchs wegen die spanische Sprache lernen miisse. » Saint-Evremont
n'a nulle part formulé semblable désir. 11 a dit simplement:
«//y a peut-être autant d'esprit dans les autres ouvrages des Auteurs de
cette nation que dans les nôtres; mais c'est un esprit qui ne me satisfait pas,
à la réserve de celui de Cervantes en DOM QUICHOTTE, que je puis lire toute
ma vie sans en être dégoûté un seul moment. De tous les livres que j'ai lus, Dom
Quichotte est celui que j'aimerois mieux avoir fait : il n'ij en a point, à
mon avis, qui puisse contribuer davantage à nous former un bon goût sur toutes
choses. J'admire comme, dans la bouche du plus grand fou de la terre, Cer-
vantes a trouvé le moyen de se faire connoltre l'homme le plus entendu, et le
plus grand connaisseur qu'on se puisse imaginer. J'admire la diversité de ses
caractères, qui sont les plus recherchés du monde pour les espèces, et dans leur
espèce les plus naturels. Quevedo paraît un Auteur fort ingénieux; mais je
l'estime plus d'avoir voulu brûler tous ses Livres, quand il lisoit Dom Qui-
chotte, que de les avoir sûjaire'-. »
1. P. ex. Coinentarios, /" P., Lib. 9, cap. 15; //" P., Lib. U, cap. 21 ; II" P., Ub. S,
Cap. 18. 11 serait facile d'accumuler les exemples.
2. Œuvres (Éd. Des Maizeaux [nouv. éd.], 17/io, t. III, p. 88: A ,]f. le Maréchal de
Créquy, etc.: De quelques Livres Espagnols, Italiens et François). — Poste!, dans son
épître latine de 170^ dans les ,\ova IJteraria (dont il sera question au 5 Abraham
I08 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hiSPAMSME DE C. E. LESSING
Lessing est d'avis que, malgré de nombreuses imitations, le Don
Qiiijote reste un livre unique et le restera « als bis niemand in der
AVelt mehr Lust haben Avird, zu lachen ». Cette assertion semblerait
indiquer qu'il n'était pas encore allé bien avant dans l'esprit de
l'œuvre lorsqu'il l'émettait, car, si comédie il y a dans le Quijote,
c'est comédie humaine, qui suscite moins le rire que le sourire des
philosophes.
Dans son second compte rendu, Lessing nous apprend que la mode
des longues narrations pseudo-antiques et bucolisantes à la Scudéry
et La Calprenède naquit en France parce que le Don Quichotte y
avait rendu ridicules les volumineux livres de chevalerie. C'est là
une découverte dont la nouveauté ne nous apparaît malheureusement
pas justifiable par des faits d'histoire littéraire française et que son
auteur se garde de justifier. Il aime mieux blâmer les « langweilige
Zwischenerzahlungen, womit der spanische Roman angefiillt ist».
Parmi ces « ennayea^es histoires épisodiques », — le terme «angefiillt »
est étrangement inexact, — il en est au moins une que plusieurs criti-
ques compétents placent au-dessus des pittoresques récits baptisés par
Cervantes: Nouvelles exemplaires. C est celle qui forme les chap. XXIII,
XXIV et une partie du chap. XXV de la /" Parte et s'intitule : El
Curioso Impertinente. Elle parut si intéressante à nos pères — qui,
on le sait, ne croyaient pas démériter de leur titre de conducteurs
intellectuels de l'Europe d'alors à apprendre le castillan et à se
passionner pour la littérature transpyrénaïque — que, trois ans après
son apparition, en 1608, César Oudin l'insérait dans la réédition de la
Silva Cariosa de Medrano et que Nicolas Baudoin la publiait la même
année en français. Une autre, El Cautivo, contenue également dans
la P Parte (ch. XXXIX, XL et XLI), ne paraîtra «ennuyeuse» qu'à
ceux qui, comme Lessing, dans ses critiques hispaniques, jouent le
rôle du geai paré des plumes du paon i.
Nous apprenons^ dans le troisième compte rendu, que les Espagnols
« mit ihrem Don Quixote ohnedem nicht viel Ehre eingelegt haben».
Sait-on si le jeune tranche -montagne, à force d'avoir approfondi
l'œuvre de Cervantes et d'avoir médité sur l'Espagne (( chevale-
resque », n'en était pas venu à celle hyperesthésie hispanophile d'un
Usque) avait écrit : « Sod iinicus instar omnium est Michaël de Cervantes in sua elegan-
tissima et nunquam satis laudata Salyra, quae vulgo sub nomine : Don Quixote de la
Mancha, nota. Oninia enim, quae apud alios sparsim, hic pcr cumules invenies, ita
ut cruditus quidam Oallus nostri temporis de illo diceret : Qu'il aimerait mieux d'avoir
fait le Don Quixol, que tous les autres livres; par ce, qu'à son avis, il n'y en ait point qui
puisse contribuer d'avantage, à nous former un bon goût de toutes choses. »
I. On sait que Cervantes a expliqué dans la II" Parte, au début du ch. XLIV, les
raisons pour lesquelles il n'avait pas inséré de Nouvelles dans cette //" Parte. Si les
nouvelles de la Première Partie sont très intéressantes en elles-mêmes, autre chose est
leur opportunité dans le corps du récit: Cf. à ce sujet Grillparzer dans ses Studien
:um span. Theater, ç Cervantes, (t. 17 de l'éd. Cotta en 20 volumes, p. a^G.)
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING lOj)
Byron, rejetant le Don Quijote comme un mauvais livre, à la suite
d'un Juan Marujân, qui définissait Cervantes
... del honor de Espafïa
... verdugo y cuchillo' ?
Si l'auteur de Don Juan^ s'est fait l'écho de cette grotesque dénon-
ciation, en ces termes :
Cervantes smiled Spain's chivalry aivay :
A single laugh demolish'd the right arm
Of his own country : seldom, thince that day,
Has Spain had heroes....,
nous croyons, quant à nous, que la malencontreuse assertion de
Lessing n'est qu'un plagiat de la phrase que Montesquieu mettait,
dans ses" Lettres persanes, sur les lèvres de Rica, en 1721, alors qu'il
affirmait des Espagnols « que le seul de leurs livres qui soit bon, est
celui qui a fait voir le ridicule de tous les autres ». Comment, sinon
par cette réminiscence, expliquer qu'il soit venu à l'esprit d'un blanc-
bec ignorant la littérature transpyrénaïque de prétendre que les
Espagnols n'avaient pas « recueilli beaucoup d'honneur » avec leur
D. Quichotte^?
I. B. A. E., 61, p. XCIX.
a. Don Juan, XII, ii. Grillparzer, qui trouve le Curioso «assez faible», juge
(op. cit., p. 2i6)que la remarque de Byron « vielleicht mehrWarheitenthâlt, als ailes,
was Herr Ludwig Tieck je ûber Poésie und Poeten gefaselt hat ». — Déjà le P. Rapin
avait en quelque sorte donné une base à cette interprétation pessimiste du D. Qui-
jote dans ses Réflexions sur la Poétique (Ed. d'Amsterdam, 170g, II, 2o5) : « Ce grand
homme ayant esté Iraitté avec quelque mépris par le duc de Lorme, premier
Ministre de Philippe III, qui n'avoit nulle considération pour les Sçavans, écrivit le
Roman de Dom Quixotte, qui est une Satyre très fine de la Nation : parce que toute
la noblesse d'Espagne, qu'il rend ridicule par cet Ouvrage, s'estoit entêtée de Cheva-
lerie. C'est une tradition que je tiens d'un de mes amis, qui avoit pris ce secret de
Dom Lope à qui Cervantes avoit fait confidence de son ressentiment. » Je ne sache
pas que les Cervantophiles aient jamais noté cette assertion, beaucoup plus sérieuse
que celles de Defoe et de VValter Savage Landor, voire de Rawdon Brown.
3. A noter quelques graphies lessinguiennes : Sancho Panca, dans le premier
compte rendu et dans M. [Boxberger, 4', 182, a corrigé: Sanchu Pansa!]; Sancho
Panssa dans le second et dans M. [Boxberger (4 ', i85) était décidément pour Sancho
Pansa]. — Lessing semble s'être soucié beaucoup plus des traductions que des
éditions castillanes du D. Quichotte, sans doute parce que la lecture des premières
était pour lui plus facile. En mars 1770, Weisse écrit à Bertuch que Lessing lui a
envoyé «die hollàndische Uebersetzung des Don Quixote », en ajoutant que u sie sey
ein Meisterstûck. » \Chr. Félix Weisses Briefe an F. J. Bertuch, publ. par L. Geiger
dans la Ztschft. fiir. vergl. Literaturgesch. N. F. X (1890), p. 2/19). J'imagine qu'il
s'agit soit de l'édition originale, parue chez J. Savry, à Dordrecht, en 1G57, soit de
l'une des réimpressions — la Bibl. Nat. possède la sixième, revue par G. v[an] [den]
B[osch], Amsterd., 1707, 2 vol. in-8 — du Quijote hollandais de Lambert van den
Bosch, sur lequel H. S. A[shbee] a publié dans Notes and Queries du 27 août 1892,
p. 16O, une remarque qui a échappé à Rius. Une aulre fois, Lessing note (M. XV,
168) que Peler Anthony Motteux est l'auteur « einer guten Uebersetzung des
Dom Quixote (sic)». On sait que cette traduction souvent réimprimée, depuis sa
T lO CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
1752. Aldrete et Sousa.
Karl Lessing écrit, sous l'année 1702, dans la Vie : « Er AvoUte auch
des Aldretes Varias antiguedades de Espanna Africa y otras pro-
vincias ûbersetzen. Allein es fand sich kein Verleger dazu. Selbst
Baumgarten in Halle glaubte, das Werk sei zu gelehrt geschrieben,
als dass es Léser genug in Deutscbland finden wûrdei. « D'autre
part, Nicolai, dans son Antwortschreiben an Herrn Pastor Lange in
Laublingen^ mentionne, d'après une lettre de Lessing qui est censée
remonter à 1-52, «Vorschlâge von seiner Uebersetzungder spanischen
Bûcher des Aldrete und Susa ». M. Muncker (XIV, i65, note i) écrit à
ce propos :
« Un ter dem ersten Werke sind die 161 4 erschienenen «Varias antigue-
dades (sic) de Espana, Africa y otras provincias » von Bernardo Aldrete
verstanden. Auf welches Werk aber der Name Susa hinweisen soll,
ist kauni zu bestimmen, da zahlreiche spanische Schriftsteller Susa oder
Soussa heissen. Die Vollendung und Herausgabe dieser Uebersetzungen
unterblieb, weil sich fiir seiche Bûcher kein Verleger fand. »
Nous retrouvons, en cette dernière phrase de l'éditeur de Lessing,
une preuve nouvelle de cette inqualifiable méthode qu'ont adoptée
maints éminents L^^^mgr/br^cAe/' germaniques et qui consiste à prendre
leurs préjugés littéraires pour des réalités objectives. 11 est, en effet,
déplorable d'entendre un érudit comme M. Muncker parler de
l'a achèvement » et de la ((publication» de traductions dont deux
mentions, du vague desquelles on a pu se convaincre, ne sauraient,
en bonne logique, démontrer l'existence. Que Lessing ait eu connais-
puljlication à Londres en U volumes au début de 171 2 ou vers la fin de 171 1,
n'est pas k bonne d, mais trop libre. [Cf. Ticknor, History (2* éd., New- York, iSô/i)
III, i2o]. Mais Lessing ne doit pas être rendu responsable de son jugement.
Kedlicli en a identifié la provenance. C'est le a* volume d'une sorte de Diccionaire
du théâtre anglais — oi'i, soit dit en passant, Lessing a pris, bien qu'il prétende,
au 59. Stiick de la Dramaturgie, les tenir de gclehrte Tagebiicher, tous ses rensei-
gnements sur la matière théâtrale anglaise de VEssex — paru en 1764 à Londres,
anonyme, en 2 vol., et dont l'auteur était David Erskine Baker: Companion to the
Playhouse or an historical Account of ail the dramatk Writers and their ]]'orks that hâve
appeared in Great Britain and Ireland, s. v. Motteux [Dans la new édition, 1782, (Bibl.
I\'at. l'A- 9Gi), I, 827 : c< he... ivas qualijied to oblige the world vith a very good trans-
lation of Don Quixote. ») Celte compilation est distincte du Companion to the
théâtre, que cite souvent Lessing. — Enfin, E. Dorer a reproduit (op. cit., p. 102) un
passage de Nicolai concernant le projet, con(;u en communauté avec Lessing mais
non réalisé, d'une «Don Qiiijotiade » contre Gottsched. — Nous aurons l'occasion de
revenir sur deux autres passages de Lessing ayant Irait au D. Qaijote.
1. lid. cit., p. 8g.
2. Frankfurt und Leipzig, 17Û4, p. ti. Cf. l'extrait de cette lettre M. V, p. 262,
note.
À
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HlSl'AxMSiME DE LESSLN'G I 1 1
sance de l'ouvrage du chanoine de Gordoue, dont Ménage louait, en
un long paragraphe du Diccionaire Etymologique, le Del Origen y
principio de la lengua castellana o romance, etc. (1606), réimprimé en
tète de l'édition de 1674 du Tesoro de Covarrubias, il n'y a rien en cette
hypothèse de surprenant, car il venait d'être très recommandé dans
deux recueils bibliographiques fréquemment consultés par ce même
Lessingi. Le cinquième volume des Nachrichten von einer hallischen
Bibliothek, etc., de Baumgarten, paru en 1750 à Halle, contient,
p. 184-187, un compte rendu des deux ouvrages d'Aldrete. h(i?> Anti-
giiedades, en particulier, y sont fort vantées, et le jugement de Lenglet-
Dufresnoy2 y est reproduit : (( Ouvrage savant, peu commun et plein
de grandes et doctes recherches.)) Cette même année 1760, Clément
donnait, au t. 1 de sa Bibl. cur., p. iSg-iGo (Gottingen, 1750), sur les
deux ouvrages espagnols d'amples renseignements bibliographiques
et reproduisait un passage de Mosheim, dans ses Remarques sur le
traité de J. Dan. MorhotY De pura diclione (p. 01 , note f), où il était dit
que ((Celui qui traduiroit en latin ces deux ouvrages d'Aldrete rendroit
un service réel aux gens de Lettres ; qu'il en avoit eu l'intention ;
mais que ses occupations ne lui permettoient plus d'y penser : et
qu'ainsi il abandonnoit cette tâche à un autre qui ait plus de loisirs
que lui. » — Fut-ce ce passage qui fit naître en Lessing le désir de
rendre (( aux gens de lettres d le (( service réel » de la traduction
1. Dans le prologue à sa traduction de l'Histoire des Arabes de l'abbé de IMarigny
(1753) {M. V, 24) Lessing écrit : « Der Herr D. Baumgarten, ein Mann, welcher sich
mit Recht beynahe ein dictatorisches Ansehen in der Geschichte, und in der Beur-
theilung ihrer Schriflsteller erworben ; dessen Verdienste vielleicht niemand
hôher schiitzt als ich...» Le 22 janvier 175/1, il vante, dans la B. Z., (M. V, 879), le
périodique du professeur de théologie de Malle et traducteur de Mceron, dont les
publications, dit-il, lui sont familières. Le 11 août 1703, il annonce dans le même
journal l'apparition du IV'^^ vol. de la BiblioUihque curieuse de Clément (M. V, 189) et
manifeste être au courant des précédents. Le 21 septembre 1704, il loue de nouveau
cet ouvrage (M. V, '129), dont le \' voliuiie vient d'être mis en vente. Et, beaucoup
plus tard, à l'époque de W'olfcubultel, dans ses remarques: Zur Gelehrten = Ge-
schichte (il/. XVI, 211 scq.), qui furent rédigées vers 1772, en majeure partie du moins,
les articles Peter von Abano et ^icol. Abraham démontrent qu'il n'a pas cessé de
pratiquer cet excellent répertoire, resté, malheureusenicnt, inachevé, et qu'il a,
d'ailleurs, utilisé maintes fois (ainsi dans l'article Abraham Usque) sans le citer.
2. Soi-disant contenu dans son Catal. des Itistoriens, p. i5oi. 11 le trouve dans la
Méthode pour étudier l'histoire, l. IX, p, i.joi. — Avant Baumgarten, Postel, dans sa
très curieuse épître a ad plur. Reverenduin Dominum Jacobum à Mellen... de limjuac
hisiianicae Difficaltate, Elegantia uc Utilitate » imprimée au n" d'avril 170! des Aova
Literaria Maris Baltici et Septentrioiiis, et dont il sera, répétons -le, question au
S Abraham Usque, renvoyait, sur la question de l'élément hébraïque dans la langue
castillane, à l'ouvrage philologique d'Aldrete : « Nusquam cnim in universo histo-
riarum lotius terrarum orbis ambitu, vel minimum de Colonià Hcbraeà in Iberiam
deductà inveuitur vestigium. .Non nego post Babylonicam dispersionem luium vel
altcrum Judaeum illiic appcUere potuisse, scd quid hoc ad Linguam.^ Latè et eruditè
hoc deducit Aldrete Del Origen de la Lengua Castellana l. III. c. 6 et 7 . » (p. 1 15). Entin,
il n'est pas sans intérêt de noter qu'Aldrete trouvait grâce devant Chapelain, qui
l'admirait. [Lettres, éd. Tamizey de Larroquc, t. 11 (Paris, i883), p. 2G8.J
I£2 GONTttlBLiriONS A L ÉTUDE DE L HISPA>'1SME DE G. E. LESSING
manquante? Ni son frère ni son ami ne mentionnant autre chose
qu'une intention mort-née, nous n'aurons pas la frivolité de nous
livrer, en cette matière, à de vaines supputations.
Quant au Sasa ou Soasa qui déroute M. Muncker, il était, de sa
part, inopportun d'affirmer, pour couvrir son silence, que « beaucoup
d'écrivains espagnols » ont porté ce nom, et il eût été, en tout cas,
plus exact d'écrire : d'écrivains portugais. Je me garderai, comme
précédemment et sur la foi de l'indication souverainement imprécise
de Nicolai, de me laisser aller à des conjectures chancelantes,
mais il semble que si véritablement Lessing avait songé à rendre
en sa langue une production castillane d'un Susa ou Sousa, il
ne saurait s'agir que d'un ouvrage rentrant dans le genre des
traductions qui l'occupaient alors, les Flores de Espana, Ëxcelencias
de Portugal, en que brevemente se Irata lo mejor de sus Hislo-
nos, etc. I, d'Antonio de Sousa de Macedo, <( quod vigintiduorum anno-
rum adolescens illud ediderit, n dit Nie. Antonio, « et Philippo IV.
Hispanorum Régi nuncupavitz, » et que Machado appelle une « ma-
dura produçaù))3, tandis que D. Francisco Manoel de Mello en pro-
clame, dans les Apologos Dialogaes, l'auteur c sinon le premier, l'un
des premiers en érudition, zèle et liberté » parmi ceux qui écrivirent
à son époque sur les choses de Portugal 'J. Sousa Macedo avait acquis une
sorte de renommée européenne par suite de ses démêlés avec le cister-
cien madrilcgne d'origine luxemburgo-bohémienne, Juan Caramuel de
Lobkowitz (1606-1682) — que Lessing a quaU fié (M. XV, 177) de «sehr
subtiler Kopf, dessen Werke Aufmerksamkeit verdienen » et que
M. A. Morel-Fatio traite de « personnage assez bizarre5 » — dans
l'affaire de la séparation du Portugal et de l'Espagne, et il était fait
mention de lui et de ses œuvres, non seulement dans des livres de
1. Lisboa, iC3i, in-fol% mais l'ouvrage fut réimprimé en 1737 à Coimbra, in-fol".
L'imprécision de la mention de Nicolai interdit d'examiner si, cependant, il ne s'agi-
rait pas de Manoel de Faria e Sousa, dont VEpilome de las hislorias portugue:as paru à
Madrid en iGaS, puis réimprimé avec des adjonctions — v. gr. à Bruxelles en 1780
sous le titre : Ilistoria del Reyno de Portugal, etc. — avait été traduit en 1698 en anglais
à Londres par le capitaine John Stevens, un hispanisant — cf. son très remarquable
Span. and Engl. Dicl. |Lond. 170C, Bib. .\at., X GSj; rééd. 1726] — sur lequel manquent
des détails précis, et qui traduisit, en particulier, Quevedo, Mariana et Sandoval.
{Cf. Dicl. of nat. biogr, LIV, 23i-3a.) Nous ne notis arrêterons pas non plus à discuter
une hypothèse relative à Ant. Caetano de Sousa et â son Hist. gen. da casa realport.,
parue à Lisbonne de 1735 à 1788 en 12 vol. in-i".
2. Bibl. hisp. nova, 1, i63.
3. Bibl. lusit., 1, 399. Cf. aussi Da Silva, Die. I, 27G-278, VIU, 3ii-3i2, 425.
4. Éd. de Lisbonne, 172 1, in-4, p. 422 et 438-439. — A. de Souza Macedo a été
traité de façon trop rapide dans lexcellente Portugiesische Lilteratur du Grundriss de
Grôber, IP, 348 et 354-
5. Bull, hisp., 1901, n° 4, P- 372. 11 eût pu dire : « de corrupteur de la morale» et
mentionner la lin de la Vil* Provinciale de Pascal. Sur Caramuel, il importe de lire les
Memorie délia vila di Giov. Caramucle de Tardisi (Venezia, i7(Jo), fort peu connues, et
qu'a ignorées Paquot, Mémoires, etc., il (Louvain, 1768, in- fol.), 175-185 et 225.
LA NATURE ET J,ES SOURCES UE l'hISPA.MSME DE LESSl.Vr, Ii3
circulation internationale, tels les Mémoires de d'Ablancourt « et les
Mémoires de Portugal du chevalier d'Oliveyraa, mais même dans des
revues d'érudition germaniques, telles les Nova Literaria, publiées à
Liibeck, dans l'article de Lindenberg dont nous aurons à parler ulté-
rieurement. Le passage est d'autant plus digne d'être noté ici que
Lessing l'a, par l'intermédiaire de la Bibliotheca Hebraea de Wolf,
comme nous le verrons au § Ahr. Usque, certainement connus.
« De facilitate vero sermonis Hispanici cuivis docto judicare in promptu
erit, si dixero illum lot tantasque Latio debere voccs, ut sat longae ora-
tiones et poemata Latina darl possint, quae ab Hispano et busitano, nullius
nisi suae linguae gnaro, plane perfecteque intelligantur : quales orationes et
poemata, cum Antonio de Sousa de macedo, in libro quem inscripsit Fior^.s de
Espaùa, Excellencias de Portugal (quem el eruditum et elegantem, vigesimo
secundo aetatis suae anno a se conscriptum in dedicatione ad Regcm testatur)
cap. 22. f. m. 239. b. exhibeat, non possum non scquens hocce, urbis Beth-
lehem cum Roma de praerogativa concertationem continens, ex illo addere :
Rotna infinitos, sanctissima, vive per annos,
Pacifica gen tes, vive quieta, tuas.
Castiga grandes, violenta morte, tyrannos
Ingratos aninios, & generosa, fuge.
Âcquirc insignes varia de gente triuniphos,
Distantes terras imperiosa rege,
Tanto majores titulos, Belhleni alta, célébra
Quanto Romano major es imperio.
Major amor, major tibi magniflcenlia, major
Fama, tuas Christo dando benigna casas 'i. »
Huarte.
La traduction de l'Examen paraît avoir été le résultat des occupa-
tions du (( Candidat en Médecine ô » avec les théories du docteur
navarrais lorsqu'il se préparait à briguer à l'Université de Wittenberg
le titre de Magister liberaliam artium, qui lui fut conféré le 29 avril
1752 à la suite d'une soutenance sur Huarte. Karl Lessing parle en
termes assez confus de cet acte :
«Seinen Eitern zu gefallen, » dit-il, « wurdc er daselbst Magister, und that
dadurch den erslen Schritt zum Lniversitàtsleben, nach welclieni er sicli
1. Paris, 1701, p. iiSetSiG.
2. Amsterdam, 17/11,1. 1, p. 352, où il est expressément question des Flores de Espara.
3. Et cela précisément l'année J752, qui est aussi celle où il s'occupait de rectifier
la notice de Jocher sur Abraham Usque.
'4. .\ova Literaria mensis octobr. MDCCII, p. Sog-Sio (Casparis Lindenbergii etc. ad
Ilenricum Balemannum etc., etc., Epistola).
5. On sait que c'est de ce titre que l'honora Voltaire lors du comique incident du
détournement du .Siècle de Louis XIV, dans la lettre précitée, adressée, entre autres
mentions, « ù son père, ministre du St. Evangile».
Il4 CO.MniULIlO-NS A L ETUDE DE L UISPAMSME DE G. E. LESSING
aber nie sehnte, und nur seinen eigenllicheii Plan verstecktc, mit dem er
gegen seinen A ater nach und nach hervorkam. Ob ihn dieser Lniversi-
làtsrang Geld gckostet, bin ich nicht imslande zu sagen : icli vcrmute aber
nicht ; wenigstens war es nicht viel : denn er batte kauni selbst zur Stillung
des Hungers und Durstes. Er sah es nie gern, Avenn man ihn Magister
nannte ; sogar seinen Vater bat er, die Aufschriften seiner Briefe an ihn damil
niclit zu verbiilmen ' . »
11 semble qu'une partie de l'appareil critique de Lessing nous
ait été conservée dans quelques fragments latins (.1/. XIV, 169) que
Fûlleliorn publia, d'après le ms. aujourd'hui perdu, sous le titre
de Materialien zu einem Aufsatz iiber J. Huarl, en appendice aux
Anmerk. zar Gelehrtengeschichte'. Quoi qu'il en soit, nous relève-
rons comme préambule à ce § une exagération manifeste des partisans
de l'hispanisme « authentique » de Lessing, qui a pris corps dans ce
passage de M. A. Farinelli, dont la méthode documentaire n'exclut
pas toujours certain à-priorisme tranchant : « Da er [Lessing] meinte,
dass ein besseres Yerstandnis des Werkes Huartes zu Aveitern physio-
logischen Untersuchungen aufmuntern Avûrde, verdeutschte er es im
Jahre 17523. » Un garant mieux renseigné encore que M. A. Farinelli
sur la psychologie et les fins littéraires ou scientifiques de Lessing,
son ami Xicolai, s'était cependant chargé de nous apprendre quelles
furent les véritables intentions du jeune étudiant lorsqu'il fit passer
Huarte en son idiome natal. Grâce à M. R. M. Werner, qui les a réimpri-
mées dans r.4/'c/»y/ù/" Lt7/erafur-Ge5c/2Jc/iie Xll (1884), p. 533-543^,
nous connaissons les remarques, dont plusieurs intéressantes, que
l'éditeur berlinois a écrites en marge de son exemplaire de la Vie par
Karl Lessing. Ce dernier parlait en ces termes de la traduction de
Huarte :
«Zu seinen damaligen wichtigeren Beschaftigungen gehôrt seine Ueber-
setzung des Huarte von Prùfung der Kôpfe, aus dem Spanischen. Ein Buch,
das Ungereimtheiten mit Ungereimtheiten, und einseitige Erfalirungen mit
andern einseitigen Erfahrungen widcrlegt und verteidigt, das A'lv:v '/.(vw
1. Op. cit., p. 83.
2. Telle est roi)iuioii de Maltzahn-Boxberger, dans leur réimpression du Lessing
de Danzel-(;uiirauer(Berlin, 1S80-81), I, 3i2, note, et de M. Muncker (XIV, 1G9, note).
Fûlleliorn opinait, au contraire, que les Materialien représentaient une façon de
jjrouillon de la préface à la traduction de l'Examen. M. E. Schmidt écrit que « latei-
nisclic Vorarbeiten zur Biographie und Kritik Juan Huartes verscliairtcn ihm
[LessingJ... den akademischen Magistergrad» (1,223). Quels sont ces «travaux prépa-
ratoires».^ M. E. Sctimidt décorerait-il de ce nom les quelques notes inconnexes et
désordonnées des Materialien !'
3. Art. cit., p. 287. K. Borinski {Lessimj, I, /17) imagine une raison plus noble
encore de cette traduction entreprise « mit friiliem Kennerblick » : elle était dirigée
contre la maladie du xvu' siècle, à savoir : la «cécité intellectuelle» et l'(( a\eugle-
ment superstitieux )>. 6'e non e vero, h ben trovalo. Nous avons déjà consigné l'opinion
de M. Filzmaurice-Kelly, résidu des précédentes.
i. Aicolais ExeiiqAar von « Lessings Leben ». La réponse citée est p. 530.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISP.VMSME DE LESSUNG Il5
cuva-Tst . . . So ein Buch kônnte man immer mit einem sechsfach dickeren
Kommentar begleiten, und Lessing hat nicht eine Anmerkung dazu gefùgtl
War er denn damais so kenntnisarm ? Das wàre ein wenig zu arm ! Ueber-
setzte er es bloss, um sicli im Spanisclien zu ûben und seinen dringendsten
Bedûrfnissen dadurch abzuhelfen ? Auch kein Verbrechen ' ! »
A cette dernière et significative question, Nicolai a formulé la
simple, lapidaire, mais éloquente réponse : Freylich! Il se pourrait
qu'elle résolve mieux l'énigme que l'interprétation apologétique, qui
ne repose sur rien, de M. A. Farinelli, et, à plus forte raison, de
M. K. Borinski. Ne jurerait-on pas, d'ailleurs, que Lessing lui-même ait
eu, à la réflexion, une assez piètre idée de son œuvre, puisqu'il écrivait
plus tard, à propos de cette traduction qu'on nous donne comme une
entreprise apostolique, à Chr. Gottlieb von Murr {M. XVII, 274),
u qu'aujourd'hui il chercherait, pour le mettre en allemand, un meilleur
livre, )) bien que, ajoutait-il, « celui de Huarte contînt maintes bonnes
pensées auxquelles il ne manquait que d'avoir été présentées en la
moderne terminologie philosophique » ?
La question a été posée : Comment Lessing a-t-ilfait connaissance
avec Huarte? M. A. Farinelli, catégorique, y réponds ; u Durch das
Studium Bayleswurde Lessing aufdas Buch Huarles Examen de Ingenios
para las sciencias^ aufmerksam- geniacht. )> De même, M. Erich
Schmidt, I, 192, et M. H. Dûntzer, op. cit., p. 119. Il est possible qu'en
effet Bayle ait contribué à éveiller la curiosité de Lessing. Un article
sur Huarte n'existe pas, cependant, dans l'édition de 1697 du Diction-
naire. Il est annoncé, en 1714, dans les Lettres choisies de M. Bayle^,
comme devant paraître dans le Supplément de ce même Dictionnaire.
Dans l'édition de ce dernier imprimée en 1780 à Amsterdam en
quatre volumes et qui est la quatrième, ledit article se lit au tome II,
p. 810. Mais ne pourrait-on pas supposer avec non moins de vraisem-
blance que ce fut l'abbé Du Bos qui attira l'attention de Lessing sur
V Examen? Ne trouve-t-on pas, dans ces mêmes Réflexions historiques
sur la poésie et sur la peinture que Lessing pratiquait si assidûment,
ce passage, 11, p. ii-i2 5 :
« Mon sujet ne veut pas que je parle plus au long de la différence qui se
rencontre entre le génie des hommes, et même entre le génie des Nations.
Ceux qui voudraient s'en instruire, et perfectionner par des lumières
i. Op. cil., p. 85. Une des raisons pour lesquelles les modernes Lessiwjforscher
l'ont li du livre de K. L., c'est précisément la franchise — dont on vient de voir un
typique exemple — avec laquelle y sont discutées certaines questions qu'eux inter-
prètent dans l'intérêt de leur idole, sinon de la science.
2. Art. cit., p. 287.
3. M. Otto F. Lachmann, dans son édition de la Vie, nous parle (p. 80, note) d'un
Examen de Jugendos para las sciencias. Est ce une faute d'impression?
4. Rotterdam, t. !.. Table, s. v. Huarte (Jean).
5. Prem. éd. (Paris, 1719)-
c. l'iroLLEi. a
Ilb CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
acquises l'instinct naturel qui nous fait faire le discernement des hommes,
peuvent lire V Examen des esprits par Huarté et le Portrait du caractère des
hommes, des Siècles et des Nations par Bardai. On peut profiter dans la
lecture de ces ouvrages, quoiqu'ils ne méritent pas toute la confiance du
lecteur...»
Mais à quoi bon perdre son temps à des identifications risquées, si
le nom de Huarte et son livre se trouvent clairement signalés dans des
ouvrages allemands de consultation journalière au xviir siècle, tels le
Polyhistor de ]\Iorhof et le Gelehrten-Lexikon de Jôcher ? Morhof, en
particulier, fait observer que la version latine de Joachim Caesar
« vehementer discrepat ab Hispanico » i. Or, Lessing a certainement
lu ce passage, ainsi qu'il appert des Materialien "^ . L'article de Jôcher,
bien que signé Ant[on« Bibl. hisp.'], MoT[hofii Polyh.], se borne à répéter
ce que disait déjà de Huarte YAllgenieines Historisches Lexikon 3, qui
avait pris purement et simplement ses maigres renseignements dans
notre Moreri. Voici la teneur de sa notice :
« Huarte (Joh.J, ein Medicus, den man gemeiniglich vor einen Spanier
ausgiebt, wiewol St. Juan de Pied de Port im franzôsischen Navarra seine
Geburtsstadt gewest, liât um i58ogelebt, und ein nettes Werck de Scrutinio
ingeniorum unter dem Titel : Examen de ingenios geschrieben, Avelches
Jourdan Guibelet ins Franzôsische, und ^Eschacius Major ins Lateinische
libersetzet, und von den gelehrten sehr hoch gehalten wird. Ant. Mor.k.-»
Enfin, un ouvrage que ne pouvait ignorer Lessing et dont quatre
éditions avaient précédé celle (corrigée et augmentée par le juriste
L.-M. Kahle) de Gôttingen, 17^0, la 6(6/. philos. Slruviana du polyhis-
torien B.-G. Struve, ne contenait-elle pas sur Huarte un long passage,
1. Polyhist. pfiilosopti., Lib. II, Pars II, UkU et 453. Dès la première édition (Lubecae,
1G88) du Polyfiistor, il y avait, au ch. I du livre II (De délecta ingeniorum, p. Saa) une
censure des théories de Huarte d'après Possevin, De cuit, ingen., cap. XV-XVIII.
2. M. XIV, 1G9. Cf. la note de Muncker sur le Polyliistor, ibid., p. 166.
3. Leipzig, 1730, //. T/ie(7, p. giig.
4. Allg. Gclehrten-Lex. II (1750), p. 1741. Déjà Harsdôrffer mentionnait, au fiegistcr
etlicher Scribenten xvelcher sich der Verfasser zu Behuff der Gesprach-Spiel bedienet, à la
fin de l'un des volumes de ses Frauen-Zimmer Gespriicti-Spiel (Anderer Theil, Nûrnberg,
1(342) : «.Juan Huarte, Examen de Ingenios para las Sciencias, 13. Anvers, i6o3. »
En 170G, le prolixe et confus Nie. Hier. Gundling, dont il sera parlé plus loin, citait
par deux fois, dans ses incroyables Oh'a (170C, Francf. und Leipz., p. 17 et 19 du t. I),
« Huartus», d'après, il est vrai, la version latine. En 171 1, Pipping éditait une disser-
tation posthume du théologien évangélique Goltl. Friedr. Seligmann(i654-i707), Scia-
yraijhia viriiim imaginationis, Exercitationes acarfemicae (Dresden, 171 f), où, sur la foi
de Le Grand, Hist. I\'alur., p. 429, Huarte était curieusement confondu avec le page,
Licenciado l'idriera avant la lettre, dont il narre les aventures, et où on lisait (p. 42) :
« Huartus Hispanus seregem indelirioarbitratus prudentissimosde Regimine faciebal
discursus. » J'ai cependant contrôlé cette citation dans Ant. Le Grand, Historia
naturae, etc. [Londini, 1G80] et y ai trouvé, p. 417 : « Alii se Reges esse credunt; ut
servus ille Hispanus, cujus Joannes Huartus meminit, qui se Regem arbitratus, pru-
dentissimos in morbo de regimine facicbat discursus. » C'est donc Seligmann qui
s'était grossièrement mépris.
LA NATURE ET LES SOUKCES UE L HISPANISME DE LESSING H']
II, p. 93 seq. (éd. cit. § XXIII), où l'on renvoyait à D'Alibray, à
Possevin, où l'on vantait très fort Guibelet, où l'on disait de l'Examen
que « famam hoc libro magna ex parte decoxit Huartus » et que ce
livre avait été traduit en latin : « quod loannes Caesar Halensis, sub
nomine .Eschacii Majoris ex hispanico in latinum transtulit, etc. » >?
Au surplus, n'est-il pas secondaire de savoir comment Lessing a
connu Huarte? L'essentiel est d'examiner comment il l'a compris.
Nous savons déjà, par la Première Partie, comment il l'a traduit.
M. E. Schmidt définit l'Examen : « das emsig gefeilte Buch
(I, 192) » 2. Il est curieux de constater qu'un professeur d'Université
que l'on considère communément comme le meilleur biographe de
Lessing se fait — cette fois comme d'autres — l'écho irréfléchi d'une
erreur qui traîne dans les livres allemands depuis que Lessing l'a
commise dans la Préface de sa version. « Huart, y déclarait-il, war
einer von denjenigen Gelehrten welche von ihren Schriften niemals
die Hand abzuziehn wissen. So oft seine Prûfung aufgelegt wurde, so
oft sahe sich die eine Ausgabe der andern fast nicht mehr ahnlich. »
Nous indiquons plus loin d'où Lessing tient cette affirmation, que rien
ne justifie. Elle réapparaît dans le compte rendu donné par l'Allge-
meine Deutsche Bibliothek (t. 65, p. 244, année 1786) de la seconde
édition de la traduction de Lessing, complétée par J.-J. Ebert3 : « jedes-
mal, » écrit pour son compte — en réalité il s'en rapporte à Lessing
— l'auteur de l'article « veranderte Huart's (sic) durch Ausstreichen
und Zusetzen so vieles darin, dass keine Ausgabe der andern
1. 11 est fait mention, p. gS, note, que « inter optimas editiones refertiir Colo-
niensis i6io, impressa ». Cette erreur résulte d'un passage, lui-m4me erroné, d'Adrien
Baillet, Jugemens des SavanSj etc. (éd. de Paris, 1722, II, 173) : De l'Examen des Esprits
où, sur la foi de N. Antonio, la victime de Ménage prétend que Possevin, pou'r avoir
critiqué Huarte, n'a pas laissé de faire une nouvelle édition de VExamen «à Cologne
en l'année 1610, in-12 ». Sur Slruve et autres polyhistorieus allemands, je conseille
fort de lire les Judicia de germanis quibusdain historiée Idt. conditoribus par Camusat —
puis la Fie de celui-ci par Kapp — p.XXI-XXXlV et L-LX de la pseudo-rééd. de
1744 de la Bibliotheca du P. A. Chacôn (Amst. et Lpzg., in-fol.)
2. Noton?, en passant, et quoique le détail n'ait pas trait à la Lessing forschung , qu'on
ne saurait en dire autant de certains ouvrages qui se réclament du contrôle littéraire
de M. E. Schmidt, tel ce Kaiser Wilhelm und die Begriindung des Beiches 1866-1871
(Jena,i902), du professeur O. Lorenz, l'ex-garçon de laboratoire du broyeur de poi-
sons historiques que fut le duc Ernst de Cobourg-Golha, devenu, dans ce livre, le
secrétaire du grand-duc de Bado et d'autres roitelets d'Yvetot germaniques. Ainsi que
récrivait plaisamment F[ran:\ M{ehring] dans die Neue Zeit, 1904, Bd. 2, — dans une
critique qui est un document d'histoire (p. 507-512), — à cette « Untertanengesin-
niing» correspond «ein ebenso ôder Untertanenstil..., der dem Léser schwer auî die
Nerven fâlit » (p. 5i i).
3. 1785, in 8, Wittenberg und Zerbst. Ebert, professeur de mathématiques et de
philosophie à Wittenberg, n'a pas touché à la traduction, qu'il a simplement enrichie
de quelques réflexions et adjonctions. Elle ne s'en intitule pas moins : « Zweite
verbesserte Auflage. » J'ai trouvé dans le Handbuch der Allgenieinen Litterargeschichte
de C. J. Bouginé, t. IV (Ziirich, 1791), p. 4i3, que la traduction de Lessing se vendait
45 kreutzer, et la réédition d'Eberl i il. 3o kr.
Il8 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
âhnlich sah. » L'Encyclopédie de Ersch et Gruber (II. Sektion,!. Theil,
Lpzg., i834, p. 3i4) accueille, à son tour, s. v. Huarte et sous la
signature Baur, cette affirmation inexacte : u...jedesmal vom Verfasser
so verandert, dass keine Ausgabe der andern âhnlich ist. » Nous la
retrouvons — avec d'autres erreurs — dans la sixième édition (igoô)
du Konversations-Lexikon de Meyer : « Bei jeder der folgenden Aus-
gaben wurde es vom Verfasser umgearbeitet. » Le Konv. Lex. de
Brockhaus (XIV' éd. [1902], t. 9, p. 867) commet de son côté une
erreur d'autre sorte, aussi grossière. Mais M. Erich Schmidt a décou-
vert autre chose encore dans Y Examen : un « krauses Kauderwâlsch » ,
qu'il serait, malgré sa science hispanique, fort embarrassé de définir.
11 déclare, en outre, que le livre est « in allen Einzelheiten veraltet »
et — nous ne savons si en cette qualité — qu'il contient « spôttische
Seitenbemerkungen auch gegen die Théologie». 11 est à peu près indu-
bitable que le biographe semi-aulique de Lessingne s'est jamais donné
la peine d'ouvrir Huarte et que c'est de la sorte que s'explique cette
dernière assertion, absolument imaginaire. Son collègue de Munich
et co-biographe de Lessing, M. K. Borinski, qui connaît du moins
Huarte, trouvait le livre c( heute so « actuell » wie jemals » i. Lessing ne
nous a communiqué que fort peu de ce qu'il pensait, quant à lui, de
son auteur. En nous aidant de la préface de sa version et de quelques
phrases des Materialien, c'est à peine s'il nous serait possible de déduire
I. Baltasar Gracian und die Hojlitleratar in Deutschland (Halle, 1894), p. 60. Le
passage de M. Borinski sur Huarte, complété par quelques lignes de M. Farinelli, p. 407
de son compte rendu critique dans la Zlschft. fiir vergl. Litgeschte. N. F., IX (1896)
et p. 5i du t. 1 (1895-9O) de feu la Revisla de R. Altamira, où ce compte rendu a paru
quelque peu difTérent en espagnol, représente le meilleur jugement moderne porté
sur le médecin philosophe. Les Espagnols se sont contentés, jusqu'à présent, d'admirer
Huarte par procuration et n'ont rien écrit de sérieux sur lui. Une prétendue édition
critique de son livre par le médecin Martînez y Fernande/ (Madrid, Campuzano, i8i6,
grand in-8), qui donne, p. 4ii-4i8, les variantes des principales éditions de l'Examen,
est remplie de fautes et les citations latines y sont presque illisibles. M. Menéndez y
Pelayo n'a sur Huarte qu'un médiocre paragraphe dans les IdeasEstéticasll^ CSladrid,
iSSli), p. 217-218. La thèse de doctorat du médecin baléare J. M. Guardia : Essai sur
l'ouvraije de J. Huarte : « Examen des aptitudes diverses pour les sciences» (Paris, Durand,
i855) est fort médiocre, a été, d'ailleurs, écrite en français, et puise dans Martînez y
Fernândez ses maigres renseignements bio-bibliographiques, p. 1-6, où n'est même
pas mentionnée la version de Lessing. La dernière étude qu'a inspirée Huarte en
Espagne, due à M. Rafaël Salillas : Un yran inspirador de Cervantes. El Doctor Juan
Huarte y su Examen de Ingénias (Madrid, Suârez, iyo5), est complètement manquée-
Cy. mon compte rendu, Bulletin hispan., VII (1906), p. !^■2ï-!^2!l. \^n certain W. W.
Comfort a cependant cru devoir « réconforter » de son approbation les élucubra-
tions de Salillas, Mod. Lang. Notes, 1906, p. 3o-32, élucubrations que M. Morel-Fatio
a courtoisement réduites à leur valeur par quelques mots de son article de igoO :
Cervantes et le troisième centenaire du « Don Quichotte» (Archiv. f. d. St. der n. Spr. u.
Lit., XVI, p. 355). Il serait à souhaiter que les éditeurs de la Nueva Biblioteca de
Autores Espaholes élevassent enfui au prédécesseur de Gall le monument critique que
lui doit sa nation. Huarte doit être, d'ailleurs, lu aujourd'hui encore en Espagne,
puisque la Biblioteca cldsica de Barcelone l'a réimprimé en 1884 (in-16 de Sia pp.)
avec un prologue qui exalte, à juste titre, el encanto del estilo de l'auteur, et qu'on
le trouve assez fréquemment cité chez des auteurs esiiagnols contemporains.
T,\ WTURE ET T.ES SOURCES DE T.'htSPANTSAIE DE LESSIXG II9
qu'il ait compris la signification de ce précurseur. Nous avons plus
haut mentionné le passage de la préface où Huarte est comparé à un
coursier fougueux qui ne soulève jamais plus d'étincelles que lorsqu'il
bronche. C'est là une image exacte et expressive, si l'on veut, mais ce
n'est point un jugement. Dans les Materialien, nous trouvons une
assertion plus précise^ mais fort peu satisfaisante en sa superficialité :
{< desertae ejusdem doctrinae et jam pridem relictae patrocinium in
me suscipere nolo ; illud tamen ingénue fateor me hoc philosophandi
génère non leviter delectari, licet medicorum assentione id temporis
plane destituatur '. » En ces deux maigres passages se résume l'appré-
ciation formulée par le traducteur allemand sur son auteur. 11 sem-
blerait que Lessing — et n'était-ce pas une tendance de sa nature? —
se soit moins arrêté à considérer l'originalité essentielle de l'Examen
qu'à certains détails, à quelques déductions curieuses de la doctrine
de Huarte. 11 a noté, dans les Materialien, plusieurs de ces particu-
larités qui l'intéressaient : miracnloriun doctrina, réduction du miracle
de la manne à une explication semi-naturelle (cli. XII, p. 208-239 de
l'édition d'Amsterdam, 1662; p. 256-58 de la traduction de Lessing);
de fortitadine (sur laquelle il fait des réserves), théorie de la cause
pour laquelle la vaillance l'emporte sur la justice et la sagesse 2
(ch. XIII, p. 25i ; trad. ail. p. 271); de fœminarum ingenio, passage
où Huarte résume sa thèse de l'impossibilité, pour la femme, d'être
intelligente parce que « la frialdad y humedad que las hizo hembras,
hemos provado atrâs^ que contradizen al ingenio y habilidad »
(ch. XV, § m, p. 36i ; trad. ail. p. 892). Combien plus féconde et
témoignant de vues plus larges, en même temps que d'une érudition
hispanique moins équivoque, n'eût point été, cependant, une discussion
1. Ceci n'est point exact, car un bon médecin de l'époque, et de la faculté de
Paris, Bordeu, écrira, en 176/i, dans ses Recherches sur quelques points d'histoire delà
médecine (Liège et Paris, 1704, t. H, p. i3i) : « L'ouvrage de Huarte est plein de
réflexions singulières, de vues très fines; on le lit, ce me semble, trop peu; il méri-
teroit un très ample commentaire. » Bordeu fait même découler de Huarte les idées
de Montesquieu <( sur les mœurs des nations et la constitution particulière des liom-
mes dans les divers climats qu'ils habitent >i (p. /i 19). Cf. aussi l'opinion d'un Espagnol
du XVIII* siècle qui était loin d'être dénué de sens critique, J. B. P. Forner, sur
Huarte, Otras (Madrid, i843, in-8), I, 61. [Ce volume est le seul qui ait paru.] Je
crois que Huarte, en écrivant son livre, était dans un état d'àme analogue à celui de
ces nombreux Arbitristas dont les projets rivalisaient alors en invraisemblance:
l'Examen n'est qu'un Arbitrio plus raffiné proposé à Philippe 11.
2. Lessing s'élève, en passant, avec raison contre les subtilités scolastiques de
Huarte, qui joue sur les vocables malicia, mililia (éd. d'Amsterdam, 1662, p. 253;
trad. ail. p. 278). u 111a neutiquamapprobata esse judico, » dit-il, » quae de malitiaet
militia profert. An quidquam stultius, quam ex nominum propinquitatc vimsimilem
rerum conjectari.^ » El il renvoie, comme garant, à Apulée, « in Apol. ». Les éditeurs
de Lessing, y compris M. Muncker, n'ayant pas contrôlé le renvoi à VApologia,
omettent d'imprimer entre « » cette dernière phrase, qui ne lui appartient pas, mais
est d'Apulée. (Ei. Bétolaud, dans la coUect. Panckouke, IV (Paris, i838), p. 88.)
3. Sans doute au ch. 111 : Cual parte del cuerpo ha de estar bien templada, para que
el mochacho tenga habilidad.
I 20 CO>TBlBUTIO?fS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
serrée et précise de la signification philosophique et culturelle d'un
homme qui, en pleine époque spiritualiste et quand montait, des
carrefours des cités espagnoles, la fumée des autos de Je, posait, sans
prévoir peut-être la portée révolutionnaire de sa thèse, le problème
physiologique, et réaffirmait, à la suite, il est vrai, et sur la foi de Galien,
dans 'son petit traité cti -2 -f,: 'hr/r,: rfir, -yXq -rou c7w;j,aT;; -/.piîefftv
ETusTaii, l'évidence de relations intimes nécessaires entre le physique
et le moral ! Ce ne sera très vraisemblablement pas faire injure au génie
de Lessing que de résumer sa conceptionde l'Examen, \ers 1762, dans
la phrase suivante de son frère, lequel, en vérité, était un peu plus au
courant des mobiles qui présidèrent à ses entreprises littéraires que
les modernes Lessingforscher : « Jeder mittelmàssige Kopf kann jelzt
ein niitzlicheres Buch schreiben, und zu klug sein, um auf solche
Vorschriften zu fallen, als das fiinfzehnte Hauptstûck giebt. Nur
Huarte's Einbildungskraft konnte sich so versteigen. Und dièses
Versteigen interessierte Lessing, Aveil es zugleich soviel Sloff zum
Nachdenken und Lachen gab ; und er glaubte, es Avûrde auch einen und
den andern interessieren, der eben darum nicht erst spanisch lernen
Avolltes.»
Si Lessing ne s'est pas arrêté à discuter la valeur intrinsèque du
traité de Juan Huarte, il a, par contre, essayé de réunir sur ce dernier
quelques renseignements bio-bibliographiques, sans, toutefois, aboutir
non pas certes à d'impossibles découvertes, mais à condenser avec
précision les données que lui offrait la littérature d'alors sur ce
personnage et son livre. Nicolas Antonio lui apprenait (1, 712) — et
c'est grâce à lui qu'il mentionnera dans les Materialien {M. XIV,
p. 170) cette édition princeps et sa copie à Bilbao, en i58o, en des
termes qui démontrent sa dépendance de la Bibl. hisp. nova — que
l'Examen avait originairement paru à Baeza l'an 1075. « Qui liber
primum prodiit Beatiae ex offîcina Joannis Baptistae Montoiae 1575.
in-8. » Outre cette édition et celle de Bilbao, i58o, le bibliographe
espagnol en énumérait six autres anciennes d'Espagne. Lessing eût dû
se souvenir de ce renseignement pour la préface de sa traduction. Il
serait malaisé d'attribuer à une confusion ou à un oubli de sa part
l'affirmation que nous y trouvons de l'existence d'une édition de
1. Ed. Kùhn (Lipsiae, i8?2), IV, 767-822. — Ce détail n'est pas à oublier et nous
prions les futurs éditeurs de Huarte d'approfondir un peu la matière avant de trop
exalter l'originalité de leur compatriote. Nous les prions aussi d'examiner en détail
l'œuvre de Huarte considérée comme un «arbilrio» avant d'en vanter certaines inten-
tions philosophiques qui n'étaient, croyons-nous, guère dans l'esprit de l'auteur.
a. Le pas.sage auquel fait allusion K. L. est celui qui traite {op. cit., p. 86) de « la
manera como los hombres han de engendrar los hijos sabios, y del ingenio que
requieren las letras. Es capitulo notable. » Ceux qui ne pourraient lire ['Examen
trouveront un exposé de celte théorie de la « procréation des sexes à volonté» dans le
résumé qu'a donné de l'Examen le marquis Du Roure, p. Z19-57 du t. II de son
Analeclabiblion, etc. (Paris, 1887) • Examen des Esprits pour les sciences.
À
LA XATUBE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING 12 1
l'Examen de i556, affirmation que Ticknor eut le tort de prendre au
sérieux dans la première édition, qui est de Boston 18/19, ^^ son
History et qui alla contaminer Ticknor-Julius, II, Sogi.Mais voici qui
est presque plus grave encore. Ayant lu dans son auteur le passage
qui, dans l'éd. d'Amst. 1662, a la teneur suivante (ch. I, p. iZj) : « por
tanto, el que quiere saber quando su entendimiento tiene todas las
fuerças que puede alcançar, sepa que es dende treyntc y très anos,
hasta cinquenta, poco mas o menos : en el cual tiempo se han de
créer los grandes auctores, si en el discurso de su vida tuvieron
contrarias sentencias. Y el que quiere escrevir libros, halo de hazer en
esta edad : y no antes, ni despues, sino se quiere retractar ni mudar
la sentencia », et n'ayant pas réfléchi que Huarte ne parle nullement
de publier, mais d'écrire des ouvrages, Lessing s'empresse d'en
conclure — choisissant sans le moindre fondement le chiff're de
46 ans comme l'époque à laquelle l'auteur espagnol (qui parle
de 33 à 5o ans 2) a publié son livre — que Huarte doit être né
vers i520, et avance, de la sorte, de 10 à i5 ans la date probable de sa
naissance. Il ne lui suffit pas d'avoir risqué cette induction fantaisiste.
Huarte rapporte, au ch. X3, de manière impersonnelle, un incident
survenu à Alcalâ de Henares à la mort du célèbre grammairien
Antonio de Lebrija, en 1022. Ce petit fait suffît à Lessing pour
supposer que son auteur étudiait à celte époque en la fameuse Univer-
sité, et cela en dépit de la contradiction patente, qu'il constate
d'ailleurs lui-même, entre une telle donnée et son affirmation précé-
dente touchant la naissance de Huarte, contradiction qu'il essaie
maladroitement de résoudre en introduisant, par une injustifiable
application d'un autre texte de ÏExamen^, l'Université de Sala-
manque dans son insoutenable combinaison. Il ne semble, d'ailleurs,
pas se douter que d'autres Universités existaient en Espagne,
à cette date, outre Salamanque et Alcalâ, ni qu'il ne laissait pas
d'être plausible que Huarte, navarrais, eût étudié tout bonnement,
I. L'erreur est corrigée dans la sec. éd. de VHistory (London, i855) — où se
trouve toutefois maintenue l'opinion (III, 219, note) que Huarte écrivit son ouvrage
en 1557, opinion que l'on retrouve p. i85 du Supplementband à la traduction de Julius
paru à Leipzig en 1867, d'après l'édition de i863 de Ticknor, qui est l'éd. définitive.
Ticknor avait tellement foi en la parole de Lessing, qu'il n'osa pas contredire caté-
goriquement son erreur touchant l'éd. de i556 (Cf. Calai, of the Span. Libr., etc.,
édité par J. L. Wtiitney à Boston en 1879, p. 170.) Karl Lessing avait, lui aussi,
docilement accepté la date de i556, en la modifiant toutefois par un «ungefâhr»
{op. cit., p. 85.)
3. Lessing qui, dans sa traduction, a correctement rendu le dende treynta y très
anos hasta cinquenta par zwisclien dem drei und dreissigsten bis funfzigsten Jahr (p. 17)
n'en écrit pas moins dans la préface : bis zuin ein and funfzigsten Jahre,
3. P. i65 de l'éd. d'Amsterdam.
4. P. 10 de l'éd. d'Amsterdam. Il s'agit dans ce passage d'une proposition de troc
entre les étudiants de Salamanque et ceux d' Alcalâ.
123 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE L HISPANISME DE C. E. LFSSINO
comme on l'admet, à Huescai. Enfin, pour mettre le comble à l'arbi-
traire, il dédaigne l'indication si précise d'Antonio : « doctor medicus
in Baeticae urbe Beatia, sive etiam in Linares oppidoa » et fait de
Huarte un médecin madrilègne : « Er hat, écrit- il, hierauf practicirt,
und sich grôssten Theils in Madrid aufgehalten, wo er ohne Zweifel
auch gestorhen ist. » Du moins consent-il à se rapprocher du biblio-
graphe espagnol quant à la date, sinon quant au lieu de la mort de
son auteur. uVon der Zeit seines Todes, avoue-t-il modestement, weiss
ich nichts, als dass er um das Jahr lôgo nicht mehr gelebt hat. »
Antonio disait : (( degebat, cum Alphonsus Ciaconius, Dominicanus,
Bibliothecae Universalis adornabat opus, anno scilicet MDLXXXIV,
quod legimus in ejus schedis MSS. quas Romae habuimus. » Nous
savons par le Privileglo de l'éd. de Baeza, 1694, que l'auteur était
ya difunto en 1092, mais qu'il avait cependant— c'est son fils Luis
Huarte qui le déclare — corrigé l'Examen avant de mourir, ainsi
que l'indique, au surplus, le titre : agora nuevaniente enmendado por
el mismo autor. 11 est regrettable que le P. Alfonso Chacôn (i54o-
1699) n'ait pas mené sa Bibliotheca plus loin que la lettre fJ : né à
Baeza, il nous eût peut-être, à l'article Huarte, donné quelques
curieux détails sur le médecin de sa ville natale.
Relativement aux éditions de l'Examen, nous avons suffisamment
montré la témérité de Lessing touchant la prétendue date de la
première. Il est temps de revenir à la question des soi-disant coi^-
rections faites par Huarte à son œuvre. Nous avons transcrit plus haut
la phrase de Lessing sur les scrupules littéraires du médecin
navarrais. Cette phrase se trouve au milieu d'une critique assez âpre
de la version latine de Joachim Caesar.
« Dieser Mann, dit de son prédécesseur Lessing, hat seine Sachen allzu gut
machen wollen, indem er die spanischen Ausgaben, so viel er deren
I. Lessing plonge tellement dans l'érudition médiate et la polyhistoire latinisante
que,parlant de la conquête de la Navarre espagnole en 1 5 1 2, c'est un « Ferdinandus Catho-
licus))etun « Johannes Labretanus » (Jean d'Albret) qu'il mentionne. De même, quand
il ci\.e (Mater lalien, M. XIW, p. 171) comme confirmation d'un direde Huarte, l'exemple
de ce Nie. Riccardi, fameux prédicateur, mais si laid que Philippe 111 le baptisa du
sobriquet, qui lui resta, de << monstre », c'est encore dans une compilation latine qu'il
est allé se renseigner, dans le recueil de Ja. Nie. Erythrâus (J. V. Rossi) : Pinaco-
Iheca I Imaginum | illustrium \ virorum | qui \ auctore superstUe diem | suum obierunt \ ,
où l'on trouve, p. 43-45 de Ved. nova [Guelferbiti, 1729], la biographie de <( F. Nico-
laus Riccardius », lequel, d'origine italienne, était venu fort jeune en Espagne,
«... cujus memoriœ fiducia, de quacunque rc proposita, diserte copioseque dicebat
ex tempore, et in familiaribus colloquiis, ac praesertim in concionibus, quas ad
populum habebat, ea rerum ac sententiarum copia redundabat, ut Philippuslil Rex
Hispaniarum, qui ejus concionibus inlerfuerat, ob excellentis abundantiam doc-
trinae, non hominem, sed monstrum potius hominis eum esse, palam multis audien-
tibus, dixerit etc. ».
■2. On sait que Linares est proche de Baeza. On trouvera au t. III de VEnsayo
de Gallardo, p. 282, une curieuse lettre de Ramôn Novoa touchant l'activité profes-
sionnelle de Huarte et la tradition à ce sujet.
I.A WTLRE ET I.F.S SOURCES DE I. HISPANISME DE LESSINO lao
habhaft werden kônnen, nicht allein mit einander vergliche, sondern auch
aile zugleich zum Grunde seiner Lebersetzung gelegt hat. »
Une étude un peu attentive de la version de Joachim Caesar
convaincra quiconque l'entreprendra de la fausseté de l'imputation de
Lessing. J.. Caesar a formulé sur la méthode suivie dans sa traduction
la déclaration suivante i :
« Sed jam de exemplaribus hispanicis pauca inihi monendûs es : quorum
multa et in Hispania et in Belgis citra singularem impressionum variantiam
prodiere. Quin nec aliquàm multis annis quidquam auctarii illis, quantum
est, editionibus accessit : dum tandem ante hos duodevigenti praeter-prop-
ter annos aliud in ipso Castellae regno excusum prodiit exemplar (cujus
copiam Cothenis habui) et unâ praefatione, et primo, secundo ac quinto
capitibus, et toto tractatu de igné, et multis intercalatis periodis, et infertis
nonnumquam paginis aliquot integris, et aliis hinc inde interpolatis locis
notabiliter adauctatum. Sed in eapse editione multa incisa, disjecta, trans-
posita, alio coUocata ordine deprehendi, quàm in prioribus editionibus
visebantur. Quin, quod caput est, haut pora prorsum antiquitata isthinc
abesse adverti, quae in illis subtilissime disputata obcurrebanl, in quibus et
integrum erat decimum caput, et totum libri exodium seu colophon,et alia
passim loca particularia : quibus ita inde exauctoratis posterius exemplar
velut eviratum comparebat. »
Cette explication ne prêtait à" aucune équivoque et révélait un
procédé fort consciencieux d'éditeur. Lessing, cependant, lui oppose
l'objection suivante, qui révèle combien peu il est au courant de la
bibliographie de l'Examen :
« Anstatt nun, dass sich der lateinische Uebersetzer bloss nach der
letzten Ausgabe batte richten sollen, so hat er aile in eine zusammen-
geworfifen, und an den meisten Orten das Werk so dunkel, vervvirrt und
widerstrebend gemacht, dass man es nicht anders als mit Eckel lesen kann.
Darf man sich also v^^undern, dass er sich durch dièses Verfahren so gar in
den Verdacht gesetzt, als habe er sein Original verfalscht, und von dem
seinigen vieles kinzugesetzt?»
En réalité, Joachim Câsar, auquel le hasard avait mis entre les
mains une réimpression de l'édition expurgée « conforme al mandaio
del Caidlogo ûltimo... de la Inquisicion «2, s'était borné à fondre dans
I. Dans la Praefatio ad lectorem non paginée de la deux. éd. (Vienne [?], 1687)
du Scrutinium ingeniorum, où est réimprimé le privilège, daté Vienne, 20 sept. 1622,
de la première. Une édition de 1612 mentionnée par Lessing (.)/. V, p. 6), puis par
Baur dans l'article précité et par Graesse( Trésor, III, 3Si), semble bien être uneerreur
de Lessing. qui a été copiée étourdiment. Ebert {AUg. Bibl. Lex. I [Lpzg., 1831],
col. 84i)a trouvé à la Xônigl. ôffenll. Bibl. à Dresde l'édition de Lpzg., 1622, in-8, mais
ignore cette prétendue éd. de 1G12. Brunet (III, col. Sô-j) ne dit rien des traductions
latines et au .Supplément (I [Paris, 1878], co/. 662) mentionne une u Priisung der Kopfe j>
de Lessing. La bibliographie que donnait A v. Haller {Bibl. Anat. 1 [Tigurdi, 177/*)
p. 249) fourmillait d'erreurs. Elle reste, d'ailleurs, encore à faire de façon scienlifique.
a. Texte du Privilegio (1092) de l'édition de logi, Baeza, en casa de Juan Buplista
Montoya, in-8. Cette édition, corrigée, était en même temps accrue, ainsi que
12^ COMTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DÉ l'hISPANISME DE G. E. LESSING
sa version latine les éléments nouveaux de cette édition, qu'il
combine avec ceux de l'édition antérieure aux remaniements imposés
par l'Inquisition, afin de fournir à ses lecteurs tous les aspects de la
pensée de Huarte. Il ne manquait, pour qu'un tel procédé fût de tous
points satisfaisant, que d'indiquer au moyen de la disposition typo-
graphique ce qui appartenait à l'édition dite (( ancienne » et ce qui
émanait de l'édition remaniée. Mais J. Câsar n'a pas employé cette
méthode critique pas plus que ne l'emploiera, en 1672, le traducteur
français Savinien d'Alquié, qui, lui aussi, a fait rentrer dans sa version
les additions au texte primitif de VExamen.
Lessing n'eût donc pas parlé de traduction d'après la « dernière
édition » de l'ouvrage espagnol s'il eût été familier avec sa biblio-
graphie, et il eût, du même coup, évité la phrase sur le purisme et
les raffinements d'auteur du médecin navarrais. Par contre, il ne
daigne même pas nous renseigner sur l'édition qu'il a lui-même
suivie. J'ai réussi, comme il a été dit plus haut, à l'identifier. C'est
celle d'Amsterdam, 1662, in-12, en la oficina de Juan de Ravestein,
qui est ornée d'une vignette représentant saint Antoine au désert
auquel deux corbeaux apportent sa nourriture. Cette édition s'intitule :
la quarta edicion de muchos querida, mention qui apparaît au premier
abord assez bizarre, mais s'explique si l'on songe qu'elle reproduit le
texte de l'édition plantinienne de lôgS', édition copiée en i6o3 dans
l'indique son titre : Agora nuevamente enmendado par el mismo autor (déclaré, nous
l'avons vu plus haut, ya difunto en 1592), y ahadidas muchas cosas curiosas y prove-
chosas. Voilà pourquoi J. Càsar parle d'adjonctions importantes qui n'existaient pas
dans les premières éditions de l'ouvrage. En effet, celui-ci fut signalé en i58i dans
l'Index portugais de l'archevêque Jorge Dalmeida (réimpr. dans Fr. H. Reusch, Die
Indices libr. proh. des XVI. Jahrh. [Tûb., 188G], p. Sôg), puis en i583 dans l'Index
expurgatoire du cardinal D. Gaspar de Quiroga, archevêque de Tolède et
Grand Inquisiteur : « Examen de ingenios, compuesto por el doctor Juan Huarte
de Sant Juan, no se emendando y corrigiendo » ; cf. A. de Castro: Historia de los
protestantes espanoles, etc. (Câdiz, iSôi), p. ttSg. L'année suivante, l'Index indiquait les
passages à corriger « segun la impression hecha en Baeça, aho 1575 » et condamnait, en
particulier, tout le chapitre Vil : « quitese todo desde el principio... hasta el Jîn».
[Catalogue de la bibl. de Ticknor, p. 170.] Il semble, déclare Ticknor, ibid., que, même
après la purge radicale de l'Inquisition, on n'en ait pas moins continué à confisquer
impitoyablement l'Examen, et il ajoute, non sans quelque exagération, que les
exemplaires du xvi" siècle a are even more seldoni met with than copies of Ihe last
Cancionero General n. Ce même historien a noté [History, etc., 11* éd., t. III, note à la
p. 219] le cas du P. Feijôo obligé de lire l'Examen en latin parce qu'il n'en pouvait
trouver un exemplaire castillan. On n'est pas peu surpris, en revanche, de rencontrer,
à l'art. Huarte de la Biographie Générale Didot, sous la signature : Ferdinand Denis et
G[ustave] B [runet?] (Paris, 1861, t. XXV p. 33i), l'affirmation qu' «un savant
allemand qui l'a traduit et qui avait voyagé dans la Péninsule, avoue qu'il ne put se
procurer aucun renseignement sur lui, et qu'à l'époque où il parcourait l'Espagne sa
mémoire y était complètement ignorée». Une indication de sources n'eût pas été
superflue.
I. M. Menéndez y Pelayo, qui croit révéler l'existence de cette édition planti-
nienne de 1598 dans la trop courte note au passage consacré à Huarte dans les Idea.^
Estéticas, note qui n'a pas été modifiée dans la nouvelle édition de son travail,
no s'est pas souvenu que cette édition est décrite dans le Catâlogo de la Biblioleca de
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPANISME DE LESSING 125
une seconde impression plantinienne, et dont le texte, avant d'être
réimprimé une quatrième fois par Ravestein, le fut l'année i652, à
Leyde, dans l'édition de Juan Maire, in-12. C'est à cette « quatrième »
édition d'Amsterdam que correspond la pagination à laquelle Lessing
renvoie dans les Materialien (M. XIV, 1 69) i . Peut-être, si invraisemblable
que paraisse l'hypothèse, n'a-t-il choisi cette édition — entre toutes celles
qu'il put réunir — que parce qu'il s'imaginait qu'elle était réellement la
«dernière», au sens 011 nous avons vu qu'il entendait le mot^ ! En
matière de traductions de V Examen, il a, et pour cause, évité la
précision bibliographique. 11 s'est servi, répétons-le, de celle de
Joachim Câsar, en la datant 161 2. Il y avait, cependant, matière à
investigations intéressantes dans ce passage de Nie. Antonio sur les
traducteurs latins :
« Latine id vertit cum Theodorus Arctogonius, Austriacus, Argentinae
editum anno 1594, tum iEscasius Major, Dobreboranus, Coloniae Anhalti-
norum 1621. Et Jenae apud Samiielem Krebs i663. in-8. Edidit et Posse-
vinus Coloniae apud Gymnicum 1610 in-8. et apud Claudiuin Capellet
in-12. Reprehendit tamen quaedam ex hoc libro idem Possevinus in Biblio-
theca. »
Ces investigations eussent amené des rectifications et des complé-
ments nécessaires, et il eût été aisé de signaler l'erreur de l'agent
romain de l'Inquisition espagnole, qui donnait comme traduction de
l'Examen le petit volume de Possevin, paru à Cologne en 16 10:
Antonii | Possevini \ Manluani \ Societatis lesu | Ciiltura in- \ genio-
rum I Examen ingenioriim loannis Hiiartis \ expenditur (Coloniae
Agrippinae, apud Joannem Gymnicum), ouvrage si peu rare qu'il
porte le titre de 7^ editio — quoique ce fût la première édition faite en
Allemagne — et dans lequel on lit, à la fin, cette indication, cependant
peu équivoque : Haec siint, qiiae de ciiltara ingeniorum summatim
Salvâ (Valencia, 1872), II, 271 (n» 2288). Notons, à propos des Ideas Estéticas, qu'un
compte rendu récent du R. P. jésuite J. Martin dans Isi Revue de Philosophie, 1908, n" i :
Une histoire des idées esthétiques (p 27-55), pour venir un peu tard, ne donne pas une
idée exacte de ce qu'est l'ouvrage de M. M. y P. à des lecteurs ignorant le castillan.
1. Cap. 8, p. 130 [assi hago yo en mi Espanol por saver mejor esta lengua que
otra ninguna] ; P. G, Entrâmes très, etc.; P. 72, Poëta que se nomo [sic dans Lessing,
pour llama] Pindaro. — Ticknor croyait {Catalogue, p. 175) que Lessing avait employé
l'édition plantinienne de i6o3. Lessing s'est, en outre, manil'estement servi de la
traduction latine de Joachim Câsar : c/. Materialien (M. xiv p. 171) : « Opiniones
singulares /. de arbore vitae in Proœm. lat. tra. p. 18. » C'est là un renvoi au Scruti-
nium ingeniorum, etc. (2"" éd., 1637), p. 18 : description des propriétés de l'arbre de vie
du paradis terrestre : (( Cujus arhoris haec eral virtus et proprictas, etc. » M. A. Schnei-
der — qui prend dans Ticknor le renseignement erroné touchant l'édition de i6o3
(op. cit., p. 822) — ne dit rien des traductions en langue latine de Hiiarte et ne
mentionne même pas Joachim Câsar.
2. Auquel cas il se fût trompé, puisque l'ouvrage fut réimprimé à Madrid
en i668. Cette éd. est au Brit. Mus. ainsi que celles de Pamplona 1578, Leyden lôgS,
Antwerp i6o3, Alcalâ 16^0, Amsterdam 1663.
126 COISTRIRUTIONS A l'ÉTIDE DE 1,'hTSPAMSME DE O. E. I.ESSING
dicta sunt in primo libro Bibliothecae Selectae Auctoris (p. 175), d'où
il appert que cette édition n'était qu'une réimpression de la critique
de l'Examen contenue, comme le signale Antonio, dans Antonii |
Possevini \ Societatis \ lesii \ Bibliotheca Setecta \ qua agitur | De
ratione Stiidiorum \ In Historia, In disciplinis, \ In sainte omnium
procuranda (Romae, MDXGIIl) Lit. /"«, p. 27 seq.K Lessing n'a donc
pas daigné établir une bibliographie, même sommaire, de l'Examen
et de la « matière » Examen de ingenios. Au petit bonheur, il a jeté les
quelques notices, inconnexes et sujettes à contrôle, dont le hasard l'a
mis en possession et s'est imaginé en avoir fait assez. II s'est tu, répé-
tons-le, complètement sur l'Angleterre, où cependant le livre de Huarte
avait été traduit — non pas une fois, comme l'écrit M. Menéndez y
Pelayo, Id. Est., vol. cit., p. 218, note — deux fois : la première, sur
la version italienne de G. Camilli(yenet. i582, in-8, et ultér.)par 7?. C.
— Richard Carew, avec, selon AVood, collaboration de Thomas
Carew — : Examende ingenios. \ The examination ofmens Wits etc. etc.
I By John Huarte. | Translated out of the Spanish longue by |
M. Camillo Camilli. \ Englished out of his Italian, by \ R. C. Esquire.
I London, i59U^; la seconde, directement sur l'original, en 1698:
Examen de Ingenios : or, the Tryal oj Wits. Discovering the great
Différence of M ils among Men, and ivhat Sort of Lerning suits best
whit ils Genius . Published originally in Spanish by Doctor Juan Huartes.
And made English from the most Correct Edition by Mr. Bellamy.
London MDCXCVIII^. Il y eût eu, de même, sur les versions fran-
çaises, dont la dernière émanait de Fr. Savinien d'Alquié^, ainsi que
1. Sur les idées de Possevin, cf. Borinski, op. cit., p. 66 seq. Sa Bibliotheca est en
deux tomes in-fol.
2. ln-l^'. Hritish Muséum: 528, f. 2. Réimprimé en 1696, 160/i, 1616. La version de
Camilli, édité par N. Manassi, est au Brit. iMus. dans les exemplaires de i582, i586,
1690. La Bibl. I\at. possède celui de i588.
3. ln-8. Brit. Mus. : 528, f. 3. Bellamy mentionne, dans son avertissement to the
Reader, une traduction hollandaise que je n'ai pu, je l'ai dit précédemment, identifier.
tt. La Monnoye croyait à tort que ce nom était « svipposé »>. Cf. sa note dans Les
Biblioth. franc, de la Croix du Maine et de Du Verdier (ISouv. Ed. Paris, 1773) IV, kU&.
— Lessing ne manque pas uneoccasion de mettre, à propos de Huarte et de son livre,
sa facile science en évidence. Ainsi triomphe-t-il (Materialien, M. XIV, 170) sur
Bayle, qui ne cite pas la version française de Vion de Dalibray, ou d'Alibray. Mais
lui-même, orthographiant ce vocable a Delibray, semblerait ne pas le transcrire autre-
ment que d'après une source médiate, sans doute latine. De même s'étonne-t-il que
Bayle ne connaisse Joachim Ciisar que par le Catalogue d'Oxford. Combien de livres,
cités par Lessing, ne sont connus de lui que de la même manière, c.-à.-d. par
des nomenclatures bibliographiques.^ lia remarqué, dans le Theatrum anonymorum
et pseudonymorum du polyhistorien philosophe Vinc. Placcius, le pas.'^age (éd. de
Hamburg 1708; De scriptorihus germanicis, n° i884) où il est question d'une version
allemande de V Examen émanant de u Joachimo Cacsari Anhallino » au témoignage
du D' Caspar Thûrmann, et il résout cavalièrement le problème en déclarant que
cette prétendue version est « gewiss die lateinische n. 11 oublie qu'il en existait deux.
Mais, au même passage, Placcius dit que VExamen a été discuté «prolixe Galiico
scripte, in-8 ». Lessing sç tait sur ce livre français. Il n'eût pas manqué, cependant,
À
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSINO 1 27
sur les deux — la seconde, par Salustio Gratii, avait paru à Venise,
en 1600, in -8 — traductions de l'Examen en italien, indiquées par
Nie. Antonio, à consigner au moins une mention bibliographique.
Si Lessing se tait, cette lois, lui qui aime tant, en d'autres circons-
tances, exhiber son savoir, n'est-ce pas qu'il veut laisser dans l'ombre
quelques-uns de ceux qui furent les inspirateurs et les guides véri-
tables de son travail i?
1753. Geschichte der Moraviden in Spanien.
Dans sa lettre à son père du 29 mai lySS, de Berlin, Lessing écrit
(M. XVII, p. 34) : « Die Historié der Araber habe icli ûbersetzt. Es
werden drey Theile; und den vierten Averde ich selbst dazu machen,
welcher von der Geschiclite der Moraviden in Spanien handeln soU... »
Karl Lessing remarque, à son tour, dans la Vie :
« Lessing ûbersetzte auch den ersten Tell von Marigny's Geschichte der
Araber-^. Sic besteht im Franzôsischen aus vier, im Deutschen nur aus drei
Teilen. Er wollte noch einen vierten, von der Geschichte der Maravlden CsicJ
in Spanien, als eigene Arbeit, dazu fûgen, welches aber unterblieb. »
de mentionner au moins L'Examen \ de \ l'examen | des esprits. | Par Jourdain
Guibelet, \ Docteur en Médecine, et Médecin \ du Roy à Evreux (Paris, i63i), si son
travail sur Huarte eût été sérieux, d'autant plus que les tiiéories de Guibelet
furent reprises en i655 par Ch. Sorel dans son traité De la perfection de l'Homme, etc.
(Paris, i655) p. 827 seq. Sur les idées de Huarte et de Guibelet cf. un résumé de
R[éveillé] P[arise] : Du médecin J. H. et de J. G. dans Gazette médicale de Paris, i. \II(i842),
p. 1-7, réimpr. p. i53-i67 du t. III (Évreux, 1842) du Rec. des trav. de la soc. libre
d'agric, se, arts et b.-l. du dép. de l'Eure.
I. M. Farinelli, parlant rapidement, dans sa thèse, du Scrutinium Ingeniorum,
appelle constamment l'auteur de cette version : Joachim Caesar Aeschâus. N'a-t-il pas
jeté un coup d'œil sur le titre du livre? Du moins eùtil pu lire dans Gœdeke,
Grundriss II, 576-577, la facile explication de cet anagramme. Sa bévue rappelle
celle d'AdoIfo de Castro, qui a réimprimé Y Examen dans la B.A.E., 05, et cite, p-Sg?,
un passage du jugement de « Escasi (et Mayor) ». — On aura un avant -goût rétros-
pectif de ce que dut être la soutenance de thèse du jeune Lessing sur Huarte en
lisant ces deux chefs d'arguments, consignés dans les Materialien :
1. Ilispanicum Juan idem esse quod Johannes, cuni ex Lexicis tum ex inscriptione Evan-
gelii St. Johannis, qualis in Hispanorum bibliis extat, apparet. Qua ratione ex verbo
Joannes Jieri potuisset Juan, Grammatici ducent. Ajecta terminatione es, 0 in u mutatur,
quae sane mutatio Hispanb admoium vulgaris est.
II. Huarlum nostrum Hispanum esse, ex eo probare, quod Hispanico idiomate usas
fuerit, Jiculneum sane esset argumentum, nisi ipse Huartus Hispanicam linguam suam
dixisset.
Voilà un raisonnement convaincant et une argumentation, sans doute, qui n'est
pas <( liculnea».
2. Sur cette traduction, cf. la note de M. Muncker à la préface de la version frag-
mentaire de Lessing, V, 23. Lessing ne l'avait signée que M[agisler L[iberalium]
A[rtium]{?) parce qu'il s'y élevait contre Baumgarten, qui avait censuré, en 1761,
l'ouvrage de labbé de Marigny. Karl Lessing avoue que cette traduction ne semble
avoir été qu'une spéculation de libraire [op. cit., p. y4j.
120 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSOG
Sur cette nouvelle entreprise hispanique, également mort-née, je ne
trouve rien de plus concis ni de plus opportun à relater que ce qu'en
a dit encore l'honnête frère de l'auteur :
«... Lessing gesteht aufrichtig, sowie der Verfasser [Marigny], nicht ein
Wort arabisch zu kônnen... Doch ehrlich von der Sache zu reden, ist es sehr
misslich, die Geschichte eines Volkes zu schreiben, oder zu ûbersetzen,
dessen Sprache man nicht im geringsten versteht. In spàteren Jahren hâtte
Lessing gewiss gefragt ; ist denn eine Geschichte der Araber, deren Verfasser
und Uebersetzer der arabischen Sprache ganz unkundig sind, den Fran-
zosen und Deutschen not^vendig? EsAvâre besser, man kennle ein Volk gar
niclit, aïs auf dièse Art. Das Niclitwissen ist lange nicht so nachteilig, aïs
das Falschwissen. » {Op. cit., p. 94.)
Marigny avait maladroitement compilé, à l'aide surtout de lambeaux
de la Bibl. orientale de d'Herbelot et de YHist. des Sarrasins de l'orien-
taliste anglais S. Ockley, une œuvre sans style, sans critique, dénuée
de personnelles recherches. Son continuateur présomptif a bien fait,
pour sa gloire hispanique, de s'en tenir à la promesse du 29 mai 1753.
Abraham Usque.
(M. V, i33.)
A propos de l'article de Jôcher sur l'éditeur de la Bible espagnole
de Ferrare, Lessing s'exprime ainsi (M. V, [33):((Nur bei diesem
einzigen Artikel, Aveil er in die spanische Literatur einschlâgt, erlaube
man mir eine kleine Ausnahme. » Cette « petite exception » va con-
sister à corriger au long les erreurs du Gelehrten- Lexikon^ .
On lisait dans celui-ci, au tome 1, p. 38 :
«ABRAHAM USQUE insgemein Oschl genannt, ein portugiesischer Jude,
war ein Buchdrucker zu Ferrara, hat die beruffene spanische Juden-Bibel,
so zu Ferrara An. i553 gedruckt Avorden, zum Druck befôrdert. Sie ist von
Wort zu Wort nach dem hebràischen Text gegeben, welcher denn sehr
schwer und dunckel zu verstehen ; zumal da es in einer ungebràuchlichen
spanischen Redens-Art, die nieistens nur in ihren Synagogen ùbhch,
ûbersetzt ist. Sie ist zum andern mahl An. i63o in HoIIand gedruckt
worden. Man hat angemerckt, dass die An. i546 zu Constantinopel
gedruckte spanische Blbel, auch nicht in einem Wort von dieser unler-
schieden sey. Es wiid dennoch die erste Auflage noch mehr gesucht;
welche auch dièses besondere hat, dass aile die Worte, welche im
Hebràischen mehr als eine Bedeutung haben, daseibst mit einem Sterngen
1. Les correclioDS de Lessing à rarlicle Abraham Lsiiue parurent, répétons- le,
en 1703, au II. Theildes Schriften .
I
LA NATURE ET LES SOUKGES DE L HISPANISME DE LESSING I29
bezeichnet sind. Von ihm ist auch ordo s. ritus festi novi anni ^ expiationis •
ebenfalls zu Ferrara i553 in-/i herausgekomen. W [olfii bibliolheca hebraica.]
EL. [= Allgemeines Historisches Lexikon.] »
« Meine Erinnerungen, » commence modestement Lessing, « sind
folgende. » Nous allons voir qu'il s'agit bien, en effet, de souvenirs.
i" u Es ist wahr, dass wir diesem Abraham den Druck der spanischen
ferrarischen Bibel zu danken haben ; doch hâtte man die Einschran-
kung nicht vergessen sollen, dass es nur von derjenigen Ausgabe zu
verstehen sey, welche dem Gebrauche der Ghristen bestimmt war.
Die Ausgabe zum Nutzen der Juden hat Duarte Pine gedruckt.
Beyde sind von einem Jahre. »
Prenons l'un et l'autre exemplaire de ces deux Bibles. Nous lisons
en tête de l'un d'eux [Bibl. Nat. A. n° 370]: ((Biblia \ En Lengua
Espanola traduzida palabra \ por palabra delà verdad Hebrayca \ por
muy excelenles letrados vi- \ sla y exaniinada por el officio \ delà
Inquisicion \ Con priuillegio del yllasirissimo Seiior \ Duque de Fer-
rara. » — La dédicace, au duc de Ferrare <( Don Hercole da Este el
segundo » , est signée : « Jeronuno de Vargas y Duarte Pineln . A la page
finale, on lit : A gloria y loor de nuestro Senor se acabo la pré-
sente Biblia è lengua Espa- \ fïola traduzida delà verdadera origen
Hebrayca por muy excelentes | letrados : con yndustria y deligencia
de Duarte Pinel Por- j tugues : estampada en Ferrara a costa y
despesa de | Jeronimo de Vargas Espahol : \ en primero de Marco \ de
1553*. — Le second exemplaire, du même format que le premier,
c'est-à-dire in-folio et également à la Bibl. Nat. [A. n" 37Ubis], porte
le même titre que le précédent, sauf l'adjonction, après les mots :
« Con privilegio del lllustrissimo Seiior \ Duque de Ferrara » : (( En
Ferrara, 5312, » et ce détail, que le prologue, adressé à « Dona Gracia
Naci», est signé: Yoni Tob Atlas y Abraham Usque. La formule finale
est également la même jusqu'à : con yndustria y deligencia de Abrahà
Usqué Por- \ tugues : estampada en Ferrara a costa y despesa de \
Yom Tob Alias hijo de Levi Atlas \ Espahol: en lU de Adar \ de 5313.
On voit donc que le Jôcher ne se trompait pas en attribuant
à Abraham Usque l'impression de la Bible castillane à l'usage des
Juifs, et que c'est Lessing qui, en voulant corriger le Gel.-Lex.,
s'est trompé 2. Du moins, songera -t-on, il lui reste le mérite d'avoir
1. Orden de los Ritos de la Fiesta del Ano Nuevo y Expiacion, (Ferrara, i554, in-4).
Sur la famille Usque et la Bible de Ferrare, c/. le ch. V de Sephardim de M. Kayserling
(Leipzig, 18Ô9), p. 109 seq. Kayserling cite p. 189 l'aphorisme de Lessing, — qu'un
théologien devrait apprendre le castillan ne fût-ce qu'à cause de cette Bible, —
comme s'il s'agissait d'une autorité linguistique. Cf. du même auteur sur le même
sujet Gesch. der .Juden in Portugal, ch. VI, p. 262 seq.
2. Adelung a, dans sa continuation du Jôcher, I, 62, relevé l'erreur de Lessing,
à l'article Abraham Usque oder Osche: « Es kanien von dieser Ucbersetzung in cinem
Jahre zu Ferrara zvvey Ausgabcu heraus; die jctzt gedachtc fiir die Juden, uud dic
l3o CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l/lIISPANISME DE G. E. LESSING
établi la distinction des deux Bibles de Ferrare, i553? Nous deman-
derons que l'on veuille ne pas oublier que cette distinction venait
d'être faite correctement l'année précédente par Clément, au t. III de
la Bibl. car., p. 446-48 et note 99, à l'article Bibles espagnoles. On
y lisait : a II y a deux sortes d'Exemplaires de cette première Edition
Gothique, les uns qui ont été destinés aux Juifs, & dont j'ai donné la
souscription à la tête de cet article [il s'agit de la Bible d'Usque, dont,
en effet, le titre et la phrase finale sont transcrits] et les autres impri-
més pour les Chrétiens, à la fin desquels on lit les mots suivants
[suivaient le titre et la phrase finaledel'éditionde Vargas]. » Lessingeut,
en vérité, beau jeu à censurer la confusion commise dans un ouvrage
imprimé en 1 750, lui qui disposait de cette précieuse mine de rensei-
gnements qu'est la compilation de Clément, parue au début de 1762 !
D'ailleurs, dès 1728, Le Long avait signalé, correctement, au tome I,
p. 365, de sa Bibliotheca sacra, publiée à Paris, les deux éditions de
Ferrare.
La deuxième rectification de Lessing concerne la mention d'une
seconde édition de Hollande, i63o. « Dass sie, » écrit-il, «zum andern-
male i63o in Holland sey gedruckt worden, ist ein offenbarer Fehler.
Dièse Ausgabe ist die dritte, wo nicht gar die vierte; die zweyte aber
ist 5371 (161 1) zu Amsterdam in Folio gedruckt Avorden. Die zwey
Ausgaben nach der von i63o sind von 54o6 (1646) und von 5421
(1661), vvelcher ich unten gedenken vvill. » Toute cette documentation
est puisée dans Wolf, que Jôcher, ou, répétons-le, son collaborateur,
avait lu trop étourdimenti ; nul n'ignore, d'ailleurs, qui a eu à consulter
les répertoires bibliographiques même les plus sérieux, combien il est
fréquent d'y constater d'étranges erreurs en matière d'éditions d'un
même ouvrage. A la Pars II (Hamburgi, 1721) de la Bibliotheca
Hebraea, p. 45i-452, sont déjà décrites les éditions de i646 et 1661.
andere fur die Christen bey Duarte Pinel, auf Kosten des Hieronymus de Vargas.
Lessiog kehret es ans einem Versehen um, und sagt, des Abraham Ausgabe sey fur die
Christen, des Duarte aber fiir die Juden bestimmt gewesen. » Il m'a été fort difficile
d'obtenir, à la Bibliothèque Nationale, l'exemplaire d'Abraham Usque, par suite
d'une confusion avec l'édition de Jerônimo de Vargas. Cette confusion semble être
ancienne et émaner d'une classiQcation erronée, que je trouve déjà au Catalogue des
livres imprimez de la Bibliothèque du Roy (Théoloyie. I" Partie) [Paris, 1789], p. i3,
n" 200 : Biblia, en Lengua Espanola, traduzida palabra por palabra delà verdad Hebrayca,
par muy excelentes Letrados : visla y examinada por el Officio de la Inquisicion. Con
yndustria y diligeiicia de Abraham Usque, Portugues: (conynduslria y deligencia de Duarte
Pinel, Portugues). Eslampada en Fcrrara, a costa y despesa de Jeron. de Vargas Espahol,
en primero de março de 1533, in-fol. — Pour plus de détails bibliographiques sur ces
Bibles, cf. M. Kayserling : Bibliotheca espafiola-portugueza-jiidaica (Strassburg, 1890)
p. 28 seq.
I. Peut-être même n'avait-il pas consulté du tout Wolf. Caspar Lmdenberg, dans
sou épître latine, ne connaissait, lui aussi, que cette édition de i63o, et citait sa
source : « Undc ctiam plus simplici vice ejus repetita est editio, quippe primam anno
Christi i55.'5. lucem aspicientem P. Simon histoire Critique du Vieux Testament p.
m. 533. b. altéra anno mundi 5390. h. e. Christi iGiJo. insecuta est, etc. » (p. 3o4).
LA. NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPA.MSME DE LESSL\G l3l
Wolf revient sur la matière en 1783 au t. IV, p. 176, et décrit d'abord
l'édition de 161 1 :
« Eadem versio ex éditions Ferrariensi récusa est Amstelodami anno 5871.
G. 161 1. fol. die 20. mensis IJar in cujus calce monetur, nullam originalis
literam esse mutatam ' . »
Puis il parle en ces termes de l'édition de i63o et des deux sui-
vantes :
(( Biblia Hispanica ex versione Ferrariensi, charactere Romano, accurante
Menasse ben Israël, in fol. Amstelodami in domo Gillis Joost. Ad calcem
legitur : Ad honorem et gloriam Sabbati SSgo. (i. e. A. D. i63o.) Ita enarrat
editionem hanc Le Longius loc. cit. idemque in nota subjecta observât,
banc editionem juxta praefationem editionis Amstelodamensis 421. C. 1661.
à Samuele de Gazeres recognitae mendis plurimis et vitiis refertam esse :
utramque autem, nempe illam anni i63o. et hanc anni 1661. non illam, quae
Ferrarae curata est, exacte, sed pluribus in .locis castigatam exprimere... ^
[p. 177] : suspicorGl. Le Longium ab alia manu accepisse titulum editionis
Amstelodamensis recentioris, nempe anni 406. G. i646. in fol. Illa enim
titulum eundem habet, quem editio anni i63o. refert, praeterea vero
Amstelodamum, ut locum editionis, et offîcinam Gillis Joost exprimit, hoc
modo : en Amsterdam empressesadorie de Gillis Joost en el Niemuestraet 5606.
Annum editionis mendose per 56o6. pro 54o6. i. e. G. i646. scriptum esse
Parte II. pag. 452. jaiu monui etc. »
Troisième correction de Lessing : u Bey den Worten : Man hat
angemerkt, dass die An. i5U6 zu Constantinopel gedruckte spanische
Bibel auch nicht in einern Worte von dieser unterschieden sey, habe
ich zu erinnern. a Eine spanische Bibel ist niemals zu Constantinopel
gedruckt worden, sondern nur der Pentateuchus. » — Cf. Wolf,
op. cit., 11, 45 1 : « Pentateuchus jam antea Hispanice translatus et
inter Judaeos lectus fuit, id quod manifestum est ex Pentateucho
Hebraico, Hispanico et Barbaro-Graeco, qui prodiit CPoli 307.
C. i547 6t de quo inter Polyglotta diximus. » — « ^ Und auch dieser
ist nicht i546, sondern 5307, welches das Jahr 1647 ist, herausge-
kommen. » Corollaire de la phrase précédente de Wolf. Jôcher avait
pu prendre la date i546 au t. I, p. 3o5, de la Bibl. hebraea, où il est
question de la version de Constantinople. Au t. IV, p. 181, Wolf est
revenu sur cette matière pour corriger l'erreur de Le Long (qui avait
daté cette version i552) et démontrer que i547 ^^^^^ l^i date correcte.
t. Clément, op. et vol, cit., p. 448, note 99, donnait une analyse bibliographique
détaillée de l'édition de 161 1 et renvoyait à Beyer (Arcana sacra, etc.) et Knoch
(Nachrichten, etc.) qui l'avaient déjà décrite.
2. Le ivo nicht yar die vierte de Lessing s'explique par ce passage de Wolf relatif
à une édition problématique de ôSgo (iG3o) : «Habeo ego in manibus editionem
anni 5390. in fol. in cujus tamen nec limine nec calce mentio fît vel Menassis ben
Israël, vel Gillis Joost, vel Amstelodamensis urbis. Sed titulus ita, ut in editione
Ferrariensi extat, simpliciter expressus est, hoc modo etc. » (P. lytJ.J
l32 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
— « Y Wolf sagt fere ad verbum repetita est. » Quel dommage que
Lessing, pour une fois où il cite ses sources au cours de cet article, les
cite de manière inexacte ! Ce n'est pas Wolf qui dit fere ad verbum
repetita est, mais Le Long, qui, comparant les deux textes, celui de
Constantinople et celui de Ferrare, écrit {op. cit., loc cit. p. 366) :
« siquidem ex editione Constantinopolitana penè ad verbum totus
exscriptus esti. » — «5 Wenn man aus dem Le Long, Avelcher die
Vergleichung zwischen diesem zu Constantinopel gedruckten spanis-
chen Pentateucho und der ferrarischen Uebersetzung angestellt hat,
und aus dem Wolf etAva schliessen will, dass also die erste spanische
Uebersetzung eines Stûckes der Bibel zu Constantinopel herausge-
kommen sey, so wird man sich irren; denn eben dieser spanische
Pentateuchus ist schon 5257. (1^97) in Venedig gedruckt worden. »
L'habileté de Lessing consiste à plagier Wolf après avoir mis sournoi-
sement en question sa compétence. Cf. op. cit., t. IV, p. 181 : a Hispa-
nice aliquoties prodiit [Pentateuchus] nempe CPoli 307. C. i547, ^t
antea Venetiis 257. C. i497- »
Dans la longue remarque subséquente, à propos de l'édition
d'Amsterdami 1661, Lessing se sert sans la citer de la copieuse
analyse que venait d'en donner Baumgarten au t. II des Nachrichten
von merkwiirdigen Buchern, iO. Stiick (Oktober i752), p. 283-287
(Halle, 1752). C'est de là qu'il tire tout ce qu'il consigne sur cette
édition, y compris l'indication des crochets contenant l'explication des
passages difficiles et la signification de la lettre A (= Adonaï). Quant à
l'assertion : « Ich sollte vielmehr meinen, dass ein Theologe nur dieser
Bibel zu gefallen Spanisch lernen mûsste ; indem die grôssten Gelehrten
darinne ûbereinkommen, dass keine einzige andere Uebersetzung
die natûrliche und erste Bedeutung der hebraischen Worte so genau
ausdriickt, als dièse », elle n'est en aucune sorte, comme l'a cru
M. Kayserling, personnelle, mais ne fait que fondre, en une formule
assez arbitraire, ce passage de Wolf au début de son chapitre du
tome IV intitulé De Versione Idspanica (p. 176) :
« De Versione Judaeorum Ferrarae primum édita lege B. Casparis
Lindenbergii epistolam, ad Henr. Balemannum de non contemnendis
ex Lingua Hispanica utililatibus Theologicis datam, et Novis Literariis
Maris Balthici anno 1703. pag. 3oi. sqq. Insertam^. Ferrariensis autem illa,
1. Voici ce que disait Wolf, II, 355 : « Yersio Hispan. si pauca exceperis, eadem
est cum illa, quae Ferrarae i583. prodiit, ceu observât Cl. le Long in Dissert. Histor.
de Bibliis Polyglottis p. dk- »
a, Lessing, et ses éditeurs n'ont pas corrigé en note, écrit Lindenbergeri. Cette
intéressante épître, intitulée : Casparis Lindenbergii, Past. JEdis Divi Johannis, ad
Ilenricum | Balemannum, Reip. Luhecensis Secretarium, fratrem utcrinum. | de non
contemnendis, ex Lingua Hispanica utilitatibus theo- | Ingicis Epistola, se trouve au
numéro d'octobre 1702 des Nova LUeraria Maris Balthici et Seplentrionis [Lubecae],
comme l'indique Wolf. M. Farinelli qui cite et analyse rapidement dans sa thèse
LA NATURE ET LES SOURCES DE LHISPANISME DE LESSING l33
inquit, pag. 3o3. versio etsi apad plerosqae maie aiidiat, praecipue ob
rigorosam nimis Textus Ebraici sedationem, quem à verbo ad verbum
exprimere, negleda linguae Hispanicae elegantia, allaborat, qiia de causa
a scabra admodum et inepte superstitiosa » D. Kortholto, de variis Scripturae
S. editionibus cap. XXIV. §. 3. et doctissimo quondam nostro Pfeifero Critica
Sacra cap. i3. § 2. dicitur, ab Hispanis tamen ipsis magni aestiinatur : quippe
Cypr. de Valera non modo dicta : un gran tesoro de la Icngua Espagnola
fol.* 3. col. I. sed etiam à Cassiodoro de Reyna taie nacta encomium : de la
Vieja translacion Espannola del Viejo Testamento, impressa en Ferrara,
nos havemos ayudado mas que de ninguna otra, que hasta aora ayamos
visto, no tanto por aver ella siempre acertado mas que las otras en cosas
semejantes, quanto por darnos la natural y primera signifîcacion de los
vocablos Hebreos, y las différencias de los tiempos de los verbos, como
estan en el mismo texto, en lo quai es obra digna de mayor estima (à juyzio
de todos los, que la entienden) que quantas hasta aora ay, praefat.
fol.** 3. a. post med. Haec B. Lindenbergius. Inter Judaeos in eadem
versione, id imprimis R. Jac. Jehudae Leoni in praefatione ad versionem
suam Psalmorum Hispanicam pag. I. displicet, quod phrasibus et dictioni
contextus Hebraei nimis solicite insistât. Item est judicium R. Isaaci de
Acosta in praefatione ad Conjecturas Sacras super Prophetas priores
Hispanice éditas, de quibus Volum. III. pag. 555. sub Isaaco Acosta dixi. »
Le reproche adressé par Lessing à Jôcher, de n'avoir pas parlé assez
au long de Jos. Athias — il lui reproche aussi d'avoir été trop bref
sur Samuel de Câceres, sans ajouter lui-même la moindre notice
complémentaire i — et que « dabey wird Leusdenius sowohl als die
Vertheidigung des Athias gegen den Maresius vergessen », ne laisse
pas d'être encore d'une érudition étrangement médiate. Le numéro
d'aoiit 1752 des Nachrichten von merkwilrdigen Biichern contient, en
efret(p. 107-109), un compte rendu de l'édition de la Bible hébraïque de
l'épître latine de Postel dont il est assez fréquemment question dans des compi-
lations allemandes de la première moitié du xviii* siècle, imprimée au numéro
d'avril 170/1, p. m seq. de la même revue, et qui traite de la difficulté, l'élégance et
l'utilité de la langue espagnole, croit devoir ajouter qu'une « épître érudite d'un Dr.
Caspar Lindenberg : Linguae Hispanicae utilitatibus theologicis » (sic), lui est (( malheu-
reusement restée inconnue ». La référence, au début de l'épître de Postal, n'était
cependant guère mystérieuse : « Delicae meae succisivae, amice praestantissime, in
quibus mihi dudum Linguae Hispanicae studium fuit, non parum incrementi nactae
sunt, postquam in Novorum vestrorum Literariorum menseOctobri, admod. Reverendi
Dn. Casparis Lindenbergii, ad Clariss. inclytae Reipubl. Lubecensis Secretarium
Dn. Henricum Balemannum, eximiam pariter ac eruditam, de Linguae Hispanicae
utilitatibus Theologicis, cpistolam, summo animi gaudio legi ac relegi. » Il n'était
besoin que de se reporter à deux années en arrière des Nova, au numéro d'octobre,
pour y trouver la missive de Lindenberg, qui occupe les pages 3oi-3io. Sur Lindenberg,
cf. J. H. von Seelen, Athenae Lubecenses etc. (Lubecae, 1719; Pars II, 1730); 1, 353-355,
et la Cimbria Literata de J. Moller (Hauniae, 1744), I, 343, cet auteur ayant été oublié
dans VAllg. D. Biogr. J'ai une étude prête à paraître sur l'épître de Postel et celle
de Lindenberg.
I. Les trois lignes de Jôcher sur S. de Câceres (I, i537), signées W, étaient, par
conséquent, censées émaner de la Bibliotheca hebraea. On se souviendra peut-être
que le père de J. Athias, Abraham Athias, fut brûlé en i665 par l'Inquisition
espagnole.
l34 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LUISPAMSME DE G. E. LESSING
Leusden (Amsterdam, 1667) chez l'éditeur Athias. Jôcher (I, 608) avait
dit d'Athias : «Die General -Staaten beehrten ihn den 10. Jun. des
letztgedachten Jahrs (1667) mit einer giildenen Kette und Médaille,
um zu bezeugen, wie sehr sie mit seiner Arbeit zu frieden wâren. »
Ce renseignement émanait, comme l'atteste la signature de l'article :
Lo., de Le Long, Bibl. Sacra, où il se trouve, en effet, 1, 69 : « Ob
praestantiam hujus operis Gels, et Prœpot. DD. Générales Fœderati
Belgii ordines Josephum Athiam typographum donarunt catena aurea
cum numismate aureo ex ea pendùlo, ut testatur extractum ex libro
Decretorum ad caput hujus voluminis excusum. » A l'indication de
Jôcher, Lessing objecte : « Das Geschenke der Generalstaaten wiirde
■vveniger befremden, Avenn man dazu gesetzet batte : fiir die an sie
gerichlele Dedicalion der spanischen Bibel. » Cette particularité était
détaillée par Baumgarten, loc. cit., page 108 : « Nach dièses Verlegers
lateinischer Zuschrift an die Generalstaaten, welche mit einem ansen-
lichen Geschenk betonet Avorden etc. »
La question, enfin, de la c Vertheidigung des Athias gegen Maresius »
que Lessing reproche, nous venons de le dire, à Jôcher d'avoir passée
sous silence, était également traitée par Baumgarten, page 109. Il s'agit
d'une lettre d'un théologien de Groningue, S. Maresius, imprimée
en 1669 et qui censurait l'édition de 1667, lettre à laquelle Athias, ou
Leusden (car le point est imprécis), répondit la même année 1669 en
un pamphlet de neuf pages : Caecus de coloribus, h. e. Josephi Athiae
justa defensio contra ineptam, absurdam, et indoctani reprehensioneni
V. Celeberr. D. Sam. Maresii, etc. (Amsterdam), pamphlet que réim-
prima à la fin du xvii° siècle Thom. Crenius à la deuxième partie de
sa médiocre compilation : Animadversiones Philolog. et Historicae,
p. 131 seq. Mais, avant Baumgarten, Le Long {op. cit., p. 70) et
Wolf (op. cit., II, 379) avaient déjà narré cette polémiquei.
1. Lorsque Lessing réunira, sous la date 17G8, quelques notes sur Hambourg dans
les CoUeclanea{}A. XV) et qu'il y relatera sa visite chez le pastor Goze (qui depuis...), il
mentionnera une fois encore une Bible espagnole et, cette fois, la Polyglotte d'Alcalâ.
