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Full text of "Contributions à l'étude de l'hispanisme de G.E. Lessing"

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CONTRIBUTIONS 


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DE  G.  E.  LESSING 


PAR 


Camille   PITOLLET 


Agrégé  d'espagnol,  Docteur  es  lettres. 


lin  Ganzen  —  haltet  Eiich  an  Worte  ! 
Dann  geht  Ihr  durch  die  sichre  Pforte 
Zuni  Teinpel  der  Gewissheit  ein. 

(Gœthe.  —  Faust,  J.  ThI.) 


PARIS 

FÉLIX      ALOAN,      ÉDITEUR 

I08,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    Io8 


1909 


CONTRIBUTIONS 

A  L'ÉTUDE  DE  L'HISPANISME 

DE  G.  E.  LESSING 


C.    l'ilOLLEl. 


CONTRIBUTIONS 


U' 


DE  G.  E.  LESSING 


PAR 


Camille   PITOLLET 


Agrégé  d'espagnol,  Docteur  es  lettres. 


Im  Ganzen  —  haltet  Euch  an   Worte  ! 
Dann  geht  Ihr  durch  die  sichre  Pforte 
Zum  Tempel  der  Gewissheit  ein. 

(Gœthe.  —  Faust,  T.  Thl.) 


PARIS 


FELIX      ALCAN,      ÉDITEUR, 

108,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    I08 


1909 

Tous  droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


A  mon  ancien  Maître 
Monsieur  Ernest  MÉRIMÉE 

PROFESSEUR    DE    LANGUE     ET     DE     LITTERATURE    ESPAONOLES 
A    l'université    DE    TOULOUSE 


PREFACE 


Touchant  les  occupations  espagnoles  de  Lessing,  le  premier  témoin 
direct  à  citer  —  que  les  Lessing-Forscher  d'aujourd'hui  n'apprécient 
peut-être  pas  assez  objectivement!  —  est  son  avant-dernier  frère, 
Karl  Gotthelf  Lessing,  auteur  de  la  première  biographie  du  célèbre 
critique.  Au  chapitre  IV,  traitant  de  son  séjour  et  de  ses  occu- 
pations à  Berlin  en  1750,  ce  garant  écrit  donc  : 

«  Er  legte  sich  anch  in  dieser  Zeit  aaf  die  spanische  Sprache  und  glaubte 
dabei,  sie  ivûrde  ihm  mit  der  Zeit  nûtzliche  Dienste  leisten,  da  sie  damais,  und 
vielleicht  auchjetzt.  in  Dentschland  nicht  sehr  betrieben  ivard.  Aber  von  diesem 
Nutzen  fiir  ihn  hat  man  ivohl  nichts  gehôrt,  ausser  folgende  Anekdoie.  Er 
spazierte  einmal  mit  seinem  Freunde  Mylius  unter  den  Linden  und  plauderte 
mit  ihm  zur  Uebung  spanisch.  Ein  Spanier  ging  hinter  ihnen  her,  freute  sich 
herzlich,  ivo  nicht  Landsleute,  doch  Kundige  seiner  Muttersprache  zu  Jinden, 
und  redetesie  an.  Sie  verstanden  ihn  aber  kaum;  und  konnten  ihn  noch 
iveniger  spanisch  unterhalten.  xoeil  die  Unterhaltung  vermutlich  von  Dingen  aus 
dem  gemeinen  Leben,  und  nicht  von  Wissenschaften,  sein  mochte.  So  geht  es 
gewôhnlich  Gelehrten,  die  keinen  Lehrmeister  einer  fremden  Sprache  haben, 
als  sich  selbst^'  » 

K.  G.  Lessing  ne  fait  d'ailleurs,  sauf  l'anecdote,  —  qu'il  narre 
comme  un  on-dit  dont  il  n'entend  pas  prendre  la  responsabilité,  — 

i.  M.  Otto  F.  Lachmann,  qui  a  donné  une  réédition  abrégée  du  Leben  Lessings 
publié  originairement  en  1798  et  en  1795  par  K.  G.  Lessing  {Univ.  Bibl.  de  Ph. 
Reclam  j'un.,  n°  2^08-2409  [Leipzig,  1887])  écrit  {Einleilung,  3):  «  Selbst  die  neueslen 
Lessingforscher  stimmen  aile  —  fast  ausnahmslosdarin  ùberein,  dass  Lessings  Bruder 
in  ziemlich  leichtsinniger  Weise  verfahren  ist,  ohne  freilich  eu  bedenken,  dass  sie 
im  Grunde  genommen  doch  aile  auf  seiner  Arbeit  fussen.  w  L'année  d'avant,  le 
D'  Eug.  Wolff  rendait,  dans  sa  thèse  de  doctorat  d'Iéna,  un  juste  hommage  à  la 
biographie  du  frère  de  Lessing  {Karl  Gotthelf  Lessing  [Berlin,  i886J,  p.  106-120.)  Que 
M.  Franz  Mehring  traite  K.  G.  Lessing  de  «  unertrâglicher  Schwâtzero  et  sa  biographie 
de  «  liederlich  und  zerfahren  »  (p.  6od  note,  60G  et  606  note  **)  dans  la  première  partie 
de  ses  feuilletons  aux  tomes  iqI  et  lo^  de  la  Neue  Zeit  (Die  Lessing- Légende.  Eine 
Rettung)  cela  n'a  rien  qui  puisse  surprendre,  vu  la  tendance  générale  de  cette  étude 
qui,  apportant  de  précieuses  reclifîcations  historiques,  n'en  esquisse  pas  moins  un 
portrait  de  Lessing  dont  Tinexactitude  n'est  comparable  qu'à  celle  du  portrait  tracé 
par  ces  Lessingforscher  contre  lesquels  l'auteur  s'élève.  M.  Fr.  Mehring,  qui  cite  natu- 
rellement le  Xenion  de  Schiller,  n'aurait  pas  dû  taire  que  le  Leben  avait  été  castré  et 
mutilé  en  manuscrit  par  l'éditeur  berlinois  Sander. 

a.  Éd.  O.  F.  Lachmann,  p.  67. 


vin  PREFACE 

que  transcrire  ce  que  son  frère  avait  écrit  de  Berlin  à  son  père,  le 
2  novembre  1750  : 

«  Aaf  das  Spanische  habe  ich  eine  Zeit  her  sehr  viel  Fleiss  venvendet,  und 
ich  glaube  meine  Mûhe  nicht  umsonst  angewendet  zu  hahen.  Da  es  eine 
Sprache  ist,  die  eben  in  Deutschland  so  sehr  nicht  bekannt  ist,  so  glaube  ich, 
dass  sie  mir  mit  der  Zeit  niitzliche  Dienste  leisten  soll  ' .  » 

Dix-neuf  ans  plus  tard,  le  5  janvier  1769,  Lessing,  écrivant  de 
Hambourg  au  professeur  de  Gôttingen  Johann  Andréas  Dieze  pour  le 
remercier  de  lui  avoir  fait  tenir  un  exemplaire  de  sa  traduction 
allemande  des  Ongenes  de  la  poesia  castellana  de  L.  J.  Yelâzquez, 
confesse  au  premier  hispanisant  véritable  qu'ait  eu  l'Allemagne  : 

«  Aile  gute  Spanische  Schriftsteller,  die  ich  noch  zur  Zeitkennen  lernen,  lassen 
sich  ziemlich  in  einem  Athem  hersagen:  die  Komôdien  ausgenommen,  von 
luelchen  ich  hier  eine  ansehnliche  Menge  zusammengebracht  habe.  Denn  sellen 
ist  ein  Hamburger,  der  sich  zu  Cadix  bereichert,  ivieder  zuriickgekommen,  ohne 
ein  paar  Komôdien  mitzubringen...^ .  » 

Et  de  ces  «  bons  écrivains  »  d'Espagne,  si  minime  qu'en  ait  été  le 
nombre,  puisque  Lessing  pouvait  les  citer  «tout  d'une  haleine  »,  la 
compréhension  qu'il  en  avait  est  assez  bien  caractérisée  par  ce  passage 
des  Brie/e,  die  neueste  Litteratur  betreffend,  où,  en  juin  1765,  Lessing 
adopte  et  loue  sans  restrictions  ces  sottises  de  Th.  Nie.  Meinhard, 
dans  les  Versuche  ûber  deii  Charakter  und  die  Werke  der  besten 
italienischen  Dichter^  : 

«  Die  Spanier  sind  endlich  so  màssig,  dass  sie  sich  mit  einem  blossen  proch- 
tigen  und  harmonischen  Schalle,  mit  einer  Reihe  tunender  Worte  begnCigen 
kônnen.  Man  hat  in  der  That  Poesien  von  ihren  beriihmtesten  Dichtern,  die 
niemals  ein  Mensch,  auch  ihre  Verfasser  selbst  nicht  verstanden  haben,  die 
aber  sehr  gut  klingen  und  von  pràchtigen  Metaphern  sind,  » 

En  ces  trois  citations  peu  encourageantes  s'est  condensée  la  totalité 
des  informations  originales  sur  la  matière  qui  nous  intéresse.  Les 

1.  M.  XVII,  22.  J'emploie  l'abréviation  iM.  pour  désigner  la  troisième  édition  des 
Œuvres  de  Lessing  par  Lachmann,  revue  et  augmentée  par  M.  Franz  Muncker,  en 
cours  de  publication  depuis  1886  à  Stuttgart  et  dont,  sauf  exceptions  signalées,  je  me 
suis  servi  au  cours  de  cette  étude. 

2.  M.  XVII,  280. 

3.  Brunswick,  1703-176^.  La  troisième  partie  de  cet  ouvrage  dans  le  goût  de 
VAu/klàrung  et  qui  s'arrête  à  l'Arioste,  fut  donnée  sept  ans  après  la  mort  de  l'auteur, 
en  177/i,  par  l'abbé  Ch.  J.  Jagemann.  Meinhard  connaissait  cependant  l'Espagne  de 
visu  et  avait  même  projeté  de  traduire  l'Araucana.  Ses  Versuche  eurent  une  seconde 
édition  en  1774.  Lessing  dit  à  sou  propos  :  <•  Die  poetische  Landkarte,  die  er  bei  dieser 
Gelcgenheit  entwirft,  scheinel  dem  ersten  Ansehen  nach  ein  Spiel  des  \Vitzes  zu  seyn 
und  ist  im  Grunde  mit  aller  Genauigkeit  einer  gesunden  Kritik  aufgenonimen.  » 
(33?.  Brief.)[M.  VIII,  281-282.] 


PREFACE  TX 

renseignements,  à  coup  sûr  instructifs,  que  nous  aurions  pu  tirer, 
relativement  aux  livres  espagnols  possédés  par  Lessing,  du  catalogue 
de  sa  bibliothèque,  imprimé  lors  de  la  vente  aux  enchères  de  celle-ci 
à  Hambourg,  sont  devenus,  du  fait  de  l'impossibilité  radicale  de 
retrouver  aujourd'hui  en  Allemagne  un  exemplaire  de  ce  catalogue, 
jusqu'à  nouvel  ordre  illusoires'.  Il  reste  donc,  pour  qui  entreprend 
d'élucider  le  problème  non  encore  résolu  de  l'hispanisme  de  Lessing, 
l'unique  ressource  —  qui  est  aussi  la  plus  sûre  —  de  contrôler  cet 
hispanisme  par  lui-même,  c'est-à-dire  sur  les  passages  correspondants 
de  l'œuvre  lessinguienne.  Mais,  comme  un  écrivain,  pour  si  génial 
qu'on  le  suppose,  ne  connaîtra  jamais  véritablement  une  nation 
étrangère  et  sa  littérature  qu'autant  et  dans  la  mesure  qu'il  en 
possédera  d'abord  l'idiome,  la  première  question  qui  se  présentait 
pour  nous  a  été  celle-ci  :  A  quel  degré  Lessing  savait-il  l'espagnol? 
Il  existe,  heureusement,  plusieurs  traductions  ou  fragments  de  tra- 
ductions de  l'espagnol  exécutées  par  Lessing  à  diverses  phases  de  sa 
carrière,  qui  nous  ont  permis  de  résoudre  documentairement  ce 
problème  capital.  C'est  bien,  en  effet,  de  la  nature  de  sa  solution  que 
dépend  en  grande  partie  la  méthode  à  suivre  dans  l'étude  du  second 
point,  fort  ardu,  de  cette  enquête  :  A  quelles  sources  Lessing  a-t-il 
puisé  lorsqu'il  a  parlé  de  l'Espagne?  Car  il  semble  évident  que  s'il 

1.  Aucun  des  Lessingforscher  n'a  jamais  eu  connaissance  du  dit  catalogue,  et  mes 
recherches  dans  les  bibliothèques  allemandes,  à  commencer  par  celle  de  Hambourg, 
pourtant  si  riche  en  Auktions-Kataloge  du  xviii'  siècle,  n'ont  i^as  abouti.  M.  le  Geh. 
Justizrat  Robert  Lessing  à  Berlin  m'a  d'ailleurs  afïirmé,  le  21  mars  1906,  que  ses 
propres  recherches  n'avaient  pas  eu  plus  de  succès  que  les  miennes.  Touchant  la 
vente  même  des  livres  de  Lessing,  voici  l'annonce  sommaire  que  j'ai  copiée  du  n°  64 
(21  avril)  du  Hamburgischer  Unpartheyischer  Correspondent  de  1770  :  «  Durch  den 
Auclionarium,  Johann  Diederich  Kleseker,  sollen  folgende  Auctionen  gehalten  werden... 
II'  Montags,  den  IU"°  May,  auf  dem  Eimbeckischen  Ilause,  eine  Sammlung  rarer  und 
seltener,  grusstentheils  klassischer,  gebundener  Bûcher  aller  und  neuer  Sprachen.  Der 
Calalogus  ist  bey  dem  Auclionario  und  bey  Kôster  auf  dem  Brauerknechlgraben  fiir  6  Pf. 
zu  haben.  n  (Cf.  à  ce  sujet  les  lettres  de  Lessing  à  Nicolai  du  i4  mars  17G9,  à  K.  G. 
Lessing  du  4  janvier  1770,  à  Ebert  du  7  mai  1770.)  Nous  savons,  par  une  lettre  à 
Gleim  du  1"  février  1767  (M.  XVU,  338),  que  cette  Bibliothèque  comptait  6,000  nu- 
méros et  que  le  possesseur  n'entendait  alors  en  conserver  que  ce  qu'il  estimait 
strictement  indispensable  pour  ses  travaux.  En  outre,  une  lettre  de  Lessing  à  son  frère 
(M.  Wll,  2G0)  nous  apprend  que,  dès  le  24  septembre  1768,  le  catalogue  était 
imprimé.  Moses  Mendelssohn  mentionne  deux  fois  dans  sa  correspondance  avec 
Lessing,  en  décembre  1755  et  en  août  1767,  les  «livres  espagnols»  de  son  ami,  mais 
sans  préciser  ni  citer  aucun  titre  (M.  XIX,  3o  et  96).  Il  n'y  a  rien  non  plus  à  ce  sujet 
dans  le  Moses  Mendelssohn  {II.  Aufl.,  Berlin,  1888)  de  feu  M.  Kayserling,  qui  a  utilisé 
pour  cet  ouvrage  des  papiers  inédits.  —  Cette  vente,  de  la  Bibliothèque  de  Lessing, 
avait  été  précédée  d'une  vente  partielle,  à  Berlin,  avant  son  départ  pour  Hambourg 
durant  l'hiver  1767.  11  n'avait  alors  conservé  que  nden  besten  Teil»  de  ses  livres 
et  s'était  défait  plus  spécialement  des  ouvrages  de  philologie  et  de  critique, 
«  worunter  sich  auch  die  ersten  Drucke  der  lateinischen  und  griechischen  Autoren 
befanden.»  (K.  Lessing,  op.  cit.,  p.  i54.)  Le  frère  de  Lessing  ajoute,  on  ne  sait  si 
mélancoliquement  ou  dédaigneusement,  que  «  wenn  nicht  aus  Warschau  fiir  die  Zalus- 
kische  Bibliothek  Beslellungen  eingelaufen  vjàren»,  personne  à  Berlin  n'aurait  acheté 
<i  den  seltenen  .Schund  ». 


X  PRKFACE 

ne  posséda,  par  exemple,  de  la  langue  castillane  que  des  notions 
confuses  et  rudimentaires,  il  lui  fut  difficile,  sinon  impossible,  de  lire 
dans  le  texte  les  ouvrages  espagnols  dont  il  était,  par  le  hasard  de 
ses  besognes  de  dilettante,  amené  à  traiter  et  que,  par  suite,  il  fut 
contraint,  pour  se  documenter  sur  leur  compte,  de  recourir  à  des 
intermédiaires,  qu'il  importait  alors  de  découvrir.  Que  si,  au  con- 
traire, il  dominait,  comme  on  dit,  l'idiome  central  transpirénaïque,  la 
tâche  de  l'investigateur  en  résulte  singulièrement  facilitée,  l'hypothèse 
de  l'information  directe  de  Lessing  acquérant  de  ce  fait  une  consis- 
tance presque  inébranlable. 

De  cette  brève  exposition  se  dégage  le  plan  suivi  dans  notre  travail  : 
/"  Lessing  a-t-il  su  le  castillan?  Il"  Quelles  ont  été  les  sources  de  l'infor- 
mation espagnole  de  Lessing?  telles  en  seront  les  deux  divisions 
essentielles.  Malgré  quelques  enquêtes  partielle*  —  dont  la  plus 
copieuse  ne  laisse  pas  d'atteindre  un  volume  étonnamment  modeste» 
—  le  terrain  que  nous  avons  tenté  d'explorer  était,  en  somme,  resté 
à  peu  près  vierge.  Presque  tous  ceux  qui  ont  traité,  en  Allemagne, 
jusqu'à  cette  date  —  et  ils  ne  l'ont  guère  fait  qu'en  passant  —  de 
l'hispanisme  de  Lessing,  n'avaient  de  la  langue  castillane  que  des 
notions  sommaires,  si  tant  est  qu'ils  ne  l'aient  pas  ignorée,  et  n'étaient 
renseignés  sur  la  littérature  espagnole  que  par  des  ouvrages  de 
seconde  main  :  d'oii  l'insuccès  de  leurs  investigations,  dont  plusieurs 
réjouissants  exemples  ont  été,  à  titre  d'amusement  scientifique,  réunis 
à  l'Appendice.  Le  seul  érudit  —  mais  c'est  un  Italien,  quoique  ayant 
passé  dans  les  pays  germaniques  une  partie  de  sa  vie  —  qui  eût  été  à 
même  de  dissiper  des  légendes  soigneusement  entretenues  parce 
qu'elles  flattent  le  chauvinisme  germain,  —  que  n'y  aurait-il  pas  à  dire 
sur  le  culte  qu'affectent,  de  nos  jours,  tant  de  bourgeois  universi- 
taires allemands  pour  Lessing,  pour  ce  Lessing  en  lequel  Fr.  Schlegel 
exaltait  si  justement,  dans  son  article  du  Lyceum  der  schônen  Kiinste 
en  1797,  '^*  qualités  qui  leur  manquent  le  plus  :  le  mépris  d'autorités 
et  de  traditions  surannées,  la  jalouse  indépendance,  l'audace  à  fronder 
des  mensonges  sociaux  routinièrement  et  conventionnellement  reçus, 
le  ((  cynisme  littéraire  »  !  —  qui  eût  pu  rétablir  définitivement  la  vérité, 
dénaturée  à  plaisir,  des  faits,  M.  Arturo  Farinelli,  s'en  est  malheu- 
reusement, dans  un  ouvrage  de  jeunesse  où  il  y  a,  d'ailleurs,  tant 
d'originale  recherche  et  de  constatations  laborieuses,  tenu  aux  résultats 
acquis  par  son  prédécesseur  en  la  matière,  M.  B.  A.  Wagner,  et  n'a 
consigné  aucune  découverte  nouvelle  dans  le  rapide  passage  consacré 
à  Lessing  de  sa  revue  des  relations  intellectuelles  hispano-allemandes. 


I .  Wissenschaftliche  Beilage  :uni  Programm  des  Sophien-Bealgymnasiums.  Ostern  1883. 
7.11  Lessings  spanischen  Sladien.  Von  B.  A.  Wagner.  —  Berlin,  Gaertner,  i883,  broch. 
in  4"  de  iG  pages  numérotées,  mais  seulement  i3  p.  i/3  de  texte. 


PREFAJCE  XI 

à  laquelle  nous  aurons  maintes  fois  l'occasion  de  revenir  i.  Quelle  que 
soit  la  manière  dont  les  juges  qualifiés  —  nous  récusons  à  l'avance  les 
appréciations  émanant  de  critiques  ne  possédant  pas  les  deux  langues, 
castillane  et  allemande,  et  n'étant  pas  à  la  fois  versés  dans  les  deux 
littératures,  espagnole  et  germanique,  car  nous  les  considérons  comme 
incapables  d'apprécier  sainement  l'ensemble  de  ce  travail,  bien  que 
nous  nous  inclinions  devant  leur  compétence  probable  pour  y  relever 
des  erreurs  de  détail  —  accueilleront  cet  essai,  nous  les  prions  dès 
maintenant  d'user  d'indulgence  à  notre  endroit  si  la  manière  de 
Lessing  nous  a  —  provisoirement,  mais,  fût-ce  de  manière  durable, 
est-il  plus  auguste  modèle  à  proposer  au  critique?  —  quelquefois 
contaminé,  et  si  un  long  et  assidu  contact  avec  ses  Œuvres  —  que 
nous  voulons  admettre  que  ces  juges  connaissent,  en  leur  totalité, 
par  expérience  directe  et  non  sur  la  foi  d'analyses  de  manuels  —  ainsi 
qu'avec  son  ambiance  de  libres  esprits,  comme  il  n'en  existe  plus 
guère  aujourd'hui  dans  cette  Allemagne  des  milliards  où  la  science 
littéraire  patentée  est  devenue  une  sorte  de  finalité  sans  fin  au  Betrieb 
merveilleusement  monté,  mais  qui  fonctionne,  dirait-on  parfois,  pour 
le  plaisir  et,  quoi  que  prétendent  les  intéressés,  aux  seules  fins  de 
VHonorar  et  de  la  considération  de  la  Zunjt,  nous  a  appris  à  résolu- 
ment préférer  au  calcul,  qui  peut  être  habile,  voire  productif,  de 
«  ménager  la  chèvre  et  le  chou»,  l'expression  sans  fard  et  toute  nue 
de  la  vérité  —  de  ce  qui  nous  a  paru  représenter  la  vérité  scientifique. 
Et  ces  juges  vénérables,  dont  le  verdict  nous  remplit  d'un  si  tremblant 
effroi,  nous  voudrions  avoir  le  droit  de  les  implorer  dans  les  termes 
mêmes  du  jeune  Lessing,  lors  de  son  escapade  à  Berlin,  à  son  rigide 
père,  le  pasteur  de  Kamenz  : 

«  Erlauben  Sie  mir,  dass  ich  Ihnen  die  Rede  eines  Vaters  bey  dem  Plautus 
mittheile,  welcher  gleichfalls  mit  seinem  Sohne  nicht  durchaus  zufrieden 
war  : 

Non  optumae  haec  sunt,  neque  ego  ut  aequum  censeo; 

Verum  meliora  sunt,  quam  quae  deterrima  : 

Sed  hoc  unum  consolatur  me  atque  animum  meum. 

Quia,  qui  nihil  aliud,  nisi  quod  sibi  soli  placet, 

Gonsulit  adversum  filium,  nugas  agit; 

Miser  ex  animo  fit  ;  secius  nihilo  facit, 

Suae  senectuti  is  acriorem  hyemem  parât  etc.  ^ 


I.  Farinelli  Art.  —  Die  Beziehungen  zwischen  Spanien  und  Deutschland,  etc.  /.  Teil. 
Bis  ziim  18.  Jahrhundert.  (Thèse  de  doctorat  es  lettres  de  l'Université  de  Zurich.) 
Berlin,  Haack,  1892,  72  p.  in-8.  Cette  dissertation  avait  paru  la  même  année  dans  la 
Zeitschrift fur  vergleichende  Literaturgeschichte,  p.  i35-2o6,  276-332.  M.  Morel-Fatio, 
dans  la  Revue  Critique  (1892,  n*"  33-34),  en  vanta  l'excellente  méthode,  et  la  Bomania 
de  l'année  suivante  (1893,  i-jd)  la  recommandait  également. 

a.  Tit.  M.  Plaut.  frinam.  act.  //,  2,  v.  lit  seq. 


XII  PREFACE 

Die  Gedankcn  sind  so  vcrnûnftig,  dass  die  Ihrigen  nothwendig  damit 
ùbereinstimmen  mùssen.  '  » 

Nous  espérons  joyeusement  que  cet  appel  à  la  clémence  sera,  grâce 
au  patronage  dont  il  se  recommande,  entendu. 

Nous  espérons  aussi,  avec  le  même  optimisme  sanguin,  que,  pour 
nous  limiter  à  la  France,  plusieurs  de  ceux  qui  y  incarnent  présen- 
tement la  science  hispanique  véritable  n'hésiteront  pas,  en  rendant 
hommage  à  la  sincérité  de  nos  intentions,  à  donner  aux  débutants 
dans  la  carrière  dont  ils  dispensent,  après  les  avoir  glorieusement 
franchies,  les  étapes,  la  preuve  consolante  et  bienfaisante  qu'aujour- 
d'hui moins  que  jamais  le  souci  de  la  gloriole  individuelle,  à  plus 
forte  raison  les  intérêts  de  castes  adroitement  gérés  n'eurent  la 
moindre  prise  sur  leurs  actes,  et  que,  si  un  méritoire  hispanisant 
étranger  a  pu,  dans  un  article  biographique  sur  le  représentant 
le  plus  autorisé  de  l'hispanisme  allemand  jusqu'au  delà  des  deux 
premiers  tiers  du  siècle  dernier,  évoquer  avec  regret  l'époque, 
point    si    ancienne,    du    «  wissenschaftlichen   Betriebs   romanischer 

Forschung    in    jener    Zeit ,    da    die    sparlichen    Besteller    des 

Arbeitsfeldes  sich  freuten,  einander  freundschaftlich  die  Hande  zu 
reichen,  im  Gegensatz  zu  heute,  wo  die  grôssere  Zahl  von  Arbeits- 
krâften  auf  demselben  Felde  nur  zu  haufig  Reibungen  veranlasst  «a, 
de  tels  «  frottements  »  n'atteignent  nulle  part  chez  nous  cette  intensité 
capable  d'entraver  le  progrès  scientifique  d'une  spécialité  qui  ne  doit 
devenir  le  fief  de  personne,  mais  rester  un  domaine  librement  et  offi- 
ciellement cultivable  pour  toutes  les  capacités  avérées.  C'est  ainsi,  mais 
ainsi  seulement,  que  la  constatation  que  consignait  le  i5  octobre  i854 
Saint-René  Taillandier  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  —  alors  plus 
ouverte  qu'aujourd'hui  aux  souffles  d'Espagne, —  touchant  le  ((  savant 
concours  sur  les  destinées  intellectuelles  »  de  la  péninsule  ibérique, 
où  l'Allemagne  détenait  le  premier  rang  par  le  nombre  et  la  portée  de 
ses  découvertes  scientifiques,  où  la  France  lui  disputait  la  prééminence 
par  ((  le  goût,  par  l'intelligence  vive  et  pénétrante,  par  l'érudition 
ingénieuse  et  philosophique  »  3,  pourra  être  définitivement  refondue 
dans  le  sens  qu'insinuait,  sous  réserves,  en  1908,  ce  même  his- 
panisant étranger  lorsqu'il  écrivait  que  notre  nation  «  semble  main- 


1.  K.  G.  Lessing,  op.  cit.,  "p.  57. 

2.  Allg.  Deut.  Biogr.,  t.  43  (1898)  :  art.  Ferdinand  Josef  HoZ/par  le  D'  Rudolf  Béer, 
p.  731. 

3.  liev.  des  Deux  Mondes,  VIH,  282  :  La  litt.  esp.  et  ses  historiens  au  MX'  siècle. — 
DaDs  celte  remarquable  vulgarisation  de  Sg  p.  (278-317),  on  perçoit  une  plainte, 
à  propos  des  relations  de  Corneille  et  de  Calderôn,  contre  les  «  consciencieux  Alle- 
mands »  (Schack  et  F.  Wolf)  qui  ont  «  fait  leur  siège  d'avance  »  et  dénient  justice  à  la 
France.  «  S'ils  obéissent  à  de  niaises  rancunes  contre  la  France,  nous  les  plaindrons 
de  celle  maladie  opiniâtre.  »  (P.  309.) 


tenant  prétendre  au  premier  rôle  sur  cette  parcelle  du  champ  de  la 
science  »  • .  Premier  rôle  qui  nous  revient,  si  l'on  peut  dire,  par  tradition 
historique  et  par  affinité  raciale,  mais  qui  suppose  —  à  titre  de  seconde 
condition  indispensable  —  la  répudiation  résolue,  en  certaines  sphères 
officielles,  de  critères  sophistiques  tendant  à  établir,  dans  notre 
enseignement  universitaire  des  langues  et  des  littératures  étrangères, 
une  table  des  valeurs  pédagogiques  ou  culturelles  inadéquate,  comme 
si  la  possibilité  de  dégager  du  traitement  scientifique,  de  l'étude 
critique  de  la  pensée  d'un  peuple  en  son  développement  successif  une 
leçon  philosophique  et  une  signification  éducatrice  était  esclave  des 
latitudes  et  restait  liée  à  tel  domaine  linguistique  à  l'exclusion  de  tel 
autres! 


Camille  PITOLLET 


Paris,  3o  décembre  1906. 


P.-S.  —  Pour  des  causes  extérieures  à  nous,  l'impression  de  cet 
essai  a  été  retardée  de  plus  d'une  année.  Nous  n'avons,  sauf  quelques 
adjonctions  passagères,  rien  changé,  en  l'envoyant  en  février  1908  à 
l'imprimerie,  au  manuscrit  original. 

Paris,  10  février  1908. 


I   R.  Béer,  Spanische  Literalurgeschichlc  {Leipzig,  igoS),  H,  «55. 

2.  Il  importe  d'ajouter,  comme  complément  à  cette  préface,  qu'ayant  appris,  à  la 
date  du  8  mars  igoG.  par  un  correspondant  qu'on  venait  de  découvrir  en  Allemagne 
un  exemplaire,  ayant  appartenu  à  Fr.  v.  Raumer,  du  GeLehrten-Lexikon  de  .locher 
portant  des  remarques  manuscrites  de  Lessing,  «spécialement  cdncernant  les  auteurs 
espagnols,»  dont  la  publication  m'était  annoncée  comme  devant  tarder  au  moins 
d'une  année  et  craignant,  en  outre,  que  les  KoUeklaneen  inédits  qu'a  annoncés 
M.  Muncker  ne  continssent  des  détails  hispaniques,  j'écrivis  au  professeur  de  l'Uni- 
versité de  Munich,  qui  m'affirma  qu'en  ellet  on  avait  bien  trouvé  à  la  Stadlbibliothek 
de  Bromberg  l'exemplaire  du  Jôcher,  en  ajoutant:  «  Wer  Ihnen  aber  gesagt  hat,  dass 
dièse  Anmerkungen  besonders  den  spanischcn  Autoren  gelten,  hat  Ihnen  etums  Grundver- 
kehrtes  mitiieteilt.  Unter  den  paar  hundert  Glossen,  die  Lessing  in  die  vier  Bande  seines 
Jôcher-Exemplars  kritzelle,  sind  keine  zehn,  die  aaf  spanische  Schriftsleller  gehen,  und 
dièse  wenigen  sind  hôchst  unbedeutend.  Sie  verbessern  meist  nur  ein  irriges  iVort  Jôchers. 
Ich  habe  soeben  meine  Abschrift  daraufhin  noch  einmal  durchgesehen  und  kann  Ihnen 
versichern,  dass  fiir  die  von  Ihnen  geplante  Arbeit  ans  dies  n  Eintrugen  in  den  a  Jôcher  n 
wie  gar  nichls  :u  holen  ist,  so  dass  Sie  sie  ohne  Schaden  ruhig  bei  Seite  liegen  lassen 
kônnen.  »  Il  a  paru  depuis  dans  Euphorion,  1906,  p.  /i3i  :  Ein  Lessing-Fund,  une  courte 
note  sur  la  trouvaille  de  Bromberg.  Concernant  ma  seconde  question,  sur  la  nature 
des  documents  hispaniques  inédits  qui  pouvaient  être  publiés  au  xxii*  vol.  de  son 
édition,  —  qu'il  m'écrivit,  le  29  août  1906,  devoir  paraître  au  printemps  de  1907, — 
M  Muncker  m'a  déclaré  :  <(  Der  Nachtragsband  wir  nichtS  enthalten,  was  fiir  Lessings 
Beschdftiyung  mit  der  spanischcn  Sprache  und  Literalur  Wert  hat.  Es  miisste  denn  sein, 
dass  ich  gan:  anerœarleter-  und  unwahrscheinlicher  Weise  in  der  nàchsten  Zeit  noch  neaes, 
bisher  ungedrucktes  Material  erhielte.  Ich  wiissle  aber  nicht,  woher.  »  Fort  de  ces  expli- 
cations, j'ai  pu,  selon  le  conseil  de  mon  honorable  correspondant,  mener  mon  travail 
u  nun  ruhig  zu  Ende,  ohne  den  Schlussband  abzuwarten  ». 


i 


CONTRIBUTIONS  A  L'ÉTUDE  DE  L'HISPANISME 

DE  G.   E.   LESSING 


PREMIÈRE   PARTIE 


LESSING  ET  LA  LA.N&UE  CASTILLANE 


Dans  ses  Brieje,  die  neueste  Litteratur  betrefjend  {M.  III,  9),  Lessing 
a  écrit,  à  la  date  du  1 1  janvier  1769,  cette  déclaration  : 

Unsere  Uebersetzer  verstehen  selten  die  Sprache;  sie  luollen  sie  erst  verstehen 
lernen;  sie  tibersetzen  sich  zu  iiben,  und  sind  klug  tjenug,  sich  ihre  Uebungen 
bezahlen  za  lassen.  Ain  luenifisten  aber  sind  sie  vermogend,  ihrem  Originale 
nachziidenken .  Denn  waren  sie  hierzu  nicht  ganz  iinfâhig,  so  iviirden  sie  es 
fast  immer,  aus  der  Folge  der  Gedanken  abnehmen  konnen,  wo  siejene  mangel- 
hafte  Kenntniss  der  Sprache  zu  Fehlern  verleitet  liât. 

Nous  allons  rechercher  si  ce  sévère  censeur  a  procédé  lui-même 
d'autre  sorte  que  les  traducteurs  à  la  brasse  à  l'égard  du  castillan. 
Négligeant,  dans  la  démonstration  documentaire  qui  va  suivre,  les 
menues  preuves  qu'offrent  tels  ou  tels  contresens  de  vocables  isolés 
que  nous  relèverons  au  passage  dans  la  seconde  partie,  nous  nous 
bornerons  à  examiner  les  quelques  traductions  d'assez  longue  haleine 
où  Lessing,  à  des  dates  diverses,  a  mis  à  l'épreuve  ses  connaissances 
linguistiques  castillanes,  pour  en  déduire  la  nature. 


I.  Orfeo. 

(M.  I,  i5o). 

]'dii,  dans  le  Bulletin  liis[janicjue  de  1904',  réimprimé  d'après  l'édi- 
tion deSaragosse,  1649,  du  Parnaso  Espanol,  la  teneur  du  romance  de 

I.  Bail,  hisp.,  VI  (i9o4),'p.  333  seq,  :  A  propos  d'un  romance  de  Quevedo;  cf.  en  outre 
les  excellentes  adjonctions  de  M.  A.  Buchanan  dans  Modem  Language  Noies,  XX,  .'(,  p. 
116  seq.  et  ma  note  complémentaire  Bull,  hisp.,  VIIJ  (1906),  p.  Sgu-SgS  :  Un  écho 
oublié  du  romance  de  Quevedo,  Orfeo.  Je  compléterai  prochainement  cette  première 
esquisse. 


2  CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LUISPAMSME    DE    G.    E.    LESSllSG 

Quevedo  que  Lessing  a,  sous  le  titre  Orpheiis,  traduit  partiellement  en 
prose,  et  déjà  relevé,  par  la  comparaison  de  son  texte  avec  le  texte 
espagnol,  les  copieux  contresens  de  son  essai,  d'ailleurs  inachevé.  Je 
m'abstiendrai,  en  conséquence,  de  reproduire  ici  les  deux  pièces. 
Comme  VOrpheus  est  une  œuvre  posthume  non  datée,  les  critiques 
allemands  ne  sont  pas  d'accord  sur  l'époque  à  laquelle  la  rattacher. 
Boxberger,  dans  l'édition  en  i4  parties  de  la  Nation.-Lit.  deKiirschner 
(58,  p.  82),  et,  à  sa  suite,  M.  Muncker  la  datent  1707,  tandis  que 
K.  Redlich  a  émis  l'hypothèse  qu'elle  pouvait  remontera  1750'.  En 
outre,  ces  deux  éminents  éditeurs  commettent  l'erreur  de  la  classer 
parmi  les  Odes,  bien  qu'il  soit  évident  —  pour  emprunter  une  expres- 
sion de  Redlich  —  qu'elle  représente  «  un  prosaïque  essai  de  traduc- 
tion »,  une  piteuse  «  Sprachûbung  n  2  sur  un  thème  alors  assez  populaire 
pour  que  des  versificateurs  s'exerçassent  à  l'imiter  et  à  le  gloser  en 
France,  en  Angleterre  et  en  Allemagne.  Au  fond,  la  question  de  date 
est  secondaire  :  si  VOrpheus  était  en  réalité  de  1767  au  lieu  de  1760,  la 
seule  conséquence  à  tirer  serait  d'autant  plus  préjudiciable,  du  point 
de  vue  linguistique,  à  l'hispanisme  de  Lessing.  Redhch,  dans  sa  lettre 
à  Boxberger,  souligne  à  bon  droit  les  erreurs  élémentaires  commises 
dans  cette  version  des  vingt  premiers  vers  d'une  poésie  qui  en  com- 
prend quarante,  et,  faisant  honneur  à  son  nom,  a  eu  la  loyauté  de 
confesser  qu'elle  ne  possède  d'autre  valeur  que  «  ats  Beweissliick, 
dass  es  mit  Lessings  Spanisch  nicht  weit  her  gewesen  isty)  et  même 
d'ajouter  qu'à  son  avis  Lessing  n'avait  pas  pu  traduire  la  suite.  L'impi- 
toyable Paul  Albrecht  a  imaginé  de  tirer  la  moralité  de  l'aventure  sous 
forme  de  cette  plaisante  fable,  qui  pimente  agréablement  l'érudition 
rébarbative  de  ses  Leszing's  Plagiate  : 


Le  plagiaire  mourant. 

Le  plagiaire,  son  heure  suprême  sonnée,  jetait  un  dernier  regard  à  son 
immortalité  finissante.  «  En  vérité,  je  suis  pécheur,  confessa-t-il,  mais  non,  je 
l'espère,  des  plus  grands,  fai  commis  le  mal,  mais  j'ai  aussi,  parfois,  que 

I.  Lettre  à  Boxberger,  du  3o  janvier  i883,  imprimée  au  t.  71  de  la  collection 
J.  Kurschner  (dernier  vol.  de  l'éd.  de  Lessing),  p.  44i-/i'i2. 

■2.  L'expression  «  Sprachûbung  »  a  été  reprise  par  M.  E.  Schmidt  dans  la  seconde 
édition  de  son  Lessing  (1899),  I,  p.  89,  et  il  a  sans  doute  emprunté  aussi  à  la  lettre 
précitée  de  Redlich  sa  remarque  sur  l'erreur  naïve  de  K.  Lessing.  Dans  la  première 
édition  de  son  ouvrage  (i884)  le  biographe  de  Lessing  se  contentait  (I,  33i,  note)  de 
qualifier,  cette  fois  à  la  suite  de  M.  Bernays,  VOrpheus  de  «  Uebertragumj  ».  Enfin,  il 
est  faux,  comme  le  prétend  Boxberger  (58,  p.  82,  note),  que  VOrpheus  ait  rien  à  voir 
avec  la  version  de  Brockes  dans  Poésie  der  .\iedersachsen,  1,  3o6-3o7  (Hambg.1725).  J'ai 
montré  dans  mon  article  du  Bull.  hisp.  que  Brockes  traduisait  une  variante  du 
romance  et  non  pas  le  n'  90  de  la  sixième  Muse  du  Parnaso  Espahol.  J'ajouterai  que  le 
texte  espagnol  des  redondillas  citées  par  Brockes  était  déjà  connu  du  P.  Bouhours, 
qui  le  donne  p.  178-179  de  La  manière  de  bien  penser  dans  les  ouvra<jes  d'esprit.  Dia- 
logues. (Paris,  1687.) 


LESSING    KT    LA    LANGUE    CASXILLAINE  O 

dis-je,  souuentes  fois  réalisé  le  bien.  Un  jour,  il  m'en  souvient,  ayant  volé  à 
Quevedo  y  Villegas  les  cinq  premières  strophes  de  son  Orfeo,  il  me  vint  un 
remords  et  je  laissai  tout  en  pagaie...  » 

«  Ce  dont  je  puis  rendre  témoignage»,  répliqua,  lui  coupant  la  parole,  Dame 
Critique  qui  l'aidait  à  mourir  une  seconde  mort,  <(  car  j'ai  aussi  présentes  à 
l'esprit  que  si  elles  étaient  d'hier  toutes  les  circonstances  de  ce  délit  que  ta 
commis  à  l'époque  où  tes  progrès  en  castillan  étaient  encore  trop  minces  pour 
te  permettre  de  dérober  plus  de  cinq  strophes...  *.  » 

On  serait  tenté  d'admettre  cette  conclusion  du  monomane  érudit  de 
Hambourg  en  constatant,  dans  le  texte  de  VOrpheus,  que  riscos,  con- 
fondu avec  rios,  est  rendu  par  Fiasse;  que  la  phrase  :  Si  canlara  muy 
mal,  le  sucediera  lo  mesmo,  est  traduite  :  iind  wenn  er  aach  so 
schlecht  gesungen  halte,  so  wàren  sie  ^  ihm  doch  nachgefolgt  ;  que  : 
cessa  elpenar  en  llegando  y  en  escuchando  su  intento  est  compris  : 
als  er  ankam  und  seine  Absicht  entdeckte  ;  que  :  que  pena  no 
dexa  à  nadie  quien  es  casado  tan  necio  se  transforme  en  :  und  was 
kônnten  fur  einen  so  dummen  Ehemann  wohl  fur  Martern  ùbrig 
seyn? 


II.  Huarte. 

A  la  foire  de  Pâques  1752  fut  mis  en  vente  un  volume  in -8  de 
456  pages,  munies  d'une  préface,  et  intitulé  : 

Johann  Huarls  (sicj  Prûfung  der  Kôpfe  zu  den  Wissenschaften,  tvorihne  er 
die  Verschiedenen  Fàhigkeiten,  die  in  den  Menschen  liegen  zeigt,  Einer  jeden 
den  Theil  der  Gelehrsamkeit  bestimmt,  der  fur  sie  eigentlich  gehôret.  Und 
endlich  den  Mltern  Anschldge  ertheilt,  ivie  siefàhige  undzu  den  Wissenschaften 
aufgelegte  Sôhne  erhalten  kônnen.  Aus  dem  Spanischen  ûbersetzt  von  Gotthold 
Ephraim  Lessing.  ZERBST.  In  der  Zimmermannischen  Buchhandlung .  1752. 

Réservant  pour  la  seconde  partie  toute  étude  autre  que  la  compa- 
raison, du  point  de  vue  de  la  traduction,  de  l'original  espagnol  dans 
l'édition  suivie  par  Lessing,  —  l'édition  d'Amsterdam,  1662,  in-12, 
J.  de  Ravestein,  —  avec  le  texte  du  volume  dont  je  viens  de  transcrire 
le  titre,  je  n'ai  ici  qu'à  illustrer,  par  quelques  exemples  nullement 
choisis  ad  hoc,  le  mode  de  traduire  de  l'auteur. 

D'abord,  son  titre  est  déjà  une  infidélité.  L'édition  d'Amsterdam, 
qu'il  suit,  porte  le  simple  énoncé  Examen  de  los  ingénias  para  las 

1.  Leszing's  Plagiale,  uonPaul  Albrecht,  D'  med.  et  phil.,  Kôniglich  Preussischer 
Professer  (Hambg.-Lpzg.,  1890-91),  Bd.  I,  Hft.  i,  p.  4 16.  11  sera  parle  plus  loin  de 
cet  ouvrage. 

2.  C'est-à-dire  Berge,  Fliisse  und  Steiiie.  Lessing  croit  que  suceder  signifie  suivre  au 
sens  de  venir  après  quelqu'un,  par  conséquent  de  seguir.  En  outre,  il  prend  sucediera 
pour  une  troisième  personne  du  pluriel. 

C.    PirOLLET.  2 


Ix 


CO>TRIBtJTlOiNS    A    l'ÉTUDE    DE     l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSllNG 


sciencias.  S'il  eût  voulu  s'acquitter  en  toute  rigueur  de  son  métier  de 
traducteur,  il  eût  dû  établir  rigoureusement  la  bibliographie  de  son 
ouvrage  —  nous  verrons  dans  la  seconde  partie  comment  il  s'y  est  pris 
à  ce  propos  —  et  choisir  comme  texte  l'édition  de  l'Examen  représen- 
tant la  dernière  expression  de  la  pensée  de  Huarte,  sauf  à  indiquer  en 
note  les  variantes.  Or,  cette  édition  est  celle  de  iSg/i  et  voici  son  titre  : 

Examen  de  ingenios  para  las  sciencias,  en  el  cual  el  lector  hallarâ  la  manera 
de  su  ingenio,  para  escoger  lasciencia  en  que  ha  de  aprovechar y  la  diferencia 
de  habilidades  que  hay  en  los  hombres,  y  el  genero  de  letras  y  artes  que  a  cada 
uno  responde  en  particular.  —  Compueste  por  el  Dr.  Juan  Huarte  de  sant  Juan, 
Agora  nuevamente  enmendado  por  el  mismo  autor,  y  anadidas  muchas  cosas 
curiosas  y  provechosas.  Dirigido  a  la  C.  R.  M.  del  rey  Don  Felipe  nuestro  seiîor, 
cuyo  ingenio  se  déclara  exemplificando  las  reglas,  y  preceptos  desta  doctrina. — 
Con  privilegio,  impreso  en  Baeza,  en  casa  de  Juan  Baplista  Montoya,  aiïo  lb9U. 

En  admettant,  ce  qui  ne  laisse  pas  d'être  fort  probable,  que  Lessing 
ait  rencontré  des  difficultés  insurmontables  pour  se  procurer  en  Alle- 
magne cette  édition,  du  moins  eût-il  dû  rechercher  ou  bien  l'édition 
originale  de  \^~j^,  ou  bien  une  de  ses  copies,  celle,  par  exemple,  de 
Bilbao,  i58o.  Or,  la  première  porte  le  titre  suivant  : 

Examen  \  de  ingenios  para  las  sciencias  \  Donde  se  muestra  la  différencia  de 
ha  I  bilidades  que  hay  en  los  hombres  y  \  el  genero  de  letras  que  a  cada  vno 
res  I  ponde  en  particular.  \  Es  obra  donde  el  que  leyere  con  attencion  hallara  | 
la  manera  de  su  ingenio,  y  sabra  escoger  la  scien  |  cia  en  que  mas  ha  de  apro- 
uechar  :  y  si  por  vê  \  tara  la  uuiere  ya  professado,  entendera  \  si  atino  a  la  que 
pedia  su  'habilidad  |  natural.  |  Compuesla  por  el  Doctor  luan  huarte  \  de  sant 
juan,  natural  de  sant  luan  del  |  pie  del  puerto.  |  Va  dirigida  a  la  Magestad  del 
Rey  D.  Phelipe  \  nuestro  senor  Cuyo  ingenio  se  déclara  exem  \  plificando  las 
reglas,  y  preceptos  desta  \  doctrina.  |  Con  priuilegio  Real  de  Castilla  y  Aragon. 
I  Con  licëcia  impreso  en  Baeça  en  casa  de  |  Juan  baplista  de  Montoya. 

Celle  de  Bilbao  reproduit  ce  titre,  sauf  qu'elle  déclare  simplement  : 
Al  rey  Don  Phelipe  II,  sans  l'adjonction  ci-dessus.  Comme  nous 
savons  par  un  passage  des  Materialien  —  qui  sont  très  vraisemblable- 
ment antérieurs  à  la  publication  de  la  traduction  de  Huarte  —  que 
Lessing  connaissait  l'existence  des  deux  éditions  de  1675  et  i58o  ',  son 
procédé  apparaît  d'autant  plus  inexcusable,  et  son  titre,  qui  semble 
être  le  titre  du  livre  de  Huarte,  n'est  en  réalité,  en  sa  teneur  arbitraire, 
qu'un  façon  de  contresens  absolument  inadmissible. 

Il  ne  sera  guère  paradoxal  d'affirmer,  en  anticipant  sur  les  preuves 
subséquentes,  qu'en  1751-52  Lessing  ne  savait  pas  assez  d'espagnol 
pour  traduire  Huarte  directement  et  uniquement  sur  l'original  2.  Du 

1.  M.  XIV,  170  :  «  Eu  Baeça,  anno  i575.  En  Bilbao  1580.  » 

■A.  Des  jugeinonls  du  genre  de  celui  de  M.  H.  Dûntzer  (Lessings  Leben  [Leipzig,  1882], 
p.  120):  que  la  traducliou  de  Huarte  par  Lessiugest»  mit  grosscrSorgfalt  gearbeitet  », 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  O 

moins,  a-t-il  été  assez  habile  pour  ne  suivre  servilement  aucune  des 
traductions  étrangères  —  tant  françaises  qu'anglaises,  latines  ou  ita- 
liennes —  alors  existantes  et  dont  les  bibliothèques  d'Allemagne  rece- 
laient   et  recèlent    encore   de  nombreux   exemplaires.  J'ai   comparé 
minutieusement  et  une  à  une  avec  la  version  de  Lessing  toutes  celles 
connues,  sauf  la  version  hollandaise  à  laquelle  il  sera  fait  allusion  et 
que  je  n'ai  pu  identifier,  en  1751,  —  la  sienne  a  été,  à  ma  connaissance, 
la  dernière  en  date,  —  et  n'ai  pu  découvrir  pour  aucune  d'elles  une 
imitation  patente  et  suivie.  J'incline  à  croire  que  Lessing  aura  usé  d'un 
procédé  familier  aux  traducteurs  novices.  11  lisait,  à  l'époque,  passa- 
blement l'anglais  et  l'italien  et  parfaitement  le  français,  et,  naturelle- 
ment, maniait  sans  nulle  difficulté,   en  sa  qualité  de  Magister  liber, 
art.,  le  latin.  11  aura  donc  eu  sur  sa  table  de  travail  un  exemplaire  ou 
de  Carew,  ou  de  Bellamy,  ou  bien  de  Camilli,  ou  bien  de  Chappuis,  ou 
deVion  d'Alibray,  ou  de  d'Alquier,  ou  de  Joachim  Caesar,  ou  de  Theod. 
Arctogonius,  ou,  peut-être,  de  chacun  de  ceux-ci,  et  aura,  grâce  tantôt 
à  l'un  tantôt  à  l'autre  de  ces  guides,  démêlé  grosso  modo,  sans  trop 
de  peine,  le  sens  de  la  phrase  castillane.  Il  lui  est  arrivé  très  souvent, 
ce  nonobstant,  de  broncher  et  je  doute  qu'on  puisse  lui  appliquer  la 
jolie   image  qu'il    a,   dans  la   Préface,    trouvée   sur   Huarte,   lequel 
serait   semblable  à  ces  chevaux  fougueux  qui  ne  soulèvent  jamais 
plus  d'étincelles   que  lorsqu'ils   trébuchent.   Telle  quelle,  par  suite, 
sa  version   ne  transgresse  en  aucune  sorte  les  limites  d'un  honnête 
à  peu  près  et  frise  même,  plus  d'une  fois,    la  catégorie  des  belles 
infidèles.  C'est  une  composition  besogneuse  et  laborieuse,  dont  les 
fautes  résultent  surtout  de  l'ignorance  où  se  trouve  le  traducteur  des 
tournures  spécifiques  et  des  habitudes  génuines  du  parler  castillan, 
si  nettement  perceptibles  dans  le  traité  du  médecin  navarrais. 

Ne  pouvant  ici  examiner  le  volume  entier  et  consigner  la  série 
copieuse  des  bévues  que  j'ai  notées  en  collationnant  les  4 10  pages  de 
l'édition  d'Amsterdam  avec  les  456  pages  de  celle  de  Zerbst,  je  me 
bornerai  à  reproduire  celles  contenues  dans  les  deux  prologues,  puis 
les  16  premières  pages  de  la  traduction  de  l'Examen.  Elles  permettront 
de  se  faire  une  idée  assez  exacte  du  reste.  Je  ne  crois  pas  non  plus 

ne  sauraient  avoir  de  valeur  scientifique  qu'en  tant  que  le  critique  qui  les  formule 
s'est  préalablement  donné  la  peine  de  comparer  minutieusement  au  texte  allemand 
celui  de  l'édition  espagnole  qu'est  censé  avoir  suivie  Lessing.  M.  H.  Dûntzer  s'est-il 
livré  à  cette  besogne?  L'eût-il  voulu,  aurait-il  été  en  état  de  le  faire  dans  les  condi- 
tions de  compétence  philologique  requises?  J'ai  vainement  essayé  de  comprendre, 
d'autre  part,  quelles  raisons  avaient  poussé  M.  Fitzmaurice-Kelly  à  faire  de  «  Juan  de 
Dios  Huarte  »  un  «  physicien»  et  hésite  à  admettre  un  anglicisme  ou  un  archaïsme 
tels  de  la  part  de  M.  Henry  D.  Davray,  qui  collabore  au  Mercure  de  France.  M.  Fitz- 
maurice-Kelly, qui  doit  sans  doute  le  renseignement,  —  comme  tant  d'autres,  —  de 
la  traduction  de  Lessing  à  Ticknor,  déclare  avec  une  belle  audace  que  l'u  indépen- 
dance pleine  de  hardiesse  »  et  la  «  dialectique  »  de  Huarte  amenèrent  Lessing  à  tra- 
duire l'ouvrage  {Litt.  esp.  [Paris,  1904],  p.  218). 


6  CONTRIBUTIONS    A   l'ÉTUDE    DE    LHlSPAiMSME    DE    G.    E.    LESSliNG 

nécessaire  de  donner  chaque  fois  en  note,  à  côté  de  la  traduction 
erronée  de  Lessing,  l'exacte  traduction  allemande,  puisque  ce  travail 
s'adresse  surtout  et  avant  tout  à  des  lecteurs  possédant  les  deux 
idiomes.  11  me  suffira  donc  de  souligner  en  caractères  gras  les  passages 
particulièrement  mal  réussis. 


Al  lectori. 

Para  que  las  obras  de  los  artifices 
tuviessen  la  perfecion... 


Der  Verfasser  an  den  Léser. 

Wann  die  Werke  der  Kûnstler  - 
die  Vollkommenheit  erlangen  soll- 
ten... 


en  estos  estados  y  seiiorios... 

Este  mesmo  qulsiera  yo  que  hizie- 
ran  las  Academias  destos  Reynos,  que 
pues  no  consienten  que  el  estudiante 
passe  a  otra  facultad,  no  estando  en 
la  lengua  Latina  perito,  que  tuvieran 
tambien  examinadores,  para  saber 
si... 


in  elnem  so  eingerichteten  Staate... 

Ein  gleiches  wollte  ich  auf  den 
hohen  Schulen  unsers  Kônigreichs^ 
beobachtet  wissen.  Man  sollte  es 
durchaus  nicht  erlauben,  dass  ein 
Studirender  zu  irgend  einer  Wis- 
senschaft  schreiten  dùrfe,  wann  er 
nicht  vorher  in  der  lateinischen 
Sprache  erfahren  ist.  Es  sollten  her- 
nach  gewisseLehrerbestelltwerden, 
die  es  untersuchen  mùssten... 


Y  echan  a  perder  la  salud  de  los 
hombres  [Los  que  son  inhabiles  para 
medicina.l 


Gleichfalls  ist  die  Gesundheit  der 
Menschen  in  nicht  geringer  Gefahr 
[da  sich  die  Leute  die  ganz  unge- 
schickt  zur  Medicin  sind,  damit 
abgeben.l 


Todos    los    philosophos    antiguos 
hablaron  por  experiencia... 


[Pero  ninguno  ha  dicho  con  dis- 
tinction ni  claridad...  quantas  dife- 
rencias  de  ingenio  se  hallan  en  la 


Aile  alte  Weltweisen  kommen 
darinne  iiberein  und  die  Erfahrung 
lehrt  es... 

[Keiner  von  ihnen  aber  hat  es 
deutlich  zu  erklàren  gewusst...  wie 
viel  Yerschiedenheiten  des  Génies  in 


1 .  Dans  l'édition  originale,  cette  préface  était  adressée  à  Philippe  II. 

2.  Si  Lessing  eût  été  quelque  peu  au  courant  du  castillan  classique,  il  eût  su 
qu'à  l'époque  de  Huarle  artifice  ne  signifiait  pas  seulement  artiste,  mais  aussi  artisan, 
qui  est  ici  le  seul  sens  admissible,  puisque,  immédiatement  après  avoir  employé  ce 
mol,  l'auteur  espagnol  énumère  une  série  d'artisans.  Cf.  Govarrubias,  Tesoro  (i 6 ii) 
p.  gS,  s.  V.  artificio  et  arte.  Aussi  bien,  d'ailleurs,  Chappuis  que  d'Alibray  ont  traduit: 
artisans.  Tout  le  reste  de  la  phrase  est,  dans  Lessing,  faussé  par  cette  inexactitude. 
Quelques  lignes  plus  loin,  il  traduira  encore:  los  mejores  artifices  del  mundo  y  las 
obras  de  mayor  perfecion....,  die  grôssten  Kiinstler  in  der  Welt  und  die  allervollkom- 
menslen  Kunstiverke.... 

3.  Lessing  n'a  évidenunent  pas  un  concept  exact  de  la  division  politico-adminis- 
trative des  aEspaiias»  au  xvi°  siècle. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE 


especie  hiimana  ni]  que  artcs  y 
sciencias  respondeii  a  cada  uno  en 
particular. 


dem  menschlichen  Geschlecht  anzu- 
treffen  sind]  und  welche  Kûnste 
und  Wissenschaften  einer  jeden 
davon  ■  zukomme. 


Y  si  como  Baldo...  estudio  la 
medicina,  y  la  uso,  passara  ade- 
lante... 


Wann  gegentheils  Baldus...  die 
Medicin  zu  studiren  fortgefahren 
hàtte... 


Prohemio^. 

[los  dichos  y  sentencias  que  de 
improvise  se  publican...  no  sirven 
demas...  que  alborotar  el  audito- 
rio...  de  manera  que  viene  à...] 
perder  la  pia  affecion  y  aborrecer 
la  doctrinao. 


Einleitung. 

[denn  die  Aussprùche  und  Mei- 
nungen...  Avann  sie  unvermuthet 
vorgetragen  werden...  dienen...  zu 
Aveiter  nichts,  als  dass  sie  die  Zuhô- 
rer...  verwirren...  so...  dass  sie] 
die  Hochachtung  gegen  den  Lehren- 
den  verlieren  und  seinen  Vortrag 
verabscheuen... 


...si  uviera  forma  para  poderte 
primero  tratar  y  descubrir  a  mis 
scias  el  talento  de  tu  ingénie... 


Ich  wollte,  dass  ich  anfangs  das 
Talent  deines  Génies  entdecken 
und  probiren  kônnte... 


que  pues  elles  [los  antiguos]  no 
hallaron  mas  que  dezir,  argumente 
es,  que  no  ay  otra  novedad  en  las 
cosas... 


Weil  in  den  Gegenstànden  selbst 
seitdem  nichts  neues  vorgefallen 
sey,  so  kônne  man  auch  nichts 
mehr  davon  sagen  als  das  was  sie 
schon  gesagt  hâtten... 


[porque  te  dara  pena  ver  provado] 
quan  misérable  diferencia  de  ingé- 
nie te  cupo... 


[Weil  du  nur  das  Missvergnûgen 
haben  môchtest,  in  der  Folge  bewie- 
sen  zu  sehen],  was  du  fiir  ein  elen- 
des  Génie  habest... 


bien  compuesto. 


ûberlegend... 


[...dezirte  he  très  conclusiones  muy 
verdaderas,]  aunque  por  su  nove- 
dad, son  dignas  de  grande  admi- 
racion... 


[..so  will  ich  dir  drey  vollkomme- 
ne  wahre  Folgerungen  sagen,]  wel- 
che wegen  ihrer  Neuigkeit  deine 
Bewunderung  verdienen... 


...sino    es    que 
muy  poderosa... 


naturaleza,    como 


...die  Natur  miisste  denn  zur  Zeit 
als  sie  dich  bildete  sehr  stark 
gewesen  seyn... 


1.  Lessing  croit  donc  que  a  cada  uno  se  rapporte  à  quantas  difereiicias  de  ingenio. 

2.  Dans  l'éd.  originale,  préface  an  lecteur. 

3.  «.La pia  affecion  »  se  rapporte  de  tonte  évidence  à  «  la  doctrina  »,  qui  ne  signifie 
nullement  Vortrag. 


CONTRIBUTIONS    A    L  ETLDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


...ternas  de  las  otras  [sciencias] 
gran  remission,  aunque  trabajes 
dias  y  noches. 


...[so  dass]  du  es  in  allen  ùbrigen 
[Wissenschaften]  zu  nichts  bringen 
wirst,  wenn  du  auch  Tag  und  Aacht 
darùber  studiertest. 


...porque  estas  dos  partes,  en 
qualquier  genero  de  letras  que  sea, 
son  tan  opuestas  entre  si... 


...denn  dièse  zwey  sind  in   allen 
Theilen  der  Gelehrsamkeit  einander 

so  entgesren... 


[Duras  sentencias  son,  yo  lo  con- 
flesso],  pero  otra  cosa  tienen  de 
mas  dificultad  y  aspereza,  que  de 
ellas  no  hay  a  quien  apelar,  ni  po- 
der  dezir  de  agravios... 


...por  la  oposicion  o  dificultad  que 
de  juntarlas  ay... 


[Dièse  drey  Sàtze,  ich  bekenne  es 
seibst,  klingen  hart]  :  doch  andre 
Sachen  sind  noch  schwieriger  und 
noch  schwerer  zu  begreifen,  die 
man  gleichwohl  nicht  in  Zweifel 
ziehen  oder  gar  verwerfen  darf... 

...wegen  der  untereinander  strei- 
tenden  Beschaffenheiten  dersel- 
ben... 


...y  de  las  sciencias  que  gratuita- 
mente  reparte  entre  los  hombres, 
por  maravilla  da  mas  que  una  en 
grade  eminente... 


...und  theilte  auch  von  den  iiber- 
natlirlichen  Gnadengaben  einem 
nicbt  mehr  als  eine  in  einem  hohen 
Grade  mit... 


...antes  que  los  llenasse  de  sabidu- 
ria... 


ehe  er  ihnen  die  Weisheit  beylege. 


...de  tal  manera  que  la  [sabiduria] 
pudiessen  [Adam  y  Eva]  recebir  con 
suavidad,  y  fuesse  commodo  instru- 
mente para  con  ella  poder  discurir 
y  raciocinar... 

...las  sciencias  sobrenaturales  se 
han  de  subjetar  en  el  anima... 


...dass  es  [das  Gehirn]  derselben 
[der  Weisheit]  fàhig  seyn  und  der 
verniinftigen  Seele  ein  bequemes 
Werkzeug  zum  Schliessen  und 
Ueberlegen  werden  kônnte  ' ... 

...die  ùbernatùrlichen  Gaben  [mùs- 
senl  sich  nach  der  Seele  richten... 


...y  que...  se  infunda  una  sciencia 
y  no  otra,  o  mas  o  menos  de  cada 
cual  délias... 


...dass  Gott  dem  Menschen  dièse 
und  keine  andre  Gabe  in  diesem 
und  keinem  andern  Grade  ertheilt... 


I.  A.  noter  que,  dans  le  texte  espagnol,  il  n'est  nullement  question  du  cerveau 
mais  de  la  sagesse.  Peut-être  est-ce  ce  passage  qu'avait  lu  M.  Emile  Grucker  en  1896, 
dans  son  Lessing  (Paris  et  Nancy),  quand  il  traduisait  le  titre  du  livre  de  Huarte  par 
Examen  des  crânes  pour  l'étude  des  sciences  (p.  392).  11  est  vrai  que  ce  critique  nous 
parle  au  même  endroit  de  Don  Auguslino  de  Montano,  connaît  une  pièce  espagnole 
intitulée  :  Dar  la  vida  por  su  donna,  e  el  Conde  de  Sex,  appelle  VArte  de  Lope:  Rimas 
con  el  arte  nuevo  de  hacer  comedias  en  le  datant  :  Madrid,  1609-1623  (p.  896,  note  i).  Le 
chapitre,  d'une  science  hispanique  à  l'avenant,  s'intitule  :  La  tragi-comédie.  Lope  de 
Vega. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  9 

...Por    la    quai    razon   dizen    los  ...Die     Gottesgelehrten     behaup- 

theologos  que  se  atrevio  el  Démo-  ten  daher,  dass  der  Teufel  eben 
nio  de  enganarla...  desAvegen  sich  an  das  Weib  gemacht 

habe... 

...porque  como  sea...  tan  facil  ...weil  es...  was  sehr  leichtes  [sey] 
anadir  a  lo  que  ya  esta  dicho  y  tra-  etwas  zu  dem  was  schon  erfunden 
tado...  ist  hinzuzusetzen... 


Cap.  lo.  I.  Hauptstuck. 

casos  extranos  (p.  a)  :  besondre  Fâlle  fid.);  devio  de  ymajinar  Ciceron 
(id.):  konnte  sich  Cicero  zwar  einbilden  (id);  con  la  buena  industria  fid.): 
durch  den  redlichen  Fleiss  '  (id.  )  ;  Lo  mesmo  escrive  (Ciceron;  de  Cleante 
(id.i  :  Eben  derselbe  schreibt  von  dem  Kleantes  (p,  3j  ;  mal  razonado  (id.): 
unverstàndig  (id.);  no  menos  disparate  parecio  el  ingenio  (id.)  :  eben  so 
ungeschickt  schien  das  Génie  (id.);  como  quien  juega  a  los  dados,  que  si 
en  la  pinta  es  desdichado,  monstrandose  con  arte  a  hincarlos  en  el 
tablero,  viene  a  emendar  su  mala  fortuna  fid.)  :  wie  mit  einem  der  im 
Brete  spielet;  wenn  der  Wurf  unglùcklich  ist,  so  muss  er  ihn  durch  eine 
gescbickte  Setzung  ertràglicb  zu  machen  und  also  sein  schlechtes  Gluck 
zu  verbessern  wissen  (id.;^  ;  peroningun  exemplo  destos  que  trae  Ciceron 
dexa  de  tener  muy  conveniente  respuesta  en  mi  doctrina  (id)  :  doch 
keines  von  den  Beispielen,  welche  Cicero  anfûhrt,  ist  eigentlich  wider 
meine  Meinung  (id.);  rudeza  (id.)  :  eine  gewisse  Ungelehrigkeit  (id.);  ser 
rudo  y  tardo  en  el  hablar  (p.  4):  langsam  und  schwer  reden  (id.);  las 
[diligencias]  que  hizo  Ciceron  (id.)  :  aile  Sorgfalt  welche  Cicero....  an- 
wandte  (id.):  fecundo  ingenio  (p.  5)  :  ein  fàhiges  Génie  (id.);  si  se  hallara 
[mi  discipulo]  de  buen  natural  (id.)  :  wenn  ich  eine  gute  natûrliche  Ge- 
schicklichkeit...  bei  ihm  fànde  (id.);  entrar  en  un  curso  de  cualquier 
sciencia  (id.)  :  [sich]  in  einerley  Schranken  [begeben]  (p.  6);  con  ygual 
diligencia  y  cuidado  (id.)  :  mit  einerley  Aufmerskamkeit  und  Begierde 
(id);  aguila  caudal  (id.)  :  ein  rechter  scharfsichtiger  Adler3  (id.);  supo 
mas  que  a  los  demas  jamas  non  pudo  entrar  (id.)  :  er  wusste  mehr  als  die 
andern  bei  ihm  [dem  Lehrer]  jemals  lernen  konnten  (p.  7);  fecunda  y 
paniega  (^p.  6)  :  fruchtbar  (p.  8)  ;  porque  no  cualquiera  tierra  puede  panificar 
con  qualquiera  simiente  sin  distinction  (id.)  :  weil  nicht  jede  Erde  ohne 
Unterschied  jeden  Samen  fortbringen  kcinne  (id.);  y  desse  trigo,  tierras  ay 
que  muitiplican  mucho  candial,  y  el  trugillo  no  lo  pueden  sufrir  (p.  7)  : 
auch  gegen  den  Weitzen  ist  die  Erde  nicht  einerley,  weil  einige  nur  den 
besten  Weitzen   annimmt,   welchen   sie  hundertfàltig  wiedergiebt,    den 

1.  Ce  contresens  est  répété  plus  bas,  à  la  même  page. 

2.  On  voit  que  Lessing  doit  le  contresens  général  de  toute  cette  phrase  à  la 
confusion  entre  ïe  juego  de  los  dados  et  lejuego  de  las  tablas  (Brettspiel),  confusion  qui 
lui  vient  de  l'une  des  traductions  qu'il  a  sous  les  yeux. 

3.  La  caractéristique  de  Vâguila  caudal  est  d'avoir  la  queue  (cauda)  plus  large 
que  ses  congénères  :  le  terme  allemand  correspondant,  Konigsadler,  eût  été  d'un 
emploi  fort  simple. 


lO        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

schlechtern  Weitzen  aber  durchaus  nichtfortbringtdd.j;  fabulas  y  enarra- 
ciones  honestas  (p.  8)  :  nûtzliche  Fabeln  und  lehrreiche  Historien  (p.  9); 
porque  ya  se  comiença  a  descubrir  el  entendimiento  (id.)  :  weil  alsdann  der 
Verstand  sich  zu  entwickeln  anfangt  (id.);  nuestro  entendimiento  travado 
con  las  reglas  y  préceptes  de  la  dialectica  (id.)  :  unser  Verstand.  wenn  ihn 
die  Grundsàtze  und  Regeln  der  Vernunftlehre  gebândiget  haben  (id.);  un 
modo  de  discurrir  y  raciocinar  muy  gracioso  (id.)  :  eine  gesetztere  und 
anstàndigere  Art  zu  schliessen  und  zu  untersuchen  (id.);  desamparado  del 
favor  y  regalo  de  su  patria  (id.j  :  aller  vàterlichen  NachsichtenundVerziirt- 
lungen  beraubet  ^p.  11);  valor  (id.).  Tugend  (id.j;  pero  quiere  que  los 
hombres  se  dispongan  con  aquel  medio  que  el  ordenô  (id.)  :  so  Avill  er 
doch,  dass  die  Menschen  die  Mittel  die  er  ihnen  vorgeschrieben  bat 
gebrauchen  (id.;;  el  rudo  'id.)  :  ein  Unfàhiger  (id.)  ;  la  tercera  diligencia 
(id.)  :  die  dritte  Sorge  '  (id)  ;  que  su  doctrina  sea  buena  y  segura  (id)  : 
....  dass....  dessen  Lehre  gut  und  grûndlich...  sey  (p.  12);  por  no  tener 
discrecion  ni  entero  juyzio  para  discernir,  ni  apartar  lo  falso  de  lo  verda- 
dero  (id.)  :  weil  ihm  (dem  Schiller)  die  Kraft  zu  beurtheilen  und  das 
Falsche  von  dem  Wahren  zu  unterscheiden  noch  fehlt  (id.);  teniendoles  ya 
convencidos,  con  muchas  experiencias  y  razones  (id.)  :  als  er  sie,  aus  ver- 
schiedenen  Erfahrungen  und  Grûnden  ûberfùhrt  fid.);  en  jjerjuicio  de  la 
salud  de  los  hombres  (id.)  :  der  menschlichenWohlfahrt  nachtheilig  (id.); 
se  les  saltaron  las  lagrymas  de  los  ojos  (id.)  :  ....  sie  hàtten  ....  die 
bittersten  Thrànen  geweinet  (id.)  ;  las  condiciones  del  maestro  (id.)  : 
die  Stàrke  des  Lehrmeisters  (id.);  lo  que  dizen  bien  (id.)  :  wenn  es 
etwas  gutes  ist  (id.)  ;  si  el  discipulo  no  se  [al  maestro]  las  apun- 
tara  (id.):  wenn  der  Schiller  nicht  darauf  gefallen  wâre  (id.)  ;  falsas  pro- 
posiciones  (id.)  :  falsche  Begriffe  (p.  i3);  no...  masque  un  libro,  que  con- 
tenga  llanamente  la  doctrina  (id.)  :  nicht  mehr  als  ein  Buch....,  welches 
die  Wissenschaft...  vôllig  in  sich  fasse  (p.  i4);  y  en  este  [libro]  estudie 
y  no  en  muchos  (id.)  :  in  diesem  [Bûche]  allein  und  in  keinem  mehr  soUe 
cr  studiren  (id.);  esperar  que  la  sciencia  se  cueza  y  eche  profundas  raices 
(id.)  :  [dass  er]  die  Zeit  erwartet,  bis  das  was  er  gelernt  bat  in  ihm  feste 
Wurzeln  schlàgt  (id.)  ;  cosas....  que  atras  no  pudo  alcanzar  ni  saber  (id.)  : 
Sachen,  die  es  [unser  Génie]  eher  nicht  begreifen  konnte  (id.);  pero  tener 
[el  mochacho]  buena  y  correspondiente  naturaleza  a  la  scientia  que 
quiera  estudiar,  es  lo  que  mas  haze  al  caso  (p.  i5;  :  das  meiste  aber 
kommt  nocht  immer  auf  das  Génie  an  (id.);  cualquiera  estudiante  que 
procurare  vencer  a  su  mala  naturaleza  (id.)  :  ein  Studirender  der  mit 
seinem  schlechten  Kopfe  kàmpfet  (p.  16;. 


III.  «  Eraclio  und  Argila,  »  «  Fenix.  » 

(iV.  III.) 

Publiés  pour  la  première  fois,  sous  le  titre  inadéquat  ci-dessus,  par 
Boxberger  en  1876,  ces  deux  soi-disant  «  fragments  dramatiques  » 
sont  tout  bonnement  des   lambeaux  en  prose  de   traductions  espa- 

1.  En  revanche,  p.  i3,  la  même  expression  est  rendue  ipar  Sorgfalt. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE 


gnoles,  l'un  d'une  pièce  anonyme  :  i\o  hay  cosa  buena  por  fuerza, 
l'autre  d'une  comedia  de  Francisco  de  Leyva  :  Qiiando  no  se  aguarda; 
el  principe  tonlo.  Ces  lambeaux,  dont  la  date  est  imprécise,  pourraient, 
semble-t-il,  être  rattachés  aux  essais  écourtés  de  versions  de  comedias 
dont  parle  Lessing  dans  sa  lettre  à  Dieze  du  5  janvier  1769.  Peu 
importe,  d'ailleurs,  encore  l'époque  où  ils  furent  rédigés.  Que  l'on 
admette  qu'ils  se  rattachent,  non  pas,  comme  le  voudrait  M.  Muncker 
(111,  Vorrede  :  IX),  —  en  vérité  sans  preuves  déterminantes,  —  aux 
premiers  essais  littéraires  de  leur  auteur,  mais  à  la  période  de  Breslau 
(fin  i76d-Pâques  1760) — on  connaît  la  phrase  de  K.  Lessing  à 
propos  de  ses  occupations  dramatiques  dans  cette  ville  :  «  Bei  allen 
seinen  Zerstreuungen  niachte  er  sich  Plane  zu  Komôdien  und  Tra- 
gôdien,  und  seine  Lust  zu  theairalischen  Arbeiten  verleidete  ihm  nicht 
der  sonderbare  Geschmack,  der  damais  in  Breslau  herrschte^))  — 
le  résultat  est  identique  pour  nous.  Les  contresens  qu'y  a  commis 
Lessing  démontrent  qu'il  ne  péchait  pas  par  excès  de  modestie  quand, 
à  la  date  précitée,  il  écrivait  à  l'hispanisant  de  Gôttingen  qu'il  lui 
avait  été  impossible  jusqu'alors  d'aller  jusqu'au  bout  d'une  traduction 
de  Comedia.  Cet  aveu  s'explique  parce  que,  comme  on  s'en  convaincra 
à  l'examen  attentif  des  textes  ci -dessous,  il  en  comprenait  trop 
imparfaitement  la  langue  pour  en  goûter  la  profonde  saveur  de  terroir 
et  en  apprécier  les  mérites  intrinsèques.  Ses  tâtonnements  sur  le  sens 
des  périodes,  ses  constants  recours  au  dictionnaire  pour  des  vocables 
inconnus —  sur  le  manuscrit  ciEraclio  und  Argilar)  il  a  noté  :  dentro  : 
innerhalb  :  dentro  de  si,  dentro  de  pocos  dias;  asir  :  nehmen,  verbinden 
[ce  second  sens  est  Jaux]',  roto  :  zerrissen,  zerbrochen ;  gastado  :  ver- 
derbt,  verzehrt;  hilo:  ein  Faden;  couchillo  [sic]:  ein  Messer;  ame- 
nazar  :  drohen;  llegar  :  anlangen;  golpe  :  Schlag ;  nunca  :  niemals; 
metido  :  gesetzt;  mocedad  :  Jugend;  dispensar:  erlauben  [faux  sens, 
c'est  i.(entschuldigeny)  qu'il  fallait];  acetar  :  annehmen;  gozo:  Freude; 
gozoso  :  erfreut;  el  para  bien  [sic]  :  Glûckwunsch;  descanso  :  Ruhe  — 
transformaient  en  une  besogne  de  manœuvre,  forcément  sans  attraits, 
une  occupation  qui,  pour  être  agréable  et  féconde,  suppose,  à  titre 
de  condition  sine  qua  non,  l'absolue  maîtrise  du  castillan  classique. 
Comme  c'est  la  première  fois  que  le  texte  espagnol  des  «  fragments 
dramatiques  »  est  rapproché  de  leur  traduction,  je  ne  me  limiterai 
pas,  ainsi  que  pour  Huarte,  à  quelques  extraits,  mais  reproduirai 
la  teneur  intégrale  des  deux  documents  bilingues,  en  imprimant  en 
caractère  gras,  de  même  que  précédemment,  les  contresens  de 
Lessing  par  trop  massifs.  Que  l'on  n'oublie  pas,  d'ailleurs,  que  nous 
ignorons  totalement  dans  quelles  conditions  ont  été  réalisées  ces 
versions,  et,  par  suite,  si  Lessing  les  a  rédigées  seul... 

1.  Loc.  cit.,  p.  i36. 


13         CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


[Eraclio]  ' 


[Garr.] 
[je]  nerplôtzlichen  AbreiseNachricht 
geben  soll?  Siebe,  ob  ich  Zeit  mei- 
nes  Lebens  ein  so  gutcs  Gedâchtniss 
gehabt  habe.  Was  willst  du  sagen? 

Barb. 

Ich  will  nichts,  als  dass  wir  uns 
alsbald  auf  die  Reise  machen. 

Garr. 

Wenn  du  die  Argila  nicht  noch 
sehen  willst,  so  liegt  es  bloss  an 
dir,  wenn  wir  langer  zaudern. 

Barb. 

Ich  wûrde  meinen  Schmerz  nur 
vermehren.  Wir  woUen  ja  ohnedem 
in  ein  paar  Tagen  zurûck  seyn. 


Garr. 

Nun  so  komm. 
ten  schon3. 


Die  Pferde  war- 


Comedia  famosa.  —  No  hay  cosa 
buena  por  fuerza.  —  De  un  ingenio  de 
esta  Corte.  —  Personas  que  hablan  en 
ella. 


Eraclio,  viejo. 
Glaudino',su  hijo. 
Argila,  su  hija. 
El  Demonio. 
Un  Angel,  y  Fama. 
Don  Trebacio. 
Sofronisa,  su  her- 
mana. 


Garron,  Lacayo. 
Roselio,  Criado. 
Dos  Ciudadanos. 
Roselan,  Moro. 
Mami,  Moro. 
Dragud,  Moro. 
Dos  Cavalleros. 


Jornada  Primera. —  Salen  Don 
Trebacio,  y  Garron,  de  camino,y  trae 
un  cogin,  y  espuelas  en  la  mano. 

[Gar.\ 
quieres  le  cuente  tu  historia 
de  esta  resuelta  partida  ? 
mira  que  en  toda  mi   vida 
he  tenido  tal  memoria  : 
que  quieres? 

Treb. 

No  quiero  nada, 
sino  que  al  punto  parlâmes. 

Car. 
Pues  solo  por  ti  tardâmes 
de  no  hacer  esta  jornada, 
que  a  Argila  no  piensas  ver. 

Treb. 

Es  aumentar  penas  mias, 
pues  dentro  de  pocos  dias 
la  buelta  avemos  de  dar. 

Gar. 
Pues  vén, 
Que  el  cavallo  aguarda. 


I.  Le  début  de  la  version  de  Lessing  manque.  Elle  commence  au  vers  94  de  la 
Jornada  primera.  Pour  les  renseignements  sur  la  comedia  elle-même  et  le  texte  repro- 
duit ici.  Cf.  2"*  Partie.  Je  donne  la  liste  des  personnages  pour  faciliter  la  compré- 
hension du  passage. 

3.  Et  non  pas,  comme  l'impriment  les  éditeurs  de  Lessing,  Claudio.  Ces  éditeurs 
font  également  de  Don  Trebacio  un  monstrueux  Barbacio.  Cependant  Boxberger 
faisait  remarquer,  en  1876  (Vier  und  zwanzig  zum  Theil  noch  ungedruckte  dramatische 
Entwiirfe  und  Plane  G.  E.  Lessings  [Berlin,  Hempel],  p.  683)  :  «  Barbacio  »  :  der  Name 
ist  undeutlich.  Ses  successeurs  n'ont  plus  eu  ce  scrupule. 

3.  Ce  pluriel  au  lieu  du  singulier  semble  une  faute  légère  :  en  réalité,  il  fournit 
une  preuve  typique  de  l'ignorance  où  est  Lessing  d'expressions  d'un  usage  coutumier 
et  banal.  Au  vers  57,  en  elfet,  D.  Trebacio  a  dit  à  son  valet:  «  Bueno  estas  por  las 
espuelas.  »  Garron,  rhozo  de  espuelas,  allait  à  pied,  devant  le  cheval  de  son  maître.  Il 
ne  pouvait  donc  y  avoir,  pour  leur  voyage,  deux  chevaux. 


LESSING    ET    LA    LANGLE    CASTILLANE 


Barb. 

Lebe  wohl,  glûckliches  Canturien. 
Meine  Seele  verlâsst  dich  voiler 
Furcht  ' ,  und  ich  weiss  nicht  was 
sie  niederschlâort. 


Treb. 
A  Dios,  Canturia  dichosa, 
el  aima  Ueva  medrosa, 
que  un  no  se  que  la  acobarda. 


Z-weyter  Auftritt. 


Claud. 

Ich  habe  aile  Ehrfurcht  fur  dein 
graues  Aller  ;  allein  es  kômnit  mir 
doch  als  etwas  ganz  besonderes  an 
dir  vor,  dass  du  uns  in  aller  Stille, 
so  eilig  hast  lassen  hierher  rufen. 

Erac. 

Wundre  dich  nicht  Claudio,  dass 
ich  mich  jetzoentscldossen  habe,  von 
unterschiedenen  Sachen  eine  Probe 
zu  machen. 

Claud. 
Was  ist  dein  Wille  ? 

Er. 

Ihr  soUt  es  gleich  erfahren,  wes- 
senwegen  ich  euch  habe  rufen  lassen. 

Arg. 

Himmel  !  Wenn  er  wissen  soUte, 
dass  ich  liebe,  und  dass  ich  den 
Barbacio  liebe.  (bey  Seite) 

Erac. 

Roselio,  verschliesse  die  Thûre, 
und  mâche  sie  die  Zeit  ùber  keinem 
auf,  er  mag  auch  so  unverschàmt 
rufen  ^ . 

Ros. 

Ich  will  dir  so  gleich  gehorchen. 

Claud. 

Ich  weiss  nicht  was  das  bedeu- 
ten  soll,  und  was  mein  Vater  im 
Sinne  hat. 


Vanse,  y  sale  Eraclio  viejo,  con  haculo, 
y  Argila  Dama,  y  Claudino  de  Estudiante  y 
Roselio  criado. 

Claud. 
Essas  canas  reverencio, 
y  el  vèr  que  con  prisa  tanta 
nos  Hamas  aqui  en  silencio, 
esto  en  ti  es  cosa  muy  nueva. 

Era. 
Pues  no  os  admireis,  Claudino, 
porque  agora  determino 
hacer  de  mil  cosas  prueba. 

Claud. 
Que  nos  quiei-es  ? 

Eracl. 
Bien  de  espacio 
Sabreis  los  dos  a  que  os  llanio. 

Arg. 
Cielos,  si  sabe  que  amo,  (ap.) 
y  tengo  amor  a  Trebacio  ? 

Era. 
Roselio,  cierra  essa  puerta, 
y  por  un  rato  a  ninguno, 
por  mas  que  llame  importuno 
no  se  la  ofrezcas  abierta. 

Ros. 
yo  me  parto  a  obedecerte. 

Claud. 
No  se  que  siento  en  el  pecho 
de  esto  que  nuestro  padre  ha  hecho. 


1.  Lessing  comprend  llevar  comme  si  c'était  un -verbe  neutre  et  lui  donne  la 
signification  de  :  s'en  aller.  Il  était  si  simple  de  corriger  la  faute  d'impression  :  el 
aima  llevo  medrosa. 

2.  Outre  que  Lessing  prend  dans  sa  signification  littérale  l'hispanisme  llamar  a  una 
puerta  (klopfen),  il  rend  importuno  par  unverschàmt  quand  le  contexte  exige  ungelegen. 


î/i 


CONTRIBUTIONS    A    L  ETLDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


Arg. 

Undich  prophezeye  mir  schon  den 
Tod. 

Eracl. 

Xehmtdie  beyden  Stûhle, denn  es 
ist  nôthig  dass  ihr  euch  zu  dem, 
was  ich  sage,  niedersetzt  '. 

Claud. 

Was  muss  das  fur  eine  besondre 
Neuigkeit  seyn  !  (Sie  setzen  sich, 
und  Eraclio  setzt  sich  in  die  ^litte.) 

Erac. 

Ihr  wisst  es  allzuwohl,  liebsten 
Kinder,  wie  sehr  ich  euch  schàtze, 
und  dass  es  allezeit  meine  Sorge 
gewesen  ist,  cure  Umstande  zu  ver- 
bessern.  Ilir  wisst  aucli,  dass  mein 
Leben  an  dem  letzten  Eaden  liângt, 
der  zugleich  der  schwàchlichste 
ist,  und  dass  ich  unsicher  bin,  dass 
ihm  niobt  die  grausame  Sensé  des 
Todes  drohe  ^ ,  ohne  dass  es  an  eineni 
andern  hiinge.  Ehe  also  dieser 
Scbritt3  nocli  geschieht,  will  ich 
euch,  meine  lieben  Kinder,  beyde 
in  einen  Stand  versetzen  i,  den  euch 
der  Himmel  recht  antràgt.  Seitdem 
ihr  in  der  Welt  seyd,  habe  ich  nie 
wahrgenommen,  dass  ihr  weltlich 
gesinnet  wàret,  oder  einigenLastern 
anhinget.  Ich  habe  nie  gesehen,  dass 
ihr  mit  schiindUchen  Lûsten  eure 
Zeit  zubringet,  welche  die  Liebe  den 
Menschen,  die  ihr  dienen,  anbietet. 
Eure  Neigungen  sind  allezeit  beson- 
ders  tugendhaft  gewesen,  ohne  ju- 
gendliche  Vergehungenô  und  ohne 
grosse  Gefàhrlichkeiten.  Ich  habe 
euch  derohalben  in  Betrachtung  der 
Tugend,  die  ihr  allezeit  gezeigt  habt, 
zweyerlei  ausgesucht,  was  euch  Vor- 
theil  und  Ehre  bringen  wird.  Was 


Arg. 
Yo  me  anuncio  yà  la  muerte. 

Eracl. 
Essas  dos  sillas  tomad. 
porque  para  lo  que  intento 
aveis  menester  asiento. 

Claud. 
Que  notable  novedad  ! 
Sientanse,  y  Eraclio  en  medio. 


Eracl. 
Bien  sabeis.  hijos  del  aima, 
que  como  a  ella  os  estimo, 
y  que  aumentar  vuestro  estado 
siempre  mi  intencion  ha  sido  ; 
y  bien  sabeis,  que  mi  vida 
esta  asida  al  postrer  hilo. 
el  mas  roto,  y  mas  gastado, 
que  el  tiempo  le  ha  consumido. 
y  que  no  tiene  seguro, 
porque  yà  el  fiero  cuchillo 
de  la  muerte  le  amenaza 
sin  que  de  otro  quede  asido  ; 
pues  antes  que  el  golpe  llegiie 
quiero,  mi  Argila,  y  Claudino, 
daros  à  los  dos  estado, 
pues  el  cielo  os  le  ha  ofrecido. 
Despues  que  al  mundo  nacisteis, 
nunca,  hijos,  os  he  visto 
que  à  èl  esteis  inclinados, 
ni  tener  en  èl  un  vicio  ; 
nunca  os  vi  gastar  el  tiempo 
en  los  torpes  apetitos, 
que  amor  ofrece  a  los  hombres, 
que  en  servirle  estan  metidos  ; 
siempre  vuestra  inclinacion 
de  grande  virtud  ha  sido, 
sin  mocedades  algunas, 
y  sin  mortales  peligros; 
de  donde,  considerando 
la  virtud  que  aveis  tenido, 


I.  Lessing  ne  comprend  pas  le  sens  figuré  de  asiento  (\'ernunft,  Eahe,)  ni,  par 
suite,  le  jeu  de  mots. 

a.   Y  que  no  tiene  seguro  est  donc  pris  par  Lessing  pour  :  y  que  no  estoy  seguro. 

3.  Au  lieu  de  :  ehe  also  inich  dieser  Schlag  noch  ereilt... 

U.  Lessing  ne  sait  pas  que  dar  estado  signifie  marier  et  confère  à  la  proposition  com- 
plétive suivante  un  sens  de  subordonnée  qu'elle  n'a  nullement  dans  le  texte  castillan. 

5.  C'est  Jugendstreiche  qu'il  eût  fallu  mettre;  de  même  mortales  peligros  corres- 
pond plus  exactement  à  lôdliche  Wagnisse. 


LESSING    ET    LA    LAiMGlJE    CASTILLAINE 


l5 


dich  also  anbelangt,  Claudio,  weil 
ich  sehe,  dass  du  die  Wissenscliaften 
liebst,  so  habe  icli  deinetwegen  mil 
dem  Erzbiscliof  von  Ganturieii  ge- 
sprochen,  und  ihn  ersucht  er  môclite 
erlauben  ',  dass  Ihr^  in  einem  Tage 
den  Habit  aniegen  kônntet,  welcher 
einem  Venvalter  Gliristi  geziemet. 
Er  verspracli  mir  es,  und  verspracli 
mir  nocli  darzu  Eucli  zum  Biscliof 
von  Baltridente  zu  machen,  mit 
einem  Einkommen,  das  fur  dièse 
Bedienung  3  zureicliendist.  Iclinalim 
das  Verspreclien  an  und  gab  mein 
Wort,  dass  du,  Claudio,  lieute  noch, 
Messpriester  werden  solltest,  ob  du 
gleicli  so  vieler  Ehre  unwerth  seyst. 
Was  aber  dich  anbetrifTt,  Argila, 
so  hat  mir,  zu  Ehren  deines  guten 
Vorsatzes,  die  Aebtissin  von  Santa 
Isabel  einen  Schleier  fiir  dich  ange- 
boten.  Sie  sagte  mir,  dass  du  vor 
zwey  Jaliren  sie  aus  einem  gôttli- 
chen  Eyfer  selbst  darum  ersuclit 
hàttest,  und,  dass  sie  dir  ihn  gern 
geben  wollte.  Ich  gab  gleiclifalls 
mein  Wort,  und  glaube  lieute  noch 
zwey  Kinder  zu  haben,  wovon  das 
eine  ein  Bischofshut  und  das  andre 
ein  Franciscanerhabit  zieren  wird^. 
Ganz  Can- 5 

fFenixJ 

Quando  no  se  aguarda. 

Comedia  famosa. 

De  Don  Francisco  de  Leyva  Ramirez 

de  Arellano,  nalural  de  Malaga. 
Hablan  en  ella  las  personas  sig mentes  : 


dos  cosas  os  hc  buscado 
con  que  honraros  y  serviros. 
A  vos,  Claudino,  por  ver, 
que  de  letras  sois  amigo, 
para  haceros  Sacerdote 
he  hablado  al  Arzobispo 
de  Canturia,  que  dispense 
el  daros  en  un  dia  mismo 
el  Habito  que  requière 
el  ser  Vicario  de  Christo. 
Ofreciùmelo,  y  tambien 
me  ofreciô  haceros  Obispo 
de  Baltridente, 
con  renta 

muy  bastante  al  tal  oficio. 
Acetèlo,  y  di  palabra 
de  que  aveis  de  ser,  Claudino, 
oy  Sacerdote  de  Missa, 
aunque  de  ello  sois  indigno. 
Y  a  vos,  mi  Argila,  tambien, 
para  lionrar  nuestros  designios, 
un  vélo  en  Santa  Isabel 
la  Âbadesa  me  ha  ofrecido. 
.  Dixome,  que  avia  dos  aiïos, 
que  con  un  zelo  divino 
vos  misma  se  lo  pedisteis, 
y  que  os  le  daria  me  dixo. 
Tambien  le  di  la  palabra, 
oy  pienso  tener  dos  hijos, 
uno  que  honre  una  Mitra, 
y  otro,  con  Habito  Francisco. 
Embidiaràme  Can   [turia]... 


Fadrique    Infante. 
Ramiro     Principe 

tonlo. 
El  rey   de   ïracia 

viejo. 
El  Duque. 
Triguero  gracioso. 
Camacho. 


Fenix  Princesa  de 

Tracia. 
Estela  su  prima. 
Nise  criada. 
Un  Almirante. 
Mnsicos. 
Flora  criada. 


1 .  Dispensar  est  beaucoup  moins  encore  ici  que  précédemment  erlauben  (permettre), 
mais  erlassen  (accorder  la  dispense.) 

2.  Pourquoi  maintenant  ce  Ihr,  en  présence  des  Du  qui  précèdent  et  qui  suivent? 

3.  Ce  n'est  pas  d'une  Bedienung,  mais  d'un  Amt  qu'il  s'agit. 

U.  C'est  exactement  l'inverse  en  castillan,  mais  la  transformation  du  concept  est 
bien  allemande. 

5.  La  version  de  Lessing  s'arrête  ici. 


l6         CO>TRIBLTIO>S    A    l'ÉTUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Erster  Aufzug.  Erster  Auftritt.  Acto  primero. 

FELIX  weinend.   ESTELA,   NISA'   und       Salen  FENIX  llorando,   ESTELA,   MSE 
FLORA.  y  FLORA. 


Estela. 

Stille  deine  Thrànen  ^  Fenix, 
mâssige  deinen  Verdruss  und  mâche 
deinen  Augen  nicht  so  viel  Plage 
und  Schmerz.  Wann  du  sie  noch 
langer,  bei  so  viel  Sâuffzernverstel- 
lest,  so  wird  sich  der  Himmel 
beklagen,  dass  du  seinen  Sternen 
ùbelbegegnests.  Sagemir,  Muhmei, 
deinen  Schmerz,  lege  deine  Klagen 
bey  mir  nieder.  Siehe,  wie  eyfer- 
sûchtig  meine  Liebe  auf  deine  Thrà- 
nen  ist.  Bemerke  deinen  Irrthum5, 
dass  du  deiner  Bekùmmerniss  lieber 
im  Weinen  als  in  meiner  Freund- 
schaft  Trost  suchen  làsst. 

Fenix. 

Meine  Plage,  Estela,  ist  so  gross, 
mein  Schmerz,  Muhme,  ist  so  heftig, 
dass  ich  so  gar  eine  Erleichterung 
des  Uebels  darinnen  gefunden  habe, 
es  dir  zu  verhâlen. 


Este. 
Suspende  senora  el  llanto, 
Fenix  templa  los  enojos, 
Y  no  les  dés  à  tus  ojos 
tanta  pena,  dolor  tanto. 
No  prima  à  tus  ninas  bellas 
castigues  con  tanto  anbelo, 
que  se  quexarâ  tu  cielo, 
si  maltratas  sus  estrellas. 
Dî  senora  tu  dolor, 
descansa  tu  pena  en  mi, 
mira  que  zeloso  aqui 
de  tu  llanto  esta  mi  amor, 
pues  notando  tu  desvio 
vé  que  busca  tu  desvelo 
en  el  llanto  su  consuelo, 
y  no  en  el  affecto  mio. 

Fen. 
Tanto  Estela  es  mi  tormento, 
prima  mi  dolor  es  tal 
que  el  no  referirte  el  mal 
alivia  mi  sentimiento. 


Es  ist  Vorsichtigkeit  nicht  Hàrte, 
was  mich  zum  Schweigen  verdam- 
met,  und  nichts  zeuget  mehr  von 
meiner  Nelgung  gegen  dich,  als 
dass  ich  dir  mein  Leiden  nicht  sage. 

Meine  Liebe  ist  allzu  aufmcrksam 
auf  die  deinige,  und  mag  dir  die 
Empfindung  ihrer  ungliicklichen 
Schmerzen  nicht  entdecken,  damit 
sie  dir  das  Mitleid  erspareC. 


Fineza  es,  no  es  sequedad 
lo  que  à  callar  me  condena, 
y  el  no  dezirte  ini  pena, 
prueva  es  de  mi  voluntad. 


Pues  mi  amor  al  tuyo  atcnto, 
de  su  dolor  infelice 
el  sentimiento  no  dize, 
por  ahorrarte  el  sentimiento. 


1.  Au  lieu  de  Aise,  mais  l'erreur  n'est- elle  pas  du  transcripleur  initial  ? 

2.  Senora  n'est  pas  traduit,  et  ce  titre  n'était  nullement  superflu. 

3.  Le  contresens  est  réussi.  Est-il  besoin  de  noter  que  tu  cielo,  que  Lessing  prend 
pour  le  firmament,  s'applique  à  Fadrique,  et  que  les  estrellas,  ce  sont  les  propres 
yeux,  ou  plutôt  les  pupilles  de  Fenix? 

4.  Qu'est-ce  que  cette  Muhme  familière,  traduisant  le  rigide  senora  —  qui  va 
devenir  tout  à  l'heure  Vueslra  Altcca  —  de  l'étiquette  castillane  ? 

5.  Desvio  n'est  pas  du  tout  erreur:  Estela  reproche  à  Fenix  sa  dcliance  à  son 
endroit  (Abneigung). 

6.  Si,  au  lieu  de  die  Empfindung,  Lessing  avait  mis  das  Leid,  il  aurait  à  peu  près 
rendu  le  conceto  castillan,  qu'il  n'a  pas  aperçu. 


LESSIJiG    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE 


17 


Estela. 

Es  ist  mehr  eine  Beleidigung  als 
eine  Gefâlligkeit,  dass  du  mich  von 
deinem  Unglùcke  ausschliessest.  Ich 
-Nverde  deine  Plagen  mit  zu  empfin- 
den  Vasallin,  Anverwandte  und 
Freundin  seyn.  Ist  es  ein  Rath  der 
Klugheit,  sein  Uebel  zu  entdecken, 
so  siindigest  du  darwieder',  >vann 
du  langer  gegen  mich  darmit  haltst. 
Ich  kan  dir  als  eine  dreyfaclic 
Person  mit  tragoQ  helfen  ^. 

Fenix. 

Deine  Liebe,  Estela,  und  deine 
SorgfaltS  ist  ungemein  verbindlich. 


Est. 
Mas  me  ofende  que  me  obiiga 
hazerme  del  mal  agena, 
pues  seré  al  sentir  tu  pena, 
vasalla,  deuda  y  amiga. 

Y  si  es  consuelo  dezir 
los  maies,  ofensa  es 
negarmelos,  pues  soy  très 
para  ayudarte  a  sentir. 


F  en. 
Mucho  oy  Estela  me  obligas 
con  tu  amor  y  tu  fineza. 

Est. 


Estela. 

Sie  wlinschet  nichts  mehr,   als  Quisiera  que  vuestra  Alteza 

dass  du  dein   Herz  bey  mir   aus-  descansàra  en  sus  fatigas. 
schùtten  môgtesti. 

Flora.  Flo. 

Nisa,  worinne  magwohl  das  Uebel  Nise,  que  pena  sera 

bestehen,  das  meine   Gebieterin  so  -  la  que  à  mi  Ama  aflige  assi? 
heftig  quàlet  ? 

Nisa.  Nis. 

[Romance  hà  de  haver  aqui, 
et  Romance  lo  dira.]  5 

Estela.  Est. 

Gestehe  mir  also  deine  Unruhe.  Ea,  dime  tu  pesar. 

Nisa.  Nis.  . 

Ich  bin  ganz  thôrigt  drauf,  es  zu  Rabiando  estoy  por  oirlo. 
erfahren. 

Flora. 
Und  ich  dessgleichen. 


Flor. 
Yo  tambien. 


I.  Lessing  ne  devine  pas  l'antithèse  et  coordonne  deux  phrases  opposées.  Il  était 
cependant  aisé  de  rendre  consuelo  par  Trost,  et  ofensa  par  Beleidigung. 

■2.  Lessing  a-t-il  compris  que  cette  «drey/ache  Personi)  n'était,  en  style  culte,  que 
la  vasalla,  deuda  y  amiga  de  tout  à  Tiieure?  En  tout  cas,  sentir  n'est  pas  du  tout  mit 
tragen,  mais  empfinden. 

3.  Tout  à  l'heure,  fineza  était  Vorsichligkeit,  voici  que  c'est  à  présent  Sorgfall.  En 
fait,  dans  les  deux  cas,  le  terme  eût  dû  être  rendu  p^r  Artigkcit.  Lessing  généralise  aussi, 
daus  la  phrase  ci-dessus,  le  compliment,  que  Fenix  n'entend  appliquer  f[u'à  aujour- 
d'hui (oy). 

l\.  Est-il  possiljle  de  reconnaître  dans  la  phrase  de  Lessing  le  sens  de  la  phrase 
castillane?  A  noter  qu'il  s'imagine  que  quisiera  se  rapporte  à  tu  amor  et  est  une  troi- 
sième personne. 

5.  Cette  réplique  n'a  pas  été  traduite  par  Lessing.  A-t-il  cru  à  une  indication  scé- 
ui([ue,  ou  ne  serait-ce  pas  plutôt  qu'il  u'a  pas  saisi  la  finesse.'' 


i8         GONXKlBUTlOiNS    A    L  EILDE    1)E    L  HISPANISME    UE    G.    E.    LESSl.NG 

Fenix.  Fen. 

Wann  ich  dir  sie  entdecken  soll...  Si  he  de  dezirlo. 

Flora.  Flor. 

Nun  fiingt  sie  an.  Ya  empieça. 

Misa.  Nis. 

Stille  aiso,  hôre  I  Pues  a  escuchar. 

Fenix.  Fen. 

So  mûssen  wir  alleine  seyn.  Ent-      Idos,  y  a  solas  quedémos. 
fernt  euch. 

Nisa.  Nis. 

Unser  Zuhôren  bat  also  schon  ein      Malogrose  nuestro  oido. 
Ende'. 

Flora.  Flor. 

Das    verdrûsst    mich,    dass  ichs      Harto  el  no  oirla  he  sentido. 
nicht  hôren  soll. 

Nisa.  Nis. 

Komm,  wirwerden  es  dochwohP      Vén,  que  despues  lo  sabremos. 
hernach  erfahren. 

i\isa  und  Flora  gehen  ab.  Vanse. 

Andrer  Auftritt. 

FEMX.  ESTELA. 

Estela.  Est. 

Rede  nun.  Habla  yâ. 

Fenix.  Fen. 

So  wlrd  main  Unglûck  noch  viel  Es  mi  pena  mucha. 

schwerer  3. 

Est.  Est. 

Dein  Mund  môchte  es  selbst  gerne      Dezirla  tu  labio  intente, 
sagen^. 

Fenix.  Fen. 

Du  willst  also,   dass  ichs  dir  er-      En  fin  quieres  que  la  cuente  ? 
zehle  P 

Estela.  Est. 

Ich  wartc  eben  darauf.  Ya  te  aguardo. 


1.  Lessing  prend  oido  pour  un  substantif  verbal  signifiant  l'action  d'écouler.  11  eût 
fallu  :  Unsere  Ohren  sind  um  das  Hôren  gebracht  worden. 

2.  La  phrase  castillane  n'implique  nullement  le  concept  de  probabilité  marqué 
par  u'ohl.  Les  traditionnelles  criadas  de  la  Comedia  savent  comment  faire  parler  leurs 
maîtresses. 

3.  Il  fallait  simplement:  mein  Schinerz  ist  gross. 

It.  Lessing  prend  donc  l'impératif  pour  un  conditionnel. 


LESSING    EX    LA    LAISGLE    GASTILLAISE 


19 


Fenix. 

Hôre  alsol  Mein  Vater  der  Kônig 
—  aber  ach  I  wie  unrecht  nenne  ich 
ihn  meinen  Vater.  Da  er  sich  nicht 
so  gegen  mir  erzeugt,  ist  es  billig, 
dass  ich  ihn  so  heisse?  Der  Kônig 
also,  sag  ich,  erbte  dièses  Reich  von 
dem  Kônig  Balarte,  seinem  Vater 
und  meinem  Grossvater,  aber  mit 
einer  so  schweren,  ungerechten  und 
tyrannischen  Bedingung',  dass  ich, 
wenn  ich  hàtte  wehlen  konnen, 
lieber  auf  den  rauhesten  Gebûrgen 
sein  Vasall  hàtte  seyn,  aïs  sic  an- 
nehmen  wollen^. 


Fen. 

Pues  escucha. 
Mi  padre  el  Rey,  ay  de  mi  I 
mal  dixe  en  decir  mi  padre 
pues  quando  no  lo  parece 
no  es  juste  que  assi  le  liame 
El  Rey  digo,  aqueste  Reyno 
heredô  del  Rey  Balarte 
su  padre  y  abuelo  mio, 
con  una  pension  tan  grave, 
tan  tirana,  tan  injusta, 
que  si  yo  pudiéra  hallarme 
en  les  tratos,  antes  que 
tal  condicion  acetasse 
à  la  aspereza  de  un  monte 
le  rindiera  vasallaje. 


Sie  wurden  nehmlich  eins,  0 
Unglûck!  dass,  Aver  nach  ihm  das 
Reich  erben  wùrde,  wenn  es  eine 
Weibsperson  wâre,  sie  den  Kônig 
von  Athen,  o  welche  GrausamkeitI 
heyrathen  sollte.  Ich  ward  zu  mei- 
nem Unglûcke  gebohren,  und  es 
gefiel3  dem  Himmel,  ehe  ich  noch 
das  Licht  dièses  runden  Weltge- 
bàudes  genau  betrachten  konnte, 
meine  Wiege  zu  einem  elenden 
Grabmale  meines  Lebens  zu  ma- 
cheu.  Denn  bore  nur,  liebste 
Muhme,  doch  dass  mein  Unglûck 
delne  Zàrtlichkeit  nicht  ersch- 
recke^,  aus  der  Grosse  desselbenS 
wirst  du  alsdann  die  Grosse  meines 
Schmerzes  erkennen  konnen.  Der 
Kônig  von  Athen,  wie  du  weist,  bat 
zwei  Sôhne,  der  eine  ist  Ramiro,  der 
Erbprinz,  und  der  Infant  Fadrique 
ist  der  andre.  Ramiro  ward  von  allen 
Eigenschaften,  die  zu  einem  Prinz 
gehôren  so  entblôsst  gebohren,  dass 
er  zu  Athen  die  Verachtung  der  Gros- 


Fue  pues  el  concierto  (ay  triste) 
que  quien  ei  Reyno  heredasse, 
si  hembra  fuere  (que  crueldad) 
con  el  Rey  de  Athenas  case. 
Nacf  yo  por  mi  desdicha, 
(pluguiera  al  cielo  que  antes 
que  a  esta  maquina  redonda 
las  luzes  examinasse, 
fuera  à  mi  vida  la  cuna 
monumento  misérable). 
Oye  prima,  y  de  mi  pena 
la  terneza  no  te  espante, 
pues  lo  grande  de  el  dolor 
te  dira  mi  dolor  grande. 
Tiene  dos  hijos  el  Rey 
de  Athenas,  ya  tu  lo  sabes, 
Ramiro  es  el  heredero, 
y  el  segundo  el  Infante 
Fadrique;  naciô  Ramiro 
tan  ageno  de  las  partes 
de  Principe,  que  en  Athenas 
es  la  irrision  de  los  grandes, 
de  los  plebeyos  la  hurla, 
y  la  afrenta  de  su  padre: 
pues  le  hizo  el  cielo  tan  necio, 


1.  Pension  n'est  pas  ici  condition  (Bedingung)  mais  redevance,  charge  (Last).  D'ail- 
leurs, le  mot  condicion  se  présente  dans  la  même  phrase  :  Lessing  a  trouvé  plus  facile 
de  réunir  les  deux  termes  en  un  seul. 

2.  Lessing  croit  que  le  se  rapporte  à  el  Rey  et  comprend  â  la  aspereza  de  un  monte 
comme  s'il  y  avait:  en  la  aspereza. 

3.  Lessing  prend  plagiera  pour  un  prétérit  de  l'indicatif  et  transforme  ainsi  un 
souhait  en  une  réalité. 

4.  Lessing  traduit  comme  s'il  y  avait:  qut  mi  pana  ta  terneza  no  espante. 

5.  Lessing  fait  rapporter  desselben  à  mein  Ungliick:  de  là,  le  contresens  de  pensée. 

C.    PilOLLET.  '6 


20         CONXaiBUTIONS    A    l'ÉTUOE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LËSSlNG 


sen,  die  Verspottung  des  Pôbels,  und 
die  Schande  seines  Vaters  ist.  Denn 
der  Himmel  machte  ihn  so  dumm, 
und  erschuff  ihn  so  unwissend,  dass 
er  nicht  einmal  so  viel  weiss,  als  der 
raueste  Bauer  wissen  muss  ' .  Fadri- 
que  hingegen  ist  von  so  verwun- 
dernswûrdigem  Verstande,  von  so 
edler  Gemûtlisart,  von  so  liebens- 
wùrdigem  Naturell,  dass  ihn  aile 
Vasallen,  mehr  als  seinen  Vater, 
vor  ihren  Herrn  verehren^.  Es 
scheint,  als  wolle  die  Natur,  bey 
Erzeugung  der  jiingeren  Prinzen, 
das,  was  ihnen  an  Macht  abgeht", 
durch  ihren  inneren  Werth  erset- 
zen3.  Nun  soUte  der  Kônig  zwar 
dem  Ramiro,  wegen  seiner  grossen 
Unfâhigkeit,  das  Reich  entziehen, 
und  es^  dem  Fadrique,  als  einem 
Avûrdigen  Lohn  seiner  vortrefflichen 
Eigenschaften,  erben  lassen:  aber 
die  Liebe  verblendet  ihn  so  sehr, 
und  macht  ^,  dass  sich  die  Leiden- 
schaft  seiner  so  bemeistert,  dass 
Ramiro  der  einzige  Gegenstand 
seiner  Zartlichkeiten,  und  Fadrique, 
G  welche  Grausamkeit,  der  Vorwurff 
seines  Basses  ist.  Zwar  in  dieser 
unbestândigen  Welt  ist  es  eben 
nichts  neues,  dass  das  Gute  verab- 
scheut,  und  das  Bôse  geliebt  -svird. 
AJso  will  mich  mit  dem  Ramiro,  o 
Pein,  mit  dem  Erben  —  o  schweres 
LeidenC!  —  des  atheniensischen  Rei- 
ches  —  welches  Unglùck!  —  mein 
Vater  der  Kônig  —  o  unseelige 
Noth  7!  —  verbinden  —  o  wiithendes 


le  crio  tan  ignorante, 

que  no  sabe  ni  aun  aquello 

que  un  rudo  villano  sabe. 

Es  al  contrario  Fadrique 

de  ingenio  tan  admirable, 

de  tan  noble  condicion, 

de  natural  tan  amable, 

que  de  los  vasallos  todos 

es  mas  dueno  que  su  padre: 

porque  la  natviraleza, 

quando  los  segundos  nacen, 

lo  que  en  el  poder  les  quita, 

en  el  valor  les  anade. 

Y  quando  déviera  el  Rey, 

por  su  incapacidad  grande, 

quitarle  el  Reyno  à  Ramiro, 

y  que  Fadrique  heredasse, 

pues  que  tanto  lo  merece 

por  sus  generosas  partes, 

tanto  le  ciega  el  amor, 

y  tanto  dexa  llevarse 

de  la  passion,  que  es  Ramiro 

de  sus  ternezas  examen, 

y  Fadrique  (que  crueldad!) 

es  de  sus  iras  ultraje. 

Mas  no  es,  prima,  novedad 

en  este  mundo  inconstante 

que  se  aborrezca  lo  bueno 

y  que  lo  malo  se  ame. 

Con  Ramiro  pues  (que  pena!) 

como  heredero  (ansias  graves) 

de  el  de  Athenas  (que  desdicha!) 

mi  padre  el  Rey  (que  pesares!) 

casarme  intenta  (que  ahogo  1  ) 

y  los  tratos  (dolor  grande) 

ajustados,  (que  violencia!) 

le  espéra  ya  por  instantes, 

para  celebrar  las  Bodas, 


1.  Ce  muss  est  superflu. 

2.  Le  texte  espagnol  dit  simplement  que  Fadrique  est  plus  maître  de  ses  vassaux 
que  le  roi,  sans  parler  de  vénération  (verehren). 

3.  Lessing  dénature  triplement  la  phrase  castillane:  i"  elle  ne  contient  pas  l'hypo- 
thèse es  scheinl;  i!"  elle  n'est  pas  appliquée  aux  cadets  princiers,  mais,  de  manière 
générale,  à  tous  les  cadets;  3*  elle  ne  parle  pas  de  «valeur  intérieure»,  mais  de 
«vaillance». 

4.  11  n'y  a  pas,  dans  la  phrase  castillane,  cette  détermination,  mais  simplement 
que  Fadrique  devrait  ((hériter». 

5.  Cet  enchaînement  n'est  nullement  dans  le  castillan,  où  l'ordre  des  propositions 
est  beaucoup  plus  logique.  En  outre  la  traduction  «der  einzige  Gegensland»  pour 
«.examen  »  est  bien  faible  et  «  \'orwurfy>  pour  vultraje»  est  tout  à  fait  un  contresens. 

6.  Ansias  =  Angsl. 

7.  N'était-ce  point  assez  de  Noth  tout  court .^ 


LÈSSING    ET    LA    lANGtJE    CASTILLANE 


3t 


SchicksalM  Die  Tractate  —  ach, 
empfindlicher  Schmerz  —  sind 
schon  geschlossen.  Welche  Grau- 
samkeit  !  Er  erwartet  ihn  aile  Au- 
genblicke,  das  Beylager  zu  feyern. 
Ja  —  Begràbniss  sollte  ich  es  lieber 
nennen.  Denn  ich  hoflFe  schon 
einzig  auf  die  bittre  Hùlfe  des 
Todes'.  Und  ich  iiberlege3  —  o 
BetrùbnissI  dass  ich  meinen  Willen 
verde  von  so  einem  unwissenden 
Menschen  mùssen  unterdrûcken 
lassen,  —  o  Quaall  so  gerathe  ich 
in  solche  Verzweiflung,  dass  ich, 
wenn  ich  mich  nicht  vor  dem  Him- 
mel  fùrchtete,  mich  selbst  umbrin- 
gen  môchte. 

Estela. 

Dein  Vater  kommt. 


(exequias  mejor  llamarlas 

pudiéra)  y  ya  de  mi  muerte 

espero  el  amargo  trance, 

pues  quando  conozco  (ay  triste!) 

que  mi  alvedrio  postrarse 

ha  de  dexar  (que  tormento  !  ) 

de  un  hombre  tan  ignorante, 

tanta  desesperacion 

siento,  que  he  intentado  darme 

la  muerte,  si  no  temiéra 

que  el  cielo... 


Est 

Tu  padre  sale. 


Dritter  Auftritt. 


DERKONIG.  DERHERZOG.  FENIX: 
ESTELA.  BEDIENTER. 

Der  Kônig. 

Was  fehlt  dit?  meine  Tochter  i. 

Fenix. 

Ich  wundre  mich,  dass  du  dich 
so  fremde  stellest,  da  du  doch  meine 
Bekiimmerniss  weistâ.  Mehr  will 
[ich]  hier  ûber  meine  Lippen  nicht 
kommen  lassen  ;  doch  erlaube  mir 
deine  Gegenwart  zu  vermeidenC. 


Rey. 
Hija,  que  disgusto  tienes? 

Fen. 
Admirome  que  lo  extraùes 
quando  de  mis  sentimientos 
ères...  mas  de  aqui  no  passe 
el  labio,  y  dame  licencia 
que  de  tu  presencia  faite, 


Denn  bey  einer  so  heftigen  Leiden- 
schaft  kan  die  Ehrfurcht  nicht  an- 
ders  als  in  Gefahr  seyn. 


porque  se  arriesga  el  respeto 
en  una  passion  tan  grande. 


Vase. 


1.  11  n'y  a  rien,  dans  ahogo,  d'un  udestin  en  furie-D.  Welche  Beklemmuny .'  eût  suffi. 

2.  Ich  encarte  den  bitteren  Augenblick  meines  Todes.  Il  n'y  a  pas,  en  castillan,  l'idée 
d'un  a  secours  ri  octroyé  par  la  mort. 

3.  Lessing,  en  modifiant  l'ordre  de  la  construction,  fausse  le  sens  général  de  la 
phrase.  De  plus,  il  ne  traduit  pas  exactement  «que  he  intentado  darme  la  muerte...  » 

4.  L'expression  ctioisie  par  Lessing  ne  correspond  pas  assez  précisément  à  l'inter- 
rogation espagnole. 

5.  Il  n'y  a  pas  cela  en  espagnol.  Le  mol  que  Fenix  ne  prononce  pas  est  la  causa  ou 
un  terme  analogue. 

6.  Le  sens  du  texte,  malgré  l'apparence,  n'est  pas:  permets-moi  d'éviter  ta  pré- 
sence, mais:  permets-moi  de  sortir. 


■22 


CO.NTKIBUTIO'S    A    l'ÉTUDE    DE    l'uISPAiMSME    DE    G.    E.     LESSIKG 


Vierter  Auftritt. 

DER  KÔNIG.  DER  HERZOG.  ESTELA. 
BEDIENTER. 

Der  Kônig. 

Ich  ergrûnde  die  Ursache  ihres 
Schmerzes  wohll  (bey  Seite.) 

Estela. 

Herr,  sie  kônnte  dich  beschul- 
digen'. 

Der  Kônig. 

Hait  inné,  Estela,  und  gieb  mei- 
nem  Verdrusse  durch  deine  Klage 
nicht  noch  niehrere  Kriifte.  Es  ist 
ein  unwissendes  Verfahren,  wenn 
ein  Versehen  begangen  ist,  sich 
ùber  die  Folge  desselben  zu  be- 
schweren^.  Die  Klugheit  erfordert 
sich  vorzusehenS,  wenn  ihm  noch 
zu  helfen  ist,  aber  ist  es  einmal  so 
weit  gekommen,  so  ist  es  eine...''. 


Rey. 
Bien  de  su  dolor  la  causa 
penetro. 

Estela. 

Senor,  culparte  pudiéra. 

Rey. 
Mas  no  prosigas 
Estela,  ni  a  mis  pesares 
dés  mas  fuerça  con  tu  quexa, 
porque  es  estilo  ignorante 
el  yerro  ya  cometido 
culpar  al  que  el  yerro  hace  : 
quando  remediar  se  puede 
cordura  es  el  avisarleS, 
mas  despues  de  cometido 
es  [imprudencia  culpable 
referirle  su  desdicha...] 


IV.    Essex. 

eu.  X,  33-78.) 

Bien  que,  dans  son  compte  rendu  du  Conde  de  Sex,  aux  60-69"" 
chapitres  de  la  Dramaturgie,  Lessing  paraphrase  presque  constam- 
ment plutôt  qu'il  ne  traduit  les  passages  dont  il  entend  illustrer  son 
commentaire,  tout  en  donnant  tacitement  et  implicitement  pour  une 
véritable  traduction  ces  inexacts  spécimens, —  procédé  apte  à  induire 
en  erreur  maints  lecteurs  touchant  la  nature  intime  et  le  caractère 
spécifique  de  la  comedia  que  l'auteur  s'imagine  avoir  découverte,  — 
il  lui  est  impossible,  cependant,  de  ne  pas  laisser  percer,  à  plus  d'une 
reprise,  son  ignorance  du  castillans.  Dans  l'examen  qui  suit,  c'est  le 

I.  Ce  n'est  pas  Fenix,  comme  le  croit  Lessing,  qui  pourrait  accuser  le  roi,  mais 
—  la  réplique  de  celui-ci  le  prouve  clairement  —  Estela.  Il  fallait  donc  :  Ich  au  lieu 
de  sie. 

3.  Il  serait  difficile  d'imaginer  contresens  plus  corsé. 

3.  Le  traducteur  n'a  pas  soupçonné  que  le  se  rapportait  à  el  que  el  yerro  hace  et  a 
faussé  ainsi  le  sens  limité  de  la  phrase  castillane. 

4.  Boxberger  a  ajouté  ici  (op.  cit.,  p.  689):  nOffenbar  sind  frixher  noch  mehr  FoL- 
Bogen  vorhanden  gewesen.  ù 

5.  11  ne  sera  pas  superflu  de  noter  dès  maintenant  que,  justement,  les  Lessing- 
forscUer  germaniques  qui  proclament  l'authenticité  de  l'hispanisme  de  Lessing 
aiment  à  déclarer  que  ce  dernier  profila  de  sou  séjour  à  Hambourg  pour  se  familia- 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  23 

texte  espagnol  de  l'édition  originale  de  la  Dramaturgie  (Hambg.,  1767, 
t.  II,  p.  57-128)  qui  a  servi  de  base  à  la  collation.  Certains  éditeurs 
de  Lessing,  et  spécialement  M.  Muncker,  ont  cru  devoir  corriger  les 
«  erreurs  »  de  ce  texte.  Un  peu  de  familiarité  avec  les  éditions  des 
sueltas  espagnoles  i  leur  eût  appris  que  ces  «  erreurs  »  —  à  part  quel- 
ques graves  coquilles  dues  ou  à  la  légèreté  de  transcription  de  Lessing, 
ou  à  l'inattention  du  correcteur  des  épreuves  —  peuvent  se  soutenir 
au  même  titre  et  avec  autant  de  vraisemblance  que  leurs  émendalions, 
puisque  pas  un  d'entre  eux  ne  s'est  avisé  de  recourir  à  l'édition 
princeps  du  Conde  de  Sex,  et  que  M.  Muncker,  par  exemple,  prétend 
rectifier  le  texte  de  Joseph  Padrino,  reproduit  par  Lessing,  au  moyen 
de  celui  de  l'édition  de...  Leefdael  !  Les  renvois  aux  pages  auxquels 
j'aurai  recours  se  rapporteront  donc  au  volume  précité  de  l'édition 
de  1767  de  la  Dramaturgie,  d'où,  cependant,  ont  été  supprimés  de 
trop  manifestes  errata. 

P.  59.  —  Lessing  cite  les  vers  du  i"  Acte,  où  Essex  détaille  à  Cosme 
les  beautés  de  la  dame  masquée  surprise  par  lui  au  bord  de  l'eau  et 
la  lui  décrit,  en  particulier,  au  moment  où  elle  boit,  dans  le  creux  de 
sa  main,  l'onde  du  courant  : 

y  como  tanto,.en  fin,  se  parecia 
A  sus  manos  aquello  que  bebia, 
Terni  con  sobresalto  (y  no  fue  en  vano) 
Que  se  bebiera  parte  de  la  mano. 


riser  avec  la  Comedia  et,  par  suite,  avec  les  raflBnements  de  langage  de  celle-ci. 
M.  Erich  Schmidt  écrit,  par  exemple  (L.,  I,  597)  :  «  Er  nutzt  die  in  Hamburg  durch  den 
Handelsverkehr  gebotene  Gelegenheit,  Biihnenschâtze  Spaniens  und  das  tragikomische  Ver- 
fahren  Lopes  etwas  eingehender  :u  stadieren.  »  M.  E.  Schmidt  serait  bien  embarrassé 
s'il  lui  fallait  citer,  pour  se  justifier,  autre  chose  que  le  passage  de  la  lettre  à  Dicze, 
où  Lessing  dit  simplement  qu'il  a  réuni  à  Hambourg  un  nombre  respectable  d'exem- 
plaires de  comedias  sueltas.  En  réalité,  on  ne  sait  absolument  rien  sur  les  prétendues 
éludes  hispaniques  de  Lessing  en  la  cité  hanséatique,  et  c'est  parce  que  l'on  ne  sait 
rien  sur  elles  que  ni  Feodor  Wehl  {Lessings  Aufenthalt  in  Hamburg,  dans  Unterhalt. 
am  hàusl.  Herd,  i855,  III,  n°'  /|5  [712-718]  et  /(G  [721-726]),  ni  le  consciencieux  Lexikon 
der  Hamburg.  Schriftsteller  de  Schrôder  (186G,  IV,  art.  Lessing,  p.  i5o-46i),  ni  Schrô- 
ter  et  Thiele  {Hamburgische  Dramaturgie,  Halle,  1877  :  p.  XXI  et  seq.  :  Lessing's  Leben 
in  Hamburg)  n'en  soufflent  mot.  Que  Lessing  ait  pu  facilement  trouver  à  Hambourg 
des  négociants  ou  autres  personnages  qui  avaient  acquis  en  Espagne  ou  en  Portugal 
une  connaissance  assez  étendue  du  castillan  —  tel  ce  B.  W.  Rahmeyer,  dont  il  sera 
parlé  dans  la  Seconde  Partie —  cela  n'est  pas  douteux,  mais  les  renseignements  sur  ce 
point  font  défaut.  Et,  en  admettant  qu'il  ait  eu  recours  à  eux,  nous  allons  voir,  par 
rEssej-,  puis  le  cl/aranijn»,  qu'il  n'abusa  pas  de  leurs  lumières. —  Il  n'est  pas  sans  intérêt 
de  noter  que  M.  L.  Crouslé,  qui  a  revu  et  annoté,  pour  l'édilion  parue  chez  Didier 
en  187.^,  la  traduction  de  la  Dramaturgie  pur  E.  de  Suckau,  déclare  que  «quand  nous 
traduisons  des  citations,  c'est  d'après  la  traduction  allemande,  légèrement  corrigée 
lorsqu'elle  s'écarte  trop  du  texte  espagnol,  n  L'hispanisme  de  Lessing  était  donc  déjà 
suspect  à  ce  germanisant  français. 

1.  Ou  simplement  la  lecture  des  élémentaires  indications  formulées  à  leur  sujet 
dans  le  classique  Handbuch  der  spanischen  Litteratur  de  Ludwig  Lemcke,  t.  III, 
p.  753  seq. 


2k        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTL  DE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

Voici  comment  est  rendu  ce  passage  :  «  Dièse  Hand,  sagt  er  [Essex], 
war  dem  klaren  Wasser  so  ahnlich  (c'est  l'inverse  qui  est  dit  dans  la 
comedia),  dass  der  Fluss  selbst  fur  Schrecken  zusammenfuhr 
(terni  con  sobresalto!!!),  weil  er  (toujours  le  fleuve)  befûrchtete,  sie 
môchte  einen  Theil  ihrer  eignen  Hand  mittrinken.  »  Lessing,  une  fois 
de  plus,  ne  sait  pas  distinguer  la  première  de  la  troisième  personne 
d'un  verbe  en  castillan. 

P.  60.  —  Nouveau  contresens,  à  propos  d'une  autre  citation  du  récit 
d'Essex  : 

Yo,  que  al  principio  vi,  ciego  y  turbado, 

A  una  parte  nevado, 

Y  en  otra  negro  el  rostro, 

Juzguè,  mirando  tan  divino  monstruo, 

Que  la  naturaleza  cuidadoza 

Desigual[-dad]  uniendo  tan  hermosa, 

Quiso  hacer  por  assombro,  o  por  ultrage, 

De  azabache  y  marfil  un  maridage... 

Lessing  :  u  Er  kann  nicht  begreifen,  in  welcher  Absicht  die  Natur  ein 
so  gôttliches  Monstruum  gebildet,  und  auf  seinem  Gesichte  so 
schwarzen  Basait  (voici  le  jais  [Pechkohle]  devenu  basalte)  i  mit  so 
glànzendem  Elfenbeine  gepaaret  habe  :  ob  mehr  zur  Bewunderung, 
oder  mehr  zur  Verspottung  ?»  —  Il  le  comprend,  au  contraire,  très 
bien,  et  le  dit  (juzgué).  Et  l'intention  de  la  Nature  lui  est,  en  bon 
gongoriste,  tout  à  fait  familière  et  accessible.  Celui  qui  ne  comprend 
pas,  c'est  Lessing,  qui  n'entrevoit  Essex  qu'à  travers  les  verres  fumés 
de  l'Au/klàrung. 

P.  60.  —  ((  Zugleich,  sagt  sie  [die  Kônigin],  soll  dièse  Scharpe 
dienen,  mich  Euch  zu  seiner  Zeit  zu  erkennen  zu  geben...»  En 
réalité,  la  reine  dit  : 

Aquesa  banda 
Senal  para  hacer  buscaros 
Sera... 

P.  62.  —  Lessing  cite  la  première  réponse  de  Cosme  à  la  question 
d'Essex,  qui  lui  demande  quelle  pouvait  bien  être  la  mystérieuse  Beauté 
du  bord  de  l'eau  : 

La  muger  del  hortelano 
Que  se  lavaba  las  piernas, 

I.  Cf.  sur  ce  contresens  la  remarque  de  W.  Cosack,  Materialien  zu  G.  E.  L.  «  Hamb. 
Dram.  (Paderborn,  1891),  p.  3o8.  Au  lieu  de  Pechkohle,  Lessing  avait  le  choix  du  syno- 
nyme :  Gagal.  —  On  sait  que  la  première  édition  du  manuel  de  Cosack  est  de  1876, 
et  que  la  plupart  de  ses  renseignements  sont  passés,  très  complétés,  dans  Schrôter 
et  Thiele. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLAÎSE  25 

puis  il  ajoute  cavalièrement  :  «  Aus  diesem  Zuge,  kann  man  leicht  auf 
das  Uebrige  schliessen.  »  Ce  «reste  )>  n'est  nullement  si  mauvais...  ni 
si  facile  à  déduire.  Mais  Lessing,  incapable  de  saisir  les  allusions,  si 
savoureusement  espagnoles,  du  valet,  préfère  recourir  au  facile  argu- 
ment du  Renard  et  les  Raisins.  Cosme  disait  : 

Detràs  de  una  mascarilla 
pudo  estar  Arias  Gonzalo, 
la  Monja  Alférez,  Elvira, 
y  la  moza  de  Pilatos'. 

P.  &&.  —  «  Sie  hatte  an  ihren  Oheim  geschrieben,  welcher,  aus 
Furcht,  es  môchte  ihm,  wie  seinem  Bruder,  ihrem  Vater,  ergehen, 
nach  Schottland  geflohen  war.  »  Cf.  Conde  de  Sex  : 

y  hasta  Roberto,  mi  primo, 
por  pariente  de  mi  padre, 
que  no  por  otro  delito, 
huyô  el  riesgo,  y  sin  estado, 
vive  en  Escocia  escondido... 

A  la  même  p.  66,  la  même  confusion  réapparaît  :  «  Er  [Essex]  soU 
sogleich  an  ihren  Oheim...  schreiben  »  Cf.  El  Conde  de  Sex  : 

Blanca  : 

Escribe  al  Conde,  mi  primo... 

Même  confusion  de  nouveau  p.  68,  puis  p.  74. 

1.  De  même  p.  63,  Lessing,  notant  la  déclaration  de  Flora  touchant  le  peu  de 
chances  de  succès  du  duc  d'Alençon  sur  Blanca,  à  cause  des  différences  de  rang, 
écrit  :  «  Man  erwartet,  dass  der  Herzog  auf  diesen  Einwurf  die  Lauterkcit  seiner 
Absichten  betheuern  werde  :  aber  davon  kein  Wort  !  Die  Spanier  sind  in  diesem  Punkte 
lange  so  strenge  und  delikat  nicht,  als  die  Franzosen.  »  Cf.  la  réponse  du  duc  : 

Yo  vine  como  sabras, 

Gon  color  de  una  embajada 

A  Londres,  y  mi  jornada 

No  fué  â  las  paces;  que  mâs 

Fué  â  tratar  mi  casamiento 

Gon  la  Reina;  y  tanto  gano, 

Que  â  Londres  el  Rey,  mi  hermano. 

Me  enviô  para  este  intento  ; 

T  aunque  esto  esta  en  buen  estado 

Con  les  grandes  y  la  Reina, 

Blanca,  que  en  mi  pecho  reina 

Hoy,  me  da  mayor  cuidado... 
Et,  plus  bas, 

Pues  soy  cautivo 

De  la  causa  de  mi  pena 

Quitame  tù  esta  cadena. 
On  voit  avec  quel  sérieux  procède  Lessing  dans  certaines  affirmations.  On  voit,  en 
même  temps,  quelle  profonde  ignorance  de  la  galanterie  — j'entends  de  la  galanterie 
littéraire  et  telle  que  la  révèle  la  seule  comedia  —  espagnole  décèle  sa  remarque  que 
les  Espagnols  sont  infiniment  moins  rigoureux  et  délicats  que  les  Français  lorsqu'il 
s'agit,  en  amour,  de  faire  admettre  à  la  femme  aimée  la  traditionnelle  «  pureté 
d'intentions  »  de  l'amant. 


36        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hiSPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

P.  70.  —  <i  Aber  genug,  dass  ich  es  sage  :   Blanca  ist  unschuldig  » 
est  censé  rendre: 

...  Pero  yo  lo  digo, 

Que  en  mi  es  el  mayor  empeno 

De  la  verdad  el  decirlo, 

Que  no  tiene  Blanca  parte 

De  estar  yo  aqui... 

Même  page:    «  Und    nur  ihr  [Blanca],  Mylord,  haben  Sie  dièse 
Erklârung  zu  danken  »,  traduit  : 

Y  estad  muy  agradecido 
A  Blanca,  de  que  yo  os  de, 
No  satisfacion,  aviso 
De  esta  verdad  .. 


P.  70. 

Cond. 


Cond. 
Lessing  : 


Quîen  dixere... 

Duq. 

Yo  lo  digo, 
No  pronnncieis  algo,  Conde, 
Que  yo  no  pueda  sufriros. 

Qualquier  cosa  que  yo  intente... 


Der  Graf. 

Wer  darf  das  sagen? 

Der  Herzog. 

Ich  !  Nicht  ein  Wort  mehr  !  Ich 
will  kein  Wort  mehr  hôren,  Graf! 


Der  Graf. 

Meine  Absicht  mag  auch  gewesen 


seyn... 
P.  71, 


Duq. 


Mirad  que  estoi  persuadido 
Que  hace  la  traicion  cobardes  ; 

Y  assi  quando  os  he  cogido 
En  un  lance  que  me  da 

De  que  sois  cobarde  indicios, 
No  he  de  aprovecharme  desto, 

Y  assi  os  perdona  mi  brio 
Este  rato  que  teneis 

El  valor  desminuido, 

Que  a  estar  todo  vos  entero 

Supiera  daros  castigo. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  27 

Lessing  : 

Der  Herzog. 
Denn  kurz  :  ich  bin  ûberzeugt,  das  ein  Verrâther  kein  Herz  hat.  Ich 
treffe  Sie  als  einen  Verrâther  :  ich  muss  Sie  fur  einen  Mann  ohne  Herz 
halten.  Aber  um  so  weniger  darf  ich  mich  dièses  Vortheils  ûber  Sie 
bedienen.  Meine  Ehre  verzeiht  Ihnen,  weil  Sie  der  Ihrigen  verlustig  sind. 
Wâren  Sie  so  unbescholten,  als  ich  Sie  sonst  geglaubt,  so  wûrde  ich  Sie 
zu  zûclitigen  wissen. 

P.   73: 

Mirad  que  ay  verdugo  en  Londres, 
Y  en  vos  cabeza,  harto  os  digo... 

devient  : 

«  ...  so  erinnern  Sie  sich,  dass  Sie  einen  Kopf  haben,  und  London  einen 

Henker !  » 


P.  76: 

Y  assi  el  secrète  averigùe 
Enormes  delitos,  quando 
Mas  que  el  castigo,  escarmientos 
Dé  exemplares  el  pecado. 

«  Traduction  »  de  Lessing  : 

«  Ausserordentliche  Verbrechen  werden  besser  verschwiegen,  als  bestraft. 
Denn  das  Beyspiel  der  Strafe  ist  von  dem  Beyspiele  der  Sûnde  unzer- 
trennlich  ;  und  dièses  kann  oft  eben  so  sehr  anreitzen,  als  jenes 
abschrecken. » 


P.  li 


Rein.  Loco  amor.  —  Cond.    Necio  imposible. 

Rein.  Que  ciego.     —  Cond.     Que  temerario. 

Rein.  Me  abatis  a  tal  baxeza  — 

Cond.  Me  quieres  subir  tan  alto... 


Lessing  : 


Die  Kôniginn.  —  Thôrichte  Liebe  I  — 

Essex.  —  Eitler  Wahsinn. 

Die  Kôniginn.  —  Wie  blind  I  — 

Essex.  —  Wie  verwegen  I 

Die  Kôniginn.  —  So  tief  willst  du,  dass  ich  mich  herabsetze  '  ? 

Essex.  —  So  hoch  willst  du,  dass  ich  mich  versteige  ? 

I.  Lessing  n'a  pas  compris  que  l'antithèse  était  purement  matérielle.  Bajeza  a  ici 
son  sens  archaïque  de  lugar  bajo  d  hondo.  De  même,  ne  comprenant  pas  la  significa- 
tion figurée  du  modisme  familier  employé  par  Cosme  : 

...  que  tengo  tal  propiedad 
que  en  un  hora,  o  la  mitad, 
se  me  hace  postema  un  cuento, 

il  le  rend  littéralement:  <(  Er  kann  kein  Geheimniss  eine  Stunde   bewahren;  er 
fûrchtet  ein  Geschwàr  im  Leibe  davon  zu  bekommen.  >> 


28        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    I.HISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

P.    85: 

«  Sollten  meine   verliebten  Klagen  zu  deiner  Kenntniss  gelangen  :  o  so 
lass  das  Mitleid,  welches  sie  verdienen,  den  Unwiilen  ùberwâltigen,  den 
du  darûber  empfindest,  dass  ich  es  bin,  der  sie  fùhret  », 
est  donné  comme  l'équivalent  de  la  redondilla  que  chante  Irène  : 

Si  acaso  mis  desvarios 
Uegaren  a  tus  umbrales, 
la  lastima  de  ser  maies 
Quite  el  horror  de  ser  mios. 

P.  86  : 

«  Eine  Liebe,  sagt  sie  [die  Kônigin]  unter  andern,  die  man  verschweigt. 
kann  nicht  gross  seyn  ;  denn  Liebe  wâchst  nur  durch  Gegenliebe,  und  der 
Gegenliebe  macht  man  sich  durch  das  Schweigen  muthwillig  verlustig,  » 
serait  l'équivalent  de  : 

No  puede  haber  grande  amor 
sin  ser  pagado  ;  y  por  eso 
fingiô  alla  la  antigùedad 
que  hasta  que  creciese  Anteo, 
que  es  el  reciproco,  nunca 
crecia  Cupido  ;  luego, 
si  no  decis  vuestro  amor, 
nunca  lo  sabra  el  sujeto  ; 
sin  saberlo,  no  os  tendra 
reciproco  amor,  es  cierto... 

P.  92: 

...  Con.  Segun  lo  que  dixo 

vuestra  Alteza  aqui,  y  supuesto 
que  cuesta  cara  la  dicha 
que  se  compra  con  el  miedo, 
quiero  morir  noblemente. 

Lessing  : 

Essex  :  Wenn  denn  also,  —  ^vie  Ihre  Majestât,  und  wie  ich  einràumen 
muss  ■  —  das  Gluck,  welches  man  durch  Furcht  erkauft,  —  sehr  theuer  zu 
stehen  kômmt  ;  —  wenn  man  viel  edier  stirbt  :  —  so  will  auch  ich,  — ... 

P.  93.  —   Il  y  a  dans  le  texte  original  : 

Con.  (ap.J  i  Que  espero  ?  — 

Si  a  vuestra  Alteza  (ap.  è  Que  dudo  ?) 
Le  declarase  mi  afecto 
Algun  amor...  ; 

Le  sens  est  manifeste  :  Essex,  se  décidant  à  insinuer  à  la  Reine  que 
«son   afTection  va  jusqu'à  î'amourj).    mais  effrayé,  néanmoins,   par 

I.  Sujjuesto. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  29 

l'audace  inouïe  de  cet  acte,  parle  en  phrases  coupées,  et  les  apartés  qui 
hachent  sa  déclaration  ne  servent  qu'à  mieux  révéler  aux  spectateurs 
son  hésitation,  Lessing,  trouvant  tout  cela  obscur,  ponctue  ainsi  : 

Con.     Que  espero, 

Si  a  vuestra  Alteza  (que  dudo!) 
Le  déclarasse  mi  afecto, 
Algun  amor... 

et  traduit  : 

Essex:  Weil  ich  hoffe,  dass,  wann  ich  —  warum  fùrchte  ich  mich  noch? 
—  wann  ich  Ihro  Majestât  meine  Leidenschaft  bekennte,  —  dass  einige 
Liebe... 

Au  lieu,  donc,  de  la  période  originale,  qui  commence  par  une 
incise  interrogative,  se  continue  par  une  proposition  subordonnée,  — 
ayant  pour  sujet  mi  afecto,  —  et  dont  la  sentence  principale  reste 
inexprimée  par  suite  de  la  brusque  interruption  de  la  Reine  :  </  Que 
decis?,  le  critique  de  la  Dramaturgie  refond  à  sa  manière  la  phrase, 
comprend  que  comme  s'il  y  avait  porque  :  porque  espero  algun  amor, 
si  le  declarase  d  Vuestra  Alteza  mi  afecto  et  brouille  inextricablement 
la  pensée  du  comte. 


P.  94: 
L'espagnol  a 


Wissen  Sie,  wer  ich  bin  ?  Und  wer  Sie  sind  ? 


c  Quién  soy  yo  ? 
Decid  i  quién  soy  ? 

P-  97  : 

Blanca.  —  Schmeicheleyen,  Seufzer,  Liebkosungen,  und  besonders  Thrâ- 
nen,  sind  vermôgend,  auch  die  reinste  Tugend  zu  untergraben.  Wie 
theuer  kômmt  mir  dièse  Erfahrung  zu  steheni  Der  Graf...  Die  Kôniginn. 

—  Der   Graf?  Was   fiir   ein  Graf?  Blanca.  —  Von  Essex.  Die  Kôniginn.  — 
Was  bore  ich?  Blanca.  —  Seine  verfùhrerische  Zârthchkeit...  —  Die  Kôniginn. 

—  Der  Graf  von  Essex?  Blanca.  —  Er  selbst,  Kôniginn. 

Ceci  traduit  : 

Blanca.  Pues  requiebros  y  suspiros, 
Âmores,  ansias,  finezas  ', 
Y  lâgrimas  sobre  todo, 

I.  Tout  cela,  c'est  Liebkosungen,  qui,  justement,  est  requiebros,  rendu  par  «  Schmei- 
cheleyen. n  —  Un  peu  plus  loin,  la  jolie  repartie  de  Blanca  : 

R...     Loca  estoy, 
El  afecto  me  despena  : 
Esto  es  zelo,  Blanca. 

Bl.  Zelo, 

Anadiéndole  una  letra, 

qui  joue  sur  le  double  sens  du  vocable,  au  singulier  et  au  pluriel,  eût  mérité  autre 
chose  que  le  silence  de  l'incompréhension. 


3o         CO^'TRIBI  TIOIVS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    I,ESSING 


Son,  aunque  el  honor  no  quiera, 
Lima  sorda  del  secrète 
En  la  muger  mas  honesta. 
]  Oh,  cuân  a  mi  costa  supe 
Desta  verdad  la  experiencia  1 
Porque  el  Conde... 

Reina.     ^  El  Conde  ?  Blanca.     El  mistno. 

Beina.  (ap.)  çQué  escucho?  Blanca.     Gon  sus  ternezas 

De  amor...  Reina.    ^  El  Conde  de  Sex? 

Blanca.     Si,  Senora. 

P.  98: 
Die  Kimiginn.  Eifersucht  ?  —  Nein  ;  blos  deine  Auffûhrung  entriistet  raich. . . 


pour  rendre  : 


Reina.     ,»  Que  son  zelos  ? 
No  son  zelos,  es  ofensa 
Que  me  estais  haciendo  vos. 


Même  page  : 

id.  :  VVenn  ich,  —  Ich  ihn  liebte,und  eine andere  wâre  so  vermessen, 
so  thôricht,  ihn  neben  mir  zu  lieben... 


correspond  à 


Pues  si  yo  al  Conde  quisiera 
Y  alguna  atrevida,  loca, 
Presumida,  descompuesta, 
Le  quisiera...'. 


P.  1022  : 

Die  Kôniginn... 

Sind  Sie  der  Verràther,  Graf  ?  Bist 
du  es,  Blanca  ?  Wer  von  euch  war 
mein  Retter  ?  Wer  mein  Môrder  ? 
Mich  dùDkt,  ich  hôrte  im  Schlafe  3 
euch  beide  rufen  :  Verriltherinn  I 
Verràther ! 


Reina... 
Conde,  vos  traidor  ?  Vos,  Blanca  ? 
£1  juicio  esta  indiferente, 
^Oual  me  libra?  c  Quai  me  mata? 
Conde,  Blanca,  respondedme. 
c  Tù  â  la  Reina  ?  ^  Tù  â  la  Reina  ? 
Oi  aunque  confusamente  3  : 
j  Ah  traidora  !  dixo  el  Conde  ; 
Blanca  dixo  :  Traidor  ères. 


1 .  Je  ne  transcris  pas  le  reste  de  la  tirade,  également  estropié  et  rendu  mécon- 
naissable dans  la  prétendue  «  version  d  de  Lessing.  Voici  comment  sont  interprétés 
les  deux  vers  finaux  : 

Escarmentad  en  las  hurlas, 
i\o  me  deis  zelos  de  veras, 
ujetzt  slelle  ich  mich  nur  eifersuchtig  :  hûte  dich,  mich  es  wirklich  zu  machen!  » 

2.  J'omets  le  début  du  dialogue,  glosé  vaille  que  vaille  —  et  dont  Lessing, 
d'ailleurs,  n'a  pas  donné  le  texte  castillan  —  pour  me  borner  au  passage  dont  il 
rapproche  l'original. 

3.  J'entendis  confusément,  devient  chez  Lessing  :  ('/  me  semble  que  j'entendis  dans 
mon  sommeil. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTlLLAxNE  3l 

Und  doch  kannnur  einesvoneuch  Estas  razones  de  entrambos 

diesen  Namen  verdienen.  Wenn  ei-  A  entrambas  cosas  convienen  : 

nés  von  euch  mein  Leben  suchte,  Uno  de  los  dos  me  libra, 

so  bin  ich  es  dam  andern  schuldig.  Otro  de  los  dos  me  ofende. 

Wem   bin  ich   es   schuldig,    Graf  ?  i  Conde,  quai  me  daba  vida  ? 

Wer  suchte  es,Blanca?Ihrschweigt?  i  Blanca,  quai  me  daba  muerte? 

Wohl,  schweigt  nur  !   Ich   will  in  Decidme  !  —  no  lo  digais, 

dieser  Ungewissheit  bleiben;  Que  neutral  mi  valor  quiere, 

ich    will    den    Unschuldigen    nicht  Por  no  saber  el  traidor. 

wissen,  um  den  Schuldigen  nicht  zu  No  saber  el  inocenle. 

kennen.  Vielleicht  diirfte   es  mich  Mejor  es  quedar  confusa. 

eben   so  sehr  schmerzen,   meinen  En  duda  mi  juicio  quede, 

Beschiitzer  zu  erfahren,  als  meinen  Porque  quando  mire  a  alguno 

Feind.  Ich  will  der  Blanca  gernihre  Y  de  la  traicion  me  acuerde, 

Verràtherey  vergeben,  ich  will  sie  Al  pensar  que  es  el  traidor, 

ihr  verdanken  :  wenn  dafûr  der  Graf  Que  es  el  leal  tambien  piense. 

nur  unschuldig  war.  Yo  le  agradiciera  a  Blanca 

Que  ella  la  traidora  fuesse, 
[ap.]  Solo  a  trueque  de  que  el  Conde 
Fuera  el  que  estaba  inocente. 

L'épreuve  avec  VEssex  semblera  sans  doute  suffisante,  et  nous 
pourrons  nous  abstenir  de  fournir  de  longues  citations  tirées  du 
troisième  acle. 

P.  107,  le  fragment  du  monologue  de  Cosme  est  superficiellement 
glosé,  nullement  traduit;  p.  109,  il  en  est  de  même  du  dialogue  entre 
Essex  et  le  Sénéchal  :  à  noter  :  Irazar  la  muerte  rendu  par  :  den  Tod... 
beschliesseii,  ainsi  que  cette  traduction  d'une  question  du  Sénéchal  : 

«  Pues  (î  como  cl  Duque, 
que  escuchô  vuestros  intentes, 
os  convence  en  la  traicion  ?  », 

(«  Wie  kam  es  denn,  dass  der  Herzog  den  verrâtherischen  Vorsatz  aus  Ihrem 
eignen  Munde  vernehmen  musste?  »  ;  p.  110  : 

Sen.     ^  Cômo  hallado  en  vuestra  mano 
Os  culpa  el  vil  instrumento  ?, 

Lessing  :  «  Wie  kam  es  denn,  dass  sich  das  morderische  Werkzeug  in  Ihren 
Hiinden  fand  ?  »  ;  même  page  : 

Sen.     Pues  sabed,  que  si  es  desdicha 

Y  no  culpa,  en  tanto  aprieto 

Os  pone  vuestra  fortuna, 

Conde  amigo,  que  supuesto 

Que  no  dais  otro  descargo, 

En  fe  de  indicios  tan  ciertos 

Manana  vuestra  cabeza  ha  de  pagar... 
est  ainsi  rendu  : 

it  Der  Kanzler :  Wenn  ailes  das  Ungliick,  und  nicht  Schuld  ist:  wahrlich, 
Frcund,  so  spielet  Ihnen  Ihr  Schicksal  einen  harten  Streich.  Sie  werden 


3a         CONTRIBUTIONS    A    LÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E,    LESSING 

ihn  mit  Ihrem  Kopfe  bezahlen  mûssen';»  p.   ii3,  Lessing  fait  dire  à   la 
Reine  : 

«Der  Graf  hat  mir  das  Leben  nehnien  wollen:  das  schreyet  um  Rache.  » 

Il  y  a  dans  la  Comedia  : 

El  Conde  me  daba  muerte, 
Y  assi  ofendida  me  quejo; 

P.  I  iZ|  :  «  Was  seh  ich!  »  —  «  Keinen  Traum...,  »  équivaudrait  à  : 
Conde.  —  ^  Que  miro?  Reina.  —  No  es  sombra^; 

P.  122,  la  Reine  dit  qu'elle  entend  que  personne  ne  soit  informé  de 
la  mort  du  comte  : 

Mas  no  quiero  que  lo  sepan 
Hasta  que  el  tronco  cadaver 
Le  sirva  de  muda  lengua. 

Il  n'y  avait  lieu  à  aucune  équivoque:  le  décapité  parlera,  à  défaut  de 
langue,  par  son  propre  tronc,  devenu  cadavre,  et  parlera  un  langage 
qui,  pour  être  muet,  n'en  sera  que  plus  éloquent.  Voici  comment  Les- 
sing arrange  ce  passage:  «Das  Volk  soll  nichts  davon  erfahren,  bis 
der  gekôpfte  Leichnam  ihm  (le!)  mit  stummer  Zunge  Treue  und 
Gehorsam  zurufe.»  Ihm  rend  le,  qui  se  rapporte  à  cadaver,  mais  que 
Lessing  imagine  de  mettre  en  connexion  avec  «le  peuple!» 

P.  123:  «Den  Ropf  soll  der  Kanzler...  unter  einen  Teppich  legen 
lassen,»  pour  traduire: 

Y  assi 

Hareis  que 

alli  le  vean 

Debaxo  de  una  cortina. 

Pour  Lessing,  peu  importe  tapis  (alf ombra)  ou  rideau  (cortina).  11 
en  est  resté  au  stade  des  «  Neue  Beispiete  » . 


Y.  «  Maranôn.  » 

Réservant,  comme  précédemment,  pour  la  Deuxième  Partie  l'étude 
bibliographique  et  critique,  il  suffît  de  noter  ici  que  ce  document, 

1.  Manana  est  resté  en  route.  Même  page.  Lessing  attribue  au  comte  \e  rnalo  ex 
eslo  (^schlimtn  genug)  de  Cosme. 

2.  Tout  lo  dialogue  entre  Essex  et  la  Reine  est  dans  Lessing  (p.  ni- 120)  de  la  plus 
haute  fantaisie.  Le  «  traducteur))  n'a  certainement  possédé  qu'une  vague  intuition  de 
son  texte,  dont  il  n'observe,  et  au  petit  bonheur,  que  la  donnée  générale,  en  com- 
mettanl  les  plus  lourds  contresens.  De  même,  p.  121-122  le  raisonnement  de  Gosme. 


LESSIING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  33 

publié  en  1780  par  Lessing  et  Leiste  d'après  le  texte  espagnol  et  sa 
traduction  allemande  contenus  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
de  Wolfenbûttel,  sera  reproduit  par  nous,  texte  espagnol  et  traduction 
allemande,  pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  original  de  cette 
Bibliothèque.  Les  éditeurs  de  Lessing,  y  compris  M.  Muncker,  ne 
réimprimant  que  le  Vorbericht  qui  précède  l'édition  de  la  relation  de 
Pedro  Cudena,  sans  toucher,  même  en  note,  un  seul  mot  du  manuscrit, 
leurs  lecteurs,  ne  pouvant  entreprendre,  pour  se  renseigner,  le  voyage 
de  Wolfenbûttel,  se  voient  réduits  à  s'en  tenir  aux  déclarations  de 
Lessing  dans  ce  Vorbericht.  Or,  voici,  entre  autres  choses,  ce  qu'on 
y  trouve  :  «  Was  sonst  diesen  Aufsatz  des  Cudena  anbelangt,  so  ist 
er  in  sehr  misslichen  Umstanden  bey  uns  erhalten  worden.  Das 
Spanische  Original  ist  sehr  fehlerhaft  copiret,  und  die  alte  Deutsche 
Uebersetzung,  die  sich  dabey  fîndet,  ist  so  schiilerhaft  und  kauder- 
welsch,  dass  der  Urheber  w^eder  das  Spanische,  noch  das  Deutsche, 
noch  die  Sachen  muss  verstanden  haben.  »  Voilà  qui  est  clair. 
Écoutons,  maintenant,  Lessing  nous  expliquant  sa  méthode  critique. 
A  coup  sur,  il  s'offrait  à  lui  une  occasion  unique  de  fournir,  parvenu 
au  terme  de  sa  carrière,  une  preuve  patente  —  à  la  fois  première  et 
dernière  —  de  la  solidité  de  ses  connaissances  espagnoles.  Il  eût  pu 
choisir  entre  deux  procédés,  également  scientifiques.  Ou  bien  il 
publiait  intégralement  le  texte  du  vieux  manuscrit,  avec  ses  graphies 
arbitraires  et  ses  fautes  écolières  de  transcription  et  d'interprétation, 
en  l'enrichissant,  au  moyen  de  notes,  d'un  commentaire  philologique, 
dans  lequel  il  eût  proposé  ses  variantes  et  consigné  ses  propres  recti- 
fications. Ou  bien  il  donnait  le  texte  castillan,  ainsi  corrigé,  du 
manuscrit,  et  substituait  à  la  version  allemande,  «  si  enfantine  et 
amphigourique,  »  une  version  nouvelle,  dont  il  eût  été  l'auteur,  en 
reproduisant  dans  un  appendice  les  textes  primitifs.  L'œuvre  était 
d'une  réalisation  enfantine.  Elle  incommoda  cependant  Lessing  à  tel 
point  qu'il  se  mit  en  quête  d'un  aide.  «  Schwerlich  also,  dass  ich  es 
der  Miihe  wûrde  werth  gehalten  haben,  ihn  meinen  Lesern  in  seinem 
ganzen  Umfange  vorzulegen,  wenn  mir  nicht  noch  beygefallen  w^âre, 
das  Urtheil  eines  kundigen  Mannes  dariiber  einzuholen.  »  Cet  homme 
compétent,  ce  fut  le  recteur  Leiste.  C'est  Leiste  qui,  s'enthousiasmant 
pour  le  grimoire,  va  en  parfaire,  en  limer,  en  fignoler,  sous  la  haute 
direction  du  conseiller  de  Cour,  les  corrections  les  plus  importantes. 
Lessing  n'hésite  pas  à  le  confesser  :  c'a  été  grâce  à  cet  adroit  colla- 
borateur que  «  der  Aufsatz  selbst,  sowohl  in  seinem  Grundtexte,  als 
in  seiner  Uebersetzung,  um  ein  vieles  leserlicher  geworden.  Besoa- 
ders  hat  er  in  der  letztern  eine  Menge  Ungereimtheiten  verbes- 
sert...  »  Néanmoins,  comme  cet  excellent  Leiste  n'a  pas  corrigé  toutes 
les  ((absurdités»,  mais  simplement  «quantité»  parmi  les  innom- 
brables dont  pullule  la  relation  que  lui   a  apportée  son  ami,  voici 


34         CONTKIBLTIONS    A    LÉTLDE    DE    l'hISPAMSME    UE    G.    E.    ],ESS1>G 

l'ingénieux  expédient  qu'a  imaginé  ce  dernier  pour  tout  arranger  : 
«...  einige  derselben  [der  Vergehungen],  die  selbst  einem,  welcher 
der  Sprache  nur  ein  wenig  mâchtig  ist,  sogleich  in  die  Augen  fallen, 
hat  er  auf  meine  Vorbitte  stehen  lassen,  damit  es  doch  nicht  an  allen 
Spuren  des  alten  Wustes  fehle  :  und  andere  waren  zu  tief  venvebt, 
einem  andern  Mittel,  als  einer  ganz  neuen  Uebersetzung,  weichen  zu 
wollen,  die  sich  nicht  der  Mûhe  verlohnte.  »  Il  faut  que  ce  soit 
Lessing  qui  l'affirme  pour  qu'on  le  croie:  émanant  d'une  plume 
moins  illustre,  semblable  explication  paraîtrait  la  tentative  la  plus 
maladroite  de  jeter  de  la  poudre  aux  yeux  des  naïfs  et  l'excuse,  moins 
encore  rouée  que  piteuse,  d'un  ignorant  dans  l'embarras.  On  verra  de 
quelle  nature  et  de  quelle  importance  ont  été  les  corrections  de  Leiste 
et  de  Lessing.  En  reproduisant  la  teneur  diplomatique  du  manuscrit  de 
Woifenbuttel  et  en  réimprimant  en  note  chacune  des  corrections,  y 
compris  les  corrections  significatives  de  ponctuation,  qui  émanent  de 
l'édition  de  1 780,  nous  offrons  un  moyen  précieux  de  contrôler  à  l'œuvre 
l'hispanisme  de  Lessing.  La  conclusion  de  cette  intéressante  confron- 
tation ne  saurait  différer  de  celle  que  tirait  déjà  R.  Redlich  dans  sa  lettre 
précitée  à  Boxberger,  du  3o  janvier  i883,  à  savoir  que  la  méthode 
hispanique  de  Lessing  atteint  dans  k  Marahôn  »  son  apogée.  Elle  se 
révèle  de  cent  coudées  supérieure  à  celle  qu'il  avait  inaugurée  au 
début  de  sa  carrière,  lors  de  la  fragmentaire  tentative  de  version  du 
romance  de  Quevedo.  Car,  alors,  Lessing  s'arrêtait  à  mi-route.  Ici,  il 
est  allé  vaillamment  jusqu'au  bout  de  la  redoutable  tâche.  Mais,  à 
tant  d'années  de  distance,  les  résultats  ont  été  identiques.  Il  ne  lui  a 
manqué,  cette  fois  encore,  pour  mériter  les  lauriers  de  l'hispanisme, 
que  la  connaissance  de  la  langue  castillane,  et  il  a  terminé  ses  arides 
excursions  de  cabinet  tras  los  montes  comme  il  les  avait  inaugurées  : 
en  «  Stumper  ».  Voici,  donc,  le  corps  du  déht^  : 

A  Don  Gaspar  de  Gusman'  Conde  Dem      Hochwolgebornen     Herrn 

de  Olivares,  Duque  de  Sanlucar  ^  la  Don   Gaspar  de   Gusman.  Ghraffen 

mayor,  Marques  de  Cliché,  de  Los  de  Oliùares,  Herzogen  von  San  Lùcar 

Conseyos  d'estadoS,  y  guerra  :  i  de  der  grôssem  :  MarggrafTen  von  Cli- 

Mag')  su  Cavallerico  Mayor,   Com-  che;  Kôniglicher  Mayet  in   Spanien 

mendador   Mayor  de    .Vlcantara,    y  getieimcn  Estât,  ùnd   Kriegs   Rath. 

Chanciller     mayor    de    las     Indias  Ober  Stallmeister   und  Ober  Gom- 

Occidentales  0  Gapitan  generad  delà  mandeùr  vonAIcantara,  Ghros  Canz- 


I.  Gusmann  ;  —    ;;.  San  Lucar  ;  —   3.  Virg.   sup.  ;  —   '4.:  sup.  ;  —  5.  Mgd.  ;  — 
6.  Virg.  aj. 


a.  Je  ne  relèverai  dans  la  traduction  allemande  de  1780  que  les  variantes  de 
vocables  et  de  ponctuation  modifiant  le  sens  primitif,  laissant  de  côté  les  moderni- 
sations d'orthooraphe  (HocInvohlRcljohrnen.  etc.)  et  quelques  changements  do 
pouctualiou,  indiUcrciiU  au  sens. 


LESSING  ET  LA  LANGUI:  CASTILLANE 


35 


Gavalleria  de  Espana  y  perpetuo'  de 
Seuilla-,  y  su  tierra,  Alcaide  perpe- 
tuo  de  Sevilla-,  y  su  tierra  3  Alcaide 
perpétue  de  losi  reaies  alcaçaresS 
de  aquella  Guidad6,  y  de  sus 
ataracanas/  Aguacil  mayor  de  la 
Casa  de  la  contration  8  de  las  Indias  9 
y  Cori-eo  mayor  délias '°. 


lernûber  Indien,  General  Capitain 
liber  die  Reûterey  von  Spanien,  ûnd 
iïnerwehrender  von  Sei'iilla,  lind 
derselben  Lânder,  iïnerwehrender 
Castellan  der  Kôniglichen  Heûser 
derselben  Sladt,  ûnd  ihrer  Zeug- 
heûser.  Ober.  Inspector  des  Ost- 
Indianischen  Handelhaûs.  ûnd  Ober 
Postmeister  ûber  Indien. 


Ex""^  Senor". 

Esta  relacion  brève  de  grandes 
sitios,  y  esta  pequena  muestra  de 
maravillosas  obras  de  naturaleza  '  ^ , 
pongo  a  los  pies  de  V.  Ex, '3  por 
saber'i  que  a  la  grandeza  de  su 
capacidad  no  es  necessaria  mas  no- 
ticia,  para  q.'  '5  le  comprenda  todo, 
ni  a  la  infinidad  de  tantas  occupa- 
tiones  es  razon  cargar  con  prolixos 
escritos.  Propongo  como  en  tabla,  a 
dondo  sin  dano  de  la  verdad '<"', 
aunq.'*'  conmenos'8  cabo  deIa'"J 
largueza,  se  representan  los  mares 
y  las  tierras,  y  lo  q.'^°  he  Anisto^', 
y  experimentado  en  la  costa  del 
Brasil,  dandome  por  premiado  de 
todos  mis  trabaios.  Conque  ^^  sean 
admitados  de  V.  Ex^^o  cuya  vida  sea 
la  que  desseamos  sus  criados  para 
aumento  de  la  religion  Christiana, 
y  bien  destos  Reinos. 

Madrid  20.  -ide  Septemb  :  ^5  i634 

Criado 
de-0  V.  Ex^^7 

Pedko  Cudena. 


HOCHWOLGEBORNER   HeRR. 

Dièse  kurze  Relation  von  so  gros- 
sen  Lândern.  ûnd  dièse  kleine  Dar- 
stellûng  ihrer  wûndex'lichen  natûr- 
lichen  Avùrkûngen.  lege  ich  zû  den 
Fûssen  E.  Excell.  wol  wissend,  das 
zu  ihren  grossen  verstand  sie  nichs 
mehr  zû  Avissen  nôthig  hat,  das  sie 
nicht  ailes  solte  begreifFen  kônnen. 
soist  es  avîch  nicht  billich,  bey  ihren 
vielen  hohen  geschefften  sie  zi'i  be- 
schweren  mit  weitleûftigen  schrifï- 
ten.  Ich  stelle  fur  gleichsam  in  einer 
taffel,  das  sie  mit  grûnd  der  wahr- 
heit  daraûs  ersehen  kan,  so  wol  das 
wasser,  als  das  land,  ûnd  ailes  was 
ich  gesehen,  und  erfahren  hab  an 
der  kûsten  von  Brasil,  und  gib  mich 
selbsten  vor  eine  Avidervergeltûng 
aller  meiner  arbeit,  da  es  nûr  wol 
wird  angenomen  werden  von  E. 
Excell  :  Ghott  lasse  sie  leben,  so  lang 
es  ihre  diener  '  ihr  das  leben  Avûn- 
schen,  zû  aûfnehmûng  der  wahren 
religion,  iind  diesen  Konigreichen 
zûm  besten.  Madrid  den  20  Sep- 
tembris 

i63/i. 

E.  Excell. 

Ghehorsamer  Diener 

Pedro  Cùdena. 


1.  Perpetuo.  ;  —  2.  Virg.  sup.  ;  —  3.  Virg.  aj.  ;  —  .'4.  las.  ;  —  5.  Reaies  Alcaçaros; 
—  6.  Virg.  sup.;  —  7.  Ataracanas;  —  8.  Contration.;  —  9.  Virg.  aj.;  —  10.:  — 
n.  Senor.  ;  —  12.  Virg.  sup.;  —  i3.  Exia.  ;  —  li.  Virg.  aj.;  —  i5.  que.;  —  16.  Virg. 
sup.;  —  17.  aunque.  ;  —  18.  con  menos.  ;  —  kj.  de  la.;  —  ao.  que.;  —  21.  Virg. 
sup.;  —  22.  trabaios  conque.;  —  23.  Exa.  ;  —  2/1.  20;  —  25.  Septemb.;  — 
26.  do.  ;  —  27.  Exia. 


I.   So  lange  ihre  Diener. 

C.    PITOLLET. 


36         COMRIBUTIONS    A    î/ÉTUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


Discripcion  de  mil  y  treinta  y  ocho 
léguas  de  tieira  del  esto  de  Brasil  ' 
conquista  del  maranon-  y  gran3 
Para  pori  sus  Verdaderos5  rumbos, 
y  de  setenta  léguas  que  tienne  de 
bocca  el  Rio  de  las  Amazonas  <J  q.'  esta 
en  la  linea  equinocial?,  y  de  qua- 
renta  y  seis  léguas  s  que  tienne  de 
boca  el  rio  de  la  Plata,  que  esta  en 
treinta  y  seis  grados  de  la  banda  del 
sur  delà  dicha  linea  equinocial9, 
como  todo  se  muestra  a  baxo. 

En  un  grado  y  très  quartos  de  grado 
de  la  banda  del  Norte  de  la  linea 
Equinocial  esta  el  Gabo  '  "^  que  se  dize 
del  Norte"  a  do  empieca'-*  el  Rio 
de  las  Amazonas,  y  la  tierra  de  las 
Indias  Occidentales  '3:5  endôpara  '  ^ 
Lueste  '  â  en  esto  Cabo  esta  un  pue- 
blo  grande  d'ingleses  '"J  y  Olan- 
deses  '  "  que  labrantabaco,  y  '  8  ostros 
frutos  de  la  tierra  sin  contradicion 
de  nadie. 

Del  Cabo  del  Norte  setenta  Léguas 
a  la  Sueste  esta  el  cabo '9  del  Mara- 
cana^"  que  es  en  la  linea  Equi- 
nocial -  '  y  en  ella  empieçan  las 
tierras  de  la  conquista  del  Maravon, 
y  gran -^  Para,  y  las  dichas  setenta 
léguas  son  las  que  tienne  ^3  de  bocca, 
eP'i  dicho  Rio  de  las  Amazonas  de 
ancho  ^5,  en  laquai  y  por  el  aRRiba  ^6 
para  el  sur  ^7  ay  muchas  lias,  y  una 
délias  ^8  que  se  dize  delos^9  Jua- 
nes  30,  tienne  setenta  léguas  de 
lai'go,  y  diez  de  ancho3',  este  Rio 
se  navega  nueue  cientas  léguas,  y 
à 32  quatro  cientas  léguas  ciece  la 
marea  quatro  bracas. 

Del  Cabo  de  Maracana  al  sur  su- 


Beschreibung  der  Lânder  von 
Brasil  auf  io38  meilen,  so  erobert 
und  erfûnden  sind  worden  von 
Maranon,  und  Gran  Para'  durch 
ihre  richtige  Seeconipas,  wie  avich 
des  Elusses  de  las  Amazonas,  wel- 
cher  unter  der  Eqûinoctial  Uni 
liget.  und  70  meilen  hat  in  seiner 
mûndûng,  Avie  aûch  des  flvisses  de  la 
Plata,  so  46  meilen  hat  in  der  mûn- 
dûng, und  liget  30  grad  von  der 
Uni  -Eqûinoctial  gegen  Sûden.  wie 
ailes  mit  mehrern  folget  : 

Aûf  I  grad  und  |  von  der  Uni 
-Eqûinoctial  gegen  Nordenistdas  end 
von  Norden  ^ .  Daselbst  fenget  an  der 
flûs  de  las  Amazonas,  und  das  land 
von  Indien,  Avenn  man  reyset  ûber 
Lûesteo,  an  diesen  end  wohnet  ein 
grosses  volck  von  Englischen,  und 
Hollandcrn,Avelcheden  Toback  zûbe- 
reiten,  und  andre  Erûchte  des  Lan- 
des, und  ist  niomand  der  es  ihnen 
Avehret. 

Von  Cabo  del  Norte  70  meil  gegen 
Westeni  liget  das  end  von  Mara- 
cana 5,  so  da  ist  unter  den  Polo  G, 
und  da  fangen  an  die  lànder  so  da 
erobert  seind  von  Maranon,  und 
Grand  Para,  und  dièse  70  meil  seind 
eben  die.  so  da  im  umbgreif  hat  an 
der  mûndûng  der  flûs  de  las 
Amazonas,  in  der  breite,  ober  den- 
selben  "1  gegen  Sûden  hat  es  viel 
Insel.  darûnter  eine  genand  wird  de 
los  JûanesS,  hat  70  meil  in  die 
lenge,  und  10  in  die  breite.  Aûf  die- 
sen Flûs  Avird  gefahren  biss  aûf  die 
900  meil,  und  aûf  4oo  meil  wechset 
die  Eben  und  flût  4  ellen. 


1.  virg.    aj.;   —   2.    Maranon.;   —    3.   Gran.;    i.    per.  ;   —  5.    verdaderos.  ;  — 
6.  virg.  aj.;  —  7.   Equinocial.;  —  8.  virg.  aj.;  —  9.   Equinocial.;  —  10.  virg.   aj.; 

—  II.   virg.   aj.;  —    12.  empieça.  ;  —    i3.;;  —   j/i.  y  en  do  para.;  —  i5.  Sueste.; 

—  16.  Ingleses.  ; —  17.  virg.  aj.;  —  18.  labran  tabaco  y.;  —  19.  Cabo.;  —  20.  virg. 
aj.;  —  21.  id.  ;   —  22.  Maranon  y  Gran.;  —  23.  tiene.;  —  2^.   boca  el.  ;  —  25.  .; 

—  26.  arriba.  ;  —  27.  Sur.  ;  —  28.  virg.  aj.;  —  29.  de  las.  ;  —  3o.  ;;  —  3 1 .  ;;  —  32.  a. 


I.  von  Maranjon  und  Grand  Para  [Lessing-Leiste  impriment  tantôt  Maranon, 
tantôt  Maranjon.];  —  2.  ist  das  sogennante  Cabo  del  Norte;  —  '^.  gegen  Sûdost;  — 
/j.  gegen  Sudost;  —  5.  das  Cabo  del  Maracana;  —  (3.  unter  der  -Eqûinoctial  = 
Linie  ;  —  7.  In  und  iïber  demselben  ;  —  8.  de  las  Juanes. 


LESSl>G    ET    LA.    LA:SGUE    CASTILLANE 


37 


duesle'  treinta  y  çinco^  léguas 
esta  la  Guidado  de  Navidad  del 
grani  Para  5  en  dos  grades  australes  tj , 
es  gobierno  sugeto  al  Maranon  "  : 
dcl  Cabo  Maracana  ciento  y  viente 
léguas  a  leste  8  quarta  a  Sueste^^ 
esta  el  cabo  '  °  de  Cuma  en  dos  grados 
australes,  y  en  el  empieca  la  boca 
del  Rio  Maranon,  que  tienne  viente 
léguas  '  '  de  costa  ay  muchos  rios 
caudaloses'^,  los  seis  principales  se 
dizen  '  3  ,  Cutipura ,  Caite  '  i  gua- 
ropi  ■  j,  Gara  vata  '6,  Inri  ' 7,  Guma  '  8, 
perono'O  tienen  portos  ^°  porq.'-'" 
ny^^  muchos  baxios,  y  poco  fondo. 
Del  Gabo  de  Gunia  veinte  léguas 
a  Testées  quarla  al  Sueste^i  esta  el 
Gabo  de  la  Perea^5  en  dos  grados 
australes,  y  es  la  boca  del  dicho 
Rio^<i  y  en  alla  esta  la  Isla,  que 
tienne  quinze  léguas  de  largo,  y 
diez  de  ancho-",  a  do  esta  la  cin- 
dad^ï>  cabeca^9  del  Maranon  y  enS» 
la  misnia  altura.  Del  Cabo  de  la' 
Perea  ciento  y  viente  léguas  a 
Teste  3'  quarta  al  Suesteo^  en  la 
misina  altura  esta  el  cabo,  y  Rio  de 
Siarâ,  y  en  ellos  muchos  Rios 33,  los 
principales  se  dizen  34,  Para  35 
Camosi,  leracoaquara,  cororuibe36, 
Modoita,  Pernambuco,  SiariâS"  : 
a  qui  haze  una  ensenada 38  a  do  esta 
el  pueblo3(t,  y  Gastillo4°  que  se  dize 
Santingo  deste  goûvernoi'  de 
Siara  '1^  que  es  sugeto  al  Maranon  -t3 
en  la  dicha  costa  no  ny^'i  puertos 
para  basceles,  y  en  la  ensenada  del 
Siarâ  dan  fondo  todos  los  43  que 
quisieren.  Desde  Siarâ  cien  léguas  a 


Von  Gabo  de  Maracana  35  meilen 
gegen  Sv'id  Siidwesten  ist  die  Stad 
darinnen  geboren  ist  der  Gran  Para, 
auf  2  grad  gegen  Sùden,  und  ist 
dem  Maranon  ûnterAvorlTen.  Von 
Gabo  Maracana  120  meil  gegen  Sùd- 
westen  liget  el  Gabo  de  Gùma  aiif 
2  grad  gegen  Sûden  und  daselbst 
fenget  an  der  mùnd  des  flûsses  Ma- 
ranon so  da  20  meil  in  sich  hat. 
an  der  Kûste  seind  noch  andere 
schnelle  strôme.  die  6  fûrnemsten 
davon  werden  genand  Gulipûra, 
Gaite,  gûaropi,  Garavala,  Inri', 
Gùma,  sie  haben  aber  keine  hafen, 
denn  es  viel  klippen  ^  hat,  und 
wenig  griind. 

Von  Gabo  de  Gùma  20  meil  von 
Sùden  zu  Sùdwesten  liget  el  Gabo 
de  la  Perea  aùf  2  grad  Sùdwerts, 
und  ist  der  mùnd  des  vorgemelden  3 
stroms  und  bey  denselben^  ist  die 
Insel,  so  da  i5  meil  lang  ist,  und 
10  breit,  dar  ist  die  Haiïptstadt  des 
Maranon,  und  in  derselben  hôhe. 
hùndert  und  zweinzig  meil  von 
Gabo  de  la  Perea  gegen  West  Sùd- 
w^est5  in  derselben  hôhe  liget  das 
end 6  und  der  flùs  von  Siarâ?,  und 
hat  noch  viel  andere  flùs.  die  fûr- 
nemsten werden  genand  Para  Ga- 
mosi,  Teracoaqùara,  Gotoruibe  8,  Mo- 
doita,  Pernambuco,  Siaria'.'.  Hier 
machet  der  Flùs  einen  Busem.  da 
leùt  wohnen.  und  ist  ein  Gastell,  so 
genand  wird  Santingo.  gehôret 
unter  das  Goùùernement  von  Siara, 
und  ist  unterworffen  dem  Ma- 
ranon, an  denselben  strand  hat  es 


I.  Sur  Suduesle.  ;  —  2.  cinco.  ;  —  3.   Ciudad;  —  /i.  Gran.;  —  5.  virg.  aj.;  — 
(3.;;  — 7-;  —8.  virg.  aj.;  — 9.  virg.  aj.  ; —  10.  Cabo.;  —  11..;  —  12.;;  —  i3.  virg.  sup.  ; 

—  i/j.  virg.  aj.  ;  —  i5.  Guaropi;  —  16.  Gara  vata;  —  17.  Turi;  —  18.;;  —  19.  pero  no; 

—  20.  virg.  aj.;  —  21.  perque;  —  22.  ay;  —  28.  leste;  —  a/i.  suestc;  —  25.  virg.  aj.; 

—  2O.  id.  ;  —  27.;;  —  28.  ciudad; —  2g.  cabeça;  —  3o.  Maraiion,  eu;  —  3i.  leste,  — 
32.  Suesta;  —  33..;  —  34.  virg.  sup.;—  35.  Para;  —  36.  Gororuibo;  —  37.  Siarà.  ;  — 
38.  virg.  aj.  ;  —  3(j.  virg.  sup.;  —  4o.  virg.  aj.;  —  4i.  governo;  —  42.  virg.  aj.;  — 
43..;  —  44.  ay;  —  45.  virg.  aj. 


I.  Turi;  —  2.  Sandbànke;  —  3.  vorgemeldeleu  ;  —  4.  in  demselben  ;  —  .'>.  gegeit 
Osl  gen  Sud;  — 6.  das  Gabo;  — 7.  Siara;— 8.  Para,  Camosi,  leracoaquara,  Coro- 
ruibe;  —  9.  Siara. 


38         COMRIBLTIONS    A    LÉTUDE    DE    l'uISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 


les  sueste'  esta  cl  Cabo  de  Peran- 
duba^,  aqui  acaba  el  destrito  del 
Marailon,  y  empiecaS  el  del  Brasil, 
y  en  esta  costa  ay  muchos  Rios^, 
los  principales  son  tresô  y  sedizen, 
longarribe'i,  Gon  mare",  y  de  la 
Miel. 

Y  estos  très  gouvernos  del  Para, 
Maraùon,  y  Siarâ,  ticncn  de  Dis- 
tricto  trecientas  y  noventa  y  dos 
léguas,  y  en  particular  no  esta  çeua- 
ladoS  a  cado  uno  lo  que  ha  de 
tenerO,  valen  los  diezmos'°,  dellos 
dos  mil  escudos  de  diez  Reaies  '  ' 
tienen'^,  de  Cargas  quarenta  mil 
escudos.  Vale  cl  Comercio  jîarti- 
cular  dellos  quarenta  mil  escu- 
dos, que  se  compone  de  Algodon, 
tabaco,  açucar,  madera,  y  otros 
generos  '  3  y  tienen  yados  '  -'  ingenios 
de  açucar,  y  buenas  '  t  tierras  para 
hazer  otros  '  '"',  y  se  pueden  fabucar'  7 
cado  anno  en  Estos  '  t;  gobiernos  doze 
Galeones  de  a  mil  tonelado  '  ''  cada 
uno^",  y  doze  de  a  seis  ccntas  tone- 
ladas  cada  uno,  y  pueden  venir  car- 
gados  de  maderas  lauradas  ^  '  para 
hazer  otros  Galeones  en  Espana-^ 
por  que  ^  3  ay  muchas,  y  muy  buenas, 
y  faciles  de  traer  a  deserbiere  de 
hazer  la  fabrica,  y  costaran  quatro 
mil  escudos  de  a  diez  rcales  cada 
cien  tonncladas^'i  por  el  precio  de  la 
tierra  benefîciado  este  precio  la  mi- 
tad  menos. 


keine  Hafen  vor  die  Schif  in  dem 
busem  del  Piara  '  kônnen  so  viel, 
schif  ligen,  als  niir  wollen.  Fùnf 
meil  von  Siara  gegen  Sùdwesten^ 
liget  el  Cabo  de  Perandùba.  hier 
endiget  sich  das  gebiet  des  Mara- 
ùon. und  fenget  an  das  land  von 
Brasil,  an  Dieser  kûsten  bat  es  auch 
viel  fliïs,  der  fiirnemsten  scind 
3  und  werden  genand  longaaribe, 
Gonmareo,  und  de  la  miel. 

Dièse  3  Goiuîernement,  des  Para, 
Maranon,  und  Siarâ  haben  in  umb- 
kreys  392  meilen.  und  ist  nicht 
absonderlich  abgetheilet.  Avas  ein 
ieder  haben  soll.  die  zehenden  brin- 
gen  2000  Gronen  zû  10  Realen,  was 
geladen  wird  av'if  schif,  bringet 
4o  000  Gronen,  an  baùmwoUcn. 
Toback.  Zucker.  und  Holz,  und 
andere  wahren,  und  haben  Zweyer- 
ley  art  Zûcker^,  und  ein  gut  land 
noch  j  ander  art  zù  machen  :  es 
kônnen  iâhiUch  in  diesen  lilndern 
gebaiiet  werden  12  galeonen,  einc 
iede  von  1000  lastC,  und  12  von 
denen  die  600  last  tragen.  und  kôn- 
nen geladen  werden  mit  ziibereiteten 
holz,  umb  andere  galeonen  zii 
machen  in  Spanien.  dann  des  holzes 
viel  ist,  und  aûch  sehr  gi'it,  und  kan 
gebi'aûchet  Averden  zû  was  man  niir 
will.  ein  solch  gebaû  zii  machen  wird 
kosten  4ooo  Gronen  zù  10  Realen 
iede  100  last.  wegendesgiUen  kaiïITs 
im  land.  kan  man  c^;  die  helfte 
geringer  haben. 


Brasil. 
Von   Gabo    de   Perandùba,    aldar 
anfenget  das  gebiet  von  Brasil  nach 


Brasil. 
Del  Gabo  de  Perandùba  ^5   a  do 
impieca  el  estado  del  Brasil,  a  les 

I.  Lessueste;  —  2..;  —  3.  empieça.  ;  —  4..;  —  5.  virg.  aj.;  —  U.  sedizen  longaaribe; 
—  7.  virg.  sup.  ;  —  8.  evalado;  —  9..;  _  lo.  virg.  sup.  ;  —  n.  virg.  aj.  ;  —  12.  virg. 
Slip.;  —  i3.;;  — li.  ya  dos;—  i5.  Luonas;  —  16.;;—  17.  fabricar;  —  18.  estos;  — 
19.  toneladas;  —  20.  le  membre  de  phrase  qui  suit  est  supprimé  dans  Lessing-Leiste 
jusqu'à  :  y  pueden;  —  21.  virg.  aj.;  —  22.;;  —  28.  porque;  —  ai  virg.  aj.;  — 
25.  Virg.  aj. 


I.  Siara;  —  2.  Uogen  Ost  Siid  Osl;  —  3.  Goraraare;  —  4.  zwey  Zucker  =  Mûh- 
len;  —  5.  uni.;  —  G.  Leistc  s'est  aperçu  qu'une  Last  valait  deux  toneladas  el  a 
corri^^é  l'erreur  p.  89  de  l'cd.  de  17S0.  aux  Anmerkungcn:  «  Tonnen,  nichi Laslcn,  %\ie 
in  der  Deutsclien  Uebersetzun^  stehel.  v, 


LESSTXG    ET    LA    LANGUE    CVSTFLLANE 


3d 


Sueste  '  quarenta  léguas  esta  la  forta 
leza  ^  del  Rio  grande  3  en  cinco  gra- 
des australes,  y  seriada deagun  'i  toda, 
5  desde  ally  a  média  légua  esta  la  Cui- 
dad  de  los  Reyes,  que  es  gouuiernoS 
sugeto  al  Brasil,  y  tiene  sinquenta 
léguas  de  destricto  por  la  marina,  y 
quatro  puertos  6  que  se  dizen  Rio 
grande,  Punta  negra,  Puerto  de 
Busios,  y  Bahia  fermosa  7  de  très  y 
quatro  braças  de  baxamarS.  Su 
commercio  es  interiorl^i  y  se  com- 
ponede  genado'"  algodon'  ',  açucar, 
y  ambar.  Ay  dos  ingenios  de  açucar'  ^ 
valen  los  diezmos  seitecientos '3  y 
cinquenta  escudos,  y  las  cargas 
miene  mil  escudos  '  4  :  es  govierno 
del  Rey. 

Rio  Grande. 
Sinio'5  léguas  deste'O  instillo 
para  el  norte  estansos  '  7  baxios  q.  se 
dizen  de  san  Roque.  Sessanta  léguas 
deste  '  8  Castillo  a  les  '  9  ISordeste 
esta  la  isla  de  Fernan  de^°  Norona, 
a  dondelos^'  Olandeses  ^  ^  van  hazer 
aqua,  y  refréscar  de  carne,  que  tiene 
muchas,  y  cspalmar  sus  baxeles^S 
para  ira  ^  i  robar  à  la  Costa  del  Brasil, 
y  a  las  Indias  Orientales  ^  5  tienne 
muy  lindo  puerto  para  ello  — 


Parayba. 
Del  Rio  grande  al  susneste^'i  qua- 
renta léguas  esta  elcabo^V  Blanco,  y 
antes  del  quatro  léguas  esto^^*  el  Rio 
de  la  Parayba  y  en  el  el  fuerte  del 
cabedelo'O  y  del  a 3°  quatro  léguas 
por  el  Rio  arriba  la  Ciudad  de  fili- 
pea3'    de    Nuestra    Senora    de    las 


Siid  westen  '^  4o  meil  liget  die  Ves- 
tiîng  del  Rio  Grande  aùf  5  grad 
gegen  Suden  ist  ganz  mit  wasser 
beschlossen.  und  von  dar  eine  halbe 
meil  ist  die.  dieKônigs  Stadt,  Avelche 
tmter  Brasil  gehôret,  bat  5o  meil  in 
seinen  district  nach  der  Sec  zvî,  und 
k  Hafen,  welche  genand  werden  Rio 
grande,  Pùnta  negra,  Puerto  de 
Bûsios,  und  Bahia  fomosa^  von,3|^ 
ellen  niedrig  wasser.  der  handel  ist 
innerhalb  des  lands  an  viehe,  wolln, 
zùcker,  und  amber.  Es  bat  zweyerley 
art  zùcker  3.  die  zehenden  davon 
bringen  65o  Gronen.  und  die  ladimg 
komet  aùf  looo  Gronen,  ist  das  gebiet 
des  Kônigs. 

Rio  grande. 
fùnf  meil  in  dieser  gegend  gegen 
Norden  seind  die  klippen  welche 
genand  Averden  de  San  Roque.  6o 
meil  von  diesen  Castel  nach  Nord- 
westen  i  ist  die  Insel  de  Foman  de 
Norona,  da  die  Hollànder  frisch 
wasser  holen,  und  aùch  mit  fleisch 
sich  proviantiren.  dessen  die  Insel 
viel  hat.  bessern  aùch  ihre  schif  dar 
aùs,  das  sie  gar  lîber  fahren  kônnen 
nach  der  kùsten  von  Brasil,  und 
nach  den  Orientalischen  Indien  5 .  bat 
aùch  einen  gùten  Hafen. 

Paràvba. 
Yon  Rio  grande  Uav,  esten  <j 

4o  meil  liget  el  Cabo  t».  ico,  und 
4  meil  vor  denselben  ist  der  flùs  de 
la  Parayba,  und  in  denselben  die 
schanz  del  Gabedelo,  und  4  meil  von 
dar  ùberV  den  strom  hinaùfwerts 
die  Stadt  von  Filipea  :  welche  zù  den 


I.  Lessueste; —  2.  forlaleza;  —  3.  virg-.  aj.;  —  h-  agua;  —  5.  gouierno; —  G.virg. 
aj.;  —  7.  virg.  aj.;  —  8.  baxa  mar  ;  —  9.  virg.  aj.  ;  —  10.  id.;  —  11.  algodan;  —  la..; 

—  i3.  sei  centos;—  i/j.;;  —  i5.  Sinco;  —  iG.  desde;  —  17.  estan  los; —  18.  desde; 

—  19.  Les;  —  20.  da;  —  21.  donde  los;  —  22.  Olandoses;  —  .■î3.  baxeles;  —  ih-  ir  a; 

—  25.  virg.  aj.  ;  —  26.  Susneste;  —  27.  Cabo;  —  28.  esta;  —  2g.  Gabedelo;  —  3o.  de 
la:  —  3i.  Filipea. 


I.  nach  Oslsiidosl;— 2.  fermosa;— 3.  zwey  Zùcker-  Mi'ililen;—  4.  nach  Oslnord- 
ost;  —  5.  das  sie,  um  zu  rauben.  nach  der  Kiisle  von  Brasil,  und  nach  Ostindicn 
fahren  kônnen;  —  G.  nach  Sud  gen  Ost;  —  7.  eben. 


^O        CONTRIBUTIONS    \    I.'f.TUDK    DE    T. 'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 


Nienes  '  que  es  gonierno  ^  sugeto 
al  Brasil,  y  esta  en  seis  grados,  y  dos 
tercios  de  grado,  y  tienne  viente 
legas  de  destricto  por  la  marina,  y 
dos  pnertosS  que  se  dizen  Parayba. 
Baliin '"  de  la  traycionô  de  quatro 
liracas  de  fondo  de  baxa  mari>,  Su 
comercio  vale  seis  cientos  mil  escu- 
dos y  se  compone  de  açucar,  tabaco, 
palo  Brasil,  algodon,  y  otros  generos 
inenudos",  Cargan  en  el  trienta 
iiamosS  cada  aiïo  para  Portugal  de 
los  frutos  de  la  tierraO,  Valen  los 
diezmos  cada  ano  diez  mil  escudos, 
Tienne  de  cargas  seis  mil  escudos  '°  : 
l'uedense  fabricarcada  ano  dos  navios 
de  a  Irecientas  '  '  toneladas  cada  uno, 
sin  hazer  daiîo  a  los  ingenios,  j  tienne 
viente  y  quatro  ingenios  de  açucar. 

Itamaracâ 

Del  cabo  Blanco  viente  y  ocho 
léguas  al  susneste  '  ^  esta  el  Cabo  de 
san  augustin'3  en  9  grados:  entre 
estos  cabas  en  ocho  grados  esta  la 
Isla  de  Itamaracâ,  y  en  ella  la  Villa 
de  Nuestra  Senora  de  la  concepcion, 
que  es  gouvierno  del  Conde  de  Mon- 
santo ■  '1  y  sugeto  al  del  Brasil,  y  entre 
esta  Villa  y  la  Parayba  aydos  '5  puer- 
tos'15  sin  el  de  la  Isla  principal '7 
capazes  de  navios  de  todo  fondo, 
que  se  dizen  Puerto  de  los  fran- 
ceses'8,  y  Catuama'9  tienne  treze 
léguas  de  destricto  por  la  marina  : 
Vale  su  comercio  trezientos  mil  escu- 
dos, y  se  compone  de  lo  mismo^" 
que  el  delà  Parayba,  a  donde"  y 
a  Pcrnambuco^^  van  los  frutos  a 
cargaraS,  y  aqui  cargan  solamente 
quatro  navios  para  Portugal  al  ano 
de  a  ciento  y  viente  toneladas  cada 
uno'i.  valen  los  diezmos  siete  mil 


land Brasil gehôret.liegetaûfô.?  grad, 
und  bat  20  meil  in  umbkreys,  nach 
der  Seekant,  und  2  Hafen.  Avelclie 
genand  werden  Parayba,  und  Babia 
de  traycion,  bat  4  ellen  tief  ^vasser. 
die  handlûng  bringet  -iiL  Cronen. 
und  ist  von  Ziicker,  Toback,  Bra- 
silisch  Holz,  baûm^vollen,  l'ind  andere 
kleine  wahren.  Sie  beladen  iJo  '  scliif 
iahrlich  vor  Portûgall  von  den  frûch- 
ten  des  landes,  die  Zehenden  komen 
iahrlich  aûf  -IIL  Cronen,  von  den  la- 
dûngen  6000  Cronen.  Es  kônnen 
iahrlich  gebaûet  werden  2  schif  ein 
iedes  von  3oo  last,  und  thût  der 
Hôlzûng  keinen  schaden,  es  hat  aûf 
24  erley  art  Ziîcker^. 


Itamaracâ. 

28  meil  von  Cabo  Blanco  nach 
Sùdwesten  liget  el  Cabo  de  San 
Augustin  aûf  9  grad.Zwischendiesen 
beeden  aûf  8  grad  liget  die  Insel  von 
Itamaracâ,  und  aûf  dei'selben  das 
Schloss  Unserer  lieben  fraùen  der 
Empfengnùs,  Avelches  besitzet  der 
Ghrafi"  de  Monsanto,  ûnd  gehôret  zu 
Brasil.  zAvischen  diesen  Schloss  ûnd 
la  Parayba  hat  es  2  Hafen  ohne  den 
von  der  fûrnemsten  Insel 3,  ûnd 
kônnen  schife  darinnen  ligen,  so 
gros  sie  aûch  sein  môgen,  und  wer- 
den genand  der  Hafen  der  Franzosen, 
und  Catûamai,  begreiftt  i'6  meil  in 
district,  nach  der  Seekant.  der  Handel 
bringet  -^  Cronen.  ûnd  hatoben"> 
die  Avahren.  A\elche  da  hat  der  Flûss 
Parayba,  an  Avelchen  ort.  wie  auch 
zû  Pernambûco  sie  die  frûchte  einla- 
den.  ûnd  hier  laden  nûr  4  schif 
iiihrlich   vor  Portugal,   von    'lO  last 


I.  naciones;  —  2.  gouierno;  — 3.  virg.  aj.  ;  —  't.  Bahia  ;  —  5.  virg.  aj.  ;  —  6..;  — 
7..;  —  8.  naves;  —  9..; —  10..;  —  11.  trecienta;  —  is.  Susneste;  —  i3.  Augustin;  — 
i4.  virg.  aj.;  — 15.  ay  dos.  —  i6.  virg,  aj.  ;  —  17.  id.;—  18.  Franceses;  —  19.  Catuaina  ; 
—  20.  virg.  aj,;  —  21. ,;  —  22.  id.  ;  —  28.;;  —  24... 


I.  20;  —  2.  auf  2'i  ZuckertiMiihlen  ;  —  .S.  otine  dem  fûrnemsten  der  Insel; 
4.  Catuaina: — j.eben. 


LESSING    ET    LA.    T.AXGtE    CVSTTfXANE 


^.t 


escudos  al  aîïo,  y  tiene  de  cargas 
none  cientos  escudos  a  raùo  ',  tiene 
deze  ocho  ingenios  de  açucar^,  pue- 
dense  fabricar  cada  ano  des  3  baxelles 
de  atrezientas 't  toneladas. 

Pernamhuco. 

Quatro  léguas  para  cl  sur')  de 
la  Villa  de  Nuestra  Senora  de  la  con- 
ception'', esta  la  Villa  de  Olinda, 
cabeca  "  del  Gouvierno  de  Pernam- 
buco,  que  es  de  Duarte,  de  Albu- 
guerq.8:  y  mas  al  sur 9  una  légua 
supuerto  '°  en  ocho  grados  y  medio, 
y  se  dize  el  Arrecife  '  '  de  très  braças 
de  fondo  '  '  todo  es  sugeto  al  Govierno 
del  estado  del  Brasil  '  3  ;  Tienne  sin- 
quenta  léguas  de  dislricto  '  'i ,  su  com- 
mercio  se  compone  de  lo  mismo  '  j 
quuel'G  delà '7  Parayba,  y  Itama, 
raçà'8  y  e  estima  cada  ano  en  dos 
milliones  y  medio  sin  los  retornos  '9 
solo  de  los  frutosde  la  tierra,  porque 
tienne  ciento  y  sinquenta  ingenios- 
de  açucar  2",  y  valen  los  diezmos  sin- 
quenta mil  escudos  al  ano,  y  tienne 
de  cargas  quarenta  y  sinco  mil  escu- 
dos^'. Cargan  para  Portugal  todos 
los  aîïos. 

Ciento  y  Viente  -  ''  baxelles  de  a 
ciento  y  viente  toneladas  ^3  :  Del 
Cabo  de  San  Augustin  quarenta 
léguas  al  Suduestequartadel  sur  esta 
el  Rio  de  San  Francisco  en  diez  gra- 
dos y  medio,  y  en  esta  Costa  muchos 
Rios^i,  los  Principales ^5  son  siete, 
que  se  dizen,  Pouicari^*',  Una  légua 
del  a  leste ^7  esta  ^ 8,  la  Isla  de  san 
Alexa,  Rio  Serinaem  una^'i  Rio  Icr- 


ein  iedes  schif,  die  Zehenden  komen 
iiihrlich  auf  7000  Cronen,  lind  die 
ladiingjjringot  900  Cronen  iàhrlich. 
es  bat  1 8  erley  art  Zûcker  ' .  es  kônnen 
gebaûet  werden  iàhrlich  schif  ^  von 
3oo  last. 

Pernainbiico. 

Vier  Meil  nach  Sûden  von  den 
Schloss  Unserer  1.  fraûen  der  Emp- 
fengmîs  ist  das  Castel  de  Olinda,  da 
sich  anfenget  das  goùûerncment  von 
Pernambûco3,  Avelches  gehôret  dem 
Diiarte  de  Albùqiîerqiïe,  ûnd  bcsser 
nach  Sûden  i  meilistderhafenaûf  8  i 
grad,  und  wird  genand  el  Arrecife. 
bat  avif  3  ellen  grûnd.  gehôret  ganz 
zû  den  Goûûernement  von  Brasil, 
hat  5o  meil  in  ûmbkreys.  der  Handel 
ist  eben  der.  welcher  ist  zd  Parayba, 
ûnd  Itama  '1 ,  wird  iàhrlich  geschetzet 
aûf  2  I  million,  ohne  was  zu  rûck 
komestj,nûralleinvonijdenfrûchten 
des  landes,  es  hat  hûndert  und  fûnf- 
zigerley  art  Ziîcker/.  die  Zehenden 
komen  auf  J^^  Cronen  des  Jahrs,  die 
ladiîng  aûf  £1  Cromen.  Es  werden 
vor  Porliigall  beladen  120  schif,  von 
120  lasten.  Von  Cabo  de  S.  Augustin 
4o  meil  nach  Sûd-Westen  von  8  Sû- 
den ist  der  fli'is  von  S.  Francisco 9  aûf 
10  i-  grad,  ûnd  an  solcher  Kûsten  hat 
es  viel  fliis-der  fûrnemstem  sind7. 
welche  genand  werden  Poûicari  '" 
eine  meil  von  dar  nach  Westen  '  '  ist 
die  Insel  von  San  Alexa,  Rio  Seri- 
naem, Rio  fermoso,  Sonto  Antonio, 
Miri  ■  ^,  Santo  Antonio  a  Su' 3,  Cama- 
ragibe.  ûnd  nahe  dabey  el  Rio  San 
Francesco,  welcher  /l  meil  breit  ist. 


I.  al.  ano;  —  3.;;  —  3.  diez;  —  '|.  a  trezienlas;  —  5.  Sur;  —  fi.  Conception;  — 
7.  cabeça  ;  —  8.  Albuguerque;  —  9.  Sur;  —  10.  su  puerto  ; —  u.  virg.  aj.  ;  — 12.;;  — 
10..;  —  i.'i.,;  —  i5.,;  —  i6.  que,  quel; —  17.  de  la;  —  18.  Itamaraçâ;  —  19.,;  — 
20.;;  —  21.  escuidos;  —  22.  todos  los  afios  ciento  y  viente...;  —  !?..;  —  2^.;;  — 
25.  principales; —  2C.  Poiucari;  —  27.  Leste;  —  28.  virg.  sup.  ;  —  29.  Rio  Serinaem, 
Rio  fermoso. 


I.  18  Zucker^Mùhlen;  —  2.  jahrlicli  10  schiff;  —  3.  die  Hauptsladt  des  Gouver- 
nements von  Pernamhuco;  —  .'i.  Itamarika;  —  5.  ohne  was  zurûck  kommt; —  0.  bey.; 
—  7.  hundert  und  funfzig  Zucker  =Muhlen ;  —  8.  gen.  —  9.  S.  Francesco;  — 
10.  Pojucari;  —  ii.  Ostcii  ;  —  i  t.  Sanlo  Antonio  Miri;  —  i3.  Santo  Antonio  Guacu. 


/.3 


CONTRIBUTIONS    A    I,  KTUDE    DE    L  HISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 


moso,  Santo  Antonio  Miri,  Santo 
Antonio  a  su  '  y  Camaragibe  ^  y 
luego  dreho  Rio  San  Francisco  3 
qui  tienne  quatro  léguas  de  ancho, 
y  en  el  acaba  el  destricto  de  Pernam- 
buco,  y  todos  eslos  Rios  no  son 
cupazes  '■>  de  tcner  en  si  baxales  â 
parq/'j  tiennen  poco  fondo. 

Sirigipe  del  Rey. 

Del  Rio  San  Francisco  viente  léguas 
a  Suedueste  y  quarta  al  Vueste  esta 
Sirigipe  del  Rey  enonze  "  grados 
australes  8  y  en  el  Rio  de  la  Ciudad 
de  San  Christoual,  que  es  govierno 
del  Rey  y  sugeto  a  del  Brasil,  y  en 
esta  Costa  9  es  la  ensenada,  que  se 
dize  de  Unzia  barriles  "^  muy  nom- 
brada  por  su  peligro  '  '  tiene  qua- 
renta  y  miene  léguas  de  destricto 
par  la  marina'^,  su  comercio  se 
compone  de  tabaco,  ganado,  algo- 
don  '3,  tiene  unas  minas  de  métal  '  '' 
que  es  entre  plata  y  estano,  que  se 
dize  tutunaya  '5,  los  diezmos  van 
inclujdos  con  los  de  la  Bahia  de 
todos  Santos,  tiene  de  cargas  qui- 
nientos  escudos. 


und  bey  denselben  hôret  aùf  das 
Land  von  Pernambûco,  und  aile  dise 
flûs  liônnen  keine  schif  lassen,  weilen 
sie  wenig  grùnd  haben. 


Sirigipe  del  Rey. 

2o  meil  von  Rio  S.  Francesco  nach 
Sûdwesten,zù  '  Weslen  liget  Sirigipe 
del  Rey  aùf  8  grad  Sùdwerts,  und  an 
den  Flûs  die  Stadtvon  S.  Christoi'ial, 
Avelche  die  Residenz  ist  des  Konigs  ^ , 
und  gehoret  zu  Brasil,  an  diesen 
Kûsten  ist  der  bùsen  so  genand  wird 
Unziabarriles3,sehrberûhmt,  wegen 
dergefahr  hat..  4o  meil  in  ûmbkreys 
nach  der  Seekant.  der  Handel  so 
gefûhret  wird,  ist  von  Toback,  viehe, 
Baumwollen.  es  hat  aûch  einige 
Bergwerk.  ist  halb  silber  lind  halb 
Zin,  wird  genand  tûtiinaga  '-*,  die 
Zehenden  werden  eingeschlossen  mit 
denen  von  Bahia  de  todos  Santos,  die 
Ladûng  bringet  5oo  Cronen. 


Bayhia  de  Todos  Santos. 

De  Sirigippe  del  Rey  treinta  y 
sinco  léguas  al  Sud  =  ueste  esta  la 
Bahia  de  todos  los  Santos' 0  cabeça 
del  estado  del  Brasil,  que'/  es  el 
Rey '8  de  la  punta  de  San  Antonio 
una  légua  al  Norte  esta  la  Cuidad 
del  Salvador  entrece  grados  austra- 
les'9  y  desde  la  dicha  punta  san 
Antonio  ^°  seis  léguas  al  Sudueste 
quarta  al  Veste,  que  es  lonnicho  de 
la  boca  de  la  Bahia  ^^  haze  la  punta 


Bahia  de  todos  Santos 

Von  Sirigippe  del  Rey  35  meil 
nach  Sûdwesten  liget  la  Bahia-  de 
todos  los  Santos  und  fenget  sich  an 
das  land  von  Brasil,  und  ist  el  Rey 
de  la  piinta  de  San  Antonio  5. 1  Meil 
nach  Norden  ist  die  Stadt  del  Salva- 
dor, auf  i3  grad  gegen  Sûden  vînd 
von  gedachter  spiz  San  Antonio 
0  meil  nach  Siïdwesten  welches  die 
Hôlung  ist  von  der  mùndûng  de  la 
Bahia,  machet  die  spize  abweichen'î. 


I.  Santo  Antonio  guaçu  ;  —  2.  virg.  aj.  ;  —  3.  Francesco;  —  4.  capaces;  —  5.,;  — 
6.  porque;  —  7.  en  onze;  —  8.,;  —  9.  costa;  —  10.,;  —  11.  perigio;  —  12.;;  —  i3.;; 
—  i4.,;  —  i5.  Tutunaga;  —  iG.,;  —  17.  que;  —  18.;;  —  19.,;  —  20.  id.  ;  —  21.  id. 


I.  gen  ;  —  ■'..  welche  ein  Gouvernement  des  Konigs  isl;  —  3.  Unzia  Barriles;  — 
4.  Tutunaga;  —  5.  ...  la  Hahia  de  Todos  los  Santos,  das  Haupt-Gouvernement  von 
Brasil,  welches  dem  KiJiiigu  gehort.  Von  der  Spitze  de  San  Antonio,  i  Meil  etc.  ;  — 
6.  Le  traducteur  ancien  avait  lu,  au  lieu  de  Tinharé,  desviarse,  et  Lessing-Leiste,  n'y 
comprenant  rien,  modiflent  :  und  von  gedachter  Spitz  San  Antonio  bestinimen  6  Mei- 
len  nach  Siidwesl  gen  West,  quer  iiber  die  Miindung  gemessen,  die  Breite  der  Bay. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE 


43 


de  finare'  '*  y  en  esta  costa  esto^  el 
Rio  JapacuraS  y  el  Rio  Real,  y  la 
torre  de  gracia  de  a  Villa  i,  y  unas 
d'unasô  d'arenaC  blanca,  a  que  se 
dize  Savanas7  y  una  Islai^  que  se 
dize  lapoamO  y  cerca  délia  el  Rio 
Vermeio,  tiene  quarenta  léguas  de 
destricto  perla  marina,  dospuertos, 
el  principal  de  seis  bracas  de  baxa- 
mar,  el  oltro  se  dize  Ioagripe'°, 
tiene  poco  fondo  '  '  su  coniercio  se 
compone  de  açucar'^  tabacor'3 
algodon,  palo  Brasil'i,  y  incavan- 
da'ô  ambar'ij  aziete  de  Valenas,  y 
se  estiman  en  dos  milliones  '  "  de 
que  cargan  cada  Ano  '  S  ochenta 
baxelles  de  a  ciento  y  viente  tonela- 
das  cada  uno  '9:  Ay  ochenta  ingé- 
nies de  açucar^°:  Valen  los  diezmos 
sessenla  mil  escudos,  en  que  van 
incluydos  los  de  los  dénias  goviernos 
del  Sur  ^  '  :  Puedese  fabricar  cada 
aiïo  en  la  Bahia  una  nao  de  la  ^  ^ 
India,  oquatro^o  Galeonesde  a  ocho- 
cientas  toneladas  cada  uno  ^  '-*  sin 
danois  a  los  ingenios. 


und  auf  dieser  kûsten  ist  der  flûs 
Japacûra',  l'ind  Rio  Real,  und  der 
Thûrm  de  la  gracia  eines  Schlosses, 
und  einer  bey  den  andern  von 
weissen  sand  ^,  daher  es  genand 
wird  Savana,  und  eine  Insel,  welche 
genand  wird  lapoamS,  ùnd  ùmb 
dorsclbigci  der  flus  Vermejo,  hat 
4o  meil  in  BegrifT  nach  der  Seekant 
zù,  2  hafen,  der  fûrnemste  von 
6  ellen  niedrig  wasser.  der  andere 
wird  genand  loagiineS,  hat  Avenig 
grvind.  die  handhing  ist  von  Zùcker, 
Toback,  baumwoll,  BrasilienholzO, 
amber,  ôhl  von  Valenas",  und  wird 
geschezet  aûf  2  million.  Davon  laden 
sie  ialirlich  80  schif  von  hûndert 
und  zwanzig  last  ein  iedes.  Es  hat 
80  erley  art  ZûckerS.  Die  Zehenden 
koinen  aûf  ^^  Cronefi,  damit  aûch 
eingeschlossen  sind  die  von  der  Re- 
gierùng  gegen  Sûden.  Es  kan  ialir- 
lich gebaûet  werden  in  Bahia  ein 
schif  von  Indien,  oder  4  galeonen 
von  800  last  ohne  schaden  der  Hôl- 


Isleos. 

De  la  punta  de  Tinare  veinte  y 
çinco^O  léguas  al  Sur  en  catorze 
grados,  y  dos  tercios  de  grado^/ 
esta  la  villa  de  san  lorge,  que  el  del 
govierno  de  los  Isleos  de  francisco  ^  8 
de  Sa  a ^9  de  Meneses,  y  en  estas 
viente  y  sinquoSo  léguas  esta  el 
morro  de  San  Paulo,  y  el  iamamu3' 
tienne  sinquenta  léguas  d.  3^  des- 
tricto, très  puertos  capazes  de  navios 
de    quatrocientas    toneladas,     y    se 


Isleos. 

Von  der  Spiz  de  Tinare  ^  meil 
nach  Sûden,  auf  i4  |  grad  ist  das 
Schloss  von  St.  GhôrgO  welches  ist 
von  der  Regierving  de  los  Isleos,  de 
Francisco  de  Sa.  oder  von  Meneses. 
25  meil  davon  ist.  der  fels  von  St. 
Paul,  ûnd  Camama'°.  der  Begriff 
ist  von  5o  meilen  ûnd  hat  3  Hafen: 
welche  schif  von  4oo  last  herbergen 
kônnen,  ûnd  werden  genand  tambe, 
pejtepe".   der  Handel  Avird  getrie- 


I.  Évidemment,  il  faut  lire  -.que  es  lo  ancho  de  la  boca  de  la  bahia,  hay  la  punta  de 
Tinharé;  —  i".;;  —  2.  esta;  —  3.  Tapicura;  —  ',.  Garcia  de  Auila; — 5.  duiias;  — 
G.  de  arena;  —  7.,;  —  8.,;  —  9.  Tapoam  ;  —  10.  leguaripe;  —  n..;  —  12.,;  — 
i3.  tabaco  ; — i4.  virg.  sup.  ;  —  i5.  incarauda  ;  —  16.,;  —  17.  id.; —  18.  ano;  — 
19..;  —  20.  id.  ;  —  21.  id.  ;  —  22.  delà;  —  28.  o  quatro; —  24.,;  —  25.  dano;  — 
2G.  Sinco;  —  27.,;  —  28.  Francisco;  —  29.  6  ;  —  3o.  cinco;  —  3i.  Camamu;  —  32.  de. 

I.  Tapicura;  — 2.  und  der  Thurm  de  Garcia  de  Avila,  und  einige  Dùnen  von 
weissen  Sand;  —  3.  Tapoam;  —  !i.  dieselbige;  —  5.  leguaripe;  —  6.  Lessing-Leiste, 
qui  lisent  incaranda  dans  le  texte  castillan,  se  sont  bien  gardés  de  traduire  ce  terme, 
omis  par  l'ancien  traducteur; — 7.  von  Wallfisclien;  —  8.  80  Zucker  =Mulilen  ;  — 
9.  von  St.  Gorge;  —  10.  Camamu;  —  ir.  Tanabe  Pecitepe, 


CONTRIBUTIONS    A    I.  ETT  DE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSÏNG 


dizen  Isleos,  tam  be  pecitepe  '  :  Su 
comercio  interios^  se  compone  de 
açucar,  palo  BrasilS  tabaco,  algodon, 
V  harinas  de  palo  deq.'-i  se  haze  el 
casane5,  quatro  ingenios  de  açucar*) 
y  quinientos  escudos  de  CargasV 
Puedense  fabricarS  cada  aîioO 
quatro  Galeones  de  a  quatro  cientas 
toneladas  cada  uno,  sin  dafio'° 
a  los  ingenios  — 

Puerto  Seguro. 
Delos  '  '  Isleos  treinta  y  sinco  lé- 
guas al  sur  esta  puerto  seguro  '  ■*,  y 
en  dicho  puerto  se  hazen  très  Rios 
todos  capazes  de  baxeles  de  todo 
fondo,  porq. '3  tienne  diez  braças'4 
de  baxamar'a  el  uno  sellatna'iJ 
santa  Crux  '  "  donde  estubo  la  pobla- 
cion  antiga  '  i^  Lo  del  medio  esta  la 
poblacion  nuova,  y  en  medio  deste 
Govierno  de  puerto  '  9  Seguro  q'  ^  o 
esta  en  deziseis  grados  y  medio  (:  ^  ' 
y  es  de  Don  Alfonso  de  Lencastre 
Hermano-'  del  Ducque  de  Aveiro'^3 
y  tienne  en  el  titulo  de  Marques  :)  y 
los  Isleos '"i  ay  très  Rios,  el  uno  se 
dize  Rio  grande,  Guriruiq.'^ô,  Santo 
Antonio,  tiene  sinquenta  léguas  de 
destricto  por  la  marina  -'O,  su  comer- 
cio es  de  algodon,  tabaco,  y  maderas 
y  palo  Brasil,  tiene  quinientos  escu- 
dos* 7  de  Curgas'8.  Puedense  fabri- 
carcadaAno"J  quatro  Galeones  de 
a  ocho  cientas  toneladas  cada  Uno3'\ 
y  su  govierno  es  sugcto  al  del  Brasil. 


Espirito  Sanlo. 
De  Puerto  Seguro  Viente  y  sinco 
léguas  al  Sur    esta   del  3'    Cabo   de 
Gorumbabo,  y  del  dicho  Gabo  treinta 


ben  von  Zûcker,  Brasilien  holz. 
Toback;  ûnd  baiimwollen,  aûch 
sand  '  von  Brasilien  holz,  es  hat 
viererley  art  Zûcker'.  die  ladûng 
bringet  5oo  Gronen.  Es  kônnen 
iahrlich  gebaûet  werden  4  Galeonen 
zù  4oo  last.  ein  iedes.  ohne  schaden 
der  holzi'ing. 