« Semler bat von dem Complutensischen Neuen Testameute gesprochen, ohne es
geseben und untersucbt zu baben. Die Spanier mûssen allerdings Manuskripte
gebraucbt baben, und der locus bei dem Jobanoes ist aus der Vulgata nicbt ùbersetzt
worden. Sie wûrdcn sonst, wie die Vulgata lieset, gewiss l'v élit ùbersetzt baben, und
nicbt Et; TÔ ht. » Un peu de familiarité avec la vie du promoteur de cette édition
célèbre de la Bible (qui fut en même temps, par la fondation de l'Université d'Alcalâ,
l'un des instigateurs de la vie intellectuelle en Espagne au xvi" siècle) telle que l'a
narrée sou classique biograpbc, Alvar Gômez de Castro, dans le De Rébus Geslis
Francisci Ximeni S. fi. E. Cardinalis Archiepiscopi Toletani, eût amplement renseigné
Lessing sur la question de savoir si les Espagnols s'étaient servis de manuscrits et de
quels manuscrits. La biographie de Gômez de Castro, outre qu'elle n'était pas rare,
puisque, après l'édition d'Alcalâ, en iSôg, deux autres avaient paru à Francfort, était
signalée comme la source contenant les renseignements sur ce point (au livre II),
par un ouvrage anglais paru en 1-63, dont nous parlerons plus bas, les médiocres
Letters concerning the Spanish nation de Edw. Clarke, p. 3 1 2-821, ouvrage traduit, au
surplus, en allemand, en 17C5, par Job. ïobias Kobler, professeur à Gôttingen.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPAMSME DE I.ESSING 1 35
• i75^. Graciân.
Dans la Vierleljahrschrift fiir Literatur-Geschichte (11) 1889, p. 136,
C. Schiiddelkopf a publié sous le titre : Ein Stammbucheintrag
Lessings, une note de laquelle il résulte que Lessing écrivit, lors de
son second séjour à Berlin, à la page 226 de l'album d'un médecin
berlinois, J. G. Krtinitz, (aujourd'hui au British Muséum [additional,
18713] et intitulé, de façon certes assez pompeuse : Monumentum hoc
Patronorum Fautorum Amicorumque Inserviet Singulorum suavis-
simse recordationi, quà aeternum deleclabilur Joannes Georgius
Kriinitz Berolinus. Anno MDCCXLVII) le passage suivant, extrait de la
première production imprimée de B. Graciân :
(El Heroe de L. Graciân, primor primero.)
La ' primera régla de grandeza advierte, sino el ser infinitos, el parecerlo,
que no es sutileza comun. En este entender ninguno escrupuleara aplausos a la
cruda Paradoxa del sabio de Mitilene : mas es la mitad que el todo; porque
una mitad en alarde, y otra en empefîOj mas es que un todo declarado.
Gotthold Ephraim Lessing.
Berlin, d. 12 Jul. i7oU.
Cette citation ne prouve pas grand'chose, du point de vue de notre
étude, sinon qu'en 1754 Lessing en était encore, malgré tant de remar-
ques imprimées dans des ouvrages de pratique courante, à confondre
Baltasar avec « Lorenzo » Graciân et à ignorer l'artifice de Lastanosa».
1. Les éditions espagnoles de Graciân — dont la dernière est celle (illustrée de
l'étude naguère publiée par M. A. Farinelli dans la Rev. de R. Altamira, loc. cit., et
quelque peu modifiée), pour El Héroe et El Discreto, de Madrid, 1900, dans la Bibl.
de Fil. y Sociol. — ont toutes : esta, par suite de ce qui précède dans El Heroe.
2. Nous verrons Lessing répéter l'erreur en 1771. Même Jôcher, cependant, notait
queaGratianus (Balthasar)... schrieb miteinem sehrhohen Stylo, und vortrefilichem
Ingenio, wiewohl unter dem Namen seines Bruders Laurentii etc. » (II, ii/io). Dès
i68/i, Bayle (iXouvelles de la République des Lettres, juillet 168/1, art. VII, p. 97 du t. I
des Œuvres de Bayle, La Haye, 1787) avait indiqué, d'après la Préface d'Amelot, les
sources sur lesquelles on s'appuyait dans la version de l'Homme de Cour de ce même
Amelot de la Houssaye (Paris, i684) pour attribuer le livre « non pas à Laurent,
comme dans les éditions précédentes, mais à fîa/<asar». De même, Chaufepié (I, 292)
expliquait, à l'art. Amelot de la Houssaye, comment celui-ci, dans sa traduction de
l'Ordculo Manual, avait prouvé que l'ouvrage était de Baltasar et non de Lorenzo.
Nous savons, d'ailleurs, par une lettre de Lessing à Gleimdu i" février i7G7(.l/. XVH,
228) que le premier possédait la collection complète du Journal des Savants jusqu'en
1766, eu 235 volumes. Or, le Journal de 1722 [éd. d'Amsterdam, t. LXXIl, p. 58i]
reproduisait un article des Mémoires de Trévoux d'août 1721 où la même question
était élucidée. Il sorait, sans doute, aisé d'indiquer d'autres ouvrages contenant des
éclaircissements sur le même sujet. Leur abondance n'en rend que plus grossière la
confusion de Lossing. Ainsi, Courbeville, dans la préface de sa traduction du
Disrreto. reprenait et complétait les arguments déjà apportés par Amelot.
l36 CONTRIBUTIOIVS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
J'oserai dire, même, que, si elle révèle beaucoup de pédanterie, elle
ne démontre pas la connaissance directe des œuvres du célèbre jésuite
espagnol. Qui niera qu'aujourd'hui encore il arrive que certains écri-
vains décorent le frontispice de leurs livres, ou émaillent le parterre
de leur style de devises empruntées à une langue étrangère dont ils
connaissent à peine les rudiments, simplement pour se réclamer plus
directement d'un grand nom ? Qui niera qu'il existe aussi des personnes
qui, sachant qu'en telles ou telles sociétés on cultive la pieuse manie
des autographes, se préparent à l'avance, en apprenant par cœur la
splendide maxime qu'elles calligraphieront, pour l'admiration des
générations futures, sur le vélin d'un album? Mais de telles considé-
rations nous seraient reprochées comme oiseuses. Ce qu'il importe de
préciser, c'est que le chapitre de El Heroe dont Lessing cite un passage
occupait une place assez notable dans l'histoire de la littérature, qu'il
n'était, par suite, nullement singulier que l'attention de ce précoce
fureteur, de ce constant amateur de curiosités bibliographiques que
fut Lessing, ait été attirée vers lui, et qu'en fin de compte il ait été
amené à en orner l'une des pages du « Stammbuch n de Rrûnitz. Sans
examiner le moins du monde l'influence qu'a exercée Graciân sur
la pensée européenne, sans traiter en aucune sorte de la popularité
dont jouissaient aux yeux non seulement d'érudits, mais « d'honnêtes
gens », les œuvres morales du jésuite aragonais grâce aux traductions
et aux nombreuses éditions espagnoles, nous en tenant strictement au
livre qu'a cité Lessing, nous constatons que, dès 1671, le premier
chapitre de El Heroe était soumis à une critique assez âpre par le
P. Bouhours, dans ses Entretiens d'Ariste et d'Eugène ' :
« J'en lisois un [livre espagnol^] l'autre jour qui débute par une expression
merveilleuse. Qae el Heroe platique incomprehensibilidades de Caudale. Cet
incoinprehensibilidades sonne bien haut, cela signifie en bon François qu'un
sage Prince doit se conduire de sorte, que personne ne le pénètre. L'auteur
Espagnol poursuit sur le mesme ton ; et pour dire que c'est une grande
habileté de se faire connoistre sans se laisser comprendre, il s'exprime ainsi :
Gran treta en el arte de entendidos ostentarse al entendimiento, pero no a la
compréhension '■*. Y a-t-il à votre avis de la grandeur et de la majesté à tout
cela ? etc. »
Moins probe, ou plus habile que Bouhours, Saint-Évremond repre-
nait, en se les appropriant, les idées émises par Graciân dans son manuel
du parfait guerrier et en tissait, avec d'autres également dérobées dans
1. Les Entretiens d'Ariste el d'Eugène (Paris, 167 1), p. 4i.
2. En marge, le titre est indiqué : El Heroe.
3. C'est le titre, précisément, du primor primera.
4- Ainsi débute le Primor primera : « Sea esta la primera destreza en el arte de
entendidos, medir el lugar con su artificio. Gran treta es ostentarse al conocimiento,
pero no a la comprension. »
LA >'ATURE ET LES SOURCES DE L'HISPA?iISME DE LESSIXG iS'J
le reste de son œuvre philosophico- morale, la missive au comte de
Saint-Albans : De ce qui est nécessaire à un jeune Homme pour entrer
avec avantage dans le monde et s'y soutenir avec honneur. « Il y a
beaucoup d'adresse à se saisir de l'estime publique, et à faire éclater
si à propos ses talens, que jamais le monde ne s'en rassasie, etc. ' »
Ce plagiat, d'ailleurs fort spécieusement dissimulé, passa inaperçu
jusqu'en 1725, date à laquelle le jésuite J. de Courbeville le signala
dans sa traduction de El Heroe : Le Héros, traduit de l'Espagnol avec
des Remarques (Paris, 1726, in-i2)2. Il le fit en ces termes, dans les
Remarques mises à la suite du chapitre i" (p. i3) : « M. de Saint-
Evremond employé heureusement tout ce chapitre de Gracien, dans
sa réponse au comte de Saint-Albans, lequel lui demandoit en peu de
mots tout ce qui est nécessaire, etc. » De ce que, ajoutait galamment le
Jésuite, Saint-Évremond s'est ainsi servi de Graciân sans le citer, n'en
résulte-t-il pas qu'il tenait en haute estime le Bon Père, qui, non certes
pour avoir commis le Criticôn, mais pour l'avoir publié sans autori-
sation des Supérieurs, avait été mis au pain et à l'eau dans la cellule
où il construisait un monde si divers de celui rêvé par Loyola ?
Vous lui fîtes, Seigneur,
En le croquant, beaucoup d'honneur!
Cependant, afin, sans doute, de donner plus de publicité à l'inté-
ressante découverte du membre de leur Compagnie, les rédacteurs des
Mémoires de Trévoux (avril 1725) réimprimèrent la traduction française
du primor primero par Courbeville et le commentaire qui y était joint,
rappelant, de la sorte, El Heroe à l'attention des érudits européens,
auprès desquels le célèbre recueil jouissait alors d'une estime au moins
égale à celle dont était entouré le Journal des Savants. Dans le français
de Courbeville le passage cité par Lessing avait cette tournure :
« Un si noble dessein est le premier fondement de l'héroïsme et de la
grandeur; en le suivant, ce dessein, il est vrai que l'on ne devient pas inépui-
sable en mérites, mais on parvient du moins à le paroitre : et ce n'est point
là l'ouvrage d'un génie vulgaire. Quiconque au reste entre bien dans cette
1. Œuvres de Saint-Èvremont, t. VII de l'éd. de Londres, 1785, p. no-120.
2. Avec réimpr. de Hollande, 1729. M. Borinski (op. cit.) écrit, p. 19 : « Die klei-
neren Abhandlungen (Heroe, Discrète, Politico) fanden in dem franzôsischen Jesuiten
Courbeville und seinen deutschen Nachtretern genauere aber nicht geschicktere
Uebersetzer [que le Criticôn]. » Courbeville, sans jamais serrer de près le texte castillan,
le rend cependant sans trop d'infidélités et en livre même assez bien l'esprit, mais son
style dégénère trop souvent en jargon. Me. Antonio signalait déjà une traduction
française ancieiine de El Heroe, celle de Gervaise (II, i) : «Gallice vertit M. Gervasius,
medicus Regius Perpinianensis praesidii ut vocant, Parisiisque edidit i6/i5. in 8.
exindeque Amsterodami ut audio 1G59. » C'est : Le Héros, traduit en françuis par le
sieur Gervaise. En 1 G52 parut à Londres une traduction anglaise par John Sketïington :
« The Heroe of Lorenzo, or the Way to Eminence and Perfection, a Pièce ofserious .Spanish
Wit, originally in that lanyuage written>^ (London, 1602, in-12), avec une « address to
the fieader « par Ihack] Vi[alton 9].
l38 CONTRinUTIOXS A l/ÉTUDE DE i/hISPAMSME DE G. E. LESSINO
maxime délicate, il ne sera point étonné des louanges données à ce paradoxe
apparemment si étrange du sage de Mitilène : La moitié vaut mieux que le tout.
Car, c'est-à-dire que la moitié du fonds mise en réserve, tandis que l'autre
partie est mise en évidence, vaut mieux que le tout de même espèce pro-
digué sans ménagement '. w
A ce passage était ajoutée, au Commentaire, cette intéressante illus-
tration historique, que l'on jurerait empruntée à l'un des exemples de
YIdea de un principe politico-cris tiano :
« Philippe second ne comprenoit pas encore tout le sens de cet axiome,
lorsqu'il alla à la diette d'Ausbourg. dans l'espérance d'être élu Roi des
Romains. Charles -Quint son père avoit pris de sages mesures pour faire
réussir ce grand dessein; mais le fils, dit un auteur Espagnol, déconcerta ces
mesures, en affectant trop d'habileté par une vaine indiscrétion de jeunesse :
et l'affaire manqua. Quoiqu'il en soit, Philippe ne retomba pas dans cette
intempérance de capacité : il se corrigea si bien sur cet article, que toute sa
conduite ne fut plus qu'une sorte de mystère, qui inspiroit je ne sais quelle
admiration respectueuse pour sa personne : il se montroit très-rarement à
son Conseil, de peur de paroître inférieur à ses Ministres habiles ; bien qu'il
fut sans doute un très grand prince : et lorsqu'il étoit obligé de parler, il le
faisoit en des termes si concis qu'il falloit presque le deviner ^. »
On s'expliquera mieux peut-être, après ce qui précède, pourquoi
Lessing — qui, s'il ne fut jamais, au dire de Heine (dont l'image a,
malgré son origine, fait fortune en Allemagne depuis i834, où elle
parut dans Zur Gesch. der Relig. und Philos, in Deutschl., grâce à sa
teinte chauvine), le petit lévrier Avelsche poursuivant son ombre, mais
le gros matou teuton qui ne joue avec la souris que pour la mieux
étrangler, a, du moins, dès le début de sa carrière, concédé aux souris
françaises le noble privilège de les croquer de préférence — a cité
Graciân, qu'il ne pouvait, une fois mis sur la piste de l'intéressant
passage de El Heroe, citer qu'en castillan, sous peine de manquer une
partie de son effet sur la galerie :
Du grec, ô Ciel! du grec! Il sait du grec, ma sœur!
— Ah, ma nièce, du grec! — Du grec! quelle douceur!
— Quoi? Monsieur sait du grec? Ah! permettez, de grâce,
Que pour l'amour du grec, Monsieur, on vous embrasse
1. P. 5 de la traduction, éd. de Paris, 1725. Dans les Mémoires de Tréiioua; d'avril
1726, p. 684 seq.
2. P. 9, id. — Cette traduction de El Heroe par Courbeville (dont la version sous
le titre : L'Homme universel [Paris, 1728], de El Discreto avait, à la suite de l'article du
Journal des Sçavans de janvier 172^, p. io-43, suscité une petite polémique d'où naquit
une brochure dont Courbeville fait mention dans la préface du Héros) oifrit aux
rédacteurs des Mémoires de Trévoux l'occasion de confondre le nouvelliste littéraire
du Journal des Sçavans, qui, je crois, était déjà cet intrépide touche-à-tout d'abbé
Desfontaines, auteur d'une confusion cocasse par où se révélait son ignorance de la
littérature espagnole, malgré qu'il en ait parlé plusieurs fois, par oui-dire, dans ses
T.A NATURE ET LES SOURCES DE l'iHSPANISME DE LESSING iSç)
C. Schûddelkopf est, d'ailleurs, fermement convaincu que Lessing
ne choisit l'aphorisme du jésuite de Calatayud qu'après mûre réflexion
philosophique et parce qu'il reflétait merveilleusement ce qu'il appelle
sa « damahge Zuriickhaltung den Berlinern gegenûber ». {art. cit.,
p. i3^.) Ne serait-ce pas le cas de rappeler le mot du vieux baron
dans Miinchhausen : « Der Schulmeister schnappt noch gar iiber... » i ?
Les Frères Valdés.
(M. V. 351.)
Dans sa Rettung des Cochlâus, à la Troisième Partie des Schriften
mises en vente en 1754 pour la foire de Pâques, Lessing a démontré
que le contemporain et fougueux adversaire de Luther, le théologien
catholique nurembergeois J. Cochlâus n'a pas été, comme le voulait
un Dr. Kraft dans une brochure de polémique parue en 1749 : De
Luthero contra indulgentianim nundinationes haud guaquam per
invidiam disputante, le premier à couvrir le père de la Réforme de
basses injures et de viles infamies. « Ich kenne, » déclare Lessing,
« ein Zeugniss, Avelches sich von einem andern, als von Cochlâus
herschreibt, und gleich in den ersten Jahren ist abgelegt worden. »
Ayant cité un passage de ce témoignage, il poursuit : « Wirft dièse
Stelle, wenn anders die Umstânde wahr sind, die ich davon vorge-
geben habe, nicht ailes, was Herr Kraft in dem vorigen behauptet hat,
auf einmal ûber den Haufen? Ich sollte es meinen. »
Il s'agit d'un correspondant du savant lombard Pedro Mârtir de
Anghiera, l'un des prédicateurs de l'Évangile de la Renaissance en
Espagne, qui mourut évêque de Grenade, et les deux épîtres que cite
Lessing, signées « Alphonsus Valdesius » , sont datées, l'une de Bruxelles,
3i août i52o, l'autre de Worms, i5 mai lôai. Pas n'est besoin
aujourd'hui d'en détailler le contenu, familier, à coup sûr, aux hispa-
nisants qui ont étudié la question des hétérodoxes espagnols, et, en
particulier, la vie et les œuvres d'Alonso et Juan de Valdés dans les
ouvrages de E, Bœhmer et les deuxième et troisième volumes des
écTiis. Cf. Journal des Sçavans, 3.\TÏ\ 1726, p. 277; mai 1794, p. 345, et Mémoires de
Trévoux d'avril 1726, p. 676 seq. — Les Mémoires de Trévoux de iuin l'jSo, p. looo-ioiS,
contiennent un plaidoyer pro domo en faveur des Maximes de Balthazar Gracien, parues
cette même année à Paris chez Rollin, dans la traduction, également, deCourbeville.
I. Sur l'état d'âme de Lessing à l'endroit des Berlinois, rappelons l'existence
d'une étude que les Lessingforscher se gardent bien de mentionner, malgré son incon-
testable valeur : Berlin und Lessing. Friedrich der Grosse und die deutsche Lit. par « Xan-
thippus ï) (Mûnchen und Lpzg., 1886). 11 y a sur elle un compte rendu dans die Neue
Zcit, 1888, p. 32 1-325.
l4o CONTRIBUTIONS A. l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
Heterodoxos espanoles de M. Menéndez y Pelayo, pour ne mentionner
ici que la littérature primordiale et indispensable sur cette matière
non encore définitivement élucidée, car il faudra bien que l'on se
décide quelque jour à étudier un peu plus scientifiquement le
problème de la paternité du Didlogo de la lengua, v. gr. La découverte
— et l'on peut dire que c'en eût été une en 1754 — dont Lessing,
usant d'une très habile équivoque, s'attribue l'honneur, appartient,
en réalité, au laborieux Baumgarten. Celui-ci, au 7""" volume de ses
Nachrichten von elner hallischen Bibliothek, fascicule de juin 1761,
avait, en eff'et, publié l'article suivant :
DCCCCXXIII
1018. — Opas epistolaram Pelri Martyris, Anglerii Mediolanensis, Proto-
notarii apostolici, etc., etc. Editio postrema. Amstelodami, apud Danielem
Elzevirium CID IDC LXX. In Folio von US6, 32 und 63 Seiten, ohne 26 Seiten
der Zaschrift, Vorreden und des Verzeichnisses.
Die erste Ausgabe dieser schàtzbaren Sammlung von Briefen ist zu Com-
plut im Jahr i53o ans Licht getreten. [Suivent des indications sur l'édition
actuelle, qui concluent ainsi : ] wodurch die ungemeine Seltenheit derselben
zwar merkiich vermindert, doch nicht ganz aufgehoben worden : indemHr.
Vogt in catal. libror. rarior., p. ,445 ganz richtig schreibet : recusae etiam
sunt hae Martyris epistolae Amstelodami 1670 apud Elzevirios, qui tamen
pauca tantum exemplaria, et adeo parca manu publicarunt, ut semper
rarus maneat liber. Von Petro Martyre aus Anghiera im Herzogtlium Mailand
sind zu vergleichen Nicerons tom. 28, p. 202-216 und Joh. Alb. Fabricii
biblioth. lat. med. et infimae aetatis vol. 5., p. 788-790', welche beide
mehrere Schriftsteller anfûhren, die von demselben und seinen ûbrigen
Schriften handeln. Er wird sehr hâufigmit Pet. Martyre Vermilio aus Florenz
verwechselt, welches im indice auctorum des Catalogi der Ludwigischen
Bibliothek geschehen. Die allhier gelieferten Briefe sind 81 3 an der Zabi,
und der Zeitfolge nach, in 38 Bûcher eingetheilet : sie erstrecken sich vom
Januario i488 bis in den Sommer des Jalires i525, und enthalten viel
merkwûrdige Nachrichten von den Regierungen des Krmigs Ferdinandi
Catholici und des Kaisers Caroli 5. Unter den Briefen des Jahres i52i hat
der Verfasser einem seiner Briefe ein aus Worms vom Alph. Valdesio erhaltenes
Schreiben einverleibet, in loelchem Lutheri Verhôr auf dem Reichstage nebst
den Folgen desselben beschrieben, und mit folgenden Worten beschlossen
ivird [suivent les dernières phrases de la lettre, éd. d'Amsterdam, p. 4i2,
I. Le t. 23 des Mémoires est de 1783 : c'est sur les données de l'article de Niceron
que Chaufepié a rédigé son article sur P. Martyr, au t. 111, 1703 (p. 47-/19) du Supplé-
ment au Dicl. Crit. — L'article de Fabricius auquel renvoie Baumgarten n'est qu'une
médiocre compilation de M. Antonio (11, 872) et de Niceron, plus quelques renseigne-
ments bibliographiques [Jo. Alberti Fabricii ss. Theolo. D. et prof. publ. bibliotheca
latina mediae et in/imae aetatis, vol. quintum, Hamburgi 1736.] Dans l'édition d'Amster-
dam de l'Opus Epistolarum, les 32 pages qui suivent les Epistolae contiennent la tra-
duction latine des lettres de Hernando del Pulgar, et les 63 dernières les Claros
Varones de Castiila, du même.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPAMSME DE LESSING l4l
n° 722 : Luth, ejusque docirina ex epistola Valdesii, qui est l'une des deux que
va « révéler » Lessing] ' .
Si l'on compare aux passages de l'article de Baumgarten les asser-
tions de Lessing, sa distinction entre les deux P. Martyr (nicht Vermiliam
sondern Anglerium [M. V, 356]), les quelques renseignements qu'il
donne sur P. Martyr de Anghiera, sur ses lettres en particulier (sie sind
das erstemal im Jahre 1530 zii Complut 2 in Folio gedruckt, iind von
den ElzevirenimJahr 1610 zu Amsterdam, in ebem demselben Formate,
nachgedrackt loorden; doch hat man niir sehr ivenige Exemplare davon
abgezogen, so dass sie dieser neuen Aujlage ohngeachtet, gleichwohl
noch ein sehr rares Buch bleiben), on appréciera à sa juste valeur la
rouerie de Lessing, qui, d'ailleurs, a eu soin, par une circonlocution,
de ménager la juste susceptibilité du professeur de théologie de Halle.
« Ich \vûsste nicht, » a-t-il déclaré, « einen einzigen Schriftsteller, der
sich mit der Reformationsgeschichte abgegeben hâtte, und ihrer [les
lettres en questions] gedâchte 3. » Baumgarten était, du fait de ce dis-
tinguo, mis hors de cause. L'auteur des Nachrichten n'appartenait pas,
au surplus, à la catégorie des savants dangereux et unissait à sa vaste
érudition une modestie rassurante de Slubengelehrter par excellence.
Lessing n'avait pas à craindre, de sa part, une désagréable riposte.
Aussi longtemps qu'il ne s'agit que de s'approprier les découvertes
d'autrui, la science hispanique de Lessing ne bronche que par inter-
valles, selon les déviations accidentelles de qui lui sert de guide. Livré
à lui-même, le vaillant pionnier semble frappé d'ataxie. Il avait, à propos
d' (i Alphonsus Valdesius», correspondant de P. Martyr, une occasion
remarquable de mettre en œuvre sa sagacité bibliographique en iden-
tifiant ce personnage. La besogne, pour ardue qu'elle fût, n'était pas,
à l'époque^ impossible. Elle exigeait seulement une autre méthode que
l'utilisation de sources banales d'information et de compilations de la
1. L'autre est p. 38o, n° 689. Il était facile, une fois sur la piste du volume, de
la tiouver à la table des matières, d'autant plus que som titre est assez net : De nova
secta Latheranorum apud Germanos exorta. Elle débute par l'indication qui restera
mystérieuse pour Lessing : a Quae in Regnis gerantur, vos non latent. Ex his quae
ab exteris habemus, legite prodigium horrendum mihi ab Alfonso Valdesio magnae
spei juvene, cujus patrem Ferdinandum do Valdes Rectorem Conchensem nostis, non
minus fideliter quam ornate descriptum, cujus epistola sic habet. »
2. Lessing, qui emploie la graphie Amsterdam et non Amstelodamum, écrit Complut
et semble ignorer que ce vocable hybride est un non-sens. Du moins copie-t-il Baum-
garten. Mais que penser de la bévue suivante : Der Léser mag es selbst untersuchen,
was der Hector Conchensis sey, of man einen Statthalter oder einen Schulrektor
in Concbes, oder was man sonst daruntcr verstehen solle. — Lessing confond donc
le recior de P. Martyr avec correcior, seul vocable latin qui rende le terme castillan
corregidor — on sait, depuis que Fermin Caballcro l'a démontré (Conquenses ilustres.
IV. A. y J. de V. [Madrid, 1875], p. 67;, que Ferrando Valdés fut regidor, c'est-à-dire
membre de VAyunlamiento, de Cuenca, — et Cuenca avec Conches, bourgade normande,
patrie de ce libre penseur du xii« siècle que semble avoir été Guillaume de Conches!
3. M. V., p. 357.
î^2 CONTRIBUTIFS A 1,'ÉTUDE DE l/ HISPANISME DE O. E. LESSINO
polyhistoire I. Elle ne tenta pas Lessing. Il s'est borné à mentionner, à
à propos de cet énigmatique « Valdesius », un « Johann Valdesius,
der in Napoles denersten Saamen des Lutherthums ausgestreuet hat. »
Il n'était, pour ce, besoin que d'ouvrir, sinon Bayle, du moins le
Jôcher (lY, 1898), qui avait, d'ailleurs, puisé dans le Dict. Crit. 2 les
informations de sa notice sur :
« Valdes (Joh.J, ein spanischer Ritter und JCtus, bemûhete sich die Refor-
mation im Kônigreich Neapolis einzufiihren, und soll aufeiner Reise, die er nach
Deutschland gethan, die evangelische Lehre eingesogen haben, massen er nach
seiner Zariickkiinfft ingeheim einige Versammlungen nach Art der lutherischen
Kirchen hielle. Allein die Inquisition stôrte sie gar bald. Er war nicht
verehligt, lebte sehr eingezogen, und starb zu Neapolis ibW. In der Lehre
von der heiligen Dreyeinigkeit hielt er es mit den Unitariis, und seine
vornehmsten Biicher sind : Dialogi Charon &Mercurius; considerationes
decem divinae in Psalmos aliquot; in evang. Matthaei; in evan. Joh.; in
epist. ad Rom. & Corinthios, etc. B[ayle, Dict. hist. et crit.] Ant[omt
bibl. hisp.] 3. »
Martin del Rio.
(M., V, 3 10.)
Dans sa Reltung des Hier. Cardanus, Lessing écrit :
<( Er soll so ein Buch geschrieben haben, welches er zwar nicht drucken
lassen, aber doch heimlich seinen Freunden gewiesen. Und wer ist denn
1. Si Lessing eût pu difficilement se procurer, ou même connaître la Historia de
la muy noble y leal ciudad de Cuenca (Madrid, 1629) de J. P. Martyr Rizo, où il eût
recueilli au ch. IX, p. 28^, des renseignements sur les deux Valdés, du moins n'avait-il
qu'à feuilleter une des nombreuses éditions de VOpus Epislolariim d'Erasme pour y
trouver 9 lettres du théologien de Rotterdam à Alonso et Juan de V., de 1527 à i53i,
ainsi qu'une lettre de Alonso à Erasme, de 1527. De même, la connaissance de livres
aussi répandus que VIstoria civile del Regno di NapoU de P. Giannone — qui venait
justement d'être réimprimée en 1753 à Genève avec l'indication de La Haye — ou aussi
facilement accessibles que le Corps universel diplomatique du droit des gens, etc. deJ. Dû-
ment et J. Rousset(Amst. 1726, 8 vol. in-fol.) lui eût appris que A. de V. était secré-
taire de Charles-Quint.
2. Ed. cit. IV, /ii5-4i6. Sur les 3 lettres de Alonso de V. à P. Martyr et leur valeur
historique, cf. le Petrus Martyr Anglerius und sein Opus Epistolaruni (Strassb., 1891) de
J. Bernays, p. i36 seq.
3. A l'article l'enusseuche des CoUectanea (M. XV, 890), Lessing a cité les Epitres
de P. Martyr comme argument en faveur de la thèse de l'origine européenne de la
syphilis : « Ich kann beweisen, dass die Venusseuche cher in Spanien grassiert hat,
aïs man gemeiniglich annimmt, namlich weit cher als Columbus das erste Mal aus
Amerika zurùckgekommen. Und dièses zwar aus einem Briefe des Petrus Martyr. »
Lessing ne daigne pas indiquer dans quelle lettre il a trouvé celte «preuve». C'est
certainement dans la dernière du 1" li\Te. adressée à Arias Barbosa (Ario Lusitano
Graecas Lileras Salmanticae ProJ'itenti valetudinario), où P. Martyr déplore de le savoir
atteint «< du mal français, que les Espagnols appellent bubas ». On sait que la chrono-
LA. NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPAMSME DE LESSI>G 1 43
der Wàhrmann dièses Yorgebens? Kein anderer als Marlinus del Rio fDis-
put. Magic, Tom. I, Lib. llj. Wenn man es noch glauben avIU, so muss man
diesen Spanier nicht kennen. »
Lessing n'a vraisemblablement connu Martin del Rio que par
Bayle, qui, du moins, transcrivait exactement le titre de l'ouvrage du
jésuite espagnol, et précisait le passage où se trouve l'imputation
dirigée contre le médecin et géomètre de Pavie. Il n'eu donne pas
moins, avec sa coutumière modestie, sa propre dissertation comme
un bon supplément à l'article du Dict. Crit.
«Man wird», dit-il, « es aïs einen guten Zusatz zu dem Artikel ansehen
kônnen, welchen Bayle, in seinem kritischen Wôrterbuche, von diesem
Gelehrten gemacht bat. »
Bayle parlait de del Rio à l'article Cardan (Dict. Crit., II [1780],
p. 5i, note D) :
(( Je ne voudrois pas pourtant ou nier ou affirmer ce que j'ai lu dans
Martin del Rio. Cet auteur assure que Cardan avoit composé un Livre de la
Mortalité de l'Ame, lequel il montroit quelquefois à ses bons amis (Del
Rio, Disquisit. Magicar. Tom. I, Libr. II, quaestion. XXVI, Sect. II, pag. m.
2o5J. Ce livre n'a jamais été imprimé : au contraire, le public a vu un
ouvrage de Cardan touchant l'Immortalité de l'Ame, où quelques-uns
trouvent mauvais qu'il ait dit que le destin et que les Conseils lui défen-
doient de déclarer tout ce qu'il pensoit sur cette matière '. »
logie de cette épître est très sérieusement contestée par les syphiligraplies. D'autre
part, Lessing semble bien avoir ignoré l'ouvrage capital de J. Astruc, dont Veditio
altéra avait paru en 17^0 à Paris en deux tomes (De morbis Venereis Librinovem, etc.):
sinon, il eût peut-être hésité à écrire ce ich kannbeweisen sur la foi d'un chef de preuve
aussi faible que le sien.
1. Bayle renvoie, sur la foi de cet effroyable écrivassier du xvii' siècle, le P. Th.
Raynaud: aErotem. IVde bonisac malis Libris, num. fii)), à un prétendu uDe Animaruni
Immortalitate, Cap. 13, p. 280 », de Girolamo Cardano. Je me suis reporté au ch. XIII
(Sententiae antiquorum de Anima) du Liber de Immortalitate Animorum (Lugduni, i5/(5,
in-8) et n'y ai rien trouvé de semblable. Cf. en outre la Réponse au.r questions d'un
provincial, 1 (Rott. 1704), ch. XVI : De Martin Antoine del-Rio. — De nos jours, M. Me-
néndez y Pelayo a tenté l'apologie de del Rio, que les libres penseurs du xvm' siècle
avaient taxé à sa valeur : cf. l'article de P. Marchand dans son Diction. Histor. (La
Haye, lyôS), I, i3/i, note C. Le théologien de Salamanque — qui osa lancer de nouveau
l'absurde fable de la naissance de Luther d'un bouc avec une femme, dont Voltaire
s'est moqué à juste titre à l'article Bouc des Questions sur l'Encyclopédie {i-j-jo) [éd.
Moland des Œuvres compl., t. XVIII, p. i3] — est pour M. Menéndez y Pelayo (Hetero-
doxos Esp., 11, p. 655) la u gloria insigne de la Compania de Jesiis, portento de
erudiciôn y doctrina » et son livre sur la magie « el màs erudito y metôdico y el
mejor heclio de cuanlos hay sobre la materia, y libro que en su l'iltima parte
llego à hacer jurisprudcncia, siendo consultado casi con la veneraciôn (sic) debida
a un côdigo por teôlogos y juristas». N'en déplaise à l'éminent professeur de l'Uni-
versité de Madrid, Del Rio fut et restera, comme l'a qualifié M. E. Hubert, pro-
fesseur à l'Université de Liège, à l'art. Del Rio de la Grande Encyclopédie (t. XIV,
p. 12) un « esprit étroit », pour ne rien dire de plus sévère. Il y a, sur l'ouvrage du
Jésuite hispano-belge, une bonne analyse et un bon jugement dans l'article ^/arim
del Rio, par M. Alphonse Le Roy, au t. V (p. 476-491) de la Biographie Nationale de
Belgique (Brux., 1876.) Cf. aussi, à cause des références bibliographiques, l'article
de Baur dans l'Allg. Encycl. de Ersch et Gruber, 25. Thl. (Lpzg., 1882), p. 4^3.
l44 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
Le passage de del Rio {Disquisitionum magicaruin libri sex in très
tomos partiti, Maguntiae, MDCIII, t. I, p. 197) a la teneur suivante :
« Sed Cardanus addit errorem eirori, dum censet (homo de immortalitate
animae dubius, ut indicant omnes ferè illius libri editi : et maxime quem
inscripserat, sed non ediderat, amicis autem familiarioribus aliquando
ostendebat, de animae mortalitate liber) apparitiones omnes imaginarias esse
et species illarum primas imaginando tantùm concipi opinatur. »
La phrase de Lessing : « wenn man es noch glauben will, so muss
man diesen Spanier nicht kennen », affecte une connaissance person-
nelle de del Rio et de ses Œuvres qui pourrait n'avoir été, à la date
1754, étayée que sur les trois jugements portés par Bayle, en trois
passages du Dict., sur l'auteur des Dis qaisH. Magic . k Y avUcIq Agrippa
(I, io3, note P), Bayle démontre lumineusement combien la méthode
du jésuite est arbitraire et choque la saine critique historique, et
conclut qu'il serait loisible de u se dispenser de répondre à Martin del
Rio, et à ses consors, jusques à ce qu'ils eussent un peu arrangé les
circonstances des tems et des lieux ». A l'article Bacon (I, 4i6,
note C), Bayle définit del Rio : (( l'homme du monde qui sur ces matières-
là [la superstition] prodigue le moins son absolution aux personnes
soupçonnées. » Enfin, à l'article Zahuris (IV, 53 1), il affirme mali-
cieusement, après avoir exposé les vues grotesques de del Rio sur les
géomanciens et cette superstition populaire, que celui-ci « ne raisonne
pas bien conséquemment sur ce que l'on conte de ces gens-là ».
Montiano et la Virginia.
(M. VI, 70-120.)
Au premier chapitre de la Theatralische Bibliothek, éditée par
Lessing à Berlin en 4 Stiicke, dont les deux premiers parurent en
1754, le 3"" en 1755, et le 4^ en 1758,
« sehen wir ihn, » déclare Boxberger, 62, p. ii-xii, » zum erstenmal auj
eigenen Fûssen stehen... Aber die Zeitschrift sollte ausgesprocbenermassen
« eine kritische Geschichte des Theaters zu allen Zeiten und bei allen Vôlkern »
enthalten, und wùrde, wenn sie ihr Dasein langer gefristet batte, diesem
Ziele sich gewiss immer mehr genàhert haben. Wenigstens hàtten luir inté-
ressante Aufschlûsse auch noch iiber das, damais den Deutschen noch gànzlich
unbekannte, spanische Theater zu erwarten gehabt, mit dessen Stadium sich
Lessing mit Mylius seit seinem ersten Aufenthalte in Berlin beschàftigte ' . »
I. Inutile de souligner l'arbitraire de laconclusion de la vaticination deBoxberger.
Nous savons, par le passage de K. Lessing cité dans la Préface, que Lessing étudia un
certain temps le castillan en compagnie de Mylius; avec quel succès, nous l'avons vu
par l'aventure des Tilleuls. I\'ous n'en savons pas davantage.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPANISME DE LESSING l45
Boxberger a eu tort de croire Lessing sur parole et aurait lait
preuve de plus de sens critique en contrôlant les promesses de la
Theatr. Bibl. Elles ne sont, il est vrai, rien moins que mesurées :
« Ich schmeichte mir, » déclare Lessing dans l'Avis précédant sa pre-
mière « révélation du théâtre espagnol » [M., VI, 70-73), et après
avoir insisté sur l'ignorance où l'on vit dans son pays concernant la
littérature espagnole, « dass schon die gegenwàrtige Nachricht ihn
[le concept de cette même littérature] um ein grosses erhôhen wird,
und dass meine Léser erjreut seyn luerden, den grossten tragischen
Dichter kennen zu lernen, den jetzt Spanien aufweisen, und ihn seinen
Nachbarn entgegenstellen kann. »
Ainsi, Lessing va faire connaître à ses compatriotes le plus grand
poète tragique contemporain de l'Espagne, un génie qu'elle est en
droit d'opposer avec fierté aux meilleurs dramaturges des scènes
welsches, un second Lope, s'il était possible. A l'entendre parler en
termes si prometteurs de son héros, on attend de lui qu'il se soit, par
un commerce assidu avec ses œuvres, et, qui sait peut-être, lui qui
manie avec tant d'aisance le castillan, par une correspondance fami-
lière, du genre de celle qu'entretenaient des érudits germains avec
Mayâns, mis à même de formuler sur ce génie un jugement fondé
en raison, issu de la vivante et .immédiate réalité? Ce serait trop
présumer du premier « hispanisant » d'Allemagne que de nourrir ce
légitime espoir. Une petite note, qui n'a l'air de rien et qui clôture le
pompeux exposé dont a été transcrite la phrase concernant l'Es-
pagne, nous apprend que « ich habe nicht so glûcklich seyn konnen^
das spanische Original der Virginia zu bekommen und bin also
genôthiget gewesen, mich der franzôsischen Uebersetzung des Herrn
Hermilly zu bedienen, die in diesem Jahre in zwey kleinen Octav-
bânden in Paris an das Licht getreten ist». Boxberger n'avait-il pas
raison de proclamer que, pour la première fois, Lessing n'empruntait
plus, pour marcher, les jambes d'autrui? Mais encore, c'est à l'auteur
de la Virginia qu'il en a. C'est à lui, premier poète tragique de
FEspagne francisée, qu'il a entrepris de conférer, sur les pages de sa
Theatralische Bibliolhek, l'immortalité alUemande. Malheureusement,
et quels qu'aient été les efforts accumulés par son zèle, il lui a été
radicalement impossible de mettre la main sur un exemplaire
espagnol du chef-d'oeuvre qu'il va traduire. Depuis la date où —
c'était, on s'en souvient, le 11 juin 1761 — il apprenait, par le Jour-
nal des Sçavans, que « pour achever de convaincre les incrédules sur
le goût qu'on a dans sa Nation pour la Tragédie... il [Montiano] nous
donne une tragédie de sa composition intitulée Virginie-», jusqu'à
l'an 1754, ses demandes, instantes et répétées, aux libraires, et, sans
doute, à l'auteur sont restées vaines. La création castillane étant, en
sa forme virginale, inaccessible, il s'est « vu contraint » de se « servir »
l46 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
de sa contrefaçon franque, et ce à son corps défendant, car il ne sait
que trop combien les littérateurs des prés fleuris qui bordent la Seine
en prennent à leur aise, même, et surtout, avec une Virginia, et que
seul ses honnêtes Allemands manient avec le doigté convenable
d'aussi délicates fleurs exotiques. Et non seulement il a dû retraduire
la « version » de D'Hermilly, mais tout ce qu'il est capable de relater
sur le premier tragique espagnol de son siècle, c'est encore dans ce
Français superficiel et inexact qu'il lui a fallu le copier, évidemment
parce que le « stolzer Spanier' » qu'est le père de la Virginia eût cru
déroger à son hidalguia en rédigeant pour un simple magisier saxon
la notice individuelle requise...
Peut-être nous reprochera-t-on d'accentuer l'ironie et d'aggraver à
plaisir la pétulance d'un jeune littérateur ayant entrepris une tâche
au-dessus de ses forces, mais auquel il n'est que juste de pardonner,
vu l'excellence de l'intention, la pauvreté de la réalisation. Reproche
dont j'ai pesé, avant d'écrire les lignes qui précèdent, la portée, mais
qui, en présence du langage que tiennent et de la méthode que
suivent de modernes Lessingjorscher germaniques, ne m'a point paru
suffisant pour retenir ma plume. J'ai transcrit l'appréciation de
Boxberger. Elle est déjà, à elle seule, caractéristique. Mais que penser
du procédé de M. Muncker, lequel, chargé d'une édition définitive
des Œuvres de Lessing, édition dont la lenteur semblait devoir
garantir le caractère scientifique, a fait à un misérable plagiat sans
ombre d'originalité l'honneur d'une réimpression intégrale, alors que
son principe éditorial était d'exclure de sa collection les productions
de Lessing qui ne sont pas, au moins par quelque côté, originales?
Que penser de sa déclaration au t. VI — Vorrede, p, vi — que l'ana-
lyse de la Virginia représentait neine mitanler Jreie , namenilich in der
logischen Verbindung der einzelnen Scitze selbstàndige (sic) Ueber-
setzung », déclaration dont il n'a, cependant, pas laissé de sentir la
faiblesse, puisqu'il a cru devoir la rectifier par cette maladroite excuse:
alch kann meinen Abdruck dièses Auszuges nur damit entschuldigen, dass
ich das franzosische Buch erst zu Gesichte bekam, nachdem jener bereits
1. Telle est du moins l'expression dont se sert, pour qualifier Montiano,
M. E. Schmidt (II, 4). 11 lui serait difficile de la justifier documentairement. Tous
les témoignages connus sur le président de l'Académie de l'Histoire nous le
représentent comme un érudit simple et afifable, au cœur compatissant et large,
dépourvu de cet orgueil qu'une locution devenue proverbiale en Allemagne attribue
à l'Espagnol. Cf. VOracion Funèbre lue à l'Ac. de l'Histoire par le P. Mro. Fray Alonso
Cano et imprimée à Madrid en 1765, in-4° de 29 p., VElogio Histôrico de Trigueros au
t. Il des J/emorias de la Academia Sevillana de Buenos Letras (Sevilla, i8i3) et l'excellent
article sur Montiano dans le Dicc. Encicl. Hisp.-Amer., t. \II1 (Barcelone, iSgS), p. 408.
En 187G, le zélé commentateur de la Dramaturgie, W. Cosack, prenait encore pour
de la bonne monnaie et de la science originale le passage sur Montiano dans la Theatr.
Bibl. et avouait ne pas pouvoir mieux dire que Lessing sur ce personnage. « VVeiter
reicht die Biographie bei Lessing nicht, und andere Quellen ûber die fernercn
Lebensschicksale und ùbcr das Tudesjahr liabc ich niclil auftrcibcn koniien. »
L.V NATURE ET LES SOUUCES DE I.'hISPANISME DE LESSI>'G 1^7
erfolgt war, vorher aber in der Ungewissheit, ob Lessing nicht vielleicht doch
fréter mit Hermillys Arbeit verfahren sei, lieber :u viel als zu icenig gebeii
wolUe. >)
Si l'on songe que la traduction de D'Hermilly se trouve à Munich
même, où professe M. Muncker, à la Hof- und Staatsbibliothek sous
la cote P. 0. hisp. IU'2 — je l'ai moi-même eue en mains, — on appré-
ciera à sa juste valeur l'argument de l'éditeur universitaire de Lessing.
D'autre part, comment qualifier la méthode de M. Erich Schmidt,
lequel, ayant déclaré — ce qui est tout à fait exact — qu'à la date de
la Thcatral. BibL, Lessing ne connaît rien de l'Espagne, pas même les
noms de Calderon et de Lope (I, 291), n'en écrit pas moins, à propos
de cette « merk^vurdige Entdeckung » que son héros prétendait avoir
réalisée dans l'opéra-comique de son ami Christian Félix Weisse : Der
Teiifel isf los, représenté pour la première fois en octobre i-ô;}, que
cette remarquable découverte « wird sich auf die VerAvandtschaft des
Grundmotivs mit Calderon, Holberg und Weise, vielleicht auch mit
Shakespeares Rahmen zur « Widerspanstigen » beziehen » ? Donc, en
logique de Geh. Regierungsrat, Lessing peut fort bien ignorer Cal-
deron et découvrir tout de même, dans une pièce de théâtre imitée
de The Devil lo pay de Coffey, une parenté avec un thème caldé-
ronieni ! — Wenn das am grilnen'Holze geschiehi....
Pour convaincre qui ne nous croirait pas sur parole de la « liberté»
et de l'a originalité» de la traduction de Lessing, nous allons confronter
avec la Préface de la Dissertation sur les Tragédies Espagnoles (Paris,
1754) 2 le texte de la biographie de Montiano qui illustre, dans la Thea-
tralische Bibliothek, le plagiat de la version de D'Hermilly.
D'Hermilly : Lessing :
Don Augustin de Montiano y Don Augustinoo de Montiano y
Luyando est actuellement âgé de Luyando ist den ersten Marz im Jahrc
cinquante-cinq ans accomplis, étant 1697 gebohren.
né le premier jour de Mars 1O97. Sein Vater und seine Multer slam-
Ses père et mère étoient de Familles mten aus adlichen Familien in Bis-
nobles de Biscaye, et des plus dis- caya, und zwar aus den allervor-
tinguées de cette Province. nehmsten dieser Provinz.
Son éducation répondit à sa nais- Seine Erziehung war seiner Ge-
sance. Après avoir très bien fait ses burt geniàss. Naclidem er die Huma-
1. Cf.k propos de der Teufel isl los: « der Teujel ist los, by Christ. Fel. Weisse »
par A. E. Richard, Mod. lang. Notes 190G, p. 244-245, avec une référence à une autre
étude de l'auteur intéressant ce thème.
2. Signalons une curieuse critique de la traduction de D'Hermilly, tout imbue
de l'esprit bourgeois français, dans L'Année Littéraire de Fréron, 1754, tome 111,
p. 37-41.
3. On voit que Lessing entend, dans la mesure de ses forces, corriger son modèle:
Augustino, cela sent mieux son castillan qu'Augustin.
G. PITOLLET. II
l/jS CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'iIISPANISME DE G. E. LESSING
humanités, et le cours d'études
ordinaires aux jeunes gens de con-
dition, il se rendit habile philosophe
et jurisconsulte.
11 sait en outre les langues Fran-
çoise et Italienne, et il a quelque
teinture de l'Angloise. Dès sa tendre
jeunesse il eut un goût particulier
pour la Poësie et pour les Belles-
Lettres : de sorte qu'à l'âge de vingt-
deux ans, c'est-à-dire en 1 719, il fit
imprimer à Majorque, in- S", sans
nom d'auteur, un opéra de sa com-
position, intitulé : La Lire d'Orphée
fia lira de OrfeoJ, qui fut chanté
dans différentes saisons à Palma ou
à Majorque, Capitale de cette Isle.
En 1724 il donna encore dans la
même ville une Relation in-//" en
prose et en vers, des Fêtes qui furent
faites pour la proclamation du Roi
Louis I ' . Cinq ans après on lui prit
chez lui un petit ouvrage en vers sur
l'enlèvement de Dina, fille de Jacob,
dans le tems qu'il le corrigeoit, et on
le mit au jour in-ù" a ^ladrid en la
même année 1729.
Ce Poëme a paru depuis à Barce-
lonne, in-8°, mais sans date d'année
et sans permission, quoique plus
parfait qu'auparavant, au moyen
des corrections que l'Auteur y avoit
faites. 11 a pour litre : El robo de
Dina.
Le mérite de Don Augustin de
Montiano y Luyando le fit choisir
en 1782, par le roi PhiUppe V, pour
lui servir de Secrétaire à l'Assemblée
et aux Conférences des Commissaires
Espagnols et Anglois. En 1788, il fut
employé dans la Sccrélaircrie des
Dépêches Universelles d'Élat. 11 en-
niora noch studiret.und diegewôhn-
lichen AVissenschaften eines jungen
Menschen von Stande begriffen
batte, that er sich als ein geschickter
Weltweiser und Rechtsgelehrter
vor.
Er vcrsleht ûbrigens die franzô-
sische und italianische Sprache, und
bat anscheinige Kennlniss von der
englischen. Er fand, schon in seiner
zartesten Jugend, einen besondern
Geschmack an der Dichtkunst und
den scbônen Wissenschaften, so,
dass er bereits in seinem zwey und
ZNvanzigsten Jahre, nehmlich im
Jahre 1719, eine Oper zu Madrid,
ohne seinen Namen, unter dem
Titel die Leyer desOrpheus, (La Lira
de OrfeoJ in S''" drucken liess,
welche zu verschiednen Zeiten zu
Palma oder Majorca, der Haupstadt
dieser Insel, gesungen ward^.
Im Jahr 1724. gab er in ebem
dcrselben Stadt eine prosaische und
poetiscbc Beschreibung der bey der
Krônung LudAvigsdes I. angestellten
Feyerlichkeiten, in Quart heraus.
Fûnf Jahr hernach entwandte man
ihm ein kleines Werk in Versen ûber
die Entfùhrung der Dina, der Toch-
ter des Jacob, da er es eben noch
ausbesserte, und stellte es in ebem
dem 1729. Jalu-e zu Madrid in Quart
ans Licht. Dièses Gedicht ist nachher
weit vollkommner in Barcellona in
Octav, doch ohne Jahrzahl und ohne
Erlaubniss, ans Licht getreten. Es
fûhret den Titel : El robo de Dina.
Die Verdienste des Don Augus-
tino bcNvegtcn den Kônig Philipp
den V'"" ihn im Jahre 1782. zum
Secretàr bey den Confercnzen der
1. D. Luis Fernando, (ils aine de Philippe V, mort l'année même où il monta sur
le trône.
2. On voit, répétons-le après M. Munckcr, que la traduction de Lessing n'est pas
exempte d'une certaine « liberté o : la lira de Orfco fut imprimée à Madrid au lieu de
«Majorque»! Mais, puisqu'il était en train de corriger son texte, pourquoi n'a-t-il
pas vu qu'il fallait lire : à Palma de Majorque, Capitale de cette Isle, et prenait-il
« Majorque » pour une ville, capitale de l'île de même nom? Boxberger s'est permis
d'altérer gravement le texte de la T. B. et d'imprimer (t. 62, p. 78): eu Palma wif
Majorca.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING
i-^Q
tra l'année suivante dans l'Académie
Royale Espagnole; et comme un des
fondateurs et le plus ancien de l'Aca-
démie Royale d'Histoire, il fut élu
Directeur de celle-ci en l'année 1788,
dans laquelle ce Corps obtint la
protection du Roi, qui dès l'an 17^5,
en nomma notre Auteur, Directeur
perpétuel. Il fut honoré par Sa Ma-
jesté, en 17^6, de la place de Secré-
taire de la Chambre de Grâce et de
Justice et d'Etat de Castille.
Enfin il a été admis en 1742, dans
les deux Académies des Belles- Lettres
de Barcelonne et de Séville.
Outre les ouvrages dont j'ai déjà
parlé, il donna in-4° en 1789, à Ma»
drid, sans nom d'Auteur le Parallèle
de la conduite du Roi d'Espagne avec
celle du Roi d'Angleterre : El cotejo
de la conducta de S. M. con la del Rey
Britanico. Dans la même année 1789,
et à Madrid, un Discours à l'Académie
Royale d'Hisloire; et en 1740, une
Harangue au Roy Philippe V. au
nom de la même Académie sur une
remarque qui fut faite par ce Mo-
narque. Ces deux discours sont in-8".
Le premier, dans le tome I. des Fastes
spanischen und englischen Gommis-
sare zu ernennen. Im Jahre 1788.
ward er in der Kanzeley der allgc-
meinen Staatsangelegenheiten ge-
braucht ' . Das Jahr darauf trat er in
die Kônigl. spanische Akademie;
und als einer von den Stiftern und
Jiltesten Mitgliedern d^r Kônigl. Ge-
sellschaft der Geschichte, Avard er
von der erstern in eben dem Jahre,
als sie unter Kônigl. Schutz genom-
men ward, zu ihrem Director er-
nennt, Avelche Stelle ihm 1745. auf
Zeitlebens aufgetragen ward^. Im
Jahre 1746. beehrte ihn Se. Majestat
mit der Stelle eines Secretars bey der
Begnadigungscund Gerichtskammer
und dem Staate von CastilienS.
Auch war er im Jahre 1742 in die
Gesellschaften der schônen Wissen-
schaften zu Barcellona fsicj und Se-
vilien aufgenommen worden.
Ausser den angefûhrten Werken
gab er auch im Jahr 1789. zu Madrid
eineVergleichungderAuffiihrungdes
Kônigs von England (sic),\n Quart he-
raus; fEl Cotejo de la conducta de S. M.
con la del Rey BritannicoJ '1 desgleichen
in eben diesem Jahre eine Rede an die
Kônigl. Akademie der Geschichte ; nnd
im Jahre 1740. eine Rede an denKônig
Philipp den V. im Namen gedachter
Akademie, ùber eine Anmerkung die
dieser Monarch gemacht batte. Beyde
Reden sind in Octav gedruckt, und
befmden sich in dem ersten und
1. Voilà ce que Lessing fait de l'expression française, qui ne désignait déjà que
vaguement la qualité de Montiano : oficial mayor de la Secrelarîa de Estado, c'est-à-
dire : chef de bureau au ministère des affaires étrangères.
2. Cette fois, la « liberté » de Lessing dégénère en licence. 11 transforme Montiano,
en dépit de D'Hermilly et de la clarté de la phrase française et grâce au plus
effroyable des contresens, en Directeur de l'Académie Espagnole de la Langue et cela,
selon lui. Vannée où celle ci fut reconnue et protégée par le Roi, soit en 1788. Est-il besoin
de redire que l'Académie de la Langue existait officiellement depuis 171/4 et que le
Diccionario de Autoridades, ce monument impérissable de son existence, avait été
publié de 1726 à 1739.^
3. Nouveau contresens. Lessing dissocie les concepts. Montiano était, en réalité,
comme il le déclare sur le titre du Discurso, « secretario de la Càniara de Gracia y Jus-
ticia y Estado de Castilla ».
4. Lessing n'omet, on le voit, aucune occasion d'améliorer le castillan de D'Her-
milly, et M. L. Crouslé eut infiniment raison de qualifier de « très consciencieuse»
relie analyse de la Virginia (op. cit., p. 3i8, note i).
lOO CO>TRlBUTIO.NS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
de cette Académie, et le second, dans
le tome II. des mêmes Fastes.
On a encore de lui wne Harangue
de l'Académie Espagnole au Roi à
l'occasion du Mariage de l'Infante
Dona Marie- Antoinette Ferdinando
avec le Duc de Savoye, in-i" grand
papier, à Madrid en 1700...; et l'Eloge
Historique du Docteur Don Biaise
Antoine Nassarre y Ferriz, fait en
1751 par ordre de l'Académie Espa-
gnole, à Madrid in-8°
zAveyten Theile der Schriften dieser
Akademie.
Ferner hat man von ihm eine Rede
im Namen der Spanischen Akademie
an den Kiinig, bey Gelegcnheit der
Vermahlung der Infantin Donna
Maria -Antoinetta Fordinanda ' mit
dem Herzoge von Savoyen, in Quart,
und eine Lobschrift auf den Doctor
Don Blasio Antonio Nassarra y Ferriz ^ ,
die er auf Verlangen der Spanischen
Akademie maclite, und 1701. zu
Madrid in Octav drucken liess.
la Dissertation sur les Tragédies
Espagnoles, avec la Tragédie de Vir-
ginie, in-8°, aussi grand papier, et à
Madrid en la même année 1750
Vers la fin de l'année 1753, il a mis
au jour à Madrid une autre Disser-
tation sur les Tragédies Espagnoles, et
une Tragédie intitulée Athaulphe
(AthaulphoJ.
Doch das vornehmste von seinen
Werken sind unstreitig zwey Tra-
gôdicn, deren eine 17.30. und die
andre gegendasEndedes Jahres 1753.
gedruckt ward 3. Die eine fûhret den
Titel Virginia und die andre Athaul-
pho. Beyden ist eine Abhandlung
von den spanischen Tragôdien vor-
gesetzt, in Avelchen 4 er besonders
gegen den Herrn du Perron de Cas-
tera beweiset, dass es seiner Nation
ganz und gar nicht an regelmâssigen
Trauerspielen fehle. Wir werden ein
1. Lessing remanie le castillan a\ec inlrépiililé. M s'agit de Dofia Maria Anlonia
Fernanda, mariée eu 1750 à Victor-Amédée de Sardaigrie.
2. Nouvelle u emendatio in pejus». Cependant l'auteur de la fameuse dùertaciôn
préfixée à la réédition des Coincdias de Cervantes n'était pas, à cette date, un inconnu
pour l'Allemagne. En 1702, le 3i°* Stiiclc des Tiibinger gel. Berichle avait reproduit,
d'après une gazette française, l'analyse de VElogio Idstôiico de D. Bios Antonio Nasarre
y Ferra:, Acadérnico de In Real Academia Espanola, Bibliul. Mayor de S. M,, etc., par
Montiano (in-8 de ia pp), et cette même analyse était à son tour réimprimée, le
ig août 1702, au Beytrag des Erlangisclœ Gelehrte Anmcrkungen (XXXIV. Woche),
p. 54o-54i.
3. Lessing entend ici suivre « librement » D'ttermilly, puisque ce dernier ne dit
pas du tout que les deux tragédies de Montiano fussent « le meilleur» de son œuvre,
mais que « la lecture de ses ouvrages sulïira pour faire juger qu'il réunit en lui toutes
les qualités qui constituent le vrai Sçavanl ». {Préface, p. xxiv.)
4. Si cet in welchen n'est pas une faute d'impression, il semble que Lessing croie
que ce n'est point dans la seule Dissertation mise en tète de la Virginia, mais dans la
seconde aussi que Montiano prend à partie Duperrou de Castera. Dès qu'il ne
traduit plus servilement, son ignorance totale de la question l'entraîne à de semblables
erreurs. Nous avons vu qu'en 1701 il ne parlait que de 1' a auteur du Théâtre Espagnol))
parce que le Journal des Sçavans n'en disait pas davantage. Cette fois il a trouvé dans
D'Hermilly le nom de cet auteur. Traduisant le passage où il est dit que « Dans le
Théâtre Espagnol imprimé à Paris, en l'année 1788, on assure avec plus de légèreté
qu'il ne convient au but judicieux de l'ouvrage, qu'il n'y a point de Tragédies en
langue castillane, ctc.it, D'Hermilly déclarait [note (a)\ que «Cet ouvrage est de
M. du Perron de Castera, etc. ».
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPAISISME DE LESSI>'G TOI
andermahl dieseï" Abhandlung ' mil
mehrern gedenken, oder sie vielmehr
gaiiz lîîittheilen ; vorjetzo aber woUon
wir uns an das erste der gedachtcn
Trauerspiele machen, und dem Léser
das Urtheil ûberlassen, was fùreinen
Rang unter den tragischen Dichtern
er dem Verfasser einrâ'mien will.
Il serait superflu, après ce spécimen de «libre» et «originale»
traduction lessinguienne, de nous attarder à coUationner l'extrait alle-
mand de la Virginia (M. VI, 73-120) avec le texte de D'IIermilly
(t. II, p. i-i35). Il n'est que juste de noter que Lessing modifiera, en
1767, à la fin du 68"" chapitre de la Z)/'rtma/Hr</fe, l'appréciation portée
en 1754 surMontiano. Mais si, à l'époque de la Theatralische Bibliothek,
il n'était que l'écho, quelquefois infidèle, de D'Hermilly, il ne sera, treize
ans plus tard, que le médiocre porte-parcle de Dieze. Quand il tentera,
en une phrase d'une ambiguïté remarquable, de modifier a son juge-
ment », quand il écrira: u Ich bekenne sehr gern, dass ich bey Aveitem
so vortheilhaft nicht mehr davon denke, als ich wohl ehedem muss
gedacht haben'', » il ne fera que refléter les vues d'un savant qui, lui,
avait minutieusement étudié les poètes tragiques espagnols et dont le
passage sur Montiano, tel qu'il l'a consigné, un an plus tard — la
préface de sa traduction des On'genes de la poesia caslellana de Velâz-
quez est datée 26 septembre 1768 — dans une œuvre d'extraordinaire
mérite, n'est sans doute que la transcription des remontrances amicales
adressées à Lessing :
« Was seine beyden Trauerspiele anbetrifft, so haben sie wohl unstreitig
das Verdienst, die regelmassigstcn zuscyn,die die Spanier haben. Aber weder
die gcnaue Bcobachtung der Regeln, die Aristoteles und seine Aachfolger
voi'geschriebcn haben, noch die sehr sclione Versification, haben dièse Stûcko
1. De laquelle des deux? Lessing eût été fort embarrassé s'il lui eût fallu tenir sa
promesse, du moins quant à la seconde dissertation de Montiano, qui ne fut pas
traduite en notre langue et qui contient de fort justes critiques sur le débit des acteurs
espagnols. Le Discurso | sobre las tragedias \ espanolas. \ De don Augustin | de Montiano
y Luyando, \ De el Consejo de S. M. su Secretario | de la Camara de Gracia, y Justicia, y
Estado de \ Castilla, Direclor perpétua por S. M. de la Real | Academia de la Historia,
y Academico de la | Heal Academia Espanola. \ En Madrid, en la Imprenta del Mercurio,
por Joseph de Onja, | calle de las Injanlas, Ano de 1750 \Bibl. Nat. Yg 2Ci'J] avait été,
l'année 1753, complété par un Discurso II. | sobre las tragedias | espanolas. De Don
Augustin | de Montiano y Luyando, etc., où le Discurso à lui seul, sans VAlaulpho, compte
iiiSpp. [Bibl, nat. Yg 2651]. Je signalerai, comme une curiosité que personne n'a
encore citée à ma connaissance : l'Examen | el mas critico, etc., etc., contra \ el discurso
sobre las tragedias Espa- | notas y la Virginia, etc., por D. Domingo de Guevara, Abogado
de los Beales Consejos {Madrid, 1789, 62 pp. in-iG, Bibl. A'at. Yg 2650).
2. Il avoue au même endroit n'avoir jamais lu VAtaulpho cl ig-norer complètement
<t die neueren Dichter » d'Espagne (M. \, -h).
102 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
so intéressant machen kônnen, als viele sind, in denen die Regeln nich so
ângstlich beobachtet worden. Sie sind ganz nach franzosiscliem Schnitte, und
fehlt ihnen selbst im Styl das Eigenthûmliclie und Nationale der Spanier.
Sie haben auch die Originalstûcke bey ihnen noch nicht ganz Aerdrângen
kônnen, daher auch noch niclit viele Nachahmer dièses Geschmacks aufge-
standen sind ' . »
On aurait pu , semble-t-il, attendre du plus récent historien de la littéra-
ture espagnole, M. J. Fitzmaurice-Kelly — dont M. Menéndezy Pelayo
a vanté la familiarité avec u toutes les littératures modernes 2 » et qui
ne néglige, en effet, aucune occasion de se livrer, daiïs son manuel, à
des rapprochements littéraires d'ordre international — se serait abstenu
d'enrichir la dernière édition — qui est la version française — de son
œuvre d'une réflexion que n'avait pas l'édition espagnole et qui
démontre la légèreté avec laquelle procèdent si souvent ceux-là même
qui censurent avec a gentlemanship » des fautes moins graves peut-être
chez l'homme de lettres que chez le critique professionnel. P. 35o de
l'édition anglaise, p. 472 de l'édition espagnole, p. 365 de l'édition
française de .1 hist. of sp. Lit., M. Fitzmaurice-Relly mentionne, à la
suite de ïicknor, les louanges prodiguées par Lessing à Montiano
dans la Th. B. en ajoutant qu'elles u sont un avertissement permanent
pour quiconque ose juger une littérature étrangère». Ceci eût été
1. Ce jugement de Dieze est de tous points conforme à cehii de Leandro Fernândez
de Moratin (1760- 1828) : « En cllas confirmé su laborioso autor aquella sabida verdad,
de que pucden hallarse olîservados en un drania todos los préceptes, sin que por cso
deje de ser intolérable â vista del i)iiblico, y de t[ue para acercarse â la perfecciôn en
este género, no basta que el autor sea un hombre muy docto, silefaltael requisito de
ser un eminente poeta» (Discurso prelimiiiaraux Comcdias, B. A. E., 2, 3i0). EtTicknor,
à son tour : (( But the « Virginia » is no less cold than it is regular, and, like the waters
of the Alps, its very purity bctrays the frozen région from which it has descended. Its
versification, which consisls of unrhymed iambics, is as far as possible removed from
the warmth and freedom of tlie ballad style in the elder drama; its whole movement
is languitl ; and the catastrophe, from the fear of shocking the spectator by a show of
blood on the stage, turns eut, in fact, to be no catastrophe at ail.» {Hist. ofspan. Lit.
[i. Ed., 18/19J, III, 293.) — VAtaulpho, eniprunlô à la Crônica General, II, aa, mérite le
même verdict que la \ irginia. lia été fort longuement analysé et partiellement traduit
dans le Journal Étranger, alors rédigé par l'abbé Prévost, de juin 1705, 2" tome de
juin, p. 108- 17^, sans nom d'auteur. Cette analyse a été réimprimée, sous le titre
Ataiilphe, p. 221-2G1 des Opuscules poétiques et philologiques de M. Feutry (La Haye et
Paris, 1771). Je ne sache pas qu'on ait jamais noté que le P. Isla a écrit une apologie
des deux pièces de Montiano au prologue du tome II de son Ano Cristiano, traduction
de l'Année Chrétienne du P. Croiset, d'ailleurs augmentée de Mes écrites par Isla, et
dont le premier tome — le second est de l'année suivante — avait paru à Salamanque
en 1753, in-8. Cet ouvrage compte 11 volumes imprimés; le 12"°', achevé en ms.,
ne put paraître par suite de l'expulsion des Jésuites d'Espagne et se perdit.
2. Prôlogo cité de la trad. cast. de A llist., etc. p. xx. — Qui nous donnera, en
France, une véritable Histoire de la littérature espagnole, strictement scientifique, dans
laquelle l'auteur saura s'efl'acer derrière les œuvres et les écrivains, et ne sera plus
le littérateur faisant montre de son esprit, ou de la richesse de ses fiches, ou simple-
ment de sa familiarité avec tel Catalogue, y compris celui du British Muséum? Combien
en arrière de Ticknor sont, à ce point de vue, restés ses épigones non Espagnols, et
l'on finira par constater que Rios lui-même est, sur bien des points, à recommencer !
LA ^'ATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSING l53
parfait, si l'auteur eût ajouté : « sans être familiarisé avec elle par un
examen direct et consciencieux de ses écrivains. » Mais une telle
adjonction supposerait que M. Fitzmaurice-Keily a étudié les rapports
de Lessing avec Montiano, ou simplement lu le passage de la Th. B.
Or, il ne l'a pas fait, comme le démontre ce couplet, ajouté en 1904 à
l'édition française : « Par une coïncidence remarquable, l'enthousiasme
de Lessing se refroidit — on le voit dans la Dramaturgie— dès qu'il
connut les sympathies de Montiano pour l'école française. » M. Fitz-
maurice-Kelly s'est-il douté que, par celte phrase, il faisait à Lessing
l'injure d'admettre qu'il ne s'était pas même donné, en 1754, la peine
de lire le Discours de Alontiano précédant la Virginia et traduit par
D'Hermilly, Discours qui est le document le plus manifeste de l'ccafran-
cesamiento » du membre de l'Académie du u Buen Gusto » ' ?
Le Roi D. Sebastiao.
{M. VIII, ii7.)
Au Sa'"' des Briefe, die neueste Litteratur betreffend, III. Thl., à la
date du 28 août 1759, Lessing -s'occupe de la Portugiesische Ge-
schichte, etc., de G. Chr. Gebauer, professeur à Gôttingen, qui venait
de paraître cette même année à Leipzig. Ce qui l'a surtout frappé en
ce compact volume en deux parties, c'est l'histoire du quatrième — et
I. Dans l'cd. anglaise, M. Fitzmaiirice- Kelly (p. 35i) ne date pas la version de
Velâzquez par Dieze; dans la version esp. il la date 1767 {p. /173); dans latrad. française :
U'i9 (p. 360). 11 n'est que trop manifeste qu'il ignore Dieze et cela seul eût sufïï pour
que son jugement sur Lessing fût unilatéral. Quand il définit Dieze l'w enthousiaste
traducteur » de Velâzquez, il conlirme en nous l'opinion qu'il parle à l'aveuglette : il
lui eût, en efTet, suffi de lire ce que Dieze dit de Lope à la note C, p. SgB-Sgg de son
ouvrage pour être fixé sur le sens de cet enthousiasme. Du moins, écrit-il correctement
le nom de l'auteur de la Gesch. der span. Dichtkunst, qui était devenu, dans Ticknor-
Magnabal, 111, 3o3, note 1 : Dièse. J'ai emprunté l'épithète « gentlemanship >),
appliquée à la manière de M. F.-K., à un de ses apologistes, M. P. Groussac,
liev. liisp., XV (iQoG), p. 21 3. — Avant d'en finir avec la Virginia, notons que
Montiano -D'Hermilly signalait à Lessing des prédécesseurs dramatiques : Juan de
la Cueva, dont la Muerte de Virginia y Apio Claudio était déclarée contenir «quelques
endroits admirables» (I, 27), Gampistron, dont la Virginie était rapidement analysée,
et, comme ayant été les inspirateurs de ce dernier, Mairet et Michel Le Glerc. Les
modifications du thème Virginia-Emilia Galotti en Lessing ont été étudiées avec peu
de sens critique par L. Volkmann : Zu den Qaellen der Eniilia Galotti (dans FestschriJ't
zur ôOjùhr. Gedenkfcier des Diiss. Realgymn. (Dûss. i88(')), p. 233-209.) L'auteur déclare,
p. 237, note 3, n'avoir pu se procurer D'Hermilly et être dans l'impossibilité de lire
Montiano dans le texte pour ignorer le castillan, ce qui ne l'erapéche pas d'afilrmer
que « dans les deux caractères principaux, Lessing a suivi la route indiquée par
Montiano» (p. 2d5). Un an après, G. Rœthe démontrait que le prétendu fragment
d'une Virginia par Lessing n'était qu'une traduction de la pièce anglaise de même
nom de Samuel Crisp, et qualifiait, sans la connaître, la Mrginia de Montiano
d'« infect bousillage espagnol », (p. 5i6.) Cf. Viertetjahrschr. fiir Litgscht., Il (1S89) :
Zu Lessings dramalisclien Fragnienten.
l54 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE C. E. LESSING
dernier — des « faux Sébastiens ». Ici encore, il entreprend de compléter
son auteur, ce qui permettra d'examiner s'il a de la péninsule ibérique
— car la merveilleuse histoire du roi Sébastien est en connexion directe
avec l'histoire, même littéraire, d'Espagne i — à une époque extrême-
ment remarquable de son passé des renseignements sûrs et personnels.
11 résume d'abord, suivant pas à pas le solide exposé de Gebauer
(op. cit. I. Theil, p. 198-213), la tragique destinée du monarque
portugais, puis cite un passage du professeur de Gôttingen touchant
la personne de l'énigmatique personnage que fut le dernier et le plus
intéressant des «faux Sébastiens ». S'en tenant toujours à son garant
(op. cil. II. Theil, p. 19-22), il pose, à sa suite, le dilemme dont la
solution — si toutefois elle fut jamais admissible — devait résoudre cet
angoissant problème, puis juge, en cette phrase, les incidents histo-
riques qu'il a suscités :
« Die Màhrchen ûbrigens, welche nach dem Ferreras und Thuanus, die
Vermuthung, als ob der Kônig aus der Schlacht entkommen sey, falsch-
lich veranlasst baben sollen, sind ohne aile Warscheinlichkeit. »
Ceci a tout l'air d'impliquer un verdict indépendant, basé sur
l'étude delà question en litige. En se reportant à Gebauer, on constate,
cependant, qu'il n'en est rien. Gebauer discute lui-même (II, 27)
Ferreras, qu'il ne connaît que dans la traduction française de D'Her-
milly : Histoire Générale d'Espagne, t. X (1751), p. 8262, et De Thou
(11, 3o): Historiaram siii temporis Libri CXXXVIII (lib. LXV, P. III,
353). Excellant dans la méthode, toujours ancienne, toujours nou-
velle, de ces critiques qui, avec l'aide exclusive des livres qu'ils sont
censés recenser, confèrent à leurs comptes rendus un faux air de
science individuelle, Lessing puise toute sa compétence dans Gebauer.
Ce professeur de droit, extrêmement laborieux et minutieux, n'avait
pas — et c'est là le vice capital de son livre — suffisamment exploité
les sources originales de l'histoire du Portugal, pour la bonne raison
qu'outre qu'il ne lisait pas couramment l'espagnol et le portugais, il
ignorait l'existence de quantité d'ouvrages fondamentaux en ces
langues et dont la connaissance était indispensable pour bien traiter
sa matière. Lessing trouvait donc ici une occasion nouvelle de mettre
en évidence sa science hispanique en signalant au moins l'une ou
1. Rappelons, à ce propos, qu'une savoureuse description du site de la bataille
d'Alcazarquivir (Kassr el = Kebîr) se trouve dans un livre publié originairement en
18C8 et qui vient do paraître remanié à Madrid (190G) : Recuerdos marroquies del moro
vizcaino... el Hach Mohamed el Bagdady (1827-1870), dont l'auteur est J. M. de Murga.
2. La version du censeur royal français et membre de l'Académie de Madrid fut
mise en allemand de 175^ à 1772 (Halle) : les 6 premiers volumes par J. F. Schrôter,
les vol. 7 à 10 par Baumgarten et Semler, les vol. 11 à i3 par Bertram. Cf. Baum-
garten : Nachr. von merkw. Buchern, t. I, p. \Z\, e\. Zui-erlussige IS'achr. der Wissen-
schaften, 176. Thl., p. 553.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPAWISME DE LESSTNG l55
l'autre dos lacunes de l'auteur. Sans prétendre donner une liste
autre que fort incomplète, et me bornant à quelques titres essentiels,
il avait le choix entre les sources suivantes, inconnues de Gebauer :
loào de Castro : Disciirso da Vida do sempre hem vindo, e apparecido Rey
[). Sebastiào nosso Senhor o Encuberto. etc. (Paris, Martin Verac, 1G02, in-8);
Antonio de San Roman : Jornada y muerle del Rey D. Sébastian de Portugal
(Valladolid. Ini'gucz, iGo3, in-4) ; [Diogo Botelho et Cypr. de Figueiredo(?)] :
Resposta que os irez Estados do Reyno de Portugal, a. s. Nobreza, Clerezia e
Povo, mandaram a D. Joam de Castro sobre hum Discurso, etc. (Paris, i6o3);
Jeronimo de Mendonça : Jornada de Africa : em a quai se responde a Hieronymo
Franqui. e a outros, e se trata do successo da batalha, e catiueiro. etc. (Lisboa,
Craesbeeck, 1607); Juan Bautista de Morales: Jornada de Africa del Rey
D. Sébastian de Portugal (Sevilla,Ramos, 1622,10-8); Mig.Leitam de Andrade:
Miscellanea, etc. [Perda del Rey D. Sebastiào, etc.] (Lisboa, Pinheiro, 1629,
in-4); Sébastian de Mesa : Jornada del Rey D. Sébastian à Africa, etc. (Barce-
lona, iG3o, in-4); Luis Terres de Lima: Compendio das mais notaveis cousas
que no Reyno de Portugal aconteceram desde a perda del Rey D. Sebastiào até
0 anno de 1627, etc. (Lisboa, Craesbeeck, i(33o, in-8, et Silva, 1722, in-8; Coim-
bra, Diaz, iG54, in-8); J. de Baena Parada : Epitome de la Vida y hechos de
D. Sébastian, dezimo sexto rey de Portugal, y jornada que hizo a las conquistas
de Africay su muerte desgraciada (Madrid, 1692, pet. in-4) ; Menezes : Chronica
do principe Dom S. (Lisboa, 1730); Manuel dos Sanctos : Hist. Sebastica, etc.
(contient la narration de Jeron. de Almeida sur les obsèques de D. Sebastiào
en 1582) (Lisboa, 1735, in-foL); Diogo Barbosa Machado : Memorias para a
Historia de Portugal, etc. (Lisboa, Sylva, 1736-1751, 4 vol. in-A), t. lV,p.32i
seq. ; José Pereira Bayâo: Portugal cuidadoso,e lastimado corn a vida, e perda
do Senhor D. Sebastiào. etc. (Lisboa, Sylva, 1737, in-foL).
Mais non seulement Lessing ne connaît pas un seul de ces ouvrages :
il ne songe pas, tant son ignorance de la question est totale, à
reprocher à Gebauer d'avoir fait un usage excessif de ce J. de Silva,
comte de Portalegre, qui accompagna le roi Sébastien en Afrique et
que l'on désigne communément par la périphrase de pseudo Cones-
taggio. 11 ignore même qu'avant la traduction latine de Francfort,
1G02, qu'utilise Gebauer (De Portugalliae conjunctione cum Reyno
Castellae hisloria, in-8), une vieille traduction allemande, par Albert
Fiirsten, avait paru en 1689 à Munich chez H. Berg :
Historien der KOnigreich, Hispanien, Portugal, und Aphrica, darauss zu
sehen, in luelcher Zeit, sonderlich Portugal, seinen Aiifang genommen.Auch von
dem iibel angeordneten Kriegszug Konig Sebastians in Africa... Wie Don
Antonio sichjïir ein Konig ausgerujfen lassen.
Il préfère se perdre dans deux interminables digressions, docu-
mentées uniquement dans Gebauer (op. cit., l, 121-136)", 011 il s'elforce,
I. Avec ce détail, cependant, que Lessing qui reproduit, sur la foi de Gebauer
(op. cit. I, lali, note), la prétendue allégation du milanais Girolamo Benzoni sur la
découverte du détroit de Magellan par Beheim OI. VIII, i5i, note i), ne s'est pas
l56 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE DE l/lIlSPANISME DE G. E. LESSINU
après ravoir plagié, de lui offrir, comme fiche de consolation, la
démonstration d'une impartialité qui consistait à n'avoir pas soutenu,
— à la suite de savants de son pays, — la puérile thèse que c'était à
Martin Beheim, de Nuremberg, que Colomb était redevable de sa
découverte, ainsi que d'un esprit critique qui se serait révélé jusque
dans la recherche de l'origine d'un bon mot (cf. Gebauer, II, p. igS,
note). Cet exploit parachevé, Lessing en vient à discuter, toujours sur
la foi de son auteur, la légitimité des prétentions de D. Antonio, prieur
de Crato, au trône de Portugal. Il se sent, ici, à même de combler une
lacune de Gebauer. 11 ne lui reprochera pas, tranquillisons -nous, de
ne pas avoir soupçonné l'existence de l'ouvrage capital d'Antonio de
Ilerrera y Tordesillas : Cinco libros de la historia de Portugal y con-
quistas de las islas de los Azores en los aflos de 1582 y 1583 (Madrid,
iSgi, in-4). Il lui opposera — car sa science ne va pas plus loin que la
France, cette fois encore — le livre « einer schreibsûchtigen Fran-
zôsin », — dont il a trouvé quelque part le recueil de rimes amoureuses
et galantes, dans le goût des pseudo-bergeries alors à la mode», —
livre dont elle déclarait avoir tiré
<( la plus grande partie... d'un manuscrit que l'on trouva dans le cabinet
de mon grand I^ere après sa mort. 11 ctoit Portugais et frère de Scipion de
Vasconcellos ; ils avoient eu tous deux trop de part aux malheurs de Dom
Antoine, et à la confidence des Princes ses fils pour n'être pas pleinement
instruits, etc. » (Avertissement),
et qui, même en admettant, ce qui n'est pas prouvé, que
M""' de Sainctonge ait été de bonne foi, ne laisse pas de rester
hautement suspect du point de vue de l'impartialité et même de
l'authenticité de son information intrinsèque. 11 n'empêche. L'Histoire
I Secrète | de | Dom Antoine | Roy \ de Portugal | Tirée des Mémoires
de Dom | Gomes Vasconcellos de \ Figueredo (Paris, Guignard, iGc)6,
rendu compte que la traduction laliiio, par Ghauveloii, de VJstoria del inondo nuovo
(Vinegia, ioG5) renfermait des notes du traducteur et que c'est justement d'une note
de Chauveton, et non d'un passage de Bcnzoni, qu'il s'agit. — C'est encore Gebauer
que Lessing coi^ie, lorsque, simulant de parler en son nom propre, il dit des Dix de
Venise : « Sie kennen diesen strcngen peinllchen Gerichtshof, dièses ersclireckliclie Fclim-
gerichte, desscii ersle Regel es ist : correre alla pena. prima di esaminar la colpa » (M.
VMll, coaj. Cf. Gebauer, H, p. 3i, note t : « ]]'er diesen strengen peinlichen Gerichtsitof
nicht Itennet... Dieser Hichter ersle Regel ist: correre alla pena, prima di esaminar la
colpa. )) P. 3i dans Gebauer, il y a également l'expression : « dièses erschreckliclie Felim-
gerichte. »
I. Poésies I Diverses \ de Madame | de .Sainctonge, Dijon, 171/i, 2' Ed., 2 vol. in-iï.
Cette dame Gillot de Sainctonge, fille de M"' de Gomez, est l'auteur, entre autres
œuvres, d'une mauvaise adaptation de la Diana de Montemôr (Paris, iGgG, in-12, puis
i(>99 et 1735) « mise en nouveau langage». Les Poésies, dont Lessing ne connaît que
l'édition précitée, avaient été publiées pour la première fois en iCyO, in-12. Son
Histoire Secrète fut réimprimée en Hollande la même année 1C96. On sait pas
grand'cliose sur sa vie, sinon qu'elle na<iuit en i65o et mourut en 17 18.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPAMSME DE LESSING \5'J
in-i6 de 255 pp.). quoique œuvre d'un « bas bleu de France », suffit
à rérudition hispanique de Lessing, qui, visiblement heureux de
compléter Gebauer, lui consacre une complaisante analyse'.
1760-1765 (?) « Eraclio und Argila. »
(.1/. III.)
En rattachant à la période de Breslau ces brouillons de traductions
de deux comedias, nous ne prétendons nullement, comme il a été dit
dans la Première Partie, les dater avec certitude. Mais cette attribution
étant, en somme, tout aussi vraisemblable qu'une autre, et la thèse de
M. Muncker, répétons-le, manquant d'un solide appui documentaire,
il nous a semblé que nous pouvions choisir ce chiffre comme date
moyenne. M. Muncker se base, en effet, pour renvoyer à 1700 les pré-
tendus « fragments dramatiques », sur deux arguments. Le premier
est celui des archaïsmes orthographiques du manuscrit : darwider,
darmit, darzii, alleine, etc., qui, dit-il, à partir de 1703 disparaissent
de plus en plus des manuscrits de Lessing. M. Muncker est trop
familier avec la partie de l'œuvre de Lessing qui nous reste en manus-
crit pour ne pas concéder que cette objection tirée des graphies
archaïsantes n'est pas d'une solidité extrême et ne rend pas maté-
riellement insoutenable le renvoi à la période de Breslau des deux
brouillons qu'il prend pour des « fragments dramatiques ». Car il suffit
que ces graphies, tout en disparaissant sensiblement, subsistent — et
elles subsistent — dans les manuscrits de Lessing à l'époque en
I. Lessing écrira, dans cette critique de l'ouvrage de Gebauer, aussi inno-
cemment Don Antonio en parlant d'un Portugais, que Don Ludewig, Don EmanueL
Il en est encore à la période du Don Monliano. Ses graphies dénotent assez qu'il se
documente médiatement : Maley Molucco \Abd-el-Melik, dit El Moliico], Sebaslianus
Resendhis [Sebastiâo de Resende], Arzilla [Arzila ou Azila, l'ancienne Colonia Julia Cons-
lancia ZiLes], l'Arache [Larache], Alcassarquivir [Alcazarquivir] — On pourrait se
demander ici si Lessing a jamais essayé de lire le portugais. A en croire les témoi-
gnages ci dessous, il l'aurait compris avec facilité. Lors de son passage à Hambourg,
dont il a noté quelques incidents, sous la date 1768, comme on s'en souviendra, aux
Collectanea, il déclare, à la suite de conversations sur ce thème chez Rahmeyer, que,
(.)/., XV, 258) «die Aussprache des Portugiesischen liât nicht viel Schwierigkeiten ;
was vornehmlich dabey zu merken, ist das ûo, welches ausgesprochen «ird als
ony. » Un tel jugement nous dispense d'insister sur la profondeur des connaissances
linguistiques portugaises de Lessing. Il n'en écrira pas moins, au même endroit, à
propos du « petit traité des Comètes » rédigé en portugais par un « certain Heinrich
Ailiers », dont il sera question plus bas, qu' (( après te rapide examen» qu'il a pu en
faire, l'auteur devait être « un homme de bonnes connaissances astronon^iques ». En outre,
il dira d'un autre traité écrit en portugais contre le christianisme par un juif, qu'il
« ne lui sembla pas mauvais ». (M. XV, ■Và'j.) 11 affirmera, enfln, avoir lu « im Originale »
le sauf-conduit octroyé en Portugal aux marchands allemands. Sa science de la litté-
rature portugaise ne lui permettra pas, toutefois, de transcrire exactement le nom
du célèbre prédicateur Vieira, dont il fait, conjme on le verra, un Vereida.
108 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSÏNG
queslion, cl que, d'autre part, elles ne se présentent qu'en nombre fort
restreint — et tel est bien le cas — dans nos deux « fragments » pour
que nous soyons en droit de passer outre et d'examiner son second
argument. Cet argument est celui que pouvait apporter un Lessing-
forscher aussi persuadé que l'est M. Muncker de l'authenticité de
l'hispanisme de Lessing. Il apparaît à nos yeux comme engendré par
l'hypnose lessingophile. M. Muncker, frappé du fait que les vocables
espagnols transcrits avec leur traduction allemande en marge du
manuscrit de 1' « Eraclio » représentent des termes écolièrement élé-
mentaires pour la plupart, en déduit (t. 111, Vorrede, ix-x) que
Lessing n'a pu s'astreindre à une telle notation qu'à la date où il était
encore complètement novice en castillan. Nous croyons avoir suffi-
samment démontré dans la Prem. Partie que l'éditeur de « Maranôn»
était resté toute sa vie un « novice » en la matière et ne pouvons
concéder au deuxième chef de preuve de l'éditeur de Lessing qu'une
force de conviction égale au premier, c'est-à-dire chancelante.
Il a déjà été noté que Boxberger, premier éditeur des deux mysté-
rieux brouillons, les avait assez inexactement baptisés : u Eraclio und
Argila » et « Fenix ». C'est à la p. 683 du volume mentionné plus haut >
qu'il a imprimé « Eraclio und Argila »> avec cette mention éditoriale :
« Wir geben das l'olgende Bruchstûck, und z^^ar zum ersten Maie,
gleichfalls ans den Bresiauer Papieren. Die beigeschriebenen spanischen
Worte und die in dem Fragment vorkommenden Oertlichkeiten lassen
vermuten, dass es eine Uebersetzung aus dem Spanischen isl^; docli isl es
uns nicht gelungen, das Original aufzufinden. Das Ganze steht auf eincm
Folioblatt, der Anfang fehlt. »
Jusqu'à la date oii est imprimée cette élude, nul Lessingforscher
germanique ne s'est soucié, non seulement d'utiliser, mais de prendre
note de la trouvaille réalisée dès novembre 1890 — et imprimée
à cette époque — par Paul Albrecht, lequel avait nettement identifié les
comedias espagnoles dont nos deux u fragments dramatiques » ne sont
que de mauvaises et partielles versions. L'infatigable ennemi de
Lessing, a, en effet, à la page 18-19 ^^ son Prospect, — qui fut mis
dans le commerce'^, — publié de courts extraits des deux comedias
et placé en regard la traduction correspondante de Lessing. Il semble
1. Vierundzwanzig :uin The'd noch ungedruckte drau atische Entwiirfe und Plane
G. E. Lessings (Berlin, Hempel, 1870). C'est un tirage à part provenant de l'édition
chez Hempel des Œuvres de L. en uS vol. (Berlin, 1868-1877).
2. M. Mnncker ne fera que reproduire cette insinuation de Boxberger quand
il écrira (III, Vorrede): «Das Bruchsli'ick Fraclio, vielleicht nur eine Uebersetzung aus
dem Spanisclien.... »
^. Les Lcssings = Plagiate — dont le Prospect s'intitule: Less. = Plag. I. Bd. I.Hfl.
Rrste Hdlfte [Bogen iO-1U], Prospect, Lpzg. 1890 — devaient identifier en 10 vol. la
totalité des plagiats disséminés dans l'œuvre de Lessing. Interrompus prématurément
en 1891 par le suicide de l'auteur, un Hambourgeois qui était docteur en médecine
LA NATL'RE ET LES SOURCES DE l'iIISPA.MSME DE LESSING 1 69
étrange que M. Erich Schmidt, qui, outre plusieurs modifications
tacites dues à Albrecht dans la 11"" éd. de son Lessingi, a déjà à deux
reprises amplement exploité les découvertes du chaotique labeur de
cet infortuné « Konigl. Preussischer Professer », en 1897 ^^ ^^ iQoi^;
qui annonçait, dès 1897, qu'il ne tenait pas d pour besogne oiseuse de
passer en revue, après la fin tragique d'Albrecht, ses immenses collec-
tions manuscrites» {art. cit. des Sitziingsberichle, p. 469); qui, au
n" 00 de la Deutsche Litleraturzeitiing, en 1890, mentionnait expres-
sément le Prospect, mention répétée dans les Jahresherichte filr ncuere
deutsclie Litteraturgcsc/nchte (11, 1891, IV 7: 27), où il déclare son
intention « d'exploiter Albrecht, pour les drames, de manière plus
détaillée», n'ait pas cru devoir, sinon dans une note à la seconde
édition de son Lessing, du moins dans l'une des Revues spéciales
dédiées à la recherche littéraire allemande, signaler — ne fût-ce que
pour éclairer la religion de M. Muncker, et puisque la trouvaille
d'Albrecht n'avait pas été honorée de l'attention de ces Lessing/orscher
par ailleurs, et Y Appendice en fait foi, si ingénieux en matière d'attri-
butions hispaniques — la source, et, par suite, la nature des pré-
tendus « fragments dramatiques ». Cette besogne eût été pour le
professeur de littérature allemande de l'Université de Berlin au moins
aussi aisée à mener à bonne fin que la construction de certains de ses
discours — tel, pour^nous borner au dernier en date, celui sur Fichte,
prononcé le 27 janvier 1908 dans VAiila de ladite Université à l'occa-
sion de l'anniversaire de la naissance de Guillaume II et où des
périodes comme celle-ci exigent des efforts cérébraux peu communs :
« Dièse Schicht alsu, hier diircli das Wort, ii'eitldn durdi den Druck. oiine
jedes modisclie interludlungsgescliwiil:, dus die zwôlfte Rede zornig verpu>d,
liber eine Reformation des deidschen Vollies, Iceineswegs nur oder zunachst gar
nichi elwa bloss der Franzosen iialber ganz unerwiihnlen Preussen, :u belehren
and sie bei der nationalen Ehre durcli Ruckbliclc, Umblick und Ausblick zu
packen, ist die AbsicfU... » {Cf. Fkft. Ztg. 1908, n" 43, Abendbl.)
— d'autant plus que parmi les manuscrits d'Albrecht en sa possession
se trouve le cahier où celui-ci a transcrit, avec indication du titre
et philologue, — il a même, en 1887, publié à llmbg-, des GedichLe — ils comptent
2494 p. in-8 couipreiiant 1277 « n°' de plagiat», et coûtaient, chez l'auteur (qui était
en même temps l'éditeur de ses Œuvres et se ruina à cette affolante entreprise)
aS M. 60 pf. La question des études hispaniques de Lessing ne pouvait, vu la partie
de ses Œuvres traitée par Albrecht dans ce qui a paru des Plagiate, être discutée.
1. Publiée, rappelons-le, en 1899. L'une de ces corrections en apparence les plus
futiles (11, II) que M. E. Schmidt doit à P. Albrecht, est celle de cette absurde graphie
Dosolo au lieu de Dosalo — résidence du prince de Guastalla — qu'employaient tous
les biographes ou commentateurs de Lessing et que rectiflait ironiquement All)recht
dans le Prospect, p. 18, note au n» 21.
2. Die Quellen der aComischen Ein/àlle und Zuge>y Lessings (dau> Silcungsber. der
kôn.pr. Ak. der Wiss. zu B., XXI [1897], 4O2-/179, 044-45); Quellen und Parallelen eu
Lessing (dans Euphorion, VIII [t90I], p. (3io-G25).
l6o CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hiSPANISME DE G. E. LESSING
et des auteurs des Comedias, le texte espagnol intégral traduit par
Lessing. De la sorte, M. Muncker n'eût pas commis, sur la remarque
que le titre Eraclio iind Argila n'était pas adéquat, la malencontreuse
transformation de ce dernier en Eraclio tout court, puisque Eraclio
n'est, dans la comedia espagnole, qu'un personnage tout à fait secon-
daire, et il n'eût pas, surtout, déparé son édition par de regrettables
bévues que la publication du Prospect rend, au surplus, d'autant
plus étranges.
La première des deux pièces espagnoles traduites par Lessing s'inti-
tule : ISo hay cosa huena por fuerza et l'auteur en est inconnu. Elle
est rare, en ce sens qu'elle n'existe qu'à l'état de suelta et n'est
conservée qu'en très peu de bibliothèques'. Elle n'a été analysée,
jusqu'à présent, par aucun critique en aucune langue. Ce motif
n'aurait pas suffi, d'ailleurs, à justifier l'exposé qui va en être donné,
s'il ne nous avait paru opportun de montrer, de la sorte, quel aspect
véritablement pittoresque du théâtre espagnol elle révélait à Lessing,
et, puisqu'on ne trouve pas dans ses Œuvres la moindre allusion
à cette production étrange, d'insister sur une conclusion qui s'impose,
à savoir que seule l'ignorance du castillan l'a empêché de tirer un
autre parti d'elle que celui qui consistait à bousiller quelques lignes
d'une traduction inexacte.
No hay cosa buena por fuerza est une comedia de riiido en trois
«journées ». A \a primera jornada, nous sommes à «Canturiai), capi-
tale du royaume d'c( Anglia ». Eraclio, vieillard, a un fils, Claudino,
et une fille, Argila. Le premier est amoureux de Sofronisa, sœur de
Trebacio, amoureux lui-même d'Argila. Mais le père a décidé de
vouer ses deux enfants à l'état ecclésiastique. En l'absence de Tre-
bacio, parti à « Baltridente » avec son valet Garrôn pour y régler une
affaire de testament, EracHo conduit donc Argila dans un couvent et
fait ordonner Claudino, non sans avoir eu au préalable avec eux
une explication orageuse. Cependant ïrebacio, de retour, apprend
I. Elle est citée p. 55 de A Catalogue of spanish and portuguese books, etc. par
Vincent Salvâ (London, 1826) comme étant de un ingenio. Tieck la possédait dans sa
bibliothèque (Catalogue, etc., [Berlin, iSig], p. i25, n" ti2') sous forme d'une suelta de
Madrid, lySS. Elle est simplement désignée par son litre au t. I, p. 629, du Catâlogo
de la Biblioteca de Salvâ y Malien (Valencia, 1872), ainsi que par La Barrera, Catâlogo,
p. 508. M. A. Paz y INlélia ne la mentionne pas dans son Cat. de la piezas de teatro, etc.
(Madrid, 1899.) L'exemplaire dont je me suis servi est celui qui, à la StadtbibUothek de
Hambourg, est contenu au t. IV de la Sammlung spanischer Dramen en 8 volumes
à elle léguée par B. W. Rahmeyer et sur laquelle j'ai écrit une étude acceptée
en 1906 par la rédaction du Bulletin hispanique, mais non encore publiée à cette date.
C'est une suelta du xvm* siècle imprimée chez Antonio Sanz à Madrid et terminée
par VEntremés de la Manta, de Benavente. Ni Ticknor, ni Schack, ni Klein, ni Schaeffer
ne la mentionnent. Les amateurs d'hypothèses ingénieuses se demanderont peut-
être si, vu sa rareté, d'une part, et sa présence, de l'autre, dans la collection d'un
hispanophile que Lessing connaissait, il ne faudrait pas reculer jusqu'à la période
hambourgeoise la date de ce fragment. Voilà qui, il est vrai, dérangerait les suppu-
tations de M. Muncker et son argument des graphies archaïsantes.
J
LA ?*ATl]RE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSL\G l6l
par sa sœur la catastrophe. Il prend sans hésiter le parti de se rendre au
couAent, où, à travers le tour, il décide sans peine Argila à le suivre.
L'enlèvement est fixé à la nuit prochaine et le premier acte se clôt,
en effet, sur son heureuse réussite, tandis que Claudino, déguisé en
galant, réalise de son côté, à l'insu de sa sœur, le rapt de la trop
consentante Sofronisa.
Segunda Jornada. Pendant qu'Eraclio conte son désespoir à Hoselio,
Argila, ïrebacio et l'inévitable Garrôn ont atteint la plage. En
attendant que survienne le navire qui doit les transporter en France,
ils se mettent en quête d'eau potable, et, pour épargner à Argila la
fatigue de cette recherche par un ardent soleil, laissent celle-ci jusqu'à
leur retour sous les profondeurs ombreuses d'un bois. Ils ont,
malheureusement, compté sans les corsaires barbaresques, qui infestent
ces rivages. Le brigantin du Maure Roselàn, lequel est simplement un
renégat espagnol, atterrit soudain, et les écumeurs de mer, lancés en
chasse, s'emparent sans coup férir du maître et de son valet. Déjà
l'esquif, toutes voiles à la brise fraîchissante du crépuscule, a disparu
à l'horizon oii décline Phébus vespéral, quand Argila, éveillée d'un
long sommeil et marrie du relard de son amour, se sent arrachée
momentanément à ses pensers inquiets par l'arrivée inattendue de
deux voyageurs. Déguisés en pèlerins, les deux inconnus sont, on l'a
deviné, Claudino et Sofronisa. De concert avec Argila, les fugitifs
résolvent, espérant que le Ciel ne tardera pas à prendre en pitié leur
infortune, de passer la nuit dans une anfractuosité des rocs de la côte.
Mais à l'heure où se déroulaient ces événements tragiques, Eraclio,
que le malheur n'a pas frappé de façon moins cruelle, souffrait lui
aussi mille morts dans sa vieille demeure vide, et le voici, en effet,
qui apparaît pour déclamer un long monologue désespéré, qu'inter-
rompt cependant une étrange visite. L'ami qui l'aborde et dont les
allures ne décèlent pas le caractère véritable, c'est Satan en personne
qui, sous les traits de l'un des plus intimes camarades du vieillard,
réussira sans efforts à le persuader que le meilleur remède à son
déshonneur consiste à se pendre. Et nous voyons Eraclio se passer au
col la corde que lui tend le Malin, puis ce dernier abandonner la
scène chargé du cadavre. Un nouveau et non moins brusque chan-
gement à vue nous transporte à présent en Barbarie. Trebacio et
Garrôn fouissent mélancoliquement le sol du jardin de leur maître.
Celui-ci ne tarde pas à intervenir pour tenter un suprême effort et
obtenir de ses esclaves qu'ils renient leur foi. Roselân, cependant,
n'a pas achevé ses objurgations que déjà l'on aperçoit, au fond d'une
allée, trois nouveaux captifs qui arrivent, deux femmes et un homme,
conduits par Mami. Cette nouvelle prise fut aussi aisée que la pre-
mière. La barque de pêcheur qui voguait vers la France n'a pu
opposer la moindre résistance à l'assaut des pirates. Et c'est ainsi
l62 CONTKIULTIO.NS A l'ÉTUDE DE LIIISPAMSME DE G. E. LESSl.NG
que — merveilleuse et fatale conjoncture! — Argila et Trebacio, Sofro-
nisa et Claudino se retrouvent, sans pour autant se reconnaître, unis
dans une même misère, et que Garrôn maudit la funeste étoile qui le
condamne à supporter éternellement seul l'àpreté du servage.
Pourquoi faut-il que la concorde qui régnait dans l'àme des captifs
fasse place à une affreuse désunion? Argila et Claudino sont décidés
à renier leur foi, Trebacio et Sofronisa s'y refusent opiniâtrement.
Garrôn a trouvé une solution moyenne, et c'est sur l'exposé qu'il en
donne que se termine la Jornada Segunda :
Que hare? Cabar, esso no,
que si una vil mugercilla
rencgar quiere, por verse
en alto lugar subida,
tambien yo le pienso hacer
con apariencia flngida.
Assi enganarè à Mahoma,
y quando entre eu su Mezquila
à adorar su zancarron,
y à haccr su zala maldita,
mi corazon dira, no;
y si, dira mi boquita.
Tercera Jornada. Roselan annonce à Ardain (Claudino) et à Zeli-
dora (Argila) qu'il a l'intention de les combler de ses plus hautes
faveurs. Leur union étant résolue, il s'est offert à en payer les frais, et
ses générosités n'auront pas de bornes. Cardenio (Trebacio) et Cris-
pina (Sofronisa), cependant, se réfugient dans l'espoir des rémuné-
rations de l'au delà et supportent sans chanceler leur destinée. Zulema
(Garrôn), qui, on vient de le lire, joue avec une dextérité de casuiste
de la restriction mentale, converti sans l'être à l'Islam, égaie un
temps le parterre de ses lazzi bachiques, pour céder la place à Ardain,
qui, en une copieuse effusion lyrique, exalte sa félicité et finit par
s'endormir sur un siège. 11 se passe alors une chose effroyable.
L'enfer s'ouvre, et, du fond de sa géhenne de flammes, Eraclio
révèle à son fils la monstruosité commise en l'incestueuse union avec
sa sœur. Claudino-Ardain, que l'effroi a secoué, déclame une seconde
tirade, se rendort, et Argila -Zelidora, qui le cherchait, l'entend dans
un cauchemar qui prononce son véritable nom. Aussitôt, la voici
qui l'éveille et une explication a lieu entre le frère et la sœur, qui se
sont reconnus, puis le débat est clos sur cet étrange dialogue :
Arg. Este quiso nueslro padre;
que hemos de hacer?
Claa. Pues nos vemos en tal pielago nielidos,
ir adelante con elle,
fortuna nos lavorece.
LA .>ATURE ET LES SOURCES DE l'hISPAMSME UE LESSING 1 63
seguir su rueda tenemos,
que si hacemos novedades,
podrà scr que la enojemos,
y todo resuite en dano.
Arg. Me amaràs? Claud. Gon mas eslremo,
que conio sin conocerte
gocè de tus ojos bellos,
amoi" de hermana anadiendo
al que de muger le tengo.
Arg. Dame los brazos.
Claud. Y el aima, bella Tamàr,
que en mi bas hecho
mil hechizos con tus ojos.
Arij. Olvidaràsme? Claud. No puedo.
antes amor ha encendido
nuevas Hamas en mi pecho,
y has de gozarme, y gozarte
si baxamos al Infierno.
Arg. Que hemos de hacer
de Trebacio y Sofronisal'
Claud. En un fuego
pienso abrasar à los très
por vengarme, y por no verlos.
Arg. Pues hazlos lucgo llamar...
Sofronisa et Trebacio se présentent. Claudino leur révèle leur
identité, qu'ils ignoraient jusqu'alors, puis les fait jeter dans un bagne
après de dures paroles. Survient Roselân, qui enjoint à Claudino d'ap-
pareiller pour donner la chasse à deux navires voguant, chargés de
richesses, à destination de la France. Avant son dépari, il l'invite, en
compagnie de Zelidora, à sa table. Cependant Mamî et Dragud, que
l'intrusion du renégat Ardain a privés de leur charge, avaient juré de
se venger. L'expédient qu'ils ont imaginé est simple et efficace. Us
empoisonneront les eaux d'une fontaine où Claudino et Argila ont
coutume de boire. Et le couple, à l'issue du festin chez Roselân,
s'approche, en vérité, de l'onde traîtresse, échangeant en un dialogue
gongoresque la mortelle angoisse de deux chairs jeunes brutalement
énamourées :
Arg. Vendras presto? Cla. Imitarè
el Aguila boladora
de Jupiter, Zelidora,
y mas que ella bolarè.
Arg. Mira que aquestos crystales
ya tu ausencia estàn Uorando,
y este jardin, esperando
tu buelta por sus umbralos....
Claud. Estrano amori Arg. Un bolcan
de fuego de amor se ha hecho
en lo ocullo de mi pecho....
C. PITOLLET. '3
l64 GO?iTKl BUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
Pour apaiser ce feu qui les consume, ils emplissent donc à la source
dont le murmure chante sous les figuiers et les aloès une coupe, qu'ils
vident d'un trait. Mais le subtil venin qui infecte ce cristal perfide
produit, foudroyant, son effet meurtrier :
Arg. Ay mi bien! el pecho se arde.
Claud. Yo me siento caluroso,
el beber mas es forzoso,
que hace desteinplada tarde :
agua me dà, que me abraso. fbebe.J
Arg. Toma, y dame el vaso presto :
valgame el Cielol Que es esto?
Que notable fuego tengo?
Parmi les cris de désespérance et de révolte, entre de vains appels
à l'aide, les amants incestueux tombent et expirent. Dragud et Mami,
accourus, rejettent la cause de cette mort sur les esclaves chrétiens
chargés de cultiver le jardin, et Roselân, persuadé que tels sont les
seuls auteurs de l'attentat, décide qu'il en sera fait prompte justice :
Oy pienso en terrible fuego,
por Alà Santo, abrasarlos :
bèn, Dragud, y mas prisiones
pon à essos perros ingrates,
que en elles veràs castige,
que al Africa ponga espante;
y romperàs essa fuente,
-que en ella ne quede canto,
hasta el claro nacimiento
, de sus crystalines vases.
Y tu, Mami, aquestos cuerpos
puedes guardar, entre tante
que la Mezquita se aderna,
dende avemos de enterrarles.
En conséquence, Dragud est mandé au bagne pour y apprendre
aux condamnés la fatale nouvelle. Ceux-ci la reçoivent avec calme,
non sans protester de leur innocence. Pendant qu'ils poussent à la
Vierge des supplications éplorées, une céleste lumière inonde soudain
la prison. «Tous trois choient à terre; on aperçoit en haut Notre-
Dame, en bas un Ange qui leur arrache les fers. » Le miracle de Saint
Pierre se renouvelle. Sofronisa et Trebacio abandonnent donc leur
geôle (( comme conduits par une invisible main » et franchissent sans
obstacle la porte grande ouverte juste à l'instant où arrivent Roselân,
Dragud et Mami. Les Maures, à voir le bagne vide, ont compris le
prodige et Mami ne tarde pas à en constater un second, tout aussi
inconcevable :
Quande en la Mezquita
del grau profeta Mahema,
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSISG l65
los cuerpos velando estaban
de Ardain, y Zelidora,
bino una tormenta estraùa
de un viento, que las columnas,
y las piedras arrancaba ;
Ueno de miedo, y temor,
vi que con los cuerpos caigan,
llevandolos por los ayres,
sin verse quien los llevaba....
Les merveilles, d'ailleurs, succèdent aux merveilles. Un brusque
effet de machinerie nous ramène à « Canturia ». La Renommée qui y
a transporté ïrebacio sur ses ailes en proclame le retour au peuple,
ainsi que celui de Sofronisa et de Garrôn. Le drame allait finir en
apothéose, — la mort de Enrique, souverain de l'Anglia, assurant le
trône royal à ïrebacio, — si derechef l'enfer ne s'ouvrait « et à l'entour
du brasier et dans la fumée de la poix, il y aura Glaudino en étudiant,
et Argila en nonne, et, au milieu, Eraclio ». La Renommée annonce
qu'elle publiera à travers le globe « este caso jamds visto », tandis
que Garrôn, qui ressent en gracioso les situations tragiques, confesse
que
y yo de miedo, y temor,
por detras he despedido
un no se que, que parece
que mucho me he humedecido ' ,
accident qui ne l'empêche pas de requérir du nouveau roi comme
récompense de ses services l'octroi d'une cave bien garnie,
que en los trabajos passados
mucha agua avemos bebido...
Puis l'auteur tire par la bouche de ïrabacio la nécessaire moralité de
son édifiante histoire :
... nadie à sus hijos
los fuerce à tomar estado»
porque no hagan lo mismo,
I. Grillparzer, qu'un lent labeur mit en possession de la scène espagnole, — à
laquelle il fut redevable, outre d'inspirations directes (Ottokar et le fragment iBsi/ier),
de l'art de l'exposition, et dont les remarques sur Lopeet son théâtre, infiniment moins
connues des hispanisants que les analyses de Schack, ont sur celles-ci l'immense avan-
tage de toujours mettre en valeur et de discuter les passages scéniques des pièces qu'il
analyse, — s'étonnait des «Spâsse» du genre de celui-ci et dont il avait trouvé un
exemple dans Céfalo y Pocris de Calderén et mentionnait, en honnête archiviste vien-
nois, les « Wirkungen der Furcht auf die hintern ïeile » représentées pantomimi-
quement sur la scène lors de fiestas royales et donnant « fiir die feine Lebensart
dièses Hofs kein gutes Zeugnis » {loc. cil., p. aoô).
l66 CO.NTIUBLTIO.NS A l'ÉTLDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
et renvoie chez elle l'assistance convaincue par cette déclaration qui,
proférée par Garrôn, ne pouvait que gagner en vraisemblance:
esta historia es verdadera
que en Canturia ha sucedido.
« Fenix. »
K. Lessing fut le premier qui imprima (Theair. Nachl., II, xxviii),
avec une « Tonsine » — dont il ne put donner que le titre, — le
« Fenix )). Il s'imaginait que l'un et l'autre fussent, s'ils eussent été
menés à bien, devenus des a drames bourgeois ». Boxberger, cepen-
dant, était d'avis, loc. cit., p. 686, que le a Fenix » n'était pas autre
chose que « le fragment d'une traduction, et, en vérité, d'une traduc-
tion française». Il s'appuyait, pour soutenir son hypothèse, sur une
particularité du dialogue. Celle qu'il appelle Msa ne prononce-t-elle
pas, en effet, un « Ich bin ganz loricht, es zu erfahren », qui, raisonnait
l'ancien professeur à Erfurth, ne pouvait provenir que d'un « Je suis
folle de l'apprendre? n G. Rœthe — dont les élucubrations ont été
prises au sérieux par H. Breymann, qui, en iQoâ, y renvoie sans un
mot d'avertissement {op. cit., I, 207), en aggravant cette étourderie de
la graphie inédite : Félix — crut avoir découvert une piste nouvelle,
quand, dans l'article précité de la VierteljahrschriJÏ (1889), il entre-
prit de démontrer que le <i Fenix )) n'était qu'une imitation du....
Principe Constante de Calderôn. M. Muncker, moins audacieux, s'est
contenté d'opiner en faveur d'une source espagnole, tout en se gardant
d'indiquer laquelle, ni même de préciser s'il était pour une traduction
ou simplement une imitation. « Fenix aber, » écrit-il (III, Vorrede),
(I deutet auf ahaliche spanische Vorbilder oder sloiïlichc Quellen wie
Eraclio und ist im Slil und Ton diesem Stùcke so verwandt, dass man
auf eine gleichzeitige Entstehung der beiden Fragmente schliessen
mïisste, auch wenn die erwahnten Eigentiimlichkeiten der Iland-
schrift, der Rechtsclueibung und der Gebrauch derselben altertiim-
lichen Wortformen dièse Yermutung nicht noch bestatigten. » Nous
savons déjà ce que vaut l'argument orthographique. L'autre, de la
«parenté de style el de ton» des deux pièces, est tout à fait mal-
heureux, car il n'existe nulle analogie de style ni parenté de ton entre
la pièce de Leyba et celle de Vingenio inconnu, auteur de Ao hay cosa
hiiena por fucrza.
Le aspanisches l'orbildn mystérieusement évoqué par M. Muncker
et clairement indiqué par Paul Albrecht n'est pas, il s'en faut, une
pièce rare. ïicknor (trad. Julius II, 67, et Nachtrag, 1:28) lui consacre
quelques mots ; Schack dit d'elle qu'elle se distingue « durch reiche
LA NATURE ET LES SOURCES DE I. HISPANISME DE LESSING I fi-J
Laune und grosse Kraft der komik » (III, 4o3), et A. Schaeffer, qui
l'analyse en trente lignes (II, 212), voit en elle une preuve que le
lalent de Leyba semble u hauptsachlich auf der komischen Seite
gelegen zu haben ». La Sammlung spanischer Dranien de Rahmeyer à
la Stadtbibliolhek de Hambourg en possède au t. Yl, où elle occupe
le cinquième rang, une siielta du x\\vC siècle imprimée à Séville u en
la Imprenta del Correo Viejo, frente del Buen Suceso». Pour ne
parler que des éditions qui se trouvent dans toutes les biiDliothèques,
— et sans nous arrêter à l'éd. de Cologne, 169-, — on peut la lire soit
au t. V du Tealro espanol d'Ochoa (Paris, Baudry, i838, p. 128 seq.),
soit dans la B. A. E., /17, 3S- seq., où l'a réimprimée Mesonero. C'est
la typique comedia de Jigurôn, — et peut-être l'une des meilleures de
tout le répertoire — dont le principal protagoniste ainsi que l'intrigue
totale ne tendent, par une habile et constante gradation du comique,
qu'à divertir les spectateurs, — cette fois sans aucvme des ressources
scabreuses auxquelles n'hésitent pas de coutume, à recourir les
dramaturges qui ont cultivé cette variété de la comedia • . Elle faisait
partie du répertoire de la Tirana (Maria del Rosario Fernândez), la
célèbre et aventureuse actrice du théâtre del Principe dans la seconde
moitié du xvin' siècle et l'infortunée riAale de Rita Lunaa. Ochoa
(loc. cit., p. 128) en a même signalé une scène qu'il estimait avoir pu
inspirer un passage de l'École des Maris de Molière et que nul
critique français n'a relevée. Mesonero (/oc. cit., p. xxvii) écrit qu'en
elle (( sobresale y campea tan desahogado el genio verdaderamente
cômico de Leiva, brilla de tal manera su originalidad, el chiste y
gracejo de su expresion, que habremos de confesar que este es uno de
los ingenios malogrados por la moda de los dramas her6icos,eic. ».
Les contes gracieux qu'elle renferme, spécialité, d'ailleurs, de l'auteur,
n'en sont pas l'un des moindres attraits. De Leyba lui-même on ne
savait rien jusqu'en 1899, sinon — et grâce à l'indication d'un titre
de comédie consignée par le marquis de Valdeflores dans ses Apuntes
— qu'il naquit à Mâlaga, dont il a célébré la reconquête par les Rois
Catholiques dans la pièce Niiestra Senora de la Victoriay Restauracion de
Mdlaga. et qu'il se trouvait en cette ville le i3 avril 1670, sur la foi du
manuscrit autographe de sa médiocre comedia : i\o hay contraunpadre
razon, manuscrit qui faisait partie de la bibliothèque du duc d'Osuna,
aujourd'hui incorporée à la Biblioteca Nacional de Madrid et cataloguée
par Rocamora. Grâce aux éloges qu'en firent tour à tour Garcia
1. On ost un peu surpris de trouver dans le Thomas Corneille (Paris, 1892) de
M. G. Reynier, p. 220, note I, que la comedia de fujurôn esl la comédie «de caractère»
tout court.
2. Sur cette rivalité, cf. quelques mots pp. 8 et 9 de Hila Luna. Apuntes biogrâ
ficos de la eminente actriz Afalaguena par D. N, Dîaz de Escovar (Màlaga, 1900, in-i de
16 p.).
l68 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
de la Huerta, Ochoa, Mesonero Romanos, Morrâs, Hartzenbusch,
N. M. Serrano, Barda, Revilla, Gil de Zârate et Guillén Robles, les
œuvres de Leyba avaient reconquis, dans les milieux littéraires
espagnols, une certaine popularité, mais sa personne continuait à être
enveloppée de mystère. En 1899, l'avocat de Mâlaga Dîaz de Escovar
— dont la brochure in-4 de 120 p. parue en cette même ville en 1896 :
El Teatro en Mâlaga, a fait connaître le nom aux hispanisants euro-
péens, à défaut d'autres œuvres littéraires et poétiques assez nom-
breuses — consigna dans un feuilleton de Y Eco de Mâlaga, tiré à
20 exemplaires puis incorporé au Cuaderno 1° du recueil Curiosidades
Malaguenas, etc. (12 cahiers in- 4 formant un volume de 332 p.),
sous le titre D. Francisco de Leyba y Ramirez de Arellano, Eminente
Autor Dramâtico Malagueîïo , le résultat de ses recherches, d'ailleurs
assez maigre, touchant cet auteur dramatique. L'on sait désormais,
en conséquence, que Leyba, dont M. Diaz de Escovar cite une
quinzaine de pièces avec de trop sommaires indications bibliogra-
phiques, naquit à Mâlaga le \l\ juin i63o d'une famille bourgeoise,
— son père était Contador de Hacienda, — y reçut les Ordres Mineurs,
fut probablement attaché à la paroisse de Santiago, et mourut dans sa
ville natale le 18 février 1676. Il fut enterré au couvent de Ntra. Sra.
de las Mercedes, sur la façade duquel a été apposée en 1893 une
plaque commémorative. Ce dut être un personnage singulièrement
modeste, car, malgré la coutume d'alors, son nom n'apparaît nulle part
à côté de celui de littérateurs de l'époque et du lieu, ni à l'occasion de
joutes littéraires, ni dans desjolletos, ni aux premières pages des livres
publiés par des écrivains de Mâlaga. M. Diaz de Escovar, qui a refondu
en 1904 El Socorro de los Mantos (Madrid, 1904), m'a écrit récemment
qu'il avait, depuis la publication du feuilleton précité, découvert « un
expediente solicitando una capellania para ordenarse y un autôgrafo de
Leyba », mais qu'il ne savait rien de nouveau sur Cuando no se agiiarda.
1767. Saavedra Fajardo.
{M. IX, 336.)
Au 36" chapitre de la Dramaturgie, Lessing rapporte ce dire de
Young à propos du soleil : « Young sagt von der Sonne, es wâre Sûnde
in den Heyden gewesen, sie nicht anzubeten. » Le passage se trouve
dans The last day (in three booksJ\ Book I, vers 53 seq. :
Mark how thèse radiant lamps inflame the pôle,
Call forth the seasons, and the year control :
I. The poetical Works of Edinard Young, vol. //(I.ondon, i834.)
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSING 169
They shine thro' time, wilh an unalter'd ray :
See this grand period rise, and that decay :
So vast, this world's a grain; yet myriads grâce,
With golden pomp, the throng'd ethereal space;
So bright, with such a wealth of glory stor'd,
'Twere sin in heathens not to hâve ador'd.
Lessing était trop amoureux de détails d'érudition pour omettre, —
s'il eût connu le contenu d'un ouvrage dont l'attribution à Diego de
Saavedra Fajardo, pour être incertaine, n'en est pas moins courante,
La Repi'iblica Lileraria — de rapprocher le dire de Young de
celui de l'auteur espagnol dont ces vers semblent s'être inspirés, et
peut-être même de taire le poète des Pensées Nocturnes pour ne citer
que le passage, plus ancien, du livre castillan. On lit, en effet, dans « La
Repùblica Uteraria de D. Diego Saavedra Faxardo, etc.))^, cette
assertion, qui, rapprochée de celle de Young, ne permet guère de
douter que ce dernier y ait puisé — soit directement, soit de; façon
médiate — le renchérissement :
« 'Twere sin in heathens not to hâve ador'd»
— : u El Sol es tan hermoso entre las Criaturas, que pudo escusarse
la idolatria de avarie adorado por Dios, [y ay quiè sin tener ojos de
Aguila, se ponga a averiguarle sus rayos, y dice que entre sus luces
ay obscuridades, y manchas, »]
1767. Essex.
(M. X, 33-78.)
Dans sa lettre du 5 janvier 1769 à J. A. Dieze (M. XVII, 281),
Lessing déclare : « Von einer [Komôdie] habe ich in dem 60*'®" bis
Gg^"^^" Stiicke meiner Dramaturgie einen weitliiuftigen Auszug
geliefert; und ich môchte wohl wissen, ob Ihnen dièse unter dem
Namen des Verfassers vorgekommen. » Lessing a courte mémoire. Il
suffisait de rouvrir Montiano-D'Hermilly (qu'il eût dû n'avoir pas
I. Segunda impresion mejorada de tnuchos errores que corrian en la de A mberes (En
Palermo, 1700) [B. N., Z. 87S8], p. 76, — Ce passage fait partie de ceux que Maydns
supprima en 1730 dans son édition de Valence de la Repùblica (pour des raisons que
l'on pourra lire dans sa Préface, p. lxiii), éd. réimprimée en 1735 à Madrid.
L'ouvrage avait été traduit en allemand, sous le titre : Die Gelehrte liepublik, en 17/18
(Leipzig), par Joh. Erh. Kapp, qui ajouta les passages supprimés par l'éruditvalencien.
De cette version allemande il y a une analyse dans le Neuer Biichersaal de Gottsched,
VII, 55, où, l'année d'avant, VI, 283, avait été déjà analysée une autre traduction de
Saavedra par ce même Kapp : Die Thorheiten, etc. On sait que les Obras de Diego de
Saavedra Fajardo forment le t. XXV de la B. A. E.
170 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE i/hISPANISME DE G. E. LESSING
oublié, l'ayant naguère pratiqué avec le zèle que nous savons) pour
obtenir les renseignements que, plus d'une année après avoir analysé
la comedia espagnole, il ignore encore. On lit, en effet, dans la Dis-
sertation précédant la Virginia (I, 100) : u Pour convaincre, sans
beaucoup d'effort, que l'on doit compter la nôtre [notre Nation] parmi
celles qui aiment le plus les matières tragiques, maniées comme il
convient, il ne faut que la vue du concours de monde aux Théâtres,
quand on représente : Les Aspics de Cléopàtre : Le Tétrarque de Jéru-
salem : Le Règne après la mort : Le Comte d'Essex (Los Aspides de
Cleopalra. El Thetrarca de Jerusalèn. Reynar despues de morir. El
Conde Esex) et d'autres pièces sans nombre qui sont dans le véritable
genre de la Tragédie. Tout le monde court voir ces Pièces, sans en être
empêché par la terreur et la pitié qu'excitent les tristes événements
dont elles sont remplies i.» A cette indication, déjà assez claire par
elle-même, D'Hermilly avait ajouté une note concernant les auteurs des
quatre c tragédies 0 : « Les Auteurs de ces quatresC^iV/rragi- Comédies
sont : de la première. Don François de Roxas ; de la seconde, Don
Pedro Galderon; de la troisième, Jean Vêlez; et de la dernière, Phi-
lippe IV. Roi d'Espagne. )•< Enfin, à l'excellent et tout à fait métho-
dique Index des auteurs (II, 196), on pouvait, par surcroît, lire cette
nouvelle indication du zélé traducteur français : « Philippe IV, Roi
d'Espagne, est Auteur de la pièce intitulée : El Conde de Essex, le
Comte d'Essex, qui est citée dans la Dissertation de Don Augustin de
Montiano y Luyando. Quelques-uns attribuent cette Tragédie à d'autres;
mais les personnes les mieux instruites la donnent à ce Monarque. »
Mais la lettre de Lessing est, nous l'avons dit, de 1769. En 1767, il
présentait sa pièce en ces termes aux lecteurs de la Dramaturgie :
« Abor eiiien spanischen Essex liabe ich gelescn, der viel zu sonderbar ist,
aïs dass icli nictit ini Vorbeygehen elwas davon sagen sollte. — Es ist von
einem ungenannten, und fùhret den Titel : Fur seine Gebietherinn sterben
\Dar la vida por su Dama, el Conde de Sex; de un Ingénia de esta Corte]. Ich
findeihn in einer Sammlung von Koinôdien, die Joseph Padrino zu Sevilien
gedruckt hat, und in der er das vier und siebzigste Stûck ist. Wonn er \er-
fertiget worden. weiss ich nicht. >•
Ce que Lessing appelle la « collection » de comédies de Joseph
Padrino ne représente, en fait, selon la coutume éditoriale transpy-
rénaïque des comedias au xvir el surtout au xviir siècle, qu'une
succession de sueltas reliées par un numéro d'ordre souvent arbitraire
I. Discurso, éd. cit., p. 71: «Para cotivenccr, sin grave esfuerzo, que se debe
contar la nuestra [nacion] entre las que sultan de los assiintos tragicos, inanejados
segun conviene, no e** necessaria olra pr\ieba, f[iie vèr la concurrencia de los
Theatros, qnando se rcpresentan, Los Aspides de Cleopatrn : el Thetrarca de Jerusalèn :
Heynar despues de morir: El Conde Ese.v; y otras que hay, sin numéro, de la propia
naturaleza. Todos corren, à vèr estas Obras, sin que los retrayga el terror, y la las-
tinna, à que ios mueven los tristes acontecimientos, de que se componen. »
LA NATURE KT I,ES SOURCES DE U HISPANISME DE T.ESSING 171
et iiltéiieviremenl réunies selon le capiice des collée lionneuis ou le
hasard des trouvailles. Si Lessing avait eu la moindre expérience
bibliographique en la matière, il se serait dit que Joseph Padrino
n'avait fait que réimprimer — la langue, d'ailleurs, en apportait, à
défaut d'autres critères, le témoignage fort net — une comedia
ancienne et n'aurait guère eu de peine (puisqu'il avait oublié l'indi-
cation de D'Hermilly), vu le peu de rareté de tels livres à Hambourg,
à découvrir le recueil du xvui' siècle où étail nommé le véritable
auteur du Conde.
Avant, cependant, de nous occuper de la pièce elle-même, voyons
comment Lessing a été amené à en parler. Il vient de traiter longue-
ment des Essex de Thomas Corneille et de John Banks. Nous avons
dit plus haut combien il était probable que Lessing, qui avoue n'avoir
lu aucun des autres Essex anglais qu'il cite (59. Stuck), n'en a eu con-
naissance que par le Companion to the Play Hoiise (1764). Or, l'auteur
de cette compilation fait justement suivre sa notice sur The Unhappy
Favourite, or The Earl of Essex, de Banks, de cette remarque :
« Two Frencli Avriters, viz. Mons. Calprenade fsicj and T. Corneille, and
one Italian Author', liave written dramatic pièces on the same story.
whicli is perliaps as well adapted to the théâtre as any incident in the
English History ^ . »
Cette indication ne pouvait- elle éveiller la curiosité de Lessing, et
qui sait si, en recherchant cet Essex italien dans quelque bibliothèque
hambourgeoise, cet incomparable fureteur n'est pas, de la sorte,
tombé sur celui de Coello? D'autres conjectures se présentent,
d'ailleurs, à l'esprit, telle celle, nullement si invraisemblable, qui
consisterait à admettre qu'un ami hambourgeois, v. gr. ce B.W. Rah-
meyer dont la collection de comedias est à la Stadtbibliothek de sa ville
natale — et il n'est pas certain qu'elle y soit complète, puisqu'il ne
légua que le tiers de ses livres à cet établissement 3 — contient préci-
sément un Conde de Sex dans une siielta du xviii* siècle, lui signala la
pièce espagnole. En admettant, d'autre part, que lui-même ait possédé
— don de l'un de ces marchands hanséatiques revenus enrichis de
I. Je n'ai liouvé, dans la Drammaturgia di Lione Allacci accresciula e continuata fino
all'anno MDCCLV (Xenezia, 1756, in-!i, la 1" éd. est de Rome, i6i'>0, in-12), oiilni l;i
mention d'une version italienne de la pièce de T. Corneille, qu'une énismatic|uo :
La Regina statista d'IiighUtcrra, Commedin (in prosa) — in Bologna, pcr Giovanni
Recaldini. 1668, in-12 — di Mcolù Biancolelli (p. 603). Mazzuchelli (Gli scritlori d'Jtalia,
etc., vol. II, parte II [Brescia, 1760] p. 1 192) semble avoir copié cette notice, en data.it
la pièce 1688 au lieu de 1668. Peut-être est-ce là cet Rsse.r italien auquel faisait allu-
sion Erskine liakeri'
/. Éd. de 1782, 11, Sg.'i.
3. Des 1S8 sueltas contenues dans les 8 tomes, arbitrairement composés, de celle
Sammlung sfianisclier Dramen — l'Essex est au t. IV, n" aSO, — il ne s'en trouve qu'une
sortant de l'otricine de Joseph Padrino. Elle est au t. Vlll, n' 88 : .4u<o al nacimiento
del hijo de Dios. Los Angeles encontrados. De D. Antonio de Castilla, natural de Cbeda
172 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
Câdiz qu'il mentionne dans cette même lettre à Dieze — la siielta qu'il
analyse, sera-t-il par trop téméraire d'insinuer que peut-être, si, au
lieu du titre : Dar la vida por su Dama, El Conde de Sex, l'exemplaire
de Padrino eût reproduit l'en-tête de l'édition du Mejor de los mejores
libros (Alcalâ, i65i, Madrid, i653), comme le font d'autres sueltas :
Comedia famosa : la Tragedia mas lastimosa de amor, qui déclare
moins clairement le sujet du drame, nous n'eussions jamais eu la
bonne fortune d'entendre Lessing se prononcer sur la Comedia espa-
gnole? Nous avons si peu confiance en son hispanisme, nous l'avons
surpris tant de fois en flagrant délit d'information médiate que cette
insinuation nous sera sans doute pardonnée. 11 n'a, dans son igno-
rance, d'ailleurs pas fait le moindre effort pour établir l'état civil de la
pièce qu'il allait « révéler » à l'Allemagne. En i638, époque où La Cal-
prenède donnait à la scène parisienne sa meilleure tragédie : Le Comte
Dessex, imprimée l'année suivante à Paris (Bibl. Nat. : Yf 477), le
docteur Francisco Torivio Ximenez éditait à Barcelone la Parte treynta
una de las meiores comedias, que hasta oy han salido, où se trouvait,
p. ii3 seq. : la gran comedia del Conde de Sex, sans nom d'auteur'.
Le comte d'Essex n'était pas un inconnu pour les Espagnols. C'était,
en effet, à sa «voluntad y sabiduriawa qu'ils étaient redevables d'un
beau sonnet de Cervantes à l'adresse du duc de Médina, sans doute,
mais aussi de la destruction de Câdiz en juillet 1596. D'après La
Barreras (mais ne s'est-il pas trompé ici encore?) le nom de Coello
figurerait déjà comme nom d'auteur du Conde dans un recueil de
Comedias de varias imprimé à Lisbonne et qu'il suppose reproduire le
texte de l'édition de Barcelone. Puisque, cependant, en i636, Fabio
Franchi ne vante, dans les Essequie poetiche alla morte di Lope de Vega,
de Coello, que El celoso Estremeno, il faudrait que la comedia du Conde
de Sex eût été composée fort peu après cette époque, car il semble invrai-
semblable d'admettre que Franchi l'eût tue, si elle avait déjà été produite
1. J'ai utilisé l'exemplaire du British Muséum : 11725 d 8. Mesonero avait eu raison
d'écrire que la pièce était anonyme (B. A. E. 45, XXVI) et il est incompréhensible
que La Barrera soutienne le contraire (Cat. 96 et 085). Miinch-Bellinghausen (Fr.
Ilalm) a donné une description excellente de la Parte .VZA7 dans son classique article
au t. m des Denkschriften der Kaiserl. Akademie der W issenschaften : « Ueber die àlteren
Sammlungen span. Dramen » (Wien, 1842), p. 128. Cet érudit a démontré — et c'est un
point sur lequel il existe souvent quelque imprécision dans l'esprit des hispanophiles
— que les Comedias de Lope, dont le si' volume parut vraisemblablement en i63i
à Saragosse, avaient été continuées par les Comedias de diferentes autores, dont le
i" tome porte de la sorte le chiffre a5 et le dernier le chifTrc W, et dont la Parte XXXI
ci-dessus forme un volume, collection qu'il ne faut pas confondre avec celle, posté-
rieure, en 48 volumes (1652-1704), des Comedias nucvas escogidas. Cf. sur celles-ci la
nouvelle et minutieuse description de M. A. L. Sliefel, commencée au t. XXXI (1907)
de la Ztschft. fiir rom. Phil., p. 488 seq.
2. Cervantes, La Espanola Inglesa, p. uG de l'éd. Brockhaus des Aovelas Ejemplares
(Leipzig, i883.) On sait que le point de départ de cette nouvelle est le sac de Câdiz
par Essex et l'amiral Howard.
3. On. cit., p. 708.
L/V NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSING \']3
à la date où il écrivit son Raguaglio di Parnasse « . En tout cas, le mejor
de los mejores libros que han salido de comedias nuevas — recueil digne
de son titre tant par l'excellence des productions qu'il contient que
parla beauté de son exécution typographique — imprimé en i65i à
Alcalâ chez Maria Fernândez et réédité chez Quinones à Madrid en
16532, cite expressément à la tabla de los ingenios que escribieron este
tomo de comedias le nom de « D. Antonio Coello » comme celui de
l'auteur de la pièce, imprimée p. 877 seq. — Les rééditions posté-
rieures, cependant, manifestent un arbitraire extrême dans l'attri-
bution de cette comedia, imputée tantôt à « un ingenio de esta Corte»
ou simplement « im ingenio », tantôt à D. Luis Coello3, ou à Juan de
Matos Fragoso'i, ou à Philippe IV 5, ou à CalderônC.
I. Réimpr. au t. XXI des Obras saeltas de l'édition de Lope de Vega par Sancha.
a. Le British Muséum — donton n'ignore pas la richesseen anciens textesdeComedi'a
(collection Chorley) — possède les deux éditions du Mejor de los mejores libros. Elles ne
diffèrent l'une de l'autre qu'en ce que la seconde n'a plus l'avertissement : Tomas Alfay
al lector.
3. A Cat. of sp. a. port. 6. etc. de V. Salve, p. 5i. Le Brit. Mas. possède, sous le
nom de D. Luis Coello, une suelta de Madrid (Sanz), 1788, et une autre, sans date.
(117-28 c 9; 13U2, e 7.) La Bihl. Xat.— Cf. Catal. XXX, 442 — ne semble posséder que
cette suelta de Madrid, 1788, mais la chose est loin d'être certaine.
4. Dans l'éd. de Bruxelles, 1704, des Comedias Escogidas, etc. décrite par Mûnch,
p. i5i, et dont la Stadtbibliothek de Hamt)ourg conserve un exemplaire. Dans la
Dramaturgie ou Observations critiques etc., traduction partielle de l'ouvrage de Lessing
par Fr. Cacault publiée à Paris en 1786 par Junker, le Conde de Sex est attribué à
« Don Juan Matos Fregoso » sur la foi de ce Recueil de Bruxelles. M. L. Crouslé n'a
pas cru devoir mieux faire que de renvoyer à ce passage — qui se trouve l''" Partie,
p. 97, note a. — p. 284 de l'ouvrage précité : « L'auteur de cette tragédie est Don Juan
Matos Fregoso. Voir la traduction de la Dramaturgie par Cacault. -> — J'imagine que
l'attribution du Conde à Matos Fragoso provient d'une confusion avec une de ses
comedias: Los Indicios sin culpa, dont le titre semblerait indiquer qu'il s'agit de
l'aventure du Conde, mais dont la matière, essentiellement espagnole, en est complè-
tement différente. Cette comedia est au British Muséum : 11728, i. 6.
5. Il n'existe pas de texte de la comedia où elle soit directement attribuée à
Philippe IV, mais c'est ainsi que certains comprenaient « de un ingenio de esta
Corte » ! Je n'ai d'ailleurs trouvé aucune insinuation en ce sens qui soit antérieure
à celle de Luzân, Poética, libr. III, cap. I; mais il suffit de lire les paroles de Luzén
pour voir qu'il n'y a là rien de sérieux. L'attribution à Ph. IV impliquait de curieux
distinguo. Napoli Signorelli (Storia critica, etc., IV, Napoli, 1789, p. 2o3 seq.) dit que
le roi pourrait n'avoir donné que le plan. Au contraire, Ochoa (Tesoro, V, Paris i838,
p. 98 seq.) attribue sans hésitation au souverain : la tragedia mâs lastimosa, el Conde de
Sex, tandis que Dar la vida por su dama ne serait de lui que sur un dire de Jovel-
lanos! Laube (C/. sur son système dramatique la récente thèse de F. Brosswitz:
H. Laube als Dramatiker, Breslau, 1906), auteur d'un Graf Essex représenté en i85G
— le thème a été repris en 1860 par K. Werder dans Polilik und Liebe — croit encore
que le Conde est de Philippe IV (Dramatische Werke, 2. Aujl., Leipzig, Weber, 18G7,
t. VIII, Einleitung). 11 copie vraisemblablement H. Grasse, Hndb. der allg. Liltera-
turgesch., III, Abtheilung I, p. i5o. Il aurait dû au moins lire Schack (Nachtrdge, i854,
p. io2-io3), qui a trouvé un manuscrit, daté 11 aov'it 1G61 (Mesonero, B. A. E. 45,
XXVI), où la pièce est attribuée à Coello. — Signalons ici une excellente traduction
allemande du Conde, fort peu connue -.der Graf von Essex. Bomantisches Schauspiel ans
dem Spanischen (Gôllingen, 1822. in-8). La préface est signée Heinrich Sequanus,
pseud. de H. H. L. Spitta [Brit. Mus. 11723/.]
6. Suelta au t. V d'une collection de Sueltas de Calderôn en 5 volumes possédée
par la Stadtbibliothek de Hambourg et comptant 98 pièces. Cf. aussi A. L. Stiefel :
Ztschft. fiir roman. Philologie, XV (1891), p. 226.
174 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. I.ESSING
Lessing n'éprouve, en présence de la suetta de Joseph Padrino,
aucune hésitation, ne ressent aucuns scrupules critiques, et en réim-
prime orgueilleusement des passages, convaincu qu'il s'agit d'une
édition originale. Son moderne éditeur, auquel le secours de M. A. Fa-
rinelli était, comme il l'avoue dans cette curieuse Vorrede du t. X,
assuré, a, en voulant procéder avec plus de discernement, mis au
jour de façon inéquivoque la dangereuse illusion qu'il nourrit, en bon
Lessingforscher, touchant la science hispanique du commentateur de
la cnmedia de Coello. Les maigres renseignements bibliographiques
sur le Conde qu'il trouvait dans l'édition u critique » de celui-ci par
M°"Carolina Michaëlis dans une préface véritablement trop succincte'
ne suffisaient pas à l'orienter sur la pièce. Il s'adressa à la Stadtbi-
bliothek de Hambourg, — on sait qu'en Allemagne l'échange de livres
entre bibliothèques et le prêt de livres à domicile par les bibhothèques
constituent, avec Y Auskiinflsbiireaii der deatschen Bibliotheken qui
renseigne les travailleurs sur l'existence, en telle ou telle bibliothèque,
d'un ouvrage cherché, et l'accession aux Revues de l'année dans toutes
les bibliothèques, l'un des instruments de travail les plus précieux, en
même temps que l'une des causes de l'indiscutable supériorité de
l'érudition allemande moyenne sur l'érudition française de même
exposant î — qui mit à sa disposition la suelta du IV" volume de la
collection Rahmeyer. Cette siielta ne portant pas le nom de Padrino,
M. Muncker en conclut, avec une hésitation comique, qu'elle ne
1. La réimpression du Conde par M"' Michaëlis est au t. WVII de la Colecciôii
de. autores espanoles publiée de i8Go à 1887 eu i8 vol. par la librairie F. A. Brockhaus
à Leipzig. 11 est étonnant ((u'une romaniste aussi érudite ait accepté — car nous ne
pouvons croire, encore qu'elle ne le dise pas, que telle ne soit pas sa source —
l'opinion tout à fait inexacte d'Ochoa {Tesoro, V, 99) sur le titre de la pièce : « Esta
composiciôn es una prueba del ningun respeto que tenian nuestros antiguos poetas
â las distinciones de géneros establecidos por los preceptistas. El autor le da el
nombre de comedia, y su titulo es la Tragedia mas lastimosa. » Si Ochoa s'était reporté
à la Tabla de los ingenios du Mejor de los mejores libros, il y eût vu que la pièce était
appelée : la tragedia mâs lastimosa de amor, ce qui n'est nullement la même chose que
ta tragedia mâs lastimosa tout court. 11 semble que M"' Michaëlis doive aussi à Ochoa
sa graphie Boberto d'Evreux qui est historiquement pour le moins trop archaïque et
rappelle lellerzog von Alanzon que Lessing a accepté de la suelta. Cf. l'article, aujour-
d'hui valable encore, Devereux par V. Stramberg dans VAWj. Encyci, 23. Thl. (iSSs),
p. 807-320.
2, Tant que n'aura pas été opérée chez nous une fondamentale réforme dans le
fonctionnement et l'approvisionnement de nos bibliothèques, les travaux d'érudition
scicnliliqucs ne seront possibles qu'à quelques rares privilégiés de la fortune qui
peuvent acheter les livres qu'il leur faut ou à ces mandarins pour lesqiiels
la riiiueur de règlements surannés n'est pas appliquée. .\u nom de quelques compa-
gnons de souffrance, nous élevons ici de nouveau — nous l'avons déjà fait à plusieurs
reprises dans un quotidien de Paris: cf. à ce propos Centralbl. far liibliothekswesen,
1908, p. i/ia; Cf. aussi : .4 la Bibl. \at., dans Le Censeur du 29 févr. 1908, p. 285-a8C;
tuie inadéquate défense, où n'est discutée que la question du Catalogue, a paru
anonyme dans la Revue des Bibliothèques, igo-^, p. agS-So^ — une protestation ardeate
contre les habitudes de la Bibliothèque Nationale, qui, seule institution où l'on puisse
en France travailler avec quelque chance de succès, reste la négation d'une époque
LA NAILRE ET LES SOURCES DE L lllSl'AMSME DE LESSl.NG l "O
semblait pas (sic) avoir été celle directement (sic) utilisée par Lessing,
mais qu'elle se rapportait <( zAveifellos mit dem von Lessing beniitzlen
Drucke auf eine gemeinsame Textesgrundiage ». Nous ne suivrons pas
l'éditeur de Lessing dans ses distinctions entre ce qu'il appelle —
dévoilant par là sa totale ignorance des habitudes des imprimeurs
espagnols à l'époque où il n'existait pas légalement d'Espagne, mais
(.( des Espagnes » — « rechtmassiger Abdruck d et u widerrechtlicher
Nachdruck I) de comedias. Que ne se documentait-il pas, avant
d'écrire ces pauvretés, dans une source aussi banale que Ludwig
Lemcke, dont les remarques sur *( die alten Sammlungen spanischer
Schaiispiele » (Hndb. 111, 753 seq.) lui eussent, répétons-le, épargné
des considérations futiles sur les modifications orthographiques
apportées, selon lui, par Lessing à un texte que ce dernier n'a
fait, sauf quelques coquilles, que reproduire à la lettre. Mais les
Lessingforscher qui proclament le plus haut le dogme de l'hispano-
philie lessingienne sont précisément ceux qui, dès qu'il s'agit de
traiter de littérature espagnole, commettent les plus lourdes
bévues. M. Erich Schmidt, qui connaît vaguement un Coëllo (sic),
n'en est pas moins, dans la deuxième édition de son Lessing, persuadé
que l'auteur du Conde de Sex est « ein unbekannter Spanier » (I, 623)
et quand nous crûmes devoir, à piopos de l'exemplaire du Jôclier,
nous adresser à M. Muncker en lui faisant, en même temps, part de
notre travail, il nous répondit :
'< Ich glaube, dass, abgesehen von den grossen Ueberselzungen (Huarte,
Graf Essex, elwa fsicj auch «Maranjon» (sic/), besondeis die Dramcnfrag-
mente [c.à-d. uEracUun et «Fenixal] und die llecensionen Ihre Arbeit
lolinen werden. Die Dalirung der Dramenentwûrfe ini 3. Bd. meiner Aus-
gabc habe ich ja hie und da auf die geringe Kenntnis des Spanischen stùtzen
niùssen, die sic aiiiVioscn, iiu Gegensatz zu der stellenAveise ganz falschen
Datirung bel Henipcl. Das Exeniplav, das Lessing fiu' den « Conde de Sex »
verwendete. liabcn Sie ja in Hamburg'. »
Ces déclarations dénotaient une telle inconscience de la natare de
celte étude, une telle foi en la réalité des connaissances espagnoles de
Lessing et en l'impossibilité qu'il put venir à l'esprit d'un homme
de ferme bon sens de ne pas les prendre au sérieux, qu'il nous est
arrivé à plus d'une reprise, au cours de nos recherches, de répéter
où la science est censée avoir remplacé la religion, et devrait, dans ce temple central,
être au moins aussi i)ien gérée que la scène de l'Opéra. Il est honteux pour notre
dignité nationale que les plaintes, qui se multiplient, continuent à n'être pas enten-
dues et que les yeux de quelques-uns, sous prétexte peut-être d'un démocratisnie mal
compris, se ferment à l'évidence.
1. L'inexactitude apparente de cette assertion se justifie par la convictioiî
exprimée par M. Muncker dans la i)réfa( <- du t. III que l'édition de i'adrino ou la
suelta de Rahmeyer ne doivent èlre ([uaiic réimpression lune de l'autre.
176 GOiNTKIBUTlONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
— après Lessing? — l'exclamation désespérée de Don Antonio dans
La traiciôn bien acertada, de Lope :
no es posible que esté cuerdo,
pues que no me he vuelto loco....
Si l'insouciance de Lessing touchant la bibliographie du Conde est a
priori caractéristique, elle le devient davantage quand on songe qu'il
possédait un de ces Essex à grand spectacle que jouaient les troupes
errantes, et l'on s'étonne que lui qui croyait que les Haupl- und Staats-
aktionen n'étaient que des rifacimenti de comedias espagnoles ne se
soit pas demandé quelque part dans ses Œuvres si l'Essex castillan
n'avait pas, de façon médiate, — sur la manière dont les comedias
pénétraient sur les scènes allemandes, les notes de A. Dessoff dans la
Ztschjt. fiir vglchde. Litgsch. N. F. IV: Ueber spanische, italienische
undfranzôsische Dramen in den Spielverzeichnissen deutscher Wander-
trappen, puis, en 1901, dans les Sludien zur vergl. Litgsch., four-
nissent quelques renseignements, — influencé cette littérature drama-
tique nationale à laquelle il vouait un si patriotique intérêt, source de
plus d'une injustice de sa part. Au IV' volume de sa Beschreibung
einer Reise durch Deutschland und die Schweiz im Jahre 1781, etc.,
paru en 1784 à Berlin et Stettin, Fr. Nicolai nous apprend, p. 568,
dans une note à la p. 565, que :
« Mein sel. Freund Lessing besass, aus dem Nachlass der berûhmten Neu-
berinn, eine Anzahl dieser Ludovicischen Stùcke. Es waren darinn nach
damaliger Art, zum Extemporiren, nur die Folge und der Inhalt der
Auftritte angezeigt, und nur wenige Hauptscenen waren ganz geschrieben...
Ich erinnere mich besonders noch des Grafen von Essex, des Kromwell, und
des Kônigs Ottokar von Bôhmen. »
Ce Ludovici, dont Lessing possédait un Essex, était un Poméranien
qui mourut à Hambourg et dont les productions populaires jouirent,
spécialement vers 1720, d'un succès extrême. M. A. Schneider
a relevé, d'autre part, op. cit., p. 3o5, que dès 1688 on représentait en
Allemagne une pièce à grand spectacle : Die ermordete Unschuld
oder Graf Essex et qu'en 1722 on donnait encore cette fable trucu-
lente. En admettant, ce qui n'est pas improbable, qu'il s'agisse ici
d'une matière scénique importée d'Italie, — C. Heine a consigné dans
la Vierteljahrschri/t fiir Litgsch., I (1888), p. SaS seq., qu'en 1716
certain C. L. Hoffmann rédigeait, sur l'œuvre d'un italien nommé
Greognini (?), un scénario intitulé : Die ermordete Unschuld oder die
Enthauptung des Graffen von Essecs — ne se rattachait-elle pas, de la
sorte, à la vieille comedia de Coello'.* Et Lessing, qui plongeait dans
l'ambiance encore vivante et palpitante des Haupt z und Staatsaktionen,
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSING I77
avait là une matière à des investigations précieuses, si son intérêt pour
la littérature espagnole eût été tel qu'on voudrait nous le faire croire.
Du moins, si le Zoïle théâtral de Hambourg a négligé de rien dire
à ses lecteurs sur les dehors de YEssex espagnol, la profondeur et la
finesse de l'analyse qu'il en donne compensent-elles, augurera- t-on, cette
regrettable omission? A lire M. Menéndez y Pelayo, on serait excusé
de le croire. Le critique espagnol trouve (Id. Est. III' [Madrid, 1886],
p. i35 seq.) l'analyse du Conde par Lcssing « étendue et pénétrante »>,
et, même, est d'avis que « si Lessing no hubiera escrito la Dramatargia,
quizâ la Critica romântica, representada por los Schlegel, no hubiera
fijado nunca sus miradas en el teatro espaiiol ». On aurait le droit de
demander à M. Menéndez y Pelayo s'il parle en son nom propre
quand il formule ce jugement, si analogue à celui de Ticknor
(éd. de 1863, II, 'Sog, note), ou s'il n'est que l'écho impersonnel de
ces erreurs propagées par la légèreté d'écrivains qui devraient à
l'estime dont ils jouissent de ne rien affirmer qu'après un contrôle
strict. Quiconque est familier avec la littérature allemande du
xviii' siècle — non pas, certes, celle seulement qu'incarnent, dans les
manuels, quelques grands noms, mais la littérature, si inconnue et
cependant si instructive, de la polyhistoire — sait que bien avant que
Lessing dédiât au drame de Coello.les plates élucubrations que nous
allons qualifier, se préparait en Allemagne le grand élan de curiosité
— et d'incompréhension fondamentale des romantiques à l'endroit des
productions scéniques d'Espagne, et que si « les Schlegel » — M. M. y
P. a voulu dire spécialement A. W. Schlegel — ont écrit quelques
bonnes pages, d'ailleurs assez courtes, sur le théâtre espagnol, ils
n'ont fait, en cela, que reprendre la tâche inaugurée par Dieze. Mais
l'on est stupéfait, en vérité, quand on constate que les références de
M. M. y P., qui écrit en 1886, sur Lessing sont la thèse de doctorat,
qui est de i863, de M. L. Crouslé et le médiocre livre d'Ad. Stahr,
dont la documentation est prise dans Danzel-Guhrauer, œuvre tendan-
cieuse de vulgarisation populaire remontant à 1808 et à laquelle
M. L. Crouslé renvoyait, d'ailleurs, dès la première page de son
travail. II est incontestable qu'un juge capable de lire dans le texte le
Conde de Sex, quelque peu familier avec le genre littéraire qu'est la
Comedia espagnole, et connaissant le passage de la Dramaturgie, ne
laissera pas de s'étonner de la pauvreté de ce dernier. Hâtons-nous
de noter que ce juge s'est rencontré, et, détail qui a sa valeur, en
Allemagne même. L'auteur de cette gigantesque entreprise, restée
inachevée et d'ailleurs bizarrement écrite, la Geschichte des Dramas,
Julius Leopold Klein, — qui traite, du t. VIII au t. XI, du théâtre
espagnol {Das span. Drama [Lpzg., 1871-1875]), — a eu la bonne foi
de signaler, X3, p. 782, l'indigence philosophique foncière du
jugement de Lessing sur YEssex castillan, en donnant à cette consla-
1-8 CO.MHIBLTIO.NS V L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
tation la forme d'un regret, le regret que le «vif désir» de voir
Lessing apprécier l'œuvre du point de vue moral fût resté « inas-
souvi ». Lessing a clos, en efîet, son analyse par la plus banale des
réflexions. « So schliesst, » dit-il, « dièses Stuck.beywelchem ichmeine
Léser vielleicht zu lange aufgehalten habe. Vielleicht auch nicht. »
Cependant, un peu plus haut, il avait jeté en passant, avec la même
inattention que s'il se fût agi de ponctuer une bouffonnerie de Cosmo,
cette réflexion : ((Essex liebt die Blanca, aber er ist ehrgeizig genug,
noch der Liebhaber der Koniginn seyn zu Avollen. » En ces simples
mots gisait la matière du plus fécond développement sur la signifi-
cation morale de cette comedia. Car si Y Essex espagnol est — et il l'est
autre chose encore qu'une succession de dialogues sonores et vains,
si, malgré les ornements boursouflés d'une rhétorique exubérante,
il ne cessa pas, durant plus d'un siècle et demi, d'être représenté à
Madrid, — nous avons déjà reproduit le jugement de Montiano en
1750; en 1789, Napoli-Signorelli déclarait, dans la seconde édition
(la première, en un volume in-8, Naples, 1777, n'était, comme on sait,
qu'une ébauche) de sa Sloria critica de' teatri antlchi e moderni, que c da
un secolo e mezzo quasi ogni anno si rappresenta in Madrid 1 » — c'est
qu'il recèle, sous sa défroque cultiste, cette parcelle d'humanité en
laquelle communie une salle de spectacle, c'est qu'il fournit un ensei-
gnement universellement applicable et facile à dégager, qui est qu'il
ne faut pas qu'un homme croie pouvoir commettre impunément cette
monstruosité morale consistant à aimer deux femmes à la fois. Encore
que Coello n'ait pas — et ce reproche nous parait mérité même si l'on
tient compte des conditions de la scène espagnole sous Philippe IV —
illustré comme il eût convenu cette leçon si souvent violée par la
faiblesse commune, encore qu'il n'en ait pas lire tous les effets
dramatiques qu'elle comportait, i)référant donner carrière à sa Muse
maniérée et secouer les grelots gongoresques, elle découle naturel-
lement de la représentation et peut être dégagée par l'intelligence la
plus fruste, et c'est pour ce motif, croyons- nous, que La Barrera a
I. I\ , !ij4. m. FariiR'lli a piôlendu, dans sa thèse Je doctorat (loc. cit., p. 3i j), que
l'érudit Napolitain avait écrit son analyse du Coude de Sex par réaction contre les
louanges «excessives» que lui avait i)rodiguées Lessing. Cette bévue de M. F. n'a
d'égale que la seconde, déjà citée, touchant Signorelli et postérieure en date à celle-ci.
.Signorelli, qui appartenait à ces Italiens du xviti' siècle qui connaissaient les choses
d'Espagne et s'intéressaient à la littérature castillane, ignore à peu près l'œuvre de
Lessing cl n'en parle, eu tout cas, que par oui-dire {cf. Sloria, \, a/iS-a/iG; léd. de
i8i3 en 10 vol. ne contredit pas notre assertion). Il nous apprend très clairement
pourquoi il va s'arrêter à traiter du Conde (IV, 2o4) : 1" in yra:iu dcl coronato invenlare,
3' per la comedia stessa, dont il a dit p. r>o3 qu'elle ne cédait «a veruna ne pcr l'irre-
golarità, ne per le stranezzc dello stile, benchè i caratteri vi sieno dipinti con forza »,
3* parce qu'il a vu jouer lui-même — raison déterminante — la pièce, et cnnstalé,
à ce propos, que les acteurs espagnols tomhaicnt toujours dans ces \ ices de débit que
Montiano relevait très linomcnt dans le biscurso qui précède Witaiilpho.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPAMSME DE LESSI>G 1 79
qualifié la pièce de (( sentida y excelente producciôn » : jugcnienl
auquel nous nous Tangeons sans réserve".
Lessing n'a pas eu pour la forme même du Conde de Sex plus de
zèle que pour sa bibliographie et sa signification intrinsèque. On a
peine à admettre qu'il eût, s'il en avait soupçonné l'existence, omis
de signaler l'épidémie cultéraniste et les traces si palpables qu'en
contenait la pièce soi-disant découverte par lui. En vain chercherait-
on, dans son analyse, la plus fugitive remarque en ce sens 2. Mais une
telle remarque prouverait que Lessing avait su situer la comedia de
Coello dans l'époque approximative qui la vit naître et nous savons
assez qu'il n'avait pas le moindre soupçon de la date de sa naissance.
On va voir, au surplus, qu'il n'a pas hésité un instant à assimiler toute
la Comedia d'Espagne à cette pièce contaminée. Car s'il méconnaît
lidiosyncrasie du Conde de Sex, il a méconnu plus pleinement celle
du genre littéraire total dont celui-ci n'était qu'une variété abâtardie.
Parvenu au terme de son analyse, il a tenté d'exprimer, dans un
jugement d'ensemble sur la scène d'Espagne, la quintessence de sa
science hispanique.
« Die echten spanisctien Stiicke,» écrit-il. « sind vollkommen nach der Art
dièses Essex. In allen einerley Fehler, und einerley Schônheiten ; mehr odcr
weniger, das versteht sich. Die Fehler springen in die Augen : aber nach
don Schônheiten diirfte nian nicht fragen. «
Qu'est-à-dire ? Les u véritables )i pièces espagnoles? Mais \ en a-t-il
donc de fausses? Si Lessing eût soupçonné l'existence des rej'undi-
clones du xviu° siècle, où un ïrigueros excellait à moderniser Lope,
l'on admettrait, à la rigueur, ce distinguo. Son aveu, qu'il ignore les
« nouveaux poètes tragiques » de la nation, nous dispense d'examiner
si ses connaissances de la littérature dramatique espagnole contempo-
raine s'étaient enrichies depuis l'âge où il plagiait si lourdement
D'Hermilly, et il est trop évident qu'il n'en sait pas davantage main-
tenant qu'au début de sa carrière. Alors, voudrait-il, par hasard,
uous faire admettre qu'entre la comedia cultislc de Coello — poète qui
a eu, d'ailleurs, deux manières fort dissemblables : cf. Schaeffer, Gesch.
11, 88-89 — ^^ 1^^ fables polymorphes, ondoyantes et diverses, aussi
merveilleusement variées que la Nature, d'un Lope, les vigoureuses
intrigues d'un ïirso, les histoires moralisantes d'un Alarcôn, les gran-
diloquentes apologies de l'espagnolisme traditionnel d'un Calderôn, les
1. Vuei'a biografia de Lujie de Veija, dans Obrus de Lope. I (Madrid, i8<jo), p. 3yi,
note I. — L. Lemcke (Jalirbuch fiir rom. u. engl. Liter. ii [1870], p. 33^) y a reconnu
'< zahlrciche bemerkenswerte Schônheiten •>. M"' Micliaelis (éd. cit., p. i(;7) confcssail
• lu'eile abondait en beautés de diction II a pin, cependant, à M. A. Farinelli delà
déclarer « médiocre », irrévocablement. (Grillparzer und Lope de Vega, p. 0.)
2. Il a noté qu'à un moment les interlocuteurs échangeaient «sehr spitzfindige
Dinge» (>/. X, 34). Mais quel philistin n'eût formulé semblable constatation?
C. PITOLLET. '3
l8o CONTKIBL'TIONS A l/ÉTUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
dexttes adaptations d'un Moreto, sans rival dans la comédie légère, la
grâce dialogante d'un Rojas Zorrilla, la versification spirituelle d'un Solis
— car il nous semble qu'en ces noms se résume la « véritable » Comedia
— il n'existe aucune nuance, et que « toutes leurs œuvres contiennent
les mêmes défauts et les mêmes beautés; plus ou moins, s'entend. Les
défauts sautent aux yeux, mais les beautés ne sont pas moins évidentes » ?
Que M. B. A. Wagner ait trouvé « treffend » de telles banalités, nous
ne nous en étonnerons pas à l'extrême. Que sait-il, de science directe,
de la Comedia, et ne s'est-il pas documenté dans Schack, dans Ticknor-
Julius, peut-être dans Klein? >'e serait-il pas incapable, comme maints
de ses collègues, de risquer une excursion d'études personnelle dans
un domaine littéraire pour la compréhension duquel il lui manque la
condition sine qua non : la possession du castillan, qui ne s'acquiert
pas en parcourant les lettres de la méthode Toussaint-Langenscheidt,
mais ne saurait être que le fruit d'un long et patient labeur, si para-
doxale que sera jugée notre assertion. Pour lui, cette « frappante »
appréciation de la Comedia est « ohne Zweifel... vorzugSAveise das
Ergebnis selbstandigen Forschens » (pr. cit., p. 12). Sous la plume du
seul Allemand qui se soit, de propos délibéré, appliqué à approfondir
l'hispanisme de Lessing, le (( vorzugsAveise n sonne d'or. D'autant plus
que, cette nécessaire satisfaction à l'orgueil national concédée, le pro-
fesseur du gymnase berlinois a éprouvé comme un soupçon de remords.
« Gleichwohl, » a-t-il atténué aussitôt, «liess Lessingauch fremde, nament-
lich franzôsische Werke nicht unbeachtet, wenn sie seinem Zwecke dienten.
Eine Durchforschung der Iranzôsischen litterarischen Zeitscliriftcn des
vorigen Jahrhunderts w ûrde gewiss nocli manche Resultate ergeben. »
Cette atténuation partait, nous voulons le reconnaître, d'un bon
naturel, mais quelle bizarre logique que celle, parfois, du « peuple des
penseurs» ! Lessing qui a, en Imit misérables lignes, apprécié, pour n'en
plus jamais parler, le théâtre espagnol, formule u par excellence» le
verdict de ses propres enquêtes, consigne le résultat de sa personnelle
recherche, et, cependant, reproduit très probablement l'opinion de
périodiques français, de ces gazettes littéraires qu'il pratique si assidû-
ment! Merveilleuse complexité, incroyable raffinement, en face des
indigentes assertions de la Dramaturgie, et que le respect d'un critique
est une belle chose! Il nous semble, à nous, que le dilemme : Ou
Lessing parla en son nom propre, exprimant rélémentairc verdict de
son hispanisme, ou il ne fit que répéter, sous une forme dénuée d'origi-
nalité, des pensées empruntées à autrui, devait être posé. L'auteur de
Zu LJ sp. Stud. n'a pas posé ce nécessaire dilemme, mais il a fait
mieux. Sans aller jusqu'à commencer lui-même le dépouillement des
périodiques d'érudition littéraire — si souvent, d'ailleurs, lamentable-
ment ténue et aqueuse — de notre xvm' siècle, il nous a signalé la
LA NATURE ET LES SOIRCES DE i/hISPANISME DE LESSING l8l
source probable où, selon lui, le jugement de Lessing sur les beautés
de la Comedia — puisqu'il s'est tu sur ses défauts — s'est alimenté.
« Eine ganz eigne Kabel;» — avait dit le dramaturge hambourgeois —
" eine sehr sinnreiche Verwicklung; sehr viele, und sonderbare, und immer
neue Theaterstreiche ; die ausgespartesten Situationen ; nieistens sehr wohl
angelegte und bis ans Ende erhaltene Charalitere; nicbt selten viel Wûrde
und Stârlie im Ausdruclie. «
Voilà, insinue M. B. A. Wagner sans nulle malice, qui sent furieuse-
ment, en sa précision serrée, le connaisseur, et qui ne rappelle guère
Lessing. Et il se demande si celui-ci ne serait pas le porte-parole de
l'auteur de ce Théâtre Espagnol qu'attaquait Montiano, que nommait
D'Hermilly, et dont l'exemplaire de la Kônigliche Bibliothek berlinoise,
que j'ai eu en mains, réunit en un volume in- 12 à belle reliure de
cuir aux armes royales prussiennes les deux brochures originelles de
Duperron contenant dix traductions partielles, reliées par des
analyses, de comedias de Lope, précédées d'une introduction de dix
pages', 011 il y a, selon M. B, A. Wagner, des remarques « recht
verstândig » et exemptes «von vorurteilsvollem Dûnkel », ce qui, à
ses yeux, explique vraisemblablement le plagiat de Lessing. Voici le
passage de Duperron :
« Toutes ces oppositions de génie, ces différences prodigieuses de notre
scène et du Théâtre des Espagnols ne doivent pas nous faire imaginer que
leurs pièces n'ont aucun mérite. On y trouve beaucoup d'invention, des
sentiments nobles et pleins de délicatesse, des caractères marqués avec force
et soutenus avec dignité, des situations heureuses, des surprises bien ména-
I. Extraits de plusieurs pièces du Théâtre Espagnol; avec des réflexions et la traduction
des endroits les plus remarquables. Par M. Du Perron de Castera (Paris, 1738). L'énumé-
ration des dix pièces est dans Le Théâtre Espagnol (Paris, lyoo, p. 36) de MM. Morel-
Fatio et Rouanet, qui ont oublié de menlionncr D'Hermilly. En 1735, Du Perron, ou
mieux Duperron, qui savait le portugais, — ignoré par La Harpe, — avait donné en
3 vol. in-8 une cocasse traduction des Lusiades, dont Voltaire (éd. Moland, t. Vlll,
p. 335) a eu raison de se moquer, si les louanges dont il comble La Harpe pour la
sienne — laite avec D'Hermilly et parue à Paris en 1776 en 2 vol. in-8 — ne sont
rien moins que désintéressées : cf. à ce propos Da Silva (V, 270) et Aranha
(XIV, [Lisb., 1886], 201 seq.). Sur Duperron, dont les polémiques avec l'abbé
Desfontaines ne sont sans doute pas ignorées de ceux qui pratiquent nos périodiques
littéraires du xviii' siècle — voir p. ex. dans Le Pour et Contre, VI (1735), p. 82-9G,
l'amusante critique de la version de Camoens et id., 1737, nombre CLll, p. ii3, une
annonce du Th. Esp. — et qui était résident de France à Varsovie (-(- J752), il y a une
notice dans Jochcr-Rotermund (V, igSG), où on le définit : « Dicliter und Pliysiker ».
H n'existe sur lui en français que la médiocre et en partie inexacte notice de
N. Lemoyne (Desessarts) dans ses Siècles littéraires de la France, etc., publiés à Paris
de 1800 à i8o3 en 7 vol. in-8, et où ont puisé les collaborateurs des Biogr. Michaud
et Didot. — Notons que M. A. Sauer considère comme démontré que c'est à Duperron
que Lessing a emprunté sa définition de la Comedia. <(AVagner, » écrit-il {Vierteljahschr.
Jiir Litgesch., I (1888), p. 24), « hat nachgewiesea, nie nalie sich Lessing... an die Einlei-
tung zum Théâtre Espagnol von Perron (sic) de Castera anlehnte. » Par contre, le
Dr. R. Béer applique le jugement de Lessing, qu'il tient pour original, sur la
Comedia... au théâtre de Galderôn (op. cit.. Il, 84).
102 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
gées [cf. Vausgesparl de Lessing'], un grand fonds de Comique, un feu
d'intérêt qui ne laisse point languir le spectateur. — Voilà les beautés que
nous oHrent presque toutes les Comédies de Lopés de Vega, de Don Guillen.
de Don Pedro Calderon et d'autres poètes illustres qui font honneur à
l'Espagne... Ainsi la connaissance du Théâtre Espagnol n'est point indiffé-
rente pour les Belles-Lettres, on peut en tirer d'excellens sujets qui auront
pour nous les grâces de la nouveauté. Il ne faut qu'adopter' l'invention,
simiilifier les matières, élaguer les avantures, presser les mouvemens et
relever le Comique... ))
-N'y en a-t-il pas là assez, déjà, pour édifier le jugement de la Drama-
turgie? Si, cependant, M. B. A. Wagner avait songé à renforcer ce
passage d'un autre, pris à une source que Lessing connaissait également
fort bien, sa démonstration n'en aurait été que plus probante. Cette
source, c'est l'abbé Goujet. Ce polygraphe résume, en effet, au t. VIII
de cette minutieuse histoire des écrivains et de la littérature de son
pays jusqu'à la fin du xvii' siècle qu'est la Bibl. française (Paris, 17^0
et suiv.. 18 vol. in-12), en ces termes les idées de Lesage dans son
Théâtre Espagnol, dont il va être parlé :
« C'est que les Espagnols... sont nos maîtres à imaginer et à bien conduire
une intrigue de théâtre 3. Ils savent... exposer leur sujet avec un art infini et
dans le jour le plus avantageux. Ils joignent àcela des incidens si agréables
et si surprenans. et ils le font avec tant de variété, qu'ils paroissent aussi
inépuisables sur celte matière que nos François le sont sur la diversité des
caractères ridicules. Leurs pièces sont remplies de conlretems ingénieux, de
contrariétés dans les desseins des acteurs, et de mille jeux de théâtre qui
réveillent l'attention des spectateurs. Leurs intrigues ont presque toujours
du merveilleux : mais M. le Sage prétend que ce merveilleux ne tombe pas
dans le fabuleux et le romanesque, qu'il est toujours ramené au vraisem-
blable par les règles de l'art '1. Il convient cependant que l'imagination des
i. Ce vocable, qui est l'tMjuivaleiit de aufgespart, est un terme technique qui
s'emploie encore aujounihui en allemand dan» la peinture à l'aquarelle.
2. Lire adapter.
.S. Lesage, dans la Prrfare, di-btitait par des considérations sur le théâtre français
qui, bien qu'à Tapogéc, restait, dit-il, d'une « sécheresse d'intrigue étonnante ». — Je
noterai dès maintenant que, pour l'exposé qui va suivre, je ne suis en rien redevable
à un cours de M. J. Texte, pris par a li. « dans la Revue des Cours et Conférence.'!, i8g(j.
n" i3,p. (Jo5-0i'i : L'Espagne el la critique française au XVllle siècle, pure comiîilation de
sources médiates françaises. Cet hispanisme à la Brunetière, qui ne repose pas sur
létude directe et patiente des sources, s'il devenait à la mode en France dans certaine
partie de l'Université, serait fatal. J'en ai signalé il y a cinq ans les dangers dans une
longue analyse de La Coinedia espagnole, etc., de M. E. Martinenche, adressée au
Bulletin hispanique, mais qui, pour diverses raisons, a dû lester juscju'k présent en ms.
C'est grâce à l'existence de cet hispanisme de pacotille que M. II. Rosières pouvait
écrire, dans un article sur La Litt. anglaise en France de 1780 à 1800 (Revue bleue,
19 août 1882, puis Rech. sur la poésie contemp. [Paris, 1896], p. 4-): « L'Espagne n'a
rien à nous apprendre, car, depuis deux cents ans, nous nous sommes tenus tant bief
que mal au courant de sa littérature. >>
h- Lesage ajoutait qu'il produit <( un admirable effet »ur la scène ».
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hi SPAINISME DE LESSI^ÎO l83
Espagnols prend souvent l'essor au delà des justes bornes de la vraisem-
blance et de la raison ; mais il lui paroît qu'en laissant ce qu'ils ont d'outré,
on pourroit les imiter en ce qu'ils ont de brillant et d'ingénieux. »
Que l'on compare à la fin de ce jugement la restriction dont Lessing
fait suivre l'énumération des ((qualités» de la Comedia, et l'on ne
refusera pas d'admettre que l'un et l'autre, en leur généralité exempte
d'indications concrètes, se ressemblent singulièrement :
« Das sind allerdings Schônheiten : ich sage nicht, dass sie die hôchsten
sind; ich leugne nicht, dass sie zum Theil bis in das Romanenhafte,
Abentheuerliche, Unnatûrliche, kônnen getrieben werden, dass sie bey den
Spaniern von dieser Uebertreibung selten frey sind '. »
A défaut de Goujet, ou, si l'on veut, de Lesage, Duperron ne
disait-il pas {op. cit., I, 5-/i) :
« Cette règle prescrite par le bon goût et par la raison a paru gênante aux
Espagnols, ils se sont ouvert un champ b(?aucoup plus libre, souvent une
seule de leurs pièces contient toute la vie d'un homme. Au premier Acte la
scène est quelquefois en France, au second dans l'Italie, et au troisième sur
les Côtes d'Afrique. Cela ne peut manquer de former un spectacle assez
monstrueux en comparaison du nôtre... La négligence des trois Unités n'est
pas le seul point où les Espagnols s-'éloignenl de notre goût; nous aimons les
Pièces de Caractère, ils les méprisent; nous préférons les sujets simples et peu
chargés d'incidens aux sujets embrouillés; c'est tout le contraire à Madrid,
notre simplicité n'y feroit pas fortune, on y veut des intrigues mêlées
d'avantures surprenantes, et qui forment une espèce de labyrinthe d'où le
Spectateur ne se dégage qu'à force d'attention. »
N'était-il pas, à l'aide de pareilles données, tout à fait aisé pour un
littérateur connaissant son métier comme Lessing de s'attribuer une
I. Nous avons eu à plusieurs reprises déjà l'occasioa de renvoyer à Dieze. Si l'on
veut comparer la façon dont un critique ignorant sa matière — comme ce fut le cas
de Lessing — a caractérisé la Coinedia et celle qui émane d'un hispanisant profes-
sionnel, son contemporain, qu'on lise ce passage de Dieze : « Kein Theater in Europa
ist so intéressant, als das spanische. Es ist ganz original in Ansehungder Schônheiten
und Fehler. EsùberlriiTt au Reichlhum, an dramatischen Stûcken die Bûhnen aller
iibrigen Vôlker. Ricoboni sagt nicht ohne Grund [dans les Réjl. hist. et crit., etc., p. oi
de l'éd. d'Àmst. 1760], dass die Spanier allein mehr Schauspiele haben, als die Fran-
zosen und Italiener zusammengenommen, und er kônnte noch ein paar Vôlker, ohne
ins Uebertriebcne zu fallen, dazusetzen. Wenn die Italiener und Franzosen d(?n Spa-
niern ihre theatralischen bekannten und unbekannten Diebstahie ersetzen sollten,
wiirden sie sehr viel verlieren. In Ansehung der Erfindung wûsste ich ihnen keine
andere Nation an dieSeite zu selzen. hierinnenbestehteinesihrer grôssten Verdienste.
Dass es ihren dramatischen Dichtern oft an Regelmiissigkeit fehlt, dass sie zuweilen
ins Lebertriebene fallen, sind Fehler, die nicht zu leugnen sind, raan muss nur nicht
glauben, dass dieser Vorwurf aile ihre Dichter trifft... » (Gesch., p. 298, note à la
p. 396.) Dieze n'a fait ici qu'eflleurer la matière. Il eùl dit toute sa pensée dans le
grand ouvrage qu'il annonçait sur l'art et les auteurs dramatiques espagnols, qui n'a
pas paru — cf. à ce pi-opos le regret de Herder en 1796, éd. Suphari, t. WIII
l84 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE i/hISPANISME DE G. E. LESSING
science d'emprunt et d'écrire les banalités peu compromettantes que
l'on a lues? Car la généralité et, en ce sens, l'imprécision du juge-
ment sur la Comedia que renferme la Dramaturgie permettait préci-
sément cette latitude de transcription qui, dissimulant le plagiat,
rendrait difficile, non pas l'identification ad verbum, mais la simple
recherche des sources, si l'ignorance du castillan du côté de l'auteur
n'était pas avérée.
Un travail comme le nôtre manquerait à l'une, et à la plus indis-
pensable, des exigences scientifiques qui le conditionnent si, dans un
chapitre où il importe surtout — nous ne dirons pas de détruire —
d'ébranler une légende aussi solidement accréditée que dépourvue de
bases documentaires, nous ne nous efforcions de démontrer que ce
n'est que par suite et de l'ignorance de certains Lessingforscher et de
la complicité inqualifiable de quelques autres qu'a pris corps dans les
milieux d'érudition le mythe du Lessing « précurseur de A. W. von
Schlegel » ouvrant d'un geste auguste à l'Allemagne, avide de savoir,
la source enchantée, jusqu'alors fermée de sept sceaux, de la littérature
dramatique espagnole classique. Avant d'entreprendre cet essai de
démonstration, et duquel nous croyons que résultera avec assez
d'évidence le fait que, fort avant que Lessing émît son jugement sur
la Comedia, cette dernière avait été, non seulement découverte, mais
appréciée sous ses aspects rudimentaires dans notre littérature — nous
prenons ce vocable au sens le plus général — d'abord, puis, en partie
par l'intermédiaire de la France, dans celle même de son pays, il est
une vérité sur laquelle nous ne saurions, de nouveau, trop insister.
C'est celle de la nature de l'information de Lessing, médiate dans
presque toutes les matières qu'il a traitées. Véritable Biicherwurm,
toujours en quête de « bouquins rares », sans cesse à l'affût d'une trou-
vaille moins encore inédile que lointaine, il appartient à cette catégorie
de savants dont l'âme semble pétrie de caractères d'imprimerie, et qui,
pour employer les termes mêmes dont il s'est servi, en un moment de
lassitude et de détente, en cette même Dramaturgie où il a cependant
donné le meilleur de sa pensée littéraire, ne sentant pas en eux ce
jaillissement vif, lequel, de sa propre force, s'élance vers les hauteurs,
déborde en copieux jets, en ondes pures et fraîches, ont sans cesse
(Berlin, i883), p. 187 — bien que le premier volume, « der die àltesten Dichter aus
dem Cancionero gênerai nebst einigen andern enthâlt» (Préf. du Velâzquez, 1768), ait
été certainement rédigé en ms. Mais ce simple raccourci n'est- il pas, déjà, assez
probant? Il est singulier que ceux qui exaltent le jugement de Lessing sur la Comedia
oublient toujours de rappeler qu'il avait, au 4t6. Stiïck de la Dramaturgie, qualifié
de "sauvages» les intrigues des pièces espagnoles, et que cette appréciation ne
s'explique que parce qu'il ne les connaissait qu'à travers les Haupt- und Staatsaktionen,
qu'il imaginait en être des traductions. M. L. Croulé, qui trouva l'intrigue du Conde
de Sex «ce qu'on peut imaginer de plus bizarre», était d'avis (op. cit., p. 821) que
Lessing n'avait analysé cette comedia que par haine de notre tragédie classique :
opinion franchement insoutenable.
I.A. NATURE ET LES SOURCES DE l'iIISPANISME DE LESSING 1 85
besoin de « pompes » et de « tubes aspirateurs » pour élaborer la
matière livresque :
« Ich wûrde so arm, so kalt, so kurzsichtig seyn, wenn ich niclit einiger-
massen gelernt hâtte, fremde Schâtze bescheiden zu borgen, an fremdem
Feuer mich zu wârmen, und durch die Glâser der Kunst mein Auge zu
stârken... icli muss meine ganze Belesenheit so gegenAvarlig haben. »
(M. X, 209 seq.) Nous demandons que l'on veuille prendre, en
matière hispanique, et dans le sens que l'on sait, au sérieux cet aveu
spontané et d'autant plus précieux.
Depuis que M'"' D'iVulnoy avait donné, dans la fameuse Relation,
sa classique description de Vu opéra » espagnol, le goût pour la
Comedia, qui, bien que partagé par la majorité des beaux esprits de
l'époque de Louis XIV, n'a pas, — en dehors des emprunts variés allant
du plagiat direct d'un Scarron à l'originale adaptation d'un Molière et
dont le Catalogue commence à être dressé de façon méthodique, —
suscité de témoignages critiques qui méritent d'être relevés, semblait
s'être orienté en France vers une étude plus loyale des chefs-d'œuvre
scéniques de tras los montes, dans le sens de simples traductions de
ces derniers, devenus plus difTicilement accessibles que naguère soit
pour des raisons de langue, — le" castillan étant de moins en moins
cultivé à mesure que baissait la prépondérance politique de la
monarchie espagnole, — soit pour des raisons purement bibliogra-
phiques. Si le passage de Saint-Évremond sur la Comedia^ reste dans
la tonalité d'un bavardage de salon, c'est que le mondain spirituel à
qui nous sommes redevables de la Conversation du père Canaye et du
maréchal d'Hocquincourt, plonge par toutes les fibres de son être
1. Œuvres, édition d'Amsterdam, 1726, III, 260-267 • '^'"' "^^ Comédies, excepté
celles de Molière, oii l'on trouve le vrai esprit de la Comédie: et sur la Comédie espagnole.
Comme, dans la galanterie des Espagnols, il reste «je ne sais quel goût d'Afrique
étranger des autres nations et trop extraordinaire pour pouvoir s'accommoder à la
justesse des règles » ; comme « une vieille impression de Chevalerie errante, commune
à toute l'Espagne, tourne les esprits des Cavaliers aux avantures bizarres»; comme
« les Filles, de leur côté, goûtent cet airlà dès leur enfance dans les livres de
Chevalerie, et dans la conversation fabuleuse des femmes qui sont auprès d'elles » :
ainsi, « les deux sexes remplissent leur esprit des mêmes idées», car on « ne vit que
pour aimer,/ en Espagne, spécialement « dans l'inutilité de Madrid, où rien ne donne
du mouvement que le seul amour». En conséquence, la Comedia n'est que «la
représentation» des «Avantures» des Espagnols et est ce aussi peu régulière que ces
Avantures». 11 y a, dans le Discours préliminaire du Résumé de l'hist. litt. du Portugal,
etc., par l'ex-administrateur de la bibliothèque S'"-Geneviève, J. Perd. Denis (7 1890),
paru à Paris en 1826, p. V-VI, d'excellentes réilexions sur les causes de cette incom-
préhension des littératures étrangères en France jusque fort avant dans le
xviii* siècle : « Telle était notre manière de voir, que nous soumettions aux formes
françaises les divers auteurs dont on transmettait les œuvres dans notre langue, et il
faut avouer que les autres nations aidaient puissamment à développer notre dédai-
gneuse préférence : comme elles adoptaient nos idées et nos systèmes, qu'elles sui-
vaient l'impulsion (jire nous donnions, elles cessaient d'être originales, et nous étions
toujours supérieurs, parce que c'était nous que l'on imitait... »
l86 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
dans la tradition de notre xvii' siècle, dont « l'honnête homme » ne
pouvait apprécier un genre littéraire exotique qu'à travers les lunettes
de son éducation pseudo-classique, excellant à déformer l'aspect des
formes de pensée et d'expression étrangères. Le premier document
véritablement caractéristique du mouvement nouveau est un volume
in- 12 publié à Paris à l'aube même du xviii' siècle, en 1700, «chez
Jean Moreau, rue Galande, et aussi chez Jacques Christophe Remy, »
contrefait la même année et dans le même format à La Haye. L'auteur
de cette œuvre qui, comme l'a remarqué à propos l'abbé Goujet
(op. cit., VIII, i65), portait un « titre trop pompeux pour deux seules
pièces y, étant intitulée : Le Théâtre espagnol, ou les Meilleures
Comédies des plus fameux Auteurs Espagnols, Traduites en François,
n'était autre qu'un avocat né à Sarzau, près Vannes, et dont les
loisirs rendaient la plume alerte, Alain René Lesage, vivant à Paris.
II y donnait la traduction de La Traicion busca el castigo du poète de
cour et disciple de Calderôn Francisco de Rojas Zorrilla, sous le titre:
Le Traître puni, et de Guardar y Guardarse de Lope, devenu: Dom
Félix de Mendoce. Dans son Lesage (Paris, 1898, p. 291), M. E. Lin-
tilhac traitait la préiace du Théâtre Espagnol de « curieux manifeste »
et en demandait l'exhumation : désir excellent, que l'analyse suivante
satisfera peut-être. Après quelques considérations, roulant, comme
nous l'avons dit, sur le Théâtre français, parvenu u pour la pureté des
mœurs, à un point de perfection inconnue aux autres nations », mais
d'une (( sécliercsse dintrigue étonnante», Lesage s'étendait, dans les
termes reproduits par l'abbé Goujet et transcrits plus haut, sur les
mérites de la scène castillane, en regrettant que les Français n'aient
point assez recherché ces beautés dans les pièces qu'ils n'ont pas copiées
des Espagnols. C'est pourquoi l'auteur s'était proposé, « dans le dessein
d'encourager )> les poètes dramatiques « à s'attacher plus qu'ils ne le
font à l'intrigue de leurs Poèmes », cette entreprise de didactique
théâtrale, consistant, non certes à traduire à la lettre les textes
originaux, — figures outrées^, galimatias de termes pompeux, mouve-
ments rodomonts : tout cela n'était-il pas trop opposé aux exigences
de notre société polie? — mais à en exposer avant tout l'intrigue, son
but n'étant pas de faire œuvre philologique». « Comme les Espagnols
n'observent ny l'unité de lieu, ny la règle des ik heures, j'ay gardé
un milieu entre les libertés de leur Théâtre et la Sévérité du nôtre. »
C'est sur le Traître puni que Dancourt édifia sa Trahison punie, en
I . C'est en ce sens (juc peuveat s'entendre les louanges que M. E. Lintilhac donne
aux traductions de Lesage, qu'il analyse rapidement (Cf. p. 36 sur Dom Céaar Ursiii).
M. Fitzmaurice-Kelly {trad. cit., pp. 3'ii et 371) n'a pas une idée exacte de ces traduc-
tions, auxquelles il confère un caractère d'indépendance de leurs modèles qu'elles ne
possèdent en aucune sorte. Que signifie une phrase comme celle-ci : » Sa dernière-
conquête importante [de Lope] fut Le Sage, don le Don (sic) Félix de Mendoce est tiré
de Guardar y guardarse » .'
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPANISME DE l-ESSING 1 87
vers, qui fut jouée au Théâtre-Français et peut se lire au tome VU de
son Théâtre (S-erfi/.^Paris, i7ii,in-i2). Quant k Dom Félix de Mendoce,
il ne fut jamais représenté. Le Journal des Savans (édit. d'Amsterdam,
1700, ixviii, p. 195-196) concluait son annonce du Théâtre
Espagnol par la promesse que ci si ces deux pièces sont favorablement
reçues, il [le traducteur] en fera incessamment imprimer d'autres dans
le même dessein et du même goût. » Ce ne fut que ibrt longtemps
après, en 1789, que Lesage se décida à ajouter, à la réimpression
des deux premières dans son Recueil de pièces mises au Théâtre,
deux comédies espagnoles nouvelles, cette fois encore plutôt adaptées
que traduites en français : Le Point d'honneur {No hay amigo para
amigo, aussi appelé : Las carias se vuelven lanzas, do Rojas), et Dom
César Ursin {Peor esta que estaba, de Calderôn)». La première, que
l'auteur a, pour la porter en 1720 à la Comédie -Italienne, réduite à
trois actes, et, par conséquent, sensiblement remaniée, avait été donnée
deux fois au Théâtre-Français en février 1702, sous sa forme primitive,
en cinq actes; la seconde avait été représentée à Paris le i5 mars 1707.
Par un contre-coup littéraire fréquent, ù cette époque de poly-
histoire, en Allemagne, le Théâtre Espagnol de 1700, analysé
sommairement par le ministre protestant de Nyons réfugié en Hollande,
Jacques Bernard, dans ses Nouvelles de la République des Lettres
(Amsterdam, 1700, p. 674, livraison de juin) 2, fut cause qu'un profes-
seur de droit et de philosophie de Halle, le peu loyal rival de Wolff, Nicol.
Hieronym. Gundling, s'occupa du théâtre des Espagnols, dont il ne
comprenait pas la langue. Bernard en appelait, dans sa médiocre
critique, à M"" d'Aulnoy (Voyage d'Esp., 111, 21 seq., dans l'édition de
Hollande de 1691) touchant la Comedia. Gundling lut ce passage et
le délaya de la sorte dans ses chaotiques Otia^ :
M In iliren [der Spanier] Gomœdien haben die Frantzosen viel zu tadeln
gefunden, so wol weilen sie es bey hellem Tage und unter freyem Himmel
1. Dans la Nonv. Ed. rev. et corr. des <Euvres de Théâtre {Paris, 177^), le Traître
puni, Dom Félix de Mendoce et Le Point d'Honneur sont au tome I; Dom Cés>ir Ursin au
tome II. Dans les Œuvres choisiesde 178.3, le Point d'Honneur est, par contre, au vol. \1 :
cf. la Bibliogruphie précitée de Lesage. — MM. ^lorcl-Fatio et Rouanet ne mention-
nent pas, dans leur Théâtre Espaijnol, les deux nouvelles traductions de Lesage, mais
seulement l'édition hollandaise de 1700 des deux premières, laquelle parut chez
L'ytwerf en un in-is de 2i8 pages et est celle qu'analysa Jacques Bernard.
2. Bernard, continuateur du fameux journal de Bayle depuis iCgij, était d'avis
que si les deux pièces de Lesage « ne peuvent être jouées sur le Théâtre François avec
succès, elles peuvent du moins être lues avec plaisir ».
3. Frankfurtu. Leipzig, 170G-1707, trois Parties [dites: Aujlaijen\ en un volume in-8.
En 1706 parut à Nuremberg une brochure anonyme de polémique contre la partie de
cette compilation qui nous intéresse ici. Elle a Wi pages et s'intitule : Erbauliche
Gedanken iiber D. Nicol. Hieron. Gundlings Otia, etc. Elle fut réimprimée l'année
suivante, in-8, eod. loc. Sur Gundling, cf. l'article du Jôcher, III, 1379-1281, et
surtout celui de R. Pallmann, .l/ij;. fînc, 97. Thl.,p. a(î0-fi8, puis Stinlzing, /l. /). B/o;//-.
\, lag-iSo, notice médiocre. Le passage cité ici des Otia est au prcmiei- chapitre de
la première Partie: Ton dein Tempérament der Spanier, p. 1-80.
l88 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LHISPANISME DE G. E. LESSING
praesentiren. als auch weilen es ihnen nichl angestanden, dass die Gôtler
vom Himmel herab gerilten, und die Teuffel mit Schellen herfûrgekommen,
es mûsste denn jemand sagen, dass sich ihre Gomœdien besser sehen, als
lesen lassen, welches dass Urtheil des Mons. Bernhards ist, da er das Théâtre
Espagnol in seinen JSouvellen recensiret. »
Ces sottises — d'ailleurs mal transcrites, puisque Bernard était,
comme on vient de le voir, exactement d'avis contraire — allèrent
finalement contaminer la thèse de doctorat pour Greifswald soutenue
le 2 2 mars 1724 par le poméranien H. C. von Rirchbach : Commentatio
historica de statu rei literariae praesenii in Europa (Gryphiswaldiae,
typ. Caroly Hœpfneri, i4o p. in-A") :
« Studium poeseos dramaticae Hispanos pariter habuit occupatos :
eventus tanien docuit, quod ob ingenii indolem ' actioni theatricae minime
sint sufTicienles, id quod etiam reliquit testatum Comilissa d'Aunoy in
Descriptione Ilineris Hispanici P. I. Epist. H, referens, Hispanos in theatris
non uti candelis vel facibus, sed aperlis fenestris res deducant in actum, et
populo proponant spectandas. quo ipso e plurimorum mente, omnis
comœdiarum gratia concidit. >■
Jusqu'en 173-, nous ne trouvons rien d'intéressant à consigner hors
d'Espagne sur le thème qui nous intéresse, sauf, cependant, une courte
polémique dans le Mercure de France^ touchant les rapports del'Héra-
clius avec Y En esta vida, etc., de Calderôn et à laquelle il est certain
que nous devons, moyennant Tournemine, la fameuse Dissertation de
Voltaire. Cette polémique s'ouvre par une lettre anonyme — elle était, en
réalité, de l'abbé Pellegrin, cf. l'Histoire du Théâtre français, etc., des
frères Parfaict, VII (Paris, 1746), p. 92-932 — insérée aux numéros de
février, p. 199-217, et de mars, p, 399-410, qui posait le problème et pro-
mettait de le résoudre, sans cependant qu'il ait été donné suite à cette
promesse. Elle appela une réponse, également anonyme, datée : 23 août
1724, et insérée au numéro de mai suivant, p. 846-85 1, oii l'on com-
parait quelques passages caractéristiques des deux pièces, pour conclure
— sur des raisons, il est vrai, fort peu flatteuses pour le poète espa-
gnol — en faveur de la priorité de Calderôn. On sait que Voltaire
prétendit arranger le différend en niant qu'aucun des deux génies ait
1. Tout cela est pris dans Gundling, que Kirchbach invoque explicitement plus
loin. Il y a pris également la référence, que d'ailleurs il donne inexacte, à
M°" d'Aulnoy. Je ne transcris pas tout le passage ; il se trouve op. cit., S XVJI, p. tiS.
Celui, bien connu, de M"* d'Aulnoy est dans la X* Lettre, datée Madrid 22 May 1679.
Elle avait vu jouer (( l'Opéra d'Alcine ». Une fort intéressante description de la
représentation théâtrale espagnole au xvii" siècle a été commencée par M. Milton
A. Buchanan au vol. 8, n° 6 (1908) de The University Monthly (Toronto) : At a spanish
Theater in the seventeenth centiiry, p. 20^-209.
2. Daprès ce même passage, le P. Tournemine aurait écrit une Défense du Grand
Corneille qui se trouverait p. xxv-xxxiv des Œuvres diverses de Pierre Corneille (Paris,
1788, in- 12), éditées par l'Abbé Granet. La confusion s'explique par ce fait que
les Œuvres diverses par Grauet parurent la même année que le Théâtre de Corneille,
de Fr. Ant. Jolly, avec lequel elles furent réunies, d'ailleurs, dans la réédition
de 1758-59.
LA NATURE ET LES SOURCES DE LHISPAMSME DE LESSIKG 189
connu la pièce de Taulre — il a, dans une lettre à Duclos, du 28 avril
1762, résumé sa pensée en disant que (( Corneille a mis dans les règles
ce que l'autre avait invenlé hors des règles » — et en donnant au t. Y de
son Théâtre de Corneille ( 1 764) une prétendue u traduction » de « l'extra-
vagant ouvrage » espagnol I. En 1788, le P. Tournemine, a qui croit tout
ce qu'il imagine, » avait, on le sait, entrepris de réhabiliter Corneille par
une notice insérée à l'article Héraclius (p. xlv et xlvi de l'Avertissement)
dans l'édition du Théâtre de Corneille publiée à Paris en 6 vol. in-12 par
les soins de JoUy et réimprimée, outre une contrefaçon de Hollande
1740, en 1747-48, puis 1758-09. Mais la tentative était des plus mala-
droites, et c'est avec raison que les frères Parfaict, dans leur Hist. du
Th.fr., vol. cit. y lac. cit., notaient : « Nous conviendrons avec le lecteur
que l'Apologiste de Calderon, et son savant Adversaire ne prouvent
pas assez ce qu'ils avancent. L'un ne parle que par conjecture, et l'autre
prétend le réfuter sur un ouï-dire. Tout cela ne satisfait pointa. »
En 1787 avait paru, à la feuille CXLIX du Pour et Contre, t. XI, une
annonce, enveloppée de restrictions, de Prévost, où, tout en s'excusant
de s'exposer au dégoût d'une infinité de lecteurs par la publication
d'un extrait d'une pièce espagnole, il n'en déclarait pas moins vouloir
donner des nouvelles et une idée de ce théâtre, comme, dans les feuilles
précédentes, il avait fait pour l'Angleterre. En conséquence, l'habile
faiseur imprimait, sur les instances (( d'un Espagnol », non certes la
traduction « d'une des meilleures pièces de Théâtre d'Espagne », mais
simplement quelques scènes caractéristiques, et ce (p. 25-45) sans
même mentionner que la pièce donnée par fragments était de Lope,
se bornant à expliquer qu'n en général » on y voyait « une Duchesse
de Brabant, qu'une aveugle passion pour un des Gentilshommes de
son mari emporte fort loin de son devoir ». En réalité, il n'y avait là
qu'une tentative éditoriale de D'Hermilly, qui tâtait de la sorte le goût
du public pour la Comedia, dont, dès cette date, il tenait prêtes plu-
sieurs versions 3. Le peu de succès qu'obtinrent les informes bribes
1. 11 y a, sur cette (( traduction » de Voltaire et la façon dont il s'y prit pour se
documenter en Espagne sur la pièce de Calderon, de curieux détails et une bonne
critique p. lxixvi seq. du t. I (Madrid, 1785) du Theatro Hespanol de Garcia de la
Huerta. Ce t. I, qui contient le Prôlogo et fut suivi de i5 autres pet. in-8, est un
document précieux. Le Prôlogo fut réimprimé en 1786 : La escena espanola defendida
en el Prôlogo del Theatro hespanol de Vicente Garcia de la Huerta, y en su Leccion critica,
Segunda Impression. (Madrid, H. Santos.) Cf. à son propos les notes de J. B. P. Forner.
B. A. E. 63, p. 269.
2. Cf. sur cet exploit de Tournemine : Viguier, Fragments et Correspondance (PaTis,
1870), p. 35 seq., où est réimprimé un médiocre Mémoire de Tauteur paru en iSiC,
et l'édition Marly-Laveaux des Œuvres de Corneille (Paris, iSO'?), t. V, p. 120 seq.
3. Cf. l'aveu de D'Hermilly, Discours sur les Tragédies Espagnoles, préf, p. iv :
« Pour sonder les dispositions du public, j'engageai M. l'abbé Prévôt d'insérer dans
ses feuilles du Pour et Contre quelques scènes d'une pièce de Lope de Vega que
j'avois traduite. Cet écrivain le fit dans sa cent quarante-neuvième feuille, après avoir
pris pour prétexte d'en avoir été pressé par un Espagnol,.,»
It)0 CONTRIBUTIONS V L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSIXG
présentées dans la feuille de Prévost et l'apparition, l'année suivante,
des analyses-traductions de Duperron, réduisirent à néant les combi-
naisons de D'Hermilly. Nous savons, d'ailleurs, par lui que les bonnes
intentions de l'auteur du Théâtre Espagnol de 1788 furent également
frustrées par l'indifférence du public — mais la faute n'était-elle pas à
Duperron, qui disséquait les comedias de Lope pour n'en livrer qu'un
squelette décharné P — de sorte qu'il renonça, découragé, à poursuivre
l'œuvre aussi malencontreusement inaugurée'. Du moins nous
valut-elle, sinon la Virginia, à coup sûr le Discurso de Montiano,
ainsi que, l'année avant celui-ci, les longues remarques de Blas Nasarre
au Prôlogo de sa réédition des comedias de Cervantes, et, par suite,
une excellente occasion de surprendre à l'œuvre l'hispanisme de
Lessing.
L'année même où paraissait le Théâtre Espagnol, Riccoboni consi-
gnait, de son style lâche et terne, dassez longues mais aussi passable-
ment imprécises et même souvent inexactes remarques sur la Cotnedia
dans ses Réflexions historiques et critiijues sur les différens Théâtres de
l'Europe, avec les Pensées sur la Déclamation [Paris, Guérin, 1738,
in-8, p. 56-83], dont le Journal des Savans, CXX, 17A0, p. 117-140, et
les Mémoires de Trévoux, mars 17^0, p. 4o4-44i, donnèrent une ample
analyse élogieuse. L'ouvrage ne manifeste, dans la partie qui se rap-
porte à notre étude, qu'une érudition peu sûre. Si Riccoboni cite les
noms de « Lopes de Véga, Calderon, Muréto. îSolis, Salazar, Molina,
Juan Perés de Monlalvan » et même... «Don Felles de Arebo, Don
Bernardo Joseph de Reynoso y Quisiones, Don Joseph de Canizares, n
ne les connaît-il pas manifestement par ouï-dire, et non point directement
et personnellement 2 ? Il est surtout choqué de ce que les poètes scéni-
ques d'Espagne n'observent pas de règles, ou plutôt n'observent pas
(des règles», et sa conclusion est que «quoique le Théâtre Espagnol
soit dénué de Règles, il aura néanmoins la gloire d'avoir été et d'être
encore le grand maître des Poètes, et le grand modèle des Théâtres
1. On n'est pas peu surpris de trouver, ea i7<i9, au t. IV des Variétés | lilteraires
I ou Recueil de Pièces tout origi- \ nales que traduites, concernant la | Philosophie, la
Littérature et | les Arts (Paris, Lacombe), p. ôo2-5i0, avec l'analyse et la traduction de
quelques passages du \'aliente Justiciero de Moreto et des Benavides de Lope et quelques
fines remarques sur la Co//iedia, la demande que soit continué l'ouvrage de Duperron.
J'imagine qu'il n'y avait là qu'une ruse de littérateur pour attirer l'attention du public
sur le théâtre espagnol, et préparer lesAoiesaux 4 volumes de traductions de Linguet.
qui parurent en 1770. — Celte lettre des ]'ariétés était signalée par Blankenburg dans
ses Zusàtze à VAllgemeine Théorie der schônen Kiiiisle de Sulzer, /. Bd., (Leipzig, 179C),
p. 3o0. MM. Morel-Fatio et Rouanel Coj). cit.) indiquent la date 1770, au lieu de 1769,
)>our cet appréciable document.
2. Montiano opinait cependant pour cette dernière hypothèse. P. G7 du Discurso II.
sobre las tragedias espaholos (Madrid, 1703), il loue les Réflexions : Un Profesor extran-
(jero, aun nias conocido por su literatura, que por su deslreza en las Tablas, no obstante ser
tanibien notoria, habla con singular elogio de la Representacion de Espaha; v esto no solo
por noticias, sino de propia ciencia...
LA NATURE ET LES SOURCES DE I.HISPAMSME DE LESSÎNG iql
de toute l'Europe, soit par la singularité des idées, soit par le nombre
prodigieux et la variété des sujets de Comédie qui n'appartiennent
qu'à lui».
Jusqu'en 1-55 — sauf les comptes rendus, que nous avons signalés,
du Discurso de Montiano et la traduction de D'Ilermilly, laquelle,
répétons-le, contenait de très exactes notices sur les écrivains espagnols
cités, qui étaient presque tous des auteurs dramatiques — ricii d'im-
portant n'est à mentionner qui ait trait à la Comedia. En 1755, le
Journal Étranger, que Prévost rédigea cette année-là de janvier à
septembre, qui fut sa plus brillante époque i, publie une prolixe analyse
des Origenes de ta poesîa castettana du marquis de Valdeflores, parues
l'année d'avant à Mâlaga, in-^, chez F. Martînez de Aguilar <. II est très
vraisemblable que si Dieze a eu connaissance du livre de Velâzquez et
si l'idée lui est venue de le traduire — que l'on songe, aussi bien, qu'il
lui fallut treize ans pour exécuter son entreprise, si originale et nou-
velle — c'est parce que ce livre fut signalé dans un périodique français
à l'attention des érudits européens. L'analyse du Joiirnat Étranger
avait, d'ailleurs, à peine paru, qu'elle était (sans qu'une allusion indi-
quât la provenance des articles) plagiée dans deux gazettes allemandes,
l'une, l'organe de Gottsched — qui alimentait de sa prose française,
comme on sait, le Journal Étranger — ; Das Neueste aus der
anmuthigen Gelelirsaml^eit {i-jôo, n"" X, 740-753; \I, 830-887; 1756,
n"' 2, 93-102; 3, 193-199); — l'autre, le Hamburgisches Magazin
(1755, 451-497; '756, 1-35), auquel collaborait Dieze. La même
année, à l'occasion d'une analyse de la Poétlca de Luzân, ce même
1. Eii réalilé, celle l'euille n'avait ni plan ni doclrine lilléraire. Quand elle eut
passé entre les mains de Fréron, elle devint plus chaoti(iue encore. M. L. Crouslc
avait s\ir elle de bonnes remarques (elle ne ménag'eait pas les éloges à Lessing), op. cit..
p. 99 seq., et elle a fait récemment l'objet d'une assez longue étude, sur laquelle j'ai des
notes prèles, de M. Johaimcs Giirlner : Das Journal Etranger iind seine Bedeutung fiir die
Verbreitiing deutsrher Literutur in Frankreiek (Mainz, Falk u. .Sohne, igoS), Pronio-
lion.-ischrift de l'Université de lleidelberg, dont M. l\. Mahrenhollz a donné un compte
rendu, purement analytique et trop laudatif, au n" 7 du JAteratarbl. fiir germ. n. rom.
Philologie, 1907, col. 243-244.
2. Sur Velâzquez lui-même et ses uuivres, le Journal Étranger de mai 1760,
p. 197-199, contenait quelques renseignements. L'analyse des Origenes est aux n°' de
lévrier (p. 22-82), mars (p. 177-205), avril (p. 218-240), mai (p. 58-87), juin (p. 87-10!)),
juillet (p. i5o-i 55). Cette analyse, non sign(''e, est de A. A. J. Feutry. Elle a été réimpri-
mée p. 99-192 des IVouveaiix Opuscules {Di^on et Paris, 1779) de cet auteur. — L'ouvrage
de Velâzquez, 2 feuilles et 170 p., puis 5 feuilles, aurait, d'après E. Uàret, llist.de la littéral,
espagnole (Paris, i8G3), p. xix, et Ad. de Puibusque, Catalogue (Paris, i864), P- 45, ainsi
que Graesse et Brunet, paru à Mâlaga en 1797 en 2"* éd. en i vol. in-4. Cette édition
m'est restée inaccessible. H. Breymann, qui fait de l'éd. originale un in-8 (p. 221), cite
crrouément une 2'"* éd. de Madrid, 1789, eu 2 volumes. Une telle bévue n'est pas trop
surprenante de la part d'un érudit qui est allé se documenter sur Boulerwek dans
A. K. de Molins {Ensayo, etc., p. 19), qui l'a induit en erreur sur la date de publication
de la Gescli. (p. 22'S de la Cald. Lit.) et qu'il ne confond pas moins, v. gr. p. 232, avec
le marquis de Molins. — Cf. sur Velâzquez VEnsayo de una Biblioteca de los mej. escr.
del reynado de Carlos III, de .Sempere y Guarinos, VI (Madrid, 1789), p. i39-i5.> et Diezr
dans son Introduction.
192 CONTHÎBLTIOS A l'ÉTL DE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
Journal Étranger^, déjà rédigé par Fréron, donnait, d'après les
idées du troisième livre de la Poética, un assez curieux passage
sur la Comedia. En août 1756, nous y trouvons 2 une nouvelle et
longue analyse d'un livre espagnol — la Disertaciôn sobre las Come-
dias de Espana, parue à Madrid en 1 7^9 — où était traduit, en parti-
culier, tout le jugement de Nasarre sur Calderôn, p. 1 1 6-1 19 3. Derechef,
cet article français était plagié mot pour mot — sans mention de
provenance — par le journal de Goltsched, 1756, n" X, p. 803-812. C'est,
sinon dans l'une de ces deux copieuses analyses, du moins dans l'ou-
vrage lui-même de Nasarre que Joh. Friedr. von Kronegk est allé
puiser beaucoup de l'information dun article, d'ailleurs caractéristique,
intitulé : Ueber die Spanische Schaubiihne, qui fut inséré dans ses
Schriften, publiées en 1760-61 en 3 vol. (11, 3895^9.), mais qui a
vraisemblablement — je n'ai malheureusement pu élucider ce
point — paru d'abord dans quelque périodique, mais non, en
tout cas, dans Der Freund, rédigé de 1754 à 1706, avec Kipping,
Junckheim, et peut-être Rabe et Hirsch, par Kronegk à Ansbach, en
3 vol. in-8, réimprimés à Gôttingen en 1773, et où ses 37 contributions
sont signées E. et L. '*. Cet article, ne fût-ce que pour sa rareté actuelle
relative et son mérite de document en langue allemande très antérieur
— et très supérieur — au passage de Lessing sur la Comedia, mérite
d'être reproduit ici. Dès 1766, d'ailleurs, Joh. Tobias Kôhler, de la
traduction duquel nous allons parler, l'avait réimprimé intégralement
pour l'opposer aux fadaises de Clarke sur le théâtre espagnol.
« Es ist zu beklagen, dass wir in Deutschland so wenig Gelegenheit
haben, mit den neuen Stûcken, die in Spanien heraus kommen, bekannt zu
werden. Die Virginia und der Alaulpho sind fast die letztern, von denen
wir etwas wissen, und wie weit mûssen es die Spanier nicht gebraciit haben,
wenn sie diesen Meistern gefolget sind 5? Da ich von der neuen spanisch.
1. P. 117-148. Le passage sur la Comedia est p. i35-i43.
2. P. 99-119. — On lira encore aujourd'hui avec fruit ce que Bolii von Faljer a dit de
la Disertaciôn de Blas Nasarre dans les Miidicaciones de Calderun (Câdiz, 1820), p. [useq.
3. Ce sont presqtic les idées de Lessing sur la Comedia. — A noter que l'auteur de
l'article rapprochait le fameux vers de Boileau : Enfant au i>remier acte et barbon au
dernier, de ce passage du Rufiùn viudo : Pariu la dama esta jornada y en utra tiene el nino
y a sus tiarhas.