Puerto  Seguro . 
35  meil  von  Isleos  nach  Sûden  ist 
der  Hafen  Seguro,  und  in  diesen 
Hafen  samlen  sich  3  flûs,  darinnen 
ligen  kônnen  schif  von  allerley 
grosse,  denn  die  tiefe  ist  lo  ellen 
Avasser.  der  eine  wird  genand  Santa 
Cnix,  da  die  al  te  colonien  gewesen 
seind.  in  der  mitte  seind  die  ncûe 
Golonien,  und  mitten  in  land  ist 
der  Hafen  Puerto  Segiiro  liget  aûf 
i6  y  grad,  ûnd  gehôret  de  m  Don 
Alfonso  de  Lancastre.  so  ein  Brûder 
ist  des  Herzogs  de  Aveiro,  und  hat 
den  titre  eines  MarggrafFen.  wie 
avich  los  Isleos,  begreifft  in  sich 
3  flûs.  der  eine  wird  genand  Rio 
grande.  BûrirûiqiieS,  Santo  Anto- 
nio, hat  5o  meil  in  Begriff.  nach  der 
Seekant.  die  Handlûng  ist  von  baûm- 
woUcn,  Taback,  bretern,  ûnd  Brasi- 
lisch  holz,  die  ladiing  bringet  5oo 
Gronen.  Es  kônnen  iahrlich  gebaûet 
werden  4  Galeonen,  von  8oo  last 
eine  iede,  die  Regierurg  gehôret  zu 
den  land  Brasil,  und  ist  derselben 
unterworfTen. 

Espirito  Santo. 
23  meil  nach  Siiden  von  Puerto 
Seguro  ist  el  Gabo  de  Gorumbabo, 
und  3.^  meil  von  dar  nach  Sud  zii 


I.  Tambe,  Pecitepe;  —  2.  interior;  —  3.,;  —  tt.  deque;  —  5.  virg.  sup.  ;  —  G.,;  — 
7..;  —  8.,;  — 9.  anno;  —  10,  danno;  —  11.  De  los;  —  12.  Puerto  Seguro;  — 
i3.  pourque;  —  i/l.  bracas;  —  i5..;  —  lO,  se  llama;  —  17.,;  --  18..;  —  19.  Puerto; 
—  20.  q'  supprimé;  —  21.  :  (; —  22.  Germano;  —  23.,;  —  24.  de  Marques,  y  los 
Isleos;);  —  26.  Guriruiquc;  —  2O..;  —  27.  soudes;—  28.  Cargas;  29.  Anno;  — 
3o.  uno;  3i.  el. 


I.  Mclil;  —  2.  vier  Zncker=Mrihl(n  ;  —  3.  Guriruiquc. 


LESSn'G    ET    LA    LA-VGUE    CASTILLANE 


y  sinco  léguas  al  surquarta  '  al 
Sudueste  en  viente  grades  esta  La  ^ 
Villa  de  Corumbabo  del  Gouierno3 
del  Espirito  Santo,  que  es  de  Fran- 
cisco de  Agniar  continuo  sugcto  al 
del  Brasil,  y  en  medio  de  estos  dos 
gouiernos^  esta  el  Rio  de  las  Gara- 
nelas,  tiene  quarenta  léguas  de  dis- 
tricto  por  la  marina  5  un  puerto  del 
mismo  nombre  <>  y  otro  del  Rio  de 
las  CaranelasT  :  Su  8  comercio  se 
compone  de  açucar,  tabaco,  algo- 
don'J  y  maderas,  cargan  ocho  navios 
de  ciento  y  viente  toneladas  cada 
ano,  ay  ocho  ingenios  de  açucar,  vale 
el  comercio  ciento  y  sinquenta  mil 
escudos  al  ano.  Puedense  fabricar 
quatro  baceles  de  a  ciento  y  sin- 
quenta toneladas  cada  uno  :  Sessenta 
léguas  al  Vues  sudueste  ny  unas 
minas  de  esmeraldas. 


45 

Sûdwesten  '  aûf  20  grad  liget  das 
Castel  de  Cori'imbabo  ùnter  der 
Regierùng  del  Espirito  Santo  geho- 
ret  Francisco  de  Aguiar'^  welcher 
ein  vasall  ist  von  den  Land  Brasil. 
mitten  ùnter  3  diesen  beiden  Goù- 
vernementen  ist  der  flûs  de  las 
Caranelas't.  hat  4o  meil  in  ûmb- 
kreys  nach  der  Seekant.  der  Hafen 
hat  eben  diesen  Nahmen,  und  noch 
einen  andren  an  den  flvïs  de  las  Ca- 
ranelasS.  die  Handlùng  ist  von  Zû- 
cker,  Toback,  baùmwoUen,  ûnd 
bretern.  sie  laden  iâhrlich  8  schif 
von  120  last  ein  iedes.  es  hat  8  erley 
art  ZûckerO.    der    Handel    bringet 


iâhrlich 


Cronen .     Es     kônnen 


4  schif  gebaûet  werden,  von  i5o  last 
ein  iedes.  Go  meil  nach  V^est  Sûd- 
westen, seind  einige  Smaraged- 
ffrùben. 


Rio  de  Enero. 

Del  Espirito  Santo  quarenta  y 
sinco  léguas  al  Sur  esta  el  cabo  de 
San  Thome  en  viente  y  dos  grados  y 
medio.  Del  Cabo  de  San  Thome 
viente  y  dos  léguas  al  Sudueste 
quarta  al  sur  esta  el  Cabo  pio'°, 
quinze  léguas  a  Veste  esta  el  Rio  de 
Enero  en  la  misma  altura,  es  gouier- 
no  '  '  sugeto  al  del  Brasil.  La  ciudad 
se  il  ama'  ^  San  Sébastian,  tiene  trein- 
ta  léguas  de  destricto,  su  puerto 
capaz  para  navios  de  todo  fondo'3, 
su  comercio  vale  quinientos  mil 
escudos,  y  es  de  açucar,  tabaco,  con- 
serva de  Membrillos,  y  gen  gibre  '  '1, 
palo  Brasil  Maderas,  ganado,  y  harl- 
nas  de  palo,  que  van  para  Angola  '■">, 
Sinco  mil  Escudos  de  Carga  :  Seis- 
senta  ingenios  de  açucar  :  Cargas 
inda  '  0  Ano  Viente  '  1  y  sinco  navios  de 


Rio  de  Enero. 

45  meil  des  Espirito  Santo  nach 
Sûden  liget  el  Cabo  de  San  Thome 
auf  22  I  grad.  22  meil  von  Cabo  de 
San  Thome  nach  Sûdwesten  liget  el 
Cabopio7,  i5  meil  nach  Westen  ist 
der  flûs  de  Enero,  auf  derselben 
hôhe.  gehôret  ziî  der  Regierùng  von 
Brasil.  Die  Stadt  wird  genand  San 
Sébastian,  hat  3o  meil  in  ùmbkreys, 
in  den  Hafen  kônnen  einlaùffen 
allerley  schif.  die  Handlùng  brin- 
get ^5  Cronen.  ùnd  ist  von  Zùcker, 
Toback,  Qùiten,  Conserv,  und  Ing- 
wer,  Brasilien  Holz,  breter,  schàfe- 
rey,  ùnd  sand  8  von  Brasilien  Holz, 
wird  nach  Angola  geschicket,  5ooo 
Cronen  treget  die  Ladung.  hat  60- 
erley  art  Zùcker  ^,  es  werden  iâhrlich 
geladen  26  schif,  von  120  last.  Es 
kônnen  iâhrlich  gebaûet  werden  G 


I.  Sur  quarta;  —  2.  la;  —  .?.  govierno;  —  [\.  goviernos  ;  —  5.  ,;  —  6.,;  - 
7.  Caravelas  ;  —  8.  su;  —  9. ,;  —  lo.  Frio;  —  11.  govierno;  —  12.  se  lia  ma;  —  i3. 
lU.  gengibre;  —  i5.:;  —  lO.  cada;  —  17.  viente. 


I.  gen   West;   —   2.    Agniar;   —    3.   zwischen;  —   4.    Garevelas;   —    5.  id.  ; 
6.  Zucker=Mûhlen  ;  —  7.  Frio  ;  —  8.  Mehl  ;  —  9.  ijo  Zucker^Miihlen. 


46        CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    i/hISPANISME    DE    G.    E.    LESSTNG 


a  ciento  y  Viente  —  toneladas  '  ;  Pue- 
denso  Tabricar  cada  Ano^  seis  gal- 
lones  deseiscientasH  toneladas  4,  cada 
Uno5  sin  daiîo  a  los  ingenios. 


galeonen    von   600  last  einc   iede 
ohne  schaden  der  holzûng. 


Angla  de  los  Reyes^'i. 
O  Santo  Amaro. 

Del  Rio  de  Enero  quaranta  léguas 
al  Veste/,  quarta  al  Sud -ueste  esta 
Curiipare,  y  antes  del  Vointe«  y 
dos  Léguas  esta  el  Angla  de  los 
Reyes,  y  alll  la  Villa  de  neustraî' 
Senora  de  la  Conception,  que  es 
Un'°  gonierno"  poco  poblado,  por 
otro  nombre  se  dize  de  santo  ama- 
ro'2,  de  la  Condeça  de  Vimiciro'3 
sugeto  al  del  Brasil,  esta  en  Viente 
y  très  grados,  y  medio,  tiene  diezi- 
seis'4  — léguas  de  destricto,  y  dos 
puertos  para  pequenos  baxeles  '  5 
que  se  dizen  Tojuca'O  Paratubii'7, 
en  la  Angla  de  los  Reyes  van  a  Es- 
palmar  '  8 ,  y  Refi-escar  '  0  los  enne- 
migos^°  que  ban  para  el  sur,  notie- 
nemas  comercio  en  l'anchas  ^  '  que 
con  el  Rio  de  Enero  y  S.  Vicente,  el 
quai  se  compone  de  harinas  de  palo, 
maderas,  ganados  y  otras  menuden- 
tias^^., 

San  Vincente. 

De  Gurupare  doze  léguas  a  Venste 
quarta  al  Suduesteestael  gonierno^S 
de  San  Vincente  y  la  Villa  quése^'» 
dize  de  Santos  en  Viente  y  quatro 
grodos,  5  un  tercio^'»  doxe  léguas  a 
Lueste  ''i  desta  Villa  de  santos  estan- 
los  sierras '"  de  Paranaplacaba  en  la 
cumbre  y  slano  délias  esta  La  Villa 
desan  ^«  Pablo,  donde  estan  Unas^'.' 
minas  deoro  3<^  muy  bucnas,  y  se  saca 
poco  por  la  percza  de  la  giente  de  la 


Angla  de  hs  Reyes 
oder     Sanio     Amaro. 

^o  meil  von  Rio  de  Enero  narh 
Westen  zii  Siidwcsten  '  liget  Cunî- 
pare,  ûnd  22  mcil  vorher  el  Angla 
de  los  Reyes,  und  daselbst  das  Schloss 
Unserer  1.  Fraûen  der  Empfengnûs. 
ist  ein  land  so  nicht  gar  volckreich 
ist,  A\  ird  sonsten  genand  Santo  Ama- 
ro an  der  Ghrafîschaft  de  Vimiciro, 
so  liget  unter  Brasil,  liget  auf 
23  -j  grad,  hat  16  meil  in  begriff, 
iind  '2  hafen  vor  kleine  schif,  welche 
genand  Averden  Tojùca,  Parasiibu^. 
Aûf  Angla  de  los  Reyes  werden  die 
schif  aiîsgebessert,  und  mit  proviant 
versehen,  welclie  nach  Suden  gehen, 
sie  haben  keinen  handel  in  die 
weite,  als  nùr  mit  Rio  de  Enero  vînd 
S.  Vincente.  der  handel  Avird  getrie- 
ben  von  sand  von  Brasilien  holz, 
von  bretern,  ûnd  viehe,  und  andern 
geringen  wahren. 

San  Vincente  i. 

12  meil  von  Gûrûpare  nach  Wes- 
ten zû  Sûdwesten  liget  das  land  von 
San  Vincente,  ûnd  das  Schloss  so 
genand  wird  de  Santos  aûf  24 
grad.  4,^  12  meil  von  diesen  Schloss 
nach  Westen  ligen  die  liinder  von 
Parana  piacaba'i.  aiif  der  spize  ist 
das  schloss  de  San  Pablo,  daselbst 
Goldgrûben  sind,  und  wird  wenig 
heraùsgebracht  wegen  der  faiilheit 
der  leût,  so  da  wohnen,  ûnd  ist  das 


I.  ciento  y  viente  tonclada  ;  —  2.  Anno;  —  3.  de  seiscientas;  —  4.  virg.  sup.;  — 
5.  uno;  —  6.,;  —  7.  virg.  sup.;  —  8.  veinle;  —  9.  nueslra;  —  10.  un  ;  —  11.  gouierno; 

—  12.  Santa  Amaro;  —  i3.   virg.  aj.  ;  —  i'i.  virg.  sup.;  —  i5.  virg.  aj.;  —  iG.,;  — 
17.  Garaluba;  —  18.  espalmar;  —  19.  refrescar  ;  —  20.,;  —  2t.,;  —  aa.  menadentias; 

—  23.  gouierno;  —  a.'i.  que  se;  —  25..;  —  aO.  al  Veste;  —  27.  stan  los  sierras;  — 
2S.  de  san;  —  29.  unas;  —  3o.  de  oro. 


I.  gen  Siid.;  —  2.  Tojuca,  Garatui)a;  —  3.  San  ^incento;  —  !t.  Paranaplacaba. 


LESSl.NG    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE 


47 


lierra  y  es  elmas  '  subido  que  se 
sabe  :  este  gonierno  -  de  San  Vi- 
cente  es  del  Conde  de  Monsantoso 
tiene  doze  legnas  '•  de  destricto  5 
trespuertos 'J  que  se  dicen  San 
Vicente,  Capinari  V  y  Bertioga  t> 
lodos  capazes  de  nanios**  de  lodo 
fondo,  porgne  tienen  '  "  seis,  ocho 
y  diez  bracas  de  fondo  de  baxa 
mar  '  ' ,  Puedense  fabricar  cada  ano 
en  ellos  seis  Galeones  de  a  ocho  —  '  ^ 
cientos  toneladas'3  cada  uno^'i, 
Carganen  el  doze  navios  jDara  An- 
gola, y  la  Costa  del  Brasil  de  los 
frutos  delà  tierra,  que  son  trigo, 
açucar  '  ">  conservas  de  todo  genero  '  6 
algodon,  y  Liencos''/  del  para  todo 
servicio,  hierro,  y  mûchas  carnes  '  !^ 
vale  su  comercio  sinquenta  mil 
escudos,  y  de  Cargas  quinienlos 
escudos,  tiene  dos  ingenios  de  açu- 
car'9,  très  herrerias  ^  "^"j 


beste  gold  so  man  Aveis.  dièses  land 
de  San  Vincente  ist  des  Ghralîen  von 
^lonsanto,  bat  12  meil  in  district, 
ûnd  3  hafen,  Avelche  genand  A\erden 
San  Vincente,  Capinari  '  und  Ber- 
tioga kônnen  dar  allerley  schif  ein- 
lav'ifFen.  haben  6,  8,  und  10  ellen 
gri'md  im  wasser.  Es  kônnen  iahrlich 
gebaûet  Averden  6  galeonen  von 
800  last.  ein  iedr.  Es  Averden  12  schif 
geladen  nach  Angola,  und  dcr  kûste 
von  Brasil,  von  den  frûchten  des 
landes,  Avelche  da  scind  getreid. 
zi'icker  conserv.  von  allerley  art. 
baûmwoll.  ûnd  leinAvand.  aiîf  aller- 
ley art.  eysen  und  viel  fleisch.  die 
handlng  Avird  geschezet  auf  ^  Ci'o- 
ncn^,  die  ladung  5oo  Cronen.  es  bat 
ZAACyerley  art  zùckero. 


Cananea. 

De  San  Vicente  treinta  y  très  lé- 
guas al  sudueste  -  '  esta  el  govierno  de 
la  Cananea,  su  pueblo  en  Viente^^ 
y  sinco  grados  australes,  tiene  qua- 
renta  léguas  de  destricto,  un  pûcr- 
to-3  que  se  dize  Incaduarà^'i  capaz 
de  baxeles  de  ciento  y  sinquenta 
toneladas,  y  es  de  la  Condeça  ^  5  de 
Vinverro^tj  si'igeto  al  del  Brasil,  esta 
poco  poblado,  y  assy  nu  le^'/  poco 
su  comercio,  que  nolo^?^  tienne 
Mas^l'  que  con3°  sano'  Vicente,  y 
se  compone  de  algodon.  tabaco,  ha- 
rinasdepalo,  carnes,  y  pescado,  de  que 
es  muy  ferrilo^,  no  tienne  mas  car- 
gas, que  lo  que  sedâ  a  un  Clerigo33, 
Puedense  fabricar   cada   ario34  seis 


Cananea  '1 . 

33  meil  von  San  Vincente  nach 
Sud  Avesten  ist  das  land  de  la  Ca- 
nanea .">,  auf  20  grad,  bat  ^o  meil  in 
begrifl",  eincn  hafen  wird  genand 
Incadi'iara  und  kônnen  dar  einlaûflen 
schif  von  lôo  last.  und  gehôret  der 
Ghrâfïin  Aon  Vinveiro,  ist  ùnter 
Brasil,  und  nich  volckreich,  und 
bat  dahero  Avenig  handel.  nûr  allein 
mit  San  Vincente  und  ist  der  handel 
von  baiiniANollen  Toback,  sand'i  von 
Brasilien  holz,  fleisch,  und  fische- 
rey.  davon  es  aber  fleissig7  bat.  es 
wird  nicht  mehr  geladen  aiif  schif. 
Als  Avas  man  einem  Gheistlichon 
giebt,  und  zukoîîïen  lest.  Es  kônnen 
iahrlich  gebaûet  Averden  0  patachen 


1.  cl  mas;  —  :;.  gouierno;  —  3.  s  inférieur  supprima  et  remplace  par  ,; 
!t.  léguas;  —  5.,;  — 6.  très  puertos;  —  7.  Capiuari;  —  8.;;  —  9.  nauios; 
10.  tiener;  —  11.  baxamar;  —  12.  —  sup.;  i3.  ,;  —  i4-  •■;  —  i5.,;  —  16.,; 
17.  lienços;  —  18.,;  —  19.  acucar;  —  20.  virg.  sup.;  —  21.  Sudueste;  —  22.viente; 
a3.  pucrto;  —  24.,;  —  aS.  Condeça;  —  aê.,;  —  27.  y  assyna  le;  —  28.  no  lo; 
39.  mas;  3o.  con  sup.;  —  3i.  San;  —  32.  fertil;  —  33.,;  —  34.  ano. 


1.  Capiuari;  —  2.  4^  Grouea; —  3.   zwey  Zucker^  Miihlen  ;  —  4.  Cananea; 
5.  id.;  —  G.  Melil  ;  —  7.  cincn  grossen  Ueberiluss. 


'|8         COMKIULTIONS    A    l'ÉTLOE    DE  LHISI'AJMSME    UE    G.    E.     LESSING 

pataches'  oCaraullas^  de  ciento  y  odei-     Caraùellen'    von     i5o     last. 

sinquenta  toneladas,  porque  tienne  dann  es  holzûng  hat  an  allerley  art. 
maderas  de  todo  Genero  para  ellos  3 . , 


San  Anna. 

De  la  Gananea  setenta  léguas  al 
sudulstei  en  Viente  y  nueneô  gia- 
dos  australes  esta  el  Rio<3  y  tierras 
de  Upana",  y  antes  del  en  Viente  y 
siete  grades  esta  otro  goniernoS, 
que  se  dize  Santa  Ana  9,  y  se  llama'  "^ 
la  tierra  de  los  pactes  '  ■ ,  tiene  qua- 
renta  léguas  de  destricto  por  la 
marina,  dos  puertos  para  base  eles'  ^ 
de  duzientas  toneladas  que  sedizen., 
Baisaga  sur  '3,  y  siîparabu  "  i,  es  del 
Conde  de  Monsanto  que  la  empieca 
agora  a  poblar  des  de  san  Vicente, 
conqui  en  tiene  solamente  '  ô  conier- 
cio'<),  Puedense  en  el  fabricar  cada 
ano  seis  naûios  '  "  de  a  ducientos 
toneladas  cada  Lno'i^,  Aqui  ay  mu- 
chos  Indios  naturales  de  la  tierra '9 
nûestros  amigos,  la  mayor  parte 
dellos  podrian  ser  de  mucha  Utili- 
dad^°  assy  para  ellos,  como  para- 
los  -  '  Espano  les  ^  ^  su  amistad  y 
conservation. 

UPAVA. 

Noventa  y  seis  léguas  al  sudueste^S 
quarta  del  sur  ^4  esta  el  Rio  grande 
cntreinta  y^ô  dos  grados  australes, 
es  angosto^6  a  la  boca  con  poco  fon- 
de, y  muy  ancho  a  la  tierra  ad  entro, 
y  sessanta  léguas  por  el  ariba  ny^/ 
Unas^f5  minas  decobre^P  de  mucha 
importancia,  y  toda  esta  tierra  de  la 
Gananea  hasta  el  Rio  de  la  PlataS^ 
que  son  duzientas  y  treinta  y  quatre 


Santa  Anna. 

70  mil  de  la  Gananea  -  nach 
Sûdwesten  aiif  29  grad  liget  der 
flùss  und  das  land  von  Lpana3,  ûnd 
vor  denselben  aùf  27  grad  ist  ein 
ander  land,  welches  genand  Avird 
Santa  Anna,  und  Sellama,  das  land 
de  los  pactes  i  hat  4o  meil  in  ùmb- 
kreys  nach  der  Seekant,  2  hafen  vor 
schif  von  200  lasten,  und  werden 
genand  Baisaga  Sûr  î.  und  Siiparaba. 
gehôrt  dem  Ghraffen  de  Monsanto, 
der  es  nùn  erst  bewohnet  macht 
von  San  Vincente,  mit  denselben 
land  hat  es  allein  gewerb.  Es  kônnen 
iàhrlich  gebaùet  w  erden  6  schif  von 
200  last  ein  iedes  hier  hat  es  aIcIO 
geborne  Indianer  se  ùnsrer  freund 
seind,  die  meiesten  kondten  nûzen 
schafen,  se  wol  ver  sich,  als  vor  die 
Spanische.  Avann  sie  freùnd  bleiben. 


Upaûal . 

96  meil  nach  Sûdwesten  ist  el  Rio 
grande,  auf  82  grad,  ist  eng  in  den 
mûnd,  und  hat  wenig  grûnd,  aber 
sehr  weit  nach  den  land  hinein, 
60  meil  hinaùf  hat  es  KûpfTer  berg- 
werck  die  da  reich  seind.  das  ganze 
land  de  la  Gananea  8  biss  zù  den 
flûs  de  la  Plata,  se  da  seind  284  meil 
nach  der  Seekant  ist  sehr  velckreich 
von  gebernen  Indianern.   ûnd  die 


I.  petachcs;  —  2.  Garaueles  ;  —  3.  vlrg.  sup.;  — 4.  Sudueste;  —  5.  nueue;  — 6.,;  — 
7.  Upaua;  —  8.  gouierno;  —  9.  Ana;  —  10.  sellama;  —  11.  Pactos;  —  12.  baxeles;  — 
10.  que  se  dizeii  Baisaguazu;  —  i4.  Suparaba;  —  i5.  Solamenta;  —  iG..;—  17.  nauios; 
—  18.  uno;  —  19.,;  —  20.,;  —  21.  paro  los;  —  22.  Espanoles;— 23.  Sudueste;  — 
L>4.  Sur;  — 25.  en  treiuta  y;  —  26.  angosta;  —  27. av; — 28.  unas;  —  ag.dccobre;  — 
3o.,. 


I.  Caravellcn;  —  2.  Gananea;  —  3.  Upava;—  h.  ...  Santa  Anna.  Es  heisst  das  Land 
de  los  Pactos; —  5.  Baisaguazu;  —  C.  ...ein  jedes.  Hiergiebles  viel...;—  7.  Upava;  — 
8.  Gananea. 


LES81NG    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE 


^0 


léguas  de  dislancia  por  la  marina  ' 
es  muy  poblada  de  Indios  naturales 
de  la  tierra,  >  los  mas  dellos  no  son 
domesticos,  pero  séria  facil  traellos 
a  nuestra  amistad  con  grande  nu- 
mento  de  la  cultibacion  de  sus 
aimas. 

Des  de  el  Rio  grande  setenla  lé- 
guas al  sedueste^  en  treinla  y 
sinco  grades  esta  el  caboS  de  Mal- 
donado  por  estar,  enfrente'i  de  la 
Isla  de  Maldonado  a  qui  acaban  las- 
tierrasô  del  Brasil  y  Principia''  la 
boca  del  Rio  delà  plata,  que  es  y  a 
goniernoV  del  Peru. 

Del  cabo  de  ^laldonado  quarenta 
y  seis  léguas  al  suduesteiS,  que  es 
la  9  boca  del  dicho  Rio  delà  '^  Plata 
esta  el  cabo  '  '  de  San  Antonio  en 
treinta  y  seis  grades  y  medio.  Y  del 
dicho  cabo  '  ^  de  Maldonado  Ireinta 
léguas  a  sucste  '  3  esta  Montenideo  '  '• 
porel  Rio  de  la  Plata  ariba. 

De  Monte  nideo  '  ô  treinta  léguas  al^ 
neste  '  G  quarta  al  sudo  este  '  /  atra- 
nessando  '  S  el  Rio  esta  la  Cuidad  '  9 
de  Buenos  Aires  en  la  tierra  dela^° 
banda  del  sur^'  del  dicho  Rio  en 
treinta  y  seis  grados'^  esel  Peri'i. 


meisten  seind  wild,  doch  kondten 
sie  leichtlich  zv'i  was  gezogcn  werden 
mit  grossen  vortheil.  und  erbawung 
ihrer  Seclen. 

70  meil  nach  Sûdwesten  *  aûf  35 
grad  liget  el  Cabo  de  Maldonado. 
weiln  es  liget  gegen  der  Insel  de  Mal- 
donado liber  ^.  hier  endiget  sich  das 
land  von  Brasil,  und  fenget  an  der 
mûnd  des  ttdssesde  la  plata,  welcher 
gehôret  zu  den  land  del  Perû  ! 

^  meil  von  Cabo  de  Maldonado 
nach  SûdAvesten,  da  der  mi'md  ist 
des  tlûsses  de  la  Plata  liget  el  Cabo 
de  San  Antonio  aûf  30  4-  grad.  und 
3o  meil  von  Cabo  de  Maldonado 
nach  Sûdwesten  Montenideo  3.  hin- 
aûfwerts  gegen  den  flûs  de  la  Pla- 
ta, 3o  meil  von  Montenideo  nach 
Westen  zû  Sûden.  ûnd  lliesset  aber 
qûer  der  flûs,  liget  ^  die  Stadt  de 
Buenos  Aires  gegen  Sûden  von»  den 
flûs,  aûf  36  grad  liget  PerûO  ! 


Nous  avons  noté  que  Lessing  attribuait  gracieusement  à  Leisle  la 
correction  de  «  quantité  »  des  ((  absurdités  »  de  l'ancienne  traduction 
allemande,  mais  qu'il  avait  cru  devoir  formuler  une  prudente  réserve. 
Leiste,  ajoutait-il,  ne  se  pique  pas,  dans  sa  modestie,  d'avoir  supprimé 
toutes  les  fautes  du  vieux  texte'.  Cependant,  il  ne  citait  qu'une 
seule  des  corrections  de  Leiste  :  Ingénias  de  Aziïcar,  que  le  traducteur 
primitif  rendait  par  Arien  Ziicker,  et  qui  a  été,  en  effet,  rectifié  en 
Zackermûhlen.  Leiste  nous  a,  d'autre  part,  confessé  comment  il  s'était 


1.  ,;  —  2.  Sudueste; —  3.  Cabo;  —  ^.eiifunte; — 5.  las  Tieras;  — 0.  principia;  — 
7.  gouicrno;  —  8,  Sudueste;  —  g-  a;  —  10.  de  la  ;  —  11.  Cabo;  —  12.  Cabo;  — 
i3.  Sueste; —  i'a-  Monleuidco;—  i5.  Monte  uideo;—  16.  Veste;  —  17.  Sudueste; 
—  i8.  atrauessando;  —  19.  Ciudad  ;  —  20.  de  la  ;  —  21.  Sur;  —  22.  ,. 


I.  70  Meil  von  Rio  grande  nach  Sûdwesten;  —  2.  aber;  —  3.  Montevideo;  — 
4.  ...zu  Sùden,  queer  iiber  den  FIuss,  lieget...;  —  5.  bey;  —  0.  ...  auf  36  Grad,  und 
gehôrt  zu  Peru. 


I.   Vorherichl,  p.  12...  c<  Ob  er  sich  schon  nicht  verinisst,  dergleiciien  V«rgcliungcn 
aile  gelioben  zu  haben.» 


5o        CONTRIBUTIONS    A.    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE     G.    E.    LESSING 

aperçu  que  ingenio  de  azûcar  ne  pouvait  point  signifier  :  Art  Zucker. 
Dans  les  Anmerkungen  de  l'édition  de  1780,  il  écrit  p.  87  :  Der  deutsche 
Uebersetzer  hat  hier  iind  in  dem  folgenden  Ingenio  durch  Arten 
Lihersetzt  :  dos  ingenios  acucar  (sic)  heiszt  bei  ihni  zwey  Arten 
Zucker.  Das  liesse  man  nun  noch  gelten  (!!!).  Wenn  er  aber  von 
Itamarka  (sic)  sagt,  dass  es  daselbst  ISerley  Arien  gebe,  iind  dass 
Pernambiico  gar  lôOerley  Arten  Zucker  habe;  so  braucht  man  kein 
Spanisch  zu  verstehen,  um  so  gleich  zu  urtheilen,  dass  dies 
falsch  iibersetzt  sey.  »  Ce  franc  aveu  en  dit  assez  long  sur  les  connais- 
sances linguistiques  du  collaborateur  de  Lessing  et  nous  dispense  de 
commentaires.  Au  demeurant,  il  n'était  besoin  que  d'ouvrir  le  plus 
élémentaire  dictionnaire  castillan  —  à  commencer  par  celui  de  Sobrino, 
alors  si  fort  en  crédit  i  —  pour  y  trouver  le  sens  de  cette  expression 
technique  courante,  de  même  que  la  lecture  de  l'ouvrage  indispen- 
sable de  Sebastiaô  da  Rocha  Pitta  —  que  les  deux  éditeurs  de  Cudena 
ignorent,  bien  que  ce  fût  —  et  que  ce  soit  encore,  Cf.  Ch.  Leclerc, 
Bibliotheca  americana,  Paris,  1878,  p.  A26  —  la  meilleure  histoire  de 
l'Amérique  portugaise,  et  qu'elle  eût  été  signalée  aux  érudits  européens 
par  les  Mémoires  de  Trévoux'^  —  suffisait  pour  renseigner  amplement 
sur  l'aspect  et  le  fonctionnement  des  Engenhos  brésiliens 3,  La  compa- 

1.  Dieze  (Velà:quez,  p.  126,  note  à  la  p.  12 2)  avoue  que  les  étrangers  se  servent,  pour 
apprendre  l'espagnol,  de  la  grammaire  et  du  dictionnaire  de  Sobrino,  qu'il  déclare 
très  mauvais.  Et  il  recommande  la  Nouvelle  mélhode  de  Porl-Uoyal  (Paris,  i065)  et  la 
Grammaire  espagnole  de  l'abbé  de  N'ayrac  (Paris,  171 /i,  in-8).  Mais  en  septembre  1755, 
le  Journal  étranger  déclarera  encore  que  le  Sobrino,  dictionnaire  et  grammaire,  est  le 
meilleur  instrument  de  travail  qui  existe  (p.  147).  Le  Sobrino  (Diccionario  nuevo  de 
las  lenguas  espanola  y  francesa)  parut  en  deux  vol.  in-A  à  Bruxelles  en  1706,  puis  en 
1731  et  en  1733,  revu  par  l'auteur,  qui  ne  put  cependant,  étant  mort  la  même 
année,  achever  la  révision  de  l'édition  de  1783.  L'ouvrage  en  était,  en  17O0,  à  sa 
sixième  édition.  En  1776,  parut  le  Sobrino  aumentado,  par  Francisco  Carmon,  Maestro 
de  arles  de  la  L'niversidad  de  Paris,  y  de  Lengua  Castellana  (Amberes,  de  Tournes,  3  vol. 
in-4)  avec  la  traduction  latine  des  vocables.  On  lit  dans  celte  édition  —  qui  fut 
vraisemblablement  celle  dont  Lessing-Lciste  se  servirent  —  t.  Il,  p.  i3/i:  Ingenio,  Se 
dit  des  machines  que  les  Ingénieurs  inventent.  Lat.  Machina...  Ingenio  de  azucar.  Moulin  à 
sacre.  Lat.  Machina  sacchari  extracloria.  Le  Sobrino  ne  disparut  de  l'usage  allemand 
que  quand  Er.  Aug.  Schmid  (7  1809)  —  ce  traducteur  du  Buscôn,  au  t.  li  (1781)  du 
Magazin  de  Bertuch,  que  ni  M.  E.  Mérimée  (Essai  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Fr.  de 
Queredo  [Paris,  i886|,  p.  '161)  ni  \V.  Feldmann  (Fr.  J.  Beriuch  [Saarbrûckcn,  1902], 
p.  70)  n'ont  identilié  —  eût  publié  à  Lpzg.,  1796-1805,  in-8,  son  Diccionario  Espaiiol 
y  Aleman  avec  préface  de  Bertuch.  —  N.  de  Séjournant,  dans  son  Nouveau  Dict.  Esp.- 
Fr.-Lat.  (Paris,  1709,  in-4),  traduisait  aussi  Ingenio  comme  il  convient,  p.  699,  t.  1. 
De  même  le  capitaine  Stevens. 

2.  Mars  1739,  p.  552;  oct.  1739,  p.  2207-3351  et  janv.  1740,  p.  49-94.  H  va  sans 
dire  que  si  Lessing  et  Leistc  avaient  eu  connaissance  de  l'œuvre  magistrale  de  Rocha 
Pitta,  ils  n'eussent  pas  songé  un  instant  à  donner  au  maigre  périple  du  mystérieux 
Cudena  une  importance  qui  ne  correspondait  nullement,  à  la  date  de  1780,  à  l'état 
de  la  littérature  géographique  hispano-portugaise  sur  l'Amérique  du  Sud.  C'est  cette 
ignorance  d'une  littérature  cependant  assez  riche  qui  dicte  à  Lessing  à  l'adresse  des 
Espagnols  la  j^hrase  dédaigneuse  du  Vorbcrichl  (p.  1 1  de  l'édit.  de  1780)  :  Nur  die  Volker 
sollten  die  Welt  besitzen,  irelche  die  W'clt  der  Welt  doch  wenigstens  bekannl  macheni 

3.  Sebastiaô  da  Rocha  Pitta:  Historiada  America  Portugueza  desde  0  anno  de  mil  e 
quinhentos  do  seu  Descobrimento,  aie  0  de  mil  e  setecentos  e  vinte  e  quatro,  etc.  (Lisboa, 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  5l 

raison  attentive  du  texte  espagnol  et  de  la  traduction  allemande  qui 
occupent  les  pages  précédentes  avec  les  variantes  dont  les  ont  enrichis 
Lessing  et  Leiste,  aura  démontré  suffisamment  à  quel  point  Lessing 
exagérait  en  déclarant  que  Leiste  avait  corrigé  «  quantité  »  d'absurdités 
du  manuscrit  original.  Cette  affirmation,  que  nous  nous  abstiendrons 
de  qualifier,  n'échappa  pas,  d'ailleurs,  à  la  critique  sagace  d'un 
contemporain,  lequel  publia,  au  51.  Stiick  du  Hannoverisches 
Magazin,  jeudi  27  juin  1788,  une  dissertation  signée  H.  L.,a  laquelle 
nous  reviendrons  bientôt,  et  où  je  trouve  la  remarque  malicieuse  que 
(i~ungeachtel  dièses  wahren  Urtheils  vonder...  Uebersetzung  [l'auteur 
vient  de  transcrire  le  jugement  de  Lessing  sur  la  valeur  de  l'ancienne 
traduction]...  ist  doch  Herr  Lessing  der  letztern  gefolgt,  und  hat  sie... 
als  zuverldssig  angenommen;  welches  sie  doch  keinesweges  ist  »  i. 

A.  da  Sylva,  1730),  p.  iQSeq.  —  Cet  ouvrage  est  un  in-V  de  716  pp.,  et  non,  comme 
Brunet  l'indique,  vraisemblablement  d'après  les  Mémoires  de  Trévoux,  un  in-folio.  — 
Lessing- Leiste  avaient  du  moins,  s'ils  ignoraient  Bocha  Pitta,  l'ouvrage  latin  de  lo. 
de  Laet  :  Novus  Orbis  \  seu  \  Descriptionis  |  Indiœ  Occidentalis  \  Libri  XVIII  \  Authore  | 
Jeanne  de  Laet  Antiverp.  \  etc.  Lugd.  Batav.  apud  Elzevirios,  A°  iG33;  pet.  in-fol.  de 
690  pp.  plus  l'Index  [ils  ne  connaissent,  d'ailleurs,  de  toute  la  littérature  hispano- 
américaine,  que  Laet  et  Gasp.  Barlaeus  {Rerum  per  octenniam  in  Brasilia  et  alibi  nuper 
gestarum  sub  praefectiira  Illuslrissimi  Comitis  I.  Mauritii,  Nassoviœ  etc.  Comitis,  etc. 
Historia.  —  Amstelodami,  lo.  Blaeu,  MDQXLVII,  in-fol.  de  34o  pp.  plus  l'Index).  Cf. 
Vorbericht,  p.  11].  Or  Laet  écrit,  p.  092  :  Scribit  Olyveira:  In  hisce  provinciis  Brasilien- 
sibas  plarimae  siint  machinae,  quibus  Saccharum  conjîcitur,  (Portugalli  vocant 
Ingénies),  etc. 

I.  Anmerkungen  liber  ein  Paar  Stellen  in  dem  Vorbericht  des  Herrn  Hofraths  Lessing 
zu  der  von  ihm  heriusgegebenen  Beschreibung  Brasiliens,  betreffend  die  vermeinte  Person 
eines  spanischen  Hauptmanns,  der  mit  seinem  Geschlechtsnamen  Maranon  y  Gran  Para 
geheissen  haben  soll,  lac.  cit.,  p.  8oi-8i4.  Lessing  était  mort  depuis  plus  de  deux  ans 
lorsque  parut  cette  lumineuse  critique.  .Nous  savons,  du  moins,  l'ellet  qu'elle  pro- 
duisit sur  Leiste.  Mes  recherches  m'ont  fait  découvrir,  dans  un  livre  du  jésuite  Franz 
Xavier  Veigl,  ancien  missionnaire  de  la  province  de  Maynas  et  correspondant  de 
Leiste,  intitulé  :  Griindliche  Nachrichten  liber  die  Verfassang  der  Landschaft  von  Maynas 
in  Siid-Amerika  bis  zum  Jahre  1768,  etc.  (Niirnberg,  Zeh,  1798,  in-8  de  6ii  pp.),  une 
lettre  adressée  à  l'auteur  par  Leiste,  après  lecture  de  l'article  du  Hann.  Magazin,  et  que 
nous  reproduirons  tout  à  l'heure.  Elle  constituera  la  digne  conclusion  de  cette 
première  partie.  Cependant  il  semble  que  dès  l'époque  de  la  publication  du  périple 
de  Cudena,  le  bon  recteur  de  Wolfenbûttel  ait  vaguement  soupçonné  que  s?  méthode 
philologique  n'était  pas  exemplaire.  Dans  le  ror6e/-(c/i<mispar  lui  en  tète  de  l'édition 
de  1781  —  celle  du  6.  Beytrag  de  :  Zur  Geschichte  und  Litteratur  —  et  daté  5.  May  1781, 
il  a,  galamment,  rejeté  sur  Lessing,  défunt  et  qui  ne  pouvait  se  défendre,  l'incongruité 
du  procédé  éditorial  suivi  en  1780  et  auquel  il  n'a  cependant  pas  fait  subir  la  moindre 
modification.  Du  moins,  a-t-il  formulé  en  cette  place  l'aveu,  inappréciable  du  point 
de  vue  qui  est  le  nôtre,  que  seules  les  «  corrections  »  apportées  à  l'ancienne  version 
allemande  étaient  de  lui,  ce  qui  met  sous  un  jour  plus  cru  l'impéritie  castillane  de 
Lessing.  «  Dass  die  allé  deutsche  Uebersetzung,  ajoute-t-il  (p.  23),  deren  nothwendige 
Berichtigung  mir  mehr  Mûhe  gekostet  hat,  als  eine  ganz  neue,  beybehalten  ist,  hat, 
wic  man  aus  des  seligen  L.  Vorberichte  sieht,  nicht  auf  meine  Wahl  beruhet.  »  Sous 
peine  de  méconnaître  en  Lessing  cette  merveilleuse  logique  qui  fut  Tune  des  forces 
de  son  génie,  il  faut  admettre  qu'au  fond  et  malgré  sa  prudente  déclaration,  il  s'ima- 
ginait que  les  corrections  de  Leiste  rendaient  superflue  une  version  entièrement 
nouvelle,  et  que  s'il  eût  eu  le  moindre  soupçon  des  contresens  qu'elle  laissait  passer, 
il  n'eût  pas  consenti  à  autoriser  de  son  nom  un  si  mauvais  travail.  Mais  l'origine  de 
ce  malentendu  part  de  sou  ignorance  du  castillan. 

C.    PITOLLET.  5 


02         CO>tulHUTlO>'S    A    l'ÉTUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    t^ESSlNG 

Il  ne  manquait,  en  vérité,  que  cette  incomparable  édition  de  Cudena 
pour  convaincre  de  leur  erreur  les  plus  réfractaires  partisans  de  l'au- 
thenticité de  l'hispanisme  de  Lessing.  Or,  jusqu'à  présent,  nul  parmi 
eux  n'a  daigné,  je  ne  dirai  pas  lui  attribuer  l'importance  extrême 
qu'elle  possède,  mais  —  à  part  les  deux  mots,  cités  plus  haut,  de 
K.  Redlich,  que  personne  n'a,  d'ailleurs,  relevés  —  simplement  la 
mentionner.  Voilà  pourquoi  il  importe  que  nous  insistions  sur  les 
bévues,  dignes  du  pire  tû^o  grammatlcus,  que  Lessing  et  son  collabo- 
rateur ont  commises  en  face  d'un  document  entièrement  simple  et 
qu'ils  présentent  comme  un  joyau  géographique  de  premier  ordre. 
Nous  ne  nous  arrêterons  pas  sur  la  quantité  de  graphies  copiées  telles 
quelles  quand  il  eût  fallu  les  rétablir,  ou  corrigées  quand  elles 
étaient  exactes.  Dès  le  début,  on  s'étonne  de  lire  discripcion,  esto 
(abréviation,  non  comprise,  de  estado)  per  (corrigé  du  correct  por  du 
manuscrit),  etc.,  etc.  A  la  rigueur,  l'on  se  remémore  la  déclaration 
de  Lessing,  transcrite  précédemment,  l'on  songe  que  peut-être  les 
éditeurs  ont-ils  voulu,  de  la  sorte,  conserver  à  leur  texte  son  cachet 
archaïque,  que  per  au  lieu  de  por  n'est  qu'une  faute  d'impression 
(qu'il  aurait  fallu,  cependant,  corriger  dans  l'édition  de  1781,  où 
aucune  retouche  n'a  été  faite)  et  l'on  invente  ces  mille  excuses  bien 
intentionnées  que  les  lapsus  des  génies  inspirent  à  la  gent  timorée 
des  pédagogues.  A  mesure,  pourtant,  que  Ton  avance  dans  la  lecture 
de  l'élégant  petit  volume  de  1780,  l'accumulation  d'élémentaires 
bévues  finit  par  déconcerter,  et  l'on  se  sent  contraint,  quitte  à 
commettre  le  plus  noir  des  sacrilèges,  en  fermant  le  livre,  ein  fiir 
allemal,  de  passer,  d'un  cœur  léger,  condamnation  de  l'hispanisme, 
de  cette  forme  primordiale  et  sine  qaâ  non  de  l'hispanisme  :  ta 
connaissance  des  rudiments  du  castillan,  chez  Lessing.  Il  serait  fasti- 
dieux de  relever  toutes  les  bévues  que  décèle  l'édition  de  «  Maranon  »  : 
seules  les  plus  massives  méritent  quelques  mots  : 

Dédicace...:  sin  dano  de  la  verdad,  aunque  con  menoscabo  de  la  largueza  : 
mit  Grand  der  Wahrheit.  Dans  le  même  S  :  esta  pequena  muestra  de  maravil- 
losas  obras  de  naturaleza  :  dièse  kleine  Darstellung  ihrer  wunderlichen  natûr- 
lichen  Wirknngen.  Ce  ihrer  est  rattaché  au  vocable  Lànder,  traduisant  sitios, 
de  la  phrase  précédente  festa  relacion  brève  de  grandes  sitios  y  esta 
peqaena,  etc.'J. 

S  I.  En  la  caal  [la  boca  del  rio]  y  por  el  [rio]  arriba  :  In  and  iiber  demselben 
[dem  Fiasse  Amazonas].  Même  S,  à  noter  le  «  Caftell,  so  genannt  wird  San- 
tingo.  »  Lessing-Leiste  ne  connaissent  même  pas  Santiago.  Id.  :  [maderas] 
faciles  de  traer  à  do  se  tiubiere  [il  n'était  pas  difficile  de  reconstituer  ainsi  le 
a  deserbiere  du  manuscrit]  de  fiacer  la  fâbrica  :  [das  Holz]  kann  gebraucht 
werden  za  luai  man  nnr  will. 

1 
S  Brasil  :  1res  y  cuatro  brazas  :  3  -  ellen. 


à 


Lessing  et  la  langue  castillane  53 

S  Rio  Grande:  bajios:  Klippen.  L'expression  est  du  vieux  traducteur.  Au 

5  /,  elle  se  présentait  également.  Mais,  là,  les  récifs  sont  devenus  bancs  de 
sable  :  porqae  hay  mnchos  bajios  :  denn  es  viel  Sandbànke  hat. 

S  Parayba  :  la  ciudad  de  Filipea  de  Nuestra Senora  de  las  Nienes  [i.  e.  Nieves; 
mais  Lessing,  qui,  fils  de  luthériens,  ne  sait  ce  que  c'est  que  Notre-Dame 
des  Neiges,  met  :  naciones]  :  die  Stadt  von  Filipea.  Il  n'y  en  avait  pas  davan- 
tage dans  la  version  originale.  Leiste  a  pensé  :  «  ce  bloc  enfariné  ne  me  dit 
rien  qui  vaille  »  et  a  laissé  là  neige  et  nations. 

S  Sirigipe  del  Rey  :  enonze  grados  australes  [corrigé  :  en  onze,  comme  il 
convenait]  :  Auf  8  Grad.  Quelques  lignes  plus  bas  :  tiene  cuarenta  y  miene 
[i.  e.  naeve]  léguas:  hat  40  meil.  Lessing,  qui,  lorsqu'il  lui  est  arrivé  de  cor- 
riger exactement  le  texte  castillan,  le  doit  à  la  traduction  allemande  origi- 
nale, trouvant  dans  celle-ci  :  W,  n'a  plus  su  que  faire  de  ce  miene  et  l'a,  en 
conséquence,  traité  en  quantité  négligeable  ' . 

S  Bahîa  de  Todos  Santos  :  Nous  avons  vu  que  la  phrase  :  y  desde  la  dicha 
panta  San  Antonio  seis  léguas  al  sudueste  quarta  al  ueste,  que  es  lonnicho 
[c.-à-d.  lo  ancho]  de  la  boca  de  la  bahia,  haze  [c.-à-d.  hay]  la  punla  de 
Tinharé  [compris  par  l'ancien  traducteur  :  desviarse\,  rendue  dans  la 
version  originale  :  und  von  gedachter  Spitze  San  Antonio  6  Meil  nach  Sûd- 
westen,  ivelches  die  Hôhlung  [nicho.'jdst  von  der  Mûndung  de  la  bahia,  machet 
die  Spitze  abiveichen,  ayant  semblé  à  Lessing-Leiste  trop  «  kauderwàlsch  » , 
a  été  ainsi  reconstituée  :  und  von  gedachter  Spitze  San  Antonio  bestimmen 

6  Meilen  nach  Sûdwest  gen  West,  quer  iiber  die  Mûndung  gemessen,  die 
Breite  der  Bay.  Grammaticalement,  la  période  est  correcte.  Malheureuse- 
ment, elle  ne  correspond  plus  à  rien  dans  la  phrase  castillane,  que  l'ancien 
traducteur  avait  tâché,  en  dépit  de  la  syntaxe,  de  respecter. 

S  Isleos  :  la  villa  de  San  Jorge  :  das  Schloss  von  St.  Ghôrg  [corrigé  : 
Gorge];  au  S  Espiritu  Santo  :  la  villa  de  Corumbabo:  das  Castell  de  fsicj 
Corumbabo.  Au  S  San  Vincente:  la  villa,  que  se  dice  de  Santos:  das  Schloss, 

I.  Dans  ce  même  S  il  y  a  la  phrase  :  tiene  unas  minas  de  métal,  que  es  entre 
plata  y  estaiio,  que  se  dize  tutunaya  [corrigé  :  tutunagà]  :  es  hat  auch  einige  Bergwerk,  ist 
halb  Silber  und  halb  Zinn,  wird  genannt  tâtdnaga  [écrit:  Tutunagà].  Les  éditeurs 
n'avaient  qu'à  consulter  Barlaeus.  Ils  y  eussent  trouvé  d'intéressants  détails  sur  ce 
métal  qu'ils  ne  connaissent  pas,  puisqu'ils  en  écrivent  le  nom  de  travers.  Op.  cit., 
p.  3iG  :  <(Quac  in  monlibus  Seregippes,  [Itoabouhanas  (c.-à-d.  Itabaiana)  \ocanl], 
deprehenduntur  metalla,  post  crcbra  examina,  nuUius  esse  valoris  compertum. 
priraum  reperta  perhibentur,  imperante  hoc  Ludovico  de  Sousa,  per  Mamoluchum 
Melchiorem  Dias,  qui  conjectis  forte  in  micantes  lapillos  oculis,  argentuni  inesse 
arbitrabatur,  re  ad  Hispaniarum  regem  relata,  Sousius  jussus  aperire  montium 
sécréta  et  scrutari  hoc  arcanum,  vanas  spes  perditique  laboris  nuntium  Régi  suo 
rcmisit.  »  Le  métal  en  question  était  la  loutenugue,  en  portugais  :  tutenaga,  sorte  de 
tutie.  —  Au  S  suivant,  nous  avons  également  noté  que  Lessing-Leiste,  embarrassés 
par  le  vocable  incavanda  [corrigé  :  incaranda],  que  n'avait  pas  traduit  la  version 
primitive,  l'avaient,  comme  elle,  passé  sous  silence.  L'explication,  cependant,  s'en 
trouvait  dans  Laet  (op.  cit.,  p.  6i3)  :  Yacaranda  [i.  e.  Jacaranda]  pruno  arbori 
admodum  similis,  sed  foliis  latioribus,  flore  candido;  fert  fructuni  duorum  pugnorum 
magniludine,  et  ubi  coctus  fuerit,  edulem  :  barbari  cuquunt  ce  illo  pulmentnni  quuddani 
slomacko  imprimis  umicuni  et  salubre  quud  vocant  Manipoy.  » 


54         CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E      LESSlNG 

so  genannt  ivird  de  Santos.  A  ce  même  S  Isleos,  un  exemple  frappant  de 
la  manière  dont  Lessing  a  revu  le  texte  espagnol  :  francisco  de  Sa  à  de 
Meneses  de  l'original  [Saâ  de  Meneses]  est  transformé  par  lui  en  :  Francisco 
de  Sa  ô  de  Meneses.  Or,  la  version  allemande  originale  avait  —  et  a  conservé 

l'interprétation  vicieuse  :  Francisco  de  Sa  oder  von  Meneses.  Sa  méthode 

de  reconstitution  des  textes  est  on  ne  peut  plus  ingénieuse. 

S  Puerto  Seguro  :  y  en  medio  deste  Gobierno  de  Puerto  Seguro,  que  esta 

en  dieciseis  grados  y  medio y  los  Isleos,  hay  très  rios  :  und  mitten  im  Land 

ist  der  Hafen  Puerto  Seguro,  liget  auf  16{Grad wie  auch  los  Isleos, 

begreift  in  sich  3  Flùsse.  Voilà,  pourrait-on  conclure,  pourquoi  votre  fille 
est  muette. 

S  Espîritu  Santo  :  tiene  [et  gobierno  de  Espiritu  Santo]  cuarenta  léguas  de 
distrito  por  la  marina,  un  puerto  del  mismo  nombre,  y  otro  del  Rio  de  las 
Caravelas...  :  hat  [die  Regierung  del  Espiritu  Santo]  W  Meil  in  Umkreis  nach 
der  Seekante,  der  Hafen  hat  eben  diesen  Namen,  und  noch  einen  andern  an 
dem  Fluss  de  las  Caravelas.  Inutile  d'insister  sur  l'ingéniosité  de  l'interpré- 
tation :  le  port  d'Espiritu  Santo  s'appelle  d'abord  Espiritu  Santo  et  d'autre 
sorte  encore,  mais  se  trouve,  cette  fois,  sur  la  rivière  des  Caravelles.  On  ne 
saurait  imaginer  port  de  meilleur  caractère  ni  plus  amusante  géographie. 

S  Rio  de  Enero;  conserva  de  membrillos  :  Quiten,  conserv.  La  virgule  fait 
d'un  même  mot  deux  concepts  distincts  :  des  coings  et  des  conserves,  alors 
qu'il  s'agit  de  confiture  de  coings. 

^  Angla  de  los  Reyes  :  de  la  Condesa  de  Vimiciro  [au  paragraphe  Cananea, 
le  même  patronymique  apparaît  sous  la  forme  Vinverro  dans  le  texte 
castillan,  et,  dans  la  traduction  :  Vinveiro,  sans  que  Lessing-Leiste  se 
soucient,  ce  qui  n'était  pas  malaisé,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  de  reconstituer  la 
graphie  exacte']:  an  der  Grafschaft  de  Vimiciro. —  Même  paragraphe:  ... 
en  la  Angla  de  los  Reyes  van  a  espalmar  y  refrescar  los  enemigos  que  van 
para  el  sur;  no  tiene  màs  comercio  en  lanchas  que  con  el  Rio  de  Enero  y 
S.  Vicente...  :  auf  Angla  de  los  Reyes  loerden  die  Schiffe  ausgebessert,  und 
mit  Proviant  versehen,  ivelche  nach  Suden  gehen;  sie  haben^  keinen  Handel 
in  die  Weite  3  als  nur  mit  Rio  de  Enero  und  S.  Vincente. 

S  San  Vicente:  ...  estân  las  sierras  de  Paranapiacaba '^  ;  en  la  cumbre 
y  llano  délias  esta  la  villa  de  San  Pablo...  :  liegen  die  Lànder  von  Parana- 
piacaba:  auf  der  Spitze  ist  das  Schloss  de  (sic)  San  Pablo...  Même  S:  ... 
algodôn  y  lienzos  del  para  todo  servicio  :  Baumwolle  und  Leinwand  von 
allerley  Art... 


1.  Du  moins,  cette  fois,  condesa  est-il  rendu  par  Grdfin dans  l'ancienne  tra- 
duction et,  par  suite,  dans  Lessing-Leisle.  —  Il  s'agit  de  la  «  Condessa  do  Vimieiro  ». 

2.  Die  Schiffe.   Le   mot  enemigos  (traduit  par  Schiffe)  désigne   évidemment  les 
Hollandais,  qui  venaient  de  concjuérir  le  Brésil. 

3.  En  i'a/ic/ios  (compris  corn  me  s'il  y  avait  entes  ane/ias/)  équivaut,  dans  le  castillan 
de  Lessing,  k:  d  lo  lejos. 

4.  C.-à  d.:  Parananpiacaba.  Cf.  à  ce  sujet  Rocha  Pitta,  op.  cit.,  p.  i3i. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLAîSE  55 

S  Cananea  :  ...  esta  poco  poblado,  y  asi  vale^  poco  sa  comercio:...  nicht 
volkreich,  und  hat  dahero  ivenig  Handel.  A  la  rigueur,  la  traduction  peut 
passer.  Mais  comment  expliquer  que  cette  traduction  rende  la  correction, 
réalisée  par  Lessing  :  y  assyna  le  poco  su  comercio  ? 

§  Santa  Ana  :  Aqui  hay  muchos  Indios...  la  may or  parte  dellos  podrian  ser 
de  mucha  utilidad:  asi  para  ellos  como  para  los  Espanoles  su  amistad y  con- 
servaciôn...  :  Hier  hat  es  viel...  Indianer...  die  meisten  konnten  Niitzen  schajfen, 
80  wohl  fur  sich  als  fur  die  Spanischen,  wann  sie  Freunde  bleiben. 

S  Upava  :  pero  séria  fâcil  Iraerlos  [los  Indios]  â  nuestra  amistad  :  doch 
konnten  sie  leichtlich  zu  was  gezogen  werden.  Même  s  :  por  el  rio  de  la 
Plala  arriba:  hinaufwarts  gegen  den  FIuss  de  la  Plata... 

Nous  avons  réservé  pour  la  fin  quatre  des  plus  colossales  bévues 
de  Lessing-Leiste.  Bien  qu'ayant  corrigé  :  ingénias  de  aziicar  :  Zucker- 
mûhlen,  ils  n'omettent  pas  une  fois  de  traduire  la  phrase  :  sin  hacer 
dano  d  los  ingénias  :  und  thiit  der  Hôlzung  keinen  Schaden.  Il  était, 
cependant,  manifeste  qu'il  ne  pouvait  s'agir  de  «  bois  »  en  général, 
mais  uniquement  des  plantations  de  canne  à  sucre  et  de  l'activité  des 
fabriques  de  sucre  coloniales.  En  second  lieu,  le  cliché  tiene  de 
cargas  X  mil  escudos  est  infailliblement  rendu  :  was  geladen  wird  au/ 
Schiff  [ou  simplement  :  die  Ladung]  bringt  X  tausend  Kronen.  Même 
quand  ce  non-sens  apparaît  raclicalement  absurde,  au  §  Cananea: 
no  tiene  mâs  cargas  que  lo  que  se  da  d  un  clérigo,  Lessing-Leiste  n'en 
démordent  pas  et  transcrivent  intrépidement  la  phrase  du  vieux  tra- 
ducteur :  es  wird  nichi[s]  mehr  geladen  auf  Schiff,  als  was  nian  eineni 
Geistlichen  giebt,.  und  zukommen  lùsst.  La  confusion  était  si  mons- 
trueuse qu'elle  sauta  aux  yeux  du  critique  de  VAllgemeine  Deutsche 
Bibliothek^,  —  qui,  à  coup  sûr,  n'était  pas,  lui  non  plus,  un  hispani- 
sant redoutable,  —  et  qu'il  déclara  avec  candeur  qu'il  n'arrivait  pas 
à  saisir  «  Cudenas  Meynung  von  dem  Werih  der  Ladung  einer  jeden 
Provinz))^.  Troisièmement,  harina  de  palo,  que  la  version  originale 

1.  Il  est  évident  qu'ainsi  doit  être  rétabli  le  i<.assi  nu  le»  du  texte  original,  que 
Lessing  a  si  merveilleusement  reconstitué. 

2.  Allg.  Deutsche  Bibliolhek,  1780,  vol.  43,  /.  Stuck,  p.  211-214.  —  Dans  le  Vorberictit 
de  l'éd.  de  1781  (p.  i5-i6),  Leiste  disait  que  ce  critique  devait  être  le  professeur 
d'histoire  Sprengel,  de  Halle.  11  a  signé  Dg.,  et  c'était  bien  là  son  signe,  en  effet, 
dans  VAllg.  D.  Bibl. 

3.  Loc.  cit.,  p.  212.  Le  trop  subtil  Leiste  a  même  étayé  sur  cette  fausse  compré- 
hension du  terme  Ladung  l'ingénieux  raisonnement  que,  même  en  admettant  que 
les  120  navires  qui,  d'après  Cudena,  arrivent  annuellement  de  ces  territoires,  ne 
fussent  chargés  que  de  sucre,  il  n'en  eût  pas  moins  été  impossible  que  plus  de  cent 
sucreries  fussent  en  activité  auxdits  territoires.  En  conséquence,  concluait-il,  <'  ich 
vermuthe  daher,  dass  er  [Cudena]  dem  spanischen  Minister  durch  Vorrcchnung 
flO  grosser  Einkûnfte  [le  chiffre  des  Ladungen!]  aus  dieser  von  den  HoUândern 
damais  besessencn  Provinz  die  Lust  zur  Wiedereroberung  desto  mehr  hat  erregen 
wollen.  w  {Annierliungen,  p.  Sog  de  l'édition  de  1781,  au  t.  VI  des  Wolfenbiittler 
Beytrcige).  C'était  supposer  au  mystérieux  Cudena  des  intentions  patriotiques  sans 
doute  fort  toucjiantes,  mais  qui  ne  reposent  que  sur  un  contresens. 


56         CONTRIBUTIONS    A   l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

rendait,  comme  s'il  y  eût  eu  arena,  par  :  Sand  von  Brasilienholz , 
ineptie  par  trop  évidente,  est  traduit,  sauf  au  §  Angla  de  los  Reyes, 
où  le  vocable  Sand  subsiste,  par  Lessing-Leiste  :  Mehl  von  Bra- 
silien-Holz,  soit  u  farine  de  bois  de  Brésil  y^,  pure  absurdité.  C'est, 
est-il  besoin  de  le  noter,  Brotwiirzelmehl  qu'il  fallait.  L'adjonc- 
tion, au  S  Isleos  :  de  que  se  hace  el  casave,  était,  cependant,  assez 
précise  et  il  eût  suffi,  au  surplus,  d'ouvrir,  soit  De  Laeti,  soit 
Barlaeusa,  pour  y  trouver  tous  renseignements  sur  le  manihot,  dont 
la  racine  pulvérisée,  appelée  en  portugais  : /arm/îa  de  pao,  donne  le 
manioc,  sorte  de  pain,  en  castillan  :  cazabe,  ou  casave  (manioc). 
Venons-en,  enfin,  à  la  dernière  erreur  de  Lessing,  la  plus  caractéris- 
tique du  degré  de  son  «  hispanisme»,  celle  qui,  en  outre,  anéantit  la 
portée  scientifique  de  sa  publication  du  périple  de  l'énigmatique 
Cudena.  Il  ne  s'imaginait,  en  effet,  en  éditant  cet  obscur  manuscrit 
de  Wolfenbûttel,  rien  moins  qu'avoir  réalisé  une  découverte  géogra- 
phique d'une  nouveauté  extrême.  Le  hasard  de  ses  excursions  biblio- 
graphiques avait  voulu  qu'il  trouvât,  dans  la  riche  bibliothèque  dont 
il  était  le  chef,  non  pas,  certes,  dans  la  relation  originale,  mais  dans 
la  traduction  allemande  de  la  Relaciôn  histôrica  del  viaje  d  la  America 
méridional,  etc.  du  grand  marin  et  géographe  espagnol  Antonio  de 
Ulloa3,  un  passage''  où  il  est  dit  —  d'après  kg.  de  Zarate,  Historia 
del  descubrimiento  y  conquista  de  la  provincia  del  Perû,  Lib.  IV, 
cap.  U  (B.  A.  E.,  XXVI,  p.  libg-5']li)  —  que  le  fleuve  Amazone  ou 
Orellana  aurait  bien  pu  recevoir  sa  troisième  dénomination  :  Marahôn, 
d'un  capitaine  espagnol  de  même  nom  qui  l'aurait  pour  la  première 
fois  remonté,  hypothèse  qu'Lilloa  repousse  catégoriquement.  Sur  ce, 
Lessing  de  triompher  : 

«  Denn,  s'écrie-t-il,  dass  man  ûberhaupt  von  keinem  Spanischen  Haupt- 
manne  dièses  Namens  wisse;  dass  Zarate  einen  solchen  bloss  gemuthmasst 
habe  ;  dass  aile  andere  Geschichtschreiber,  als  von  einem  Wesen  der  Einbil- 
dung,  von  ihm  schweigen  :  das  ist  es,  was  ich  dcm  Don  Antonio  widerspre- 
chen  muss.  Ich  weiss  nehmlich  so  zuverlàssig,  als  man  dergleichen  Dinge 


1.  Op.  cit.,  p.  620:  Loco  pamim  aut  farris  utuntur  farina  e  radicibus  M&nioch... 
confecta,  etc. 

2.  Op.  cit.,  p.  3  25. 

3.  Madrid,  .\nt.  Marin,  1748,  4  vol.  in-4.  On  sait  que  l'ouvrage  a  été  écrit  en 
collaboration  avec  D.  Jorge  JuandeUUoa,  frère  de  l'auteur.  La  traduction  allemande 
est  au  tome  IX (Leipzig,  i-jôi)  de  l'Allgemeine  Historié  der  Reisen  za  Wasserundzu  Lande. 
L'aveu  de  Lessing,  qu'il  ne  connaît  Ulloa  que  dans  la  traduction  allemande,  se  trouve 
en  note  de  la  première  page  du  Vorbericht.  L'ouvrage  espagnol  avait  été  loué  l'année 
après  son  apparition  dans  les  Gôttingische  Zeitungen  von  gelehrten  Sachen,  io4.  Sliick, 
a3  oct.  1749,  p.  827-828.  <(  Wir  hoffen,  y  lit-on,  dièses  schône  Werk  um  desto  cher 
ûbersetzt  zu  sehen,  je  unmôglicher  es  einem  Reisenden,  der  kein  Spanier  ist,  fâllt,  in 
den  Spanischen  Pflanzslâdten  diegehôrigen  Anmerkungen  zu  machen.  »  (P.  827.) 

4.  P.  285  de  la  traduction  allemande  précitée.  (Lib.  VI,  cap.  V.) 


LESSING    ET    LA    LANGUE    G  VSTTLL ANE  Ol 

nur  wissen  kann,  dass  es  allerdings  einen  Maranjon  '  gegeben,  der  mit 
seinem  voUstàndigen  Geschlechtsnamen  Maranjon  y  Gran  Para  hiess,  an 
welchen  man  hier  wohl  denken  kônnte,  indem  ihm  die  Entdeckungen  und 
geographische  Bestimmung  eines  grossern  Stûck  Landes  in  Amerika 
beygelegt  wird,  als  nur  imraer  von  einem  Seefahrer  zu  rûhmen  ist;  und 
sich  dieser  nehmlich  von  ihm  entdeckte  Strich  Landes  gerade  von  dem 
Amazonenflusse  oder  Maranjon  anfângt.  Freylich  folgt  daraus  noch  nicht, 
dass  dieser  Fluss  von  ihm  den  Namen  habe,  weil  ich  in  eben  der  Quelle, 
die  mich  von  seinen  Entdeckungen  unterrichtet,  auch  finde,  dass  er  unter 
gleichem  Himmel  ohngefàhr  geboren,  und  er  eben  so  wohl,  ja  noch  cher, 
den  Namen  von  dem  Flusse,  als  der  Fluss  den  Namen  von  ihm  erhalten 
haben  kônnte.  » 

La  trouvaille  de  Lessing  est  donc  la  suivante  :  «  Maranôn  y  Gran 
Para  »,  ainsi  s'est  appelé  le  capitaine  hispano-américain  auquel  l'uni- 
vers civilisé  est  redevable  de  la  découverte  de  cette  vaste  portion  de 
l'Amérique  méridionale  qui  s'étend  de  l'embouchure  de  l'Amazone 
au  Rio  de  la  Plata.  Cette  trouvaille,  véritablement  neuve,  annoncée 
dans  les  termes  radieux  qu'on  vient  de  lire,  s'appuie,  particularité 
rare,  sur  un  fait  d'ordre  grammatical.  Parmi  les  «  absurdités  »  de 
l'ancienne  traduction,  il  en  est  une,  justement,  qui  a  plus  spéciale- 
ment frappé  Lessing  : 

«  Unter  jene,  écrit-il,  gehôrt  der  ^Fehler,  welcher  selbst  auf  dem  Titel 
stehen  geblieben,  durch  den  der  alte  Uebersetzer  aus  dem  nothwendig 
zusammengehôrenden  Namen  «  Maranjon  y  Gran  Para  »  zwey  verschiedene 
Personen  gemacht  bat,  wovon  die  eine  Maranjon  und  die  andere  Grand 
(sic)  Para  geheissen.  » 

L'ancienne  traduction  rendait  ainsi  le  titre  espagnol  du  périple 
(Descripciôn  de  mil  y  treinta  y  ocho  léguas  de  tierra  del  Estado  de 
Brasil,  Conquista  del  Maraiion  y  Gran  Para,  por  sus  verdaderos 
rumbos,  etc.)  :  «  Beschreibung  der  Lànder  von  Brasil  auf  1038 
Meilen,  so  erobert  und  erfunden  sind  worden  von  Maranon  und  Gran 
Para,  durch  ihre  richtige  Seecompas...))  L'a  absurdité»  consistait  donc 

I.  Nous  verrons,  dans  la  seconde  partie  de  ce  travail,  que  Lessing  se  moque 
cruellement  de  Jôcher  parce  que  ce  laborieux  érudit  a  négligé  d'imprimer  certains 
vocables  espagnols  avec  des  n.  Or,  non  seulement  il  conserve  la  graphie  Maranon, 
à  côté  de  Maranon,  mais,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué  et  comme  on  en  voit 
ci-dessus  la  nouvelle  preuve,  il  transcrit,  exactement  comme  Jôcher  :  Maranjon. 
C'est  en  vain  qu'il  croit  devoir  s'excuser  de  ce  procédé  à  la  page  3  du  Vorbericht 
(éd.  de  1780)  en  alléguant  que  «  das  Spanische  nicht  doppelte  sondern  circumflectirte 
n  ...  in  unsern  Druckereyen  nicht  gebrâuchlich  ist.  »  Cette  défaite  maladroite  ne 
signifie  rien,  puisqu'il  emploie  quand  bon  lui  semble  la  graphie  Maraûon  (nous 
n'insisterons  pas  sur  la  valeur  pliilologique  de  l'explication  de  cet  n  «  nicht  doppelt, 
sondern  circumjlectirt  »).  Il  fallait  ou  ne  pas  l'employer  du  tout  —  et  alors  l'excuse 
ci-dessus  aurait  eu  du  sens  —  ou  l'employer  constamment,  ce  qui  était  possible, 
puisque  le  signe  n  existait  à  l'imprimerie  de  la  Waisenliausbuchhandlung  à  Brunswick. 
En  outre,  la  graphie  Maranôn,  nécessaire  en  tant  que  reproduction  du  texte  espagnol 
de  Cudena,  eût  dû,  dans  la  traduction  allemande,  être  substituée  par  la  dénomination 
portugaise  :  Maranhaô,  qui,  géographiquement,  était  la  seule  exacte. 


58        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    I.ESSINO 

à  parler  de  deux  personnages,  quand  il  n'y  en  avait,  en  réalité,  qu'un 
seul  :  Maraiiôn  y  Gran  Para,  capitaine  u  fluvial  »  et  nouveau  Colomb  i . 
Ainsi  raisonne  Lessing.  11  prend  le  Pirée  pour  un  homme,  ou,  plutôt, 
entend  faire  de  deux  Pirées  un  seul  et  même  homme.  Et  cela,  simple- 
ment parce  qu'il  ignore  un  point  si  élémentaire  de  grammaire  castil- 
lane qu'on  se  sent  confus  en  face  d'une  telle  ingénuité  linguistique, 
et  que  l'on  craint,  en  insistant,  de  s'attirer  de  nouveau  le  reproche 
d'irrévérence  à  l'endroit  du  plus  auguste  des  Geisteshelden  de  VAuJkla- 
rung  germanique.  Aussi  sommes-nous  heureux  de  pouvoir  passer, 
en  cette  délicate  circonstance,  la  plume  au  critique,  cité  plus  haut, 
du  Hannoverisches  Magazin,  lequel,  concitoyen  et  contemporain  de 
Lessing,  a  su  trouver,  pour  exalter  sa  «découverte»,  les  termes  un 
peu  «  zopfmàssig  »  qui  convenaient  et  qui,  d'ailleurs,  nous  ont  semblé 
aujourd'hui  encore  excellents.  Après  avoir  fidèlement  exposé  l'argu- 
mentation de  Lessing,  ledit  critique  conclut  par  ces  paroles  2  : 

«  Herr  Lessing  hait  also  nicht  allein  das  Daseyn  eines  Hauptmanns  Maran- 
non  fur  uiizweifelhaft,  sondern  sagt  auch,  dass  ilim  die  Entdeckung, 
Eroberung  und  geographische  Bestimmung  eines  grossen  Strich  Landes  in 
Amerika,  nemlich  der  io38  Meilen,  welche  sich  von  der  Mùndung  des 
Amazonenflusses  an,  um  ganz  Brasilien  und  I^araguay  bis  an  den  Fluss  de 
la  Plata  erstrecken,  beigelegt  werde,  ingleichen  dass  der  Hauptmann 
Marannon  unter  gleichem  Hinimel  (der  gedachten  Lânder)  geboren  sey  ; 
und  die  Handschrift  des  Gudena  sollzum  Beweisevon  diesem  allen  dienen.» 

Mais,  continue- t-il,  c'est  là  une  confusion  facile  à  dissiper.  D'abord, 
conqiiista  ne  saurait  être  rendu  par  erobert  (conquistado),  mais  par 
Eroberung,  ce  qui  n'est  nullement  identique  3.  Puis  «  das  Wort 
erfunden  ist  ein  ofîenbarer  Zusatz,  der  im  Spanischen  nicht  steht». 
La  faute  capitale  gît  cependant  ailleurs  : 

«  Aber  der  Hauptfehler  des  Uebersetzers  ist,  dass  er  nicht  allein  in  dem 
Titel,  sondern  auch  in  der  Abhandlung  selbst,  au  s  Marannon  und  Grand 

I.  Dans  Rocha  Pitta  {op.  cit.,  p.  89)  était  narré  comment  «Luiz  de  Mello  da  Sylva 
descubre  o  Maranhaô.  » 

a.  P.  807,  art.  cit.  —  M.  Julius  W.  Braun,  dans  son  travail  en  2  volumes  :  Lessing  im 
Vrtheile  seiner  Zeitgenossen,  ne  connaît,  sur  le  «  Maraiiôn  »,  que  deux  critiques  :  celles 
de  VAllg.  D.  Bibl.  et  des  .\eueZtg.  von  gelehrten  Sachen,  qu'il  a  réimprimées  t.  II  (Berlin, 
1893)  do  son  ouvrage,  et  don  t  la  première  était  déjà,  nous  l'avons  dit,  signalée  par  Leiste. 

3.  Détail  curieux  :  Leiste  narre  lui-même  (Anmerkungen,  p.  72-78)  —  sans  doute 
d'après  De  Laet,  op.  cit.,  p.  622-28  —  que  les  Français  s'étant  établis  en  1612  dans  le 
Maranhaô  en  furent  repoussés  en  iGi4  par  une  flotte  portugaise  commandée  par 
«  Hieronymus  von  Albuquerque  »,  sans  se  douter  que  cet  incident  pourrait  expliquer 
l'expression  :  Comjuista.  Sans  aller  jusqu'à  Rocha  Pitta,  que  nous  avons  vu  que  les 
deux  éditeurs  ne  connaissent  pas  et  où  l'on  trouve  tous  détails  sur  l'expédition  de 
Jeronymo  de  Albuquerque  etAle.  de  Moura  (Op.  cit.,  p.  90,  n"  42),  lesdits  éditeurs  de 
Gudena  n'avaient  besoin  que  de  feuilleter  Joh.  Jac.  Schmauss  :  Der  neueste  Staat  des 
Kônig reic lis  Port ag ail  und  der  darzu  gehôrigen  Lander,  etc.  (Halle  im  Magdeburg.,  1714, 
2  vol.  in-8)  pour  trouver  une  autre  explication  du  vocable  en  le  fait  que  «  die  Por- 
tugiesen...  die  guntze  Gegend  sich  unterworj'en  haben»  (t.  i,  p.  i55). 


LESSINr,    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  5() 

Para  Personen  gemacht  hat,  da  der  spanische  Verfasser  vielmehr  die  bekan- 
ten  Namen  zwoer  Landschaften,  oder  sogenanten  Capitanias  in  Brasiiiea 
darunter  versteht,  welche  die  Portugiesen  noch  jetzo  gebrauchen  (Maranhaon 
e  Graon  Para)  und,  seitdem  sie  in  dem  vôlligen  Besitze  dièses  grossen 
Landes  sind,  immer  gebraucht  haben  '.  » 

La  traduction  eût  dû,  en  conséquence,  s'intituler  :  Beschreibung 
von  1038  Meilen  Landes  des  Staats  von  Brasllien,  von  der  Eroberung 
der  Liinder  Maranhaô  und  Graô  Pard^,  nach  ihrer  richligen  Kilsten- 
aiifnahme^,  und  von  70  Meilen,  ivelche  die  Miindung  des  Amazonen- 
Jlusses  hat.  Si  Lessing  s'est  trompé,  c'est  parce  qu'il  ignore  la  gram- 
maire castillane  et  le  plus  commun  usage  de  la  langue^  : 

«  Denn  bei  den  Spaniern  ist  es  ganz  gewôhnlich,  dass  sie  den  Artikel  El  vor 
die  Namen  der  Lander  setzen,  z.  E.  el  Peru,  el  Brasil,  und  eben  so  el  Maran- 
non,  el  Gran  Para,  oder,  so  wie  hier,  zusammen,  el  Marannon  y  Gran  Para. 
Hingegen,  wenn  sie  von  Personen,  besonders  wenn  sie  von  einiger  Bedeu- 
tung  sind,  reden  :  so  nennen  sie  dieselben  mit  ihrem  Tauf-  und  Geschlechts- 
namen,  mit  Vorsetzung  des  Wortes  Don  5.  Z.  E.  Don  Antonio  de  Ulloa,  und 
mit  Beifûgung  ihres  Titels,  Avenn  sie  einen  haben  :  Z.  E.  Don  Fernando  de 
Toledo,  Daque  de  Alva.  Dies  geschieht  wenigstens  allezeit,  wenn  eine 
vornehme  Person  das  erste  mal  erwâhnt  wird;  aber  hernach,  wenn  sie  in 
einer  Erzâhlung  ôfter  vorkomt,  heiszt  es,  ohne  Wiederholung  des  ganzen 
Namens  und  Titels,  ganz  kurz  :  Don  Antonio,  el  Duque  de  Alva,  oder 
schlechtweg  el  Daque,  aber  nicht  el  Alva,  und  eben  so  wenig  el  Marannon, 
wenn  es  der  Name  einer  Person  seyn  soI16.  » 

1.  Art.  cit.,  p.  8o8. 

2.  De  ce  que  cette  «conquête»  n'est  pas  décrite  dans  le  ms.,  il  ne  s'ensuit 
pas  qu'elle  ne  l'était  pas  dans  l'original  d'après  lequel  ce  ms.  a  été  si  maladroitement 
et,  sans  doute,  partiellement  transcrit.  Rien  n'empêche,  d'ailleurs,  d'admettre  que 
l'expression  :  conquista  del  Maranôn  y  Gran  Para  n'indique  simplement  ces  provinces,  ne 
représente  qu'une  dénomination  géographique  tirant  son  origine  des  faits  historiques 
qui  viennent  d'être  mentionnés.  La  phrase  du  S  I'^''  :  en  ella  empiezan  las  tierras  de 
la  Conquista  del  Maranôn  y  Gran  Para  semble  justifler  cette  interprétation,  et  c'est  bien 
ainsi  qu'écrivent  des  auteurs  espagnols  de  l'époque,  en  particulier  le  P.  Cristôbal  de 
Acuna,  de  l'ouvrage  duquel  il  sera  parlé  dans  la  //«  partie. 

3.  On  a  vu  que  Lessing-Leiste  avaient  laissé  le  udurch  ihre  richtige  Seecompas  >> 
qui,  dans  l'ancienne  traduction,  est  censé  traduire  :  par  sus  verdaderos  rumbas,  en 
comprenant  sus  comme  relatif  à  Maranôn  y  Gran  Para.  Or,  rumbos,  loin  de  signifier, 
comme  le  croient  les  éditeurs  :  boussoles  —  sens  que  le  mot  n'a  jamais  eu  —  indique 
ici  la  ligne,  déterminée  par  la  boussole  et  la  carte,  d'après  laquelle  les  navires  règlent 
leur  marche,  d'ofi,  par  extension,  la  situation  des  pays  dont  il  est  question  par 
rapport  aux  vaisseaux  qui  en  côtoient  les  rivages  (cf.  le  portugais  :  rumos  da 
navegaçaô). 

4.  Voir  les  particularités  de  la  règle  de  l'article  défini  devant  les  noms  propres  de 
personnes  dans  Bello-Cuervo,  S  865-68. 

5.  L'auteur  ajoute  en  note  une  juste  remarque  sur  l'emploi  de  Don,  si  simple  et 
cependant  si  souvent  incompris.  En  i8o8,  J.  Fr.  Bourgoing  en  formulera  une  sem- 
blable à  la  p.  m  de  l'Avertissement  du  Nouveau  voyage  en  Espagne,  qui  ne  la  contient 
pas  dans  l'Avant- Propos  de  l'édition  originale  (Paris,  1788).  On  pourrait,  aujourd'hui 
encore,  la  rappeler  à  l'attention  d'écrivains  qui  continuent  à  donner  libéralement 
aux  Espagnols  du  Don  à  tort  et  à  travers. 

6.  Art.  cit.,  p.  8oy. 


6o         CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDK    DE    i/hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

A  cet  argument  grammatical  s'ajoutent  deux  arguments  tout  aussi 
solides,  l'un  lexicologique,  l'autre  logique,  qui  n'eussent  pas  échappé 
à  l'examen  d'éditeurs  compétents.  On  lit,  en  effet,  au  §  1er  : 

«  Del  Cabo  de  Maracana  al  Sur  Sudueste  treinta  y  cinco  léguas  esta  la 
Ciudad  de  Navidad  del  Gran  Para,  en  dos  grades  australes;  es  gobierno 
sugeto  al  Maranon.  >• 

Lessing-Leiste  acceptent  cette  traduction  de  la  version  originale: 

«  \  on  Cabo  de  Maracana  35  Meilen  gegen  Sûd-Sûdwesten  ist  die  Stadt 
darinnen  geboren  ist  der  Gran  Para,  auf  2  Grad  gegen  Sûden,  und  ist  dem 
Maranon  unterworfen.  » 

Outre  que  l'on  ne  s'explique  pas,  en  présence  de  la  netteté  de  la 
phrase  castillane,  comment  Lessing  a  pu  persister  à  croire  —  toute 
considération  de  grammaire  mise  à  part  —  que  «  Maraîlon  »  et  u  Gran 
Para»,  cependant  si  nettement  dissociés,  n'étaient  qu'une  seule  et 
même  personne,  il  eût  suffi  de  consulter  Sobrino  sur  le  mot  Navidad 
pour  se  convaincre  que  ce  vocable  n'a  jamais  signifié  naissance 
(nacimiento) ,  mais  uniquement  naissance  de  Jésus -Christ,  et,  par 
extension,  époque  où  elle  tombe,  Noëh.  En  conséquence,  le  non- sens 
de  l'ancien  traducteur  devait  être  corrigé  à  peu  près  en  ces  termes  : 

«  Von  Cabo  de  Maracana  gegen  Sûd-Sûdwesten  liegt,  unter  zwei  Grad 
sûdlieher  Breite,  die  Stadt  Navidad  ^  in  Grao  Para;  es  ist  eine  Statthalterschafl, 
die  der  von  Marantiao  untergeben  ist.  » 

Au  S  1",  également,  on  lit  :  «  Aqui  acaba  el  distrito  del  Maranon  y 
empieza  el  del  Brasil.  »  U  eût  sutïî  d'un  instant  de  réflexion  pour 
saisir  que  ce  parallélisme  ébranlait  fortement  la  thèse  de  la  person- 
nalité de  «  Maranon  ».  «  El  Brasil  »,  nom  de  pays,  en  position  gram- 
maticale identique  avec  ((  El  Maranon  »,  nom  d'homme  :  c'était  là  un 
grave  illogisme,  contraire  de  tout  point  à  l'esprit  d'un  texte  qui,  pour 
contenir  plusieurs  graphies  corrompues,  n'en  restait  pas  moins,  d'un 
bout  à  l'autre,  admirablement  clair,  précis  et  rationnel.  Mais  Lessing- 
Leiste  ignorent  ces  scrupules.  Ils  transcrivent  intrépidement  le  vieux 
traducteur  :  Hier  endiget  sich  das  Gebiet  des  Maranon,  und  fàngt  an 
das  Land  von  Brasil.  Gomment  qualifier  un  tel  manque  de  sens 
critique  ? 

Il  est  regrettable,   pour   la   thèse   soutenue   ici,    que  la   mort   de 

I.  Sobrino,  op.  cit.,  éd.  cit.,  t.  II,  p.  269  :  Il  se  dit  du  jour  et  du  tems  auquel  Notre 
Seiijneur  est  né,  c'est-à-dire,  de  la  Noël.  Lat.  Nativitas.  On  sait  que  l'on  trouve  navidad 
parfois  employé  au  lieu  de  natividad  —  dont  il  n'est  qu'une  contraction  —  dans  le 
sens  de  la  naissance  de  Marie  et  de  quelques  saints. 

a.  Sur  cette  ville,  Nossa  Senhora  de  Belem,  on  trouve  tous  détails  dans  Rocha 
Pitta,  op.  cit.,  p.  85  seq. 


LESSING    ET    LA    LANGUE    CASTILLANE  6f 

Lessing,  survenue  dans  l'intervalle  des  deux  éditions  de  u  Maranôn  », 
nous  ait  privés  de  connaître  ce  qu'il  eût  pensé  de  l'article  du  Hanno- 
verisches  Magazin.  Du  moins,  n'ignorons- nous  pas  l'impression  qu'il 
produisit  sur  Leiste,  dont  l'opinion,  en  la  matière,  était  exactement 
la  même  que  celle  de  Lessing  i.  Dans  sa  lettre  à  Franz  Xavier  Veigl, 
datée  du  i4  août  1788  —  postérieure  de  fort  peu,  par  conséquent,  à 
l'article  ci -dessus  —  et  que  le  malicieux  jésuite  n'a  pas  manqué 
d'insérer  dans  le  volume  publié  quinze  ans  plus  tard,  nous  lisons  : 

«  Ein  Englander,  der  auf  Befehl  der  Admiralitàt  eine  Reise  nach  dem 
Amazonenflusse  gethan,  und  von  da  auf  dem  Rio  negro  in  den  Orinokofluss 
gekommen,  hatte  uoch  neulich,  da  er  hier^  in  gevvissen  Angelegenheiten 
einigeWochen  sich  aufhalten  musste,wegen  des  Maranon  y  Gran  Para  einen 
eigenen  Gedanken,  den  ein  anderer  aufgrifF,  und  sogleich  im  Hannôve- 
rischen  Magazin  bekannt  machte.  Er  glaubt  nicht,  dass  ein  Maranon  y  gran 
Para  in  dem  Verstande,  wie  Lessing  und  ich  gemeint,  je  vorhanden 
gewesen.  Para,  die  wir,  nacli  Anleitung  der  deutschen  Ueberselzung3,  fiir 
seine  Geburtsstadt  hielten,  bat  nach  seiner  Meinung  la  Ciudad  de  Navidad 
geheissen,  und  der  Ausdruck  des  Gudena,  por  sus  verdaderos  rumbos,  geht 
gar  nicht  auf  Maranon  y  Gran  Para,  den  wir  fur  den  Entdecker  des  nord- 
lichen  Theils  hielten.  Seine  Meinung  hat  sehr  viel  Wahrscheinlichkeit,  und 
ich  getraue  mir  noch  nicht,  etwas  darauf  zu  antworten,  da  ich  selbst  in 
Rocha  Pitta'i,  den  ich  nun  endlich  nebst  verschiedenen  spanischen  und 
selbst  2  in  Mexico  gedruckten  Hauptbûchern,  erhalten,  aucli  nicht  die 
geringste  Spur  von  einem  solchen  Maranon  y  Gran  Para  finde...  »  — 

((  Das  glaube  ich  gerne,  »  ponctue  en  note  Veigl,  avec  une  ironie 
facilement  compréhensible,  sinon  fort  charitable  de  la  part  d'un  Bon 

1.  On  n'a,  pour  s'en  convaincre,  besoin  que  de  lire,  dans  ses  Anmerkungen,  avec 
quelle  âpreté  de  conviction  il  défend  l'idée  de  son  coéditeur.ll  vamème  plus  loin  que 
lui  en  audace.  Il  afQrme  (p.  66)  que  «  le  capitaine  Maranjon  et  Gran  Para  doit  avoir 
reçu  son  nom  des  fleuves  qui  viennent  d'être  décrits,  et  non  ceux-ci  d'un  conquérant 
ainsi  appelé»,  et  que  «ce  n'est  pas  le  chef  des  Espagnols  qui  s'établirent  en  ces  lieux, 
mais  bien  un  de  ses  descendants  —  probablement  son  fils —  qui  fut  le  Maranjon  et 
Gran  Para  dont  Cudena  fait  mention  ».  Der  Beweis,  ajoute-t-il,  ist  leicht.  Et  sa 
«preuve»  sembla,  en  effet,  si  évidente  aux  savants  de  VAllgemeine  Deutsche  Bibliothek 
qu'on  y  affirma  que  «  die  Zweifel  iiber  den  Hauptmann  Maranjon,  der  nach  dem  Cudena 
Brasilien  erobert  haben  soll,  sind  von  Hrn.  Lleiste]  sehr  gut  gehobeny>  [art.  cit  de  1780, 
p.  21 3].  Nous  avons  dit  que  Rocha  Pitta  expliquait  très  nettement  et  catégoriquement 
que  le  nom  des  deux  capitaineries  Maranhaô  et  Graô  Para  tirait  son  origine  des  deux 
rivières  qui  les  traversaient  (op.  cit.,  p.  85  et  89), 

2.  A  Wolfenbûttel. 

3.  De  cette  même  traduction  donc,  pour  laquelle  nous  avons  vu  que  Lessing  n'avait 
pas  assez  de  dédains. 

4.  Leiste  avait  enfin  appris  l'existence  de  l'ouvrage  portugais  par  le  compte  rendu 
de  son  édition  de  Cudena  dans  VAllg.  Deutsche  Bibliothek,  loc.  cit.,  p.  2i3.  «Eine 
bessere  als  Hrn.  Leistes  Beschreibung  von  Brasilien  cxistiert  zur  Zeit  nicht,  und  bis 
jemand  Gelegenheit  hat  Sebastiano  de  Rocha  Pitta  Historia  da  America  Portugueza 
des  de  Csic)  o  Anno  i5oo.  de  su  Descolirimonto,  a  te  (sic)  o  de  1724.  Lisboa.  Fol.  1730, 
welche  Recensent  nur  aus  Robertson  kennt,  zu  benutzen,  vvelches  nach  dem  Zustande 
der  portugiesischen  Litteratur  mit  mancheii  Schwierigkeiten  verkniipft  scyn  diirfte, 
W'ird  Hr.  Leiste  immer  unser  [''ùhrer  bey  diesem  unbekannten  Lande  bleiben.» 


62         CONTRlRUtlONS    A    l'ÉTUDE    DE    i/hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

Père.  Il  nous  suffira,  à  nous,  de  relever  deux  des  expressions  de  Leiste  : 
l'Anglais  a  eu  une  «idée  singulière»,  et  son  opinion  a  beaucoup 
de  «  vraisemblance  ».  Ces  expressions  nous  paraissent  infiniment  plus 
éloquentes  que  tous  les  solécismes  de  l'édition  de  «  Maraîlôn  »,  et  attei- 
gnent, par  delà  le  recteur  de  Wolfenbûttel,  dans  sa  tombe,  son  inspira- 
teur et  guide,  Lessing.  En  leur  béatitude  élyséenne,  les  mânes  de  Jôcher 
—  ce  modeste  et  ce  laborieux,  auquel  ne  manquèrent  qu'un  peu  de  goût 
et  quelque  esprit,  ainsi  qu'une  conception  moins  élastique  de  la  biblio- 
graphie —  durent  tressaillir  d'aise  à  constater  que  l'homme  qui,  au 
début  de  sa  carrière  littéraire',  avait  livré  sans  pudeur  à  la  risée 
publique  la  science  hispanique  d'un  professeur  de  Leipzig  soi-disant 
coupable  d'avoir  pris  pour  un  titre  d'ouvrage  l'énoncé  du  lieu  de 
naissance  d'un  auteur,  confondait,  à  l'issue  de  ses  jours  et  grâce  à  un 
contresens  de  cancre,  avec  un  capitaine  espagnol  imaginaire  deux 
provinces  du  Brésil  ! 


I.  Dans  les  Kritische  Nachrichten  du  29  octobre  1761,  au  44.  Stûck(M.  IV.  266): 
Vor  einigen  Tagen  fielen  wir  in  dem  Herumblâttern  [du  Gelehrten-Lexikon,  qui  venait 
de  paraître]  auf  eine  Stelle,  wo  es  von  einem  gewissen  Schriftsteller  heisst,  er  solle 
geschrieben  haben  Natural  de  la  ciudad  de  Alteran  en  Alemania  la  baxa,  d.  i. 
gebûrtig  aus  der  Stadt  Alteraii  in  den  Niederlanden.  VVer  sieht  nicht,  dass  hier  auf 
die  làcherlichste  Art  die  Bezeichnung  der  Vaterstadt  des  Schriftstellers  zu  einem 
Werke  desselben  ist  gemacht  worden? —  Je  n'ai  pu  retrouver,  bien  que  je  l'aie  lu  en 
entier  à  cette  fin,  dans  le  Jôcher  la  citation  en  question,  qui  peut,  cependant,  m'avoir 
échappé.  M.  Menéndez  y  Pelayo,  aux  lumières  duquel  j'avais  recouru,  m'a  écrit  que 
«  tampoco  se  me  ocurre  nada  sobre  el  escritor  natural  de  Alteran  en  Alemania  la 
Baja  »  et  ajoute  que  «  se  trata  sin  duda  de  un  litulo  de  broma  ».  11  se  pourrait  qu'en 
effet  ce  soit  encore  ici  Lessing  qui  ail  tort,  et  qu'il  s'agisse  bien  d'un  titre  (tronqué) 
d'ouvrage  en  castillan  cité  par  Jôcher,  comme  tant  de  fois,  au  petit  bonheur. 


DEUXIEME  PARTIE 


LA  NATURE  ET  LES  SOURCES  DE  L'HISPANISME 

DE  LESSING 


Dans  les  notes  qui  vont  suivre  et  dont  l'aspect  décousu  déplaira 
sans  doute  à  nos  maîtres  académiques  du  beau  langage  et  des  spiri- 
tuelles études,  j'aurais  pu,  au  lieu  de  procéder  par  analyses  séparées, 
réunir,  en  les  groupant  sous  deux  ou  trois  chefs  de  titre  corres- 
pondant aux  genres  littéraires  espagnols  effleurés  par  Lessing,  les 
résultats  de  mes  recherches,  et  en  rendre  ainsi  la  lecture,  sinon  plus 
probante,  plus  agréable.  Convaincu  cependant  qu'en  pareille  besogne 
la  littérature  ne  saurait  être  de  mise  qu'au  détriment  de  la  science, 
j'ai  sacrifié  de  gaîté  de  cœur  à  une  plus  austère  méthode  cette 
tentante  perspective.  En  adoptant,  enfin,  le  procédé  chronologique, 
je  crois  être  resté  dans  l'esprit  —  esprit  de  minutieuse  et  complète 
enquête  —  qui  m'a  dicté  ce  travail.  Les  lecteurs  auxquels  s'adressent 
les  dites  notes  n'auront,  j'en  suis  sûr,  aucune  peine  à  reconstituer, 
à  l'aide  de  ces  lambeaux  de  preuves  successifs,  la  physionomie  essen- 
tielle de  l'hispanisme  de  Lessing,  et  à  assembler  en  une  mosaïque  bien 
ordonnée  les  pièces  dispersées  au  hasard  des  besognes  capricieuses  du 
grand  dilettante. 


1750-57  (?).  Orfeo. 

Étant  donnée  l'incertitude  touchant  la  date  de  ce  fragment  de 
traduction,  j'ai  cru  être  en  droit  de  commencer  par  lui  l'étude  des 
sources  auxquelles  Lessing  a  puisé  ses  renseignements  sur  la  litté- 
rature et  les  choses  de  la  péninsule  ibérique.  J'ai  déjà,  comme  je  l'ai 
dit  dans  Ia  première  partie,  expliqué  antérieurement  (luelle  diffusion 


64         CONTRIBL'TIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DË    G.    E.    LËSSING 

avait  trouvée,  dans  les  littératures  française,  anglaise  et  allemande, 
l'interprétation  bouffonne  donnée  par  Quevedo  de  la  descente 
d'Orphée  aux  enfers.  Il  se  pourrait  que  l'attention  de  Lessing  ait  été 
attirée  sur  la  poésie  espagnole  par  l'allusion  à  celle-ci  contenue  dans 
l'article  Ehestand  de  X'Universal-Lexikon  de  J.  H.  Zedler  (1784,  t.  VIII, 
p.  374)',  et  que  le  souvenir  d'avoir  lu  naguère  la  traduction  de 
Brockes  (1725)  l'ait  incité  à  chercher  dans  une  des  nombreuses 
éditions  du  Parnaso  Espanol  cette  pièce,  qui  devait  tenter  ses  instincts 
d'amateur  de  curiosités  littéraires.  En  tout  cas,  par  quelque  source 
qu'il  l'ait  connue,  l'essentiel  est  qu'elle  fût  traduite  en  allemand  — 
bien  qu'en  une  variante  —  avant  sa  tentative  fragmentaire  de  version. 
Ce  simple  fait  enlève  à  cette  dernière  l'originalité  relative  qu'elle  eiU 
possédée  si  Lessing  avait  été  le  premier  à  signaler  la  parodie  de 
Quevedo  à  l'Allemagne.  Enfin,  il  n'est  pas  sans  importance  de  noter 
que  Lessing  intitule  sa  version  :  Orpheus,  tout  court,  sans  souffler  mot 
de  Quevedo.  De  là,  l'erreur  initiale  de  ses  éditeurs,  qui  ont  pris  cet 
exercice  d'écolier  pour  un  brouillon  d'ode  originale. 


1750-52.  Novelas  Ejemplares. 

Dans  la  lettre  à  son  père,  datée  Berlin,  2  novembre  1700,  citée  dans 
la  Préface,  Lessing  annonce  qu'il  a  l'intention  de  publier  «  à  Pâques  » 
une  traduction  des  Novelas  de  Cervantes,  qu'il  rend,  à  un  intervalle 
de  presque  deux  années,  deux  fois  par  l'ineffable  contresens  :  Neue 
Beispiele,  confondant  ainsi  le  substantif  avec  l'adjectif  et  vice  versa  2. 

((  Da  ich  ûbrigens  zu  Ostern auch  eine  Ubersetzung  der  Novellas 

(sic)  Exemplares  des  Cervantes  [zu  liefern  gedenke]....  »,  déclare-t-il. 
Ce  {(.gedenke  y)  ne  prouve  pas  grand 'chose,  pour  peu  que  l'on  veuille 
songer  à  la  facilité  avec  laquelle  Lessing  projeta  quantité  d'oeuvres, 
dont  il  ne  réalisa  que  le  titre,  facilité  que  son  frère  reconnaissait  en 

1.  D'autant  plus  que  Lessing  devait  chercher  à  se  documenter  sur  la  «miso- 
gynie ».  Der  Misogyn,  date,  en  effet,  de  17^8,  et,  en  1705,  il  est  publié,  en  un  acte,  au 
VI.  Theil  des  Schriften,  pour  être  refondu  en  3  actes  en  1767. 

2.  Cf.  art.  Cervantes  et  Nov.  Ejemp. —  B.  A.  Wagner  se  contente  de  qualifier  cette 
traduction  de  «  unrichtU/  »  (progr.  cit.  p.  i4),  en  déplorant  que  la  version  de  Lessing 
<(  n'ait  point  été  achevée,  ou,  du  moins,  point  éditée  ».  Avant  de  regretter  la  non-appa- 
rition d'un  travail  aussi  hypothétique,  n'eùt-il  pas  mieux  valu  se  demander  si  Lessing 
eût  été  à  même  de  le  réaliser  ?  A  ne  juger  que  par  sa  traduction  du  titre  de  l'ouvrage,  on 
pourrait  déjà  en  douter.  Mais  B.  \.  Wagner  ne  nourrit  pas  de  tels  scrupules.  11  traite 
de  <»  imlicrufener  Uebersetzer  n  Conradi,  auteur  de  la  traduction  que  Lessing  critiquera 
le  12  décembre  1702,  et  qui  fit,  somme  toute,  ce  que  Lessing  eût  fait  :  une  besogne 
médiate.  M.  B.  A.  Wagner  aime  mieux  comparer  Lessing  àGœthe,  en  affirmant,  sans 
preuve  aucune  du  premier,  qu'ils  appartenaient  «  zu  den  entschiedenen  Bewunderern  der 
Novelas  ejeinplares  »  (p.  iG).  Lessing  n'a  nulle  part  manifesté  cette  admiration. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  H1S1>AMSME    DE    LESSING  65 

ces  termes  :  dass  er  nicht  ailes,  was  er  wollte,  vollendete,  lag  in 
seiner  Menschlichkeit ;  denn  oft  wollte  er  mehr,  als  seine  Krafte 
vermochten.  Oft  hàtten  sie  auch  vermocht,  was  wergewollt;  aberer 
floh  zuweilen  Mûhsamkeit  und  Anstrengung  mit  der  unmutvoUen 
Frage:  wozu  das  ailes  i?  De  même,  il  n'y  a  pas  grand'chose  de 
probant  à  déduire  de  l'aflirmation  de  Lessing,  le  12  février  1751,  que 
son  entreprise  est  «in  der  Arbeit))2.  Car,  le  12  décembre  1752, 
époque  à  laquelle  Conradi  recevra  de  lui  quelques  légères  chique- 
naudes dans  la  Vossische  Zeitang,  elle  n'était  point  encore  réalisée  — 
nous  ne  disons  pas  commencée  —  et  il  n'en  soufflera,  d'ailleurs, 
plus  mot.  Nous  ne  retiendrons  donc,  de  cette  traduction  avortée, 
que  le  neues  Beispiel  de  l'ignorance  grammaticale  la  plus  élémentaire 
de  Lessing,  dont  le  lapsus  nous  rappelle  ce  personnage  du  Pasagero 
de  Suârez  de  Figueroa,  lequel,  à  la  question  s'il  aimait  les  novelas  à  la 
mode,  répliquait  avec  une  franchise  des  plus  louables  :  no  entiendo 
ese  término3.  Mais  l'ignorance  de  Lessing,  du  moins,  apparaît 
inexcusable.  Quelque  hypothétique  que  reste  sa  traduction,  il  ne  sera 
peut-être  pas  paradoxal  d'affirmer  qu'il  avait  dû  lire  avec  certaine 
attention,  soit  dans  l'original,  soit  plutôt  dans  une  traduction  étran- 
gère, la  préface  mise  par  Cervantes  en  tête  de  son  recueil.  Or,  n'est-ce 
point  dans  cette  préface  que  se  trouve  la  meilleure  définition  du 
titre ^?  Un  peu  de  familiarité  avec  la  littérature  espagnole,  ou 
simplement  avec  le  Diccionario  de  Auloridades  fi 726-1 789),  n'eût-elle 
pas,  en  outre,  renseigné  Lessing  sur  la  signification  littéraire  attribuée 
depuis  l'archiprêtre  de  Hita  et  D.  Juan  Manuel  au  vocable  exemplo, 
devenu  synonyme  d'  «  enseignement  » ,  d'  «  histoire  édifiante  »  ?  Et 
Nicolas  Antonio,  dans  cette  Blbllolheca  hispana  nova,  «  zu  der  wir 
doch  aile  unsere  einzige  Zuflucht  nehmen,  wenn  wir  von  einem 
Spanier  was  ^\^ssen  wollen»,  avouera,  parlant  à  coup  sûr  au  nom  des 
érudits  de  sa  nation,   Gebauer  en   17095,  Nicolas   Antonio  n'expli- 

1.  Op.  cit.,  p.  121. 

2.  Cf.  p.  81. 

3.  Cité  par  Fernândez  de  Navarrete,  B.  A.  E.,  33,  XXXVIII. 

4.  «  Heles  dado  nombre  de  exempiares,  y  si  bien  lo  miras,  no  hay  ninguna  de  quien 
no  se  puede  sacar  algun  exemplo  provechoso».  —  A  quoi  l'énigmatique  Avellaneda, 
dans  le  prôlogo  à  sa  seconde  partie  du  Quixole  (iGi/i),  répliquait  que  les  nouvelles  de 
son  rival  étaient  «  mâs  satîricas  que  cjemplares,  si  bien  no  poco  ingeniosas  ». 

5.  A  l'article  Soasa  de  Macedo,  I.  Register,  à  la  fin  de  la  Portugiesische  Geschichte 
dont  il  sera  question  plus  bas.  —  Ces  témoignages,  d'ailleurs  fort  légitimes,  d'érudits 
allemands  à  l'adresse  de  la  Bibl.  tiisp.  seraient  faciles  à  accumuler  :  ainsi  Joh.  Erhard  ' 
Kapp,  sous  le  rectorat  duquel  Lessing  se  fit  inscrire  à  Leipzig  en  septembre  17/16  et 
qui,  cette  année-là  (Cf.  Danzel,  1,  53,  note)  faisait  un  cours  «  ùber  den  neuesten 
Zustand  der  Litteratur  in  Europa  »,  en  \antait,  en  17/18,  les  mérites  dans  la  préface 
de  Die  Gelehrte  Republik,  traduction  de  la  Rcpûblica  literaria  attribuée  à  Saavedra  Fa- 
jardo.  II  est  bon,  en  outre,  de  ne  pas  oublier  qu'à  son  arrivée  à  Berlin,  en  lin  1748, 
Lessing  reçut  de  Rûdiger,  le  propriétaire  de  la  Berlin.  Ztg.,  plus  tard  Vossische  Ztg., 
la  mission  d'ordonner  sa  vaste  bibliothèque  et  que  c'est  de  la  sorte  sans  doute  qu'il 
lia  une  première  connaissance  avec  maints  ouvrages  d'érudition  ou  de  polyliisloirc 


66        CONTKIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.     LESSING 

quait-il  pas,  à  l'article  Cervantes  et  à  la  rubrique  :  Doce  Novelas  :  «  uti 
patrius  mos,  et  Italicus  fabulas  vocat  »  '  ?  Ce  n'étaient  donc  pas  les 
lumières  —  et  le  simple  dictionnaire  eût  suffi  pour  éclairer  sa  religion 
hésitante  —  qui  manquaient  à  Lessing.  Si  sa  «  traduction  »  eût  paru, 
c'eût  été,  comme  celle  de  Conradi,  très  vraisemblablement  une 
traduction  de  traductions.  En  tout  cas,  il  serait  puéril  d'attribuer, 
comme  certains  l'ont  fait,  une  importance  quelconque  à  un  projet 
mort-né,  dont  il  ne  subsiste  qu'un  grossier  contresens,  indigne  d'un 
écolier. 


1750.  La  Vida  es  Sueno. 

(M.   III.  3o3) 

Lachmann  a  publié  pour  la  première  fois  (XIll,  647)  un  brouillon 
de  Lessing  contenant  les  lignes  suivantes  : 

Das  Leben  ist  ein  Traum 
Ein  Schauspiel  ans  dem  Spanisdien  des  Don  Pedro  Calderon 
de  la  Barca  ûbersetzt. 

Berlin  den  23  August  1750 
Erster  Aufzug 
Erster  Auftritl 
Rosaura  kômml  von  der  Hôhe  eines  Berges  herab,  sie  ist  als  eine 
Mannsperson  verkleidet,  im  Reisehabit,  und  sagt  folgendes. 