4. Cf. Vorrede à l'édition de Leipzig, 17G5 — qui est la seule que j'aie pu consulter,
mais qui ne ditlère pas, de même que la réimpression de 1776 et la véritable réédition
d'Anshach 1771-73, du texte original — /. Bd. C'est l'ode de Kronegk : Der Krieg, que
Lessing déclarait, en 1756, l'une des meilleures de l'époque, et c'est sa tragédie
inachevée : Olint und Sophronia, qu'il a assez maltraitée aux chap. 1-7 de la Dramaturgie.
Kronegk mourut en 1758. L'ignorance absolue où il est, dans son article, d'œuvres
modernes espagnoles autres que la Virginia et VAtaulpho ne laisse pas d'être caracté-
ristique du degré de son hispanisme. On ne trouve à ce propos que des banalités
dans la mince thèse de doctorat pour Berlin de M. W. Gensel : Joh. Friedr. von
Cronegk. Sein Leben und seine Schriften (Lpzg., iSgi, p. 3i-33).
5. Ces réflexions, il est nécessaire d'insister sur ce point, démontrent combien
Kronegk était documenté médiatement sur la moderne littérature espagnole.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANLSME DE LESSING I (j3
Bùhne ineinen Lcserii nichts besonders sagen kann, so glaube ich, dass es
vielleicht einigen unter ihnen nicht unangenehm seyn wird, wenn ich ihnen
eineu BogrifT von der alten Spanischen Buhne zu geben unternehme : denn
auch dièse Nacliriclaten, die man von den iiltesten Scliriftstellern in dieser
Sprache geben kann, sind fast in Deutscliland neu, und ich weiss niclit,
^va^unî die Bewunderer der franzos. und italian. Dichter nicht die Quelle
zu erforschen suclien, aus welclier dièse so vieles geschôpft, und diejenigen
Schriflsteller ganz vergessen, die nebst den Alten die einzigen Lehraieister
eines Corneille und Molière und so vieler andern grossen Geister vvaren.
Fast aile Franzôsische Schriftsteller des vorigen Jahrhunderts haben die
Spanier ausgeschrieben ' . Dass Molière sein Festin de Pierre aus dem Bar-
lador de Sevilla y Combidado de piedra de Tirso de Molina genommen, weiss
jederniann. Man kann nicht leugnen, dass es vielleicht das schlechteste
Stùck des Molière ist, und daraus schliesst man, dass die spanische Bùhne
nichts gutes habe. Einer bethet es dem andern nach, und kein Mensch giebt
sich die Mùlie, sich mit einer Sprache zu beschâfftigen, in welcher doch so
vicie lesenswùrdige Schriften angetroffen werden. Dass Molière nicht nur
dièses, sondern auch einige von seinen besten Stûcken aus dem Spanischen
genommen hat, ûbergeht man. Man saget nicht, dass er das vortrefl. Stùck
L'école des maris aus dem Lustspiel des Antonio de Mendoza : El trato muda
costumbre, oder ('denn es ist unter zweyerley Titel heraus gekommen)
FÀ marido haze muger genommen hat, und dass seine Fâcheux aus einem
spanischen Zwischenspiele zusammen gesetzt sind. Dass der altère Corneille
seinen Cid aus dem Spanischen genojnnien hat, ist bekannt. Es ist ferner
bekannt, dass sein Menteur fast nichts, als eine Uebersetzung des Meniiroso
vom Lope de Vega sey. Lope de Vega war der erste, der zweyte Corneille,
der dritte aber der grosse Verfasser des Zuschauers, Steele, der es unter dem
Titel: the lying Lover gebracht hat. Endlich hat es der geschickte Goldoni
auf die italiiinische Bùhne gebracht... '.
« Ich will von der kleinen Ausschwcifung, zu der mir die Vergleichung
dieser vier Stùcke Anlass gegeben, wieder zurùck auf die franzôsischen
Schriftsteller kommen, die aus dem Spanischen etwas genommen haben.
1. L'expression ausgeschrieben révèle ou l'ignorance de Kronegk, ou, dans le cas
où il eût puisé dans sa propre science (mais cela n'est pas) toutes les indications qui
vont suivre, une bonne dose de mauvaise foi. Quand il écrit simplement que Molière
a ^^pris <> l'École des maris dans le Marido hace Mujer de Mendoza, sans autre forme de
procès, est ce gallophobie ou ignorance, répétition d'une notice copiée quelque part?
De même pour le Cid. Et que penser de l'identification du Menteur avec le « Meniiroso »
de Lope de Vega.'' Là, ('videmment, Kronegk se sert de Corneille, qui commit le
premier l'erreur, et ignore totalement la pièce espagnole. Il l'ignore tellement qu'un
peu plus bas il parlera de l'« Alcippe» de Lope, qui serait un personnage du Meniiroso.
2. Suit une critique du Menteur, spécialement dans Goldoni et Steelc, que j'omets
parce qu'elle n'intéresse pas le thème ici traité. Klle est cependant remarquable en ce
sens que Kronegk la termine en aflirmaiit que « vielleicht hat Lope de Vega, der
Erfmderdes Sti'ickes, auch seine Ertindung am besten ausgefiihrt. » Or, il ne connaît
pas — faut-il le répéter ? — cette pièce, puisqu'il écrit que « im Lope de Vega und ini
Corneille saget der Ileld seinem Bedienten, er hatle Alcippen erstochen. » Passe encore
pour l'attribution à Lope (([ui pourrait à la rigueur s'expliquer en disant que
Kronegk n'avait vu que l'édition de la comedia espagnole au t. XXII (apocryphe) des
oomcdias de Lope, Saragosse, i63o). Mais cet .Mcippc est-il admissible, et, de plus,
le fait d'établir une connexité entre la pièce espagnole et Tlie Lying Lover, or the
Ladie's Fricndship (1708"), la pièce moralisante dainned for its piety, comme a dit Steele
lui-même, ne fournit-il pas iine preuve nouvelle de l'information indirecte de l'auteur.'
IQ^ COMHIBUTIONS A L ÉTUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSl>"G
Sie haben ôfters ein Buch von Wort zu Wort ûbersetzt, und gar nicht dazu
gesetzt. dass das Buch im Grundtexte Spanisch ist. So ist der erste Thcil ini
Théâtre de l'amour et de la fortune ' der Mdlle, Barbier nichts, als einc
Lebersetzung eines Stûckes inden Xovellas di Perezde Monlalvan. Hauteroche
hat seine Dame invisible, ou l'esprit folet. aus der Dama duende des Pedro
Calderon fast blos ûbersetzt. Boisrobert hat seine Jalouse de soi même aus
der Zelosa de si missina fsicj des Tirso de Moiina. Scarron hat seinen Don Japhet
d'Arménie aus dem Marques de Cigarral des Alonso de Gastilla (sicj. Ohne-
diess hat er seine meistcn Erzalilungen aus dem Spanischen. Z. E. die
Geschiclitc des Destin in seinem comisclien Roman, ist aus der Spanischen
Comôdie : Cor. quien vengo ventjo' . Quinauts Fa/i<ome amoureux ist fastbloss
aus dem Galan Fantasma des Pedro (laideron ûbersetzt. Das Stûck la Me est
un Songe in dem ersten Bande des nouveau tlieatre italien ist auch aus dem
Spanisclien Stûcke la vida es sueno dièses Pedro Calderon. Der Plan des
Trauerspiels Erigone von la Grange ^^ ist auch fast ganz aus dem Spanischen
Stûcke des Juan de Villegas. la mentirosa verdad.
« Kein Schriftsteller hat mehr aus den Spaniern genommen, als der
jûngere Corneille. Les engagement du Jiazard sind aus dem Stûcke : Los
empeùos de un acaso des Calderon; le geôlier de soi même aus dem Alcayde de
si misino (sic) des namlichen Verfassers. L'amour ù la mode ist nichts als El
amoral uso des Anton de Solis: seine Comtesse d'orgueil nichts als der Don
Enrique del Rincoii, Senor de noches bueiias des Ant. de Mendoza. Sein feint
Astrologue and noch verschiedene Stûcke sind aus andern Spanischen
Schriftstellern, die mir jetzo nicht bevfallen.
<i Man darf nicht glauben, dass ich die Franzôsischen Schriftsteller zu
verkleinern sache, Aveil ich ein solches Verzeichniss hieher setze, von denen
Stûcken. die sie den Spaniern zu danken haben. Im Gegentheile, ich halte
sie fur lobenswûrdig. dass sie Frankreich bereichert haben, und Molière
wird eben so gut gross bleiben. als wenn ailes seine eigene Erfindung wâre.
Milton wûrde immer gross geblieben soyn, wenn auch die falsche Erdich-
tung Lowthers wahr gewesen ware. Meine Absicht ist bloss. die Deutschen
aufzumuntern. aus eben diesen (^nellon zu schopfen. Sie mûssen aber nicht
von dem jungen Corneille sich dahin verfûhren lassen. dass .sie ihre Stûcke
bloss mil Verwirrung anfûUen, oline an die Ausfûhrung der Charaktere zu
denken. Sie wei'den in der Spanischen Bûhne viele Anlagen von vortreflli-
chen Stûcken finden, und ich bin fast ûberzeugt, dass sich zum Beyspiele.
aus dem Stiicke : El meior nmigo el Rey. des Augustino Moreto. aus des
l.ope de ^ega ventura de la Fea, aus seinem Villano en su rincon und
vcrschiedenen andern Stûcken. so wohl von ihm, als von andern Spanischen
Schriftstellern sehr schône Lustspiele machen liessen ''. »
I. Paris, 1713, :>. tomes en un vol. in-i:!.
■2. I,a déterinination des sources de Scarron daos 6es Nouvelles Tragi-Coiniiiiies vient
seulement d"ètre entreprise de façon méthodique, par M. A. I^. Sliefel. Cf. son élude,
commencée dans VArcliiv de Ilerrig, t. CXIV (1907), p. 101 seq. : Xa den .\oveUcn Paul
Scarrons. Cf. aussi, du même auteur: Paul Scarron's «Le marquis ridicule» und seine
spunisilie Quelle (Zlsclift. fiir fran:. Spr. 11. Lit., VXXII, I11.107], p. i-bo.)
'.'>. Ccst de La^frange-Chanccl qu'il s'aju^il. Erigone, tragédie en G actes el eu vers,
parut en 1703 à Paris, in-12.
!t. A la suite de cette dissertation, kronegk a, dans un petit traité: leber <//<■
abyebrochenen Hcden in Sciiaiiapielen (p. 395-4oo), cité comme modèle de dialogue
animé la fin des Benavides de Lope '< im 2>''" Tlieile seiiter \]'erlce :u Lissidion IfHJ
ijedriicht, p. 171 r>, ainsi qu'un |>assage de La banda y la Jlor de Calderûu.
LA .\ATLRE ET l,ES SOUUCES DE L HISPANISME DE LESSING I QO
C'est vers la même époque que le baron von Holberg, le polygraphe
dano-norvégien, signalait, dans la 52"° de ses Lettres publiées de
1753 à 1755 en traduction allemande, la Vida es sueiio — qu'il avait
vu jouer (ou qu'il avait lue) dans un remaniement — à l'attention des
dramaturges'. Mais les banalités que cette œuvre lui inspire sont une
conséquence de son ignorance du castillan, qui ne lui permet pas
d'apprécier personnellement l'original. 11 est d'avis « dass man sich
auf unsrer Biihne mit gutem Erfolg des Stûckes, dus Leben als ein
Traiim, bedienen konne, indem dièses Stûck... eine angenehme
Historié enthiilt, und durch einige lustige Auftritte lebhaft gemacht
worden. » Puis il esquisse un exposé sommaire de la pièce, avec cette
conclusion : « Es ist aber ailes so unordentlich vom Anfange bis zu
Ende, dass man fast denken sollte, die Absicht dieser Comôdie sey
mit derjenigen einerley, welche den Titul Ulysses von Ithaca fûhret,
denn in beyden Stûcken ist weder Vernunft noch Moral anzutreffen, »
conclusion qui révèle assez combien l'auteur est peu initié aux
conditions de la Comedia, bien qu'il admette que, dans la création de
Calderôn, même sous la forme misérable d'un remaniement mala-
droit, u einige artige Scenen enthalten sind. »
En 1709, Samuel Derrick — qui signa cet ouvrage Wilkes — énu-
mérait, dans A General View of the Stage (London, 1709, in-8, Part.I,
chapt. 5), quelques défauts de la scène espagnole, mais, ne la con-
naissant nullement par expérience, redisait sur son compte les sottises
courantes. Un autre Anglais, qui avait vécu assez longtemps à Madrid
pour acquérir des notions directes sur les choses d'Espagne, Ed^vard
Clarke, n'a consigné, dans la lettre VP de son ouvrage : Lelters con-
cerning the spanish nation : written at Madrid during the years 1760
and 1161, (London, 1763), que de lamentables platitudes, qu'il
décorait du titre de VieiD of the stage (p. 102-106) et qu'aggravait une
incompréhension cherchant à se déguiser sous la morgue britan-
nique. uCalderoni,» déclarait-il, cas at présent, and lias been the favou-
rite aulhor upon their stage for some years. » Son ouvrage fut, comme
nous l'avons noté, traduit en allemand en 1765 par Kôhlera, qui se
scandalisa à tel point des insipidités du chapelain anglais touchant le
théâtre espagnol qu'il crUt devoir leur opposer les remarques de
1 . Herrn Ladwigs Freyherrn von Holberg Verniischte Briefe, en 5 Parties (Copen-
lia^aie et Leipzig). Le passage cité est V. Theil, p. 202. E. Dorer a noté les pièces de
lliilijerg qui se réclament — médiatemcnt — de thèmes espagnols dans un article du
Magazin fii" die Litleralar des In= und Auslandes, 1886, n" 5, p. 68-71 : Ludivig Holberg
und das spanische Theater, que A. F. von Schack a donné à tort comme inédit au t. Il
(p. (ji-qS) des yuchgelassene Schriften de Dorer(Drosden, i8ç)3, 2 vol. in-8). D'autre pari,
Grillparzer notait (Op. cit.. p. 171) qu'à Copenhague, à l'époque de Holberg, un
Allemand dirigeait le théâtre et fit vraisemblablement jouer des œuvres tirées, ou
imitées de l'espagnol. Cf. la pièce de Holberg : Zauberei oder blinder Lûrin.
2. Briefe von dem gegenwàrligen Zaslande des Konigreichs Spanien, etc. (Lcmgo,
1703). Le passage cité se lit p. 288, note au chap. : Zustand der Schaubiihne.
C. PirOLLET. ''t
l()b CO.M KIUL IIONS V I, ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSlNfi
Kronegk en les faisant précéder d'un aveu de sa stupeur : « Es gerei-
chet wirklich zum Erstaunen, dass die Spanier, bey denen doch die
Zeiten auch lueit mehr erleuchtet scheinen, als vormals, dergleichen
Idppische Narrenposseii auf ihrer vornehmsten Schaubuhne in der
Haiiptsladt des Konigreichs dulden konnen, da sie doch schon lange her
nicht geringe Meister in der Iheatralischen Dichtkiinst iinter sich haben,
die sogar Musler der Franzosen gewesen sind. » — L'année suivante,
le Hambourgeois Daniel Schiebeler, qui savait, à en croire l'éditeur de
ses poésies choisies, Joh. Joachim Eschenburg, assez de castillan
pour composer des vers en cette langue', publie au 2. Stiick de \a,Neue
Bibliothek der schonen Wissenschaften iind derjreyen Kiinste ^ une disser-
tation qu'il intitule : « Einige Nachrichten, den Zastand der spanischen
Biihne betreffend, » sous forme d'une lettre à l'éditeur. Il y note
l'ignorance de l'Espagne où il se rencontre à cause des difficultés
matérielles presque insurmontables de se tenir au courant de la
production littéraire de ce pays, ainsi que de celle du Portugal, dont
il affirme connaître la langue^. En fait, ce qu'il consigne n'est qu'une
accumulation confuse de noms propres, souvent estropiés, qui
pourraient être pris aussi bien dans les listes de D'Hermilly que dans
cette curieuse et désordonnée histoire (?) de la littérature espagnole
insérée bizarrement en 1707 par un chanoine de la cathédrale
d'Avignon, membre de l'Académie des Arcades de Rome, Labaume-
Desdossat, à la scène II de l'acte II de sa pastorale héroïque : L'Ar-
cadie Moderne ou les Bergeries sçavaiites (Paris, 1707, in-12 de 3i3 p.)
et où on lit, par exemple, que (( Lopès de Vega » fut le Molière de
l'Espagne, que Salas Bardadillo « épura la langue de la Scène Espa-
gnole », que Vêlez, « nouveau comique », « n'égala ni l'un ni l'autre »
et devint u le Scarron » de sa nation, etc. ^.
1. Daniel Schiebelers etc. auserlesene Gedichte, hrgb. von J. J. Eschenburg (Ham-
burg, 1773, iu-8 de xlm et 3o2 pp.) — Eschenburg n'a cependant pas jugé utile de
reproduire les vers polyglottes de Schiebeler, « da es allenial eine eben so missliche
Sache ist, in eiiier frenriden Sprache richtig und dem Idiom derselben gemâss, zu
schrciben. » [Xachricht des Herausgebers.]
2. /. Bd. (L])Zg., 17GG), p. 209-23^.
3. Ces plaintes élaieat alors banales, mais justifiées par suite du mauvais fonc-
tionnement de la librairie espagnole et du vice d'information des gazettes, se pla-
giant l'une l'autre cl n'imprimant que rarement des correspondances directes
d'Espagne. Cependant il ne faudrait pas oublier les efforts d'un Mayâns pour tenir
l'Europe lettrée au courant de la production intellectuelle espagnole de son temps.
— Nous retrouvons les mîmes plaintes en 1773 au t. III, numéro de Juillet, /. Stiick,
du Teutsclier Mcrkar, à l'occasion de la mauvaise traduction, sur la version anglaise
de 1772, de Fray Gerundio par liertucli. Aujourd'hui encore, d'ailleurs, il n'existe pas
un seul organe étranger consacré à l'étude de la littérature espagnole qui publie
à intervalles réguliers des comptes rendus méthodiques (cependant si nécessaires et
que ne supplée pas le Krilisclicr Jahresbericht de M. Cari Vollmôller)de la production
littéraire en ce pays, analogues aux. excellents, mais trop clairsemés Bulletins histo-
riques de M. R. Altamira dans la Revue historique.
4. P. i35-i35. — P. i3o, note/, l'auteur vantait encore Sobrino.
I,.\ .\ATtHt; ET LES SOUKCES HE ï. HISI' AMSME DE LESSl^(; ICj-J
Schiebeler, répétons-le, ne va pas au delà des notions coutumières :
« Reine Nation ist wohl so reich an Schauspielen wie dièse. Sie haben
in den iiltern Zeiten Comôdien, Tragi = Comodien, und Zwischen-
spiele; ordentliche ïragôdien haben sie erst, wie die Englander, in
den neuern Zeiten erhalten, etc. » (p. 212). A l'énumération usée du
nombre des œuvres dramatiques de Lope, à la mention de « ein
gewisser Juan de Alarcon», de Calderôn, le « Terenz der Spanier»,
de Miguel de Cervantes, qui a restreint « die spanische Comôdie von
fiinf Akten auf drey », de Guillén de Castro, « aus dem Corneille
einen Theil seines Cids genommen hat », de Tirso, u dem man das
Festin de Pierre (sic) zu danken hat », de Montalbân, Fr. de Rojas,
Vêlez de Guevara, « Augustino » Moreto, A. de Solis, « u. s. w. »', se
borne cette misérable et sèche compilation, que seul l'optimisme
volontaire de M. A. Farinelli a pu proclamer « das erste luohlgeordnete
deutsche Kompendium der spanischen Literatargeschichte n'^. — C'est
aussi en 1766 que l'ami de Klopstock et admirateur de Shakespeare,
H. W. von Gerstenberg, révélait gravement à l'Allemagne, dans
ses Brieje iiber Merkwiirdigkeiteii der Littérature, à propos d'un
passage de Coda uno para si qu'il venait de citer, que Calderôn avait
composé « funfhundert zwei und zwanzig tlieatralische Werke»,
ouvrages qui révélaient « eine so unerschôpfliche Fruchtbarkeit der
Erfindung, verbunden mit einer so immer gegenwiirtigen Ueber-
legung in der Anordnung und so viel Geist in der Ausfûhrung », que
l'on pouvait sans crainte d'être démenti affirmer que ces qualités
n'avaient encore été réunies «bei keinem andern Schauspieldichter
in ganz Europa » .
On jugera, sur les renseignements qui viennent d'être réunis, du
1. Ce « u. s. w. » est de Schiebeler.
2. Art. cit., p. 3o6. — Dieze, que M. Farinelli a défini : «ein von Natur begabter
Forscher» [Grillp. u. Lope de Vega, p. 7] (nous aurions cru que c'était avant tout
un laborieux, sans dons innés), ne partageait pas la manière de voir de l'érudil italien.
Il était d'avis (op. cit., p. i3o) que Schiebeler eût évité beaucoup d'erreurs, « wenn er
die angefùhrten' Dichter aile vor sich gehabt hàtle. »
3. Publiés à Schleswig de 1766 à 1767 (.Scldeswigsche Litteraturbriefe). On les
trouvera, sous le titre : Etwas liber Shakespeare, au 3° vol. des Vermischte Schriften de
l'auteur (Al tona, 1816). — Le passage cité est p. 255. — M. Farinelli (art. cit. p. 3iZi)
trouve trop enthousiaste le jugement, qu'il a tort de prendre au sérieux, de Gers-
tenberg sur Calderôn. « Lessing, » certilie-t-il, « hâttc gcwiss nicht so enthusiastisch
liber den Spanier gesprochen. » Que n'ajoutait-il pas : « wenn er ihn gekannt hiitlc?»
Sur l'opinion de Lessing touchant le drame religieux — on se souvient du /. Sliick de
Ia Dramaturgie — cj. Fra Drammi e poeini(Mi]ano, kjoo, p. 333 seq.)de M. E. Gorra, dont
le point de vue est beaucoup trop celui du critique moderne et pas assez celui de
l'époque de Calderôn. Quant à M. Farinelli et à son opinion de Calderôn, nous délions
quiconque de la tirer au clair. Nous connaissons déjà sa théorie des « vcrvvandte
Naturen» qu'étaient Lessing et Calderôn. Dans Grillparzer und Lope de Vega, il y a
p. iig seq. une exécution impitoyable du poète théologien. En 1907, dans Cultura
Espanola — à ce propos, nous nous permettons de demander sincèrement à M. Fari-
nelli sil croit aux anges - \ï. F. adresse cependant à ce même poète théologien une
bombaslique prosopopéc à l'article : .iijunles sobre C. y lu mùsica en Alrmania!
ig8 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LHISPAMISME DE G. E. LESSI.XG
genre de nouveauté des « révélations » de Lessing touchant la scène
espagnole et s'il était malaisé, avec l'immense lecture dont il disposait,
de construire le banal jugement de la Dramaturgie. 11 fallait, en vérité,
que le culte de Lessing, qui est certainement l'une des plus curieuses
déformations littéraires dont se soient, dans la dernière moitié du siècle
dernier, rendus coupables, dans des fins autres que scientifiques, maints
universitaires d'Outre -Rhin, à la tête desquels brille actuellement
M. Erich Schmidt (légitime successeur, en ce sens, de Scherer à la chaire
qu'il occupe), vînt obnubiler incurablement l'ancienne acuité critique
allemande pour que, en dépit d'une tradition unanime, fût attribuée au
fils du premier pasteur de Ramenz une science qu'il ne posséda pas et
qu'il n'a jamais explicitement prétendu posséder. Évidemment, il serait
futile d'en appeler à ces lettres de Lessing à Dieze brûlées, — tel est le
témoignage d'Eschenburg dans l'éd. de 1794, XXIX, p. 486 seq., — lors
du siège de Mayence par les Français en 1798, et qui nous eussent sans
nul doute édifiés sur l'état des connaissances hispaniques de leur auteur,
mais n'est-il pas caractéristique que Dieze n'ait, dans sa version de
Yelâzquez, pas eu à mentionner une seule fois — mention qui déjà
constituait, dans le monde de l'érudition allemande, un titre de
gloire — le nom de son correspondant pour un conseil donné, un
service bibliographique rendu, bref l'une de ces ingénieuses vétilles
dont on se sert, entre savants, pour se faire une innocente et toujours
douce réclame réciproque, en application de ce principe du do ut des
qui fut et sera toujours florissant dans la république des lettres?
Non seulement Dieze, qui savait indubitablement, par cette corres-
pondance même, à quoi s'en tenir sur les connaissances hispaniques
de son ami, n'a pas eu pour lui cette délicate attention, qui eût été si
naturelle, mais il serait impossible de trouver, dans la génération
immédiatement consécutive à Lessing, la plus fugitive mention de
cet hispanisme. Que dit, p. ex., Bertuch, dans l'avertissement mis en
tête du t. I de son Magazin (Dessau, 1781)? Yante-t-il l'effort tenté
par le grand homme, mort cette année même, en faveur d'une litté-
rature « so fremd, so unbekannt , dass wir sogar Yorurtheile
daw^ider haben » (p. iv) ? En aucune sorte. C'est à Dieze seulement
qu'il songe. « Dieze hat in seiner Ausgabe des Velazquez die Spanische
und Portugiesische Literatur an hundert Stellen mit môglichster
Wârme empfohlen; aber zehn Jahre sind's schon, und das Wort
hat bey sehr Wenigen Frucht gebracht... « (p. v). Cet admirable
érudit que fut Bouterwek, s'il afîecle de considérer de toute la
hauteur de son kantisme le gros bon sens de Dieze — cf. Gesch. der
Poésie und Beredsamkeit, III. Bd. (Gôttingen, i8o4), p. iv-v; p. vi;
p. SQ^note u — rend néanmoins hommage à son zèle en termes précis,
que viennent renforcer les innombrables renvois à la version de
Velazquez disséminés dans sa propre Histoire de la poésie esp., et,
LA NATURE ET LES SOURCES DE L IIISPAMSME DE LESSING I99
quand il en vient à traiter de Montiano, n'a pour Lessing que cette
caractéristique allusion (p. 579, note e) : « Die Virginia des Montiano
ist den Deutschen durch Lessing bekannt geworden, der ubrigens
von dem spanischen Theater kaum ans der ziveiten Hand unterrichtet
loar...)) Renseigné à peine de seconde main: ce témoignage d'un
quasi- contemporain de Lessing — Bouterwek est mort en 1828 —
n'est-il pas précieux, et qu'importe que ce chauvin de Scliack —
qui, on s'en souviendra, fut fait comte en 1876 par l'empereur
allemand, auquel il a légué ses tableaux — ait cru, sans qu'il lui
eût été possible de justifier documentairement son assertion, le
contredire en écrivant — après avoir, toutefois, reconnu que la
connaissance qu'eut Lessing du théâtre espagnol « war aus Mangel
an Hiilfsmitteln [manque de ressources livresques à Hambourg!]
nur beschrânkt » — que « das Verdienst, zuerst wieder auf die
Urbilder aufmerksam gemacht und mit Anerkennung von ihnen
gesprochen zu haben, gebûhrt Lessing»? (Gesch. III, 455.) Guhrauer,
qui, en 1853 (II', 208), protesta contre ce verdict de Schack, le
trouvant injuste, a ouvert l'ère bienheureuse du triomphe du dogme
de l'hispanophilie lessinguienne, dont Ticknor lui-même a fini par
être contaminé — Cf. éd. de i863, II, 889, note: « it may be well to
add, however that Lessrng with Wieland gave the first
impulse to thas love for Spanish literature in Germany which the
Schlegels, Bouterweck and Schack bave since so well sustained », —
et M. B. A. Wagner^, en ramassant cette protestation en i883 {progr.
cit. p. Il), ne fit qu'obéir à ce sentiment unanime d'adoration pour
l'idole dont l'un des descendants, propriétaire de la Vossische Zeitung,
gérait princièrement le culte en la Palmyre aux murs de brique et
au sol de sable. Il n'en est pas moins historiquement avéré que
« le mérite d'avoir rappelé l'attention sur les prototypes et d'avoir
parlé d'eux avec déférence » appartient à Dieze, et c'est ainsi que
l'entendait l'auteur de la seule notice qvii existe sur lui en langue
allemande — puisque VAllg. Deutsche Biogr. l'a exclu — H. dans
VAllg. Encycl. de Ersch et Gruber [25. Thl. [Lpzg. i83/i], p. 1O8-1G9),
qui déclare que ce ne fut pas de sa part un mince mérite d'avoir
attiré « die Aufmerksamkeit auf die damais wenig gekannte und
desto mehr verkannte span. Lit. », en ajoutant, à très juste titre, que
« die Nachrichten von der arabischen, limosinischen, portugiesischen,
gallicischen und biscayischen Poésie, aus den Quellen selbst gezogen,
waren damais fiir Teutschiand ganz neu». Déjà, d'ailleurs, en 1822,
J. G. Gruber lui-même, à la même place, avait, dans son article sur
Bertuch (IX. Thl., p. 245), rendu hommage à l'entreprise de Dieze,
ainsi que, le ■>.'i août de cette année -là, le critique du i" vol. de la
Floresta de Bôhl aux n°' 188-184 des Gôtt. Anz. (p. i834). Mais
l'ouvrage de Dieze, publié à une époque troublée, — inter arma silcnt
200 noNTRirtUTiONS A l'étude de l'hispantsme de g. e. lesstng
leges et artes, — eut la mauvaise fortune, son auteur étant mort pré-
maturément à cinquante-six ans, le a/j septembre 1780, en qualité de
bibliothécaire universitaire à Mayence, d'être abandonné à lui-même,
et Bouterwek, qui, au fond, ne fit qu'amplifier sur les données de
Dieze et profita seulement des volumes dont s'était, dans l'intervalle,
enrichie la bibliothèque de Gôttingeni, — nous ne parlons ici que de
la littérature espagnole, car le volume sur la littérature portugaise est
beaucoup plus original et neuf — vint rejeter dans l'ombre et l'oubli
le travail de son prédécesseur.
L'ouvrage de BouterAvek fut mieux administré que celui du pauvre
Dieze et eut la gloire d'être traduit en trois langues. En 181 2, parais-
sait à Paris en 2 vol. in-8 une <( Histoire de la littérature espagnole »
traduite de l'allemand par « le traducteur des lettres de Jean Muller »
et préfacée en 55 intéressantes pages par l'éditeur, Ph. A. Stapfer. M""" A.
Steck, née Guichelin — tel était le nom, si souvent estropié, de l'auteur
de cette version de Bouterwek (cf. sur elle Aus Philipp Albert Stapfer' s
Briefwechsel, éd. par le Dr. R. Luginbûhl aux t. XI et XII des Quellen
zurSchw. Gesch. (Basel, 1891), XI, p, 12, XII, p. 65-67), — s'était livrée
à de graves mutilations du texte original et laissait de côté le volume
sur la littérature portugaise. Du moins ce travail, si incomplet et défec-
tueux qu'il fût, dépassait -il de cent coudées l'infect Essai sur la
littérature espagnole anonyme — l'auteur était un de Malmontet,
l'éditeur Lecouteulx de Canteleu — paru à Paris en 1810 en 194 p.
in-8 et bien accueilli, paraît-il, malgré que ce ne fût que le plus
grossier plagiat, avec quelques insignifiantes additions, des Letters
Jrom an English Traveller in Spain, în 1778, on the Origin and
Progress oj Poetry in that Kingdom (Lond. 1781), de Dillon, l'auteur
de Travels through Spain, d'uneHistory of Peter the Cruel, etc. En 1828,
Miss Thomasina Ross donnait, en 2 vol. in-8, une version fidèle et
complète de la portion hispanique de l'œuvre allemande — qui, il ne
faut pas l'oublier, comprend, signés du même nom, 12 volumes, parus
de 1801 à 1819 et qui coûtèrent- 20 ans de sa vie à leur auteur, —
mais c'est dans le remaniement de 1847, dans la collection European
Library de D. Bogue, qu'il convient de lire en anglais le volume dédié à
l'histoire de la littérature espagnole, qu'enrichit un portrait de Cervantes.
Tous ceux qui font aujourd'hui encore leurs délices de la lecture des
toujours jeunes Studien de Ferd. Wolf connaissent, d'autre part, sa
magistrale analyse, si copieuse, comme toujours, en adjonctions, de
la version espagnole, par Gômez de la Cortina et Hugalde y Mollinedo
' Sur cette bibliothèque, cf. K. Dziatzko : Die Gôttinger Bibliothek in westphàlischer
Zeit, au t. VIII des Beilruge, etc., de C. H;ebler (Halle, 190/i), p. aô-Zig, où quelques
détails sur cet établissement au xvm* siècle font regretter l'omission du nom de
Dieze. Sur la Bibliothèque de Wolfenbiittcl un peu avant Lessing — elle comptait
à la fin du XVIII' siècle environ 190,000 vol. et /i,."}Oo ms. — il faut lire VHisloria Bibl.
Augustae de Jac. Burckhard (Lpzg., 1 744/16, 3 vol. in-4).
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DE LESSINC 201
(Madrid, 1829, in-4), dont il ne fut publié qu'un volume, contenant,
il est vrai, 166 pages de précieuses Notas de los Tradiictores , lesquels
n'en muaient pas moins (p. 67) le malheureux Dieze en un Diez. Bou-
terwek triomphait donc dans l'Europe lettrée. En 181 3, Sismondi lui
sera redevable, ainsi, d'ailleurs, qu'à Dieze, — qu'il mentionne lY, 100,
— du meilleur de sa science hispanique (cf. à propos de Calderôn,
Schlegelet Sismondi V Anti-romantique , etc. (Paris, 181 G [anon.], p. 166
seq.) de Saint-Chamand) et déjà A. W. v. Schlegel, au onzième chapitre
de Englisches and spanisches Theater,dains ses Vorlesungen de Vienne,
ne parlait plus que de Blankenburg et du professeur de philosophie de
Gôttingen : « Unter uns haben Blankenburg und Bouterwock sich
bemiiht, die altère Geschichte des spanischen Theaters aufzukliiren,
die ziemlich dunkel ist, ehe es eine rechte Gestalt gewann und zu littc-
rarischer Wiirde gelangte. » Qu'importe que Miinch-Bellinghausen ait,
dans son article inoubliable de 1 843 , réclamé contre ce silence et attribué
au livre de Dieze les qualités, bien allemandes, de Griindlichkeit et Ver-
lusslichkeit {art. cit., p. 118)? Sa voix s'est perdue sans échos et l'on a
continué de nos jours, malgré la si juste intervention de M. Farinelli
en 1892, à ignorer le véritable père de l'hispanisme scientifique en
Allemagne, dont M. Menéndez y Pelayo, nous l'avons dit, taira le nom
dans sa revue des historiens de la littérature espagnole en tête de la
version castillane de A hist. ofsp. Lit. en 1901, et que, en 1908, le Dr. R.
Béer ne mentionnera que pour dater la Geschichte : 1779 (II, 1 14) ! 11
nous suffît, quant à nous, d'avoir remis brièvement les choses au point
et nous ne saurions mieux terminer ce chapitre qu'en invoquant l'auto-
rité de Grillparzer, dans ses si curieux Stadien zum spanischen Theater
— nous eussions attendu de M. Menéndez y Pelayo, éditeur des Obras
de Lope dans l'édition, si lente, de l'Académie, la traduction intégrale,
dans ses introductions, des remiarquables réflexions de Grillparzer sur
tant de comedias de Lope, — où il ne cache pas sa croyance en l'igno-
rance totale de Lope et de Calderôn par Lessing : (( Ich AvoUte, Lessing
hâtte Calderôn und Lope de Vega gekannt, er hâtte vielleicht gefunden,
dass ein Mittehveg zAvischen beiden dem deutschen Geiste nilher stehe,
als der gar zu riesenhafte Shakespeare i ». Quand un romaniste de la
valeur de M. H. Schuchardt n'a, en transcrivant ce passage, rien trouvé
— Romanisches und Keltisches (Berlin, 1886), p. io5 — à lui objecter,
nous estimons que de tels témoignages valent, tout appareil documen-
I. Loc. cit., p. 119-120. Sur Dieze, cf. en outre Gôtt. Anz. von gel. Sachen, 1770,
II, 417; Meusel, Lex. Il, 365-366; Versuch einer akad. gelehrt. Gesch. von der Georg-
Aug.-Univ. (Gôlt., 1765), I, 197, II {ibid., 1788), b-j; la biographie de A. L. v. Schlôzer
par son fils Chr. v. Schlôzer (/. fîd. Lpzg., 1828) p. 206; Farinelli, art. cit., p. 3io. La
Geschichte, qui est, solidement reliée, à la Bibl. .\at. (Yg 2556), comprend XII p. n. f.,
555 p. de texte — Velâzquez n'en avait que i4i, comme l'avait déjà noté Bohl von
Faber, //« P. del Pasatiempo (Câdiz, s. a. [i8i8], p. 68) — et 3 p. de corrections. Bou-
terwek. a injustement reproché à Dieze d'avoir recouru peu critiquenient à Nicolas
Antonio. Dieze établit, au contraire, dans sa Préface, les vices de la Bibl. hisp.
ik£..
aOQ CONTRII'.LTIONS A l'ÉTL'DE DE l'iUSPAMSME DE G. E. LESSING
taire mis à part, au moins autant que les affirmations intéressées des
garants que l'on sait. Mais il nous reste à examiner quelques questions
de détail effleurées par Lessing dans son analyse du Conde de Sex et
qui touchent à la matière de notre travail.
a) Les 3 actes, l'uArte Nuevon et les nComedias » de Cervantes.
« Die Stûcke der Spanier, » déclare Lessing, » haben deren nur drey
[Aufzûge], Avelche sie Jornadas, Tagewerke nennen. Ihre allerâltcsten
Stiicke hatten viere : sie krochen, sagt Lope de Vega, auf allen vieren,
Avie Kinder; denn es ^varen auch wiiklich nocli Kinder von Komôdien.
Virues war der erste, -svelcher die vier Aufzûge auf drey braclite; und
Lope folgte ihm darinn, ob er schon die ersten Stûcke seiner Jugend oder
vielmehr seiner Kindheit, ebenfalls in vieren gemacht batte. Wir lernen
dièses aus einer Stelle in des letztern >'euen Kunst, Komôdien zu machen
[Arte Nuevo de hazer Comedias, die (sich) hinter des Lope Rimas
befindet :
El capitan Virues insigne ingenio,
Puso en très actos la Comedia, que antes
Andava en quatro, como pies de nifio,
Que eran entonces niiîas las Comedias.
Y yo las escrivi de onze, y doze anos,
De a quatro actos, y de a quatro pliegos,
Porque cada acto un pliego contenia];
mit der ich aber eine Stelle des Cervantes in Widerspruch flnde,
[In der Vorrede zu seinen Komôdien : Donde me atrevi a reducir las
Comedias a très Jornadas de cinco que tenian],
^vo sich dieser den Ruhm anniasst, die spanische Komôdie von fûnf Akten,
aus wclchen sie sonst bestanden, auf drey gebracht zu haben. Der spanische
Litterator mag diesen Widerspruch entscheiden ; ich will mich dabey
nicht aufhalten. »
11 appert de ce passage : i" que tout ce que Lessing connaît de la
disposition formelle, de l'agencement externe de la Comedia, il le
doit à ÏArte Nuevo; i" qu'il n'a qu'une objection à faire à l'exposé
de Lope, objection qu'il a trouvée dans la préface des comedias de
Cervantes. Étudions d'un peu près l'un et l'autre de ces deux points.
Nous savons, par ce passage d'une lettre de Meinhard à Nicolai, du
17 décembre 1765, citée dans Guhraueri : d An Herrn Lessing werde
ich niichstens die Poesien des Lope de Vega zuriicksenden », que
Lessing était très vraisemblablement en possession d'une édition des
Bimas. Or, comme il mentionne lui-même que VArte se trouve « à la
fin des Rimas de Lope», il ne sera guère paradoxal d'affirmer que c'est
de là qu'il transcrit le texte qu'il cite 2, ainsi que les renseignements
1. Danzel-Guhrauer, II', 826 (Éd. de i853).
2. On sait que l'Arle fut très vraisemblablement imijrimé pour la première fois
en 1609 tout à la fln de la segunda Parte des Rimas | de Lope de | Vega Carpio. | etc.
publiées à Madrid u por Alouso Martin». Cf. sur ces détails l'édition critique de
VArte par M, Morel-Fatio, p. 3(55 seq. du Bulletin hispanique, III (1901).
r. \ NATUKK El- LES SOUUCES DE I.'hiSI'AMSME DE LESSING 2o3
qu'il donne sur la division en jornadas, terme qu'il traduit d'ailleurs
faussement par Tagewerk (jnrnal), alors qu'il équivaut à Tagereise.
D'autre part, il connaissait une traduction française du texte intégral
de VArte, bien qu'il la cite, sans doute par distraction, complètement
à l'envers et en rendant par un contresens le titre espagnol du petit
traité de Lope. Cette mention se trouve dans les remarques intitulées :
Ziir Gelelirten-Cicschichte, qui remontent en majeure partie aux
premières années de Wolfenbiittel. Elle porte le titre (M. XVI, 288) :
«Lope de Vega's Kunst. neue Komôdien (sic) zu machen.
Dièses Werkchen, woraus ich in der Dramaturgie eine Stelle ûbersetzt
habe, hat der Abt Archimbaud, Franzôsisch ûbersetzt, seinen Pièces
fugitives Part. II. p, a/jS, mit eingerûckt. »
11 est possible que Lessing, citant de mémoire une traduction qu'il
avait peut-être utilisée lors de la Dramaturgie, ait, de la sorte, oublié et
son auteur et l'endroit de sa publication. Les éditeurs de Lessing ne
se sont pas donné la peine de vérifier l'exactitude de ce renvoi et le
reproduisent tous sans s'apercevoir de l'erreur qu'il implique. 11 eût,
pourtant, suffi de feuilleter le Nouveau Recueil de Pièces fugitives
d'Histoire, de Littérature, etc., par M. l'abbé Archimbaud (Paris,
Lamesle, 171 7, 4 tomes parfois reliés en i vol. in-12)', pour s'aperce-
voir que cette compilation n'a, à la seconde partie, que 2/12 pages. Or
Lessing renvoie à la page 248. C'est dans les Pièces fugitives d'histoire et
de littérature anciennes et modernes, etc., etc., éditées par <( Flachat de
Saint-Sauveur « ^, deuxième partie, 1704, p. 248 seq., que se trouve la
Nouvelle Pratique de Théâtre, accomodée à l'usage présent d'Espagne,
adressée à l'A cadémie de Madrid et traduite de l'espagnol de Lopez de Vega
par l'abbé des Charnes, doyen du Chapitre de Villeneuve-les- Avignon.
Déjà Dieze la signalait, d'ailleurs, page 337, note, dans sa Geschichte.
Il suffirait de souligner l'impuissance de Lessing — mal déguisée
par son renvoi au « spanischer Litterator » — à éclaircir les deux
passages de Lope et de Cervantes que le hasard a vouhi qu'il
rencontre, pour que soit mise une fois de plus en évidence son
ignorance de détails élémentaires de littérature espagnole. Du moins
manifeste-t-il, objectera- t-on, l'originalité, ou l'initiative, de se servir
des doctrines de VArte Nuevo, et a-t-il le mérite d'avoir rappelé l'attention
1. J'ai consulté l'exemplaire de la Kônigliclie Bibliotheli à Berlin. Celui de la Bibl.
Nat. est coté Z 20,689-20,692 . Quérard, I, p 82, écrit : Archimbault, et décrit erronément
l'ouvrage comme étant en deux volumes in-8. Cf. sur le 1. 1\', Barbier, Anon., III, 5io.
2. « Flachat de Saint-Sauveur, » à qui est octroyé le privilège des trois premières
parties, parues en lyoi — l'ouvrage compte cinq parties in- 12, 1704- 1706 — n'est que
le masque de l'Abbé A. de Tricaud. Cf. à ce sujet Quérard, IX, p. 552, s. v. Tricaud et
Barbier, lot. cit., 889. J'ai réimprime avec de courtes adjonctions la traduction de
l'Abbé Des Charnes dans le feuilleton du Siècle des 16, 17 et 18 novembre 1906 : La
Poétique de Lope de Vega, d'après le texte de l'exemplaire des Pièces fwjitines conservé
à la Hof-und Staatsbibliolhek de Munich.
2o4 co:ntributions a l'étude de l'hispanisme de o. e. lessing
des critiques allemands sur ce document oublié? Mérite minime, en
vérité, et que seuls ces lessingophiles qui ne savent pas combien
VArte n'avait cessé, depuis presque son apparition jusqu'à la date
où écrivait le dramaturge du Nationaltheater, de préoccuper théoriciens
et littérateurs, pourraient invoquer.
La première tois qu'apparut la mention de l'Arte dans la littérature
étrangère nous semble avoir été l'an 1O37, dans un pamphlet
provoqué par la querelle du Cid et dû à la plume de Scudéry : La
Preuve des passages \ Alléguez dans les Observations sur le Cid. |
A Messieurs de l'Académie. Par M' de Scudery. (A Paris chez Ant. de
Sommaville, au Palais, à l'Escu de France.) M.DC.XXXVIh. Scudéry
terminait son argumentation par ces mots : u Mais comme j'ay
commencé par de l'Italien, je veux finir par de l'Espagnol, tiré d'un
discours de Lopes de vega, intitulé Arte nueuo de hazer Comedias,
dans lequel ce grand homme fait bien voir luy-mesme, en parlant
contre luy-mesme, combien il est dangereux, de suivre ceux de sa
Nation, en ce genre de Poésie. » Puis étaient cités les vers i5-48 :
[Que] lo que a mi me dana en esta parle, etc..
Chapelain avait été frappé par cette citation et en conserva le
souvenir, comme en témoigne sa lettre à Carel de Sainte-Garde du
27 mai 1662 : (.<. El arte poeiica de Lope de Vega en vers libres doit
estre un petit livret. J'en ay veu quelque tirade d'imprimée dans
une contestation poétique entre Corneille et Scudéri sur le Cid,
où l'auteur s'excusoit de l'irrégularité de ses comédies par le goust
de la Cour et du peuple, disant qu'il les avoit faites ainsi parce qu'il
ne les eussent pas autrement payées 2.» Déjà, d'ailleurs, en 1644,
un «secrétaire-interprète de Sa Majesté», P. Bense-Dupuis, l'analysait
et en citait, dans le texte original, le passage concernant l'étendue
que doit avoir la Comedia en manuscrit, au chapitre Des Comédies,
p. 4C9 se(j. de ce curieux art poétique italo-espagnol qu'est son
ouvrage L'Apollon \ ou \ L'oracle De la Poésie | italienne, | et \
espagnole, etc.^. Le P. Rapin, à son tour, le qualifiera, dans la Préface
de ses Réflexions sur la Poétique, de « nouvelle méthode de Poétique,
toute différente de celle d'Aristote pour justifier l'ordonnance de son
1. In-8 de li pages avec le titre. Ce document a été réimprimé par M. A. Gasté
eu 1899 dans La Querelle du Cid (Paris, 1899), p. 222-223.
2. Lettres de Jean Chapelain, de l'Académie française, publiées par Ph. Tamizey de
Larroque (Paris, i883), II, 236. Chapelain brûlait d'avoir en sa possession un
exemplaire de l'Arte. Cf. ses lettres à Carel de Sainte-Garde du i(5 février 1662
(p. 3o5), du i3 septembre 16C2 (p. aSô), du 11 novembre iiiGa (p. 270), du
29 avril i6C3 (p. 3o2). Lorsqu'il en eut reçu enfin, en novembre i6G3, une copie
manuscrite, il en fit, à ce même correspondant, une curieuse critique dans une
lettre du 3 novembre i(J63 (p. 334).
3. Paris, ifi'i^. Diczc mentionnait cet ouvrage p. 129 (note à la page la^) de ra
Geschicklc.
LV NATURE ET LES SOURCES DE LIIISPANISME DE LESSING 2o5
Poëme épique et de ses Comédies, que les sçavans de son païs
critiquoient sans cesse. Ce qui lui réussit si mal, qu'on ne jugea
pas même ce Traité digne d'être mis dans le Recueil de ses ouvrages.
Parce qu'il n'avoit pas suivi Aristote en cette Poétique, qui est le
seul qu'on doit suivre'. » L'erreur de Rapin touchant la non-insertion
de VArte dans le « recueil » des ouvrages de Lope et les banalités
qu'il émet sur son compte semblent indiquer qu'il n'en parle que
par ouï- dire. 11 était, cependant, relativement facile de le lire,
puisque Caramuel venait, quelques années avant, d'en donner une
réédition commentée, à la suite de VEpistola XXI, p. 691 seq. de
la seconde édition {Campaniae, i(î()8, in-fol.) du tome II de son
primus cala/nus '. Nous retrouvons les dires de Rapin accueillis sans
modifications significatives dans les Jugeniens des Savons d'Adrien
Baillet, qui, toutefois, ajoute que le u traité » de Lope fut imprimé
en 1621, in-l\, à Madrid sous le titre : Disciirso sobre la poesia culta^.
Ménage, à son tour, revient, dans V Anti-Baillet^ — où sont corrigées
quelques erreurs concernant Lope — sur VArte, qu'il connaît et dont
il cite en espagnol le passage :
Verdad es, que yo he escrilo algunas veces, etc.
après avoir allégué (I, 82) comme preuve que Lope savait, en effet,
composer des tragédies régulières, l'exemple de l'une d'elles : El guante
de dofîa Blanca, dont le sous-titre : Quando Lope quiere, aurait été
intentionnellement employé par l'auteur « pour faire voir qu'il eût
pu toujours écrire régulièrement s'il eût voulu». Pleinement satisfaite
de ses sources d'information françaises, la polyhistoire allemande y
abreuvait, ici encore, sa soif de science hispanique. Le premier représen-
tant le plus autorisé de cette polyhistoire, la compilation de Morhof,
ne trouve rien autre chose à dire sur VArte que ce qu'en avait écrit
Rapin, dont le jugement est littéralement plagié : « Nam quod Artem
ejus Poëticam attinet, quam novam vocat, et quae in Epicis Comi-
cisque plane ab Aristotele esse recedendum, novaque insistendum
1. Page ii5 du tome II des Œuvres diverses concernant les belles- letires (édit.
d'Amsterdam, iGg'i). On sait que la première édition de la Poétique est de i684.
2. Joannis Carainuelis primus calamus, tomus II, ob ociilos exhibens rhytmicam, etc.
La première édition de ce tome II, qui est moins complète, est de i665, in-fol.,
Sanclangelii, d'après l'indication de la seconde, qui se trouve seule à la Bibliothèque
Nationale.
3. Édition de Paris 1722 (III, 2(j5, n° ioG5). L'ouvrage, rappelons-le, est
de i685-i680. On trouvera, V, i47-i52, un mauvais article sur Lope, enriclii de quelques
citations et jugements puristes d'auteurs français du xvii* siècle. On voit que
l'édition de r^rie de 1G21 réputée mystérieuse (Cf. Morel-Fatio, Bulletin hispanique,
111 [1901], 372-378) était, du moins semble-t-il, connue de Baillet.
4. Édition de La Haye, 1G88, en 2 volumes in-12. II, 396. — La comédie de Lope
que cite Ménage avait paru en 16J7 à Madrid dans la Vega del Parnaso, et les pièces
que contient ce recueil furent réimprimées aux volumes IX et X de l'édition
Sancha des Obras Sueltas, puis, du moins El Guante, B. A. E., lu, p. 17 seq., où
l'œuvre ne porte pas, toutefois, le sous-titre transcrit par Ménage.
2o6 CONTRIBUTIONS A i/ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
\'ia, suadet, adeo illa Hispanis, at quantis Vegae admiratoribus,
displicuit, ut ne qiiidem inter Opéra ejus admitterent una excuden-
dam... J. )) Cependant, le mouvement espagnol d'imitation du pseudo-
classicisme français dont la Poética de Luzân constitue le monument
le plus remarquable de toute la littérature didactique du xviir siècle
littéraire transpyrénaïque, ne pouvait manquer de rappeler l'attention
des théoriciens afrancesados sur l'Arte. En 1737, date de publication
à Saragosse, chez Revilla, du traité de l'ex-secrétaire d'Ambassade à
Paris, in-fol. de 5o3 pages, il n'y avait qu'une année que l'Arte venait
d'être réimprimé à Madrid à la suite de la Dorotea, par D. Pedro
Joseph Alonso y Padilla. Ce lut sans doute la raison pour laquelle
Luzân se borna à le discuter, sans en donner in extenso le texte,
comme dans l'édition posthume de la Poética (Madrid, 1789)2, pré-
tendant que Lope « le escriviô para apoyar la novedad de sus Come-
dias » et le qualifiant, naturellement, de u libro, cuyos fundamentos
y principios se oponen directamente â la razon y â las reglas de
Aristoteles y de los mejores Maestros ». L'école nationaliste des
littérateurs du Diario de los literatos de Espana ne laissa pas passer
sans en profiter cette occasion solennelle de rétablir la réalité objec-
tive, dénaturée par le porte-parole du rationalisme cosmopolite. On sait
comment elle s'acquitta, par la plume de Salafranca et d'Iriarte, de
cette besogne dans la critique de la Poética publiée, non pas, comme
l'imprimait Ïicknor-Julius, 11, 345, note 2^, au t. 7, mais au t. 4
(1738), p. I -ii3, de la trop éphémère Revue (voir sur elle et Luzân
Bôhl von Faber au n° 676, 7 juin 1818, du Diario mercantil deCâdiz),
et comment Iriarte défendit l'insoutenable thèse que VArte « mas es
Arte nnevo decriticar comcdias que de hacerlas^,» défense qui suscita
une polémique, et dont la seconde édition de la Poética, II, p. 5i seq.,
résume, du point de vue de Luzân et de son parti, les ultimes résultats.
L'année où avait paru la première édition de cet ouvrage, Mayâns,
dans sa ] ida de Miguel de Cervantes, citait aussi Y Arte, et la diffusion
de cette biographie dans toute l'Europe lettrée ne contribuait pas peu
à réveiller le souvenir des théories de Lope.
1. Polykistor, lib. VIII, p. loio (éd. de Lûbeck, 17/17).
2. Dans cette réédition par le disciple de Luzân, LLaguno y Amîrola, le texte de VArte
est t. II, p. 5i seq. L'éditeur a mis en note, en réponse à l'observation de Luzân con-
cernant la rareté du texte de VArle, que cette observation n'avait, à la date, plus de
portée. En effet, en 177G, VArte était accessible à tous dans le t. IV des Obras sueltas
de Lope, éditées par Sancha en 21 vol. de 1776 à 1779. Les deux passages de l'édit. de
1787 que je cite se lisent pp. 7 et 19 de La Poética 6 reglas de la poesia, etc.
3. Julius qui, au fond de son esprit, était resté le gallophobe de la légion hanséa-
tique, a écrit, à propos de l'invasion du goût français en Espagne à l'époque de Luzân,
une bien jolie note, op. cit., Il, 34 1, à laquelle il n'est pas sans valeur d'opposer la
claire et impartiale exposition de Cueto, au ch. VI de son Bosquejo Idstôrico, etc.
(B. A. E., 61, p. Lv seq.J. Cf. à propos de .Iulius les quelques notices que j'ai réunies
sur son compte au n° 3 de la Bévue germanique, 1908.
4. Cette défense d'Iriarte se lit p. 80 seq. du Diario.
LA. NATURE ET LES SOURCES DE I/HISPAMSME DE LESSING 307
Fut-ce un écho lointain des disputes espagnoles qui parvint jusqu'à
Riccoboni, lequel, dans ses Réflexions, etc., publiées un an après la
Poética, invoque « Vega lui-même », qui, « en écrivant sur l'Art du
Théâtre nous dit... » etc. •? Il est probable, pour peu que l'on réflé-
chisse à l'insignifiance de la citation, qu'il n'y a là qu'un écho d'une
science empruntée. Duperron, au contraire, connaissait certainement
VArle dans le texte, puisqu'il en analysait les vers 17-/18, p. 3-4 de son
Introduction au Th. Esp. Mais il faut attendre justpi'à l'an 1744 pour
qu'apparaisse enfin, comme on va le voir, en France une appréciation
sensée de ce document. Cette même année, Quadrio discutait assez en
détail Y Arte Nuova di farcommedie. au vol. 111, Part. II, de Délia Storia
e délia ragione d'ogni poesia (Milano, 1744, P- 333-336), où il en don-
nait vm rapide commentaire partiel et en traduisait quelques versa. Il
insistait, comme le fera Lessing, sur la doctrine de Lope touchant le
mélange du comique et du tragique et en tentait une explication amu-
sante, qu'il sera instructif de confronter avec celle de la Dramaturgie:
«La moltitudine de' Comici Spagnuoli ei'a hicredibile a' tempi del Vega.
I Barbieri, nientre non avevano faccende nelle loro officine; i Sagrestani,
quando si vedevano oziosi nelle lor Sagrestie; i Soldati, quando ne' Corpi
di Guardia si ritrovavano, o ne' loro Quartieri, s'impiegavano tutti in iscrevere
Favole Sceniche, le quali poi facevano recitare, o in un Cortile, o in una
Sala, senza alzare scena, e senza altr' arte, chc il loi'o ingegno. Le stravaganze
cavalleresclie, che v' introducevano, non finivano di gradire in uno, e
insieme di guastare l'ingegno degli Spagnuoli. Onde il medesimo Vega,
dopo essersi grandemente compianto, che si andasse dall' Arte moite
lontano in Ispagna, c che le si facessero mille aggravj, obbligato dagll
Accademici di Madrid a dettarne precetti, da che rimedio non v'aveva per
introdurne le buone regole, si determinô di tenere una via di mezzo.
Ed ecco quale stabifi egli, che a tenere s' avesse, per accomodarsi al genio
délia Nazione. Bisogna, dice, mescolare il tragico, e il comico : che questa
varietà di gran diletlo è cagione : e la natura ce ne dà un belV esempio, clie
per cosi fatto variare solaniente hn bellezza. In fatti le pure, e prette Tragédie
non piacquero agli Spagnuoli giammai. Ne lascia il medesimo Vega di accennarlo,
aggiungendo, che Filippo II. qualora vedeva un Re in Teatro. non sapeva
dissimulare la sua disapprovazione : recandogli per avventura timoré, e spa-
vento gli esempi funesti di que' Principi nelle Rappresentazioni introdottH. »
1. Éd. de Paris, p. 77.
2. Il dit avoir été documenté par f[iiel{|ucs lettres «di Francesco de' Castro,
Spagnuolo, délia Compagnia di Gesù, contencnti notizie intonio alla Poesia de' suoi
Nazionali, in timamenfe dal medesimo conoscivita » (p. 3.'Î3). Il décrit, t. IV (1749),
p. 17, l'édition de VArle (lu'il connaît et qu'il a sans doute utilisée (c'est celle de i(Ji3),
et ajoute ([ne « quest' Opcrirciudla è un buon sommario de' precetti poetici ».
3. Op. cit., p. 33i. Duperron (II, 82) approuvait fort l'introduction de têtes cou-
ronnées sur la scène. « 11 y a du bon dans celte pratique,- écrit-il, elle entretient la
-Nation dans des sentimens de grandeur: on voit revivre d'illustres Ancêtres, et l'on
rougit de ne leur point ressembler. >i Le publiciste P. Fr.Buchhullz (7 i8i3) n'est-il pas
allé {Hndh. der span. Sprache and Lit. [Poet. Thl.] Berlin, iSoi, p. 323) jusqu'à déduire
de cette soi-disant aversion de Philippe II l'argument frivole que la liberté des
auteurs dramatiques espagnols n'était «gewiss nicht nenig beschrankt )>?
ao8 CONTKllîlTlONS A LÉTLDE DE I. IIISI'.VMSME UE G. E. LESS1>G
En 1749, nouvelle discussion, avec citation de passages deVArte,
par le disciple de'Luzân, Blas A. ^asar^e, dans le curieux Prôlogo del
que hace imprimir este libro, — on se souviendra que l'ouvrage ne por-
tait pas le nom de l'éditeur, mais -l'on ne sait guère qu'il fut combattu
par « D. Tomâs de Erauso y Zavaleta » dans un excellent Discurso
critico, etc. (Madrid, 1 760, 380 p. in-4) — en tête du tome 1 des Comedias
y Entremeses de Miguel de Cervantes Saavedra. En 1754, autre et pro-
lixe commentaire, avec, également, des citations, dans les Origenes
deVelâzquez. Cette année aussi, D'IIermilly signale deux fois, 1, 72,
note (a), à la suite de Montiano, et 11, 2^0, le u petit livret» de Lope.
Dix années plus tard, Voltaire imagine, comme solution de la question :
« Pourquoi les Espagnols, qui ont de l'esprit, se complaisent -ils à leur
« barbare » Théâtre ? n, de citer l'aveu du fénix de los ingenios, qu'il
traduit en vers de sa façon :
Les Vandales, les Goths dans leurs écrits bizarres
Dédaignèrent le goût des Grecs et des Romains :
ISos aïeux ont marctié dans ces nouveaux chemins;
Nos aïeux étedent des barbares.
L'abus règne, l'art tombe, et la raison s'enfuit.
Qui veut écrire avec décence.
Avec art, avec goût, n'en recueille aucun fruit :
11 vit dans le mépris et meurt dans l'indigence.
Je me vois obligé de servir l'ignorance :
.l'enferme sous quatre verrous
Sophocle, Euripide et Térence,
J'écris en insensé; mais j'écris pour des fous.
Le public est mon maître, il faut bien le servir;
U faut, pour son argent, lui donner ce qu'il aime.
J'écris pour lui, non pour moi-même,
Et cherche des succès dont je n'ai qu'à rougir'.
Après de tels précédents, s'étonnera- 1- on de trouver dans l'article
signalé plus haut de Schiebeler, en 1766, une banale citation — elle
venait certainement de France — de YArte, et prétendra- 1- on que
celle de Lessing ait été si neuve et si originale?
Du moins, dira-t-on, Lessing a connu les comedias de Cervantes?
Ne cite-t-il pas, encore qu'avec une inexactitude regrettablez, un
1. Ces vers lurent publics en i7i)'i,l. V du Thcàlrc de Corneille avec Coiiimenlairc,
à la lin de la Dissertation sur VHéraclius de Uuldrron, et reproduits en 1770 à l'arlicle
Théâtre Espagnol des Questions sur l'Encyclopédie. Voltaire a\oue lui-mèuie comment
il a connu VArle : dans la \ ida de M. de C. de Majâns : Cf. sa lettre à Mayâns du
i5juin 1762. C'était aussi l'érudil valeucien qui lui avait, comme on sail, envoyé
l'exemplaire de En esta vida sur lequel il lit sa « traduction » de l'Héraclius espagnol.
2. Lessing transcrivant: " donde me atrevi etc.» commet un contresens, car il
semblerait que Cervantes applique l'assertion à toutes ses comédies, alors qu'il disait
simplement: >• Se vieron en los theatros de Madrid representar los Tratos de Argol.
que yo compuse, la destruicion de Numancia y la Batalla Naval, donde me atrevi
etc.n On sait que la Numancia — publiée en 178^ par Sancha avec l'insignifiant Trato
de Argel à l'occasion d'une réédition du Viage al Parnuso — n'avait déjà plus (^ue
quatre actes. La phrase de Cervantes aurait dû d'autant plus frapper Lessing que
LA NATURE Et LES SOURCES DE l'hISPAÎNTSME DE LESSI^NG 20i)
passage caractéristique de la préface? Bien que l'édition de Nasarre
eût pu tomber entre ses mains — il n'existait alors, outre l'édition origi-
nale des Ocho comedias y ocho entremeses nuevos, de 1 6 1 5, que leur réim-
pression de 1749 en deux vol. in-4 — il semble plus vraisemblable
d'admettre qu'il n'a trouvé la phrase de Cervantes que dans un inter-
médiaire encore. Et comme cet intermédiaire probable était alors en
haute estime dans les milieux d'érudition allemande, la conjecture gagne
d'autant en solidité. Membre, depuis 1764, de la lateinische Societàt
d'iéna, D. Gregorio Mayâns y Siscar, le u generosus Valentinus »,
(comme le proclamait Clément sur la couverture du Spécimen biblio-
thecae hispano-mayansianae, etc. publié par lui à Hanovre en 1753,
in-Z| de 171 pp.) fut certainement le savant d'Espagne qui contribua
le plus au xviu' siècle à propager hors de son pays la connaissance
de la littérature espagnole, et qui jouissait en Allemagne de la plus
incontestable et méritée popularité. Nous ne pouvons, à cette place,
alléguer tous les témoignages que nous avons réunis sur Mayâns, ni
dresser la liste de toutes ses contributions en ce sens. Nous nous
réservons de le faire dans une .prochaine étude sur ce personnage.
11 est avéré, d'autre part, que, de toutes les œuvres de Mayâns, sa
biographie de Cervantes était la plus facilement accessible, et, en sa
qualité de première compilation historique sur un écrivain espagnol
universellement admiré, la plus consultée par ceux qui, comme Les-
sing, s'étaient, à une période de leur activité littéraire, occupés un
moment d'une partie au moins de l'œuvre de Cervantes. Cette bio-
graphie, destinée au premier tome de la belle édition du Quijote en
4 vol. in-4 publiée à Londres en 1788 aux frais de lord Carteret, avait
d'abord paru (( en Briga-Reah), c'est-à-dire à Madrid, en 1787, in-8,
avait été traduite en français avec quelques remarques par Pierre
Daudé, qui n'avait signé que des initiales D. L. S. >, puis réimprimée
cinq fois en espagnol, y compris la contrefaçon de La Haye (1744) du
Quijote de Londres. En 1755, Jo. Christ. Strodtmann, recteur du
gymnase d'Osnabrûck — qui s'était déjà occupé deux fois de Mayâns :
Geschichte Jefzt lehender Gelehrten, XL Th. et adjonctions au 2. Th.
\c ixire : Batalla naval — (\\ie Moratin datait 1 584 et qui, aujourd'hui perdue, devait
exister en ms. dans la bibliothèque de D. Gaspar de Guzmân {cf. Gallardo, Ensayo,
IV, i5o5) — impliquait uue allusion manifeste à Lépante. Luzân, qui citait lui
aussi dans la Poética le passage de Lope sur Virués, puis celui de Cervantes,
n'avait pas osé résoudre le problème et le « spanischer Litterator » n'en avait pas dit
plus long que le critique de Hambourg. Cf. II, i8 : « Qualquiera delos dos que fuese,
Virues 6 Cervantes, quien las reduxo â très, dexô tan establecida esta division, que
desde entonces nadie se ha apartado de ella. »
I. Sur l'auteur de cette traduction, dont L. Rius trouve, je ne sais pourquoi, les
remarques « apreciables » (Bibl. crit-, etc., II, 5-6), on trouve quelques rensei-
gnements dans La France Protestante de E. et E. Haag, IV, 208. Rius (loc. cit.)
prétend révéler l'édition de « Briga-Real ». Elle était décrite dès i7'47 dans Ximeno,
11, 33o et dans Scmperp y Guarinos: Ensayo, t. IV, p. 2/i, à l'article sur Mayâns, pris,
d'ailleurs, dans Ximeno.
3IO CO.MUIliUTIONS \ L ETUDE DE I. HISPANISME DE G. E. I.ESSI^G
(Hambourg, 1748) de ses Beytriige ziir Historié der Gelahrtheit,
p. vi-xiii — appréciait en ces termes (mais il n'était que le porte-
parole de Mayâns) à la Gregorii Maiansii generosi Valentini Vita
publiée p. 853-976 de son journal Das Neue Gelehrte Europa (VIII. Th.,
Wolfenbûttel, 1706), la Vida de Cervantes : « Et ejusdem (Cer-
vantii) Vitam scripsit, in qua de libris fabulosis crudité egit et Cer-
vantii opéra omnia mirifice descripsit, permixta notitiarum llisloriae
literariae magna copia • . » Or, le Prôlogo des Comedias de Cervantes
était reproduit intégralement dans la Vida. Il ne sera guère téméraire
d'inférer que ce fut là que Lessing l'aura trouvés.
Nous ne pousserons pas l'âpreté critique jusqu'à lui reprocher de
n'avoir rien fait pour tenter de résoudre la question de la division
de la Comedia en trois actes, et d'avoir nonchalamment renvoyé au
u littérateur espagnol ». Il serait ridicule d'appliquer à un polygraphe
allemand — même écrivant à Hambourg, ville, répétons-le, riche en
livres castillans dès cette époque, pour les raisons que l'on sait, — en
1767, les critères en vigueur aujourd'hui à l'endroit des hispanisants
européens. Néanmoins, en se replaçant à la date où écrivait Lessing et
en tenant compte des lieux, il ne reste que trop évident qu'une élémen-
taire familiarité avec des ouvrages espagnols de consultation courante
lui eût permis d'élucider quelque peu le problème qu'il écarta. Est-ce
queXimeno, par exemple, dont l'ouvrage — Nachschtagewerk s'il en fut
— avait paru dès 1747, ne disait pas, à l'article Andrés Rey de Artieda :
« D. Diego Vieil 3 da a este Escritor la gloria de aver sido el primero que
reduxo las Comedias à très Jornadas, como ya dlxe hablando del Gapitan
Ghristoval Mrues, en el ano lOog'i, pero Rodrlg. J lo dexa indecisso y con
I. P. ()i5. — Cependant A{hrahani\ G\jitthelf\ K[dstner (9)\ reproche, dans le
Hannoverisclies Mœjaz'm (III, llannover 17CG, 67. Sliich, p. 9G2-(jC8 : l'eber die Zeit, in
welche Don Quijole ychori) a Mayâns d'avoir émis, dans la l'ida, — qu'il connaît dans
l'édition hollandaise de 1744, — de téméraires hypothèses, et lui oppose l'argument
de Sancho : Ein Quentchen Miitterwitz yilt mehr, als ein Centner Schulwit:. Peut-être
. l'argument convenait il surtout à maints érudils allemands de l'époque? — Dès
juin 1789, les Mémoires de Trévoux disaient (p. iSai) de la l'i'da qu'elle était «fort
étendue et dans un grand détail ».
3. Dans la quinta impression segan la primera (Madrid, s. a., Padilla, in-8), le pas-
sage est p. 219.
3. Diego Vich, Brève Discurso en favor de las Comedias, y de su representacion (Valen-
cia, iC5o, in-fol.), p. I. Ce discurso n'a qu'une feuille in-fol. — Le passage de Ximeno
que je reproduis se trouve dans les Escritores del Beyno de V'alencia, etc. por Vicente
Ximeno Presbitero, etc. (Valencia 17^7, 2 vol. in-fol.), t. I, p. aOS.
'i. ilp. cit., 1, L''47 : « Hablando de si mismo en cl Prologo de sus Obras Tragicas, y
Lyricas, se abribuye la gloria de aver sido el primero que reduxo las Comedias a très
Jornadas, como oy se acostumbra; y Lope de \'cga en suArte .\aevo de hacer comedias,
tambien le da esta gloria; si bien D. Diego Vich, Cavallero de esla Ciudad... scia
atribuye a .\ndres Rey de Artieda... ; y Miguel de Cervantes tambien la quiere para sî,
como puede verse en la Vida que escriviô de este ingenioso .\utor D. Grcgorio Mayâns. »
5. Rodriguez, continué par Savalls : Bibliotheca Valentina (Valencia 1747, in-fol.)
p. io3, col. 2. — Cependant Nasarre (Prôlogo, etc.) entreprendra, deux ans plus ta^d,
de défendre la légitimité de l'aflirmalion de Cervantes.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPAMSME DE LESSING 211
razon; porque Virues, como ya vimos, se gloria de esto en el Prologo de sus
Obras Tragicas, y Lyricas; y Miguel Cervantes tainbien prétende para si esta
primaci'a en el prologo de sus Gomedias, impressas en Madrid por la Viuda
de A.lonso Martin i0i5. en 4i' »
De même, il n'eût point été fort difficile — mais il eût fallu, à cette
fin, avoir feuilleté les comedlas de Galderôn, et, par suite, avoir connu
véritablement ce poète — d'atténuer d'une restriction l'affirmation trop
absolue touchant la division — posée comme une règle — de la
Comedia en trois actes. L'exemple de Calderon eût, en effet, démontré
que l'usage ne laissait pas de souffrir quelques exceptions. Si Lessing
se fût simplement souvenu, à ce propos, de notre Duperron, il eût été
moins tranchant, et, aulieudu «nH/'»^ eût écrit: aim Allgemeinen.)), ou:
<igeivôhnlichy>. Duperron faisait, en effet, prudemment remarquer
(Th. Esp.f I, 5) que les Espagnols avaient « des pièces qui se bornent
à deux journées, d'autres qui vont jusqu'à quatre et beaucoup qui
n'en ont qu'une seule. On appelle ces dernières des intermèdes... e/c»,
et l'abbé Goujet réimprimait ces indications, Bibl. Jranç., YIII, i6o.
Enfin — preuve manifeste que Lessing ne connaît pas les comedias de
Cervantes, — bien que Torres Naharro ait expliqué, dans le recueil de
ses Comédies: Propaladia (Naples, 1517), pourquoi il introduisait,
pour marquer les étapes de celles-ci, le vocable Jornada (le contresens
que commet Lessing à son endroit montre combien il en ignore et la
dérivation probable et le sens que lui avait donné Naharro : descan-
sadero) et bien que ce vocable fût, en effet, d'un usage courant,
n'eût-il pas été prudent de remarquer que ce même Cervantes
employait encore le terme ado un siècle après l'introduction de
son équivalent!?
Si, des indications ci-dessus, il n'est pas téméraire de déduire que
Lessing ne connaissait que par ouï-dire les très médiocres détails qu'il
a consignés sur les particularités de la Comedia \ peut-être compense-
1. Comediag, éd. de 17^9, 1, 21 : Fin del primer ado (du Gallardo Espanol); II, 25:
Fin del Ado priinero (dn Rufian Dichoso). Riccoboni disait, dans ses Réjle.^-. hist., etc.
(Ed. d'Amst. 17^10, p. ^7) : «On nommoit dans ces premiers tems Ados ce que nous
appelons Ades et les deux auteurs que nous venons de citer (Lope de Hueda et
^avarro) appelèrent Jornadas. » Je suppose qu'il avait lu le passage du Prôlogo al
ledor des comedias de Cervantes : Sacediâ à Lope de Rueda, Naharro, natural de Toledo,
el qualfuefamoso, etc. et qu'il imagina, sur les louanges qui sont données à ces deux
personnages, de leur attribuer l'invention des Jornadas. On sail que de ce Pedro Xaharro
ou \avarro — duquel Lope disait que Lope de Rueda et lui, premiers inventeurs
de l'art scénique, en avaient aussi observé les règles, cf. dédicace à Marino de ]'irlud,
pobreza y mujer, B. A. E. 02, 212 — il ne reste rien. C'est par distraction que M. Morel-
Fatioauraconfondu ce \avarro avec Torres Naharro (B(i//e<./i/sp., 111 (190 1), p. SGg), dont
la Propaladia a été, comme nul ne l'ignore, rééditée par MM. Ganete et Menéndez y Pelayo
aux tomes IX-X (Madrid, 1900) des Libros de antaho et à propos de laquelle cf. Zur Bi-
bliographie des Torres Naharro, \)a.T M. A. L. Stiefel {Archivde Herrig, t. CXIX, p. 195-196).
2. II importe de remarquer, cependant, qu'il n'omet aucune circonstance de
mettre en jeu celte même Comedia. Lorsqu'à la fin du JJ. HUick de la Dramaturgie, il
C. l'IlOLLLl. '^
212 CO.MHlIiUïlONS A L ETUDE DE L HISPANISME DE G. E LESSlNG
t-il ces omissions et commissions par l'exactitude de son jugement sur
ÏArte? Écoutons en quels termes il le formule:
« Lope deVega, ob er schon der Schôpferdes spanischen Theaters betrach-
tet wird, war es indess nicht, der jenen Zwitterton ' einfùhrte. In seinem
Lehrgedichte, uber die Kunst, neue Komœdien zu machen ^ , dessen ich schon
gedacht, jammert er genug darùber. Da er sahe, dass es nicht môglich sey,
nachden Regeln und Mustern der Alten fur seine Zeitgenossen mitBeyfall zu
arbeiten : so suchte er der Regellosigkeit wenigstens Grenzen zu setzen : das
war die Absicht dièses Gedichts. Er dachte, so wild und barbariscli auch
der Geschmack der Nation sey, so musse er doch seine Grundsâtze haben ;
und es sey besser, auch nur nach diesen, mit einer bestândigen Gleich-
fôrmigkeit zu handein, aïs nach gar keinen. Stucke, welche die klassischen
Regeln nicht beobachten. kônnen doch noch immer Regeln beobachten und
mùssen dergleichen beobachten, wenn sie gefallen wollen. Dièse aiso, aus
dem blossen Nationalgeschmack hergenommen, wollte er festsetzen; und es
ward die Verbindung des Ernsthaften und Liicherlichen die erste. »
Suit une prétendue traduction, qui n'est en réalité qu'une glose
imprécise 3, des vers 1 57-1 80, concernant le choix du sujet, 011 le
tragique se mêlera au comique, conformément à l'exemple que nous
donne la Nature.
Voici donc comment Lessing, reconstruisant la psychologie de Lope,
entend l'Arte nuevo de hacer comedias, ou, comme il s'exprime:
l'art de composer de « nouvelles comédies ». Lope, respectueux, au tré-
fonds de son être, des Règles aristotéliciennes — non, par Arminius, de
l'hybride déformation inventée et imposée par les théoriciens welsches
à perruque du Grand Roy — n'eiit pas mieux demandé que de les
appliquer en leur originelle pureté, si sa mauvaise étoile n'eût voulu
qu'il naquît Espagnol, c'est-à-dire sujet d'une nation dépourvue de
s'en prendra à la Bradamante de Garnier — qui est de i582 — pour lui dénier le litre
de «première tragicomédie )>, il écrira qu'il connaît « eine Menge ixeit frùhere
spanische und italienische Stucke, die diesen Titel fuhren». 11 se garde bien, et pour
cause, de citer une seule de ces tragicomedias castillanes. Mais, quelques lignes plus
haut, il avait dit que le vocable « trœjicomœdia », que Plaute n'employa qu'en badi-
nant, ne fut mis en circulation que « bis es in dem sechzehnten Jahrhunderte dcn
Spanischen und Italienischen Dichtern einfiel, gevvisse vonihrendramatischenMsssfc-
turien so zu nennen. n Au premier rang de ces avortons espagnols, il place la Celestina,
dont on va voir l'idée qu'il avait.
1. Par Zwitterton, Lessing entend le langage du gracioso.
2. Ce contresens, deux fois répété, se range dignement à côté de celui commis
à propos des a Neue Beispiele ».
3. C'est ainsi, par exemple, que Lessing rend le début :
Elijase el sujeto y no se mire
(Perdonen los preceptos) si es de reyes,
Aunque por esto entiendo que el prudente
Filipo, rey de Espana y seiîor nuestro,
En viendo un rey en ellas se enfadava...
«Auch Konige, sagt er, kônnet ihr in euern Komôdien anftrcten lassen. Ich hore
z\\ar, dass unser «eiser Monarch (Philipp der Zwcite) dièses nicht gebilliget... »
1
LA i>ATlRE ET LES SOLKCES DE l'hiSPANISME DE LESSnG 3l3
toute compréhension artistique, et, par suite, de tout respect des
Règles. Mais Lope, en casuiste-né (comme sont tous les Espagnols)
et en retors familier du Saint -Office, n'était pas homme à se déclarer
embarrassé pour si peu, puisque, aussi bien,
Le ciel défend, de vrai, certains contentements.
Mais on trouve avec lui des accomodements.
Il imagina un subtil compromis, dont l'Arte constitue la charte.
Nageur prudent, Vega Garpio, n'osant se risquer à fendre en face le
furieux courant des ondes populaires, se borne à le remonter en un
biais savamment calculé. Et, arrivé sans efforts sur l'autre rive, il s'écrie
devant la foule émerveillée : a Vous ne voulez pas entendre parler des
Règles? Soit! Laissez-moi, seulement, vous expliquer pourquoi vous
aimez ce que vous aimez! » La mission du monstre de la Nature fut
de dégager l'Ordre — un certain Ordre — du chaos. Le sens profond
de l'Arte gît en ce qu'il exprima, de l'anarchie scénique antérieure,
de l'effrénée licence dramatique, de ces v( sauvages intrigues », de ces
monstrueux « avortons » qu'étaient les tragi-comédies à la Célestine,
le minimum de règles compatible avec l'étiage culturel d'un peuple
dénué de lumières. Or, la première des règles embryonnaires formu-
lées par ce législateur intelligent fut la nécessité de l'alliance du
«sérieux» avec le «ridicule». C'est ainsi que, parti d'imaginaires
prémisses, Lessing aboutit à une conclusion qui s'appuie sur une
assertion de YArte^. Mais son argumentation, est-il besoin de le noter,
reste un pur sophisme, et n'est là, aussi bien, que pour permettre au cri-
tique allemand de mieux couvrir de confusion les théories qu'il attribue
au « rimeur delà les Pyrénées ». Au chapitre suivant de la Dramaturgie,
ayant cité un passage de l'autobiographie romanesque du « Voltaire
de l'Allemagne », Wieland, qui venait de ^axallve {Agathon, IL Thl.,
p. 192 seq. de l'éd. originale) et où Shakespeare était défendu du
reproche d'avoir mêlé le tragique et le comique, Lessing revient à
Lope pour le réfuter impitoyablement. Ces idées de Wieland, rai-
sonne-t-il, seraient « le meilleur développement que l'on pût lire de
la pensée de Lope de Vega », mais, aussi, sa «réfutation» lapins
complète. «Car, que s'ensuivrait-il? Que l'exemple de la Nature, par
lequel on prétend justifier ici l'alliance de la gravité la plus solennelle
avec le comique bouffon, pourrait aussi bien servir à justifier tout
1. On aime, mieux encore que ces fadaises d'un homme qui dispute de ctiose»
qu'il ignore — que ne rapportait-il tout simplement l'opinion de Cervantes au
48°* chap. du Qaijote, 1<^ Parte: c'était le cas ou jamais 1 — l'ingénuité du
frère de M"' de Motteville, Fr. Berlaut, sieur de Fréauville, qui, lors de son voyage
en Espagne en iGôg, vit Galderôn à Tolède, discuta avec lui des « règles de la Drama-
tique», constata vite "qu'il ne sçavoit pas grand'chose, quoy qu'il soit déjà tout
blanc n, et conclut très judicieusement que, dans ce pays-là, on se moquait des Règles.
{Voyage d'Espaifue, etc. [l'aris, lOOy], p. 171. Ce livre est d'ailleurs très remarquable.)
2l4 COMKIBUIIOS A LETLDE DE 1- lll.Sl'VMSMt; Dli (i . i;. LESSl>(.
monstre dramatique, où l'on ne trouverait ni plan, ni liaison, ni sens
commun. Et alors il faudrait cesser de considérer l'imitation de la
Nature comme le fondement de l'Art; ou bien, par cela même, l'Art
cesserait d'être l'Art... En ce sens, l'œuvre où il y aurait le plus d'Art
serait la plus mauvaise, et l'œuvre la plus grossière serait la meil-
leure. » Et le développement se clôt sur une exécution en règle des
« pièces mixtes du genre gothique », qui représentent aux yeux de ce
héraut de V Aujkldrung « l'œuvre bâtarde d'une époque barbare ». On
voit, par suite, ce qu'il en est de la « force » et de la « concision » du
jugement de Lessing sur Lope, que M. A. Morel-Fatio, pour n'avoir
lu que le ch. 69 de la Dramaturgie — mais déjà l'erreur avait été com-
mise par E. Dorer, Die Calderon- Lit. in Deutschland (Leipz., 1881),
p. 6, et nous ne savons si le passage de M. Morel-Fatio n'est pas allé
contaminer le D' R. Béer à deux ans de distance' — a cru, lui aussi,
devoir vanter dans sa réédition critique précitée de VArte nuevo en 1901
aun°4 du Bull, hisp.^, et combien l'excellent Dieze était fondé à déclarer,
au lendemain du manifeste de son ami dans la Dramaturgie, que
« unter uns Deutschen ist Lope nur dem Namen nach, und aus dem,
was wir durch die Franzosen von ihm Avissen, bekannt worden »,
(Gesch., p. 334, note à la p. 333.) Pour une fois, du moins, ces
Français frivoles et légers n'avaient pas si mal parlé de ÏArte. L'abbé
1. Op. cit., II, 85 : «Die voa vielen getadelte Vermischung des Tragischen und
Komischen, diesich bei Calderôn wie auch sonst bei den spanischen Bûhnendichtern
(ebenso wie bei den englischen) findet, bat in niemand Geringerem als in Lessing
einen Verteidiger gefunden. » P. i55, l'auteur subordonne de nouveau l'activité «des
frères Schlegel » en faveur de la scène espagnole à celle de Lessing.
2. P. 891. « Le passage qui commence au v. 167 et se termine ici (v. 180) a été
traduit par Lessing dans sa Dramaturgie, ch. 69. Lessing dit qu'il a rapporté ce mor-
ceau de VArte à cause de sa conclusion, et que s'il est vrai, comme on doit le croire,
que la nature nous donne l'exemple du mélange du bas et du noble, du plaisant et
du sévère, du comique et du tragique, Lope, en ce cas, a plus fait qu'il ne pensait
faire, « car il n'a pas seulement pallié les fautes de son théâtre, il a montré que ces
prétendues fautes n'existent pas : il n'y a pas faute là où il y a imitation de la nature».
L'erreur de M. Morel-Fatio — outre l'oubli du ch. 70 — consiste à donner ici comme
l'opinion de Lessing ce qui n'était, sous sa plume, que le résumé des vues de Lope.
On sait qu'en effet Lessing termine l'interprétation de VArte en disant que s'il est vrai
que la Nature nous serve de modèle — Lope en avait appelé à un adage d'origine
italienne :
Buen exemplo nos da naturaleza
que por tal variedad tiene belleza... —
ce « réformateur de la scène espagnole » a réalisé plus qu'il n'avait promis. « Il n'a point
seulement pallié les défauts de son théâtre; il a, à vrai dire, démontré que ce pré-
tendu défaut n'en est pas un. Car ne saurait s'appeler défaut rien de ce qui est imi-
tation de la Nature.» En traduisant: « er hat eigentlich erwiesen, dass dieser Fehler
(l'alliance du « sérieux » et du « ridicule ») keiner ist » par : « il a montré que ces pré-
tendues fautes n'existent pas y>, M. M. -F. commettait, au surplus, un contresens,
d'autant plus surprenant que cet érudit possède à fond la langue allemande. Moins
catégorique avait été, sur ce chapitre, Oervinus (Gesch. der deut. Dichtung 5. Aujl., IV,
45o se({.) qui avouait, en termes hésitants, que Lessing n'entendait pas » die Si^anier...
libéra il gut hcisscn. »
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DK LESSING 2 10
Goujet, dont l'ouvrage était, répétons-le, familier aux érudits alle-
mands, n'avait-il pas dit, en son nom propre, de cette œuvre :
« Pour moi, j'ai de la peine à croire que ce soit un écrit sérieux... Rien
ne ressemble mieux à une véritable ironie. L'auteur en prend le ton et en
emploie les expressions. Il soutient, et on ne le nie point, qu'il connoissoit
les règles de l'Art, qu'il les avoit étudiées, qu'il avoit composé quelquefois
selon ces règles. Pourquoi donc les abandonne-t-il ? C'est, si on .l'en croit,
parce que ceux qui les observoient le plus exactement, mouroient sans répu-
tation et sans récompense : c'est parce qu'il avoit vu des monstres spécieux
triompher, et remporter les applaudisscmens des dames et du vulgaire.
Qu'en conclut-il ? Qu'il a renfermé les préceptes sous la clef; qu'il a banni
de son cabinet Terence et Plante, pour n'être pas importuné de leurs
raisons ; qu'il est juste de s'accoutumer au goût du peuple, et d'écrire comme
un ignorant, puisque cela plaît à ceux qui payent. Tout est écrit sur le
même ton. Ce qu'il dit pour justifier sa nouvelle manière de composer,
qu'il appelle lui-même barbare et un nouvel art, est si foible, quelquefois
même si peu sensé, qu'encore une fois il est difficile de croire qu'il ait voulu
parler sérieusement ' . w
Cette appréciation de l'oratorien janséniste, ami de Rollin, n'est
pas loin d'être la bonne, et Ludwig Lemcke, dont le Handbuch fut et
est encore en partie pour beaucoup d'Allemands le guide le plus
consulté de littérature espagnole, s'est donné, III, 182-184, la peine
superflue de prendre au sérieux et de longuement critiquer cette soi-
disant confession de poète, qui n'est qu'une ((galéjade)) du génie, où,
comme l'a fort bien dit M. Fitzmaurice-Kelly, op. cit., p. 268, « ce
qui prend la forme d'une excuse n'est en réalité qu'un légitime accès
d'orgueil». Il reste que Lessing n'a rien compris à ce document,
comme il ne sait rien de l'art de Lope, et que M. Erich Schmidt sera
bien forcé, pour la troisième impression de son Lessing, de supprimer
le membre de phrase qui a trait aux études hambourgeoises du « pro-
cédé tragi- comique « espagnol. A moins, cependant, qu'il n'imite, au
contraire, la méthode de W. von Maltzahn et R. Boxberger, lesquels,
dans leur médiocre réédition du Lessing de Danzel et Guhrauer, an.
cit., arguënt d'un passage d'une letttre de Lessing à Gleim du
8 juillet 1758 (M. XVII, i48), où le premier déclare que le moindre de
I. Bibl. franc., III (Paris, 17/1/1), p. ii3. — Le passage de Flogel sur VArte dans sa
Gesch. der kom. LU. (Liegnitz und Leipzig 1787), p. 173, ne me semble être
qu'une amplification sur l'analyse de Goujet: « Er [Lope] macht sich darin mit der
feinsten Spôtterei ûber dièse Herren [les Académiciens madrilègnes] luslig, und
versichert sie, dass cr den getrâumten Hochverrath am Parnasse gar nicht begehen
wollen. Er sagt, da er noch an der Grammatik. gekaut hiitte, und da er noch nicht
zehn Jahr ait gcwesen, batte er die Bûcher schon aile gelesen, vvorin die tlieatra-
lischen Regeln stûnden. Er schriebe Komodien nach der Runst, die die erfandcn, die
nach dem Beifall des Volks haschten; denn da sie das \o\k bezahlt, so ist auch billig
als Thor zu redcii, um ilinen Spass zu machen. Es ist mir leid genug, dass es so ist,
aber es ist kein Mittelweg zwischen beiden Uebeln auszufinden. Anfangs trieb ihn
also die Noth dazn, undendlich war ihm Manier geworden. »
iÉ&:.
2l6 CONTRTRUTIONS \ l/ÉTUDE DE l'htSPAMSME DE G. E. LESSING
ses projets actuels est « d'écrire au moins trois fois autant de pièces
de théâtre que Lope de Vega », pour en déduire, en note, II, 112, que
dès 1768 Lessing connaissait l'œuvre dramatique de Lope. II, 190, on
peut lire, dans le même ouvrage, que Lessing connaissait « ebenso
gut » les comédies de Cervantes que jcelles de Lope et de Calderôn.
Voilà qui ne cadre guère avec l'assertion de M. A. Farinelli, p. 5 de
Grillparzer uncl Lope de Vega : « Ob Lessing irgend ein Drama Lope's
de Vega (im Original) gelesen, vermag ich nicht mit Bestimmtheit zu
sagen. » Il est vrai que M. A. Farinelli n'est pas à court de « combi-
nazioni » : « Lopes dramatisches Génie, rectifie-t-il incontinent, schien
aber der grosse Deutsche zu ahnen. » Inclinons-nous en silence devant
cet hispanisme ésotérique, inaccessible à notre faible intellect et
laissons M. E. Schmidt arranger les choses : la logique d'un bon
Lessingjorscher sait, quand il le faut, être subtile...
[3. Le Gracioso.
Si dédaigneux que se montre Lessing à l'endroit de la « convenance »
théâtrale du pseudo- classicisme français, il se trouve d'accord avec
Duperron de Castera pour réprouver le rôle du gracioso dans la Come-
dia. Duperron notait (Th. E., p, 4) que, dans les pièces espagnoles,
outre que le tragique se trouve souvent mêlé avec le burlesque,
«souvent un Bouffon qu'ils nomment le laquais gracieux^, ou bien
quelque autre personnage de même étoffe prend la liberté d'interrompre
les Héros et les Rois au milieu des situations les plus touchantes ; pareille
indécence nous révolteroit. Elle revoltoit aussi Philippe II. Ce prince, au
rapport de Lopès de Vega, ne voyoit jamais la majesté des grands Rôles
avilie par un badinage si déplacé et certainement il avoit raison 2. »
— « Aber Cosme, » s'écrie à son tour Lessing, «dieser spanische Hanswurst,
dièse ungeheure Verbindung der pôbelhaftesten Possen mit den> feyer-
lichsten Ernste; dièse Vermischung des Komischen und Tragischen, durch
die das spanische Theater so berûchtiget ist ? Ich bin Aveit entfernt," dièse
zu verlheidigen. »
Suit une vigoureuse charge à fond contre la « décence » scénique
welsche et, comme conclusion, l'aveu de Lessing qu'il préfère encore,
en face de cette convention étroite et artificielle, l'usage du gracioso, qu'il
qualifie — les termes sont à noter — de « unsinnigste Abwechslung
1. Cette traduction maladroite a été corrigée en ces termes par Bouterwek, Gesch.
Tp. ^82, note g : «Wer nicht Spanisch versteht, denke sich bei dem VVorle Gracioso
nicht etwa einen ausserordentlichen Euphemismus. Gracioso heissl im Spanischen
uberhaupt ôfter spasshaft und lâcherlich, als graziôs. »
2. Duperron renvoie en marge au texte espagnol de l'^rie; c'est précisément ce
même passage sur les goûts de Philippe II et le mélange du tragique et du comique
que citera, nous l'avons vu, Lessing.
L\ XATURR ET LES SOIiRCES DE T. mSPVMSME DE I.ESST>'G 217
von Niedrig auf Gross, von Aberwitz und Ernsl, von Schwarz auf
Weiss «.
Ce n'est donc qu'en vertu d'un pis aller et parce qu'à tout prix il
veut extirper les mœurs théâtrales françaises dans sa patrie', que
Lessing fait la concession que nous venons de relever au théâtre
espagnol. On comprend, en effet, que cet esprit critique, que ce
rationaliste par essence n'acceptât qu'à son corps défendant, un per-
sonnage dramatique qu'il considérait comme « la plus insensée
succession de la bassesse à la grandeur, de l'extravagance au sérieux,
de la nuit au jour». Mais cette interprétation du gracioso ne démon-
trerait-elle pas — si, ici encore, il ne fallait tenir compte de son
ignorance de la Comedia — combien Lessing était resté étranger à
l'âme castillane, hostile à la mentalité espagnole de l'âge classique 2?
Pour qu'il ne nous soit pas reproché d'exiger de lui une largeur de
compréhension, une souplesse de critères dont, à notre époque et
dans des conditions radicalement différentes de recherche scientifique,
seule une exiguë minorité d'érudits — malgré le flot grossissant des
philologues en mal de thèses doctorales qui s'improvisent hispanisants :
cf., pour ne citer qu'un seul exemple, M. G. Huszâr ; Molière et
l'Espagne (Paris, 1907), p. 296 — apparaissent capables, nous trans-
crirons, comme preuve qu'un Allemand du xvin" siècle, son contem-
porain, était apte à apprécier adéquatement le comique espagnol,
— et cela parce qu'il l'avait étudié sur les textes — le passage de la
Geschichte de Dieze, en l'opposant intentionnellement à celui de
Lessing. Cette confrontation nous semble, à elle seule, plus probante
que toutes les autres citations que nous pourrions fournir, et nous
nous limiterons exclusivement à ce seul garant parce que son témoi-
gnage suffit en l'espèce, renonçant à reproduire le n" XXXII, si pro-
1. Il ne sera pas sans utilité de rappeler ici qu'après M. L. Crouslé (dont l'ouvrage
mérite toujours une attentive lecture), M. A. Ehrhard a bien mis en lumière, dans
Les Comédies de Molière en Allemagne (Paris, 1888), p. 23i seq., avec quelle deutsche
Ehrlichkeit Lessing procéda à l'endroit de la France et de sa littérature. Il est d'autant
plus nécessaire de renvoyer à de tels ouvrages que les Lessingforscher se gardent, en
général, de les mentionner.
2. Tout ce que l'on pourrait dire, à cette date, du gracioso, ne saurait, croyons-nous,
être qu'une amplification sur la définition,extrêmement juste, qu'en a donnée en 181 1
A. W. Schlegel : '< Dieser dient meistens bloss dazu, die idealen Triebfcdern, wonacli
sein Herr handelt, zu parodieren, welches er oft auf die zierlichste und geistreichste
Weise thut.» [Engl. und span. Theater, dans les Meyers Volksbiicher, n°' 356-358, p. lyS.]
A. LaBeaumelle a repris cette définition dans sa très fouillée Poétique de Lope de Vega,
à laquelle M. Morel-Fatio n'a pas accordé, dans son édition de VArte, toute
l'attention qu'elle nous semble mériter. [Coll. cit., vol. Lope de Vega. t. //.
Paris, 1827.] Notons, enfin, que les banalités du genre de celles de Lessing sur les
prétendues platitudes et bouffonneries propres à la Comedia ont fort l)ien été réfutées
par le P. Juan Andrés — qui cependant ne laissait pas d'admirer Corneille — au 1. 1,
p. It2!x seq. de Dell' origine, progressa e staio atluale d'ogni lelteratura (Parma, 1782):
Parallelo del teatro spagnuolo e deli inglese. (La moslruosità dellc tragicommedie, c la
miscliianza di serio e di burlevole, di sublime c di basso si vuol far passarecomc una
2l8 r.n>TRTIU TTOAS \ T.'kTL'OE DE T.'nTSPVMSMK DE G. E. I.ESSINO
bant, de la III" Parte [Câdiz, s. 0.(1819)] du Pasatiempo critico de Bôhl
von Faber (Del Gracioso en las comedias espanolas, p. 44-48).
«Der comische Ton, » écrit donc Dieze, « und die scherzhafte Laune der
Spanier sind bisher von den Auslàndern sehr verkannt Avorden, und die
Begriffe, die man sich davon gemacht hat, sind sehr unrichtig. Dièses rùhrt
tlieiis von der in unsern Gegenden so selten vollkommenen Kenntniss ihrer
Sprache, tlieils von den unriclitigen Vorstellungen her. die man aus
Romanen. oder einigen parteyischen Reisebeschreibern sich von ihren Sitten
gemacht hat. Hierzu kommt noch dièses, dass so sehr wenig von den
Avahren und guten Dichtern dieser Nation Auslàndern bekannt worden sind.
und man dafiir einige schlechte, die man zum Lnglûcke der Spanier
ausser den Grânzen ihres Landes kennt, zum Massstabe angenommen hat,
das poetische Génie, und den Geschmack der Spanier darnach zu bestimmen.
Ich habe schon oben gesagt', dass die spanische Sprache ihre eigenen
comischen Wôrter und Wendungen hat. Einem, der die spanische Literatur,
und vorzùglicli die Dichter so studirt hat, wie es sich gehôrt, wird es leicht
seyn, die verschiedenen Miancen vom comischen, launigten, scherzhaften
und burlesken darinnen zu fmden und zu unterscheiden. Diess ist ein
Vorzug, der der spanischen Sprache eigen ist » {Geschichte, p. 434, note a.)
Y- La Glosa.
«Die Spanier,» explique Lessing, «haben eine Art von Gedichten, welche
sie Glossas /^sir^ nennen. Sie nehmen eine oder mehrere Zeilen gleichsam zum
Texte, und erklaren oder umschreiben diesen Text so, dass sie die Zeilen
selbst in dièse Erklârung oder l mschreibung wiederum einflechten. Den
Text heissen sie Mote oder Letra, und die Auserlegung insbesondere Glossa,
welches denn aber auch der ?same des Gedichts ûberhaupt ist. »
Suit l'exemple de la glosa de la Jornada segunda du Conde (B. A. E.
45, 4 10), puis Lessing continue :
»Es mùssen aber eben nicht aile Glossen so symmetrisch seyn, als dièse.
Man hat aile Freyheit, die Stanzen, die man mit den Zeilen des Mote schliesst,
strana produzione délia strcgolata fantasia spagnuola. Ma questo è un \izio cotanto
comune ail' iiiglese teatro, che il Dryden prétende di fargli onore con dargli il vanto
di simili componimenti.... etc.) On sait que l'ouvrage d'Andrés a été réimprimé à
Venise en i83o-34 en 8 vol. contenant 20 parties. Mais, bien avant lui, il y avait déjà
d'excellentes choses à ce propos dans le livre imprimé à Madrid en 1764 (21/1 p. in-8):
La nacion espanola defendida de los insuUos del Pensador[le périodique célèbre qui parut
de 1762 à 1767], etc. par «D. Fr. Mariano Nipho))(cf. v.gr. p. 11 et 109), puis dans les
Onze Discours (^87 p. in-8) parus à Madrid en 1763 et dont l'auteur se déguisait sous
la périphrase : El Escritor sin titulo.
1. 11 l'a dit p. i2i, note à la p. 122. Le passage mérite également d'être transcrit :
(' Die spanische Sprache hat aile Eigenschaften, die eine Sprache empfehlen konneo.
Sie schickt sich sowohl zum Erhabenen undMajesliitischen, als Zârtlichen und Sanften.
Sie ist nachdrùcklich, zierlich, leicht wie es. die Gegenstande fordern. Auch im Comis-
chen hat sie ihr Eigenes. Sie ist sehr reich, an Wortern sowohl als an AVendungen
und besondern eigenthûmlichen Redensarten. Sie ist von ihren Schriftstellern sehr
bearbeitet worden Es ist eine sehr irrige Meynung die man insgemein hat, dass
man glaubt, die spanische Sprache sey leicht, zumal wenn man Lateinisch und F"ran-
ziJsisch, oder noch dazu Italieniscli verstùiide. Allein die vielen arabischen und
andern Wôrter, die besondern und eigenthûmlichen Redensarten, Flexionen und
Constructionen in dieser Sprache, verursachen mehr Schwurigkeiten als man glaubt,
wenn man sic recht lernen will. »>
I. \ WTii'.E rr TES soi'itcrs nr. i, iiispaisismk dk r.Kssix; aiq
so ungleich zu machen, als man will. Man braucht auch nicht aile Zeilcn
einzuflechten; man kann sich auf eine einzige einschrànken, und dièse
mehr als einmal wiederholen. Uebrigens gchôren dièse Glossen unter die
àltern Gattungen der spanischen Poésie, die nach dem Boscan und Garcilasso
ziemlich ans der Mode gekommen. »
L'explication donnée par Lessing du mécanisme de la glosa n'excède
pas les limites — en prenant le vocable Stanzen dans le sens g-énéral
de Strophen — d'un gros à peu près. En admettant cette vérité,
évidente, qu'il ne pouvait, dans un chapitre de la Dramaturgie, entrer
dans les détails de cette forme métrique, du moins devait-il surveiller
sa plume — en cette circonstance, d'ailleurs unique, où il s'étendait
avec quelque complaisance sur un point accessoire de littérature
castillane — et ne se documenter qu'à des sources authentiques. Ces
sources ne faisaient nullement défaut à son érudition avisée. Bense-
Dupuis, par exemple, expliquait longuement, au Livre Second de la
//• Partie de V Apollon, p. SSg seq. ', que :
« Le mot de Glose, que l'Espagnol dit Glossa, est tiré du grec rXoao-a (sic)
qui veut dire langue. Il se prend chez les Poètes pour une sorte de couplets
qui expliquent quelque bon mot, quelque deuise, quelque sentence, ou
quelque suite de vers; ce qu'ils appellent Letra, Mole, Texlo, ou Retruecano,
Lettre, mot ou dicton de quelque deuise. Et tout ainsi que la làgue déclare
les conceptions de l'entendement, de mesme la Glose déclare & explique le
texte, & lui vient à seruir comme de Commentaire & d'Interprète.
Le Texte contient un, deux, trois ou quatre vers, ou plus, selon le Texte
du sujet, & le Texte que le Poëte veut entreprendre de gloser. Chaque vers
du Texte se doit gloser par deux Rondelets, tels que le Poëte voudra choisir,
continuant toujours de mesme, en sorte que le vers à gloser soit le dernier
du second Rondelet. [Suivent 5 exemples].
Souvent ils glosent la Sentence par un villanelle; comme en ces [2]
exemples de Castillejo.
Ils glosent les Vilanelles entiers, comme cettui-cy...
Ils glosent ainsi les Roman[c<?]s, mettant deux vers du quatrain du
Roman[ce] pour fin du second Rondelet.