Sur  cette  transcription  insignifiante,  quelques  lessingolâtres  ont 
édifié  le  conte  d'une  traduction  d'après  l'original  espagnol,  d'une  révé- 
lation, avant  la  lettre  romantique,  de  Calderon  à  l'Allemagne.  M.  B.  A. 
Wagner,  y.  gr.,  écrit  résolument 2  : 

«  Es  gelang  Lessing  sogar,  wie  es  scheint,  des  spanischen  Originals  habhaft 
zu  werdcn,  und  schon  am  aS.  August  1760  begann  er  die  Uebersetzung  des 
Dramas,  von  der  uns  freilich  nicht  viel  mehr  als  die  Ueberschrift  erhalten 
ist.  » 

d'où  il  tira  plus  tard  tant  de  sa  science  médiate,  car,  à  la  base  de  toute  érudition 
encyclopédique,  on  trouve  toujours  une  bonne  bibliothèque.  La  «  contemplation  » 
des  livres  rares  —  ainsi  s'expriment  MM.  Menéndez  y  Pelayo  et  Zarco  del  Valle 
p.  xui  de  la  !'«  Partie  du  Cat.  de  la  Bibl.  de  M.  Rie.  lleredia  (Paris,  1891)  —  n'est 
malheureusement  pas  donnée  à  tous  ! 

I.  Je  citerai  la  Bibl.  hispana  nova  d'après  la  seconde  édition,  par  Th.  A.  Sânchez, 
A.  Pellizer  et  R.  Casalbon  (f  1787)  (Madrid,  1788  )  Cette  réédition,  pour  tous  les 
articles,  ne  difTère  nullement  de  l'édition  originale,  parue  à  Rome  en  1O72  et  la 
seule  que  pouvait  consulter  Lessing.  Il  est  amusant  d'obscrxer  que  pas  plus  M.  R. 
Béer  que  M.  Fitzmaurice-Kelly  ne  sont  capables  de  parler  exactement  —  M.  R.  Béer  les 
date  1783-1788,  op.  Cit.,  II,  ii5;  M.  Fitzmaurice-Kelly,  qui  date,  comme  il  convient, 
attribue  comme  R.  Béer  à  Pérez  Bayer  (p.  43G)  l'œuvre  totale  —  des  réimpressions 
de  la  Bibl.  Ilisp. 

1.  Progr.  cit.,  p.  (">. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    LHISPA.MSME    DE    LESSITSG  67 

Voilà  donc  Lessing  —  qui,  dans  la  préface  des  Beytrdge,  datée 
novembre  1749  et  publiée  cette  même  année  1750,  ignore  le  nom  de 
Calderôn  —  transformé,  sur  le  fait  d'un  titre  et  d'une  indication  scé- 
nique  tronquée,  en  interprète  fidèle  d'un  drame  dont  l'intention 
allégorique  et  morale  déteint,  si  je  puis  dire,  sur  le  style,  lequel, 
pour  quelques  passages  naturels,  énergiques,  pleins  de  mouvement 
et  d'émotion,  est  si  souvent  recherché,  maniéré,  froid,  insipide  et  de 
mauvais  goût,  et  présente  au  traducteur,  même  rompu  au  commerce 
des  poètes  dramatiques  espagnols  de  l'âge  d'or,  tant  d'insurmontables 
difQcultés  »  !  Il  faut  un  robuste  et  bien  peu  scientifique  optimisme,  ou 
un  culte  aveugle  de  l'universalité  du  génie  de  Lessing  pour  soutenir 
sérieusement  de  semblables  paradoxes. 

En  réalité,  il  est  fort  probable  qu'une  circonstance  toute  fortuite 
éveilla  en  Lessing  le  désir  de  connaître  une  oeuvre  que  le  hasard  d'une 
publication  récente,  signalée  dans  un  organe  qui  lui  était  familier, 
venait,  non  certes  de  révéler  à  l'Allemagne,  mais  de  défigurer  une  fois 
de  plus,  en  ajoutant  une  mutilation  nouvelle  aux  mutilations  plus  que 
séculaires  infligées  par  les  fournisseurs  de  littérature  théâtrale  à  la 
Comedia  espagnole.  Depuis,  en  effet,  que  La  Vida  es  Sueno  avait  reçu, 
le  23  novembre  i635,  l'approbation  du  Maestro  José  de  Valdivielso,  pour 
paraître  l'année  suivante  dans  l'édition  de  J.  Calderôn  et  au  tome  XXX 
des  Comedias  famosas  de  varias  aatores,  ses  avatars  hors  d'Espagne 
avaient  été  variés  et  lamentables  2.  De  Hollande,  elle  avait,  dans  des 
adaptations  méconnaissables,  passé  en  Allemagne 3,  où  des  troupes 

1.  Se  représente-t-on  le  Lessing  de  VOrfeo  en  face  des  décimas  de  Segismundo,  à 
la  seconde  scène  du  i"  acte  : 

Ojos  hidrôpicos  creo 

Que  mis  ojos  deben  ser; 

Pues  cuando  es  muerte  el  beher, 

Beben  màs:  y  desta  suerte, 

Viendo  que  el  ver  me  da  muerte, 

Estoy  muriendo  par  ver etc.  9 

On  n'ignore  pas  que  de  tels  passages  ne  sont  pas  rares  dans  La  Vida  es  sueho.  On  sait, 
d'autre  part,  que,  pour  beaucoup  d'Espagnols,  ils  sont,  aujourd'hui  encore,  consi- 
dérés comme  des  beautés;  mais  que  l'on  songea  l'état  d'àme  d'un  jeune  héros  de 
l'Aufklâruny,  aussi  novice  qu'était  Lessing  en  matière  simplement  de  grammaire 
castillane,  en  face  de  ces  difficultés!  —  M.  Max  Koch,  qui  a  écrit  l'article  Lessing 
pour  la  continuation  —  malheureusement  abandonnée  —  de  l'Encyclopédie  de  Ersch 
et  Gruber  (i!i3.  Tkeil,  Leipzg.,  1889,  p.  221),  parle,  à  propos  de  cette  nouvelle  tentative 
mort-née,  d'une  «  geplanle  Uebersetzung  Calderon'scher  Dramen  !  »  Ce  n'est  plus  La  Vida, 
mais  toute  une  série  de  drames  caldéroniens  qu'eût  traduits  Lessing  ! 

2.  On  trouve  quelques  éléments  bibliographiques  d'une  histoire  de  la  Vida  es 
Sueno  en  Europe  dans  l'ouvrage  de  M.  H.  Breymann  :  Calderôn  =  Studien.  /.  die  Caldcron- 
Literatur  (Mûachen  und  Berlin,  1900),  où  est  utilisée  et  indiquée  la  littérature  anté- 
rieure, bien  que  le  livre  soit  fort  loin  de  posséder  toute  l'exactitude  scientiOque 
désirable  et  pèche,  à  plus  d'un  égard,  d'incomplet,  inexact  et  môme  erroné. 

3.  Dans  VArchiv  de  Herrig  (LXXXII),  J.  Boite,  dans  l'Appendice  à  son  article 
Molihre-Uebersetzungen  des  17.  Jah.rhunderls,comaiel{p.  119)  la  singulière  erreur  d'affir- 
mer que  l'Allemagne  a  connu  la  Vida  es  sueno  par  une  pièce  (dont  il  ne  transcrit  pas 

c.    UrOLLET.  0 


68        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

errantes  et  des  montreurs  de  marionnettes,  tel  ce  M.  D.  Drey  à  Lûne- 
burg  dans  la  seconde  moitié  du  xvir  siècle,  en  égayaient  la  rudesse 
truculente  d'un  vulgaire  inculte  dont  les  appétits  rudimentaires  se 
repaissaient  en  ces  visions  d'un  art  à  demi  barbare,  «  con  finales  de 
grandes  y  aturdidores  efectos,  con  toscas,  negras  lineas  que  significa- 
ban  crimenes  y  sangre,  6  acciones  obscenas  que  inspiraban  terror  6 
movian  â  risa,  pinturas  singulares,  enigmâticasi.  »  C'était  encore 
d'après  un  intermédiaire  hollandais  que  Chr.  Heinrich  Postel  écrivait  le 
texte  d'un  opéra  en  3  actes  de  J.-G.  Conradi  intitulé:  Der  Kôniglkhe 
Prinz  aus  Pohlen  Sigismimdus,  oder  das  Menschliche  Leben  ein 
Traum^.  D'autre  part,  l'Italie  apportait  aussi  à  l'Allemagne  quelques 
remaniements  de  la  création  caldéronienne,  et  il  est  fort  probable  que 
dès  1674,  dix  ans  après  son  apparition  à  Venise  sous  le  titre  La  Vita 
è  an  sogno,  opéra  scenica,  la  version  de  Gicognini  fournissait  à  l'acteur 
Paulsen,  à  Dresde,  son  rôle  du  Prinz  Sigismiindo^.  Ceite  ver sion 
italienne  pénétrait  également  en  France  et  était  jouée  pour  la  première 
fois  par  les  comédiens  italiens  le  10  février  1717  :  Vie  [la]  est  un  songe, 
Tragi-Comédie  Italienne  en  5  actes  ;  en  Italien  :  la  Vita  e  un  sogno.  Le 
sujet  est  tiré  de  l'Espagnol,  intitulé:  la  Vita  (sic)  es  Sue  no  i*.  Un  des 

exactement  le  titre)  de  Gillet  de  la  Tessonerie  publiée  en  iGdG  chez  Quinet,  à  Paris  : 
Sigismond  |  Duc  de  Varsar.  |  Tragi-Comedie  ;  Dediee  |  a  la  Reine.  11  sulTisait  d'en  lire 
l'énoncé  des  personnages  pour  se  convaincre  que  cette  œuvre,  dont  la  scène  se  passe 
à  Cracovie,  si  elle  est  de  quelque  façon  redevable  à  Caldcrôii,  l'est,  et  à  peine,  de  son 
titre.  Il  en  existe  un  exemplaire  à  la  Bibliothèque  Nationale  ("Vf  6  868).  Mais  il  se 
pourrait  que  J.  Boite  ait  pris  son  affirmation,  qui  ne  repose  évidemment  pas  sur 
l'examen  de  la  pièce,  dans  Angel  Lasso  de  la  Vega  :  Calderôn  de  la  Barca.  etc. 
(Madrid,  i88i),p.  67,  note  i,  où  elle  est  mentionnée  et  attribuée  à  Guillcl  de  la  Tisson- 
nerie.  C'est  là,  en  tout  cas,  certainement,  que  l'a  puisée  M.  A.  Savine  {Pedro  Calde- 
rôn de  la  Barca  dans  Le  Magasin  Littéraire  et  Scientifique  de  1890,  i"  semestre,  p.  533, 
note  i).  Le  catalogue  de  la  Bibliothèque  Nationale  (XXII,  p.  63o,  [igoS])  porte,  à  la  men- 
tion de  la  pièce  de  La  Tessonerie,  l'étonnante  indication:  imitée  de  Calderôn,  indica- 
tion que  rien  ne  justifie,  cependant,  ni  le  titre  de  l'œuvre,  ni  son  contenu. 

1.  A.  Farinelli  dans  sa  critique  de  J.  Schwering  :  Zur  Geschichte  des  niederlàndisctmn 
und  spanischen  Dramas  in  Deutschland  (Munster,  1896,  100  pp.  in-8),  parue  au  numéro 
de  novembre  189C  du  tome  1"  de  la  Ftevista  critica,  etc.,  de  M.  R.  Altamira. 

2.  .S',  a.,  en  réalité  Hambourg,  1G93,  in- 4,  Sa  feuilles  et  2  préfaces,  dans  la 
seconde  desquelles  l'auteur  avoue  sa  source  hollandaise.  Cf.  sur  cette  œuvre  une 
bonne  bibliographie  dans  Breymann,  op.  cit.,  p.  93.  Un  cuurt  résumé  du  contenu  a 
été  donné  par  Chrysander  dans  son  .Allgemeine  Musikalische  Zeitung,  t.  XIII  (Leipzig, 
1878,  p.  422-2/1).  Les  troupes  errantes  n'en  continuèrent  pas  moins  de  jouer  leurs  vieux 
thèmes,  sans  doute  modifiés  au  gré  des  acteurs  et  selon  les  lieux,  et  A.  Schneider 
(Spaniens  Anteil  an  der  deutschen  Litteratur  des  16.  und  17.  Jahrliunderts,  Strassb.,  1898, 
p.  3o3)  a  relevé  une  représentation  de  Von  Sigismundo  oder  dem  Tyrannissen  Prin:  von 
Bolen  en  17^1  à  Francfort-sur-le-Mein. 

3.  Dessoff  :  Ueber  englische,  italienische  und  spanische  Dranien  in  den  Spielverzeichnis- 
sen  deutscher  Wandertruppen,  dans  Stud.  zur  vergleich.  Literaturgesch.  I  (1901), 
p.  439.  Sur  Gicognini  et  l'Espagne,  cf.  le  t.  XI  (1906)  de  la  Bibl.  délie  scuole  italiane  : 
Lefonti  spagn.  del  teatro  dram.  di  G.  A.  Cicognini.  art.  de  M.  G.  Gobbi. 

/i.  Catalogue  alphabétique  des  comédies  représentées  par  les  Comédiens  Italieiis  jusqu'à 
l'année  1732,  au  t.  I  du  Nouveau  Théâtre  Italien  {Paris,  Briasson,  1733)  p.  Ixvij.  Déjà 
Schack  avait  noté,  d'après  Riccoboni,  la  date  de  cette  représentation  {Geschichte,  111, 
4^3). 


La  Sature  et  les  sources  de  l'hispamsme  de  i.Essno  69 

fournisseurs  du  Théâtre  Italien  et  traducteur  de  plusieurs  pièces  de 
Cicognini,  Thom.  Simon  Gueulette,  avait,  l'année  d'avant,  donné,  sur 
l'initiative  de  Riccoboni,  une  version  française  de  La  Vila  e  un  sofjno, 
qui  aura,  jusqu'en  1789,  plusieurs  éditions,  et  dont  d'Origny,  dans  ses 
Annales  du    Théâtre  Italien^,   écrira   que  «  c'est   une   tragi-comédie 
italienne  »  qu'il  a  u  traduite  de  l'espagnol  ».  Un  autre  littérateur  faisait 
représenter  en  novembre  1732,  par  ces  mêmes  Comédiens  Italiens,  une 
version  en  vers  libres  intitulée  La  Vie  \  est  un  Songe  \  Comedie-Heroï- 
que  I  De  Monsieur  de  Boissy,  où  le  nom  deCalderon  n'était  pas  même 
cité 2.  L'Allemagne  subissait,  de  nouveau,  le  contre-coup  de  ces  rema- 
niements français.  En    1760,    paraissait  à   Strasbourg,  avec  la   date 
indiquée  à  la  dédicace  :  Strasshurg,  den  6.  M  einmonat  HUd,  un  petit 
in-8  de   167  pp.,  contenant,  à  gauche,  la  version  par  Gueulette   de 
la  Vita  h  Sogno  de  Cicognini,  et,  à  droite,  la  refonte  mit  poetischer  (?) 
Feder  de  cette  même  version,  bien  que  l'auteur  prétendît,  dans  son 
avant-propos  ampoulé  à  toutes  sortes  d'Altesses  Sérénissimes,  rendre 
en  allemand  u  ein  Italiânisches  Schauspiel  »  trouvé  par  hasard.  Cette 
dédicace,   intercalée  entre  le   titre  allemand  :    Das  \  Lehen  \  als  \  Ein 
Traum,  etc.  et  le  titre  français:  la  Vie  \  Est  \  Un  Songe  \  Tragi-Comedie 
1  traduite  de  l'Italien,  n'est  pas  signée.  Peu  nous  importe,  d'ailleurs, 
que  l'auteur  de  ce  médiocre  plagiat  ait  été  ou  non  un  prêtre  de  Montbé- 
liard,  Jul.  Friedr.  Scharffenstein3.  L'œuvre  nous  intéresse  uniquement 

i.  Paris,  Duchesne,  1788,  3  vol.  in-8;  l.  I,  Ai.  Au  tome  \XVI1  de  la  Petite  Biblio- 
thèque des  Théâtres,  etc.  (Paris,  1789,  Belin  et  Brunet)  :  Catalogue  des  pièces  de  Boissy, 
p.  25,  il  est  fait  mention  de  la  traduction  de  Gueulette  «avec  l'Italien  à  côté  »  [ainsi, 
par  exemple,  au  t.  II  d'une  édition  du  Nouveau  Théâtre  Italien,  Paris,  Flahaut,  1728, 
où  le  nom  du  traducteur  n'est  d'ailleurs  pas  donné],  puis  on  lit:  «  Ce  sujet  Espagnol 
fut  aussi  traité  par  un  autre  anonyme,  en  François,  pour  le  Collège  des  Quatre- 
Nations,  où  il  fut  joué  en  «788,  avec  tant  de  succès,  que  la  Duchesse  du  Maine  désira 
que  les  Elevés  de  ce  Collège  allassent  représenter  la  Pièce  à  son  Château  de  Sceaux.  » 
En  1857,  un  traducteur  italien  de  la  Vida,  Giovanni  La  Cecilia,  qui  publia  48  traduc- 
tions en  prose  de  drames  espagnols  (Teatro  scelto  spagnuolo  antico  e  moderno,  etc. 
Torino,  1867-59,  8  vol.  in-12)  s'imaginait  encore  que  la  pièce  était  une  «  Commedia 
di  Lope  de  Vega  »  (t.  111,  p.  167  seq.), 

2.  Mais  il  est  cité  au  Catalogue  des  pièces  de  Boissy  mentionné  dans  la  note  précé- 
dente. La  Bibliothèque  Nationale  possède  plusieurs  des  assez  nombreuses  éditions, 
ainsi  qu'une  traduction  en  hollandais,  de  la  version  de  L.  de  Boissy.  On  trouvera 
dans  A.  Lista  y  Aragon  :  Ensayos  literarios  y  criticos  (Sevilla,  18W),  II'^  par  t.,  88  seq.  une 
comparaison  entre  la  version  de  Boissy  et  l'original.  —  Lasso  de  la  Vega  (op.  cit.,  loc. 
cit.)  croit  que  la  traduction  de  Boissy  est  de  1752. 

8.  Cf.  à  ce  sujet  Breymann,  op.  cit.,  p.  9'(  seq.  Sur  Scliarffenstoin,  Cf.  Godekc, 
Grundriss,  III,  p.  865.  Schack  (111,  453)  signalait  la  représentation  à  Vienne  (sans  indi- 
quer qu'il  tenait  ce  renseignement  d'un  Almanachde  spectacles  viennois,  signalé  par 
E.  Dorer  dans  sa  brochure  :  Ueber  Das  Leben  ein  Traum,  Dresden,  i884),  en  1760,  de 
l'œuvre  de  ScharfTenstein.  Cf.  sur  cette  représentation  p.  iiv  seq.  de  la  préface  de  la 
traduction  allemande  de  la  Vida  par  P.  Herlth  (Berlin,  1868),  d'après  l'Almanach 
précité.  L'exemplaire  de  l'éd.  de  Strasbourg,  1760,  conservé  au  British  Muséum 
(tl  725  f.)  a,  à  l'énoncé  allemand  du  titre  du  volume,  cette  adjonction  en  initiales 
imitant  des  caractères  majuscules  d'imprimerie  :  D.  F.  H.  W.  M.,  à  la  suite  de  mit 
poetischer  Feder  entworffen.  Schreyvogel  (E.  A.  West)  était,  en  1816,  formel  dans 
l'attribution   à   ScharlTenstein   de   la    Vita   en    5   actes   et   eu    mauvais  ale.xan4rins 


70        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LHISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

parce  que,  le  i8  juillet  1750,  elle  fut  analysée  en  ces  termes  au 
86.  Stuck  de  la  Berliner  Privilegierte  Zeitung,  que  rédigeait  alors  l'ami 
de  Lessing,  Mylius  : 

Strafsbarg.  Das  Leben  als  ein  Traum  in  einem  Schaiispiele  vorgestellet.  Aus 
dem  Italiànischen  ûbersetzt,  und  mit  poetischer  Feder  enlworfen.  (Nebst  einer 
franzôsischen  prosaischen  Ubersetzang  J  Zu  finden  bei  Amand.  Kônig, 
Buchhandler  unter  der  grossen  Gewercks-Laub.  1750.  In  Oct„  11  Bogen.  W'er 
noch  keinen  Begrijf  von  dem  Abgeschmackten  des  italiànischen  komischen 
Theaters  hat,  der  kann  ihn  durch  Lesung  dièses  Stûcks  bekommen.  Basilius, 
Kônig  in  Pohlen,  batte  seinen  Sohn  Sigismund  in  einen  Thurm  an  einem  xuiïsten 
Orte  eingeschlossen,  lueil  ihm  die  Sterndeuter  prophezeiet  hatten,  dass  er  tyran- 
nisch  regieren  wûrde.  Der  Ausgang  aber  lehrete  das  Gegenteil.  Das  Tragische 
ist  hier  mit  dem  Komischen  auf  die  bey  den  Italiànern  gewôhnliche  Weise 
vermisctit,  und  Rosaura,  Pantalon  und  Arlequin  sind  geivisse  Kennzeichen  von. 
der  Art,  zu  luelcher  dièses  Schauspiel  gehôret.  Die  Verse  sind  grofstenteils  so 
erbàrmlich,  wie  die  ganze  Einrichtung.  Ist  in  den  Vossischen  Buchlàden  Jûr 
5  Gr.  zu  haben. 

M.  B.  A.  Wagner,  qui  a  tenté  de  démontrer  que  Lessing  collaborait 
dès  1748  à  la  Berl.  Ztg.  ^,  ne  veut  pas  que  cette  misérable  Anzeige  soit 
de  Lessing,  parce  qu'il  y  est  mal  parlé  du  théâtre  italien 2.  Il  ne  s'est 
peut-être  pas  cru  justifié  d'ajouter  :  <(  à  propos  d'une  pièce  espagnole», 
bien  qu'il  ne  se  refuserait  pas,  à  coup  sûr,  à  nous  accorder  que  l'auteur, 
quel  qu'il  soit,  des  lignes  ci-dessus  est  convaincu  qu'il  a  affaire  à 
une  production  de  source  italienne.  En  conséquence,  il  les  attribue 
généreusement  à  Mylius,  qui,  cette  même  année  1760,  devait, 
dans  l'avant-propos  à  sa  traduction  de  la  Clitia  de  Machiavel,  écrire^: 
«  Fragt  man  mich,  warum  ich  nicht  lieber  ein  gutes,  als  ein  mittel- 


allemands  :  cf.  sa  préf.  de  Das  Leben  ein  Traum  (5*  éd.  [Wien,  1867],  p.  ix).  — 
Signalons,  car  ce  détail  dissipe  une  équivoque  possible,  que  VVolfgang  Menzel  a 
prétendu  que  le  jésuite  de  Kempten  Anton  Claus  (1691-1754)  aurait  imité  la  Vida 
es  sueno  dans  un  drame  scolaire  en  latin  intitulé  Vulpanser,  imprimé  à  Augsburg 
en  1741  {Gesch.  der  deutsch.  Dichtung,  Stuttg.,  1869  [l\eue  Ausg.  Leipzg.,  1876],  II, 
254-255).  Breymann  a  transcrit  (op.  cit.,  p.  i35)  cette  donnée  sans  la  contrôler:  s'il 
eût  consulté  la  réédition,  par  le  P.  jésuite  Carlos  Sommervogel,  de  la  Bibliotfieque  de 
la  Compagnie  de  Jésus  de  De  Backer  (Bruxelles-Paris,  1891,  II,  i3o5)  il  y  eût  trouvé  que 
cette  prétendue  imitation  —  que  signalait  déjà  E.  Dorer  d'après  Menzel  [broch.  cit., 
p.  19J  —  avait  paru  en  1755  à  .\ugsbourg  chez  J.  WolfT  dans  les  u  Exercitationes 
théâtrales  a  Societatis  Jesu  inagistris  inferiorum  classium  dirigente  P.  Antonio  Claus,  ejusdem 
Societalis  in  Episcopali  et  .Academico  Gymnasio  Dilinganoexhibitae»  et  qu'elle  s'y  lit  1, 57  seq. 

1.  Lessing- Forschungen,  nesbt  Nachtràgen  zu  Lessings  Werken  (Berlin,  i88i),  //.  Teil, 
S  1,  p.  61-70. 

2.  Prog.  cit.,  p.  6.  Quand  M.  Wagner  écrit  :  «  die mitgeleilte  Besprechung  des  Calde- 
ron-Dramas  riitirt  sictierlicti  nicht  von  ihm  her,  »  il  s'exprime  mal  :  dans  l'esprit  du 
Rezensent,  ce  n'était  guère  de  Calderôn  qu'il  s'agissait!  Il  est,  d'ailleurs,  habile  de 
créer  de  telles  équivoques. 

3.  P.  398  des  Beytrage  zur  Historié  und  Aujnahme  des  T/ieafers  (Stuttgart,  1700). 
Lessing  lui  reprochera  ses  dires  en  1764,  dans  la  préface  de  1'/.  Siixck  de  la  Theatra- 
lische  Bibliothek  {M.,  VI,  k). 


I.V    NATURE    ET    T.ES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DK    I.ESSING  7I 

massiges  Stûck,  geAvâhlet  habe?  So  bitte  ich,  mir  erst  ein  gutes  Stûck 
von  dem  italienischen  Theater  zu  nennen.  »  Mais  où  il  dépasse  les 
limites  d'une  saine  méthode  d'investigation,  c'est  quand  il  affirme,  en 
vertu  de  sa  connaissance  infuse  de  la  psyché  lessinguienne,  que  l'ami 
de  Mylius,  qui  reçut  «  sûrement  »  de  celui-ci  la  révélation  «  de 
l'étrange  drame  »,  «  aurait  eu  de  la  peine  à  le  condamner  aussi  absolu- 
ment »  que  son  collègue,  mais,  au  contraire,  «  reconnut  le  fond 
excellent  de  la  composition  poétique'  ».  D'autre  part,  pour  expliquer 
comment  Lessing  identifia  l'auteur  véritable  de  la  pièce,  M.  B.  A. 
Wagner  a  recours  au  biais  suivant.  En  1754,  c'est-à-dire  k  années 
après  avoir  transcrit  le  titre  de  la  comedia  espagnole  en  allemand, 
Lessing  traduisit,  au  2.  Stûck  de  sa  Theatralische  Bibliothek,  l'Histoire 
du  Théâtre  Italien  de  Riccoboni,  où  celui-ci  déclarait  que  les  tragi- 
comédies  traduites  de  l'espagnol,  en  particulier  La  Vie  est  un  songe, 
comptaient  parmi  «les  plus  beaux  ornemens  du  Théâtre  Italien» 2. 
M.  Wagner  déduit  de  ce  fait  que  Lessing  connaissait  en  1750  ce 
passage  de  Riccobini,  et  que  le  dit  passage  fut  pour  lui  le  trait  de 
lumière  qui  le  fit  se  mettre  en  quête  de  l'original  espagnol,  et  le 
découvrir,  «  Avie  es  scheint»3.  Nous  n'irons  pas  si  avant  dans  l'à- 
priorisme.  Il  nous  suffira  de  constater  que,  si  Lessing  a  vraiment 
connu  le  texte  de  la  Vida  dans  sa  forme  première,  il  a  résolument 
manqué  une  excellente  occasion  d'opposer  aux  grossières  déformations 
des  Scharffenstein  et  autres  manœuvres  de  lettres,  une  traduction 
fidèle  (?)  d'une  œuvre,  en  somme,  inconnue.  Malheureusement,  nous 
ne  pouvons  oublier  la  conclusion  de  la  fable  de  Paul  Albrecht  à  propos 
de  VOrfeo.   Lessing  eût-il  été  capable  de    mener  à  bien  une  telle 

1.  Prngr.  cit.,  loc.  cit.  M.  B.  A.  Wagner  est  persuadé  que  la  traduction  de 
ScharfTenstein  était  faite  «  nach  einer  italienischen  Ueberarbeitung  ». 

2.  P.  46-/17  du  tome  I  de  l'édit.  de  Paris,  1780-31,  en  2  vol.  g"  in-8.  Riccoboni  fait 
allusion  à  la  traduction  de  Cicognini  et  parle  du  théâtre  d'Italie  au  xvii*  siècle. 

3.  M.  B.  A.  Wagner  a  été  dépassé  par  M.  Farinelli.  Ce  «  wie  es  scheint  »  indiquait 
encore  certaine  pudeur  critique.  M.  Farinelli  rattache  cette  «  traduction  »  de  la  Vida 
aux  Beytràge,  déclare  que  Lessing  entendait  remanier  la  pièce  de  Calderôn  «  fur  die 
deutsche  Bùhne  »,  et  conclut  en  nous  révélant  que  «  wiiren  die  <(  Beitrûge  »  nicht  so 
friih  eingestellt  worden,  so  hâtten  wir  [ce  wir  n'est-il  pas  ici  admirable?]  in  Lessing 
den  ersten  wahren  Uebersetzer  des  grossen  Spaniers  »,  ce  qui  est  d'autant  plus  à 
regretter  que  Lessing  et  Calderôn  sont  —  qui  l'eût  cru  ?  —  «  in  Manchem  venvandte 
Naturen.  »  (Spanien  and  die  span.  Lilt.  etc.,  p.  285. —  Je  citerai  cette  thèse  de  M.  Farinelli 
d'après  le  texte  du  t.  V  de  la  Zlschft.  fiir  vergleich.  Literaturgesch.)  Je  me  permets  de 
signaler  cette  affinité  psychique  de  Lessing  et  de  Calderôn  à  la  perspicacité  d'un 
jeune  Lessingforscher  de  l'école  de  B.  A.  Wagner.  Je  l'engagerai,  cependant,  avant 
d'explorer  ce  nouveau  domaine  de  la  littérature  comparée,  à  méditer  le  jugement 
porté  par  ce  même  M.  A.  Farinelli  sur  Calderôn  dans  un  autre  de  ses  livres  :  Grillpar- 
zer  und  Lope  de  Vega.  Mit  den  Bildnissen  der  Dichter  (Berlin,  iSgi),  p.  119  seq.  :  «  Der 
Dichtcr  weicht  dem  Theologen.  Calderôn  verneint  jede  That,  jede  Selbstbestimmung 
des  Menschen.  Jcder  Kampf  hieniden  ist  unnûtz.  Unwahr  sind  aile  Gcdanken,  die 
nicht  nach  dem  Ewigen  gerichlet  sind,  etc.  n  Le  jeune  Lessingforscher  essaiera  alors 
de  concilier  le  «  théologien  »  et  le  «  parent  spirituel  »  de  Lessing.  Un  tel  tour  de  force 
lui  gagnera  ses  éperons. 


72         CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

besogne?  Il  nous  semble  que  poser  la  question,  c'est  la  résoudre.  Et 
n'est-il  pas  significalif  qu'il  ne  soit  point  allé  au  delà,  cette  fois,  du 
titre  ? 


lyBo.  Les  Beytraege. 

a)  Les  dramaturges  espagnols. 

En  1700  parurent  chez  Johann  Benedict  Metzler,  à  Stuttgart,  ano- 
nymes, des  Beytrage  zur  Historié  iind  Aufnahme  des  Theaters,  dont 
les  éditeurs  étaient  G.  E.  Lessing,  alors  âgé  de  vingt-deux  ans,  et 
Alylius.  Dans  la  préface,  écrite  en  novembre  1749,  on  promettait  aux 
lecteurs  de  s'occuper,  outre  les  drames  des  Grecs  et  des  Romains,  des 
œuvres  théâtrales  des  Anglais  et  des  Espagnols  : 

«  Wir  werden  besonders  unsev  Augenmerk  auf  das  englische  undspanische 
Theater  richten.  Shakespeare,  Dryden,  Wycherley,  Vanbrugh,  Cibber, 
Congreve  sind  Dictiter,  die  iiian  fast  bey  uns  nur  dem  Namen  nacli  kennt, 
und  gleichwohl  verdienen  sie  unsere  Hochachtung  sowohl  als  die  geprie- 
senen  franzosischcn  Dichter'.  Ebenso  ist  es  mit  dem  Lopez  de  Vega, 
Augustin  Moreto,  Antonio  de  Mendosa,  Francisco  de  Rojas,  Fernando  de 
Zarate,  Juan  Ferez  de  Montalvan,  Antonio  de  Azevedo,  Francisco  Gonsalez 
de  Bustos  und  andern.  Dièse  sind  aile  Manner,  die  zwar  eben  so  grosse 
Fehler  ais  Schônheiten  haben,  von  deneii  aber  ein  vernûnftiger  Nachahmer 
sich  sehr  vicies  zu  Nutze  machen  kann  -.  » 

B.  A.  Wagner  qui,  comme  tous  les  critiques  allemands  antérieurs 
qui  ont  touché,  en  passant,  quelques  mots  des  rapports  de  Lessing 
avec  la  littérature  espagnole,  ne  connaît  cette  littérature  que  par  les 
manuels  courants  en  Allemagne,  —  celui  de  Schack  et  la  traduction 
de  Ticknor  par  Julius  avant  tout,  —  n'a  point,  ici,  retenu  certain 
étonnement  en  présence  de  cette  étrange  mixture  de  noms  de  poètes 
dont  on  affirme  qu'ils  recèlent  autant  de  w  grands  défauts  que  de 
beautés  »,  jugement  qui  suppose,  en  bonne  logique,  la  connaissance 
directe  et  personnelle  de  leurs  principales  productions,  u  Die  von  ihm 
angefûhrten  Dichter,  »  écrit-il  3,  usind  allerdings  ziemlich  -willkûrlich 
gewahlt,  aber  aile  lebten  in  der  Zeit,  wo  der  echt  nationale  Stil  zur 

1.  Sur  les  rapports  de  Lessing  avec  la  littérature  anglaise,  Cf.  Lessing  und  die 
Englander,  par  J.  Caro  (Euphorion,  G  [iSgij],  p.  460-490). 

2.  M.,  IV,  52, 

3.  Progr.  cit.,  p.  4.  — M.  A.  Bosserl  a,  dans  son  excellente  Histoire  de  la  Littéra- 
ture allemande  (2''  éd.,  Paris,  1904),  au  §  sur  Lessing,  trouvé  que  la  «première  har- 
diesse »  de  Lessing  et,  sans  doute  aussi,  sa  première  «  vue  prophétique  »  (p.  SSa), 
consistaient  en  ce  renvoi  à  l'étude,  dès  les  Beilràge,  des  Anglais  et  des  Espagnols.  Une 
affirmation  k  peu  près  analogue  était  déjà  dans  Hettner,  Litcraturgesch.  des  XVIU. 
Jahrh.  III  [IV.  Aujl.  Braunsch.  iSgSJ,  p.  456-457.  Nous  ne  saurions  admettre  —  etonva 
voir  pourquoi  —  cette  opinion  qu'avec  les  réserves  qui  s'imposent  dès  qu'il  s'agit,  en 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    I,'hISPA1S'ISME    DE    LESSING  78 

unbedingten  Herrschaft  gekommen  war.  »  Et  il  renvoie  à  Schack,  en 
confessant,  cependant,  qu'il  n'y  a  rien  trouvé  concernant  «Antonio  de 
Azevedo  ».  Si  la  première  affirmation  de  B.  A.  Wagner  n'apparaît  que 
trop  véridique  en  son  appréciable  modération,  —  que  l'on  pèse  ce 
«  ziemlich  «  willkiirlich  !  —  la  seconde  est,  nous  allons  le  voir,  complè- 
tement erronée.  Mais  il  importe,  tout  d'abord,  d'insister  —  ce  dont 
s'est  gardé  \e  LessingJorscherhevWno'x'è  —  sur  l'omission  des  noms  de 
Tirso  de  Molina,  de  Solis,  d'Alarcôn,  et  surtout  de  Calderôn,  pour 
nous  en  tenir  aux  toutes  premières  splendeurs  de  la  Comedia,  et  sur 
ce  qu'une  telle  omission  décèle  de  tranquille  et  confiante  ignorance 
de  la  part  du  jeune  Lessing.  L'incohérence  des  noms  qu'il  jette  ainsi 
au  hasard  de  quelque  répertoire  consulté  à  l'étourdie,  et  la  disparité 
chronologique  des  auteurs  qu'il  énumère  —  que  l'on  songe  à  Ant. 
de  Azevedo  voisinant  avec  F.  de  Zârate  !  —  ne  justifient  que  trop  la 
sévérité  de  notre  jugement.  Que  signifient,  en  effet,  dans  une  énumé- 
ration  de  poètes  dramatiques  qui  sont  censés  avoir  été  triés  sur  le 
volet  pour  être  présentés  au  public  allemand  comme  représentatifs 
d'un  art  théâtral  encore  ignoré  de  lui  dans  un  recueil  qui  devra  se 
borner  à  n'ofTrir  que  le  meilleur  d'œuvres  choisies,  que  signifient,  je 
ne  dirai  pas  un  Antonio  Hurtado  de  Mendoza,  —  dont  nous  connais- 
sons le  nom  surtout  parce  que  son  Marido  hace  mujer  servit  à  Molière 
pour  L'École  des  Maris  et  beaucoup  moins  parce  que  Sir  Rie.  Fanshawe 
donna,  en  1671,  une  excellente  version  anglaise  de  son  Qiierer  por 
solo  querer  —  mais  le  Portugais  Antonio  de  Azevedo,  pour  lequel  nous 
sommes  obligés,  si  nous  voulons  savoir  sur  son  compte  quelque 
chose,  de  recourir  aux  in-folios  de  Diogo  Barbosa  Machado,  qui 
relate  simplement  de  lui  que,  vivant  sous  le  règne  de  Jean  III,  il 
composa  beaucoup  d'œuvres  poétiques  dignes  de  louange,  sendo  entre 
todas  a  mais  esiimavel  a  Comedia,  que  fez  sobre  estas  palavras  do 
Evangelho  :  Venite  post  me,  faciam  vos  Jieri  piscatores  hominum^,  et 

littérature  comme  ailleurs,  de  «prophéties».  P.  82/1,  M.  Bossert  affirme  que  «  Lope 
de  Vega  n'avait  qu'à  suivre  les  impulsions  de  son  facile  génie  <>.  Il  est  curieux  que 
l'on  en  soit  toujours,  dans  des  milieux  cependant  familiers  avec  le  procédé  critique, 
à  juger  un  personnage  littéraire  sur  des  légendes  populaires  dont  William  Hazlilt 
s'est,  pour  nous  en  tenir  au  seul  Lope,  moqué  avec  raison  dans  son  Table-Talk,  etc. 
(i8ai-2i).  Que  sait-onde  documentaire  sur  les  conditions  dans  lesquelles  produisait 
Lope? 

I.  Bibliotheca  Lusitana,  etc.,  I  (Lisboa,  1741),  P-  2i3.  C'est  sur  cette  maigre  notice 
de  Barbosa  Machado  que  La  Barrera  a  rédigé  les  quelques  lignes  concernant  Azevedo, 
p.  5ii  du  Catdlogo.  Cependant  Schack,  qui  a  imprimé  au  t.  III  de  sa  Geschichte  les 
titres  de  pièces  de  la  Collection  en  48  volumes  des  Comedias  nuevas  de  los  mejores 
ingenios  de  Espana,  cite  à  l'énoncé  du  vol.  XI  (p.  542)  deux  autres  titres  : 

iO.  Los  Vandos  de  Laça  y  Pisa,  de  Antonio  de  Azevedo. 
12.  Origen  de  N.  Senora  de  las  Angustias  y   Rebelion  de  los  Moriscos 
de  Antonio  Faxardoy  Azevedo. 

Il  se  pourrait  que  ces  attributions  ne  fussent  pas  probantes  et  qu'il  s'agisse  ici  d'autres 
«Azevedo».  Barbosa  (I,  aaS)  cite  —  ainsi  que  N.  Antonio  (I,  io3)  —  un  Antonio  de 


'!l         CONTRIBUTIONS    A    I/ÉTUDE    DE    i/hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

ce  Gonzalez  de  Bustos,  qui,  pour  être  Espagnol,  partage  avec  le  Portu- 
gais la  même  infortune  d'être  profondément  inconnu  i?  M.  Wagner 
rejette  fort  cavalièrement  sur  les  Français  l'incohérence  de  Ténumé- 
ration  de  Lessing  : 

«  Vermutlich  entnahm  Lessing,  »  dit-il,  «  die  Namen,  die  zum  Teil  (wie  Lo- 
pezstatt  Lope)  in  franzôsischer  Form  erscheinen,  irgend  einein  franzôsischen 
Werke.  Die  Franzosen  liebten  es  ja,  auf  das  spanische  Drama  aïs  auf  einc 
freilich  lângst  ûberschrittene  Vorstufe  ihrer  eigenen  Schôpfungen  zurûck- 
zublicken.  Dabei  gaben  auch  manche  Litteraturforscher  zu,  dass  ihre 
klassischen  Dramatiker  den  Spaniern  viel  verdankten  ' .  » 

Si  Lessing  a  emprunté  à  un  ouvrage  français  sa  liste  de  noms, 
M.  Wagner  a-t-il  songé  à  ce  que  révèle  de  frivolité  une  semblable 
méthode,  spécialement  dans  la  circonstance  présente,  à  l'annonce 
d'une  publication  dont  la  nouveauté  nous  est  représentée  à  l'envi 
comme  salutaire  pour  la  littérature  nationale?  D'ailleurs,  il  n'est  pas 
exact  que  «  les  Français  »  —  il  s'agit,  sans  doute,  des  Français  du 
xviir  siècle  —  fussent,  sauf  réserve  de  ces  «manche  Literaturforscher  » 
qui  ne  laissaient  pas,  à  pareille  époque,  d'être  d'assez  rarse  aves  en 
ce  domaine  littéraire,  si  dédaigneux  du  drame  espagnol.  Les  affir- 
mations de  Voltaire  ont  dû  déteindre  sur  l'esprit  de  M.  Wagner, 
lorsqu'il  se  prononce  de  la  sorte  touchant  l'opinion  des  littérateurs 
français  du  siècle  de  Lessing  à  l'endroit  de  la  Comedia.  Nous  verrons 
qu'au  contraire  ceux  qui  ont  eu  l'occasion  de  s'en  occuper  d'un  peu 
près,  s'ils  ne  l'ont  pas  jugée  toujours  à  sa  vraie  valeur,  n'ont  pas 
manqué  de  regretter  qu'elle  fût  si  méconnue  dans  leur  pays  et  d'expri- 
mer le  désir  que  leurs  compatriotes  se  familiarisassent  avec  elle.  Mais 
M.  Wagner  erre  outrageusement  lorsqu'il  déduit  du  fait  de  la  graphie 
Lopez,  au  lieu  de  Lope,  la  probabilité  de  l'origine  française  de  l'énumé- 
ration  de  Lessing.  M.  Wagner  n'a-t-il  donc  pas,  au  surplus,  remarqué 
que  Lessing  écrit  aussi  Mendo^a,  au  lieu  de  Mendoza,  Gonzalez,  au  lieu 
de  Gonzalez,  ilugustin  au  lieu  de  la  forme  nettement  castillane .4gustin? 
Ce  n'étaient,  en  aucune  sorte,  les  Français  seuls  qui  disaient  et  impri- 
maient Lapez,  tant  s'en  faut  !  Le  fameux  professeur  de  Kiel,  Morhof, 


Azevedo  Saa  qui  «pela  continua  assistencia,  quo  fez  en  Espanha,  soube  a  lingua 
Castelhana  com  summa  perfeiçaô  »,  mais  dont  il  n'énumère  que  des  œuvres 
spirituelles.  Les  auteurs  de  la  Portugiesische  Litteratar,  au  Grundriss  de  Grôber, 
M"'  Michaelis  de  Vasconcellos  et  M.  Th.  Braga,  ne  mentionnent  qu'en  note  A.  de 
Azevedo  comme  l'un  des  admirateurs  du  parti  nationaliste  et  de  Sa  de  Miranda,  dont 
on  sait  que  M"'  Michaelis  a  édité  les  Poésies  à  Halle  en  1881.  Sur  les  auteurs  portu- 
gais qui  écrivirent  en  castillan,  cf.  le  Cat.  raz.  de  los  aut.  port,  que  escrib.  en  cast.  de 
Domingo  Garcia  Perés  (Madrid,  1890). 

1 .  Tout  ce  que  l'on  sait  de  lui,  c'est  qu'il  vécut  à  la  fin  du  xvii'  siècle.  Cf.  Catâlogo, 
p.  177,1a  mention  des  quelques  pièces,  totalement  et  à  juste  titre  oubliées,  qui  restent 
de  lui. 

2.  Progr.  cit.,  p.  5. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    r.'niSPAMSME    DE    I.ESSING  76 

dont  le  Polyhistor,  l'un  des  premiers  essais  européens  de  littérature 
universelle,  jouit  durant  toute  la  première  moitié  du  xviii"  siècle 
d'une  si  considérable  estime  dans  les  milieux  érudits,  —  la  quatrième 
édition  de  cette  compilation  indigeste,  Liibeck,  1747,  en  est  une 
preuve,  —  ne  déclare-t-il  pas  résolument  au  livre  VII  i  :  «  Si  quaeras, 
unde  tantum  dignitatis  accesserit  Hispano  Dramati,  et  quis  praecipuus 
ejus  artifex?  LUPUM  (Hisp.  Lopez)  FELICEM  DE  VEGA  CARPIO  tibi 
memorat...,  etc.?^))  Et,  en  175 1,  Jôcher  ne  fait-il  pas,  à  l'article  Vega 
du  Gelehrten-Lexikon  (IV,  p.  1492),  ce  merveilleux  o?i6ffmgr«o  ;«  D£ 
VEGA  CARPIO  (Lopez),  ot/er LOPE  FELIX...»?  Et  ce  distinguo  n'est-il 
pas  repris  par  Gottsched  à  l'article  VEGA,  p.  1601  du  Handlexikon 
oder  kurzgefasstes  Wurierbuch  der  schônen  Wissenschajlen  undfreyen 
KUnste,  publié  à  Leipzig  en  1760?  Même  un  hispanisant  de  la  valeur  de 
V.  Aimé  Huber,  l'universitaire  qui  finit  dans  le  conservatisme  et  le 
piétisme  après  avoir  produit  ces  œuvres  si  connues  :  collection  de 
romances  espagnols  anciens  (Aarau,  182 1,  anonyme),  édition  de  la 
Chronique  du  Cid  et  dissertation  sur  les  romances  (i844),  parlera, 
dans  sa  conférence  du  9  février  1802  :  Ueber  span.  National,  u.  Kunst 
im  i6.  II.  17.  Jahrh.  (Berlin,  1862,  iv  et  28  p.),  p.  26,  de  Lopez  de 
Vega 3.  M.  E.  Schmidt  a  donc  exprimé  une  vérité  de  bon  sens  lorsqu'il 
formula,  sur  la  malencontreuse  promesse  des  Beitrdge,  cette  appré- 
ciation :  «  Nâchst  den  Alten  sollen  Spanier  und  Englânder  die  Haupt- 
rolle  Ispielen,  und  Lessing...  schiittelt  eine  Menge  britischer  und 
spanischer  Dichternamen  aus  dem  Aermel,  die  ihm  grôsstenteils  doch 
nur  ein  leerer  Schall  sind,  denn  die  bedeutendsten,  Lope,  Calderon, 
werden  im  zufalligen  Wust  vergessen^.  »  Quand  on  songe  à  la 
manière  de  procéder  de  Lessing  à  l'endroit  de  Jôcher  —  laquelle,  bien 
que  restée  obscure  par  suite  de  la  perte  des  lettres  adressées  par 
Lessing  à  l'éditeur  du  Gelehrtenlexikon,  n'en  a  pas  moins  mérité,  le 

1.  Peu  importe  que  ce  livre  soit  de  Muhle,  du  point  de  vue  qui  nous  occupe. 

2.  Polyhistor  Literarius,  Lib.  VII,  p.  loio  de  l'édition  de  1747- 

3.  Tout  récemment  encore,  l'organe  du  D'  Thurau,  qui  professe  cependant 
l'espagnol  à  l'Université  de  Kônigsberg  (Prusse),  imprimait,  comme  aux  âges  de  Jôcher 
et  Gottsched,  Lope:  de  Vega.  (Cf.  Zeitschrift  fiir  franzôsischen  und  englischen  Unterricht, 
V  (1906),  111.  Heft,  p.  256).  Du  moins,  la  bévue  n'était  point  si  colossale  que  celle  du 
Hannov.  Mag.  qui,  en  1764,  reproduisant  un  extrait  des  Letters  de  Edw.  Glarke  paru 
l'année  d'avant  dans  The  Univ.  Mag.  of  Knoiol.  and  Pleas.  (Il,  p.  18-20),  faisait, 
col.  iG53,  de  «Lope:  de  Vega»  et  de  a  Carpio  >■>  deux  entités  distinctes.  L'erreur, 
d'ailleurs,  était  si  peu  spécifiquement  française  qu'elle  s'est  produite  en  Espagne. 
Cf.  la  preuve  dans  M.  Morel-Fatio  :  La  Comedia  Espagnole  du  XVW  .siècle  {Paris,  i885), 
p.  3/i,  note  i/i.  Et,  en  Allemagne,  Goethe  lui-même  a  employé  la  forme  Lopez  (Ecker- 
mann,  Gespràche,  I,  167  de  l'éd.  Ph.  Reclam  jun.).  La  même  faute  se  commettait  en 
Angleterre  en  1861,  où  l'auteur  d'une  bonne  review  des  Œuvres  de  F.  Caballero  dans 
The  Edinbargh  Heview  do  18G1,  p.  99-129,  écrit  p.  99:  Lope:  de  Vega.  On  voit  donc  que 
«  lliacos  intra  muros  peccatur  et  extra  ». 

4.  Op.  cit.,  I,  166.  —  M.  Schmidt  prendrait-il  le  Lope:  de  Lessing  pour  un  rimeur 
pyrénéen  différent  de  Vega  Garpio ?  En  outre,  il  faut  bien  croire  que,  pour  lui,  ni 
Tirso,  ni  Alarcôn,  ni  SoHs  ne  sont  des  «  bedeutendste  », 


76         CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    UE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

détail  est  caractéristique,  d'être  traitée  par  Karl  Lessing,  directement 
renseigné,  de  «  moralische  Kleinigkeit  in  Lessings  Charakter  »  »,  — 
n'a-t-on  pas  quelque  raison  de  ne  point  se  montrer  trop  tendre  à 
l'endroit  de  cette  prétentieuse  ignorance  d'un  jouvenceau  ivre  de 
réclame?  Je  sais  que  l'on  m'objectera  la  difficulté  extrême  de  se  ren- 
seigner, de  première  main,  à  cette  date,  en  Allemagne  sur  la  littéra- 
ture espagnole.  Les  œuvres  originales  n'y  étaient,  cependant,  nullement 
si  rares,  dans  les  centres  d'érudition,  qu'on  le  laisse  entendre,  bien 
que,  pour  ce  qui  concerne  les  œuvres  dramatiques,  —  sauf  quelques 
collections  déjà  d'accès  facile,  —  le  mode  de  leur  publication  en 
Espagne  et  les  mœurs  des  libraires  espagnols  en  rendissent  l'acqui- 
sition généralement  risquée  et  soumise  à  de  fâcheux  hasards  hors  des 
frontières  de  la  péninsule  ibérique.  Du  moins  ne  manquait-on  nulle- 
ment, en  1750,  d'une  consciencieuse  et  volumineuse  compilation 
réunissant  un  assez  bon  nombre  de  précieux  renseignements  sur 
l'Espagne  et  sa  littérature.  L'année  même  où  Lessing  et  Mylius 
publiaient  leurs  Beilriige,  les  Kritische  Nachrichten  —  qui  devaient 
leur  être  plus  familières  qu'à  quiconque  —  imprimaient  un  compte 
rendu  très  favorable  —  en  même  temps  que  très  hostile  aux  Jésuites 
—  de  la  Storia  e  ragione  d'ognipoesia,  de  Quadrio,  u  das  vollstandigste 
vielleicht,  Avelches  bisher  von  der  Dichtkunst  erschienen  ist. ..;  von 
allen  denen  gesucht...,  die  nicht  Jesuiten  waren'^.  »  Or,  Lessing  aurait 
pu,  dans  la  Part.  II  du  t.  III,  parue  à  Milan  en  1744,  trouver,  p.  SSq- 
3/i5,  un  catalogue  bio-bibliographique  relativement  exact,  quoique, 
naturellement,  incomplet,  des  dramaturges  espagnols,  avec,  en  parti- 
culier, la  bibliographie  des  9  volumes  in-4  de  Comedias  de  Calderôn 
publiés  parVera  Tassis  —  de  la  7"  Parte,  Madrid,  Sanz,  i685,  à  la  IX% 
1691  —  le  renvoi  aux  Autos  et  aux  Obras  pôstumas  dans  l'édition  de 
Pando  y  Mier  (Madrid,  Murga,  1717),  avec  ce  jugement  sur  le  poète: 
((  Le  sue  Gommedie  sono  per  avventura  le  più  ingegnose  e  plausibili 
di  quante  ne  abbia  la  Spagna^.  »  De  Lope,  outre  un  rapide  essai 
bibliographique  et  l'indication  d'une  collection  de  ses  Comedias  impri- 

1.  op.  rit.,  p.  89. 

2.  Anhang  :u  den  Critischen  \achrichten  aus  dem  Beiche  der  Gelehrsainkeit  voin  Monat 
April  17Ô0.  Ce  compte  rendu  annonçait  que  la  dernière  partie  de  l'ouvrage  de 
Quadrio  paraîtrait  ce  même  mois. 

3.  Op.  cit.,  p.  3/42.  —  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  noter  en  passant  que  si  Ticknor 
avait  connu  le  passajfc  de  Quadrio  sur  Calderôn  —  à  défaut  d'autre  autorité  —  il  eût 
hésité  à  dater  le  tome  IX  de  l'édition  Vera  Tassis  169/»,  au  lieu  de  1691.  On  voit,  en 
outre,  que  Quadrio  ne  connaissait,  lui  aussi,  du  t.  I  que  l'édition  de  i685  et,  en  effet, 
l'hypothèse  de  La  Barrera  sur  l'existence  d'une  édition  de  1682  de  ce  tome  I  semble 
avoir  été  une  erreur  du  consciencieux  bibliographe,  bien  que  cette  date  1682  soit 
également  donnée  par  Lemcke,  Ilandbuch,  III,  G70.  U  est  inutile  de  mentionner  que  la 
/«  Parte  de  Vera  Tassis  était  la  Parte  V,  par  suite  des  4  Partes  (16/40-1672)  de  J.  Cal- 
derôn. A  propos  de  l'ex-jésuite  italien  Quadrio,  cf.  le  trait  que  lui  lance  le  rancunier 
J.  B.  P.  Forner,  l'auteur  de  VAsnn  eriidito,  dans  sa. Salira  contra  los  vicias  introd.  en  la 
poesia  casl.  B.  A.  E.  63,  p.  3 10. 


LA    NATURE    ET    LES    SOL'RCES    DE    L  HISPAMSME    DE    LESSING  77 

niée  à  Milan  chez  Giambatista  Bidelli  (lôrg,  in-8)  et  de  quelques-unes 
des  Parles  espagnoles,  il  est  dit  :  «  Ma  queste  Commedie  in  venti- 
cinque  volumi  raccolte,  ciascuno  de'quali  ne  comprende  dodicii, 
non  sono  le  sole,  ch'  egli  compose.  »  Et  Quadrio,  comme  preuve  de 
son  assertion,  cite  Lope  lui-même,  puis  donne  une  liste  de  ses 
œuvres  non  dramatiques.  De  même,  il  traite  assez  amplement  de 
Solis  et  signale  à  l'attention  des  lecteurs  le  volume  imprimé  en  1681 
à  Madrid  par  M.  Alvarez  et  qui  contient  9  comédies  du  poète  histo- 
rien. Mais,  au  lieu  de  se  documenter,  le  jeune  Lessing  énonce  impru- 
demment des  noms  qui  hurlent  de  se  trouver  réunis  et  cet  enfantillage 
semble  suffisant  à  M.  B.  A.  Wagner  pour  proclamer  que  déjà,  sans 
doute,  il  s'était  «formé  un  concept  personnel,  encore  qu'imprécis,  du 
caractère  spécifique  de  la  scène  espagnole  na. 

P)  Guevara. 

x\u  premier  Stiick  des  Beytriige  (M.  IV,  61),  intitulé  :  Von  dem  Leben 
und  den  Werketi  des  Plantas,  il  y  a  cette  phrase  :  «  Wenn  ich  nicht 
dem  spanischen  Schriftsteller,  dessen  Taubmann  gedenket,  gleich 
werden,  und  in  Ermanglung  gegriindeter  Nachrichten  von  dem 
Plautus,  meine  Erdichtungen  oder  Vermuthungen  dem  Léser  aufhiin- 
gen  Avill,  so  kann  ich  Aveiter  nichts  zur  Lebensbeschreibung  unsers. 
Dichters  beyfiigen,  als  seinen  ïod.  » 

Taubmann,  poète  et  professeur  de  poésie  et  d'éloquence  à  VVittenberg, 
publia,  en  cette  même  ville,  en  i6o5,  un  volumineux  in-4,  intitulé  : 

M.  AccI  I  PLAUTI  I  LAT.  COMOEDI.E  \  facile  principis  \  fabulae  XX. 
superstUes  etc.  |  operâ  |  Friderici  Taubmani,  |  Professons  Acad.  \  etc.  Witten- 
berg,  Apud  Zachariam  Schurerum. 

A  la  page  i3o6  de  cet  ouvrage,  se  trouve  cet  avis  : 

«  Narro  tibi,  Leclor.  Cùm  extremas  hasce  pagellas  |  typographiae  adorna- 
rem   commodùm  mihi  e  Bibliothecà  |  Lud.    Personii  JC.   et  Elect.    Sax. 

1.  Cette  collection  est  en  réalité  de  plus  de  25  volumes,  parce  que  certaines  des 
réimpressions  d'un  volume  identiquement  numéroté  ne  sont  pas  semblables.  On  sait 
que  plusieurs  pièces  qui  y  sont  attribuées  à  Lope  ne  sont  pas  de  lui.  Le  premier  qui 
ait  essayé  d'en  donner  un  Catalogue  est  Dieze,  p.  33 1  seq.,  de  sa  traduction  de  Velâz- 
quez.  Schack  l'a  complété,  II,  691  seq.  (en  utilisant,  sans  le  mentionner,  Bertuch, 
Mag.  der  sp.  u.  port.  LU.,  I  (Dessau,  1781),  p.  35i-358),  puis  Lemcke,  Handbuch,  III 
(i856),  180-181. 

2.  Progr.  cit.,  p.  'i.  —  On  ne  sait  trop  que  penser  lorsqu'on  lit  dans  M.  Farinelli  — 
critique,  d'ailleurs  fort  érudite  comme  toujours,  du  livre  de  V.  Cian  sur  Conti  au 
t.  XX\  (1897)  du  Oiornale  slor.  délia  lett.  ital.  p.  ^-76-290  —  que  «  dal  Riccoboni  e  dal 
Signorelli  trasse  il  Lessing  le  prime  notizie  sui  poeti  dolla  Spagna  che  studio  poi, 
come  ora  si  sa,  con  scarso  amore  e  con  pochissimo  frutlo  »  (p.  a85).  Si  Lessing  a 
connu  Signorelli,  dont  la  première  ébauche  de  la  Sloria  critica,  etc.,  est  de  1777,  et 
s'il  est  parti  de  lui  pour  «  étudier  »  les  poètes  d'Espagne,  nous  serions  obligé  à 
M.  Farinelli  de  vouloir  bien  recourir  à  ses  fiches  pour  nous  confondre  en  nous 
apprenant  avec  son  exubérance  documentaire  coutumière  comment  il  s'y  est  pris. 


-8         CONTRirsUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    t/hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSI>T; 

Consil.  ac  Profess.  pri-  |  marii  libellus  ab  amico  offertur  Nob.  cuiusdam 
Hispani,  |  in  quo  ille,  pag.  19  German.  edit.  ut  rem  certam  ponit,  |  Plautum 
nostrum  in  juventute  variis  fuisse  moribus  :  |  sectatum  esse  militiam  :  per 
maria  circumvectum  esse  :  pi-  |  storem  fuisse  :  mercaturam,  et  imprimis 
oleariam  exercu-  |  isse  :  factum  etiam  vestiarium  et  sarcinatorem  :  tandemq.' 
I  in  bonis  litteris  acquievisse.  Sed  nisi  potior  ab  aevo  |  prisco  juvet  auctoritas, 
qui  credam  ista  |  omnia  Taubmannus?  |  credat  Judaeus  apelles,  Non  ego.  » 

Lessing  illustre  le  passage  de  cette  remarque  lapidaire  :  «  Wo  ich 
nicht  irre,  so  ist  dieser  Spanier  Antonio  von  Guevara.  Denn  se  viel  ich 
mich  besinne,  glaube  ich  an  einem  Orte  seiner  Schriften  ein  gleiches 
gelesen  zu  haben.  » 

Lessing  nous  offre  ici  une  occasion  amusante  d'illustrer  son  «  hispa- 
nisme 0,  et  de  montrer  combien  est  médiate  son  information  littéraire 
touchant  les  «  choses  d'Espagne  ».  Le  mystérieux  ((  libellus  »  de  Taub- 
mann,  à  la  page  19  duquel  se  trouve  le  passage  où  le  c  noble  Espagnol» 
a  divagué  si  agréablement  sur  Plante,  doit  d'abord  être  identifié. 
L'édition  des  comédies  de  Plante  par  le  professeur  de  Wittenberg  â, 
nous  l'avons  vu,  paru  en  i6o5.  Un  peu  avant  la  mise  en  vente  de 
celle-ci,  un  de  ses  amis  lui  a  remis  l'opuscule  à  propos  duquel  il  a 
écrit  la  note  finale  de  la  page  i3oG.  Or,  cette  même  année  i6o5,  la 
libraire  genevois  De  Tournes  publiait  une  seconde  édition,  enrichie 
d'une  traduction  allemande,  d'un  petit  volume  paru  en  lôgi  et  conte- 
nant le  texte  espagnol,  ainsi  qu'une  traduction  française  et  une  traduc- 
tion italienne,  du  Libro  llaniado  menosprecio  de  la  corte,  y  (dabanza  de 
la  aldea  i,  du  faussaire  de  Mondonedo.  Cette  seconde  édition,  imprimée 
en  quatre  colonnes,  dont  les  deux  de  gauche  contenaient  l'original 
castillan  et  la  version  italienne,  tandis  que  celles  de  droite  renfer- 
maient la  version  française  et  la  version  allemande,  avait  conservé  la 
préface  de  la  première,  laquelle  était  datée  :  20.  may  1591.  Elle  s'inti- 
tulait :  Mespris  de  \  la  Cour,  et  Lou-  |  ange  de  la  vie  rustique  : 
I  *  I  Composé  premièrement  en  Espagnol  par  Dom  An-  \  toine  de 
Gueuarre,  etc., etc....  par  lean  de  Tournes  M.DCV.  Le  passage  auquel 
faisait  allusion  ïaubmann  s'y  trouvait,  non,  comme  il  l'imprimait, 
p.  19,  mais  p.  119.  Ce  passage  était  le  suivant  : 

«  Plato  der  Philoso-  |  phus  war  in  seiner  ju-  |  gent  liederlich  gnug,  |  dann 
er   liefT  dem  krieg  |  nach  1  unnd  fuhr    auffm  |  meer  1  er  war  auch  ein  | 
I  beck  I  und  handlete  mit  |  kauffmanschafTt  |  ver-  |  kauffte  ôl  |  und  lernte 
I  das  Schneider  handt-  |  werck.  Als  er  derwe-  |  gen  gefragt  ward  |  wel-  | 
ches  amt  ihm  am  be-  |  sten  gefiele  |  gab  er  zur  j   antAvort  etc.  » 

P.  118,  le  texte  espagnol,  ainsi  traduit,  avait  la  teneur  suivante  : 

c(  Platon  el  philoso-  |  pho  fue  en  su  moce-  |  dad  muy  humano,  y  |  aun 
mîidano,  porque  |  anduuo  enla  guerra,  |  nauego  por  mar,  fue  |  panadero, 

I.  Valladolid,  lôSg,  in-fol.  Le  texte  de  De  Tournes  est  celui  de  l'édition  ultérieure 
d'Anvers,  sans  date. 


LA    NA.TUHE    ET    LES    SOUKCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESS1NG  "u 

tracto  en  |  mercaderia,  vendio  |  azeyte,  y  aprendio  |  un  oficio  de  sastre.  | 
preguntado  este  phi-  i  losopho,en  que  of-  I  ficio  auia  eslado  mas  |  contento, 
y  se  auia  |  hallado  mas  assosse-  |  gado,  respondio....  » 

Objectera-t-on,  maintenant,  que  Lessing  a,  par  un  lapsus  memoriae 
qu'expliquerait  et  excuserait  la  distance,  confondu  Platon  et  Plante?  Ce 
serait  mal  connaître  sa  manière,  lorsqu'il  traite  de  détails  espagnols. 
Nous  n'avons  qu'à  nous  reporter  au  traducteur  allemand  de  Guevara 
et  d'autres  auteurs  espagnols,  à  cet  effroyable  barbouilleur  d'.Egidius 
Albertinus,  dont  nous  verrons  Lessing  signaler  et  critiquer  dédaigneu- 
sement —  et  d'ailleurs  à  juste  titre —  l'année  suivante  la  version  du 
Giizmdn  de  Alfarache.  On  lit,  en  effet,  au  cap.  II,  p.  1 1,  de 

Drey  schône  Tractiitlein,  dereii  |  Das  Eine  \  De  Molestiis  Aulae  \  et  Ruris 
Laude  |  Das  ist  :  \  Missbrauch  des  Hoff  -  Lebens  \  und  Lob  dess  Landt- 
Lebens  etc.  etc.  |  diirch  '  Herrn  Antoniam  de  Guevara  \  In  Hispanischer  Sprach 
beschrieben  \  jetzundaber  durch^gidiumAlbertinumetc.  \  in  Teutsche  Spraach 
versetzt  (Frank/art  MDCXL  VJ  : 

«  Plautus  der  Philosophus  war  in  seiner  Jugend  liederlich  genug  |  dann 
er  lief  dem  Krieg  nach  I  und  fuhr  auffm  Meer  |  er  war  auch  ein  Beck  |  und 
handlete  mit  Kaufmannschaft  verkaufTt  Oel  |  und  lernete  das  Schneider 
HandAverck.  Aïs  er  derwegen  gefraget  Avard  \  Avelches  Ampt  im  am  besten 
geflel  I  gab  er  zur  Antwort.  Es  ist  kein.  stand  d'  |  sich  nit  verkehre  |  es  ist 
kein  Ehr  ohne  Gefahr  f  es  ist  kein  Reiclithumb  ohne  Mûhe  etc.  etc..  Dieser 
Philosophus  Plautus  hat  gantz  weissiich  |  und  wie  ein  erfahrncr  Mann 
geredet,  etc.  » 

On  comprend,  maintenant,  pourquoi  Lessing  n'a  pas  relevé  Terreur 
de  Taubmann  —  lui  qui  aimait  tant  les  Rettungen,  il  avait  là  une 
excellente  occasion  d'entreprendre  une  Rettung  de  Guevara,  «  abernur 
in  einer  Kleinigkeit))  —  et  ce  que  vaut  sa  déclaration  qu'il  a  lu  les 
«  Schriften  »  del'évêque  franciscain.  Il  les  a  lues,  sans  doute,  il  faut 
l'en  croire,  mais  dans  .Egidius  Albertinus.  Et  sa  mauvaise  étoile  a 
voulu  qu'au  lieu  de  se  servir  de  la  charmante  et  correcte  édition  de 
Jean  de  Tournes,  il  n'ait  connu  que  la  réédition  défectueuse  de  Franc- 
fort, 1645,  de  la  traduction  d'Albertinus,  et  ait  accepté  sans  le  contrôler 
sur  le  texte  original  l'erratum  monstrueux  qu'elle  contenait  i. 


1751-1753.  Les  «  Rezensionen  »  hispaniques. 

Nous  abordons,  avec  les  critiques  hispaniques  publiées  soit  dans  la 
Derlinische  Zeilung,  soit  dans  les  Kritische  Nachriclden,  un  terrain 

I.  Sur  Jigidius  Albertinus,  un  Hollandais  immigré  en  Allemagne,  cf.  A.  Schnei- 
der, op.  cit.,  p.  5  seq.  Sur  le  Menosprecio  de  Corte  et  la  version  —  dont  la  première 
impression  est  vraisemblablement  de  Munich,  1092  —  qu'en  a  l'aile  Alljcrtinus,  id., 
p.  77  seq.  Sur  l'édition  de  Francfort,  iG4/4-45,  id.,  p.  97. 


8o         COTKUJUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    L  HISP.VMSME    DE    G.    E.    LESSING 

fort  chancelant.  Il  manque,  en  effet,  de  preuves  décisives  qui  pour- 
raient rendre  admissible  l'attribution  à  un  auteur  déterminé  de  tel  ou 
tel  entre  les  articles  anonymes  de  ces  gazettes,  et  les  critères  adoptés 
par  les  Lessingforscher  pour  résoudre  ce  délicat  problème  —  le  plus 
décisif  à  leurs  yeux  est  le  caractère  u  lessingisch  »  du  style  —  ne  sont 
guère  convaincants.  M.  Muncker  n'ose  conférer  à  Lessing,  à  l'époque 
où  celui-ci  rédige  personnellement  la  Berlin.  Ztg.,  en  1751,  que 
zum  aUergriissien.  Telle  {M.  IV,  p.  ix-x)  la  paternité  des  critiques  de 
livres  qui  y  parurent.  Quant  à  celles  des  Krltische  Nachrichten 
de  1751  qu'il  lui  attribue,  il  ne  va  pas,  pour  en  garantir  l'authenticité, 
au  delà  de  l'épithète  :  ziemlich  zuverlâssig  (ici.,  p.  viii)«.  C'est  là  le 
langage  d'une  saine  méthode.  J'ai  déjà  fait  une  brève  allusion  à  l'in- 
trépidité de  B  A.  Wagner  en  matière  d'attribution  à  Lessing  d'articles 
des  Krit.  Nachrichten.  Deux  exemples  plus  frappants  encore  de  cette 
hypnose  lessingophile  ne  seront  pas  superflus  à  cette  place,  ne 
dussent-ils  servir  qu'à  illustrer  une  thèse  que  certains  aimeront  peut- 
être  à  donner  comme  paradoxale,  ou  comme  produit  d'une  germa- 
nophobie ridicule.  Le  premier  de  ces  exemples  est  consigné  dans  la 
Vierteljahrschrifl  fiir  Liiteraturgeschichle,  III  (1890),  p.  398-4132. 
Von  Weilen  y  a  tenté  de  conférer  le  baptême  «  lessingisch  »  à  deux 
articles  anonymes  de  la  Hamburgische  Neue  Zeitung,  dont  l'un  est  un 
compte  rendu  extrêmement  long  de  la  Pragmatische  Geschichte  der 
Protestanlen  in  Deutschland,  de  K.  R.  Hausen^.  Si  M.  Erich  Schmidt, 
au  lieu  de  s'être  déclaré  sceptique^,  de  n'avoir  pas  reconnu  «  die 
Lowenkiaue  »  dans  cette  filandreuse  dissertation,  eût  admis  l'idée  de 
V.  Weilen,  nous  aurions  eu,  à  n'en  pas  douter,  dans  l'édition  Muncker, 
au  lieu  du  plus  court  des  deux  articles  en  litige  (M.  X,  222)  —  déclaré 
(I  lessingisch  »  par  Redlich  et  Boxberger,  bien  qu'Erich  Schmidt  eût 
manifesté  à  son  endroit  de  la  défiance ^  —  un  nouveau  morceau 
«  inédit  n  de  critique  lessinguienne  à  savourer.  Le  second  exemple 
concerne  le  fragment  Zorade.  Son  histoire  est  essentiellement  ana- 
logue à  la  précédente  et,  comme  on  en  trouvera  les  péripéties  dans 
Danzel  (éd.  de  iSôo,  p.  523-53o),  Muncker  (III,  p.  vi-vii)  et  E.  Schmidt 
(II,  708-704),  je  ne  la  reprendrai  pas  à  cette  place. 

II  était  nécessaire,  avant  de  passer  en  revue  celles  des  critiques 

I.  Cf.  en  outre  son  aveu  {id.,  p.  V)  :  Ob  >ch  hei  der  Aufnahme  oder  Ausschliessunij 
solcher  ntaen  Aufsàtze  stets  dos  Richtige  getroffen  habe,  weiss  ich  niclit.  Cf.  aussi  la  pré- 
face de  Boxberger,  61  ',  p.  i-v,  et  surtout  E.  Conseutius  :  Lessing  und  die  Vossi^che 
Zeitung,  Leipzig,  1902,  in-8°  de  no  pages. 

a.  Leasings  Beziehungen  zur  Hainburgischen  l\euen  Zeitung. 

3.  Réimprimé  p.  ioi-/ti!  de  la  Vierleljahrschrift.  L'ouvrage  de  Hausen,  un 
insupportable  écrivassier  dont  les  œuvres  sans  goût  ni  tenue  littéraire  sont  indi- 
quées dans  Meusel,  avait  paru  comme  L  Thl.  à  Halle  en  1767,  in-8.  11  n'eut  pas  de 
seconde  partie. 

4.  Ibid.,  p.  'ii3-,'ii5. 

5.  Ibid.,  p.  il  a. 


LA    NATURE    ET    LES    SOUKCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  8  F 

hispaniques  que  les  Lessingjorscher  s'accordent  à  reconnaître  comme 
étant  du  Maître,  de  formuler  les  prudentes  réserves  qui  précèdent.  De 
ces  critiques, —  au  demeurant  des  plus  médiocres,  comme  on  pouvait 
s'y  attendre, —  deux  au  moins  appartiennent  indubitablement  à  Lessing  : 
celle  du  1 1  juin  i-5i  et  celle  du  i3  décembre  1762,  Tune  et  l'autre  sur 
les  Novelas  de  Cervantes.  J'emploierai,  dans  les  §  qui  vont  suivre, 
les  abréviations  K.  N.  et  B.  Z.  pour  désigner  chacune  des  deux 
gazettes  oîi  elles  ont  été  originairement  publiées». 


a)  Cervantes.  K.  N.,  12  février  1751. 

(M.,  IV,  204.) 
Leipzig. 

La  Zingarella  6  gli  amori  di  Don  Giovanni  di  Carcama  et  Donna  Coslanza 
d'Azevedo,  nova  Istoria,  tradotta  dalV  originale  Spagnuolo  da  Don  Clémente 
Romani,  in  Italiano,  attuale  Maestro  délie  ambe  due  lingue  in  Lipsia.  Stampalo 
a  Lipsia  da  Federico  Lanckisch  Eredi,  1751,  In  Ocl.  7  1/2  Bogen. 

Lessing  commence  par  une  affirmation  assez  étourdie  :  «  Ein  Ita- 
liener  braucht  kein  Hexenmeister  zu  sein,  um  Spanisch  zu  kônnen.  » 
Ce  jugement  sommaire  rappelle  celui  qu'il  formulera  vingt-quatre  ans 
plus  tard,  en  1775,  sur  la  foi  de  Montaigne,  au  Tagebiich  der  italien. 
Reise  {M.  XVI,  269  et  274):  «la  lingua  popolesca  [piemontese]  è  un 
[sic]  lingua  la  quale  non  ha  quasi  altro  che  la  pronunzia  italiana:  il 
restante  sono  parole  délie  nostre...  Je  conseillai  en  Italie  à  quelqu'un 
qui  etoit  on 2  peine  de  parler  Italien,  que  pourvu  3  qu'il  ne  cherchât 
qu'a  se  faire  entendre,  sans  y  vouloir  autrement  exceller,  qu'il 
employât  seulement  les  premiers  mots  qui  lui  viendroient  à  la  bouche. 
Latins,  François,  Espagnols  ou  Gascons,  et  qu'en  y  adjoutantla  termi- 
naison Italienne,  il  ne  fauldroit  jamais  à  rencontrer  quelque  idiome 
du  pays  ou  Toscan  ou  Romain  ou  Vénitien,  ou  Piemontois  ou  Napo- 
litain. »  A  quoi  Lessing  ajoute  :  «  Dieser  Rath  ist  in  dieser  Absicht 
recht  gut;  aber  hôchst  nachtheilig  fur  einen,  der  das  wahre  Tosca- 
nische  lernen  will.  »  Tout  cela  ne  suppose  pas  une  acribie  philo- 
logique très  rigoureuse.   D'autres  détails  sont  à  noter  :  la  graphie 

1.  Redlich,qui  dans  l'article  Lessing  de  VAllg.  Deutsche  Biographie,  t.  XIX(i884),  est 
loin  d'être  sévère  pour  son  héros,  n'en  a  pas  moins  relevé  certain  «  Eindruck  blosser 
Lohnschreiberei,  die  mit  oberflâchlicher  Leichtigkeit  fur  den  einen  Tag  hinwirft, 
was  am  anderen  vergessen  sein  kann  »  (p.  761),  impression  produite  en  lui  par  la 
lecture  des  liezensionen  dans  les  deux  feuilles  berlinoises. 

2.  .S'i'e  dans  M.  —  Boxberger  a  :  en  (71,  409). 

3.  Id.  —  Boxberger:  pourvu.  Il  est  inutile  de  remarquer  que,  même  corrigée 
de  la  sorte,  l'orthographe  des  deux  citations  reste  arbitraire.  La  première  est  tirée  du 
Journal  de  Voyage  en  Italie,  dont  on  sait  que  Montaigne  écrivit  en  italien  une  portion 
linale,  ofi  il  raconte  sa  cure  en  Toscane  (p.  Vjs  de  l'éd.  Lauliey,  Paris,  njoG);  la 
seconde,  de  l'Apologie  de  Haimond  Sebond  {Essais,  11,  la). 


Sa         CO>TRIBLTI0>S    A    l'ÉTL'DE    DE    l'uISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

«  Michael  de  Cervantes  Saavedra  »  et  une  allusion  à  ceux  —  dont, 
naturellement,  Lessing —  «die  sich  mit  dem  spanischen  Witze  etwas 
nciher  bekannt  gemacht  haben»,  ainsi  que  l'annonce  que  «von  diesen 
neuenBeispielen  doch  eine  ganz  neue  hoUàndische  Auflage  von  1789 
in  jedermanns  Handen  ist  ».  Cette  «  toute  nouvelle  édition  »,  c'est 
celle  de  La  Haye  :  Novelas  Exemplares  de  Miguel  de  Cervantes  Saa- 
vedra (En  Haya,  a  costa  de  J.  Neaulme,  lySg),  en  2  élégants  volumes 
in- 12  avec  portrait  et  planches  gravées,  qui  n'était,  en  effet,  nulle- 
ment une  rareté.  Lessing  a  la  magnanimité  de  déclarer  qu'il  n'en 
voudrait  en  aucune  sorte  à  son  auteur  du  Kleiner  Betrug  qui  consiste 
à  avoir  déguisé  qu'il  s'était  servi  d'un  original  français,  «  "vvenn  uns 
der  Titel  eines  spanischen  Sprachmeisters,  den  er  sich  beilegt,  nicht 
das  Recht  gabe,  etwas  schdrfer  mit  ihm  zu  verfahren».  En  rétor- 
quant l'argumentation  du  censeur  de  Romani,  l'on  serait  tenté 
d'inférer  que  lui,  qui  n'était  point  un  maître  d'espagnol,  bornait  ses 
ambitions  à  métamorphoser  en  son  allemand  archaïsant  la  version 
donnée  à  iVmsterdam,  en  1707- 1709,  des  narrations  de  l'hidalgo 
d'Alcalâ  par  l'abbé  Saint-Martin  de  Chassonville",  en  la  corrigeant 
au  moyen  d'autres  intermédiaires.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  fait,  avec 
un  sérieux  que  démentiront  peu  après  ses  actes,  un  crime  de  sa 
méthode  au  maestro  di  spagnuolo  de  Leipzig.  Et  pour  mieux  le  confon- 
dre et  mettre  son  ignorance  en  lumière,  voici  le  modèle  de  traduction 
type  qu'il  prend  la  peine  de  lui  fournir  : 

«  Wir  wollen,  »  dit-il,  «  eine  kleine  Probe  anfûhren,  die  unsre  Beschul- 
digung  rechtfertigen  mag.  Gleich  nach  dem  ersten  Romanse  (sicj  heisst  es 
im  Spanischen':  El  cantar  de  Preciosa  fue  para  admirar  a  quantos  la 
escuchavan  :  unos  dezian:  Dios  te  bendiga  la  muchacha,  otros  :  Lastima  es, 
que  esta  moçuela  sea  Gitana.  En  verdad  en  verdad  que  merecia  ser  hija  de 
un  gran  senor.   Otros  avia  mas  groseros,  que  dezian  :  Dexen  crecer  a  la 

1.  youvelles  de  Michel  de  Cervantes Traduction  nouvelle.  Amsterdam,  1607  (pour 

i707)-i709;  3  vol.  in-12  avec  frontispice  et  planches  gravées.  Plusieurs  éditions  posté- 
rieures de  cette  version  sont,  ainsi  que  cette  version  elle-même,  à  la  Bibliothèque 
Nationale.  Cf.  Catalogue,  t.  XXV  (190G),  p.  85i.  —  Dans  l'Avertissement,  Chassonville 
avouait  honnêtement:  (.(J'ai  retranché  autant  que  j'ai  pu  ce  qui  n'est  pas  du  génie  de 
notre  langue.  Quant  au  reste,  je  n'ai  point  perdu  de  vue  mon  original.  » 

2.  Éd.  de  La  Haye,  I,  p.  5.  —  B.  A.  Wagner  déduit  de  la  date  de  cette  Rezension 
la  preuve  que  Lessing  travaillait  encore  en  1751  «  an  der  Ueberselzung  der  geistvoUen 
Novellen  »  {prog.  cit.,  p.  i5).  On  pourrait,  en  suivant  cette  méthode,  suggérer  que, 
puisque  Lessing  choisit  son  exemple  au  début  de  la  Gitanilla,  alors  que  le  texte  de 
Romani  offrait  tant  d'autres  iuBdélités  typiques,  son  travail  n'était  guère  avancé. 
Je  ne  comprends  plus  ce  qui  fait  affirmer  à  M.  Wagner,  à  propos  des  IS'ovelas,  que 
«  es  sind  deren  13  in  zwei  bânden  ».  S'il  avait  simplement  feuilleté  quelque  catalogue 
bibliographique  du  genre  de  Graesse,  il  aurait  pu  facilement  constater  que  la  ques- 
tion dos  deux  volumes  ne  signifie  rien,  que  le  chiffre  i3  n'a  de  sens  qu'après  1818  — 
époque  de  l'impression  du  texte  complet  de  la  Tia  fingida — et  n'aurait  pas  taxé 
lledlich  d'erreur  pour  ne  pas  avoir  compté  parmi  les  Novelas  le  récit  FA  curioso 
impertinente,  qui  constitue,  comme  nul  ne  l'ignore,  les  ch.  XXXIII  et  XXXIV  de  la 
1"  partie  du  I).  (^)uijole. 


L\    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'iHSPANISME    DE    LESSING  83 

rapaza,  que  ella  hara  de  las  suyas,  a  fe  que  se  va  anudando  en  ella  gentil 
red  barredera,  para  pescar  coraçones.  Otro  mas  humano,  mas  basto,  y  mas 
modorro,  viendola  andar  tan  ligera  en  el  bayle,  le  dixo:  A  ello  hija,  a  ello; 
andad  amores,  y  pisad  el  polvito  a  tan  menudito.  Dièses  heisst  bey  dem 
Italianer  :  Preciosa  cantô  si  bene,  che  rapi  tutti  quelli,  che  l'inteseio.  Gli 
uni  li  dauono  benedizzioni,  gli  altri  dicevono,  esser  peccato,  che  nata  sia 
Egizziana,  essendo  degna  d'altra  nascita,  altri  si  servivono  d'altri  termini, 
dicendo  che  cresciuta,  che  sarebbe,  si  vedrebbe  la  seconda  Arpia,  lasciatela 
solamente  crescere  e  vedrete  cosa  saprà  fare,  diceuono  fra  di  loro.  Li  suoi 
occhi  sono  molto  più  proprii  per  li  larcini,  che  le  sue  mani  :  e  giudicando 
per  le  sue  nascenti,  e  grazziose  fattezze,  ch'  attraggono  di  già  i  cuori  di 
tutt'  i  viventi,  si  prevedeva  ben,  esser  nata  per  accattivarseli,  e  farli  Schiavi  : 
che  prépara  buschate  invingibil'  à  coloro,  che  sel  accosteranno  da  Vicino 
e  pochi  ne  li  scapperanno.  Was  fur  eine  abgeschmackte  Verwirrung  istnicht 
in  der  spanischen  sinnreichen  Kùrze  entstandenl  Der  letzte  und  artigste 
Gedancke  :  So  recht,  Mâgdchen!  kommt  ihr  Liebesgôiter,  und  beriihret  den 
Staub  so  leicht!  ist  gar  weggeblieben.  Damit   wir   aber  deutlich   zeigen, 
woraus  eigentlich  Herr  Romani  ûbersetzt  hat,  so  wollen  wir  eben  die  Stelle 
aus  der  Franzôsischen  Uebersetzung  des  Abts  de  Chassonville  anfûhren  ■  : 
Pretiosa  chanta  si  bien  qu'elle  ravit  tous  ceux  qui  l'entendirent.  Les  uns  lui 
donnoient  des  bénédictions.  Les  autres  disoient  que  c'etoit  dommage  qu'elle 
fut  née  Egyptienne,  qu'elle  etoit  digne  d'une  autre   naissance.    Les  plus 
penetrans  tenoient  un  autre  langage.  Qu'on  la  laisse  seulement  croître  la 
petite  Harpie,  disoient-ils,  qu'on  la^  laisse  seulement  croître,  et  l'on  verra 
ce  qu'elle  saura  faire.  Ses  yeux  sont  bien  plus  propres  pour  les  larcins  que 
ses  mains:  et  à  en  juger  par  ces  charmes  naissans,  qui  lui  attirent  déjà  les 
suffrages  de   tout  le  monde,  on  entrevoit  bien  qu'elle  est  faite  pour  faire 
des  Esclaves  ;  qu'elle  prépare  des  embûches  qui  seront  funestes  à  ceux  qui 
la  verront  de  trop  près,  et  que  peu  de  cœurs  lui  echaperont.  Herr  Romani 
muss  nicht  gewusst  haben,  dass  beynahe  aile  Franzôsische  Uebersetzungen 
nach  diesem  Muster  der  Richtigkeit  verfertiget  sind,  sonst  "vvûrde  er  sich 
schwerlich  auf  seinen  Vorgânger  so  sehr  verlassen  haben,  dass  er  ihn  uns 
fur  das  Original  verkaufen  will...  » 

Lessing  apprécie  fort  «  l'ingénieuse  brièveté  ))  espagnole  et  daigne 
nous  offrir  un  avant-goût  de  la  manière  dont  il  entend  la  rendre  en  sa 
langue.  11  choisit  donc  le  membre  de  phrase,  fort  simple  :  ci  ello,  hija, 
â  ello;  andad,  amores,  y  pisad  el  polvito  d  tan  menudito  1  En  en  faisant 
le  So  recht,  Mâgdchen!  kommt  ihr  Liebesgotter,  und  beriihret  den 
Staub  so  leicht!  qu'il  oppose  triomphalement  à  l'w  insipide  confusion  » 
de  Romani,  il  témoigne  à  son  insu  qu'avant  de  se  risquer  à  donner  des 
leçons  à  autrui,  il  eût  mieux  fait  d'aller  encore  modestement  à  l'école, 
puisque,  en  traduisant  amores  par  «les  Amours  «a,  il  commet  un 

1.  op.  cit.,  t.  I,  p.  i35. 

2.  On  sait  que  amores  est  un  terme  d'un  usage  courant  en  castillan  pour  désigner 
la  personne  aimée,  ou  simplement  adresser  un  compliment  à  une  femme.  D'ailleurs 
andad  traduit  par  kommt  représente  une  confusion  si  élémentaire  qu'il  serait 
superflu  d'insister.  Enfin,  en  comprenant:  â  tan  menudito:  so  leicht,  Lessing  met  le 
comble  à  la  mesure  :  trois  contresens  eu  un  membre  de  phrase.  Le  premier  Iradiic- 

C    PITOLLET.  7 


S'a      contributions  a  l'étude  de  l'hispanisme  de  g.  e.  lessinc. 

contresens  impardonnable,  dénature  radicalement  le  contexte  et  nous 
permet  de  nous  demander  ce  que  fût  devenu,  sous  sa  plume,  le  vague 
à  peu  près  de  l'abbé  deChassonville,  s'il  eût  réalisé  son  projet  de  traduc- 
tion des  Novelas.  Le  gâte-métier  de  Leipzig,  qui  savait  plus  d'espagnol 
que  Lessing,  s'il  était  vrai  qu'il  ait  été  cause  de  l'interruption  de  la 
besogne  entreprise  par  ce  dernier,  nous  aurait  privés  d'une  série  de 
preuves  copieuses  —  heureusement  superflues  —  pour  confirmer  une 
thèse  qui  n'est  que  la  constatation  documentaire  de  l'évidence. 


6)  Montiano.  K.  N.,  H  juin  1751. 

(M.  IV,  2j5.) 

Cette  Rezension,  publiée  au  vingt-quatrième  numéro  des  Kritische 
Nachrichten,  p.  i85-i86,  démontre  à  quel  point  Lessing  était  fondé  en 
manifestant  à  l'endroit  des  Français  une  méfiance  que  n'avait  pas  eue 
le  bon  Romani,  et  combien  conséquent  avec  sa  manière  de  se  docu- 
menter lui-même  il  restait  en  prêchant  à  autrui  l'étude  directe  des 
textes,  le  recours  immédiat  aux  sources.  Pour  entraîner  la  conviction 
de  qui  croirait  que  nous  usons  ici  d'une  ironie  frivole  et  malséante, 
nous  allons,  pour  la  première  fois,  imprimer  face  à  face  le  texte  de 
VAnzeige  de  Lessing  d'après  l'original  et  celui  du  Journal  français  qu'il 
plagie  impudemment,  sans  la  moindre  allusion  susceptible  d'indiquer 
à  ses  lecteurs  qu'il  ne  parle  pas  en  son  nom  propre,  mais  n'est  que  le 
servile  écho  d'un  organe  étranger  en  matière  de  littérature  étrangère. 

Kritische     Nachrichten.     Auf    das  Journal  des   Sçavans,  tome  CLVI, 

Jahr  1751.  2-7.  Stiick.  Freytags,  den      Avril  1751,  p.  ^50-^66^ . 
11.  Junius. 

Madrid. 

Im  verwichenen  Jahre  gab  allhiei  DISGIJRSO  SOBRE   LAS  TRAGE- 

Don  Augustin  de  Montiano  y  Layan-      DL\S    ESPAGNOLAS    &c.,   G'est-a- 

teur  français  de  la  Gitanilla,  F.  de  Rosset  (cf.  p.  loi),  avait  ainsi  rendu  ce  passage: 
Là,  mes  Amours,  là,  el  foule:  la  terre  bien  menu.  L.  Viardot  (La  Bohémienne  de  Madrid, 
Paris,  i853,  p.  5)  le  traduit  :  Courage,  ma  fille,  courage;  en  danse,  les  amours,  et 
frétille  à  perdre  haleine,  en  renvoyant  en  note  au  texte  espagnol,  où  il  découvre 
«  quelque  malice  dont  il  est  fort  difficile  de  deviner  le  sens  aujourd'hui  ».  pour  l'explica- 
tion de  laquelle  il  n'a  lUrouvé  personne  »  Le  dernier  traducteur  français  que  je 
connaisse  de  la  nouvelle,  J.  Soldanelle,  [Cervantes,  la  Jitanilla,  Paris,  1892,  Petitecollec- 
tion  Guillaume]  écrit  Courage,  ma  fille,  courage...  alerte,  les  amours,  pulvérise  la  terre!  On 
voit  que  cVst  encore  de  Rosset  qui  se  tenait  le  plus  près  du  texte.  —  Notons  que  Rius 
ignore,  dans  sa  Bibl.  crlt.,  etc.,  1,  345  seq.,  la  version  de  Romani. 

i.  Je  n  ai  eu  à  ma  disposition,  pour  transcrire  le  texte,  que  la  contrefaçon  d'Ams- 
terdam, Rey.  Dans  l'édition  originale  de  Paris,  le  texte,  identique,  se  trouve  au 
numéro  de  février  1761,  p.  io4-iio.  Le  Journal  des  Savants  n'était  pas  le  premier 
organe  français  à  signaler  à  l'Europe  l'ouvrage  de  Montiano.  Les  Mémoires  de  Trévoux, 
qui  sui\  aient  attentivement  le  mouvement  intellectuel  en  Espagne,  en  avaient  donné. 


LA    NATUUE    Et    LES    SOURCES    OE    l'hISI'ANISME    DE    LESSINC 


85 


do,  bestàndiger  Director  der  Akade- 
mie  der  Historié  allhier,  und  Mitglied 
der  Konigl.  Spanischen  Akadeinie, 
ein  Buch  von  255  Seiten,  in  Duodez, 
un  ter  dem  Titel  :  Diseur  so  sobre  las 
Tragedias  Espagnolas  etc.  heraus. 
Er  kùndiget  in  diesem  Bûche  ein 
Werk  an,  Avorinnen  er  die  Ehre  des 
Spanischen  Theaters  retten  und  zci- 
gen  will,  dass  Spanien  sich  hierin- 
nen  ganz  Avohl  mit  Frankreich, 
Italien  und  England  in  Vergleichung 
slelien  kônne. 


Er  eifert  auch  Avider  den  Verfasser 
des  Théâtre  Espagnol  ' ,  welches  1 788 
zu  Paris  herausgekomnien,  und 
worinne  der  Verfasser  desselben 
behaupten  will,  den  Spaniernwàren 
die  Trauerspiele  unbekannt,  und 
nian  kônne  einige  von  ihren  Stù- 
cken,  welche  zwar  den  Namen  der 
Trauerspiele  fùhrten,  als  z.  E.  Celes- 
tina  und  Helena,  nicht  mit  Recht 
Trauerspiele  nennen,  und  sie  hôch- 
stens  nur  fur  Romane  InGespràchen 
kônnten  gehalten  werden. 


mnv.,  Discours  sur  les  Tragédies  Espa- 
gnoles, suivi  d'une  Tragédie  aussi  en 
Langue  Espagnole,  intitulée  Virginie, 
par  Don  Augustin  de  MONTIANO  ET 
LAYANDO,  du  Conseil  de  Sa  Majesté 
Catholique,  Son  Secrétaire  de  la 
Chambre  de  Grâce,  de  Justice,  cf-  d'E- 
tat de  Cnstille,  <;-  Directeur  Perpétuel 
pour  le  Roi  de  l'Académie  Royale  de 
l'Histoire,  i|^  Académicien  de  l'Acadé- 
mie Royale  Espagnole,  in-12.  pp.  255. 
A  Madrid,  1750. 

L'Auteur  de  ce  Discours  nous  an- 
nonce un  Ouvrage  qui  doit  paroitre 
incessamment,  &  dans  lequel  on  se 
flatte  de  prouver  que  les  «  Espagnols 
ont  un  plus  grand  nombre  de 
Comédies  parfaites  &  dans  les  règles 
de  l'Art,  que  les  François,  les  Ita- 
liens &;  les  Anglois  ».  L'amour  de  la 
Patrie  qui  dans  Dom  Augustin  nous 
paroît  toujours  modéré  par  l'amour 
de  la  vérité,  ne  l'emporte  pas  si  loin. 
Il  ne  dit  pas  la  même  chose  des  Tra- 
gédies Espagnoles;  son  but  est  seule- 
ment de  faire  voir  que  c'est  avec 
autant  de  légèreté  que  d'injustice, 
que  l'Auteur  du  Théâtre  Espagnol, 
imprimé  à  Paris  en  1788,  a  osé 
dire  qu'il  n'y  avoit  point  de  Tra- 
gédies en  Castillan,  ou,  pour  mieux 
dire,  que  les  Espagnols  ne  connois- 
soient  pas  cette  sorte  de  Poëme;  car 
on  ne  peut,  dit-il,  «donner  raison- 
nablement le  titre  de  Tragédies  à 
quelques-uns  de  leurs  Ouvrages  qui 
le  portent  sans  le  mériter.    Telles 


dans  leur  numéro  de  décembre  1760,  une  analyse  (p.  2719-2741,  art.  CL),  où  le  juge- 
ment de  Duperron  de  Castera  sur  les  tragédies  espagnoles  était  spécialement  attaqué, 
analyse  qui  terminait  par  une  louange  de  la  Poétique  de  Luzân.  Après  la  publication 
de  l'article  du  Journal  des  Savants,  le  Mercure  de  France  de  mai  1751  donna  également 
un  insignifiant  compte  rendu  de  l'ouvrage  espagnol  (p.  1 28-1 33),  où  le  nom  de 
l'auteur  apparaît  déformé  en  Don  Auguslin  de  Marliano  y  Layardo.  D'Hcrmilly,  dans 
la  préface  de  sa  traduction  du  Discurso  sobre  las  Tragedias  espanolas,  dont  nous  parle- 
rons plus  loin,  renvoyait  (t.  I,  Paris,  1764,  p.  xiij)  aux  organes  français  ci -dessus, 
ajoutant  qu'on  y  verrait  «  que  les  sçavants  et  judicieux  journalistes  ont  déjà  pris  soin 
d'en  donner  une  très  haute  idée,  etc.  ».  Cette  indication  était  suffisante  pour  mettre 
sur  la  voie  du  plagiat  de  Lessing  par  la  simple  comparaison  de  la  date  de  publi- 
cation des  articles  français  et  de  l'article  des  Kritische  Nachrichten. 

I.  Nous  verrons  plus  bas  qu'en  1754  Lessing  désignera  par  son  nom  l'auteur  de 
ce  Théâtre  Espagnol:  Duperron  de  Castera.  Nous  verrons  aussi  d'où  provient  alors 
cette  science  nouvelle. 


86 


CONTRIBUTIONS    A    L  ÉTUDE    DE    L  HISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 


De  Montiano  mrft  also  dem  Ver- 
fasser  vor,  er  habe  von  der  Sache 
geurtheilet,  ohne  eine  Kenntniss 
davon  erlangt  und  die  besten  Spa- 
nisehen  Dichter  gelesen  zu  haben. 
Dièses  ist  eiae  endemische  Seuche 
unter  den  Kunstrichtera  und  witzi- 
gen  Kôpfen  in  Frankreich.  Sie  ma- 
chen  es  mit  ihren  Nachbarn  gegen 
Morgen  ebenso,  und  ihr  Abscheu 
vor  allen  fremden  Sprachen,  wel- 
chen  das  Vorurtheil  fiir  ihre  Nation 
bestàndig  unterhâlt,  wird  auch  so- 
bald  keine  Mittelwider  dièse  Krank- 
heit  anschlagen  lassen^.  Wenn 
der  Verfasser  des  Théâtre  Espagnol 
nur,  wie  es  seine  Schuldigkeit  erfor- 
derle,  die  ganz  bekannte  Bibliothek 
des  Don  Nicolas  Antoine  nachge- 
schlagen  hâtte,  so  wiirde  er  eine 
zieniliche  Anzahl  Spanischer  Dichter 
gefunden  haben,  welche  Trauer- 
spiele  geschrieben,  die  man  noch 
itzo,  wiewohi  veràndert,  in  Spanien 
auffûhret.  Er  wundert  sich  auch, 
dass  der  Verfasser  des  Théâtre  Espa- 
gnol die  Celestina  unter  die  Tragô- 
dien  rechnet,  da  sie  docli,  als  sie 
17893  zu  Sevilien  war  gedruckt  wor- 


sont  la  Célestine  &  V Ingénieuse  Hé- 
lène, qui  ne  peuvent  passer  tout 
au  plus  que  pour  des  Romans  en 
Dialogues  ■ .  » 

Dom  Augustin  montre  d'abord  que 
l'Auteur  François,  comme  il  arrive 
à  presque  tous  ceux  qui  s'arrogent 
le  droit  de  juger  les  Etrangers,  a 
prononcé  sans  connoissance  de  cause, 
c'est-à-dire  sans  avoir  lu  les  princi- 
paux Poëtes  Espagnols.  Il  soutient 
que  s'il  avoit  seulement  ouvert  la 
Bibliothèque  de  Dom  Nicolas  Antoi- 
ne, Ouvrage  très-connu  des  Sçavans, 
il  y  en  auroit  trouvé  grand  nombre 
dont  plusieurs  ont  écrit  des  Tragé- 
dies qu'on  représente  encore  en 
Espagne,  mais  à-la-vérité  avec  quel- 
ques changemens.  Il  y  auroit  vu 
aussi  qu'il  s'est  trompé  jusque  dans 
le  titre,  qu'il  donne  à  la  Célestine  & 
à  ïingénieuse  Hélène,  puisque  la  pre- 
mière, imprimée  en  1789  à  Séville, 
ne  porte  que  le  titre  de  Tragi-Comé- 
die,  &:  la  seconde,  qui  a  été  réim- 
primée à  Madrid  en  161 4,  celui  de 
Nouvelle,  le  seul  que  le  tissu  même 
de  l'ouvrage,  &  le  plan  qu'on  y  suit, 
puisse  comporter. 


1.  Cette  citation  est  empruntée  à  la  page  4  du  Th.  Esp.,  t.  I.  —  Vv  Ingénieuse 
Hélène»,  c'est  le  roman  scabreux  de  Salas  Barbadillo,  dont  la  Bibl.  Nat.  (Rés.  Y.  1129) 
possède  la  première  impression, de  Saragosse,  i6i2,sous  le  titre  :  La  Hyja  de  Celestina. 
Par  une  curieuse  confusion  du  si  consciencieux  Germond  de  Lavigne,  dans  sa  traduc- 
tion de  La  Célestine,  tragi-comédie  de  Calixie  et  Mélibée  (Paris,  i84i),  Juan  de  Herrera, 
l'éditeur  madrilègne  qui  en  iGi/i  publia  une  réimpression  «  illustrée  et  corrigée  »  du 
roman  sous  le  titre  :  La  ingeniosa  Elena  hyja  de  Celestina,  est  devenu,  dans  l'Essai 
histor.  sur  la  C.  mis  en  tète  du  volume  (p.  x),  l'auteur  même.  Cette  erreur  a  été  relevée 
par  P.  d'Aglosse  (=  de  Roberville)  dans  des  «  Notes  de  lecture.  Molière,  Scarron  et 
Barbadillo  »  parues  dans  la  Revue  de  Loir-et-Cher  —  rebaptisée  depuis  1890  :  Le  Loir- 
et-Cher  historique,  etc.,  etc.  —  1887,  pp.  69-70,  78-79,  86-86(p.  78,  note  4).  Nous  retrou- 
vons la  correction  dans  M.  E.  Martinenche  :  Molière  et  le  Théâtre  Espagnol  (Paris,  1906), 
p.  i63,  note  i. 

2.  Cette  double  phrase  est  la  seule  qui  appartienne  en  propre  à  Lessing.  Elle 
venait,  il  faut  l'avouer,  fort  à  propos  au  milieu  de  ce  plagiat  éhonté. 

3.  Lessing  reproduit  ingénument  cet  erratum  du  Journal  des  Savants.  Montiano 
{op.  cit.,  p.  7)  avait:  1639.  Du  moins,  ne  se  trompait-il  pas  de  plus  de  deux  siècles. 
Il  n'est  pas  sans  importance  de  noter  que  Boxberger  [t.  5,  p.  5  des  Lessings  Werke, 
dans  Kiirschncr)  a  cru  devoir  corriger  en  note  —  intlucncc  vraiscniblablcnient  par 


I.A    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING 


87 


den,   den  Titel  einer  Tragikomôdie 
fûhrete. 

Er  beweiset,  dass  man  schon  von 
i533  an  gute  Trauerspiele  in  Spa- 
nien  fîndet,  als  z.  E.  la  Venganza  de 
Agamemnon  und  Hecuba  triste,  wel- 
che  beyde  Fernand  Ferez  de  Oliva  in 
Prosa  verfertiget  hat. 


Er  geht  hierauf  aile  Spanische 
Trauerspiele  durch,  welche  von  die- 
ser  Zeit  an  herausgekomnien,  und 
beurtheilet  sie,  da  er  denn  gestehet, 
dass  viel   schlcchte    darunter  sind. 


Il  fait  voir  que  les  Tragédies  sont 
connues  si  anciennement  en  Espa- 
gne, que  dès  l'an  i533  on  en  trouve 
deux  bien  caractérisées,  l'une  sous 
le  titre  de  la  Venganza  de  Agamem- 
non, l'autre  sfus  celui  d'Hécuba 
triste;  l'une  et  l'autre  sont  en  Prose, 
&  ont  été  composées  par  Ferrand 
Pérez  de  Oliva.  Quoique  le  sujet  en 
soit  pris  de  Sophocle  &  d'Euripide; 
ce  Poëte  en  a  tellement  changé  la 
disposition,  qu'il  se  l'est  rendu  pro- 
pre, &  que  ces  deux  pièces  passent 
pour  originales.  Selon  Dom  Augus- 
tin, les  trois  unités  qui  n'ont  pas, 
dit-il,  comme  quelques-uns  se  l'ima- 
ginent, été  enfantées  par  le  caprice 
&  par  la  fantaisie,  mais  qui  sont 
fondées  sur  la  Nature  &  la  Raison,  y 
sont  parfaitement  observées,  tous  les 
Episodes  étroitement  liés  au  sujet,  les 
caractères  des  personnages  bien  sou- 
tenus,les  passions  maniées  avecautant 
de  force  que  de  vérité,  &  enfin  la 
diction  en  est  si  pure  que  ces  pièces 
ne  laissent  rien  à  désirer  sur  ce  point. 

Notre  Auteur  parcourt  toutes  '  les 
Tragédies  Espagnoles  qui  parurent 
depuis  ce  tems.  11  en  fait  la  critique,  & 
convient  que  plusieurs  ^  d'entre  elles 
méritent  ce  que  l'Auteur  François  a 
dit  de  toutes  en  général.  Il  relève  en 
passant  une  erreur  de  Dom  Nicolas 
Antoine,  qui  trouvant  que  les  deux 
Tragédies  de  Ferrand  Pérez,  dont 
nous  venons  de  parler,  n'avoient  été 
imprimées  qu'en  i586,  tandis  que 
la  Misé  Lastimosa  &  la  Misé  Laureada 
d'Antoine  de  Silva  l'avoient  été  dès 
15753,   a   cru   que   ce   Poëte  étoit, 


D'Hermilly  (traduction  franc,  du  Discurso,  t.  I,  p.  7)  —  :  iSSg,  ignorant  évidemment 
que  l'édition  la  plus  ancienne,  susceptible  d'être  datée  avec  certitude,  de  la  Celestina, 
est  celle  de  Burgos,  1499,  ^"  '^  actes,  réimprimée  en  1902  par  M.  Foulché-Delijosc 
au  t.  XII  de  la  Bibl.  hisp.  et  que  la  dénomination  initiale  de  l'œuvre  a  été  :  Comedia, 
et  non  :  Tragicomedia.  Quanta  M.  Muncker,  il  a  tout  simplement  substitué,  dans  le 
texte  et  sans  remarque  aucune,  la  date  lâSg  à  la  date  1739. 

1.  Cette  affirmation,  est-il  besoin  de  le  dire,  n'émane  pas  de  Monliano. 

2.  On  voit  la  précision  avec  laquelle  traduit  Lessing. 

3.  Dans  Monliano,  1877,  qui  est  la  date  exacte. 


88 


COMRIBLTIO.NS    A    l'ÉTLDE    DE    LUISI'AMSME    DE    G.    E.    LESSING 


Unter  die  wohlgerathenen  werden 
hier  die  a  Trauerspiele  des  Antonio 
de  Silva,  la  Xise  lastimosa  und  la 
I\lse  lanreada  von  1075  gezahlet. 


comme  il  s'en  est  faussement  vanté  ' , 
le  premier  qui  eût  donné  des  Tragé- 
dies Espagnoles. 

Du  reste  Dom  Augustin  pense 
comme  le  sçavant  Auteur  de  la  Biblio- 
thèque espagnole,  que  dans  les  deux 
Nisés  Antoine  de  Silva  a  suivi  exac- 
tement toutes  les  règles  de  l'Art,  ^ 
que  fidèle  imitateur  des  Tragiques 
Grecs  &  Latins,  il  les  a  même  sur- 
passés en  certains  points^.  Il  ajoute 
qu'on  ne  peut  lire  ces  deux  Tragédies 
sans  être  pénétn''  de  tous  les  senti- 
mens  qui  répondent  à  la  terrible  & 
célèbre  avanture  qui  en  fait  le  sujet. 
Cette  avanture  est  celle  de  Dona  Inès 
de  Castro,  &.  la  mort  funeste  de 
ceux  qui  en  furent  les  auteurs.  Il 
ajoute  qu'Antoine  de  Silva  a  fait  en- 
trer dans  les  chœurs  des  Odes  si 
ingénieuses  &  si  élégantes,  qu'on 
pourroit  les  comparer  à  celles  d'Ho- 
race. Elles  sont,  continue-t-il.  embel- 
lies d'une  grande  variété  de  Vers 
Phaleuques,  Saphiques  &;  Adoniques, 
ce  qui  montre  que  les  Poètes  Grecs 
&  Latins  lui  éloient  très-familiers. 
Nous  observerons  en  passant  que  les 
Espagnols  mettent  presque  toujours 
des  Chœurs  dans  leurs  Tragédies,  & 
que  ces  Chœurs  sont  en  musiques. 

Nous  voudrions pouv  oir  suivre r  Au- 
teur dans  l'examen  critique  qu'il  fait 
de  la  plupart  des  Tragédies  Espagnoles 
qui  parurent  dans  le  seizième  siècle. 
Nous  remarquerons  seulement  qu'en 
parlant  d'une  Tragédie  de  Jean  de  la 
Cuéva,  intitulée  Le  Tyran  i,  et  dans 
laquelle  cet  Auteur  fait  paroître  deux 
ombres,  Dom  Augustin  s'exprime 
ainsi  5... 


I.  Dans  la  Dédicace,  datée  8  mai  1575,  à  D.  Fernando  de  Castro  y  Andrade. 

■i.  Nicolas  .\ntonio  n"a  rien  dit  de  tout  cela.  Montiano  dit  que  le  jugement  qu'il 
rapporte,  il  l'a  trouvé  manuscrit  dans  son  exemplaire  de  la  Bibliotheca  Hispana, 
«  y  es  del  Sabio  Autor  del  Prologo  con  que  se  reimprimieron  las  Comedias  de  Cer- 
vantes el  ano  proximo  passado  ».  Cet  auteur  était  donc  le  bibliothécaire  royal  Blas 
Nasarre. 

3.  Cette  «  observation  »  malheureuse  est  de  l'auteur  de  l'article. 

[>.  El  Principe  Tyrano. 

5.  Je  ne  reproduis  pas  la  longue  citation,  où  Montiano  s'élève  contre  l'emploi 
des  ombres  et  fantômes.  Je  noterai,  cependant,  que  l'auteur  de  l'article  parle  des 


LA    .NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPAMSME    DE    LESSI>G  89 

Dom  Augustin  regrette  fort  de 
n'avoir  jamais  pu  trouver  les  trois 
Tragédies,  dont  il  est  parlé  avec  tant 
d'éloge  dans  le  quarante -huitième 
chapitre  de  la  dernièi'e  partie  de 
Dom  Quichotte  ' .  Ce  qu'en  dit  cet 
Auteur,  qui  assurément  étoit  un 
homme  de  goût,  prouve  évidem- 
ment qu'il  y  avait  alors  en  Espagne 
des  Tragédies,  &  même  de  bonnes 
Tragédies,  mais  en  même  tems 
qu'elles  commençoient  déjà  à  se  cor- 
rompre. 
Hingegen  werden  wieder  andere  C'est  ce  qu'on  aperçoit  aisément, 

getadelt,  als  des  Hauptmanns  Al-  entr'autres  dans  cinq  Tragédies  du 
phonso  Virues  5  Trauerspiele,  des  Capitaine  Alphonse  ^  Virûés,  qui 
sonst  berûhmten  Fr.3  Lope  Félix  de  furent  imprimées  en  1609,  et  dont 
Vega  Carpio  6  Trauerspiele,  das  on  trouvera  ici  une  critique  rai- 
Trauespiel     Paulino,    welches    17^0      sonnée...  i. 

zu   Madrid    herausgekommen    und  Notre  Auteur   parle  bien   moins 

andere.  favorablement     de     six    Tragédies 

composées  par  le  célèbre    François 
Lope  Félix  de  Véga  Carpio  5... 

c<  personnes  sages  et  religieuses  »  qui  ne  reçoivent  qu'avec  beaucoup  de  réserve  les 
histoires  de  visions  et  d'apparitions  non  appuyées  sur  l'autorité  de  l'Écriture  ou  de 
l'Église,  alors  que  Montiano  mentionnait  —  comme,  l'eût  fait  le  P.  Feijôo  —  seule- 
ment les  «  cathôlicos  cultos  y  prudentes  »  (p.  28). 

1.  C'est  dans  la  première  partie,  mais  la  faute  n'est,  naturellement,  pas  dans 
Montiano.  Ces  trois  comédies  étaient  la  Isabela,  la  Filis,  la  Alejandra  Les  rétlexions 
qui  suivent  faussent  la  pensée  de  Montiano. 

2.  Dans  Montiano  :  Christoval  (p.  26).  C'est  son  père,  le  médecin  valencien  ami  de 
Luis  Vives,  qui  s'appelait  Alonso. 

3.  Lessing  a  eu  l'abréviation  heureuse.  Son  Fr.  n'est  pas  le  Fr.  de  Montiano  (p.  47), 
mais  la  simplification  du  «  François  n  du  texte  français. 

4.  J'omets  le  résumé  des  critiques  adressées  par  Montiano  à  la  Cruel  Casandrael 
Atila  Furioso,  [où  l'écrivain  espagnol  souscrit  aux  idées  émises  par  Voltaire  dans  la 
Dissertation  en  tète  de  la  Sémiramis,  sur  l'absence  de  l'amour  dans  les  tragédies,]  qui 
concluent  par  le  regret  que  Virués,  ayant  connu  les  règles  et  les  ayant  quelquefois 
appliquées,  les  ait  négligées  à  seule  fin  de  passer  pour  l'inventeur  d'un  nouveau  genre 
de  tragédie.  Lessing  a,  ne  comprenant  rien  à  tout  cela,  omis  de  tirer  prrti  de  ces 
considérations. 

5.  Ces  six  «  tragédies  »  seraient,  d'après  Montiano,  les  six  énigmatiques  pièces 
dont  Lope,  dans  VArte,  dit  : 

Porque,  fuera  de  seis,  las  demas  todas 
Pecaron  contra  el  arte  gravemente. 

M.  Morel-Fatio  a  noté,  dans  sa  réimpression  de  l'ylr/e  (Bui/.  hisp.,  III,  1901,  p.  4o5), 
que  «  Ticknor  prend  la  déclaration  au  sérieux  et  rappelle  que  Montiano  et  V.  de  la 
Huerta  ont  vainement  cherché  ces  six  pièces...  [Ticknor-Julius,  1.  622].»  Ticknor- 
Julius  dit  :  «  Man  sehe  Montiano  y  Luyando,  Discurso  sobre  las  tragedias  esp.  (Madrid, 
1760,  12,  S.  47)  und  Huerta,  Teatro  Hespahol,  inder  Vorrede,  ùberdieSchwierigkeiten, 
auch  nur  dièse  sechs  Slùcke  ausfinding  zu  machen.  »  Je  soupçonne  fort  que  Ticknor 
a  pris  tous  ces  renvois  dans  Lord  HoUand  (Some  account,  etc.,  I  [London,  2*  édition, 
1817]),  oîi  il  y  a  une  analyse  un  peu  trop  dogmatique  de  ÏArte  et  où  sont  cités  Huerta 
et  Montiano,  lequel  avait  énuraéré  les  six  pièces  qu'il  croyait  régulières,  et  que  Lord 


90  CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    U  HISPANISME    DE    G.    E.    T.ESSING 

Il  avertit  qu'il  n'auroit  pas  parlé 
d'une  misérable  Tragédie  Espagnole 
intitulée  Paulin,  &  qui  a  paru  à 
Madrid  en  17^0,  s'il  n'eût  craint 
que  les  gens  peu  instruits  qui 
liroient  le  prologue  de  cette  Pièce 
n'allassent  croire  sur  la  parole  de 
l'Auteur,  que  les  Tragédies  Fran- 
çoises  qu'il  prétend  avoir  imitées, 
sont  conduites  comme  la  sienne. 
Elles  diffèrent  extrêmement,  dit 
Dom  Augustin,  d'une  imitation  si 
malheureuse.  Ceux  qui  voudront 
s'en  convaincre  par  eux-mêmes 
peuvent  en  faire  la  comparaison. 
Pour  moi,  dit -il,  je  ne  suis  pas 
d'humeur  à  perdre  aussi  mal  mon 
temps  ' . 

Après  avoir  porté  avec  autant 
de  goût  que  d'impartialité  son 
jugement  sur  toutes  les  Tragédies 
Espagnoles  qui  sont  venues  à  la 
connoissance,  Dom  Augustin  montre 
que  ses  Compatriotes  ont  toujours 
eu  un  goût  si  décidé  pour  ce  genre 
de  Poëme,  qu'outre  les  différentes 
traductions  de  la  Poétique  d'Aris- 
tote  qui  ont  été  faites  en  Espagnol, 
plusieurs  Auteurs,  dont  il  indique 
les  ouvrages,  ont  écrit  très-soli- 
dement sur  les  règles  de  la  Tragédie, 
&  en  dernier  lieu  Don  Ignace  de 
Lussan  dans  la  Poétique  imprimée 
en  1787,  à  quoi  il  ajoute  que  d'autres 
ont  traduit  avec  succès  différentes 
Tragédies  Grecques  &  Latines  :  de 
nos  jours,  dit -il,  le  sçavant  Marquis 
de  S.  Jean  a  donné  la  traduction  de 


Von  den  Neuern  lobt  er  Don 
Ignazo  de  Lussan  und  die  Ueber- 
setzung  des  Cinna  des  Corneille 
durch  den  Marquis  de  St.  Jean. 


HoUand  analyse  à  son  tour,  i4i  seq.  Sur  ces  six  pièces,  Labeaumelle  a  une  remarque 
très  sensée  dans  sa  Poétique  de  Lope  de  Vega  (Chefs-d'œuvre  des  th.  étrangers,  2'  vol.  de 
Lope  de  Vega,  Paris,  1827)  et  qui  témoigne  d'une  exacte  connaissance  du  théàlre  de 
Lope. 

I.  Monliano  dédaignait  Anorbe  y  Gorregel;  c'est  pourquoi  d'Hermilly  n'a  pas 
mis  de  notice  sur  son  compte,  et  c'est  la  seule  omission  qu'il  s'est  permise  à 
l'Index  des  poètes  cités.  Il  se  borna  à  l'expédier  dans  une  peu  flatteuse  note.  Le 
Paulino  —  imitation  du  Cinna  de  Corneille  —  avait  été  précédé  en  1736  par  un  in-i 
contenant  huit  comedias,  puis,  en  1788,  par  la  Comedia  de  la  Tutora  de  la  Iglesia  y 
Doclora  de  la  ley,  en  trois  parties,  dont  le  Dinrio  de  los  literatos  de  Espana  disait  la 
même  année  (t.  IV,  p.  3Go^  que  ((  las  personas  que  no  gustan  de  poesias  profanas,  ni 
de  saber  el  arte  comico,  hallarân  en  su  leccion  un  entretenimiento  apacible  y  prove- 
choso».  Anorbe  répondit  à  ce  coup  droit  dans  le  prologue  de  sa  zarzuela  :  Jupiter  y 
ûanae(  1738),  dédiée  à  D.  Pedro  Vedoya. 


I.A.    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    i/hISPAMSME    DE    LESSING 


91 


In  dem  zu  Madrid  1 735  gedruckten 
Verzeichnisse  der  Spanischen  Komô- 
dien,  deren  Anzahl  sich  auf  4409 
belauft,    und    worunter    sehr  viel 


Cinna  par  Pierre  Corneille  ',  &  il  a  si 
bien  réussi,  qu'au  jugement  de  son 
Approbateur,  «  si  la  Métempsycose 
')  des  anciens  Payens  pouvoit  avoir 
»  quelque  vraisemblance, on  pourroit 
"  croire  que  l'ame  de  l'Auteur  &  et 
«du  Traducteur  étoit  la  mème»^. 

...  S'ils  ont  [les  Espagnols]  un 
goût  si  dominant  pour  le  vrai 
Tragique,  comment  est -il  possible, 
dira-t-on,  que  la  plus  grande 
partie  du  Peuple,  celle  qui  constitue 
le  Corps  de  la  Nation,  soit  en  même 
temps  celle  qui  s'amuse  le  plus  de 
ces  compositions  bizarres  &  extra- 
vagantes que  vous  condamnez  jus- 
tement, &  qu'il  y  en  ait  un  si  grand 
nombre  en  votre  Langue,  toutes 
semblables  à  celles  dont  parle  l'Au- 
teur François  que  vous  critiquez  ? 

Rien  de  plus  aisé,  dit  l'Auteur, 
que  de  répondre  à  la  première  partie 
de  l'objection...  3. 

Dom  Augustin  ne  pense  pas  qu'il 
soit  plus  difficile  de  répondre  à  la 
deuxième  partie  de  l'objection.  Il  ne 
nie  pas  '-*  que  parmi  le  nombre  des 
Comédies  Espagnoles,  qui  selon  un 


1.  Imprimée  sans  nom  d'auteur  en  1718,  puis  rééditée  en  1781.  L'approbateur 
était  D.  Juan  de  Ferreras;  le  traducteur,  Francisco  de  Pizarro  y  Piccolomini,  marqués 
de  San  Juan. 

2.  Suit  un  résumé  des  considérations  de  Montiano  sur  la  décadence  de  la  comédie 
depuis  Virués,  avec  la  restriction  que,  cependant,  la  nation  a  conservé  le  goût  du  vrai 
tragique,  résumé  que  je  ne  reproduis  pas,  puisque  Lessing  n'en  tient  pas  compte. 

3.  J'omets  la  suite  de  l'argumentation,  qui  repose  sur  une  citation  de  Voltaire  dans 
lapréfacede  la  S'émjramis,  déjà  invoquée.  Lessing  s'est  bien  gardé  de  citer  Vol  taire, quand 
il  était  mentionné  à  son  avantage  :  il  n'oubliait  pas  l'afïaire  —  encore  toute  fraîche  — 
du  Siècle  de  Louis  XIV,  et  il  s'en  souviendra  derechef  lors  de  la  Dramaturgie.  Notons, 
à  propos  de  cette  affaire,  que  non  ^seulement  la  dernière  édition  de  Voltaire  (éd. 
Moland,  t.  87  [Paris,  1880],  p.  219-221)  ignore  complètement  que  la  lettre  de  Lessing 
à  Richier  et  celle  de  Voltaire  à  Lessing  ont  paru  originairement  dans  la  biographie  de 
ce  dernier  par  son  frère,  avec  de  fort  curieuses  réflexions  (op.  cit.,  p.  70-82),  mais 
encore  prétend  inexactement  que  la  seconde  de  ces  lettres  fut  publiée  dans  «  l'A  thenœum  » 
de  i85/i,  p.  876  :  c'est  VAthenseum  français  qu'il  eût  fallu  dire  (n°  87  :  Voltaire  et 
Lessing,  par  O.  Barbier,  qui  renvoie,  d'ailleurs,  à  K.  G.  L.). 

4.  La  phrase  de  Montiano,  déjà  défigurée  par  le  journaliste  français,  perd  toute 
sa  valeur  dans  la  mutilation  de  Lessing.  Qu'on  en  juge  :  «  En  el  afio  de  1785  impri- 
mieron  con  esta  confusion  [c'est-à-dire  en  mêlant  comédies,  tragédies  et  tragi- 
comédies]  los  herederos  de  Francisco  Medel,  curioso  Mercader  de  Libros  de  esta 
Corte,  un  Indice  de  4409  Comedias,  entre  las  quales,  y  otro  mayor  numéro,  que  no 
estan  inclusas,  y  andan  en  varias  listas,  que  he  logrado  ver  manuscritas,  se  halla  una 
cantidad  exorbitante  de  las  que  quedan  indicadas  en  este  Discurso.  »  Montiano  veut 
démontrer  que  le  nombre  des  tragédies  régulières  est  beaucoup  plus  considérable 


f)-î  CONTKTBUTIONS    \    I,  ETUDE    HE    I.  HISPANISME    DE    G.    E.    I.ESSING 

schlechte  seyn  mûssen,  hat  man  die  Catalogue  imprimé  à  Madrid  en 
Tragôdien  und  Tragikomôdien  unter  1785  se  montent  à  4,^09,  il  ne  se 
den  Titel  Komôdien  mit  Unrecht  trouve  plusieurs  de  ces  misérables 
gesetzt.  &   pernicieuses   Pièces  Pléhéyennes. 

aussi  propres  à  gâter  l'esprit  qu'à 
corrompre  le  cœur  ;  mais  il  soutient 
en  même  temps,  que  sous  le  nom  de 
Comédies  on  a  confondu  dans  ce 
Catalogue  plusieurs  excellentes  Tra- 
gédies dont  il  a  fait  mention  dans 
ce  Discours  &  différentes  Tragi- 
comédies,  qui  à  la  vérité  ont  leurs 
irrégularités,  comme  il  ne  l'a  pas 
dissimulé  toutes  les  fois  qu'il  a  eu 
occasion  d'en  parler,  mais  qui 
cependant  ne  peuvent  être  regardées 
comme  des  Pièces  sans  règle,  sans 
méthode,  uniquement  remplies 
d'une  galanterie  insipide,  ou  d'une 
basse  bouffonnerie,  &  enfin  comme 
n'ayant  d'autre  but  que  de  flatter 
grossièrement  la  multitude. 

D'où  il  conclut  qu'il  n'en  demeure 
pas  moins  certain  que  les  Espagnols 
sont  les  premiers  qui  ayent  eu  des 
Tragédies  et  des  Tragédies  régulières  ; 
&  conséquemment  il  se  croit  fondé 
à  dire  que  c'est  avancer  «  une  pro- 
position insoutenable,  inconsidérée 
&.  indigne  d'un  critique  qui  se 
propose  d'apprendre  la  vérité», 
que  de  dire,  comme  a  fait  l'Auteur 
du  Théâtre  Espagnol,  que  ceux  de 
cette  Nation  n'ont  point  de  Tra- 
gédies, &  qu'ils  ont  baptisé  de  ce 
nom  des  Ouvrages  qui  en  étoient 
absolument  indignes  :  il  convient 
que  le  goût  des  Tragédies  régulières 
dura  peu  parmi  les  Espagnols,  qu'il 
se  corrompit  bientôt,  que  cette 
corruption  dure  encore  aujourd'hui  : 
mais  autre  chose  est,  dit-il,  de 
n'avoir  jamais  connu,  ni  marché 
dans  le  chemin  respectable  de  l'Anti- 
quité, &  autre  chose  est  de  l'avoir 


qu'on  ne  le  croit  généralement.  Chez  Lessing,  il  y  a  simplement  que,  dans  la 
catalogue  de  1 785,  les  tragédies,  les  tragi-comédies  et  les  comédies  se  confondent,  et  ce 
catalogue  est  représenté  comme  le  catalogue  «officiel  et  complet»,  si  je  puis  dire,  des 
comedias  espagnoles!  On  sait  que  ce  médiocre  recueil  de  titres  de  Comedias  fut  très 
mal  réimprimé  par  Garcia  de  la  Huerta  à  Madrid  en  1780. 


1 


LA    N'VTUllE    ET    I,ES    SOURCES    DE    1,  HISPANISME    DE    I,ESS1>G 


93 


Endlich  macht  Don  Montiano  sich 
auch  ûber  den  Herrn  von  Voltaire 
her,  welcher  behauptel,  dass  die 
Franzosen  zuerst  die  Schaubûhne 
wieder  hergestellt.  Er  laugnel  dièses, 
und  spi'icht  diesen  Ruhm  seiner 
Nation  zu. 


ensuite  abandonné  pour  entrer  dans 
des  routes  dangereuses  &  peu 
battues. 

D'où  il  suit  encore  que  c'est  contre 
toute  justice  que  M.  de  Voltaire  dans 
la  Préface  de  son  Œdipe  c<  que  les 
»  François  sont  les  premiers  d'entre 
»  les  nations  modr*rnes  qui  ont  fait 
»  revivre  les  sages  règles  du  Théâtre. 
»  et  que  les  autres  Peuples  ont  été 
»  longtemps  sans  vouloir  se  sou- 
»  mettre  à  leur  joug  ».  Bien  loin  d'en 
convenir,  Dom  Augustin  se  flatte 
d'avoir  prouvé  dans  tout  ce  Discours, 
que  les  Espagnols  sont  les  premiers 
qui  ont  rompu  la  glace,  qu'on  ne 
peut  leur  disputer  cet  avantage,  ni 
même  celui  de  tenir  le  premier 
rang  dans  la  classe  des  Auteurs 
Dramatiques,  par  rapport  au  prin- 
cipal de  ses  objets,  qui  est  la  Tra- 
gédie. 

Pour  achever  de  convaincre  les 
.  incrédules  sur  le  goût  qu'on  a  dans 
sa  Nation  pour  la  Tragédie,  &  sur 
les  heureuses  dispositions  qu'on  y 
apporte  en  naissant  pour  s'y  con- 
former aux  règles  du  Théâtre,  il 
nous  donne  une  Tragédie  de  sa 
composition  intitulée  Virginie.  Mais 
les  bornes  qui  nous  sont  prescrites 
ne  nous  permettent  pas  d'en  rendre 
compte,  nous  pourrons  en  parler 
dans  les  Journaux  suivans. 


Ainsi  donc,  Lessing,  qui  dédaigne  si  fort  la  superficialité  française, 
accepte  d'elle  en  bloc  ce  qu'elle  publie  sur  l'Espagne,  qu'à  coup  sûr, 
vu  son  «horreur  pour  toutes  les  langues  étrangères  »,  elle  doit  fort 
mal  connaître.  Nous  voyons,  en  effet,  qu'il  a  tenté  les  corrections  dont 
il  était  capable  au  texte  du  Journal  des  Savants.  Au  lieu  de  Dom  Nico- 
las Antoine,  il  a  mis  Don;  au  lieu  de  Dom  Augustin  il  a  mis  —  ô 
excellente  intention  frustrée!  —  Don  Montiano;  au  lieu  de  Ferrand 
Pérez  de  Oliva,  il  a  substitué  Fernand  P.  de  0.,  sans  aller,  malheureu- 
sement, jusqu'à  oser  supprimer  le  d  final  ou  à  le  faire  suivre  d'un  o; 
du  Viriles  français,  il  a  fait  Virues  tout  court  ;  il  a  même,  ô  comble 
du  bon  vouloir,  espagnolisé  à  sa  manière  VIgnace  de  Lussan  qui 
offusquait  son  sens  castillan  :  Jgnazo  de  Lussan  :  c'est  ainsi  qu'il 
rebaptise   le  protagoniste  académique    du    pseudo-classicisme   à    la 


04         CO>'THTBUTlO>S    A    lÉTUDE    DE    l'hISP ANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Boileau,  à  la  Rapin,  à  la  Le  Bossu,  et  des  Trois  Unités.  Mais  sa 
((  science  »  hispanique  ne  va  pas,  pour  l'instant,  plus  loin.  Le  Don 
Augustin  de  Montiano  y  Layando,  le  Nicolas  Antoine,  les  Tragedias 
Espagnolas,  l'Alphonso  de  Yirues,  le  Marquis  de  St.  Jean  sont  de 
suggestifs  témoignages  des  limites  plus  que  modestes  de  celle-ci.  Pour 
lui,  la  Celestina  est  bien  de  1789;  pour  lui,  ces  exercices  d'école  — 
très  libres  traductions  de  Y  Electre  de  Sophocle  et  de  VHécuhe  d'Euri- 
pide, sans  destination  ni  valeur  théâtrales  aucunes  —  du  Maestro 
Fernân  Pérez  sont  de  «  bonnes  tragédies  »  ;  comme,  enfin,  pour  lui,  la 
trop  peu  scénique  refonte  de  l'Inès  de  Castro  d'Antonio  Ferreira  (Nise 
Lastimosa)  et  la  collection  disparate  d'extravagances  brutales  intitulée 
Nise  Laureada  sont  bien,  non  seulement —  et  derechef  —  de  «  bonnes 
tragédies  »,  mais  encore  l'œuvre  d'u  Antonio  de  Silva  »  1! 

Décidément,  M.  B.-A.  Wagner  avait  infiniment  raison,  lui  qui 
savait  parfaitement  où  Lessing  se  documentait,  d'affirmer  que  «  der 
deutschen  Recension  eigentiimlich  ist  nur  der  Seitenhieb  auf  die 
Selbstiiberhebung  der  Franzosen,  die  von  Lessing  schonzu  jener  Zeit, 
wo  er  noch  fast  ganz  in  dem  Bann  des  franzôsischen  Geschmackes 
stand,  bekanntlich  oft  verspottet  v^urden^.  Cet  n  eigentiimlich  )) 
enferme,  en  ses  douze  lettres,  plus  de  sens  que  ne  sont  coutumièrement 
portés  à  en  mettre  dans  un  seul  vocable  les  auteurs  désintéressés 
d'obligatoires  et  réglementaires  v  programmes  scolaires  ». 


c)  Guevara.  B.  Z.  2i  août  i75i. 

(M.  IV,  347.) 

Hildburgshausen . 

Das  vergnûgte  Land-  und  beschiverliche  Hofleben,  worinne  soiuohl  die  Anmu- 
thigkeiten  des  einen,  als  auch  die  Miihseligkeiien.  des  andern  auf  das  artigste 
abgebildet  luerden;  vormals  beschrieben  in  spanischer  Sprache  von  Antonio  de 
Guevara,  Bischoffe  zu  Mondognedo,  Rath,  Beichtvater  und  Historiographo 
Kayser  Caris  des  V.  jetzo  aber  seiner  schônen  Moralien  halber  von  neuem  ins 
Teutsche  ûbersetzt.  Verlegts  loh.  Gottf.  Hanisch  1751.  in  8t.  11  Bogen. 

Nous  ne  relèverons,  dans  cet  insignifiant  compte  rendu  que  rem- 
plissent de  banales  réflexions,   que  ce  qui   a   trait    directement  à 

I.  Montiano  désignait  clairement  le  futur  moine  galicien  Jerônimo  Bermùdez 
—  cet  inspirateur  de  Vêlez  de  Guevara  —  comme  s'étant  servi  de  ce  pseudonyme. 
Cf.  Discurso,  p.  13  :  «  Tampoco  reparô  Don  Nicolas  Antonio  en  que  era  supuesto  el 
nombre  de  Antonio  de  Sylva;  descubriéndolo  Diego  Gonzalez  Durân,  en  el  primer 
terceto  de  un  Soneto,  que  acompana  a  las  dos  Tragedias  : 
»  Geronimo  Bermùdez  ha  compuesto 
j>  las  Tragedias  de  Nise  lastimosa 
»  en  su  passion  y  en  muerte  laureada...  » 
■>..   Prmj.  cit.,  p.  8. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSIN(;  ().") 

Guevara.  Tout  ce  que  Lessing  sait  dire  de  lui,  c'est  que  «  er  war  iiber 
i8  Jahr  an  dem  Hofe  Caris  des  V"",  wo  er  ansehnlichen  Bedienungen 
vorstand,  und  lernte  auf  seinen  Reisen  andre  Hôfe,  sowohl  als  den 
seinigen,  kennen  ».  Sans  aller  —  c'eût  été  pour  lui  voyage  trop  difficile 

—  jusqu'à  recourir  aux  renseignements  biographiques  qui  nous  sont 
fournis  sur  Guevara  en  tête  des  éditions  complètes  des  Episiolas  fami- 
liares  et  dans  la  préface  du  Menosprecio  de  Cortey  Alahanza  de  Aldea, 

—  que  Lessing,  nous  l'avons  vu,  connaissait  déjà  dans  la  traduction 
d'Albertinus  dès  l'année  précédente  —  il  suffirait  d'ouvrir  la  Blbllolheca 
Hispana  Nova,  1, 125-28,  pour  y  trouver  les  maigres  détails  consignés  par 
notre  Recensent,  qui  se  révèle,  cependant,  par  cette  phrase  :  Die  Kunst 
zu  declaniieren  war  ihm  eigen.  Und  welchem  Spanier  ist  sie  es  nicht? 
Ce  jugement  sommaire,  révélant  la  plus  profonde  ignorance  de 
l'Espagne  et  de  sa  littérature  à  l'époque  des  Bourbons,  qui  est  celle  où 
écrit  Lessing  et  où  le  rationalisme  critique  domine,  où  la  déclamation 
est,  chez  les  intellectuels  de  la  péninsule,  si  impitoyablement  bannie, 
n'est-il  pas  caractéristique?  Au  lieu,  cependant,  de  déclarer  que 
Guevara  «  war  ein  Geistlicher  und  dièse  Art  Lente  bat  Yergrôsse- 
rungsgliiser,  Avelche  auf  dem  schonsten  Gesichte  unmerkliche  Poros  zu 
den  abscheulichsten  Lôchern  machen  »  et  de  se  perdre  en  lieux  com- 
muns de  cette  force  et  de  cette  psychologie,  quelle  excellente  occasion 
ne  s'offrait  pas,  en  cette  place,  à  Lessing  d'attirer,  à  la  suite  de  Bayle', 
l'attention  de  ses  compatriotes,  que  les  innombrables  versions  d'_Egi- 
dius  Albertinus  avaient  inondés  de  «  guevarisme  »,  sur  les  méthodes 
d5  mauvais  aloi  suivies  par  ce  franciscain  qui  fut,  dans  toute  la  force 
du  terme,  un  faiseur  à  un  âge  où  les  évéques  savaient  généralement 
mieux  employer  leurs  loisirs  qu'à  des  mystifications  du  genre  de  celle 
du  manuscrit  de  Florence  et  à  des  mensonges  du  volume  de  ceux  que 
recèlent  la  Década  de  los  Césares  et  les  Epistolas  Familiares  !  Lessing 
croit  en  avoir  dit  assez  quand  il  s'est  moqué  de  la  maîtrise  innée  des 
Espagnols  dans  u  l'art  de  déclamer  ».  Cela  lui  explique  suffisamment 
son  Guevara,  qu'il  ne  connaît,  au  surplus,  qu'à  travers  les  proses 
ampoulées  de  versions  où  sa  bonhomie,  en  somme  réelle,  avait  sombré 
en  un  pathos  grotesque,  et  où  son  savoureux  parler  castillan  de  la  fin 
du  règne  de  V Emperador  était  devenu,  sous  la  rude  gangue  germa- 
nique qui  l'enserrait,  le  plus  fastidieux  des  verbiages. 


1.  A  l'article  Guevara,  dès  l'éd.  de  1697  du  Dict.  hist-  et  crit.,  1,  1828.  Gottsched, 
qui,  de  17/11  à  17W,  traduisit  en  allemand,  avec  maints  contresens,  le  Dictionnaire. 
d'après  la  commode  édition  d'Amsterdam  17^0,  avait  ajouté,  au  mot  Guevara,  une 
excellente  note  sur  la  contamination  cultiste  et  l'influence  de  Graciân  sur  Lohenstein 
(t.  II,  Leipzig,  1742,  p.  674).  Déjà,  d'ailleurs,  l'article  de  Nie.  Antonio  n'était  pas  tendre 
pour  Guevara. 


g6  CO.\TKlUUTlO\S    A.  l'ÉTUDE    DK    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

d)  Alemàn.  K.  N.  29  octobre  1751. 

(M.  IV,  366.) 

Leipzig. 

Lustige  Lebensgeschichte  Gussmanns  von  Alfarache,  andern  zam  Beyspiele 
von  ihm  selbst  beschrieben,  und  ihres  besondern  Inhalts  wegen  ins  Deutsche 
ubersetzt.  Mit  vielen  Kiipfern.  Bey  Cari  Ludiuig  Jacobi.  i75i.  in  8.  1  Alphab. 
6  Bogen. 

u  Der  Verfasser,»  commence  Lessing,  «  ist  Matheo  Alemann  »  (sic).  — 
Toute  sa  science  hispanique  va  consister,  touchant  l'auteur  de  cet 
aventureux  Picaro,  à  essayer  de  rectifier  ce  qu'en  a  dit  Jôcher. 
L'article  an  Gelehrlen-Lexikon  avait  la  teneur  suivante  : 

ALEMANN  (Mattheas),  ein  Spanier  oder  Italiâner,  ivar  geheimer  Secretarius 
bey  PhUippo  II l  im  Anfange  des  17.  Seculi.  legte  sich  auf  die  Humaniora, 
erwehlte  aus  Liebe  zu  den  Stadiis  ein  Privât- Leben,  iibersetzte  den  Horalium 
in  die  spanische  Sprache,  und  gab  das  Leben  Antonii  von  Padua;  Cominentarios 
linguae  castellanae,  und  andere  Schriften  heraus.  Ant.  Si  ' . 

L'article  était  donc  censé  provenir  de  Nie.  Antonio  et  d'une  disser- 
tation de  Urban  Gottfried  Siber  :  De  illuslribiis  Alemannis  (Lipsiœ, 
1710),  où  le  passage  concernant  Mateo  Alemàn  se  trouve  S  XLIII, 
p.  i34-i38.  Lessing  déclarant  n'avoir  pu  se  procurer  Siber,  ne  sait  pas, 
en  conséquence,  que  c'est  là  que  l'auteur  de  l'article  a  puisé  ses  doutas 
sur  l'origine  espagnole  de  l'écrivain  dont  il  traite  a.  Il  va  se  borner,  par 
suite,  à  réfuter  Jôcher  par  Nicolas  Antonio,  pour  en  conclure 
triomphalement  à  la  légèreté,  à  l'absence  de  sens  critique  du  polyhis- 
torien  de  Leipzig.  En  réalité,  cependant,  Lessing  se  sert  habilement, 
sans  le  citer^  d'un  recueil  bibliographique  qui  venait  de  paraître 
partiellement  et  dont  il  tirera  souvent  parti,  la  célèbre  Bibliothèque 
curieuse^  de  Clément,  à  laquelle  il  est,  en  fait,  redevable  des  quelques 
détails  qu'il  donne  sur  le  «  Guzmdn  ».  Voyons-le  procéder. 

I.  Gel.-Lex.,  I,  2/47. 

■->..  Les  conjectures  de  Siber  sur  rascendance  italienne  d'Alcniân  sont  p.  i35.  Siber 
a  fair  de  s'appuyer  sur  une  autorité  par  ce  renvoi  :  vid.  Arnaldi  Ossati  Eplst.  '2^5  et 
Aineluli  Obs.  T.  IV,  p.  l'iO.  Il  s'ag:itde  l'édit.  des  Lettres  du  cardinal  d'Ossal  enrichie  des 
noies  d'Amelol  de  la  Houssaye  (éd.  d'Amsterdam,  1708,  t.  IV,  p.  i4o).  Mais  on  ne 
trouverait  rien,  dans  la  lettre  CCXLV,  à  Monsieur  de  Villeroy,  Home,  3i  oct.  1600,  qui 
justifiât  les  hypothèses  de  Siber. 

o.  Bibl.  car.,  I  (Gottingen,  lyûo),  p.  1G6-168.  Clément  confond  dans  cet  article 
Mateo  Lujân  de  Sayavedra,  c'est-à-dire  l'avocat  valencien  Juan  Marti(?),  avec  Alemàn 
lui-même,  dont  il  croit  que  c'est  le  pseudonyme.  Mais  il  renvoie  à  Gordon  du  Percel 
(c'est-à-dire  Lenglet-Dufresiioy)  :  tSibl.  des  Homans,  II,  lOa,  où  Lessing:  pouvait 
aisément  se  documenter  sur  les  traductions  françaises  du  Guzmân.  Euliii,  Clément 
décrivait  amplement  (p.  i06)  l'édition  de  Saragosse,  1099,  et  c'est  certainement  li  que 
Lessing  a  pris  U:  :  criado  del  Fey  D.  Felipe  III. 


L\    NATURE    ET    LES    SOUUCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  <)" 

«  Alemann  ein  Italiener  oder  Spanier.  Dièse  Ungewissheit  ist  sehr 
wunderlich.  Es  ist  wahr,  dass  man  Italiener  dièses  Namens  hat,  allein 
man  hat  auch  Deutsche,  welche  so  heissen.  Warum  hat  man  nicht 
auch  dazu  gesetzt  :  oder  ein  Deutscher  ?  »  Il  n'était  besoin,  dit-il,  que 
de  lire  Antonio.  Il  y  a  :  Hispalensis.  N'est-ce  pas  clair?  Et,  en  effet, 
voici  ce  que  rapporte  la  Bibl.  hisp.  nov.  (Il,  ii5)  : 

MATTH^US  ALEMAN,  Hispalensis  e  minislerio  Regiarum  sub  Philippo  II. 
Rege  Catholico  tractandarum  Rationam,  quod  inunus  ei  ex  aliqua  parle  fuerat 
commissum,  ad  privatam  vitae  conditionem  sponle  declinans,  otiuin  coliiit  libe- 
ralibus  studiis,  unde  ingeniosa  valde  utiliaque  varii  generis  qaaedam  Scripla 
prodierunt,  cuni  humaniores  disciplinas  olim  didicissel  curiose  inlenteque, 
nimiram. 

Au  surplus,  ajoute  triomphalement  Lessing,  Alemân  ne  se  nomme-t-il 
pas  lui-même,  sur  le  titre  du  Guzmdn  :  natural  vezino  de  Sevilla? 

Malheureusement,  le  triomphe  de  ce  jeune  matamore  est  trop  hâtif. 
Au  début  de  sa  critique,  il  a  malicieusement  insinué  que  si  Jôcher 
avait  daigné  lire  Antonio,  il  u  eût  peut-être  copié  ses  errata,  mais 
n'eût  jamais  commis  d'aussi  impardonnables  bévues».  Et,  ce  nonobs- 
tant, le  voici  qui,  exactement  comme  Jôcher  —  ou  le  collaborateur  de 
Jocher  —  et  malgré  Antonio,  accepte  qu'Alemân  a  été  fonctionnaire 
sous  Philippe  III  et  prétend  avoir  lu  sur  ce  même  titre  de  l'édition 
espagnole  originale  du  Guzmdn  :  criado  del  Rey  D.  Felipe  III  i.  iMais 
il  ne  lui  suffit  pas  de  redresser  Jôcher,  il  apporte  une  conjecture  per- 
sonnelle pour  élucider  la  trop  obscure  biographie  de  cet  aventurier  de 
lettres  :  «  Was  man  also  mit  Grunde  sagen  kann,  »  avance-t-il,  «  ist,  dass 
er  mit  den  kôniglichen  Einnahmen  zu  thun  gehabt,  und  wohl  gar, 
wie  wir  muthmassen,  in  Mexico,  wo  er  sich  eine  Zeitlang  aufgehalten 
hat.  »  Ce  wie  wir  muthmassen  est  charmant,  si  l'on  songe  qu'il  s'appuie 
uniquement  sur  le  passage  suivant  d'Antonio,  qui  ne  saurait  justifier 
l'air  dégagé  de  conjecture  personnelle  qu'affecte  Lessing.  «  Gertum 
quidem  esse  débet  in  occidentales  Indos,  hoc  est  Mexicanam  Novae 
Hispaniae  urbem,  aliquando  venisse  nostrum  Matthaeum,  cnjus  rei 

I.  Il  n'y  eût  trouvé,  s'il  eût  bien  regardé  et  n'eût  pas  simplement  copié  une 
notice  bibliofrraphique  erronée  :  criado  del  Bey  nuestro  Senor.  Le  Sage —  de  l'édition 
duquel  il  va  être  parlé  et  que  Lessing  n'a  pas  connue  —  expliquait  nettement  (Pré/ace, 
p.  v),  sur  la  foi  de  V Éloge  d'Wemân  par  Luis  de  Valdés,  en  tète  de  la  IV  partie  du 
Guziiiân.  que  l'auteur  avait  «  exercé  pendant  plus  de  vingt  années  la  charge  de  Conlndor 
de  résultas  SOUS  Philippe  II.  »  Aujourd'hui,  —  mais  déjà  F.  VVolf  avait  consigné  une 
fort  judicieuse  remarque  touchant  la  date  de  publication  de  la  véritable  Seconde 
Partie  du  G.  de  A.  dans  les  Jahrbiicher  der  LUteratur  viennois,  CXXII  (i8i8),  p.  ro5,  — 
quelques  découvertes  de  C.  Pérez  Paslor  (au  n"  771  de  //'  P.  de  sa  Bibliogr.  Madril. 
[Madrid,  190O]),  venant  après  les  Nuevos  datas,  etc.  de  J.  Gestosoy  Pérez(Sevilla,  iSqO), 
ont  légèrement  éclairci  la  carrière  d'un  homme  qui  a  eu  l'avantage  de  servir  de  thème 
à  deux  discours  académiques  :  en  1892,  à  Séville,  à  J.  Hazaiîas  y  la  Rua,  et  en  1907  à 
Fr.  Rodriguez  Marin  à  l'Académie  espagnole,  discours  ne  compensant  pas  l'absence 
d'un  ouvrage  véritablement  critique  s\u'  Aleman,  qui  fait  au  moins  aussi  défaut 
qu'une  étude  analogue  sur  Guevara. 


gS  CO-M  RIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LHISI'AMSME    DE    G.    E.    LESSl^G 

testimonium  extat  in  eo,  quem  in  ea  urbe  librum  edidit  :  Ortografia 
Castellana  inscriptum,  typis  Hiernonymi  Balbi  1609,  in- 4-  »  On  sait 
que  Gallardo  a,  dans  VEnsayo  (lY,  1191-1210),  signalé  le  ms.  d'un 
corregidor  d'Atitalaquia,  Bart.  de  Gongora,  où  il  est  dit  qu'Alemân 
vint  «  conmigo  el  afio  de  1608  »,  à  la  Nouvelle-Espagne,  «  mereciendo 
Méjico  su  precioso  cadâver  difuntoo,  par  quoi  l'hypothèse  du  biblio- 
graphe espagnol  —  qu'avait,  en  1871,  déjà  solidement  appuyée 
D.  Luis  Fernândez-Guerra  dans  son  volume  sur  Alarcon,  —  est  devenue 
un  fait  historique.  Celle  de  Lessing  reste,  par  contre,  une  médiocre 
prouesse,  vu  son  origine. 

Jôcher  affirmait,  nous  venons  de  le  voir,  qu'Alemân  avait  «traduit» 
Horace.  Lessing,  cette  fois,  a  beau  jeu  de  le  corriger,  k  Uebersetzte 
den  Horatium  in  die  spanische  Sprache.  Auch  dièses  ist  falsch.  Erstlich 
bat  er  niemals  den  Horatium,  sondern  nur  einige  Stûcke  desselben 
iibersetzt;  z^veitens  sind  auch  dièse  Stiicke  niemals  gedruckt  worden.  » 
Science  facile.  Cf.  Antonio  :  «  Algunas  traduciones  de  Horacio,  Car- 
donae  diici  nunciipatas,  in  schedis  MSS.  vidisse  se  refert  D.  Thomas 
Tamajus.))  A  coup  sûr,  le  témoignage  de  Tamayo  de  Yargas  était 
digne  de  respect,  mais  justifiait-il,  de  la  part  de  Lessing,  écho  d'un 
écho,  tant  de  cràneriedans  l'affirmation'  ?  Reste  la  dernière  étourderie 
de  Jôcher,  touchant  l'Ortografîa  castellana  :  «  Schrieb  Commentarios 
linguae  castellanae.  Dieser  Umstand  wird  alsdann  Avahr  werden, 
wenn  man  einen  kleinen  Traktat  ûber  die  spanische  Rechtschreibung 
einen  Commentar  ûber  die  spanische  Sprache  Avird  nennen  kônnen.  » 
On  a  vu  par  le  passage  d'Antonio  d'où  provenait  ce  nouveau  jet  d'éru- 
dition. Si  Lessing  eût  parlé  d'autre  sorte  que  par  ouï-dire  de  ces 
83  feuillets 2  qu'il  appelle  «petit  traité»,  peut-être  eût-il  fait  remarquer 
à  Jôcher  que  ces  prétendus  n  commentaires  sur  la  langue  castillane  » 
discutaient  tout  autre  chose  que  l'orthographe  pure  et  simple,  bien 
que  contenant  sur  ce  point  des  suggestions  entièrement  neuves  et 
censées,  vu  l'époque  où  elles  étaient  formulées. 

Dans  le  «  and  andere  Schriften  »  était  contenu  le  «  Guzmdn  ».  Lessing 
veut  y  voir  une  «  imitation  du  roman  espagnol  Lazarillo  de  Tormes  )^. 
«  Es  ist  vielleicht  die  einzige  Nachahmung,  die  ihr  Original  iibertrolTen 
bat  3,  ))  va-t-il  jusqu'à  déclarer  :  «  sie  fand  in  Spanien  einen  so  allge- 
meinen  Beifall,  dass  der  I.  Teil  in  sieben  Jahren  20  Mal  mit  Privi- 
legiis  gedruckt  ward,  ohne  die  Nachdrucke  zu  rechnen.  »  Cette  dernière 

I.  Ces  traductions  ont  été  publiées  à  Câdiz  en  iSgS  :  Odas  de  Horacio.  traducidas 
por  M.  A. 

a.  B.  Nat.,  X  2673.  Le  comte  de  la  Viiîaza  a  résumé  l'O.  C.  à  Madrid  en  1893 
dans  sa  Bibl.  hist.  de  la  fil.  east.,  col.  nSS-iigi. 

3.  Ce  jugement  émis  sans  connaissance  de  cause  a  cependant  semblé  à  M.  Fitz- 
raauricc-Kelly  digne  d'èire  rapproché  de  celui  du  consciencieux  Chapelain  (trad. 
française  précitée  de  A  hist.  ofsp.  Lit.,  par  H.-D.  Davray,  p.  ayn).  Ni  l'édition  anglaiî-c 
(i8<j8)  ni  la  traduction  espagnole  (1900)  n'avaient  ce  passage  maleuconlrcux. 


LA.    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSLNG  99 

phrase  est  tout  à  fait  caractéristique  d'une  légèreté  que  Lessing  censure 
cependant  si  vertement  en  Jôcher.  Le  Sage  {Préface,  p.  v)  disait  : 
«  Si  l'on  en  croit  ce  Valdés,  lorsqu'elle  parut  \la  7'«  partie]  pour  la 
première  fois  en  Espagne,  elle  y  fut  reçue  si  favorablement,  qu'on 
appela  par  excellence  son  auteur  le  divin  Espagnol.  Il  en  a  été  fait 
depuis  ce  tems-là  vingt-six  éditions.  »  En  se  rejDortant  à  Valdés,  on  y 
trouve  ceci  :  «  De  cuales  obras  en  tan  brève  tiempo  se  vieron  hechas 
tantas  impresiones,  que  pasan  de  cincuenta  mil  cuerpos  de  libros  los 
estampados,  y  de  veinte  y  seis  impresiones  las  que  han  llegado  a  mi 
noticia,  que  se  le  han  hurlado,  con  que  muchos  han  enriquecido, 
dejando  a  su  dueno  pobre.  »  Lessing,  parlant  de  25  éditions  «  mit 
Privilegiis  »  sans  compter  les  contrefaçons,  est  évidemment  victime, 
comme  tout  à  l'heure,  de  son  information  médiate,  car  il  ne  semble  pas 
possible  d'admettre  que  ce  soit  le  texte  de  Valdés  qu'il  rende  de  la  sorte. 
Quant  à  l'affirmation  que  le  Giizmdn  représente  peut-être  la  seule 
imitation  qui  ait  surpassé  son  original,  elle  ne  saurait  reposer  sur  une 
comparaison  directe  et  une  étude  détaillée  des  deux  œuvres;  sinon, 
force  serait  de  décerner  au  futur  réformateur  de  la  littérature  allemande 
un  brevet  de  mauvais  goût  initial  i.  Ici  encore,  il  parle  d'après  un 
ouï-dire,  et  lorsque,  justement,  quelques  lignes  plus  bas.  il  voudra 
formuler  en  deux  phrases  un  jugement  personnel  sur  l'œuvre  qu'il 
vient  d'exalter  de  confiance,  il  ne  trouvera  que  des  platitudes  : 

«  Von  dem  Inhalte  tragen  wir  Bedenken  etwas  zu  sagen.  Wem  wird  es 
schAver  werden,  zu  erraten,  was  in  der  Lebensgeschichte  eines  Bettlers  ^ 
vorkommen  kann?  Man  Avird  ailes  darinne  suchen,  was  darinne  vorkommt, 
nur  vielleicht  die  vortreflliche  Moral  nicht,  Avelche  die  abwechsclnden  Scenen 
der  niedrigsten  Lebensart  ebenso  nûlzlich  macht,  als  sie  angenehm  sind.  » 

Si  le  hasard  avait  voulu  qu'au  lieu  de  quelque  sec  résumé  de  gazette 
littéraire, la  traduction  de  Jean  Chapelain  tombât  aux  mains  de  Lessing, 
il  y  aurait  trouvé,  dans  les  considérations  préliminaires,  —  celles  en 
particulier  mises  en  tête  de  la  Seconde  Partie,  —  matière  à  de  plus 
exactes  réflexions.  Mais  sa  documentation  est  rudimentaire ,  et, 
quand  il  cite  le  Lazarillo,  l'a-t-il  seulement  parcouru?  Si  oui,  c'aura 
été  en  le  délaiement  indigeste  de  Caspar  Eus,  qui  ne  lui  aura  pas 
permis  de  savourer  en  son  rude  parfum  de  terroir  castillan,  —  et  nous 
savons  qu'il  en  eût  été  incapable,  —  cette  géniale  condensation  en  sept 
chapitres  d'une  matière  humaine  si  spécifique  3. 

1.  F.  ^Volf  («r<.  cil.,  p.  io3)  traite  le  Guzinân  de  anorh  ani  ineislen  ebrnburlig  »  au 
Lazarillo,  et  c'est  bien  là  l'expression  juste.  L.  Leincke,  dans  sa  notice  sur  Alemân, 
{llandbuch,  1,  260),  est  à  peu  près  du  même  avis. 

2.  Cette  qualification  de  Bclller  indiquerait  que  Lessing  n'a  même  pas  lu  les 
aventures  de  Guzmân  et  le  détail  de  ses  fortunes  diverses. 

3.  Peut-être  connaissait-il  déjà  le  volume  qu'il  notera  comme  sujet  de  lecture  à 
l'époque  de  Wolfenbùttel,  alors  qu'il  recueillait  les  fragments  qu'édita   Fiilleliorn 

(J.    PllOLLEl.  8 


lOO       GO.NTRIBUTIOJNS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Il  entend,  néanmoins,  convaincre  son  public  qu'il  possède  la  biblio- 
graphie du  Guzmdn.  A  défaut  de  l'Angleterre,  sur  laqueUe  ses  sources 
sont  muettes,  il  se  rejette  sur  la  France.  «  Besonders,  »  écrit-il,  «  haben 
die  Franzosen  sie  zu  dreienmalen  iibersetzt.  Die  erste  Uebersetzung  ist 
von  einem  gewissen  Chappuis  und  die  zweite  von  einem  Manne,  den 
viele  aus  andern  Werken,  wenige  aber  -als  den  Uebersetzer  des 
Giizmann  d'  Alfarache  (sic)  kennen,  von  dem  ungliicklichen  Dichter 
Chapelain.  Die  neueste  fran^ôsische  Uebersetzung  ist  diejenige,  nach 
welcher  man  die  gegenwârtige  deutsche  verfertiget  hat.  Sie  ist  von 
dem  Originale  nicht  Avenig  unterschieden,  weil  ihr  Verfertiger  sie 
allzu  sehr  nach  dem  franzôsischen  Geschmacke  einzurichten  gesucht 
hat.  I)  Un  peu  plus  de  précision  n'aurait  pas  nui  à  la  facile  érudition 
du  critique  improvisé  des  livres  d'Espagne.  D'abord,  il  importait  de 
remarquer  que  la  traduction  de  Chappuis  (cf.  à  son  sujet  Niceron, 
XXIX,  p.  92-174),  parue  en  1600  à  Paris,  ne  pouvait,  de  ce  fait,  que 
comprendre  la  Première  Partie.  Ensuite,  il  n'était  pas  sans  utilité  de 
noter  que  l'ignorance  de  u  beaucoup  »  concernant  la  version  de 
Chapelain  (1°  Partie  en  1619,  II"""  en  1620)  était  fort  excusable  par 
suite  de  l'anonymat  des  6  éditions  françaises  et  des  2  hollandaises  de 
cette  dernière.  Enfin,  —  et  c'est  ici  que  la  Bibl.  des  Romans  a  joué 
à  Lessing  un  vilain  tour,  —  quelques  détails  sur  cette  «  neueste  fran- 
zôsische  Uebersetzung,  »  —  qui  n'était  point  du  tout  la  dernière,  — 
n'eussent  nullement  été  de  trop.  Le  vague  avec  lequel  elle  est  désignée 
décèle  que  Lessing,  bien  quelle  fût  loin  d'être  rare,  ne  la  connaissait 
pas  personnellement.  Quoique  anonyme,  comme  celle  de  Chapelain, 
elle  avait  pour  auteur  un  de  ces  nombreux  Français  qui,  réfugiés  par 
force  en  Hollande  à  la  fin  du  xvii'  siècle,  s'étaient  mis  aux  gages  des 
libraires  des  Provinces-Unies  et  vivaient  en  publiant  des  écrits  plus  ou 
moins  sérieux,  le  romancier  Gabriel  de  Brémond,  Cette  prétendue 
traduction,  cependant,  n'en  est,  en  réahté,  point  une.  C'est  purement 
et  simplement  une  refonte  de  la  version  de  Chapelain,  pour  laquelle 
Brémond  employa  les  loisirs  d'un  emprisonnement  à  La  Haye.  Déjà 
l'éditeur  des  Lettres  de  Bayle  notait,  ajuste  titre,  en  1714',  qu'il  avait 

sous  le  litre  de  Altdeatscher  IVitz  und  Verstand,  volume  contenant,  outre  un  remanie- 
ment de  Rinconcte  y  Cortadillo  par  Ulenhart,  —  cf.  sur  celui-ci  Schneider,  op.  cit.. 
3  10-222,  —  une  traduction  allemande  du  Lazarillo.  Cf.  à  ce  sujet  R.  Koehler  (Archiv 
fiir  Literalurgeschichte,  de  Gosche,  1  (1870),  p.  295-297)  et  M.  XV,  483,  note.  Sur  la 
traduction  d'Alemân  par  Albertinus,  que  Lessing  déclare  connaître,  cf.  Schneider, 
op.  cit.,  p.  2o5  seq.  elles  corrections  de  M.  Farinclli,  Ztschft.  f'iirvergl.  Lilleraturgesch., 
N.  F.  (1899),  \1II,  p.  436.  La  version  de  Ens,  le  traducteur  du  Licenciado  Vidriera, 
contenue  précisément  dans  son  Guzmdn  latin,  ch.  VU,  a  été  réimprimée  par  M.  Fitz- 
maurice-Kelly  au  t.  XV  de  la  Hev.  hisp.  (1906),  p.  771-790  :  Caspar  Ens' Translation  of 
Lazarillo  de  Tormes. 

i.  Lettres  choisies  de  M.  Bayle  avec  des  Remarques,  I,  loC,  noie  2  (Amsterdam,  171/»). 
La  note,  signée  M,  doit  être  de  Des  Maizeaux  lui-même.  M.  Granges  de  Surgères, 
qui  a,  dans  le  Bulletin  du  Bibliophile  (Paris,  i885,  et  njn  188G  comme  l'indique  Bel.', 
Lilléralure  comparée,  2°  éd.,  p.  223j  décrit  bibliographiquement,  p.  209-314,  les  traduc- 


I 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  lOt 

accommodé  le  livre  «à  la  Françoise,  y  insérant  une  infinité  de  petites 
Histoires  connues  de  ceux  qui  connoissent  la  carte  de  la  Cour  et  de 
Paris  ».  L'arrangeur  n'y  manque  surtout  pas  une  occasion  de  tomber 
à  bras  raccourcis  sur  les  gens  de  justice.  Ce  fut  cet  intérêt  de  scandale 
et  d'actualité  qui  procura  certain  succès  à  cette  médiocre  Vie  de 
Guzman  d'Alfarache  (Xmslerdann,  1695,  3  vol.  in-12),  laquelle  fournit 
aux  libraires  de  Paris  une  excellente  occasion  d'uljcr  de  représailles 
à  l'endroit  de  leurs  peu  scrupuleux  collègues  de  Hollande  en  réimpri- 
mant incontinent  l'ouvrage  (Paris,  Perraud,  1696,  3  vol.  in-12).  Le 
nouvel  abrégé  de  Le  Sage  :  Histoire  de  Guzman  d'Al/arache,  nouvelle- 
ment traduite  et  purgée  des  moralité:  superflues  (Paris,  1732,  2  vol. 
in-12)  fit  complètement  oublier  cette  œuvre  sans  valeur,  qui  ne  fut 
mise,  sans  doute,  en  allemand  que  par  spéculation  de  librairie, 
à  moins  que  le  traducteur,  Ferdinand  AYilhelm  Béer,  n'ait  partagé  la 
même  ignorance  que  son  critique  au  sujet  de  la  «  dernière  version 
française  »  k 

Il  importe,  enfin,  avant  de  conclure  l'article  Alenmn,  de  dissiper 
un  malentendu  de  M.  A.  Farinelli  touchant  les  rapports  de  Lessing 
avec  l'auteur  espagnol.  M.  Farinelli  écrit,  dans  sa  thèse  de  doctorat 
{loc.  cit.,  p.  286),  que  Lessing  «  schrieb...  selbst  das  Leben  Alemans 

lions  françaises  du  Gucmâii,  attribue  faussement,  à  la  suite  de  la  Biographie  Didot 
(Paris,  i863,  t.  VII,  p.  3i3,  art.  de  J.  Lamoureux)^  la  remarque  à  Bayîe  lui-même. 
L'édition  d'Amsterdam  iGgS  n'ayant  pu  être  découverte  par  1  auteur  de  l'article  du 
Bulletin,  je  la  mentionne  sous  toutes  réserves  et  sur  la  foi  de  l'auteur  précité  de 
l'article  Brémond  dans  la  B.  Didot. 

i.  Le  nom  du  traducteur  n'est  pas  nommé  sur  le  premier  volume,  qui  est  celui 
que  Lessing  critique,  et  où  il  n'y  a  ni  avertissement,  ni  préface  qui  renseignent  le 
lecteur  sur  la  nature  de  l'ouvrage  et  la  méthode  suivie.  On  pouvait  croire,  ainsi, 
à  une  traduction  directe  de  l'espagnol.  L'année  suivante  parut  le  second  volume, 
Fortsetzung  und  BeschlusSj  où,  cette  fois,  le  '(traducteur»  se  nommait,  mais  restait, 
par  ailleurs,  aussi  muet  que  l'année  précédente  (Leipzig,  Jacobi,  in-8  de  490  pages, 
1752).  Cependant  les  planches  étaient,  indice  révélateur,  celles  de  la  «  traduction»  de 
Brémond.  Graesse  {Trésor,  I  [iSSg],  p.  67  s.  v.  Alemân)  igaorc  le  nom  de  l'auteur  de 
la  seconde  version  allemande  du-Gu:inân.  —  La  critique  de  Lessing  aux  K.  N.  doit 
être  complétée  par  une  note  précédente,  beaucoup  plus  brève,  qui  parut  le  9  octobre, 
dans  la  B.  Z.  (M.,  IV,  3do).  Lessing  y  qualifle  Alemdn  de  secrétaire  de  Philippe  III.  — 
renseignement  qu'il  doit  avoir  pris  dans  le  Jôcher,  —  reproche  à  la  «  traduction  » 
allemande  d'être  faite  sur  la  française,  en  conséquence  de  quoi  «  unzâhlige  Schôn- 
hciten  der  Urschrift  verlohren  gegangcn  sind,»  déclare  qu'à  défaut  de  l'original 
espagnol,  «  welches  doch  eben  so  selten  nicht  ist,  »  c'est  à  la  traduction  italienne 
qu'il  eût  fallu  avoir  recours,  «  die  man  sehr  oft  antrift,  und  welche  weit  getreuer  als 
die  franzosische  gewescn  wâre».  II  s'agit  de  la  Vita  del  picaro  Gusinano  d'Alfaracc 
|Ie  Calai,  de  la  Bibl.  Nat.  porte  à  tort:  d' Alfar trace]  descrilta  da  Matteo  Alemanno  di 
Siviglia  et  tradolta  dalla  liiigua  Spagnuola  nelV  Italiana  da  Barezzo  Barezzi  Crcmonese 
(Vcnetia,  1G06,  in-8),  dont  Clément  décrivait  la  réédition  de  1629,  en  renvoyant,  i^our 
deux  éditions  antérieures,  à  «Gordon  du  Percel»,  auquel  a  recouru  Lessing.  Dès 
«731,  Sincerus  (pseud.  de  Georg  Jakob  Schwindel)  avait  signalé  l'édition  de  1629 
dans  ses  Nachrichten  von  lauier  alten  und  raren  Biichern,  1  (1731),  p.  121-126,  où  se 
trouve  copié  le  passage  de  Siber  sur  Alcmân.  Pour  la  bibliographie  de  la  version  de 
Lesage,  cf.  VEssai  bibliogr.  sur  les  Œuvres  d'A.-R.L.,paT  M.  H.  Cordier,  commencé  au 
no  de  janvier  1908  du  Bull,  du  Bibliophile. 


I02       CO.MRIBLTIOS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E,    LESSlîJG 

fiir  die  in  Wittenberg  (1752)  unternommene  Kritik  des  Jôcherschen 
Lexikons».  Dans  l'impossibilité  de  découvrir  le  moindre  indice,  non 
pas  même  de  cette  mystérieuse  Vie,  mais  de  la  source  à  laquelle 
M.  Farinelli  en  avait  puisé  l'existence,  je  m'adressai  à  cet  érudit  pour 
le  prier  de  consentir  à  m'éclairer.  Il  me  répondit,  le  i5.  V.  1906,  que 
ses  fiches  se  trouvant  à  Innsbruck,  —  011  venaient  d'éclater  les  troubles 
entre  Italiens  et  Germains  à  l'Université,  —  sa  science  était  surprise 
par  ma  question  et  restait  sans  voix.  «  Fossi  io  ad  Innsbruck,  sicura- 
mente  potrei  darle  quegli  schiarimenti  sul  Lessing  che  or  mi  chiede. 
Ho  moltissime  note,  rettificazioni  ed  aggiunte  ail'  antica  mia  tesi  -^ 
ma  tutto  giace  ormai  sepolto  corne  in  una  tomba.  »  En  fait,  l'indi- 
cation de  M.  Farinelli  apparaît  totalement  u  aus  der  Luft  gegrifîen  ». 
En  lisant  avec  un  peu  d'attention  la  Vie  de  Lessing  par  K.  G.  Lessing', 
on  saisit  de  façon  inéquivoque  que  les  quelques  feuilles  que  le  premier 
avait  fait  imprimer  —  dans  une  intention  de  chantage  peu  honorable 
—  ne  sauraient  être  autres  que  celles  qu'il  inséra  en  1763  dans  la 
seconde  partie  des  Kleine  Schriflen,  et  qu'a  réimprimées  M.  Muncker 
au  t.  V,  p.  127  seq.,  de  son  édition.  Elles  ne  traitent  nullement 
d'Alemân,  mais  seulement  d'Abaris,  Abaucas,  George  Abbot,  Abraham 
Usque,  Johannes  Abrenethius,  Laur.  Abstemius,  Abudarnus,  Donat 
Acciajoli,  Zenobius  Acciajoli.  Si  Lessing  avait  publié  une  vie  d'Alemân 
en  rectification  au  Jocher,  il  est  hors  de  doute  que  le  continuateur  de 
celui-ci,  Joh.  Christ,  Adelung,  —  qui  est  allé  jusqu'à  la  lettre  K,  — 
l'aurait  utilisée  à  l'article  Alemâii  (t.  I,  p.  5^8)  de  ses  Fortselzung  und 
Ergànzungen  zu  Christian  Gottlieb  Jochers  Allgemeinem  Gelehrten- 
Lexikon,  etc.  (Leipzig,  1784  et  suiv.).  Or,  cet  article  ne  renvoie  qu'aux 
sources  courantes  de  la  polyhistoire  contemporaine  :  Clément,  Percel, 
et  Mayâns,  sans  souiller  mot  d'une  élucubration  de  Lessing^.  D'autre 
part,  si  cette  prétendue  Vie  d'Alemân  fût  restée  manuscrite,  Adelung 
l'aurait  ou  mentionnée  dans  la  préface  du  t.  1  de  sa  continuations, 
ou  utilisée  au  supplément  du  tome  IL  Comme  il  ne  l'a  pas  fait,  nous 
laisserons  à  M.  Farinelli  la  responsabilité  de  son  atOrmation,  dont, 

1.  Ed.  cit.,  p.  S8-89.  Baumanu,  une  connaissance  de  Lessing,  possédait  en  1702 
«die  ersten  drey  gcdruckten  Bogen  »  de  la  critique  du  Gelchrten-Lexikon.  Cf.  l'extrait 
de  sa  lettre  à  Hailer  dans  E.  Consentius,  op.  cit.,  p.  U-j,  note  **. 

2.  Adelung  a  précisément,  à  l'article  .Abraham  Usque  (t.  1,  p.  62),  relevé  une 
erreur  de  Lessing  —  erreur  dont  il  sera  parlé  plus  loin  au  S  Usque  —  émanant 
de  ses  corrections  imprimées  au  Jocher,  s.  v.  Usque.  11  n'eût  pas  manqué  de  citer 
Lessing  à  l'article  Alemân,  si  celui-ci  eût  publié  la  soi-disant  Vie. 

3.  Ayant  énuméré  ses  sources,  il  ajoute  :  "  Ausser  diesen  (Hùlfsmittclu)  habc  ich 
durch  die  Gûtigkeit  des  gegenwàrligen  Miinz- Directors  zu  Breslau,  Hcrrn  Cari 
Gotthelf  Lessings,  die  von  seinem  verstorbcnen  Herrn  Bruder  hinterlassenen  àhnli- 
chen  littcrarischen  Sammlungen  erhalten.  Es  betinden  sich  darunlcr  wenig  ausgcar- 
bcitele  Leben;  das  Meiste  besteht  aus  cinzelnen  Umstànden  und  Nachrichten,  welchc 
der  verdiente  Mann,  dem  Anscheine  nach  in  seinen  jungern  Jahren,  vvenigstens 
noch  eheer  an  die  reichen  Quellen  litterarischer  Schàtze  zu  Wolfenbùttel  gekommen 
isl,  aus   verschicdcnen  Schriftstellcrn  gesammelt  hal.   Da  ich  dicse  Bevtragc  erst 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  Io3 

jusqu'à  ce  que  ses  notes,  sans  doute  aujourd'hui  rentrées  en  sa  pos- 
session, d'Innsbruck  viennent  nous  démontrer  qu'il  ne  l'a  pas  copiée 
dans  B.  A.  Wagner,  Lessing -Forschiingen,  p.  i43,  nous  dénions  la 
réalité  objective  i. 


e.  Novelas  Ejemplares.  B.  Z.  12  décembre  1752. 

(M.   V,  1i.) 

Satyrische  und  lehrreiche  Erzehlungen  des  Michel  de  Cervantes  Saavedra, 
Verfasser  der  Geschichte  des  Don  Quischotts;  nebst  dem  Leben  dièses  beriihm- 
ten  Schriftstellers  wegen  ihrer  besondern  Annehmlichkeilen  in  das  Tentsche 
iiberselzt.  Frankfiirt  und  Leipzig.  In  der  Knoch  und  EssUngerischen  Buch- 
handlung. 

M  Es  sind  Erzehlungen,»  explique  Lessing,  «  oder,  wie  sie  Cervantes 
in  seiner  Sprache  nennt,  neue  Beyspiele.  »  Puis  il  reproche  à  Conradi 
de  n'avoir  pas  traduit  sur  l'original,  «  dass  sich  der  Geist  des  Spaniers 
an  unzahligen  Orten  in  einer  weit  reitzendern  Starke  Avurde  gezeigt 
haben. » 

Et  c'est  tout  ce  que  l'auteur  présumé  de  la  merveilleuse  et  non 
moins  mystérieuse  traduction  des  Novelas  a  trouvé,  lui  qui  cependant 
eût  dû,  à  cette  date,  être  familiarisé  avec  elles  et  leur  littérature,  à 
reprocher  au  professeur  de  droit  à  Marburg,  J.  C.  Conradi,  lequel, 
pour  être  qualifié  par  M.  Muncker  de  «  ein  ungenanntcr  Uebersetzer  »)  2, 
ne  nous  en  a  pas  moins  laissé,  signées  de  son  nom,  de  réjouissantes 
Betrachtungen  iiber  die  Erziihlungen  des  Cervantes,  au  commen- 
cement delà  Seconde  Partie  de  sa  traduction  —  car  —  déjà  l'indiquait 

erhieit,  als  der  gegenwârtige  Band  beynahe  schon  abgedruckt  war,  so  vveiss  ich  noch 
nicht,  was  und  wie  viel  mir  davon  wird  niitzlich  seyn  kônnen ,  ich  werde  aber 
solches  in  der  Folge  anzuzeigen  nicht  unterlassen.  »  —  Concernant  les  rapports  de 
Lessing  avec  le  Gelehrten-Lexikon,  il  est  intéressant  de  lire  Danzel  (i85o),  I,  217  seq. 
et  M.  Muncker,  qui  a  succinctement  discuté  la  question,  XIV,  p.  172-173. 

I.  M.  Erich  Schmidt  n'a  guère  eu  raison  non  plus  d'affirmer  (I,  224)  que  l'article 
d'octobre  1751  sur  Alemân  est  «  sorgfâltig».  S'il  ajoute  que  ledit  article  tend 
à  augmenter  le  Jôcher  à  la  Bayle  (Baylisch  zu  vermehren),  il  ne  fait  que  répéter, 
sans  l'avoir  contrôlée,  une  phrase  de  Danzel,  I  (i85o),  p.  221,  phrase  que  l'ignorance 
radicale  du  méritoire  et  infortuné  Privatdocent  en  matière  de  littérature  espagnole 
explique,  sinon  justifie, 

■>..  M.  XIV,  164,  note  3. —  D'autres  Lessingforscher  ont  recours  à  de  moins  ingé- 
nues périphrases  pour  masquer  leur  ignorance.  Pour  B.  A.  Wagner,  Conradi  est  «oin 
imberufener  Uebersetzer»  (progr.  cit.,  p.  16);  pour  M.  E.  Schmidt,  «  ein  Marktver- 
derber»  (I,  191).  A  défaut  d'autres  sources  d'informations  non  moins  accessibles,  il 
n'était  besoin  que  de  consulter  E.  Dorer  :  Cervantes  und  seine  Werke  nach  dcutschen 
Urtlœilen  (Leipz.,  1881),  pour  y  trouver,  en  toutes  lettres,  le  nom  d'auteur  de  Conradi 
(p.  1 5  de  la  Cerv.  Lit.).  C'est  là  aussi  que  s'est  documenté  Rius,  op.  cit.,  qui  a  eu  tort 
de  prendre  au  sérieux  et  de  traduire  (II,  .So5)  le  récit  d'un  projet  de  Don  Qidjoticida 
qui  y  était  relaté  et  que  nous  mentionnons  plus  bas. 


I04       CO?iTRIBUTIO>S    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISP.A.?*ISME    DE    G.    E.    LESSING 

Lessing  —  le  volume  ci -dessus  n'était  pas  complet  et  une  Seconde 
Partie  parut  en  1753  '. 

En  admettant  qu'il  laissât  passer  la  Vie  de  Cervantes  (p.  11- AS), 
compilée  dans  le  prologue  des  Nouvelles,  l'article  Cervantes  de  Moreri, 
et  surtout  la  traduction  française  de  la  Vida  écrite  par  ^la}  ans  y  Siscar 
pour  l'édition  de  Londres,  1788,  du  Quijote^,  quelles  remarques 
n'appelait  pas,  sur  la  plume  d'un  Lessing,  le  procédé  critique  du  rival 
qui  avait  déclaré,  p.  37-38  de  cette  Vie:  u  Ich  weiss  indessen  nicht, 
wer  der  Uebersetzer  ist,  der  die  Geschichte  des  Ruis  Dias  mit  unter 
dièse  Erzehlungen  hat  einschleichen  lassen,  da  sie  doch  weder  in 
Ansehung  ihrer  Erfindung,  noch  was  die  Ausbildung  betrift,  mit  den 
andern,  die  von  dem  Cervantes  ursprùnglich  herrûhren,  im  geringsten 
kan  verglichen  werden.  Sie  ist  desswegen  in  dieser  Herausgabe,  aïs 
apochryphisch,  untergedriicket  luorden  »,  et  qui,  nonobstant  cette 
déclaration,  avait  traduit  et  publié  tout  au  long  cette  même  nouvelle! 
Outre  de  justes  motifs  de  censurer  comme  il  convenait  un  tel  sans- 
façon  3,  Lessing  n'avait-il  pas  de  nouveau  la  plus  excellente  des  occa- 
sions de  faire  montre  de  son  érudition  en  une  matière  que  l'on  nous 
dit  qui  l'occupait  depuis  des  années.  Nous  avons  vu  qu'il  connaissait 
la  version  de  l'abbé  de  Chassonville.  Or,  celui-ci  citait,  dans  sa  Pré- 
face, Rosset  et  d'Audiguier.  Une  légitime  curiosité  eût  dû  inciter 
Lessing  à  rechercher  la  traduction  des  Novelas  par  ces  derniers^.  Il  y 

1.  Ces  Betrachtungen  sont  datées  Marburg,den  1.  April  1753. —  Le  /.  Theil  compre- 
nait: Die  beriihmte  Fregonne;  der  freygebige  Liebhaber;  die  Egypterin;  die  Kraft  des 
Gebliits : das Gespràch  zweyer  Hunde ;  plus,  au  début  (p.  i-W),  la  «.Geschichte  des  Ruis 
Dias,  eines  Spaniers,  und  der  Quipaire,  einer  Molukischen  Prinzessin  ». 

2.  Nous  reviendrons,  à  l'article  Essex,  sur  cette  T'i'e,  mise  en  français  en  17^0. 

3.  Conradi  ne  s'est  aperçu  de  son  lapsus  qu'en  1753.  La  raison  qu'il  donne  pour 
l'excuser  est  ineffable.  Il  prétexte  s'être  servi,  pour  façonner  sa  version  allemande, 
d'une  double  traduction  française,  celle  de  l'abbé  de  Chassonville,  déjà  plagiée  par 
Romani,  et  une  autre,  publiée  à  Paris  en  1728  et  qu'il  appelle,  dans  son  ignorance  : 
die  :iveyte  Franzosische  Ueberselzung.  C'est  dans  cette  dernière  qu'il  aurait  trouvé  les 
raisons  qui  le  décidèrent  à  faire  passer  la  fausse  ((  novela  ejemplar  »  dans  son  recueil: 
uJener  [l'éd.  de  1723)  ru  Fo^^e,  »  conclut- il,  «  is<  die  von  dem  /erfern  [Chassonville] 
verworfene  Quipaire  [au  lieu  de  Quixaire]  von  der  iiber  sie  ergangenen  Verdammung 
gleichsam  freygesprochen.  d  (Betrachtungen,  etc.,  en  tète  du  //.  Theil.)  Or,  non  seule- 
ment Chassonville  a  imprimé  sans  mot  dire  l'Histoire  de  Buis  Dias,  espagnol,  et  de 
Quixiaire  (sic),  princesse  des  Moluques  (t.  111,  p.  1 10  de  l'éd.  originale),  mais  la  prétendue 
«deuxième  traduction  française»  de  1728  n'est  qu'une  réimpression  de  l'édition 
d'Amsterdam,  parue  en  deux  volumes  in- 12  chez  P.  Witte  [Rouen  et  Paris]  (Bihl.  Nat. 
y^  Ii068-ii069).  La  confusion  commise  par  Conradi  est  inqualifiable,  mais  aussi  le 
silence  de  Lessing. 

U.  Traduction  qui  était  loin  d'être  rare,  vu  ses  rééditions.  Cf.  sur  celles-ci  la  des- 
cription bibliographique  qu'en  a  donnée  M.  R.  Foulché-Delbosc,  p.  8  seq.  du  Licencié 
Vidriera  (Paris,  1892).  Inutile  que  soit  mentionné  de  nouveau  le  catalogue,  postérieur 
au  travail  de  l'érudil  directeur  de  la  Bev.  Ilisp.,  de  L.  Rius,  dont  quelques  omissions 
—  ainsi  l'éd.  de  1C25  de  Rosset  et  d'.\udiguier  —  ont  été  signalées  par  M.  J.  Brimeur, 
Bev.  hisp.,  XV,  82/1  seq.  Notons,  cependant,  que  si  M,  Foulché-Delbosc  avait  su  que  la 
traduction  du  Licencié  Vidriera  par  Charles  Romey  avait  paru  originairement  en  1857 
au  t.  XI  de  la  Beuue  française,  p.  469  408,  il  ne  l'eût  point  accusé  si  fort  d'impérilit 
bibliographique,  p.  33  du  L.  V. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSUNG  Io5 

eût  appris  —  et  n'eût  pas  manquer  d'en  humilier  Conradi  —  quel 
était  ce  traducteur  innomé  qui  avait  laissé  «  se  glisser  »  l'histoire  de 
«  Ruis  Dias  »  dans  les  c  Nouveaux  Exemples  ».  Ce  traducteur  n'était, 
en  effet,  autre  que  l'original  consortium  ci -dessus,  qui,  sur  la  page 
du  titre,  déclarait  loyalement  que  l'o  Exemple  »  nouveau  —  et  ((  nou- 
veau »  sans  contresens  —  n'émanait  pas  de  Cervantes  : 

Les  !  Nouvelles  '  de  Miguel  de  \  Cervantes  Saavedra  \  ...  t^aduides  d'Espa- 
gnol en  François  :  Les  six  premières  par  F.  de  \  Rosse  t.  Et  les  autres  six,  par 
le  S''  D'Audiguier.  |  Avec  l'Histoire  de  Ruis  Dias,  et  de  Quixaire  Princesse 
des  I  Moluques  composée  par  le  Sr.  de  Bellan. 

Et  pour  mieux  éviter  une  fâcheuse  équivoque,  l'histoire,  «  tirée  des 
Mémoires  des  Indes,  »  était  munie  d'une  pagination  spéciale  (p.  1-22) 
à  la  fin  du  premier  tome,  réuni,  dans  mon  édition,  avec  le  second  en 
un  volume  in -8.  Lessing,  ne  sachant  rien  de  tout  cela,  cherche  querelle 
à  Conradi  parce  qu'il  a  rendu  Gitanilla  par  «  Egypterinn.  Il  trouve  que 
c'est  là  un  grotesque  contresens.  «  Das  ist  franzosisch  Deutsch,  »  s'écrie- 
t-il,  «es  sollte  die  Zigeunerin  heissen.  »  Que  n'avait- il  ouvert  Covarru- 
bias,  auquel  nous  le  verrons  en  appeler,  —  quand  il  l'aura  connu  par 
une  source  française,  —  pour  justifier  ses  excursions  philologiques  en 
domaine  castillan?  11  y  eût  trouvé  s.  v.  gilano  que,  dès  161 1,  le  pré- 
tendu contresens  qu'il  censure  était  reconnu  comme  l'étymologie  véri- 
table d'un  mot  qui  signifie  «  Quasi  egitano,  de  Egypto.  » 


/.  L'Inca  Garcilaso  de  la  Vega.  B.  Z.  23  juin  1753. 

(M.  V.  176.) 

Geschichie  der  Eroberung  von  Florida,  aus  deni  spaniscf^en  des  Ynca  Garci- 
lasso  de  la  Vega,  in  die  Jranzôsische,  und  aus  dieser  in  die  Teutscfie  Sprache 
iibersetzt  von  Heinricfi  Ludewig  Mayer.  Zelle  und  Leipzig  1753.  bey  G.  C.  Gesel- 
Uus.  in-8v.  1  Alphb.  8  Bogen. 

Les  quelques  renseignements  que  Lessing  fournit  ici  sur  le  célèbre 
Inca  sont  inexacts  ou  vagues.  «Als  er  nach  Spanien  kam,  »  dit-il, 
«arbeitete  er  verschiedene  Werke  aus,  welche  aile  in  die  Historié  von 
Amerika  einschlagen.  »  Passe  encore  qu'il  ignore  —  Cervantes  lui- 
même  ne  décèle -t- il  pas  une  égale  ignorance  au  Prologue  de  la 
Première  Partie  du  Quijote?  —  la  traduction  des  Dialoghi  di  amore  du 
juif  espagnol,  expulsé  de  son  pays  en  1692,  Jehudah  Abrabanel,  dit 
Leôn  Hebreo,  par  Garcilaso  en  1690,  traduction  dédiée  à  Philippe  II  ', 

I.  En  lySi,  Baumparten,  que  Lessing  pratiquait  cependant  assidûment,  avait,  au 
t.  7  de  ses  Nachrictxten  von  einer  hallisclien  BiblioUieli  (Halle,  17.')!,  p.  89)  signalé  en  ces 
termes  la  traduction  de  l'Inca  :  «  Aus  dem  zweiten  Theil  oder  der  algemeinen 
Geschiclite  von  Peru  verdienet  ein  ziemlich  unbekanntcr  Umstand  angemerket  zu 


loG       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSïNG 

mais  sur  quoi  étaie-t-il  son  afTirmation  que  «  lot^sqii'il  arriva  en 
Espagne  »  l'Inca  «  acheva  divers  ouvrages,  qui  tous  se  rapportent  à 
l'histoire  de  l'Amérique  »  ? 

Appelé  en  Espagne  en  i56o,  à  l'âge  de  vingt  ans,  par  Philippe  II, 
lequel,  dit-on,  aurait  pris  ombrage  du  chauvinisme  péruvien  du  jeune 
aristocrate,  Garcilaso  y  est  resté  trente  années  avant  de  rien  publier, 
et  ses  «  divers  »  ouvrages  se  bornent  aux  Comenlarios  reaies,  imprimés 
en  deux  parties  en  1609  et  1617,  et  à  celui  dont  la  traduction  alle- 
mande, faite  sur  la  version  française  de  P.  Richeleti,  a  motivé 
l'article  de  Lessing:  VHistoria  de  la  Florida,  dont  le  sous-titre  dit 
mieux  le  contenu  :  Jornada  que  a  ella  hizo  el  Governador  Hernando 
de  Solo,  ouvrage  publié  en  i6o5  à  Lisbonne  chez  Craesbeek. 

Lessing  prétend,  enfin,  que  Garcilaso  n'a  point  été  «  ein  partheyi- 
scher  Schriftsteller  ».  11  lui  eiît  été  malaisé  d'appuyer  documen- 
tairement  cette  opinion  étourdie.  Balancé  entre  l'amour  de  sa  terre 
natale,  à  laquelle  le  liaient  les  attaches  maternelles  ainsi  que  les 
traditions  glorieuses  de  la  famille  de  Huayna  Capac,  et  la  crainte 
d'encourir  le  reproche  d'hétérodoxie,  lui,  le  déraciné  déjà  frappé  une 
fois  par  l'Inquisition,  n'a  pas  de  critère  stable  et  ressemble  beaucoup 
plus  aux  naïfs  chroniqueurs  médiévaux  qu'à  un  contemporain  d'his- 
toriens tels  qu'un  Ambrosio  de  Morales  et  un  Zurita.  Si  Lessing  eîit  eu 
la  moindre  teinture  de  son  œuvre,  il  se  fût   souvenu  de  quelques 

werden  ;  der  darin  bestehet,  dass  der  Verfasser  nach  der  Zuschrift  an  die  Mariam  eine 
Vorrede  an  die  Yndios  mistizos  (sic)  y  criollos  de  los  Reynos  y  prouincias  del  grande 
y  ryqiiissimo  ymporio  del  Paru  gerichtet,  darin  er  von  seinen  gesamten  Schriften 
Nachricht  erUieilet;  worans  zu  ersehen  ist,  dass  er  die  spanische  Uebersetzung  der 
3  Gespriiche  Leonis  Hebriii  verfertiget  liabe,  die  von  der  Inquisition  verboten,  und 
in  den  Indicera  librorum  prohibitor.  gesetzt  worden,  dahei*  er  die  derselben  vorge- 
selzte  Zusclirilt  an  den  Konig  Philip  2  vom  Jahr  i58G,  ingleichen  ein  anders  an 
gedachten  Kônig  gerichtetes  Schreiben  vom  Jahr  1089,  nebst  einer  langen  Erziilung 
der  gnâdigen  Aufnam  und  erhaltenen  Antwort,  aïs  eine  Art  seiner  VerUieidigung 
beidrucken  lassen.  »  Cette  traduction  de  Leôn  Hebreo,  qu'avaient  précédée  d'autres 
traductions  en  castillan  qu'il  semble  avoir  ignorées,  porte  le  titre  :  LaTraduccion  del 
Indio  de  los  Très  Dialogos  de  Amor,  de  Léon  Hebreo,  echado  de  Italiano  en  Espahol,  por 
Garcilasso  Inca  de  la  Vega  (Madrid,  1690,  in- A)  et  est  restée  inconnue  (de  là  le 
silence  de  Lessing?)  à  Nie.  Antonio,  qui  ne  la  mentionne  pas  à  l'article  Garsias 
Laso  delà  Vega  (I,  5ii).  Sur  la  graphie  Abrabanel,  au  lieu  de  la  forme  vicieuse, 
mais  courante  —  bien  qu'il  y  ait  eu,  il  y  a  plus  de  soixante-dix  ans,  à  ce  sujet  une 
polémique  entre  Gotthold  Salomon  et  le  théologien  de  Rostock  Hartmann,  auteur  des 
articles  Jsaakel  Jehuda  Abrabanele  dans  VAllg.  Enc.  de  Ersch  et  Gruber,  i.  Thl.  [Leipz. 
i8i8j,  p.  i5o-i53 —  Abarbanel,  qui  est  celle  qu'emploie  encore  l'historien  de  Léon 
l'Hébreu,  le  rabbin  B.  Zimmels,  dans  sa  traduction  du  passage  de  M.  Menéndez  y 
Pelayo  sur  L.  l'H.  dans  les  Ideas  Estéticas  :  Leone  Hebreo.  Neue  Studien,  Hefl  1  (Wien, 
1S92),  il  importerait  de  ne  pas  oublier  la  note  de  M.  Kayscrling,  Gesch.  der  Jiiden  in 
Portugal  {BcrWn,  18G7)  p.  72,  note  1.  Le  Catalogue  de  la  Bibl.  !\'at.  (t.  i  [1897!  p.  li) 
fait  cette  distinction  puérile  de  graphies  :  Isaac  Abravanel  et  Leôn  Abrabanel. 

I.  Histoire  |  delà  \  Floride  etc.  \  traduite  en  François  par  |  P.Richelet  (Paris, '1C70, 
2  vol.  in-12).  L'exemplaire  de  la  Bibliothèque  Nationale  est  celui  de  Huct,  l'évèque 
d'Avranches  (01.  Gô.'j).- Lessing  a  bien  voulu  accorder  à  la  traduction  de  Richelet  un 
brevet  d'excellence,  brevet  d'ailleurs  superflu,  vu  la  date. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  IO7 

exemples  typiques  de  cette  manière  hybride  i  et  il  ne  lui  eût  pas 
échappé  l'affirmation  qu'on  vient  de  lire,  pas  plus  qu'il  n'eût  songé  à 
reprocher  à  l'Inca  de  manquer  de  «  Kunst  und  Artigkeit  »,  car  il 
aurait  réfléchi,  sans  doute,  que  le  premier  Américain  qui  écrivit  en 
castillan,  langue  dont  l'esprit  ne  pouvait  lui  être,  malgré  son  long- 
séjour  en  Espagne,  pleinement  familier,  ne  devait  point  être  jugé  avec 
la  même  sévérité,  en  matière  de  style,  qu'un  Diego  Ilurtado  de  ^len- 
doza  ou  quelque  autre  castcUano  neto  possédant  à  Valladolid  ou  à 
Tolède  sa  casa  solariega. 


g.   Don  Quijote.  B.  Z.  U  sept.   1753;  U  oc  t.    1753; 
23  fév.  i75ù, 

{M.  V,  19G,  201,  388.) 

Dans  ces  trois  comptes  rendus  insignifiants  de  mauvaises  imi- 
tations du  Don  Quichotte  —  les  deux  premières  du  moins  :  Der 
Teutsche  Don  Quichotte,  etc.  [traduit  du  français],  Don  Qiiixote  im 
Reifrocke,etc.  [traduit  de  l'anglais];  la  troisième  :  der  Riissische  Avan- 
turier  se  donne  faussement  pour  une  traduction  de  l'espagnol  — 
Lessing  a  risqué  quelques  assertions  qui  méritent  d'être  relevées.  Il 
écrit,  dans  le  premier  :  «  Unter  allen  spanischen  Werken  des  Witzes 
ist  bei  Auslandern  keines  bekannter  geworden  als  der  Don  Quixote 
des  unnachahmlichen  Cervantes,  und  beynahc  wird  es  keine  Ueber- 
treibung  seyn,  wenn  St.  Evremont  verlangt,  dass  man  bloss  dièses 
Buchs  wegen  die  spanische  Sprache  lernen  miisse.  »  Saint-Evremont 
n'a  nulle  part  formulé  semblable  désir.  11  a  dit  simplement: 

«//y  a  peut-être  autant  d'esprit  dans  les  autres  ouvrages  des  Auteurs  de 
cette  nation  que  dans  les  nôtres;  mais  c'est  un  esprit  qui  ne  me  satisfait  pas, 
à  la  réserve  de  celui  de  Cervantes  en  DOM  QUICHOTTE,  que  je  puis  lire  toute 
ma  vie  sans  en  être  dégoûté  un  seul  moment.  De  tous  les  livres  que  j'ai  lus,  Dom 
Quichotte  est  celui  que  j'aimerois  mieux  avoir  fait  :  il  n'ij  en  a  point,  à 
mon  avis,  qui  puisse  contribuer  davantage  à  nous  former  un  bon  goût  sur  toutes 
choses.  J'admire  comme,  dans  la  bouche  du  plus  grand  fou  de  la  terre,  Cer- 
vantes a  trouvé  le  moyen  de  se  faire  connoltre  l'homme  le  plus  entendu,  et  le 
plus  grand  connaisseur  qu'on  se  puisse  imaginer.  J'admire  la  diversité  de  ses 
caractères,  qui  sont  les  plus  recherchés  du  monde  pour  les  espèces,  et  dans  leur 
espèce  les  plus  naturels.  Quevedo  paraît  un  Auteur  fort  ingénieux;  mais  je 
l'estime  plus  d'avoir  voulu  brûler  tous  ses  Livres,  quand  il  lisoit  Dom  Qui- 
chotte, que  de  les  avoir  sûjaire'-.  » 

1.  P.  ex.  Coinentarios,  /"  P.,  Lib.  9,  cap.  15;  //"  P.,  Lib.  U,  cap.  21  ;  II"  P.,  Ub.  S, 
Cap.  18.  11  serait  facile  d'accumuler  les  exemples. 

2.  Œuvres  (Éd.  Des  Maizeaux  [nouv.  éd.],  17/io,  t.  III,  p.  88:  A  ,]f.  le  Maréchal  de 
Créquy,  etc.:  De  quelques  Livres  Espagnols,  Italiens  et  François).  —  Poste!,  dans  son 
épître  latine  de    170^   dans  les   ,\ova   IJteraria  (dont  il  sera  question  au  5  Abraham 


I08       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hiSPAMSME    DE    C.    E.    LESSING 

Lessing  est  d'avis  que,  malgré  de  nombreuses  imitations,  le  Don 
Qiiijote  reste  un  livre  unique  et  le  restera  «  als  bis  niemand  in  der 
AVelt  mehr  Lust  haben  Avird,  zu  lachen  ».  Cette  assertion  semblerait 
indiquer  qu'il  n'était  pas  encore  allé  bien  avant  dans  l'esprit  de 
l'œuvre  lorsqu'il  l'émettait,  car,  si  comédie  il  y  a  dans  le  Quijote, 
c'est  comédie  humaine,  qui  suscite  moins  le  rire  que  le  sourire  des 
philosophes. 

Dans  son  second  compte  rendu,  Lessing  nous  apprend  que  la  mode 
des  longues  narrations  pseudo-antiques  et  bucolisantes  à  la  Scudéry 
et  La  Calprenède  naquit  en  France  parce  que  le  Don  Quichotte  y 
avait  rendu  ridicules  les  volumineux  livres  de  chevalerie.  C'est  là 
une  découverte  dont  la  nouveauté  ne  nous  apparaît  malheureusement 
pas  justifiable  par  des  faits  d'histoire  littéraire  française  et  que  son 
auteur  se  garde  de  justifier.  Il  aime  mieux  blâmer  les  «  langweilige 
Zwischenerzahlungen,  womit  der  spanische  Roman  angefiillt  ist». 
Parmi  ces  «  ennayea^es histoires épisodiques  »,  —  le  terme  «angefiillt  » 
est  étrangement  inexact,  —  il  en  est  au  moins  une  que  plusieurs  criti- 
ques compétents  placent  au-dessus  des  pittoresques  récits  baptisés  par 
Cervantes:  Nouvelles  exemplaires.  C  est  celle  qui  forme  les  chap.  XXIII, 
XXIV  et  une  partie  du  chap.  XXV  de  la  /"  Parte  et  s'intitule  :  El 
Curioso  Impertinente.  Elle  parut  si  intéressante  à  nos  pères  —  qui, 
on  le  sait,  ne  croyaient  pas  démériter  de  leur  titre  de  conducteurs 
intellectuels  de  l'Europe  d'alors  à  apprendre  le  castillan  et  à  se 
passionner  pour  la  littérature  transpyrénaïque  —  que,  trois  ans  après 
son  apparition,  en  1608,  César  Oudin  l'insérait  dans  la  réédition  de  la 
Silva  Cariosa  de  Medrano  et  que  Nicolas  Baudoin  la  publiait  la  même 
année  en  français.  Une  autre,  El  Cautivo,  contenue  également  dans 
la  P  Parte  (ch.  XXXIX,  XL  et  XLI),  ne  paraîtra  «ennuyeuse»  qu'à 
ceux  qui,  comme  Lessing,  dans  ses  critiques  hispaniques,  jouent  le 
rôle  du  geai  paré  des  plumes  du  paon  i. 

Nous  apprenons^  dans  le  troisième  compte  rendu,  que  les  Espagnols 
«  mit  ihrem  Don  Quixote  ohnedem  nicht  viel  Ehre  eingelegt  haben». 
Sait-on  si  le  jeune  tranche -montagne,  à  force  d'avoir  approfondi 
l'œuvre  de  Cervantes  et  d'avoir  médité  sur  l'Espagne  ((  chevale- 
resque »,  n'en  était  pas  venu  à  celle  hyperesthésie  hispanophile  d'un 

Usque)  avait  écrit  :  «  Sod  iinicus  instar  omnium  est  Michaël  de  Cervantes  in  sua  elegan- 
tissima  et  nunquam  satis  laudata  Salyra,  quae  vulgo  sub  nomine  :  Don  Quixote  de  la 
Mancha,  nota.  Oninia  enim,  quae  apud  alios  sparsim,  hic  pcr  cumules  invenies,  ita 
ut  cruditus  quidam  Oallus  nostri  temporis  de  illo  diceret  :  Qu'il  aimerait  mieux  d'avoir 
fait  le  Don  Quixol,  que  tous  les  autres  livres;  par  ce,  qu'à  son  avis,  il  n'y  en  ait  point  qui 
puisse  contribuer  d'avantage,  à  nous  former  un  bon  goût  de  toutes  choses.  » 

I.  On  sait  que  Cervantes  a  expliqué  dans  la  II"  Parte,  au  début  du  ch.  XLIV,  les 
raisons  pour  lesquelles  il  n'avait  pas  inséré  de  Nouvelles  dans  cette  //"  Parte.  Si  les 
nouvelles  de  la  Première  Partie  sont  très  intéressantes  en  elles-mêmes,  autre  chose  est 
leur  opportunité  dans  le  corps  du  récit:  Cf.  à  ce  sujet  Grillparzer  dans  ses  Studien 
:um  span.  Theater,  ç  Cervantes,  (t.  17  de  l'éd.  Cotta  en  20  volumes,  p.  a^G.) 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  lOj) 

Byron,  rejetant  le  Don  Quijote  comme  un  mauvais  livre,  à  la  suite 
d'un  Juan  Marujân,  qui  définissait  Cervantes 

...  del  honor  de  Espafïa 
...  verdugo  y  cuchillo'  ? 

Si  l'auteur  de  Don  Juan^  s'est  fait  l'écho  de  cette  grotesque  dénon- 
ciation, en  ces  termes  : 

Cervantes  smiled  Spain's  chivalry  aivay  : 
A  single  laugh  demolish'd  the  right  arm 
Of  his  own  country  :  seldom,  thince  that  day, 
Has  Spain  had  heroes...., 

nous  croyons,  quant  à  nous,  que  la  malencontreuse  assertion  de 
Lessing  n'est  qu'un  plagiat  de  la  phrase  que  Montesquieu  mettait, 
dans  ses"  Lettres  persanes,  sur  les  lèvres  de  Rica,  en  1721,  alors  qu'il 
affirmait  des  Espagnols  «  que  le  seul  de  leurs  livres  qui  soit  bon,  est 
celui  qui  a  fait  voir  le  ridicule  de  tous  les  autres  ».  Comment,  sinon 
par  cette  réminiscence,  expliquer  qu'il  soit  venu  à  l'esprit  d'un  blanc- 
bec  ignorant  la  littérature  transpyrénaïque  de  prétendre  que  les 
Espagnols  n'avaient  pas  «  recueilli  beaucoup  d'honneur  »  avec  leur 
D.  Quichotte^? 

I.  B.  A.  E.,  61,  p.  XCIX. 

a.  Don  Juan,  XII,  ii.  Grillparzer,  qui  trouve  le  Curioso  «assez  faible»,  juge 
(op.  cit.,  p.  2i6)que  la  remarque  de  Byron  «  vielleicht  mehrWarheitenthâlt, als  ailes, 
was  Herr  Ludwig  Tieck  je  ûber  Poésie  und  Poeten  gefaselt  hat  ».  —  Déjà  le  P.  Rapin 
avait  en  quelque  sorte  donné  une  base  à  cette  interprétation  pessimiste  du  D.  Qui- 
jote dans  ses  Réflexions  sur  la  Poétique  (Ed.  d'Amsterdam,  170g,  II,  2o5)  :  «  Ce  grand 
homme  ayant  esté  Iraitté  avec  quelque  mépris  par  le  duc  de  Lorme,  premier 
Ministre  de  Philippe  III,  qui  n'avoit  nulle  considération  pour  les  Sçavans,  écrivit  le 
Roman  de  Dom  Quixotte,  qui  est  une  Satyre  très  fine  de  la  Nation  :  parce  que  toute 
la  noblesse  d'Espagne,  qu'il  rend  ridicule  par  cet  Ouvrage,  s'estoit  entêtée  de  Cheva- 
lerie. C'est  une  tradition  que  je  tiens  d'un  de  mes  amis,  qui  avoit  pris  ce  secret  de 
Dom  Lope  à  qui  Cervantes  avoit  fait  confidence  de  son  ressentiment.  »  Je  ne  sache 
pas  que  les  Cervantophiles  aient  jamais  noté  cette  assertion,  beaucoup  plus  sérieuse 
que  celles  de  Defoe  et  de  VValter  Savage  Landor,  voire  de  Rawdon  Brown. 

3.  A  noter  quelques  graphies  lessinguiennes  :  Sancho  Panca,  dans  le  premier 
compte  rendu  et  dans  M.  [Boxberger,  4',  182,  a  corrigé:  Sanchu  Pansa!];  Sancho 
Panssa  dans  le  second  et  dans  M.  [Boxberger  (4  ',  i85)  était  décidément  pour  Sancho 
Pansa].  —  Lessing  semble  s'être  soucié  beaucoup  plus  des  traductions  que  des 
éditions  castillanes  du  D.  Quichotte,  sans  doute  parce  que  la  lecture  des  premières 
était  pour  lui  plus  facile.  En  mars  1770,  Weisse  écrit  à  Bertuch  que  Lessing  lui  a 
envoyé  «die  hollàndische  Uebersetzung  des  Don  Quixote  »,  en  ajoutant  que  u  sie  sey 
ein  Meisterstûck.  »  \Chr.  Félix  Weisses  Briefe  an  F.  J.  Bertuch,  publ.  par  L.  Geiger 
dans  la  Ztschft.  fiir.  vergl.  Literaturgesch.  N.  F.  X  (1890),  p.  2/19).  J'imagine  qu'il 
s'agit  soit  de  l'édition  originale,  parue  chez  J.  Savry,  à  Dordrecht,  en  1G57,  soit  de 
l'une  des  réimpressions  —  la  Bibl.  Nat.  possède  la  sixième,  revue  par  G.  v[an]  [den] 
B[osch],  Amsterd.,  1707,  2  vol.  in-8  —  du  Quijote  hollandais  de  Lambert  van  den 
Bosch,  sur  lequel  H.  S.  A[shbee]  a  publié  dans  Notes  and  Queries  du  27  août  1892, 
p.  16O,  une  remarque  qui  a  échappé  à  Rius.  Une  aulre  fois,  Lessing  note  (M.  XV, 
168)  que  Peler  Anthony  Motteux  est  l'auteur  «  einer  guten  Uebersetzung  des 
Dom  Quixote  (sic)».  On   sait  que  cette  traduction  souvent  réimprimée,  depuis  sa 


T  lO       CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


1752.  Aldrete  et  Sousa. 

Karl  Lessing  écrit,  sous  l'année  1702,  dans  la  Vie  :  «  Er  AvoUte  auch 
des  Aldretes  Varias  antiguedades  de  Espanna  Africa  y  otras  pro- 
vincias  ûbersetzen.  Allein  es  fand  sich  kein  Verleger  dazu.  Selbst 
Baumgarten  in  Halle  glaubte,  das  Werk  sei  zu  gelehrt  geschrieben, 
als  dass  es  Léser  genug  in  Deutscbland  finden  wûrdei.  «  D'autre 
part,  Nicolai,  dans  son  Antwortschreiben  an  Herrn  Pastor  Lange  in 
Laublingen^  mentionne,  d'après  une  lettre  de  Lessing  qui  est  censée 
remonter  à  1-52,  «Vorschlâge  von  seiner  Uebersetzungder  spanischen 
Bûcher  des  Aldrete  und  Susa  ».  M.  Muncker  (XIV,  i65,  note  i)  écrit  à 
ce  propos  : 

«  Un  ter  dem  ersten  Werke  sind  die  161 4  erschienenen  «Varias  antigue- 
dades  (sic)  de  Espana,  Africa  y  otras  provincias  »  von  Bernardo  Aldrete 
verstanden.  Auf  welches  Werk  aber  der  Name  Susa  hinweisen  soll, 
ist  kauni  zu  bestimmen,  da  zahlreiche  spanische  Schriftsteller  Susa  oder 
Soussa  heissen.  Die  Vollendung  und  Herausgabe  dieser  Uebersetzungen 
unterblieb,  weil  sich  fiir  seiche  Bûcher  kein  Verleger  fand.  » 

Nous  retrouvons,  en  cette  dernière  phrase  de  l'éditeur  de  Lessing, 
une  preuve  nouvelle  de  cette  inqualifiable  méthode  qu'ont  adoptée 
maints  éminents  L^^^mgr/br^cAe/' germaniques  et  qui  consiste  à  prendre 
leurs  préjugés  littéraires  pour  des  réalités  objectives.  11  est,  en  effet, 
déplorable  d'entendre  un  érudit  comme  M.  Muncker  parler  de 
l'a  achèvement  »  et  de  la  ((publication»  de  traductions  dont  deux 
mentions,  du  vague  desquelles  on  a  pu  se  convaincre,  ne  sauraient, 
en  bonne  logique,  démontrer  l'existence.  Que  Lessing  ait  eu  connais- 

puljlication  à  Londres  en  U  volumes  au  début  de  171 2  ou  vers  la  fin  de  171 1, 
n'est  pas  k  bonne  d,  mais  trop  libre.  [Cf.  Ticknor,  History  (2*  éd.,  New- York,  iSô/i) 
III,  i2o].  Mais  Lessing  ne  doit  pas  être  rendu  responsable  de  son  jugement. 
Kedlicli  en  a  identifié  la  provenance.  C'est  le  a*  volume  d'une  sorte  de  Diccionaire 
du  théâtre  anglais  —  oi'i,  soit  dit  en  passant,  Lessing  a  pris,  bien  qu'il  prétende, 
au  59.  Stiick  de  la  Dramaturgie,  les  tenir  de  gclehrte  Tagebiicher,  tous  ses  rensei- 
gnements sur  la  matière  théâtrale  anglaise  de  VEssex  —  paru  en  1764  à  Londres, 
anonyme,  en  2  vol.,  et  dont  l'auteur  était  David  Erskine  Baker:  Companion  to  the 
Playhouse  or  an  historical  Account  of  ail  the  dramatk  Writers  and  their  ]]'orks  that  hâve 
appeared  in  Great  Britain  and  Ireland,  s.  v.  Motteux  [Dans  la  new  édition,  1782,  (Bibl. 
I\'at.  l'A-  9Gi),  I,  827  :  c<  he...  ivas  qualijied  to  oblige  the  world  vith  a  very  good  trans- 
lation of  Don  Quixote.  »)  Celte  compilation  est  distincte  du  Companion  to  the 
théâtre,  que  cite  souvent  Lessing.  —  Enfin,  E.  Dorer  a  reproduit  (op.  cit.,  p.  102)  un 
passage  de  Nicolai  concernant  le  projet,  con(;u  en  communauté  avec  Lessing  mais 
non  réalisé, d'une  «Don  Qiiijotiade  »  contre  Gottsched.  —  Nous  aurons  l'occasion  de 
revenir  sur  deux  autres  passages  de  Lessing  ayant  Irait  au  D.  Qaijote. 

1.  lid.  cit.,  p.  8g. 

2.  Frankfurt  und  Leipzig,  17Û4,  p.  ti.  Cf.  l'extrait  de  cette  lettre  M.  V,  p.  262, 
note. 


À 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HlSl'AxMSiME    DE    LESSLN'G  I  1  1 

sance  de  l'ouvrage  du  chanoine  de  Gordoue,  dont  Ménage  louait,  en 
un  long  paragraphe  du  Diccionaire  Etymologique,  le  Del  Origen  y 
principio  de  la  lengua  castellana  o  romance,  etc.  (1606),  réimprimé  en 
tète  de  l'édition  de  1674  du  Tesoro  de  Covarrubias,  il  n'y  a  rien  en  cette 
hypothèse  de  surprenant,  car  il  venait  d'être  très  recommandé  dans 
deux  recueils  bibliographiques  fréquemment  consultés  par  ce  même 
Lessingi.  Le  cinquième  volume  des  Nachrichten  von  einer  hallischen 
Bibliothek,  etc.,  de  Baumgarten,  paru  en  1750  à  Halle,  contient, 
p.  184-187,  un  compte  rendu  des  deux  ouvrages  d'Aldrete.  h(i?>  Anti- 
giiedades,  en  particulier,  y  sont  fort  vantées,  et  le  jugement  de  Lenglet- 
Dufresnoy2  y  est  reproduit  :  ((  Ouvrage  savant,  peu  commun  et  plein 
de  grandes  et  doctes  recherches.))  Cette  même  année  1760,  Clément 
donnait,  au  t.  1  de  sa  Bibl.  cur.,  p.  iSg-iGo  (Gottingen,  1750),  sur  les 
deux  ouvrages  espagnols  d'amples  renseignements  bibliographiques 
et  reproduisait  un  passage  de  Mosheim,  dans  ses  Remarques  sur  le 
traité  de  J.  Dan.  MorhotY  De  pura  diclione  (p.  01 ,  note  f),  où  il  était  dit 
que  ((Celui  qui  traduiroit  en  latin  ces  deux  ouvrages  d'Aldrete  rendroit 
un  service  réel  aux  gens  de  Lettres  ;  qu'il  en  avoit  eu  l'intention  ; 
mais  que  ses  occupations  ne  lui  permettoient  plus  d'y  penser  :  et 
qu'ainsi  il  abandonnoit  cette  tâche  à  un  autre  qui  ait  plus  de  loisirs 
que  lui.  »  —  Fut-ce  ce  passage  qui  fit  naître  en  Lessing  le  désir  de 
rendre  ((  aux  gens  de  lettres  d   le  ((  service  réel  »    de   la    traduction 


1.  Dans  le  prologue  à  sa  traduction  de  l'Histoire  des  Arabes  de  l'abbé  de  IMarigny 
(1753)  {M.  V,  24)  Lessing  écrit  :  «  Der  Herr  D.  Baumgarten,  ein  Mann,  welcher  sich 
mit  Recht  beynahe  ein  dictatorisches  Ansehen  in  der  Geschichte,  und  in  der  Beur- 

theilung  ihrer  Schriflsteller  erworben ;    dessen  Verdienste    vielleicht    niemand 

hôher  schiitzt  als  ich...»  Le  22  janvier  175/1,  il  vante,  dans  la  B.  Z.,  (M.  V,  879),  le 
périodique  du  professeur  de  théologie  de  Malle  et  traducteur  de  Mceron,  dont  les 
publications,  dit-il,  lui  sont  familières.  Le  11  août  1703,  il  annonce  dans  le  même 
journal  l'apparition  du  IV'^^  vol.  de  la  BiblioUihque  curieuse  de  Clément  (M.  V,  189)  et 
manifeste  être  au  courant  des  précédents.  Le  21  septembre  1704,  il  loue  de  nouveau 
cet  ouvrage  (M.  V,  '129),  dont  le  \'  voliuiie  vient  d'être  mis  en  vente.  Et,  beaucoup 
plus  tard,  à  l'époque  de  W'olfcubultel,  dans  ses  remarques:  Zur  Gelehrten  =  Ge- 
schichte (il/.  XVI,  211  scq.),  qui  furent  rédigées  vers  1772,  en  majeure  partie  du  moins, 
les  articles  Peter  von  Abano  et  ^icol.  Abraham  démontrent  qu'il  n'a  pas  cessé  de 
pratiquer  cet  excellent  répertoire,  resté,  malheureusenicnt,  inachevé,  et  qu'il  a, 
d'ailleurs,  utilisé  maintes  fois  (ainsi  dans  l'article  Abraham  Usque)  sans  le  citer. 