Ils font aussi des Gloses de Vers Italiens, c'est-à-dire, d'onze & de sept
sillabes, à condition que le Texte soit aussi des mesmes Vers. La Glose se
peut faire par Rimes Octanes, par Rimes Tierces, par Sonnets, par lires, ou
autrement; mettant le Vers qui se glose à la fin de l'Octaue, du Terzet, etc.,
comme Je Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibas, glosé en Rimes
Octanes, par Lope de Vega »
Nous pourrons faire entrer au rang des Gloses certaines pièces faites par
Dialogues, dans lesquelles la personne vient à reprendre le derniers vers de
la Stance précédente, & de sa response, ou réplique, en fait comme une
Glose audit vers; comme au 6. Liure de la Diane de Montemayor, entre
Siluano & Sireno »
Caramuel, dailleurs, détaillait également la glose, p. 3^o seq. de sa
Rhyimica : De Glossa, sive de Carminé Régis (éd. de i668). Il semble,
I , Des Gloses. Ch. T'.
330 CO\TRIRUTIO\'S A L KTUDF. DE T. HTSPAINTSMK BE G. E. TESSTNG
cependant, que Lessing ait pris son explication, incomplète et même
inexacte, de la Glosa dans le traité de Cl. Lancelot — celui-là même que
Dieze (p. 126, /lo/eà la p. 122) devait, comme il a été dit, recommander
si chaleureusement — publié avec l'aide d'Ant. Arnauld à Paris en 1660,
in-8 (2''éd. i665 ; 3' 1681), sous le pseudonyme: De Trigny, et le titre :
Nouuelle \ Méthode \ pour apprendre \ Jacilement et en peu \ de temps \
la langue espagnole (B. N. : X, \U. 695-1^.697). La structure de la Glosa y
est, en effet, sommairement expliquée, et, comme exemple, l'auteur re-
produit la fameuse effusion de Sainte Thérèse: Vivo sin vivirenmî, etc.
« Elle n'y a pas suivi, » observait à ce propos Goujat, « la règle ordinaire
de cette ancienne poésie Espagnole, de répéter chaque vers du Texte dans
son ordre, à la fin de chaque stance de la Glose ; dans celle-ci il n'y a que
le dernier vers du texte qui serve de reprise... etc. »
Les Gloses sont définies par Lancelot :
Ces pièces où l'on prend d'abord « quelque mot ou quelque sentence», sur
laquelle on fait ensuite " des vers, auxquels ce mot et cette sentence servent
de reprise » .
L'on serait d'autant plus enclin à admettre que ce dernier passage
de Lancelot — que l'abbé Goujet avait fidèlement reproduit dans sa
Bibl. franc., VIIl, i5o seq. • — a inspiré Lessing que l'on y rencontre
précisément une bévue qui peut expliquer la colossale méprise de ce
dernier sur la glosa « tombée en désuétude depuis Boscân et Garcilaso »:
« Les Espagnols », déclare Goujet, résumant Lancelot, «ont été longtemps
sans connaître d'autre forme de poésie, que celle dont je viens de parler^...
Dans la suite Jean Boscan et Garcilasso de la Vega, morts avant le milieu du
seizième siècle, introduisirent dans leur langue la forme de la poésie ita-
lienne qu'ils connurent par la communication qu'ils eurent avec les Poètes
Italiens de leur tems dans les voyages qu'ils firent à Naples. »
Mais, pour commettre l'erreur qu'il a commise touchant la glosa, il
fallait que Lessing ignorât et la Comedia — où cette forme métrique
est tellement en faveur avec Galderon qu'il en tire quelques-uns de
ses meilleurs effets harmoniques — et jusqu'à ce D. Quijote, dont il
affecte cependant de citer des passages, et où le héros du roman
1. Le passage de l'abbé Goujet se rapporte à celui de Lancelot dans les trois édi-
tions de la Nouvelle méthode. Dans la T'édition de celle-ci, il se lit p. 109 seq.; dans la 2*
et la 3% p. io3 seq. — Le rapprochement de Lancelot (ou, si l'on veut, de Goujet) et de
Lessing est d'autant plus tentant que nous trouvons dans Lancelot l'expression :
stance, qu'emploie bizarrement Lessing : « Que si ce texte a plusieurs vers, ils les
répètent l'un après l'autre, après une ou deux Stances.» (Éd. de 1660, p. 109.)
2. Peut-être Lancelot avait-il lu le passage de Lope, fol. 76 de sa Justa poética... al
bien avenlurado San Isidro (Madrid, 1620), oîi la glosa est présentée comme forme
ancienne de poésie spécifiquement espagnole, quoique, en réalité, elle soit d'origine
provençale.
1
I.\ NATURE ET LES SOURCES DE T, HISPAMSME DE LESSING 22 1
et D. Lorenzo s'entretiennent (Parte II, cap. XVIII) de façon si instruc-
tive sur cette même glosa, dont le second se complaît à fournir un
impeccable spécimen i.
â. Les Haupt= und Staalsaktionen.
Lessing a traduit une partie du dialogue lyrique en aparté entre
Essex et Elisabeth qui termine la primera Jornada et qui rappelle
assez bizarrement — comme d'ailleurs plusieurs autres parties du
Conde — le second acte de ce chef-d'œuvre unique de Torres Naharro :
la Himenea^.
« Ist das nicht eine sonderbare Art von Unterhaltung? » s'écrie-t-il avec
une étrange ingénuité (puisque ce genre de dialogue est si fréquent dans la
Comedia). « Sie reden mit einander und reden auch nicht mit einander. Der
eine hôrt, was der andere nicht sagt, und antwortet auf das, was er nicht
gehôrt hat. Sie nehmen einander die Worte nicht aus dem Munde, sondern
aus der Seele. Man sage jedoch nicht, dass man ein Spanier seyn muss, um
an solchen unnatûrlichen Kûnstlereyen Geschmack zu finden. Noch vor
einige dreissig Jahren fanden wir Deutsche eben so viel Geschmack daran;
denn unsere Staats= und HeIden=Aktionen wimmelten davon, die in allem
nach den spanischen Mustern zugeschnitten waren. »
Cet aveu de Lessing fournirait, s'il en était besoin encore, la meil-
leure et l'irréfutable preuve qu'il est dans la plus complète ignorance
de la véritable nature de la Comedia. Nous avons vu plus haut, par le
passage de Nicolai, qu'il possédait une collection de pièces à grand
spectacle ayant appartenu à la célèbre actrice Caroline Neuber, qu'il
avait pu, par conséquent, les étudier à l'aise. Pour qu'il identifie ces
productions hybrides — le plus souvent déjà remaniements étrangers,
surtout anglais, hollandais et italiens — de la fin du xvii' siècle et des
quarante premières arinées du xviu" siècle allemands avec la Comedia
espagnole, il faut qu'il ait de celle-ci une conception si inexacte que
l'on est en droit d'afïîrmer en toute loyauté critique qu'il n'en connut,
1. M. \, 5o, LessiDg désignera bien de leur appellation métrique exacte les 4 vers
que chante Irène : « Sie singt eine Redondilla, ein kleines Lied von vier Zeilen... »
Mais l'expression est dans le texte même du Conde de Sex :
Reina ; Que bien dice ! Es extramada
la redondilla...
La définition que donne Lessing de la redondilla est, d'ailleurs, si peu compromet-
tante qu'elle peut fort bien avoir été faite sur l'exemple qu'il en a trouvé dans le Conde.
Bense-Dupuis discutait longuement (p. 3o0-324) et donnait des exemples très divers
des Bedondillas de Arte Mayor, des Redondillas menores et des Redondillas mayores avec
leurs subdivisions. Voilà un passage qu'aurait bien fait de lire, comme, d'ailleurs,
tout le livre, le Dr. Erich Walter {Ad. Fr. Graf von Schack als Uebersetzer [t. X des
Breslauer Beitrdge :ur Litgsch. Lpzg., 1907]), qui nous révèle, p. /I9, que la redondilla
est la seule forme poétique en trochées rimes que connaisse la langue castillane.
2. Réimp. ub. supr., t. Il de lu Propnladia, précéd. d'un proli)gwe<''riiilil de M, Mt-
néndez Y Pelavo.
222 CONTRIBUTIONS A I. i: 1 UDE DE I. HISPANISME DE O. E. LESSINO
outre le Conde de Sex, découvert par hasard, que quelques spécimens
du genre de ceux qu'il a essayé maladroitement de rendre en sa langue,
et que cette collection que, dans sa lettre à Dieze, il dit avoir
réunie à Hambourg, fut le fruit d'un caprice d'amateur de Kabinets-
stiicke et de curiosités bibliographiques i . Mais que songer de la méthode
hispanique de Lessing s'il appert que sa plume n'est qu'indirecte-
ment responsable de cette nouvelle hérésie? 11 s'est borné ici, en
effet, comme en tant d'autres circonstances, à prendre dans autrui un
renseignement que son ignorance ne lui a pas permis de contrôler, ce
qui ne rend celle-ci que plus humiliante. L'année avant qu'il formulât
cette malencontreuse assertion dans la Dramaturgie, le directeur de
l'éphémère Nationaltheater hambourgeois avait publié sous le titre :
Geschichte des deiilschen Theaters, von Joh. Friedrich Lôwen, quelques
pages superficielles, sans valeur de recherche originale et patiente,
mais que l'on peut, toutefois, qualifier de premier essai d'une histoire
du Théâtre Allemand. Cette dissertation, insérée au t. IV (1766, p. 1-76)
des Schriften de Lôwen parues à Hambourg, a été, de nos jours, ren-
due plus aisément accessible grâce à sa réimpression, par H. Stûmcke,
au n° 8 (Berlin, 1900) des Neudrucke literarhistorischer Seltenheiten
de F. von Zobeltitz. C'est à la p. i5 de cette réimpression que se lit le
passage qui a induit en une si pitoyable erreur la candeur hispanique
de Lessing :
«Die ernstliaften Stûcke, welche Veltheim spielte^, waren spanische
geradebreclite Uebersetzungen, die unter dem lacherliclien Titel der Haupt =
und Staatsaktionen die Stelle des Trauerspiels verlraten. Die Folgen sind
bekannt, die sicli daher iiber die Dichtkunst der Deutschen, und ùber ihre
ganze Schreibart verbreitet haben. Der Lohensteinisclie Schwulst und aile
die in dem Geschmack der Asiatischen Banise 3 geschriebene Bûcher, sind
die Frûchte davon gewesen. Ein gewisser aIbern=hochtrabender Styl, mit
1. On sait d'ailleurs qu'il n'est pas d'hommes qui lisent moins leurs propres livres
que certains bibliophiles, lesquels poursuivent « avidement l'exotique et l'étranger,
renvoyant la jouissance de ce qu'ils possèdent en toute certitude à leurs heures libres,
que cette chasse recule sans cesse ». Ces paroles émanf^nt du grand érudit juif,
le D' Moritz Steinschneider (-f- 1907), bibliographe par excellence et aussi un peu bi-
bliophile. [Cat. der hebr. Handschr. in der StadtUbl. :u Hambtirg, etc. Hmbg. 1878, p. x.|
Les amateurs de curiosités littéraires pourront lire à ce propos — et pour me borner
à deux œuvres du xviii' siècle allemand — Joh. Jac. Rohde: Diss. de eruditoriim niinio
libros coemendi congerendique studio (Rcgiom. 1716, in-4) et Joh. Friedr. Reitz : Orutio
de biblioinania (Traj. ad Rhcn. 1789, in-4).
2. A Hambourg, vers 1G92. Sur Veltheim (Johannes Velten), cf. la thèse de doc-
torat de M. Cari Heine (Halle, 1S87, 60 p. in-8), d'ailleurs superficielle, et dont
quelques erreurs ont été corrigées par l'auteur dans les 92 pages dédiées deux ans
plus tard aux Haupt= und Staatsaktionen.
3. Le fameux roman de H. Anshelm von Ziegler : Die Asiatische Banise, Oder Bas
blutig — Doch muthige Pegu (1G89), en était, en 1766, à sa lo"* édition, et ceux qui
sont familiers avec la vie de Goethe se rappelleront que le Cruel Usurpat-ur
Chaumigrem constituait, dans son enfance, l'une des principales figures de son théâtre
de marionnettes.
LA .NATURE ET LES SOURCES UE LUrSPAMSiME HE LESSING 223
falschem und schiefem Witz untermischt, Avar die einzige Schônhcit, aul'die
man sich damais befliss ; und man wird keine Haupt= und Staatsaktiou
lesen, wo nicht dieser Bombast auf die laclierlichste Art angebraclit ist. Die
damaligen Comôdianten spielten ein Slûck : Prinz Pickelhering, das ver-
muthlich auch aus dem Spanischen entlehnet ist. In diesem Pickelhering
scheinet der Verfasser aile andere schwûlstigen Stûcke geplûndcrt zu
haben, und es ist ein reichesMagazin des abgeschmackten Hochtrabenden... >>
A ce passage, Lôwen avait ajouté cette précieuse note :
« Die spanischen Stûcke sind Avohl ohnstreitig, wenn man den iiltesten
Nachrichten, die ich nur habc auftreiben kônnen, und dem Herrn Professer
Gottsched, in seinem mit vieler Genauigkeit entAvorfenen Register der dra-
matischen Dichlkunst, glauben kann, zuerst auf unserm Theater ûbersetzt,
und als tragische Stûcke gespielet worden. Freylich war es keine wôrtliche
Uebersetzung : man flickte gemeiniglich eine lustige Person mit ein : und
je mehr listige Streiche dièse Person spielen konnte, desto vorzûglicher war
das Stûck. Wie ait die Gewohnheit aus dem Spanischen zu ûbersetzen sey,
kann man aus einem i52o zu Augspurg gedruckten Stûcke sehen. »
Suivait le titre, d'ailleurs incomplètement transcrit, de la traduction
allemande sur une version italienne (vraisemblablement celle de
Venise, i5i5) de cette prétendue u comédie espagnole » — la Celesiiiia
— par Christof Wirsungi. Ce titre provenait du Nôthiger Vorraih du
chef de l'école classique allemande". C'est dans cette excellente com-
I. Je m'étends un peu sur la Celestina de Wirsung parce que les détails que
je donne sont neufs, bien que la question de cette traduction allemande et de ses
rapports avec la Celestina ait été très consciencieusement étudiée dans la thèse de
doctorat pour Halle de M. \V. Fehse : Christof IVirsunijs deiitscke dlestinaûbersetziingen
(Halle, 1902, in-8 de 78 pp.). L'auteur a fort à propos relevé deux afïirmations
risquées de MM. Menéndez y Pelayo et A. Farinelli, p. 4, note 4, à propos de cette
traduction, laquelle, signalée par Gottsched, puis Lowen, puis Panzer [Annalen. der
àltern deutschen Literatnr, etc. (Nùrnberg, 1788, in-/i), p. 445 (après que, bien avant
ceux-ci, Melchior Adam l'avait notée p. 117 de l'éd. de Francfort, 1705, des Vitae
germanorum philosopher um)], admirée par Clemens Brentano (cf. sa lettre, non datée,
à L. Tieck dans K. von Holtei, Briefe an Ludwig Ttec/c [Breslau, i864], 1, io6), n'en
a pas moins été deux fois <( découverte » au xix° siècle : la première par F. VVolf
{Studien, etc. [Berlin 1809] p. 3oo, note a), le seconde par L Gonzalez Agejas (£spa/ia
Moderna, juillet 1894, p. 84-io3.) Enfin, M. Fitzniaurice-Kelly l'a datée 1620 (on sait
qu'elle eut une seconde édition corrigée par l'auteur en i534) dans la Pevistu crit. de
hist. y lit. esp., etc., t. 1, p. 71. La Stadtbibliotkck de Hambourg possède un exemplaire
de la I" éd., i52o. 11 est tout à fait regrettable que l'on n'ait point encore songé à en
reproduire, pour une traduction allemande moderne de la Celestina, les 28 remar-
quables gravures sur bois et le frontispice. Dès 1767, cependant, Gottsched écrivait,
à propos de l'originalité typographique de cette édition : « In der deutschen Ueber-
setzung sind Holzschnitte, den Inlialt der meisten Aufzûge vorzustellen; darunter
einige zienilicli freye und ûppige Stellungen der Personen darbiethen. Caspar Barth
scheint dièse bundert Jahre altère deutsche Uebersetzung nicht gekannt zu haben.
[Gottsched a précédemment décrit la traduction latine de Barth.] Sic hat sonst da^
Sonderbare an sich, dass sie mit einer besondern Schrift gedruckt ist, die eine
Nachahmung derjenigen ist, womit der Theuerdank gedrucket worden [dans la
première éd., s. a., de Nùrnberg (1517)] ; auch solche Zùge und Sclmôrkel an vielen
Buchstaben, in den obersten und untersten Zeilen zeiget, aïs dort im Grossen die
Verwunderung der Léser und Buchdruckcr erweckcn.» (Xulhiger lorrath :ur
Oeschichle der deutschen dramatischen Dichtkunsl, etc. [Leipzig, «757], p. aa seq.)
■22!\ CO.M'HIBUTIONS A L KTUDK DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
pilation, aujourd'hui encore indispensable et parue neuf ans avant
la mort de Gottsched, que, sous la date 1620, se trouve une très
minutieuse description — déparée, cependant, par une légère omis-
sion et une grave confusion — de l'édition de loao, in-4, de cette
traduction, comparée, en outre, à la version latine de Gaspar Barth
(Francfort, 1624, in-8). C'est donc — par le canal de Lôwen — à
l'homme à l'endroit duquel il fut si injuste et dont la renommée est
enfin réhabilitée, que Lessing est redevable de la grossière confusion si
caractéristique, répétons-le, du degré de son hispanisme. La carrière
littéraire des plus avérés talents a, au surplus, de telles surprises. Que
ne consultait-il, cependant, l'abbé Goujet? 11 y eût lu, t. Vlll, p. i63,
sur la Célestine, qu'on ne pouvait « la regarder proprement ni comme
une tragédie, ni comme une tragi-comédie, quoiqu'elle porte ce dernier
titre. C'est plutôt un roman en dialogue i. » Bien que cette nouvelle
dramatique, sans avoir été, dans l'intention de son auteur, destinée à
la scène, — mais bien, peut-être, à la récitation — représente en
réalité la première pousse d'un arbre qui devait si luxurieusement
prospérer en terre espagnole, le jugement de Goujet n'était pas si
dépourvu de bon sens. Lessing eût gagné à l'adopter, d'autant plus
que l'erreur de Low^en, désormais incarnée dans l'assertion du cri-
tique de la Dramatargie, a été perpétuée jusqu'à la fin du xix^ siècle
par des auteurs allemands généralement estimés. Point n'est ici le
lieu d'en dresser une liste complète. Bornons-nous à noter que Flôgel
la reçoit en ces termes, et déjà par un intermédiaire, qu'il désigne,
d'ailleurs, assez vaguement, le « Taschenbuch [c'est-à-dire celui que
n. A. 0. Reichardt publia, de 1776 à 1800, à Gotha] fur die Schau-
biihne, in der Geschichle der deiilschen Biihne », dans son ouvrage fort
laborieux et déjà cité, la Geschichle der komischen Litteratur, paru
en quatre Parties de 1784 à 1787, IV, 819: « Er [Veltheim] brachte
die Haupt = und Staatsactionen in Schwung, welches gemeiniglich
schlechte Uebersetzungen aus dem Spanischen waren, die von
Schwulst und Unsinn strotzten. Es ist uns davon ein Beispiel im
Prinz Pickelhering , einem damais berûhmten Schauspiel ubrig
geblieben. » En 1788, une analogue assertion réapparaît dans la con-
tinuation de cet ouvrage, achevée d'imprimer après la mort de l'auteur,
la Geschichle des Groteskkomischen, p. ii5. Cette fois encore, Flôgel
cite sa source : « Chronologie des deulschen Theaters, 62. » Or, comme
cette œuvre, qui est de Ch. Heinrich Schmid, avait paru en 1775,
!. Gottsched formulait de la sorte son jugement sur la Celestina: « So viel sieht
man, dass der spanische Verfasser die Regeln der Schaubûhne eben so schlecht,
aïs unser Hanns Sachs gekannt hat; ob er gleich unstreitig viel gelehrter gewesen,
als dieser. » L'erreur de Gottsched, qui prend la Celestina pour une œuvre théâtrale,
est en somme excusable. Mais elle ne l'est plus du tout de la part de Schrôter et
Thiele, qui la définissent « eine spanische Tragôdie». (Hamburgische Dramaluijie
[Halle, 1877], p. 30i, note à la p. 3Go.)
LA .NATLRE ET LES bOUKGES DE L UISI'A.MSME DE LESSING -220
in-8, à Leipzig, nous voyons combien l'assertion de Lôwen avait, en
si peu de temps, trouvé d'échos". En 1808, Eichhorn la réédite au
t, IV, 2""° section, de sa Geschichte der Litteratur von ihrem An/ange
bis auf die neiiesten Zeiten (Gotlingen, 1808, p. gbb) : «Die Trauer-
spiele, welche unter dem prunkenden Titel der Haupt= und Staatsac-
tionen gegeben wurden, waren meistens Uebersetzungen aus dem
Spanischen. » X son tour, Schack lui-même en est contaminé, Ge-
schichte, etc., III, 453: « Vornamlich machten sich wohl die soge-
nannten « Haupt= und Staatsaktionen », die zuerst durch den Magister
Veltheim, einen mit den neueren Sprachen sehr vertrauten Mann, in
SchAvung kamen, die spanischen Erfindungen zu Nutze... » Un an
après, R. E. Prutz, s'élevant, avec preuves à l'appui, contre une
erreur qui se copie d'un manuel à l'autre, démontre que l'opinion de
Lôwen « hat sich... durch sâmmtliche Theater-Chroniken, Ralender
u. s. w. bis hinein in die JVlehrzahl unsrer Literaturgeschichten
verwebt))2. Peine inutile, car, en i853, l'indéracinable légende s'épa-
nouit de plus belle dans le Lessing de Danzel et Guhrauer(ll*, p. 207).
Neuf années plus tard, Fr. W. Ebeling, publiant une édition complè-
tement refondue et mise à jour de la Geschichte des Grotesktwmischen
(Leipzig, 1862), la reprend en ces termes : « Wie durch Nachahmung
des spanischen Theaters in Italien die Schaubiihne in Verfall gerieth,
so wurden auch in Deutschland die sogenannten Haupt= und Staatsak-
tionen statt der Trauerspiele durch Nachahmung desselben einge-
fiihrt, wodurch die Vervollkomnung der deutschen Schauspiele sehr
verzôgert wurde. » (P. i83.) En 1877, nouvel effort de Schrôler et Thiele
(dont on sait que l'ouvrage a eu une considérable diffusion, comme le
prouvent ses rééditions) pour l'extirper (Hamb. Drarnat. etc., p. 360,
note 1). Mais il nous était réservé de la retrouver en toute sa splendeur
antique dans la réédition de Danzel-Guhrauer par Maltzahn-Boxberger.
Même, les deux grands-prêtres de l'hispanophilie lessinguienne l'ont
aggravée d'une surenchère. Ne reprochent-ils pas (II, 189) à Schack
d'avoir cité comme son autorité dans le passage transcrit plus haut...
Flôgel et non Lessing? Sic vos non vobis mellificatis, apes...
1768-1775. Les Collectanea.
Les Collectanea, notes posthumes d'érudition rédigées par Lessing
de 1768 à 1 774-1775 (?), contiennent plusieurs articles ayant trait, soit
1. H. Stûmcke (op. cit., p. xxxv) dit de l'ouvrage de Schmid : « Trotz aller seiner
Mângel istderersteVersuch einer deutschen Theatergebchichte nicht nur von Lôwens
unmiltelbarem Nachfolger, Christian Heinrich Schmid, sondern auch von manchem
andern in der Folgezeit, scltener unter Quellenangabe benutzt und ausgesrhriehen
worden ».
2. Vorlesunyen iiber die Geschichte des deutschen Theaters (Berlin, 1847), p. igi-
a 2 6 CONTRIBUTIONS A L 'ÉTUDE DE l'hISPA.MSME DE G. E. LESS1>G
directement, soit indirectement, à la péninsule ibérique. Nous les passe-
rons en revue dans l'ordre de publication adopté par M. Muncker.
a) Christoval Acosta.
{M. \\, l'ii.)
Lessing écrit sous ce chef :
« Begab sich nicht allein \n die Einsamkeit : sondern schrieb auch eincn
Tractât de la vita solitaria, sp. welcher nebst einigen andern theologischen
Dingen von ihm zu Venedig 1592. gedruckt worden (19. i. Ethic. 4°) '• »
Ceci, et M. Muncker eût pu le dire en note, n'est qu'une correction
au Jôcher, 1, 68 :
« ACOSTA fChristophorus), aus Africa bùrtig, batte einen Portugiesen zum
Vater. Er traclirete die Medizin. und that eine Reise in Asien und Africa,
wobey er zwar gefangen, und als ein Sclave tractiret ^vurde, iedeniioch in
Erlernung der Kriiuter nach Verlangen zunehmen konntc. Hierauf begab er
sich nacli Spanien, practicirtc zu Burgos, gab 1578 trattado de las drogas y
medicinas de las Indias, heraus, welches Carolus Ckisius hernach ins Latei-
nische ûbcrsetzet, und lôgS unter dem Titel : historia aromatum et medica-
mentorum in India orientait nascentium zu Antwerpen in 8 edirt bat; verfer-
tigte aucb nebst andern Bûchern, cine Reise=Beschreibung von Indien.
Endlicb erweblte er die Einsamkeit, worinne er gestorben.
Li[nden (van der) : de scriptoribus medicis] An\..[onii bibl. hisp.] »
En admettant que Lessing ait « découvert » le traité de la vida solitaria,
— qu'il orthographie vita^, — le dédaigneux « nebst einigen andern theo-
logischen Dingen » prouverait qu'il ne s'est guère soucié d'en connaître
le contenu, et, en tout cas, est apte à produire l'équivoque qu'il s'agi-
rait ici de traités Iheologiques édités séparément, l'an iSga, à Venise.
Que ne se reportait-il simplement à Nie. Antonio, s'il lui déplaisait de
feuilleter l'ouvrage espagnol? Il y eût trouvé, transcrit plus correcte-
ment, le titre, qu'il estropie, des mélanges d'Acosta : I, 242, art. Chris-
tophorus da Costa :
« Miscella etiam alla edidit, nempe : Tratado en contra, y pro de la vida
solitaria : con otros dos Tratados; uno de la Religion, y religioso; otro contra
los hombres que mal viven. Venetiis, lôga. in-4. apud Jacobum Gornetti 3. »
1. Cette dernière indication représente vraisemblablement la cote de l'ouvrage à
la Bibliothèque de Wolfenbiittel. Le sp. précédent signifie Siianisch.
2. Boxberger a, comme de coutume, corrigé sans mot dire dans son édition, mais
M. Muncker a rétabli la graphie du ms. des Collectanea.
3. Le litre complet de l'ouvrage (Bibl. ^l'at.: li. 6,2U6) est. : Tratado | en contra, y
pro I de la vida solitaria. \ Con otros dos tratados, \ Vno de la Religion, y Religioso. | Olro
contra los fiombres que mal viuen. | Llenos de mucha Doctrina, v exemplos. \ Dirigidos al
Rey Don Phelippe | nuestro Sehor, | Por Christoval | Acosta Affricano. Aluderuièru page,
L.V MATURE ET LES SOURCES DE 1. HISPANISME DE I-ESSIING 237
b) Nonnius Acosta.
(31. XV, i3i.)
« Ein andrer als der Angefùhrte, war ein Portugiese von Geburt, liess
aber Patavii 1694 einen Tractât de qaadruplici hominis ortu drucken, in-4'"
(32. 5. Ph. 4.)- *
Autre correction au Jôcher, qui ne connaît pas d'écrivain portugais
du nom d'Acosta, mais seulement (i, 69) un juriste italien :
« ACOSTA f.Vomu'usj, einitalienischerIGtus in der Mittedesvorigen Seculi,
schrieb de privilegiis credilorum, wclcher Tractât 1661 zu Rom und 1670 zu
Genf in fol. gedruckt worden. »
Pourquoi Lessing transcrit-il si incomplètement le titre de ce volume,
également «découvert » à Wolfenbûttel? Pourquoi ne renvoie-t-il pas,
puisqu'il ignore l'existence de Barbosa Machadoi, à Nie. Antonio
(II, i56):
«NONNIUS DA COSTA, Lusitanus, medicusDoctor,scripsit: De Quarfrup/tci
hominis. ortu et de Re Medica. Patavii apud Laurentium Pasqualuin i5g4.
in-4. Joannes Antonides van der Linden duo ex hoc uno opère l'acit. »
c) « Baukunst. »
{M. XV, i53.)
A propos des palais de Motezuma, Lessing transcrit un passage de
V AUgemeine Historié der Reisen zu Wasser und :u Lande, etc., t. i3
(Leipzig, 1755) :
« Dass die Baukunst, •> écrit-il, « auch LeWenschaften erregen kônnc : ein
Exempel aus dcm XIII. Bande der Allgemeinen Reisen fsicj, p. 463 :
Unter allen Pallâsten des Kaysers Montezuma, in Mexico, setzte die Spa-
nier keiner in ein so grosses Erstaunen, als ein gewisses weitlauftiges Gebâude,
das den Namen des Trauerhauses trug. An diesen Ort begab sich der Kayser,
il porte cette date : « Desta S. Casa y pena Tyrses, 15 de Iulio de 87... Doctor Chrisloual
.Acosta, Ajfricano. » La vida solitaria va jusqu'à la p. iliG, le tratado de la religion est
p. 147- au, et la Collacion \ a los \ Mohatreros, | usureros, | aparceros, Iralanles, | .y
seducadores va de la p. 212 à la p. 280. — Il y avait aussi un article bibliographique
sur cet auteur dans la Bibl. Lusit. (Christovain da Costa, I, 572).
i. Dont l'article sur le médecin Nuno da Costa était un peu plus détaillé que
celui d'A.ntonio (Bibl. Lus., III, 5oi). Signalons ici, à propos de la Bibl. Lus., une
fable propagée par Ticknor et docilement acceptée par ses traducteurs allemand,
espagnols — l'un de ceux-ci était comme on sait, l'érudit Gayangos (III, ioi) — et
français, à savoir (Ticknor-Julius, 11, 289, note) qu' « une grande partie de lédilion
des trois premiers volumes [le quatrième parut dix-huit ans après le premier, en 1759]
de la B. L. a été consumée par l'incendie consécutif au tremblement de terre de
Lisbonne, en 17.Î5I »
c. PITOLLET. '''
228 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
wenn er eine Gemahlin oder einen Anvei'wandten, den er werth geschiitzt
halte, verlor, ingleichen wenn irgend eine allgemeine Landplage ein
ôfFentliches Merkmal seiner Betrùbniss oder seines Mitleides erforderte.
Schon die blosse Einrichtung dièses Hauses war im Stande, einem jedweden
eben die Empflndung, welche der Kayser mit sich brachte, einzuflôssen.
Wànde, Dach und ailes Geràthe war schwarz und von einem traurigen
Anblicke. Die Fenster waren klein. und mit einem dermassen engen
Gitterwerke vermacht, dass dem Lichte kaum einiger Durchgang iibrig
blieb. In diesem fûrchterlichen Aufenthalte blieb er so lange, als ihm seine
Betrùbniss die Begierde nach Lustbarkeiten vertrieb. »
Il eût été si simple, au lieu d'alléguer ce délayage pénible et lourd,
d'identifier l'original en citant le texte castillan du chroniqueur des
Indes, Antonio de Solis :
Historia de la conquista de Mexico, etc.. . escriviala Don Antonio de
Solis, etc. (prem. éd., Madrid, Villa-Diego, i684), libro III, cap. XIV, p. 243 .•
« Casa del Lato, y la Tristeza. Uno de los Edificios, que hizo mayor nove-
dad entre las obras de Motezuma, fue la Casa, que llamavan de la Tristeza,
donde solia retirarse, quando se morian sus Parientes, y en otras ocasiones
de calamidad, ô mal sucesso. que pidiesse publica demonstracion. Era de
horrible Arquiteclura, negras las Paredes, los Techos, y los Adornos, y
ténia un genero de Glaraboyas, ô Ventanas pequenas, que davan penada la
luz, ô permitian solamente la que bastava, para que se viesse la obscuridad.
Formidable habitacion, donde se ténia lodo lo que tardava en despedir sus
quebrantos.... »
Pour que Lessing croie devoir déduire de cette description que
(( l'architecture, elle aussi, peut susciter des passions », il faut qu'il
ait été induit en erreur par l'inexactitude du texte qu'il a sous les
yeux, et qui ne rend pas, précisément, le passage essentiel de
l'original. L'architecture d'un palais qui se borne à faire « voir
l'obscurité », pour employer l'expression de Solis, ne semble pas
avoir eu pour but à'engendaer des passions, mais d'entretenir une
affection psychique , — la tristesse, — en enlevant aux yeux tout élément
de distraction, toute forme extérieure susceptible de dissiper la
concentration sentimentale. Lessing a donc mal choisi son exemple,
et, en tout cas, n'a pas su le prendre à sa source, ce qu'il nous
importail surtout de constater.
d) Zebratana.
{M. XV, lOa.)
Ceci est un essai d'étymologie castillane. A l'article Sarbacane,
Lessing écrit :
« Von dem Ital. Ciarbottana ist das Franz. Sarbatane oder Sarbacane und
iiichl von dem Sp. Zebratana wie Frisch sagl. Von welchem spanischen
I
LA .\ATURE ET LES SOURCES DE I, HISFAMSME DE LESSI.NG '22^
Worte auch der Covarrubias nachzusehen, der es von Terebratana herleitet,
andre aber ans dem Arabischen. »
Lessing se garde, comme il lui arrive tant de fois, de citer sa vraie
source. Ménage : Dictionnaire étymologique, etc. (Nouv. édit., Paris,
1694, in-fol.), p. 654 : SARBACANE. SARBATANE ou cerbotane. Le
polyhistorien français y explique d'abord pourquoi il avait cru primi-
tivement I que l'italien cerboltana était fait sur Carpi, puis comment
il avait admis l'origine sambuca, et même sambucus^, pour déclarer
finalement qu'il a vu dans Du Gange et Meursius que les Hellènes
modernes appellent çapêoTavY) l'instrument en question, raison qui
avait amené le célèbre philologue d'Amiens à proposer l'étymologie
grecque. Mais, ajoute Ménage, « peut-être que ce mot grec a été fait
de l'Italien cerbotana. J'oubliois à remarquer que les Espagnols disent
cebratana. Voyez Covarruvias. » La note de l'auteur des Collectanea n'a
donc pas, on l'avouera, le mérite de la nouveauté, sauf pour ce qui est
de la variante de son invention : ciarbottana, et de l'affirmation tran-
chante. Lessing pourrait avoir lié connaissance avec les ouvrages phi-
lologiques de Ménage lors de sa traduction, à la deuxième partie de la
Theatralische Bibliolhek, de l'Histoire du Théâtre Italien, etc. (t. I,
Paris, Ghaubert, 1727) de Luigi Riccoboni. Gelui-ci, au chapitre II de
ce superficiel travail, cependant tant de fois pillé : De la signification
du mot ZANNI et de l'origine de la Comédie Italienne (p. 7-20),
défendait l'étymologie latine Sannio du vocable Zanni et s'en prenait
à Ménage — d'ailleurs mort depuis plus de trente ans — qui, disait-il,
après avoir dérivé le vocable du grec (que Riccoboni avoue ne pas
entendre) : u Zannos », avait, sur une lettre « del Signor Garlo Dati »,
fait volte-face et adopté l'étymologie : Giovanni, Gioanni, Gianni,
Zanni.
« Monsieur Ménage, » ajoutait le directeur des Comédiens Italiens, « après
avoir rapporté la lettre de Monsieur Daii nous donne une citation Espagnole
de Covarruvias ; je ne la rapporterai pas toute ici mais en deux lignes
seulement... Le Covarruvias, Auteur Espagnol, dans son trésor de la
langue Castillane en parlant des Charlatans dit: «y Acostumbran a traer
con Sigo un Sane que es coino en Espana el Bobo Juan y>, ce qui prouve,
pour moi, que Covarrubias est du même avis que moi, puisqu'il a écrit
Sane et non Zane 3 . »
1. Dans la première édition des Originî délia llngua italiana (Parigi, 1669), p. 360.
a. Dans la deuxième édition des Origini {in Geneva, i685), p. i63.
3. Les dires de Riccoboni ont besoin d'être précisés, car il ne renvoie pas aux
sources exactes. On eût aimé voir Lessing entreprendre cette besogne, Il i'est
contenté de traduire sans un mot de son propre fonds, n'a pas même reconstitué
le titre original du lexique de Covarrubias, et s'est borné à rendre d'après
Riccoboni : Covarruvias, ein spanischer Schriflsteller, sagt in seinem Kastilianischen
Sprachschatze, etc. En fait, c'est dans les Origines de la langue française (Paris,
i65o, in-4), p. 764, que nous trouvons l'indication suivante, quelque peu obscure :
" Zani. Histoire Auguste, p. a83. Adi. Le Grec Totwo; ou Ti^âv /o: a esté fait, comme
23o CO'TRinUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
Lessing eût, en vérité, été mieux avisé en laissant tranquille le
pauvre Frisch, qui n'avait point si tort d'avoir attribué à sarbacane
une étymologie qu'admettent, de nos jours, les philologues i. Frisch,
auteur d'un insignifiant Nouveau Diccionaire des passagers, etc.^,
disait :
ii Sarbatane oder Sarbacane, s. f. (Hisp. zebratana) ein Blasrohr; it. ein
Sprachrohr, von fernem mit einem zu reden. »
Nous avons vu par quelle source Lessing avait été amené à
consulter le Tesoro. Il l'a fait de façon assez étourdie, du moins
quant à l'une de ses deux allégations. Dans l'édition de 1611, on
lit, page 266 :
« CEBRATANA, una vara larga hueca, que puesta a la boca tiran cô ella
a los pajarillos con garuanços, o bodoques pequenos. Dixose assi corrompido
el vocablo de Terebratana, a terebràdo, por estar agugerada, como con un
barreno largo. Ant. Nebr. buelue de cebratana cerbatana, nouum.»
A la segunda Parte, page 79, il y a cette adjonction :
«ZEBRATANA, vide CEBRATANA. Arabigo zarbatanid, segun el Bro-
cense. »
Lessing, qui ignore l'arabe et ne s'est documenté, sur le vocable
espagnol cebratana, que dans Covarrubias, parle de u quelques-uns » ,
qui seraient pour une dérivation de l'arabe. Affecte-t-il une science vaine,
ou commet -il simplement, comme nous le disons ci -dessus, une
simple étourderie? 11 n'avait pas le droit, à coup sûr, de multiplier
de la sorte l'honnête docteur d'Extrémadure qui eut la malchance
d'éditer Garcilaso^.
ie croy, du Latin sannio. » En lOGg, à la première édition des Origini délia lingua
italiana, art. Zani, Zanni, buffone, p. 988, Ménage, précisant, déclare qu'il n'a fait
que suivre l'opinion de « quel gran Letterato Claudio Salmasio, sopra l'istoria
Augusta » en dérivant Zani du grec-barbare tîJocwo;, mais annonce qu'il a changé
d'opinion sur une lettre, qu'il reproduit, à lui addressée par l'académicien de la
Crusca Carlo Dati. Après quoi, s'étant rallié à cette « verissima opinione », il cite,
en confirmation de sa thèse, le passage suivant, qu'il a trouvé dans le Tesoro de
Covarrubias : « Los Charlatanes (die' egli alla voce Charlatan) son cierta gente, que
anda por el mundo : por otro nombre dichos: Saltaenbanchi ; porque en las plaças
se suben en cima de una mesa, y a vezes con una guitarra, o vihuela de arco, cantan
alguna cancion; y acostumbran a traer consigo un Sane, que es como en Espana
el Bobo luan, y con média mascara, y un vestido de lienzo, dança, y tiene algunos
dialogos graciosos con su amo. » Cet article était reproduit dans l'édition de i685
des Origini, p. igS, et nous le retrouvons également dans la réédition posthume,
amplifiée, sous le nom de Dictionnaire Etymologique (Paris, 169^), des Origines
de i65o, à la page 734.
1. Ainsi Hatzfeld-Darmesteter-Thomas, Dict., s. v. Le vocable espagnol dérive
de l'arabopersique (cf. Eguilaz y Yanguas, Glosario, etc., p. Sôy). Zarbatana est la
forme arabo-espagnole, au lieu de Zabatana. Cf. aussi le malais sumpitan.
2. Je cite d'après la « nouvelle édition », Leipzig, 1755, p. 1797.
3. Lessing cite de nouveau Covarrubias dans les Remarques à son esquisse du
jVa</ian commencé en novembre 177S, pour substituer à son étymologie ridicule de
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPANISME DE LESSING 23 1
e) Pedro Zapata.
(M. XV, 170.)
A l'article Brusquet, Lessing cite — en en dénaturant le nom —
le fou de Charles-Quint :
«Der Hofnarr Kayser Cari des V hiess Peter Zapala. S. T. II. p. 3 vom
Roger Bontems. »
aya : iyw, Ttaiôaywyo;, un vocable arabe : Daja (nutrix), détail copié sans doute
quelque part, puisque, répétons-le, il ignorait l'arabe. On se souviendra qu'on
penche aujourd'hui pour l'étymologie basque ayoa (Diez, II b, p. 428; Kôrting,
n° iii4). Il a réalisé un autre exploit philologique en voulant ramener (M. XV, i85)
le vocable italien coglione, a so Avie das Franzôsische couille », à (( das verkûrzte
Testiculum » et en confirmant sa thèse par l'indication que « die Spanier sagen
cojon fur couille oder couillon; und cojiido fur rouillard, qui a de grosses couillesn,
érudition qui sent son Sobrino, ne fût-ce qu'à cause de la traduction française des
vocables. Que ne s'en tenait-il, ici encore, à Ménage, qui avait fort bien signalé dans
ces excellentes Origini, où, à côté d'hypothèses risquées, on trouve tant de bonnes
indications, la véritable origine du vocable (qu'a rétablie de nos jours Grôber,
Arch. fur lat. Lexicographie und Grammatik, I (188/1), p. 549): «.Coglia, borsa de'
testicoli. Da coleus, che val teslicolo :, onde anche coglione, che val lo stesso. »
(Édit. de i685, p. 176; édit. de 1669, p. 286; Dict. étym., p. aSi). Ou bien, faudrait-il
ne voir dans la proposition de Lessing qu'un contresens du « coleus, che val testicolo »
de Ménage .►' On sait que coleus est la forme latine parallèle au vocable grec xoXôdç, et
qu'il faut une forme b. 1. (côlia) pour couille. Pour en finir, enfin, avec ces entreprises
philologiques intéressant l'Espagne, mentionnons qu'à l'article Myrmidonier du
Philologischer Nachlass, remarques remontant à des périodes fort diverses, même
aux premières années de Breslau, Lessing écrit {M. XV, 452), dans une note (f) à
cet article: «Dièse Verwechselungen dos l und d sind den Franzosen vvie den
Spaniern und Italienern in den VVôrtern, die sie von dem Lateinischen und
Griechischen geborgt haben, ganz gewôhnlich. » Toute sa documentation, il l'avoue
cette fois, est prise dans Ménage. Il a trouvé dans les Principes de l'art des Etymologies
ou Exemples de la Diverse Allernation des Lettres, en tête de l'édition de 1C9/1 du
Dicc. Etym., la particularité qu'il vient d'énoncer :
« L changée en D.
Jtal. amylum, amido etc.
esp. monopolium, monipodio etc.
lat. (xeXEXàv, meditari etc.
gr. ëXatpo;, Baçoç. »
Avant Ménage, d'ailleurs, Turnèbe — que Lessing a utilisé clans la discussion
étymologique du vocable Myrmidonier — avait dit (Adversariorum lomus primas
duodecim libros conlinens (Parisiis, i564), lib. III, cap. 1111, fol. 46'"): « Myrmillo in
amphitralib' spectaculis Gallica erat armatura : vox autem de Grajco defloxa, ut
quœ in aliud solum transplâtata sunt, ingenio loci & cœli mutantur, leviter quoque
mutata est. Nam quôd ea armatura fortissimorum erat hominum, quales opinione
hominum fuerant antiqui Myrmidones Achillis milites, & habebantur Romanorum
senlentia Galli, Myrmillonesque de Graeca illa fortissima natione appellabàtur :
idcirco gladiatoribus lioc nomen haeserat. Nam d in l mutari Ulysses perspicue
ostendit, qui csl Graecè ôoucraE'j;, ne plura commcmoreni. Hœc sic vcnit in mentem
mihi inuestigarc legenti in 5. {c.-à-d. 6) Philippica : Etiàmne ab hoc Myrmillone
Asiatico senatus mandata, legatoru verba uuilienlur:' >•
23 i CO^iTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISxME DE G. E. LESSING
Boxberger a ajouté à cette communication laconique la note
suivante [Lessing, t. i4, P- 52] :
« Roger Bontems en belle humeur, Col. 1670, eine ehemals beliebte Schioank-
sammlung. »
Ce qui prouve qu'il ne s'était renseigné sur le volume où Lessing
s'est documenté touchant cet important personnage que dans un
manuel bibliographique. En effet, l'édition de « Cologne, 1670, chez
Pierre Marteau » (Hollande), formant un volume de 496 pp. et 4 ff., ne
contient nullement l'anecdote qu'a lue Lessing, lequel d'ailleurs, ren-
voyait à un t. II. 11 s'était servi d'une des éditions en deux parties de
ce recueil, que l'on réimprimait encore en 1797 et qui contient quantité
de contes et de bons mots, dont plusieurs sont tirés de compilations
antérieures de même nature, tel, par exemple, le Facétieux Réveil-
Matin. Dans la Nouvelle Edition, \ Augmentée considérablement \
Tome II I A Cologne, \ Chez Pierre Marteau, \ Gendre d'Antoine
l'Enclume. \ Imprimé cette Année Présente — artifice sous lequel nul
n'ignore que se déguise une édition de Hollande (à la Sphère), — la
citation de Lessing ne se trouve pas p. 3, mais p. 4- C'est cependant
p. 3 que ce dernier a puisé le renseignement relatif à Brusquet. Le
passage concernant Pedro Zapata (dont on a vu qu'il fait un Peter
Zapala) est ainsi conçu :
« Autre [Réponse] d'un Bouffon.
L'Empereur Charles - Quint turlupinoit un jour Pierre Zapata son
bouffon, croyant en tirer quelque quoUbet. J'en serai bien-tôt payé, dit-il
àses Courtisans. Pas si-tôt que vous croyez, Sire, répondit le Bouffon; car je
ne paye pas si promptement ceux qui sont si long-tems à payer les autres.
Réponse qui parut d'autant plus spirituelle qu'il y avoit longtems que Zapata
n'avoit touché les deniers de sa pension, & les Officiers de la Cour ceux de
leurs apointemens. »
f) Isidore de Séville.
(.¥. XV, 209.)
A l'article Edelsteine, cette note banale sur l'encyclopédiste espagnol
du vu" siècle de notre ère :
« Isidorus ist der Bischof von Sevilien, ein Scribent des 7. Jahrhunderts,
der in s. Bûche Originum vieles aus alten Scribenten ûbergetragen, die zum
Theil hernach verloren gegangen. »
Nous savons, par un autre passage (M. XV, aSi), que Lessing n'était
pas sans apprécier à sa valeur l'un des trésors manuscrits de la si riche
bibliothèque qu'il administrait, le palimpseste des Isidori Origines s.
Etymologiarum libri XX, aux feuillets 255, 256, 27701 280 duquel sont
i
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'htSPAMSME DE LESSING a33
transcrits des fragments de la traduction gothique, par Ulfilas, dé
l'Epist. Paul, ad Rom.^. Il n'est donc pas surprenant qu'il le mentionne
et qu'il dise même, dans les Briefe antiquarischen Inhalts, I. Theil
(il 68) 15. BrieJ (M. X, 276) :
« Man muss den Isidorus oft anfûhren, weil er nicht selten Bûcher
gebraucht hat, die hernach verloren gegangen. »
Il ne le cite, cependant, qu'une fois, à l'article des CoUectanea :
Michael Scotiis {M. XV, 370), à propos des vocables cassis et galea^.
g) Henrique Ahlers; le P. Antonio Vieira.
(M. XV, 258.)
Lors de ses visites à Hambourg en 1768, Lessing est allé chez le
commerçant B. W. Rahmeyer — et non pas, comme l'imprime
M. Muncker : //. Rameyer^ — lequel, dit-il, avait vécu « an dreissig
Jahr » à Lisbonne. Il y a vu, entre autres publications hispano-portu-
gaises, un u kleinen Traktat von den Kometen » écrit en portugais et
dont l'auteur était « ein gewisser- Heinrich Ahlers w. L'ayant, affirme-
t-il, très rapidement examiné, il a conclu en faveur de la science
astronomique de l'auteur, à moins pourtant, se hâte-t-il d'ajouter,
que ce ne soit un plagiaire. « Nach den fluchtigen Blicken, die ich
darein thun konnte, zu urtheilen, muss Ahlers ein Mann von guter
astronomischen Kenntniss gewesen seyn : es ware denn, wie es mir
fast aus einigen Gitationen scheinen woUen, dass er unsern Heine von
Cometen ausgeschrieben und iibersetzt hâtte. Er durfte nicht fûrchten,
dass man in Portugal sein Plagium so leicht entdecken wiirde. »
Jusqu'à présent, l'auteur du Traité des Comètes est resté, pour les
érudits allemands qui s'en sont occupés, une énigme. L'ouvrage le
plus apte à renseigner sur son compte, le si minutieux Lexikon der
hamhurgischen Schriftsteller 6w zur Gegenioart de Schrôder, I (Ham-
burg, i85i), le confond avec un homonyme en ces termes (p. 47) :
« Alers (Peter HinrichJ. Jungerer Brader des Vorhergehenden [ce dernier
est un pasteur, Christian Wilhelm Alers, mort en i8o6],besuchtedas Johan-
1. Ce ms. a été décrit par C. P. G. Schonemann : Hundert Merkwiirdigkeiten der
herzoglichen Bibliothek zu Wol f enhiittel (Hannover, 1849), p. 22.
2. Isidore en fait mention au lib. XVUI, cap. XIIII des Origines. L'épithète dont
Lessing gratifie l'auteur des Eiymologies : ein Scribent des 7. Jahrhunderts semble un
peu rèche, surtout si l'on songe que Nie. Antonio l'avait si amplement traité (Bi6Z.
hisp. vêtus, 1, 821 seq.).
3. 11 eût fallu, du moins, expliquer en note que ce H signifiait Herr. Quand
Lessing consignait les notes des CoUectanea, Rahmeyer n'était pas mort, puisque, né
en 1706, il se proclame sur ses ex-libris, comme nous le verrons, âgé de 80 ans, ce qui
mène à 1785. Il survécut donc à Lessing.
33/| COMRIBITIONS V l'ÉTL'DE DE l'hISPAMSME DE G. E. LESSING
neum seiner Vaterstadt Hamburg, widmete aber spàter sich der Handlung
und ward 1770 grossf. holsteinischer Commerzrath. Wahrscheinlich ist er
derselbe Heinrich Ahlers (Lessing schreibt den Namen mit einem H;, dessen
Lessing in seinen CoUectaneen, hrgb. von Eschenburg (I, 822 u. 334) gedenkt,
und von ihm anfûhrt, dass er in Lissabon in bedrângten Umstânden gelebt
habe, und katholisch ge^vorden sei, um sein Gluck zu machen, was er aber
bei seinem Tode noch nicht erreicht batte.
S$ Hat nach Lessing in portugiesischer Sprache eine Abliandlung von
den Kometen geschrieben, und sie dem Kônige von Portugal gcwidmet.
L. bemerkt, dasWerk verrathe gute astronomische Kenntnisse; Eschenburg
aber sagt, er kenne weder die Schrift noch den Verfasser. »
Il est assez étrange que nul Lessing for s cher n'ait remarqué la fla-
grante contradiction contenue dans cette notice de Schrôder, à laquelle
on renvoie invariablement à propos de Ahlers, et où l'on nous présente
un personnage que Lessing déclare défunt en 1768 devenu deux ans
après conseiller de commerce du Grand-Duché de Holstein. Les bibho-
graphes portugais, d'autre part, ne sont guère mieux renseignés. Da
Silva décrit bien, à plusieurs inexactitudes près, dans son Diccionario
Bihliographico Portuguez, II, 889 (Lisboa; 1809) le traité de Ahlers,
mais avoue qu'il ignore tous détails sur le personnage :
a Francisco Henrique Ahlers, de cujas circumstancias pessoaes nada sei até
agora, tendo sido por Barbosa omittido na Bibl. Lus.. »
Il ne peut, tout de même, s'abstenir d'une hypothèse :
« Parece que nasceria em Portugal, oriundo de parentes allemâes. »
Le Diccionario Popular, publié sous la direction de M. Pinheiro
Ghagas, I, 260 (Lisboa, 1876), dissimule assez adroitement son plagiat
de la notice de Da Silva, à l'article Francisco Henriques (sic) Ahlers :
« Ignora-se a patria e a data do nascimento d'esté escriptor que se suppôe
ser descendente de uma familia alleman, afflrmando comtudo alguns que
elle nascera em Portugal. »
Gette notice est à son tour démarquée par le Diccionario Universal
Portuguez de M. Henrique Zephirino de Albuquerque (Lisboa, 1882),
I, 467, s.v. Francisco Henriques (sic) Ahlers :
« Astronomo de segunda metade do seculo xviii, que, se suppôe, foi
portuguez, embora nascido de paes allemâes. »
En 1889, M. Xavier da Gunha, alors Gonservateur, aujourd'hui
Directeur de la Bibliotheca Nacional de Lisbonne, frappé de la séche-
resse des notices courantes sur Ahlers, — dont il ignorait que Lessing
se fût occupé, — s'avisa simplement de recourir aux deux exemplaires
de son Traité conservés dans cet établissement, et cette facile recherche,
qu'eût dû réaliser trente ans auparavant Da Silva, lui permit, dans un
article paru la même année au n" 4 du t. XXXVII de 0 Instituto,Jornal
LA MVTURE ET LES SOURCES DE l'hiSPANISME DE LESSING ^35
scientifico e lelterario (Coimbraj — ce périodique n'est, malheureu-
sement, pas reçu à notre Bibl. Nat., pas plus que n'y est reçue Cultura
Espanola, la Revue la plus scientifique que possède actuellement l'Espa-
gne, mais se trouve, tout naturellement, au Brit. Mus. — de rectifier
et de compléter plus d'une donnée erronée sur le compte de ce Ham-
bourgeois. L'Allemagne, qui possède sous forme de relevés bibliogra-
phiques paraissant régulièrement et rédigés avec un zèle méritant
toutes les louanges, une institution de première utilité expliquant —
nous avons plus haut fourni déjà une autre raison de cette supériorité,
raison non moins primordiale — sa supériorité de documentation, qui
étonne souvent le modeste travailleur français réduit à ses propres
forces, et, s'il n'est pas l'un de ces privilégiés augustes et fortunés
devant lesquels, comme au bon vieux temps, toutes les portes s'ouvrent
d'elles-mêmes, obligé parfois, pour lire un simple n° de revue, de
perdre une après-midi à faire la navette entre deux ou trois biblio-
thèques parisiennes', l'Allemagne, disons-nous, laissa passer sans le
noter l'article de M. Da Cunha, et c'est ainsi que s'explique que nous
soyons le premier — après le bibliothécaire de Lisbonne — à rétablir
la réalité des faits touchant l'homme que Lessing soupçonna si légère-
ment de plagiat.
Celui des deux exemplaires de' l'ouvrage de Ahlers — l'autre,
conservé dans la sala 4" sous la cote P ^ appartenait primitivement
à la bibliothèque d'histoire nationale et de belles -lettres d'Antonio
Lourenço Caminha — qui contient les renseignements qui vont suivre
porte, dans cette même sala U" de la Bibliotheca Nacional de Lisbonne,
la cote R ^- C'est un in-4 de 86 pages chiffrées, précédées de 84 pages
sans numération qui contiennent le frontispice, l'Épître dédicatoire
Ao Rei, le Prologo et l'Index, plus 4 pages également non chiffrées
qu'occupent les Licenças. Le Frontispice, dessiné par Ahlers et repré-
I . On nous reprochera, nous n'en doutons pas, ces réflexions, que l'on qualiflera
pour le moins d'intempestives. Mais nous avons expérimenté trop douloureusement
in anima vili durant la confection de ce livre les vices rédhibitoires de nos bibliothèques
parisiennes pour ne pas préférer soulager (cf. p. 174) notre conscience. Il est triste
d'avoir à constater que l'Allemagne, pour nous en tenir à celte seule nation, reste,
quant à ce qui concerne ses bibliothèques — puisque c'est d'elles seulement qu'il
s'agit en cette place — infiniment plus démocratique que la France. Car nous ne pou-
vons considérer comme, i>. gr. , mesure démocratique le fait qu'on ouvre, toutes grandes,
les portes de la salle de travail de noire Bibl. Nat. a peu près à tout venant, ou qu'on y
tolère libéralement les bavardages à haute voix de frelons dont la place serait partout
ailleurs — à commencer par la salle publique de lecture. Nous ne pouvons, non
plus, admettre la nouveauté d'une « réforme » consistant à y placer (P), avec un dilettan-
tisme dont nous sommes incapables de démêler les crilères, pêle-mêle sur les casiers
d'une table un assez grand nombre de Revues, alors qu'on se refuse de fournir au
travailleur, non seulement les n°' de l'année, mais les n°' de l'année précédente d'in-
dispensables Revues reçues par l'établissement. Serait-ce ainsi que certains de nos bi-
bliothécaires entendent réaliser la devise de leur profession : aliis inserviendo consumor ?
II est vrai qu'il y a le «dépôt légal», la « reliure», etc. 11 est vrai, enfin, qu'il doit être
plus divertissant décrire soi-même des livres que d'en faciliter l'accès à autrui.
a36 CONTRIBUTIONS A l/ÉTUDE DE i'hiSPAMSME DE G. E. EESSING
sentant le système cosmique i, a été gravé sur cuivre en 1768 par
l'architecte royal Miguel Le Bouteux, de même que les figures de
démonstration astronomique des deux grandes planches mises à la fin
du volume. Le titre de celui-ci est :
Instrucçào \ sobre os | corpos célestes, \ principalmente sobre os \ cometas,
I por I Francisco Henrique Ahlers. \ [filet typographique, puis cette devise] :
Mundus codex est Dei, in quo jugiter légère \ debemus. S. Bernard. Serin. \
[Suit une vignette]. | Lisboa, \ Na officina de Miguel Manescal da Costa, \
Impr essor do Santo Officio, | [filet typographique] | Anno M. DCC. LVIII | Com
todas as licenças necessarias.
L'exemplaire, originairement dans la collection d'un bibliophile du
nom de Ch. François Garnier, qui habitait Lisbonne au xviii' siècle
et dont la Bihliotheca Nacional possède d'autres livres, porte la
mention : Ex dono Auctoris, et, collée à la fin, sur la page de garde,
la lettre suivante :
Monsieur
Je remets a votre examen ce petit livre que je vous prie d'accepter non comme
un don qui puisse vous être de quelque utilité, f espère au contraire en trouver
moy même dans les observations que vos études et votre pénétration sont en état
de me faire remarquer ; Je souhaite que cette petite circonstance puisse m'attirer
votre estime et vous convaincre que personne n'est avec une plus parfaite
considération
Monsieur
Votre très humble et très obéissant
Serviteur
Ahlers.
En haut de cette lettre, le destinataire a inscrit la mention :
.['ai reçu cette Lettre à Lisbonne le 5. octobre 1758..,
et, en bas, cette précieuse remarque, dont l'écriture, également de
Garnier, tracée en traits plus hésitants, démontre que ce dernier l'a
consignée ultérieurement :
Nota
Ce monsieur Ahlers, étoit un Hambourgeois, qui avoitfait quelque commerce
à Lisbonne, avec peu de succès : Il fit abjuration da Luthéranisme, et obtint
de la Cour une pension, qui le mit en état de commencer un petit Etablissement
1. Il occupe toute la page et porte, en haut, la devise -.Cœli enarrant gloriû Dei, et,
en bas, cette traduction portugaise de quatre vers de Gottsched :
Grandeza, copia, luz, ordem, e moto
De Orbes taes, deixa a mente arrebatada.
O homem que he logo â vista d'elles? Nada.
Se 0 Deàs, que os fez, nelles Ihejica ignoto.
D'après les citations de l'ouvrage, écrit en un excellent portugais, Ahlers savait, outre
le latin: l'allemand (sa langue natale), le français, l'anglais et l'italien. « Seja-mc, >
dit-il au Prologo, « licito dizer, que nào contribuio pouco a animar-me a esta empreza
o conhecimcnto, que tenho das linguas, que se fallâo mais para là dos Pyreneos. «
LA NATURE ET LES SOURCES DE l"htSPAMSME DE LESSING 287
pour scier des marbres : Afin de se rendre un peu recommendable, il composa
la petite Dissertation, ci-jointe, sous le titre d'Instruction sur les Comètes &c.
H est mort, à Lisbonne, peu d'années après la publication de cet ouvrage.
Ce ne saurait être ici le lieu d'analyser le volume de Ahlers, qui —
le détail n'est pas sans importance — avait très vraisemblablement
acquis le titre de citoyen portugais lorsqu'il le composa et entendait,
de la sorte, faire sa cour au roi. Notons seulement qu'il s'agit d'une
œuvre de circonstance. Lisbonne avait été, en novembre 1755, réduit
à un monceau de ruines fumantes. Or, les calculs astronomiques
annonçaient pour 1758 l'apparition d'une Comète. L'ignorance et la
superstition, surexcitées par les affres du récent cataclysme, dédui-
saient de cette prévision innocente les plus funestes pronostics. Ahlers
entreprit, par un exposé clair et précis de la nature des comètes et de
leurs conséquences, de calmer les esprits affolés. U Instrucçào était sa
première œuvre — il le déclare dans la dédicace au Roi : « chego aos
pés de V. Magestade a consagrar-lhe estes primeiros fructos da minha
applicaçào » —et fut sa dernière, bien qu'il ait, dans la même dédicace,
annoncé son intention — que frustra sans doute la Mort — de publier
d'autres compositions : a... me animarei a publicar outros escritos em
que emprego 0 tempo ». Nous examinerons quelque jour — un tel sujet
n'étant plus du domaine de ces recherches, mais disons, dès mainte-
nant, que V Instrucçào est une compilation nullement dénuée d'origi-
nalité, car l'auteur s'occupait assidûment d'astronomie — le bien-fondé
de l'imputation étourdie de Lessing touchant un plagiat commis par
Ahlers à l'endroit d'un illuminé fameux en son temps et qu'il appelle,
sans que ses éditeurs aient rectifié l'erreur, Heine, alors que son nom
véritable était Heyni.
Chez ce même B. W. Rahmeyer, Lessing vit encore u quatre à six
volumes de sermons in-4 du jésuite Vereida «a. S'il eût véritablement
examiné, même d'un regard rapide, l'ouvrage de Ahlers, il y eûtappris
à transcrire exactement le nom d'un personnage qu'aucun érudit euro-
péen n'ignorait alors 3, que Postel avait exalté dans son Épître latine de
1. Il s'agit d'un Kometen-Enthusiast qui, outre quantité d'écrits sur la matière, est
l'auteur d'un copieux non moins qu'indigeste in-8 de 798 pp. paru en 1745 à Berlin
et Leipzig chez Ambr. Haude et qui porte le titre : Johann Heyns, Predigers zu Netzen
bey Brandenburg in der Mark : Gesamletc briefe von den Cometen, der Stind/lut, und dem
Vorspiel des jiingsten Gerichts, etc. Cet ouvrage est conservé à la Stadlbibliothek de
Hambourg sous la cote DFa, Vol. III, p. 139. Heyn voyait dans la comète de 1742
le présage du jugement dernier, qui devait, selon lui, avoir lieu en 1748.
2. M. XV, 258 : « Unter den portugiesischen gedruckten Bûchern warcn auch vier
bis sex Bande Prâdigten in-4* von dem Jesuiten Vereida, der fur ihren besten
geistlichen Redner gehalten wird. » M. Muncker n'a pas corrigé en note. 11 n'était
cependant pas malaisé de voir qu'il s'agissait, comme disait Isla dans Fray Gerundio,
du « mismisimo Vieyra en su misma mismedad. »
3. Ahlers citait Vieira p. lô de son Traité, à propos du périple de Magalhâes en
iSig, qui avait fourni au jésuite l'occasion de s'étonner de qui chegassem os Porluguezes
adarfimdo com as ancoras, onde Santo Agostinhonâo achou fundo com 0 entcndimento.
a38 CONTRIBUTIONS A l'ÉTLDE DE i/hISPAMSME DE G. E. LESS1>'G
1704', que le P. Oudin vantait en son long article du t. 34 (1736) des
Mémoires de Niceron (p. 270-290), que le Journal Etranger, alors
rédigé par l'Abbé Prévost, déclarait, dans son n" de mars 1755, p. 23,
r « homme de Portugal qui parloit le mieux sa langue » et sur lequel
depuis Nie. Antonio jusqu'à Chaufepié (t. IV [1766], p. 670 seq.) —
sans parler des deux biographies qui lui avaient été consacrées — les
nouvelles abondaient et les louanges ne tarissaient pas. Mes recherches
à la Stadtbibliolhek de Hambourg m'ont fait, d'ailleurs, retrouver la
collection des Sermons de Yieira qu'a si mal examinée Lessing chez
B. W. Rahmeyer. Elle est complète, c'est-à-dire qu'elle forme 12
volumes in -4 2, sur le premier desquels (Sermones do P. Antonio
Vieira, etc. Em Lisboa, na ojicina de Joam da Costa, MDCLXXIX) est
fixé l'ex-libris du donateur :
BENEDIX WILHELM
RAHMEYER,
ait 80 Jahr.
Kaufmann
Biirger zu Hambiirg.
»
geb. Oct. 29 Ao. 170ô.
Cœlum
quid quaerimus ultra!
En 1781, B. W. Rahmeyer avait légué — mais sa donation ne
s'effectua qu'en 1 790 — le tiers des livres que son frère et lui avaient
réunis dans la péninsule ibérique touchant l'Espagne et le Portugal
1. En l'appelant par distraction Louis de Vieira. Voici le passage, p. 128 des Nova
Literaria d'avril 1704 : « Superesset quidem adhuc, et quasi necessarium foret, post
haec de Hispanismo dicta, nonnulla etiam dicere de Lusitanismo, sive Lingua
Portugallica, cum ejus elegantia, majestas et utilitas, si duriusculos aliquot in
pronuntiando sonos excipias, tanta, ut Hispanicae interdum palmam dubiam reddat,
imprimis in Theologicis, ubi judiciosissimus et eloquentissimus P. Louis de Vieira
omnibus aliis toto verlice supra est. »
2. Sur la date d'apparition de ces volumes et leur description bibliographique,
cf. la Bibl. Lusit., I, 4 16 seq., où il y a un long article sur le P. ANTONIO VIEYRA.
Une étude d'un abbé E. Garel, docteur es lettres, intitulée : Vieira, sa vie et ses œuvres
(Paris, s. a. [1879]) n'a aucune valeur scientifique, et donne, p. 420-42/1, la plus défec-
tueuse et chaotique bibliographie des œuvres du célèbre classique portugais. Elle est
tout entière écrite selon certain mode d'investigation « historique », qui confond
l'apologie avec l'analyse critique. Elle n'a pas été citée par l'auteur (anonyme) de
l'article Vieyra dans la Grande Encyclopédie. Seul le P. jésuite B. Gaudeau, sur le livre
duquel je publierai prochainement une note, lui fait une conlraternelle réclamt à
l'occasion des grandiloquentes banalités qu'il consacre à Vieyra {Les Prêcheurs bur-
lesques en Espagne au xvill' siècle [Paris, 1891], p. ao4-2o5.)
LA NATURE ET LES SOURCES UK l'hISPANISME HE LESSIÎNG 23q
à la Stadtbihliothek hambourgeoise, en concédant au premier biblio-
thécaire la liberté de choisir. Ces livres, nous apprend Petersen (Gesch.
der hamb. Stadtb. [Hmbg. i838], p. 85), montèrent à plusieurs cen-
taines de volumes, dont un certain nombre étaient très importants (v.
gr. la Bibl. Liisit.) ou rares. Nous avons mentionné plus haut la collec-
tion de comedias. Mais les Rahmeyer — dont Peter, quand Lessing
écrivit l'article /fam6u/'^, était mort « depuis quelques années)) et ?.vait
traduit toute la Bible, y compris les Apocryphes, en portugais, version
réputée meilleure que celle de l'Ancien Testament du P. J. Ferreira
de Almeida imprimée par les Hollandais en 17/18-1753 à Batavia' —
étaient des collectionneurs intrépides et semblent avoir devancé dans
leur zèle de bibliophiles cet autre fureteur et écumeur de vieilles
éditions et pièces rares que fut le consul hanséatique pour le royaume
de Séville, Bôhl von Faber, dont il s'en fallut de si peu que l'inappré-
ciable bibliothèque ne passât à la cité hanséatique, et qui, nous
pouvons l'affirmer, a été l'infatigable pourvoyeur, — par l'intermé-
diaire du Dr. N. H. Julius, et, par Julius, de la maison d'édition et
de librairie Perthes et Besser à Hambourg, — des grands hispanisants
d'Allemagne durant le premier tiers du xix' siècle 2. Ils avaient acquis
non seulement des livres, mais des manuscrits précieux, faciles, sans
doute, à recueillir en ce xviii' siècle oiî l'Espagne et le Portugal
abondaient encore en joyaux de toute sorte, que le vandalisme des
luttes napoléoniennes et les méthodiques razzias des Anglais
devaient partiellement anéantir. Le plus intéressant d'entre eux,
conservé à la Sladtbibliothek hambourgeoise, est, à coup sûr,
cette « Colleçâo de Alvards, décrétas, paulas e regimenlos reaes,
leys e outras lembranças, sentenças da inquisiçào e da relaçào^ de
Lisboa e outras curiosidades de Portugal e seus domlnlos em gérai
até o anno 1750, colligido por Pedro Rahmeyer e Bento Guillermo
Rahmeyer, homens de negoclo Hamburgueses que assistirào em Lisboa
desde 0 anno 1715 até 17^9 », en deux vol. in-fol. On sait que l'avant-
dernier directeur de la Stadtb., le Dr. F. Eyssenhardt, avait commencé
à tirer profit de ces documents dans ses inoubliables et trop tôt inter-
rompues Mitleilungen aus der Stadtbibliothek zu Hamburg, dont le
I. Le ms. original en fut donné, outre 1000 Rtlr. Bco.,au collège de l'ancienne
mission danoise (aujourd'hui mission de Leipzig) à Tranquebar (Madras), des presses
de laquelle sortirent tant de livres, mais il en existe une copie à la Stadtbibl. de
Hambourg.
3. J'ai démontré documentairement, au n" 2 du Bulletin hisp. 1907 (art. Les
premières productions littéraires de Fernân Caballero. Documents inédits) que si la
bibliothèque de Bôhl ne fut pas incorporée à la Stadtbibliothek de Hambourg, la raison
en est que sa fille, qui devait plus tard acquérir une renommée européenne sous le
pseudonyme de Fernân Caballero, s'opposa au partage d'une collection que le Sénat
de Hambourg se refusait à payer, et que ce dernier est seul responsable de la perte,
pour l'Allemagne, de cet unique trésor, aujourd'hui à la Biblioteca Nacional de Madrid.
3. Sic. Évidemment il faut lire relaxaçâo.
■2!\0 CONTRIBUTIONS A LÉTLDE DE LHISPANISME DE G- E. LESSING
premier fascicule (1884) contenait précisément, p. 4i-48, le bref inédit
d'Urbain Vlll à Quevedo que M. Menéndez y Pelayo a réimprimé dans
son édition des Obras Complétas de Quevedo en cours de publication
depuis 1898 à Séville. Mais ce qu'il nous importait ici de mettre en
lumière à propos de B. W. Rahmeyer, c'était — et il faut insister surJ
ce point puisque l'on aime à faire croire que le manque d'ouvrages|
empêcha Lessing de se livrer comme il l'eût voulu aux études hispa-
niques — la source incomparable de renseignements sur l'Espagne
et sa littérature que lui offrait la seule bibliothèque d'un homme che2
lequel, à l'époque de sa résidence à Hambourg, il avait libre accès,]
bonne fortune qu'il n'a pas songé un instant, dans l'impossibilité où]
il se trouvait de lire avec aisance des livres castillans, à mettre à profit.]
h) Mylord Ross et « Don Pedro ».
{M. XV, 281.)
« Mylord Ross zu Dublin, von dem das Journal Encyc. 1762 p. io5,
wûrde ein gutes Subject zu einem neuen Don Pedro seyn. »
Ces simples lignes nous en révèlent autant qu'une longue effusioni
sur la connaissance qu'a Lessing de l'une des matières scéniques les;
plus intéressantes de la littérature castillane, de l'un des rares thèmes :
tragiques par où celle-ci rejoint la littérature humaine et universelle.
Le Journal \ Encyclopédique, \ Dédié à Son Altesse \ Sérénissime,'
Mgr. le \ Duc de Bouillon, etc. etc. etc.^, du i" janvier 1762, contient
p. 97-110 un article : La Vie de Jean Carteret Pilkington, écrite par
lui-même, qui, selon la coutume de beaucoup de journaux littéraires
du xviir siècle, est plagié sans mot dire d'une revue étrangère. C'est
d'après la source que nous reproduirons, en conséquence, le récit
piquant de l'histoire qui a semblé à Lessing apte à fournir le sujet
d'un u nouveau Don Pedro » . Dans The Monthly Review or literary
Journal, vol. XXIV (London 1761)2, p. n seg., se lit le compte rendu
de The life of John Cartaret (sic) Pilkington, written by himself
(London, 1761, 2 vol. in-i2)3 qui a fourni son récit au gazetier
1. Tome I, Première Partie, /«'' Janv. 1762. (A Bouillon, de l'Imprimerie du Journal).
Dans l'exemplaire de la Bibl. Nat. (Z. 51U18). l'article manque, par suite d'une
erreur de reliure qui s'étend aux pages 97-120 de ce tome d'un des plus importants
périodiques du xviii' siècle, dont la collection comprend 288 vol. in-12.
2. La Monthly Review, fondée en 1749 par Ralph Griffiths, l'habile libraire que
connaissent ceux qui ont étudié la vie de Goldsmilh, s'est éteinte en i845. C'était en
politique un organe ivhig et nonconformist en religion. Elle avait pour concurrente
la Critical Review d'Archibald Hamilton.
3. John Carteret Pilkington, dont le père et surtout la mère ont joué un rôle dans
l'histoire des lettres anglaises, mourut en 1763, Le Dicl. of Nat. Biogr., qui parle de
ses parents au t. 45 (1896), p. 296-297, ne lui a pas dédié de notice spéciale. En 17O0
avait déjà paru à Londres, in-4, sa « réelle histoire».
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISI' VNISME DE LESSING 34l
français. L'histoire de « Mylord Ross » se trouve p. 19-22. Elle est narrée
dans les termes suivants, qui sont ceux du volume analysé :
« We shall add another spécimen of a very différent kind, not doubting
but it will give the sa me entertainment to our Readers which it really
afforded us, on the first perusal. As to the truth of the taie, there is the
less reason to call it in question, as the circumstances are very consistent
with the well known character of the whimsical nobleman to whom it
principal!) relates, and perfectly agreeable to the gênerai ténor of his
conduct.
» The iate Earl of Ross was, in cliaracter and disposition, like the
» humorous Earl of Rochester : he had an infinité fund of wit, great spirits,
»and a libéral lieart; was fond of ail the vices which the beau-monde call
» pleasures, and by those means first impaired his fortune, as much as he
» possibly could do ; and finally, his liealth beyond repair. A nobleman
» could not, in so censorious a place as Dublin, lead a life of rackets, brawls,
«and midnight confusion, Avithout being a gênerai topic of reproach, and
)) having fifty thousand faults invented to compleat the number of those he
» had : nay, some asserted that he dealt with the devil, established a hell-
» fire club at the Eagle tavern on Corkhill; and that one W , a mighty
» innocent facetious painter, who was indeed only the agent of his
» galiantry, was a party concerned; but what won't malicious folks say? Be
>) it as it will, his Lordsliip's character was torn to pièces every where,
» except at the Groom Porter's, where he was a man of honour ; and at the
» taverns, Avhere none surpassed him for generosity.
» Having led this life till it brought him to death's door, his neighbour,
» the Rev. Dean Madden, a man of exemplary piety and virtue, having heard
» his Lordship Avas given over, thougt it his duty to write him a very
» pathetic letter, to remind him of his past life; the particulars of which he
» mentioned, such as whoring, gaming, drinking, rioting, blaspheming his
» Maker, and, in sliort, ail manner of wickedness; exhorting him in the
» tenderest manner to employ the few moments that remained to him, in
» penitently confessing his manifold transgressions, and soiliciting his
» pardon from an offended Deity, before whom he was shortly to appear.
» It is necessary to acquaint the Reader, that the Iate Earl of K e was
» one of the most pions noblemen of the âge, and in every respecta contrast
») in character to Lord Ross. When the latter, Avho retained his sensés to the
» last moment, and died rather for want of breath than want of spirits,
» read over the Dean's letter (which came to him under cover), he ordered
» it to be put in another papcr, sealed up, and directed to the Earl of
" k e : he likewise prevailed on the Dean's servant to carry it, and to
>) say it came from his master, which he was encouraged to do by a couple
» of guineas, and his knowing nothing of his contents. Lord K e was
» an effeminate, puny, little man, extremely formai and délicate, insomuch
» that when he was married to Lady M y O n, one of the most
» shining beauties then in the world, he Avould not take his wedding-glove"?
•) off when he went to bed. From this single instance may be judged with
)) what surprise and indignation he read over the Dean's letter, containing
» so many accusations for crimes he knew himself entirely innocent of.
') He first ran to his lady, and informed her that Dean Madden was actuallj
') mad; to prove whicli, hc dclivercd her the epislle he had just receivcd.
•j'^-j. co^■rRIl?LTl0^s a l étude de l hispanisme de g. e. lessi.no
» Her ladyship was as much confounded and amazed at it as he could
» possibly be, but withal, observed Ihat thc letter >vas not written in the
» style of a madman, and advised him" to go to the Archbishop of Dublin
» about it. Accordingly, his Lordship ordered his coach, and went to the
ï episcopal palace, where he found his Grâce at home, and immediatly
» accosted him in this manner : « Pray, my Lord, did you ever hear that
» I was a blasphémer, a whoremonger, a gamester, a rioter, and every
» thing that is base and infamous?» «You, my Lord fsaid the Bishop),
» every one knows you are the pattern of humility, godliness, and virtue. »
» — « Well, my Lord, what satisfaction can I hâve of a learned and révérend
» Divine, who, under his own hand, lays ail this to my charge?» « Surely
» (answered his Grâce) no man in his sensés, that knew your Lordship,
» Avould présume to do it ; and if any clergyman has been guilty of such an
» oiîence, your Lordship will hâve satisfaction from the spiritual court. »
« Upon this Lord K e delivered to his Grâce the Letter, which he told
» him was that morning delivered, by the Dean's servant, and Avhich both
» the Archbishop and the Earl knew to be Dean Madden's hand-writing.
» The Archbishop immediately sent for the Dean, w ho happening to be at
» home, instantly obeyed the summons. Before he entered the room, his
» Grâce advised l^ord K e to walk into another apartment, while he
» discoursed the gentleman about it, which his Loidship accordingly did.
>) When the Dean entered, his Grâce looking very slernly, demanded if he
» had written that letter? The Dean answered : «I did, my Lord.» « Mr. Dean,
» (returned the prelatej I always thought you a man of sensé and prudence,
» but this unguarded action must lessen you in the esleem of ail good
» men ; to throw out so many causeless invectives against the most unble-
» mished nobleman in Europe, and accuse him of crimes to w hich he and
» his family hâve ever been strangers, must certainly be the elfect of
» a distempered brain : besides. Sir, you hâve by this means laid yourself
» open to a prosecution, which will either oblige you publicly to retract
» what you bave said, or to suffer the conséquence. » « My Lord (answered
» the Dean) I never think, act, or write any thing, for which I am afraid to
» be called to an account before any tribunal upon earth; and if I am to be
)) prosecuted for discharging the duties of my function, I will suffer
» patiently the severest penallies in justification of it » And so saying the
» Dean retired with some émotion, and left the two noblemen as inuch in
» the dark as ever. Lord K e went home, and sent for a proctor to
» whom he committed the Dean's letter, and ordered a citation to be sent
» to him as soon as possible. In the mean time the Archbishop, who knew
» the Dean had a family to provide for, and foresaw that ruin must attend
» his entering into a suit with so powerful a person, went to his house, and
» recommended to him to ask my Lord's pardon, before the matter
» became public. «Ask his pardon (said the Dean), why the man is dcad! »
.) — «What! Lord K e dead! » « No, Lord Ross. » « Good God! (said the
» Archbishop) did not you send a letter yesterday to Lord K e? » « No,
» Lord Ross. » « Good God! (said the Archbishop) did not you send a letter
» yesteiday to Lord K e?» «No, truly, my Lord, but I sent one to the
» unhappy Earl of Ross, who was then given over, and I thought it my duty
» to Write to him in the manner I did. » Upon examining the servant, the
» whole mistake was rectified, and the Dean saw with real regret, that Lo'-d
» Ross died as he had lived : nor did he continue in this life above four
LA NVTLRE ET LES SOLKCES DE L'lll^PA^lS^lE DE LESSING 2^3
» hours after he sent Ou the letter. The footman lost his place by the jest,
» and was indeed the onij sufferer for my Lord's last pièce of humour. »
C'est sur les bases de cette bouffonne facétie que Lessing déclare
possible la construction d'une œuvre scénique moderne de la famille
de celle que, dans son ignorance de la véritable source espagnole,
il appelle Don Pedro, sans soupçonner que Le Festin de Pierre de
Molière et les élucubrations antérieures de Dorimon, de Villi^rs, le
rifacimento de Cicognini et le scénario des Italiens, — si tant est qu'il
les ait tous connus, ce qui n'est nullement avéré, — découlent de
l'Espagne, oii était éclos ce drame grandiose — parce qu'impliquant une
idée philosophique : le défi de l'Homme à la Divinité, fort embryon-
naire, il est vrai, mais qui n'existe pas moins et apparente l'œuvre à ces
autres créations légendaires issues d'un même fonds mythique : le
Wilder Jdger, le Fliegender Holldnder, Faust, Ahasvérus, Tannhduser,
sans parler des lointaines analogies islandaises ni de la geste japo-
naise de « Genji n — qui, objectivé littérairement en i63o dans le
Burlador de Sevilla, n'a plus cessé, depuis, d'émouvoir, en ses réincar-
nations diverses, la conscience humaine, et n'a point encore trouvé,
dans le livre qui, après les recherches fondamentales de M. Farinelli
et de notables travaux espagnols, vient de lui être dédié en France,
une solution qui satisfasse relativement à son origine et à sa cristalli-
sation i. Lessing, cependant, avait été mis sur la piste d'une recherche
qui eût pu devenir, conduite par un si fin quêteur, très fructueuse.
Lorsqu'en 1754 il traduisit, au II. Stuck de la Theatralische Biblio-
thek, l'Histoire du Théâtre italien, de Riccoboni, il trouva p. 4? la men-
tion précitée, qui eût dû éveiller sa curiosité : « Le seizième siècle fini,
vers l'an 1620, les belles Lettres tombèrent beaucoup en Italie ,
les Tragédies changèrent de face, et on substitua à leur place les
Comédies ou Tragi-Comédies Espagnoles, que l'on traduisit, ou que
l'on fit à leur imitation ; les Tragi-Comédies traduites, comme la
Vie est un Songe, le Sanson, le Festin de Pierre, et d'autres sem-
blables, étoient les plus beaux ornemens du Théâtre Italien. » La
fin de ce passage a, dans la version de Lessing, la teneur suivante :
(( Die aus dem Spanischen iibersetzten Tragikomôdien, als : « Das
Leben ist ein Traum », « das Gastmahl des Don Pedro » und andre
I. G. Gendarme de Bévotte : La légende de Don Juan. .Son évolution dans la littéra-
ture, des origines au romantisme (Paris, 190G [paru en 1907]). Cf. F. Baldensperger
dans Revue Critique, 1907, n" 46, où quelques utiles adjonctions sont données, et
Bull, italien, 190O, n» 4, p. 365-66. Sans doute, M. A. Farinelli nous dira ce qu'il pense
de la « conviction » de l'auteur — partagée par M. E. Martinenche dans la Fevue
latine, 1907 : La Légende de Don Juan. p. 443 — relativement à l'origine espagnole de
la légende. M G. de B. a public, comme complément de sa seconde Ihèse de
doctorat, sous le titre : Le Festin de Pierre avant Molière, avec une introduction, un
lexique et des notes, les textes des adaptations de Dorimon, Villiers, des Italiens cl
de Cicognini (Paris, 1907, Société des textes français modernes).
G. PirOLLLT. '7
2lxk GO.\TRIliUTIO>S A l'ÉTUDE DE l'hISPANISMÉ DE (i. E. LESSlNtJ
Stûcke von dieser Art waren die grôssten ZiiJ^en des italienischen
Theaters » {éd. Kûrschner, t. 62, p. 276.) Nous ne rechercherons
pas pour quel motif il a omij le Sanson — à coup sûr : El vallente
Nazareno Sanson, du D"" Juan Pérez de Montalbân, « clerigo
presbitero, Notario apostolico de la gênerai Inquisicion, graduado
en Filosofîa y Teologia, » comme il s'intitule à V Indice de los
Ingénias de Madrid à la fin du Para Todos (Madrid, i645, p. 186), —
pièce facilement accessible dans le recueil paru à Amsterdam en 1726
sous le titre Comedias de los mâs célèbres Autores. Nous n'insisterons
pas sur sa traduction hybride : das Gastmahl des Don Pedro, qu'il
n'eût pas commise, après tant d'autres, s'il eût connu cette note, mise
par d'Argonne (Vigneul-Marville) au tome III de la quatrième édition
(Paris, 1740, 3 volumes in-8) des Mélanges d'histoire et de littérature,
p. 4o : « Tirso de Molina, Auteur espagnol, est le premier qui l'a traité
[le thème de Don Juan] dans le titre de El combidado de Piedra, ce
qui a été mal rendu en nôtre Langue par le Festin de Pierre : ces
paroles signifiant précisément le convie de Pierre; c'est-à-dire la Statue
de Marbre ou de Pierre, conviée à un repas. Ce qui a fait faire ce
changement de titre, c'est qu'en effet la Statue conviée représente un
Commandeur nommé Dom Pedro i. » Mais puisque Riccoboni indi-
quait à Lessing qu'après 1620 une « tragi-comédie » espagnole trai-
tant d'un thème dont la première incarnation scénique française était
assez postérieure pour qu'aucune équivoque ne subsistât sur la pri-
mauté de l'invention, avait été popularisée en Italie, que ne s'adres-
sait-il simplement à Dieze, qui eut incontestablement été à même
d'éclairer sa religion? Car Dieze, il ne sera pas superflu de le répéter
à une génération d'hispanisants trop oublieuse de ses vrais ancêtres,
est le premier érudit qui ait tenté {Geschichtc, p. 33i, seq.) une énu-
mération méthodique et presque déjà complète des XXV Partes de
comedias de Lope parues de i6o4 à 1647, ^t il eût été aisé à ce labo-
rieux savant d'expliquer à son correspondant que la « tragi-comédie »
mère se trouvait à la septième place du recueil paru en i63o à Barce-
lone, « por Jerônimo Margarit », sous le titre : Doze comedias nuevas
de Lope de Vega Carpio y otros autores, où elle était attribuée au
« maestro Tirso de Molina », avec, en sus, l'indication que Roque de
Figueroa l'avait représentée. Mais supposer Lessing capable d'une
telle démarche est chose impossible pour qui connaît son concept de
la Comedia. 11 est trop intimement persuadé, en effet, que les Haupt=
und Staatsaktionen sont des décalques de cette même Comedia. Or, le
thème du Convié de pierre faisait partie, en Allemagne, du répertoire
des troupes errantes et jusque des montreurs de marionnettes, comme
l'explique M. K. Engel, Die Don Juan Sage auj der Bithne (Dresden
I. Cf., en outre, sur l'oris-ine du titre Le festin de Pierre, l'édition de Molière de
E. Despois et P. Mesuard ( Pari^, ibSo), V, y, noie o.
LA NATLhE KT LES SOURCES UE t.HlSPAMSME DE LESSING 3i^5
und Leipzig, 1887), P- 7^ seq. Lessing a fort bien pu voir jouer
quelque part un de ces I)on Juan déformés et abâtardis, d'ascendance
peut-être italienne, méconnaissable caricature, en tout cas, du Tenorio
sévillan de Tirso, et il aura cru qu'en cette montre grossière l'âme du
drame castillan était enclose. C'est pourquoi il ne s'est jamais soucié
d'aller jusqu'à l'Espagne, et, quand il écrira le Freigeist, il se bornera à
plaquer habilement des réminiscences du Misanthrope et du Festin de
Pierre sur un canevas emprunté aux Caprices du Cœur et de l'Esprit,
comédie en trois actes de Delisle de la Drévetière et de M"" Riccoboni,
représentée en 1789 à Paris.
i) Les « Sieben Kinder von Lara ».
(M- XV, a 86.)
« Die Geschichte der sieben Kinder von Lara, siehe beyni Felibien
Tome II, p. 259 u. J. » C'est ainsi que Lessing commence son article
Lara. Boxberger — qui ne remarque pas qu'en traduisant u Injanis »
par (( Kinder)) Lessing, qui confond avec ((enfants », dévoile une fois
de plus son ignorance de détails -élémentaires d'histoire espagnole, et
que seul un vocable comme Prinzen eût ici convenu i — renvoie
(Kiirschner, 71, p. 180) au t. IX ^ de son édition, qui est le t. 66 ^ de
Ktirschner, p. 21 5, note à la ligne I. Nous y trouvons une indication
de l'ouvrage de (( Felibien : Principes de l'architecture, de la sculp-
ture et des autres arts qui en dépendent, etc. (Paris, Coignard, 1676-
1690, 5 vol.), t. II. » Si cet éditeur eût seulement ouvert l'ouvrage
susdit, il eût constaté que les Infants de Lara n'y sont pas mentionnés.
M. Muncker, qui a adopté le principe de n'illustrer le texte de Lessing
d'aucunes notes de détail, a cependant corrigé, d'après le manuscrit,
l'indication t. II en: t. III. Il y a bien, en effet, à un tome III, p. 269,
d'un certain Felibien, un passage où il est question des Infants de
Lara. Mais pourquoi n'avoir pas mentionné que c'était d'André Feli-
bien qu'il s'agissait, et de ses Entretiens sur les vies et sur les ouvrages
des plus excellens peintres, et pourquoi, enfin, n'avoir pas indiqué à
quelle édition il fallait recourir, puisque l'ouvrage, d'ailleurs le plus
estimé — à juste titre, car c'était alors une nouveauté — de tous ceux
composés par le « secrétaire de l'Académie des Sciences, historio-
graphe du Roi et gardien du Cabinet des Antiques», a eu des éditions
en 3 volumes, avant d'être en 4, 5 et même 6 volumes ? Nous sera-t-il
permis d'exprimer notre étonnement de ce que, dans cette Allemagne
universitaire où la Lessingolâtrie engendre bon an mal an un déluge
!. On aura saisi, en outre, l'équivoque : von. Lara au lieu de aus Lara. Lessing
croit que Lara est le patronymique des Infants et non pas un nom de lieu castillan.
2^6 CONTRIBUTIONS A l'ÉTLDE DE l'hiSPA.MSME DE G. E. LESSING
de verbeux et faciles commentaires de l'œuvre de Lessing rappelant,
toutes proportions gardées, la débauche espagnole des élucubrations
cervantophiles, il ne se soit point encore rencontré un éditeur assez
laborieux pour élever, à cette même oeuvre, un monument critique
analogue à celui que possèdent, dans les magistrales éditions publiées
sous la direction de M. Ad. Régnier, les « grands écrivains » de la
France, et où l'on trouverait — sera-ce trop demander? — simple-
ment un Index des noms propres et une table analytique des
matières? Dans l'éd. d'Amsterdam, 1706, en 5 vol. in-12 (t. III, p. 218
seq.), Félibien, résumant la biographie d' « Antoine Tempeste », décrit
les 4o planches que pet artiste grava d'après Otho Vaenius — Octavio
van Veen, le maître de Rubens — et qui parurent, dans le format
petit in-4 oblong, à AuAers en 161 2, chez Lisaerti, avec explications
en espagnol et en latin. Félibien, qui savait le castillan — à preuve sa
traduction des Moradas de Thérèse d'Avila sous le titre : Le Chasteau
Intérieur ou la Demeure de l'Ame ^, avait profité de l'occasion pour
exposer à son interlocuteur fictif l'histoire des Sept Infants, d'après
Garibay, Comp. hist. (P. 10, cap. lU seq.) et Mariana, VIII, 9. Son récit,
est-il besoin de le marquer, ne nous laisse percevoir qu'un écho fort
assourdi de l'obscure tragédie de famille qui, vers la fin du dixième
siècle, eut pour théâtre le manoir de Salas et féconda, pour des œuvres
épiques dont la sagacité de M. R. Menéndez Pidal nous a permis de
soupçonner l'étrange saveur barbare, la fantaisie mythique médiévale.
Quoiqu'il puise à des sources déjà fort médiates, Félibien, en « honnête
homme » du xvii^ siècle français, a cru devoir voiler de sa politesse
affadie les passages où transparaissait, à son sens, la Nature en sa
nudité. Lorsque Garibay, plus fidèle ici à l'esprit de la version de la Crô-
nica gênerai qu'il suit que Mariana, glosant les amours de Gonzalo
avec una orincipal Mora de la Casa d'el Rey, déclare que semblable
1 . Cette œuvre, rare, est aux Estampes nationales sous la cote C b 8a. En voici le titre
complet : Hisloria \ Septem Infantium de Lara \ Authore OU. Vaenio. | Historia \
de los siete Infantes | de Lara. | Por Priuilegio de S. Sanctidad, del Emperador, de los
Beyes d'Espaha y Francia, de \ los Archiduques esta prohibido, so pena de dies Marcas de
Oro, que ninguno i pueda iinprimir, imitar 6 sacar â luz, de qualquiera otra mariera esta
Historia, \ 0 otra qualquiera obra, que sea del mismo Auctor, — Antwerpiae. \ Prostant
apud Philippum Lisaert. Anno M. DC. XII. Félibien ignore, et je n'ai pu moi-même
découvrir si Tempesta a gravé ces 4o planches sur les peintures ou simplement sur
les cartons de Van Veen. Je ne sais, d'autre part, ce que signifie le titre que donne
Graesse (Trésor, VI, 287, s. v. Vaenius) : Historia septem infantium de Lara, a Don
Rodrigo Calderon. Les estampes de Tempesta étaient possédées par le D' N. II.
Julius, ainsi qu'il appert du second cat. de vente de sa bibliothèque : Verzeichniss
einer loahrend vierzig Jahren in Europa und Amerika zusammengebrachen Bihliothek, etc,
(Berlin, i85o, in-8 de 182 pp), p. i35, n" 2io5. — On eût aimé, notons-le en passant,
trouver dans l'érudite Leyenda de los Infantes de Lara (Madrid, 1896; de M. R. Menéndez
Pidal une section touchant l'iconographie du sujet; pour la sémantique du vocable
infantes (=mozos nobles, aunque fuesen caballerosj, cf. ce livre, p. 442-443. Sur Van Veen,
cf. Nagler, t. XIX. p. 5G4-5G(j ; sur Tempesta, t. XVIII, p. 173-189.
2. Paris, 1670, in-i2 de 438 pp. (h. \.: D. 53025.)
LA NATURE ET LES SOURCES DE T.'llîSl'AMSME DE LESSINO 2/17
mésaventure muchasveces suele acontecer en taies juegos, quecomençando
de burlas, suele la cosa sallir de veras, y aun a veces, sin agradeci-
miento^, Félibien se borne à narrer que «pendant que Gonçalo
Gustos étoit en prison, il trouva moyen de se faire aimer de la sœur
du Roi ; et les choses furent si avant entre eux, qu'elle devint
enceinte», et mit au jour le bâtard Mudarra.
Lessing ne s'est soucié, semble-t- il, que du côté « histonque », et
nullement de l'aspect dramatique de l'événement objectivé dans les
planches de ïempesta. Mais sa curiosité n'est pas allée au delà de Féli-
bien, lequel, cependant, indiquait avec précision les deux chroniqueurs
espagnols sur lesquels il avait édifié son récit. Lessing constate à la
planche 2 un grossier anachronisme, consistant en ce que le texte place
en l'an 130U la naissance — simultanée ! — des Infants. On lit, en effet,
dans l'explication castillane que :
« El ano i3o4. reynando el Rey Bermudo, nascieron del Principe Gonzalo
Gustos y Dona Sancha los siete Infantes de Lara, tan perfectos que la misma
Naturaleza estaua con marauilla contemplandolos, y con ella la Diosa Pallas
la quai alabando la obra de la Naturaleza, le dize que procure acabarla, y
que ella procuraria apartar dellos una influencia mallgna, con un danosis-
simo aspecto. »
Or, Félibien avait déjà rectifié ce passage. Après avoir décrit cette
planche 2 :
« Le Peintre les a (les Infants) disposez tous ensemble sur un linceul,
comme venans de naître à même heure, bien que les Historiens les plus
célèbres n'en disent rien. On voit quelques femmes qui les regardent avec
étonnement. Dona Sancha est couchée dans un lit, qui paroît dans le fond de
la Chambre. A côté des Infans, et sur le devant du Tableau, il y a deux
figures debout : l'une est une femme, avec plusieurs mamelles, pour repré-
senter la Nature qui admire son ouvrage; et l'autre est la Déesse Pallas, qui
l'exhorte à le perfectionner, pendant que de son côté elle tâchera de détour-
ner les mauvaises influences dont ces enfants sont menacez... »,
il replaçait en ces termes l'événement à la date que lui assignaient
les garants connus de lui :
« Ceux qui ont écrit la mort des sept Infans, ne conviennent pas de
l'année qu'elle arriva. Les uns disent que ce fut vers l'an 967, les autres, 998.
Mais on voit que l'auteur de l'explication qui est sous les figures que
Tempeste a gravées, s'est beaucoup trompé, en mettant leur naissance en
l'an i3o4. »
1. P. 539 de l'éd. d'Anvers, 1571, du Compendio historial, t. I. Le jésuite Mariana
accommode l'afTaire plus délicatement : «Era la prision algo libre conque cier ta hermana
del rey tuvo entrada para comunicalle. Desta conversacion dicen que nacio Mudarra Gon-
zalez, principio y fandador del linaje nohilisimo en Espaha de los Manriques. » (Hist. de
Esp., loc. cit.) L'explication des planches 33 et 34 de Tempcsta n'est pas rédigée en
termes moins édifiants, mais, dans la planche 33, l'artiste, représentant la première
visite de la Mora à Gonzalo, a dessiné dans le cachot un grand lit découvert, et. dans
la suivante, l'abdomen de la sœur d' « Almanzor » a atteint un volume significatif.
a'iS CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
Une autre contradiction frappe Lessing. Elle concerne « den Fehler,
den eben dieser Ausleger [l'auteur des explications placées en bas des
planches] mit dem Almanzor macht, den er Kônig von Cordua (sic)
nennt », Mais cette observation érudite n'est pas plus originale que
la précédente. Il y avait sous la planche i6 que « Ruy Velazquez dixo
a Gonzalo Gustos, que el ténia cierta pretension con el Rey Almanzor
de Cordoba, y que esperaua, etc., etc. ». Félibien remarqua à ce sujet
que l'auteur des explications nommait
« aussi le Roi More qui commandoit à Cordouë, Almançor, bien que
Mariana dise que A.lhagib Mahomet, que Garibay nomme A.Ihagib
Almançor, étoit un capitaine d'une grande réputation dans la guerre, et
d'une singulière prudence dans la paix, lequel gouvernoit à Cordouë pour
les Mores au nom du Roi Hissem. De sorte que si ce fut le Roi même qui
donna la vie à Gonçalo Gustos, et qui étoit oncle de Mudara, ce ne pouvoit
pas être Almançor : ou bien si c'étoit Almançor, il n'étoit que Viceroi de
Cordouë, et non pas Roi, comme l'auteur de l'explication le qualifie. »
Jusqu'ici, Lessing s'est donc borné à suivre pas à pas son garant
français. Il est, cependant, si novice en histoire d'Espagne qu'il
ne peut dissimuler son inquiétude touchant ce rey Bermudo sous la
domination duquel seraient, d'après le texte des planches, nés les
Sept Infants, et dont Félibien ne soufflait mot. « Aher, » interroge-
t-il avec une touchante candeur, ((wer ist der Kônig Bermudo?)) La
demande est d'autant plus précieuse à enregistrer que le chapitre IX.
du Livre VIII de Mariana, — dont nul ne songera à prétendre que
l'ouvrage fût rare, — auquel renvoyait explicitement Félicien et où est
contée la légende des Infants, porte pour titre : De D. Bermudo el
Gotoso rey de Léon. Mais c'eût été autre chose encore qu'ouvrir
VHistoria de Espaîia qu'eût dû faire Lessing, s'il n'en avait été
détourné par son ignorance de la langue. Lui, dont l'instinct critique
était si amoureux de rectifications historiques et de « Retiungen », n'eût-
il pas trouvé, je ne dirai pas dans Garibay et dans Morales, qui,
cependant, ne relatent déjà la légende qu'avec certain scepticisme, le
second surtout, mais dans Ferreras', ample matière à révoquer en
doute la narration confiante de Félibien, qu'il accepte si docilement,
et à ne plus s'inquiéter de savoir si Al-Mansour fut ou ne fut pas
l'oncle de Mudarra Gonzalez ? Mais de ces besognes fructueuses il n'a
même pas le soupçon. Il aime mieux clore son article en critiquant,
dans les estampes de Tempesta. l'analogie entre les figures « allégo-
riques » et les figures «réelles». Car il est convaincu de la réalité
historique de la fable complaisamment détaillée par l'historien d'art
et architecte de Chartres !
I. Dont nous savons, au surplus, que la Sinopsis Historica, etc. (Madrid, 1700-
1727, 16 vol. in-4), lui était accessible en français et en allemand.
I.A NATURF FT T.ES SOmCFS DF I.'lIISPANISVIF DF T.ESSINO n'\C)
/' Ramôn Lull.
(M. XV, 295.)
Dans un bizarre traité — où l'alchimie s'allie à la chimie — de l'éco-
nomiste absolutiste Wilhelm baron von Schrôder, intitulé : Nothioen-
diger Unterricht vom Goldmachen, etc. (chap. I, § 9)1, Lessing a lu que
Raimond Lull composa une « Klagschriji » contre le roi d'Angleterre
parce que ce dernier avait employé l'or qu'il lui avait fabriqué à Londres,
non point, comme ils en étaient convenus, pour reconquérir la Terre
Sainte sur les infidèles, mais pour répandre le sang de la chrétienté,
entendons: guerroyer contre la France. On eût espéré de Lessing au
moins une tentative d'examiner critiquement cette sottise. A défaut
de Nicolas Antonio, qui déjà avait partiellement réfuté la légende des
relations de Lull avec le roi d'Angleterre 2, Lenglet du Fresnoy, quoique
partisan lui aussi de cette légende (en vertu de sa croyance à l'authen-
ticité d'œuvres faussement attribuées au célèbre « doctor illuminatus »),
lui offrait les éléments d'une recherche intéressante. Ne lit-on pas,
au t. 1 de l'Histoire de la philosophie hermétique, etc.^, p. 169 seq.:
« Mais comme je ne veux rien omettre à ce sujet, je vais marquer naturel-
lement les difficultés que l'on peut-former contre le fait que j'avance [le
séjour en Angleterre]; quelques auteurs célèbres prétendent que jamais
Raymond Lulle ne fut en Angleterre, et qu'il ignoroit même la science
hermétique, et comme on a prétendu que ce fut sous Edouard VI. qu'il
opéra ses merveilles Hermétiques à Londres, les tems ne se rapportent point,
et c'est ce qui forme la première difficulté, etc. ? »
Lessing s'est contenté, cette fois encore, d'une peu embarrassante
demande : « Existiret denn wirklich solche Klageschrift des Raimund? y)
k) L'Escorial et Aranjuez.
(M. XV, 354 et 38o.)
A l'article Raphaël, se trouve cette phrase : « In Spanien, im Escurial
sind zwey Stiicke von, ihm, von welchen das eine eine Madonna ist. »
1. Cet ouvrage, dont la première édition est de i68i, n'étant pas à la Bihl. Nal.,
je me- suis servi de l'exemplaire de la Sladtbibl. de.Hambourg, dans la réédition do
Lpzg. 1700, à la suite de la Fnrstliche Schatz= und Bent = Kammer du mémo auteur,
parue vers 1O8G et rééditée au moins huit lois consécutives jusqu'en 1762. En 1727,
l'ouvrage fut inclus par Fr. Roth-Scholtz dans Deutschlands Theatriim Chemicum, I.
Thl., p. 219-288. Sur l'auteur, cf. l'article de M. Marchet, AU. D. Biogr., t. 82 (1891),
p.53o-533. Le passage cité par Lessing se trouve p. 10 de l'éd. de 1706.