2.  Soi-disant  contenu  dans  son  Catal.  des  Itistoriens,  p.  i5oi.  11  le  trouve  dans  la 
Méthode  pour  étudier  l'histoire,  l.  IX,  p,  i.joi.  —  Avant  Baumgarten,  Postel,  dans  sa 
très  curieuse  épître  a  ad  plur.  Reverenduin  Dominum  Jacobum  à  Mellen...  de  limjuac 
hisiianicae  Difficaltate,  Elegantia  uc  Utilitate  »  imprimée  au  n"  d'avril  170!  des  Aova 
Literaria  Maris  Baltici  et  Septentrioiiis,  et  dont  il  sera,  répétons -le,  question  au 
S  Abraham  Usque,  renvoyait,  sur  la  question  de  l'élément  hébraïque  dans  la  langue 
castillane,  à  l'ouvrage  philologique  d'Aldrete  :  «  Nusquam  cnim  in  universo  histo- 
riarum  lotius  terrarum  orbis  ambitu,  vel  minimum  de  Colonià  Hcbraeà  in  Iberiam 
deductà  inveuitur  vestigium.  .Non  nego  post  Babylonicam  dispersionem  luium  vel 
altcrum  Judaeum  illiic  appcUere  potuisse,  scd  quid  hoc  ad  Linguam.^  Latè  et  eruditè 
hoc  deducit  Aldrete  Del  Origen  de  la  Lengua  Castellana  l.  III.  c.  6  et  7 .  »  (p.  1 15).  Entin, 
il  n'est  pas  sans  intérêt  de  noter  qu'Aldrete  trouvait  grâce  devant  Chapelain,  qui 
l'admirait.  [Lettres,  éd.  Tamizey  de  Larroquc,  t.  11  (Paris,  i883),  p.  2G8.J 


I£2       GONTttlBLiriONS    A    L  ÉTUDE    DE    L  HISPA>'1SME    DE    G.    E.    LESSING 

manquante?  Ni  son  frère  ni  son  ami  ne  mentionnant  autre  chose 
qu'une  intention  mort-née,  nous  n'aurons  pas  la  frivolité  de  nous 
livrer,  en  cette  matière,  à  de  vaines  supputations. 

Quant  au  Sasa  ou  Soasa  qui  déroute  M.  Muncker,  il  était,  de  sa 
part,  inopportun  d'affirmer,  pour  couvrir  son  silence,  que  «  beaucoup 
d'écrivains  espagnols  »  ont  porté  ce  nom,  et  il  eût  été,  en  tout  cas, 
plus  exact  d'écrire  :  d'écrivains  portugais.  Je  me  garderai,  comme 
précédemment  et  sur  la  foi  de  l'indication  souverainement  imprécise 
de  Nicolai,  de  me  laisser  aller  à  des  conjectures  chancelantes, 
mais  il  semble  que  si  véritablement  Lessing  avait  songé  à  rendre 
en  sa  langue  une  production  castillane  d'un  Susa  ou  Sousa,  il 
ne  saurait  s'agir  que  d'un  ouvrage  rentrant  dans  le  genre  des 
traductions  qui  l'occupaient  alors,  les  Flores  de  Espana,  Ëxcelencias 
de  Portugal,  en  que  brevemente  se  Irata  lo  mejor  de  sus  Hislo- 
nos,  etc.  I,  d'Antonio  de  Sousa  de  Macedo,  <(  quod  vigintiduorum  anno- 
rum  adolescens  illud  ediderit,  n  dit  Nie.  Antonio,  «  et  Philippo  IV. 
Hispanorum  Régi  nuncupavitz,  »  et  que  Machado  appelle  une  «  ma- 
dura  produçaù))3,  tandis  que  D.  Francisco  Manoel  de  Mello  en  pro- 
clame, dans  les  Apologos  Dialogaes,  l'auteur  c  sinon  le  premier,  l'un 
des  premiers  en  érudition,  zèle  et  liberté  »  parmi  ceux  qui  écrivirent 
à  son  époque  sur  les  choses  de  Portugal 'J.  Sousa  Macedo  avait  acquis  une 
sorte  de  renommée  européenne  par  suite  de  ses  démêlés  avec  le  cister- 
cien madrilcgne  d'origine  luxemburgo-bohémienne,  Juan  Caramuel  de 
Lobkowitz  (1606-1682) —  que  Lessing  a  quaU fié  (M.  XV,  177)  de  «sehr 
subtiler  Kopf,  dessen  Werke  Aufmerksamkeit  verdienen  »  et  que 
M.  A.  Morel-Fatio  traite  de  «  personnage  assez  bizarre5  »  —  dans 
l'affaire  de  la  séparation  du  Portugal  et  de  l'Espagne,  et  il  était  fait 
mention  de  lui  et  de  ses  œuvres,  non  seulement  dans  des  livres  de 


1.  Lisboa,  iC3i,  in-fol%  mais  l'ouvrage  fut  réimprimé  en  1737  à  Coimbra,  in-fol". 
L'imprécision  de  la  mention  de  Nicolai  interdit  d'examiner  si,  cependant,  il  ne  s'agi- 
rait pas  de  Manoel  de  Faria  e  Sousa,  dont  VEpilome  de  las  hislorias  portugue:as  paru  à 
Madrid  en  iGaS,  puis  réimprimé  avec  des  adjonctions  —  v.  gr.  à  Bruxelles  en  1780 
sous  le  titre  :  Ilistoria  del  Reyno  de  Portugal,  etc.  —  avait  été  traduit  en  1698  en  anglais 
à  Londres  par  le  capitaine  John  Stevens,  un  hispanisant  —  cf.  son  très  remarquable 
Span.  and  Engl.  Dicl.  |Lond.  170C,  Bib.  .\at.,  X  GSj;  rééd.  1726]  —  sur  lequel  manquent 
des  détails  précis,  et  qui  traduisit,  en  particulier,  Quevedo,  Mariana  et  Sandoval. 
{Cf.  Dicl.  of  nat.  biogr,  LIV,  23i-3a.)  Nous  ne  notis  arrêterons  pas  non  plus  à  discuter 
une  hypothèse  relative  à  Ant.  Caetano  de  Sousa  et  â  son  Hist.  gen.  da  casa  realport., 
parue  à  Lisbonne  de  1735  à  1788  en  12  vol.  in-i". 

2.  Bibl.  hisp.  nova,  1,  i63. 

3.  Bibl.  lusit.,  1,  399.  Cf.  aussi  Da  Silva,  Die.  I,  27G-278,  VIU,  3ii-3i2,  425. 

4.  Éd.  de  Lisbonne,  172 1,  in-4,  p.  422  et  438-439.  —  A.  de  Souza  Macedo  a  été 
traité  de  façon  trop  rapide  dans  lexcellente  Portugiesische  Lilteratur  du  Grundriss  de 
Grôber,  IP,  348  et  354- 

5.  Bull,  hisp.,  1901,  n°  4,  P-  372.  11  eût  pu  dire  :  «  de  corrupteur  de  la  morale»  et 
mentionner  la  lin  de  la  Vil*  Provinciale  de  Pascal.  Sur  Caramuel,  il  importe  de  lire  les 
Memorie  délia  vila  di  Giov.  Caramucle  de  Tardisi  (Venezia,  i7(Jo),  fort  peu  connues,  et 
qu'a  ignorées  Paquot,  Mémoires,  etc.,  il  (Louvain,  1768,  in- fol.),  175-185  et  225. 


LA    NATURE    ET    J,ES    SOURCES    UE    l'hISPA.MSME    DE    LESSl.Vr,  Ii3 

circulation  internationale,  tels  les  Mémoires  de  d'Ablancourt  «  et  les 
Mémoires  de  Portugal  du  chevalier  d'Oliveyraa,  mais  même  dans  des 
revues  d'érudition  germaniques,  telles  les  Nova  Literaria,  publiées  à 
Liibeck,  dans  l'article  de  Lindenberg  dont  nous  aurons  à  parler  ulté- 
rieurement. Le  passage  est  d'autant  plus  digne  d'être  noté  ici  que 
Lessing  l'a,  par  l'intermédiaire  de  la  Bibliotheca  Hebraea  de  Wolf, 
comme  nous  le  verrons  au  §  Ahr.  Usque,  certainement  connus. 

«  De  facilitate  vero  sermonis  Hispanici  cuivis  docto  judicare  in  promptu 
erit,  si  dixero  illum  lot  tantasque  Latio  debere  voccs,  ut  sat  longae  ora- 
tiones  et  poemata  Latina  darl  possint,  quae  ab  Hispano  et  busitano,  nullius 
nisi  suae  linguae  gnaro,  plane  perfecteque  intelligantur  :  quales  orationes  et 
poemata,  cum  Antonio  de  Sousa  de  macedo,  in  libro  quem  inscripsit  Fior^.s  de 
Espaùa,  Excellencias  de  Portugal  (quem  el  eruditum  et  elegantem,  vigesimo 
secundo  aetatis  suae  anno  a  se  conscriptum  in  dedicatione  ad  Regcm  testatur) 
cap.  22.  f.  m.  239.  b.  exhibeat,  non  possum  non  scquens  hocce,  urbis  Beth- 
lehem  cum  Roma  de  praerogativa  concertationem  continens,  ex  illo  addere  : 

Rotna  infinitos,  sanctissima,  vive  per  annos, 

Pacifica  gen tes,  vive  quieta,  tuas. 
Castiga  grandes,  violenta  morte,  tyrannos 

Ingratos  aninios,  &  generosa,  fuge. 
Âcquirc  insignes  varia  de  gente  triuniphos, 

Distantes  terras  imperiosa  rege, 

Tanto  majores  titulos,  Belhleni  alta,  célébra 

Quanto  Romano  major  es  imperio. 

Major  amor,  major  tibi  magniflcenlia,  major 

Fama,  tuas  Christo  dando  benigna  casas 'i.  » 


Huarte. 

La  traduction  de  l'Examen  paraît  avoir  été  le  résultat  des  occupa- 
tions du  ((  Candidat  en  Médecine  ô  »  avec  les  théories  du  docteur 
navarrais  lorsqu'il  se  préparait  à  briguer  à  l'Université  de  Wittenberg 
le  titre  de  Magister  liberaliam  artium,  qui  lui  fut  conféré  le  29  avril 
1752  à  la  suite  d'une  soutenance  sur  Huarte.  Karl  Lessing  parle  en 
termes  assez  confus  de  cet  acte  : 

«Seinen  Eitern  zu  gefallen,  »  dit-il,  «  wurdc  er  daselbst  Magister,  und  that 
dadurch  den  erslen  Schritt  zum  Lniversitàtsleben,  nach  welclieni  er  sicli 

1.  Paris,  1701,  p.  iiSetSiG. 

2.  Amsterdam,  17/11,1. 1,  p.  352,  où  il  est  expressément  question  des  Flores  de  Espara. 

3.  Et  cela  précisément  l'année  J752,  qui  est  aussi  celle  où  il  s'occupait  de  rectifier 
la  notice  de  Jocher  sur  Abraham  Usque. 

'4.  .\ova  Literaria  mensis  octobr.  MDCCII,  p.  Sog-Sio  (Casparis  Lindenbergii  etc.  ad 
Ilenricum  Balemannum  etc.,  etc.,  Epistola). 

5.  On  sait  que  c'est  de  ce  titre  que  l'honora  Voltaire  lors  du  comique  incident  du 
détournement  du  .Siècle  de  Louis  XIV,  dans  la  lettre  précitée,  adressée,  entre  autres 
mentions,  «  ù  son  père,  ministre  du  St.  Evangile». 


Il4       CO.MniULIlO-NS    A    L  ETUDE    DE    L  UISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

aber  nie  sehnte,  und  nur  seinen  eigenllicheii  Plan  verstecktc,  mit  dem  er 
gegen  seinen  A  ater  nach  und  nach  hervorkam.  Ob  ihn  dieser  Lniversi- 
làtsrang  Geld  gckostet,  bin  ich  nicht  imslande  zu  sagen  :  icli  vcrmute  aber 
nicht  ;  wenigstens  war  es  nicht  viel  :  denn  er  batte  kauni  selbst  zur  Stillung 
des  Hungers  und  Durstes.  Er  sah  es  nie  gern,  Avenn  man  ihn  Magister 
nannte  ;  sogar  seinen  Vater  bat  er,  die  Aufschriften  seiner  Briefe  an  ihn  damil 
niclit  zu  verbiilmen  ' .  » 

11  semble  qu'une  partie  de  l'appareil  critique  de  Lessing  nous 
ait  été  conservée  dans  quelques  fragments  latins  (.1/.  XIV,  169)  que 
Fûlleliorn  publia,  d'après  le  ms.  aujourd'hui  perdu,  sous  le  titre 
de  Materialien  zu  einem  Aufsatz  iiber  J.  Huarl,  en  appendice  aux 
Anmerk.  zar  Gelehrtengeschichte'.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  relève- 
rons comme  préambule  à  ce  §  une  exagération  manifeste  des  partisans 
de  l'hispanisme  «  authentique  »  de  Lessing,  qui  a  pris  corps  dans  ce 
passage  de  M.  A.  Farinelli,  dont  la  méthode  documentaire  n'exclut 
pas  toujours  certain  à-priorisme  tranchant  :  «  Da  er  [Lessing]  meinte, 
dass  ein  besseres  Yerstandnis  des  Werkes  Huartes  zu  Aveitern  physio- 
logischen  Untersuchungen  aufmuntern  Avûrde,  verdeutschte  er  es  im 
Jahre  17523.  »  Un  garant  mieux  renseigné  encore  que  M.  A.  Farinelli 
sur  la  psychologie  et  les  fins  littéraires  ou  scientifiques  de  Lessing, 
son  ami  Xicolai,  s'était  cependant  chargé  de  nous  apprendre  quelles 
furent  les  véritables  intentions  du  jeune  étudiant  lorsqu'il  fit  passer 
Huarte  en  son  idiome  natal.  Grâce  à  M.  R.  M.  Werner,  qui  les  a  réimpri- 
mées dans  r.4/'c/»y/ù/"  Lt7/erafur-Ge5c/2Jc/iie  Xll  (1884),  p.  533-543^, 
nous  connaissons  les  remarques,  dont  plusieurs  intéressantes,  que 
l'éditeur  berlinois  a  écrites  en  marge  de  son  exemplaire  de  la  Vie  par 
Karl  Lessing.  Ce  dernier  parlait  en  ces  termes  de  la  traduction  de 
Huarte  : 

«Zu  seinen  damaligen  wichtigeren  Beschaftigungen  gehôrt  seine  Ueber- 
setzung  des  Huarte  von  Prùfung  der  Kôpfe,  aus  dem  Spanischen.  Ein  Buch, 
das  Ungereimtheiten  mit  Ungereimtheiten,  und  einseitige  Erfalirungen  mit 
andern  einseitigen  Erfahrungen  widcrlegt  und  verteidigt,  das  A'lv:v   '/.(vw 

1.  Op.  cit.,  p.  83. 

2.  Telle  est  roi)iuioii  de  Maltzahn-Boxberger,  dans  leur  réimpression  du  Lessing 
de  Danzel-(;uiirauer(Berlin,  1S80-81),  I,  3i2,  note,  et  de  M.  Muncker  (XIV,  1G9,  note). 
Fûlleliorn  opinait,  au  contraire,  que  les  Materialien  représentaient  une  façon  de 
jjrouillon  de  la  préface  à  la  traduction  de  l'Examen.  M.  E.  Schmidt  écrit  que  «  latei- 
nisclic  Vorarbeiten  zur  Biographie  und  Kritik  Juan  Huartes  verscliairtcn  ihm 
[LessingJ...  den  akademischen  Magistergrad»  (1,223).  Quels  sont  ces  «travaux  prépa- 
ratoires».^ M.  E.  Sctimidt  décorerait-il  de  ce  nom  les  quelques  notes  inconnexes  et 
désordonnées  des  Materialien  !' 

3.  Art.  cit.,  p.  287.  K.  Borinski  {Lessimj,  I,  /17)  imagine  une  raison  plus  noble 
encore  de  cette  traduction  entreprise  «  mit  friiliem  Kennerblick  »  :  elle  était  dirigée 
contre  la  maladie  du  xvu'  siècle,  à  savoir  :  la  «cécité  intellectuelle»  et  l'((  a\eugle- 
ment  superstitieux  )>.  6'e  non  e  vero,  h  ben  trovalo.  Nous  avons  déjà  consigné  l'opinion 
de  M.  Filzmaurice-Kelly,  résidu  des  précédentes. 

i.  Aicolais  ExeiiqAar  von  «  Lessings  Leben  ».  La  réponse  citée  est  p.  530. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISP.VMSME    DE    LESSUNG  Il5 

cuva-Tst . . .  So  ein  Buch  kônnte  man  immer  mit  einem  sechsfach  dickeren 
Kommentar  begleiten,  und  Lessing  hat  nicht  eine  Anmerkung  dazu  gefùgtl 
War  er  denn  damais  so  kenntnisarm  ?  Das  wàre  ein  wenig  zu  arm  !  Ueber- 
setzte  er  es  bloss,  um  sicli  im  Spanisclien  zu  ûben  und  seinen  dringendsten 
Bedûrfnissen  dadurch  abzuhelfen  ?  Auch  kein  Verbrechen  '  !  » 

A  cette  dernière  et  significative  question,  Nicolai  a  formulé  la 
simple,  lapidaire,  mais  éloquente  réponse  :  Freylich!  Il  se  pourrait 
qu'elle  résolve  mieux  l'énigme  que  l'interprétation  apologétique,  qui 
ne  repose  sur  rien,  de  M.  A.  Farinelli,  et,  à  plus  forte  raison,  de 
M.  K.  Borinski.  Ne  jurerait-on  pas,  d'ailleurs,  que  Lessing  lui-même  ait 
eu,  à  la  réflexion,  une  assez  piètre  idée  de  son  œuvre,  puisqu'il  écrivait 
plus  tard,  à  propos  de  cette  traduction  qu'on  nous  donne  comme  une 
entreprise  apostolique,  à  Chr.  Gottlieb  von  Murr  {M.  XVII,  274), 
u  qu'aujourd'hui  il  chercherait,  pour  le  mettre  en  allemand,  un  meilleur 
livre,  ))  bien  que,  ajoutait-il,  «  celui  de  Huarte  contînt  maintes  bonnes 
pensées  auxquelles  il  ne  manquait  que  d'avoir  été  présentées  en  la 
moderne  terminologie  philosophique  »  ? 

La  question  a  été  posée  :  Comment  Lessing  a-t-ilfait  connaissance 
avec  Huarte?  M.  A.  Farinelli,  catégorique,  y  réponds  ;  u  Durch  das 
Studium  Bayleswurde  Lessing  aufdas  Buch  Huarles  Examen  de  Ingenios 
para  las  sciencias^  aufmerksam- geniacht.  )>  De  même,  M.  Erich 
Schmidt,  I,  192,  et  M.  H.  Dûntzer,  op.  cit.,  p.  119.  Il  est  possible  qu'en 
effet  Bayle  ait  contribué  à  éveiller  la  curiosité  de  Lessing.  Un  article 
sur  Huarte  n'existe  pas,  cependant,  dans  l'édition  de  1697  du  Diction- 
naire. Il  est  annoncé,  en  1714,  dans  les  Lettres  choisies  de  M.  Bayle^, 
comme  devant  paraître  dans  le  Supplément  de  ce  même  Dictionnaire. 
Dans  l'édition  de  ce  dernier  imprimée  en  1780  à  Amsterdam  en 
quatre  volumes  et  qui  est  la  quatrième,  ledit  article  se  lit  au  tome  II, 
p.  810.  Mais  ne  pourrait-on  pas  supposer  avec  non  moins  de  vraisem- 
blance que  ce  fut  l'abbé  Du  Bos  qui  attira  l'attention  de  Lessing  sur 
V Examen?  Ne  trouve-t-on  pas,  dans  ces  mêmes  Réflexions  historiques 
sur  la  poésie  et  sur  la  peinture  que  Lessing  pratiquait  si  assidûment, 
ce  passage,  11,  p.  ii-i2  5  : 

«  Mon  sujet  ne  veut  pas  que  je  parle  plus  au  long  de  la  différence  qui  se 
rencontre  entre  le  génie  des  hommes,  et  même  entre  le  génie  des  Nations. 
Ceux  qui  voudraient  s'en   instruire,    et  perfectionner   par   des    lumières 

i.  Op.  cil.,  p.  85.  Une  des  raisons  pour  lesquelles  les  modernes  Lessiwjforscher 
l'ont  li  du  livre  de  K.  L.,  c'est  précisément  la  franchise  —  dont  on  vient  de  voir  un 
typique  exemple  —  avec  laquelle  y  sont  discutées  certaines  questions  qu'eux  inter- 
prètent dans  l'intérêt  de  leur  idole,  sinon  de  la  science. 

2.  Art.  cit.,  p.  287. 

3.  M.  Otto  F.  Lachmann,  dans  son  édition  de  la  Vie,  nous  parle  (p.  80,  note)  d'un 
Examen  de  Jugendos  para  las  sciencias.  Est  ce  une  faute  d'impression? 

4.  Rotterdam,  t.  !..  Table,  s.  v.  Huarte  (Jean). 

5.  Prem.  éd.  (Paris,  1719)- 

c.  l'iroLLEi.  a 


Ilb      CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

acquises  l'instinct  naturel  qui  nous  fait  faire  le  discernement  des  hommes, 
peuvent  lire  V Examen  des  esprits  par  Huarté  et  le  Portrait  du  caractère  des 
hommes,  des  Siècles  et  des  Nations  par  Bardai.  On  peut  profiter  dans  la 
lecture  de  ces  ouvrages,  quoiqu'ils  ne  méritent  pas  toute  la  confiance  du 
lecteur...» 

Mais  à  quoi  bon  perdre  son  temps  à  des  identifications  risquées,  si 
le  nom  de  Huarte  et  son  livre  se  trouvent  clairement  signalés  dans  des 
ouvrages  allemands  de  consultation  journalière  au  xviir  siècle,  tels  le 
Polyhistor  de  ]\Iorhof  et  le  Gelehrten-Lexikon  de  Jôcher  ?  Morhof,  en 
particulier,  fait  observer  que  la  version  latine  de  Joachim  Caesar 
«  vehementer  discrepat  ab  Hispanico  »  i.  Or,  Lessing  a  certainement 
lu  ce  passage,  ainsi  qu'il  appert  des  Materialien  "^ .  L'article  de  Jôcher, 
bien  que  signé  Ant[on«  Bibl.  hisp.'],  MoT[hofii  Polyh.],  se  borne  à  répéter 
ce  que  disait  déjà  de  Huarte  YAllgenieines  Historisches  Lexikon  3,  qui 
avait  pris  purement  et  simplement  ses  maigres  renseignements  dans 
notre  Moreri.  Voici  la  teneur  de  sa  notice  : 

«  Huarte  (Joh.J,  ein  Medicus,  den  man  gemeiniglich  vor  einen  Spanier 
ausgiebt,  wiewol  St.  Juan  de  Pied  de  Port  im  franzôsischen  Navarra  seine 
Geburtsstadt  gewest,  liât  um  i58ogelebt,  und  ein  nettes  Werck  de  Scrutinio 
ingeniorum  unter  dem  Titel  :  Examen  de  ingenios  geschrieben,  Avelches 
Jourdan  Guibelet  ins  Franzôsische,  und  ^Eschacius  Major  ins  Lateinische 
libersetzet,  und  von  den  gelehrten  sehr  hoch  gehalten  wird.  Ant.  Mor.k.-» 

Enfin,  un  ouvrage  que  ne  pouvait  ignorer  Lessing  et  dont  quatre 
éditions  avaient  précédé  celle  (corrigée  et  augmentée  par  le  juriste 
L.-M.  Kahle)  de  Gôttingen,  17^0,  la  6(6/.  philos.  Slruviana  du  polyhis- 
torien  B.-G.  Struve,  ne  contenait-elle  pas  sur  Huarte  un  long  passage, 

1.  Polyhist.  pfiilosopti.,  Lib.  II,  Pars  II,  UkU  et  453.  Dès  la  première  édition  (Lubecae, 
1G88)  du  Polyfiistor,  il  y  avait,  au  ch.  I  du  livre  II  (De  délecta  ingeniorum,  p.  Saa)  une 
censure  des  théories  de  Huarte  d'après  Possevin,  De  cuit,  ingen.,  cap.  XV-XVIII. 

2.  M.  XIV,  1G9.  Cf.  la  note  de  Muncker  sur  le  Polyliistor,  ibid.,  p.  166. 

3.  Leipzig,  1730,  //.  T/ie(7,  p.  giig. 

4.  Allg.  Gclehrten-Lex.  II  (1750),  p.  1741.  Déjà  Harsdôrffer  mentionnait,  au  fiegistcr 
etlicher  Scribenten  xvelcher  sich  der  Verfasser  zu  Behuff  der  Gesprach-Spiel  bedienet,  à  la 
fin  de  l'un  des  volumes  de  ses  Frauen-Zimmer  Gespriicti-Spiel  (Anderer  Theil,  Nûrnberg, 
1(342)  :  «.Juan  Huarte,  Examen  de  Ingenios  para  las  Sciencias,  13.  Anvers,  i6o3.  » 
En  170G,  le  prolixe  et  confus  Nie.  Hier.  Gundling,  dont  il  sera  parlé  plus  loin,  citait 
par  deux  fois,  dans  ses  incroyables  Oh'a  (170C,  Francf.  und  Leipz.,  p.  17  et  19  du  t.  I), 
«  Huartus»,  d'après,  il  est  vrai,  la  version  latine.  En  171 1,  Pipping  éditait  une  disser- 
tation posthume  du  théologien  évangélique  Goltl.  Friedr.  Seligmann(i654-i707),  Scia- 
yraijhia  viriiim  imaginationis,  Exercitationes  acarfemicae  (Dresden,  171  f),  où,  sur  la  foi 
de  Le  Grand,  Hist.  I\'alur.,  p.  429,  Huarte  était  curieusement  confondu  avec  le  page, 
Licenciado  l'idriera  avant  la  lettre,  dont  il  narre  les  aventures,  et  où  on  lisait  (p.  42)  : 
«  Huartus  Hispanus  seregem  indelirioarbitratus  prudentissimosde  Regimine  faciebal 
discursus.  »  J'ai  cependant  contrôlé  cette  citation  dans  Ant.  Le  Grand,  Historia 
naturae,  etc.  [Londini,  1G80]  et  y  ai  trouvé,  p.  417  :  «  Alii  se  Reges  esse  credunt;  ut 
servus  ille  Hispanus,  cujus  Joannes  Huartus  meminit,  qui  se  Regem  arbitratus,  pru- 
dentissimos  in  morbo  de  regimine  facicbat  discursus.  »  C'est  donc  Seligmann  qui 
s'était  grossièrement  mépris. 


LA    NATURE    ET    LES    SOUKCES    UE    L  HISPANISME    DE    LESSING  H'] 

II,  p.  93  seq.  (éd.  cit.  §  XXIII),  où  l'on  renvoyait  à  D'Alibray,  à 
Possevin,  où  l'on  vantait  très  fort  Guibelet,  où  l'on  disait  de  l'Examen 
que  «  famam  hoc  libro  magna  ex  parte  decoxit  Huartus  »  et  que  ce 
livre  avait  été  traduit  en  latin  :  «  quod  loannes  Caesar  Halensis,  sub 
nomine  .Eschacii  Majoris  ex  hispanico  in  latinum  transtulit,  etc.  »  >? 

Au  surplus,  n'est-il  pas  secondaire  de  savoir  comment  Lessing  a 
connu  Huarte?  L'essentiel  est  d'examiner  comment  il  l'a  compris. 
Nous  savons  déjà,  par  la  Première  Partie,  comment  il  l'a  traduit. 

M.  E.  Schmidt  définit  l'Examen  :  «  das  emsig  gefeilte  Buch 
(I,  192)  »  2.  Il  est  curieux  de  constater  qu'un  professeur  d'Université 
que  l'on  considère  communément  comme  le  meilleur  biographe  de 
Lessing  se  fait  —  cette  fois  comme  d'autres  —  l'écho  irréfléchi  d'une 
erreur  qui  traîne  dans  les  livres  allemands  depuis  que  Lessing  l'a 
commise  dans  la  Préface  de  sa  version.  «  Huart,  y  déclarait-il,  war 
einer  von  denjenigen  Gelehrten  welche  von  ihren  Schriften  niemals 
die  Hand  abzuziehn  wissen.  So  oft  seine  Prûfung  aufgelegt  wurde,  so 
oft  sahe  sich  die  eine  Ausgabe  der  andern  fast  nicht  mehr  ahnlich.  » 
Nous  indiquons  plus  loin  d'où  Lessing  tient  cette  affirmation,  que  rien 
ne  justifie.  Elle  réapparaît  dans  le  compte  rendu  donné  par  l'Allge- 
meine  Deutsche  Bibliothek  (t.  65,  p.  244,  année  1786)  de  la  seconde 
édition  de  la  traduction  de  Lessing,  complétée  par  J.-J.  Ebert3  :  «  jedes- 
mal,  »  écrit  pour  son  compte  —  en  réalité  il  s'en  rapporte  à  Lessing 
—  l'auteur  de  l'article  «  veranderte  Huart's  (sic)  durch  Ausstreichen 
und   Zusetzen    so    vieles    darin,   dass    keine  Ausgabe  der   andern 


1.  11  est  fait  mention,  p.  gS,  note,  que  «  inter  optimas  editiones  refertiir  Colo- 
niensis  i6io,  impressa  ».  Cette  erreur  résulte  d'un  passage,  lui-m4me erroné,  d'Adrien 
Baillet,  Jugemens  des  SavanSj  etc.  (éd.  de  Paris,  1722,  II,  173)  :  De  l'Examen  des  Esprits 
où,  sur  la  foi  de  N.  Antonio,  la  victime  de  Ménage  prétend  que  Possevin,  pou'r  avoir 
critiqué  Huarte,  n'a  pas  laissé  de  faire  une  nouvelle  édition  de  VExamen  «à  Cologne 
en  l'année  1610,  in-12  ».  Sur  Slruve  et  autres  polyhistorieus  allemands,  je  conseille 
fort  de  lire  les  Judicia  de  germanis  quibusdain  historiée  Idt.  conditoribus  par  Camusat  — 
puis  la  Fie  de  celui-ci  par  Kapp  —  p.XXI-XXXlV  et  L-LX  de  la  pseudo-rééd.  de 
1744  de  la  Bibliotheca  du  P.  A.  Chacôn  (Amst.  et  Lpzg.,  in-fol.) 

2.  Noton?,  en  passant,  et  quoique  le  détail  n'ait  pas  trait  à  la  Lessing forschung ,  qu'on 
ne  saurait  en  dire  autant  de  certains  ouvrages  qui  se  réclament  du  contrôle  littéraire 
de  M.  E.  Schmidt,  tel  ce  Kaiser  Wilhelm  und  die  Begriindung  des  Beiches  1866-1871 
(Jena,i902),  du  professeur  O.  Lorenz,  l'ex-garçon  de  laboratoire  du  broyeur  de  poi- 
sons historiques  que  fut  le  duc  Ernst  de  Cobourg-Golha,  devenu,  dans  ce  livre,  le 
secrétaire  du  grand-duc  de  Bado  et  d'autres  roitelets  d'Yvetot  germaniques.  Ainsi  que 
récrivait  plaisamment  F[ran:\  M{ehring]  dans  die  Neue  Zeit,  1904,  Bd.  2,  — dans  une 
critique  qui  est  un  document  d'histoire  (p.  507-512),  —  à  cette  «  Untertanengesin- 
niing»  correspond  «ein  ebenso  ôder  Untertanenstil...,  der  dem  Léser  schwer  auî  die 
Nerven  fâlit  »  (p.  5i  i). 

3.  1785,  in  8,  Wittenberg  und  Zerbst.  Ebert,  professeur  de  mathématiques  et  de 
philosophie  à  Wittenberg,  n'a  pas  touché  à  la  traduction,  qu'il  a  simplement  enrichie 
de  quelques  réflexions  et  adjonctions.   Elle  ne   s'en   intitule   pas  moins  :  «  Zweite 

verbesserte Auflage.  »  J'ai  trouvé  dans  le  Handbuch  der  Allgenieinen  Litterargeschichte 

de  C.  J.  Bouginé,  t.  IV  (Ziirich,  1791),  p.  4i3,  que  la  traduction  de  Lessing  se  vendait 
45  kreutzer,  et  la  réédition  d'Eberl  i  il.  3o  kr. 


Il8      CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

âhnlich  sah.  »  L'Encyclopédie  de  Ersch  et  Gruber  (II.  Sektion,!.  Theil, 
Lpzg.,  i834,  p.  3i4)  accueille,  à  son  tour,  s.  v.  Huarte  et  sous  la 
signature  Baur,  cette  affirmation  inexacte  :  u...jedesmal  vom  Verfasser 
so  verandert,  dass  keine  Ausgabe  der  andern  âhnlich  ist.  »  Nous  la 
retrouvons  —  avec  d'autres  erreurs  —  dans  la  sixième  édition  (igoô) 
du  Konversations-Lexikon  de  Meyer  :  «  Bei  jeder  der  folgenden  Aus- 
gaben  wurde  es  vom  Verfasser  umgearbeitet.  »  Le  Konv.  Lex.  de 
Brockhaus  (XIV'  éd.  [1902],  t.  9,  p.  867)  commet  de  son  côté  une 
erreur  d'autre  sorte,  aussi  grossière.  Mais  M.  Erich  Schmidt  a  décou- 
vert autre  chose  encore  dans  Y  Examen  :  un  «  krauses  Kauderwâlsch  » , 
qu'il  serait,  malgré  sa  science  hispanique,  fort  embarrassé  de  définir. 
11  déclare,  en  outre,  que  le  livre  est  «  in  allen  Einzelheiten  veraltet  » 
et  —  nous  ne  savons  si  en  cette  qualité —  qu'il  contient  «  spôttische 
Seitenbemerkungen  auch  gegen  die  Théologie».  11  est  à  peu  près  indu- 
bitable que  le  biographe  semi-aulique  de  Lessingne  s'est  jamais  donné 
la  peine  d'ouvrir  Huarte  et  que  c'est  de  la  sorte  que  s'explique  cette 
dernière  assertion,  absolument  imaginaire.  Son  collègue  de  Munich 
et  co-biographe  de  Lessing,  M.  K.  Borinski,  qui  connaît  du  moins 
Huarte,  trouvait  le  livre  c(  heute  so  «  actuell  »  wie  jemals  »  i.  Lessing  ne 
nous  a  communiqué  que  fort  peu  de  ce  qu'il  pensait,  quant  à  lui,  de 
son  auteur.  En  nous  aidant  de  la  préface  de  sa  version  et  de  quelques 
phrases  des  Materialien,  c'est  à  peine  s'il  nous  serait  possible  de  déduire 

I.  Baltasar  Gracian  und  die  Hojlitleratar  in  Deutschland  (Halle,  1894),  p.  60.  Le 
passage  de  M.  Borinski  sur  Huarte,  complété  par  quelques  lignes  de  M.  Farinelli,  p.  407 
de  son  compte  rendu  critique  dans  la  Zlschft.  fiir  vergl.  Litgeschte.  N.  F.,  IX  (1896) 
et  p.  5i  du  t.  1  (1895-9O)  de  feu  la  Revisla  de  R.  Altamira,  où  ce  compte  rendu  a  paru 
quelque  peu  difTérent  en  espagnol,  représente  le  meilleur  jugement  moderne  porté 
sur  le  médecin  philosophe.  Les  Espagnols  se  sont  contentés,  jusqu'à  présent,  d'admirer 
Huarte  par  procuration  et  n'ont  rien  écrit  de  sérieux  sur  lui.  Une  prétendue  édition 
critique  de  son  livre  par  le  médecin  Martînez  y  Fernande/  (Madrid,  Campuzano,  i8i6, 
grand  in-8),  qui  donne,  p.  4ii-4i8,  les  variantes  des  principales  éditions  de  l'Examen, 
est  remplie  de  fautes  et  les  citations  latines  y  sont  presque  illisibles.  M.  Menéndez  y 
Pelayo  n'a  sur  Huarte  qu'un  médiocre  paragraphe  dans  les  IdeasEstéticasll^  CSladrid, 
iSSli),  p.  217-218.  La  thèse  de  doctorat  du  médecin  baléare  J.  M.  Guardia  :  Essai  sur 
l'ouvraije  de  J.  Huarte  :  «  Examen  des  aptitudes  diverses  pour  les  sciences»  (Paris,  Durand, 
i855)  est  fort  médiocre,  a  été,  d'ailleurs,  écrite  en  français,  et  puise  dans  Martînez  y 
Fernândez  ses  maigres  renseignements  bio-bibliographiques,  p.  1-6,  où  n'est  même 
pas  mentionnée  la  version  de  Lessing.  La  dernière  étude  qu'a  inspirée  Huarte  en 
Espagne,  due  à  M.  Rafaël  Salillas  :  Un  yran  inspirador  de  Cervantes.  El  Doctor  Juan 
Huarte  y  su  Examen  de  Ingénias  (Madrid,  Suârez,  iyo5),  est  complètement  manquée- 
Cy.  mon  compte  rendu,  Bulletin  hispan.,  VII  (1906),  p.  !^■2ï-!^2!l.  \^n  certain  W.  W. 
Comfort  a  cependant  cru  devoir  «  réconforter  »  de  son  approbation  les  élucubra- 
tions  de  Salillas,  Mod.  Lang.  Notes,  1906,  p.  3o-32,  élucubrations  que  M.  Morel-Fatio 
a  courtoisement  réduites  à  leur  valeur  par  quelques  mots  de  son  article  de  igoO  : 
Cervantes  et  le  troisième  centenaire  du  «  Don  Quichotte»  (Archiv.  f.  d.  St.  der  n.  Spr.  u. 
Lit.,  XVI,  p.  355).  Il  serait  à  souhaiter  que  les  éditeurs  de  la  Nueva  Biblioteca  de 
Autores  Espaholes  élevassent  enfui  au  prédécesseur  de  Gall  le  monument  critique  que 
lui  doit  sa  nation.  Huarte  doit  être,  d'ailleurs,  lu  aujourd'hui  encore  en  Espagne, 
puisque  la  Biblioteca  cldsica  de  Barcelone  l'a  réimprimé  en  1884  (in-16  de  Sia  pp.) 
avec  un  prologue  qui  exalte,  à  juste  titre,  el  encanto  del  estilo  de  l'auteur,  et  qu'on 
le  trouve  assez  fréquemment  cité  chez  des  auteurs  esiiagnols  contemporains. 


T,\    WTURE    ET    T.ES    SOURCES    DE    T.'htSPANTSAIE    DE    LESSIXG  II9 

qu'il  ait  compris  la  signification  de  ce  précurseur.  Nous  avons  plus 
haut  mentionné  le  passage  de  la  préface  où  Huarte  est  comparé  à  un 
coursier  fougueux  qui  ne  soulève  jamais  plus  d'étincelles  que  lorsqu'il 
bronche.  C'est  là  une  image  exacte  et  expressive,  si  l'on  veut,  mais  ce 
n'est  point  un  jugement.  Dans  les  Materialien,  nous  trouvons  une 
assertion  plus  précise^  mais  fort  peu  satisfaisante  en  sa  superficialité  : 
{<  desertae  ejusdem  doctrinae  et  jam  pridem  relictae  patrocinium  in 
me  suscipere  nolo  ;  illud  tamen  ingénue  fateor  me  hoc  philosophandi 
génère  non  leviter  delectari,  licet  medicorum  assentione  id  temporis 
plane  destituatur  '.  »  En  ces  deux  maigres  passages  se  résume  l'appré- 
ciation formulée  par  le  traducteur  allemand  sur  son  auteur.  11  sem- 
blerait que  Lessing  —  et  n'était-ce  pas  une  tendance  de  sa  nature?  — 
se  soit  moins  arrêté  à  considérer  l'originalité  essentielle  de  l'Examen 
qu'à  certains  détails,  à  quelques  déductions  curieuses  de  la  doctrine 
de  Huarte.  11  a  noté,  dans  les  Materialien,  plusieurs  de  ces  particu- 
larités qui  l'intéressaient  :  miracnloriun  doctrina,  réduction  du  miracle 
de  la  manne  à  une  explication  semi-naturelle  (cli.  XII,  p.  208-239  de 
l'édition  d'Amsterdam,  1662;  p.  256-58  de  la  traduction  de  Lessing); 
de  fortitadine  (sur  laquelle  il  fait  des  réserves),  théorie  de  la  cause 
pour  laquelle  la  vaillance  l'emporte  sur  la  justice  et  la  sagesse  2 
(ch.  XIII,  p.  25i  ;  trad.  ail.  p.  271);  de  fœminarum  ingenio,  passage 
où  Huarte  résume  sa  thèse  de  l'impossibilité,  pour  la  femme,  d'être 
intelligente  parce  que  «  la  frialdad  y  humedad  que  las  hizo  hembras, 
hemos  provado  atrâs^  que  contradizen  al  ingenio  y  habilidad  » 
(ch.  XV,  §  m,  p.  36i  ;  trad.  ail.  p.  892).  Combien  plus  féconde  et 
témoignant  de  vues  plus  larges,  en  même  temps  que  d'une  érudition 
hispanique  moins  équivoque,  n'eût  point  été,  cependant,  une  discussion 

1.  Ceci  n'est  point  exact,  car  un  bon  médecin  de  l'époque,  et  de  la  faculté  de 
Paris,  Bordeu,  écrira,  en  176/i,  dans  ses  Recherches  sur  quelques  points  d'histoire  delà 
médecine  (Liège  et  Paris,  1704,  t.  H,  p.  i3i)  :  «  L'ouvrage  de  Huarte  est  plein  de 
réflexions  singulières,  de  vues  très  fines;  on  le  lit,  ce  me  semble,  trop  peu;  il  méri- 
teroit  un  très  ample  commentaire.  »  Bordeu  fait  même  découler  de  Huarte  les  idées 
de  Montesquieu  <(  sur  les  mœurs  des  nations  et  la  constitution  particulière  des  liom- 
mes  dans  les  divers  climats  qu'ils  habitent  >i  (p.  /i  19).  Cf.  aussi  l'opinion  d'un  Espagnol 
du  XVIII*  siècle  qui  était  loin  d'être  dénué  de  sens  critique,  J.  B.  P.  Forner,  sur 
Huarte,  Otras  (Madrid,  i843,  in-8),  I,  61.  [Ce  volume  est  le  seul  qui  ait  paru.]  Je 
crois  que  Huarte,  en  écrivant  son  livre,  était  dans  un  état  d'àme  analogue  à  celui  de 
ces  nombreux  Arbitristas  dont  les  projets  rivalisaient  alors  en  invraisemblance: 
l'Examen  n'est  qu'un  Arbitrio  plus  raffiné  proposé  à  Philippe  11. 

2.  Lessing  s'élève,  en  passant,  avec  raison  contre  les  subtilités  scolastiques  de 
Huarte,  qui  joue  sur  les  vocables  malicia,  mililia  (éd.  d'Amsterdam,  1662,  p.  253; 
trad.  ail.  p.  278).  u  111a  neutiquamapprobata  esse  judico,  »  dit-il,  »  quae  de  malitiaet 
militia  profert.  An  quidquam  stultius,  quam  ex  nominum  propinquitatc  vimsimilem 
rerum  conjectari.^  »  El  il  renvoie,  comme  garant,  à  Apulée,  «  in  Apol.  ».  Les  éditeurs 
de  Lessing,  y  compris  M.  Muncker,  n'ayant  pas  contrôlé  le  renvoi  à  VApologia, 
omettent  d'imprimer  entre  «  »  cette  dernière  phrase,  qui  ne  lui  appartient  pas,  mais 
est  d'Apulée.  (Ei.  Bétolaud,  dans  la  coUect.  Panckouke,  IV  (Paris,  i838),  p.  88.) 

3.  Sans  doute  au  ch.  111  :  Cual  parte  del  cuerpo  ha  de  estar  bien  templada,  para  que 
el  mochacho  tenga  habilidad. 


I  20      CO>TBlBUTIO?fS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

serrée  et  précise  de  la  signification  philosophique  et  culturelle  d'un 
homme  qui,  en  pleine  époque  spiritualiste  et  quand  montait,  des 
carrefours  des  cités  espagnoles,  la  fumée  des  autos  de  Je,  posait,  sans 
prévoir  peut-être  la  portée  révolutionnaire  de  sa  thèse,  le  problème 
physiologique,  et  réaffirmait,  à  la  suite,  il  est  vrai,  et  sur  la  foi  de  Galien, 
dans  'son  petit  traité  cti  -2  -f,:  'hr/r,:  rfir,  -yXq  -rou  c7w;j,aT;;  -/.piîefftv 
ETusTaii,  l'évidence  de  relations  intimes  nécessaires  entre  le  physique 
et  le  moral  !  Ce  ne  sera  très  vraisemblablement  pas  faire  injure  au  génie 
de  Lessing  que  de  résumer  sa  conceptionde  l'Examen,  \ers  1762,  dans 
la  phrase  suivante  de  son  frère,  lequel,  en  vérité,  était  un  peu  plus  au 
courant  des  mobiles  qui  présidèrent  à  ses  entreprises  littéraires  que 
les  modernes  Lessingforscher  :  «  Jeder  mittelmàssige  Kopf  kann  jelzt 
ein  niitzlicheres  Buch  schreiben,  und  zu  klug  sein,  um  auf  solche 
Vorschriften  zu  fallen,  als  das  fiinfzehnte  Hauptstûck  giebt.  Nur 
Huarte's  Einbildungskraft  konnte  sich  so  versteigen.  Und  dièses 
Versteigen  interessierte  Lessing,  Aveil  es  zugleich  soviel  Sloff  zum 
Nachdenken  und  Lachen  gab  ;  und  er  glaubte,  es  Avûrde  auch  einen  und 
den  andern  interessieren,  der  eben  darum  nicht  erst  spanisch  lernen 
Avolltes.» 

Si  Lessing  ne  s'est  pas  arrêté  à  discuter  la  valeur  intrinsèque  du 
traité  de  Juan  Huarte,  il  a,  par  contre,  essayé  de  réunir  sur  ce  dernier 
quelques  renseignements  bio-bibliographiques,  sans,  toutefois,  aboutir 
non  pas  certes  à  d'impossibles  découvertes,  mais  à  condenser  avec 
précision  les  données  que  lui  offrait  la  littérature  d'alors  sur  ce 
personnage  et  son  livre.  Nicolas  Antonio  lui  apprenait  (1,  712)  —  et 
c'est  grâce  à  lui  qu'il  mentionnera  dans  les  Materialien  {M.  XIV, 
p.  170)  cette  édition  princeps  et  sa  copie  à  Bilbao,  en  i58o,  en  des 
termes  qui  démontrent  sa  dépendance  de  la  Bibl.  hisp.  nova —  que 
l'Examen  avait  originairement  paru  à  Baeza  l'an  1075.  «  Qui  liber 
primum  prodiit  Beatiae  ex  offîcina  Joannis  Baptistae  Montoiae  1575. 
in-8.  »  Outre  cette  édition  et  celle  de  Bilbao,  i58o,  le  bibliographe 
espagnol  en  énumérait  six  autres  anciennes  d'Espagne.  Lessing  eût  dû 
se  souvenir  de  ce  renseignement  pour  la  préface  de  sa  traduction.  Il 
serait  malaisé  d'attribuer  à  une  confusion  ou  à  un  oubli  de  sa  part 
l'affirmation  que  nous  y   trouvons   de  l'existence  d'une   édition   de 

1.  Ed.  Kùhn  (Lipsiae,  i8?2),  IV,  767-822.  —  Ce  détail  n'est  pas  à  oublier  et  nous 
prions  les  futurs  éditeurs  de  Huarte  d'approfondir  un  peu  la  matière  avant  de  trop 
exalter  l'originalité  de  leur  compatriote.  Nous  les  prions  aussi  d'examiner  en  détail 
l'œuvre  de  Huarte  considérée  comme  un  «arbilrio»  avant  d'en  vanter  certaines  inten- 
tions philosophiques  qui  n'étaient,  croyons-nous,  guère  dans  l'esprit  de  l'auteur. 

a.  Le  pas.sage  auquel  fait  allusion  K.  L.  est  celui  qui  traite  {op.  cit.,  p.  86)  de  «  la 
manera  como  los  hombres  han  de  engendrar  los  hijos  sabios,  y  del  ingenio  que 
requieren  las  letras.  Es  capitulo  notable.  »  Ceux  qui  ne  pourraient  lire  ['Examen 
trouveront  un  exposé  de  celte  théorie  de  la  «  procréation  des  sexes  à  volonté»  dans  le 
résumé  qu'a  donné  de  l'Examen  le  marquis  Du  Roure,  p.  Z19-57  du  t.  II  de  son 
Analeclabiblion,  etc.  (Paris,  1887)  •  Examen  des  Esprits  pour  les  sciences. 


À 


LA  XATUBE  ET  LES  SOURCES  DE  L  HISPANISME  DE  LESSING     12  1 

l'Examen  de  i556,  affirmation  que  Ticknor  eut  le  tort  de  prendre  au 
sérieux  dans  la  première  édition,  qui  est  de  Boston  18/19,  ^^  son 
History  et  qui  alla  contaminer  Ticknor-Julius,  II,  Sogi.Mais  voici  qui 
est  presque  plus  grave  encore.  Ayant  lu  dans  son  auteur  le  passage 
qui,  dans  l'éd.  d'Amst.  1662,  a  la  teneur  suivante  (ch.  I,  p.  iZj)  :  «  por 
tanto,  el  que  quiere  saber  quando  su  entendimiento  tiene  todas  las 
fuerças  que  puede  alcançar,  sepa  que  es  dende  treyntc  y  très  anos, 
hasta  cinquenta,  poco  mas  o  menos  :  en  el  cual  tiempo  se  han  de 
créer  los  grandes  auctores,  si  en  el  discurso  de  su  vida  tuvieron 
contrarias  sentencias.  Y  el  que  quiere  escrevir  libros,  halo  de  hazer  en 
esta  edad  :  y  no  antes,  ni  despues,  sino  se  quiere  retractar  ni  mudar 
la  sentencia  »,  et  n'ayant  pas  réfléchi  que  Huarte  ne  parle  nullement 
de  publier,  mais  d'écrire  des  ouvrages,  Lessing  s'empresse  d'en 
conclure  —  choisissant  sans  le  moindre  fondement  le  chiff're  de 
46  ans  comme  l'époque  à  laquelle  l'auteur  espagnol  (qui  parle 
de  33  à  5o  ans 2)  a  publié  son  livre  —  que  Huarte  doit  être  né 
vers  i520,  et  avance,  de  la  sorte,  de  10  à  i5  ans  la  date  probable  de  sa 
naissance.  Il  ne  lui  suffit  pas  d'avoir  risqué  cette  induction  fantaisiste. 
Huarte  rapporte,  au  ch.  X3,  de  manière  impersonnelle,  un  incident 
survenu  à  Alcalâ  de  Henares  à  la  mort  du  célèbre  grammairien 
Antonio  de  Lebrija,  en  1022.  Ce  petit  fait  suffît  à  Lessing  pour 
supposer  que  son  auteur  étudiait  à  celte  époque  en  la  fameuse  Univer- 
sité, et  cela  en  dépit  de  la  contradiction  patente,  qu'il  constate 
d'ailleurs  lui-même,  entre  une  telle  donnée  et  son  affirmation  précé- 
dente touchant  la  naissance  de  Huarte,  contradiction  qu'il  essaie 
maladroitement  de  résoudre  en  introduisant,  par  une  injustifiable 
application  d'un  autre  texte  de  ÏExamen^,  l'Université  de  Sala- 
manque  dans  son  insoutenable  combinaison.  Il  ne  semble,  d'ailleurs, 
pas  se  douter  que  d'autres  Universités  existaient  en  Espagne, 
à  cette  date,  outre  Salamanque  et  Alcalâ,  ni  qu'il  ne  laissait  pas 
d'être  plausible  que  Huarte,  navarrais,  eût  étudié  tout  bonnement, 


I.  L'erreur  est  corrigée  dans  la  sec.  éd.  de  VHistory  (London,  i855)  —  où  se 
trouve  toutefois  maintenue  l'opinion  (III,  219,  note)  que  Huarte  écrivit  son  ouvrage 
en  1557,  opinion  que  l'on  retrouve  p.  i85  du  Supplementband  à  la  traduction  de  Julius 
paru  à  Leipzig  en  1867,  d'après  l'édition  de  i863  de  Ticknor,  qui  est  l'éd.  définitive. 
Ticknor  avait  tellement  foi  en  la  parole  de  Lessing,  qu'il  n'osa  pas  contredire  caté- 
goriquement son  erreur  touchant  l'éd.  de  i556  (Cf.  Calai,  of  the  Span.  Libr.,  etc., 
édité  par  J.  L.  Wtiitney  à  Boston  en  1879,  p.  170.)  Karl  Lessing  avait,  lui  aussi, 
docilement  accepté  la  date  de  i556,  en  la  modifiant  toutefois  par  un  «ungefâhr» 
{op.  cit.,  p.  85.) 

3.  Lessing  qui,  dans  sa  traduction,  a  correctement  rendu  le  dende  treynta  y  très 
anos  hasta  cinquenta  par  zwisclien  dem  drei  und  dreissigsten  bis  funfzigsten  Jahr  (p.  17) 
n'en  écrit  pas  moins  dans  la  préface  :  bis  zuin  ein  and  funfzigsten  Jahre, 

3.  P.  i65  de  l'éd.  d'Amsterdam. 

4.  P.  10  de  l'éd.  d'Amsterdam.  Il  s'agit  dans  ce  passage  d'une  proposition  de  troc 
entre  les  étudiants  de  Salamanque  et  ceux  d' Alcalâ. 


123       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    L  HISPANISME    DE    C.    E.    LFSSINO 

comme  on  l'admet,  à  Huescai.  Enfin,  pour  mettre  le  comble  à  l'arbi- 
traire, il  dédaigne  l'indication  si  précise  d'Antonio  :  «  doctor  medicus 
in  Baeticae  urbe  Beatia,  sive  etiam  in  Linares  oppidoa  »  et  fait  de 
Huarte  un  médecin  madrilègne  :  «  Er  hat,  écrit- il,  hierauf  practicirt, 
und  sich  grôssten  Theils  in  Madrid  aufgehalten,  wo  er  ohne  Zweifel 
auch  gestorhen  ist.  »  Du  moins  consent-il  à  se  rapprocher  du  biblio- 
graphe espagnol  quant  à  la  date,  sinon  quant  au  lieu  de  la  mort  de 
son  auteur.  uVon  der  Zeit  seines  Todes,  avoue-t-il  modestement,  weiss 
ich  nichts,  als  dass  er  um  das  Jahr  lôgo  nicht  mehr  gelebt  hat.  » 
Antonio  disait  :  ((  degebat,  cum  Alphonsus  Ciaconius,  Dominicanus, 
Bibliothecae  Universalis  adornabat  opus,  anno  scilicet  MDLXXXIV, 
quod  legimus  in  ejus  schedis  MSS.  quas  Romae  habuimus.  »  Nous 
savons  par  le  Privileglo  de  l'éd.  de  Baeza,  1694,  que  l'auteur  était 
ya  difunto  en  1092,  mais  qu'il  avait  cependant—  c'est  son  fils  Luis 
Huarte  qui  le  déclare  —  corrigé  l'Examen  avant  de  mourir,  ainsi 
que  l'indique,  au  surplus,  le  titre  :  agora  nuevaniente  enmendado  por 
el  mismo  autor.  11  est  regrettable  que  le  P.  Alfonso  Chacôn  (i54o- 
1699)  n'ait  pas  mené  sa  Bibliotheca  plus  loin  que  la  lettre  fJ  :  né  à 
Baeza,  il  nous  eût  peut-être,  à  l'article  Huarte,  donné  quelques 
curieux  détails  sur  le  médecin  de  sa  ville  natale. 

Relativement  aux  éditions  de  l'Examen,  nous  avons  suffisamment 
montré  la  témérité  de  Lessing  touchant  la  prétendue  date  de  la 
première.  Il  est  temps  de  revenir  à  la  question  des  soi-disant  coi^- 
rections  faites  par  Huarte  à  son  œuvre.  Nous  avons  transcrit  plus  haut 
la  phrase  de  Lessing  sur  les  scrupules  littéraires  du  médecin 
navarrais.  Cette  phrase  se  trouve  au  milieu  d'une  critique  assez  âpre 
de  la  version  latine  de  Joachim  Caesar. 

«  Dieser  Mann,  dit  de  son  prédécesseur  Lessing,  hat  seine  Sachen  allzu  gut 
machen  wollen,   indem   er    die   spanischen   Ausgaben,    so  viel   er  deren 

I.  Lessing  plonge  tellement  dans  l'érudition  médiate  et  la  polyhistoire  latinisante 
que,parlant  de  la  conquête  de  la  Navarre  espagnole  en  1 5 1 2, c'est  un  «  Ferdinandus  Catho- 
licus))etun  «  Johannes  Labretanus  »  (Jean  d'Albret)  qu'il  mentionne.  De  même,  quand 
il  ci\.e  (Mater lalien,  M.  XIW,  p.  171)  comme  confirmation  d'un  direde  Huarte,  l'exemple 
de  ce  Nie.  Riccardi,  fameux  prédicateur,  mais  si  laid  que  Philippe  111  le  baptisa  du 
sobriquet,  qui  lui  resta,  de  <<  monstre  »,  c'est  encore  dans  une  compilation  latine  qu'il 
est  allé  se  renseigner,  dans  le  recueil  de  Ja.  Nie.  Erythrâus  (J.  V.  Rossi)  :  Pinaco- 
Iheca  I  Imaginum  |  illustrium  \  virorum  |  qui  \  auctore  superstUe  diem  |  suum  obierunt  \  , 
où  l'on  trouve,  p.  43-45  de  Ved.  nova  [Guelferbiti,  1729],  la  biographie  de  <(  F.  Nico- 
laus  Riccardius  »,  lequel,  d'origine  italienne,  était  venu  fort  jeune  en  Espagne, 
«...  cujus  memoriœ  fiducia,  de  quacunque  rc  proposita,  diserte  copioseque  dicebat 
ex  tempore,  et  in  familiaribus  colloquiis,  ac  praesertim  in  concionibus,  quas  ad 
populum  habebat,  ea  rerum  ac  sententiarum  copia  redundabat,  ut  Philippuslil  Rex 
Hispaniarum,  qui  ejus  concionibus  inlerfuerat,  ob  excellentis  abundantiam  doc- 
trinae,  non  hominem,  sed  monstrum  potius  hominis  eum  esse,  palam  multis  audien- 
tibus,  dixerit  etc.  ». 

■2.  On  sait  que  Linares  est  proche  de  Baeza.  On  trouvera  au  t.  III  de  VEnsayo 
de  Gallardo,  p.  282,  une  curieuse  lettre  de  Ramôn  Novoa  touchant  l'activité  profes- 
sionnelle de  Huarte  et  la  tradition  à  ce  sujet. 


I.A    WTLRE    ET    I.F.S    SOURCES    DE    I.  HISPANISME    DE    LESSINO  lao 

habhaft  werden  kônnen,  nicht  allein  mit  einander  vergliche,  sondern  auch 
aile  zugleich  zum  Grunde  seiner  Lebersetzung  gelegt  hat.  » 

Une  étude  un  peu  attentive  de  la  version  de  Joachim  Caesar 
convaincra  quiconque  l'entreprendra  de  la  fausseté  de  l'imputation  de 
Lessing.  J.. Caesar  a  formulé  sur  la  méthode  suivie  dans  sa  traduction 
la  déclaration  suivante  i  : 

«  Sed  jam  de  exemplaribus  hispanicis  pauca  inihi  monendûs  es  :  quorum 
multa  et  in  Hispania  et  in  Belgis  citra  singularem  impressionum  variantiam 
prodiere.  Quin  nec  aliquàm  multis  annis  quidquam  auctarii  illis,  quantum 
est,  editionibus  accessit  :  dum  tandem  ante  hos  duodevigenti  praeter-prop- 
ter  annos  aliud  in  ipso  Castellae  regno  excusum  prodiit  exemplar  (cujus 
copiam  Cothenis  habui)  et  unâ  praefatione,  et  primo,  secundo  ac  quinto 
capitibus,  et  toto  tractatu  de  igné,  et  multis  intercalatis  periodis,  et  infertis 
nonnumquam  paginis  aliquot  integris,  et  aliis  hinc  inde  interpolatis  locis 
notabiliter  adauctatum.  Sed  in  eapse  editione  multa  incisa,  disjecta,  trans- 
posita,  alio  coUocata  ordine  deprehendi,  quàm  in  prioribus  editionibus 
visebantur.  Quin,  quod  caput  est,  haut  pora  prorsum  antiquitata  isthinc 
abesse  adverti,  quae  in  illis  subtilissime  disputata  obcurrebanl,  in  quibus  et 
integrum  erat  decimum  caput,  et  totum  libri  exodium  seu  colophon,et  alia 
passim  loca  particularia  :  quibus  ita  inde  exauctoratis  posterius  exemplar 
velut  eviratum  comparebat.  » 

Cette  explication  ne  prêtait  à"  aucune  équivoque  et  révélait  un 
procédé  fort  consciencieux  d'éditeur.  Lessing,  cependant,  lui  oppose 
l'objection  suivante,  qui  révèle  combien  peu  il  est  au  courant  de  la 
bibliographie  de  l'Examen  : 

«  Anstatt  nun,  dass  sich  der  lateinische  Uebersetzer  bloss  nach  der 
letzten  Ausgabe  batte  richten  sollen,  so  hat  er  aile  in  eine  zusammen- 
geworfifen,  und  an  den  meisten  Orten  das  Werk  so  dunkel,  vervvirrt  und 
widerstrebend  gemacht,  dass  man  es  nicht  anders  als  mit  Eckel  lesen  kann. 
Darf  man  sich  also  v^^undern,  dass  er  sich  durch  dièses  Verfahren  so  gar  in 
den  Verdacht  gesetzt,  als  habe  er  sein  Original  verfalscht,  und  von  dem 
seinigen  vieles  kinzugesetzt?» 

En  réalité,  Joachim  Câsar,  auquel  le  hasard  avait  mis  entre  les 
mains  une  réimpression  de  l'édition  expurgée  «  conforme  al  mandaio 
del  Caidlogo  ûltimo...  de  la  Inquisicion  «2,  s'était  borné  à  fondre  dans 

I.  Dans  la  Praefatio  ad  lectorem  non  paginée  de  la  deux.  éd.  (Vienne  [?],  1687) 
du  Scrutinium  ingeniorum,  où  est  réimprimé  le  privilège,  daté  Vienne,  20  sept.  1622, 
de  la  première.  Une  édition  de  1612  mentionnée  par  Lessing  (.)/.  V,  p.  6),  puis  par 
Baur  dans  l'article  précité  et  par  Graesse( Trésor,  III,  3Si),  semble  bien  être  uneerreur 
de  Lessing. qui  a  été  copiée  étourdiment.  Ebert  {AUg.  Bibl.  Lex.  I  [Lpzg.,  1831], 
col.  84i)a  trouvé  à  la  Xônigl.  ôffenll.  Bibl.  à  Dresde  l'édition  de  Lpzg.,  1622, in-8,  mais 
ignore  cette  prétendue  éd.  de  1G12.  Brunet  (III,  col.  Sô-j)  ne  dit  rien  des  traductions 
latines  et  au  .Supplément  (I  [Paris,  1878],  co/.  662)  mentionne  une  u  Priisung  der  Kopfe  j> 
de  Lessing.  La  bibliographie  que  donnait  A  v.  Haller  {Bibl.  Anat.  1  [Tigurdi,  177/*) 
p.  249)  fourmillait  d'erreurs.  Elle  reste,  d'ailleurs,  encore  à  faire  de  façon  scienlifique. 

a.  Texte  du  Privilegio  (1092)  de  l'édition  de  logi,  Baeza,  en  casa  de  Juan  Buplista 
Montoya,  in-8.    Cette  édition,   corrigée,   était    en    même    temps   accrue,   ainsi  que 


12^       COMTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DÉ    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

sa  version  latine  les  éléments  nouveaux  de  cette  édition,  qu'il 
combine  avec  ceux  de  l'édition  antérieure  aux  remaniements  imposés 
par  l'Inquisition,  afin  de  fournir  à  ses  lecteurs  tous  les  aspects  de  la 
pensée  de  Huarte.  Il  ne  manquait,  pour  qu'un  tel  procédé  fût  de  tous 
points  satisfaisant,  que  d'indiquer  au  moyen  de  la  disposition  typo- 
graphique ce  qui  appartenait  à  l'édition  dite  ((  ancienne  »  et  ce  qui 
émanait  de  l'édition  remaniée.  Mais  J.  Câsar  n'a  pas  employé  cette 
méthode  critique  pas  plus  que  ne  l'emploiera,  en  1672,  le  traducteur 
français  Savinien  d'Alquié,  qui,  lui  aussi,  a  fait  rentrer  dans  sa  version 
les  additions  au  texte  primitif  de  VExamen. 

Lessing  n'eût  donc  pas  parlé  de  traduction  d'après  la  «  dernière 
édition  »  de  l'ouvrage  espagnol  s'il  eût  été  familier  avec  sa  biblio- 
graphie, et  il  eût,  du  même  coup,  évité  la  phrase  sur  le  purisme  et 
les  raffinements  d'auteur  du  médecin  navarrais.  Par  contre,  il  ne 
daigne  même  pas  nous  renseigner  sur  l'édition  qu'il  a  lui-même 
suivie.  J'ai  réussi,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  à  l'identifier.  C'est 
celle  d'Amsterdam,  1662,  in-12,  en  la  oficina  de  Juan  de  Ravestein, 
qui  est  ornée  d'une  vignette  représentant  saint  Antoine  au  désert 
auquel  deux  corbeaux  apportent  sa  nourriture.  Cette  édition  s'intitule  : 
la  quarta  edicion  de  muchos  querida,  mention  qui  apparaît  au  premier 
abord  assez  bizarre,  mais  s'explique  si  l'on  songe  qu'elle  reproduit  le 
texte  de  l'édition  plantinienne  de  lôgS',  édition  copiée  en  i6o3  dans 

l'indique  son  titre  :  Agora  nuevamente  enmendado  par  el  mismo  autor  (déclaré,  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  ya  difunto  en  1592),  y  ahadidas  muchas  cosas  curiosas  y  prove- 
chosas.  Voilà  pourquoi  J.  Càsar  parle  d'adjonctions  importantes  qui  n'existaient  pas 
dans  les  premières  éditions  de  l'ouvrage.  En  effet,  celui-ci  fut  signalé  en  i58i  dans 
l'Index  portugais  de  l'archevêque  Jorge  Dalmeida  (réimpr.  dans  Fr.  H.  Reusch,  Die 
Indices  libr.  proh.  des  XVI.  Jahrh.  [Tûb.,  188G],  p.  Sôg),  puis  en  i583  dans  l'Index 
expurgatoire  du  cardinal  D.  Gaspar  de  Quiroga,  archevêque  de  Tolède  et 
Grand  Inquisiteur  :  «  Examen  de  ingenios,  compuesto  por  el  doctor  Juan  Huarte 
de  Sant  Juan,  no  se  emendando  y  corrigiendo  »  ;  cf.  A.  de  Castro:  Historia  de  los 
protestantes  espanoles,  etc.  (Câdiz,  iSôi),  p.  ttSg.  L'année  suivante,  l'Index  indiquait  les 
passages  à  corriger  «  segun  la  impression  hecha  en  Baeça,  aho  1575  »  et  condamnait,  en 
particulier,  tout  le  chapitre  Vil  :  «  quitese  todo  desde  el  principio...  hasta  el  Jîn». 
[Catalogue  de  la  bibl.  de  Ticknor,  p.  170.]  Il  semble,  déclare  Ticknor,  ibid.,  que,  même 
après  la  purge  radicale  de  l'Inquisition,  on  n'en  ait  pas  moins  continué  à  confisquer 
impitoyablement  l'Examen,  et  il  ajoute,  non  sans  quelque  exagération,  que  les 
exemplaires  du  xvi"  siècle  a  are  even  more  seldoni  met  with  than  copies  of  Ihe  last 
Cancionero  General  n.  Ce  même  historien  a  noté  [History,  etc.,  11*  éd.,  t.  III,  note  à  la 
p.  219]  le  cas  du  P.  Feijôo  obligé  de  lire  l'Examen  en  latin  parce  qu'il  n'en  pouvait 
trouver  un  exemplaire  castillan.  On  n'est  pas  peu  surpris,  en  revanche,  de  rencontrer, 
à  l'art.  Huarte  de  la  Biographie  Générale  Didot,  sous  la  signature  :  Ferdinand  Denis  et 
G[ustave]  B  [runet?]  (Paris,  1861,  t.  XXV  p.  33i),  l'affirmation  qu'  «un  savant 
allemand  qui  l'a  traduit  et  qui  avait  voyagé  dans  la  Péninsule,  avoue  qu'il  ne  put  se 
procurer  aucun  renseignement  sur  lui,  et  qu'à  l'époque  où  il  parcourait  l'Espagne  sa 
mémoire  y  était  complètement  ignorée».  Une  indication  de  sources  n'eût  pas  été 
superflue. 

I.  M.  Menéndez  y  Pelayo,  qui  croit  révéler  l'existence  de  cette  édition  planti- 
nienne de  1598  dans  la  trop  courte  note  au  passage  consacré  à  Huarte  dans  les  Idea.^ 
Estéticas,  note  qui  n'a  pas  été  modifiée  dans  la  nouvelle  édition  de  son  travail, 
no  s'est  pas  souvenu  que  cette  édition  est  décrite  dans  le  Catâlogo  de  la  Biblioleca  de 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPANISME    DE    LESSING  125 

une  seconde  impression  plantinienne,  et  dont  le  texte,  avant  d'être 
réimprimé  une  quatrième  fois  par  Ravestein,  le  fut  l'année  i652,  à 
Leyde,  dans  l'édition  de  Juan  Maire,  in-12.  C'est  à  cette  «  quatrième  » 
édition  d'Amsterdam  que  correspond  la  pagination  à  laquelle  Lessing 
renvoie  dans  les  Materialien  (M.  XIV,  1 69)  i .  Peut-être,  si  invraisemblable 
que  paraisse  l'hypothèse,  n'a-t-il  choisi  cette  édition —  entre  toutes  celles 
qu'il  put  réunir  —  que  parce  qu'il  s'imaginait  qu'elle  était  réellement  la 
«dernière»,  au  sens  011  nous  avons  vu  qu'il  entendait  le  mot^  !  En 
matière  de  traductions  de  V Examen,  il  a,  et  pour  cause,  évité  la 
précision  bibliographique.  11  s'est  servi,  répétons-le,  de  celle  de 
Joachim  Câsar,  en  la  datant  161 2.  Il  y  avait,  cependant,  matière  à 
investigations  intéressantes  dans  ce  passage  de  Nie.  Antonio  sur  les 
traducteurs  latins  : 

«  Latine  id  vertit  cum  Theodorus  Arctogonius,  Austriacus,  Argentinae 
editum  anno  1594,  tum  iEscasius  Major,  Dobreboranus,  Coloniae  Anhalti- 
norum  1621.  Et  Jenae  apud  Samiielem  Krebs  i663.  in-8.  Edidit  et  Posse- 
vinus  Coloniae  apud  Gymnicum  1610  in-8.  et  apud  Claudiuin  Capellet 
in-12.  Reprehendit  tamen  quaedam  ex  hoc  libro  idem  Possevinus  in  Biblio- 
theca.  » 

Ces  investigations  eussent  amené  des  rectifications  et  des  complé- 
ments nécessaires,  et  il  eût  été  aisé  de  signaler  l'erreur  de  l'agent 
romain  de  l'Inquisition  espagnole,  qui  donnait  comme  traduction  de 
l'Examen  le  petit  volume  de  Possevin,  paru  à  Cologne  en  16 10: 
Antonii  |  Possevini  \  Manluani  \  Societatis  lesu  |  Ciiltura  in-  \  genio- 
rum  I  Examen  ingenioriim  loannis  Hiiartis  \  expenditur  (Coloniae 
Agrippinae,  apud  Joannem  Gymnicum),  ouvrage  si  peu  rare  qu'il 
porte  le  titre  de  7^  editio  —  quoique  ce  fût  la  première  édition  faite  en 
Allemagne —  et  dans  lequel  on  lit,  à  la  fin,  cette  indication,  cependant 
peu  équivoque  :  Haec  siint,  qiiae  de  ciiltara  ingeniorum  summatim 

Salvâ  (Valencia,  1872),  II,  271  (n»  2288).  Notons,  à  propos  des  Ideas  Estéticas,  qu'un 
compte  rendu  récent  du  R.  P.  jésuite  J.  Martin  dans  Isi  Revue  de  Philosophie,  1908,  n"  i  : 
Une  histoire  des  idées  esthétiques  (p  27-55),  pour  venir  un  peu  tard,  ne  donne  pas  une 
idée  exacte  de  ce  qu'est  l'ouvrage  de  M.  M.  y  P.  à  des  lecteurs  ignorant  le  castillan. 

1.  Cap.  8,  p.  130  [assi  hago  yo  en  mi  Espanol  por  saver  mejor  esta  lengua  que 
otra  ninguna]  ;  P.  G,  Entrâmes  très,  etc.;  P.  72,  Poëta  que  se  nomo  [sic  dans  Lessing, 
pour  llama]  Pindaro.  — Ticknor  croyait  {Catalogue,  p.  175)  que  Lessing  avait  employé 
l'édition  plantinienne  de  i6o3.  Lessing  s'est,  en  outre,  manil'estement  servi  de  la 
traduction  latine  de  Joachim  Câsar  :  c/.  Materialien  (M.  xiv  p.  171)  :  «  Opiniones 
singulares  /.  de  arbore  vitae  in  Proœm.  lat.  tra.  p.  18.  »  C'est  là  un  renvoi  au  Scruti- 
nium  ingeniorum,  etc.  (2""  éd.,  1637), p.  18  :  description  des  propriétés  de  l'arbre  de  vie 
du  paradis  terrestre  :  ((  Cujus  arhoris  haec  eral  virtus  et  proprictas,  etc.  »  M.  A.  Schnei- 
der —  qui  prend  dans  Ticknor  le  renseignement  erroné  touchant  l'édition  de  i6o3 
(op.  cit.,  p.  822)  —  ne  dit  rien  des  traductions  en  langue  latine  de  Hiiarte  et  ne 
mentionne  même  pas  Joachim  Câsar. 

2.  Auquel  cas  il  se  fût  trompé,  puisque  l'ouvrage  fut  réimprimé  à  Madrid 
en  i668.  Cette  éd.  est  au  Brit.  Mus.  ainsi  que  celles  de  Pamplona  1578,  Leyden  lôgS, 
Antwerp  i6o3,  Alcalâ  16^0,  Amsterdam  1663. 


126       COISTRIRUTIONS    A    l'ÉTIDE    DE    1,'hTSPAMSME    DE    O.    E.    I.ESSING 

dicta  sunt  in  primo  libro  Bibliothecae  Selectae  Auctoris  (p.  175),  d'où 
il  appert  que  cette  édition  n'était  qu'une  réimpression  de  la  critique 
de  l'Examen  contenue,  comme  le  signale  Antonio,  dans  Antonii  | 
Possevini  \  Societatis  \  lesii  \  Bibliotheca  Setecta  \  qua  agitur  |  De 
ratione  Stiidiorum  \  In  Historia,  In  disciplinis,  \  In  sainte  omnium 
procuranda  (Romae,  MDXGIIl)  Lit.  /"«,  p.  27  seq.K  Lessing  n'a  donc 
pas  daigné  établir  une  bibliographie,  même  sommaire,  de  l'Examen 
et  de  la  «  matière  »  Examen  de  ingenios.  Au  petit  bonheur,  il  a  jeté  les 
quelques  notices,  inconnexes  et  sujettes  à  contrôle,  dont  le  hasard  l'a 
mis  en  possession  et  s'est  imaginé  en  avoir  fait  assez.  II  s'est  tu,  répé- 
tons-le, complètement  sur  l'Angleterre,  où  cependant  le  livre  de  Huarte 
avait  été  traduit  —  non  pas  une  fois,  comme  l'écrit  M.  Menéndez  y 
Pelayo,  Id.  Est.,  vol.  cit.,  p.  218,  note  —  deux  fois  :  la  première,  sur 
la  version  italienne  de  G.  Camilli(yenet.  i582,  in-8,  et  ultér.)par  7?.  C. 

—  Richard  Carew,  avec,  selon  AVood,  collaboration  de  Thomas 
Carew  — :  Examende  ingenios.  \  The  examination  ofmens  Wits  etc.  etc. 

I  By   John    Huarte.  |  Translated    out    of  the    Spanish  longue  by  | 
M.  Camillo  Camilli.  \  Englished  out  of  his  Italian,  by  \  R.  C.  Esquire. 

I  London,  i59U^;  la  seconde,  directement  sur  l'original,  en  1698: 
Examen  de  Ingenios  :  or,  the  Tryal  oj  Wits.  Discovering  the  great 
Différence  of  M  ils  among  Men,  and  ivhat  Sort  of  Lerning  suits  best 
whit  ils  Genius .  Published  originally  in  Spanish  by  Doctor  Juan  Huartes. 
And  made  English  from  the  most  Correct  Edition  by  Mr.  Bellamy. 
London  MDCXCVIII^.  Il  y  eût  eu,  de  même,  sur  les  versions  fran- 
çaises, dont  la  dernière  émanait  de  Fr.  Savinien  d'Alquié^,  ainsi  que 

1.  Sur  les  idées  de  Possevin,  cf.  Borinski,  op.  cit.,  p.  66  seq.  Sa  Bibliotheca  est  en 
deux  tomes  in-fol. 

2.  ln-l^'.  Hritish  Muséum:  528,  f. 2.  Réimprimé  en  1696,  160/i,  1616.  La  version  de 
Camilli,  édité  par  N.  Manassi,  est  au  Brit.  iMus.  dans  les  exemplaires  de  i582,  i586, 
1690.  La  Bibl.  I\at.  possède  celui  de  i588. 

3.  ln-8.  Brit.  Mus.  :  528,  f.  3.  Bellamy  mentionne,  dans  son  avertissement  to  the 
Reader,  une  traduction  hollandaise  que  je  n'ai  pu,  je  l'ai  dit  précédemment,  identifier. 

tt.  La  Monnoye  croyait  à  tort  que  ce  nom  était  «  svipposé  »>.  Cf.  sa  note  dans  Les 
Biblioth.  franc,  de  la  Croix  du  Maine  et  de  Du  Verdier  (ISouv.  Ed.  Paris,  1773)  IV,  kU&. 

—  Lessing  ne  manque  pas  uneoccasion  de  mettre,  à  propos  de  Huarte  et  de  son  livre, 
sa  facile  science  en  évidence.  Ainsi  triomphe-t-il  (Materialien,  M.  XIV,  170)  sur 
Bayle,  qui  ne  cite  pas  la  version  française  de  Vion  de  Dalibray,  ou  d'Alibray.  Mais 
lui-même,  orthographiant  ce  vocable  a  Delibray,  semblerait  ne  pas  le  transcrire  autre- 
ment que  d'après  une  source  médiate,  sans  doute  latine.  De  même  s'étonne-t-il  que 
Bayle  ne  connaisse  Joachim  Ciisar  que  par  le  Catalogue  d'Oxford.  Combien  de  livres, 
cités  par  Lessing,  ne  sont  connus  de  lui  que  de  la  même  manière,  c.-à.-d.  par 
des  nomenclatures  bibliographiques.^  lia  remarqué,  dans  le  Theatrum  anonymorum 
et  pseudonymorum  du  polyhistorien  philosophe  Vinc.  Placcius,  le  pas.'^age  (éd.  de 
Hamburg  1708;  De  scriptorihus  germanicis,  n°  i884)  où  il  est  question  d'une  version 
allemande  de  V Examen  émanant  de  u  Joachimo  Cacsari  Anhallino  »  au  témoignage 
du  D'  Caspar  Thûrmann,  et  il  résout  cavalièrement  le  problème  en  déclarant  que 
cette  prétendue  version  est  «  gewiss  die  lateinische  n.  11  oublie  qu'il  en  existait  deux. 
Mais,  au  même  passage,  Placcius  dit  que  VExamen  a  été  discuté  «prolixe  Galiico 
scripte,  in-8  ».  Lessing  sç  tait  sur  ce  livre  français.  Il  n'eût  pas  manqué,  cependant, 


À 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSINO  1  27 

sur  les  deux  —  la  seconde,  par  Salustio  Gratii,  avait  paru  à  Venise, 
en  1600,  in -8  —  traductions  de  l'Examen  en  italien,  indiquées  par 
Nie.  Antonio,  à  consigner  au  moins  une  mention  bibliographique. 
Si  Lessing  se  tait,  cette  lois,  lui  qui  aime  tant,  en  d'autres  circons- 
tances, exhiber  son  savoir,  n'est-ce  pas  qu'il  veut  laisser  dans  l'ombre 
quelques-uns  de  ceux  qui  furent  les  inspirateurs  et  les  guides  véri- 
tables de  son  travail  i? 


1753.  Geschichte  der  Moraviden  in  Spanien. 

Dans  sa  lettre  à  son  père  du  29  mai  lySS,  de  Berlin,  Lessing  écrit 
(M.  XVII,  p.  34)  :  «  Die  Historié  der  Araber  habe  icli  ûbersetzt.  Es 
werden  drey  Theile;  und  den  vierten  Averde  ich  selbst  dazu  machen, 
welcher  von  der  Geschiclite  der  Moraviden  in  Spanien  handeln  soU...  » 
Karl  Lessing  remarque,  à  son  tour,  dans  la  Vie  : 

«  Lessing  ûbersetzte  auch  den  ersten  Tell  von  Marigny's  Geschichte  der 
Araber-^.  Sic  besteht  im  Franzôsischen  aus  vier,  im  Deutschen  nur  aus  drei 
Teilen.  Er  wollte  noch  einen  vierten,  von  der  Geschichte  der  Maravlden  CsicJ 
in  Spanien,  als  eigene  Arbeit,  dazu  fûgen,  welches  aber  unterblieb.  » 

de  mentionner  au  moins  L'Examen  \  de  \  l'examen  |  des  esprits.  |  Par  Jourdain 
Guibelet,  \  Docteur  en  Médecine,  et  Médecin  \  du  Roy  à  Evreux  (Paris,  i63i),  si  son 
travail  sur  Huarte  eût  été  sérieux,  d'autant  plus  que  les  tiiéories  de  Guibelet 
furent  reprises  en  i655  par  Ch.  Sorel  dans  son  traité  De  la  perfection  de  l'Homme,  etc. 
(Paris,  i655)  p.  827  seq.  Sur  les  idées  de  Huarte  et  de  Guibelet  cf.  un  résumé  de 
R[éveillé]  P[arise]  :  Du  médecin  J.  H.  et  de  J.  G.  dans  Gazette  médicale  de  Paris,  i.  \II(i842), 
p.  1-7,  réimpr.  p.  i53-i67  du  t.  III  (Évreux,  1842)  du  Rec.  des  trav.  de  la  soc.  libre 
d'agric,  se,  arts  et  b.-l.  du  dép.  de  l'Eure. 

I.  M.  Farinelli,  parlant  rapidement,  dans  sa  thèse,  du  Scrutinium  Ingeniorum, 
appelle  constamment  l'auteur  de  cette  version  :  Joachim  Caesar  Aeschâus.  N'a-t-il  pas 
jeté  un  coup  d'œil  sur  le  titre  du  livre?  Du  moins  eùtil  pu  lire  dans  Gœdeke, 
Grundriss  II,  576-577,  la  facile  explication  de  cet  anagramme.  Sa  bévue  rappelle 
celle  d'AdoIfo  de  Castro,  qui  a  réimprimé  Y  Examen  dans  la  B.A.E.,  05,  et  cite,  p-Sg?, 
un  passage  du  jugement  de  «  Escasi  (et  Mayor)  ».  —  On  aura  un  avant -goût  rétros- 
pectif de  ce  que  dut  être  la  soutenance  de  thèse  du  jeune  Lessing  sur  Huarte  en 
lisant  ces  deux  chefs  d'arguments,  consignés  dans  les  Materialien  : 

1.  Ilispanicum  Juan  idem  esse  quod  Johannes,  cuni  ex  Lexicis  tum  ex  inscriptione  Evan- 
gelii  St.  Johannis,  qualis  in  Hispanorum  bibliis  extat,  apparet.  Qua  ratione  ex  verbo 
Joannes  Jieri  potuisset  Juan,  Grammatici  ducent.  Ajecta  terminatione  es,  0  in  u  mutatur, 
quae  sane  mutatio  Hispanb  admoium  vulgaris  est. 

II.  Huarlum  nostrum  Hispanum  esse,  ex  eo  probare,  quod  Hispanico  idiomate  usas 
fuerit,  Jiculneum  sane  esset  argumentum,  nisi  ipse  Huartus  Hispanicam  linguam  suam 
dixisset. 

Voilà  un  raisonnement  convaincant  et  une  argumentation,  sans  doute,  qui  n'est 
pas  <(  liculnea». 

2.  Sur  cette  traduction,  cf.  la  note  de  M.  Muncker  à  la  préface  de  la  version  frag- 
mentaire de  Lessing,  V,  23.  Lessing  ne  l'avait  signée  que  M[agisler  L[iberalium] 
A[rtium]{?)  parce  qu'il  s'y  élevait  contre  Baumgarten,  qui  avait  censuré,  en  1761, 
l'ouvrage  de  labbé  de  Marigny.  Karl  Lessing  avoue  que  cette  traduction  ne  semble 
avoir  été  qu'une  spéculation  de  libraire  [op.  cit.,  p.  y4j. 


120       CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSOG 

Sur  cette  nouvelle  entreprise  hispanique,  également  mort-née,  je  ne 
trouve  rien  de  plus  concis  ni  de  plus  opportun  à  relater  que  ce  qu'en 
a  dit  encore  l'honnête  frère  de  l'auteur  : 

«...  Lessing  gesteht  aufrichtig,  sowie  der  Verfasser  [Marigny],  nicht  ein 
Wort  arabisch  zu  kônnen...  Doch  ehrlich  von  der  Sache  zu  reden,  ist  es  sehr 
misslich,  die  Geschichte  eines  Volkes  zu  schreiben,  oder  zu  ûbersetzen, 
dessen  Sprache  man  nicht  im  geringsten  versteht.  In  spàteren  Jahren  hâtte 
Lessing  gewiss  gefragt  ;  ist  denn  eine  Geschichte  der  Araber,  deren  Verfasser 
und  Uebersetzer  der  arabischen  Sprache  ganz  unkundig  sind,  den  Fran- 
zosen  und  Deutschen  not^vendig?  EsAvâre  besser,  man  kennle  ein  Volk  gar 
niclit,  aïs  auf  dièse  Art.  Das  Niclitwissen  ist  lange  nicht  so  nachteilig,  aïs 
das  Falschwissen.  »  {Op.  cit.,  p.  94.) 

Marigny  avait  maladroitement  compilé,  à  l'aide  surtout  de  lambeaux 
de  la  Bibl.  orientale  de  d'Herbelot  et  de  YHist.  des  Sarrasins  de  l'orien- 
taliste anglais  S.  Ockley,  une  œuvre  sans  style,  sans  critique,  dénuée 
de  personnelles  recherches.  Son  continuateur  présomptif  a  bien  fait, 
pour  sa  gloire  hispanique,  de  s'en  tenir  à  la  promesse  du  29  mai  1753. 


Abraham  Usque. 

(M.  V,  i33.) 

A  propos  de  l'article  de  Jôcher  sur  l'éditeur  de  la  Bible  espagnole 
de  Ferrare,  Lessing  s'exprime  ainsi  (M.  V,  [33):((Nur  bei  diesem 
einzigen  Artikel,  Aveil  er  in  die  spanische  Literatur  einschlâgt,  erlaube 
man  mir  eine  kleine  Ausnahme.  »  Cette  «  petite  exception  »  va  con- 
sister à  corriger  au  long  les  erreurs  du  Gelehrten- Lexikon^ . 

On  lisait  dans  celui-ci,  au  tome  1,  p.  38  : 

«ABRAHAM  USQUE  insgemein  Oschl  genannt,  ein  portugiesischer  Jude, 
war  ein  Buchdrucker  zu  Ferrara,  hat  die  beruffene  spanische  Juden-Bibel, 
so  zu  Ferrara  An.  i553  gedruckt  Avorden,  zum  Druck  befôrdert.  Sie  ist  von 
Wort  zu  Wort  nach  dem  hebràischen  Text  gegeben,  welcher  denn  sehr 
schwer  und  dunckel  zu  verstehen  ;  zumal  da  es  in  einer  ungebràuchlichen 
spanischen  Redens-Art,  die  nieistens  nur  in  ihren  Synagogen  ùbhch, 
ûbersetzt  ist.  Sie  ist  zum  andern  mahl  An.  i63o  in  HoIIand  gedruckt 
worden.  Man  hat  angemerckt,  dass  die  An.  i546  zu  Constantinopel 
gedruckte  spanische  Blbel,  auch  nicht  in  einem  Wort  von  dieser  unler- 
schieden  sey.  Es  wiid  dennoch  die  erste  Auflage  noch  mehr  gesucht; 
welche  auch  dièses  besondere  hat,  dass  aile  die  Worte,  welche  im 
Hebràischen  mehr  als  eine  Bedeutung  haben,  daseibst  mit  einem  Sterngen 

1.  Les  correclioDS  de  Lessing   à   rarlicle  Abraham    Lsiiue  parurent,    répétons- le, 
en  1703,  au  II.  Theildes  Schriften  . 


I 


LA    NATURE    ET    LES    SOUKGES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  I29 

bezeichnet  sind.  Von  ihm  ist  auch  ordo  s.  ritus  festi  novi  anni  ^  expiationis  • 
ebenfalls  zu  Ferrara  i553  in-/i  herausgekomen.  W  [olfii  bibliolheca  hebraica.] 
EL.  [=  Allgemeines Historisches  Lexikon.]  » 

«  Meine  Erinnerungen,  »  commence  modestement  Lessing,  «  sind 
folgende.  »  Nous  allons  voir  qu'il  s'agit  bien,  en  effet,  de  souvenirs. 
i"  u  Es  ist  wahr,  dass  wir  diesem  Abraham  den  Druck  der  spanischen 
ferrarischen  Bibel  zu  danken  haben  ;  doch  hâtte  man  die  Einschran- 
kung  nicht  vergessen  sollen,  dass  es  nur  von  derjenigen  Ausgabe  zu 
verstehen  sey,  welche  dem  Gebrauche  der  Ghristen  bestimmt  war. 
Die  Ausgabe  zum  Nutzen  der  Juden  hat  Duarte  Pine  gedruckt. 
Beyde  sind  von  einem  Jahre.  » 

Prenons  l'un  et  l'autre  exemplaire  de  ces  deux  Bibles.  Nous  lisons 
en  tête  de  l'un  d'eux  [Bibl.  Nat.  A.  n°  370]:  ((Biblia  \  En  Lengua 
Espanola  traduzida  palabra  \  por  palabra  delà  verdad  Hebrayca  \  por 
muy  excelenles  letrados  vi-  \  sla  y  exaniinada  por  el  officio  \  delà 
Inquisicion  \  Con  priuillegio  del  yllasirissimo  Seiior  \  Duque  de  Fer- 
rara. »  —  La  dédicace,  au  duc  de  Ferrare  <(  Don  Hercole  da  Este  el 
segundo  » ,  est  signée  :  «  Jeronuno  de  Vargas  y  Duarte  Pineln .  A  la  page 
finale,  on  lit  :  A  gloria  y  loor  de  nuestro  Senor  se  acabo  la  pré- 
sente Biblia  è  lengua  Espa-  \  fïola  traduzida  delà  verdadera  origen 
Hebrayca  por  muy  excelentes  |  letrados  :  con  yndustria  y  deligencia 
de  Duarte  Pinel  Por-  j  tugues  :  estampada  en  Ferrara  a  costa  y 
despesa  de  |  Jeronimo  de  Vargas  Espahol  :  \  en  primero  de  Marco  \  de 
1553*.  —  Le  second  exemplaire,  du  même  format  que  le  premier, 
c'est-à-dire  in-folio  et  également  à  la  Bibl.  Nat.  [A.  n"  37Ubis],  porte 
le  même  titre  que  le  précédent,  sauf  l'adjonction,  après  les  mots  : 
«  Con  privilegio  del  lllustrissimo  Seiior  \  Duque  de  Ferrara  »  :  ((  En 
Ferrara,  5312,  »  et  ce  détail,  que  le  prologue,  adressé  à  «  Dona  Gracia 
Naci»,  est  signé:  Yoni  Tob  Atlas  y  Abraham  Usque.  La  formule  finale 
est  également  la  même  jusqu'à  :  con  yndustria  y  deligencia  de  Abrahà 
Usqué  Por-  \  tugues  :  estampada  en  Ferrara  a  costa  y  despesa  de  \ 
Yom  Tob  Alias  hijo  de  Levi  Atlas  \  Espahol:  en  lU  de  Adar  \  de  5313. 

On  voit  donc  que  le  Jôcher  ne  se  trompait  pas  en  attribuant 
à  Abraham  Usque  l'impression  de  la  Bible  castillane  à  l'usage  des 
Juifs,  et  que  c'est  Lessing  qui,  en  voulant  corriger  le  Gel.-Lex., 
s'est  trompé 2.  Du  moins,  songera -t-on,  il  lui  reste  le  mérite  d'avoir 

1.  Orden  de  los  Ritos  de  la  Fiesta  del  Ano  Nuevo  y  Expiacion,  (Ferrara,  i554,  in-4). 
Sur  la  famille  Usque  et  la  Bible  de  Ferrare,  c/.  le  ch.  V  de  Sephardim  de  M.  Kayserling 
(Leipzig,  18Ô9),  p.  109  seq.  Kayserling  cite  p.  189  l'aphorisme  de  Lessing, —  qu'un 
théologien  devrait  apprendre  le  castillan  ne  fût-ce  qu'à  cause  de  cette  Bible,  — 
comme  s'il  s'agissait  d'une  autorité  linguistique.  Cf.  du  même  auteur  sur  le  même 
sujet  Gesch.  der  .Juden  in  Portugal,  ch.  VI,  p.  262  seq. 

2.  Adelung  a,  dans  sa  continuation  du  Jôcher,  I,  62,  relevé  l'erreur  de  Lessing, 
à  l'article  Abraham  Usque  oder  Osche:  «  Es  kanien  von  dieser  Ucbersetzung  in  cinem 
Jahre  zu  Ferrara  zvvey  Ausgabcu  heraus;  die  jctzt  gedachtc  fiir  die  Juden,  uud  dic 


l3o       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l/lIISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

établi  la  distinction  des  deux  Bibles  de  Ferrare,  i553?  Nous  deman- 
derons que  l'on  veuille  ne  pas  oublier  que  cette  distinction  venait 
d'être  faite  correctement  l'année  précédente  par  Clément,  au  t.  III  de 
la  Bibl.  car.,  p.  446-48  et  note  99,  à  l'article  Bibles  espagnoles.  On 
y  lisait  :  a  II  y  a  deux  sortes  d'Exemplaires  de  cette  première  Edition 
Gothique,  les  uns  qui  ont  été  destinés  aux  Juifs,  &  dont  j'ai  donné  la 
souscription  à  la  tête  de  cet  article  [il  s'agit  de  la  Bible  d'Usque,  dont, 
en  effet,  le  titre  et  la  phrase  finale  sont  transcrits]  et  les  autres  impri- 
més pour  les  Chrétiens,  à  la  fin  desquels  on  lit  les  mots  suivants 
[suivaient  le  titre  et  la  phrase  finaledel'éditionde  Vargas].  »  Lessingeut, 
en  vérité,  beau  jeu  à  censurer  la  confusion  commise  dans  un  ouvrage 
imprimé  en  1 750,  lui  qui  disposait  de  cette  précieuse  mine  de  rensei- 
gnements qu'est  la  compilation  de  Clément,  parue  au  début  de  1762  ! 
D'ailleurs,  dès  1728,  Le  Long  avait  signalé,  correctement,  au  tome  I, 
p.  365,  de  sa  Bibliotheca  sacra,  publiée  à  Paris,  les  deux  éditions  de 
Ferrare. 

La  deuxième  rectification  de  Lessing  concerne  la  mention  d'une 
seconde  édition  de  Hollande,  i63o.  «  Dass  sie,  »  écrit-il,  «zum  andern- 
male  i63o  in  Holland  sey  gedruckt  worden,  ist  ein  offenbarer  Fehler. 
Dièse  Ausgabe  ist  die  dritte,  wo  nicht  gar  die  vierte;  die  zweyte  aber 
ist  5371  (161 1)  zu  Amsterdam  in  Folio  gedruckt  Avorden.  Die  zwey 
Ausgaben  nach  der  von  i63o  sind  von  54o6  (1646)  und  von  5421 
(1661),  vvelcher  ich  unten  gedenken  vvill.  »  Toute  cette  documentation 
est  puisée  dans  Wolf,  que  Jôcher,  ou,  répétons-le,  son  collaborateur, 
avait  lu  trop  étourdimenti  ;  nul  n'ignore,  d'ailleurs,  qui  a  eu  à  consulter 
les  répertoires  bibliographiques  même  les  plus  sérieux,  combien  il  est 
fréquent  d'y  constater  d'étranges  erreurs  en  matière  d'éditions  d'un 
même  ouvrage.  A  la  Pars  II  (Hamburgi,  1721)  de  la  Bibliotheca 
Hebraea,  p.  45i-452,  sont  déjà  décrites  les  éditions  de  i646  et  1661. 

andere  fur  die  Christen  bey  Duarte  Pinel,  auf  Kosten  des  Hieronymus  de  Vargas. 
Lessiog  kehret  es  ans  einem  Versehen  um,  und  sagt,  des  Abraham  Ausgabe  sey  fur  die 
Christen,  des  Duarte  aber  fiir  die  Juden  bestimmt  gewesen.  »  Il  m'a  été  fort  difficile 
d'obtenir,  à  la  Bibliothèque  Nationale,  l'exemplaire  d'Abraham  Usque,  par  suite 
d'une  confusion  avec  l'édition  de  Jerônimo  de  Vargas.  Cette  confusion  semble  être 
ancienne  et  émaner  d'une  classiQcation  erronée,  que  je  trouve  déjà  au  Catalogue  des 
livres  imprimez  de  la  Bibliothèque  du  Roy  (Théoloyie.  I"  Partie)  [Paris,  1789],  p.  i3, 
n"  200  :  Biblia,  en  Lengua  Espanola,  traduzida  palabra  por  palabra  delà  verdad  Hebrayca, 
par  muy  excelentes  Letrados  :  visla  y  examinada  por  el  Officio  de  la  Inquisicion.  Con 
yndustria  y  diligeiicia  de  Abraham  Usque,  Portugues:  (conynduslria  y  deligencia  de  Duarte 
Pinel,  Portugues).  Eslampada  en  Fcrrara,  a  costa  y  despesa  de  Jeron.  de  Vargas  Espahol, 
en  primero  de  março  de  1533,  in-fol.  —  Pour  plus  de  détails  bibliographiques  sur  ces 
Bibles,  cf.  M.  Kayserling  :  Bibliotheca  espafiola-portugueza-jiidaica  (Strassburg,  1890) 
p.  28  seq. 

I.  Peut-être  même  n'avait-il  pas  consulté  du  tout  Wolf.  Caspar  Lmdenberg,  dans 
sou  épître  latine,  ne  connaissait,  lui  aussi,  que  cette  édition  de  i63o,  et  citait  sa 
source  :  «  Undc  ctiam  plus  simplici  vice  ejus  repetita  est  editio,  quippe  primam  anno 
Christi  i55.'5.  lucem  aspicientem  P.  Simon  histoire  Critique  du  Vieux  Testament  p. 
m.  533.  b.  altéra  anno  mundi  5390.  h.  e.  Christi  iGiJo.  insecuta  est,  etc.  »  (p.  3o4). 


LA.    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPA.MSME    DE    LESSL\G  l3l 

Wolf  revient  sur  la  matière  en  1783  au  t.  IV,  p.  176,  et  décrit  d'abord 
l'édition  de  161 1  : 

«  Eadem  versio  ex  éditions  Ferrariensi  récusa  est  Amstelodami  anno  5871. 
G.  161 1.  fol.  die  20.  mensis  IJar  in  cujus  calce  monetur,  nullam  originalis 
literam  esse  mutatam  ' .  » 

Puis  il  parle  en  ces  termes  de  l'édition  de  i63o  et  des  deux  sui- 
vantes : 

((  Biblia  Hispanica  ex  versione  Ferrariensi,  charactere  Romano,  accurante 
Menasse  ben  Israël,  in  fol.  Amstelodami  in  domo  Gillis  Joost.  Ad  calcem 
legitur  :  Ad  honorem  et  gloriam  Sabbati  SSgo.  (i.  e.  A.  D.  i63o.)  Ita  enarrat 
editionem  hanc  Le  Longius  loc.  cit.  idemque  in  nota  subjecta  observât, 
banc  editionem  juxta  praefationem  editionis  Amstelodamensis  421.  C.  1661. 
à  Samuele  de  Gazeres  recognitae  mendis  plurimis  et  vitiis  refertam  esse  : 
utramque  autem,  nempe  illam  anni  i63o.  et  hanc  anni  1661.  non  illam,  quae 
Ferrarae  curata  est,  exacte,  sed  pluribus  in  .locis  castigatam  exprimere...  ^ 
[p.  177]  :  suspicorGl.  Le  Longium  ab  alia  manu  accepisse  titulum  editionis 
Amstelodamensis  recentioris,  nempe  anni  406.  G.  i646.  in  fol.  Illa  enim 
titulum  eundem  habet,  quem  editio  anni  i63o.  refert,  praeterea  vero 
Amstelodamum,  ut  locum  editionis,  et  offîcinam  Gillis  Joost  exprimit,  hoc 
modo  :  en  Amsterdam  empressesadorie  de  Gillis  Joost  en  el  Niemuestraet  5606. 
Annum  editionis  mendose  per  56o6.  pro  54o6.  i.  e.  G.  i646.  scriptum  esse 
Parte  II.  pag.  452.  jaiu  monui  etc.  » 

Troisième  correction  de  Lessing  :  u  Bey  den  Worten  :  Man  hat 
angemerkt,  dass  die  An.  i5U6  zu  Constantinopel  gedruckte  spanische 
Bibel  auch  nicht  in  einern  Worte  von  dieser  unterschieden  sey,  habe 
ich  zu  erinnern.  a  Eine  spanische  Bibel  ist  niemals  zu  Constantinopel 
gedruckt  worden,  sondern  nur  der  Pentateuchus.  »  —  Cf.  Wolf, 
op.  cit.,  11,  45 1  :  «  Pentateuchus  jam  antea  Hispanice  translatus  et 
inter  Judaeos  lectus  fuit,  id  quod  manifestum  est  ex  Pentateucho 
Hebraico,  Hispanico  et  Barbaro-Graeco,  qui  prodiit  CPoli  307. 
C.  i547  6t  de  quo  inter  Polyglotta  diximus.  »  —  «  ^  Und  auch  dieser 
ist  nicht  i546,  sondern  5307,  welches  das  Jahr  1647  ist,  herausge- 
kommen.  »  Corollaire  de  la  phrase  précédente  de  Wolf.  Jôcher  avait 
pu  prendre  la  date  i546  au  t.  I,  p.  3o5,  de  la  Bibl.  hebraea,  où  il  est 
question  de  la  version  de  Constantinople.  Au  t.  IV,  p.  181,  Wolf  est 
revenu  sur  cette  matière  pour  corriger  l'erreur  de  Le  Long  (qui  avait 
daté  cette  version  i552)  et  démontrer  que  i547  ^^^^^  l^i  date  correcte. 

t.  Clément,  op.  et  vol,  cit.,  p.  448,  note  99,  donnait  une  analyse  bibliographique 
détaillée  de  l'édition  de  161 1  et  renvoyait  à  Beyer  (Arcana  sacra,  etc.)  et  Knoch 
(Nachrichten,  etc.)  qui  l'avaient  déjà  décrite. 