2. Bibl. hisp. vet., II, 187, 5 i58 de l'art. Baymundus Liillus.
3. Paris, 17^2, 3 vol. in-12. Sur les fables acceptées par Lessing, cf. le B. Lull de
Littré et Hauréau, Hist. litt. de la Fr., t. XXIX (Paris, i885), p. 291-292, 371-372. Une
bonne caractéristique de Lull a été récemment donnée par M. Mcnéndez y Pelayo au
t. I de ses Origenes de la Novela, etc. (Madrid, 1905. Nueva Bibl. de Aut. Esp.), à propos
duquel cf. M. Fitzmaurice-Kelly, dans Mod. Long. I\ntes, 1907, p. 1^-19.
20O CONTRIBUTIONS A I. ETI DE DE L HTSPAMSME DE G. E. LESSTNO
Ouvrons Winckelmann, dans l'éd. de Dresde, 1768, de VAbhandlung
von der Fcihigkeit der Empjlndung des Schônen in der Kunst, und dem
Unterrichle in derselben^, édition qui est celle oij Lessing est allé se
documenter sur Raphaël. Nous y trouvons, p. 20 : « In Spanien, im
Escurial, sind zwey Stûcke von dessen Hand, von welchen das eine
eine Madonna ista. » Les éditeurs de Lessing, qui ont imprimé entre
guillemets les passages précédant cet alinéa, passages directement
transcrits — de l'aveu, dailleurs formel, de Lessing — de l'ouvrage ci-
dessus, n'ont pas cru devoir laisser, pour celui que nous venons de
confronter, subsister ces signes, cependant nécessaires. Serait-ce,
comme dirait M. Muncker, parce que la transcription est a quelque
peu libre )) ? Serait-ce, au contraire, parce qu'aucun ne s'est, en ce cas
comme en d'autres, donné la peine de contrôler à sa source la science
de son auteur?
C'est encore dans Winckelmann, op. cit., p. igS, que Lessing a copié
mot pour mot sa notice sur les Antiques d'Aranjuez {M. XV, 38o). On
se demande de nouveau pourquoi les éditeurs de Lessing, pourquoi,
surtout, son dernier éditeur ne mettent pas entre guillemets cette trans-
cription littérale, laissant, par leur procédé, le lecteur — qui ne peut
vérifier chacune des « citations » de Lessing pour la raison, ci-dessus
mentionnée, du manque d'une édition critique de ses œuvres — croire
que celui-ci résume, ou même remanie des renseignements dont il est
redevable au fils du cordonnier de Stendal^.
l) Les auteurs hispano-portugais
de Traités d'échecs.
(M. XV, 3G4.)
Lessing énumère, à l'article Schach — on n'ignore pas quelle fut sa pas-
sion pour le u noble jeu » 5 — divers auteurs de Traités d'échecs, à la suite
de la liste qu'en avait fournie l'orientaliste anglais Thomas Hyde dans
1. Gd. in-4 de 82 pp. Dans l'édition des Werke, le passage est 1. 11, p. 407 (Dresden,
1808).
2. Ces deux ((numéros» de Raphaël sont La Perla et Nuestra Senora del Pez,
images de madones ousimplemçntde vierges dontil yaune ample description au t. II,
Caria IV (fieflexiones) du Viaje de Espana, etc. d'Antonio Ponz, dont il va être parlé,
et doTit la seconde a été gravée en tète des Travels Ihrough Portugal and Spain in 1772
and 1773 (Dublin, 1775) de R. Twiss, qui a traduit p. 119 seq. la description susmen-
tionnée de Ponz.
3. P. 4o4 de la rééd. précitée.
4. Lessing transcrit si littéralement Winckelmann qu'il ne songe pas à corriger la
graphie vicieuse : Herkule Ferrata en : Ercole Ferrata (que nous trouvons corrigée
dans l'éd. de Dresde, 1808), de même que, dans Emil'ia Galotti, il n'hésitera à baptiser :
Hettore le prince de Gonzague.
5. Il avait trouvé l'apologie du jeu d'échecs dans Huarte, qui le tenait pour un
symbole de l'art de la guerre. (Ed. d'Amsterdam, 1662, p. iSg, 276, 2117.)
LA NATURE ET I,ES SOURCE-^ DE L HISPAiSISME DE EESSING SOT
sa classique : Mandragorias , seu Historia Shahiludii, etc., etc. (Oxonii,
169^, in-8)i. Hyde, dans la partie de son livre intitulée De Ludis
Orientaliiim {Lib. I. P. /«, quaeesl Latina), avait, en effet, dressé (p. i83)
un Elenchus quoriindam eorum qui de Shahiludio scripserunt Libros.
Parmi les espagnols, il citait, n" 18, Damianus Portiigallensis, n" 19,
Rui Lopez Hispanus, mais sans préciser le titre de leurs ouvrages, et
en les englobant sous la rubrique : Hi cum mulUs aliis scripserunt
Libros De Scachis. Lessing, à son tour, observe que de « Damiano
Portughese » (sic) 2 la Bibliothèque de Wolfenbiittel possède deux
éditions « anciennes » — elles sont toutes anciennes, puisque la
dernière est de i564 — qu'il décrit sommairement, sans qu'un mot
prouve qu'il ait remarqué combien défectueuses, sentant le portugais
et l'italien, sont les courtes explications castillanes imprimées à partir
du ch. VIII (Primores que interuiene enel luego utilissimas por asaber
y por a suttigliar el ingenio), tout le reste du livre étant rédigé en
italien. II constate tout uniment, en effet, que (( Damiano Portughese
hat ein Libro da imparare à giochare à Scachi e de' belissimi Partiti
u. s. IV. italiànisch und spanisch geschriebeny). — Du Traité de
« Rui Lopez .), il ne connaît — elles se trouvaient sur les rayons de la
Bibliothèque qu'il administrait — que deux traductions : « Eine
Italienische von Gio. Domenico Torsia (sic) mitdem Namen des Lopez.
in Venetia i584. 4°. 180. Quod. » C'est : IL | GIUOCO | DE GLI
SCACGHI I Di Rui Lopez, Spagnuolo ; \ Nuouamente tradotto in lingua
Italiana \ da M. Gio. Domenico Tarsia, etc., etc. | Con privilegio. \ In
Venetia, | Pressa Cornelio Arriuabene. | MDLXXXIIIL In -4 de
2i4 pages, traduction libre de l'original. — «Eine Franzôsische, ohne
Namen des Verfassers und Uebersetzers à Paris 1609. 4°. 86. QuodI. »
C'est : LE | JEU DES ESCHEGS, | etc., etc. | Traduit d'Espagnol en
François. \ a Paris, \ chez Jean Micard, etc., etc. \ MDCIX. \ Avec
Privilège du Roy. In-4-
Lessing ajoute que ce sont les conseils de Rui Lopez qui lui ont plu
davantage. Il nous suffît - du point de vue de cette étude — d'avoir
constaté qu'il n'a pas lu dans l'original le Traité de l'inventeur de la
partida espanola^. Sa science des Traités d'échecs espagnols ne va pas,
1. Cf. la description bibliographique complète de cet ouvrage, qui est à la Bihl.
Nat., dans A. van der Linde : Geschichte und fAlteratur des Schackspiels (Berlin, 1874),
I, p. 88-89.
2. Cf. sur ce Damiâo, dont on ignore même le patronymique, les articles de Bar-
bosa, Bihl. Lusit., I, p. 610, et de Da Silva, IX (1870), p. 101-102. Cf. la description
bibliographique des huit éditions connues de son Traité (i5i2-i56/i) dans van der
Linde, op. cit., I, 387-347. Je me suis servi de l'exemplaire de la Bibl. Nat., coté: p l' 125.
3. LIBRO DE LA i INVENCION LIBERAL Y ARTE 1 del juego del ixedrez, muy
util y provechosa : \ assi para los que de nueuo quisieren depren- | der à jagarlo, como para
los que I lo saben jugar. | Compuesta aora nucuamente por Buylopez de Sigara de- \ rigo,
vezino delà villa Çafra. Dirigida al muy illustre se- \ nor don Garcia de Toledo. ayo y mayor-
domo ma- \ yor del .Serenissimo Principe don | Carlos nuestro senor. | En Alcala en casa de
Andres \ de Angulo. i5()i. | Con privilegio. In-'i de i.')8 tl., dont 8 préliminaires.
303 CONTRIBUTIONS A L ETUDE DE I, HISPANISME DE G. E. LESSING
d'ailleurs, plus loin. Il ignore la Repeiicion de Amores (i495?) de
Lucena, comme il ignore le glorieux passé du jeu d'échecs en Espagne,
dont un monument inoubliable subsiste, en cet Escortai qu'il ne
mentionne que dans la maigre notice transcrite de V/inckelmann, sous
forme d'un précieux parchemin, coté/. T. 6 fol., des Juegos diversos
de Axedrez, dados y tablas, con sus explicaciones, ordenados por
mandado del Rey D. Alonzo el Sabio.
m) Arnaldo de Vilanova.
(M. XV, 209.)
A l'article Edelsteîne, Lessing a cité l'alchimiste-médecin aragonais
du xiii' siècle, mais tout à tait hors de propos. Il a trouvé dans le
Traité d'un médecin italien du xvi' siècle : Spéculum Lapidum Claris-
simi Avlium \ El Medicinae Doctoris Camilli \ Leonardi Pisaurensis ^ ,
chap. V : De omnibus nominibus doctorum a quibus ea quae dicturi
sumus accepimus, la simple mention du vocable Arnaldus, et en a
conclu qu'il s'agissait d'Arnauld de Villeneuve. Mais il se trompait :
Leonardi avait en vue le plus ancien encyclopédiste du xiii' siècle,
Arnoldus Saxo. 3 Une autre fois, en inspectant les rayons de la Biblio-
thèque de Wolfenbûttel, il y a découvert un petit Traité, sur deux
feuilles in -A, imprimé à la suite d'un Tractatus descriptionum
morborum in corpore humano existentium, iU96, s. /., et intitulé:
Tractatus de virtutibus benedictae quercus, in foliis, glandibus, capulis
etjîsco {=visco) atque gallis et en a envoyé la description, en quelques
lignes, à un correspondant, M. Herz, qui la publia dans la i. Samm-
lung de ses Briefe an Aerzte^.
1. B. Nat. S. 5233. Le lieu et la date de l'impression ne sont indiqués qu'à la page
finale (Venetiis per Melchiorem. Sessam et Petrum de Rauanis sociis. A. D. 1516), mais
lépître dédicatoire de l'auteur à César Borgia est datée i5o"j. — Le passage qui a
induit Lessing en erreur est/. XVI, d".
2. Cf. sur ce personnage l'article de V. Rose : Aristoteles de Lapidibus und Arnoldus
Saxo dans la Zeitschrift de Haupt, A'. F. VI, 821, et Vlnaugural-Dissertation de Em.
Stange ^.ut Arnoldus Saxo. (Halle, i885, 66 pp. in-8.)
3. La I. Sammlung, parue à Berlin en 1777 in-8, fut réimprimée en 1788. Dans
cette dernière édition, le passage qui nous intéresse est p. 222-225. C'est pour avoir
ignoré celte découverte de Lessing — dont, cependant, M. Ludvvig Geiger avait
rafraîchi le souvenir en 1880 dans l'Archiv Jiir Litteratur-Geschichte de Schnorr von
Carolsfeld, IX, p. 579-581 — que M. B. Hauréau a, dans son Arnauld de Villeneuve
(Hist. litt. de la France, XXVHl [i88i], p. ii4), classé parmi les œuvres inédites le De
Qaercu. Toute son argumentation touchant le caractère apocryphe de l'œuvre tombe,
du même coup, puisque, dans l'édition que décrit Lessing, elle n'est nullement dédiée
« ad Pichardum, episcopum Canluariensem », mais à « Richard, Bischof von Lautenburg ».
Ce fragment de Lessing a été réimprimé en 188 1 par Maltzahn-Boxberger dans la
réédition du Lessing de Danzel et Guhrauer, II, p. 68i, puis dans les Lessings M'erkc,
éd. Kurschner, t. Gg, p. 3^3.
LA XATURE ET LES SOURCES HE l'hISPAMSME DE LESSING 353
Dans sa lettre à Herz, Lessing révélait assez clairement l'état de ses
connaissances relativement à Arnauld de Villeneuve. 11 y qualifiait,
en effet, le roman d'un érudit à l'eau de rose, le béarnais (qui vécut
en Provence) P. J. de Haitze : La vie d'Arnaud de Villeneuve, par
Pierre Joseph (sic). A Aix, il 19^, de : complète biographie.
Enfin, Lessing a trouvé dans l'Histoire de la médecine de John Freind
un passage, qui a piqué son attention, relatif aux vices sodomitiques
des femmes de Toscane, qu'aurait décrits Arnauld a. En voici la teneur :
« There are many passages in his works very extraordinary, particularly
in relation to the distempers of Womeii : and then occur some observations
upon this subject, which are in no other writer either before or since. He
gives usindeed a full idea of the debauchery and lewdness of thosestimes^ :
and if tlie wickedness he observes in the Tuscan women be somewhat
singular and surprizing*, his advice how to reform it is no iess. »
A la suite de cette lecture, Lessing a noté :
« Dièses beyni Villa nova nachzusehen, den Freind blos mil den Zahlen
3. 6. g. citiret; vielleicht, dass es die S des Werkes de morbis muUerum sind. »
En sa qualité d'ancien Kandidat der Medizin, il eût dû savoir que
Vilanova n'a pas écrit d'ouvrage de morbis mulierum, mais bien un
Breviarium , dont le troisième livre est intitulé : Agitur de curatione
morborum mulierum 3. Il était naturel que Freind y renvoyât par des
chiffres indiquant les chapitres de ce Livre, puisqu'il discutait les vues
d'Arnauld sur les femmes, et Lessing n'eût pas dû s'étonner du mode,
fort normal et scientifique, de ce renvoi^.
Au chap. 9 se trouve, en réalité, le passage sur la perversité des
Toscanes dont s'était alarmé le canl du docteur anglais et dont la
teneur n'effarouchera plus les érudits d'un âge oîi la science de la
morale sexuelle s'affirme en des recueils du genre de l'Annuaire,
si précieux : ,
'ANePQnO^TTEIA
édité à Leipsig par le D' Fr. S. Rrauss, de Vienne, et dont le t. IV a
paru en octobre 1907.
I. Petit in-8 de 197 p. (B. Nat. L^' n 630.)
i. Lessing déclare lire Freind dans la traduction latine du D' VVigan {Opéra omnia
medica, London, 1733, in-fol., et Paris, 1 735, in-ti"). Je ne l'ai pas eue en mains, mais le
passage qu'il a en vue se trouve dans l'édition originale : The Hislory of Physick;
froin the Urne of Galen to the beginningof the .Sixteenth Ceiitury, etc. (London, i725-2(i,
2 vol. in-8), t. 2, p. 2jQ. Dans la traduction française d'Etienne Coulet, en trois parties
(Leide 1727), il est ///' Partie, p. 21 ''.
3. Dans l'édition de Bàle, i585 : Arnaldi Villanovani philosophi et medici summi
opéra omnia. Cuin Sicolai TaurelU Medici et Philosophi in quosdam Libros Annotationibus,
le titre du livre III est mentionné p. io5i .
4. Cap. III (p. 1329) : De regimine Praegnantium et de conservatione Einbrionis et de
cautela abortus; Cap. VI (p. iSZ"]): Utmulier non concipiat et ut virgo videatur; Cap. IX
(p. 1 344) : De suffocatione Matricis.
:. 3, C) & 9. [Note de Freind.]
a. 9. [id.]
30^ CONTRIBXTIONS A L ETLDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
« Quaedam Dominae viduae, & etià mercatrices, quarum mariti à patria
recedunt, & quandoq.' stant per duos vel très annos, non reuertcntes ad
patriam, quandoq.' huiusmodi passionem incurrunt, & nimis appetunt
coitum, sed timentes impregnari non audent cum viris coire, & supponunt
sibi digitum, vel quendam sacculum paruum, impletù bombace, factum in
modum virgae virilis, & intantum imponunt intus & extra, quod sperma-
tisant. Et aliae habèt quoddam vas aereum, vel ex auricalco factù in modù
virgae virilis, in medio côcauum, in cuius summitate est foramen loaruù, &
tantum ducunt in vuluis suis intus & extra, quôd spermatisant, & cûm
spermatisare incipiùt, mittunt in vuluis suis per illud foramen per médium
vasis illius paru aquae rosarù quae miscetur cum spermate. Et mulieres
Thusciae magis sunt vitiatae hoc peccato Sodomitico caeteris mulieribus :
inueni enim quadà vice summo mane in via in ciuitate Florctiae quoddam
instrumentum sic factum in modum virgae virilis, quod cuidS mulieri
ceciderat : Et ppterea scio, quôd in talib. delectantur : sed pdicta omnia
Sodomitica sunt, & ab ecclesia prohibita : Est .n. maximù peccatù hoc
facere, vnde potius côsulo, qd cù viris coeSt, & min. peccatù cômittent,
Âbstineàt à saisis, à carnib. vnctuosis, ventositatè generàlibus, à car-
nibus vaccinis, leporib. & similibus, vinum odoriferû & bene lymphatù
bibant. »
Telles sont les relations connues entre Lessing et Arnauld de
Villeneuve. Ajoutons, cependant, qu'en 1771, dans les A nmerkungen
liber das Epigramm, 2, il a demandé à ses lecteurs si les prescriptions
médicales de l'École de Salerne n'étaient pas « eines sehr interessanten
Inhalts ». Mais nul n'ignore que le Regimen Saler nitanum, auquel il fai-
sait allusion, n'avait pas cessé, depuis le x i v' siècle, d'être remanié par les
médecins, de sorte que, toujours réimprimé sous le nom de Villeneuve,
il contenait beaucoup plus de science étrangère que de la « science »
initiale de son auteur. II est, toutefois, à craindre que les partisans de
l'hispanisme de Lessing ne nous objectent que, si ce dernier n'a écrit
que les peu compromettants passages précités surVilanova, cela n'em-
pêche nullement qu'il ait estimé très fort son œuvre, comme chacun sait.
Qui douterait de la vraisemblance de notre pronostic, n'aura besoin
que d'ouvrir la Zeitschrift fiir vergleichende Lileraturgeschichte , N. F.
XIII (1899), p. Ui8, note 2. Il y trouvera « en letras de molde » que
« bekanntlich hat Lessing viel auf Villanova's Wissen gehalten^). Ce
bekanntlich de M. Farinelli nous rappelle la confidence d'un poly-
graphe hambourgeois, dont la signature s'étale communément unter'm
Strich dans une gazette erstclassig de Berlin, ainsi que dans un pério-
dique universitaire d'austère philologie, lequel nous avoua certain soir
de 1905, dans une confidence de Stammtisch, qu'il n'usait de cet
adverbe que dans les cas — sans doute clairsemés — où il lui arrivait
de faire passer en contrebande scientifique un paradoxe.
LA MATURE ET LES SOlKCtS DE L HISPANISME DE LESSl.NG 205
1771. Das bôse "Weib.
(M.\, 12.)
Dans les Suingedichle publiés dans l'éd. de 177 1 se trouve cette
épigramme :
« Ein einzig boses Weib lebt hochstens in der Welt :
Nur schlimm, dassjeder seins fur dièses einz'ge huit. »
Boxbergeri suggère en note, à ce propos, un passage du Don Quixote
traduit par F. Just. Bertuch. Ce passage se lit au ///. Theil, p. 33o, de
Leben und Thaten des weisen Junkers Don Quixote von Mancha (Neue
Ausgabe, 1777) : « Ein ge^visser Weiser, ich weiss nicht wer, sagte :
in der Welt giebts nur Eine gute Frau; jeder Mann glaube, die seyne
sey es, und so ^vi^d er glûcklich und zufrieden leben. » Le rapport
entre le passage de Cervantes — la traduction de Bertuch (i"" éd. 1 775-76,
Lpzg. 6 vol., y compris la contrefaçon d'(( Avellaneda») étant posté-
rieure à la publication des Sinngedichte — et l'épigramme de Lessing
reste, quant à la pensée misogyne qui y est développée, si vague, même
en admettant que l'auteur ait, pour donner du piquant à sa fantaisie,
renversé le concept espagnol, que le rapprochement, frivole, ne
semble inspiré que par la liantise de l'hispanophilie lessinguienne.
Paul Albrecht (L' . PI., 1, 1-2), toujours avide de textes confirmant, à
quelque degré que ce fût 2, sa théorie d'un Lessing fur et trifur, a
reproduit, mais du moins en castillan, le passage en question, qui se
trouve D. Quijote, II, 22 : u Mirad, discreto Basilio, afiadiô Don Quixote :
Opinion fué de no se que sabio, que no abia en todo el mundo sino
una sola mujer buena y daba por consejo que cada uno pensase,
1. Kiirschner, I, p. i33.
2. Un exemple typique de l'obnubilation mentale de Paul Albrecht, que partagent,
dès qu'il s'agit de l'hispanisme de l'idole, plusieurs Lessingforscher, nous est fourni, et
sans sortir de la matière de ces recherches, par le V"" des Comische Einfdlle und Ziige,
publiés en 1780 par K.. Lessing dans le Theitralischer Nachlass (M. III, /I9C seq.) — et
qui sont des traductions libres du français et de l'anglais, bien que M. Muncker les
ait réimprimés avec confiance, comme il a aussi réimprimé, au IV"" Stiick de la
Théâtral. Bibliothek (VI, 294 seq.), les Entwïirfevon lauler ungedruckten Stiicken. traduc-
tions littérales de morceaux contenus dans les six premiers volumes du Dictionnaire
des Théâtres de Paris en 7 vol. in- 12 (Paris, Lambert, 175G), comme, enfin, il a réim-
primé également deux histoires de Das A'euesle aus dem Reiche des Witces (IV, ^27 et
487) qui sont deux plagiats du français : cf. E. Schmidt, art. cit. des Sitzungsbe-
richte. etc., p. i5, note i. Paul Albrecht admettait donc que la source de Lessing
dans le passage précité était... un dialogue des Encanlos de Medea, pièce mytho-
logique de facture gongoriste, complètement illisible, de Rojas Zorrilla. Or, Lessing
s'était borné à copier une bribe de dialogue dans la Comœdia voin Studentenleben de
J. G. Schoch (Leipzig, 1637). Qu'un grave Lessingforscher eût fait la décotiverte au
lieu d'un simple Paul Albrecht el l'eût publiéedans Eujjhorion ou un recueil analogue,
Lessing se voyait octroyer un lleuron nouveau à sa couronne d'hispanisle-précurseur.
■206 GO.NTHiB'JTIO.\'S A LÉTtUE DE l/niSl'A.MSME DE G. E. LESSISG
y creyese, que aquella sola buena era la suya, y asi viviria contento. »
Clemendn n'a pas cru devoir commenter cette allusion (IV, 4o3) et
nous ignorons si le nouvel éditeur critique (?) barcelonais du Don
Quijote I saura nous dire si ce « no se que sabio » a existé, comme nous
en doutons, ailleurs que dans la cervelle expérimentée de Cervantes.
Haug, d'autre part, et toujours d'après Boxberger, aurait identifié
comme étant la source de Lessing, « Nikolaus Gaudius von Briissel ».
Haug et Weisser ont réimprimé au t. IV (Zurich, 1807), p. 3o, de leur
Epigrammalische Anthologie l'épigramme de Lessing, mais quel peut
bien être ce mystérieux Nikolaus Gaudius? Il est plus que probable
qu'il s'agit de Dominions Baudius, et, plus particulièrement, de sa
compilation, qui contient tant de détails et de traits contre les femmes,
bien que je n'y aie pas trouvé de passage concordant littéralement
avec celui de Lessing : Dominici Baudii \ Amores, \ Edente \ Petro
Scriverio, \ inscripti \ Th. Grasivinckelio, \ Equili. (Amstelodami, i638,
in-i6 de 5i8 pp.) Baudier, on le sait, était de Lille (ancienne Flandre),
d'où, peut-être, la confusion. Mais à quoi bon poursuivre ici une
investigation inopportune, puisqu'il nous suffît d'avoir établi l'inanité
du rapprochement avec Cervantes? La véritable source de Lessing,
aussi bien, a été le chroniqueur et parémiologiste Christoph Lehmann,
dont le Florilegium polilicum, etc., paru en i63o, in-8, s. l. [Witten-
berg] — pour les éditions successives, cf. Jôcher. II, 23^2, Rotermund
III, 1499, et surtout l'excellent article de J. Franck, Allg. D. Biographie,
XVIII (i883), p. 1 32-1 38, où sont rectifiées les erreurs courantes des
lexiques bibliographiques sur cet auteur, y compris celles de Graesse,
Trésor, IV, i5i — est encore utile à consulter aujourd'hui, et déjà,
avant Lessing, le génial Balthasar Schupp (Morhof , Pofyh., S i5o) l'avait
placé « zunâchst der Bibel ». Fûlleborn {Lessings Leben, III, 16) a
consigné qu'au début de son séjour à Wolfenbiittel, Lessing commer-
çait activement avec le Florilegium et pensait même en élaborer un
remaniement, projet inexécuté, mais dont on retrouve des vestiges
dans quelques fragments de V Altdeutscher Witz und Verstand. Sans
doute eût-il, ce qu'a omis de faire Lehmann, illustré d'un commentaire
les proverbes cités. Quoi qu'il en soit, c'est grâce à cette « fleur «
cueillie par Lessing dans Lehmann : « Es ist nur ein bôss VVeib uff der
Welt, ein jeder meynt er habs, » que le père de Max Mûller, le poète
des Lieder der Griechen, Wilhelm Mûller, a pu, à son tour, faire preuve
I. Sur celte édition Cortejôn, cf. l'excellent passage de M. A. Morel-Fatio, art.
préc. de VArchiv de Herrig (1906), p. 35o seq. Une analyse de M. P. de Mûgica dans
la Ztschft. fiir rom. Phil. est dépourvue de sens critique (t. XXXI [1907], p. ^99-503.)
M. Cortejôn a cru devoir se faire défendre contre les attaques des « étrangers » —
oubliant que la science ignore les poteaux de frontières — par M. J. Givanel en 1907
dans la revue mensuelle madrilègne Ateneo : Una éd. crit. del Quijote (tirage à part,
Madrid, 1907, 19 p.), en des termes dont l'inopportunité a été finement relevée dans
ce même Archiv, t. CXIX (1907), p. 479.
LV .NVTLKE ET LES bOUHCES UE L HISPAMS.ME DE LESSING 207
de misogynie, en plagiant, il est vrai, l'auteur des Sinngedichte. Au
tome 2 de ses Vermischte Schriften, éditées en 5 vol. in- 12 par
Gustav SchAvab en i83o à Leipzig, on lit p. 407, à la 83"° épigramme
du //. Hundert :
Das Bôse Weib.
Nur ein einziges bôses Weib lebt noch unter der Sonnen ;
Aber jeder Ehemann meint, er hab's gewonnen.
Auf den Hablador.
{M. I, 16).
Voici une épigramme qui éclaire d'un jour assez cru les habitudes
d'inspiration de Lessing. Elle est ainsi conçue :
Habladors Mund, Utin, ist dir ein Mund zum Kiissen?
Wie er spricht, spricht dir niemand nicht? —
Wie sollte so ein Mann auch nicht zu sprechen wissen?
Er thut ja nichts, als dass er spricht.
Ce hablador fait songer à l'Espagne, d'autant plus que Lessing n'est
pas prodigue, en général, de vocables castillans — au 56' chapitre de
la Dramaturgie il parle bien du pundonor (M. X, 19), mais c'était là
expression d'usage à peu près européen et ayant acquis, en quelque
sorte, droit de cité dans la littérature universelle. Qui eût cru, cepen-
dant, que sous ce pavillon espagnol se cachait une contrebande fran-
çaise, et que le grand gallophobe se bornait à démarquer, en inventant
un nouveau titre pour rendre son larcin moins apparent, la 87'
Épigramme du I" Livre des Epigranimes \ De \ Gombauld. \ Divisées
en trois livres (A Paris, M. D C LVII, in-8 [B. N. Yc. 7970]), p. 49?
Grand Parlevr.
Lxxxvn.
Si l'on vous croit, bouche de rose,
Lysandre parle bien; nul ne peut l'esgaler.
Il deuroit bien sçavoir parler;
Il ne fait iamais autre chose.
Les (( Anxnerkungen ûber das Epigraxnxn ».
(M. XI.)
Les Anmerkungen iiber das Epigramm, parues en 177 1 à la Première
Partie des Vermischte Schriften, contiennent quelques allusions à la
littérature transpyrénaïque que nous allons passer successivement
en revue.
2Ô8 COM'RIBUTIONS A LÉIUDE DE L'HlSl'A>rSME DE G. E. LESSl^G
a. Le « kaastischer Einfall n d'un Espagnol.
(M. XI, 2i6.)
" Demi Avenn es Avahr ist, dass bloss die Kûrze das Epigranim macht,
dass jedes Paar einzelne Verse ein Epigramrn sind : so gilt der kaustiche
Einfall jenes Spaniers, von der Epigramni vornehmlich : « wer ist so dumm,
dass er nicht ein Epigramin machen kônnte : aber wer ist so ein Narr, dass er
sich die MCihe nehmen sollte, deren zwey zii machen ? »
La boutade satirique, sur la source de laquelle Lessing ne daigne
pas — non sans motif, comme nous allons nous en convaincre —
s'expliquer, se lit dans la compilation de Melchor Santa Cruz de
Dueiïas, « vezino de la ciudad de Toledo, » imprimée en 1674 à Tolède
chez Fran. de Guzman, puis réimprimée à diverses reprises: cette
Floresta bien connue, traduite en allemand dès 1621», ainsi que,
antérieurement déjà, en français. Dans l'éd. de Séville, par Clémente
Hidalgo, afio 1609, nous la trouvons p. 3o, 011 elle est la XXXIV'2 du
chap. II : De Cavalleros :
« El code de Orgaz don Alvar perez de guzman dezia, que ténia por
necio, al que no sabia hazer una copia, y por loco ai que hazia dos. »
Dans la traduction française, avec texte espagnol en regard (éd. de
Bruxelles, Velpius et Anthoine, i6i4), l'anecdote est rendue en ces
termes, ch. II (Des Chevaliers), p. 80 :
« XXXIIII, Le Comte de Orgas, Don Aluar père fsic) de Gusman, disoit,
qu'il reputoit celuy-Ià pour niais et sot, qui ne Sçauoit faire une couple de
chanson ou quelques vers; et pour un fol, et insensé, celuy qui en faisoit
deux. »
Je la retrouve, mais défigurée et anonyme, dans les Menagiana (Éd.
d'Amsterdam, 1718, t. 1, p. 3o4) :
« J'ai fait des vers seulement, ul non essein tantae suavitatis expers. Atticus
en a fait pour la même raison ; ne ejus expers esset suavitatis dit l'Auteur de
sa vie. Il y a peu de personnes savantes qui ne fassent des vers, ou n'aient
envie d'en faire. Les Espagnols ont un proverbe qui dit : que qui ne sait pas
faire un vers est un sot, et qui en fait deux, en fait trop. »
Elle va inspirer, enfin, le belliqueux épigrammatiste hambourgeois
Christian Wernicke, qui prend sur lui de la faire prononcer par Orgaz
à l'endroit « d'un de ses amis », et la rapporte dans l'Avis au Lecteur
1. Cf. A. Schneider, op. cit., p. i33 seq.
2. II y a, daas cet éd., par erreur XXXiii au lieu de AXVii'n'.
L\ NVTLHE KT LES SOURCES DE l.'uiSl'AMSME DE LESSINO aOQ
de ses Ueberschriften, dans l'éd. de Zurich, Gessner, 17^9: A'. Wer-
nickens Poetische Versiiche in Ueberschriften, etc. (Neue und verbes-
serte Auflage) : An den Léser :
« Ist endlich die Poésie eine Raserey, so ist des Verfassers seine eine der
kûrzesten; als welcher zwar einigc Verse, den Mûssigang zu vertreiben,
schreiben, aber daraus garnicht ein Handwerk machen wollen; sicli allezeit
desjenigen erinnernd. was der spanische Graf d'Orgaz zu eincni seiner
Freunde in gleicher Gelegcnheit sagte : Tengo por necio, al que no sube hazer
una copia; y por loco, al que haze dos. »
Quelle que soit la source — médiate, et c'est là ce qu'il nous importait
de fixer — 011 Lessing a pris sa mention de YEinfall, que ce soit dans
les Menagiana, auxquels on sait qu'il a emprunté la matière de
plusieurs épigrammes et qu'il cite aussi ailleurs, art. odium Iheologi-
cum (M. XV, 32(3) et Rettiing des Hier. Cardanus (M. V, 3 11), ou dans
Wernicke, constatons qu'il fut incapable de s'en tirer sans contresens,
puisqu'il fait de la joyeuse et innocente copia de D. Alvar Pérez de
Gazmdn une renfrognée et satirique épigranime, et qu'il confond la
forme -type de la chanson populaire espagnole avec le «propos rac-
courci » de la poésie savante.
[i. La (( petite histoire » du « Don Quichotte » .
(M. XI, 227.)
K Soilten aber gar nur die Gôtter aïs glûckliche Errather hier aufge-
iùhret werden ; wie viel sinnreicher ist sodann jenes Histôrchen — ini Don
Quixote, wo ich micli recht erinnere — von den zwey Briidern und
Weinkosternl' welches ich wahrUch lieber erfunden, als ein ganzes
Hundert von jenerley Râthseln, aucli in den schônsten Versen, gemaclit
haben môchte. »
Cette (( petite histoire » que Lessing aimerait mieux avoir inventée
qu'avoir composée, fût-ce en les vers les plus beaux, un bon cent
d'énigmes, c'est celle que narre Sancho au caballero del Bosqiie pour
lui expliquer, par un exemple emprunté à sa tradition familiale,
pourquoi il excelle dans l'art de déguster les vins, D. Q., Il, xui, et
qui a dû, avant de paraître excellente à Lessing, le sembler à Cer-
vantes lui-même, puisqu'il l'a reprise dans son Entremés de la Elecciôn
de los Alcaldes de DaganzoK II est douteux que, cette fois encore, la
réminiscence de Lessing soit originale. Un écrivain qu'il a, à plusieurs
reprises, traité de polygraphe superficiel et étourdi, mais qui n'en
I. Cf. Comedias y Entremeses de Miguel de Cervantes Saavedra, etc. dans l'éd. de
Hlas Nasarre, t. I, p. 211. On aura noté que Lessing parle de deux frères quand Sancho
lucntionue deux ascenduiils de la ligne [jalerneUe (tuve en nii linage //or parle de mi pmlre).
C. l'irOLLIiï. '"^
:iGo CUMKIBLTIO.NS A LÉXLUE DE l'hiSPAMS.ML DL G. L. LESbl^G
jouissait pas moins — constatation toujours ancienne et toujours nou-
velle dans l'histoire littéraire — de la faveur du grand public, Johann
Jakob Dusch, a, dans ses Vermischte Kritischeund Satirische Schrijlen
nebst einigen Oden auf gegenwdrtige Zelten publiées en 1768 à Alloua
— oîi il vécut presque toute sa vie en qualité de pédagogue — en effet
ce passage, p. 255 :
« Eine ofTenbare Lrsache, warum viele die gehôrige Empfindung von
der Schônhcit nicht haben, ist der Mangel der Zârtlichkeit der Einbildungs-
kraft, welche nôthig ist, eine Empfindbarkeit dieser feinern Regungen zu
erwecken. Dièse Zârtlichkeit behauptet jedermann zu haben : jedermann
spricht davon, undwill sie zu einer Regel ûber allen und jeden Geschmack,
oder ûber jede Empfindung machen. Da wir aber in dieser Abhandlung
gesonnen sind, einiges Licht des Verstandes unter das Gefùhl der Empfin-
dung zu mischen, so mùssen wir eine richtigere Beschreibung von der
Zârtlichkeit geben, als man bisher gegeben bat. Und damit wir unsre
Grùnde nicht aus einer gar zu tiefen Quelle schôpfen, so woUen wir eine
bekannte Gcschichte aus dem Don Quixotc zu Hûlfe nehmen.
Ich behauptc mit gulem Grunde, sagt Sancho zu dem Ritler mit der
grossen Nase, dass ich vom Weine urtheilen kann : dièses ist eine Erbei-
genschaft in unsrer Familie. Zwey von meinen Verwandten mnssten
einsmals ihre Meynung von einem Fasse sagen, welches man fur vortrefllich
hielt, weil es ait, und bey einer gulen Weinlese gefûllt war. Einer von
diesen kostete den Wein, bedenket sicb, und spricht nach einer reifen
Ueberlegung, der Wein sey gut, doch habe er einen kleinen Geschmack
von Leder, den er empfunden batte. Der andre gab gleichfalls, nachdem er
sich einer gleichen Yoisicht bedienet batte, seinen Ausspruch zum Vortheil
des Weins; doch fand er einen Eisengeschmack in demselben, den er sebr
leicht unterscheiden konnte. Ihr kônnet nicht glauben, wie sehr sie ihres
Urtbeils wegen aufgezogen wurden. Aber wer lachte am Ende ? Als man
das Fass leerete, fand sich auf dem Boden desselben ein aller Schlûssel,
woran ein lederner Riemen gebunden war ' . »
I. Au 77°° Stixck de la Dramaturgie, Lessing a une autre allusion au D. Quichotte:
«Und so haben die Herren gut streiten; ihre Einbildung verwandell Windmûhleu
in Riesen; sie jagen, in der gewissen HolTnung des Sièges, darauf los, und kehren
sich an keinen Sancho, der weiter nichts als gesunden Menschenversland hat, und
ihnen auf seinem bedâchtlichern Pferdc hinten nach ruft, sich nicht zu ûbereilen,
und doch nur erst die Augen recht aufzusperren... » Cette réminiscence du cli. Vlll
de la i" Partie n'est que banale, et pourtant Lessing commet de nouveau une
incroyable bévue : qu'est-ce que ce Sancho chevauchant un « cheval plus circons-
pect »? Nous répondra-ton que parle «cheval», Lessing entendait r«àne»P Que
ne disait-il dne, tout simplement? Il est vrai que Cervantes lui-même a commis une
analogue «ànerie» au ch. Wlll de la Parte /«. où il fait descendre Sancho de sa
mouture, qui lui avait été volée dans le même chapitre par Oincs de Pasamonte, ce
qui explique, j'imagine, cette malice de Lope de V'ega dans Amar sin saber a quien,
Jornada III", Esc. I'^ :
que ay hombre
que hasta de una mala parda
saber el suceso aguarda,
la color, el talle y el nombre,
ô si no, dirén que fué
olvido del escrilor.
{l'arle WII, Madrid, i(J35, iii-/|.)
LA .NATLRE ET LES SOURCES DE I. HISPANISME DE LESSl.NG 2bl
v. Les traducteurs espagnols de Martial.
(M. XI, ■2y^'A.)
<< Einzelne Slûcke [des Martial] sind die Menge auch in aile andere Spra-
chen ûbersetzt worden, denen es nicht ganz an Poelen feiilet. Dass sich.
eine ziemliche Anzahl spanischer Uebersetzungen, von einem Enianuel de
Salines in des Lorenzo Gracian Arte de Ingenio finden, merke ich deswegen
an, weil sie sich der Kenntniss sowohl des Antonio und Velazquez, als,
welches eben so sehr zu verwundern, unscrs mit der spanischen Litteratur
se genau bekannten Uebersetzers des letztern,entzogen zuhaben scheinen. »
Lessing fait à bon compte la leçon à Dieze. Outre que la graphie
Emanael de Salines — que Boxberger a arbitrairement corrigée en
Salinas (Kurschner, t. 12, p. 464) — semblerait prouver que le rensei-
gnement émane, peut-être même médiatement, d'une source française,
et que la grossière erreur d'attribution à Lorenzo Graciân de VAgu-
deza ne démontre pas que Lessing ait fait, en matière de bibliographie
des ouvrages de Baltazar Graciân, le moindre progrès depuis 1754 •,
il n'a eu besoin, pour réaliser sa u découverte)), que de jeter un coup
d'oeil, dans sa bibliothèque, sur le titre d'une édition ancienne du
Traité. Celle de Huesca, 1649, porte, par exemple, la mention sui-
vante :
Agudeza \ y \ arte de ingenio | etc., etc. | por Lorenzo Gracian. \ Ilmtrala
I El Dotor don Manuel de Salinas y Lizana, Canonigo de la Cate- \ dral de
Huesca, con saçonadas traduccionnes de los \ Epigramas de Marcial. \ En
Huesca por luan Nogues MDCXLIX (3"- ImpresionJ ^ .
1. Nous lisons dans Molière et le Th. Esp. de M. E. Martinenche, p. 58, note 2 :
« Voici, par exemple, un madrigal espagnol qui traite un sujet analogue à celui de
l'impromptu de Mascarille. (Il est de Lorenzo Gracian et se trouve dans Agudeza y
arte de ingenio. Huesca, iCig...) >» P. 253 de l'cd. citée, il y a le «madrigal», ou,
comme s'exprime B. Graciân, le «gran concepto », mais il appartient à Camoens.
2. L'éd. princeps de Madrid (Sânchez, 1642) de VArte de Ingenio, tratado de la
Agudeza, n'a pas l'indication de Salinas au titre. Ces deux éditions sont à la Bibl. Nat.
Au Discurso XH, Graciân qualifie Salinas de « tan ingenioso en sus poemas, quan pro-
pio en los agenos.» N. Antonio (I, 35G) ne mentionne de lui que le poème La casta
Susana (Huesca, i65i). Ad. de Castro a réimprimé les traductions des épigranimes de
Martial par Salinas au t. 42, p. 565 seq. de la B. A. E, sans en indiquer aucunement la
provenance. Au t. I (1895-96) do l'eu la Revista critica de R. Altamira, p. 81-88, se
trouvent des lettres de Salinas et Graciân. Ph. H. Kûlb, qui a écrit le bon article
GracidndansVEncyclop. deErschetGruber(/. Sekt.,elc., Leipzig, i864)prétendait, p. 278,
note 8, en en appelant à une gazette qui passait en son temps pour la meilleure
gazette d'érudition allemande, les Acta Eruditorum (cf. sur eux l'art, du bibliothé-
caire de Dresde Ebert dans cette même Encycl., L Thl. [Lpzg., 1818J, p. 34o-3ii), qu'un
Génois aurait traduit l'/tgrudera en italien, mais ajoutait : « es findet sich aber nirgends
eine nàhere Andeutung ûber dièse Uebersetzung oder Bearbeitung. )) En fait, les Acta
Eruditorum avaient plagié une indicatiori d'Amelot de la Houssaye. J'ai recherché le
passage des Acta, H esta l'année iC85, p. 91 : « Agudeza i. e. Acumen quem tractatum
multa Jesuitarum elogia continentem Genuensis quidam Italice verlisse, et suc
nomine edidisse perhibetur. » Cf. la préface (non paginée) de l'éd. de L'Homme de
Cour, dont les Acta rendent compte : « Le troisième |ouvrage] est l'Agudeza, de la
262 COATRIBLTIONS A l'ÉTUUE UE l'hiSPAMSME DE G. E. LESSING
Pourquoi Lessing, puisqu'il faisait tant que corriger Dieze et se
piquait, en passant, d'hispanisme, ne signalait-il pas plutôt à son ami
une autre omission d'une traduction espagnole des épigrammes de
Martial, plus méritoire à relever, à coup sûr, que la précédente, traduc-
tion restée enfouie dans un in-4 publié à Séville, en 1660, par Fernando
de la ïorre Farfan sous le titre : Templo Panegyrico , y Certamen Poetico
en las Jiestas del Sagrario Nuevo de Sevilla? — Quelques lignes avant
sa rectification de l'oubli de Dieze, Lessing avait cité, pêle-mêle avec
d'autres traducteurs en grec de Martial, et sans en désigner la natio-
nalité, certain « Emanuel Martinus ». Se doutait-il que ces versions
n'avaient pas été imprimées, et savait-il que leur auteur n'était autre
que le célèbre doyen d'Alicante, Manuel Marti, celui-là même auquel
le cardinal d'Aguirre avait confié la mission de surveiller l'édition
des deux tomes de la posthume Bibl. hisp. vêtus (Romae, 1696) de
N. Antonio et dont Mayâns devait, avant d'en déplorer la mort dans
une lettre de Madrid, 3 mai 1787, à Francisco de Almeidai, éditer trois
copieux volumes d'épîtres latines, à Madrid, 1785, précédées de sa
Vie, où se trouve, au n* i85, la mention des traductions en question 2 :
(( Martialis Disticha, et Epigrammata aliqiiol Graece expressa. Ea
impense laudavit Janus Interamnensls Ajalaeus, Poeta egregius » ?
i 772. — Zur Gelehrten=Geschichte.
{M. XVI.)
Quelques-unes des remarques de Lessing Zar Gelehrten = Geschichte,
qui remontent en majeure partie aux premières années de Wolfenbiittel,
beauté duquel Don Lastanosa dit, qu'un Génois fut si épris, qu'il le traduisit incon-
tinent en Italien & s'en fit l'auteur. » Kiilb, d'autre part, a oublié de mentionner cette
indication, qui se trouve dans Flôgel et est assez obscure : «Der Professor Adam
Eberti zu Frankfurt batte die gesammten Schriften des Gracian ins Lateinische
ûbersetzt. » (Gesch. der kom. Lit., II, p. 3o5.) On sait qu'il n'existe pas de traduction
connue de l'Agudeza, en dépit de ces deux affirmations.
1. Cette lettre a été publiée par Ochoa, B. A. E., 62, p. 168 seq., mais il n'a pas
mentionné qu'elle avait déjà été imprimée en 1787, in-fol., à Lisbonne.
2. Emmanuelis Martini, Ecclesiae Alonensis Decani Epistolarum libri daodeciin. Acce-
dit ejusdem Auctoris nondum defuncti vita à Gregorio Majansiu conscripta (Madrid
Zûniga, 1785, 3 vol. in-8). Détail curieux, l'ouvrage fut réimprimé à Amsterdam, en
1788, en deux vol. in-4, et bien que Marti fût mort, on laissa sur le litre la mention
nondum defuncti. Dans cette éd., le passage que je cite est p. 92 de la Vita. A la fin des
Epistolae, l'éditeur hollandais a réimprimé VOratio pro crépita ventris habita ad Patres
Crépitantes nb E[inmanuele] M\artino] D[ecano] A[lonensi], qui avait paru à Madrid,
1787, in-8. — La notice sur la traduction grecque de Martial a passé en ces termes
dans la seconde éd. (1788) de la Bibl. hisp. vêtus, I, 88, note i : « Emmanuel demum
Martinus Alonensis Decanus, doctrinae ac scriptorum laude clarus Martialis disticha
et epigrammata aliquot Graecè expressit, impense a lano Interamnensi AyalaBO»
Poeta et ipso minime vulgari, laudala, ut refert civis atque amicus olim singularis
meus Cl. Gregorius Mayansius in cjus Vita praemissa vulgatis Martini Epistolis. »
LA NATURE ET LES SOURCES DE LHISPVMSME DE LESSINO 263
concernant également l'histoire littéraire d'Espagne, vont, en consé-
quence, être soumises au même examen critique que les précédentes.
a. « Joseph de Caceres. »
(M. XVI, 218.)
« Joseph de Caceres.
Wird beym Jôcher mit seinem jûdischen Vornamen Jacob genannt.
Sein Werk ist eine spanische Uebersetzung des Bar tas. »
Jôcher disait (I, 1587) :
« de CACERES (Jac), von einigen falsch Carceres genannt, ein spanischer
Jude, hiess mit seinem Tauff= Nahmen Franciscus, den er aber nach seinem
Uebergange zum Judenthum mit Jacob vertauschte, lebte im Anfange
des 17. Seculi, und gab Gaill. Sallastii Bartasii septem dies hebdomadis
creationis mundi ins Spanische ûbersetzt, unter dem Titel los siete dias
de la semana sobre la creacion del mundo zu Amsterdam 1613 in 8 heraus.
Ant. W. »
Jôcher était censé s'être documenté dans N. Antonio et dans Wolf.
Antonio a, sur l'auteur de la traduction de Guillaume Salluste, des
indications contradictoires. A l'article FRANCISCUS DE CAZERES
(I, l\il\), il n'est pas sûr que le personnage portant ce nom ne soit pas
un religieux de l'Ordre des Séraphins, et ne sait rien de lui, si ce n'est
que « reddidit sermone Hispanico prosaico : Los siete dias de la Semana
de la Creacion del Mundo : ex Gallico Guilielmi Sallustii, Domini de
Barthas. Antuerpiae apud Petrum Bellerum, 1612. 8, » bien qu'il note
que « Error quidem commissus fuit, ut credimus, in constituendo
hoc scriptoris nomine, qui Jacobus Carceres plane est laudatus suo
loco. » En effet, on lit, I, 6i4 :
« lACOBUS DE CARCERES, Hispanus domo (ut cognomentum nostra-
tisque linguae usus dénotât), Hebraicae tamen superstitionis leus, qui nec
venire in censum hune debueiat si non et Hebraeos omnes veteres, atque
Arabes Hispaniae cives, quorum allas notum est in literis nomen atque apud
doctos exislimatio, pro merito cujusque, quod recte dictum est auctori suo
infideli atque iniprobo extorquentes, laudavissemus, laudareque in posterum
constituissemus. Vertit is non ineleganter ex Gallico Guilielmi Sallustii,
celebratissimi poetae, carminé in Hispanicum idioma prosaicum :
Los siete dias de la semana sobre la creacion del mundo. Amstelodami (juxta
Hebraeum computum anno 5372. in 8. hoc est Christi 161 2). »
Enfin, à l'article lOSEPHUS DE CAZERES (1, 883), il est dit que ce
personnage
« diversus a Laurentio, et ut credimus ex Lusitana patria sive origine, apud
Batavos apostata Christlanae piclatis, reddidil versibus (an Lusilanis?)
gfi'l CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANTSAIE DE G. E. LESSINP,
Guilielmi Sallastii, Barthasii Toparchae, Hexameron. sive septem dîes crea-
tionis mundi, Gallice ab eo scriptos elegantissime simul et doclissime'.»
La confusion d'Antonio avait pour point de départ les prénoms
portés par l'auteur de la traduction de la Semaine. Elle devait, en
vérité, être assez difficile à débrouiller, puisque, non seulement Wolf
en fut victime, mais encore, à notre époque, M. Rayserling (Bibl.
Esp.-Port.-Judaica, p, Sa), et, à sa suite, l'auteur de l'article Caceres
dans The Jewish Encyclopedia (t. III, p. 48i [New -York, 1902]), qui
confondent tous notre traducteur avec un autre Francisco de Caceres,
résidant à Francfort 2. Mais nous devons nous borner ici à démontrer
que Lessing a, de nouveau, puisé dans Wolf toute sa science, suivant
sa coutumière tactique de corriger le Gelehrten-Lexikon en recourant
aux sources qu'indiquait ce dernier, mais que des collaborateurs trop
pressés, ou trop peu sérieux, n'avaient, comme tant de fois, qu'impar-
1. Barbosa Machado avait sur lOZE DE CACERES ces renseignements, dont nous
ne marquerons pas les tangibles erreurs : u Joze de Caceres nacido em Portugal, e assis-
tente em Amsterdam, muito versado na intelligencia da lingua Franceza da quai
Iraduzio em a Castelhana : los siete dias de la semana de la creacion del mundo.
Amsterdam, ano de la creacion 5378, que he de Ghristo Senhor Nosso 1675. 8. Dedicado
a lacob Firado Portuguez. « {Bibl. Lus., II, 833). L'article a été repris dans la conti-
nuation de Da Silva par Aranha (t. 12 [Lisboa, i884], p. 264) : « José de Caceres, judeu
portuguez, résidente em Amsterdam. E. — SiSg). Los siete dias, etc. — Amsterdam,
Anno 5378 (de Christo, i575). 8". » Cette erreur de comput ne laisse pas d'être surpre-
nante. L'ouvrage de Caceres est, d'ailleurs, fort rare. En voici le titre exact : Los siete dias
I de la Semana. sobre la | criacion del Mundo. | Por losepho de Caceres. \ Dirixido al muy
Illustre Senor lacob Tyrado, | ... que réside | en esta muy noble y opulenta villa \ de
Amsterdama. \ Por Alberto Boumeester, cerca de la puerta | nueua lunto a la gran calle.
Aho de la cria- | cion del Mundo 5373, [sur le faux titre : 5572], in-8 de i84 pp. avec
portrait gravé sur bois.
2. Ce Francisco de Caceres est l'auteur de Dialogos | Satyricos. \ Por | Francisco de
Caceres. \ En Francaforte, | A Primera de Diziembre. \ 1616. \ Ces dialogues, assez fades,
sont dédiés al muy illustre senor Pedro Falguery ; | Veneciano, et signés : De Francaforte,
a primero de Diziembre de 1616. IJn second ouvrage du même auteur s'intitule : Libro
intitalado : \ Vision De- \ leytable, y su- | mario de todas | las sciencias. | Traducido de
Italiano en Espahol, por \ Francisco de Caceres. | Impresso en Francaforte | en 16. de
Nouiembre \ 1623 Ahos. \ Il est dédié « al Serenissimo Senor, Don Emanuel Principe de
Portugal mi Senor ». Cet auteur est inconnu à Nie. Antonio. Mais Rodriguoz de Castro
a relevé, en 1781 {Bibl. esp., t. I, p. 63o seq.), l'erreur grossière de F. de Caceres, qui
prend pour une œuvre originale la traduction italienne par « Dominico Delphino,
Veneciano» de l'encyclopédie médiévale: Vision deleitable de la Filosofia, etc., de
A. de la Torre (B. A. E., t. 36). Sur la cause de cette erreur, cf. R. Diosdado
Caballero : De prima typographiae hispanicae aetate Spécimen (Romae, 1798, in-4), p. 98.
Rodriguez de Castro n'a connu la version de F. de Caceres que dans la réimpression
d'Amsterdam, i663, mais l'éd. originale est à la Bibl. .\at.: Z 2768. M. Kayserling
n'a vu, lui aussi, que cette édition: d'où sa confusion des deux Caceres, au premier
duquel il attribue les Dialogos satyricos et la traduction de Du Bartas, tandis qu'il fait
de l'autre l'éditeur de la Vision. Signalons, en outre, que laStadtbibliothek de Hambourg
possède une copie manuscrite, de 3i i pages in-4, de la version castillane de la Semaine
(240 f.), que M. Steinschneider (Catal. |FImbg., 1878], 168, n° 348, et Hebr. Bibliogr.,
XVII [Berlin, 1878J, 106) n'a pas su identifier. Disons, enfin, qu'il existe un
second Jacob de Caceres, mais castellano neto celui-là, quoique également inconnu
d'Antonio, et qui composa une pesante De \oe et Arca sacra relectio, nuctore magistro
Fr. de Caceres (Salmanticae, i635, in-8). Cet ouvrage est aussi à la Bibl. iVat.
L\ WTURE ET LES SOURCES PE l/lUSPVMSME HE LESSINC. af)")
faitement, ou point du tout, exploitées. On lit Bibl. hehr., I, 6i3,
(n" I io3) :
« R. JACOB DE CAGERES. — Hispanus ludaeus, qui ex Gallico Guil.
Salluslii carminé converses Hispanice edidit :
Los siete dias de la Semana sobre la Creacion del mundo, h. e. septem dics
hebdomadis creationis mundi, Anistel. 5372. G. 1612. 8. Conf. Nie. Antonii
Bibl. Hispan. Nov. Tom. I, p. 4^7- Hujus credo esse filium Danielem de
Cazeres, qui approbationem Gonciiiatoris R. Menasse ben Israël in Penta-
teuchuin libro ipsi praemisit. »
Mais l'auteur de l'article du Jôcher n'avait pas fait attention à cette
note:
« fnj Eum Nie. Antonius 1. c. minus recte Carceres vocat. Eundem alibi
.Tosephi praenomine dictum inveni.»
Et il avait négligé de se reporter 11, 526, n° Mciii — ce qu'a fait
Lessing :
<' R. JACOB DE CACERES. Josephi nomine appellatur in titulo Hispanicae
versionis, qua Bartasii hebdomadem creationis mundi donavit. Libruni
ipse vidi. Constat pp. i8a. integris. »
p. (( Cas par Caldera. »
(M. XVI, 220.)
<( Sein Tractât de peste, quae anno 16^9 Hispalenseni civitatem corripuii,
den Jôcher nicht hat, und woraus seine Lebenszeit nàher zu bestimmen. »
Jocher, 1, lôôg, disait :
« CALDERA de Heredia (Caspar), ein Medicus von Sevilien, lebte im
17. Seculo, und schrieb tribunal medico-magicum et poUticum ; it. fribanalis
medici illustraciones practicas eum libro de facile parabilibus.
Ant. Li. »
Lessing adresse à Jocher un bizarre reproche. Selon lui, il manque
à l'article Caldera la mention du Traité de la peste de Séville, qui, par
sa date, servirait à préciser l'époque où vécut l'auteur. Or, ce Traité se
trouve n'être que la iS"' Dissertation de la Pars /" du grand ouvrage
en deux parties imprimé en i658 : Casparis Calderae de Heredia,
medici ac philosophi Hispalensis TRIBUNAL MEDIGUM, MAGICUM et
politicum (Lugd. Batav. apud Johan. Elsevirium, i658, in-fol.)
Lessing, qui, ne citant pas exactement le titre de ce Traité ', démontre
par là même qu'il le connaît médiatement, a cru que c'était une œuvre
I. TRACTATDS PER-UTILIS ET NECESSARIUS, DE PESTE Q(J.ffi ANNO cIo
loc ZLIX. Hispalenseni Civitatem maxime, nec oris circunijacenlilms purcitis, contagione
sua misère infecerat, auctore doctore caspare cnldera de Heredia. medirn hispalensi ordi-
nario, p. 5oi-534 de la Pars ["
afifi CONTRIRUTIOXS A l'kTI OE OF. I.'llïSP \MSMF. DE G. T.. I.FSSINO
éditée à part. Pour une fois, il s'est montré infidèle à sa tactique. S'il
eût pris la peine de consulter l'une des deux autorités citées par
Jôcher, il eût évité à peu de frais ce malentendu. Van der Linden, en
eftet, était on ne peut plus clair dans son analyse du contenu de
l'ouvrage de Caldera :
lOH. ANTONID^ VANDER LINDEN etc. DE SCRIPTIS MEDICIS LIBRI
DUO ^Vmstelodami, 1662 [3»"-^ éd.], p. igi; : " CASPAR CALDERA DE
HEREDIA. TRIBUNAL APOLLIM SACRUM etc.. Sunt autem parte I, libro...
XIII : Tractatus de Peste Hispalensi, pag. 501 «
v. « Une « épigramme » de Scarron. »
(M. XVI, 243.)
« Das Epigramm von Scarron auf die Gewalt der Zeit und seine zerrissc-
nen Hosen, welches Bayle so sehr lobt, scheint eine Nachahmung eines
alten Epigranims zu seyn, welches Barth Advers. lib. A'A'A'T7. cap. 11
bekannt gemaclit, und fur lascivum latinum vernileque non monachi-
cum erkannte.
In senectutem.
Utilis est nulli, cunctis ingrata, Senectus,
Te stygio peperit cuna Megaera deo.
Ipsa mihi, pugnas quae nectere mille solebat,
Languida cœruleo mentula victa situ est. »
En 1771, dans ses Remarques sur l' Epigramme, Lessing, ayant cité
cette « épigramme » de Scarron, l'avait fait suivre de ces réflexions
{M. XI, 242) :
« Ich kônnte hier anfûhrcn, dass das Original dièses Scarronschen Sinn-
gedichts oder Sonetts das Epigramm eines alten unbekannten Dichters zu
sein scheine, welches Barth zuerst bekannt gemacht hat, und das noch
lâcherlicher ausfâllt, wenn es anders wahr ist, was Cicero irgendwo
anmerkt', dass das Obscône das Làcherliche vermehre. Denn anstalt der
durchgestossnen Weste — Doch wer Lust hat, kann es bei dem Barth selbst
nachsehen (Advers. Lib. XXXVI. c. 11.) »
L'épigramme rapportée par le célèbre philologue de Ciistrin n'est
pas citée fidèlement par Lessing. Elle se trouve p. 1651, lib. XXXV],
cap. XI des Adversariorum Commentariorum Libri LX, etc. (Franco-
furti, 1624, 1 tome en 2 vol. in-fol.) :
« Epigrammata prisca apiid nos inedita. Eorum unum satis vernile publi-
catur, etc.
Non pauca numéro neque villa pondère Epigrammata inedita habeo,
I. Dans le De Ora tore, 11,63 : uSed scitis esse notissimutn ridiculi genus, quum
aliud expectamus, aliud dicitur. Hic nobismetipsis noster error risum movet. Quod
si admixtum est etiam ambiguum, fit salsius : ut apud Xaevium videtur esse mise-
ricors ille, qui judicatum duci videns, percunctatiir ita, etc. » (Cf. M. XI, 246.)
r.A NATURE ET LES SOI HCES DE E HISPAMSME DE r.ESSIN(; af»-
quae hinc inde priscis Codicibus allita descripsi, unde Pitheana Collectio
poterit fîeri aliquando locuplelior. Taie est quod in Membranis Jacobi de
Caesollis Scachorum ludo subscriptum reperio, cum nonnuUis Germanis
Rythmis Magistri Fridangi. Quod ego lascivum latinum, vernileque non
monachicum agnosco, certè indignum quod apud me potissimum pereat.
In Senectutem.
Te Stygio peperit *cana Megaera Deo.
Ml adco firmum est quod non tua robora frangant.
Arma, stilos, cartas, saxa, metalla, Deos.
Carmina vivaci membranis illita succo
Annorum série debilitata cadunt.
Ipsa mihi, pugnas quae nectere mille solebat,
^Equaleis inter maxima dicta suas.
Numquam sueta nisi jugulato cedere ab hoste,
Inque imis mortes quaerere visceribus.
Virgineis ambità choris, adamataque puellis,
Quamque hostes etiam charam habuere sui.
nia caput roseum florenti sandice cincta,
Languida caeruleo mentula victa situ est. »
Le sonnet de Scarron, publié originairement dans Les Œuvres bur-
lesques de M. Scarron (Paris, i65i), 3"" Part., p. 6*2, est trop connu
pour que nous le réimprimions, après tant d'autres. Lessing l'a jugé
en ces termes (M. XI, 24i) :
« Die Posse thut ihre Wirkung. Gleichwohl ist auch hier der Sprung
nicht vôllig unvorbereitet. In der pompôsen Erwartung mangeit es nicht
ganz an burlesken Ausdrûcken, durch die wir unmerklich auf ihn ansetzen :
und mag er doch gerathen wie er will: wir soUen ja nur lachen. »
Quand il prétend, cependant, que Bayle l'a loué « so sehr», il
exagère. Bayle en a parlé à l'article Bautru (Guillaume) du Dict. Crii.
{Éd. d'Amsterdam 1780, i, 485):
« Scarron, qui donnoit un air burlesque à toutes choses, n'a pas épargné
celle-ci. Voiez le fameux sonnet, qui commence par
Superbes Monumens de l'orgueil des humains.
Pyramides, tombeaux, dont la vaine structure...
et dont les derniers vers sont... [suivent ces vers, et c'est tout]. »
D'autre part, Lessing dépasse manifestement les limites de la saine
critique lorsqu'il veut voir en la pâle épigramme qu'il a trouvée dans
l'austère compilation de l'érudit traducteur de la Celestina et de Gil
Polo la source du sonnet de Paul Scarron. A coup sûr, nous n'aurions
pas songé à adresser à Lessing le reproche, futile, de ne pas connaître
une poésie castillane, si le sonnet de Lope-Burguillos, plagié par
l'époux disgracié de l'héroïne du mystère de Fontainebleau, était resté
• Ms. Giina.
•ificS CONTRTBL•TIO^S A t/rTUDE DE l/HTSPAMSME DE G. E. I.ESSINO
en 1771, enfoui parmi les rimes du volume publié à Madrid en i634,
in-4, puis rééd. en 1674, ibid., sous le titre : Rimas humanas y divinas
del licenciado Tome de Burquillos. Mais puisqu'il avait, indirectement,
fourni les éléments d'une polémique entre deux érudits fameux, le biblio-
thécaire de Wolfenbiittel eût fort bien pu ne pas l'ignorer. iNous avons
signalé plus haut, à propos de YArte nuevo, qu'Adrien Baillet parlait,
dans ses Jiigemens des Savans, de Lope avec assez peu de compétence.
Il lui était, en particulier, arrivé d'y commettre, sur la foi d'une indica-
tion mal comprise de Nie. Antonio à l'art. Vega, la plaisante erreur (/. IV,
part. U,p. 8 de léd. originale) de prendre les Rimas humanas y divinas
et la Gaiomaquia pour deux ouvrages édités séparément et à des inter-
valles distincts. Ménage, dont la jalousie et la fureur de polémique ainsi
que la pédante susceptibilité ne pouvaient pardonner à son rival en
érudition de l'avoir repris plusieurs fois dans cette compilation célèbre,
où, à côté d'erreurs et malgré le manque de méthode, on trouve encore,
ne craignons pas d'insister sur ce point, — car trop peu nombreux sont
de nos jours ceux qui lisent nos polyhistoriens, — maintes parties utiles
fondues avec soin et classées avec discernement, saisit cette occasion
facile de relever la bévue du bibliothécaire de M. de Lamoignon. Il le fit,
naturellement, dans VAnti-Baillet, t. I, p. 210 de l'éd. de La Haye, 1688,
en 2 vol. in-i2, où il donnait une rapide analyse des Rimas. C'est là
aussi que, pour la première fois, a été identifiée la source de Scarron :
« Il y en a un autre [sonnet] au feuillet 28, qui commence par ce vers,
Soberuias torres, altos edificios.
et qui finit par ceux-ci,
O gran Gonsuelo a mi esperança vana
Que el tiempo que os bolvio brèves ruinas,
No es mucho que acabasse mi sotana.
Ces deux sonnets [celui-ci et celui qui commence par le vers :
Al pie del jaspe de un ferez penasco]
ont été heureusement imitez par Mr. Scarron » '
I. Sur l'origine italienne du sonnet burlesque de Lope, cf. la Troisième Série des
Études sur CEspagne, par M. A. Morel-Fatio (Paris, igoi), p. lii : Histoire de Deux
Sonnets, I. M. Morel-Fatio n'a d'ailleurs rien dit de la question qui nous occupe dans
cette étude et s'est borné à signaler, parmi ceux qui ont fait le rapprochement Lope-
Scarron, L. Lemcke et M. Em. Roy. Mais Lemcke, qui s'octroie tacitement la gloire
d'une identification vieille de plus d'un siècle et demi à la date où il a écrit sa note
p. W6 du t. 2 du Handbuch: « Ein bekanntes burleskes Madrigal von dem franzo-
sischen Dichter Scarron, welches immer fur Original gilt, ist nichts als eine freie
Bearbeitung dièses Sonetts », méritait peut-être un peu moins les honneurs d'une
mention que Ménage. Il n'y a pas un mot des sonnets de Scarron imités de Lope
— qui sont au nombre de trois — dans le Scarron de M. Paul Morillot (Paris; 1888).
C'est M. Emile Uoy qui en a rappelé et précisé l'origine dans La Vie et les Œuvres de
Charles Sorel (Paris, i8gi), p. 160, puis, à sa suite sans doute, M. E. Marlinenche,
qui écrit dans La Comedia Espagnole en France de Hardy à Bacine (Paris, igoo).
p. 370, note 2 : « Lisez, par exemple, le fameux sonnet do Scarron sur les monuments
I
I
L\ NATURK ET LES SOURCES PE I.'hISPAMSME DE I.ESSTNG afiq
1775. Le Viage de Espana de « D. Pietro Antonio
de la Puente ».
(M. XVI, 273.)
\n Tagebuch der italienischen Reise (1775)», triste et rébarbative
compilation de notes d'érudition, où l'accent personnel ne se perçoit
presque jamais, Lessing a écrit ce passage :
« Wenn sich die Italiener ûber so \\Gle pretese descrizioni d'Italia beklagen,
che certi più corrieri, che viaggiatorl d'oUre monti, hanno il coraggio di
pablicare : so haben sic sich das Uebel zum Theil seibst zuzuschreiben, wcii
noch kein Italiener seibst sich an eine dergleichen Arbeit gemacht hat, noch
machen wilP. Seibst die Spanier sind ihnen darinn zuvorgekommen, als
welche nunmehr eine Reise duixh ihr Land von einem Spanier seibst haben,
die ailes merkwûrdige genau beschreibt. Viage de Espana ihr Verfasser
heisst D. Pietro Antonio de la Puente, und die zwey ersten Theile sind
bereits 1772 zu Madrid gedruckt. Es wâre zu wûnschen, dass wir Deutsche
eine Uebersetzung von diesem Werke hàtten. »
romains qui tombent en ruine comme les vieux pourpoints. Ce n'est qu'une traduc-
tion de Lope:
t Soberbias torres, altos edificios
(Rimas hum. y divin., Madrid, 1633). «
Ajoutons que le sonnet de Scarron a été traduit en 1790, sans indications aucunes
qui pussent révéler qu'il s'agissait d'une traduction, par A. Wilhelm Schlegel — qui
l'avait sans doute remarqué grâce à Lessing — p. aaS du Mdsenalmanach (édité
à Gôttingen), sous le titre : Auf die Vergânglichkeit ailes Jrdischen. Il a été inséré t. IJ,
p. 364 dans l'édition Bôcking des Werke (Leipzig, i8/!i6). Le Dr. H. Welti s'est permis
d'écrire que c'était une production originale (Geschichte des Sonetlcs in der deutschen
Dichtung, [Leipzig, 188U, in-8,\ p. 161). Or, il a dédié son volume à M. Michael Bernays,
et c'est justement cet érudit qui, dans sa brochure : Zur Entstehungsgeschichte des
Schlegelschen Shakespeare (Leipzig, 1872, p. 40, note 42), signala 1' « emprunt )> de
A. Wilhelm Schlegel et caractérisa le sonnet traduit en disant qu'il " mit so
schvverfâlliger Stattlichkeit in Alexandrinern einherschreitet. n
I. Il y aurait une étude à entreprendre suri' « italianisme» de Lessing, caries
deux esquisses du D' E. Maddalena : Lessing e Vltalia, vol. IV des Atli del Congresso
interna: ionale di scienze storiche (Sezione Storia délie Letterature, p. iSS-igS, [Roma 1903,
et tirage à part, Roma, 190/i]), puis Lessing e Goldoni, publiée dans le Giornale Sloriro
de Novati et Renier, avec tirage à part (Torino, 190O, 22 p. in-8) ne prétendent pas,
j'imagine, épuiser la matière. Une récente publication de M. C. von Klenze : The
interprétation of Italy daring the last two Centuries. A contribution for the study of Gœthe's
Italienische Reise (Chicago, 1907 [The Decennial Public. Sec. Ser. vol. XVII], XV et 167
p. in-8), n'apporte rien de nouveau touchant Lessing et l'Italie dans une trop courte
note, tout à fait impersonnelle, p. 27. Cf. sur cet ouvrage la critique que j'ai donnée
au n' 2 du Ballet. Italien, 1908.
2. En acceptant cette affirmation, Lessing démontre qu'il n'est guère mieux ren-
seigné sur la littérature des descriptions de l'Italie par des Italiens que sur celle des
Voyagei d'Espagne. Que ne lisait-il, p. ex. dans Lalande — d'où .!. J. Volkmann, le
guide utilisé par Lessing en Italie, a tiré la matière de sa compilation parue en 3 vol.
à Leipzig en 1770-71 — les références d'ouvrages i<a/(ens décrivant soit Rome, soit
Florence, soit Vicenza, soitVerona, soit Milan, soit Bologne, soit Sienne, etc., et dont
M. V. Klenze fournit à son tour un relevé sommaire, op. cit., p. 32-3^, noie.
270 CONTRIBUTIONS A h ETUDE DE L HISPANISME DE G. E. LESSING
Ces lignes furent écrites l'an 1770. Cette même année paraissait à
Leipzig en un vol. grand in-8 de 287 p. le I" tome du Viage de Espana
traduit en allemand sous le titre : Don Pedro Antonio de la Puente,
Reise durch Spanien, oderBriefe ilher die vornehmsten Merkwilrdigkeiten
in diesem Reiche. Aus dem Spanischen iiherselzt. Mit Erlàuterungen und
Zusâtzen von Joh. Andr. Dieze, Prof, der gel. Gesch. zu Gôttingen, et
le second volume, correspondant au second tome du Viage, fut mis
en vente l'année suivante. Cette traduction — malheureusement dé-
parée par de nombreux errata — contenait, outre d'excellentes correc-
tions sous forme de notes et d'adjonctions, un précieux catalogue
critique, — allant de la page 257 a la page 286 du t. II — , des Voyages
en Espagne, dont le premier cité était celui du chevalier d'Ehin-
gen (1600), et ce fut en toute justice que les Gôttingische Anzeigen
xion Gelehrten Sachen {60. StUck, 19 mai 1 777) la recommandèrent, non,
toutefois, sans quelques réticences, à leur clientèle érudite'. Il semble
admissible que, pour réaliser un semblable travail, Dieze ait eu besoin
d'années et que l'espace qui sépare la publication du premier volume
(1772) du Viage de Ponz et la mise en vente de la traduction alle-
mande n'ait point été trop long pour mener, dans les intervalles que
laissait libres à l'auteur sa carrière académique, ce minutieux travail
à bonne fin. Cependant M. A. Farinelli est convaincu que la version de
Dieze fut faite « hôchst wahrscheinlich nach dem RMe Lessings » (art.
cit., p. 812). Un peu de réflexion eût dû, semble-t-il, mettre le sens cri-
tique de ce fortuné chercheur en éveil. La graphie hybride « D. Pietro »
sent trop son Italie pour que l'on iie soit tenté de rechercher si Lessing
n'aurait pas pris dans quelque recueil italien d'érudition sa courte
notice. Nous savions, par une lettre de Weisse à Bertuch publiée
en 1896 par M. Ludwig Geiger», que le périodique italien Efemeridi
I. Dans ce compte rendu, nous noterons cette phrase : « Durch das ganze Werk
erhellet, dass von den Werken der grossen Meister der schônsten Zeitalter eine grosse
und vielleicht die grôssere Anzahl in Spanien zu suchen ist» (p. ^76). Les caisses de
vieux livres espagnols qu'enverra, moins d'un demi-siècle plus tard, par l'intermé-
diaire des capitaines hambourgeois partant de Câdiz, Bôhl von Faber à ses amis hispa-
nisants du pays natal, ,Julius,Gries, Keil, Schlegel,Tieck, É/c.,ne seront que la mise en
action, restreinte au terrain littéraire, du conseil de la gazette de Gôttingen. — Bien
que Dieze n'ait publié que les deux premiers volumes du Viaje, il travaillait encore
à la continuation de sa traduction en 1777, comme en fait foi une note insérée par
Murr, p. 3i3 de la cinquième partie (Nûrnberg, 1777) de son Journal zar Kunst-
geschichle, etc., dont il sera question plus bas. Une sèche analyse des t. III-XII du
Viage se trouve dans les Gôlt. An:. 1786, n°' 58, 62, 70. En 1774, La Dixmerie avait
donné, dans son journal mensuel L'Espagne Littéraire — ces quatre précieux volumes
in-i2, totalement oubliés, même des spécialistes, [Bibl. Aat.: Z, U7981-98i\, mérite-
raient, ne fût-ce qu'à cause des deux caractéristiques Prospectus, un peu plus d'égards
— une fort longue analyse du premier vol. de Ponz (t. I, p. i2o-i36, 191-201, 279-287;
t. II, p. i35-i44)
3. Chr. FeL Weisses Briefe an J. F. Bertach, mgtlt. von L. Geiger, dans Ztschft. fiir
vergl. Litgschte. N. F., X, (1896), p. lUl. Weisse écrit au commencement de 1770 a
Bertuch : « Des Puentes spanische Reisebeschreibung mûssen Sie besser als ich
beurl«ilen kônnen, da ich sie blos aus der hohen Empfehlung der Ephemeridis
LA NATtRE ET LES SOLKGES DE l'hiSPAMSME DE LESSl^iG 27 1
letterarie di Roma avait imprimé un compte rendu du J'iage qui avait
été remarqué en Allemagne. D'autre part, une lecture quelque peu
attentive du Tagebiich der italienischen Reise prouve que Lessing a
utilisé en Italie ce même périodique. Au § : Zur Geschichte des italien.
Theaters iiberhaupl, il renvoie, en effet, à propos de Goldoni, aux
« Ëfemeridi letterarie di Roma per 1773 )u. 11 n'était besoin, par suite,
que de collationner les livraisons de cette revue pour être fixé sur
l'originalité du renseignement du Tagebuch. Au n" 1 1 1 (Li 16 Gennajo)
du tome II (1773), p. 28-24, on lit, en effet :
(i Madrid.
Viage de Espana, etc. Maggio di Spagna, o sia nolizie délie cose pià
pregevoli, e degne di essere conosciute in que' regni: opéra di D. Pielro
Antonio de la Puente. 1772. in 8.
Il poco numéro de' libri Spagnuoli, de' quali si è per noi fatta menziono
nelle nostre Ëfemeridi è troppo compensato dal pregio singolare de' mede-
simi, 1 quali veramente fanno onore a quella illustre nazione, ed al secolo.
Degna d'eguale commendazione si è pure l'opéra, che qui si reca, del Signor
D. Pielro de la Puente, il quale in questo suo primo Tomo ci dà olto rela-
zioni, o sia carte, dalle quali apprendiamo una quanlltà di belle nolizie
concernenti le Spagne, poco fin ora conosciute dagli stranieri. Le belle
arti, i Professori, e gli amatori délie medesime saran di molto obbligali al
N. A., il quale giudica délie cose con gran criterio, parla con liberté
filosofica, scopre gli sbagli infiniti del Palomino, dimostra il poco merito di
alcuni monumenli fra que' popoli troppo riputati, e la eccellenza di altri
stali sin' oi'a ignorati, o negletli ; propone savj progetti, e viste utili al
pubblico, dettati dal vero amor délia patria, e scrive al tempo medesimo
con rispetto, con decenza, con precisione, e con eleganza e se
gli altri volumi, corne speriamo, saranno lavorati sul gusto del
présente, sarà la Spagna più fortunata dell' Italia, mentre un suo dotto
paesano ce ne darà una relazione giusta, e sincera, e non simile aile tante
pretese descrizioni d'italia, che certi più corrieri, che viaggiatori d'oltre
monti hanno il coraggio di pubblicare... ^. »
Si Lessing avait connu directement et personnellement l'ouvrage
de Ponz, il n'aurait pas, en 1775, transcrit un insignifiant compte
lilerariae kenne. » M. A. Farinelli — qui note que Dieze a publié en 1776 la tra-
duction du i" volume «des Antonio de la Puente» — fait de A. Ponz un continuateur
de ce dernier, dans la suite de ses études de 1892 parue en 1895 au t. 8 de la Zlschft.
fixr vergl. Litg. N. F. (p. 296, note, et p. 307).
1. C'est sans doute cette indication qui a donné à M. Muncker l'idée de son étude :
Eine Hauptquelle fiir Lessings Tagebuch seiner italienischen Reise, p. iSi-igi des Germa-
nistische Abhandlungen Hermann Paul :um 17. Màrz 1902 dargebracht (Strasbourg,
1903). M. Muncker a oublié de consulter, sur les Ëfemeridi, le Dizionario di opère
anon. e pseud. di scriit. ilal. (Milano, 1848), 1, 3i3. 11 y aurait vu que Bianconi signait
ses contributions : Un amalore délie belle arti, et aurait perdu toute tiésitation sur
l'époque où disparut le périodique : 1797. La collection se compose de 26 tomes in-i
et est complète à la Bibliothèque Nationale.
2. Suit l'analyse sommaire du premier volume. Lessing ne semble même pas
avoir vu que, dans le même tome de 1778 des Ëfemeridi, avait «Hé analysé le second
\olume de l'oitvrage de Ponz (pp. 3i i-3i2 et 3i7-3i(j), qui avait paru celle année
même, 1770, à Madrid, in-8.
■J-j-J GO.NTRIBLTIO.NS A L ETLUt DE L UISPAMSiLE DE G. E. LESSING
rendu paru à son sujet en 1773, et aurait, au surplus, su à quoi s'en
tenir sur ce prétendu k D. Pietro Antonio delà Puente », puisque dans
le 3°" volume du Viage de Espana, en lo que se da noticia de las cosas
mds apreciables , y dignas de saberse, que hay en ella, paru en 177 U^,
l'adroit courtisan de Charles 111 se déclarait sous son nom véritable
et expliquait en ces termes, au Prôlogo, les raisons pour lesquelles les
deux premiers tomes étaient signés de la traduction castillane de son
patronymique : Puente :
u El autor de esta obra no permitiô en manera alguna, que se pusiese su
apellido en el frontispicio ; y solo convino en ello, con tal que se alterase,
convirliendole en Puente, que al fin en su origen es lo mismo que Ponz. Tal
era la desconfianza, que de su obra ténia, que por mas que sus amigos le
persuadieron en contrario, no hubo forma de venir en ello ; y aun seguiria
ahora con la misma idea, si no hubiera intervenido insinuacion superior,
que se lo impidiese. »
Nous osons espérer que M. A. Farinelli renoncera, dans l'édition de
ses Œuvres Complètes, à insérer le « hôchst wahrscheinlich, etc. » et,
de façon plus générale, certaines de ses effusions lessingophiles, si
hautement malencontreuses.
■1777. L'Alcalde de Zalamea.
{M. m, i4.)
M. Muncker écrit, 111, Vorrede, p. XIV :
«In demselben Herbst [1777], dachte er [Lessing] daran, Galderons
« Richter von Zalamea " vollkommen zu verdeutschen, nicht blos zu
ùbersetzen ; am 20. September bat er seinen Bruder, ihm die franzôsische
Uebersetzung dièses Stùckes ini « Mercure de France» zu schicken. »
Ecoutons parler Lessing 2 :
«.V. S. Es fàllt mir bei, Dich noch um eine Gefàlligkeit zu bitten. In
dem Mercure de France vom Jahre 1760-69 befindet sich eine aus dera
Spanischen ùbersetzte Komôdie, in der ein gemeiner Mann, ich weiss nicht
mehr welche sonderbare Gerichtsbarkeit hatte, vermôge solcher sich an eineni
vornehmen Manne selbst Recht schaffte, der seine Tochter verfûhrt hatle.
Es ist mir ein Umstand eingefallen, Avodurch dièses Stûck, das mir ausser-
ordentlich gefallen, sich vollkommen verdeutschen ("etwas mehr als
ùbersetzen) liesse. Nun erinnere ich mich, dass Nicolai den Mercure von
diesen Jahren hatte. Sei doch also so gut, und such mir den Band, worin
gedachtes Drama steht, je eher je lieber in einer mûssigen Stunde auf,
1. Ainsi, d'ailleurs, que le quatrième.
2. Je reproduis le texte de l'édition Hempel, XX', p. 722, le vol. XVIII de l'éd.
Muncker, qui contiendrait celle lettre, n'ayant pas paru à la date où je transcis
mon travail.
LA ^AlLUt ET LES SOLHUliS DE l'hISPA.MSME DE LESSl.XG ^73
ehe inir der Einfall wieder aus dein Kopfe koinmt. Ich kônnte Dir wenigs-
lens damit cine Arbeit unter den Fuss geben, die aile Anlage halte, fur
unser Theater sehr intéressant zu werden. »
Guhrauer, qui possédait un grand fonds de pudeur critique, bien que
foncièrement convaincu de la réalité de l'hispanisme de Lessing,
n'avait pu s'abstenir de manifester quelque étonnement en présence
de cette lettre. « Es ist auffallend, » écrivit-il. II' 827, «dass Lessing den
Calderon als den Verfasser jenes ins Franzôsische iibersetzten Stûckes
nicht gekannt zu haben scheint. » M. Erich Schmidt eût eu honte de
si mesquins scrupules. Conformément à cette logique qui l'a fait
déclarer, I, 191, que Lessing, après u une superficielle étude de l'es-
pagnol » à Berlin, en 1760, et « à peine initié aux rudiments du cas-
tillan », avait réalisé le tour de force de lire dans le texte « de joyeux
romans picaresques » espagnols, puis de <( s'enquérir de leurs auteurs »!,
le Geheimer Regierungsrat déclare sans rire que Lessing « en sa qualité
de remanieur de VAlcalde de Zalamea » n'eût pas craint de donner à
son Emiiia Galolli une allure tragique (11, 89). Le dévotieux patriote
qui lit cette vaticination de l'illustre professeur berlinois et à qui il ne
viendrait jamais à la pensée — d'ailleurs le pourrait-il? — de contrôler
si véritablement Lessing a « remanié » VAlcalde, sent palpiter d'or-
gueil son cœur teuton et la « méthode allemande » célèbre un modeste,
mais radieux triomphe. Maltzahn et Boxberger, rendons-leur cette
justice, n'avaient point osé procéder aussi cavalièrement que M. Erich
Schmidt. En face de l'évidente et humiliante ignorance de Lessing,
ils imaginèrent un expédient d'une subtilité des plus touchantes. Une
notelette de leur réédition de Danzel- Guhrauer (II, 655) insinuait tout
doucettement que peut-être ne s'agissait-il pas du drame, fort connu
alors et déjà, nous allons le voir, de Calderon, mais d'une autre pro-
duction dramatique d'un autre Espagnol. Et ils renvoyaient — clas-
sique procédé — à R. Proiss, Geschichte des neiieren Dr amas (Leipzig,
1880, seq., I, 36o). Or, que trouve-t-on dans R. Prôlss? Simplement, et
d'après Schack, — toujours Schack, — la mention que VAlcalde pour-
rait n'être qu'une refonte du drame de même nom de Lope, hypo-
thèse contre laquelle Proiss, d'ailleurs incompétent en cette matière,
s'élève 2. Ce petit et innocent stratagème avait pour but, on l'a
1 . C'est la fougue hispanophile de Lessing qui doit expliquer, dans le système de
M. E. S., que son héros dévorât d'abord les novelas picarescas et ne. songeât qu'après
lecture faite à se renseigner sur leurs auteurs.
2. Quand Schack (Perspektiven. Vermischte Schriften [Stuttgart, 1894]) traitant (à
la section : Literarisches ans Spanien, au tome I [p. 173-198]) des deux Alcalde, p. 19:-
198, écrit, sur la foi de Hartzenbusch,quc (p. 198) VAlcalde de Calderon «n'est pas un
plagiat de cehii de Lope », il a parfaitement raison. «Es bat, » ajoute-t-il, «hier cin
Wettstreit zweier Génies stattgefunden ; der Meister ist zwar vorausgegangen, aber
sein Schûler hat ihn vveit ûbertroffen. » L'autorité de R. Proiss n'aurait pas dû en
imposer aux rééditeurs du Lesaina de Oanzel-Guhrauer, car il ne parlait pas en spécia-
liste, mais en compilateur. Mais il est si facile de renvoyer à autrui pour se dispenser
2-4 COATRIBUTIONS A L'ÉTtDt: DE l'hISPANISME DE G. E. LESSl.XG
deviné, de détruire l'impression pénible causée sur le lecteur, si
fort disposé à admirer, par la remarque d'un livre qui inaugura
la Lessingforschang touchant l'ignorance hispanique de Lessing.
Nous ne perdrons pas le temps à épiloguer futilement sur la ques-
tion de savoir si Lessing pouvait avoir connu — notons qu'il s'agit
d'une soi-disant traduction Jrançaise parue dans le Mercure de 1760-
69 et gardons-nous de déplacer le problème — YAlcalde de Lope, tota-
lement ignoré à cette époque, et qui le serait sans doute encore
aujourd'hui en Allemagne de la majorité des Lessing forscher, si
Krenkel ne l'avait publié au tome III de son édition fragmentaire de
Calderôn. N'est-il pas étrange, d'autre part, d'avoir à constater qu'au-
cun de ces Lessingforscher qui entassent hypothèse sur hypothèse dès
qu'il s'agit d'emprunts espagnols de leur héros, ne se soit d'abord
soucié de recherclier dans le Mercure de quelle traduction il s'agissait,
et qu'il ait fallu que Max Krenkel, un outsider, fît faire cette besogne,
primordiale et indispensable, par un collègue? Krenkel a mis, en effet,
en note à la page 126 de son Introduction à YAlcalde, au tome III et
final (1887) de ses Klassische Buhnendichlungen der Spanier, {note 2),
cette indication: «Herr Dr.Besser hat dieselben[les livraisons du Mer-
cure ] auf mein Ersuchen in Paris durchgesehen, ohne eine Spur des
Alcalde de Zalamea zu entdecken. » Mais le Dr. Besser devait être —
s'il est vrai que « nomina sunt omina » — un robuste optimiste, et,
j'imagine, un brin Lessingforscher. Lessing avait déclaré à Gleim, le
I" février 1767 (M. XVII, 228), qu'il se trouvait embarrassé d'une plé-
thore de gazettes, qu'il eût désiré vendre à quelque riche et savant
chanoine : ^
« Ich wûnschte, dass Sie einen reichen gelehrten Domherrn wûssten, der
mir wenigstens meine Journale abhandeln wollte. Ich habe das Journal des
Savons bis auf 17G4 complet, in 235 Bànden ; den Mercure de France bis auf
1758, in 254 Bânden ; die Acla Eruditorum, das Année littéraire von Freron,
kurz einen Prass von solchen Werken von siebendehalbhundert Bànden, die
mir herzlich zur Last sind und die man doch nur selten so voUstàndig
findet. »
Le D"* Besser avait conclu, intrépide, de cet aveu, que ^^ somit ist die
Môglichkeit nicht ausgeschlossen, dass er [Lessing] in einem alteren
Jahrgange dieser Zeitschrift die erwàhnte Uebersetzung gelesen
batte». Mais il n'avait point eu le courage d'y aller voir. En revanche,
il avait imaginé, pour excuser l' « erreur » de Lessing, de narrer à
Krenkel « dass der Jahrgang 1769 des Mercure eine Nouvelle Espagnole
de chercher soi-même! C'est ainsi que, justement à propos du thème qui nous
occupe, M. Breymann, op. cit., p. 125, prétend que le recueil de Linguet, dont il va être
question, parut d'abord à Paris en 1768, puis en a' édition en 1770: opinion
sans doute prise sans plus — bien que M. B. dise avoir eu en mains l'ouvrage original
— dans Koberstein, Grundriss der Geschichte der deutschen .\atiunalliteratur (5. Aull.
Lpzg., i87:i-i874), IV, I.J2.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSIINO ■2']5
enthalt, deren Schluss eine schwache Aehnlichkeit mit der Katas-
trophe des Calderonschen Stlickes aufweist... » Des insinuations, de
l'a peu près, on le voit, et cela par horreur du sacrilège qui eût con-
sisté à mettre à nu l'étourderie de l'idole ! La « nouvelle « du D"^ Bes-
ser se trouve p. i8-3i du Mercure de décembre 1769. Elle s'intitule :
Alonzo et Carlos, Histoire espagnole. Elle ne contient aucune donnée
qui puisse justifier la prétendue confusion de Lessing, lequJ parle
clairement, qu'on relise ses paroles, d'un u homme du commun », qui
se rend justice soi-même sur « un personnage de qualité », séducteur
de sa fille, action qui se déroule dans « une comédie traduite de
l'espagnol. » Or, que nous oiïre Alonzo et Carlos? L'aventure d'un jeune
prince maure, Zanga, qui se venge sur deux gentilshommes castillans,
Alonzo et Carlos, ainsi que sur la femme du premier, Léonore, de la
ruine de sa famille « après la bataille d'Oran », semant la mort et
créant l'irréparable dans un milieu jadis ami, après quoi, satisfait, il
met fin, sans nul remords, à ses jours. La description, d'un conven-
tionalisme banal, est dénuée de couleur locale et ne rappelle par
aucun détail l'austère drame de vertu civique castillane si habilement
échafaudé par Calderôn.
Convaincu d'avance de l'inutilité de cette énervante recherche, — et
l'on sait quel martyre il faut sub'ir, à la Bibliothèque Nationale, pour
obtenir communication d'une collection complète d'un périodique —
nous avons, pour acquit de conscience et afin de réduire à sa valeur adé-
quate l'insinuation du D" Besser, parcouru feuille par feuille les
années du Mercure de France depuis la date, 1717, oii il succéda au
Mercure Galant, qui, à lui seul, compte 609 volumes, allant de 1672 à
17 16. Rien ne s'y trouve — le fait sera, du moins, prouvé documentai-
rement — jusqu'à la fin de l'année 1769, qui, de près ou de loin, rap-
pelle YAlcalde, et il est désormais avéré que Lessing n'a pas lu dans
le Mercure de France une traduction du chef-d'œuvre du chapelain
honoraire de Philippe IV. Si le D"^ Besser eût possédé quelque teinture
de la bibliographie des Œuvres de Calderôn, il eût réfléchi que plu-
sieurs comedias, dont YAlcalde de Zalaniea, ayant paru en traduction
française en 1770 à Paris, il était, par suite, fort probable que Les-
sing n'en avait trouvé dans le Mercure qu'un résumé. 11 n'eût été
besoin, pour constater le bien-fondé de l'hypothèse, que d'ouvrir le
n'^ d'Avril 1770, i" volume, de ce périodique. On y rencontre, p. 75-83,
une analyse détaillée des versions de Linguet, sous le titre :
« Nouvelles Littéraires. Théâtre espagnol, avec cette épigraphe :
Cùin Jîueret latulentus , erat qaod tollere velles.
Horat. »
P. 79, ce passage concernant YAlcalde :
« La première pièce du second volume est intitulée le Viol puni. C'est un
drame singulier dans lequel un capitaine enlevé & viole la fille d'un paysan :
PITOI-Ltr.
3-6 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISMË DE G. E. LESSING
& le paysan, nommé à la place d'Alcalde fait arrêter le capitaine. Le roi Phi-
lippe Il arrive à la fin de la pièce, & approuve la conduite de l'Alcalde.
Des scènes plaisantes y amènent des scènes nobles & pathétiques dans
lesquelles le paysan Grespo joue, avec sa famille, un rôle admirable... »
L'auteur de ce compte rendu concluait sa longue analyse par des
compliments au traducteur :
« Ce théâtre espagnol sera plus favorablement accueilli du public que ne le
fut, il y a trente ans, l'essai sur le même théâtre de M. du Perron de Gas-
tera, traducteur du Camoens. 11 mérite d'être placé à la suite du théâtre des
Grecs du P. Brumoy, du théâtre anglais de M. de la Place. »
Serrant, malgré une rédaction fort différente, d'assez près l'analyse
du Mercure dans maints détails, les Gôttingische Anzeigen du ii oc-
tobre 1770 {122. Stuck, p. 1070 seq.) annoncèrent à leur tour le Théâ-
tre Espagnol de Linguet aux érudits d'Allemagne, en ces termes :
(c Paris. Hansy der jùngere hat A. 1770 drey Duodezbânde mit dem Titel
abgedruckt : Théâtre Espagnol. Der Herausgeber, Hr. Linguet, sagt in der
Vorrede der Spanischen Académie viele Schmeicheleyen vor : die Spanische
Sprache, sagt er, war unter der Anna von Oesterreich zu Paris so gemein
als die franzôsische, und Benserade und Voiture waren mehr Spanier als
Franzosen. Der âltre Corneille, noch mehr der jûngere, und Molière haben
reichlich in den spanischen Quellen geschôpft. Die kleinen Romane der
damahligen Zeiten waren fast aile aus dem Spanischen ùbersetzt. Hiernâchst
sagt Hr. L. das gute und bôse der Spanischen Schauspiele. Jenes setzt er,
und mit Recht, in die Kunst, Verwirrungen in das Schauspiel zu bringen ;
und die Personen in die grossie Verlegenheit zu setzen. Die wunderlichen
Flitlerzierathen hat er fast durchgehends weggeschnitten, die fur uns
unertrâglich seyn Avûrden. Ein anderer Fehler, die Hr. L. nicht anzeigt, ist
die Monotonie der Gharactere. Aile Verliebte sind heftig, wagen ailes,
zeigen viele Grossmuth und glauben sich berechtigt, ihre Rache anszuùben.
Kaum haben wir einen einzigen Charakter in der Sammlung gefunden, der
einige besondere Zûge batte, den alcalde Crespo ausgenommen. Das Frauen-
zimmer hat noch weniger Verschiedenheit, und ist durchgehends so
verliebt als immer die Mànner. Die einzige Melindrosa ist eine Caricatur.
Herr Linguet hat im ersten Bande einige Stûcke des fruchtbaren Lopez de
Vega Carpio ùbersetzt : er verlâsst ihn aber bey der Melindrosa, deren
letztern Theil er sich nicht getraut hat, auch nur im Auszuge zu liefern.
Don Pedro Galderon de la Barca zieht er dem Lopez weit vor, doch dùnkt
uns, sein Vorzug bestehe bloss in der Zusammenfassung unvermutheter
Begegnungen, wodurch die Personen in bestàndige Verwirrung gesetzt
werden. Seine Gelehrtheit sieht man aus einem Schauspiele, das eine wie-
nerische Geschichte zum Vorwurfe hat. Wien hat einen Podesta, dessen Vetter
der Gouverneur de Brandenbourg f^sic^ ist. Vieles ist fast unbegreiflich, oder
macht doch keinen Eindruck, wann man es lieset und nicht vorstellen
sieht, und fast kein Schauspiel ist ohne blosse Uegen. La Chose impossible,
ist in Engelland ùbersetzt, und nur mit mehrern vielleicht cntbehrlichen
Personen vermehrt worden. D. Maihes fsicj Fragoso hat den Grund zu dem
King and Miller gelegt, der hernach durch den Herrn Sedaine Aviederholt,
und durch den Hrn. Gollé zu einem Aationalstùcke gcmacht worden ist.... >>
I.A. NATUKE ET LliS SOURCES UE l'hisPAiMSME DE LESSirSG 37*7
La même année où paraissaient ces A vol. in-12, anonymes, mais
dont VEpistre liminaire d l'Académie Espagnole étail signée L.***^ et
dont le vol. II contenait, p. i-ii5: Le Viol Puni, \ en Espagnol, \
l'Alcalde de Zalamea, | comédie | de Dom Pedro Calderon | de laBarca,
les deux premiers tomes d'une traduction allemande de l'ouvrage,
— et le troisième fut publié l'année suivante — étaient mis en vente à
Brunswick par la librairie du FûrslUches Waisenhaus, et le Viol Puni
y devenait Die beslrafte Entjiihrung . L'œuvre était également ano-
nyme, mais le Golhaischer Theaterkalender de 1778 en désignait,
p. 174, l'auteur, un professeur au Carolinum de Brunswick, Zacharià,
qui avait sauté 3 pièces et l\ intermèdes traduits par Linguet. Ces
[x intermèdes ainsi que l'une des pièces omises parurent en 1771 sous
le titre : Beytrag zum spanischen Theater (Hamburg et Riga) sur
8 feuilles, anonymes, mais dont Reichard, loc. cit., indiquait
également l'auteur : K. Ghr. Gartner, autre professeur au Carolinum.
Les 3 volumes de Zacharià et le Supplément de Gartner furent signalés
en 1774 dans Y Allgemeine Deutsche Bibliothek, t. 21, p. 53o-532, par
Ebeling et Gmelina. Lessing n'eût donc guère été plus avancé après
qu'avant si son frère lui eût envoyé le numéro, si mal désigné, du Mer-
cure. Du moins comprenons-nous maintenant pourquoi il ne citait pas le
I. Cette Epistre et l'Avertissement qui la suit sont de très remarquables documents
et mériteraient, beaucoup plus que la préface de Lesage, d'être exhumés. Quant aux
traductions elles-mêmes, — le détail en avait été donné, avant MM. Morel-Fatio et
Rouanet, op. cit., dans le Cat. Soleinne, IV, n° /i8C5 — elles ont souffert du point de vue
de l'auteur (qui était toujours celui de l'époque), qu'il fallait les accommoder au «goût
français». On sait que Huerta (qui cependant n'a pas, lui-même, fait merveille) s'est
longuement moqué des versions de Linguet au t. 1, Prôlogo del Colector, p. CLXV
seq., puis au t. IV, p. iv, de son Theatro Hespanol. Ce qui est amusant à constater,
c'est que Zacharià, qui, dans le Vorbericht au t. I de sa traduction, déclare qu'il sait
très bien « wie wenig man sich auf die Treue eines franzôsischen Uebersetzers zu
verlassen habe » et exprime même la crainte d'avoir été mystifié (« das ganze
Unglùck wàre denn blos, dass es keine Avirklichen spanischen, sondern nur glûckliche
nachgemachte spanische Stûcke wâren »), a employé dans sa prose raboteuse des
tournures comme celle-ci: t. I, p. 21: «Don Félix. Hôr einmal, ma Sœur!» En
somme, J. F. Bourgoing avait le droit d'écrire en 1789 dans son Nouveau Voyage en
Espagne ou Tableau actuel de celte Monarchie [p. Sgi de la 3« éd., Paris, 1808J, qu'il ne
croyait pas qu'il existât «une seule pièce espagnole exactement traduite» en notre
langue, et E. v. Bûlow — qui avait pu comparer avec la bonne version de von der
Malsburg, lequel tombe sur Linguet au t. V (1823), p. xii, de ses Schauspiele des Don
Pedro Calderon de la Barca — aflirmera avec raison, en i83i, p. lxxvi de sa Vorrede
aux Schrôders Werke (Berlin, i83i, 4 vol. in-8), que VAlcalde, « traduction » de « traduc-
tion (.^)», «sehr vermutztwar». Notons, enfin, à propos de notre référence à Huerta, et
pour éviter les reproches de certains critiques qui font parfois la leçon à autrui sans
s'être directement informés eux-mêmes, que M. H. Breymann n'avait point si tort de
renvoyer (op. cit., p. 126), touchant Linguet, au l. IV du Theatro hespanol (« Vorrede,
S. lU [faute d'impression pour IV] »), comme le lui reproche E. Gûnthner, p. 897 du
n» 22 du Literarischer Handweiser (1906), aux n°' 19, 20, 22, 23 et 26 duquel il a publie
une critique, d'ailleurs assez instructive, de la Calderon-Literatur. Tout ce que cet âpre
censeur dit lui-même de Huerta (n° 19, p. 763 et n° 22, ub. supr.) est médiat.
2. Ces deux critiques, signées fîr. et Ok., ont été identifiées par moi d'après la clef
contenue dans Die Mitarbeiter an Fr. IS'icolais Allg. D. Bibl. (Berlin, iStti).
3-8 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE LHISPA.MSME DE G. E. LESSLNG
titre de la pièce, ni, surtout le nom de son auteur espagnol : le Mer-
cure ne les avait pas nommés, il n'en savait pas davantage. N'est-ce
point, d'autre part, caractéristique pour son « hispanisme » que, croyant
avoir affaire à une traduction française, il songe immédiatement à s'en
servir pour un remaniement, dont, aussi bien, il a tout l'air de vouloir
laisser l'honneur à son frère, et que l'idée d'utiliser l'original espagnol
ne se présente nullement à son esprit? On n'exigera pas que nous sup-
putions ce qu'eût été une telle refonte. En décembre 1778, Fr. Ludw.
Schrôder présentait la sienne aux Hambourgeois sous le titre, trucu-
lent et bien castillan, de : Amtmann Graumann oder die Begebenheiten
auf de m Marsch. EinSchauspiel in k Akten. Nach dem Spanischen des
Calderon délia (sic) Barca. L'œuvre^ qui n'était qu'une mauvaise
adaptation de Linguet, fut imprimée en 1781 à Mannheim au 1. 1 de la
Mannheimer Schaubiihne (112 p. in-8 ; B. N. : Y h. 16^5). Dans l'au-
tomne de 1780 paraissait, d'autre part, à Vienne au t. IV du Kaiserl.-
Kônigl. Nationallheater un autre remaniement — que Tieck (Krit.
Schriflen, II [Lpzg., i848], p. 357) avait déjà, en deux mots, jugé — par
Gottlieb Stéphanie cadet : Der Ober amtmann und die Soldaten, en cinq
actes et en prose, tout aussi médiocre que le précédent, mais imité, cette
fois,deGollotd'Herbois(Wien,i78o, iSgp. in-8; B.N.: Yhl635J.\\ec
une modestie charmante, l'auteur de la préface déclarait, p. iv: « Wenn
sich jemand die Mùhe machen wollte, das spanische Original und die
franzôsische Nachahmung mit diesem Stûcke hier zu vergleichen, der
môchte wohl nicht lange zweifelhaft bleiben, ob er dem letztern, als
einem Beytrage zum Teutschen Theater,denVorzug zuerkennensolle. »
L'action de cette extravagante histoire ne se passait même plus en
Espagne, mais simplement quelque part « im Reich » : détail qui
suffira pour marquer à quel point elle avait perdu tout caractère ori-
ginel. Elle fut réimprimée au t. VI des Sdmmlliche Lustspiele de l'au-
teur, parus de 1771 à 1787 à Vienne en 6 vol. in-8, et que nous ne
signalons que parce que D[ie]z[e] en critiqua le premier tome dans VAllg.