2.  Le  ivo  nicht  yar  die  vierte  de  Lessing  s'explique  par  ce  passage  de  Wolf  relatif 
à  une  édition  problématique  de  ôSgo  (iG3o)  :  «Habeo  ego  in  manibus  editionem 
anni  5390.  in  fol.  in  cujus  tamen  nec  limine  nec  calce  mentio  fît  vel  Menassis  ben 
Israël,  vel  Gillis  Joost,  vel  Amstelodamensis  urbis.  Sed  titulus  ita,  ut  in  editione 
Ferrariensi  extat,  simpliciter  expressus  est,  hoc  modo  etc.  »  (P.  lytJ.J 


l32       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

—  «  Y  Wolf  sagt  fere  ad  verbum  repetita  est.  »  Quel  dommage  que 
Lessing,  pour  une  fois  où  il  cite  ses  sources  au  cours  de  cet  article,  les 
cite  de  manière  inexacte  !  Ce  n'est  pas  Wolf  qui  dit  fere  ad  verbum 
repetita  est,  mais  Le  Long,  qui,  comparant  les  deux  textes,  celui  de 
Constantinople  et  celui  de  Ferrare,  écrit  {op.  cit.,  loc  cit.  p.  366)  : 
«  siquidem  ex  editione  Constantinopolitana  penè  ad  verbum  totus 
exscriptus  esti.  »  —  «5  Wenn  man  aus  dem  Le  Long,  Avelcher  die 
Vergleichung  zwischen  diesem  zu  Constantinopel  gedruckten  spanis- 
chen  Pentateucho  und  der  ferrarischen  Uebersetzung  angestellt  hat, 
und  aus  dem  Wolf  etAva  schliessen  will,  dass  also  die  erste  spanische 
Uebersetzung  eines  Stûckes  der  Bibel  zu  Constantinopel  herausge- 
kommen  sey,  so  wird  man  sich  irren;  denn  eben  dieser  spanische 
Pentateuchus  ist  schon  5257.  (1^97)  in  Venedig  gedruckt  worden.  » 
L'habileté  de  Lessing  consiste  à  plagier  Wolf  après  avoir  mis  sournoi- 
sement en  question  sa  compétence.  Cf.  op.  cit.,  t.  IV,  p.  181  :  a  Hispa- 
nice  aliquoties  prodiit  [Pentateuchus]  nempe  CPoli  307.  C.  i547,  ^t 
antea  Venetiis  257.  C.  i497-  » 

Dans  la  longue  remarque  subséquente,  à  propos  de  l'édition 
d'Amsterdami  1661,  Lessing  se  sert  sans  la  citer  de  la  copieuse 
analyse  que  venait  d'en  donner  Baumgarten  au  t.  II  des  Nachrichten 
von  merkwiirdigen  Buchern,  iO.  Stiick  (Oktober  i752),  p.  283-287 
(Halle,  1752).  C'est  de  là  qu'il  tire  tout  ce  qu'il  consigne  sur  cette 
édition,  y  compris  l'indication  des  crochets  contenant  l'explication  des 
passages  difficiles  et  la  signification  de  la  lettre  A  (=  Adonaï).  Quant  à 
l'assertion  :  «  Ich  sollte  vielmehr  meinen,  dass  ein  Theologe  nur  dieser 
Bibel  zu  gefallen  Spanisch  lernen  mûsste  ;  indem  die  grôssten  Gelehrten 
darinne  ûbereinkommen,  dass  keine  einzige  andere  Uebersetzung 
die  natûrliche  und  erste  Bedeutung  der  hebraischen  Worte  so  genau 
ausdriickt,  als  dièse  »,  elle  n'est  en  aucune  sorte,  comme  l'a  cru 
M.  Kayserling,  personnelle,  mais  ne  fait  que  fondre,  en  une  formule 
assez  arbitraire,  ce  passage  de  Wolf  au  début  de  son  chapitre  du 
tome  IV  intitulé  De  Versione  Idspanica  (p.    176)  : 

«  De  Versione  Judaeorum  Ferrarae  primum  édita  lege  B.  Casparis 
Lindenbergii  epistolam,  ad  Henr.  Balemannum  de  non  contemnendis 
ex  Lingua  Hispanica  utililatibus  Theologicis  datam,  et  Novis  Literariis 
Maris  Balthici  anno  1703.  pag.  3oi.  sqq.  Insertam^.  Ferrariensis  autem  illa, 

1.  Voici  ce  que  disait  Wolf,  II,  355  :  «  Yersio  Hispan.  si  pauca  exceperis,  eadem 
est  cum  illa,  quae  Ferrarae  i583.  prodiit,  ceu  observât  Cl.  le  Long  in  Dissert.  Histor. 
de  Bibliis  Polyglottis  p.  dk-  » 

a,  Lessing,  et  ses  éditeurs  n'ont  pas  corrigé  en  note,  écrit  Lindenbergeri.  Cette 
intéressante  épître,  intitulée  :  Casparis  Lindenbergii,  Past.  JEdis  Divi  Johannis,  ad 
Ilenricum  |  Balemannum,  Reip.  Luhecensis  Secretarium,  fratrem  utcrinum.  |  de  non 
contemnendis,  ex  Lingua  Hispanica  utilitatibus  theo-  |  Ingicis  Epistola,  se  trouve  au 
numéro  d'octobre  1702  des  Nova  LUeraria  Maris  Balthici  et  Seplentrionis  [Lubecae], 
comme  l'indique  Wolf.  M.  Farinelli  qui  cite  et  analyse  rapidement  dans  sa  thèse 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    LHISPANISME    DE    LESSING  l33 

inquit,  pag.  3o3.  versio  etsi  apad  plerosqae  maie  aiidiat,  praecipue  ob 
rigorosam  nimis  Textus  Ebraici  sedationem,  quem  à  verbo  ad  verbum 
exprimere,  negleda  linguae  Hispanicae  elegantia,  allaborat,  qiia  de  causa 
a  scabra  admodum  et  inepte  superstitiosa  »  D.  Kortholto,  de  variis  Scripturae 
S.  editionibus  cap.  XXIV.  §.  3.  et  doctissimo  quondam  nostro  Pfeifero  Critica 
Sacra  cap.  i3.  §  2.  dicitur,  ab  Hispanis  tamen  ipsis  magni  aestiinatur  :  quippe 
Cypr.  de  Valera  non  modo  dicta  :  un  gran  tesoro  de  la  Icngua  Espagnola 
fol.*  3.  col.  I.  sed  etiam  à  Cassiodoro  de  Reyna  taie  nacta  encomium  :  de  la 
Vieja  translacion  Espannola  del  Viejo  Testamento,  impressa  en  Ferrara, 
nos  havemos  ayudado  mas  que  de  ninguna  otra,  que  hasta  aora  ayamos 
visto,  no  tanto  por  aver  ella  siempre  acertado  mas  que  las  otras  en  cosas 
semejantes,  quanto  por  darnos  la  natural  y  primera  signifîcacion  de  los 
vocablos  Hebreos,  y  las  différencias  de  los  tiempos  de  los  verbos,  como 
estan  en  el  mismo  texto,  en  lo  quai  es  obra  digna  de  mayor  estima  (à  juyzio 
de  todos  los,  que  la  entienden)  que  quantas  hasta  aora  ay,  praefat. 
fol.**  3.  a.  post  med.  Haec  B.  Lindenbergius.  Inter  Judaeos  in  eadem 
versione,  id  imprimis  R.  Jac.  Jehudae  Leoni  in  praefatione  ad  versionem 
suam  Psalmorum  Hispanicam  pag.  I.  displicet,  quod  phrasibus  et  dictioni 
contextus  Hebraei  nimis  solicite  insistât.  Item  est  judicium  R.  Isaaci  de 
Acosta  in  praefatione  ad  Conjecturas  Sacras  super  Prophetas  priores 
Hispanice  éditas,  de  quibus  Volum.  III.  pag.  555.  sub  Isaaco  Acosta  dixi.  » 

Le  reproche  adressé  par  Lessing  à  Jôcher,  de  n'avoir  pas  parlé  assez 
au  long  de  Jos.  Athias  —  il  lui  reproche  aussi  d'avoir  été  trop  bref 
sur  Samuel  de  Câceres,  sans  ajouter  lui-même  la  moindre  notice 
complémentaire  i  —  et  que  «  dabey  wird  Leusdenius  sowohl  als  die 
Vertheidigung  des  Athias  gegen  den  Maresius  vergessen  »,  ne  laisse 
pas  d'être  encore  d'une  érudition  étrangement  médiate.  Le  numéro 
d'aoiit  1752  des  Nachrichten  von  merkwilrdigen  Biichern  contient,  en 
efret(p.  107-109),  un  compte  rendu  de  l'édition  de  la  Bible  hébraïque  de 

l'épître  latine  de  Postel  dont  il  est  assez  fréquemment  question  dans  des  compi- 
lations allemandes  de  la  première  moitié  du  xviii*  siècle,  imprimée  au  numéro 
d'avril  170/1,  p.  m  seq.  de  la  même  revue,  et  qui  traite  de  la  difficulté,  l'élégance  et 
l'utilité  de  la  langue  espagnole,  croit  devoir  ajouter  qu'une  «  épître  érudite  d'un  Dr. 
Caspar  Lindenberg  :  Linguae  Hispanicae  utilitatibus  theologicis  »  (sic),  lui  est  ((  malheu- 
reusement restée  inconnue  ».  La  référence,  au  début  de  l'épître  de  Postal,  n'était 
cependant  guère  mystérieuse  :  «  Delicae  meae  succisivae,  amice  praestantissime,  in 
quibus  mihi  dudum  Linguae  Hispanicae  studium  fuit,  non  parum  incrementi  nactae 
sunt,  postquam  in  Novorum  vestrorum  Literariorum  menseOctobri,  admod.  Reverendi 
Dn.  Casparis  Lindenbergii,  ad  Clariss.  inclytae  Reipubl.  Lubecensis  Secretarium 
Dn.  Henricum  Balemannum,  eximiam  pariter  ac  eruditam,  de  Linguae  Hispanicae 
utilitatibus  Theologicis,  cpistolam,  summo  animi  gaudio  legi  ac  relegi.  »  Il  n'était 
besoin  que  de  se  reporter  à  deux  années  en  arrière  des  Nova,  au  numéro  d'octobre, 
pour  y  trouver  la  missive  de  Lindenberg,  qui  occupe  les  pages  3oi-3io.  Sur  Lindenberg, 
cf.  J.  H.  von  Seelen,  Athenae  Lubecenses  etc.  (Lubecae,  1719;  Pars  II,  1730);  1,  353-355, 
et  la  Cimbria  Literata  de  J.  Moller  (Hauniae,  1744),  I,  343,  cet  auteur  ayant  été  oublié 
dans  VAllg.  D.  Biogr.  J'ai  une  étude  prête  à  paraître  sur  l'épître  de  Postel  et  celle 
de  Lindenberg. 

I.  Les  trois  lignes  de  Jôcher  sur  S.  de  Câceres  (I,  i537),  signées  W,  étaient,  par 
conséquent,  censées  émaner  de  la  Bibliotheca  hebraea.  On  se  souviendra  peut-être 
que  le  père  de  J.  Athias,  Abraham  Athias,  fut  brûlé  en  i665  par  l'Inquisition 
espagnole. 


l34       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LUISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

Leusden  (Amsterdam,  1667)  chez  l'éditeur  Athias.  Jôcher  (I,  608)  avait 
dit  d'Athias  :  «Die  General -Staaten  beehrten  ihn  den  10.  Jun.  des 
letztgedachten  Jahrs  (1667)  mit  einer  giildenen  Kette  und  Médaille, 
um  zu  bezeugen,  wie  sehr  sie  mit  seiner  Arbeit  zu  frieden  wâren.  » 
Ce  renseignement  émanait,  comme  l'atteste  la  signature  de  l'article  : 
Lo.,  de  Le  Long,  Bibl.  Sacra,  où  il  se  trouve,  en  effet,  1,  69  :  «  Ob 
praestantiam  hujus  operis  Gels,  et  Prœpot.  DD.  Générales  Fœderati 
Belgii  ordines  Josephum  Athiam  typographum  donarunt  catena  aurea 
cum  numismate  aureo  ex  ea  pendùlo,  ut  testatur  extractum  ex  libro 
Decretorum  ad  caput  hujus  voluminis  excusum.  »  A  l'indication  de 
Jôcher,  Lessing  objecte  :  «  Das  Geschenke  der  Generalstaaten  wiirde 
■vveniger  befremden,  Avenn  man  dazu  gesetzet  batte  :  fiir  die  an  sie 
gerichlele  Dedicalion  der  spanischen  Bibel.  »  Cette  particularité  était 
détaillée  par  Baumgarten,  loc.  cit.,  page  108  :  «  Nach  dièses  Verlegers 
lateinischer  Zuschrift  an  die  Generalstaaten,  welche  mit  einem  ansen- 
lichen  Geschenk  betonet  Avorden  etc.  » 

La  question,  enfin,  de  la  c  Vertheidigung  des  Athias  gegen  Maresius  » 
que  Lessing  reproche,  nous  venons  de  le  dire,  à  Jôcher  d'avoir  passée 
sous  silence,  était  également  traitée  par  Baumgarten,  page  109.  Il  s'agit 
d'une  lettre  d'un  théologien  de  Groningue,  S.  Maresius,  imprimée 
en  1669  et  qui  censurait  l'édition  de  1667,  lettre  à  laquelle  Athias,  ou 
Leusden  (car  le  point  est  imprécis),  répondit  la  même  année  1669  en 
un  pamphlet  de  neuf  pages  :  Caecus  de  coloribus,  h.  e.  Josephi  Athiae 
justa  defensio  contra  ineptam,  absurdam,  et  indoctani  reprehensioneni 
V.  Celeberr.  D.  Sam.  Maresii,  etc.  (Amsterdam),  pamphlet  que  réim- 
prima à  la  fin  du  xvii°  siècle  Thom.  Crenius  à  la  deuxième  partie  de 
sa  médiocre  compilation  :  Animadversiones  Philolog.  et  Historicae, 
p.  131  seq.  Mais,  avant  Baumgarten,  Le  Long  {op.  cit.,  p.  70)  et 
Wolf  (op.  cit.,  II,  379)  avaient  déjà  narré  cette  polémiquei. 

1.  Lorsque  Lessing  réunira,  sous  la  date  17G8,  quelques  notes  sur  Hambourg  dans 
les  CoUeclanea{}A.  XV)  et  qu'il  y  relatera  sa  visite  chez  le  pastor  Goze  (qui  depuis...),  il 
mentionnera  une  fois  encore  une  Bible  espagnole  et,  cette  fois,  la  Polyglotte  d'Alcalâ. 
«  Semler  bat  von  dem  Complutensischen  Neuen  Testameute  gesprochen,  ohne  es 
geseben  und  untersucbt  zu  baben.  Die  Spanier  mûssen  allerdings  Manuskripte 
gebraucbt  baben,  und  der  locus  bei  dem  Jobanoes  ist  aus  der  Vulgata  nicbt  ùbersetzt 
worden.  Sie  wûrdcn  sonst,  wie  die  Vulgata  lieset,  gewiss  l'v  élit  ùbersetzt  baben,  und 
nicbt  Et;  TÔ  ht.  »  Un  peu  de  familiarité  avec  la  vie  du  promoteur  de  cette  édition 
célèbre  de  la  Bible  (qui  fut  en  même  temps,  par  la  fondation  de  l'Université  d'Alcalâ, 
l'un  des  instigateurs  de  la  vie  intellectuelle  en  Espagne  au  xvi"  siècle)  telle  que  l'a 
narrée  sou  classique  biograpbc,  Alvar  Gômez  de  Castro,  dans  le  De  Rébus  Geslis 
Francisci  Ximeni  S.  fi.  E.  Cardinalis  Archiepiscopi  Toletani,  eût  amplement  renseigné 
Lessing  sur  la  question  de  savoir  si  les  Espagnols  s'étaient  servis  de  manuscrits  et  de 
quels  manuscrits.  La  biographie  de  Gômez  de  Castro,  outre  qu'elle  n'était  pas  rare, 
puisque,  après  l'édition  d'Alcalâ,  en  iSôg,  deux  autres  avaient  paru  à  Francfort,  était 
signalée  comme  la  source  contenant  les  renseignements  sur  ce  point  (au  livre  II), 
par  un  ouvrage  anglais  paru  en  1-63,  dont  nous  parlerons  plus  bas,  les  médiocres 
Letters  concerning  the  Spanish  nation  de  Edw.  Clarke,  p.  3 1 2-821,  ouvrage  traduit,  au 
surplus,  en  allemand,  en  17C5,  par  Job.  ïobias  Kobler,  professeur  à  Gôttingen. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPAMSME    DE    I.ESSING  1 35 


•     i75^.  Graciân. 

Dans  la  Vierleljahrschrift  fiir  Literatur-Geschichte  (11)  1889,  p.  136, 
C.  Schiiddelkopf  a  publié  sous  le  titre  :  Ein  Stammbucheintrag 
Lessings,  une  note  de  laquelle  il  résulte  que  Lessing  écrivit,  lors  de 
son  second  séjour  à  Berlin,  à  la  page  226  de  l'album  d'un  médecin 
berlinois,  J.  G.  Krtinitz,  (aujourd'hui  au  British  Muséum  [additional, 
18713]  et  intitulé,  de  façon  certes  assez  pompeuse  :  Monumentum  hoc 
Patronorum  Fautorum  Amicorumque  Inserviet  Singulorum  suavis- 
simse  recordationi,  quà  aeternum  deleclabilur  Joannes  Georgius 
Kriinitz  Berolinus.  Anno  MDCCXLVII)  le  passage  suivant,  extrait  de  la 
première  production  imprimée  de  B.  Graciân  : 

(El  Heroe  de  L.  Graciân,  primor  primero.) 

La  '  primera  régla  de  grandeza  advierte,  sino  el  ser  infinitos,  el  parecerlo, 
que  no  es  sutileza  comun.  En  este  entender  ninguno  escrupuleara  aplausos  a  la 
cruda  Paradoxa  del  sabio  de  Mitilene  :  mas  es  la  mitad  que  el  todo;  porque 
una  mitad  en  alarde,  y  otra  en  empefîOj  mas  es  que  un  todo  declarado. 

Gotthold  Ephraim  Lessing. 
Berlin,  d.  12  Jul.  i7oU. 

Cette  citation  ne  prouve  pas  grand'chose,  du  point  de  vue  de  notre 
étude,  sinon  qu'en  1754  Lessing  en  était  encore,  malgré  tant  de  remar- 
ques imprimées  dans  des  ouvrages  de  pratique  courante,  à  confondre 
Baltasar  avec  «  Lorenzo  »  Graciân  et  à  ignorer  l'artifice  de  Lastanosa». 

1.  Les  éditions  espagnoles  de  Graciân  —  dont  la  dernière  est  celle  (illustrée  de 
l'étude  naguère  publiée  par  M.  A.  Farinelli  dans  la  Rev.  de  R.  Altamira,  loc.  cit.,  et 
quelque  peu  modifiée),  pour  El  Héroe  et  El  Discreto,  de  Madrid,  1900,  dans  la  Bibl. 
de  Fil.  y  Sociol.  —  ont  toutes  :  esta,  par  suite  de  ce  qui  précède  dans  El  Heroe. 

2.  Nous  verrons  Lessing  répéter  l'erreur  en  1771.  Même  Jôcher,  cependant,  notait 
queaGratianus  (Balthasar)...  schrieb  miteinem  sehrhohen  Stylo,  und  vortrefilichem 
Ingenio,  wiewohl  unter  dem  Namen  seines  Bruders  Laurentii  etc.  »  (II,  ii/io).  Dès 
i68/i,  Bayle  (iXouvelles  de  la  République  des  Lettres,  juillet  168/1,  art.  VII,  p.  97  du  t.  I 
des  Œuvres  de  Bayle,  La  Haye,  1787)  avait  indiqué,  d'après  la  Préface  d'Amelot,  les 
sources  sur  lesquelles  on  s'appuyait  dans  la  version  de  l'Homme  de  Cour  de  ce  même 
Amelot  de  la  Houssaye  (Paris,  i684)  pour  attribuer  le  livre  «  non  pas  à  Laurent, 
comme  dans  les  éditions  précédentes,  mais  à  fîa/<asar».  De  même,  Chaufepié  (I,  292) 
expliquait,  à  l'art.  Amelot  de  la  Houssaye,  comment  celui-ci,  dans  sa  traduction  de 
l'Ordculo  Manual,  avait  prouvé  que  l'ouvrage  était  de  Baltasar  et  non  de  Lorenzo. 
Nous  savons,  d'ailleurs,  par  une  lettre  de  Lessing  à  Gleimdu  i"  février  i7G7(.l/.  XVH, 
228)  que  le  premier  possédait  la  collection  complète  du  Journal  des  Savants  jusqu'en 
1766,  eu  235  volumes.  Or,  le  Journal  de  1722  [éd.  d'Amsterdam,  t.  LXXIl,  p.  58i] 
reproduisait  un  article  des  Mémoires  de  Trévoux  d'août  1721  où  la  même  question 
était  élucidée.  Il  sorait,  sans  doute,  aisé  d'indiquer  d'autres  ouvrages  contenant  des 
éclaircissements  sur  le  même  sujet.  Leur  abondance  n'en  rend  que  plus  grossière  la 
confusion  de  Lossing.  Ainsi,  Courbeville,  dans  la  préface  de  sa  traduction  du 
Disrreto.  reprenait  et  complétait  les  arguments  déjà  apportés  par  Amelot. 


l36       CONTRIBUTIOIVS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

J'oserai  dire,  même,  que,  si  elle  révèle  beaucoup  de  pédanterie,  elle 
ne  démontre  pas  la  connaissance  directe  des  œuvres  du  célèbre  jésuite 
espagnol.  Qui  niera  qu'aujourd'hui  encore  il  arrive  que  certains  écri- 
vains décorent  le  frontispice  de  leurs  livres,  ou  émaillent  le  parterre 
de  leur  style  de  devises  empruntées  à  une  langue  étrangère  dont  ils 
connaissent  à  peine  les  rudiments,  simplement  pour  se  réclamer  plus 
directement  d'un  grand  nom  ?  Qui  niera  qu'il  existe  aussi  des  personnes 
qui,  sachant  qu'en  telles  ou  telles  sociétés  on  cultive  la  pieuse  manie 
des  autographes,  se  préparent  à  l'avance,  en  apprenant  par  cœur  la 
splendide  maxime  qu'elles  calligraphieront,  pour  l'admiration  des 
générations  futures,  sur  le  vélin  d'un  album?  Mais  de  telles  considé- 
rations nous  seraient  reprochées  comme  oiseuses.  Ce  qu'il  importe  de 
préciser,  c'est  que  le  chapitre  de  El  Heroe  dont  Lessing  cite  un  passage 
occupait  une  place  assez  notable  dans  l'histoire  de  la  littérature,  qu'il 
n'était,  par  suite,  nullement  singulier  que  l'attention  de  ce  précoce 
fureteur,  de  ce  constant  amateur  de  curiosités  bibliographiques  que 
fut  Lessing,  ait  été  attirée  vers  lui,  et  qu'en  fin  de  compte  il  ait  été 
amené  à  en  orner  l'une  des  pages  du  «  Stammbuch  n  de  Rrûnitz.  Sans 
examiner  le  moins  du  monde  l'influence  qu'a  exercée  Graciân  sur 
la  pensée  européenne,  sans  traiter  en  aucune  sorte  de  la  popularité 
dont  jouissaient  aux  yeux  non  seulement  d'érudits,  mais  «  d'honnêtes 
gens  »,  les  œuvres  morales  du  jésuite  aragonais  grâce  aux  traductions 
et  aux  nombreuses  éditions  espagnoles,  nous  en  tenant  strictement  au 
livre  qu'a  cité  Lessing,  nous  constatons  que,  dès  1671,  le  premier 
chapitre  de  El  Heroe  était  soumis  à  une  critique  assez  âpre  par  le 
P.  Bouhours,  dans  ses  Entretiens  d'Ariste  et  d'Eugène  '  : 

«  J'en  lisois  un  [livre  espagnol^]  l'autre  jour  qui  débute  par  une  expression 
merveilleuse.  Qae  el  Heroe  platique  incomprehensibilidades  de  Caudale.  Cet 
incoinprehensibilidades  sonne  bien  haut,  cela  signifie  en  bon  François  qu'un 
sage  Prince  doit  se  conduire  de  sorte,  que  personne  ne  le  pénètre.  L'auteur 
Espagnol  poursuit  sur  le  mesme  ton  ;  et  pour  dire  que  c'est  une  grande 
habileté  de  se  faire  connoistre  sans  se  laisser  comprendre,  il  s'exprime  ainsi  : 
Gran  treta  en  el  arte  de  entendidos  ostentarse  al  entendimiento,  pero  no  a  la 
compréhension  '■*.  Y  a-t-il  à  votre  avis  de  la  grandeur  et  de  la  majesté  à  tout 
cela  ?  etc.  » 

Moins  probe,  ou  plus  habile  que  Bouhours,  Saint-Évremond  repre- 
nait, en  se  les  appropriant,  les  idées  émises  par  Graciân  dans  son  manuel 
du  parfait  guerrier  et  en  tissait,  avec  d'autres  également  dérobées  dans 

1.  Les  Entretiens  d'Ariste  el  d'Eugène  (Paris,  167 1),  p.  4i. 

2.  En  marge,  le  titre  est  indiqué  :  El  Heroe. 

3.  C'est  le  titre,  précisément,  du  primor  primera. 

4-  Ainsi  débute  le  Primor  primera  :  «  Sea  esta  la  primera  destreza  en  el  arte  de 
entendidos,  medir  el  lugar  con  su  artificio.  Gran  treta  es  ostentarse  al  conocimiento, 
pero  no  a  la  comprension.  » 


LA    >'ATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L'HISPA?iISME    DE    LESSIXG  iS'J 

le  reste  de  son  œuvre  philosophico- morale,  la  missive  au  comte  de 
Saint-Albans  :  De  ce  qui  est  nécessaire  à  un  jeune  Homme  pour  entrer 
avec  avantage  dans  le  monde  et  s'y  soutenir  avec  honneur.  «  Il  y  a 
beaucoup  d'adresse  à  se  saisir  de  l'estime  publique,  et  à  faire  éclater 
si  à  propos  ses  talens,  que  jamais  le  monde  ne  s'en  rassasie,  etc.  '  » 
Ce  plagiat,  d'ailleurs  fort  spécieusement  dissimulé,  passa  inaperçu 
jusqu'en  1725,  date  à  laquelle  le  jésuite  J.  de  Courbeville  le  signala 
dans  sa  traduction  de  El  Heroe  :  Le  Héros,  traduit  de  l'Espagnol  avec 
des  Remarques  (Paris,  1726,  in-i2)2.  Il  le  fit  en  ces  termes,  dans  les 
Remarques  mises  à  la  suite  du  chapitre  i"  (p.  i3)  :  «  M.  de  Saint- 
Evremond  employé  heureusement  tout  ce  chapitre  de  Gracien,  dans 
sa  réponse  au  comte  de  Saint-Albans,  lequel  lui  demandoit  en  peu  de 
mots  tout  ce  qui  est  nécessaire,  etc.  »  De  ce  que,  ajoutait  galamment  le 
Jésuite,  Saint-Évremond  s'est  ainsi  servi  de  Graciân  sans  le  citer,  n'en 
résulte-t-il  pas  qu'il  tenait  en  haute  estime  le  Bon  Père,  qui,  non  certes 
pour  avoir  commis  le  Criticôn,  mais  pour  l'avoir  publié  sans  autori- 
sation des  Supérieurs,  avait  été  mis  au  pain  et  à  l'eau  dans  la  cellule 
où  il  construisait  un  monde  si  divers  de  celui  rêvé  par  Loyola  ? 

Vous  lui  fîtes,  Seigneur, 

En  le  croquant,  beaucoup  d'honneur! 

Cependant,  afin,  sans  doute,  de  donner  plus  de  publicité  à  l'inté- 
ressante découverte  du  membre  de  leur  Compagnie,  les  rédacteurs  des 
Mémoires  de  Trévoux  (avril  1725)  réimprimèrent  la  traduction  française 
du  primor  primero  par  Courbeville  et  le  commentaire  qui  y  était  joint, 
rappelant,  de  la  sorte,  El  Heroe  à  l'attention  des  érudits  européens, 
auprès  desquels  le  célèbre  recueil  jouissait  alors  d'une  estime  au  moins 
égale  à  celle  dont  était  entouré  le  Journal  des  Savants.  Dans  le  français 
de  Courbeville  le  passage  cité  par  Lessing  avait  cette  tournure  : 

«  Un  si  noble  dessein  est  le  premier  fondement  de  l'héroïsme  et  de  la 
grandeur;  en  le  suivant,  ce  dessein,  il  est  vrai  que  l'on  ne  devient  pas  inépui- 
sable en  mérites,  mais  on  parvient  du  moins  à  le  paroitre  :  et  ce  n'est  point 
là  l'ouvrage  d'un  génie  vulgaire.  Quiconque  au  reste  entre  bien  dans  cette 

1.  Œuvres  de  Saint-Èvremont,  t.  VII  de  l'éd.  de  Londres,  1785,  p.  no-120. 

2.  Avec  réimpr.  de  Hollande,  1729.  M.  Borinski  (op.  cit.)  écrit,  p.  19  :  «  Die  klei- 
neren  Abhandlungen  (Heroe,  Discrète,  Politico)  fanden  in  dem  franzôsischen  Jesuiten 
Courbeville  und  seinen  deutschen  Nachtretern  genauere  aber  nicht  geschicktere 
Uebersetzer  [que  le  Criticôn].  »  Courbeville,  sans  jamais  serrer  de  près  le  texte  castillan, 
le  rend  cependant  sans  trop  d'infidélités  et  en  livre  même  assez  bien  l'esprit,  mais  son 
style  dégénère  trop  souvent  en  jargon.  Me.  Antonio  signalait  déjà  une  traduction 
française  ancieiine  de  El  Heroe,  celle  de  Gervaise  (II,  i)  :  «Gallice  vertit  M.  Gervasius, 
medicus  Regius  Perpinianensis  praesidii  ut  vocant,  Parisiisque  edidit  i6/i5.  in  8. 
exindeque  Amsterodami  ut  audio  1G59.  »  C'est  :  Le  Héros,  traduit  en  françuis  par  le 
sieur  Gervaise.  En  1 G52  parut  à  Londres  une  traduction  anglaise  par  John  Sketïington  : 
«  The  Heroe  of  Lorenzo,  or  the  Way  to  Eminence  and  Perfection,  a  Pièce  ofserious  .Spanish 
Wit,  originally  in  that  lanyuage  written>^  (London,  1602,  in-12),  avec  une  «  address  to 
the  fieader  «  par  Ihack]  Vi[alton  9]. 


l38      CONTRinUTIOXS    A    l/ÉTUDE    DE    i/hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSINO 

maxime  délicate,  il  ne  sera  point  étonné  des  louanges  données  à  ce  paradoxe 
apparemment  si  étrange  du  sage  de  Mitilène  :  La  moitié  vaut  mieux  que  le  tout. 
Car,  c'est-à-dire  que  la  moitié  du  fonds  mise  en  réserve,  tandis  que  l'autre 
partie  est  mise  en  évidence,  vaut  mieux  que  le  tout  de  même  espèce  pro- 
digué sans  ménagement  '.  w 

A  ce  passage  était  ajoutée,  au  Commentaire,  cette  intéressante  illus- 
tration historique,  que  l'on  jurerait  empruntée  à  l'un  des  exemples  de 
YIdea  de  un  principe  politico-cris  tiano  : 

«  Philippe  second  ne  comprenoit  pas  encore  tout  le  sens  de  cet  axiome, 
lorsqu'il  alla  à  la  diette  d'Ausbourg.  dans  l'espérance  d'être  élu  Roi  des 
Romains.  Charles -Quint  son  père  avoit  pris  de  sages  mesures  pour  faire 
réussir  ce  grand  dessein;  mais  le  fils,  dit  un  auteur  Espagnol,  déconcerta  ces 
mesures,  en  affectant  trop  d'habileté  par  une  vaine  indiscrétion  de  jeunesse  : 
et  l'affaire  manqua.  Quoiqu'il  en  soit,  Philippe  ne  retomba  pas  dans  cette 
intempérance  de  capacité  :  il  se  corrigea  si  bien  sur  cet  article,  que  toute  sa 
conduite  ne  fut  plus  qu'une  sorte  de  mystère,  qui  inspiroit  je  ne  sais  quelle 
admiration  respectueuse  pour  sa  personne  :  il  se  montroit  très-rarement  à 
son  Conseil,  de  peur  de  paroître  inférieur  à  ses  Ministres  habiles  ;  bien  qu'il 
fut  sans  doute  un  très  grand  prince  :  et  lorsqu'il  étoit  obligé  de  parler,  il  le 
faisoit  en  des  termes  si  concis  qu'il  falloit  presque  le  deviner  ^.  » 

On  s'expliquera  mieux  peut-être,  après  ce  qui  précède,  pourquoi 
Lessing  —  qui,  s'il  ne  fut  jamais,  au  dire  de  Heine  (dont  l'image  a, 
malgré  son  origine,  fait  fortune  en  Allemagne  depuis  i834,  où  elle 
parut  dans  Zur  Gesch.  der  Relig.  und  Philos,  in  Deutschl.,  grâce  à  sa 
teinte  chauvine),  le  petit  lévrier  Avelsche  poursuivant  son  ombre,  mais 
le  gros  matou  teuton  qui  ne  joue  avec  la  souris  que  pour  la  mieux 
étrangler,  a,  du  moins,  dès  le  début  de  sa  carrière,  concédé  aux  souris 
françaises  le  noble  privilège  de  les  croquer  de  préférence  —  a  cité 
Graciân,  qu'il  ne  pouvait,  une  fois  mis  sur  la  piste  de  l'intéressant 
passage  de  El  Heroe,  citer  qu'en  castillan,  sous  peine  de  manquer  une 
partie  de  son  effet  sur  la  galerie  : 

Du  grec,  ô  Ciel!  du  grec!  Il  sait  du  grec,  ma  sœur! 

—  Ah,  ma  nièce,  du  grec! —  Du  grec!  quelle  douceur! 

—  Quoi?  Monsieur  sait  du  grec?  Ah!  permettez,  de  grâce, 
Que  pour  l'amour  du  grec,  Monsieur,  on  vous  embrasse 


1.  P.  5  de  la  traduction,  éd.  de  Paris,  1725.  Dans  les  Mémoires  de  Tréiioua;  d'avril 
1726,  p.  684  seq. 

2.  P.  9,  id.  —  Cette  traduction  de  El  Heroe  par  Courbeville  (dont  la  version  sous 
le  titre  :  L'Homme  universel  [Paris,  1728],  de  El  Discreto  avait,  à  la  suite  de  l'article  du 
Journal  des  Sçavans  de  janvier  172^,  p.  io-43,  suscité  une  petite  polémique  d'où  naquit 
une  brochure  dont  Courbeville  fait  mention  dans  la  préface  du  Héros)  oifrit  aux 
rédacteurs  des  Mémoires  de  Trévoux  l'occasion  de  confondre  le  nouvelliste  littéraire 
du  Journal  des  Sçavans,  qui,  je  crois,  était  déjà  cet  intrépide  touche-à-tout  d'abbé 
Desfontaines,  auteur  d'une  confusion  cocasse  par  où  se  révélait  son  ignorance  de  la 
littérature  espagnole,  malgré  qu'il  en  ait  parlé  plusieurs  fois,  par  oui-dire,  dans  ses 


T.A    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'iHSPANISME    DE    LESSING  iSç) 

C.  Schûddelkopf  est,  d'ailleurs,  fermement  convaincu  que  Lessing 
ne  choisit  l'aphorisme  du  jésuite  de  Calatayud  qu'après  mûre  réflexion 
philosophique  et  parce  qu'il  reflétait  merveilleusement  ce  qu'il  appelle 
sa  «  damahge  Zuriickhaltung  den  Berlinern  gegenûber  ».  {art.  cit., 
p.  i3^.)  Ne  serait-ce  pas  le  cas  de  rappeler  le  mot  du  vieux  baron 
dans Miinchhausen  :  «  Der  Schulmeister  schnappt  noch  gar  iiber...  »  i  ? 


Les  Frères  Valdés. 

(M.  V.  351.) 

Dans  sa  Rettung  des  Cochlâus,  à  la  Troisième  Partie  des  Schriften 
mises  en  vente  en  1754  pour  la  foire  de  Pâques,  Lessing  a  démontré 
que  le  contemporain  et  fougueux  adversaire  de  Luther,  le  théologien 
catholique  nurembergeois  J.  Cochlâus  n'a  pas  été,  comme  le  voulait 
un  Dr.  Kraft  dans  une  brochure  de  polémique  parue  en  1749  :  De 
Luthero  contra  indulgentianim  nundinationes  haud  guaquam  per 
invidiam  disputante,  le  premier  à  couvrir  le  père  de  la  Réforme  de 
basses  injures  et  de  viles  infamies.  «  Ich  kenne,  »  déclare  Lessing, 
«  ein  Zeugniss,  Avelches  sich  von  einem  andern,  als  von  Cochlâus 
herschreibt,  und  gleich  in  den  ersten  Jahren  ist  abgelegt  worden.  » 
Ayant  cité  un  passage  de  ce  témoignage,  il  poursuit  :  «  Wirft  dièse 
Stelle,  wenn  anders  die  Umstânde  wahr  sind,  die  ich  davon  vorge- 
geben  habe,  nicht  ailes,  was  Herr  Kraft  in  dem  vorigen  behauptet  hat, 
auf  einmal  ûber  den  Haufen?  Ich  sollte  es  meinen.  » 

Il  s'agit  d'un  correspondant  du  savant  lombard  Pedro  Mârtir  de 
Anghiera,  l'un  des  prédicateurs  de  l'Évangile  de  la  Renaissance  en 
Espagne,  qui  mourut  évêque  de  Grenade,  et  les  deux  épîtres  que  cite 
Lessing,  signées  «  Alphonsus  Valdesius  » ,  sont  datées,  l'une  de  Bruxelles, 
3i  août  i52o,  l'autre  de  Worms,  i5  mai  lôai.  Pas  n'est  besoin 
aujourd'hui  d'en  détailler  le  contenu,  familier,  à  coup  sûr,  aux  hispa- 
nisants qui  ont  étudié  la  question  des  hétérodoxes  espagnols,  et,  en 
particulier,  la  vie  et  les  œuvres  d'Alonso  et  Juan  de  Valdés  dans  les 
ouvrages  de  E,   Bœhmer  et  les  deuxième  et  troisième  volumes  des 


écTiis.  Cf.  Journal  des  Sçavans,  3.\TÏ\  1726,  p.  277;  mai  1794,  p.  345,  et  Mémoires  de 
Trévoux  d'avril  1726,  p.  676  seq.  —  Les  Mémoires  de  Trévoux  de  iuin  l'jSo,  p.  looo-ioiS, 
contiennent  un  plaidoyer  pro  domo  en  faveur  des  Maximes  de  Balthazar  Gracien,  parues 
cette  même  année  à  Paris  chez  Rollin,  dans  la  traduction,  également,  deCourbeville. 
I.  Sur  l'état  d'âme  de  Lessing  à  l'endroit  des  Berlinois,  rappelons  l'existence 
d'une  étude  que  les  Lessingforscher  se  gardent  bien  de  mentionner,  malgré  son  incon- 
testable valeur  :  Berlin  und  Lessing.  Friedrich  der  Grosse  und  die  deutsche  Lit.  par  «  Xan- 
thippus  ï)  (Mûnchen  und  Lpzg.,  1886).  11  y  a  sur  elle  un  compte  rendu  dans  die  Neue 
Zcit,  1888,  p.  32  1-325. 


l4o       CONTRIBUTIONS   A.   l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Heterodoxos  espanoles  de  M.  Menéndez  y  Pelayo,  pour  ne  mentionner 
ici  que  la  littérature  primordiale  et  indispensable  sur  cette  matière 
non  encore  définitivement  élucidée,  car  il  faudra  bien  que  l'on  se 
décide  quelque  jour  à  étudier  un  peu  plus  scientifiquement  le 
problème  de  la  paternité  du  Didlogo  de  la  lengua,  v.  gr.  La  découverte 
—  et  l'on  peut  dire  que  c'en  eût  été  une  en  1754  —  dont  Lessing, 
usant  d'une  très  habile  équivoque,  s'attribue  l'honneur,  appartient, 
en  réalité,  au  laborieux  Baumgarten.  Celui-ci,  au  7"""  volume  de  ses 
Nachrichten  von  elner  hallischen  Bibliothek,  fascicule  de  juin  1761, 
avait,  en  eff'et,  publié  l'article  suivant  : 

DCCCCXXIII 

1018.  —  Opas  epistolaram  Pelri  Martyris,  Anglerii  Mediolanensis,  Proto- 
notarii  apostolici,  etc.,  etc.  Editio  postrema.  Amstelodami,  apud  Danielem 
Elzevirium  CID  IDC  LXX.  In  Folio  von  US6,  32  und  63  Seiten,  ohne  26  Seiten 
der  Zaschrift,  Vorreden  und  des  Verzeichnisses. 

Die  erste  Ausgabe  dieser  schàtzbaren  Sammlung  von  Briefen  ist  zu  Com- 
plut im  Jahr  i53o  ans  Licht  getreten.  [Suivent  des  indications  sur  l'édition 
actuelle,  qui  concluent  ainsi  :  ]  wodurch  die  ungemeine  Seltenheit  derselben 
zwar  merkiich  vermindert,  doch  nicht  ganz  aufgehoben  worden  :  indemHr. 
Vogt  in  catal.  libror.  rarior.,  p.  ,445  ganz  richtig  schreibet  :  recusae  etiam 
sunt  hae  Martyris  epistolae  Amstelodami  1670  apud  Elzevirios,  qui  tamen 
pauca  tantum  exemplaria,  et  adeo  parca  manu  publicarunt,  ut  semper 
rarus  maneat  liber.  Von  Petro  Martyre  aus  Anghiera  im  Herzogtlium  Mailand 
sind  zu  vergleichen  Nicerons  tom.  28,  p.  202-216  und  Joh.  Alb.  Fabricii 
biblioth.  lat.  med.  et  infimae  aetatis  vol.  5.,  p.  788-790',  welche  beide 
mehrere  Schriftsteller  anfûhren,  die  von  demselben  und  seinen  ûbrigen 
Schriften  handeln.  Er  wird  sehr  hâufigmit  Pet.  Martyre  Vermilio  aus  Florenz 
verwechselt,  welches  im  indice  auctorum  des  Catalogi  der  Ludwigischen 
Bibliothek  geschehen.  Die  allhier  gelieferten  Briefe  sind  81 3  an  der  Zabi, 
und  der  Zeitfolge  nach,  in  38  Bûcher  eingetheilet  :  sie  erstrecken  sich  vom 
Januario  i488  bis  in  den  Sommer  des  Jalires  i525,  und  enthalten  viel 
merkwûrdige  Nachrichten  von  den  Regierungen  des  Krmigs  Ferdinandi 
Catholici  und  des  Kaisers  Caroli  5.  Unter  den  Briefen  des  Jahres  i52i  hat 
der  Verfasser  einem  seiner  Briefe  ein  aus  Worms  vom  Alph.  Valdesio  erhaltenes 
Schreiben  einverleibet,  in  loelchem  Lutheri  Verhôr  auf  dem  Reichstage  nebst 
den  Folgen  desselben  beschrieben,  und  mit  folgenden  Worten  beschlossen 
ivird  [suivent  les  dernières  phrases  de  la  lettre,  éd.  d'Amsterdam,  p.  4i2, 

I.  Le  t.  23  des  Mémoires  est  de  1783  :  c'est  sur  les  données  de  l'article  de  Niceron 
que  Chaufepié  a  rédigé  son  article  sur  P.  Martyr,  au  t.  111,  1703  (p.  47-/19)  du  Supplé- 
ment au  Dicl.  Crit.  —  L'article  de  Fabricius  auquel  renvoie  Baumgarten  n'est  qu'une 
médiocre  compilation  de  M.  Antonio  (11,  872)  et  de  Niceron,  plus  quelques  renseigne- 
ments bibliographiques  [Jo.  Alberti  Fabricii  ss.  Theolo.  D.  et  prof.  publ.  bibliotheca 
latina  mediae  et  in/imae  aetatis,  vol.  quintum,  Hamburgi  1736.]  Dans  l'édition  d'Amster- 
dam de  l'Opus  Epistolarum,  les  32  pages  qui  suivent  les  Epistolae  contiennent  la  tra- 
duction latine  des  lettres  de  Hernando  del  Pulgar,  et  les  63  dernières  les  Claros 
Varones  de  Castiila,  du  même. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPAMSME    DE    LESSING  l4l 

n°  722  :  Luth,  ejusque  docirina  ex  epistola  Valdesii,  qui  est  l'une  des  deux  que 
va  «  révéler  »  Lessing]  ' . 

Si  l'on  compare  aux  passages  de  l'article  de  Baumgarten  les  asser- 
tions de  Lessing,  sa  distinction  entre  les  deux  P.  Martyr  (nicht  Vermiliam 
sondern  Anglerium  [M.  V,  356]),  les  quelques  renseignements  qu'il 
donne  sur  P.  Martyr  de  Anghiera,  sur  ses  lettres  en  particulier  (sie  sind 
das  erstemal  im  Jahre  1530  zii  Complut  2  in  Folio  gedruckt,  iind  von 
den  ElzevirenimJahr  1610  zu Amsterdam,  in  ebem  demselben  Formate, 
nachgedrackt  loorden;  doch  hat  man  niir  sehr  ivenige  Exemplare  davon 
abgezogen,  so  dass  sie  dieser  neuen  Aujlage  ohngeachtet,  gleichwohl 
noch  ein  sehr  rares  Buch  bleiben),  on  appréciera  à  sa  juste  valeur  la 
rouerie  de  Lessing,  qui,  d'ailleurs,  a  eu  soin,  par  une  circonlocution, 
de  ménager  la  juste  susceptibilité  du  professeur  de  théologie  de  Halle. 
«  Ich  \vûsste  nicht,  »  a-t-il  déclaré,  «  einen  einzigen  Schriftsteller,  der 
sich  mit  der  Reformationsgeschichte  abgegeben  hâtte,  und  ihrer  [les 
lettres  en  questions]  gedâchte  3.  »  Baumgarten  était,  du  fait  de  ce  dis- 
tinguo, mis  hors  de  cause.  L'auteur  des  Nachrichten  n'appartenait  pas, 
au  surplus,  à  la  catégorie  des  savants  dangereux  et  unissait  à  sa  vaste 
érudition  une  modestie  rassurante  de  Slubengelehrter  par  excellence. 
Lessing  n'avait  pas  à  craindre,  de  sa  part,  une  désagréable  riposte. 
Aussi  longtemps  qu'il  ne  s'agit  que  de  s'approprier  les  découvertes 
d'autrui,  la  science  hispanique  de  Lessing  ne  bronche  que  par  inter- 
valles, selon  les  déviations  accidentelles  de  qui  lui  sert  de  guide.  Livré 
à  lui-même,  le  vaillant  pionnier  semble  frappé  d'ataxie.  Il  avait,  à  propos 
d' (i  Alphonsus  Valdesius»,  correspondant  de  P.  Martyr,  une  occasion 
remarquable  de  mettre  en  œuvre  sa  sagacité  bibliographique  en  iden- 
tifiant ce  personnage.  La  besogne,  pour  ardue  qu'elle  fût,  n'était  pas, 
à  l'époque^  impossible.  Elle  exigeait  seulement  une  autre  méthode  que 
l'utilisation  de  sources  banales  d'information  et  de  compilations  de  la 


1.  L'autre  est  p.  38o,  n°  689.  Il  était  facile,  une  fois  sur  la  piste  du  volume,  de 
la  tiouver  à  la  table  des  matières,  d'autant  plus  que  som  titre  est  assez  net  :  De  nova 
secta  Latheranorum  apud  Germanos  exorta.  Elle  débute  par  l'indication  qui  restera 
mystérieuse  pour  Lessing  :  a  Quae  in  Regnis  gerantur,  vos  non  latent.  Ex  his  quae 
ab  exteris  habemus,  legite  prodigium  horrendum  mihi  ab  Alfonso  Valdesio  magnae 
spei  juvene,  cujus  patrem  Ferdinandum  do  Valdes  Rectorem  Conchensem  nostis,  non 
minus  fideliter  quam  ornate  descriptum,  cujus  epistola  sic  habet.  » 

2.  Lessing,  qui  emploie  la  graphie  Amsterdam  et  non  Amstelodamum,  écrit  Complut 
et  semble  ignorer  que  ce  vocable  hybride  est  un  non-sens.  Du  moins  copie-t-il  Baum- 
garten. Mais  que  penser  de  la  bévue  suivante  :  Der  Léser  mag  es  selbst  untersuchen, 
was  der  Hector  Conchensis  sey,  of  man  einen  Statthalter  oder  einen  Schulrektor 
in  Concbes,  oder  was  man  sonst  daruntcr  verstehen  solle.  —  Lessing  confond  donc 
le  recior  de  P.  Martyr  avec  correcior,  seul  vocable  latin  qui  rende  le  terme  castillan 
corregidor  —  on  sait,  depuis  que  Fermin  Caballcro  l'a  démontré  (Conquenses  ilustres. 
IV.  A.  y  J.  de  V.  [Madrid,  1875],  p.  67;,  que  Ferrando  Valdés  fut  regidor,  c'est-à-dire 
membre  de  VAyunlamiento,  de  Cuenca,  —  et  Cuenca  avec  Conches,  bourgade  normande, 
patrie  de  ce  libre  penseur  du  xii«  siècle  que  semble  avoir  été  Guillaume  de  Conches! 

3.  M.  V.,  p.  357. 


î^2       CONTRIBUTIFS    A    1,'ÉTUDE    DE    l/ HISPANISME    DE    O.    E.    LESSINO 

polyhistoire  I.  Elle  ne  tenta  pas  Lessing.  Il  s'est  borné  à  mentionner,  à 
à  propos  de  cet  énigmatique  «  Valdesius  »,  un  «  Johann  Valdesius, 
der  in  Napoles  denersten  Saamen  des  Lutherthums  ausgestreuet  hat.  » 
Il  n'était,  pour  ce,  besoin  que  d'ouvrir,  sinon  Bayle,  du  moins  le 
Jôcher  (lY,  1898),  qui  avait,  d'ailleurs,  puisé  dans  le  Dict.  Crit.  2  les 
informations  de  sa  notice  sur  : 

«  Valdes  (Joh.J,  ein  spanischer  Ritter  und  JCtus,  bemûhete  sich  die  Refor- 
mation im  Kônigreich  Neapolis  einzufiihren,  und  soll  aufeiner  Reise,  die  er  nach 
Deutschland  gethan,  die  evangelische  Lehre  eingesogen  haben,  massen  er  nach 
seiner  Zariickkiinfft  ingeheim  einige  Versammlungen  nach  Art  der  lutherischen 
Kirchen  hielle.  Allein  die  Inquisition  stôrte  sie  gar  bald.  Er  war  nicht 
verehligt,  lebte  sehr  eingezogen,  und  starb  zu  Neapolis  ibW.  In  der  Lehre 
von  der  heiligen  Dreyeinigkeit  hielt  er  es  mit  den  Unitariis,  und  seine 
vornehmsten  Biicher  sind  :  Dialogi  Charon  &Mercurius;  considerationes 
decem  divinae  in  Psalmos  aliquot;  in  evang.  Matthaei;  in  evan.  Joh.;  in 
epist.  ad  Rom.  &  Corinthios,  etc.  B[ayle,  Dict.  hist.  et  crit.]  Ant[omt 
bibl.  hisp.]  3.  » 


Martin  del  Rio. 

(M.,  V,  3 10.) 

Dans  sa  Reltung  des  Hier.  Cardanus,  Lessing  écrit  : 

<(  Er  soll  so  ein  Buch  geschrieben  haben,  welches  er  zwar  nicht  drucken 
lassen,  aber  doch  heimlich  seinen  Freunden  gewiesen.  Und  wer  ist  denn 

1.  Si  Lessing  eût  pu  difficilement  se  procurer,  ou  même  connaître  la  Historia  de 
la  muy  noble  y  leal  ciudad  de  Cuenca  (Madrid,  1629)  de  J.  P.  Martyr  Rizo,  où  il  eût 
recueilli  au  ch.  IX,  p.  28^,  des  renseignements  sur  les  deux  Valdés,  du  moins  n'avait-il 
qu'à  feuilleter  une  des  nombreuses  éditions  de  VOpus  Epislolariim  d'Erasme  pour  y 
trouver  9  lettres  du  théologien  de  Rotterdam  à  Alonso  et  Juan  de  V.,  de  1527  à  i53i, 
ainsi  qu'une  lettre  de  Alonso  à  Erasme,  de  1527.  De  même,  la  connaissance  de  livres 
aussi  répandus  que  VIstoria  civile  del  Regno  di  NapoU  de  P.  Giannone  —  qui  venait 
justement  d'être  réimprimée  en  1753  à  Genève  avec  l'indication  de  La  Haye  —  ou  aussi 
facilement  accessibles  que  le  Corps  universel  diplomatique  du  droit  des  gens,  etc.  deJ.  Dû- 
ment et  J.  Rousset(Amst.  1726,  8  vol.  in-fol.)  lui  eût  appris  que  A.  de  V.  était  secré- 
taire de  Charles-Quint. 

2.  Ed.  cit.  IV,  /ii5-4i6.  Sur  les  3  lettres  de  Alonso  de  V.  à  P.  Martyr  et  leur  valeur 
historique,  cf.  le  Petrus  Martyr  Anglerius  und  sein  Opus  Epistolaruni  (Strassb.,  1891)  de 
J.  Bernays,  p.  i36  seq. 

3.  A  l'article  l'enusseuche  des  CoUectanea  (M.  XV,  890),  Lessing  a  cité  les  Epitres 
de  P.  Martyr  comme  argument  en  faveur  de  la  thèse  de  l'origine  européenne  de  la 
syphilis  :  «  Ich  kann  beweisen,  dass  die  Venusseuche  cher  in  Spanien  grassiert  hat, 
aïs  man  gemeiniglich  annimmt,  namlich  weit  cher  als  Columbus  das  erste  Mal  aus 
Amerika  zurùckgekommen.  Und  dièses  zwar  aus  einem  Briefe  des  Petrus  Martyr.  » 
Lessing  ne  daigne  pas  indiquer  dans  quelle  lettre  il  a  trouvé  celte  «preuve».  C'est 
certainement  dans  la  dernière  du  1"  li\Te.  adressée  à  Arias  Barbosa  (Ario  Lusitano 
Graecas  Lileras  Salmanticae  ProJ'itenti  valetudinario),  où  P.  Martyr  déplore  de  le  savoir 
atteint  «<  du  mal  français,  que  les  Espagnols  appellent  bubas  ».  On  sait  que  la  chrono- 


LA.    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPAMSME    DE    LESSI>G  1 43 

der  Wàhrmann  dièses  Yorgebens?  Kein  anderer  als  Marlinus  del  Rio  fDis- 
put.  Magic,  Tom.  I,  Lib.  llj.  Wenn  man  es  noch  glauben  avIU,  so  muss  man 
diesen  Spanier  nicht  kennen.  » 

Lessing  n'a  vraisemblablement  connu  Martin  del  Rio  que  par 
Bayle,  qui,  du  moins,  transcrivait  exactement  le  titre  de  l'ouvrage  du 
jésuite  espagnol,  et  précisait  le  passage  où  se  trouve  l'imputation 
dirigée  contre  le  médecin  et  géomètre  de  Pavie.  Il  n'eu  donne  pas 
moins,  avec  sa  coutumière  modestie,  sa  propre  dissertation  comme 
un  bon  supplément  à  l'article  du  Dict.  Crit. 

«Man  wird»,  dit-il,  «  es  aïs  einen  guten  Zusatz  zu  dem  Artikel  ansehen 
kônnen,  welchen  Bayle,  in  seinem  kritischen  Wôrterbuche,  von  diesem 
Gelehrten  gemacht  bat.  » 

Bayle  parlait  de  del  Rio  à  l'article  Cardan  (Dict.  Crit.,  II  [1780], 
p.  5i,  note  D)  : 

((  Je  ne  voudrois  pas  pourtant  ou  nier  ou  affirmer  ce  que  j'ai  lu  dans 
Martin  del  Rio.  Cet  auteur  assure  que  Cardan  avoit  composé  un  Livre  de  la 
Mortalité  de  l'Ame,  lequel  il  montroit  quelquefois  à  ses  bons  amis  (Del 
Rio,  Disquisit.  Magicar.  Tom.  I,  Libr.  II,  quaestion.  XXVI,  Sect.  II,  pag.  m. 
2o5J.  Ce  livre  n'a  jamais  été  imprimé  :  au  contraire,  le  public  a  vu  un 
ouvrage  de  Cardan  touchant  l'Immortalité  de  l'Ame,  où  quelques-uns 
trouvent  mauvais  qu'il  ait  dit  que  le  destin  et  que  les  Conseils  lui  défen- 
doient  de  déclarer  tout  ce  qu'il  pensoit  sur  cette  matière  '.  » 

logie  de  cette  épître  est  très  sérieusement  contestée  par  les  syphiligraplies.  D'autre 
part,  Lessing  semble  bien  avoir  ignoré  l'ouvrage  capital  de  J.  Astruc,  dont  Veditio 
altéra  avait  paru  en  17^0  à  Paris  en  deux  tomes  (De  morbis  Venereis  Librinovem,  etc.): 
sinon,  il  eût  peut-être  hésité  à  écrire  ce  ich  kannbeweisen  sur  la  foi  d'un  chef  de  preuve 
aussi  faible  que  le  sien. 

1.  Bayle  renvoie,  sur  la  foi  de  cet  effroyable  écrivassier  du  xvii'  siècle,  le  P.  Th. 
Raynaud:  aErotem.  IVde  bonisac  malis  Libris,  num.  fii)),  à  un  prétendu  uDe  Animaruni 
Immortalitate,  Cap.  13,  p.  280  »,  de  Girolamo  Cardano.  Je  me  suis  reporté  au  ch.  XIII 
(Sententiae  antiquorum  de  Anima)  du  Liber  de  Immortalitate  Animorum  (Lugduni,  i5/(5, 
in-8)  et  n'y  ai  rien  trouvé  de  semblable.  Cf.  en  outre  la  Réponse  au.r  questions  d'un 
provincial,  1  (Rott.  1704),  ch.  XVI  :  De  Martin  Antoine  del-Rio.  —  De  nos  jours,  M.  Me- 
néndez  y  Pelayo  a  tenté  l'apologie  de  del  Rio,  que  les  libres  penseurs  du  xvm'  siècle 
avaient  taxé  à  sa  valeur  :  cf.  l'article  de  P.  Marchand  dans  son  Diction.  Histor.  (La 
Haye,  lyôS),  I,  i3/i,  note  C.  Le  théologien  de  Salamanque  —  qui  osa  lancer  de  nouveau 
l'absurde  fable  de  la  naissance  de  Luther  d'un  bouc  avec  une  femme,  dont  Voltaire 
s'est  moqué  à  juste  titre  à  l'article  Bouc  des  Questions  sur  l'Encyclopédie  {i-j-jo)  [éd. 
Moland  des  Œuvres  compl.,  t.  XVIII,  p.  i3]  —  est  pour  M.  Menéndez  y  Pelayo  (Hetero- 
doxos  Esp.,  11,  p.  655)  la  u  gloria  insigne  de  la  Compania  de  Jesiis,  portento  de 
erudiciôn  y  doctrina  »  et  son  livre  sur  la  magie  «  el  màs  erudito  y  metôdico  y  el 
mejor  heclio  de  cuanlos  hay  sobre  la  materia,  y  libro  que  en  su  l'iltima  parte 
llego  à  hacer  jurisprudcncia,  siendo  consultado  casi  con  la  veneraciôn  (sic)  debida 
a  un  côdigo  por  teôlogos  y  juristas».  N'en  déplaise  à  l'éminent  professeur  de  l'Uni- 
versité de  Madrid,  Del  Rio  fut  et  restera,  comme  l'a  qualifié  M.  E.  Hubert,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Liège,  à  l'art.  Del  Rio  de  la  Grande  Encyclopédie  (t.  XIV, 
p.  12)  un  «  esprit  étroit  »,  pour  ne  rien  dire  de  plus  sévère.  Il  y  a,  sur  l'ouvrage  du 
Jésuite  hispano-belge,  une  bonne  analyse  et  un  bon  jugement  dans  l'article  ^/arim 
del  Rio,  par  M.  Alphonse  Le  Roy,  au  t.  V  (p.  476-491)  de  la  Biographie  Nationale  de 
Belgique  (Brux.,  1876.)  Cf.  aussi,  à  cause  des  références  bibliographiques,  l'article 
de  Baur  dans  l'Allg.  Encycl.  de  Ersch  et  Gruber,  25.  Thl.  (Lpzg.,  1882),  p.  4^3. 


l44      CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Le  passage  de  del  Rio  {Disquisitionum  magicaruin  libri  sex  in  très 
tomos  partiti,  Maguntiae,  MDCIII,  t.  I,  p.  197)  a  la  teneur  suivante  : 

«  Sed  Cardanus  addit  errorem  eirori,  dum  censet  (homo  de  immortalitate 
animae  dubius,  ut  indicant  omnes  ferè  illius  libri  editi  :  et  maxime  quem 
inscripserat,  sed  non  ediderat,  amicis  autem  familiarioribus  aliquando 
ostendebat,  de  animae  mortalitate  liber)  apparitiones  omnes  imaginarias  esse 
et  species  illarum  primas  imaginando  tantùm  concipi  opinatur.  » 

La  phrase  de  Lessing  :  «  wenn  man  es  noch  glauben  will,  so  muss 
man  diesen  Spanier  nicht  kennen  »,  affecte  une  connaissance  person- 
nelle de  del  Rio  et  de  ses  Œuvres  qui  pourrait  n'avoir  été,  à  la  date 
1754,  étayée  que  sur  les  trois  jugements  portés  par  Bayle,  en  trois 
passages  du  Dict.,  sur  l'auteur  des  Dis qaisH.  Magic . k  Y avUcIq  Agrippa 
(I,  io3,  note  P),  Bayle  démontre  lumineusement  combien  la  méthode 
du  jésuite  est  arbitraire  et  choque  la  saine  critique  historique,  et 
conclut  qu'il  serait  loisible  de  u  se  dispenser  de  répondre  à  Martin  del 
Rio,  et  à  ses  consors,  jusques  à  ce  qu'ils  eussent  un  peu  arrangé  les 
circonstances  des  tems  et  des  lieux  ».  A  l'article  Bacon  (I,  4i6, 
note  C),  Bayle  définit  del  Rio  :  ((  l'homme  du  monde  qui  sur  ces  matières- 
là  [la  superstition]  prodigue  le  moins  son  absolution  aux  personnes 
soupçonnées.  »  Enfin,  à  l'article  Zahuris  (IV,  53 1),  il  affirme  mali- 
cieusement, après  avoir  exposé  les  vues  grotesques  de  del  Rio  sur  les 
géomanciens  et  cette  superstition  populaire,  que  celui-ci  «  ne  raisonne 
pas  bien  conséquemment  sur  ce  que  l'on  conte  de  ces  gens-là  ». 


Montiano  et  la  Virginia. 

(M.  VI,  70-120.) 

Au  premier  chapitre  de  la  Theatralische  Bibliothek,  éditée  par 
Lessing  à  Berlin  en  4  Stiicke,  dont  les  deux  premiers  parurent  en 
1754,  le  3""  en  1755,  et  le  4^  en  1758, 

«  sehen  wir  ihn,  »  déclare  Boxberger,  62,  p.  ii-xii,  »  zum  erstenmal  auj 
eigenen  Fûssen  stehen...  Aber  die  Zeitschrift  sollte  ausgesprocbenermassen 
«  eine  kritische  Geschichte  des  Theaters  zu  allen  Zeiten  und  bei  allen  Vôlkern  » 
enthalten,  und  wùrde,  wenn  sie  ihr  Dasein  langer  gefristet  batte,  diesem 
Ziele  sich  gewiss  immer  mehr  genàhert  haben.  Wenigstens  hàtten  luir  inté- 
ressante Aufschlûsse  auch  noch  iiber  das,  damais  den  Deutschen  noch  gànzlich 
unbekannte,  spanische  Theater  zu  erwarten  gehabt,  mit  dessen  Stadium  sich 
Lessing  mit  Mylius  seit  seinem  ersten  Aufenthalte  in  Berlin  beschàftigte  ' .  » 

I.  Inutile  de  souligner  l'arbitraire  de  laconclusion  de  la  vaticination  deBoxberger. 
Nous  savons,  par  le  passage  de  K.  Lessing  cité  dans  la  Préface,  que  Lessing  étudia  un 
certain  temps  le  castillan  en  compagnie  de  Mylius;  avec  quel  succès,  nous  l'avons  vu 
par  l'aventure  des  Tilleuls.  I\'ous  n'en  savons  pas  davantage. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPANISME    DE    LESSING  l45 

Boxberger  a  eu  tort  de  croire  Lessing  sur  parole  et  aurait  lait 
preuve  de  plus  de  sens  critique  en  contrôlant  les  promesses  de  la 
Theatr.  Bibl.  Elles  ne  sont,  il  est  vrai,  rien  moins  que  mesurées  : 
«  Ich  schmeichte  mir,  »  déclare  Lessing  dans  l'Avis  précédant  sa  pre- 
mière «  révélation  du  théâtre  espagnol  »  [M.,  VI,  70-73),  et  après 
avoir  insisté  sur  l'ignorance  où  l'on  vit  dans  son  pays  concernant  la 
littérature  espagnole,  «  dass  schon  die  gegenwàrtige  Nachricht  ihn 
[le  concept  de  cette  même  littérature]  um  ein  grosses  erhôhen  wird, 
und  dass  meine  Léser  erjreut  seyn  luerden,  den  grossten  tragischen 
Dichter  kennen  zu  lernen,  den  jetzt  Spanien  aufweisen,  und  ihn  seinen 
Nachbarn  entgegenstellen  kann.  » 

Ainsi,  Lessing  va  faire  connaître  à  ses  compatriotes  le  plus  grand 
poète  tragique  contemporain  de  l'Espagne,  un  génie  qu'elle  est  en 
droit  d'opposer  avec  fierté  aux  meilleurs  dramaturges  des  scènes 
welsches,  un  second  Lope,  s'il  était  possible.  A  l'entendre  parler  en 
termes  si  prometteurs  de  son  héros,  on  attend  de  lui  qu'il  se  soit,  par 
un  commerce  assidu  avec  ses  œuvres,  et,  qui  sait  peut-être,  lui  qui 
manie  avec  tant  d'aisance  le  castillan,  par  une  correspondance  fami- 
lière, du  genre  de  celle  qu'entretenaient  des  érudits  germains  avec 
Mayâns,  mis  à  même  de  formuler  sur  ce  génie  un  jugement  fondé 
en  raison,  issu  de  la  vivante  et  .immédiate  réalité?  Ce  serait  trop 
présumer  du  premier  «  hispanisant  »  d'Allemagne  que  de  nourrir  ce 
légitime  espoir.  Une  petite  note,  qui  n'a  l'air  de  rien  et  qui  clôture  le 
pompeux  exposé  dont  a  été  transcrite  la  phrase  concernant  l'Es- 
pagne, nous  apprend  que  «  ich  habe  nicht  so  glûcklich  seyn  konnen^ 
das  spanische  Original  der  Virginia  zu  bekommen  und  bin  also 
genôthiget  gewesen,  mich  der  franzôsischen  Uebersetzung  des  Herrn 
Hermilly  zu  bedienen,  die  in  diesem  Jahre  in  zwey  kleinen  Octav- 
bânden  in  Paris  an  das  Licht  getreten  ist».  Boxberger  n'avait-il  pas 
raison  de  proclamer  que,  pour  la  première  fois,  Lessing  n'empruntait 
plus,  pour  marcher,  les  jambes  d'autrui?  Mais  encore,  c'est  à  l'auteur 
de  la  Virginia  qu'il  en  a.  C'est  à  lui,  premier  poète  tragique  de 
FEspagne  francisée,  qu'il  a  entrepris  de  conférer,  sur  les  pages  de  sa 
Theatralische  Bibliolhek,  l'immortalité  alUemande.  Malheureusement, 
et  quels  qu'aient  été  les  efforts  accumulés  par  son  zèle,  il  lui  a  été 
radicalement  impossible  de  mettre  la  main  sur  un  exemplaire 
espagnol  du  chef-d'oeuvre  qu'il  va  traduire.  Depuis  la  date  où  — 
c'était,  on  s'en  souvient,  le  11  juin  1761  —  il  apprenait,  par  le  Jour- 
nal des  Sçavans,  que  «  pour  achever  de  convaincre  les  incrédules  sur 
le  goût  qu'on  a  dans  sa  Nation  pour  la  Tragédie...  il  [Montiano]  nous 
donne  une  tragédie  de  sa  composition  intitulée  Virginie-»,  jusqu'à 
l'an  1754,  ses  demandes,  instantes  et  répétées,  aux  libraires,  et,  sans 
doute,  à  l'auteur  sont  restées  vaines.  La  création  castillane  étant,  en 
sa  forme  virginale,  inaccessible,  il  s'est  «  vu  contraint  »  de  se  «  servir  » 


l46       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

de  sa  contrefaçon  franque,  et  ce  à  son  corps  défendant,  car  il  ne  sait 
que  trop  combien  les  littérateurs  des  prés  fleuris  qui  bordent  la  Seine 
en  prennent  à  leur  aise,  même,  et  surtout,  avec  une  Virginia,  et  que 
seul  ses  honnêtes  Allemands  manient  avec  le  doigté  convenable 
d'aussi  délicates  fleurs  exotiques.  Et  non  seulement  il  a  dû  retraduire 
la  «  version  »  de  D'Hermilly,  mais  tout  ce  qu'il  est  capable  de  relater 
sur  le  premier  tragique  espagnol  de  son  siècle,  c'est  encore  dans  ce 
Français  superficiel  et  inexact  qu'il  lui  a  fallu  le  copier,  évidemment 
parce  que  le  «  stolzer  Spanier'  »  qu'est  le  père  de  la  Virginia  eût  cru 
déroger  à  son  hidalguia  en  rédigeant  pour  un  simple  magisier  saxon 
la  notice  individuelle  requise... 

Peut-être  nous  reprochera-t-on  d'accentuer  l'ironie  et  d'aggraver  à 
plaisir  la  pétulance  d'un  jeune  littérateur  ayant  entrepris  une  tâche 
au-dessus  de  ses  forces,  mais  auquel  il  n'est  que  juste  de  pardonner, 
vu  l'excellence  de  l'intention,  la  pauvreté  de  la  réalisation.  Reproche 
dont  j'ai  pesé,  avant  d'écrire  les  lignes  qui  précèdent,  la  portée,  mais 
qui,  en  présence  du  langage  que  tiennent  et  de  la  méthode  que 
suivent  de  modernes  Lessingjorscher  germaniques,  ne  m'a  point  paru 
suffisant  pour  retenir  ma  plume.  J'ai  transcrit  l'appréciation  de 
Boxberger.  Elle  est  déjà,  à  elle  seule,  caractéristique.  Mais  que  penser 
du  procédé  de  M.  Muncker,  lequel,  chargé  d'une  édition  définitive 
des  Œuvres  de  Lessing,  édition  dont  la  lenteur  semblait  devoir 
garantir  le  caractère  scientifique,  a  fait  à  un  misérable  plagiat  sans 
ombre  d'originalité  l'honneur  d'une  réimpression  intégrale,  alors  que 
son  principe  éditorial  était  d'exclure  de  sa  collection  les  productions 
de  Lessing  qui  ne  sont  pas,  au  moins  par  quelque  côté,  originales? 
Que  penser  de  sa  déclaration  au  t.  VI  —  Vorrede,  p,  vi  —  que  l'ana- 
lyse de  la  Virginia  représentait  neine  mitanler  Jreie ,  namenilich  in  der 
logischen  Verbindung  der  einzelnen  Scitze  selbstàndige  (sic)  Ueber- 
setzung  »,  déclaration  dont  il  n'a,  cependant,  pas  laissé  de  sentir  la 
faiblesse,  puisqu'il  a  cru  devoir  la  rectifier  par  cette  maladroite  excuse: 

alch  kann  meinen  Abdruck  dièses  Auszuges  nur  damit  entschuldigen,  dass 
ich  das  franzosische    Buch  erst  zu  Gesichte  bekam,    nachdem  jener  bereits 

1.  Telle  est  du  moins  l'expression  dont  se  sert,  pour  qualifier  Montiano, 
M.  E.  Schmidt  (II,  4).  11  lui  serait  difficile  de  la  justifier  documentairement.  Tous 
les  témoignages  connus  sur  le  président  de  l'Académie  de  l'Histoire  nous  le 
représentent  comme  un  érudit  simple  et  afifable,  au  cœur  compatissant  et  large, 
dépourvu  de  cet  orgueil  qu'une  locution  devenue  proverbiale  en  Allemagne  attribue 
à  l'Espagnol.  Cf.  VOracion  Funèbre  lue  à  l'Ac.  de  l'Histoire  par  le  P.  Mro.  Fray  Alonso 
Cano  et  imprimée  à  Madrid  en  1765,  in-4°  de  29  p.,  VElogio  Histôrico  de  Trigueros  au 
t.  Il  des  J/emorias  de  la  Academia  Sevillana  de  Buenos  Letras  (Sevilla,  i8i3)  et  l'excellent 
article  sur  Montiano  dans  le  Dicc.  Encicl.  Hisp.-Amer.,  t.  \II1  (Barcelone,  iSgS),  p.  408. 
En  187G,  le  zélé  commentateur  de  la  Dramaturgie,  W.  Cosack,  prenait  encore  pour 
de  la  bonne  monnaie  et  de  la  science  originale  le  passage  sur  Montiano  dans  la  Theatr. 
Bibl.  et  avouait  ne  pas  pouvoir  mieux  dire  que  Lessing  sur  ce  personnage.  «  VVeiter 
reicht  die  Biographie  bei  Lessing  nicht,  und  andere  Quellen  ûber  die  fernercn 
Lebensschicksale  und  ùbcr  das  Tudesjahr  liabc  ich  niclil  auftrcibcn  koniien.  » 


L.V    NATURE    ET    LES    SOUUCES    DE    I.'hISPANISME    DE    LESSI>'G  1^7 

erfolgt  war,  vorher  aber  in  der  Ungewissheit,  ob  Lessing  nicht  vielleicht  doch 
fréter  mit  Hermillys  Arbeit  verfahren  sei,  lieber  :u  viel  als  zu  icenig  gebeii 
wolUe.  >) 

Si  l'on  songe  que  la  traduction  de  D'Hermilly  se  trouve  à  Munich 
même,  où  professe  M.  Muncker,  à  la  Hof-  und  Staatsbibliothek  sous 
la  cote  P.  0.  hisp.  IU'2  —  je  l'ai  moi-même  eue  en  mains,  —  on  appré- 
ciera à  sa  juste  valeur  l'argument  de  l'éditeur  universitaire  de  Lessing. 
D'autre  part,  comment  qualifier  la  méthode  de  M.  Erich  Schmidt, 
lequel,  ayant  déclaré —  ce  qui  est  tout  à  fait  exact  —  qu'à  la  date  de 
la  Thcatral.  BibL,  Lessing  ne  connaît  rien  de  l'Espagne,  pas  même  les 
noms  de  Calderon  et  de  Lope  (I,  291),  n'en  écrit  pas  moins,  à  propos 
de  cette  «  merk^vurdige  Entdeckung  »  que  son  héros  prétendait  avoir 
réalisée  dans  l'opéra-comique  de  son  ami  Christian  Félix  Weisse  :  Der 
Teiifel  isf  los,  représenté  pour  la  première  fois  en  octobre  i-ô;},  que 
cette  remarquable  découverte  «  wird  sich  auf  die  VerAvandtschaft  des 
Grundmotivs  mit  Calderon,  Holberg  und  Weise,  vielleicht  auch  mit 
Shakespeares  Rahmen  zur  «  Widerspanstigen  »  beziehen  »  ?  Donc,  en 
logique  de  Geh.  Regierungsrat,  Lessing  peut  fort  bien  ignorer  Cal- 
deron et  découvrir  tout  de  même,  dans  une  pièce  de  théâtre  imitée 
de  The  Devil  lo  pay  de  Coffey,  une  parenté  avec  un  thème  caldé- 
ronieni  !  —  Wenn  das  am  grilnen'Holze  geschiehi.... 

Pour  convaincre  qui  ne  nous  croirait  pas  sur  parole  de  la  «  liberté» 
et  de  l'a  originalité»  de  la  traduction  de  Lessing,  nous  allons  confronter 
avec  la  Préface  de  la  Dissertation  sur  les  Tragédies  Espagnoles  (Paris, 
1754) 2  le  texte  de  la  biographie  de  Montiano  qui  illustre,  dans  la  Thea- 
tralische  Bibliothek,  le  plagiat  de  la  version  de  D'Hermilly. 

D'Hermilly  :  Lessing  : 

Don  Augustin  de  Montiano  y  Don  Augustinoo  de  Montiano  y 
Luyando  est  actuellement  âgé  de  Luyando  ist  den  ersten  Marz  im  Jahrc 
cinquante-cinq  ans  accomplis,  étant  1697  gebohren. 
né  le  premier  jour  de  Mars  1O97.  Sein  Vater  und  seine  Multer  slam- 
Ses  père  et  mère  étoient  de  Familles  mten  aus  adlichen  Familien  in  Bis- 
nobles  de  Biscaye,  et  des  plus  dis-  caya,  und  zwar  aus  den  allervor- 
tinguées  de  cette  Province.  nehmsten  dieser  Provinz. 

Son  éducation  répondit  à  sa  nais-  Seine  Erziehung  war   seiner  Ge- 

sance.  Après  avoir  très  bien  fait  ses  burt  geniàss.  Naclidem  er  die  Huma- 

1.  Cf.k  propos  de  der  Teufel  isl  los:  «  der  Teujel  ist  los,  by  Christ.  Fel.  Weisse  » 
par  A.  E.  Richard,  Mod.  lang.  Notes  190G,  p.  244-245,  avec  une  référence  à  une  autre 
étude  de  l'auteur  intéressant  ce  thème. 

2.  Signalons  une  curieuse  critique  de  la  traduction  de  D'Hermilly,  tout  imbue 
de  l'esprit  bourgeois  français,  dans  L'Année  Littéraire  de  Fréron,  1754,  tome  111, 
p.  37-41. 

3.  On  voit  que  Lessing  entend,  dans  la  mesure  de  ses  forces,  corriger  son  modèle: 
Augustino,  cela  sent  mieux  son  castillan  qu'Augustin. 

G.    PITOLLET.  II 


l/jS       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'iIISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


humanités,  et  le  cours  d'études 
ordinaires  aux  jeunes  gens  de  con- 
dition, il  se  rendit  habile  philosophe 
et  jurisconsulte. 

11  sait  en  outre  les  langues  Fran- 
çoise et  Italienne,  et  il  a  quelque 
teinture  de  l'Angloise.  Dès  sa  tendre 
jeunesse  il  eut  un  goût  particulier 
pour  la  Poësie  et  pour  les  Belles- 
Lettres  :  de  sorte  qu'à  l'âge  de  vingt- 
deux  ans,  c'est-à-dire  en  1 719,  il  fit 
imprimer  à  Majorque,  in- S",  sans 
nom  d'auteur,  un  opéra  de  sa  com- 
position, intitulé  :  La  Lire  d'Orphée 
fia  lira  de  OrfeoJ,  qui  fut  chanté 
dans  différentes  saisons  à  Palma  ou 
à  Majorque,  Capitale  de  cette  Isle. 

En  1724  il  donna  encore  dans  la 
même  ville  une  Relation  in-//"  en 
prose  et  en  vers,  des  Fêtes  qui  furent 
faites  pour  la  proclamation  du  Roi 
Louis  I  ' .  Cinq  ans  après  on  lui  prit 
chez  lui  un  petit  ouvrage  en  vers  sur 
l'enlèvement  de  Dina,  fille  de  Jacob, 
dans  le  tems  qu'il  le  corrigeoit,  et  on 
le  mit  au  jour  in-ù"  a  ^ladrid  en  la 
même  année  1729. 

Ce  Poëme  a  paru  depuis  à  Barce- 
lonne,  in-8°,  mais  sans  date  d'année 
et  sans  permission,  quoique  plus 
parfait  qu'auparavant,  au  moyen 
des  corrections  que  l'Auteur  y  avoit 
faites.  11  a  pour  litre  :  El  robo  de 
Dina. 

Le  mérite  de  Don  Augustin  de 
Montiano  y  Luyando  le  fit  choisir 
en  1782,  par  le  roi  PhiUppe  V,  pour 
lui  servir  de  Secrétaire  à  l'Assemblée 
et  aux  Conférences  des  Commissaires 
Espagnols  et  Anglois.  En  1788,  il  fut 
employé  dans  la  Sccrélaircrie  des 
Dépêches  Universelles  d'Élat.    11  en- 


niora  noch  studiret.und  diegewôhn- 
lichen  AVissenschaften  eines  jungen 
Menschen  von  Stande  begriffen 
batte,  that  er  sich  als  ein  geschickter 
Weltweiser  und  Rechtsgelehrter 
vor. 

Er  vcrsleht  ûbrigens  die  franzô- 
sische  und  italianische  Sprache,  und 
bat  anscheinige  Kennlniss  von  der 
englischen.  Er  fand,  schon  in  seiner 
zartesten  Jugend,  einen  besondern 
Geschmack  an  der  Dichtkunst  und 
den  scbônen  Wissenschaften,  so, 
dass  er  bereits  in  seinem  zwey  und 
ZNvanzigsten  Jahre,  nehmlich  im 
Jahre  1719,  eine  Oper  zu  Madrid, 
ohne  seinen  Namen,  unter  dem 
Titel  die  Leyer  desOrpheus,  (La  Lira 
de  OrfeoJ  in  S''"  drucken  liess, 
welche  zu  verschiednen  Zeiten  zu 
Palma  oder  Majorca,  der  Haupstadt 
dieser  Insel,  gesungen  ward^. 

Im  Jahr  1724.  gab  er  in  ebem 
dcrselben  Stadt  eine  prosaische  und 
poetiscbc  Beschreibung  der  bey  der 
Krônung  LudAvigsdes  I.  angestellten 
Feyerlichkeiten,  in  Quart  heraus. 
Fûnf  Jahr  hernach  entwandte  man 
ihm  ein  kleines  Werk  in  Versen  ûber 
die  Entfùhrung  der  Dina,  der  Toch- 
ter  des  Jacob,  da  er  es  eben  noch 
ausbesserte,  und  stellte  es  in  ebem 
dem  1729.  Jalu-e  zu  Madrid  in  Quart 
ans  Licht.  Dièses  Gedicht  ist  nachher 
weit  vollkommner  in  Barcellona  in 
Octav,  doch  ohne  Jahrzahl  und  ohne 
Erlaubniss,  ans  Licht  getreten.  Es 
fûhret  den  Titel  :  El  robo  de  Dina. 

Die  Verdienste  des  Don  Augus- 
tino  bcNvegtcn  den  Kônig  Philipp 
den  V'""  ihn  im  Jahre  1782.  zum 
Secretàr   bey   den    Confercnzen  der 


1.  D.  Luis  Fernando,  (ils  aine  de  Philippe  V,  mort  l'année  même  où  il  monta  sur 
le  trône. 

2.  On  voit,  répétons-le  après  M.  Munckcr,  que  la  traduction  de  Lessing  n'est  pas 
exempte  d'une  certaine  «  liberté  o  :  la  lira  de  Orfco  fut  imprimée  à  Madrid  au  lieu  de 
«Majorque»!  Mais,  puisqu'il  était  en  train  de  corriger  son  texte,  pourquoi  n'a-t-il 
pas  vu  qu'il  fallait  lire  :  à  Palma  de  Majorque,  Capitale  de  cette  Isle,  et  prenait-il 
«  Majorque  »  pour  une  ville,  capitale  de  l'île  de  même  nom?  Boxberger  s'est  permis 
d'altérer  gravement  le  texte  de  la  T.  B.  et  d'imprimer  (t.  62,  p.  78):  eu  Palma  wif 
Majorca. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING 


i-^Q 


tra  l'année  suivante  dans  l'Académie 
Royale  Espagnole;  et  comme  un  des 
fondateurs  et  le  plus  ancien  de  l'Aca- 
démie Royale  d'Histoire,  il  fut  élu 
Directeur  de  celle-ci  en  l'année  1788, 
dans  laquelle  ce  Corps  obtint  la 
protection  du  Roi,  qui  dès  l'an  17^5, 
en  nomma  notre  Auteur,  Directeur 
perpétuel.  Il  fut  honoré  par  Sa  Ma- 
jesté, en  17^6,  de  la  place  de  Secré- 
taire de  la  Chambre  de  Grâce  et  de 
Justice  et  d'Etat  de  Castille. 


Enfin  il  a  été  admis  en  1742,  dans 
les  deux  Académies  des  Belles- Lettres 
de  Barcelonne  et  de  Séville. 

Outre  les  ouvrages  dont  j'ai  déjà 
parlé,  il  donna  in-4°  en  1789,  à  Ma» 
drid,  sans  nom  d'Auteur  le  Parallèle 
de  la  conduite  du  Roi  d'Espagne  avec 
celle  du  Roi  d'Angleterre  :  El  cotejo 
de  la  conducta  de  S.  M.  con  la  del  Rey 
Britanico.  Dans  la  même  année  1789, 
et  à  Madrid,  un  Discours  à  l'Académie 
Royale  d'Hisloire;  et  en  1740,  une 
Harangue  au  Roy  Philippe  V.  au 
nom  de  la  même  Académie  sur  une 
remarque  qui  fut  faite  par  ce  Mo- 
narque. Ces  deux  discours  sont  in-8". 
Le  premier,  dans  le  tome  I.  des  Fastes 


spanischen  und  englischen  Gommis- 
sare  zu  ernennen.  Im  Jahre  1788. 
ward  er  in  der  Kanzeley  der  allgc- 
meinen  Staatsangelegenheiten  ge- 
braucht  ' .  Das  Jahr  darauf  trat  er  in 
die  Kônigl.  spanische  Akademie; 
und  als  einer  von  den  Stiftern  und 
Jiltesten  Mitgliedern  d^r  Kônigl.  Ge- 
sellschaft  der  Geschichte,  Avard  er 
von  der  erstern  in  eben  dem  Jahre, 
als  sie  unter  Kônigl.  Schutz  genom- 
men  ward,  zu  ihrem  Director  er- 
nennt,  Avelche  Stelle  ihm  1745.  auf 
Zeitlebens  aufgetragen  ward^.  Im 
Jahre  1746.  beehrte  ihn  Se.  Majestat 
mit  der  Stelle  eines  Secretars  bey  der 
Begnadigungscund  Gerichtskammer 
und  dem  Staate  von  CastilienS. 

Auch  war  er  im  Jahre  1742  in  die 
Gesellschaften  der  schônen  Wissen- 
schaften  zu  Barcellona  fsicj  und  Se- 
vilien  aufgenommen  worden. 

Ausser  den  angefûhrten  Werken 
gab  er  auch  im  Jahr  1789.  zu  Madrid 
eineVergleichungderAuffiihrungdes 
Kônigs  von England  (sic),\n Quart he- 
raus;  fEl  Cotejo  de  la  conducta  de  S.  M. 
con  la  del  Rey  BritannicoJ  '1  desgleichen 
in  eben  diesem  Jahre  eine  Rede  an  die 
Kônigl.  Akademie  der  Geschichte  ;  nnd 
im  Jahre  1740.  eine  Rede  an  denKônig 
Philipp  den  V.  im  Namen  gedachter 
Akademie,  ùber  eine  Anmerkung  die 
dieser  Monarch  gemacht  batte.  Beyde 
Reden  sind  in  Octav  gedruckt,  und 
befmden   sich  in   dem  ersten   und 


1.  Voilà  ce  que  Lessing  fait  de  l'expression  française,  qui  ne  désignait  déjà  que 
vaguement  la  qualité  de  Montiano  :  oficial  mayor  de  la  Secrelarîa  de  Estado,  c'est-à- 
dire  :  chef  de  bureau  au  ministère  des  affaires  étrangères. 

2.  Cette  fois,  la  «  liberté  »  de  Lessing  dégénère  en  licence.  11  transforme  Montiano, 
en  dépit  de  D'Hermilly  et  de  la  clarté  de  la  phrase  française  et  grâce  au  plus 
effroyable  des  contresens,  en  Directeur  de  l'Académie  Espagnole  de  la  Langue  et  cela, 
selon  lui.  Vannée  où  celle  ci  fut  reconnue  et  protégée  par  le  Roi,  soit  en  1788.  Est-il  besoin 
de  redire  que  l'Académie  de  la  Langue  existait  officiellement  depuis  171/4  et  que  le 
Diccionario  de  Autoridades,  ce  monument  impérissable  de  son  existence,  avait  été 
publié  de  1726  à  1739.^ 

3.  Nouveau  contresens.  Lessing  dissocie  les  concepts.  Montiano  était,  en  réalité, 
comme  il  le  déclare  sur  le  titre  du  Discurso,  «  secretario  de  la  Càniara  de  Gracia  y  Jus- 
ticia  y  Estado  de  Castilla  ». 

4.  Lessing  n'omet,  on  le  voit,  aucune  occasion  d'améliorer  le  castillan  de  D'Her- 
milly, et  M.  L.  Crouslé  eut  infiniment  raison  de  qualifier  de  «  très  consciencieuse» 
relie  analyse  de  la  Virginia  (op.  cit.,  p.  3i8,  note  i). 


lOO       CO>TRlBUTIO.NS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


de  cette  Académie,  et  le  second,  dans 
le  tome  II.  des  mêmes  Fastes. 

On  a  encore  de  lui  wne  Harangue 
de  l'Académie  Espagnole  au  Roi  à 
l'occasion  du  Mariage  de  l'Infante 
Dona  Marie- Antoinette  Ferdinando 
avec  le  Duc  de  Savoye,  in-i"  grand 
papier,  à  Madrid  en  1700...;  et  l'Eloge 
Historique  du  Docteur  Don  Biaise 
Antoine  Nassarre  y  Ferriz,  fait  en 
1751  par  ordre  de  l'Académie  Espa- 
gnole, à  Madrid  in-8° 


zAveyten  Theile  der  Schriften  dieser 
Akademie. 

Ferner  hat  man  von  ihm  eine  Rede 
im  Namen  der  Spanischen  Akademie 
an  den  Kiinig,  bey  Gelegcnheit  der 
Vermahlung  der  Infantin  Donna 
Maria -Antoinetta  Fordinanda  '  mit 
dem  Herzoge  von  Savoyen,  in  Quart, 
und  eine  Lobschrift  auf  den  Doctor 
Don  Blasio  Antonio  Nassarra  y  Ferriz  ^ , 
die  er  auf  Verlangen  der  Spanischen 
Akademie  maclite,  und  1701.  zu 
Madrid  in  Octav  drucken  liess. 


la  Dissertation  sur  les  Tragédies 

Espagnoles,  avec  la  Tragédie  de  Vir- 
ginie, in-8°,  aussi  grand  papier,  et  à 

Madrid  en  la  même  année  1750 

Vers  la  fin  de  l'année  1753,  il  a  mis 
au  jour  à  Madrid  une  autre  Disser- 
tation sur  les  Tragédies  Espagnoles,  et 
une  Tragédie  intitulée  Athaulphe 
(AthaulphoJ. 


Doch  das  vornehmste  von  seinen 
Werken  sind  unstreitig  zwey  Tra- 
gôdicn,  deren  eine  17.30.  und  die 
andre  gegendasEndedes  Jahres  1753. 
gedruckt  ward  3.  Die  eine  fûhret  den 
Titel  Virginia  und  die  andre  Athaul- 
pho.  Beyden  ist  eine  Abhandlung 
von  den  spanischen  Tragôdien  vor- 
gesetzt,  in  Avelchen  4  er  besonders 
gegen  den  Herrn  du  Perron  de  Cas- 
tera  beweiset,  dass  es  seiner  Nation 
ganz  und  gar  nicht  an  regelmâssigen 
Trauerspielen  fehle.  Wir  werden  ein 


1.  Lessing  remanie  le  castillan  a\ec  inlrépiililé.  M  s'agit  de  Dofia  Maria  Anlonia 
Fernanda,  mariée  eu  1750  à  Victor-Amédée  de  Sardaigrie. 

2.  Nouvelle  u  emendatio  in  pejus».  Cependant  l'auteur  de  la  fameuse  dùertaciôn 
préfixée  à  la  réédition  des  Coincdias  de  Cervantes  n'était  pas,  à  cette  date,  un  inconnu 
pour  l'Allemagne.  En  1702,  le  3i°*  Stiiclc  des  Tiibinger  gel.  Berichle  avait  reproduit, 
d'après  une  gazette  française,  l'analyse  de  VElogio  Idstôiico  de  D.  Bios  Antonio  Nasarre 
y  Ferra:,  Acadérnico  de  In  Real  Academia  Espanola,  Bibliul.  Mayor  de  S.  M,,  etc.,  par 
Montiano  (in-8  de  ia  pp),  et  cette  même  analyse  était  à  son  tour  réimprimée,  le 
ig  août  1702,  au  Beytrag  des  Erlangisclœ  Gelehrte  Anmcrkungen  (XXXIV.  Woche), 
p.  54o-54i. 

3.  Lessing  entend  ici  suivre  «  librement  »  D'ttermilly,  puisque  ce  dernier  ne  dit 
pas  du  tout  que  les  deux  tragédies  de  Montiano  fussent  «  le  meilleur»  de  son  œuvre, 
mais  que  «  la  lecture  de  ses  ouvrages  sulïira  pour  faire  juger  qu'il  réunit  en  lui  toutes 
les  qualités  qui  constituent  le  vrai  Sçavanl  ».  {Préface,  p.  xxiv.) 

4.  Si  cet  in  welchen  n'est  pas  une  faute  d'impression,  il  semble  que  Lessing  croie 
que  ce  n'est  point  dans  la  seule  Dissertation  mise  en  tète  de  la  Virginia,  mais  dans  la 
seconde  aussi  que  Montiano  prend  à  partie  Duperrou  de  Castera.  Dès  qu'il  ne 
traduit  plus  servilement,  son  ignorance  totale  de  la  question  l'entraîne  à  de  semblables 
erreurs.  Nous  avons  vu  qu'en  1701  il  ne  parlait  que  de  1'  a  auteur  du  Théâtre  Espagnol)) 
parce  que  le  Journal  des  Sçavans  n'en  disait  pas  davantage.  Cette  fois  il  a  trouvé  dans 
D'Hermilly  le  nom  de  cet  auteur.  Traduisant  le  passage  où  il  est  dit  que  «  Dans  le 
Théâtre  Espagnol  imprimé  à  Paris,  en  l'année  1788,  on  assure  avec  plus  de  légèreté 
qu'il  ne  convient  au  but  judicieux  de  l'ouvrage,  qu'il  n'y  a  point  de  Tragédies  en 
langue  castillane,  ctc.it,  D'Hermilly  déclarait  [note  (a)\  que  «Cet  ouvrage  est  de 
M.  du  Perron  de  Castera,  etc.  ». 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPAISISME    DE    LESSI>'G  TOI 

andermahl  dieseï"  Abhandlung  '  mil 
mehrern  gedenken,  oder  sie  vielmehr 
gaiiz  lîîittheilen  ;  vorjetzo  aber  woUon 
wir  uns  an  das  erste  der  gedachtcn 
Trauerspiele  machen,  und  dem  Léser 
das  Urtheil  ûberlassen,  was  fùreinen 
Rang  unter  den  tragischen  Dichtern 
er  dem  Verfasser  einrâ'mien  will. 


Il  serait  superflu,  après  ce  spécimen  de  «libre»  et  «originale» 
traduction  lessinguienne,  de  nous  attarder  à  coUationner  l'extrait  alle- 
mand de  la  Virginia  (M.  VI,  73-120)  avec  le  texte  de  D'IIermilly 
(t.  II,  p.  i-i35).  Il  n'est  que  juste  de  noter  que  Lessing  modifiera,  en 
1767,  à  la  fin  du  68""  chapitre  de  la  Z)/'rtma/Hr</fe,  l'appréciation  portée 
en  1754  surMontiano.  Mais  si,  à  l'époque  de  la  Theatralische  Bibliothek, 
il  n'était  que  l'écho,  quelquefois  infidèle,  de  D'Hermilly,  il  ne  sera,  treize 
ans  plus  tard,  que  le  médiocre  porte-parcle  de  Dieze.  Quand  il  tentera, 
en  une  phrase  d'une  ambiguïté  remarquable,  de  modifier  a  son  juge- 
ment »,  quand  il  écrira:  u  Ich  bekenne  sehr  gern,  dass  ich  bey  Aveitem 
so  vortheilhaft  nicht  mehr  davon  denke,  als  ich  wohl  ehedem  muss 
gedacht  haben'',  »  il  ne  fera  que  refléter  les  vues  d'un  savant  qui,  lui, 
avait  minutieusement  étudié  les  poètes  tragiques  espagnols  et  dont  le 
passage  sur  Montiano,  tel  qu'il  l'a  consigné,  un  an  plus  tard  —  la 
préface  de  sa  traduction  des  On'genes  de  la  poesia  caslellana  de  Velâz- 
quez  est  datée  26  septembre  1768 —  dans  une  œuvre  d'extraordinaire 
mérite,  n'est  sans  doute  que  la  transcription  des  remontrances  amicales 
adressées  à  Lessing  : 

«  Was  seine  beyden  Trauerspiele  anbetrifft,  so  haben  sie  wohl  unstreitig 
das  Verdienst,  die  regelmassigstcn  zuscyn,die  die  Spanier haben.  Aber  weder 
die  gcnaue  Bcobachtung  der  Regeln,  die  Aristoteles  und  seine  Aachfolger 
voi'geschriebcn  haben,  noch  die  sehr  sclione  Versification,  haben  dièse  Stûcko 


1.  De  laquelle  des  deux?  Lessing  eût  été  fort  embarrassé  s'il  lui  eût  fallu  tenir  sa 
promesse,  du  moins  quant  à  la  seconde  dissertation  de  Montiano,  qui  ne  fut  pas 
traduite  en  notre  langue  et  qui  contient  de  fort  justes  critiques  sur  le  débit  des  acteurs 
espagnols.  Le  Discurso  |  sobre  las  tragedias  \  espanolas.  \  De  don  Augustin  |  de  Montiano 
y  Luyando,  \  De  el  Consejo  de  S.  M.  su  Secretario  |  de  la  Camara  de  Gracia,  y  Justicia,  y 
Estado  de  \  Castilla,  Direclor  perpétua  por  S.  M.  de  la  Real  |  Academia  de  la  Historia, 
y  Academico  de  la  |  Heal  Academia  Espanola.  \  En  Madrid,  en  la  Imprenta  del  Mercurio, 
por  Joseph  de  Onja,  |  calle  de  las  Injanlas,  Ano  de  1750  \Bibl.  Nat.  Yg  2Ci'J]  avait  été, 
l'année  1753,  complété  par  un  Discurso  II.  |  sobre  las  tragedias  |  espanolas.  De  Don 
Augustin  |  de  Montiano  y  Luyando,  etc.,  où  le  Discurso  à  lui  seul,  sans  VAlaulpho,  compte 
iiiSpp.  [Bibl,  nat.  Yg  2651].  Je  signalerai,  comme  une  curiosité  que  personne  n'a 
encore  citée  à  ma  connaissance  :  l'Examen  |  el  mas  critico,  etc.,  etc.,  contra  \  el  discurso 
sobre  las  tragedias  Espa-  |  notas  y  la  Virginia,  etc.,  por  D.  Domingo  de  Guevara,  Abogado 
de  los  Beales  Consejos  {Madrid,  1789,  62  pp.  in-iG,  Bibl.  A'at.  Yg  2650). 

2.  Il  avoue  au  même  endroit  n'avoir  jamais  lu  VAtaulpho  cl  ig-norer  complètement 
<t  die  neueren  Dichter  »  d'Espagne  (M.  \,  -h). 


102       CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

so  intéressant  machen  kônnen,  als  viele  sind,  in  denen  die  Regeln  nich  so 
ângstlich  beobachtet  worden.  Sie  sind  ganz  nach  franzosiscliem  Schnitte,  und 
fehlt  ihnen  selbst  im  Styl  das  Eigenthûmliclie  und  Nationale  der  Spanier. 
Sie  haben  auch  die  Originalstûcke  bey  ihnen  noch  nicht  ganz  Aerdrângen 
kônnen,  daher  auch  noch  niclit  viele  Nachahmer  dièses  Geschmacks  aufge- 
standen  sind  ' .  » 

On  aurait  pu ,  semble-t-il,  attendre  du  plus  récent  historien  de  la  littéra- 
ture espagnole,  M.  J.  Fitzmaurice-Kelly  —  dont  M.  Menéndezy  Pelayo 
a  vanté  la  familiarité  avec  u  toutes  les  littératures  modernes  2  »  et  qui 
ne  néglige,  en  effet,  aucune  occasion  de  se  livrer,  daiïs  son  manuel,  à 
des  rapprochements  littéraires  d'ordre  international  —  se  serait  abstenu 
d'enrichir  la  dernière  édition  —  qui  est  la  version  française  —  de  son 
œuvre  d'une  réflexion  que  n'avait  pas  l'édition  espagnole  et  qui 
démontre  la  légèreté  avec  laquelle  procèdent  si  souvent  ceux-là  même 
qui  censurent  avec  a  gentlemanship  »  des  fautes  moins  graves  peut-être 
chez  l'homme  de  lettres  que  chez  le  critique  professionnel.  P.  35o  de 
l'édition  anglaise,  p.  472  de  l'édition  espagnole,  p.  365  de  l'édition 
française  de  .1  hist.  of  sp.  Lit.,  M.  Fitzmaurice-Relly  mentionne,  à  la 
suite  de  ïicknor,  les  louanges  prodiguées  par  Lessing  à  Montiano 
dans  la  Th.  B.  en  ajoutant  qu'elles  u  sont  un  avertissement  permanent 
pour  quiconque  ose  juger  une  littérature  étrangère».   Ceci  eût  été 

1.  Ce  jugement  de  Dieze  est  de  tous  points  conforme  à  cehii  de  Leandro  Fernândez 
de  Moratin  (1760- 1828)  :  «  En  cllas  confirmé  su  laborioso  autor  aquella  sabida  verdad, 
de  que  pucden  hallarse  olîservados  en  un  drania  todos  los  préceptes,  sin  que  por  cso 
deje  de  ser  intolérable  â  vista  del  i)iiblico,  y  de  t[ue  para  acercarse  â  la  perfecciôn  en 
este  género,  no  basta  que  el  autor  sea  un  hombre  muy  docto,  silefaltael  requisito  de 
ser  un  eminente  poeta»  (Discurso prelimiiiaraux  Comcdias,  B.  A.  E.,  2,  3i0).  EtTicknor, 
à  son  tour  :  ((  But  the  «  Virginia  »  is  no  less  cold  than  it  is  regular,  and,  like  the  waters 
of  the  Alps,  its  very  purity  bctrays  the  frozen  région  from  which  it  has  descended.  Its 
versification,  which  consisls  of  unrhymed  iambics,  is  as  far  as  possible  removed  from 
the  warmth  and  freedom  of  tlie  ballad  style  in  the  elder  drama;  its  whole  movement 
is  languitl  ;  and  the  catastrophe,  from  the  fear  of  shocking  the  spectator  by  a  show  of 
blood  on  the  stage,  turns  eut,  in  fact,  to  be  no  catastrophe  at  ail.»  {Hist.  ofspan.  Lit. 
[i.  Ed.,  18/19J,  III,  293.)  —  VAtaulpho,  eniprunlô  à  la  Crônica  General,  II,  aa,  mérite  le 
même  verdict  que  la  \  irginia.  lia  été  fort  longuement  analysé  et  partiellement  traduit 
dans  le  Journal  Étranger,  alors  rédigé  par  l'abbé  Prévost,  de  juin  1705,  2"  tome  de 
juin,  p.  108- 17^,  sans  nom  d'auteur.  Cette  analyse  a  été  réimprimée,  sous  le  titre 
Ataiilphe,  p.  221-2G1  des  Opuscules  poétiques  et  philologiques  de  M.  Feutry  (La  Haye  et 
Paris,  1771).  Je  ne  sache  pas  qu'on  ait  jamais  noté  que  le  P.  Isla  a  écrit  une  apologie 
des  deux  pièces  de  Montiano  au  prologue  du  tome  II  de  son  Ano  Cristiano,  traduction 
de  l'Année  Chrétienne  du  P.  Croiset,  d'ailleurs  augmentée  de  Mes  écrites  par  Isla,  et 
dont  le  premier  tome  —  le  second  est  de  l'année  suivante  —  avait  paru  à  Salamanque 
en  1753,  in-8.  Cet  ouvrage  compte  11  volumes  imprimés;  le  12"°',  achevé  en  ms., 
ne  put  paraître  par  suite  de  l'expulsion  des  Jésuites  d'Espagne  et  se  perdit. 

2.  Prôlogo  cité  de  la  trad.  cast.  de  A  llist.,  etc.  p.  xx.  —  Qui  nous  donnera,  en 
France,  une  véritable  Histoire  de  la  littérature  espagnole,  strictement  scientifique,  dans 
laquelle  l'auteur  saura  s'efl'acer  derrière  les  œuvres  et  les  écrivains,  et  ne  sera  plus 
le  littérateur  faisant  montre  de  son  esprit,  ou  de  la  richesse  de  ses  fiches,  ou  simple- 
ment de  sa  familiarité  avec  tel  Catalogue,  y  compris  celui  du  British  Muséum?  Combien 
en  arrière  de  Ticknor  sont,  à  ce  point  de  vue,  restés  ses  épigones  non  Espagnols,  et 
l'on  finira  par  constater  que  Rios  lui-même  est,  sur  bien  des  points,  à  recommencer  ! 


LA    ^'ATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSING  l53 

parfait,  si  l'auteur  eût  ajouté  :  «  sans  être  familiarisé  avec  elle  par  un 
examen  direct  et  consciencieux  de  ses  écrivains.  »  Mais  une  telle 
adjonction  supposerait  que  M.  Fitzmaurice-Keily  a  étudié  les  rapports 
de  Lessing  avec  Montiano,  ou  simplement  lu  le  passage  de  la  Th.  B. 
Or,  il  ne  l'a  pas  fait,  comme  le  démontre  ce  couplet,  ajouté  en  1904  à 
l'édition  française  :  «  Par  une  coïncidence  remarquable,  l'enthousiasme 
de  Lessing  se  refroidit  —  on  le  voit  dans  la  Dramaturgie—  dès  qu'il 
connut  les  sympathies  de  Montiano  pour  l'école  française.  »  M.  Fitz- 
maurice-Kelly  s'est-il  douté  que,  par  celte  phrase,  il  faisait  à  Lessing 
l'injure  d'admettre  qu'il  ne  s'était  pas  même  donné,  en  1754,  la  peine 
de  lire  le  Discours  de  Alontiano  précédant  la  Virginia  et  traduit  par 
D'Hermilly,  Discours  qui  est  le  document  le  plus  manifeste  de  l'ccafran- 
cesamiento  »  du  membre  de  l'Académie  du  u  Buen  Gusto  »  '  ? 


Le  Roi  D.  Sebastiao. 

{M.  VIII,   ii7.) 