D. Bibl., XXII (1774), p. 220-26. Car, l'année après celle où Lessing
avait demandé le Mercure, avait paru à Marseille, chez Subeet Laporte,
(80 p. in-8, Bibl. Nat. : 8' Ylh, 30620), puis, en 1780, à Paris (72 p. in-8,
ibid., 1790, 96 p. in-8), le fade drame en cinq actes et en prose de
CoUot d'Herbois, pris dans la traduction de Linguet : Il y a bonne
justice ou le Paysan Magistrat, dont « MM. Mercier, de la Harpe et
plusieurs autres gens de Lettres distingués » n'hésitèrent pas à
dire «beaucoup de bien ni. Calderon n'avait, à coup sûr, plus
I. Ce témoignage se trouve p. iv des Œuvres de théâtre de M. CoUot d'Herbois
(La Haye, Constapel, 1781.) L'édition de 1777 du Paysan Magistrat manque, comme
l'a noté Krenkel, op. cit., p. 12/4-125 et p. 182, à la Bibliothèque Nationale, mais pour la
bonne raison qu'il n'en a jamais existé une. On y trouve, par contre, une traduction
anonyme et peu fidèle de ÏAlcalde distincte de celle de Linguet; L'Alcalde | de | Zala-
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSING 279
besoin d'une nouvelle entorse, et Lessing, en tout cas, est resté
tranquille 1. Mais l'incident n'est-il pas, de nouveau, représentatif de
cette Ueberschàtzung Lessings, sur laquelle — sans toucher, naturelle-
ment, à la matière hispanique — le philosophe et économiste E.
Diihring, dont les démêlés avec l'Université de Berlin sont si instruc-
tifs, a écrit en 1881 de bonnes pages, réimprimées en 1906 ?
1778. Fr. de Rojas.
(M. XIII, i6i.)
En tête du IV' Anti-Gœze, il y a cette devise :
:< Tonto sin saber Latin
Nanca es gran tonto
Francis, de Roxas.i)
Lessing ne précise pas en quel endroit de Rojas il a pris sa citation.
Il déclare (.1/. XIII, i63): « Ich will auf dem Einfalle des de Roxas
nicht bestehen, dass das Latein erst den rechten Narren macht : aber
den rechten Philosophen macht es doch auch nicht. » Je n'ai pas
trouvé cette sentence de Rojas dans l'édition qu'a donnée de ses œuvres
théâtrales Mesonero Romanos au t. 54 de là B. A. E. Mais déjà, dans
l'éd. princeps, en 2 volumes in-^^, de 2I1 de ses comedias, Rojas se
plaignait, dans l'avis Al leior du t. II, que des pièces étrangères — il
nomme los desatinos de amor — lui fussent attribuées 2. Mesonero
Romanos, d'autre part, n'a pas imprimé toutes les pièces qui portent
le nom du Commandeur de l'Ordre de Saint-Jacques. Il en résulterait,
en toute rigueur critique, qu'il ne serait pas impossible que la devise
de Y Anti-Gœze eût été prise dans une œuvre apocryphe. Mais y a-t-elle
été prise par Lessing? Il n'est pas sans importance de remarquer
qu'en la teneur où il est cité, le prétendu « Einfall » de Rojas apparaît
mea, \ du théâtre espagnol \ de Dom Pedro de la \ Barca. Drame. \ en cinq actes \ et en
prose (Paris, Didot, 1778, in-8 de 63 pp.), déjà signalée par M. A. L. Stiefel, Ztschft.
fur rom. Phil., XXX (1906), p. 243.
1. Le Gemeiner Mann de Lessing est, métempsycose comique, devenu chez M. Fari-
nelli le traducteur même de la pièce en français, art. cit., p. 817. M. Farinelli a écrit, en
effet : « Ein Jahr vor der Auffûhrung des Amtmann Graumann, am 20. September 1777,
âusserte sich Lessing in einem Briefe an seinen Bruder Karl ûber «einen gemeinea
Mann», der den Alcalde de Zalamea ins Franzosische ùbersetzt haben woUte. » En
mal de révélations rares, M. Farinelli nous a renseignés au même lieu sur l'inspi-
rateur de Schroder : « Lessing war anderweitig beschâftigt. Er hat das Stûck nicht
ùbersetzt, gewiss hat er aber die Wahl Schrôders bestimmt. » Cette fois, ce n'est plus,
on l'a noté, un prudent wahrscheinlich, mais un gewiss catégorique. Moins osé,
M. Erich Schmidt a été, en la circonstance, plus spirituel, si lonpeut dire. Il prophé-
tise que VAlcalde de Lessing '< trotz dem Pariser Médium [= Linguet] gewiss kein
Schrôderscher «Amtmann Graumann» geworden w are. » (II, 608.)
2. J'ai consulté pour cette citation l'exemplaire de la Bibl. Nat. de l'éd. de iG4o-
1G45. Dans ce même avis al letor, Rojas promettait un troisième volume : « i si ères
bien intencionado, yo te pagarè la merced que hizieres à mi segunda Parte con dar à
la Estanpa (sio la tercera. » Cette tercera Parle n'a jamais été publiée; elle aurait
peut-être contenu quelques-unes des pièces qu'énumère Mesonero, loc. cil., p. ix-x.
280 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
déformé par l'usage et ne provient certainement pas directement d'un
texte de comedia. Telle fut aussi l'opinion de MM. Menéndez y Pelayo et
R. Menéndez Pidal, dont le premier nous a déclaré que « los dos versos
de Rojas citados por Lessing no son taies versos segûn él los trans-
cribe » et le second désespéra d'identifier jamais la citation « por estar
aducida en forma que no parece fielmente original », 11 ne sera guère
paradoxal de prétendre que, d'un volume d'anal, de quelque Jîoresta,
de Mélanges, d'Anti, etc., etc., où elle fit sa première apparition, la
boutade castillane aura, tel le mot du (( Conde de Orgaz », passé en plus
d'une main avant d'être recueillie par Lessing. Outre que des
recueils du genre de ceux que nous mentionnons étaient tout à fait
de son goût — il a, par exemple, puisé les anecdotes qu'il conte, sans
citer ses sources, dans Das Neueste aus dem Reiche des Witzes (M. IV,
471 seq.), dans une compilation française qui devait, en 1770, servir
de source aux Anecdotes dramatiques de J.-M.-B. Clément et 1 abbé
J. de La Porte, en trois volumes in-8 » — et que leur immense diver-
sité rend impossible une recherche complètes, il ne faut pas oublier,
en outre, que l'on trouve fréquemment dans des ouvrages anciens où
on ne les attendrait guère des citations de proverbes ou locutions
castillans, tels, pour ne citer que deux cas typiques et empruntés à
l'Allemagne, les Gesprachspiele de Harsdôrffer et V Unterricht in der
Teutschen Sprache und Poésie de Morhof3. M. Menéndez y Pelayo,
auquel nous tîmes part de l'insuccès de nos recherches, nous a affirmé,
au surplus, que lui-même ne se souvenait pas d'avoir jamais rencontré
rien de semblable au passage de Rojas « en las Jlorestas y colecciones de
chistes)). En pareilles matières, un heureux hasard est souvent plus
décisif qu'une longue et méthodique enquête.
I. cf. la preuve dans E. Schmidt (d'après les documents de Paul Albrecht), Eupho-
rion, 8 (190O' P- G2Z-&2Ô. Un détail montrera comment Lessing remaniait la matière
française. Ayant plagié {M. IV, 473) le passage qui, dans les Anecdotes dramatiques, se
lit t. II, p. 56i : « C'est à la piété de nos Pères que nos Poèmes Dramatiques doivent leur
naissance, « en ces termes : « Frankreich hat den Ursprung seiner dramatischen Gedichte
der Andacht der Herrn Paters zu danken, » il ajoute cette remarque de son crû : « Der
grossie Nutzen, welchen sie vielleicht in der Welt gestiftet haben ». M. Erich
.Schmidt a bien voulu qualifier celte interpolation de : « ein dreistes Wort ».
s. Faut-il rappeler, à propos simplement des Anti, que Baillet, qui écrivit, en
réponse à l'attaque de Ménage, 2 vol. in-12 de 429 et 412 p. {Des Satyres personnelles,
traité hist. et crit. de celles qui portent le titre d'Anti [Paris, 1689]), fut si loin d'épuiser
la matière que Prosper Marchand a fourni, au t. I de son Dict. hist. etc. (La Haye,
1708), 34 p. in-fol. d'adjonctions à cette compilation (p. 24-58)? Nous dirons donc,
avec Baillet : «La Recherche de ces sortes d'ouvrages seroit inflnie; et les difficultés,
dont elle se trouve accompagnée, m'ont fait connoître enfin que je devois me borner,
et laisser le leste à d'autres qui jouiront peut-être d'un plus grand commerce que
moi dans la République des Lettres. » (Cit. par Marchand, p. 25, note E.)
3. Les citations castillanes de Harsdôrffer ont été réimprimées par M. A. Schneider,
op. cit., p. 334-335; celles de Morhof par M. J. Schwering, dans sa curieuse brochure
de polémique contre .M. Farinelli (parue en 1902 à Munster i. W. chez H. Schôningh :
Krilische Studien von Prof. Dr. J. Schwering. I. Literarische Beziehungen zwischen
Spanien und Deutschland. Eine Streitschrift gegen Dr. .A. Farinelli), p. 76-79.
LA NATURE ET LES SOURCES DE L HISPANISME DF. LESSING 201
Huarte.
(M. XIII, i63.)
Dans ce même quatrième Anti-Gœze, Lessing écrivit :
<■' Ich flnde zwar nicht, dass Baco wie Huart (sic) dachte, der es geradezu fur
das Zeichen eines schiefen Kopfes, eines Stùmpers hielt, zu glauben, dass er
sich in einer fremden Sprache besser werde ausdrûcken kônnen, als in
seiner. »
Le passage de Huarte est ch. VIII, p. i3o de l'éd. d'Amsterdam,
i632 :
« Y assi ninguno de los graves autores fue a buscar lengua extrangera,
para dar a entender sus conceptos : antes los Griegos, escrivieron Griego :
los Romanos, en Latin : los Hebreos, en Hebrayco : y los Moros, en Arabigo :
y assi hago yo en mi Espanol, por saver mejor esta lengua, que otra
ninguna. »
Il n'y est donc nullement question de l'u indice d'une tête à l'envers »,
d'un « bousilleur ». Il n'en est pas question davantage ailleurs dans
l'Examen. Lessing n'y regarde pas de très près en fait de citations
espagnoles. Or, il s'agissait, ici, d'un écrivain qu'il avait traduit. Que
devait-il en être des autres, tel Fr. de Rojas?
1780. Le « Lied aus dem Spanischen ».
(M. I, lag.)
Dans le Masen-Almanach fur 1780, édité par Voss et Gœkingk
(Hamburg, bey Cari Ernst Bohn), on lit, p. 208 :
« Lied. Aus dem Spanischen
Gestern liebt' ich,
Heute leid' ich.
Dennoch denk' ich
Heut und morgen
Gern an gestern.
Lessing. n
Ce lied suggéra à Paul Albrecht un rapprochement extravacjant
{op. cit., 1, 1-2, p. /407-409) : «Ich glaube nicht, dass das neben-
stehende Gedicht, wie Leszing angiebt, aus dem Spanischen, sondern
nach dem nachstehenden Passus aus Farquhar's « Constant Couple, or
a Trip to the Jubilee v> angefertigt ist, welches Lustspiel, wie schon
bemerkt, von Leszing in unerhôrter Weise namentlich zur Herstellung
203 CONTKIBUTIONS A L ETUDE DE L HISPAMSME DE G. E. LESSING
von (( Minna von Barnhelm oder das Soldatenglùck » gepliindert
isti. »
Le passage de la pièce de l'ccingenuous » Farquhar, composée vers
la fin de 1699, est Acte V, Scène II, tout au début (éd. de Londres
1711, p. 55) :
u Clincher senior : [Last Week my Father died]; yesterday I turn'd Beau;
to day I am laid by the Heels, and to raorrow shall be liung by the ÎS'eck. >■>
Il fallait l'obsession d'identifier quand même, qui chez Albrecht, répé-
tons-le, confinait à la manie, pour qu'un passage de ce genre pût être
donné pour la source de Lessing. Mes recherches personnelles dans le
domaine littéraire transpyrénaïque ayant été vaines et dans l'impossi-
bilité de découvrir sans aide le modèle espagnol du lied de 1780, j'eus
recours, de nouveau, aux lumières de plusieurs spécialistes. Ils ne furent
pas plus heureux. Leurs opinions se résument assez exactement en ces
quelques phrases de M. Menéndez y Pelayo, confessant ne pouvoir
« poner en claro el origen de los versos que Lessing da por castellanos.
Como los afectos que en ellos se expresan son tan elementales, y nada
hay de muycaracteristicoenla expresiôn, creo dificil encontrarlafuente
de estos versos, despojados ya de su forma métrica original. Acaso
sean de algùn romance artistico del siglo xvii. Mientras no sepamos
con certeza que libros castellanos manejô Lessing, juzgo muy dificil
esta indagaciôn. » M. R. Menéndez Pidal ajoutait, d'ailleurs, que l'iden-
tification du lied était rendue « dificil por su lirismo », et M. E. Méri-
mée remarqua finement que « le mètre rend la traduction suspecte ; les
chants populaires sont ordinairement de A vers (copias j ou de 7 (boléros). »
Serait-il trop osé d'insinuer que Lessing ne s'est pas servi d'une « Vor-
lage)) espagnole, mais a voulu simplement imiter le genre espagnol tel
qu'il le comprenait, et qui se trouve être, en vérité, aussi authentique
que celui que nous rencontrons dans Alonzo et Carlos, v. gr.? Car son
lied — pastiche ingénieux, si l'on veut, mais, en somme, vu sa brièveté,
facile, et pure « reflektierte Philologenpoesie » — exploite une matière
sentimentale qui n'est en aucune sorte spécifiquement castillane, au sens
de la tradition httéraire transpyrénaïque telle qu'elle s'est cristallisée au
XVI 1° siècle dans les charmantes inventions du Gôngora de la première
manière et ces innombrables romances, letrillas, villancicos des cancio-
neros et analogues recueils de l'époque. Publié sans remarque ni dé-
claration aucunes de l'auteur, alors que celui-ci disposait de ressources
livresques extrêmement rares, à Wolfenbûttel, il se pourrait, au surplus,
que ce soit une « réminiscence » de quelque fantaisie française se récla-
I. On ne trouve rien sur la question qui nous occupe dans l'article de M. J. G. Ro-
bertson : Lessing and Farquhar, au n" d'octobre 1906 de Mod. Long. Review, p. 56-69,
article qui, du moins, a l'avantage de mieux mettre en lumière les «emprunts»
dramatiques de Lessing, déjà signalés par Albrecht, à Farquhar.
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANIS.ME DE LESSlNfJ 383
niant, à tort ou à raison, de l'Espagne, et à laquelle le délicat interprète
aura, en l'habillant à l'allemande, conservé son étiquette de prove-
nance. Nous ne saurions, en tout cas, suivre M. A. Farinelli dans la
route où — sans doute sur l'autorité de Maltzahn-Boxberger {rééd. cit.,
I, 172), qui allèguent le lied de 1780 comme preuve que... Lessing
s'appliqua dans sa jeunesse à l'imitation espagnole — il s'est engagé
sans trop d'appréhension critique lorsqu'il voit en ce même lied ^e fruit
des premiers semestres universitaires de l'étudiant de Leipzig et de
Wittenberg et l'indice que dès cette période celui-ci connaissait familiè-
rement a einiges ans der Lyrik der Spanier » (art. cit., p. 286, note). Ce
qu'il eût été plus méritoire de nous apprendre, c'était en quoi consis-
tait cet « einiges», en particulier de quelle source espagnole provenait
notre lied. Espérons que M. F'arinelli aura, puisque l'ordre règne à
Innsbruck, retrouvé ses précieuses adjonctions et sera à même, depuis
Turin, de projeter une ample lumière documentaire sur ce point et tant
d'autres que notre incompétence d' t aprendiz de hispanôfdo » fut inha-
bile à résoudre. En attendant, nous nous en tiendrons au jugement de
de M. E. Schmidt sur la u petite poésie », de nature lyrique et épigram-
matique, de Lessing, si bien appréciée en ces termes : « Vorv^^iegend
ein Spiel des Witzes, tummelt sie sich gern auf den Pfaden tândelnder
Anakreontik und hait es neben genauerer oder freierer Nachbildung
spâtgriechischer Nippesw^aaren fur keinen Raub, etwa ein Liedchen
der Demoiselle Catherine Bernard '(Quand le sage Damon dit) als
zugespitztes Bekenntnis einer deutschen Phillis ohne Quellenangabe
zu wiederholen {Wenn der finstre Damon spricht).... So legt
Lessing in den Anzeigen seiner lyrisch-epigrammatischen Jugend-
versuche gar kein Gewicht auf ihre Abstammung, indem er so bedeu-
tender Urheber wie des Euricius Cordus ganz geschAveigt und nur
summarisch die fremde Herkunft mancher Bestandtheile erwahnt«. »
Et il apparaît, en définitive, paradoxal d'admettre que la source à
laquelle a puisé ici Lessing soit, de façon immédiate, une source
espagnole.
Gudena.
Nous avons noté dans la Première Partie que les éditeurs de Lessing
se taisaient sur le manuscrit de ((Maranôn»2 et que M. Muncker
n'imprimait que le Vorbericht de l'édition du périple de Cudena. Ce
manuscrit, qui porte à la Bibliothèque de Wolfenbuttel la cote 67. 8.
1. Art. cit. des Sitzungsberichte, 1897, p. 47c. Voir en outre, comme illustraliou de
ces assertions, l'art, déjà cité : Quellen und Parallelen zu Lessing, dans Euphorion, ub. sup.
2. Cf. à son propos O. von lleinemann. Die Hnndsrkriften der herzoglichen Bibliothek
zu Wolfenbuttel, t. Mil (VVolfenbûltol, igoS), p. i3/|.
aS/j CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
Aug. 8"°, est sur papier, de i5 X 9 1/2 cm. et 84 fol., des xvi* et
xvii* siècles et de trois mains différentes. La première partie, qui va
du fol. 3 au fol. 48, contient une réponse de Mélanchton au Confuta-
tionsbuch. La seconde, du fol. l\g au fol. 63 : Pedro Ciidena discrip-
cion de i038 léguas de tierra del esto de Brasil conquista del Maranon
y gran Para. La troisième, du fol. 68 au fol. 84, cette description en
traduction allemande anonyme. D'après une indication contenue au
fol. I, le duc Auguste reçut le 9 octobre i658 de son agent Georg
Forstenhâuser la première partie du ms., qu'il fit relier avec les deux
autres, — qu'il possédait, par conséquent, déjà, — en un volume à cou-
verture de parchemin, lequel, sauf les fermoirs arrachés, conserve au-
jourd'hui encore son aspect originel. Nous avons également consigné au
même lieu qu'il existait deux éditions de la version de Cudena publiée
par Lessing-Leiste. L'une, volume petit in-4 de 160 pages (Braun-
schweig, 1780), porte le titre : Beschreibung des Portugesischen Ame-
rika vom Cudena. Ein Spanisches Manuskript in der Wolfenbiittelschen
Bibliolhek, herausgegeben vom Herrn Hofrath Lessing. Mit Anmer-
kungen und Zuzàtzen begleitet von Chr. Leiste, Reklor der Herzogli-
chen grossen Schule zu Woljenbûttel. Elle est postérieure à celle des
Woljenbiitteler Beylrdge, qui cependant, bien qu'imprimés dès le début
de l'année 1780, ne furent mis en vente qu'au milieu de 1781 1, sous le
titre : Zur Geschichte und Lileralur. Aus den Schàtzen der Herzogli-
chen Bibliothek zu Woljenbûttel. 6. Beytrag, von Gotthold Ephraim
Lessing (Braunschweig, 1781), et dans lesquels le périple porte le
n" XXVI : Maranjon, p. 426 seq.
La rareté relative des ouvrages de littérature géographique hispano-
portugais sur l'Amérique du Sud dans les Bibliothèques allemandes,
d'une part, l'état général des connaissances géographiques sur ces
pays en Allemagne, de l'autre, expliquent que la presque totalité des
comptes rendus contemporains de l'une ou de l'autre de ces éditions
ne contiennent que des banalités laudatives et un rapide sommaire du
volume. Tel est, en fait, le ton dominant des Rezensionen que nous
avons pu découvrir: Hallische Gelehrte Zeitungen, 59. Stttck (1780),
p. 465-467. 11 est dit « dass dièses kleine Buch unstreitig ailes bishe-
rigedieser Artuntersich lâsst ». — Neue Zeitungen von Gelehrten Sachen
(Leipzig, 1780), iS. May. L'ouvrage est donné comme « sehr brauch-
bar » tant du point de vue historique que géographique. « Der Ver-
fasser... Pedro Cudena hatviele Jahre die Gegenden, die er beschreibt,
selbst bereist und richtet seine Beschreibung an den bekannten Conte-
Duca (^5ic) von Olivarez, Premier- Minister der spanischen Monarchie,
I. Cf. à ce sujet le Vorbericht, réimpr. M. XIV, p. 126 seq. Sur Leiste, il manque
une sommaire notice bio-bibliographique. En 1778, il avait publié une laborieuse
compilation de 671 p. in-8 : Beschreibung des Britischen Amerika, etc., dont j'ai trouvé
une analyse dans les GôU. Anz. du 9 mai de la même année {56. Sliick, p. /i52-456)-
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hiSPANISME DE LESSING 285
einen Herrn, dem der Verf. unmôglich ausgemachte Unwahrheiten zuzu-
schreiben wagen konnte. » (MaranôndexienticiMarangon.) — Altonai-
scher Gelehrter Merkurius, UO. Stiick (1781), p. 817, et Frankfurter
Gelehrte Anzeigen (rf XXIV, i78i), p. 189-191 . Suivant la coutume delà
polyhistoire au xviir siècle, beaucoup de ces journaux — car l'observa-
tion est aussi vraie pour l'Allemagne que pour la France — se transcri-
vaient quasi à la lettre et leurs critiques s'en tiennent, de ce chef, à
des généralités prudentes. Deux périodiques, cependant, ont examiné
d'un peu près l'édition de Lessing-Leiste et formulé quelques remar-
ques utiles à son endroit : VAltgemeine Deutsche Blbliothek (i. Stûck,
1780 [vol. 43, p. 2ii-2i/i]) et les Wôchentliche Nachrichten von Land-
karten und Biichern, éditées à Berlin par Ant. Fr. Biisching de 1778 à
1787 (35. Stûck, 1780). Je dois avouer que je n'ai pu faire la lumière
sur le mystérieux Pedro Cudena. Ni VEpilome de Leôn Pinelo dans
l'édition de Madrid, 1788, ni l'excellente Bibliotheca Americana de
Ch. Leclerc (Paris, 1878) ne connaissent ce nom. Les Encyclopédies
ou Biographies courantes n'offrent aucun secours à qui les consulte,
car elles partent toutes, en l'amplifiant de données plus ou moins
imaginaires et sans la citer, de cette notice de Jôcher-Adelung, Il (1787),
p. 578, où s'est peut-être documenté originairement Boucher de la
Richarderie lui-même, Biblioth. Vniv. des voyages (Paris, 1808), t. VI,
p. 279, pour sa courte et objective description de l'éd. de 1780 :
« Cudena (Petrus) ein Spanier, in der ersten Hâlfte des vorigen Jahrhun-
dertes, welcher sich eine Zeitlang in Brasilien befand, und nach seiner
Rûckkunft i634 eine Beschreibung dièses Landes aufsetzte, welche aus einer
Handschrift in der Wolfenbûttelschen Bibiiothek in Lessings Beytràgen zur
Gesch. und Littéral. Tfi. 6, S. 425 /. Spanisch und Deutsch abgedruckt
worden. »
La Nouvelle Biographie Générale Didot, cependant si sérieusement
rédigée, la délaie au t. XII (Paris, i856), p. 486, quoique l'auteur n'ait
pas signé sa contribution, par fausse honte sans doute. Mais il n'en
avait pas été de même dans la Biographie Universelle Michaud, t. X
(Paris, i8i3), p. 628-529, où l'auteur s'était déclaré : E — s., c'est-à-
dire Eyrièsi. Je crois devoir transcrire, comme illustration édifiante
de la méthode avec laquelle procèdent parfois des érudits considérés,
cette notice, réimprimée en 1862 au t. IX delà sec. éd. de la B. Un. M.
« Cudena (Pierre), voyageur espagnol, parcourut longtemps le Brésil, et,
à son retour en Europe, composa, en i634, un ouvrage intitulé : Description
du Brésil, dans une étendue de 1,038 milles, découverte par Maranon y G'-an-
para par sa boussole exacte, ainsi que le fleuve des Amazones, qui est situe sous
la ligne équinoxiale, et a 70 milles de largeur à son embouchure, et du Rio de
1. J.-B.-B. Eyriès, l'un des fondateurs de la Société de Géographie, mort en i846.
Barbier eût eu là une belle occasion de rectifier, dans son Examen cril. el Complément
des Diri., etc. (Paris, 1820), dont le t. I, seul paru, contient les lettres A.-J.
286 CO>iTRIBUTIO>S A l'ÉTLDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
la Plata, dont l'embouchure, qui en a U6, est à 36 degrés au sud de l'èquateur;
choses que le lecteur verra, ainsi que beaucoup d'autres. Cet ouvrage, proba-
blement composé dans l'intenlion de faire sentir au duc d'Olivarez, à qui il
est dédié, l'importance de la perte que causait à l'Espagne la conquête dune
partie du Brésil par les Hollandais, donne des renseignements curieux et
même nouveaux sur un pays si peu connu. On y trouve une notice succincte
sur chaque capitainerie, ses productions et son commerce; Cudena connais-
sait les mines d'émeraudes de la province d'Espiritu-Santo. Ce livre, ancien-
nement traduit en allemand, était resté enseveli dans la bibliothèque de
Wolfenbuttel ; Lessingl'en retira et le confia à son compatriote Leiste, qui
corrigea la traduction et la publia avec l'original, en y joignant des notes très
intéressantes : Description de l'Amérique portugaise par Cudena, Brunswick,
1780, in-i2. Le jésuite Eckart, ancien missionnaire au Brésil, écrivit en
allemand sur le livre des observations que Murr a insérées dans ses Voyages
de quelques missionnaires de la compagnie de Jésus en Amérique ^ .
E— s. »
Cette notice d'Eyriès est allée alimenter l'article Cudena au t. III (Paris,
182 1) du Dict. hist. crii. et bibl. (B. N. : G. 17818 ; cf. sur cet ouvrage
Barbier, Anon., I, 976), p. 129, où, cependant, apparaît un détail
nouveau, à savoir que C. « naquit à Yillena, en 1602 », avec l'indi-
cation que sa description se distingue « par une grande exactitude».
L'année suivante, cet article sera à son tour plagié au t. III de la nouv.
(5'"") éd. du Dict. Hist. de Feller, qui jusqu'alors avait ignoré C. (Lyon,
1822, p. 940). Nous la retrouvons, écourtée, à la Prem. Partie (Paris,
1829) de la Biogr. Univ. Class. éditée par Ch. Gosselin, p. 777, où on
lit que G., « navigateur espagnol, né en 1602 à Villena, est auteur
d'une excellente Description du Brésil. » La compilation qui était
censée devoir donnera l'Espagne l'équivalent de notre Laro «55e, qu'elle
a tant de fois plagié, bien qu'elle contienne maints articles originaux
d'une réelle valeur, le Diccionario Enciclopédico hispano -américano,
publié par la grande maison d'édition Montaner y Simon, de Barcelone,
a, t. V (1890), p. 1495, une notice moins longue, mais aussi, émanant
d'un érudit espagnol, plus censurable peut-être que celle d'Eyriès :
« Cudena (Pedro) : Biog. Viajero espanol. Vivia en la primera mitad del
siglo xvn. Hizo un viaje al Brasil, y â su regreso a Europa compuso, con el
I . Non seulement Christoph Gottlieb von Murr n'a pas réimprimé les Griindliche
Nachricfiten iiber die Verfassung der Landschaft von Maynas in Sud-Amerika bis zum
Jahre 1768, etc. (Niirnberg, 1798, in-8 de 6i4 pp.) de Franz Xavier Veigl, mais il n'a
que quelques mots insignifiants sur leur compte, p. v de la Préface à la Première
Partie de ses Nachricfiten von verschiedennen Lcindern des Spanischen Ameritca (1. Theil,
Halle, 1809), dont la Deuxième Partie, 181 1, est posthume. Ni dans l'une ni dans l'autre,
Cudena n'est mentionné. La source du malentendu d'Eyriès, qui confond d'ailleurs
auteurs et titres d'ouvrages, me semble provenir de ce fait que Murr publia en 1788
au t. XVI de son Journal (cf. plus bas), p. 96-208, une première rédaction latine de
l'ouvrage que Veigl devait éditer dix ans plus tard et qu'Eyriès a sans doute en vue
quand il parle des observations du jésuite Eckart «en allemand » : « Status Provinciae
Muynensis in America meridionali ad annum usque 1768 brevi narratione descriplus a
R. P. Francisco Xaverio Veigl, eadein in Provincia olim Societatis Jesu Missionario. »
fl
LA NATURE ET LES SOURCES L)E l'iUSI'A.MSME DE LESSrNG 287
titulo de Descripciôn del Brasil, un apreciable Iralado en que da ;i conocer
aquella comarca por niedio de una narraciôn interesante. »
Nous souhaitons à l'auteur de ces lignes d'être condamné, dans
l'Êrèbe où le précipiteront de pareils forfaits de plume, à lire éternelle-
ment des « narrations » aussi « intéressantes » que celle de Cudena :
ce sera, croyons-nous, le châtiment le plus adéquat de sa légèreté.
Notre Grande Encyclopédie — pandémonium bizarre où l'excellent
coudoie en plus d'une page le médiocre, si, surtout, on la compare à
ces deux admirables encore que plus d'une fois politiquement faibles
Konversations-Lexika allemands de Brockhaus et de Meyer, soigneuse-
ment tenus à jour grâce à des rééditions remaniées à de fréquents
intervalles, alors que nous sommes menacés, en France, de vivre quel-
que dix lustres encore de ces volumes déjà partiellement périmés et que
ne saurait, du moins complètement, substituer le Nouveau Larousse
Illustré — n'a pas été épargnée par la contagion. Elle a, elle aussi,
tome XIII, page 554, ses sept lignes anonymes sur Cudena, décalque du
Larousse, qui, ne pouvant, cette fois, bavarder, selon sa coutume, sur
l'auteur du périple, s'était borné, tome Y [1869], page 622, à démar-
quer l'article' précité de la Biographie Didot.
On voit donc que, grâce à Lessing, Pedro Cudena a eu une
«bonne presse», mais la gloire- et l'immortalité qui résultent des
livres sont-elles, dans plus d'un cas, autre chose, hélas! qu'un
bluff de littérateurs? La manière rapide et sévère dans laquelle est
rédigé le périple de Cudena tel que le donne le manuscrit de Wolfen-
bùttel nous a toujours fait songer à celle du P. Crist. de Acuna,
dont le Nuevo Descubriniiento del gran rio de las Amazonas... el ano
de 1639 i, en 83 numéros analogues aux § de la Descripciôn, fut imprimé
I. Cet ouvrage est, en outre, accessible dans une réimpression de Madrid, 189 1,
in-iL>, de la Colecciôn de lihros que iratan de Amérua raros ô curiosos, II. Les éditeurs
de cette réimpression notent à VAvant-Propos que Marcos Jiménez de la Espada, qui
publia en 1880 le Viaje del Capitân Pedro Texeira, aguas arriba del rio de las Amazonas
(1638-1639), affirme, aux préliminaires, que «el Padre Acuiîa antes de publicar la
relaciôn extensa, diô otra â luz, muy brève», et que cette œuvre est « très rarei». Ils
opinent que cette mystérieuse relation sera le Mémorial imprimé, dans l'édition de
Madrid, i64i, du Nuevo Descubrimienlo, fol. /|3-/i6. [Mémorial presentado en el Real
Consejo de las Indias sobre el dicho dcscubrimiento, despues de la reuelion de Portugal.]
Ils se trompent. L'ouvrage en question, qui comprend 12 fnc, est le v. Compendio
historial, e Indice chronologico Peruano, y del Nuevo Reyno de Granada, desde el
principio de los descubrimientos de las Indias Occidentales, tocando varias cosas mémorables
de ellas, assi Eclesiasticas como Seculares » ajouté à la suite de VHistoria del Marahon y
Amazonas de P. Manuel de Rodn'guez (Madrid, i684, in-fol.) dans l'exemplaire décrit
par Ch. Leclerc, op. cit., p. 436. Pinelo (Epitome, etc., édit. cit., II, 086) citait par
erreur cet ouvrage comme imprimé originairement à Madrid en 1688. M. Cl. R.
Markham, qui a donné en 1869, dans le recueil Expéditions into ihe valley of the
Amazons, 1539, loUO, /639 (Lond., MDCCCLIX), une traduction anglaise d'Acuna sous
le titre : A new discovery of the great river of the Amazonas ofFather Cristovat de Acuna,
a noté au commencement de sa version, page 47, note 1, d'après Velasco (Historia del
Reino de Quito, etc., Quito, i845, 2 vol. in-4), « that this river of Maraùon dérives ils
uame from the circumstance of a soldier, wlio was sont by Francisco Pizarro lo
288 COTRIBUTIONS A l'ÉTL'DE DE l'hiSPAMSME DE G. E. LESSl.NG
à Madrid en i64i , in-/», dédié à Olivares, et dont un exemplaire original
est à la Bibliothèque Nationale.
Arrivé au terme de notre étude de l'hispanisme de Lessing, quelle
conclusion devons-nous en tirer? Des faits, croyons-nous, émane une
éloquence assez persuasive, et nous avons tant de fois, au cours de
nos investigations, dû en dégager la moralité — car si jamais l'adage:
difficile est satiram non scribere fut vrai, c'était alors — que toutes
réflexions nouvelles à leur endroit nous semblent superflues. Par suite
de circonstances dont nous ignorons le détail, Lessing n'a pu parvenir
à ce degré de maîtrise de l'idiome castillan qui lui eût permis d'en lire
les livres sans pénibles hésitations, sans recours constant au diction-
naire, sans tâtonnements ni interruptions désagréables. Peut-être ses
connaissances en italien lui furent-elles, dès l'origine — à l'époque à
laquelle nous avons fait allusion dans la Préface, qui est la seule
où nous sachions positivement qu'il étudia (combien de temps?)
le castillan, manifestement les rudiments de cet idiome — un sérieux
obstacle à l'avancement dans cette science i. Quiconque a poursuivi
avec quelque assiduité l'étude simultanée des deux langues sait par
expérience — expérience assez déconcertante à l'origine, mais cepen-
dant naturelle — combien elles se contrecarrent mutuellement, et de
quelle persévérante énergie il est besoin pour vaincre la confusion
extrême qu'elles créent, pendant fort longtemps, dans l'esprit. Est-ce le
loisir, est-ce la volonté qui manquèrent à Lessing pour s'astreindre à la
méticuleuse acribie, à la méthodique contrainte qu'eût exigées un tel
apprentissage? Imagina-t-il, au contraire, que ce qu'il savait d'italien,
joint aux quelques notions initiales de grammaire castillane qu'il
s'était inculquées lors de son premier séjour à Berlin avec Mylius, lui
suffiraient? Le fait est qu'il se trompa, et que, se trouvant dans
l'impossibilité pratique de lire rapidement et aisément les livres
castillans 2, il se vit contraint de se documenter, presque toujours,
discover the sources of the Piura river, having beheld the mighty stream from the
neighbourhood of Jaen, and astonished at beholding a sea of fresh Avater, having
asked « Hac mare an non » ? Sans doute, ce spirituel guerrier n'était-il autre que le
« capitaine Marailôn y Gran Para » de Lessing en personne.
1. M. le D'E. Maddalena n'ose pas aller plus loin que cette affirmation, parlant du
voyage d'Italie de Lessing en 1770 (quand ce dernier avait quarante-six ans, et six
ans avant sa mort): " Délia nostra lingua dovea saperne qualcosa (sic), perché già da
assai tempo leggeva nell' originale i nostri autori » (Lessing e l'Italia, p. It du tirage
spécial, Roma, 1904). On n'ignore pas que beaucoup de gens, chez nous comme
ailleurs, « lisent l'italien» — et l'espagnol — sans nullement savoir la langue.
2. Je dis de lire, non de traduire, car certaines œuvres castillanes nécessitent,
pour être bien traduites, autre chose que l'apprentissage livresque de la langue : le
séjour prolongé au pays même. Dès 1770, l'érudit'Christoph Gottlieb von Murr
écrivait excellemment, en note à la p. 2ii du premier volume (1775, Nûrnbcrg) de
son précieux Journal :ur Kunslgeschichte und zur allgemeinen Litteralur précité, où se
trouvent tant de notices rares sur les littératures espagnole et portugaise et où Murr
a, l'année suivante, fort bien critiqué (//. Theil. p. SgS-ioa) la médiocre version du
Quijote par Bertuch: « Dass Ilcrr Bcrtiich in Weimar cine deutschc Ucbersetzuug
L\ JJATIRE ET LES SOURCES DE LHISPAMSME DE LESSLNG 38(J
sur eux et sur leur contenu, dans des œuvres de seconde main, alors
qu'il eût importé, pour un tel esprit, d'en parler personnellement ou
de se taire. Accordons-lui, du moins, cette justice relative qu'il a assez
prudemment évité, sauf en une ou deux circonstances, d'insister sur
son hispanisme, et que l'intempestif zèle des modernes Lt'5sm<//orsc/ie/-
lui aura joué, en l'espèce, un fort vilain tour. Comme, d'autre part,
il n'a jamais perdu une occasion de mettre au pilori les plagiaires,
— bornons -nous à quelques exemples caractéristiques : analysant
en 1751 dans la Berlin, prlvil. Ztg. les Oden, Lieder, iind Erzàh-
lungen de Bernhardi, il lui reproche vertement {M. IV, 36 1) u divers
passages... que Hr. Bernhardi a imités ou plutôt empruntés par trop
consciencieusement à d'autres poètes allemands «; en 1759', dans les
Briefe, die neueste Lit. belreffend {II. Thl. !\i. Brief), il accuse Dusch
(M. VIII, 95) de copier autrui « avec le plus incroyable sans-gêne »,
et affirme même : « Je ne sache guère d'autre écrivain qui s'entende
mieux dans l'art des citations adroites. Confessant avec la plus feinte
des franchises une imitation souvent forl lointaine, il masque de la
sorte les plus grossiers larcins. Je pourrais l'ouvrir dix fois et sept
fois, je croirais plutôt recommencer une lecture ancienne qu'apprendre
quelque chose de nouveau ; » dans la Quatrième Partie de ces mêmes
Lettres sur la Littérature moderne, 63. Brief, discutant (,¥. VIII,
170-173) la tragédie de Wieland : Lady Johanna Gray, il exulte
visiblement à démasquer le procédé de l'auteur à l'endroit de Nie.
Rowe : (( Tout ce qui m'étonne en l'espèce, » écrit-il, «. c'est unique-
ment le silence de mort qu'il [Wieland] observe sur le chapitre de
cette imitation, » et il s'étend longuement pour démontrer comment
Wieland, non seulement a transcrit Rowe, mais lui a emprunté
tout le plan, toutes les situations de sa pièce (p. 173 seq.)\ nul,
enfin, n'ignore comment, en 1768, il traitera, à vrai dire non sans
justice, Klotz au i5° des Anti(juarische Briefe, I. Thl. {M. X,
27Z1, seq.), parce que cet extraordinaire faiseur et modèle de la
u zierliche Gelehrsamkeit » avait, dans Ueber den Nutzen und Gebrauch
der alten geschnittenen Steine und ihrer .46cfrrtc/re (Altenbu'-g, 1768/,
mis à sac, selon sa coutume, des prédécesseurs allemands : et c'est
davoQ [du D. ().\ herausgeben will ist bekaniit. Icli behaupte, dass rnan in Spanien
selbst gpwesen seyn miisse, iim die Slûrke des spanischcn Aiisdrucks, und die fasl unnach-
ahniliche Nalionallaune dièses MeisterslUcks so getreu als môglirh in unsre Sprarhe
iiberlragen zu kônnen. »
I. L'année d'avant, au moment même où il allait plagier dans les six premiers
volumes du Dictionnaire des Théâtres de Paris les traductions littérales qu'il donnera
(M. VI, 294 seq.), en en dissimulant la source parmi des références fictives, pour des
Esquissesde Comédies inédiles du Théâtre italien, il n'hésilait pis — bien qu'affectant ensuite
de se reprendre et d'annuler ce qu'il venait de dire — à écrire sur Molière (p. 296)
que « wenn man ihn zur Wiedererslattung dièses gelehrlen Raubes [ses emprunts
aux Italiens; il ne se doute pas, et pour cause, de ce que Molière doit à l'Espagne]
zwingen kùnnte, der grosse komisrhe Kopf vielle irht nicht mehr sclieinen diirfte.fUr den
er it:t durchgângig gehalien wird. » (Theatr. Bibl., IV. Sliick.J
2()0 CONTRIBUTIONS A L ETL DE DE L HISPAiNTSME DE G. E. LESSING
bien dans ce pamphlet que Lessinga déployé, pour la retourner contre
son adversaire, toute sa formidable expérience de roué compilateur' :
— en présence d'une telle conduite, n'était-il pas de bonne guerre
d'user à l'endroit de Lessing des armes dont il s'était servi lui-même
contre autrui ? On connaît le légendaire passage du P. Bouhours dans
Les Entretiens d'Ariste et d'Eugène (Pavis, 1671, p. 228): « C'est une
chose singulière qu'un bel esprit Allemand ou Moscovite & s'il y
en a quelques-uns au monde, ils sont de la nature de ces esprits qui
n'apparoissent jamais sans causer de l'étonnement. Le Cardinal du
Perron disoit un jour, en parlant du Jésuite Gretser : n II a bien de
l'esprit pour un Allemand, » comme si c'eust été un prodige qu'un
Allemand fort spirituel. » Cet « esprit », en lequel nos pères voyaient un
titre de gloire nationale, il ne manquait nullement à Lessing, et je ne
crois point du tout que les Allemands y soient idiosyncrasiquement
inaptes, encore qu'ils n'en fassent pas souvent montre: mais ils en pos-
sédaient un autre, dont ils recueillent aujourd'hui les appréciables
fruits : esprit d'adaptation persévérante, de lente et obstinée acquisition,
et, si l'on veut, de continuel u plagiat». Or c'est parce que Lessing
incarne admirablement ces qualités-souches de leur race qu'ils lui ont
élevé — à l'homme qui, au i4"" des Antiquarische Brieje, a écrit que
« was ein Deutscher einem Ausliinder abnimmt, sey immer gute Prise »
— un autel devant lequel M. Erich Schmidt, professeur dynastique, et
M. Franz Mehring, docteur socialdémocrate, alternèrent de nos jours
pour y brûler le plus dévotieux des encens. Nous n'avions pas les
mains liées par de pieux, mais antiscientifîques scrupules. Si Victor
Cherbuliez a pu, non sans cette réserve réfléchie qui convenait à un
Genevois doublé d'un critique à la Revue des Deux Mondes, écrire de
Lessing que a cet homme si profondément honnête, qui était incapable
d'intriguer pour lui, a recouru plus d'une fois à des manœuvres pour
assurer le triomphe de ses idées. Sincère jusqu'à la candeur tant qu'il n'y
allait que de ses intérêts, il devenait un habile, un politique au service
de la vérité. Jamais il n'a menti, il a souvent rusé. Pour écarter l'ennemi
de sa bauge, le vieux sanglier confondait ses traces, mettait la meute
en défaut.... »2, toute notre ambition serait d'avoir démontré qu'encore
1. Rappelons que Danzel-Guhrauer (II, 210 seq.) n'a pas hésité à désapprouver
le mode de polémique de Lessing — opinion partagée également par H. Rollett {Son-
nenfeW Briefe, etc. [Wien, 1874]) — à l'endroit du professeur de philosophie et d'élo-
quence de Halle, — sur lequel il n'existe pas d'ouvrage critique moderne, mais bien une
excellente notice de F. A. Eckstein, Allg. Encycl. N. S. 37. Thl. (i885), p. aS/i-a/io, — de
même qu'il serait dilïicile, aujourd'hui, de justifier sérieusement le ton des attaques
de ce même Lessing dans sa querelle avec le « dûstern Papste Hammoniens », Gœze,
comme l'a si bien expliqué teu le professeur E. Bertheau, A. D. B., IX, (1879)
p. 524-53o.
2. Un Allemand d'autrefois, dans Études de littérature et d'art (Paris, 1873), p. 18.
Cet article avait paru, sous le titre G. E. Lessing, dans la R. des D. M. du i" janvier et
du i5 février 1868.
I
LA NATURE ET LES SOURCES DE l'hISPANISME DE LESSING 29 1
que Lessingn'ait pas, en matière hispanique, positivement « menti » —
puisqu'une bonne part de ce que l'on est convenu d'appeler la science
littéraire est faite d'emprunts — il a, du moins, du commencement
à la fin de sa carrière, « rusé ». Notre ouvrage est — il nous plaît de
le répéter à la dernière page, comme nous l'avons déclaré au début —
une œuvre de bonne foi. Qui donc affirmait récemment — mais n'était-ce
pas M. Henri Albert, dans le Mercure de France du i6 février 1908 ?
— que «les enseignements de 1870 sont demeurés lettre morte pour
l'Université française » ? Qu'est-ce à dire, et la science devrait-elle
emboucher la buccine des orateurs de la Ligue des Patriotes ? S'il est
incontestable qu'il n'existe pas encore chez nous, écrit par une plume
compétente, un ouvrage complet et sans prudentes — ou adroites
réticences sur la moderne Allemagne, si ceux qui seraient le plus quali-
fiés pour l'écrire apparaissent parfois retenus par des entraves que ne
masque pas complètement l'appareil scientifique qu'ils excellent,
d'ailleurs, à manier, nous n'aspirâmes, quant à nous, ni aux honneurs
de la traduction allemande, ni au feuilleton élogieux des gazettes, telle
la Gazette de Francfort. Nous nous sommes borné à exprimer le plus
nettement possible les résultats de notre laborieuse enquête sans nous
dissimuler qu'il eût été moins dangereux de choisir, au lieu de l'inves-
tigation de l'hispanisme de Lessîng, quelque autre thème de tout
repos, où nous eussions pu faire « œuvre scientifique » sans déplaire
à personne. Et il ne nous reste, pour conclure, qu'à emprunter à Lope
sa finale du Marido mds firme, édité par son auteur en 1626 « dans la
Parte XX, mais, — selon que le voudrait, malgré une erreur de
cinq années sur la date de publication de la pièce, M. Menéndez y
Pelayo au t. VI des Obras de Lope de Vega, p. lxiv, — de composition
peut-être antérieure :
Aqui mi historia diô fin,
Mis quejas no y ansi quiero
Que oigais la segunda [=///"] parte
Y perdoneis nuestros yerros.
I. Dans Schack, II, GgS : «Parte XX, Madrid, i625 »; dans Lemcke, Hndb.lW, i8o :
uBand XX, Madrid 1625, V ; ebenda 1627, 4°». L'erreur de M. M. y. P., qui a pris la
réimpression de iG3o, Barcelone, pour une édition originale,— bien qu'en outre
La Barrera, Xueva Biogr., p. 386, eût également décrit celle de 1G25 — a été relevée par
A. Restori, Ztschft. fur rom. Phil, XXIII (iSyg), dans ses érudites Besprechungen de
l'édition de l'Académie espagnole.
C. PITOLLET.
APPENDICE
L'HYPNOSE LESSINGOPHILE
Nous réunissons sous ce titre quelques exemples plus particulière-
ment frappants de la puissance d'erreur du dogme de l'hispanophilie
lessinguienne, qu'il ne nous était guère facile de faire entrer dans le
corps de notre travail, en les classant par ordre chronologique i .
1843. Das Horoscop.
(M. III, 371.)
Ce fragment, que MM. E. Sclimidt (I, 354j et Muncker (111, Vor-
rede: Xll) datent 1758, a été, pour )a première fois, rattaché àCalderon
par Hôlscher : Lessing als Dramaiiker [Siegener Programm, i843,
P- 19]:
(( Man sollte sogar fast vermuthen, dass er [Lessing] mit Calderon bekannt
geAvesen sel, indem er einen diesem Dichter gelàufigen Stoff zu einem
Trauerspiel, das Horoscop, Avilhlte, etc. »
Propagée par Danzel-Guhrauer, l'affirmation est accueillie discrè-
tement par M. Erich Schmidt, qui se l'attribue, I, 354, en insinuant
I. II nous est arrivé, en condensant les nombreux matériaux réunis pour ces
quelques notes, de songer au jugement de M. A. Farinelli — que l'on n'accusera pas
de manque d'initiation dans la méthode et les mœurs scientifiques allemandes —
dans la Bevista critica de M. R. Altamira, I (nov. 1896), p. 363 : « En Espana, no
menos que en Italia, el literato y el critico suclen considerar como orâculo todo lo
que Uega impresode Alemania. La prolija, pesaday enfadosa erudiciôn septentrional,
la paciencia extremada que el ingenio tudesco sabe aplicar â la investigaciûn dcl mas
fiitil fenômeno literario, infunden un sacro rcspeto al trabajador del Mediodia, de
hombros màs flojos, inclinado por natura â la holganza, pero no menos despicrto de
ingenio, y de mâs râpida intuiciôn.... » (Cf., en outre, le même garant, eod. loc,
p. 35). Bien que, l'année d'avant, M. F. eût, dans la Zschft. fur vergl. Litgscli. (p. 3i8-
/I07), prodigué à l'adresse de l'Allemagne, et au détriment de l'Espagne, les compli-
ments les plus flatteurs, nous soupçonnons un peu que les lignes ci-dessus formu-
laient son verdict véritable.
294 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
que le lieu de la scène de das Horoscop a « peut-être » été suggéré à
Lessing par La vida es suefio, u das in Polen spielt und das schreck-
liche Horoscop des Prinzen Sigismund zur Yoraussetzung hat. » En
même temps, ^I. Erich Schmidt, qui ne semble pas s'être souvenu ici
de l'Introduction de Max Krenkel à son édition de La Vida (Klassische
Bulinendichtungen der Spanier, I [Leipzig, 1881], Calderon : das
Leben ist Traum, etc.), nous apprend que Calderon n'a choisi la
Pologne pour lieu de l'action que « bloss [um] ein charakteristisches
Costûm zu gewinnen ». Que M. E. Schmidt se fasse traduire El gran
duqiie de Moscovia, de Lope, et qu'il recherche si l'histoire du faux
Démétrius n'avait pas ému les Espagnols avant la pièce de Calderon.
11 imaginera, alors, dans la troisième édition de son Lessing, un
motif moins banal pour expliquer le choix du poète espagnol, ou,
plutôt, ne soufflera plus mot de cette prétendue influence de la Vida
sur das Horoscop, si évidemment illusoire.
d857. Leopold Schmidt et les imitations espagnoles
de Lessing.
Leopold Schmidt, professeur à l'Université de Bonn, qui édita à
Elberfeld en 1867 les Schauspiele Calderons, etc. d'après les matériaux
réunis par son pèrei, rapproche, p. 2i7, note**, la Grafin Orsina,
dans Emilia Galotti, d'un motif du 2" acte de El poslrer duelo de
Espaha. Cette histoire d'honneur aragonaise, que Calderon a remaniée
d'après le récit qu'en fait Prudencio de Sandoval au livre XI de La
Vida y Hechos del Emperador Carlos F (Valladolid, i6o4), aurait-elle
était familière à Lessing? L. Schmidt a éprouvé un scrupule et n'a
affirmé qu'une « ungefahre YerAvandtschaft. » P. aiS-aiZ», autre assimi-
lation. Le thème d'Emilia Galotti serait parent du thème de Garcia del
Castanar, la célèbre pièce du loyalisme castillan qui continue à faire
vivre dans le peuple espagnol le nom de Rojas Zorrilla et dont E. de
Ochoa disait, au siècle dernier (Tes. IV, SSg) que si le Théâtre espagnol
classique devait disparaître « y nos fuese dado salvar solo una peque-
I. Il en est un peu de Friedrich Wilhelm Valentin Schmidt comme de Johann
Georg Keil : nul hispanisant n'ignore ce qu'ils ont fait pour Calderon, mais la vie
de l'un et de l'autre reste totalement inconnue. Sur Schmidt, auquel VAllg. D. Biogr.
a du moins consacré (t. Sa [1891], p. lii-iG) une médiocre notice [prise, d'ailleurs, dans
le Neuer i\ekrolog der Deutschcn (Hcrlin, i83i, p. goS se^/.)], sans songer à tirer parti
des maigres renseignements épistolaires contenus au t. 111, p. 303-870, des Briefe an
Ludwig Tieck dans l'éd. préc. de Holtei, l'obscurité est un peu moindre que sur Keil,
grâce en particulier à V Introduction des Schausp. Cald. Keil, en efifet, est exclu de tous les
recueils bio-bibliographiques de consultation usuelle et M. 11. Breymann n'a pas su
renvoyer à une seule source sur son compte. Je comblerai prochainement, dans la
mesure de mes forces, cette regrcttaljle lacune dans une étude, achevée en ms. :
Lettres inédiles de J.-G. Keil à N.-H. Julius.
APPENDICE 290
nisima parte de él — cuatro dramas como reliquia de tanta riqueza —
no vacilariamos en elegir para salvarlas... el Tetrarca de Calderôn, el
Desdén con el Desdén de Moreto, la Verdad sospechosa de Alarcon, y
el Garcia del Castanar de Rojas. » Ces chimériques indications, si
elles ne fussent restées jusqu'à présent inaperçues des Lessingforschev,
eussent vraisemblablement enrichi d'une ou deux divagations docto-
rales le présent relevé.
188i. Le fragment de Faust.
L'année même où Krenkel rappelait et commentait de manière si
détaillée à l'Allemagne La Vida es Sueilo, Kuno Fischer insinuait fG. E.
Lessing als Reformator der deutschen Litevaliir dargestellt, 1. Theil
[Stuttgart, i88i],/j. i73) que l'idée du fragment dramatique de Lessing :
Faust — de date incertaine, mais vraisemblablement écrit entre 1768
et 1769 — pouvait bien être empruntée h La Vida es suefîo. « Dieser
abenteuerliclie, den Weltbegierden hingegebene und in den Abgrund
getriebene Lebensgang, » écrivait- il, « ist « das Leben ein Traum »
angewendet auf den Faust. »
A la même date, M. Erich Schmidt, pour qui Krenkel était égale-
ment tout frais, disait son mot sur la question au deuxième volume
du Gœthe-Jahrbuch, p. 65-86 : Zur Vorgeschichte des Gœtheschen
Faust. 11 écrivait par exemple p. 85 :
« An allerlei Phantomen ist im spanischen Drama, das Lessing kannte,
wie damais vielleicht kein anderer in Deutschland, kein Mangel. Schon 1760
batte er, Avie ein Zettel des theatralischen Nachlasses beweist, an eine Bear-
beitung der Komôdie La Vida es siieno gedacht. »
Mais, outrepassant les capacités réceptives les plus élastiques du
merveilleux Zettel, le futur biographe de Lessing apprenait aux
Lessingforscher pâmés d'aise que c'était Yauto : la vida es sueFio, plutôt
que la comedia de même nom, qui avait influencé leur auteur pour
le dernier avatar — à Hambourg? — de son projet dramatique. Cette
révélation n'ayant, naturellement, trouvé aucun contradicteur en
Allemagne, passa, en i884, au t. I du Lessing, p. 87/1 :
«An allerlei Phantomen ist im spanischen Drama kein Mangel. Die
Komôdie La Vida es sueno, an deren Bearbcitung Lessing schon 1760
gedacht batte, besitzt eincn allegoriscben Namensvetter in eincm Auto, das
den Widcrstreit der Elemente im Chaos, die gutcn Avie die bôsen Gewalten,
die Sûnde als Scbatten vorfûbrt und den Sûndenfall sammt der Erlôsung
des Menschen mystisch bebandclt Der Tcufcl erhegt; die Ilimmliscben
singen den Triumphgesang; der Mcnscb, gcreinigt, geknifligt, gcrctlct, wic
Lessings Faust nach dem Scblummcr, ruft in der Fûlle seiner Sellgkeit :
« 0! ist auch dièses nur Traum. so lasst micb nie erwachen ! » Er wird
296 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
seinem Gott dienen, Avie Lessings Jûngling unangefochten der edlen
Forschung. »
C'est ainsi que Lessing, qui n'avait certainement — loin de l'avoir
lue — jamais soupçonné l'existence de la collection de Juan Fernândez
de Apontes, excellait (( die gôttliche Maschinerie der spanischen Biihne
zu verAverthen » !
Cet auto, traduit en 1829 par le cardinal Melchior Diepenbrock i ,
exhumé ensuite par Krenkel, ne satisfera plus, en 1888, l'actuel édi-
teur d'Euphorion. Pour en venir à proposer, comme source du Faust de
Lessing, outre La Vida es sueiïo, deux autres drames de Calderon, voici,
j'imagine, comment a procédé M. A. Sauer. Ayant eu vent — car nul
n'ignore que l'on perdit du temps, à Madrid, à discuter à l'époque ce
(( problème » qui n'en était plus un, comme le nota M. Morel-Fatio, p. 25
de sa brochure: Calderon. Revue critique des travaux d'érudition, etc.
(Paris, 1881) — des mémoires ou articles, espagnols ou étrangers,
où était traitée, à la suite de Moriz Carrière (1876), la question d'un
illusoire rapport entre le Mâçiico Prodigioso et le chef-d'œuvre de Gœthe,
M. A. Sauer résolut subtilement d'adapter à Lessing ce qui avait été
imaginé pour Gœthe. De là, sa seconde source du Faust lessinguien :
El mdgico prodigioso. Comme, d'autre part, M. Erich Schmidt déclarait,
dès la première édition du Lessing, t. 1, p. 873, que le conte de Voltaire:
Le Blanc et le Noir^, avait influencé Lessing, M. A. Sauer se tint le
piquant raisonnement : « Pourquoi, si Lessing a utilisé Le Blanc et le
Noir, n'aurait-il point tiré profit également de Vlléraclius espagnol, dont
Voltaire donnait, cette même année 1 764, une si ample analyse? » Et c'est
ainsi que nous fûmes gratifiés, sur la foi de cette solide et bien scientifique
induction, de la troisième source, déclarée la plus importante — sans
doute parce qu'elle semblait à M. A. Sauer la plus nouvelle — : En esta
vida todo es verdad y todo mentira [Vierteljahrschrift Jilr Litt.-Gesch.,
I (1888), i3-27 et 522-523: Das Phantom in Lessings Faust]. A défaut
d'ciusserer Beleg, cependant indispensable en bonne argumentation
scientifique, l'auteur s'en tirait en alléguant ce qui lui semblait consti-
tuer des « innere Grlinde » 3. Les preuves tirées de l'existence du commode
Zetlel de 1760 ne pouvaient guère, cependant, entraîner la conviction
pour trois drames. Néanmoins, M. Erich Schmidt s'est senti persuadé,
1. Dans son recueil originairement intitulé: Geistlicher Bliiir.cnstraussaus spanischen
und deutschen Dirhlergûrlen (Sulzbach, 1829 ; deux. éd. augm. par l'auteur, ibid., i852 ;
quatrième éd. posth. Regensburg, 18C2 : das Leben ein Traum, p. i-iio.) M. H. Brey-
mann (op. cit., p. 98 et 3o5) a cru que cette œuvre était une traduction de la comedia :
La Vida es sueûo, et Reinkens, auteur de la notice sur Diepenbrock au t. V (1887) de
1'^. D. B. a daté faussement (p. i35) la i" éd. : Begensburg, 18'26.
2. Cette courte histoire, sur laquelle Grillparzer appuiera l'armature de der
Traum ein Leben, peut se lire au t. 21, p. 223-233, des Œuvres complètes de Voltaire,
éd. Moland.
3. P. a4.
1
I
APPENDICE 297
puisque la 11"'" édition du Lessing propose les trois comedias (I, 379).
Dans l'entre-temps, M. A. Farinelli avait imaginé un ingénieux moyen
terme. Il repoussait une influence de En esta vida, mais tenait réso-
lument pour les deux autres pièces (a/7, cit.y p. 286) : a. Calderon kam
ihm [Lessing] zu Hilfe und regte ihn durch sein « La vida es sueîlo »
und sein spiiter von Gœthe und Shelley hochgewûrdigtes Stiick : « El
Mâgico prodigioso » màchtig an. » Malheureusement, sa voix ne fut
pas, cette fois, écoutée.
i883. Le « Don Quîjote »
prototype de Minna von Barnhelm.
Un philologue, G. Th. Michaëlis, fournit, dans un travail paru en i883
chez H. Heyfelder (Gaertners Verlag) à Berlin sous le titre : Lessing' s
Minna von Barnhelm und Cervantes' Don Quijote (44 p. in-8), la parodie
grimaçante de la méthode suivie par tant de Lessingforscher hispano-
philes. Procédant par voie de démonstration algébrique, cet intrépide
comparse établit d'irréfutable sorte que Tellheim-Minna sont les décal-
ques : a de Don Quijote-Dulcinèa, b de Fernando - Dorotea [pour la
solution du conflit]; que Werner-Franciska reproduisent Cardenio-
Luscinda; que Jiist est Sancho, Riccaut le Cautivo, le M irth le Ventero,
la Wirthstochter la fille du Ventero doublée de Maritornes, le GasthoJ
zum Konig von Spanien la Venta que, pour son malheur, D. Quichotte
troqua en château. La saison elle-même dans laquelle se passe l'action
est semblable dans les deux œuvres et les moindres locutions appa-
raissent identifiées.
Cette élucubration n'avait, pour réussir dans le clan des Lessing-
forscher, qu'un défaut. Au lieu de démontrer que Lessing avait mieux
Jait que Cervantes, elle le transformait en son plagiaire. Ce fut la cause
pour laquelle on poussa contre elle une clameur de haro. Elle eût passé,
eût même trouvé des admirateurs, si ce ne fût un Tôlpel qui l'eût rédi-
gée. Mais elle touchait au Dieu trop irrévérencieusement. L'année
d'après son apparition, W. Brandes la tournait en ridicule, p. 5i-5/j des
Akademische Blcitter éditées par le Dr. Otto Sievers {i.Jahrgang, Braun-
schAveig, 188A.) Paul Albrecht lui-même, qui cependant n'est guère
suspect de tendresse à l'endroit de Lessing, a frémi d'horreur devant
l'audace de C. Th. Michaëhs. Dans la préface (imprimée, mais non
éditée, et d'ailleurs fragmentaire, paginée 67-140) des Lessings-Plagiate,
il profère (p. 87, note à la page 86, s), à son résumé de la thèse de
C. Th. Michaëhs, un incredihile dicta! qui pourrait provenir de la joie
maligne de l'homme qui, ayant dans son bissac des preuves plus
subtiles, se moque de la simplicité du rival triomphant à trop peu
398 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
de frais. Car Paul Albrecht savait mieux, mille fois mieux que
C. Th. Michaëlis, comment Lessing avait assemblé la charpente de
Minna von Barnhelm, et qu'il n'avait pas eu besoin, pour ce faire, de
pousser jusqu'à l'Espagne. Ce qu'il nous a laissé de sa dissection de J
cette pièce, bien qu'inachevé, restera, à part des puérihtés, comme
un document impérissable de la vérité de l'effusion échappée à l'auteur
de la Dramaturgie^ effusion transcrite plus haut et dont M. E. Schmidt
a donné, dans son article des Sitzungsberichte de 1897, p. 471-472, — en
un style aussi pédantesque que spécieuse était la pensée, — une très carac-
téristique interprétation tendancieuse, où nous relevons cette phrase,
— destinée, précisément, à excuser les plagiats dramatiques de Lessing,
— que « der iliessende Begriff des litterarischen Eigenthums iiber das
theils naive, theils unverschiimte Copiren im 16. Jahrhundert hinweg
durch die Epochen Molière' s, Holberg' s und der folgenden Komôdie
umsichtig und einsichtig zu geleiten wâre...» avant que l'on passât
condamnation sur une méthode que lui-même, E. Schmidt, a traitée
de miisivisch. Nous ne saurions que regretter profondément qu'aucune
bibliothèque parisienne ne possède l'œuvre d'Albrecht, qui est au
British Muséum, et que l'universitaire français germanisant ne puisse
ainsi se former une opinion personnelle sur les innombrables éléments
de plagiat dont est composée Minna, éléments qui, d'ailleurs, ne sont
constitués d'aucune parcelle espagnole.
1887. Philotas [f 759].
(M. II, 353.)
Sous le titre: Zum Philotas, M. Minor entreprit, dans la Zeitschrift
fur deutsche Philologie, XIX (1887), p. 289, de parfaire M. B. A. Wagner,
lequel «m seinem resullaireichen Programm « Zu Lessings spanischen
Studien» hat nicht bemerkt,dass Lessing im (^ Philotas )) dasselbeThema
behandelt wie Calderon im a. standhaften Prinzeny^^. — Suivait une
analyse — après tant d'analyses — du drame que Calderon est censé
avoir écrit d'après la Foriuna adversa del injante Don Fernando de Por-
tugal de Lope, puis M. Minor concluait apodictiquement: nKeine der
bisher nachgewiesenen Quellen zu dcm Lessingschen (( Philotas » lueist
eineso genaue Uebereinstimmung wie dièse )). Deux ans plus tard, M. G.
Roethe trouvait, dans son article déjà cité de la Vierteljahrschriftjur
I. La comcdja de Calderon — détail qui explique toutes ces identifications — avait
été publiée — assez peu critiquement, puisqu'il reproduisait simplement, comme
pour la seconde pièce, le texte défectueux d'Hartzcnbusch — et commentée en 1881
par Krenkel au même volume que Das Leben ist Traum. On sait qu'elle fut traduite
par A. VV. Schlegel en 1809 au t. II du Span. Theater, et, pour ce motif sans doute,
analysée par Sismondi, IV, ititt-ibS, que copia Saint-Chamand, op. cit., p. 182-199.
APPENDICE 299
Litferatur-Geschichte, II (1889) : ZuLessings dramatischen Fragmenten,
la « démonstration » de son collègue par trop fantaisiste. « La seule
analogie que présentent les deux pièces, » disait-il en substance,
« c'est que Philotas et Don Fernando de Portugal, el principe constante,
sont tous deux prisonniers de guerre, et que l'un et l'autre n'entendent
point acheter leur liberté au prix d'un dommage national. Or, cela ne
justifie pas la thèse que Philotas aurait été « fortement influencé » par la
comedia de Calderôn, puisque « iiber dièses etwas vage Motiv hinaus
erstreckt sich die Uebereinstimmung nicht » (p. 53o). Le Regulusmotiv,
dont on fait argument, n'est-il pas commun à d'autres œuvres de théâtre
plus accessibles à Lessing que l'œuvre castillane? Que l'on songe au
Régulas de Pradon (1688) ' et à celui de Métastase, tous deux plusieurs
fois traduits, appartenant au répertoire {cf. Gœdeke, 111, 867, n" 89;
370, n" 60), et qui offraient l'avantage d'un motif dramatique sans
femmes. Donc inutile, en vérité, d'alléguer Galderon. »
Nous lisons, cependant, dans la seconde édition du Lessing de
M. E. Schmidt, à propos de ce même Philotas, que « auch an Cal-
derons Principe Constante môgen wir denken » (I, 348). Ceux qui en
douteraient n'auront qu'à imiter notre exemple, et à relire, après la
pièce de Calderôn, Philotas dans la commode édition qu'en a donnée
G. Frick, chez Teubner, à Leipzig, en 1906, « fur Schulgebrauch und
Selbstunterricht » . S'ils ne se donnent pas pour convaincus, tant pis
pour eux.
1889. Fenix.
Dans son article précité, M. Rœthe exposait comment il avait décou-
vert « indubitablement » la source espagnole de Fenix. Reprenant
d'une main ce qu'il abandonnait de l'autre, il semblait n'avoir attaqué
l'identification de Philotas avec le Principe constante que pour
conférer plus d'originalité au régal inédit qu'il réservait au délicat
palais des Lessingforscher.
Boxberger, raisonnait-il, dans sa méritoire collection des esquisses dra-
matiques de Lessing, publia, sous le n^Sg, un fragment dont il n'avait
pu découvrir l'origine. « Ich kann nicht zweifeln, dass dièse Quelle mit
dem Standhaften Prinzen identisch ist, oder doch in irgend welcher
Beziehungsteht. » Mais, ô merveilleuse casuistique, cette fois u sind die
Beweisgriinde zum Theil recht ausserlich,Avodurch ihr Gewicht natiïrlich
nicht gemindert wird ». Démêlons patiemment le nœud embrouillé
I. La Bibl. du Théâtre français depuis son origine, etc., I, 242 (Dresde, 1778), signalait
un ftégulus, tragédie sans femmes, imprimé à Limoges en i582, in-8, et qui est de
Jean Je Beaubreuil, comme l'indiqua M. Minor. Ce renseignement émane de La
Croix du Maine, Bibl. franc., I, 448; cf. aussi Goujet, Xlli, 173. L'œuvre — qui n'est
guère « accessible » — a 8 ff. et 71 p.
3oO COIN'TRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAKISME DE G. E. LESSING
de cet intéressant plaidoyer de subtil philologue. Chez Lessing, la o fille
du roi », Fenix, apparaît en pleurs, entourée de ses compagnes: Estela,
Nisa et Flora, qui cherchent à la consoler. « Ganz ebenso bei CaV-
deron » : n'y voyons-nous pas, en effet, Fenix, fille du roi de Fez,
avec sa suite : Estrella [qui, la chose est claire, équivaut à Estela],
Celima, Zara (= Flora) et Rosa [=Nisa]? Chez Lessing, Estela est
l'amie et confidente de la princesse, qui a envoyé Flora et Nisa, pour être
libre, se promener, et qui confesse, la mort dans l'âme, à sa préférée
qu'une entente ancienne entre son père et celui de Ramiro la réserve
à cet imbécile prince d'Athènes, en même temps qu'elle lui laisse
comprendre qu'elle ne serait pas fâchée de partager la couche du
frère cadet de son fiancé par force, Fadrique. Un tel motif — et
jusqu'à l'ombre même d'une telle scène — font totalement défaut dans
la pièce caldéronienne. Mais qu'importe? N'est-ce point la plus palpable
preuve « dass Lessings Fenix auch Aveiterhin andere Bahnen wûrde
gegangen sein als der Standhafte Prinz » ? D'ailleurs, la Fenix de
Calderôn se voit, elle aussi, contrainte de mettre, par raison d'État,
sa main dans celle d'un être qu'elle abhorre, et de refuser la fleur de
sa chair épanouie à l'aimé. Ergo le Ramiro de Lessing = Tarudante ;
Fadrique = Muley , à moins que = Don Fernando: Q. E. D. —
A la troisième scène, Lessing nous présente le Roi et le Duc, Fenix,
aux abois, fuit un entretien qui pourrait mettre en danger sa piété
filiale. Le père lui-même semble s'attendrir sur le sort de sa fille.
N'en va-t-il pas ainsi chez Calderôn? Là, également, le roi s'approche
de sa fille, lui tend le portrait du prétendant détesté, et est témoin de
son crève-cœur, bien que sans en soupçonner le motif. Leur entretien,
d'ailleurs, est interrompu par l'arrivée de Muley. Fenix ne quitte pas,
pour autant, la scène : elle écoute le brave général narrer par le menu
— en 2i3 vers! — les exploits de sa campagne. « Môglich, dass der
Herzog bei Lessing, der in dem kurzen Fragment nicht zu Worte kommt,
dem edlen heidnischen Heerfiihrer entspricht. » Possible, en effet. Et,
enfin, « die Uebereinstimmung der Namen und auch der Situationen
ist zu gross, um zufàllig zu sein ». Cependant la seconde scène, qui
« appartient en propre à Leissing», révèle des données si différentes,
que (I la marche ultérieure de l'action ne se laisse vraiment identifier
que difficilement avec Calderôn ». La cause de cette divergence ne
laisse pas d'être transparente : Lessing voulait « neuen Wein in alte
Schlauche fûllen». Conçoit-on, en effet, le réformateur de la scène
allemande mené à la lisière par un homme d'Église espagnol? Pour-
tant, qui oserait affirmer que la fable castillane, « avec sa puissante
armature religieuse », n'eût point été plus grandiose que le rifacimenlo
de l'Aufkldrer? Que faudrait-il penser, si, au lieu d'avoir connu directe-
ment Calderôn, Lessing n'eût eu à sa disposition que u eine wûst
andernde Bearbeitung » ? Mais laquelle ? Boxberger avait déjà déduit, de
APPENDICE Soi
(( la maladresse scandaleusement écolière du langage », que l'on devait
n'avoir affaire qu'à une servile et informe version française —
naturellement! — retraduite par Lessing. Mais M. Rœthe, qui a frémi
à l'idée d'un Lessing plagiant les Welsches, repousse, ingénieux, la date
que Boxberger attribuait au « fragment », pour le renvoyer u etwa in
die Zeit, da der federfixe Berliner Litterat ziemlich flûchtige und
ungelenke prosaischeThomsonûbersetzungen anfing... d. Les raisonne-
ments de M. Rœthe ont paru si concluants et si forts aux Lessing-
Jorscher qu'ils n'ont pas daigné — car leur silence n'a, croyons-nous,
pas d'autre motif — attacher d'importance à l'identification de Paul
Albrecht, cependant imprimée, répétons-le, dès novembre i890,etaussi
précise qu'étaient vaines les arguties ci- dessus résumées i.
I. Pour éviter le reproche d'une ironie malséante, ou même l'accusation d'avoir
dénaturé à plaisir la pensée de M. G. Rœthe, nous reproduirons ici le texte même du
plus essentiel de son identiflcation : «Boxbergers verdienstliche Sammlung'derdrama-
tischen Entwurfe Lessings bringt untcr Nr. Sg ein Fragment « Fenix», dessen Quelle
er nicht ermittelt hat. Ich kann nicht zweifein, dass dièse Quelle mit dem Stand-
haften Prinzen identiscli ist, oder doch in irgend •\velcher Beziehung steht. Auch
hier sind die Beweisgrûnde zum ïheil redit ausserlicli, wodurch ihr Gewicht natûr-
lich nicht gemindert wird.
» Bei Lessing tritt die Kunigstochter Fenix weinend auf, umgcben von iliren
Gespielinnen Estela, Nisâ und Flora, die sie zu Irosten suchen. Ganz ebenso bei
Calderon die Konigstochter von Fez Fenix mit iliren Frauen Estrella, Zelima, Zara
(Flora?) und Rosa (Nisa ?) Fine von ihnen, Eslela, ist bei Lessing der Prinzessin
Freundin und Vertraiite, die andern sendet sie hinweg. Ihr berichtet sie, dass eine
alte Vcrabredung der Viiter sie dem dummen Prinzen Ramiro von Atlicn zugespro-
chen hat; es schimmert durch, sie wiirde es ohnc Schmerz ertragen, seinem jùngern
Bruder Fadrique zu geliôren. Dièses Motiv, dièse ganze Scène fehlt bei Calderon
vollstandig, und beweist, dass Lessings « Fenix » auch \Aeiterhin andere Bahnen
wûrde gegangen sein als der Standhafte Prinz : imnierhin ist auch Calderons Fenix
in der Zwangslage, aus politischen Grûnden cinem Ungeliebten die Hand zu reichen,
einem Geliel)ten zu entsagen ; Lessings Ramiro also = Tarudante; Lessings Fadrique
kônnte Muley, konnte aber auch Don Fernando sein. — In Lessings dritter Scène
erscheint der Ivônig und der Ilerzog; die bekûmmerte Fenix flieht eine Unterre-
dung, welclie die kindliche Elirfurcht gefàhrdcn konnte; ilir Vater selbst scheint
Mitleid mit ihrzu empfinden. Auch bei Calderon tritt der Kônig zu seiner Tochter,
ein Hild des verhassten Werbers ihr zu reichen; auch er ist Zeuge ihres Grams, doch
ohne den Grund zu erratlicn. Die Ankunft seines Gênerais Muley unte'-bricht das
Gespriich, und Fenix gcht nicht fort; Muley erziihlt don Verlauf seines Feldzuges,
Moglich, dass der Ilerzog bei Lessing, der in dem kurzen Fragment nicht zu Worte
kommt, dem edlen heidnischen Ileerfûhrer entspricht.
» Dib Uebereinstimmung der Namen und auch der Situationcn ist zu gross, um
zufallig zu sein. .«Vudererseits weist die Lessing eigne 2. Scène auf so ganz andre
Voraussetzungen hin, dass der Fortgang der Handlung sich anscheinend nur schwer
mit Calderon vereinigen liisst. Wollte Lessing neuen Wein in alte Schltiuche fùUen?
Ich fûrchte, der alte Inhalt mit seinem starken religiôsen Kern wâre kraftigcr
gewesen. Oder hat Lessing nicht den Principe constante selbst gekannt, sondern eine
wûst andernde Bearbeitung? Schon Boxberger hat aus dem argen schùlerhaflen
Ungeschick der Sprache geschlossen, es liège eben nur eine unfreie, oft undeutsclie
Uebersetzung (aus dem FranzôsischenP) vor. Dièses Ungeschick ist so gross, dass ich
« Fenix » nun und nimmer in die Mille der sechziger Jahre setzen mochte, wie
Boxberger zu wollen scheint : wir mûssen, denke ich, mindestens ein Decennium
zurûck, etwa in die Zeit, da der federfixe Berliner Litterat ziemlich llûchtige und
ungelenke prosaische Thomsonûbersetzungen anOng... »
3o2 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPANISME DE G. E. LESSING
1893. Emilia Galotti. M
QI. H, 377.)
Dans les Nachgelassene Schriften, publiées, comme nous l'avons dit,
par le comte von Schack à Dresde, en iSgS, II, i83, Edm. Doreressaie,
en une note évidemment fragmentaire, et, en tous cas, parfaitement
futile, d'identifier Emilia Galotti avec les deux premiers actes d'une
pièce, d'ailleurs insignifiante et vraisemblablement plagiée de Lope
(du moins pour plusieurs scènes), de Moreto: Primero es la honra
(B. A. E. 89, p. 229 seq.). E. Dorer était si surabondamment convaincu
de la réalité de l'hispanisme de Lessing, qu'il affirmait (p. i84) que
celui-ci a mentionné dans ses Œuvres d'autres comédies de Moreto.
De ces « autres comédies », il eût été difficile à ce confus travailleur de
citer un titre, et de préciser où Lessing les avait mentionnées, à plus
forte raison utilisées. Encore une notice qui, pour être restée inaper-
çue, n'a pas produit ses résultats légitimes.
1898. Emilia Galotti.
M. Rosenbaum {Euphorion, V, 107 : Zii Lessings Emilia Galotti),
convaincu d'une vérité inattaquable, à savoir qu'à la date où il
écrivait, a Lessings Verhiiltnis zu den Spaniern » n'était point encore
«endgiltig behandelt», entreprit d'aiguiller ses collègues, les Lessing-
forscher, sur la voie à suivre pour résoudre « définitivement » ce
Verhultnis, qui n'avait rien, on l'a vu, d'une liaison dangereuse.
On lit, acte IV, se. VII, dans Emilia Galotti [M. II, 434) •
Orsina : « Und glauben Sie, glauben Sie mir : wer ûber gewisse Dinge
den Verstand nicht verlieret, der hat keinen zu verlieren. »
Eschenburg, qui édita en 1778, comme nous lavons dit p. 196,
des poésies choisies du chanoine capitulaire hambourgeois Daniel
Schiebeler (4- 1771) : D. Schiebelers etc. auserlesene Gedichte, hrgb.
von J. J. Eschenburg , avait publié, p. 3oo du recueil, l'épigramme sui-
vante de ce facile rimailleur à la Hagedorn et dans le goût de l'école
poétique hambourgeoise d'alors :
Daphnens Schonheit.
Mit soviet Reitz, aïs meine Daphne ziert,
Ward keine noch gebohien ;
Und wer fiir diesen Reitz nicht den Verstand verliert,
Der hat ihn sclion verloren.
-9-'
^
APPENDICE 3o3
Emilia Galotti, imprimée en 1772, p. 2/4 1-894 des Trauerspiele,
semblerait n'avoir rien de commun, dans le passage cité, avec la
pointe de ce Siiingedicht. Mais Eschenburg, qui le donnait comme
posthume, se trompait. Son erreur nous semble d'autant plus étonnante
que la pièce avait été imprimée en 1766 précisément dans la Revue
que lui-même rédigea, sous le titre : Unterhaltiingen, à Ilamburg en
1766 et 1767, et qui forme 4 volumes. Au tome 2, 5. Stiick, Novembre
1766, p. 4o6, on peut lire :
Daphnens Schônheit.
Mit so viel Reiz, als meine Daphne ziert,
Ward keine noch gebohren ;
Und wer fur diesen Reiz nicht den Verstand verliert,
Der hat ihn schon verloren.
Au lieu, comme le plus élémentaire bon sens semblait l'exiger, —
d'autant plus que M. Rosenbaum, reprenant le mot précité de M. Erich
Schmidt, qualifiait à son tour le mode de travail de Lessing de musivisch
[p. 107] — de reconnaître dans l'exclamation de la comtesse Orsina un
écho, adroitement modifié — que l'on n'oublie pas la lente et laborieuse
gésine de la « première tragédie allemande » — de l'épigramme de
Schiebeler, M. Rosenbaum imagina d'attribuer à. . . Guillén de Castro la
paternité de cet Einfall. L'idée ne lui en serait jamais venue, hâtons-
nous de le noter, s'il n'avait lu cette remarque d'Eschenburg, placée
en bas de la p. 3oo dans l'éd. de 1778 :
"Es ist mir wahrscheiniich, dass dieser Gedanke aus einer spanischen
Komôdie des Don Guillem de Castro, El Gonde Alarcos, hergenommen ist,
Avorinn die Infantin sagt '
I . Le passage est Jornada tercera :
Inf. Vuelve, Senor, en tu acuerdo,
Que como loco has quedado
Desde entonces.
Con. Yo he mostrado
Solo en eso que soy cuerdo.
Que quien etc.
La pièce de Castro, remaniement dramatique de la donnée du célèbre et magni-
fique romance :
Retraida eslâ la Infanla...,
a fait l'objet de courtes réflexions de M. E. Gorra, op. cit., art.: Una romanza spagn.
nella poesia pop. e nel teatro, V Alarcos di Fed. Schlegel, p. aS-Si, et la biographie,
jusqu'alors si obscure, de l'auteur, vient d'être éclairée par M. Fr. Marti Grajales :
Cancionero de la Ac. de los Nocturnos de Valencia, 111 (Valencia xjoG), p. 119-188, et
M. H. Mérimée : Pour la biogr. de G. de C. {Rev. des langues romanes, t. L, p. Su -Saa.)
Cf. aussi F. Wolf, Bldlt. fur lit. Unterh., 1849, '^° 9° • nous ne mentionnons ce passage
que parce que — détail curieux — l'auteur ne Ta pas réimprimé, comme le reste de
son étude, dans ses Studien, p. 556-688, et que M. E. Mérimée, qui, dans son Intro-
duction à la Première Partie des Mocedades del Cid, etc. (Toul., 1890), cite Schack
(p. cxv), semble avoir oublié que Wolf a\ ait fort catégoriquement appuyé ce dernier
à cet endroit, en s'exprimant très durement, lui aussi, sur Corneille.
3o4 CONTRIBUTIONS A l'ÉTUDE DE l'hISPAjNISME DE G. E. LESSING
Que quien el seso, y el ser
No pierde si es grave el mal
Que le sucede, es sefial
Que no tuvo que perder.
Eben so lasst Hr. Lessing in seiner Galotti die Orsina sagen : « Wer
ûber gewisse Dinge den Verstand nicht verlieret, der hat keinen zu ver-
lieren. »
Je m'abstiendrai de disserter sur la question de savoir si Eschen-
burg, en découvrant la source de Schiebeler, n'utilisait pas quelque
papier de ce dernier, et m'en tiendrai à M. Rosenbaum, qui imagina,
pour étayer son affirmation que Lessing s'était inspiré directement de
Guillén de Castro, d'en appeler au fait que la Stadtbibliothek de Ham-
bourg possède une suelta sans date du rarissime Conde Alarcos. D'où
suivait que Lessing l'avait fatalement consultée, d'autant plus qu'elle
était la première des vingt-sept comedias contenues dans le volume i!
D'où suivait que Lessing l'avait, non moins fatalement, lue avant
toute autre. La chose apparaissait, confessons-le, (( sonnenklar ». Or
ce volume, qui est le sixième de la Sammhing spanischer Dramen de
B. W. Rahmeyer, n'a été incorporé — nous l'avons dit, répétons-le,
sur la foi de Petersen, Gesch. der Hamb. Stadlblbl., p. 85 — à la
Stadtbibliothek qu'en 1790! M. Rosenbaum nous obj cetera- t-il que
Lesssing avait lu lOi suelta cYiqi Rahmeyer? Avec la méthode des ainnere
Grilnde», tout est possible. Que ne poussait-il, toutefois, plus avant
sa fine investigation des comedias de la Stadtbibliothek? 11 y aurait
trouvé, au n° 5 de ce même volume, une suelta de Quando no se
aguarda qui l'eût (si tant est qu'il sache l'espagnol) intéressé, en nous
1. Tout ce qu'Emilia Galotti doit à la littérature espagnole — M. Rœthe a, dans
l'article de laVierteljahrschrift, indiqué les trois motifs qui, vraisemblablement, sont
empruntés à l'analyse de la Virginia par d'Hermilly — se borne, presque sûrement,
à un mot à effet. A la fin de la segunda jornada du Conde de Sex, la Reine, voulant
distraire ses soucis amoureux, feuillette des papiers d'État. Or, le premier nom
qu'elle y rencontre est le nom d'un comte :
Aqui dice : « £i Conde Félix...»
Conde hubo de ser por fuerza
Con el primero que encuentre;
Conde, en fin...] Vâlgamc Dios!
J^essing nota, dans son analyse, ce trait, et le qualifia de « vorlrefllich ». Nous le
retrouverions, adapté, dans r« Einilia! eine Emilia... » du premier acte d'Emilia Galotti
(1772), el ce passage doit appartenir à la conception, aujourd'hui perdue, de Ham-
bourg. Le rapprochement, fait par Klein, Geschichte des Dramas A'3, p. 733, est
classique chez les Lessing forscher . M. E. Schmidt qualifie, à cette occasion, le procédé
de Lessing de « ein bewiisster, auch mit stoffverwandten fremden Schôpfangen klug hanti-
render Calcul». (Art. des Sitzungsberichte, p. 471.) Si Lessing eût connu la Comedia
espagnole, qui abonde en trouvailles du genre de celle dont celte habileté qu'on nous
vante en lui tira le petit profit ci-dessus, les Lessingforscher n'en seraient pas réduits
à s'extasier sur ce seul emprunt à peu près certain, mais, sans aucun doute, sur
quelques centaines d'autres.
I
APPENDICE 3o5
dispensant d'une besogne de confrontation peu attrayante. Que ne se
souvenait-il, simplement, que Grillparzer avait ' , cinquante ans aupa-
ravant, mais sans s'engager à rien et sachant que c'était là coïn-
cidence de hasard, insinué, pour le passage d'Emilia, un autre
rapprochement, celui de La traiciôn bien acertada, que nous avons
signalé au § Essex?
1. SànwUl. Werke, loc. cit. (t. XVII), p. 53.
ADJONCTIONS
p. 57, note i, l. 3. — C'est au n" 44, 29 octobre 1761 , des Kritische
Nachrichten {M. IV, 266) que Lessing a persiflé l'ignorance gramma-
ticale espagnole de Jôcher : « Zum Exempel, » écrit -il cavalièrement,
« man weiss, dass die Spanier einen besonderen Buchstaben n haben;
und man weiss, wie er ausgesprochen wird. Ueberall aber bat der
D. Jôcher dièses n vor ein gedoppelt n angesehen, und es ganz
sauberlich in einen nn verwandeln lassen. » Lessing eût pu, cette fois
comme d'autres, se renseigner dans des livres français : il y eût
trouvé instruction et conseil, et eût, au lieu de commettre le « recht
lacherlichen Fehler » qu'il reprochait au professeur de Leipzig, appris
à connaître la vraie nature de cet n, qu'il appelle naïvement, à la
veille de sa mort, « nicht doppelt,-sondern circumflectirt ». Dès 1696,
N. Charpentier, auteur du premier travail sérieux sur la lahgue
castillane en France, avait reconnu que l'/l d'Espagne correspondait
à // double — sur l'origine de II en castillan, cf., comme exemple de
philologie amusante, l'explication de J.-G. Magnabal : El mdgico pro-
digioso, etc. (Paris, 1875), p. 3 — en ce sens que ce signe représentait
nn — qui, d'ailleurs, a eu, comme //, sa valeur indépendante de lettre
double. Au fol. 8 v de La parfaicte méthode pour entendre, escrire et
parler la langue Espagnole diuisée en deux parties, etc. (Paris, 1696,
in-S" de 97 ff.) on lit : « A^ ; est de deux sortes simple & composé
qu'ils appellent contilde... Celui qui est côtilde se pronôce comme
en la langue Italienne gn. Seiior, segnor, Se n. a n. se rapporte
comme /. a //. &; se doibA^ent tous deux prononcer mollement... » Puis
l'auteur, s'arrêtant aux graphies antiques : Sennor, etc. remarquait
qu'elles pouvaient provenir de « lignorance des imprimeurs & sculp-
teurs, qui pensoient que le filtre seruist pour double n...» 11 observait
même, ayant sans doute lu de vieux textes imprimés dans le nord-est
de l'Espagne, que « es plus correctes impressions anciennes, il se
trouve escript par ny. comme retiennent encores pour le iourd'hui
les Catalans & Valenciensi. »
I. Sur cet ouvrage et son auteur, cf. A. Morel-Falio : Ambrosio de Salazar et
l'élude de l'espagnol en France sous Louis XIII (Paris et Toulouse, igoi), p. 90-100. Au
fol. 12 v°, Charpentier attribuait au vocable gozo — qui est un de ceux que nota Lessing
en marge du ms. « Eraclio und Argila o, comme nous l'avons dit p. 11 — l'étymologie
C. PITOLLET. ai
3o8 ADJONCTIONS
P. 95, note i, l. 6. Nous ne saurions être qu'à demi surpris de lire,
dans les Orîgenes de la Novela de M. Menéndez y Pelayo, au t. I de la
N. B. A. E. (que nous citons p. 2U9, note 3) une timide réhabilitation
de Guevara contre Bayle, p. CCCLXV seq. Mais nous ne croyons pas
qu'il suffise de prétexter que ce furent une « broma literaria »
(p. GCCLXYIIl), pour excuser les falsifications historiques^ et la
méthode de l'homme d'église espagnol.
P. 97, note 1, l. 15. — On lisait bien, sur la couverture des volumes,
trop clairsemés, publiés par la Bibliothèque Espagnole des éditeurs
A. Picard et fils et E. Privât, parmi les titres des nombreux ouvrages
«en préparation», un : Antonio de Gaevara, son œuvre et son
influence, par M. Morel-Fatio, à côté d'un : « Précis d'une histoire de
l'ancienne littérature catalane », du même auteur. Souhaitons que
l'œuvre, annoncée depuis bientôt dix ans, paraisse au plus tôt, dans
cette collection ou ailleurs.
P. 100 (note à la p. 99, L 3). — Sur ce mystérieux Ulenhart, cf., en
outre, un commencement d'identification p. 54 seq. de la brochure de
polémique de J. Schwering contre A. Farinelli, mentionnée p. 280,
note 3.
P. i08, l. 26. — Sur cette réimpression de la Silva de Juliân de
Medrano par César Oudin et la version française de N. Baudouin —
et non, comme nous l'avons imprimé par un lapsus : Baudoin, — cf.
Morel-Fatio, A. de Salazar. etc., p. ii4-ii6, oîi est mentionné l'inci-
dent Estala-Sânchez. Nous eussions dû indiquer aussi qu'en 1609 une
autre nouvelle du D. Quichotte, le cuento de la pastora Harcela
{l'aparté, ch. XII-XIII), parut, avec quelques changements, en fran-
çais et en espagnol à Paris sous le titre : Homicidio de lajidelidad y la
defensa del honor (Bibl. Arsenal : B. L. il , 689.)
P. 115, 1.30. — L'abbé Du Dos, personnalité fort complexe, — récem-
ment étudié dans deux thèses de doctorat : de M. M. BraunschAvig
(Toulouse, 1904, doctorat de Paris) et de M. P.Péteut (Tramelan, 1902,
doctorat de Berne) — fait l'objet de quelques remarques nouvelles de
M. A. Lombard, Revue d'hist. litt. de la France, 1908, p. 65-70 :
Noies sur l'abbé Du Bos. Il est étonnant d'avoir à constater que
M. M. Braunschw^ig semble avoir ignoré l'existence du travail de son
latine gaudiiini. M. Morel-Fatio en infirme, op. cit., p. g8,- l'exactitude. Or, le hasard
a voulu que l'année avant la publication de son ouvrage, en igoo, M. R. Menéndez
Pidal, songeant sans doute, bien qu'il ne la citât pas, à la note : u Espagnol Gozo»,
publiée deux ans auparavant dans la Romania (p. 388-289) P'"' ^^- ^- D- M. Ford,
démontrât — fiomania, t. X\l\, p. 303, art. Elimologias espaholas, S. u. Recel —
l'invraisemblance de la dérivation negoliam, admise par M. Morel-Fatio à la suite de
M. Ford. « La forma goyo, » concluait le professeur madrilègne, « hace para mf indu-
dal)le la discutida climologfa gau.dinm-gozo.-i) La philologie a de ces surprises.
M. Menéndez Pidal nous écrivait, d'ailleurs, tout récemment encore: «A'ada ha hecho
cambial- mi idea respeclo d gozo gaudiu. La forma goyo nunca se puede explicar por
negolium...»
Adjonctions Soo
prédécesseur (99 p. in-8), qu'il ne mentionne, du moins, jamais dans
ses 86 p. in-8.
P. il8, note 1, l. 2U. — Nous eussions attendu du sens critique de
M. A. Bonilla y San Martin qu'il n'eût pas pris si fort au sérieux les
élucubrations de M. Salillas, dans sa conférence de mai 1905 à
YAteneo madrilègne : Don Qiiijole y el pensamienio espanol, p. 3x8 du
recueil El Ateneo de Madrid en el III Centenario de la publicaciôn de
El Ing. Hid. D. Q. de la M. (Madrid, igoô). Il importe, en efTet, de ne
pas confondre « patriotisme » et «objectivité scientifique ».
P. 131, l. 22. — CJ. à propos de cette édition de i63o, une instruc-
tive note de Ticknor, p. 34 du Catalogue de sa Bibliothèque par
Whitney. Nous n'avions pas, dans le S sur Usque, à discuter le pro-
blème linguistique soulevé par la Bible de Ferrare, et que Lessing n'a
pas soupçonné, s'étant contenté de plagier Wolf, qui n'en avait rien
dit. Nous nous sommes borné à identifier ses sources, comme toujours.
Pour que l'on ne nous reproche pas, cependant, de croire, nous aussi,
que Jerônimo de Vargas et Yom-Tob ben Levi Athias étaient deux
personnes distinctes, nous avertirons ici que nous avons lu — p. 282
de la traduction allemande : Israël iind die Vôlker, éditée par Mann
— l'important passage où est contenue la découverte d'Isaac da Costa».
Nous ajouterons qu'il subsiste, sur la Bible de Ferrare, d'étranges
équivoques. Le dernier spécialiste qui a écrit sur elle, M[eyer] K[ayser-
ling], à l'article Usque — on sait peut-être que la famille Usque tirait
son nom de son lieu d'origine: Huesca, l'ancienne O^ca, et qu'Abraham
Usque, né à Lisbonne, s'appela d'abord Duarte Pinel — au t. XII
(New-York and London, 1906) de The Jewish Encyclopœdia, p. 887,
déclare, enfermes ambigus, qu'elle est a a revision of an earlier trans-
lation rather than a new version », ajoutant, de façon tout aussi
vague : « Two slightly modified copies (not two éditions) of this
Bible were struck ofF, to be submitted to the Inquisition, one of them
being dedicated to Duke Ercole da Este, and the other, intended for
the Jewish public, inscribed in honor of D. (sic) Gracia Nasi. »
M. A. Morel-Fatio, dans un article d'une extrême science bibliogra-
phique : Les lectures de Sainte Thérèse, au n° i du Bull, hisp., 1908,
I. Sur Israël en de Volken (2' éd., Haarlem, 1848-/19) et son auteur, cf. la notice de
C. Schwartzen tête du Catalogue de la Collection importante de livres, manuscrits, etc.,
hébreux, espagnols et portugais de feu M. Isaac da Costa, d'Amsterdam, public en 1861 à
Amsterdam par M. Roest Mz. (Bibl. nal. A 18916) et l'arlicle Da Costa par M[eyer]
K[ayserling] au t. IV (igoS) de The Jewish Encycl., p. 291. L'auteur de l'article Is. Da
Costa dans la dernière éd. (IX.% t. IV [1904], p. 807) du Konv.= Lex. de Meycr n'a cer-
tainement pas lu la version allemande précitée, qu'il donne comme étant de Mann.
K. Mann ne fit qu'éditer, à Francfort, en i855, la traduction faite par «cinc Froundin
des Gôttlichen Wortes», c'est-à-dire M'" Thumb (XVI et 4.'iO p. in-8). L'ouvrage de
Da Costa — qui intéresse les hispanisants à cause de la grande quantité de matériel
nouveau accumulé dans la partie consacrée aux juifs hispano-portugais — fut aussi
traduit en anglais par VVard Kennedy (Lond., i85o).
3lO ADJO>"CTIO:^S
mentionne au § : La Bible, la « Bible juive de Ferrare publiée en i553,
qui naturellement ne contient que l'Ancien Testament », p. 27, puis
p. 29, mais sans rien préciser sur son compte. En 1899, M. S. Berger,
dans son article de la Romania sur Les Bibles Castillanes, avait excipé
de l'imminence de la publication d'une étude spéciale de M. W. Mil-
witzky (?) pour ne dire sur la Bible de Ferrare (p. 536-5A2) que des
généralités, en particulier — p. 538, d'après J.L.deVillanueva : De la
leccion de la Sagrada Escritura en lenguas viilgares (V^alencia, 1791)
— qu'elle n'était qu'un remaniement de l'ancienne revision d'après
l'hébreu. Dès 1824, cependant, l'essentiel avait été dit sur elle et sur
les Bibles castillanes qui l'avaient précédée, par un anonyme fort
érudit (auteur vraisemblablement des articles antérieurs : Nuei'a
version espanola de la sagrada Biblia, p. 27-36, et Noticia de una
Biblia valenciana impresa en el siglo XV de la cual no queda mds que
una hoja, p. 36-4o du l. 1), au t. 11 du périodique mensuel : Ocios
de Espaiîoles emig rades ^ : Noticia de todas las vers io nés de la Biblia en
las lenguas vulgares de la monarquia espanola, p. 97-108, avec adjonc-
tion p. 288. Le passage mérite, vu la rareté du périodique qui le
contient et sa valeur intrinsèque, d'être transcrit en cette place: u Gran
contienda hay entre los bibliôgrafos sobre si son una misma estas dos
ediciones. Algunos creen que la de Pinel se trabajô para el uso de los
judios, y la de Usque para el de los cristianos^. Mas esto es equivo-
cado; porque ademâs de la identidad que ya dijimos, cualquiera que
las coteje, hallarâ que también es una misma la version de los lugares
criticos, en que discordan los judios y los cristianos, y que ambas
estân segùn el sentido é interpretaciôn que siguen los primeros : por
cuya causa la llamo Casiodoro de Reyna traduccion falaz y astuta-
mente viciada. También concuerdan ambas en decir que esa era la
primera version de la Biblia que se habîa hecho en lengua castellana.
Error que fâcilmente queda confutado. Porque ademâs de que los
eruditos (V. Rie. Simon : Disquis. crit. de variis bibl. edit., c. i4)
convienen en que esos traductores se aprovecharon de las versiones
espanolas de R. Quimchi y de Aben Hezra, basta volver los ojos â las
que dejamos notadas, para convencerse que ni Pinel ni Usque fueron
interprètes originales. Anles por el contrario aparece, que lo que ellos
quisieron fué contribuir â que los 4oo,ooo y mâs judios arrojados
de Espafîa y Africa y dispersos en varias naciones de Europa y Africa
1. Bibl. Nat. : Z. 56971. La collection de ce périodique, publié à Londres chez
Dulau et C°, comprend 7 vol. in -8. Établi en avril 1824 par J. L. Villamena, J. de
Villamena et J. Canga Argiielles, il eut, en novembre 1825, P. INIardibil ijour nouveau
rédacteur, J. de Villamena étant mort. En octobre 1826, la publication en fut
interrompue, pour reprendre en janvier 1827, mais sous forme trimestrielle et avec le
titre : Ocios de Espanoles emigrados en Londres.
2. L'auteur croit, comme on l'admettait ù l'époque, que Duarte Pinel et Abraham
Usque furent deux personnages distincts.
ADJONCTIONS 3 I I
no olvidasen la declaraciôn castellana del texte sagrado, que eslaban
acostumbrados a oir en las sinagogas de aquella Peninsula. Y para
esto era forzoso que les presentasen las mismas versiones antiguas.
Y que esta fuese muy anterioral ano i553, lo demuestra su lenguage,
que ni es de aquel siglo xvi ni tampoco del xv, sino del xiv por lo
menos. Estas versiones antiguas son las que repitieron y multipli-
caron, con el capricho de dedicar una ediciôn al duque de FeTara, y
otra a Dona Gracia de Naci : en lo cual tendrian sus razones de con-
veniencia particular, que no alteran la substancia de la traducciôn. »
P. iU6, note i,l. g. — Nous avons trouvé récemment deux intéres-
sants articles oubliés sur Montiano dans l'excellente revue bimen-
suelle La America. Crônica Hispano-Americana, dirigée à Madrid de
1867 à 1881 — date de sa mort, cj. sa nécrologie au n" 19 de cette
année par M. Moya — par E. Asquerino , et dont la collection
comprend 22 volumes. Le premier, de nature bio-bibliographique,
émane de A. Ferrer del Rio, t. VI (1862), n° i. Le second, de Cueto,
est au t. XI (1867), n° 22, et compense la parcimonie avec laquelle fut
traité Montiano par le même érudit aux t. 61 (Madrid, 1869) — où il
y a un si bon passage sur L.-J. Velâzquez — et 67 {ihid. 1875) de la
B. A. E. Cueto n'était évidemment pas renseigné quand il écrivait en
cette première place, p. LXXXIV-, que Lessing n'admirait pas Mon-
tiano, mais le mentionnait avec éloge. Cette banalité se retrouve, na-
turellement, dans le texte de 1898 de YHist. crit.
P. 160, note 1, l. 10. — Comme il est désormais invraisemblable
que cette étude — qui était, en même temps, une description complète
de tous les livres espagnols rares conservés à la Sladlbibliothek ham-
bourgeoise et qui nous avait coûté assez de temps — paraisse jamais,
nous donnerons ici, en la restreignant à une simple énumération de
titres, l'analyse de la Sammliing spanischer Dranien, ne fût-ce que
parce qu'elle démontrera qu'outre sa propre collection, Lessing
disposait à Hambourg de tout le matériel nécessaire pour connaître
adéquatement la Coniedia, s'il n'en eût été empêché par son ignorance
de la langue. Cette collection compte sept volumes — un huitième
volume, d'ailleurs incomplet et non relié i, n'y a été rattaché que par
l'ignorance d'un bibliothécaire, peut-être celui qui, à la Sladlbibliothek,
catalogua les Guerras civiles de Granada de Pérez de Hita parmi la
littérature historique sur l'Espagne, — dont le second, — qui pourrait,
par suite du détail consigné à la note i, être considéré comme le
premier — est identifié par l'ex-libris de B. W. Rahmeyer, reproduit
I. Ce volume contenant — parmi les treize pièces qui le constituent— une suelta
du Carlos Quinto sobre Tànez de Canizares imprimée en 1798 chezQuiroga, ne saurait,
de ce seul clief, appartenir à la collection Uahmeyer, reliée — sauf pour le tome I,
dont la reliure en parchemin est espagnole, ce qui permet de supposer qu'il fut
acheté tel en Espagne ou en Portugal — en cartonnage alieniaud du xviir siècle.
■^
3 1 2 ADJONCTIONS #
par nous p. 288. Ces sept (huit) volumes portent, au catalogue
manuscrit de la Stadtblbliothek , la cote collective S D cl, vol. Il, p- 35
et les sueltas qui les composent, émanant en majeure partie des
officines bien connues des Fr. de Leefdael (Séville), Ant.de Hermosilla
(id.), Gomez (id.), Diego Lôpez de Haro (id.), Joseph Padrino (id.),
Ant. Sanz (Madrid), Joseph Gonzalez (id.), Teresa de Guzman (id.),
Francisco Manuel de Mena (id.), des héritiers de Juan Sanz (id.),
Lôpez (id.), Joseph de Orga (Valence), Alonso del Riego (Valladolid),
Joseph Diaz Cayuelas (Murcie), Bernardo da Costa (Lisbonne), José
Antonio Plates (id.), remontent, par conséquent, en majeure partie,
à la première moitié du xvin' siècle. Dans le rapide énoncé ci-
dessous, n'ayant pas à discuter la paternité de certaines pièces,
nous nous bornons à enregistrer les attributions des sueltas, suppri-
mant de l'étude qui n'a pas paru toutes recherches personnelles en
ce sens.
Vol. I : El exemplo mayor de la desdicha, y capitan Belisario [Lope
de Vega Carpio, n" 35] ; Los amantes portugueses y qiierer hasta morir
[Licenc. Gaspar Lozano Montesino, n° 81]; Quien mal anda en mal
acaba [D. Juan de Alarcon, n° 190] ; Pobreza, amor, yfortuna [D. Diego
y D. Joseph de Figueroa y Cordova, n" 207] ; Reynar despues de morir
[Luis Vêlez de Guevara, n" 199]; Antioco y Seleuco [D. Agustin
Moreto, n° 233]; La Perla de Inglaterrd y peregrina de Ungria
[Ingenio de esta Corte, n° 43] ; Nadie fie su secreto [D. Pedro Galderon
de la Barca, n° ioZ|]; El mayor monstruo en el mundo [id., n' 242];
Cumplir con su obligacion [Doct. Juan Perez de Montalvan, n° 128];
El conde Lucanor [D. Pedro Calderon de la Barca, n° 243] ; El Phénix
de Espaha, san Francisco de Borja [Ingenio de esta corte, n° 246] ; La
Roca del honor [D. Pedro Calderon, n° 128]; Para vencer Amor,
querer vencerle [id., n° manque] ; La mejor flor de Sicilia, Santa
Rosalia [D. Augustin de Salazar y Torres, n° i83]; La Gitana de
Menfis, Santa Maria Egypciaca [Doct. D. Juan Perez de Montalvan^
n° 32] ; Don Juan de Espina en Milan. Segunda Parle [Ingenio de esta
corte, n° 212, Plieg. U y med.\ ; Solo el piadoso es mi hijo, y peste de
Milan [Matos, Villaviciosa, Avellaneda, n" 17] ; Industrias contra
Jinezas [D. Augustin Moreto, n" 100]; Dr el Cielo viene el buen rey
[D. Rodrigo de Herrera, n° 247].
Vol. II : Zelos con zelos se curan, comedia sinfama [Maestro Tirso
de Molina, n° 82] ; Esto si que es negociar [id., n" 92] ; La Villana de la
Sagra [id., n" 18] ; El Zeloso prudente [id., n° 91] ; El amor y la amislad
y prueba real para conocer los verdaderos amantes y amigos [id.,
n" 97] ; El burlador de Sevilla y con\bidado de piedra [id., n°2i9];
Comedia sin Jama. El que Juere bobo no camine, y castigo del pense
ADJONCTIONS 3l3
que [id., n° 98, /'' y II" Parte] ; La Devocion del Rosario [D. Juan
Bautista Diamante, n" 55]; La gran comedia de santa Jiiliana [id.,
n° 85]; El negro mas prodigioso [id., n" 178]; La gran Comedia,
Passion vencida de afeclo, Jiesta que se représenta d su Magestad
[id., n" 85] ; même pièce, avec, à la fin du texte imprimé par Fr. Manuel
de Mena, Calle de Toledo, le catalogue de vingt-quatre autres pièces,
que escribiô este Autor, en vente chez le même éditeur; Los Encantos
de Medea [D. Francisco de Roxas, n° i3]; Obligados y ofendidos, y
gorron de Salamanca [id., n" g3] ; P rogne y Filoména [id., n° 83] ; Los
aspides de Cleopatra [id., n" 3o2] ; El amo criado. Donde hai agravios
no hai zelos [id., n" 99]; El mas impropio verdugo por la mas jus ta
venganza [id., n° 80] ; Del Rey abaxo ninguno, y labrador mas
honrado Garcia del Castanar [id., n" 59] ; Casarse por vengarse [id.,
n" 59]: Casarse por vengarse [id., n° 26]; El ollero de Ocana [Luis
Vêlez de Guevara, n° 2o5] ; El cerco de Rama por el rey Desiderio [id.,
n° 6] ; La nueva ira de Bios, y gran Tamorlan de Persia [id., n° 77];
Reinar despues de morir [id., n° 3] .
Vol. III : La fenix de Salamanca [Doctor Mira de Mescua ; suelta
anonyme, ancienne] ; El Conde Alarcos [anon., n° i25] ; Los Carboneros
de Francia [id., n° 98] ; Segunda Parte del Bayle del poeta de Bayles y
el letrado [Benavente, sans numéro] ; Sufrir por querer mds [Licen-
ciado D. Geronimo de Villayzan, suelta anonyme ancienne] ; Transfor-
maciones de amor [id., n" i5i] ; La Dama présidente [D. Francisco de
Leyva, n° 309]; No hay contra un padre razon [id., n" iiti]; No hay
contra lealtad cautelas [id., n° 6]; Cueva, y Castillo de Amor [id.,
n° i43]; El magico de Salerno, Comedia nueva, primera parte [D. Juan
Salvo, n" 281]; id. segunda parte [id., n° 282]; id. ter cer a parte \id.,
n° 283]; id. cuarta parle [id., n° 284]; id. quinta parte [id., n" 285] ;
La Vida de el gran tacano [D. Joseph Caîlizares, n" 296] ; La ventura
de la voz, 6 tambien por la voz hay dicha [id., numéro manque] ; La5
cuentas del gran Capilan [id., n" 44] ; El domine Lucas [id., sans
numéro]; El picarillo en Espana [id., n" 299]; Euridice y Orfeo
[D. Antonio Solis, n° 96] ; La gran Comedia de un bobo haze ciento,
fiesta que se représenta d sus Magestades Martes de Carnestolendas
[id., n" 12]; Amparar al enemigo [id., n" 11]; El amor al uso [id.,
n"99]; Amparar al enemigo [id., n" 45]; El conde de Saldana, y
hechos de Bernardo del Carpio, segunda parte [Don Alvaro Cubillo de
Aragon, n°8i]; La perfecta casada, prudente, sabia y honrada [id.,
n° i] ; El vencedor de si mismo [id., n° 122].
Vol. IV : El mas dichoso prodigio [Ingenio de esta Corte, n" 95] ; El
amante mudo, lafuerza de la sangre, y amor haze hablar los mudos
[Très ingénies, n° 289]; El mas lemido Andaluz y guapo Francisco
3 1 4 ADJONCTIONS
Esteban [Un Ingenio Yalenciano, n° 192]; El diablo predicador. Por
otro titulo : El mayor contrario amigo [Un ingenio de esta Corte, n°/jo];
El fais 0 nuncio de Portugal [id., n° 297]; Comedia nueva, intitulada:
El galan padre [Ingenio de la corte (la pièce est imprimée chez A. del
Riego), n" 89] ; El mejor amigo el muerto [Très ingenios, n° 275] ; La
Vandolera de Italia, y enemiga de los hombres [Ingenio desta Corte,
n° 29] ; Los milagros del desprecio [id., n" 46] ; La respuesla esta en la
mano [id., n" 11]; No hay cosa buena por faerza [id., n" i3o; cette
comedia se termine par Ventremés de La Manta, de Benavente, qui a
été imprimé à la suite] ; Don Juan de Espina en su patria. Primera
parte [id., n° 61]; Don Juan de Espina en Milan. Segunda parte [id.,
n" 62] ; La mas hidalga hermosura [Très ingenios, n" 79] ; Leoncio y
Montano [Dos ingenios, n° 228] ; Morir en la Cruz con Christo [Ingenio
de esta Corte, n" 4, avec, à la fin, Ventremés: De los maricones galan-
teados, anonyme] ; Diablos son los alcahuetes, el espiritu Joleto, y
magico de Salerno, comedia famosa de Carnestolendas [Ingenio de 1.
G., sans numéro] ; Dar la vida su dama, el conde de Sex [id., n° 286] ;
Duelos de Amor y desden, en papel, cinta, y retrato [Ingenio catalan,
n° 276]; El Principe perseguido [Très ingenios, n" i3i]; El buen
pagador es Dios [Ingenio de 1. C, n° 2o3] ; La perla de Inglaterra, y
peregrina de Ungria [Ingenio de Salamanca, n° 63] ; La mayor hazana
del emperador Carlos Quinto [Ingenio de 1. C, n° 75] ; Lo que pasa en
un torno de monjas [sans nom d'auteur, n' i].
Vol. V : No hay contra el honor poder [Antonio Enriquez Gomez,
sans n° ; impression anonyme ancienne] ; Valor, Agravio, y Muger
[D" Ana Garo de Malien, n" 289]; El principe jardinero y fingido
Cloridano [Capitan D. Santiago de Pita, natural de la Habana,
n° 287]; Dios hace justicia d todos [D. Francisco de Villegas, n" 20];
El amante mas cruel y la amistad y a difunla [D. Gonzalo de Ulloa
y Sandobal, n° 42]; Lo mas es saber vencerse[ï). Phelipe Sicardo,
n" i3]; El duelo contra su dama [D. Francisco Bances y Candamo,
n" 78] ; La gran comedia de la restauracion de Buda, Jiesla que se
hizo d Sus Magestades, al augusio nombre del seiior Emperador , en el
Real Palacio del Buen-Retiro [id., n° i] ; Los Esforcias de Milan
[D. Antonio Martinez, n" 96] ; El arca de Noe [id., D. Pedro Rosete
Nino, y D. Geronymo Cancer, n° 9g] ; El hechizado por fuerza, fiesta
que se hizo d sus Magestades el Martes de Carnestolendas de el a/~io
de 1698, enmendado por su auior [D. Antonio Zamora] en el ano
de 1721 [n" 26]; Aman y Mardoqueo. Por otro titulo: La horca para
su dueho [Doctor Don Phelipe Godinez, n" 127]; El renegado de
Francia [Antonio Manuel del Campo, n° 88] ; El renegado del Cielo
[D. Christoval de Morales, n" 89] ; Pobreza, Amor, y Fortuna (D. Diego
y D. Joseph de Figueroa y Cordova, n° 207] ; El texedor de Segovia
ADJONCTIONS 3l5
[D. Juan de Alarcon. /" Parte, n" 26]; id., 11^ Parte [id., n" 27];
No hay castigo contra amor [Maestro Juan Cabeza, n" 162]; Renegado,
rey, y martir [D. Ghristoval de Morales, n° i5]; La Dicha por el
desprecio [D. Juan de Matos Fragoso, n" manque] ; Ver y Créer,
segiinda parte de Dona Inès de Castro [id., n° i4i ] ; El traydor contra
su sangre [id., n° 54] ; El Galan de su muger [id., n° 189]; El marido
de su madré, S. Gregorio [id., n" 86]; La Cossaria Catalaiia [id.,
n" iSq]; Lorenzo me llanio, y carbonero de Toledo [id., n" iGo — à la
fin de la pièce est imprimé Yentremes que cantaron Bernarda Manuela,
la Grifona de Zagala, y Manuela de Escamilla de Zagal, en fiesta de
sus Magestades] ; Los Vandos de Rahena, y fundacion de la Camandula
[id., n° 2o4] ; El genizaro de Ungria [id., n" 67]; Amor, lealtad y
Ventura [id., n" loi].
Vol. VI : El Conde Alarcos [D. Guillén de Castro, suelta ancienne,
sans n" (anonyme)]; Lo que puede la porfia [D. Antonio Coello, id.] ;
La desdicha venturosa, comedia famosa nunca vista ni representada
[Dieguo (sic) Yaez Artus, id.] ; Bernardo del Carpio en Francia
[D. Lope de Llano, id.]; Quando no se aguarda: el principe tonto
[D. Francisco de Leiba Ramirez de Arellano, natural de Mâlaga,
n° 3oo]; Rendirse d la obligacion [D. Diego, y D. Joseph de Cordova
y Figueroa, Caballeros del Orden de Alcântara y Galatrava, n" 16] ;
El rayo de Andalucia, y genizaro de Espaiïa, primera parte [Alvaro
Cubillo de Aragon, n" 3i4]; id., segunda parte [id., n" 3i5]; Rey
decretado en el Cielo, y astucias de Lucifer [Sargento mayor D. Rodrigo
Pedro de Urrutia, n" 59]; Solo el piadoso es mi hijo, y peste de Milan
[Matos, Villaviciosa, y Avellaneda, n° 17]; Polinarno iia Suecia
[Antonio Gomes Silva Leam, n° i, comerf/a portugaise] ; Non plus
ultra. Amar por fuerza de estrella, y un Portugues en Ungria [Alferez
Jacinto Gordero, n° 264] ; Luis Perez el Gallego, segunda Parte
[D. Manuel De Anero Puente, Alferez del Regimiento de Gavalleria de
D. Juan de Zayas, n" 71]; Las crines blancas de Juan de Espéra en
Bios [D. Antonio de Huerta, n° 189]; Las dos estrellas de Francia
[Maestro D. Manuel de Léon, y Licenciado D. Diego Galleja, n° 90;
à la fin : Bayle curioso de el sueno. De Bena vente] ; Los Juegos
Olympicos, fiesta de la Zarzuela â los anos de la Reyna, nuestra
Seilora [D. Agustin de Salazar y Torres, n° 4o]; Los Espanoles en
Chile [D. Francisco Gonzalez de Bustos, n° 76]; El maestro de
Alexandro [D. Fernando de Zârate, n" 96]; La Presumida y la
Hermosa (D. Fernando de Zârate, n" 56] ; Al noble su sangre avisa
[maestro Thomas Manuel de Paz, n° 72] ; Pedir favor al contrario
[D. Miguel de Barrios, n" 3o] ; San Juan Bautista[D. Ghristoval do
Monroy, n" 85]; Mudanzas de la Fortuna y firmezas del amor [id.,
n° 2 5] ; Los amantes portugueses y querer hasta morir [Licenc. Gaspar
3l6 ADJONCTIONS
Lozano Montesino, n" 8i]; La Dama Capitan [D. Diego y D. Joseph
de Figueroa y Cordoba, n° 127] ; La mas constante Mager [Doctor Juan
Ferez de Montalvan, n° 291] ; Los Amantes de Teriiel [id., n° 16].
Vol. VII: Dineros son calidad [Lope de Yega Carpio, n" 200]; Indus-
tvia contra el poder, y el honor contra la fuerza [id., n° 76] ; El cerco
de Santa Fe, y iliistre hazaha de Garcilaso de Vega [id., n" 84] ; El
exemplo mayor de la desdicha, y capitan Belisario [id., n° 35] ;
El animal pro fêta, san Julian [id., n° io5] ; La hermosajea [id., n° 202] ;
La creacion del mundo, y primer culpa del hombre [id., n° 121]; El
animal projeta, san Julian [id., n" io5, répétition de la précédente] ;
El hombre de bien [id., sans n"] ; El milagro por los zelos, D. Alvaro
de Luna [id., n° i34]; Las mocedades de Bernardo del Carpio [id.,
n" 167]; La esclaua de su galan [id., n" 70]; La gitana de Menfis,
santa Maria Egypciaca [Doctor Don Juan Pérez de Montalvan, n° 82] ;
No hai vida como la honra [id., n° 1 1 (?)] ; Como d padre y como d rey
[id., n* 81] ; El mariscal de Viron [id., n" 88] ; La que son juicios del
cielo [id., n" 161]; La lindona de Galicia [id., n" 58]; Ser prudente y
ser sufrido [id., n° 60] ; El secundo Seneca de Espaiia y principe Don
Carlos [id., n° i]; El principe prodigioso y defensor de la Je [i!f/.,n°2i] ;
El principe de los montes [id., n° 66] ; El mérita es la corona y encantos
de mar y amor [D. Augustin de Salazar, n" 812]; Tambien se ama en
elabismo. Fiesta à los anos de la Reyna N. Sefiora [id., n° 20] ; Si una
vez llega d querer, la mds Jirme es la muger [D. Joseph Canizares,
noSiÔ].
Un autre volume, contenant 20 sueltas de Moreto (dans des réim-
pressions du xviii" siècle) et de reliure identique à ceux que nous
venons de décrire, doit provenir également des Rahmeyer, à la Stadt-
bibliothek de Hambourg i ,
P. 169, l. 10. — Cependant, on tend de plus en plus aujourd'hui à
I. On a vu que le tome VI de la Samml. span. Dr. contenait une suelta de Pedir
fnvor al contrario du célèbre Daniel Levi de Barrios, alias « el capitan D. Miguel de
Barrios. » Rappelons, à ce propos, que la Flor de Apolo, etc., de ce polygraphe
[Bruselas, i665], où est contenue cette comédie, avec deux autres du même auteur,
est à la Stadtbihliolhek sous la cote SDd, vol. IV, p. 57. C'est sur cet exemplaire que
F. L. Hoffmann, l'ex-censeur liambourgeois, a établi sa description au premier
(p. 172) des 5 articles sur La Presse Espagnole en Belgique, aux tomes VI et VII du
Bibliophile Belge, articles continuant ceux de «De Rg. » [: De Reiffenberg] aux
tomes I, II, III, IV, V. Dans notre étude, nous notions les causes de la confusion
commise par ce même Hoffmann, loc. cit., p. 174, à sa description de l'exemplaire de
La Comedla de las flores — également à la Stadtbibl. — , du madrilègne D. Jacinto de
Herrera y Sotomayor (Brusselas, J. Mommarte, iG4>'5), qu'il attribuait à Barrios, et
renvoyions à C. Ruelens, qui l'a rectifiée p. 3/io du tome I du Catalogue des Livres et
manuscrits formant la Bibliothèque M. J. B. Th. de Jonghe {Bruxelles, iSGo). Nous con-
signions, en outre, parmi quantité d'autres détails inédits, la remarque qu'il existe
à la Stadtbibl. un exemplaire — que Brockhaus avait envoyé à Julius en i85i pour sa
traduction de Ticknor el qui fait partie de la demi-douzaine de ceux qui furent alors
tirés — de l'édition tronquée du Cancionero de Baena par Francisque Michel, qui ne
ADJONCTIONS 817
attribuer résolument à Saavedra Fajardo la paternité de la Rep. Lit.
Cf. par exemple les quelques assertions de M. Serrano y San/, à ce
propos, au numéro de novembre 1906 deCiiltura Espanola, p. io']8seq.
Nous signalerons, sur les idées politiques de Saavedra, un bon article
récent de M. J. Marti au n° i, 1908, de la revue catalane Empori: Vells
politichs espanyols, Saavedra Faxardo, et une étude antérieure, que
ce dernier n'a pas connue, de Fernando Corradi au t. XXI (:88o) de
La America, n°^ 21-22 : D. Diego de Saavedra Fajardo.
P. 182, note 3, l. 11. — L'un des plus typiques représentants de cet
hispanisme a la violeta au siècle dernier, l'Albigeois J.-G. Magnabal,
qui eut, d'ailleurs, maille à partir avec M. A. Morel-Fatio dans la
Revue Critique, 1875, II, 193-198,378-383, — !'(( un de ces hispa-
nisants habiles dont le dangereux unilatéralisme exploitait comme
un fief intangible une littérature qui fit bouillir sa marmite»,
disions-nous de lui p. 294 de notre article (cité p. 206, note 3)
au n" 3 de la Revue Germanique, 1908 : Lettres inédites de Thomas
Carlyle, John Murray et J.-D. Aitken à N.-H. Julius, avec une
notice sur ce dernier (p. 278-816) — a été caractérisé à sa juste
valeur, quoique avec une extrême acrimonie, par M. R. Foulché-
Delbosc dans une brochure de 3i pages parue en 1891, à Paris, chez
H. Welter, et formant le premier' — et dernier — fascicule de la série
Criiica Iberica : J.-G. Magnabal. L'auteur, qui n'appartient pas à
l'Université — et c'est là un point sur lequel son apologiste, A. Bonilla
y San Martin, dont la fortune universitaire a cependant été assez
rapide, insistera, comme sur une gloire, dans l'article, cité plus bas,
de VAteneo sur les études hispaniques en France — nous semble
s'être arrêté trop complaisamment au titre d'à agrégé de l'Université »
porté par M. J.-G. Magnabal. D'autres causes, qu'il n'a pas assez
fut pas mise dans le commerce à la date fixée, i85i, parce que l'auteur refusa
de livrer à son éditeur allemand le commentaire promis, et qui devait constituer
la seconde partie de la publication. Une mention inexacte de cet incident, que nous
sommes le premier à éclairer documentairement, se lisait t. I, p. 3i2 (Lpzg. 1852),
de la traduction allemande de Ticknor : « Von dessen [du C. de B.] endlicher
Herausgabe durch Hrn. Francisque Michel in Bordeaux (Leipzig, F. A. Brockhaus)
liegen 25 Bogen in Duodez gedruckt und zur Benutzung gestellt vor mir. Sie wird
aber nicht cher ans Licht treten, als bis die gegenwârtig in Madrid fast vollendete
Ausgabedes nâmlichen Liederbuches erschienen ist, um auch dièse fur Hrn. Michel's
Erlauterungen u. s. w. noch benutzen zu konnen. » Cependant F. Wolf, qui traita
des Cancioneros à la IV. Beilage (II, 5o6), considérait l'édition Fr. Michel comme close
à cette date, i852, et basait sur elle ses citations. On s'étonne que, dans le Supple-
mentband de 1867, où il est question du C. de B., p. 22, 42, ftlt, nne rectification de
cette méprise n'ait pas été insérée. On sait que l'édition Fr. Michel ne parut
qu'en 18G0, — l'édition espagnole, avec l'introduction du marquis de Pidal, étant
de i85i — en 2 vol. in-12 chez Brockhaus : El cancionero de Alfonso de Baena,
publicado por Francisque Michel. Con las notas y los indices de la ediciôn de Madrid del
aho 1851. Nous attirions, enfin, l'attention sur un exemplaire de la traduction alle-
mande de Ticknor par Julius (coté S D d, vol. I, p. iàl) contenant d'assez importantes
corrections et additions manuscrites du traducteur, dont personne n'a encore songé,
non pas même à tirer profit, mais simplement à indiquer l'existence.
3l8 ADJONCTIONS
mises en lumière, avaient, en effet, contribué à assurer la scandaleuse
carrière académico-ministérielle de ce traducteur de Ticknor qui
ignorait l'anglais. {Cf. Morel-Fatio dans Revue Critique, iS-S, II, 69-71.)
P. 189, l. 16. — On s'étonne de voir traîner sempiternellement,
même dans des ouvrages d'érudition universitaire — le dernier
exemple que nous connaissions se trouve p. 12 de la thèse de doctorat
du prêtre catholique J. Gartner sur le Journal étranger, citée p. 191,
note 1, de notre travail — la graphie vicieuse : Le Pour et Le Contre.
Prévost avait cependant dit, au vol. V (Paris, 1734), nombre LXI,
p. 21, de son Journal: «Je ne m'arrête pas à la mauvaise chicane
qu'on m'a faite sur mon Titre. Ceux qui prétendent que la Langue
Françoise est blessée par ce mot, le Pour ^' Contre : & qui voudroient
y substituer le Pour ^- le Contre, ignorant que les Titres ont leurs Lois
propres, & indépendantes des règles ordinaires. Qu'ils me trouvent
dans notre Langue un nom substantif qui puisse marcher sans article.
Ils voyent pourtant que les Titres sont une exception à cette règle. On
dit Histoire de, Sec. Dissertation sur, &c. Quoique cette comparaison ne
soit point assez exacte pour me justifier tout-à-fait, elle jette du moins
quelque jour sur la difficulté. Mais si les Grammairiens n'en sont pas
satisfaits, je les prie de considérer mon titre dans un cas indirect, tel
par exemple le Datif. Voudroient-ils dire, en parlant de ma Feuille:
fai rendu justice au Pour ^- au Contre, plutôt que : jai rendu justice
au Pour ^' Contre? Qui ne voit que le second au changeroit l'idée,
& que, au Pour ^ Contre, considéré comme un mot composé dans
dans lequel Contre est indéclinable, en fait naître une beaucoup plus
juste? »
P. 199, l. 9. — Si notoirement gallophobe que fût Schack, il a dit
au moins une fois, et en termes d'ailleurs volontairement courtois,
son fait au chauvinisme littéraire, si déplaisant et si enraciné, de tant
d'érudits espagnols. Cf. son article : Graf Juan Valera — article
signé de Rome — au t. YIII (1894) de la Ztschjt. fiir vergleich.
Litgesch. N. F., p. 121- 128. On sait que Schack mourut en 1894,
à Rome.
P. 200, L 23. — Ce Lecouteulx de Canteleu, qui n'était rien moins
que pair de France, dut être flatté de voir le passage de Malmontet
sur Calderôn traduit sous son nom dans la revue Panthéon, éditée
à Leipzig en 1810 par J. G. Riisching et le D"^ K. L. Kannegiesser
(IIL Bandes 1. Heft, à la rubrique : Mitteilungen). Cf. sur cette revue
la col. 129 du précieux catalogue analytique des Zeitschriften der
Romantik, édité par le D' H. II. Houben en 1904, à Rerlin, comme
t. I du Bibliographisches Repertorium. M. H. Breymann, pour n'avoir
pu ou su utiliser cet incomparable répertoire, a oublié de consigner
dans son ouvrage sur Calderôn des renseignements rares qu'il y
aurait aisément trouvés, tel celui que nous venons de transcrire.
ADJONCTIONS SlQ
Notons, enfin, que Lecouteulx de Canteleu est resté, pour le D"" Houben,
un Lecoiiteu de Caniehi.
P. 201, l. 23.— De même, en 190G, M. A. Bonilla y San Martin,
dans un de ces articles dont l'allure posée ne dissimule pas complè-
tement la secrète partialité : Los estudios hispdnicos en Francia
{Ateneo, I, 5i8-525), ne saura redire, à la suite de M. A. Farinelli
dans sa conférence : Espana y su literalura d través dé los siglos
(Madrid, 1902, p. 28), que les lieux communs coutumiers sur le
« fecundo impulso » (p. 5 19) émanant de Lessing. Du moins, le pro-
fesseur de rUniversité madrilègne s'en est -il tenu à des généralités
prudentes, et a évité, en trop précisant, une confusion analogue à
celle commise naguère par Javier de Ramirez au n° 21 du t. IV de
La America, p. 10 : « Lessing presentaba â la multitud pensamientos,
caractères, estilo y acciones tomadas a la ventura de los trâjicos
griegos, romanos y franceses, de Ruzzante (sic) y de Sliakespeare, de
Lope y de Calderôn, y hasta del mismo Voltaire a quien anatematiza
repetidas veces en su Dramâtica y en los periodicos que por aquel
tiempo se publicaban en Hamburgo (! !)» (art. : Estudios titerarios).
P. 201, L 30. — Nous n'ignorons pas, toutefois, l'article de M. M. y
P. au ch.VI de la //" Série de ses Estudios de critica literaria (^Madrid,
1896; publié d'abord Esp. Mod. ,-dcc. 1894, p. 84-103) : Lope de Vega
y Grillparzer, et qui n'ajoute, d'ailleurs, rien de nouveau aux inves-
tigations de M. A. Farinelli, qu'il résume. Notons, enfin, que ce que
M. A. Ehrhard dit sur Grillparzer et Lope p. 120-124 de son Franz
Grillparzer (Paris, 1900) semble se réclamer également de M. A. Fari-
nelli, bien que nous doutions que ce dernier admette sans distinguo
la définition : homme du -wy" siècle, qui y est donnée (p. 120) de Lope,
si celui-ci n'avait, en i6o3, composé que 219 pièces, tandis que le
chiffre de ses comédies était de 1800 en i635, et si la i' Parte de ces
mêmes comédies date de i6o4 et la 29" de i634. Nous ne savons, par
contre, de qui se réclame l'assertion (p. 121) que Lope u jette ses idées
au hasard » et « tombe à tout moment dans l'extravagant et l'ab-
surde », que d'aucuns estimeront peut-être un peu absolue et massive.
Est-elle le fruit de la lecture personnelle des iio pièces — v. gr. —
de Lope publiées aux t. XXIV, XXXIV, XLl, LU de laB.A. E.?
P. 209, l. 18. — En attendant, nous recommandons la lecture de la
correspondance entre Mayâns et Cerdâ, publiée dans la Rev. de
Archivos, 1905 (I, 271, 446; II, 5i, 255, 421) et 1906 (I, 214, 378), à
qui aurait besoin de se persuader du degré auquel Mayâns réunissait
en sa personne les qualités typiques de l'érudit et du bibliophile.
P. 211, note 1, l. 12. — Déjà, cependant, on pouvait lire dans la tra-
duction espagnole de Sismondi (Ilistoria de la literatura esparwla,etc.
[Sevilla, i84i-42, 2 vol. in-4]), commencée parJ.-L. Figueroa et
continuée — à partir de la cinquième livraison — par J. Amador de
320 ADJONCTIONS
los Rios, cette note originale, I, Sgo : « Téngase présente que estePedro
Navarro es el mismo, d qiiien inesaclamente dû Cervantes el nombre
de Naharro en el prôlogo de sus ocho comedlas y entremeses ; para no
confundirlo con el presbitero Bartolomé Torres Naharro, de quien
hablamos en esta nota; en cuya equivocaclon han caido algunos
autores, entre ellos el abate Andrés en su historia literaria y
el Sr. Estala. Bartolomé Torres Naharro existiô mucho antes que el
comedianie ô auior, de que hace mencion nuestro inmortal Cervantes,
y estuvo adornado de otros conocimientos que los de Navarro. »
P. 212, l. 3. — Quand Lessing parle de Lope de Vega comme du
« créateur du théâtre espagnol » sans plus de distinctions, il est une
fois de plus victime de son ignorance des antécédents de ce théâtre et
de son information rudimen taire. Lope n'a pas, en effet, — est-il
besoin de le dire ici? — créé, mais fixé l'art dramatique transpy-
rénaïque. Comme s'exprime excellemment M. E. Mérimée dans une
récente et méritoire vulgarisation (Précis d'histoire de la littérature
espagnole [Paris, 1908], p. 3i8), « ... à y regarder de près, ce créateur
n'a rien créé, ce « père de la Comedia » n'a guère fait que lui donner
son nom. Il n'est aucun des éléments de la comédie de Lope qu'on ne
retrouve chez ses prédécesseurs ou chez ses émules. Le mélange du
tragique et du comique existait non seulement dans d'autres théâtres
étrangers, mais chez tous les dramaturges espagnols antérieurs. Le
gracioso, personnage obligé de la Comedia, apparaît déjà, sous
le nom de el simple, el bobo, chez Torres Naharro et Rueda. Tous les
sujets traités avant Lope, depuis le début du xvi" siècle jusqu'au
moment où «il se fit le monarque de la scène'», peuvent le plus
aisément du monde rentrer dans les diverses catégories de son œuvre.
La forme extérieure que revêt chez lui l'invention dramatique n'est
pas davantage sa création. Il n'a inventé aucune espèce de vers ou de
stances qui ne se trouve chez quelqu'un de ses devanciers; ce
n'est même pas lui qui a coupé le drame en trois actes. » P. 820,
M. E. Mérimée nous semble cependant adopter une interprétation
trop littérale de YArte nuevo, de même que, p. 35 1, lorsqu'il parle
M des efforts — d'ailleurs suspects — des érudits d 'Outre- Rhin » en
faveur de Calderôn contre Lope, il nous paraît être victime d'une
confusion entre l'effort de la critique rationahste et le mirage des
romantiques allemands — qui ne laissa pas d'être, en son pays d'ori-
gine, apprécié à sa valeur : cf. p. ex., au n" 2 des Grenzboten
de i854 le très remarquable article : Calderôn in Deutschland, déve-
loppant très longuement les idées déjà émises dans cette revue deux
ans auparavant, au n" 46, à la critique de la traduction, par Julius,
de Ticknori. Et les esprits indépendants ne se sont guère, en Alle-
1 . Que parlons-uous de i852, si, dès 1810, la plus fine, .la plus profonde critique
du culte aveugle des romantiques pour Calderôn se lisait p. 188-147 du t. Vil des
ADJONCTIONS 321
magne, fait illusion sur la signification réactionnaire du culte de
Calderôn de la part de certains de leurs compatriotes. 11 est, d'autre
part, avéré que les véritables « érudits d'Outre-Rhin » sont de nos
jours, de plus en plus, pour Lope contre Calderôn. Cf. un des plus
récents témoignages de l'un d'eux dans l'article, cité plus bas, de
M. Albert Dessoff (Francfort) au Literatiirblatt de la Fkft. Ztg. du
samedi i3 août igoS : « Dièse Bewegung [le mouvement en faveur de
Lope] bedeutet eine Genugtuung fiir den lange Hintangesetzten, die
jeden Verehrer seiner Muse mit der aufrichtigsten Frcude erfûUe.n
muss. Grillparzer, der seinen Lope kannte, wie nur einer, und in den
ii Studien zum spanischen TheateD) immer von neuem seinem Entzûcken
ûber die kostliche Naivitat, die schlichte Volkstûmlichkeit und die
Fûlle poetischer Ziige in den Dramen seines Lieblings Ausdruck gibt,
wûrde triumphieren, kônnte er Zeuge dieser Wiederauferstehung
sein, die man vor allem der prachtvollen Gesamtausgabe von Lopes
Werken verdankt, die von der spanischen Akademie seit iSgoverôffent-
licht wird, bis jetzt dreizehn Foliobânde umfasst und mit der
vorziiglichen Biographie Lopes von C. A. de la Barrera, welche
den ersten Band bildet, und mit den trefïlichen Einleitungen von
M. Menéndez y Pelayo dem Dichter das wûrdigste Denkmal errichtet.
Liegt dièse monumentale Publikation erst einmal abgeschlossen vor,
dann wird man mit Staunen gevvahren, Avelch beispielloser Reichlum,
dem Golde der spanischen Armada gleich, das kundige Taucher in
unseren Tagen dem Meeresschoss zu entreissen suchen, lange
verschûttet lag, und wird bewundernd vor dieser iiberwâltigenden
Phantasiefiille stehen, die ailes, was andere Dichter je geschaffen, weit
hinter sich lasst. »
P. 217, l. 20. — M. G. Huszâr, né Wolf, Privatdocent à la Tech-
nische Hochschule de Budapest, a eu la chance — qu'ont partagée
d'autres «hispanisants » de sa force — d'être patronné par Brunetière,
qui, dès janvier 1906 — p. 201 de l'article de la Revue des Deux-
Mondes [réimprimé en 1907 dans la huitième série des Et. crit. sur
l'hist. de la litl. franc.] : Les époques de la comédie de Molière — faisait
une délicate réclame au volume sur Molière et l'Espagne (ix et
Wiener Jahrbiicher der Literaiar, à l'analyse, si indépendante, des Vorlesangen de
A. W. Schlegel par l'esthéticien et professeur à Berlin K. VV. F. Solger (1780,
20 oct. 1819), analyse qui va de la p. 80 à la p. i55, et que M. H. Breymann est tout
à fait inexcusable d'avoir ignorée. Schack signalait, il est vrai, la réimpression dans
les Nachgel. Schrf. (Lpzg., 1826), dans VAppendice du t. III (Berlin, i8/|6), p. 5/17, de sa
Geschichte concernant les œuvres les plus importantes sur la littérature et l'art dra-
matiques d'Espagne, et c'est là sans doute que l'auteur de la Cald.-Lil. a pris l'idée
de son insulTisante indication p. 170. Cf. aussi la lettre de J. D. Gries, traducteur
de Calderôn, à Tieck, Jena, 1829 : « Einen ganz reinen GenusSj wie die Alten, wie
Shakspeare, Cervantes iiwl Gcelhr in seinen besten Werken, wird Calderôn uns nie
gewuhren. Er isi und bleibl durck and durch Manier etc. » Gries, détail précieux,
allirme en celle lettre que telle était aussi l'opinion de Tieck. (K. von Hollei,
Briefe, etc. [Bresl. 1864], 1, 25fj). Cf. en outre le Grillp. u. Lope de V. de M. FarincUi.
32 2 ADJONCTIONS
333 pages in-8). Nous osons espérer que l'article de M. Ph. Aug.
Becker, professeur de philologie romane à l'Université de Vienne,
paru au n° 17 de la Deutsche Literaturzeitung , 1908, et réduisant à sa
juste valeur la renommée indignement surfaite de ce faiseur, ne sera
pas passé inaperçu en France dans les milieux intéressés i et que
l'Académie française réservera ses prix à des travailleurs plus méri-
tants que ce «cosmopolite hongrois», comme s'exprimait le Bull,
hisp., n° I (1908), p. 108, annonçant une étude sur son livre, qui, pas
plus que celle sur le livre de M. Vézinet mentionné plus bas et promise
au même lieu, n'a point encore paru (i" juin 1908). Une autre critique
dulivre de M. Huszâr, par un de ses compatriotes, auteur d'un ouvrage,
écrit en hongrois, sur la vie et les œuvres de Molière — dont il a donné
lui-même un compte rendu dans Rev. d'hist. litl. de la Fr. 1897,
p. 292-296 — M. J. Haraszti, paruep. 162-167 de cette même Revue d' his t.
litt. de la Fr. 1908, a le tort de prendre ledit Huszâr trop au sérieux.
P. 2^3, note i, l. 1 . — Déjà, M. E. Cotarelo a fort bien repris cette
délicate question dans làRevista de Archivos, 1908, p. 76-86 : Ultimos
esludios acerca de « El Burlador de Sevilla » , complétant M. R. Menéndez
Pidal, au numéro de mai 1906 de Cuit. Esp., p. 449-459 : Sobre los
orlgenes de « El Coiwidado de Piedra » (avec une adjonction, numéro
d'août 1906, p. 767-768).
P. 24U, l. U. — Cette comedia de Montalvân est citée par M. G. W.
Bacon sous le titre : El Divino Nazareno Sanson, dans sa note : The
Comedias oj Doctor Juan Pérez de Montalvdn, au n" 5i (1907) de la
Reu. hisp., p. 48.
P. 2U5, L 10. — La comédie : Les Caprices du Cœur et de l'Esprit
fut imprimée la même année 1739 à Paris. Elle n'est pas, toutefois, à
la Bibl. Nat. M. A. E. Kroitzsch, auteur de : M'"* Riccoboni. Leben und
I. A moins, cependant, qu'on n'y pense, comme M, A. Farinelli à propos de
l'article du même auteur en défense de la Calderon- Lileratur paru au n° 12 des
Gôtt. Gelehrle Anzcigen, 190O, que «P. A. Becker... escribiô... un eslupendo articulo...
que ni yo, ni nadie, su autor menos que otros, pucde considerar como cosa séria >>,
interprétation qui serait, en ce second cas comme lors du premier, déplorable. En cette
même critique pot-pourri, assez bien intitulée Divagaciones calderonian.as,elhi la même
note I à la p. 5is (Divagaciones bibliogrdficas caldcronianas, dans Cultura Espanola,
mai 1907, n° VI, p. 5o5-54/i), M. A. Farinelli nous englobe dans la plialange des
critiques qu'il mande, d'un jgeste onctueux de sycophante, au Ijarathre, sous pré-
texte qu'au t. Vil (1900) du Bull, hisp., p. 821, nous avons annoncé favorablement le
volume de M. H. Breymann. M. A. Farinelli eût pu réflécïïir qu'à cette date nous
n'avions pas examiné en détail l'ouvrage, et savoir que, quand nous l'eûmes fait, nous
nous empressâmes (Bull, hisp., t.VlIl (igoG), n° 4, p. /toS-^oil) de profiter du court
espace dont nous disposions dans ce recueil pour indiquer pourquoi l'œuvre ne devait
être consultée « qu'avec précaution et, plus d'une fois, sous bénéfice d'inventaire».
Et notre partialité pour M. H. Breymann est si peu admissible, qu'au t. X, n° 2, p. 218,
du Bull. hisp.. nous sommes revenu sur cette matière, signalant aux hispanisants
français d'autres critiques de la Calderon-Literatur, à l'énumération desquelles nous
ajouterons également ici celle, déjà citée, de M. A. Dessoffdans le Literalurblatt de la
Fkft. Ztg. du i3 août kjo5, n° aaS 1^'.
ADJONCTIONS SaS
Werke (thèse de doctorat de Leipzig [Glauchau, 1898]), ignore cette
collaboration, d'ailleurs problématique. Il l'eût trouvée mentionnée à
l'article : Delisle de la Drévetihre, par A. Jadin, au t. XIII, col. 478,
de la Nom. Biogr. Génér. Didol (Paris, i863). Cf. sur 1). de la D. la
thèse de M. H. Humbert (Berlin, 1904).
P. 256, note 1, l. 6. — L'article de M. J. Givanel se trouve p. 235-
25o de VAteneo de 1907, II. Il est signé : J. Giranel (sic) M. C'est un
document particulièrement curieux, dont nous recommandons la
lecture. L'auteur, cervantiste et critique des livres de chevalerie, a, en
outre, publié au premier trimestre du journal barcelonais La l'an-
guardia d'ardentes lettres apologétiques en faveur du livre, fran-
chement médiocre, de M. F. Yézinet : Les Maîtres du Roman espagnol
contemporain (Paris, 1907), lettres qu'il adressait à P. de Mùgica, qui
représente, comme on sait, la philologie castillane et l'humorisme
espagnol à l'Université de Berlin, et qui sont également à lire. M. Gi-
vanel a eu soin, d'ailleurs, de les faire louer hyperboliquement par un
de sesépigones,M.B.SantosyVall,p. 281-234 (La Novela espanola con-
tcmpordnea. Un libro de M. Vézinet), du t. 3, n° 11 (mars 1908) de la
revue madrilègne Vida Inteleclual, rédigée par M. Nombela y Campos.
L'éloge que M. Santos y A^all prodigue à l'hispanisme de M. Vézinet
constitue une compensation à la gallophobie, avi même numéro de la
revue, deM. JoséSânchez Roj as, déclarant (p. 197): « que debemos hacer
una hoguera donde quememos los libros de Amicis, de Prôspcro
Mérimée, de Teôfilo Gautier i, » et « que de Paris, del hediondo Paris
de las soubrettes y del chauvinismo mâs inaguantable — de este
chauvinismo que tiene por simbolo reciente â Delcassé — surge,
amparada por los espaiîolesy por los hispano-americanos que pierden
su tiempo en el Barrio Latino, esa compasiôn que da triunfalmente la
vuelta por Europa ».
P. 258, l. 12. — M. Menéndez y Pelayo qui, au t. II de ses Origenes
de la novela— t. VII de la N. B. A. E. [Madrid 1907] — donne
p. LXIV seq. quelques indications bibliographiques sur la Floresta de
I. Du moins, M. Sânchez Rojas écrit-il correctement le patronymique de l'auteur
de ce fameux Voyage en Espagne, fort supérieur, en vérité, à sa renommée transpyré-
naïque, et que bien peu d'Espagnols ont lu avec l'attention qu'il mérite, ce qui ne les
empêche pas d'en mal parler. Que penser, par exemple, de M. A. Bonilla y San Martin
qui, dans son article précité de VAteneo, écrit avec un h le nom de famille du
«primer francés que echô pestes contra la cocina espanola», ainsi que le prétendait
en 1891 M" E. Pardo Bazân dans une note enthousiaste sur les deux tomes parus
(iSSSetiSgo) des Études sur l'Espagne de M. Morel-Fatio (Nuevo Tealro Crltico, Ano î,
n° 2, art. : HispanofiUa, p. 87) ? Il est vrai que M. Bonilla pourra nous alléguer que
Gautier a été également gratifié d'un h par l'excellent peintre hollandais Jozef Israëls
{Spanien. Eine Reise-Erzùhhing, II. Aufl., Berlin, i(jo(5, p. 7). Mais nous croyons que
ceux qui ont lu la version allemande de l'ouvrage d'Israïls— de laquelle nous avons
dit quelques mots Bu». /lis/)., 1907, p. 216-218 — sauront à quoi s'en tenir sur les
connaissances hispaniques de son auteur et se garderont de l'invoquer comme auto-
rité en matière de graphies.
C. PITOLLET, 2'
324
ADJONCTIONS
Santa Cruz, a oublié d'utiliser les renseignements que lui oITrai-
M. Morel-Fatio à ce sujet dans Ambrosio de Salazar et l'étude de l'es-
pagnolen France sous Louis XIII, p. 38, Sg, 199, 202, et, sur le [)seudot
privilège des Tolédans, p. 175-184- La traduction française de
Bruxelles, i6i4^ que nous citons parce qu'elle reproduit le texte
espagnol, est celle qu'un sieur Pissevin avait publiée en 1600, à Lyon :
La Floresta Spagnola ou le Plaisant Bocage, etc. En lôSa, Ambrosio de
Salazar rééditait la plupart des contes de la Floresta dans ses Secretos
de la granidtica espaflola, etc., puis, en i643, les redonnait, revus et
augmentés, au second des trois traités dits Très tratados propios para
los que dessean saber la Lengua Espanola. Le Catalogue précité de la
Bibliothèque de Da Costa mentionne, p. ii3, n° 2733, une édition de
Bruss. 1629, in-i2, de la Floresta, qu'il donne comme a très rare».
P. 26U, note 2, l. U. — Dans la réédition d'Amsterdam, u â primero
de Enero 161 7 », Câceres avoue, dans la dédicace à Jean Zamet, fils
du célèbre financier, que les Didlogos ne sont qu'une traduction de
l'italien. La Bibliothèque Nationale ne possède pas un troisième
ouvrage de F. de Câceres signalé au n" 6 (décembre 1896), p. 89 du
Boletin de la libreria, ano XXIII, publication du libraire- éditeur
madrilègne Murilio : Nue vos fieros espaholes. Hechos par et Senor
F. de Cazeres Gentilhombre Castillano, recueil de rodomontades qui
aurait paru à Paris en 1607, in-12, sur 4o ff. , en espagnol et en
français, chez ïoussaincts du Bray.
P. 267, l. 3S. — Notons, à propos de cette traduction latine de la
Celestina par Barth, que M. A. Bonilla y San Martin en parle p. 167-
172 de ses curieux mélanges, si bizarrement appelés : Anales de la
literaiura espanola ^aiios I900-190Uj. (Madrid, 1904.)
P. 269, note i, l. il. — Cette critique se lit p. 173-182. INous
n'avons pu, n'ayant pas été à même d'en corriger les dernières
épreuves, donner à certains points l'extension bibliographique que
nous eussions désiré. Sinon, nous n'eussions pas manqué de
reprocher à M. v. Klenze d'avoir ignoré l'étude, cependant capitale,
du professeur napolitain E. Zaniboni : La « Italienische lieise » del
Gœthe e la sua fortuna in Italia, parue au t. XXXVlll (igoGj du Fan-
fulla délia Domenica (Rome;, puis en brochure in-8 de 3o p. (Napoli,
1906), qui contient tant de références à des contributions inconnues
de l'auteur de The interprétation ofltaly, et cependant indispensables.
Notons, enfin, que si nous datâmes 1899 au lieu de 1 903 le Gœthe à Borna
(Roma, Soc. éd. Dante Alighieri) de M. Valeri (Carletta), la cause
pour laquelle ce lapsus n'a pas été corrigé dans notre critique est celle
même que nous venons d'indiquer. M. E. Zaniboni, qui prépare une
bibliographie raisonnée italo-goethéenne : La fortuna del Gœthe in Italia,
a traduit, en 1907, en une brochure in-8 de 43 p. (Naples), la partie de
V Italienische Beise si' rapportant au Trenlin, avec de fort intéres-
I
An JONCTION s 3a 5
sanles noies, et va publier, en 2 vol., précédée d'une élude de B.Croce,
la suite de ce travail : L'Ilalia alla fine del sec. .WJH nel u Via</gio » e
nelle altre opère di J. W. Gœlhe fcon la scorta dei principalivia(jgiatori
stranieri). Un fragment en a déjà paru aux numéros d'avril, mai et
juin 1906 de la revue mensuelle Augusta Periisia (Perugia), sous le
titre : Il Gœlhe nell' Umbria, avec quelques illustrations artistiques.
Cf. notre article bibliographique au n" /» du Bull. liai. 1908, où nous
revenons sur cette matière.
P. 27 i, (note 2 à la p. 270, l. U). — Il n'est pas jusqu'à A. Alcalâ
Galiano, qui n'ait estropié — en même temps que le titre de l'ouvrage,
dont il fait un Viaje d Espaila — le patronymique de Ponz, qu'il mue
en un (D. Antonio) Pour, p. 877 de son HLstoria de la lileratura espa-
nola,francesa, inglesa é ilaliana en el siglo xvni, leçons prononcées
à l'Ateneo de Madrid, transcrites sténographiquement par Fernândez
Cuesta et corrigées par l'auteur (Madrid, i845).
P. 303, note i, l. 12. — On est un peu surpris de voir M. Menéndez
y Pelayo ignorer apparemment en 1906 — dans le § sur le Conde
Alarcos au t. XII de son Ant. de poet. lir. cast., p. 535-54o — l'exis-
tence du livre de Gorra : Fra Drammi e Poemi, paru en i 900, puisqu'il
cite l'étude sur le drame de Schlegel (qui y est réimprimée) comme pro-
venant uniquement de la NuovaAntologia (tirage à part, Roma, 1896).
P. 303, note 1, l. 15. De nouveaux détails sur G. de Castro se trou-
vent également p. 344 seq. de la Parte Tercera [1621-1625] de la Bibl.
madrilena de G. Pérez Pastor, parue à Madrid en 1907, et dont H. A.
Rennert a résumé le contenu le plus important, ainsi que celui de la
Parte IP, dans Modem Lang. Notes de Juin 1908, p. 187-190.
P. SOU, note 1, l. 1. — Cependant Emilia Galotti, si elle ne doit rien
à la littérature espagnole, n'a pas été sans influencer cette dernière.
Voir le très long article — qui n'a été signalé dans aucune biblio-
graphie de Lessing — de Guillermo Matta : Conio se transforma un
drama en 82 aiîos : «Emilia Galotti)) (1772), ((Un dnelo d muerte))
(1860), dans La America, t. IV(i8Go-i86i), n'ai. Il s'agit du drame de
Garcia Gutiérrez, l'auteur de ce Trovador (iSSG) que l'opéra de Verdi a
si universellement popularisé.
C. PITOLLET.
ADJONCTIONS SUPPLEMENTAIRES
p. XI, note i, L 6. — La thèse de M. Farinelli est, d'ailleurs, dédiée
à M. A. Morel-Fatio et à J. Bâchtold. Nous ne savons si M. H. Hau-
vette songeait à elle lorsqu'il écrivait, dans la Revue d'hist. liit. de la
France, 1907, n" i, p. 167, note 2, que «les Études de M. Farinelli
épuisent ce qu'il va à découvrir sur chacun des points qu'elles
abordent. »
P. 66, note 1, l. S. — A ces exemples d'un « excès d'honneur » —
que nous limitons à deux, mais qui pourraient être augmentés i —
survenu au chanoine et bibliothécaire royal Francisco Pérez Bayer,
correspond une « indignité » qui mérite, comme un frappant exemple
de la légèreté avec laquelle procèdent parfois les érudits les moins
suspects, d'être brièvement narrée. On sait quelle somme de travail
représente le volume de feu Gh. Graux : Essai sur les origines du fonds
grec de l'Escurial (Paris, 1880) — travail d'ailleurs singulièrement
facilité par des subventions oificielles, dont la Correspondance
d'Espagne du défunt, publiée dans la Revue hispanique, 1905, p. 289-
595, parle avec délicatesse — et quelle perte pour l'Université fut la
mort prématurée de cet érudit, victime, dirait- on — comme tant de
ceux qui se sont adonnés au xix" siècle à des recherches de biblio-
thèques en Espagne: G. Bergenroth, Rnust, Gotthold Heine, Ewald,
ïailhan, Lœwea, — d'une fatalité obscure et meurtrière. Graux, bon
1. C'est ainsi qu'en 1869 l'auteur anonyme de l'article Bayer au t. IV, col. 867, de
la N. B. U. Didot renvoie comme unique source de sa documentation sur cet érudit
à r« édition de Madrid » du Michaud, entendant par là, sans nul doute, masquer son
plagiat de la notice écrite sur Bayer par Depping au t. III de la première édition
de la Biographie Universelle, puisque cette prétendue traduction espagnole du
Michaud, entreprise par Javier de Burgos, s'arrête à la lettre ^[mbrosmi] (t. 111, Madrid,
1832). Baur avait été plus franc, avouant sa dépendance de Depping à l'article Bayer
de VAllg. Enc. de Ersch et Gruber, VIII. Thl. (1822), p. 266. Notre Grande Encyclopédie
est, par contre, restée muette sur Pérez Bayer.
2. Nous ne voulons pas dire, p. ex., que la mort accidentelle de G. Loewe à 3i ans,
à Gôttingen, ait été une conséquence de son séjour en Espagne. Cf. sa nécrologie par
son collègue G. Gœtz, professeur à léna, au t. VI (i883) du Biographisches Jahrbiich fiir
Aller tumskunde, p. 68-72, et un mot de M. E. Châtelain dans la Revue de philologie, Vlll
(1884), p. 10(3-107. Lœvve avait fait la connaissance de Graux à l'Escorial, où il tra-
vaillait, également nanti de Stipendia et de recommandations à des Altesses, avec
P. Ewald, qui édita avec lui les Exempla scripturae wisigolhicae (Heidelberg, i883).
Sa Reisenach Spanien im Winter 1878 auf 1879, parue au t. VI (1881) du Neues Archiv
der Ges. Jiir ait. d. Geschichtsk., p. 102-269, est une œuvre de philologue, sèche et sans
âme, et nous avouons lui préférer, en dépit des utiles indications bibliographiques
ADJONCTIONS SUPPLÉMENTAIRES 837
philologue, mais nullement hispanisant — en ce sens qu'en dehors
de la bibliographie de sa spécialité, il ignorait à peu près la littérature
espagnole — avait trouvé, dans le Catalogue des ms. grecs de la bibl.
de l'Escurial (Paris, i848) d'Em. Miller — le prédécesseur, avec
Gachard, des érudits de langue française qui ont exploré les ms.
d'Espagne : Ruelle, Fr. Michel, Fierville, J. ïailhan, etc. — le passage
suivant (p. xxvm): u En 1760, le roi d'Espagne chargea le savant
antiquaire Fr. Ferez Bayer défaire le catalogue des ms. de l'Escurial.
Ce dernier employa trois ans à ce grand travail, quijormait déjà 6 vol.
in-Jol., mais qui n'a pas été achevé... » La description, qui suivait,
décelait, en son inexactitude même, une si évidente confusion avec le
cat. ms. latin, par le P. Guenca, des ms. grecs de l'Escorial en
22 vol. in-foL, achevé en 1787, que Graux se crut autorisé à écrire
incontinent, fort de cette confusion, op. cit., p. xix, note U : n Bayer
n'a pas catalogué, que nous sachions, de manuscrits grecs. On ignore
d'où R. G. Andres {Brève exposicion de la literatura griega, 2* éd.,
Madrid, i866, p. ii) a tiré l'information, assurément erronée, que
voici : « Ferez Bayer, Catâlogo de los manuscritos griegos del Escorial,
S tomos enjolio : obra que existe manuscrita en la misma biblioteca. »
El, en ell'et, bien que citant deux fois dans la suite de son travail le
nom de l'érudit valencien, Gra'uxne s'est plus soucié de ce Catalogue,
qu'il considérait de très bonne foi comme un mythe.
Or, outre le témoignage fort précis de Pérez Bayer lui-même, dans
sa réédition de la Bibl. hisp. vêtus, — dont la préface est un document
si curieux en faveur de ces admirables érudits duxviii" siècle espagnol,
aussi méconnus aujourd'hui, hors d'un petit groupe de spécialistes,
que leur époque en Europe — sur ses occupations à l'Escorial par
ordre du roi', son nécrologiste et ami, le P. augustin Juan Facundo
Sidro Villaroig, avait, dans l'oraison funèbre latine prononcée à l'Uni-
versité de Valence et imprimée en cette ville en 1797 par l'éditeur
Monfort, pris soin de dissiper tout doute à ce sujet. Et, pour plus de
précision, ses indications avaient été mises en espagnol au numéro de
novembre 1797 delà Cont. del Mémorial lit. madrilègne, p. iA5-i55,
qu'elle renferme, les si franches et spontanées Icltres de H. F. Knust (-|- 18/11) publiées
en i843 par G. H. Pertz au t. VIII du même Archiv, p. 102-252. Des passages comme
ceux-ci : « Die Beamten der Bibliothek [la IVacional madrilègne], deren Zabi bedeutend
gross ist, kommen so gegen 10 1/2 bis ii Uhr und gehen heim um 2 1/2 oder
2 3/4, etc.» (p. 220), ou encore: «die beste Empfelilung [dans les Bibliothèques]
muss immer die seyn, wenn der einsichtsvollc Bibliothckar sieht, dass der Fremde
tiichtig arbeitet und die Sache versteht, etc. » (p. 2.36). nous semblent aujourd'hui
encore dignes d'être médités en Espagne.
1. Cf. i). gr., 1, 5o, note î : « Quinos ego Tragœdiarum Senecae Codices in Escurialensi
Bibliotheca reperi quo tempore conficiendis MStorum ejus Catalogis, anno nimiruin 1763.
Regio iiissu eà dilatus sum...» En outre, la lievista de Archivas avait publié, en 1878,
p. 7-'i-75, une lettre de Bayer au secrétaire d'État R. Wall, datée Tolède, 1 1 décembre
17(31, louchant, précisément, la formation de ce Catalogue.
SaS ADJONCTIONS SUPPLÉMENTAIRES
à l'article : Vida literaria de D. Fr. Père: Bayer, article qui a servi de
base, bien que non cité, à toutes les médiocres et brèves notices cou-
rantes sur Bayer. On y lisait, p, 149- i5o — et le passage mérite
d'autant plus d'être reproduit que le Dr. R. Béer l'a ignoré dans les
remarques qu'il dédia au Catalogue de Bayer, p. lôg-iGi de ses
Handschriftenschàtze Spaniens (Wien, 189/i), où le titre de ce Cal. est
donné de façon inexacte i :
« Vuelto de Roma y hecho Canonigo, Dignidad de Tesorero de la
Catedral de Toledo, pasô de orden del Rey en el ano de 1760 â la
Real Biblioteca del Escurial (sic) â reconocer y formar el Catâlogo de
los manuscritos existentes en ella, asi en castellano como en latin y
griego; cuyo penoso trabajo, obra de muchos anos, no costô â la
diligencia del Senor Bayer mâs que très. Sobre esta materia formé
5 tomos en folio con estos titulos :
» Regiae Bibliolhecae Escurialensis M. S. codicum Lalinorum ^
Hispanorum quolqiiot in ea hoc anno il 62 inventi fiiere Calalogus,
operum auctorumque in iisdem contentorum adcuratam serieni exhi-
bens, indicala uniiiscujusque codicis aetale ^ sabjecto in ejus confir-
malionem characleris qiio velusliores alqiie insigniores codices conslant
specimine. Tomus primas ^-c. M. S.
» Al tomo 3" agregô los M. S. hebreos, y en el tomo 4°, hecho en el
ano de 1768, se contiene el catâlogo de los M. S. griegos con un
extracto de ellos M. S. »
Gomme si ces indications n'eussent point été assez claires, on
possédait le précieux récit d'une visite d'un ami de Clarke à Bayer, à
l'Escorial, en août 1762, récit contenant des détails inoubliables sur
ce savant et sa méthode de travail. L'auteur, un pasteur protestant
d'Altona, Carl-Christoph Pliier (7 21 avril 1772), y parlait en toute
précision du Catalogue, de celui des ms. grecs en particulier. (iDas
Verzeichniss der griechischen MSS. wollte er bis kiinjtiges Jahr
versparen etc. » Un peu de Klalsch — en particulier touchant l'inimitié
de Bayer avec les Jésuites, le P. Burriel et le premier bibliothécaire
royal, l'incapable P. J. de Santander — émaillait, à l'allemande, cette
narration agréable parue au t. IV (1770) du Magazin de Biisching,
sous le titre : Reise von Madrid nach dem Escorial (Bibl. Nat. :
G, 3179) et réimprimée en 1777 par Ebeling dans les Reisen durch
Spanien publiées à Leipzig d'après le ms. du défunt, in-S^a. Grâce à
1. Le Dr. R. Béer, Israélite comerti qui a fait son volumineux travail appuyé par
toute sorte d'Altesses, à commencer par la reine Marie Christine, et grâce à d'amples
Stipendia, n'a pas l'air d'en savoir long personnellement sur Pérez Bayer, puisque,
p. 524, il écrit qu'en 1785 ce dernier était " noch ein junger Mann.»
2. Plûer a traduit au t. i du Magazin (1767) la défense de VViliza par Mayâns, et
donné, au t. IV, une version partielle de l'Histoire des sources minérales d'Espagne
de Gômez de Bedoya (Santander, 176^, in-4°). Son Catalogue des ras. latins de
l'Escorial, paru au t. V (1771), a été complété, dans la réédition de 1777, par celui
ADJONCTIONS SUPPLÉMENTAIRES 839
Pliier, on savait que si le Catalogue était resté inédit, c'est que la chute
de Wall, protecteur de Bayer, en avait empêché l'impression, et l'on
savait également qu'il n'avait pas été rédigé au net, mais était resté
à l'état de brouillon {art. cit., p. SqS), ce qui explique à nos yeux
l'expression borradores, employée par Rodriguez de Castro au prôlogo
du t. 1 (1781), puis p. 828 du t. II (1786) de sa Bibl. Esp. pour le
désigner I. Légué, avec la Bibliothèque de Bayer, à l'Université de
Valence, ce Catalogue y avait subi la destinée de la Bibliothèque de
cette institution, lamentable s'il en fut, comme celle de la Bibliothèque
de l'Archevêque. La nouvelle de cette catastrophe apparaissait pour
la première fois, croyons-nous, col. 922-923 des Catalogl, etc. de
l'éditeur de la Lex Romana Wisigothorum (1848), G. Hœnel, qui
l'avait apprise en Espagne, en 1822, et l'annonça en ces termes
discrets en i83o, s. v. S. Lorenzo ciel Escortai : « Tertium [Catalogum]
notis instructuni Ferez Bayer, Villegasii catalogo usus, sex volumi-
nibus conscripsit : is autem Valentiae incendio perïit. Duo tantum in
Scorialensi bibliotheca inverti volumina, quae a. 1762 conscripta
codices latinos et Hispanos, inde a lit. A. ad lit. K. recensent. » Mais,
en 1808, Fernândez de Navarrete la précisait, dans la note m au
texte imprimé de son Diseur so, prononcé l'année avant à l'Académie
de l'Histoire : c'était le 7 janvrer 1812 que les bombes, « en el sitio que
puso â la ciudad el mariscal Suchet » , avaient anéanti ce trésor, et
des ms. hébraïques, arabes et grecs (p. 146-202). Il provient, comme celui de Clarke
(Letters, p. i55 seq.) — qui n'a rien dit de son origine — d'une copie, par le P. Bur-
riel, du Catalogue du P. Villegas, mais est moins défectueux que celui de Clarke.
Le premier éradit qui rappela, à notre connaissance, l'intérêt qu'offraient les dires
de Plûer, a été le bibliophile hambourgeois F. L. Hoffmann, dans son article du
Serapeum, iSâd, sur les « Copies de Cat. de ms. de Bibl. publ. à la Stadtbibl. de
Hambourg », p. 3oG, puis p. 3o8 (B. Nat. : Q, 6095).
I. A en juger par un passage de J. J.deAssoy del Rio et M. de Manuel y Rodriguez
dans une note au Discurso sobre el estado de los Jiidios en Espana qui fait suite à leur
édition deVOrdenamiento de leyes d'Alphonse XI aux Cortes d'Alcalâ en i3/|8 (Madrid,
Ibarra, 1774, p. 1/18, note i [Bibl. Nat. : Of. 6]), il semblerait cependant que ces
«brouillons» aient été distincts d'une rédaction ultérieure, en trois tomes in-fol.
« El seiïor D. Francisco Perez Bayer, Preceptor de los Serenfsimos Senores Infantes,
y Canônigo Tesorero de la Metropolilana Iglesia de Toledo, ha trabajado con aquel
pulso é instruccion que nos manificstan sus obras impresas, el Indice de los MSS. cas-
telianos, latinos y griegos, que se guardan en la Real Biblioteca del Escorial. »
Bayer leur a prêté cette œuvre, qui, disent-ils, mériterait d'être imprimée, et dont
ils citent un long passage. Elle est composée de « très tomos de folio gruesos, bella-
mente escritos,ilustradoscon notas de la mayor erudiciôn paranoticia de losCôdices,
que alli seexpresan, y sacadas las niuestras del carâcter de letra en que estân los mâs
antiguos. » Ce témoignage d'un érudit de la valeur d'Asso nous semble peu suspect.
Asso est aujourd'hui oublié, mais mériterait une étude. La liste de ses œuvres est
dans Sempere y Guarinos, Ensayo 1 (1785), p. 187 seq. C'était un grand ami de
O. G. Tychsen, qui lui a rendu un magnifique hommage dans l'introduction à sa
version allemande (Rostock, 1787; B. N. : 522629) du Discurso sobre la lanyosta, y
medios deexlerminarla, publié par Asso, alors consul d'Fspagne en Hollande, i. /., en
1785, sur 2 feuilles g" in-8. Son nom revient à plusieurs reprises dans la correspon-
dance de Bôhl von Faber avec Julius.
33o ADJONCTIONS SUPPLÉMENTAIRES
tant d'autres 1. Des deux volumes auxquels faisait allusion Haenel,
VArchiv der Gesellsch. Jiir altère deut. Geschichtsk. donnait, en i843
— t. VllI, p. 809-821 — un Auszug aus dem Katalog des Don Fran-
cisco Ferez Bayer, mil Zusàtzen Knust's, et, en 1872, la Revista de
Archioos en publiait également, p. 218-222, 233-287, d'informes
fragments, à la suite d'une question d'un lecteur (p. 126), résolue
p. i44en des termes qui ne font pas grand honneur à l'érudition de
l'archiviste signataire 2. On jugera, après ce qui précède, si la néga-
tion de Graux était sérieuse, et si la mémoire de Pérez Bayer ne
méritait pas d'être, fût-ce à titre de hors-d'œuvre, réhabilitée.
P. 67, note 1, l. 13. — Nous rappellerons, à ce propos, la juste
observation de R. Mahrenholtz touchant Calderôn, u der fur den
Ânfiinger ungeeignetste Dramatiker Spaniens », p. 369 de son article,
d'une originalité plus que médiocre (cf. Farinelli Grillp. u. L. de V.,
p. 65, note 2) : Franz Grillparzer und das span. Drama, au t. 86
(1891) de l'Archiv de Herrig, et ajouterons que ce n'est que par un
lapsus, que nous n'avons pas mentionné, p. i65, note i, /. 2, Die
1. P. 53 du Discurso, imprimé à Madrid chez Aguado, sur 55 pages in-4° (B. IV. :
Z, 9565). C'est là que Gachard a pris, en i853, l'identique indication à l'article La
Bibliothèque de l'Escurial, t. XX'" des Bulletins de l'Acad. Royale belge, p. 288 (B. N. :
8* _• De même, G. Valentinelli : Délie hiblioteche délia Spagna (\\\en, 1860), p. 75,
note 3, puis le Dr. Béer — qui déclare n'avoir pu lire le Discurso — op. cit., p. 161,
192 et 291. — Notons ici qu'en 1894 le Dr. Heer donnait également (op. cit., p. i8fi)
1783 comme date de la Bihl. hisp. nova, ce qui prouve qu'il n'en a pas lu la préface,
et ajoutait à cette erreur celle de croire que cette réédition était l'édition originale,
et qu'au xvii' siècle, seule la Bibl. hisp. vêtus fut imprimée. Cf. p. 18G, note 2. En
i8gS, dans un essai, plus ingénieux que critique, d'attribution de la composition du
Poenia del Cid à l'abbaye bénédictine de San Pedro de Cardena (Zur Ueberlieferung
altspanischer Literatardenknidler, p. 97-105, 193-206, 289-309 de la Ztschft. fur ôst.
Gym. 1898; cf. la critique de J. Ducamin : Rev. des lang. rom. 189g, p. 372-378),
M. Béera commis déjà la même erreur qu'en igoS (p. 97). M. J. Ducamin ne l'a pas
relevée.
2. Notons que le Dr. Béer (op. cit., p. 1G2) croit qu'un Codex de la Bibl. palatine
madrilègne non coté, que lui montra Zarco del Valle et qu'il examina rapidement,
pourrait être le spécimen des ms. anciens dont Bayer avait confié la confection à
deux scribes. i< Zu Gehûlfcn batte er zween gcschickte Schreiber, dieaus jedem alten
merkwûrdigen Codice eine Probe abzeichneten, die dem Catalogo mit einverleibt
werden soUte. Dies verrichteten sie, vvie ich aus der Vergleichung mit dem Original
sah, mit der grossten Genauigkcit der Nachahmung. » On se souviendra peut-être
que Graux fut précisément le premier érudit qui eut pleinement accès à cette biblio-
thèque palatine — que Ford définissait, en i855, « one of the many treasures buried
in 8panisli napkins, and wtiich are virtùally closed lo foreign enlerprise. Hère are
left lo the worms some 100 000 volumes» (A handbook for trav. in Spain, 3^1 éd., IF,
720; c/. dans la sixième édition (1882) les remarques sur la Bibliothèque de l'Escorial,
1, g3. Nous recommandons, d'ailleurs, aux hispanisants sachant l'anglais la lecture
des inénarrables Ilinls on Conduct, au début du t. I, comme spécimen de la manière
dont les Anglais du type moyen apprécient les Espagnols. Bapdeker a su, dans son
édition française (2% 1908), concilier plus objectivement la «réalité n et la « poésie».
Le vœu de Graux (Rapport sur une mission en Espagne), renouvelé par Béer, p. 288,
touchant les ms. de la Bibl. palatine et leur accessibilité ne semble guère avoir été
pris en considération, à en croire le récit peu suspect de M. Bonilla y San Martin
dans ses Anales précités, sur l'aventure qui lui arriva dans ladite Bibl.
ADJONCTIONS SUPPLEMENTAIRES 33 1
Ahnfrau et Die Jiidin von Toledo parmi les pièces de Grillparzer à
inspiration nettement espagnole.
P. lOU, l. 21. — Dans une de ces montres d'érudition où il semble
se complaire — ce qui ne l'empêche pas, dans ce même travail, de
parler avec assez de frivolité de Pierre Bayle, 11, i5i-i54 — M. A. Fa-
rinelli {Dante e la Francia, etc. [Milano, 1908], 11, i4i note 2) suggère
que si Adrien Baillet, « ignaro dell' Audigler anticoni, a traduit, à
l'article Dante des Jiigemens des Savans, « il nome •' Aldighieri " in
" d'Audiguier " », c'est que u non è tuttavia improbabile che
rimembrasse il noto poligrafo Vital d'Audiguier, traduttore délie
novelle del Cervantes e dell'Espinel, assassinato nel 1624, di cui è una
brève notizia nel Dénombrement où se trouvent les noms de ceux qui
m'ont donné leurs livres, aggiunto aile Mémoires de Michel de Marolles
Abbé de Villeloin, éd. di Amsterdam, 1765, III, 266. » Outre que ce
renvoi à dix lignes, absolument banales, de Marolles était peut-être
superflu à propos d'un écrivain sur lequel, depuis Goujet (au t. XIV
de la Bibl. fr., p. 34 1 seq.), Bayle et Moreri, en passant par Barbier
(Examen crit. etc.), les notices, telles celles du Die. univ. hist., de
VAllg. Encycl. de Ersch et Gruber, de la B. U. Michnud, de la
A^. B. G. Didot, etc., abondent, n'eût-il pas été d'une bonne méthode
de signaler que, dans l'édition la plus répandue des J. d. S., celle
de 1722, par La Monnoye, se lit, IV, 266, cette importante note : «Il
faut, conformément aux Académiciens de la Crusca, dire & écrire
Alighieri. C'étoit le nom de famille. Le nom de batème étoit Dante,
abrégé, comme le croit avec beaucoup d'apparence Volateran, de
Durante, ce que nul autre Ecrivain, que je sache, n'avoit remarqué 2.
[Suit le passage de Volaterrano, puis] : En François, nous ne disons
que Dante, mais nous prononçons à l'Italienne Dante quand nous y
joignons Alighieri. Je doute qu'on se soit jamais avisé de rendre ce
mot en François par d'Audiguier, & qui s'en aviseroit aujourd'hui se
feroit sifïler, quoique peut être les Gentils -hommes qui parmi nous
ont porté ce nom, dont quelques-uns sont connus par leurs écrits,
n'étoient pas fâchés qu'on les crût parens des Alighieri. » On voit,
donc, que Baillet pouvait bien ne pas avoir pensé forcément à Vital
d'Audiguier, et ne serait- il pas tout aussi loisible d'admettre qu'en
francisant le patronymique de Dante, il obéissait à la même coutume
qui, au xvii' siècle, faisait appeler en France, p. ex., Lope de Vega
le Lope de Vègue?
P. 13U, note 1, L 19. — L'ouvrage de Clarke méritait d'autant plus
d'intéresser Lessing qu'on y trouvait, précisément, celte découverte
de première valeur touchant le fameux passage de Jean, p. i33 :
« With regard to Ihe MSS. of the New Testament [à l'Escorial],
1. Ici, M. Farinelli renvoieà Barbazan, Fabliaux et Contes, IV, 217-233.
2. Celte remarque est cej)eiuhiiil dans liaylc, Dict. crit. (éd. de ivS.'i). '!> 5f>i.
333 ADJONCTIONS SUPPLÉMENTAIRES
I was determided to coUate hvo or three of Ihe most remaïkable texts,
to see lîOAv they stood. Having seen in England how the famous text,
Johannis Epist. I, cap. Y, ver. 7, 8, stood in our Alexandrian MS.
I took doAvn two of the oldest MSS. of the Epistles which I could find
in the Escurial, and having a small Greek Testament in my pocket,
I collated that text first, in présence of the auditor and some other
gentlemen. It is remarkable, that both the MSS. should concur ■\vord
for word in this reading : « "On Tpît; eii'.v bi |;.ap7jp;yv:î;' -rb 7r^£u;j.a,
xai TO licwo, '/.a- -z S.vj.ol' /.al 01 Tpsu stç to é'v eijtv èi Tr)v [j.apTypîav
Tûv àv9pw~(ji)v /.a[j!.^7voij.£v, ■/.. T. X. )) One of them read k\i^z\).ty, Avhich,
I think, bas more force. I do not enter into the controversy, Avhether
this be the right or the wrong reading; I shall only add, that such
I found in two MSS. of a différent character, and âge, and which did
not appear to be copies of each other. But the curions reader, after
having examined Dr. Mills's long note on this verse, and also the
tedious comment of Mr. Wetstein, may see more in Une Dissertation
critique sur le verset septième du Chapitre V. de la première épître de
St. Jean, par M. Martin, à Utrecht, 1717, 12 mo. »
Pilier — auquel on fit, à l'Escorial, force politesses, mais auquel
on refusa opiniâtrement toute communication de ms. du Nouveau
Testament — tâcha vainement de collationner à son tour ces deux ms.
grecs, dont Clarke lui avait parlé comme datant du vi' siècle — par
conséquent de l'époque alexandrine, de même que celui de l'Univer-
sité d'Oxford, dont ils confirmaient la lecture — et écrits «mit grossen
Buchstaben, ohne Accente und Unterscheidungszeichen ». Cf. son très
curieux passage, art. cit. p. 383-384, où il a imprimé un court frag-
ment de lettre latine que Clarke lui manda en Espagne à ce sujet.
Quant à la biographie de Cisneros, il n'était pas même, à la rigueur,
besoin de l'avoir lue pour savoir à quoi s'en tenir sur le chapitre des
ms. employés par les éditeurs de la Polyglotte, puisque le Cardinal
s'expliquait clairement à ce sujet dans la Dédicace de l'œuvre, où, —
comme le rappellera M. Menéndez y Pelayo au t. VI (1896) de son
Antologîa, p. cxcii-cxciii — mention était faite, en termes exprès, de
l'envoi à Alcalâ de ms. grecs de la Vaticane par le pape Léon X, les
ms. hébreux et latins ne faisant pas défaut en Espagne. On se sou-
viendra que, si la Polyglotte ne fut mise en circulation qu'en iSao,
son impression était achevée en i5i7, et celle du texte grec dès i5i4,
ce qui fait que celui-ci fut le premier imprimé en Europe, deux ans
avant celui d'Erasme.
P. 135, note 1, l. U. — On ne prête, dit-on, qu'aux riches. Déjà,
en 1903, M. J. Schwering parlait {broch. cit., p. 2) d'une a krilische
Ausgabe » de ces deux traités de Graciân par M. Farinelli, et, bien
que, l'année suivante — dans sa courte réplique, Studien :ur vergl.
Litgesch., III, p. 219-222 — ce dernier s'en soit dénié (p. 221, note i)
ADJONGTIO^S SUPPLÉMENTAIRES 333
catégoriquement la paternité, nous voyons que tant M. Fitzmaurice-
Kelly (éd. de 1904, p. ASg) que M. E. Mérimée (Précis, p. 269 note),
continuent à la lui attribuer. Elle ne figure pas dans YElenco di alcuni
lavori a slampa di Artiiro Farinelli — où de simples recensions sont,
sans précision bibliographique aucune, si bizarrement citées parallè-
lement à des publications plus volumineuses — imprimé p. IV du t. I
de Dante e la Francia.
P. Ur2, note 1, LU. — Sur A. de Valdés (dont E. Bœhmer avait,
en 1899, publié ^o épîtres latines inédites dans l'Homenaje à M. Me-
néndez y Pelayo), M. A. Bonilla y San Martin dit quelques mots dans
son article : Erasmo en Espaha, au t. XVll (1907) de la Rev. hisp.,
pp. 385-386, 444-445 {cf. aussi p. 536, note 3), et annonce, ibid.
p. 386, note, qu'il traitera du Didlogo entre Lactancio y un Arcediano
(i528), du même, dans un livre à paraître : Los erasmistas espaholes.
L'humaniste valencien P. J. Oliver appelait A. de Valdés : « eras-
micior Erasmo. »
P. 151, note 1, l. 11. — Ces deux volumes in -8° sont annoncés au
n° de septembre 1789 du Mémorial lilerario sous la rubrique : libros
niievos! (p. 49-5o). Quant à l'Examen, qui répond à une lettre que
l'on supposait émaner de D. Jaime Doms et imprimée à Barcelone, il
se compose lui-même de 4 lettr'es, dont la 3" traite spécialement de la
Virginia.
P. 167, l. 38. — Le Dr. R. Béer qui trouve « complètement suffi-
sant » (op. cit., p. 3 10) le Catdlogo abreviado des ms. delà Bibl. du
Duc d'Osuna é Infantado (Madrid, 1882, i38 pages in-8") par J. M.
Rocamora, n'a pas su que M. Villa- Amil y Castro avait démontré
combien insuffisant était ce Catalogue par quelques exemples typiques,
Rev.des Arch., i883, p. 125-128. Cf. sur la vente de la Bibl. ibid.,
p. ii3-ii6. On sait que l'acquisition, par le gouvernement espagnol,
n'eut lieu qu'en 1886.
P. 169, l. 10. — Dès 1793, toutefois, la dispute relative à la paternité
de la Rep. Lit. semblait avoir été close en faveur de Fajardo. Cf. l'art.
du Mémorial literario d'oct. 1793, p. 147-149, en réponse au Gabinete
de lectura esp. — Fernândez de Navarrete ne l'a pas cité, B. A. E., 26,
p. XV. Déjà, cependant, il y était question du ms. de la Rep. Lit.,
imprimé en 1906.
P. 177, L 25. — En réalité, Friedrich Schlegel, dans la 12° de ses
conférences viennoises de 18 12, n'a fait que renchérir sur le panégy-
rique qu'avait prononcé son frère dans la même ville, et dont l'amorce
se trouve déjà dans son article de i8o3 : Ueber das spanische Theater,
dans Eiiropa, I, 2, p. 72-87, où Calderon est exalté p. 79-87. « Es ist
schwer, y déclarait-il, ivenn man sich einen solchen Lieblingsdichter
erwahll hat, nicht ailes andere dariiber zu vergessen.n Cf. R. Hayin,
Die Romantische Schule (i r éd. BerUn, 1906), p. 789.
334 ADJONCTIONS SUPPLEMENTAIRES
P. 177, l. UO. — Il est un peu de mode de dédaigner le labeur de
Klein. Combien de ceux qui le dénigrent l'ont-ils lu? Quand, par
exemple, M. Fitzmaurice- Kelly {op. cit., p. 271) le cite à propos d'une
prétendue connaissance des Casielvines y Monteses de Lope par Shakes-
peare — qui s'est borné à suivre Bandello — s'inspire-t-il à la source,
ou simplement dans M. Farinelli? Ce dernier {Gr. u. L. de V., p. 25o,
noie) a fort bien fait de signaler l'injustice de Gaspary (II, 6g3 seq.) et
de son traducteur italien V. Rossi (II, 298) à lendroit de Klein, mais
pourquoi ne pas avoir dit — lui qui s'élève en cet endroit contre les
ujesuitisch geschulte, sogenannte Kritiker » — que A. Stern avait
déjà réhabilité le médecin et dramaturge juif — dont M. Huszâr,
peut-être en vertu de l'adage: Wir Ungarn sind die allerkliigste
Nation, a exalté surabondamment les mérites dans son livre sur
Corneille I — dans son article sur lui, Allg. Encycl., 36. Thl. (i884),
p. 389-391, de même que, deux années avant, v. L. dans VA. D. B.
XVI (1882), p. 96-97?
P. 191, note i, l. 9. — Les rapports du J. É. avec la littér. angl.
font l'objet de la thèse de J. Sichel : Die englische Literatur im Journal
Étranger (Heidelberg, 1907). A quand la littérature espagnole?
P. 191, note 2, l. 16. — Voir aussi sur Velâzquez une lettre d'An-
tonio Capdevila à Ch. G. von Murr, imprimée par celui-ci au t. VIII
(1780) de son Journal, p. 317 -3i8. Ceux qui ont lu avec l'attention
qu'elle mérite la collection du Journal de Murr, si plein de notices
rares sur l'Espagne, s'étonneront de la frivolité avec laquelle en a parlé
M. Farinelli en 1896 dans la suite de sa thèse de doctorat. Nous
démontrerons ailleurs le bien-fondé de cette assertion par un typique
exemple.
P. 196, note 3, 1.8. — A plus d'un siècle de distance, nous retrou-
vons de semblables plaintes au t. 86' de VArchiv de Herrig, sous la
signature de H. Buchholtz (Friedenau): «... Und wie teuer sind sonst
spanische Biicher und wie schwer zu haben! Schon mancher bat
einen in spanischer Sprache mûhsam und w^ohl gesetzten Brief an
einen Buchliàndler in Spanien geschickt und gar keine Antwort
erhalten. Cosas de Espana ! sagen die Spanier selbst, wenn man
ihnen so etAvas, und daneben dasVerhalten anderer Lander vorhâlt...»
(p. 358). Si, en payant, il est difficile d'obtenir des livres d'Espagne,
on ne s'étonnera pas qu'il soit presque impossible de recevoir des
éditeurs espagnols ces Rezensionsexemplare que leurs collègues
d'Allemagne et d'Italie, par exemple, sont si libéraux à octroyer aux
critiques et aux Revues, libéralisme qui, en définitive, n'est qu'intérêt
personnel bien entendu.
P. 197 , noie 3, l. 13. — . Cependant, dans ce même ouvrage, p. 52,
I. Par contre, il y fait du romaniste berlinois et professeur à l'Universilé de
Breslau Ad. Gaspary (18^9-1892) un «écrivain italien!» (p. liS).
ADJONCTIONS SUPPLEMENTAIRES 335
note I, M. Farinelli a écrit — ce qui n'était pas une révélation : (( Man
mag ïiber Calderon denken wie man will, so Avird man anerkennen
mussen,dass seine technische Meisterschaft einzig,unerreicht bleibt. »
Et il renvoyait aux Conférences madrilègnes de M. Menéndez y Pelayo
â la Iniôn catôlica en 1881, ce qui était déjà une contradiction avec
les sévérités de la p. 119. Lope, d'ailleurs, n'est guère mieux traité
p. laS, notei. On est, en vérité, stupéfait qu'un érudit qui déclare
avoir lu con amore presque toute l'œuvre dramatique imprimée de
Lope — et, par plus de dévotion, dans les exemplaires mêmes qui
avaient servi à Grillparzer — n'ait su dire sur cet incomparable
génie que les banalités qui se lisent p. 219. Combien, par contraste,
se rehausse le propre jugement de Grillparzer, rapporté objectivement
p. 221 seq! Il nous est arrivé, à nous qui avons lu et relu l'ouvrage
de M. Farinelli, de songer parfois, ce faisant, aux paroles de
M. Schwering en 1902: «Von den Aufgaben des Literarhislorikers
hat er nur eine erfûUt : er bat viel gelesen. Dann aber triigt er das
Gelesene eilig zusammen, so dass man nur Teile ohne das geistige
Band in der Hand hat, Seine Schriften sind Stoffsammlungen, von
einer Runst der Darstellung kann nicht die Rede sein. Allen seinen
Arbeiten — " Grillparzer und Lope de Vega" nicht ausgenommen —
fehlt eine klare, ùbersichtliche Ànordnung. Es mangelt seinen literar-
geschichtlichen Bildern die Perspektive... » (p. 7 seq.)
P. 21U, l. iU. — La même erreur avait été com.mise en 1895 par
M. Farinelli, art. cit. de la Zischft. de Koch, p. 353, où il allègue la
défense, par Lessing, des a Eigentumlichkeiten des spanischen Bra-
mas ». En revanche, il ne s'est pas aperçu qu'en rapportant eod. loc,
p. 354, le prétendu jugement de J. G. Eichhorn sur la Comedia en
1799, c'était, purement et simplement, le propre jugement de Lessing
qu'il transcrivait.
P. 235, note 1, l. 19. — Depuis qu'ont été écrites ces lignes, il s'est
produit dans le mécanisme de l'apport des livres et de leur contrôle
au Bureau dans la salle de lecture de la Bibliothèque Nationale une
très sensible amélioration, qu'il serait injuste de ne pas consigner, de
même qu'il serait injuste de ne pas signaler la version que donne
de cette réforme un érudit bien informé et peu suspect de malveillance,
M. Armand Brette, dans le journal Le Siècle, n° 26548. Elle jette un
singulier jour sur le manque de spontanéité de l'Administration de la
Bibliothèque Nationale dans la réalisation de ladite réforme. 11 reste
à créer la salle des périodiques et journaux, besoin urgent, à l'imi-
tation des Bibliothèques étrangères bien ordonnées, la Kônigl. Bibl.
à Berlin par exemple, puis à introduire l'éclairage électrique dans la
salle de travail, comme à Berlin et au Britisli Muséum. En matière de
Bibliothèques, nous n'aurions, en France, que trop à apprendre de
l'Allemagne et la Revue des Bibliothèques ne perdrait ni en intérêt ni
336 ADJ0?JCTIOMS SUPPLÉMENTAIRES
en instruction à donner la traduction régulière des objectifs comptes
rendus des réunions annuelles des bibliothécaires allemands publiés
dans le Centralblatt fur Bibllothekswesen^ Elle s'en gardera bien : le
contraste serait trop frappant. Attendons, en tout cas, ce que va nous
dire sur les Bibliothèques parisiennes le Guide des Savants, des Litté-
rateurs et des Artistes dans les Bibliothèques de Paris, annoncé par
l'éditeur parisien Welter, et qui viendra après le Berliner Bibliotheken-
fiihrer, de MM. P. Schwenke et A, Hortzschansky (cf. une excellente
critique de ce volume, paru à Berlin en 1906, dans la Fkft. Ztrj. 1907,
Lileralurblatt, n" io3 ^ sous la signature de Ch, W. Berghoeffer) et The
Ubraries of Lowlon. A guide for the Studenls, de M. Reginald Arthur
Rye (London, 1908; cf. critique dans Centralbl. fiir Bibl, 1908,
n"' 8-9). Nous espérons que son auteur ne voilera pas les abus qui
restent à corriger, persuadé, comme nous le sommes, que — pour
emprunter une phrase d'un grand bibliophile et érudit contemporain
— c'est de la parfaite gestion de nos Bibliothèques et surtout de la
Bibl. Nat. qu'il dépend en grande partie que nous ne soyons pas
tributaires de l'étranger dans la besogne scientifique 2.
P. 280, l. 26. — L'un des plus intéressants recueils de ce genre
parus au xviii" siècle en Espagne est, croyons-nous, la Nueva Floresta,
à Colecciôn de Chistes, etc., etc., par le lieutenant -colonel d'artillerie
Bernardo Maria de Calzada (Madrid, 1790, in-S").
P. 286, l. 16. — Eyriès, qui édita, en collaboration, les Nouvelles
Annales des Voyages, n'y a pas mentionné Cudena, d'après les Tables
générales et raisonnées des Nouvelles Annales des Voyages [de 1819 a
1839] et la Table générale et raisonnée (Paris, i8i3) des 20 premiers
volumes des Annales des Voyages de Malte- Brun se tait également
sur ce personnage énigmatique.
P. 311 , l. 57. — Ce bibliothécaire avait peut-être lu la notice parue
1. Cf. pour la 9° assemblée (1908), ce périodique, n°' 8-9, 1908, p. 34i seq. Il ne
faudrait pas, cependant, qu'en voulant imiter les bibliothécaires allemands, l'on
tombât chez nous dans l'aberration que reprochait naguère à ceux de Prusse le
Dr. A. Kisa (Godesberg) dans le Literaturblatt de la Fkft. Ztg. 1906, n° 228 'V^ en ces
termes : « Seitdem diese(la science des Bibliothèques] in Preiissen erfunden ist, scheint
der I5ùcherbestand gevvisser staatlicher Bibliotheken, so z. B. einer grosscn preussis-
chen Universitiilsbibliothek, in erster Linie dazu bestimmt zu sein, die bel ihr ange-
stellten Beamten in dièse VVissenschaft einzufiïhren Ihre vornehmste Leistung ist der
fûnf-bis zelinfache Zettelkalalog und die Auswahl der Farben fur dièse verschie-
denen Kategorien. Lm die Ansbildung der Beamlem in dieser schwierigen Wissen-
scliaft niclit zu bchindern, ziehen es manche Gelehrte vor, die noligen Bûcher einer
ausserpreussischen Bibliothek zu cntlehnen. »
2. H. Ilarrisse. Christophe C')tomb et les Académiciens Espagnols. Notes pour servir à
l'histoire de la Science en Espagne au XlX' siècle (Paris, 1894), p. i4i. Ce volume est,
pour riiispani.^ant, d'une lecture aus^i profitable que le passage (p. 25-53) des
E.rccrpta Colonihiana, etc. (Paris, 1887) oi!i sont résumés les articles et brochures anté-
rieurs de l'auteur relatifs au pillage de la Bibliothèque Colombine à Séville, dont
il est parlé, en outre, en 1897, dans lu Hevne Critique du 7 juin : Toujours la Colombine,
également par M. H. Harrisse.
ADJONCTIONS SUPPLÉMENTAIRES 337
au t. I pour 1823 de VAllg. Repert. der in- iind aiisl. Lit. (Lpzg. u. Wien)
p. i53, où VHistoria de Conde est rangée à côté des ouvrages histo-
riques traitant des Arabes d'Espagne, à savoir « die Werke des Ferez
de Hita (Guerras de Granada), Luis del Marniol (sic), Carvajal und
D. Diego Hurtado de Mendoza. »
P. 318, l. 33. — Il n'est pas sans importance de rappeler qu'en
i883, dans l'Introduction qu'il écrivit pour la réimpression en
3 volumes de versions de Calderôn, par Schlegel et Gries, qui forment
les tomes 32, 34, 38 de la Cotta'sche Bibliothek der Weltliileratiir
(Stuttgart), Schack a très nettement avoué son injustice à l'endroit
du théâtre classique français et mis au compte de la jeunesse des
outrances qui eussent répugné à l'âge mûr. Le même aveu, sous une
forme atténuée, se lit dans ses Mémoires parus en 3 vol., à Stutto-art
en i888: Ein halbes Jahrhundert. Erinnerungen und Aufzeichnungen,
I, ch. XIX, p. 20G-208. Au t. II, p. 100, il y a déjà comme le germe
de l'article sur Valera. E. de Mier eût bien dû lire VEinleitung de i883,
quand, en i885, il commit, dans sa notice sur Schack, en tête du
i" volume de sa traduction castillane de la Geschichte, le classique
accès de gallophobie (p. 27).
P. 321 (note à la p. 320, 1.5).— La lecture des Nachgelassene Schriften
und Briejwechsel de Solger, éd. par Tieck et Raumer, est d'autant plus
instructive qu'elle permet, précisément, de connaître, et cela dès
novembre 1818, l'opinion personnelle de ïieck sur Calderôn^ dans
une lettre à Solger (I, 683), où il déclare ne plus trouver, dans ce
poète^ rien « von jener grossen Naivetat » qu'il affirme admirer en
Lope. Cf. également p. 696, où son témoignage est encore renforcé,
en décembre de la même année. Cf. aussi le t. IV, p. 18, de ses Kritische
Schrijten, où, dans ses Bemerkungen, Einf cille und Grillen ilber das
deutsche Theater, il confesse : « nicht nur der dargestellte Gegenstand
leidet bei Calderôn zuweilen, sondern das menschliche Gefiihl
selbst'.)) Ajoutons, enfin, que Dorothea Schlegel elle-même avait,
aussitôt qu'elle était devenue capable de le lire dans le texte, apprécié
à sa juste valeur le prétendu catholicisme de Calderôn. Dans une
lettre de 1805 à Caroline Paulus (au t. I, p. 160 de son Briefwechsel,
éd. par Raich à Mayence en 188 1) elle l'associe dans son verdict à
Cervantes et avoue : « Dies sind zwar alberne, dumme, gottesliister-
I. 11 est étrange de constater que M. A. Farinelli — qui avait trouve dans l'éditeur
de ses Œuvres posthumes, K. Rôpke {Ludwig Tieck, Erinnerungen aus dem Leben des Dich-
ters, [Lpzg. i855], I, i5i) le renseignement toucliant le maître d'espagnol du giand
romantique allemand — ait confondu, dans la continuation de sa thèse de doctorat
en i8g5, loc. cit., p. 3/!i6, noie 2, ce maître, le théologien de Gottingen Thomas Chris-
tian Tychseu (cf. A. D. B., 09, p. 5i) avec le célèbre orientaliste de Rostock, O. G.,
Tychsen, dont les démêlés numismatiques avec Pércz Bayer ont été narres avec une
extrême ampleur par Eichhorn au 17. Tlil.dc sa Bihl. der morgenl. Lit., p.53'i seq., et.
mais en résumé, par Meusel, Bibl. Hist., t. X (II. Thl.), p. i35 seq.
338 ADJO?(CTIONS SUPPLÉMENTAIRES
I
liche, geschmacklose Kallioliken, aber doch keine ubeln Dichter. » |'
Comme l'écrivait excellemment M. A. Bonilla y San Martin dans sa
version castillane précédemment citée de la Span. Lit. de M. Fitzmau-
rice-Relly, p. 336, noie: « ... no es de maravillar la contradicciôn,
porque se da en la vida de casi todos nuestros grandes y calôlicos
escritores. Es la tesis de Don Juan Tenorio, y la manera mâs cômoda
de conducirse. Pecca for titer, que después, con pedir perdôn y recibir
un hâbito, habrâs hallado el remedio, y aqui no ha pasado nada... »
Cf. aussi à ce propos un passage, plus timide, du prologue de
Fernândez Guerra au Quevedo de la B. A. E., t. 23, p. xlv, ainsi que
p. 43 1, note. Au surplus, lorsqu'on traite de Calderôn et de Lope à
l'époque du romantisme allemand, l'on ne devrait jamais oublier que
l'extrême rareté des exemplaires des Œuvres dramatiques de Lope
hors d'Espagne (et même en Espagne) en rendait la lecture, et, par
suite, la connaissance, presque impossible, ce qui n'était nullement le
cas pour Calderôn, dont la réédition de Madrid, 1760- 1763, par
Fernândez de Apontes, en 1 1 vol. in-4'' était encore, en 1821, en vente
dans les librairies d'Espagne i. En effet, Bôhl von Faber, auquel Julius
avait demandé si le Calderôn de Keil avait chance de se vendre en ce
pays, écrit au docteur hambourgeois dans une lettre (inédite) de Câdiz,
16 février 182 1, qu'il n'y fallait pas compter. « Auf Absatz von dem
dort gedruckten Calderôn ist hier nicht zu rechnen, da die Apon-
tes'sche Ausgabe noch in den meisten Buchhandlungen gefunden
wird... »
P. 322, l. 16. — Une troisième critique de M. Huszâr par Fr[â]nk[e]l,
de Munich, au n° 38, col. 978, du Lit. Centralbl. igo8, décèle la
même incompétence que celle du premier livre de cet auteur par le
même signataire (ibid., 1904, n° 17, col. 502-553). u Dass Haszdr,
avait alors écrit Frànkel, an Menéndez y Pelayo, Petit de Jaleville,
Fagiiet angelehnt arbeitel, oerleugnet seine sachliche, phrasenlose
intersiichungsweise nirgends. » Qu'en pense M. E. Martinenche,
(1 orfèvre » — s'il faut en croire son témoignage : Revue Critique, 1908,
n° 32, p. 106 — en ces matières de comédie? Ou bien aurait-il
épuisé sa pensée dans les trois articles qu'à la suite de Brunetière
(Rev. des Deux Mondes, i""^ janvier 1903, p. 189-216) il a consacrés à
la gloire de M. Huszâr: Journal des Savans 1903, p. 295-296, Bull,
hisp. 1903, p. i58-r65, Rev. d'Hist. litt. de la France 1903, p. i45-i47?
De tous ces articles — cf. en outre G. Doutrepont dans Bull. bibl. et
I . Voir, sur cette rareté des Œuvres dramatiques de Lope dans la seconde moitié
du xyiii" siècle en Espagne, une indication de Baretti, II, 3o, dans son précieux récit :
A Journey from Loadon to Genoa Ihrough England, Portugal, Spain and France
(Londoii, 1770). En 1822, le i" novembre, Bohl von Faber écrira encore à Julius:
«Sein Theater [de LopeJ ist nie wieder aufgelegt & die 35 Biinde. woraus es bestelit,
sind kom[ilet eine litterarische Seltenhcit. Einzelne Bande finden sich manchmal. Ich
habe deren 17. Mehr als Lord HoUand! »
ADJONCTIONS SIPPLÉMENÏAIRES SSq
péd. du Musée belge 1908, p. 1/46-149 (p- 99, l'article de Brunelière,
écrit « avec la maîtrise qu'on lui connaît », est recommandé) et
R. Mahrenholtz, Ztschft. fur franz. Sprache und LU., 1904, p aSi-
233 — seul celui de M. A. Morel-Fatio dans la Deutsche Lileralur-
zeitung, igoS, col. 1 723-1 726 (col. 85 1, l'ouvrage de Huszâr est
annoncé), signalait, un peu timidement, le vice radical de Corneille et
le Théâli^e Espagnol (Pans, 1903).
P. 322, l. 28. — Ce n'est qu'à la suite d'un malentendu, que nous
n'avons pu rectifier à temps, que nous donnions comme imprimée la
comédie en prose : Les caprices du Cœur et de l'Esprit. Elle est, au
contraire, restée manuscrite, et se trouve en cet état à la Bibl. Nal. :
Collection de Soleinne 70 (Jr. 93Hy, dans une très belle copie du
xviu' siècle, avec plusieurs autres pièces de Delisle, p. 53-i3i, et
l'indication de sa première représentation — 26 juin 1789 — au
Théâtre Italien i. Lessing n'en connut que Tassez long canevas qu'il
trouva dans le Dictionnaire des Théâtres de Paris des frères Parfaict
et qu'il traduisit dans la Th. Bibl., comme nous l'avons dit p. 289,
note I (M. VI, 338-344)- A la fin de sa traduction, il a, dans une note
sibylline, avoué sa dépendance, dans le Freigeist, à l'endroit de l'idée
de cette pièce. L'aveu est trop caractéristique de sa manière pour que
nous ne le transcrivions pas. (* Oie Fabel dièses Slûckes hat mit der
Kabel meines Freygeistes so viel Gleichheit, dass es mir die Léser
schwerlich glauben Averden, dass ich den gegenwartigen Auszug
nicht dabey sollte genutzt haben. Ich will mich also ganz in der Stille
verw^undern, in der HofFnung, dass sie mir wenigstens eine fremde
Erfindung auf eineeigene Art genutzt zu haben, zugestehen werden. »
Danzel a renchéri sur cette fausse modestie de l'idole, u Lessing,
écrit-il, I, (i853,) 169, fasste die Sache tiefer, etc. » Le jeune
Dr. H. Humbert, — qui a soutenu sa minuscule thèse de 82 pages à
Strasbourg, — influencé sans doute par ce témoignage, n'a pas osé se
prononcer sur cette déhcate matière {op. cit., p. bg).
I. L. Fontaine, qui, dans sa rapide esquisse : Le théâtre et la philosophie au
XVIII' siècle (Vatis, 1879), consacra p. 128 et 254 quelques lignes à Delisle, ignorait
que, par Lessing, Les Caprices et leur auteur n'avaient jamais été complètement
oubliés en Allemagne, et même ne semblait pas soupçonner l'exislence de cette pièce.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Page*.
Préface vii-xiv
Première partie. — Lessing et la Langue Castillane .... 1-62
I. uOrfeo •> 1-3
II. Haarte. 3-io
III. i( Eraclio und Argila », a Fenix >) 10-22
IV. Essex 22-82
V. <( Maranôn » 82-62
Deuxième partie. — La Nature et les Sources de l'Hispa-
nisme de Lessing .... G3-291
I. i'Orfeon 63-6^
H. Sovelas Ejemplares 64-66
III. La Vida es Sueno 66-72
IV. Les it Beytraege» 72-79
a) Les dramaturges espagnols 72-77
p) Guevara. , 11 ~ 19
V. Les « Rezensionen » hispaniques 79- 109
a) Cervantes . 81-84
b) Montiano 84-94
c) Guevara 94-95
d) Alenuiri. 96- io3
c) Les Nouelas ejemplares io3-io5
f) L'Inca Garcilaso de la Vega io5-io7
g) DonQuijote . 107- 109
VI. Aldrete et Sousa iio-ii3
VII. Huarte . 113-127
VIII. aGeschichte der Moraviden in Spanien -K 127-128
IX. Abraham Usque 128- i34
X. Graciàn i35- lâg.
XI. Les Frères Valdés . 139-142
XII. Martin del Rio 142- i44
XIII. Montiano et la Virginia i44-i53
XIV. Le Roi D. Sebastiào i53-i57
XV. uBraclio und Argila^y 107 -i 60
XVI. nFenix» iGG-168
XVII. Saavedra Fajardo 168-1O9
342 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Pages.
XVIII. Essex 169-225
a) Les 3 actes, Vu Arle Xuevo » et les « Comedias » de
Cervantes. 202-216
p) Le«Gracioso» 216-218
y) La i( Glosa» ........ 218-221
r,) Les « Haapt = und Staatsaktionen » 221-225
XIX. Les » Collectanea » 225-254
a) Christoval Acosta 226
b) « Nonnius » Acosta 227
c) « Baukanst ». ■ 227-228
d) c Zebratana » 228-230
e) Pedro Zapata 281 - 382
f; Isidore de Séville 282 - aSS
g) Henrique Ahlers; le P. Antonio Vieira 233 -240
h) My lord Ross et ^f Don Pedro » 240-240
ï) Les u Sieben Kinder von Lara» 245 -a48
j) Ramon Lull 249
k) L'Escorial et Aranjuez 2^9 -aSo
1) Les auteurs hispano-portugais de Traités d'échecs. . 260-252
m) Arnaldo de Vilanova 202-254
XX, « Das base Weib » 255-257
XXI. (t Au/ den Hablador » 257
XXII. Les u Anmerkungenûber das Epigramm » 257-262
a) Le u kaustischer EinfallK d'un Espagnol. ..... 268-259
p) La << petite histoire y) du « Don Quichotte ) 269-260
y) Les traducteurs espagnols de Martial 261-262
XXIII. « Zur Gelehrten= Geschichte » 262 - 268
a) n Joseph de Caceres » 268-265
p) « Caspar Caldera » 266 - 266
v) Une u épigramme » de Scarron . 266-268
XXIV. Le « Viage de Espana» de «D. Pietro Antonio de ta Puente» 269- 272
XXV. L'Alcalde de Zalamea. . 272-279
XXVI. Fr. de Rojas 279-280
XXVII. Haarte 281
XXVIII. Le « Lied aus dem Spanischen » 281-283
XXIX. iiCudena» . 283-291
Appendice. — L'Hypnose Lessingophile 298-805
I. Das Horoscop 298-294
II. Leopold Schmidt et les imitations espagnoles de Lessing. . 294 - 296
III. Le fragment de Faust 295-297
IV. Le (' Don Quijote » prototype de « Minna von Barnhelm » . 297 - 298
V, Philotas 298 - 299
VI. a Fenix » 299 Soi
VII. Emilia Galotli (1S9SJ 3o2
VIII. Emilia Galotli ( 1898) 802 - 8o5
Adjonctions 307-839
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BORDEAUX. — IMPRIMERIB G. GOUNOUILHOU, RUE GUIRAUDE, 9-II.
BORDEAUX. — IMPR. G, GOUNOGILHOU.
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