Au  Sa'"'  des  Briefe,  die  neueste  Litteratur  betreffend,  III.  Thl.,  à  la 
date  du  28  août  1759,  Lessing  -s'occupe  de  la  Portugiesische  Ge- 
schichte,  etc.,  de  G.  Chr.  Gebauer,  professeur  à  Gôttingen,  qui  venait 
de  paraître  cette  même  année  à  Leipzig.  Ce  qui  l'a  surtout  frappé  en 
ce  compact  volume  en  deux  parties,  c'est  l'histoire  du  quatrième  —  et 

I.  Dans  l'cd.  anglaise,  M.  Fitzmaiirice- Kelly  (p.  35i)  ne  date  pas  la  version  de 
Velâzquez  par  Dieze;  dans  la  version  esp.  il  la  date  1767  {p.  /173);  dans  latrad.  française  : 
U'i9  (p.  360).  11  n'est  que  trop  manifeste  qu'il  ignore  Dieze  et  cela  seul  eût  sufïï  pour 
que  son  jugement  sur  Lessing  fût  unilatéral.  Quand  il  définit  Dieze  l'w  enthousiaste 
traducteur  »  de  Velâzquez,  il  conlirme  en  nous  l'opinion  qu'il  parle  à  l'aveuglette  :  il 
lui  eût,  en  efTet,  suffi  de  lire  ce  que  Dieze  dit  de  Lope  à  la  note  C,  p.  SgB-Sgg  de  son 
ouvrage  pour  être  fixé  sur  le  sens  de  cet  enthousiasme.  Du  moins,  écrit-il  correctement 
le  nom  de  l'auteur  de  la  Gesch.  der  span.  Dichtkunst,  qui  était  devenu,  dans  Ticknor- 
Magnabal,  111,  3o3,  note  1  :  Dièse.  J'ai  emprunté  l'épithète  «  gentlemanship  >), 
appliquée  à  la  manière  de  M.  F.-K.,  à  un  de  ses  apologistes,  M.  P.  Groussac, 
liev.  liisp.,  XV  (iQoG),  p.  21 3.  —  Avant  d'en  finir  avec  la  Virginia,  notons  que 
Montiano -D'Hermilly  signalait  à  Lessing  des  prédécesseurs  dramatiques  :  Juan  de 
la  Cueva,  dont  la  Muerte  de  Virginia  y  Apio  Claudio  était  déclarée  contenir  «quelques 
endroits  admirables»  (I,  27),  Gampistron,  dont  la  Virginie  était  rapidement  analysée, 
et,  comme  ayant  été  les  inspirateurs  de  ce  dernier,  Mairet  et  Michel  Le  Glerc.  Les 
modifications  du  thème  Virginia-Emilia  Galotti  en  Lessing  ont  été  étudiées  avec  peu 
de  sens  critique  par  L.  Volkmann  :  Zu  den  Qaellen  der  Eniilia  Galotti  (dans  FestschriJ't 
zur  ôOjùhr.  Gedenkfcier  des  Diiss.  Realgymn.  (Dûss.  i88(')),  p.  233-209.)  L'auteur  déclare, 
p.  237,  note  3,  n'avoir  pu  se  procurer  D'Hermilly  et  être  dans  l'impossibilité  de  lire 
Montiano  dans  le  texte  pour  ignorer  le  castillan,  ce  qui  ne  l'erapéche  pas  d'afilrmer 
que  «  dans  les  deux  caractères  principaux,  Lessing  a  suivi  la  route  indiquée  par 
Montiano»  (p.  2d5).  Un  an  après,  G.  Rœthe  démontrait  que  le  prétendu  fragment 
d'une  Virginia  par  Lessing  n'était  qu'une  traduction  de  la  pièce  anglaise  de  même 
nom  de  Samuel  Crisp,  et  qualifiait,  sans  la  connaître,  la  Mrginia  de  Montiano 
d'«  infect  bousillage  espagnol  »,  (p.  5i6.)  Cf.  Viertetjahrschr.  fiir  Litgscht.,  Il  (1S89)  : 
Zu  Lessings  dramalisclien  Fragnienten. 


l54       CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    C.    E.    LESSING 

dernier  —  des  «  faux  Sébastiens  ».  Ici  encore,  il  entreprend  de  compléter 
son  auteur,  ce  qui  permettra  d'examiner  s'il  a  de  la  péninsule  ibérique 
—  car  la  merveilleuse  histoire  du  roi  Sébastien  est  en  connexion  directe 
avec  l'histoire,  même  littéraire,  d'Espagne  i  —  à  une  époque  extrême- 
ment remarquable  de  son  passé  des  renseignements  sûrs  et  personnels. 
11  résume  d'abord,  suivant  pas  à  pas  le  solide  exposé  de  Gebauer 
(op.  cit.  I.  Theil,  p.  198-213),  la  tragique  destinée  du  monarque 
portugais,  puis  cite  un  passage  du  professeur  de  Gôttingen  touchant 
la  personne  de  l'énigmatique  personnage  que  fut  le  dernier  et  le  plus 
intéressant  des  «faux  Sébastiens  ».  S'en  tenant  toujours  à  son  garant 
(op.  cil.  II.  Theil,  p.  19-22),  il  pose,  à  sa  suite,  le  dilemme  dont  la 
solution  —  si  toutefois  elle  fut  jamais  admissible —  devait  résoudre  cet 
angoissant  problème,  puis  juge,  en  cette  phrase,  les  incidents  histo- 
riques qu'il  a  suscités  : 

«  Die  Màhrchen  ûbrigens,  welche  nach  dem  Ferreras  und  Thuanus,  die 
Vermuthung,  als  ob  der  Kônig  aus  der  Schlacht  entkommen  sey,  falsch- 
lich  veranlasst  baben  sollen,  sind  ohne  aile  Warscheinlichkeit.  » 

Ceci  a  tout  l'air  d'impliquer  un  verdict  indépendant,  basé  sur 
l'étude  delà  question  en  litige.  En  se  reportant  à  Gebauer,  on  constate, 
cependant,  qu'il  n'en  est  rien.  Gebauer  discute  lui-même  (II,  27) 
Ferreras,  qu'il  ne  connaît  que  dans  la  traduction  française  de  D'Her- 
milly  :  Histoire  Générale  d'Espagne,  t.  X  (1751),  p.  8262,  et  De  Thou 
(11,  3o):  Historiaram  siii  temporis  Libri  CXXXVIII  (lib.  LXV,  P.  III, 
353).  Excellant  dans  la  méthode,  toujours  ancienne,  toujours  nou- 
velle, de  ces  critiques  qui,  avec  l'aide  exclusive  des  livres  qu'ils  sont 
censés  recenser,  confèrent  à  leurs  comptes  rendus  un  faux  air  de 
science  individuelle,  Lessing  puise  toute  sa  compétence  dans  Gebauer. 
Ce  professeur  de  droit,  extrêmement  laborieux  et  minutieux,  n'avait 
pas  —  et  c'est  là  le  vice  capital  de  son  livre  —  suffisamment  exploité 
les  sources  originales  de  l'histoire  du  Portugal,  pour  la  bonne  raison 
qu'outre  qu'il  ne  lisait  pas  couramment  l'espagnol  et  le  portugais,  il 
ignorait  l'existence  de  quantité  d'ouvrages  fondamentaux  en  ces 
langues  et  dont  la  connaissance  était  indispensable  pour  bien  traiter 
sa  matière.  Lessing  trouvait  donc  ici  une  occasion  nouvelle  de  mettre 
en  évidence  sa  science  hispanique  en  signalant  au  moins  l'une  ou 


1.  Rappelons,  à  ce  propos,  qu'une  savoureuse  description  du  site  de  la  bataille 
d'Alcazarquivir  (Kassr  el  =  Kebîr)  se  trouve  dans  un  livre  publié  originairement  en 
18C8  et  qui  vient  do  paraître  remanié  à  Madrid  (190G)  :  Recuerdos  marroquies  del  moro 
vizcaino...  el  Hach  Mohamed  el  Bagdady  (1827-1870),  dont  l'auteur  est  J.  M.  de  Murga. 

2.  La  version  du  censeur  royal  français  et  membre  de  l'Académie  de  Madrid  fut 
mise  en  allemand  de  175^  à  1772  (Halle)  :  les  6  premiers  volumes  par  J.  F.  Schrôter, 
les  vol.  7  à  10  par  Baumgarten  et  Semler,  les  vol.  11  à  i3  par  Bertram.  Cf.  Baum- 
garten  :  Nachr.  von  merkw.  Buchern,  t.  I,  p.  \Z\,  e\.  Zui-erlussige  IS'achr.  der  Wissen- 
schaften,  176.  Thl.,  p.  553. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPAWISME    DE    LESSTNG  l55 

l'autre  dos  lacunes  de  l'auteur.  Sans  prétendre  donner  une  liste 
autre  que  fort  incomplète,  et  me  bornant  à  quelques  titres  essentiels, 
il  avait  le  choix  entre  les  sources  suivantes,  inconnues  de  Gebauer  : 

loào  de  Castro  :  Disciirso  da  Vida  do  sempre  hem  vindo,  e  apparecido  Rey 
[).  Sebastiào  nosso  Senhor  o  Encuberto.  etc.  (Paris,  Martin  Verac,  1G02,  in-8); 
Antonio  de  San  Roman  :  Jornada  y  muerle  del  Rey  D.  Sébastian  de  Portugal 
(Valladolid.  Ini'gucz,  iGo3,  in-4)  ;  [Diogo  Botelho  et  Cypr.  de  Figueiredo(?)]  : 
Resposta  que  os  irez  Estados  do  Reyno  de  Portugal,  a.  s.  Nobreza,  Clerezia  e 
Povo,  mandaram  a  D.  Joam  de  Castro  sobre  hum  Discurso,  etc.  (Paris,  i6o3); 
Jeronimo  de  Mendonça  :  Jornada  de  Africa  :  em  a  quai  se  responde  a  Hieronymo 
Franqui.  e  a  outros,  e  se  trata  do  successo  da  batalha,  e  catiueiro.  etc.  (Lisboa, 
Craesbeeck,  1607);  Juan  Bautista  de  Morales:  Jornada  de  Africa  del  Rey 
D. Sébastian  de  Portugal  (Sevilla,Ramos,  1622,10-8);  Mig.Leitam  de  Andrade: 
Miscellanea,  etc.  [Perda  del  Rey  D.  Sebastiào,  etc.]  (Lisboa,  Pinheiro,  1629, 
in-4);  Sébastian  de  Mesa  :  Jornada  del  Rey  D.  Sébastian  à  Africa,  etc.  (Barce- 
lona,  iG3o,  in-4);  Luis  Terres  de  Lima:  Compendio  das  mais  notaveis  cousas 
que  no  Reyno  de  Portugal  aconteceram  desde  a  perda  del  Rey  D.  Sebastiào  até 
0  anno  de  1627,  etc.  (Lisboa,  Craesbeeck,  i(33o,  in-8, et  Silva,  1722,  in-8;  Coim- 
bra,  Diaz,  iG54,  in-8);  J.  de  Baena  Parada  :  Epitome  de  la  Vida  y  hechos  de 
D.  Sébastian,  dezimo  sexto  rey  de  Portugal,  y  jornada  que  hizo  a  las  conquistas 
de  Africay  su  muerte  desgraciada  (Madrid,  1692,  pet.  in-4)  ;  Menezes  :  Chronica 
do  principe  Dom  S.  (Lisboa,  1730);  Manuel  dos  Sanctos  :  Hist.  Sebastica,  etc. 
(contient  la  narration  de  Jeron.  de  Almeida  sur  les  obsèques  de  D.  Sebastiào 
en  1582)  (Lisboa,  1735,  in-foL);  Diogo  Barbosa  Machado  :  Memorias  para  a 
Historia  de  Portugal,  etc.  (Lisboa,  Sylva,  1736-1751,  4  vol.  in-A),  t.  lV,p.32i 
seq.  ;  José  Pereira  Bayâo:  Portugal  cuidadoso,e  lastimado  corn  a  vida,  e  perda 
do  Senhor  D.  Sebastiào.  etc.  (Lisboa,  Sylva,  1737,  in-foL). 

Mais  non  seulement  Lessing  ne  connaît  pas  un  seul  de  ces  ouvrages  : 
il  ne  songe  pas,  tant  son  ignorance  de  la  question  est  totale,  à 
reprocher  à  Gebauer  d'avoir  fait  un  usage  excessif  de  ce  J.  de  Silva, 
comte  de  Portalegre,  qui  accompagna  le  roi  Sébastien  en  Afrique  et 
que  l'on  désigne  communément  par  la  périphrase  de  pseudo  Cones- 
taggio.  11  ignore  même  qu'avant  la  traduction  latine  de  Francfort, 
1G02,  qu'utilise  Gebauer  (De  Portugalliae  conjunctione  cum  Reyno 
Castellae  hisloria,  in-8),  une  vieille  traduction  allemande,  par  Albert 
Fiirsten,  avait  paru  en  1689  à  Munich  chez  H.  Berg  : 

Historien  der  KOnigreich,  Hispanien,  Portugal,  und  Aphrica,  darauss  zu 
sehen,  in  luelcher  Zeit,  sonderlich  Portugal, seinen  Aiifang  genommen.Auch  von 
dem  iibel  angeordneten  Kriegszug  Konig  Sebastians  in  Africa...  Wie  Don 
Antonio  sichjïir  ein  Konig  ausgerujfen  lassen. 

Il  préfère  se  perdre  dans  deux  interminables  digressions,  docu- 
mentées uniquement  dans  Gebauer  (op.  cit.,  l,  121-136)", 011  il  s'elforce, 

I.  Avec  ce  détail,  cependant,  que  Lessing  qui  reproduit,  sur  la  foi  de  Gebauer 
(op.  cit.  I,  lali,  note),  la  prétendue  allégation  du  milanais  Girolamo  Benzoni  sur  la 
découverte  du  détroit  de  Magellan  par  Beheim   OI.  VIII,  i5i,  note  i),   ne  s'est  pas 


l56       CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    l/lIlSPANISME    DE    G.    E.    LESSINU 

après  ravoir  plagié,  de  lui  offrir,  comme  fiche  de  consolation,  la 
démonstration  d'une  impartialité  qui  consistait  à  n'avoir  pas  soutenu, 
—  à  la  suite  de  savants  de  son  pays,  —  la  puérile  thèse  que  c'était  à 
Martin  Beheim,  de  Nuremberg,  que  Colomb  était  redevable  de  sa 
découverte,  ainsi  que  d'un  esprit  critique  qui  se  serait  révélé  jusque 
dans  la  recherche  de  l'origine  d'un  bon  mot  (cf.  Gebauer,  II,  p.  igS, 
note).  Cet  exploit  parachevé,  Lessing  en  vient  à  discuter,  toujours  sur 
la  foi  de  son  auteur,  la  légitimité  des  prétentions  de  D.  Antonio,  prieur 
de  Crato,  au  trône  de  Portugal.  Il  se  sent,  ici,  à  même  de  combler  une 
lacune  de  Gebauer.  11  ne  lui  reprochera  pas,  tranquillisons -nous,  de 
ne  pas  avoir  soupçonné  l'existence  de  l'ouvrage  capital  d'Antonio  de 
Ilerrera  y  Tordesillas  :  Cinco  libros  de  la  historia  de  Portugal  y  con- 
quistas  de  las  islas  de  los  Azores  en  los  aflos  de  1582  y  1583  (Madrid, 
iSgi,  in-4).  Il  lui  opposera  —  car  sa  science  ne  va  pas  plus  loin  que  la 
France,  cette  fois  encore  —  le  livre  «  einer  schreibsûchtigen  Fran- 
zôsin  »,  —  dont  il  a  trouvé  quelque  part  le  recueil  de  rimes  amoureuses 
et  galantes,  dans  le  goût  des  pseudo-bergeries  alors  à  la  mode», — 
livre  dont  elle  déclarait  avoir  tiré 

<(  la  plus  grande  partie...  d'un  manuscrit  que  l'on  trouva  dans  le  cabinet 
de  mon  grand  I^ere  après  sa  mort.  11  ctoit  Portugais  et  frère  de  Scipion  de 
Vasconcellos  ;  ils  avoient  eu  tous  deux  trop  de  part  aux  malheurs  de  Dom 
Antoine,  et  à  la  confidence  des  Princes  ses  fils  pour  n'être  pas  pleinement 
instruits,  etc.  »  (Avertissement), 

et  qui,  même  en  admettant,  ce  qui  n'est  pas  prouvé,  que 
M""'  de  Sainctonge  ait  été  de  bonne  foi,  ne  laisse  pas  de  rester 
hautement  suspect  du  point  de  vue  de  l'impartialité  et  même  de 
l'authenticité  de  son  information  intrinsèque.  11  n'empêche.  L'Histoire 
I  Secrète  |  de  |  Dom  Antoine  |  Roy  \  de  Portugal  |  Tirée  des  Mémoires 
de  Dom  |  Gomes  Vasconcellos  de  \  Figueredo  (Paris,  Guignard,  iGc)6, 


rendu  compte  que  la  traduction  laliiio,  par  Ghauveloii,  de  VJstoria  del  inondo  nuovo 
(Vinegia,  ioG5)  renfermait  des  notes  du  traducteur  et  que  c'est  justement  d'une  note 
de  Chauveton,  et  non  d'un  passage  de  Bcnzoni,  qu'il  s'agit.  —  C'est  encore  Gebauer 
que  Lessing  coi^ie,  lorsque,  simulant  de  parler  en  son  nom  propre,  il  dit  des  Dix  de 
Venise  :  «  Sie  kennen  diesen  strcngen  peinllchen  Gerichtshof,  dièses  ersclireckliclie  Fclim- 
gerichte,  desscii  ersle  Regel  es  ist  :  correre  alla  pena.  prima  di  esaminar  la  colpa  »  (M. 
VMll,  coaj.  Cf.  Gebauer,  H,  p.  3i,  note  t :  «  ]]'er  diesen  strengen  peinlichen  Gerichtsitof 
nicht  Itennet...  Dieser  Hichter  ersle  Regel  ist:  correre  alla  pena,  prima  di  esaminar  la 
colpa.  ))  P.  3i  dans  Gebauer,  il  y  a  également  l'expression  :  «  dièses  erschreckliclie  Felim- 
gerichte.  » 

I.  Poésies  I  Diverses  \  de  Madame  |  de  .Sainctonge,  Dijon,  171/i,  2'  Ed.,  2  vol.  in-iï. 
Cette  dame  Gillot  de  Sainctonge,  fille  de  M"'  de  Gomez,  est  l'auteur,  entre  autres 
œuvres,  d'une  mauvaise  adaptation  de  la  Diana  de  Montemôr  (Paris,  iGgG,  in-12,  puis 
i(>99  et  1735)  «  mise  en  nouveau  langage».  Les  Poésies,  dont  Lessing  ne  connaît  que 
l'édition  précitée,  avaient  été  publiées  pour  la  première  fois  en  iCyO,  in-12.  Son 
Histoire  Secrète  fut  réimprimée  en  Hollande  la  même  année  1C96.  On  sait  pas 
grand'cliose  sur  sa  vie,  sinon  qu'elle  na<iuit  en  i65o  et  mourut  en  17 18. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPAMSME    DE    LESSING  \5'J 

in-i6  de  255  pp.).  quoique  œuvre  d'un  «  bas  bleu  de  France  »,  suffit 
à  rérudition  hispanique  de  Lessing,  qui,  visiblement  heureux  de 
compléter  Gebauer,  lui  consacre  une  complaisante  analyse'. 


1760-1765  (?)  «  Eraclio  und  Argila.  » 

(.1/.  III.) 

En  rattachant  à  la  période  de  Breslau  ces  brouillons  de  traductions 
de  deux  comedias,  nous  ne  prétendons  nullement,  comme  il  a  été  dit 
dans  la  Première  Partie,  les  dater  avec  certitude.  Mais  cette  attribution 
étant,  en  somme,  tout  aussi  vraisemblable  qu'une  autre,  et  la  thèse  de 
M.  Muncker,  répétons-le,  manquant  d'un  solide  appui  documentaire, 
il  nous  a  semblé  que  nous  pouvions  choisir  ce  chiffre  comme  date 
moyenne.  M.  Muncker  se  base,  en  effet,  pour  renvoyer  à  1700  les  pré- 
tendus «  fragments  dramatiques  »,  sur  deux  arguments.  Le  premier 
est  celui  des  archaïsmes  orthographiques  du  manuscrit  :  darwider, 
darmit,  darzii,  alleine,  etc.,  qui,  dit-il,  à  partir  de  1703  disparaissent 
de  plus  en  plus  des  manuscrits  de  Lessing.  M.  Muncker  est  trop 
familier  avec  la  partie  de  l'œuvre  de  Lessing  qui  nous  reste  en  manus- 
crit pour  ne  pas  concéder  que  cette  objection  tirée  des  graphies 
archaïsantes  n'est  pas  d'une  solidité  extrême  et  ne  rend  pas  maté- 
riellement insoutenable  le  renvoi  à  la  période  de  Breslau  des  deux 
brouillons  qu'il  prend  pour  des  «  fragments  dramatiques  ».  Car  il  suffit 
que  ces  graphies,  tout  en  disparaissant  sensiblement,  subsistent  —  et 
elles  subsistent  —  dans  les   manuscrits   de    Lessing   à   l'époque   en 

I.  Lessing  écrira,  dans  cette  critique  de  l'ouvrage  de  Gebauer,  aussi  inno- 
cemment Don  Antonio  en  parlant  d'un  Portugais,  que  Don  Ludewig,  Don  EmanueL 
Il  en  est  encore  à  la  période  du  Don  Monliano.  Ses  graphies  dénotent  assez  qu'il  se 
documente  médiatement  :  Maley  Molucco  \Abd-el-Melik,  dit  El  Moliico],  Sebaslianus 
Resendhis  [Sebastiâo  de  Resende],  Arzilla  [Arzila  ou  Azila,  l'ancienne  Colonia  Julia  Cons- 
lancia  ZiLes],  l'Arache  [Larache],  Alcassarquivir  [Alcazarquivir]  —  On  pourrait  se 
demander  ici  si  Lessing  a  jamais  essayé  de  lire  le  portugais.  A  en  croire  les  témoi- 
gnages ci  dessous,  il  l'aurait  compris  avec  facilité.  Lors  de  son  passage  à  Hambourg, 
dont  il  a  noté  quelques  incidents,  sous  la  date  1768,  comme  on  s'en  souviendra,  aux 
Collectanea,  il  déclare,  à  la  suite  de  conversations  sur  ce  thème  chez  Rahmeyer,  que, 
(.)/.,  XV,  258)  «die  Aussprache  des  Portugiesischen  liât  nicht  viel  Schwierigkeiten  ; 
was  vornehmlich  dabey  zu  merken,  ist  das  ûo,  welches  ausgesprochen  «ird  als 
ony.  »  Un  tel  jugement  nous  dispense  d'insister  sur  la  profondeur  des  connaissances 
linguistiques  portugaises  de  Lessing.  Il  n'en  écrira  pas  moins,  au  même  endroit,  à 
propos  du  «  petit  traité  des  Comètes  »  rédigé  en  portugais  par  un  «  certain  Heinrich 
Ailiers  »,  dont  il  sera  question  plus  bas,  qu'  ((  après  te  rapide  examen»  qu'il  a  pu  en 
faire,  l'auteur  devait  être  «  un  homme  de  bonnes  connaissances  astronon^iques  ».  En  outre, 
il  dira  d'un  autre  traité  écrit  en  portugais  contre  le  christianisme  par  un  juif,  qu'il 
«  ne  lui  sembla  pas  mauvais  ».  (M.  XV,  ■Và'j.)  11  affirmera,  enfln,  avoir  lu  «  im  Originale  » 
le  sauf-conduit  octroyé  en  Portugal  aux  marchands  allemands.  Sa  science  de  la  litté- 
rature portugaise  ne  lui  permettra  pas,  toutefois,  de  transcrire  exactement  le  nom 
du  célèbre  prédicateur  Vieira,  dont  il  fait,  conjme  on  le  verra,  un  Vereida. 


108         CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSÏNG 

queslion,  cl  que,  d'autre  part,  elles  ne  se  présentent  qu'en  nombre  fort 
restreint  —  et  tel  est  bien  le  cas  —  dans  nos  deux  «  fragments  »  pour 
que  nous  soyons  en  droit  de  passer  outre  et  d'examiner  son  second 
argument.  Cet  argument  est  celui  que  pouvait  apporter  un  Lessing- 
forscher  aussi  persuadé  que  l'est  M.  Muncker  de  l'authenticité  de 
l'hispanisme  de  Lessing.  Il  apparaît  à  nos  yeux  comme  engendré  par 
l'hypnose  lessingophile.  M.  Muncker,  frappé  du  fait  que  les  vocables 
espagnols  transcrits  avec  leur  traduction  allemande  en  marge  du 
manuscrit  de  1'  «  Eraclio  »  représentent  des  termes  écolièrement  élé- 
mentaires pour  la  plupart,  en  déduit  (t.  111,  Vorrede,  ix-x)  que 
Lessing  n'a  pu  s'astreindre  à  une  telle  notation  qu'à  la  date  où  il  était 
encore  complètement  novice  en  castillan.  Nous  croyons  avoir  suffi- 
samment démontré  dans  la  Prem.  Partie  que  l'éditeur  de  «  Maranôn» 
était  resté  toute  sa  vie  un  «  novice  »  en  la  matière  et  ne  pouvons 
concéder  au  deuxième  chef  de  preuve  de  l'éditeur  de  Lessing  qu'une 
force  de  conviction  égale  au  premier,  c'est-à-dire  chancelante. 

Il  a  déjà  été  noté  que  Boxberger,  premier  éditeur  des  deux  mysté- 
rieux brouillons,  les  avait  assez  inexactement  baptisés  :  u  Eraclio  und 
Argila  »  et  «  Fenix  ».  C'est  à  la  p.  683  du  volume  mentionné  plus  haut  > 
qu'il  a  imprimé  «  Eraclio  und  Argila  »>  avec  cette  mention  éditoriale  : 

«  Wir  geben  das  l'olgende  Bruchstûck,  und  z^^ar  zum  ersten  Maie, 
gleichfalls  ans  den  Bresiauer  Papieren.  Die  beigeschriebenen  spanischen 
Worte  und  die  in  dem  Fragment  vorkommenden  Oertlichkeiten  lassen 
vermuten,  dass  es  eine  Uebersetzung  aus  dem  Spanischen  isl^;  docli  isl  es 
uns  nicht  gelungen,  das  Original  aufzufinden.  Das  Ganze  steht  auf  eincm 
Folioblatt,  der  Anfang  fehlt.  » 

Jusqu'à  la  date  oii  est  imprimée  cette  élude,  nul  Lessingforscher 
germanique  ne  s'est  soucié,  non  seulement  d'utiliser,  mais  de  prendre 
note  de  la  trouvaille  réalisée  dès  novembre  1890  —  et  imprimée 
à  cette  époque  —  par  Paul  Albrecht,  lequel  avait  nettement  identifié  les 
comedias  espagnoles  dont  nos  deux  u  fragments  dramatiques  »  ne  sont 
que  de  mauvaises  et  partielles  versions.  L'infatigable  ennemi  de 
Lessing,  a,  en  effet,  à  la  page  18-19  ^^  son  Prospect,  —  qui  fut  mis 
dans  le  commerce'^,  —  publié  de  courts  extraits  des  deux  comedias 
et  placé  en  regard  la  traduction  correspondante  de  Lessing.  Il  semble 

1.  Vierundzwanzig  :uin  The'd  noch  ungedruckte  drau  atische  Entwiirfe  und  Plane 
G.  E.  Lessings  (Berlin,  Hempel,  1870).  C'est  un  tirage  à  part  provenant  de  l'édition 
chez  Hempel  des  Œuvres  de  L.  en  uS  vol.  (Berlin,  1868-1877). 

2.  M.  Mnncker  ne  fera  que  reproduire  cette  insinuation  de  Boxberger  quand 
il  écrira  (III,  Vorrede):  «Das  Bruchsli'ick  Fraclio,  vielleicht  nur  eine  Uebersetzung  aus 
dem  Spanisclien....  » 

^.  Les  Lcssings  =  Plagiate  —  dont  le  Prospect  s'intitule:  Less.  =  Plag.  I.  Bd.  I.Hfl. 
Rrste  Hdlfte  [Bogen  iO-1U],  Prospect,  Lpzg.  1890 —  devaient  identifier  en  10  vol.  la 
totalité  des  plagiats  disséminés  dans  l'œuvre  de  Lessing.  Interrompus  prématurément 
en  1891  par  le  suicide  de  l'auteur,  un  Hambourgeois  qui  était  docteur  en  médecine 


LA    NATL'RE    ET    LES    SOURCES    DE    l'iIISPA.MSME    DE    LESSING  1 69 

étrange  que  M.  Erich  Schmidt,  qui,  outre  plusieurs  modifications 
tacites  dues  à  Albrecht  dans  la  11""  éd.  de  son  Lessingi,  a  déjà  à  deux 
reprises  amplement  exploité  les  découvertes  du  chaotique  labeur  de 
cet  infortuné  «  Konigl.  Preussischer  Professer  »,  en  1897  ^^  ^^  iQoi^; 
qui  annonçait,  dès  1897,  qu'il  ne  tenait  pas  d  pour  besogne  oiseuse  de 
passer  en  revue,  après  la  fin  tragique  d'Albrecht,  ses  immenses  collec- 
tions manuscrites»  {art.  cit.  des  Sitziingsberichle,  p.  469);  qui,  au 
n"  00  de  la  Deutsche  Litleraturzeitiing,  en  1890,  mentionnait  expres- 
sément le  Prospect,  mention  répétée  dans  les  Jahresherichte  filr  ncuere 
deutsclie  Litteraturgcsc/nchte  (11,  1891,  IV  7:  27),  où  il  déclare  son 
intention  «  d'exploiter  Albrecht,  pour  les  drames,  de  manière  plus 
détaillée»,  n'ait  pas  cru  devoir,  sinon  dans  une  note  à  la  seconde 
édition  de  son  Lessing,  du  moins  dans  l'une  des  Revues  spéciales 
dédiées  à  la  recherche  littéraire  allemande,  signaler  —  ne  fût-ce  que 
pour  éclairer  la  religion  de  M.  Muncker,  et  puisque  la  trouvaille 
d'Albrecht  n'avait  pas  été  honorée  de  l'attention  de  ces  Lessing/orscher 
par  ailleurs,  et  Y  Appendice  en  fait  foi,  si  ingénieux  en  matière  d'attri- 
butions hispaniques  —  la  source,  et,  par  suite,  la  nature  des  pré- 
tendus «  fragments  dramatiques  ».  Cette  besogne  eût  été  pour  le 
professeur  de  littérature  allemande  de  l'Université  de  Berlin  au  moins 
aussi  aisée  à  mener  à  bonne  fin  que  la  construction  de  certains  de  ses 
discours  —  tel,  pour^nous  borner  au  dernier  en  date,  celui  sur  Fichte, 
prononcé  le  27  janvier  1908  dans  VAiila  de  ladite  Université  à  l'occa- 
sion de  l'anniversaire  de  la  naissance  de  Guillaume  II  et  où  des 
périodes  comme  celle-ci  exigent  des  efforts  cérébraux  peu  communs  : 

«  Dièse  Schicht  alsu,  hier  diircli  das  Wort,  ii'eitldn  durdi  den  Druck.  oiine 
jedes  modisclie  interludlungsgescliwiil:,  dus  die  zwôlfte  Rede  zornig  verpu>d, 
liber  eine  Reformation  des  deidschen  Vollies,  Iceineswegs  nur  oder  zunachst  gar 
nichi  elwa  bloss  der  Franzosen  iialber  ganz  unerwiihnlen  Preussen,  :u  belehren 
and  sie  bei  der  nationalen  Ehre  durcli  Ruckbliclc,  Umblick  und  Ausblick  zu 
packen,  ist  die  AbsicfU...  »  {Cf.  Fkft.  Ztg.  1908,  n"  43,  Abendbl.) 

—  d'autant  plus  que  parmi  les  manuscrits  d'Albrecht  en  sa  possession 
se  trouve  le  cahier  où  celui-ci  a  transcrit,  avec  indication  du  titre 

et  philologue,  —  il  a  même,  en  1887,  publié  à  llmbg-,  des  GedichLe —  ils  comptent 
2494  p.  in-8  couipreiiant  1277  «  n°'  de  plagiat»,  et  coûtaient,  chez  l'auteur  (qui  était 
en  même  temps  l'éditeur  de  ses  Œuvres  et  se  ruina  à  cette  affolante  entreprise) 
aS  M.  60  pf.  La  question  des  études  hispaniques  de  Lessing  ne  pouvait,  vu  la  partie 
de  ses  Œuvres  traitée  par  Albrecht  dans  ce  qui  a  paru  des  Plagiate,  être  discutée. 

1.  Publiée,  rappelons-le,  en  1899.  L'une  de  ces  corrections  en  apparence  les  plus 
futiles  (11,  II)  que  M.  E.  Schmidt  doit  à  P.  Albrecht,  est  celle  de  cette  absurde  graphie 
Dosolo  au  lieu  de  Dosalo —  résidence  du  prince  de  Guastalla  —  qu'employaient  tous 
les  biographes  ou  commentateurs  de  Lessing  et  que  rectiflait  ironiquement  All)recht 
dans  le  Prospect,  p.  18,  note  au  n»  21. 

2.  Die  Quellen  der  aComischen  Ein/àlle  und  Zuge>y  Lessings  (dau>  Silcungsber.  der 
kôn.pr.  Ak.  der  Wiss.  zu  B.,  XXI  [1897],  4O2-/179,  044-45);  Quellen  und  Parallelen  eu 
Lessing  (dans  Euphorion,  VIII  [t90I],  p.  (3io-G25). 


l6o       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hiSPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

et  des  auteurs  des  Comedias,  le  texte  espagnol  intégral  traduit  par 
Lessing.  De  la  sorte,  M.  Muncker  n'eût  pas  commis,  sur  la  remarque 
que  le  titre  Eraclio  iind  Argila  n'était  pas  adéquat,  la  malencontreuse 
transformation  de  ce  dernier  en  Eraclio  tout  court,  puisque  Eraclio 
n'est,  dans  la  comedia  espagnole,  qu'un  personnage  tout  à  fait  secon- 
daire, et  il  n'eût  pas,  surtout,  déparé  son  édition  par  de  regrettables 
bévues  que  la  publication  du  Prospect  rend,  au  surplus,  d'autant 
plus  étranges. 

La  première  des  deux  pièces  espagnoles  traduites  par  Lessing  s'inti- 
tule :  ISo  hay  cosa  huena  por  fuerza  et  l'auteur  en  est  inconnu.  Elle 
est  rare,  en  ce  sens  qu'elle  n'existe  qu'à  l'état  de  suelta  et  n'est 
conservée  qu'en  très  peu  de  bibliothèques'.  Elle  n'a  été  analysée, 
jusqu'à  présent,  par  aucun  critique  en  aucune  langue.  Ce  motif 
n'aurait  pas  suffi,  d'ailleurs,  à  justifier  l'exposé  qui  va  en  être  donné, 
s'il  ne  nous  avait  paru  opportun  de  montrer,  de  la  sorte,  quel  aspect 
véritablement  pittoresque  du  théâtre  espagnol  elle  révélait  à  Lessing, 
et,  puisqu'on  ne  trouve  pas  dans  ses  Œuvres  la  moindre  allusion 
à  cette  production  étrange,  d'insister  sur  une  conclusion  qui  s'impose, 
à  savoir  que  seule  l'ignorance  du  castillan  l'a  empêché  de  tirer  un 
autre  parti  d'elle  que  celui  qui  consistait  à  bousiller  quelques  lignes 
d'une  traduction  inexacte. 

No  hay  cosa  buena  por  fuerza  est  une  comedia  de  riiido  en  trois 
«journées  ».  A  \a  primera  jornada,  nous  sommes  à  «Canturiai),  capi- 
tale du  royaume  d'c(  Anglia  ».  Eraclio,  vieillard,  a  un  fils,  Claudino, 
et  une  fille,  Argila.  Le  premier  est  amoureux  de  Sofronisa,  sœur  de 
Trebacio,  amoureux  lui-même  d'Argila.  Mais  le  père  a  décidé  de 
vouer  ses  deux  enfants  à  l'état  ecclésiastique.  En  l'absence  de  Tre- 
bacio, parti  à  «  Baltridente  »  avec  son  valet  Garrôn  pour  y  régler  une 
affaire  de  testament,  EracHo  conduit  donc  Argila  dans  un  couvent  et 
fait  ordonner  Claudino,  non  sans  avoir  eu  au  préalable  avec  eux 
une  explication  orageuse.    Cependant  ïrebacio,   de  retour,  apprend 

I.  Elle  est  citée  p.  55  de  A  Catalogue  of  spanish  and  portuguese  books,  etc.  par 
Vincent  Salvâ  (London,  1826)  comme  étant  de  un  ingenio.  Tieck  la  possédait  dans  sa 
bibliothèque  (Catalogue,  etc.,  [Berlin,  iSig],  p.  i25,  n"  ti2')  sous  forme  d'une  suelta  de 
Madrid,  lySS.  Elle  est  simplement  désignée  par  son  litre  au  t.  I,  p.  629,  du  Catâlogo 
de  la  Biblioteca  de  Salvâ  y  Malien  (Valencia,  1872),  ainsi  que  par  La  Barrera,  Catâlogo, 
p.  508.  M.  A.  Paz  y  INlélia  ne  la  mentionne  pas  dans  son  Cat.  de  la  piezas  de  teatro,  etc. 
(Madrid,  1899.)  L'exemplaire  dont  je  me  suis  servi  est  celui  qui,  à  la  StadtbibUothek  de 
Hambourg,  est  contenu  au  t.  IV  de  la  Sammlung  spanischer  Dramen  en  8  volumes 
à  elle  léguée  par  B.  W.  Rahmeyer  et  sur  laquelle  j'ai  écrit  une  étude  acceptée 
en  1906  par  la  rédaction  du  Bulletin  hispanique,  mais  non  encore  publiée  à  cette  date. 
C'est  une  suelta  du  xvm*  siècle  imprimée  chez  Antonio  Sanz  à  Madrid  et  terminée 
par  VEntremés  de  la  Manta,  de  Benavente.  Ni  Ticknor,  ni  Schack,  ni  Klein,  ni  Schaeffer 
ne  la  mentionnent.  Les  amateurs  d'hypothèses  ingénieuses  se  demanderont  peut- 
être  si,  vu  sa  rareté,  d'une  part,  et  sa  présence,  de  l'autre,  dans  la  collection  d'un 
hispanophile  que  Lessing  connaissait,  il  ne  faudrait  pas  reculer  jusqu'à  la  période 
hambourgeoise  la  date  de  ce  fragment.  Voilà  qui,  il  est  vrai,  dérangerait  les  suppu- 
tations de  M.  Muncker  et  son  argument  des  graphies  archaïsantes. 


J 


LA    ?*ATl]RE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSL\G  l6l 

par  sa  sœur  la  catastrophe.  Il  prend  sans  hésiter  le  parti  de  se  rendre  au 
couAent,  où,  à  travers  le  tour,  il  décide  sans  peine  Argila  à  le  suivre. 
L'enlèvement  est  fixé  à  la  nuit  prochaine  et  le  premier  acte  se  clôt, 
en  effet,  sur  son  heureuse  réussite,  tandis  que  Claudino,  déguisé  en 
galant,  réalise  de  son  côté,  à  l'insu  de  sa  sœur,  le  rapt  de  la  trop 
consentante  Sofronisa. 

Segunda  Jornada.  Pendant  qu'Eraclio  conte  son  désespoir  à  Hoselio, 
Argila,  ïrebacio  et  l'inévitable  Garrôn  ont  atteint  la  plage.  En 
attendant  que  survienne  le  navire  qui  doit  les  transporter  en  France, 
ils  se  mettent  en  quête  d'eau  potable,  et,  pour  épargner  à  Argila  la 
fatigue  de  cette  recherche  par  un  ardent  soleil,  laissent  celle-ci  jusqu'à 
leur  retour  sous  les  profondeurs  ombreuses  d'un  bois.  Ils  ont, 
malheureusement,  compté  sans  les  corsaires  barbaresques,  qui  infestent 
ces  rivages.  Le  brigantin  du  Maure  Roselàn,  lequel  est  simplement  un 
renégat  espagnol,  atterrit  soudain,  et  les  écumeurs  de  mer,  lancés  en 
chasse,  s'emparent  sans  coup  férir  du  maître  et  de  son  valet.  Déjà 
l'esquif,  toutes  voiles  à  la  brise  fraîchissante  du  crépuscule,  a  disparu 
à  l'horizon  oii  décline  Phébus  vespéral,  quand  Argila,  éveillée  d'un 
long  sommeil  et  marrie  du  relard  de  son  amour,  se  sent  arrachée 
momentanément  à  ses  pensers  inquiets  par  l'arrivée  inattendue  de 
deux  voyageurs.  Déguisés  en  pèlerins,  les  deux  inconnus  sont,  on  l'a 
deviné,  Claudino  et  Sofronisa.  De  concert  avec  Argila,  les  fugitifs 
résolvent,  espérant  que  le  Ciel  ne  tardera  pas  à  prendre  en  pitié  leur 
infortune,  de  passer  la  nuit  dans  une  anfractuosité  des  rocs  de  la  côte. 
Mais  à  l'heure  où  se  déroulaient  ces  événements  tragiques,  Eraclio, 
que  le  malheur  n'a  pas  frappé  de  façon  moins  cruelle,  souffrait  lui 
aussi  mille  morts  dans  sa  vieille  demeure  vide,  et  le  voici,  en  effet, 
qui  apparaît  pour  déclamer  un  long  monologue  désespéré,  qu'inter- 
rompt cependant  une  étrange  visite.  L'ami  qui  l'aborde  et  dont  les 
allures  ne  décèlent  pas  le  caractère  véritable,  c'est  Satan  en  personne 
qui,  sous  les  traits  de  l'un  des  plus  intimes  camarades  du  vieillard, 
réussira  sans  efforts  à  le  persuader  que  le  meilleur  remède  à  son 
déshonneur  consiste  à  se  pendre.  Et  nous  voyons  Eraclio  se  passer  au 
col  la  corde  que  lui  tend  le  Malin,  puis  ce  dernier  abandonner  la 
scène  chargé  du  cadavre.  Un  nouveau  et  non  moins  brusque  chan- 
gement à  vue  nous  transporte  à  présent  en  Barbarie.  Trebacio  et 
Garrôn  fouissent  mélancoliquement  le  sol  du  jardin  de  leur  maître. 
Celui-ci  ne  tarde  pas  à  intervenir  pour  tenter  un  suprême  effort  et 
obtenir  de  ses  esclaves  qu'ils  renient  leur  foi.  Roselân,  cependant, 
n'a  pas  achevé  ses  objurgations  que  déjà  l'on  aperçoit,  au  fond  d'une 
allée,  trois  nouveaux  captifs  qui  arrivent,  deux  femmes  et  un  homme, 
conduits  par  Mami.  Cette  nouvelle  prise  fut  aussi  aisée  que  la  pre- 
mière. La  barque  de  pêcheur  qui  voguait  vers  la  France  n'a  pu 
opposer  la  moindre  résistance  à  l'assaut  des  pirates.    Et  c'est  ainsi 


l62        CONTKIULTIO.NS    A    l'ÉTUDE    DE    LIIISPAMSME    DE    G.    E.    LESSl.NG 

que —  merveilleuse  et  fatale  conjoncture!  —  Argila  et  Trebacio,  Sofro- 
nisa  et  Claudino  se  retrouvent,  sans  pour  autant  se  reconnaître,  unis 
dans  une  même  misère,  et  que  Garrôn  maudit  la  funeste  étoile  qui  le 
condamne  à  supporter  éternellement  seul  l'àpreté  du  servage. 
Pourquoi  faut-il  que  la  concorde  qui  régnait  dans  l'àme  des  captifs 
fasse  place  à  une  affreuse  désunion?  Argila  et  Claudino  sont  décidés 
à  renier  leur  foi,  Trebacio  et  Sofronisa  s'y  refusent  opiniâtrement. 
Garrôn  a  trouvé  une  solution  moyenne,  et  c'est  sur  l'exposé  qu'il  en 
donne  que  se  termine  la  Jornada  Segunda  : 

Que  hare?  Cabar,  esso  no, 
que  si  una  vil  mugercilla 
rencgar  quiere,  por  verse 
en  alto  lugar  subida, 
tambien  yo  le  pienso  hacer 
con  apariencia  flngida. 
Assi  enganarè  à  Mahoma, 
y  quando  entre  eu  su  Mezquila 
à  adorar  su  zancarron, 
y  à  haccr  su  zala  maldita, 
mi  corazon  dira,  no; 
y  si,  dira  mi  boquita. 

Tercera  Jornada.  Roselan  annonce  à  Ardain  (Claudino)  et  à  Zeli- 
dora  (Argila)  qu'il  a  l'intention  de  les  combler  de  ses  plus  hautes 
faveurs.  Leur  union  étant  résolue,  il  s'est  offert  à  en  payer  les  frais,  et 
ses  générosités  n'auront  pas  de  bornes.  Cardenio  (Trebacio)  et  Cris- 
pina  (Sofronisa),  cependant,  se  réfugient  dans  l'espoir  des  rémuné- 
rations de  l'au  delà  et  supportent  sans  chanceler  leur  destinée.  Zulema 
(Garrôn),  qui,  on  vient  de  le  lire,  joue  avec  une  dextérité  de  casuiste 
de  la  restriction  mentale,  converti  sans  l'être  à  l'Islam,  égaie  un 
temps  le  parterre  de  ses  lazzi  bachiques,  pour  céder  la  place  à  Ardain, 
qui,  en  une  copieuse  effusion  lyrique,  exalte  sa  félicité  et  finit  par 
s'endormir  sur  un  siège.  11  se  passe  alors  une  chose  effroyable. 
L'enfer  s'ouvre,  et,  du  fond  de  sa  géhenne  de  flammes,  Eraclio 
révèle  à  son  fils  la  monstruosité  commise  en  l'incestueuse  union  avec 
sa  sœur.  Claudino-Ardain,  que  l'effroi  a  secoué,  déclame  une  seconde 
tirade,  se  rendort,  et  Argila -Zelidora,  qui  le  cherchait,  l'entend  dans 
un  cauchemar  qui  prononce  son  véritable  nom.  Aussitôt,  la  voici 
qui  l'éveille  et  une  explication  a  lieu  entre  le  frère  et  la  sœur,  qui  se 
sont  reconnus,  puis  le  débat  est  clos  sur  cet  étrange  dialogue  : 

Arg.  Este  quiso  nueslro  padre; 

que  hemos  de  hacer? 
Claa.  Pues  nos  vemos  en  tal  pielago  nielidos, 

ir  adelante  con  elle, 

fortuna  nos  lavorece. 


LA    .>ATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPAMSME    UE    LESSING  1 63 

seguir  su  rueda  tenemos, 

que  si  hacemos  novedades, 

podrà  scr  que  la  enojemos, 

y  todo  resuite  en  dano. 
Arg.  Me  amaràs?  Claud.  Gon  mas  eslremo, 

que  conio  sin  conocerte 

gocè  de  tus  ojos  bellos, 

amoi"  de  hermana  anadiendo 

al  que  de  muger  le  tengo. 
Arg.  Dame  los  brazos. 
Claud.  Y  el  aima,  bella  Tamàr, 

que  en  mi  bas  hecho 

mil  hechizos  con  tus  ojos. 
Arij.  Olvidaràsme?  Claud.  No  puedo. 

antes  amor  ha  encendido 

nuevas  Hamas  en  mi  pecho, 

y  has  de  gozarme,  y  gozarte 

si  baxamos  al  Infierno. 
Arg.  Que  hemos  de  hacer 

de  Trebacio  y  Sofronisal' 
Claud.  En  un  fuego 

pienso  abrasar  à  los  très 

por  vengarme,  y  por  no  verlos. 
Arg.  Pues  hazlos  lucgo  llamar... 

Sofronisa  et  Trebacio  se  présentent.  Claudino  leur  révèle  leur 
identité,  qu'ils  ignoraient  jusqu'alors,  puis  les  fait  jeter  dans  un  bagne 
après  de  dures  paroles.  Survient  Roselân,  qui  enjoint  à  Claudino  d'ap- 
pareiller pour  donner  la  chasse  à  deux  navires  voguant,  chargés  de 
richesses,  à  destination  de  la  France.  Avant  son  dépari,  il  l'invite,  en 
compagnie  de  Zelidora,  à  sa  table.  Cependant  Mamî  et  Dragud,  que 
l'intrusion  du  renégat  Ardain  a  privés  de  leur  charge,  avaient  juré  de 
se  venger.  L'expédient  qu'ils  ont  imaginé  est  simple  et  efficace.  Us 
empoisonneront  les  eaux  d'une  fontaine  où  Claudino  et  Argila  ont 
coutume  de  boire.  Et  le  couple,  à  l'issue  du  festin  chez  Roselân, 
s'approche,  en  vérité,  de  l'onde  traîtresse,  échangeant  en  un  dialogue 
gongoresque  la  mortelle  angoisse  de  deux  chairs  jeunes  brutalement 
énamourées  : 

Arg.  Vendras  presto?  Cla.  Imitarè 

el  Aguila  boladora 

de  Jupiter,  Zelidora, 

y  mas  que  ella  bolarè. 
Arg.  Mira  que  aquestos  crystales 

ya  tu  ausencia  estàn  Uorando, 

y  este  jardin,  esperando 

tu  buelta  por  sus  umbralos.... 
Claud.  Estrano  amori  Arg.  Un  bolcan 

de  fuego  de  amor  se  ha  hecho 

en  lo  ocullo  de  mi  pecho.... 

C.    PITOLLET.  '3 


l64       GO?iTKl BUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

Pour  apaiser  ce  feu  qui  les  consume,  ils  emplissent  donc  à  la  source 
dont  le  murmure  chante  sous  les  figuiers  et  les  aloès  une  coupe,  qu'ils 
vident  d'un  trait.  Mais  le  subtil  venin  qui  infecte  ce  cristal  perfide 
produit,  foudroyant,  son  effet  meurtrier  : 

Arg.  Ay  mi  bien!  el  pecho  se  arde. 
Claud.  Yo  me  siento  caluroso, 

el  beber  mas  es  forzoso, 

que  hace  desteinplada  tarde  : 

agua  me  dà,  que  me  abraso.  fbebe.J 
Arg.  Toma,  y  dame  el  vaso  presto  : 

valgame  el  Cielol  Que  es  esto? 

Que  notable  fuego  tengo? 

Parmi  les  cris  de  désespérance  et  de  révolte,  entre  de  vains  appels 
à  l'aide,  les  amants  incestueux  tombent  et  expirent.  Dragud  et  Mami, 
accourus,  rejettent  la  cause  de  cette  mort  sur  les  esclaves  chrétiens 
chargés  de  cultiver  le  jardin,  et  Roselân,  persuadé  que  tels  sont  les 
seuls  auteurs  de  l'attentat,  décide  qu'il  en  sera  fait  prompte  justice  : 

Oy  pienso  en  terrible  fuego, 

por  Alà  Santo,  abrasarlos  : 

bèn,  Dragud,  y  mas  prisiones 

pon  à  essos  perros  ingrates, 

que  en  elles  veràs  castige, 

que  al  Africa  ponga  espante; 

y  romperàs  essa  fuente, 
-que  en  ella  ne  quede  canto, 

hasta  el  claro  nacimiento 
,  de  sus  crystalines  vases. 

Y  tu,  Mami,  aquestos  cuerpos 

puedes  guardar,  entre  tante 

que  la  Mezquita  se  aderna, 

dende  avemos  de  enterrarles. 

En  conséquence,  Dragud  est  mandé  au  bagne  pour  y  apprendre 
aux  condamnés  la  fatale  nouvelle.  Ceux-ci  la  reçoivent  avec  calme, 
non  sans  protester  de  leur  innocence.  Pendant  qu'ils  poussent  à  la 
Vierge  des  supplications  éplorées,  une  céleste  lumière  inonde  soudain 
la  prison.  «Tous  trois  choient  à  terre;  on  aperçoit  en  haut  Notre- 
Dame,  en  bas  un  Ange  qui  leur  arrache  les  fers.  »  Le  miracle  de  Saint 
Pierre  se  renouvelle.  Sofronisa  et  Trebacio  abandonnent  donc  leur 
geôle  ((  comme  conduits  par  une  invisible  main  »  et  franchissent  sans 
obstacle  la  porte  grande  ouverte  juste  à  l'instant  où  arrivent  Roselân, 
Dragud  et  Mami.  Les  Maures,  à  voir  le  bagne  vide,  ont  compris  le 
prodige  et  Mami  ne  tarde  pas  à  en  constater  un  second,  tout  aussi 
inconcevable  : 

Quande  en  la  Mezquita 
del  grau  profeta  Mahema, 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSISG  l65 

los  cuerpos  velando  estaban 

de  Ardain,  y  Zelidora, 

bino  una  tormenta  estraùa 

de  un  viento,  que  las  columnas, 

y  las  piedras  arrancaba  ; 

Ueno  de  miedo,  y  temor, 

vi  que  con  los  cuerpos  caigan, 

llevandolos  por  los  ayres, 

sin  verse  quien  los  llevaba.... 

Les  merveilles,  d'ailleurs,  succèdent  aux  merveilles.  Un  brusque 
effet  de  machinerie  nous  ramène  à  «  Canturia  ».  La  Renommée  qui  y 
a  transporté  ïrebacio  sur  ses  ailes  en  proclame  le  retour  au  peuple, 
ainsi  que  celui  de  Sofronisa  et  de  Garrôn.  Le  drame  allait  finir  en 
apothéose,  —  la  mort  de  Enrique,  souverain  de  l'Anglia,  assurant  le 
trône  royal  à  ïrebacio,  —  si  derechef  l'enfer  ne  s'ouvrait  «  et  à  l'entour 
du  brasier  et  dans  la  fumée  de  la  poix,  il  y  aura  Glaudino  en  étudiant, 
et  Argila  en  nonne,  et,  au  milieu,  Eraclio  ».  La  Renommée  annonce 
qu'elle  publiera  à  travers  le  globe  «  este  caso  jamds  visto  »,  tandis 
que  Garrôn,  qui  ressent  en  gracioso  les  situations  tragiques,  confesse 
que 

y  yo  de  miedo,  y  temor, 

por  detras  he  despedido 

un  no  se  que,  que  parece 

que  mucho  me  he  humedecido  ' , 

accident  qui  ne  l'empêche  pas  de  requérir  du  nouveau  roi  comme 
récompense  de  ses  services  l'octroi  d'une  cave  bien  garnie, 

que  en  los  trabajos  passados 
mucha  agua  avemos  bebido... 

Puis  l'auteur  tire  par  la  bouche  de  ïrabacio  la  nécessaire  moralité  de 
son  édifiante  histoire  : 

...  nadie  à  sus  hijos 
los  fuerce  à  tomar  estado» 
porque  no  hagan  lo  mismo, 


I.  Grillparzer,  qu'un  lent  labeur  mit  en  possession  de  la  scène  espagnole,  —  à 
laquelle  il  fut  redevable,  outre  d'inspirations  directes  (Ottokar  et  le  fragment  iBsi/ier), 
de  l'art  de  l'exposition,  et  dont  les  remarques  sur  Lopeet  son  théâtre,  infiniment  moins 
connues  des  hispanisants  que  les  analyses  de  Schack,  ont  sur  celles-ci  l'immense  avan- 
tage de  toujours  mettre  en  valeur  et  de  discuter  les  passages  scéniques  des  pièces  qu'il 
analyse,  —  s'étonnait  des  «Spâsse»  du  genre  de  celui-ci  et  dont  il  avait  trouvé  un 
exemple  dans  Céfalo  y  Pocris  de  Calderén  et  mentionnait,  en  honnête  archiviste  vien- 
nois, les  «  Wirkungen  der  Furcht  auf  die  hintern  ïeile  »  représentées  pantomimi- 
quement  sur  la  scène  lors  de  fiestas  royales  et  donnant  «  fiir  die  feine  Lebensart 
dièses  Hofs  kein  gutes  Zeugnis  »  {loc.  cil.,  p.  aoô). 


l66        CO.NTIUBLTIO.NS    A    l'ÉTLDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

et  renvoie  chez  elle  l'assistance  convaincue  par  cette  déclaration  qui, 
proférée  par  Garrôn,  ne  pouvait  que  gagner  en  vraisemblance: 

esta  historia  es  verdadera 
que  en  Canturia  ha  sucedido. 


«  Fenix.  » 

K.  Lessing  fut  le  premier  qui  imprima  (Theair.  Nachl.,  II,  xxviii), 
avec  une  «  Tonsine  »  —  dont  il  ne  put  donner  que  le  titre,  —  le 
«  Fenix )).  Il  s'imaginait  que  l'un  et  l'autre  fussent,  s'ils  eussent  été 
menés  à  bien,  devenus  des  a  drames  bourgeois  ».  Boxberger,  cepen- 
dant, était  d'avis,  loc.  cit.,  p.  686,  que  le  a  Fenix  »  n'était  pas  autre 
chose  que  «  le  fragment  d'une  traduction,  et,  en  vérité,  d'une  traduc- 
tion française».  Il  s'appuyait,  pour  soutenir  son  hypothèse,  sur  une 
particularité  du  dialogue.  Celle  qu'il  appelle  Msa  ne  prononce-t-elle 
pas,  en  effet,  un  «  Ich  bin  ganz  loricht,  es  zu  erfahren  »,  qui,  raisonnait 
l'ancien  professeur  à  Erfurth,  ne  pouvait  provenir  que  d'un  «  Je  suis 
folle  de  l'apprendre?  n  G.  Rœthe — dont  les  élucubrations  ont  été 
prises  au  sérieux  par  H.  Breymann,  qui,  en  iQoâ,  y  renvoie  sans  un 
mot  d'avertissement  {op.  cit.,  I,  207),  en  aggravant  cette  étourderie  de 
la  graphie  inédite  :  Félix  —  crut  avoir  découvert  une  piste  nouvelle, 
quand,  dans  l'article  précité  de  la  VierteljahrschriJÏ  (1889),  il  entre- 
prit de  démontrer  que  le  <i  Fenix  ))  n'était  qu'une  imitation  du.... 
Principe  Constante  de  Calderôn.  M.  Muncker,  moins  audacieux,  s'est 
contenté  d'opiner  en  faveur  d'une  source  espagnole,  tout  en  se  gardant 
d'indiquer  laquelle,  ni  même  de  préciser  s'il  était  pour  une  traduction 
ou  simplement  une  imitation.  «  Fenix  aber,  »  écrit-il  (III,  Vorrede), 
(I  deutet  auf  ahaliche  spanische  Vorbilder  oder  sloiïlichc  Quellen  wie 
Eraclio  und  ist  im  Slil  und  Ton  diesem  Stùcke  so  verwandt,  dass  man 
auf  eine  gleichzeitige  Entstehung  der  beiden  Fragmente  schliessen 
mïisste,  auch  wenn  die  erwahnten  Eigentiimlichkeiten  der  Iland- 
schrift,  der  Rechtsclueibung  und  der  Gebrauch  derselben  altertiim- 
lichen  Wortformen  dièse  Yermutung  nicht  noch  bestatigten.  »  Nous 
savons  déjà  ce  que  vaut  l'argument  orthographique.  L'autre,  de  la 
«parenté  de  style  el  de  ton»  des  deux  pièces,  est  tout  à  fait  mal- 
heureux, car  il  n'existe  nulle  analogie  de  style  ni  parenté  de  ton  entre 
la  pièce  de  Leyba  et  celle  de  Vingenio  inconnu,  auteur  de  Ao  hay  cosa 
hiiena  por  fucrza. 

Le  aspanisches  l'orbildn  mystérieusement  évoqué  par  M.  Muncker 
et  clairement  indiqué  par  Paul  Albrecht  n'est  pas,  il  s'en  faut,  une 
pièce  rare.  ïicknor  (trad.  Julius  II,  67,  et  Nachtrag,  1:28)  lui  consacre 
quelques  mots  ;  Schack  dit  d'elle  qu'elle  se  distingue  «  durch  reiche 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    I.  HISPANISME    DE    LESSING  I  fi-J 

Laune  und  grosse  Kraft  der  komik  »  (III,  4o3),  et  A.  Schaeffer,  qui 
l'analyse  en  trente  lignes  (II,  212),  voit  en  elle  une  preuve  que  le 
lalent  de  Leyba  semble  u  hauptsachlich  auf  der  komischen  Seite 
gelegen  zu  haben  ».  La  Sammlung  spanischer  Dranien  de  Rahmeyer  à 
la  Stadtbibliolhek  de  Hambourg  en  possède  au  t.  Yl,  où  elle  occupe 
le  cinquième  rang,  une  siielta  du  x\\vC  siècle  imprimée  à  Séville  u  en 
la  Imprenta  del  Correo  Viejo,  frente  del  Buen  Suceso».  Pour  ne 
parler  que  des  éditions  qui  se  trouvent  dans  toutes  les  biiDliothèques, 

—  et  sans  nous  arrêter  à  l'éd.  de  Cologne,  169-,  —  on  peut  la  lire  soit 
au  t.  V  du  Tealro  espanol  d'Ochoa  (Paris,  Baudry,  i838,  p.  128  seq.), 
soit  dans  la  B.  A.  E.,  /17,  3S-  seq.,  où  l'a  réimprimée  Mesonero. C'est 
la  typique  comedia  de  Jigurôn,  —  et  peut-être  l'une  des  meilleures  de 
tout  le  répertoire  —  dont  le  principal  protagoniste  ainsi  que  l'intrigue 
totale  ne  tendent,  par  une  habile  et  constante  gradation  du  comique, 
qu'à  divertir  les  spectateurs,  —  cette  fois  sans  aucvme  des  ressources 
scabreuses  auxquelles  n'hésitent  pas  de  coutume,  à  recourir  les 
dramaturges  qui  ont  cultivé  cette  variété  de  la  comedia  • .  Elle  faisait 
partie  du  répertoire  de  la  Tirana  (Maria  del  Rosario  Fernândez),  la 
célèbre  et  aventureuse  actrice  du  théâtre  del  Principe  dans  la  seconde 
moitié  du  xvin'  siècle  et  l'infortunée  riAale  de  Rita  Lunaa.  Ochoa 
(loc.  cit.,  p.  128)  en  a  même  signalé  une  scène  qu'il  estimait  avoir  pu 
inspirer  un  passage  de  l'École  des  Maris  de  Molière  et  que  nul 
critique  français  n'a  relevée.  Mesonero  (/oc.  cit.,  p.  xxvii)  écrit  qu'en 
elle  ((  sobresale  y  campea  tan  desahogado  el  genio  verdaderamente 
cômico  de  Leiva,  brilla  de  tal  manera  su  originalidad,  el  chiste  y 
gracejo  de  su  expresion,  que  habremos  de  confesar  que  este  es  uno  de 
los  ingenios  malogrados  por  la  moda  de  los  dramas  her6icos,eic.  ». 
Les  contes  gracieux  qu'elle  renferme,  spécialité,  d'ailleurs,  de  l'auteur, 
n'en  sont  pas  l'un  des  moindres  attraits.  De  Leyba  lui-même  on  ne 
savait  rien  jusqu'en  1899,  sinon  —  et  grâce  à  l'indication  d'un  titre 
de  comédie  consignée  par  le  marquis  de  Valdeflores  dans  ses  Apuntes 

—  qu'il  naquit  à  Mâlaga,  dont  il  a  célébré  la  reconquête  par  les  Rois 
Catholiques  dans  la  pièce  Niiestra  Senora  de  la  Victoriay  Restauracion  de 
Mdlaga.  et  qu'il  se  trouvait  en  cette  ville  le  i3  avril  1670,  sur  la  foi  du 
manuscrit  autographe  de  sa  médiocre  comedia  :  i\o  hay  contraunpadre 
razon,  manuscrit  qui  faisait  partie  de  la  bibliothèque  du  duc  d'Osuna, 
aujourd'hui  incorporée  à  la  Biblioteca  Nacional  de  Madrid  et  cataloguée 
par   Rocamora.   Grâce    aux   éloges  qu'en  firent  tour  à   tour    Garcia 


1.  On  ost  un  peu  surpris  de  trouver  dans  le  Thomas  Corneille  (Paris,  1892)  de 
M.  G.  Reynier,  p.  220,  note  I,  que  la  comedia  de fujurôn  esl  la  comédie  «de  caractère» 
tout  court. 

2.  Sur  cette  rivalité,  cf.  quelques  mots  pp.  8  et  9  de  Hila  Luna.  Apuntes  biogrâ 
ficos  de  la  eminente  actriz  Afalaguena  par  D.  N,  Dîaz  de  Escovar  (Màlaga,  1900,  in-i  de 

16  p.). 


l68        CONTRIBUTIONS   A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

de  la  Huerta,  Ochoa,  Mesonero  Romanos,  Morrâs,  Hartzenbusch, 
N.  M.  Serrano,  Barda,  Revilla,  Gil  de  Zârate  et  Guillén  Robles,  les 
œuvres  de  Leyba  avaient  reconquis,  dans  les  milieux  littéraires 
espagnols,  une  certaine  popularité,  mais  sa  personne  continuait  à  être 
enveloppée  de  mystère.  En  1899,  l'avocat  de  Mâlaga  Dîaz  de  Escovar 

—  dont  la  brochure  in-4  de  120  p.  parue  en  cette  même  ville  en  1896  : 
El  Teatro  en  Mâlaga,  a  fait  connaître  le  nom  aux  hispanisants  euro- 
péens, à  défaut  d'autres  œuvres  littéraires  et  poétiques  assez  nom- 
breuses —  consigna  dans  un  feuilleton  de  Y  Eco  de  Mâlaga,  tiré  à 
20  exemplaires  puis  incorporé  au  Cuaderno  1°  du  recueil  Curiosidades 
Malaguenas,  etc.  (12  cahiers  in- 4  formant  un  volume  de  332  p.), 
sous  le  titre  D.  Francisco  de  Leyba  y  Ramirez  de  Arellano,  Eminente 
Autor  Dramâtico  Malagueîïo ,  le  résultat  de  ses  recherches,  d'ailleurs 
assez  maigre,  touchant  cet  auteur  dramatique.  L'on  sait  désormais, 
en  conséquence,  que  Leyba,  dont  M.  Diaz  de  Escovar  cite  une 
quinzaine  de  pièces  avec  de  trop  sommaires  indications  bibliogra- 
phiques, naquit  à  Mâlaga  le  \l\  juin  i63o  d'une  famille  bourgeoise, 

—  son  père  était  Contador  de  Hacienda,  —  y  reçut  les  Ordres  Mineurs, 
fut  probablement  attaché  à  la  paroisse  de  Santiago,  et  mourut  dans  sa 
ville  natale  le  18  février  1676.  Il  fut  enterré  au  couvent  de  Ntra.  Sra. 
de  las  Mercedes,  sur  la  façade  duquel  a  été  apposée  en  1893  une 
plaque  commémorative.  Ce  dut  être  un  personnage  singulièrement 
modeste,  car,  malgré  la  coutume  d'alors,  son  nom  n'apparaît  nulle  part 
à  côté  de  celui  de  littérateurs  de  l'époque  et  du  lieu,  ni  à  l'occasion  de 
joutes  littéraires,  ni  dans  desjolletos,  ni  aux  premières  pages  des  livres 
publiés  par  des  écrivains  de  Mâlaga.  M.  Diaz  de  Escovar,  qui  a  refondu 
en  1904  El  Socorro  de  los  Mantos  (Madrid,  1904),  m'a  écrit  récemment 
qu'il  avait,  depuis  la  publication  du  feuilleton  précité,  découvert  «  un 
expediente  solicitando  una  capellania  para  ordenarse  y  un  autôgrafo  de 
Leyba  »,  mais  qu'il  ne  savait  rien  de  nouveau  sur  Cuando  no  se  agiiarda. 


1767.  Saavedra  Fajardo. 

{M.  IX,  336.) 

Au  36"  chapitre  de  la  Dramaturgie,  Lessing  rapporte  ce  dire  de 
Young  à  propos  du  soleil  :  «  Young  sagt  von  der  Sonne,  es  wâre  Sûnde 
in  den  Heyden  gewesen,  sie  nicht  anzubeten.  »  Le  passage  se  trouve 
dans  The  last  day  (in  three  booksJ\  Book  I,  vers  53  seq.  : 

Mark  how  thèse  radiant  lamps  inflame  the  pôle, 
Call  forth  the  seasons,  and  the  year  control  : 

I.   The  poetical  Works  of  Edinard  Young,  vol.  //(I.ondon,  i834.) 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSING  169 

They  shine  thro'  time,  wilh  an  unalter'd  ray  : 
See  this  grand  period  rise,  and  that  decay  : 
So  vast,  this  world's  a  grain;  yet  myriads  grâce, 
With  golden  pomp,  the  throng'd  ethereal  space; 
So  bright,  with  such  a  wealth  of  glory  stor'd, 
'Twere  sin  in  heathens  not  to  hâve  ador'd. 

Lessing  était  trop  amoureux  de  détails  d'érudition  pour  omettre,  — 
s'il  eût  connu  le  contenu  d'un  ouvrage  dont  l'attribution  à  Diego  de 
Saavedra  Fajardo,  pour  être  incertaine,  n'en  est  pas  moins  courante, 
La  Repi'iblica  Lileraria  —  de  rapprocher  le  dire  de  Young  de 
celui  de  l'auteur  espagnol  dont  ces  vers  semblent  s'être  inspirés,  et 
peut-être  même  de  taire  le  poète  des  Pensées  Nocturnes  pour  ne  citer 
que  le  passage,  plus  ancien,  du  livre  castillan.  On  lit,  en  effet,  dans  «  La 
Repùblica  Uteraria  de  D.  Diego  Saavedra  Faxardo,  etc.))^,  cette 
assertion,  qui,  rapprochée  de  celle  de  Young,  ne  permet  guère  de 
douter  que  ce  dernier  y  ait  puisé  —  soit  directement,  soit  de;  façon 
médiate  —  le  renchérissement  : 

«  'Twere  sin  in  heathens  not  to  hâve  ador'd» 

—  :  u  El  Sol  es  tan  hermoso  entre  las  Criaturas,  que  pudo  escusarse 
la  idolatria  de  avarie  adorado  por  Dios,  [y  ay  quiè  sin  tener  ojos  de 
Aguila,  se  ponga  a  averiguarle  sus  rayos,  y  dice  que  entre  sus  luces 
ay  obscuridades,  y  manchas,  »] 


1767.  Essex. 

(M.  X,  33-78.) 

Dans  sa  lettre  du  5  janvier  1769  à  J.  A.  Dieze  (M.  XVII,  281), 
Lessing  déclare  :  «  Von  einer  [Komôdie]  habe  ich  in  dem  60*'®"  bis 
Gg^"^^"  Stiicke  meiner  Dramaturgie  einen  weitliiuftigen  Auszug 
geliefert;  und  ich  môchte  wohl  wissen,  ob  Ihnen  dièse  unter  dem 
Namen  des  Verfassers  vorgekommen.  »  Lessing  a  courte  mémoire.  Il 
suffisait  de  rouvrir   Montiano-D'Hermilly  (qu'il  eût  dû  n'avoir  pas 

I.  Segunda  impresion  mejorada  de  tnuchos  errores  que  corrian  en  la  de  A mberes  (En 
Palermo,  1700)  [B.  N.,  Z.  87S8],  p.  76,  —  Ce  passage  fait  partie  de  ceux  que  Maydns 
supprima  en  1730  dans  son  édition  de  Valence  de  la  Repùblica  (pour  des  raisons  que 
l'on  pourra  lire  dans  sa  Préface,  p.  lxiii),  éd.  réimprimée  en  1735  à  Madrid. 
L'ouvrage  avait  été  traduit  en  allemand,  sous  le  titre  :  Die  Gelehrte  liepublik,  en  17/18 
(Leipzig),  par  Joh.  Erh.  Kapp,  qui  ajouta  les  passages  supprimés  par  l'éruditvalencien. 
De  cette  version  allemande  il  y  a  une  analyse  dans  le  Neuer  Biichersaal  de  Gottsched, 
VII,  55,  où,  l'année  d'avant,  VI,  283,  avait  été  déjà  analysée  une  autre  traduction  de 
Saavedra  par  ce  même  Kapp  :  Die  Thorheiten,  etc.  On  sait  que  les  Obras  de  Diego  de 
Saavedra  Fajardo  forment  le  t.  XXV  de  la  B.  A.  E. 


170       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    i/hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

oublié,  l'ayant  naguère  pratiqué  avec  le  zèle  que  nous  savons)  pour 
obtenir  les  renseignements  que,  plus  d'une  année  après  avoir  analysé 
la  comedia  espagnole,  il  ignore  encore.  On  lit,  en  effet,  dans  la  Dis- 
sertation précédant  la  Virginia  (I,  100)  :  u  Pour  convaincre,  sans 
beaucoup  d'effort,  que  l'on  doit  compter  la  nôtre  [notre  Nation]  parmi 
celles  qui  aiment  le  plus  les  matières  tragiques,  maniées  comme  il 
convient,  il  ne  faut  que  la  vue  du  concours  de  monde  aux  Théâtres, 
quand  on  représente  :  Les  Aspics  de  Cléopàtre  :  Le  Tétrarque  de  Jéru- 
salem :  Le  Règne  après  la  mort  :  Le  Comte  d'Essex  (Los  Aspides  de 
Cleopalra.  El  Thetrarca  de  Jerusalèn.  Reynar  despues  de  morir.  El 
Conde  Esex)  et  d'autres  pièces  sans  nombre  qui  sont  dans  le  véritable 
genre  de  la  Tragédie.  Tout  le  monde  court  voir  ces  Pièces,  sans  en  être 
empêché  par  la  terreur  et  la  pitié  qu'excitent  les  tristes  événements 
dont  elles  sont  remplies i.»  A  cette  indication,  déjà  assez  claire  par 
elle-même,  D'Hermilly  avait  ajouté  une  note  concernant  les  auteurs  des 
quatre  c  tragédies  0  :  «  Les  Auteurs  de  ces  quatresC^iV/rragi- Comédies 
sont  :  de  la  première.  Don  François  de  Roxas  ;  de  la  seconde,  Don 
Pedro  Galderon;  de  la  troisième,  Jean  Vêlez;  et  de  la  dernière,  Phi- 
lippe IV.  Roi  d'Espagne.  )•<  Enfin,  à  l'excellent  et  tout  à  fait  métho- 
dique Index  des  auteurs  (II,  196),  on  pouvait,  par  surcroît,  lire  cette 
nouvelle  indication  du  zélé  traducteur  français  :  «  Philippe  IV,  Roi 
d'Espagne,  est  Auteur  de  la  pièce  intitulée  :  El  Conde  de  Essex,  le 
Comte  d'Essex,  qui  est  citée  dans  la  Dissertation  de  Don  Augustin  de 
Montiano  y  Luyando.  Quelques-uns  attribuent  cette  Tragédie  à  d'autres; 
mais  les  personnes  les  mieux  instruites  la  donnent  à  ce  Monarque.  » 
Mais  la  lettre  de  Lessing  est,  nous  l'avons  dit,  de  1769.  En  1767,  il 
présentait  sa  pièce  en  ces  termes  aux  lecteurs  de  la  Dramaturgie  : 

«  Abor  eiiien  spanischen  Essex  liabe  ich  gelescn,  der  viel  zu  sonderbar  ist, 
aïs  dass  icli  nictit  ini  Vorbeygehen  elwas  davon  sagen  sollte.  —  Es  ist  von 
einem  ungenannten,  und  fùhret  den  Titel  :  Fur  seine  Gebietherinn  sterben 
\Dar  la  vida  por  su  Dama,  el  Conde  de  Sex;  de  un  Ingénia  de  esta  Corte].  Ich 
findeihn  in  einer  Sammlung  von  Koinôdien,  die  Joseph  Padrino  zu  Sevilien 
gedruckt  hat,  und  in  der  er  das  vier  und  siebzigste  Stûck  ist.  Wonn  er  \er- 
fertiget  worden.  weiss  ich  nicht.  >• 

Ce  que  Lessing  appelle  la  «  collection  »  de  comédies  de  Joseph 
Padrino  ne  représente,  en  fait,  selon  la  coutume  éditoriale  transpy- 
rénaïque  des  comedias  au  xvir  el  surtout  au  xviir  siècle,  qu'une 
succession  de  sueltas  reliées  par  un  numéro  d'ordre  souvent  arbitraire 

I.  Discurso,  éd.  cit.,  p.  71:  «Para  cotivenccr,  sin  grave  esfuerzo,  que  se  debe 
contar  la  nuestra  [nacion]  entre  las  que  sultan  de  los  assiintos  tragicos,  inanejados 
segun  conviene,  no  e**  necessaria  olra  pr\ieba,  f[iie  vèr  la  concurrencia  de  los 
Theatros,  qnando  se  rcpresentan,  Los  Aspides  de  Cleopatrn  :  el  Thetrarca  de  Jerusalèn  : 
Heynar  despues  de  morir:  El  Conde  Ese.v;  y  otras  que  hay,  sin  numéro,  de  la  propia 
naturaleza.  Todos  corren,  à  vèr  estas  Obras,  sin  que  los  retrayga  el  terror,  y  la  las- 
tinna,  à  que  ios  mueven  los  tristes  acontecimientos,  de  que  se  componen.  » 


LA    NATURE    KT    I,ES    SOURCES    DE    U  HISPANISME    DE    T.ESSING  171 

et  iiltéiieviremenl  réunies  selon  le  capiice  des  collée lionneuis  ou  le 
hasard  des  trouvailles.  Si  Lessing  avait  eu  la  moindre  expérience 
bibliographique  en  la  matière,  il  se  serait  dit  que  Joseph  Padrino 
n'avait  fait  que  réimprimer  —  la  langue,  d'ailleurs,  en  apportait,  à 
défaut  d'autres  critères,  le  témoignage  fort  net —  une  comedia 
ancienne  et  n'aurait  guère  eu  de  peine  (puisqu'il  avait  oublié  l'indi- 
cation de  D'Hermilly),  vu  le  peu  de  rareté  de  tels  livres  à  Hambourg, 
à  découvrir  le  recueil  du  xvui'  siècle  où  étail  nommé  le  véritable 
auteur  du  Conde. 

Avant,  cependant,  de  nous  occuper  de  la  pièce  elle-même,  voyons 
comment  Lessing  a  été  amené  à  en  parler.  Il  vient  de  traiter  longue- 
ment des  Essex  de  Thomas  Corneille  et  de  John  Banks.  Nous  avons 
dit  plus  haut  combien  il  était  probable  que  Lessing,  qui  avoue  n'avoir 
lu  aucun  des  autres  Essex  anglais  qu'il  cite  (59.  Stuck),  n'en  a  eu  con- 
naissance que  par  le  Companion  to  the  Play  Hoiise  (1764).  Or,  l'auteur 
de  cette  compilation  fait  justement  suivre  sa  notice  sur  The  Unhappy 
Favourite,  or  The  Earl  of  Essex,  de  Banks,  de  cette  remarque  : 

«  Two  Frencli  Avriters,  viz.  Mons.  Calprenade  fsicj  and  T.  Corneille,  and 
one  Italian  Author',  liave  written  dramatic  pièces  on  the  same  story. 
whicli  is  perliaps  as  well  adapted  to  the  théâtre  as  any  incident  in  the 
English  History  ^ .  » 

Cette  indication  ne  pouvait- elle  éveiller  la  curiosité  de  Lessing,  et 
qui  sait  si,  en  recherchant  cet  Essex  italien  dans  quelque  bibliothèque 
hambourgeoise,  cet  incomparable  fureteur  n'est  pas,  de  la  sorte, 
tombé  sur  celui  de  Coello?  D'autres  conjectures  se  présentent, 
d'ailleurs,  à  l'esprit,  telle  celle,  nullement  si  invraisemblable,  qui 
consisterait  à  admettre  qu'un  ami  hambourgeois,  v.  gr.  ce  B.W.  Rah- 
meyer  dont  la  collection  de  comedias  est  à  la  Stadtbibliothek  de  sa  ville 
natale  —  et  il  n'est  pas  certain  qu'elle  y  soit  complète,  puisqu'il  ne 
légua  que  le  tiers  de  ses  livres  à  cet  établissement 3  —  contient  préci- 
sément un  Conde  de  Sex  dans  une  siielta  du  xviii*  siècle,  lui  signala  la 
pièce  espagnole.  En  admettant,  d'autre  part,  que  lui-même  ait  possédé 
—  don   de  l'un  de  ces    marchands  hanséatiques  revenus  enrichis  de 

I.  Je  n'ai  liouvé,  dans  la  Drammaturgia  di  Lione  Allacci  accresciula  e  continuata  fino 
all'anno  MDCCLV  (Xenezia,  1756,  in-!i,  la  1"  éd.  est  de  Rome,  i6i'>0,  in-12),  oiilni  l;i 
mention  d'une  version  italienne  de  la  pièce  de  T.  Corneille,  qu'une  énismatic|uo  : 
La  Regina  statista  d'IiighUtcrra,  Commedin  (in  prosa)  —  in  Bologna,  pcr  Giovanni 
Recaldini.  1668,  in-12  —  di  Mcolù  Biancolelli  (p.  603).  Mazzuchelli  (Gli  scritlori  d'Jtalia, 
etc.,  vol.  II,  parte  II  [Brescia,  1760]  p.  1 192)  semble  avoir  copié  cette  notice,  en  data.it 
la  pièce  1688  au  lieu  de  1668.  Peut-être  est-ce  là  cet  Rsse.r  italien  auquel  faisait  allu- 
sion Erskine  liakeri' 

/.  Éd.  de  1782,  11,  Sg.'i. 

3.  Des  1S8  sueltas  contenues  dans  les  8  tomes,  arbitrairement  composés,  de  celle 
Sammlung  sfianisclier  Dramen  —  l'Essex  est  au  t.  IV,  n"  aSO,  —  il  ne  s'en  trouve  qu'une 
sortant  de  l'otricine  de  Joseph  Padrino.  Elle  est  au  t.  Vlll,  n'  88  :  .4u<o  al  nacimiento 
del  hijo  de  Dios.  Los  Angeles  encontrados.  De  D.  Antonio  de  Castilla,  natural  de  Cbeda 


172        CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Câdiz  qu'il  mentionne  dans  cette  même  lettre  à  Dieze  —  la  siielta  qu'il 
analyse,  sera-t-il  par  trop  téméraire  d'insinuer  que  peut-être,  si,  au 
lieu  du  titre  :  Dar  la  vida  por  su  Dama,  El  Conde  de  Sex,  l'exemplaire 
de  Padrino  eût  reproduit  l'en-tête  de  l'édition  du  Mejor  de  los  mejores 
libros  (Alcalâ,  i65i,  Madrid,  i653),  comme  le  font  d'autres  sueltas  : 
Comedia  famosa  :  la  Tragedia  mas  lastimosa  de  amor,  qui  déclare 
moins  clairement  le  sujet  du  drame,  nous  n'eussions  jamais  eu  la 
bonne  fortune  d'entendre  Lessing  se  prononcer  sur  la  Comedia  espa- 
gnole? Nous  avons  si  peu  confiance  en  son  hispanisme,  nous  l'avons 
surpris  tant  de  fois  en  flagrant  délit  d'information  médiate  que  cette 
insinuation  nous  sera  sans  doute  pardonnée.  11  n'a,  dans  son  igno- 
rance, d'ailleurs  pas  fait  le  moindre  effort  pour  établir  l'état  civil  de  la 
pièce  qu'il  allait  «  révéler  »  à  l'Allemagne.  En  i638,  époque  où  La  Cal- 
prenède  donnait  à  la  scène  parisienne  sa  meilleure  tragédie  :  Le  Comte 
Dessex,  imprimée  l'année  suivante  à  Paris  (Bibl.  Nat.  :  Yf  477),  le 
docteur  Francisco  Torivio  Ximenez  éditait  à  Barcelone  la  Parte  treynta 
una  de  las  meiores  comedias,  que  hasta  oy  han  salido,  où  se  trouvait, 
p.  ii3  seq.  :  la  gran  comedia  del  Conde  de  Sex,  sans  nom  d'auteur'. 
Le  comte  d'Essex  n'était  pas  un  inconnu  pour  les  Espagnols.  C'était, 
en  effet,  à  sa  «voluntad  y  sabiduriawa  qu'ils  étaient  redevables  d'un 
beau  sonnet  de  Cervantes  à  l'adresse  du  duc  de  Médina,  sans  doute, 
mais  aussi  de  la  destruction  de  Câdiz  en  juillet  1596.  D'après  La 
Barreras  (mais  ne  s'est-il  pas  trompé  ici  encore?)  le  nom  de  Coello 
figurerait  déjà  comme  nom  d'auteur  du  Conde  dans  un  recueil  de 
Comedias  de  varias  imprimé  à  Lisbonne  et  qu'il  suppose  reproduire  le 
texte  de  l'édition  de  Barcelone.  Puisque,  cependant,  en  i636,  Fabio 
Franchi  ne  vante,  dans  les  Essequie poetiche  alla  morte  di  Lope  de  Vega, 
de  Coello,  que  El  celoso  Estremeno,  il  faudrait  que  la  comedia  du  Conde 
de  Sex  eût  été  composée  fort  peu  après  cette  époque,  car  il  semble  invrai- 
semblable d'admettre  que  Franchi  l'eût  tue,  si  elle  avait  déjà  été  produite 

1.  J'ai  utilisé  l'exemplaire  du  British  Muséum  :  11725  d  8.  Mesonero  avait  eu  raison 
d'écrire  que  la  pièce  était  anonyme  (B.  A.  E.  45,  XXVI)  et  il  est  incompréhensible 
que  La  Barrera  soutienne  le  contraire  (Cat.  96  et  085).  Miinch-Bellinghausen  (Fr. 
Ilalm)  a  donné  une  description  excellente  de  la  Parte  .VZA7  dans  son  classique  article 
au  t.  m  des  Denkschriften  der  Kaiserl.  Akademie  der  W issenschaften  :  «  Ueber  die  àlteren 
Sammlungen  span.  Dramen  »  (Wien,  1842),  p.  128.  Cet  érudit  a  démontré  —  et  c'est  un 
point  sur  lequel  il  existe  souvent  quelque  imprécision  dans  l'esprit  des  hispanophiles 
—  que  les  Comedias  de  Lope,  dont  le  si' volume  parut  vraisemblablement  en  i63i 
à  Saragosse,  avaient  été  continuées  par  les  Comedias  de  diferentes  autores,  dont  le 
i"  tome  porte  de  la  sorte  le  chiffre  a5  et  le  dernier  le  chifTrc  W,  et  dont  la  Parte  XXXI 
ci-dessus  forme  un  volume,  collection  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  celle,  posté- 
rieure, en  48  volumes  (1652-1704),  des  Comedias  nucvas  escogidas.  Cf.  sur  celles-ci  la 
nouvelle  et  minutieuse  description  de  M.  A.  L.  Sliefel,  commencée  au  t.  XXXI  (1907) 
de  la  Ztschft.  fiir  rom.  Phil.,  p.  488  seq. 

2.  Cervantes,  La  Espanola  Inglesa,  p.  uG  de  l'éd.  Brockhaus  des  Aovelas  Ejemplares 
(Leipzig,  i883.)  On  sait  que  le  point  de  départ  de  cette  nouvelle  est  le  sac  de  Câdiz 
par  Essex  et  l'amiral  Howard. 

3.  On.  cit.,  p.  708. 


L/V    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSING  \']3 

à  la  date  où  il  écrivit  son  Raguaglio  di  Parnasse  « .  En  tout  cas,  le  mejor 
de  los  mejores  libros  que  han  salido  de  comedias  nuevas  —  recueil  digne 
de  son  titre  tant  par  l'excellence  des  productions  qu'il  contient  que 
parla  beauté  de  son  exécution  typographique — imprimé  en  i65i  à 
Alcalâ  chez  Maria  Fernândez  et  réédité  chez  Quinones  à  Madrid  en 
16532,  cite  expressément  à  la  tabla  de  los  ingenios  que  escribieron  este 
tomo  de  comedias  le  nom  de  «  D.  Antonio  Coello  »  comme  celui  de 
l'auteur  de  la  pièce,  imprimée  p.  877  seq.  —  Les  rééditions  posté- 
rieures, cependant,  manifestent  un  arbitraire  extrême  dans  l'attri- 
bution de  cette  comedia,  imputée  tantôt  à  «  un  ingenio  de  esta  Corte» 
ou  simplement  «  im  ingenio  »,  tantôt  à  D.  Luis  Coello3,  ou  à  Juan  de 
Matos  Fragoso'i,  ou  à  Philippe  IV  5,  ou  à  CalderônC. 

I.  Réimpr.  au  t.  XXI  des  Obras  saeltas  de  l'édition  de  Lope  de  Vega  par  Sancha. 

a.  Le  British  Muséum —  donton  n'ignore  pas  la  richesseen  anciens  textesdeComedi'a 
(collection  Chorley) —  possède  les  deux  éditions  du  Mejor  de  los  mejores  libros.  Elles  ne 
diffèrent  l'une  de  l'autre  qu'en  ce  que  la  seconde  n'a  plus  l'avertissement  :  Tomas  Alfay 
al  lector. 

3.  A  Cat.  of  sp.  a.  port.  6.  etc.  de  V.  Salve,  p.  5i.  Le  Brit.  Mas.  possède,  sous  le 
nom  de  D.  Luis  Coello,  une  suelta  de  Madrid  (Sanz),  1788,  et  une  autre,  sans  date. 
(117-28  c  9;  13U2,  e  7.)  La  Bihl.  Xat.—  Cf.  Catal.  XXX,  442  —  ne  semble  posséder  que 
cette  suelta  de  Madrid,  1788,  mais  la  chose  est  loin  d'être  certaine. 

4.  Dans  l'éd.  de  Bruxelles,  1704,  des  Comedias  Escogidas,  etc.  décrite  par  Mûnch, 
p.  i5i,  et  dont  la  Stadtbibliothek  de  Hamt)ourg  conserve  un  exemplaire.  Dans  la 
Dramaturgie  ou  Observations  critiques  etc.,  traduction  partielle  de  l'ouvrage  de  Lessing 
par  Fr.  Cacault  publiée  à  Paris  en  1786  par  Junker,  le  Conde  de  Sex  est  attribué  à 
«  Don  Juan  Matos  Fregoso  »  sur  la  foi  de  ce  Recueil  de  Bruxelles.  M.  L.  Crouslé  n'a 
pas  cru  devoir  mieux  faire  que  de  renvoyer  à  ce  passage  —  qui  se  trouve  l''"  Partie, 
p.  97,  note  a.  —  p.  284  de  l'ouvrage  précité  :  «  L'auteur  de  cette  tragédie  est  Don  Juan 
Matos  Fregoso.  Voir  la  traduction  de  la  Dramaturgie  par  Cacault.  ->  —  J'imagine  que 
l'attribution  du  Conde  à  Matos  Fragoso  provient  d'une  confusion  avec  une  de  ses 
comedias:  Los  Indicios  sin  culpa,  dont  le  titre  semblerait  indiquer  qu'il  s'agit  de 
l'aventure  du  Conde,  mais  dont  la  matière,  essentiellement  espagnole,  en  est  complè- 
tement différente.  Cette  comedia  est  au  British  Muséum  :  11728,  i.  6. 

5.  Il  n'existe  pas  de  texte  de  la  comedia  où  elle  soit  directement  attribuée  à 
Philippe  IV,  mais  c'est  ainsi  que  certains  comprenaient  «  de  un  ingenio  de  esta 
Corte  »  !  Je  n'ai  d'ailleurs  trouvé  aucune  insinuation  en  ce  sens  qui  soit  antérieure 
à  celle  de  Luzân,  Poética,  libr.  III,  cap.  I;  mais  il  suffit  de  lire  les  paroles  de  Luzén 
pour  voir  qu'il  n'y  a  là  rien  de  sérieux.  L'attribution  à  Ph.  IV  impliquait  de  curieux 
distinguo.  Napoli  Signorelli  (Storia  critica,  etc.,  IV,  Napoli,  1789,  p.  2o3  seq.)  dit  que 
le  roi  pourrait  n'avoir  donné  que  le  plan.  Au  contraire,  Ochoa  (Tesoro,  V,  Paris  i838, 
p.  98  seq.)  attribue  sans  hésitation  au  souverain  :  la  tragedia  mâs  lastimosa,  el  Conde  de 
Sex,  tandis  que  Dar  la  vida  por  su  dama  ne  serait  de  lui  que  sur  un  dire  de  Jovel- 
lanos!  Laube  (C/.  sur  son  système  dramatique  la  récente  thèse  de  F.  Brosswitz: 
H.  Laube  als  Dramatiker,  Breslau,  1906),  auteur  d'un  Graf  Essex  représenté  en  i85G 
—  le  thème  a  été  repris  en  1860  par  K.  Werder  dans  Polilik  und  Liebe —  croit  encore 
que  le  Conde  est  de  Philippe  IV  (Dramatische  Werke,  2.  Aujl.,  Leipzig,  Weber,  18G7, 
t.  VIII,  Einleitung).  11  copie  vraisemblablement  H.  Grasse,  Hndb.  der  allg.  Liltera- 
turgesch.,  III,  Abtheilung  I,  p.  i5o.  Il  aurait  dû  au  moins  lire  Schack  (Nachtrdge,  i854, 
p.  io2-io3),  qui  a  trouvé  un  manuscrit,  daté  11  aov'it  1G61  (Mesonero,  B.  A.  E.  45, 
XXVI),  où  la  pièce  est  attribuée  à  Coello.  —  Signalons  ici  une  excellente  traduction 
allemande  du  Conde,  fort  peu  connue  -.der  Graf  von  Essex.  Bomantisches  Schauspiel  ans 
dem  Spanischen  (Gôllingen,  1822.  in-8).  La  préface  est  signée  Heinrich  Sequanus, 
pseud.  de  H.  H.  L.  Spitta  [Brit.  Mus.  11723/.] 

6.  Suelta  au  t.  V  d'une  collection  de  Sueltas  de  Calderôn  en  5  volumes  possédée 
par  la  Stadtbibliothek  de  Hambourg  et  comptant  98  pièces.  Cf.  aussi  A.  L.  Stiefel  : 
Ztschft.  fiir  roman.  Philologie,  XV  (1891),  p.  226. 


174         CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    I.ESSING 

Lessing  n'éprouve,  en  présence  de  la  suetta  de  Joseph  Padrino, 
aucune  hésitation,  ne  ressent  aucuns  scrupules  critiques,  et  en  réim- 
prime orgueilleusement  des  passages,  convaincu  qu'il  s'agit  d'une 
édition  originale.  Son  moderne  éditeur,  auquel  le  secours  de  M.  A.  Fa- 
rinelli  était,  comme  il  l'avoue  dans  cette  curieuse  Vorrede  du  t.  X, 
assuré,  a,  en  voulant  procéder  avec  plus  de  discernement,  mis  au 
jour  de  façon  inéquivoque  la  dangereuse  illusion  qu'il  nourrit,  en  bon 
Lessingforscher,  touchant  la  science  hispanique  du  commentateur  de 
la  cnmedia  de  Coello.  Les  maigres  renseignements  bibliographiques 
sur  le  Conde  qu'il  trouvait  dans  l'édition  u  critique  »  de  celui-ci  par 
M°"Carolina  Michaëlis  dans  une  préface  véritablement  trop  succincte' 
ne  suffisaient  pas  à  l'orienter  sur  la  pièce.  Il  s'adressa  à  la  Stadtbi- 
bliothek  de  Hambourg,  —  on  sait  qu'en  Allemagne  l'échange  de  livres 
entre  bibliothèques  et  le  prêt  de  livres  à  domicile  par  les  bibhothèques 
constituent,  avec  Y Auskiinflsbiireaii  der  deatschen  Bibliotheken  qui 
renseigne  les  travailleurs  sur  l'existence,  en  telle  ou  telle  bibliothèque, 
d'un  ouvrage  cherché,  et  l'accession  aux  Revues  de  l'année  dans  toutes 
les  bibliothèques,  l'un  des  instruments  de  travail  les  plus  précieux,  en 
même  temps  que  l'une  des  causes  de  l'indiscutable  supériorité  de 
l'érudition  allemande  moyenne  sur  l'érudition  française  de  même 
exposant î  —  qui  mit  à  sa  disposition  la  suelta  du  IV"  volume  de  la 
collection  Rahmeyer.  Cette  siielta  ne  portant  pas  le  nom  de  Padrino, 
M.   Muncker   en  conclut,  avec  une  hésitation   comique,    qu'elle    ne 


1.  La  réimpression  du  Conde  par  M"'  Michaëlis  est  au  t.  WVII  de  la  Colecciôii 
de.  autores  espanoles  publiée  de  i8Go  à  1887  eu  i8  vol.  par  la  librairie  F.  A.  Brockhaus 
à  Leipzig.  11  est  étonnant  ((u'une  romaniste  aussi  érudite  ait  accepté — car  nous  ne 
pouvons  croire,  encore  qu'elle  ne  le  dise  pas,  que  telle  ne  soit  pas  sa  source  — 
l'opinion  tout  à  fait  inexacte  d'Ochoa  {Tesoro,  V,  99)  sur  le  titre  de  la  pièce  :  «  Esta 
composiciôn  es  una  prueba  del  ningun  respeto  que  tenian  nuestros  antiguos  poetas 
â  las  distinciones  de  géneros  establecidos  por  los  preceptistas.  El  autor  le  da  el 
nombre  de  comedia,  y  su  titulo  es  la  Tragedia  mas  lastimosa.  »  Si  Ochoa  s'était  reporté 
à  la  Tabla  de  los  ingenios  du  Mejor  de  los  mejores  libros,  il  y  eût  vu  que  la  pièce  était 
appelée  :  la  tragedia  mâs  lastimosa  de  amor,  ce  qui  n'est  nullement  la  même  chose  que 
ta  tragedia  mâs  lastimosa  tout  court.  11  semble  que  M"'  Michaëlis  doive  aussi  à  Ochoa 
sa  graphie  Boberto  d'Evreux  qui  est  historiquement  pour  le  moins  trop  archaïque  et 
rappelle  lellerzog  von  Alanzon  que  Lessing  a  accepté  de  la  suelta.  Cf.  l'article,  aujour- 
d'hui valable  encore,  Devereux  par  V.  Stramberg  dans  VAWj.  Encyci,  23.  Thl.  (iSSs), 
p.  807-320. 

2,  Tant  que  n'aura  pas  été  opérée  chez  nous  une  fondamentale  réforme  dans  le 
fonctionnement  et  l'approvisionnement  de  nos  bibliothèques,  les  travaux  d'érudition 
scicnliliqucs  ne  seront  possibles  qu'à  quelques  rares  privilégiés  de  la  fortune  qui 
peuvent  acheter  les  livres  qu'il  leur  faut  ou  à  ces  mandarins  pour  lesqiiels 
la  riiiueur  de  règlements  surannés  n'est  pas  appliquée.  .\u  nom  de  quelques  compa- 
gnons de  souffrance,  nous  élevons  ici  de  nouveau  —  nous  l'avons  déjà  fait  à  plusieurs 
reprises  dans  un  quotidien  de  Paris:  cf.  à  ce  propos  Centralbl.  far  liibliothekswesen, 
1908,  p.  i/ia;  Cf.  aussi  :  .4  la  Bibl.  \at.,  dans  Le  Censeur  du  29  févr.  1908,  p.  285-a8C; 
tuie  inadéquate  défense,  où  n'est  discutée  que  la  question  du  Catalogue,  a  paru 
anonyme  dans  la  Revue  des  Bibliothèques,  igo-^,  p.  agS-So^ —  une  protestation  ardeate 
contre  les  habitudes  de  la  Bibliothèque  Nationale,  qui,  seule  institution  où  l'on  puisse 
en  France  travailler  avec  quelque  chance  de  succès,  reste  la  négation  d'une  époque 


LA    NAILRE    ET    LES    SOURCES    DE    L  lllSl'AMSME    DE    LESSl.NG  l  "O 

semblait  pas  (sic)  avoir  été  celle  directement  (sic)  utilisée  par  Lessing, 
mais  qu'elle  se  rapportait  <(  zAveifellos  mit  dem  von  Lessing  beniitzlen 
Drucke  auf  eine  gemeinsame  Textesgrundiage  ».  Nous  ne  suivrons  pas 
l'éditeur  de  Lessing  dans  ses  distinctions  entre  ce  qu'il  appelle  — 
dévoilant  par  là  sa  totale  ignorance  des  habitudes  des  imprimeurs 
espagnols  à  l'époque  où  il  n'existait  pas  légalement  d'Espagne,  mais 
(.(  des  Espagnes  »  —  «  rechtmassiger  Abdruck  d  et  u  widerrechtlicher 
Nachdruck  I)  de  comedias.  Que  ne  se  documentait-il  pas,  avant 
d'écrire  ces  pauvretés,  dans  une  source  aussi  banale  que  Ludwig 
Lemcke,  dont  les  remarques  sur  *(  die  alten  Sammlungen  spanischer 
Schaiispiele  »  (Hndb.  111,  753  seq.)  lui  eussent,  répétons-le,  épargné 
des  considérations  futiles  sur  les  modifications  orthographiques 
apportées,  selon  lui,  par  Lessing  à  un  texte  que  ce  dernier  n'a 
fait,  sauf  quelques  coquilles,  que  reproduire  à  la  lettre.  Mais  les 
Lessingforscher  qui  proclament  le  plus  haut  le  dogme  de  l'hispano- 
philie  lessingienne  sont  précisément  ceux  qui,  dès  qu'il  s'agit  de 
traiter  de  littérature  espagnole,  commettent  les  plus  lourdes 
bévues.  M.  Erich  Schmidt,  qui  connaît  vaguement  un  Coëllo  (sic), 
n'en  est  pas  moins,  dans  la  deuxième  édition  de  son  Lessing,  persuadé 
que  l'auteur  du  Conde  de  Sex  est  «  ein  unbekannter  Spanier  »  (I,  623) 
et  quand  nous  crûmes  devoir,  à  piopos  de  l'exemplaire  du  Jôclier, 
nous  adresser  à  M.  Muncker  en  lui  faisant,  en  même  temps,  part  de 
notre  travail,  il  nous  répondit  : 

'<  Ich  glaube,  dass,  abgesehen  von  den  grossen  Ueberselzungen  (Huarte, 
Graf  Essex,  elwa  fsicj  auch  «Maranjon»  (sic/),  besondeis  die  Dramcnfrag- 
mente  [c.à-d.  uEracUun  et  «Fenixal]  und  die  llecensionen  Ihre  Arbeit 
lolinen  werden.  Die  Dalirung  der  Dramenentwûrfe  ini  3.  Bd.  meiner  Aus- 
gabc  habe  ich  ja  hie  und  da  auf  die  geringe  Kenntnis  des  Spanischen  stùtzen 
niùssen,  die  sic  aiiiVioscn,  iiu  Gegensatz  zu  der  stellenAveise  ganz  falschen 
Datirung  bel  Henipcl.  Das  Exeniplav,  das  Lessing  fiu'  den  «  Conde  de  Sex  » 
verwendete.  liabcn  Sie  ja  in  Hamburg'.  » 

Ces  déclarations  dénotaient  une  telle  inconscience  de  la  natare  de 
celte  étude,  une  telle  foi  en  la  réalité  des  connaissances  espagnoles  de 
Lessing  et  en  l'impossibilité  qu'il  put  venir  à  l'esprit  d'un  homme 
de  ferme  bon  sens  de  ne  pas  les  prendre  au  sérieux,  qu'il  nous  est 
arrivé  à  plus  d'une  reprise,  au  cours  de  nos   recherches,  de  répéter 

où  la  science  est  censée  avoir  remplacé  la  religion,  et  devrait,  dans  ce  temple  central, 
être  au  moins  aussi  i)ien  gérée  que  la  scène  de  l'Opéra.  Il  est  honteux  pour  notre 
dignité  nationale  que  les  plaintes,  qui  se  multiplient,  continuent  à  n'être  pas  enten- 
dues et  que  les  yeux  de  quelques-uns,  sous  prétexte  peut-être  d'un  démocratisnie  mal 
compris,  se  ferment  à  l'évidence. 

1.  L'inexactitude  apparente  de  cette  assertion  se  justifie  par  la  convictioiî 
exprimée  par  M.  Muncker  dans  la  i)réfa(  <-  du  t.  III  que  l'édition  de  i'adrino  ou  la 
suelta  de  Rahmeyer  ne  doivent  èlre  ([uaiic  réimpression  lune  de  l'autre. 


176         GOiNTKIBUTlONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

—  après  Lessing? —  l'exclamation  désespérée  de  Don  Antonio  dans 
La  traiciôn  bien  acertada,  de  Lope  : 

no  es  posible  que  esté  cuerdo, 
pues  que  no  me  he  vuelto  loco.... 

Si  l'insouciance  de  Lessing  touchant  la  bibliographie  du  Conde  est  a 
priori  caractéristique,  elle  le  devient  davantage  quand  on  songe  qu'il 
possédait  un  de  ces  Essex  à  grand  spectacle  que  jouaient  les  troupes 
errantes,  et  l'on  s'étonne  que  lui  qui  croyait  que  les  Haupl-  und  Staats- 
aktionen  n'étaient  que  des  rifacimenti  de  comedias  espagnoles  ne  se 
soit  pas  demandé  quelque  part  dans  ses  Œuvres  si  l'Essex  castillan 
n'avait  pas,  de  façon  médiate,  —  sur  la  manière  dont  les  comedias 
pénétraient  sur  les  scènes  allemandes,  les  notes  de  A.  Dessoff  dans  la 
Ztschjt.  fiir  vglchde.  Litgsch.  N.  F.  IV:  Ueber  spanische,  italienische 
undfranzôsische  Dramen  in  den  Spielverzeichnissen  deutscher  Wander- 
trappen,  puis,  en  1901,  dans  les  Sludien  zur  vergl.  Litgsch.,  four- 
nissent quelques  renseignements,  —  influencé  cette  littérature  drama- 
tique nationale  à  laquelle  il  vouait  un  si  patriotique  intérêt,  source  de 
plus  d'une  injustice  de  sa  part.  Au  IV'  volume  de  sa  Beschreibung 
einer  Reise  durch  Deutschland  und  die  Schweiz  im  Jahre  1781,  etc., 
paru  en  1784  à  Berlin  et  Stettin,  Fr.  Nicolai  nous  apprend,  p.  568, 
dans  une  note  à  la  p.  565,  que  : 

«  Mein  sel.  Freund  Lessing  besass,  aus  dem  Nachlass  der  berûhmten  Neu- 
berinn,  eine  Anzahl  dieser  Ludovicischen  Stùcke.  Es  waren  darinn  nach 
damaliger  Art,  zum  Extemporiren,  nur  die  Folge  und  der  Inhalt  der 
Auftritte  angezeigt,  und  nur  wenige  Hauptscenen  waren  ganz  geschrieben... 
Ich  erinnere  mich  besonders  noch  des  Grafen  von  Essex,  des  Kromwell,  und 
des  Kônigs  Ottokar  von  Bôhmen.  » 

Ce  Ludovici,  dont  Lessing  possédait  un  Essex,  était  un  Poméranien 
qui  mourut  à  Hambourg  et  dont  les  productions  populaires  jouirent, 
spécialement  vers  1720,  d'un  succès  extrême.  M.  A.  Schneider 
a  relevé,  d'autre  part,  op.  cit.,  p.  3o5,  que  dès  1688  on  représentait  en 
Allemagne  une  pièce  à  grand  spectacle  :  Die  ermordete  Unschuld 
oder  Graf  Essex  et  qu'en  1722  on  donnait  encore  cette  fable  trucu- 
lente. En  admettant,  ce  qui  n'est  pas  improbable,  qu'il  s'agisse  ici 
d'une  matière  scénique  importée  d'Italie,  —  C.  Heine  a  consigné  dans 
la  Vierteljahrschri/t  fiir  Litgsch.,  I  (1888),  p.  SaS  seq.,  qu'en  1716 
certain  C.  L.  Hoffmann  rédigeait,  sur  l'œuvre  d'un  italien  nommé 
Greognini  (?),  un  scénario  intitulé  :  Die  ermordete  Unschuld  oder  die 
Enthauptung  des  Graffen  von  Essecs  —  ne  se  rattachait-elle  pas,  de  la 
sorte,  à  la  vieille  comedia  de  Coello'.*  Et  Lessing,  qui  plongeait  dans 
l'ambiance  encore  vivante  et  palpitante  des  Haupt  z  und  Staatsaktionen, 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  I77 

avait  là  une  matière  à  des  investigations  précieuses,  si  son  intérêt  pour 
la  littérature  espagnole  eût  été  tel  qu'on  voudrait  nous  le  faire  croire. 
Du  moins,  si  le  Zoïle  théâtral  de  Hambourg  a  négligé  de  rien  dire 
à  ses  lecteurs  sur  les  dehors  de  YEssex  espagnol,  la  profondeur  et  la 
finesse  de  l'analyse  qu'il  en  donne  compensent-elles,  augurera- t-on,  cette 
regrettable  omission?  A  lire  M.  Menéndez  y  Pelayo,  on  serait  excusé 
de  le  croire.  Le  critique  espagnol  trouve  (Id.  Est.  III'  [Madrid,  1886], 
p.  i35  seq.)  l'analyse  du  Conde  par  Lcssing  «  étendue  et  pénétrante  »>, 
et,  même,  est  d'avis  que  «  si  Lessing  no  hubiera  escrito  la  Dramatargia, 
quizâ  la  Critica  romântica,  representada  por  los  Schlegel,  no  hubiera 
fijado  nunca  sus  miradas  en  el  teatro  espaiiol  ».  On  aurait  le  droit  de 
demander  à  M.  Menéndez  y  Pelayo  s'il  parle  en  son  nom  propre 
quand  il  formule  ce  jugement,  si  analogue  à  celui  de  Ticknor 
(éd.  de  1863,  II,  'Sog,  note),  ou  s'il  n'est  que  l'écho  impersonnel  de 
ces  erreurs  propagées  par  la  légèreté  d'écrivains  qui  devraient  à 
l'estime  dont  ils  jouissent  de  ne  rien  affirmer  qu'après  un  contrôle 
strict.  Quiconque  est  familier  avec  la  littérature  allemande  du 
xviii'  siècle —  non  pas,  certes,  celle  seulement  qu'incarnent,  dans  les 
manuels,  quelques  grands  noms,  mais  la  littérature,  si  inconnue  et 
cependant  si  instructive,  de  la  polyhistoire  —  sait  que  bien  avant  que 
Lessing  dédiât  au  drame  de  Coello.les  plates  élucubrations  que  nous 
allons  qualifier,  se  préparait  en  Allemagne  le  grand  élan  de  curiosité 
—  et  d'incompréhension  fondamentale  des  romantiques  à  l'endroit  des 
productions  scéniques  d'Espagne,  et  que  si  «  les  Schlegel  »  —  M.  M.  y 
P.  a  voulu  dire  spécialement  A.  W.  Schlegel  —  ont  écrit  quelques 
bonnes  pages,  d'ailleurs  assez  courtes,  sur  le  théâtre  espagnol,  ils 
n'ont  fait,  en  cela,  que  reprendre  la  tâche  inaugurée  par  Dieze.  Mais 
l'on  est  stupéfait,  en  vérité,  quand  on  constate  que  les  références  de 
M.  M.  y  P.,  qui  écrit  en  1886,  sur  Lessing  sont  la  thèse  de  doctorat, 
qui  est  de  i863,  de  M.  L.  Crouslé  et  le  médiocre  livre  d'Ad.  Stahr, 
dont  la  documentation  est  prise  dans  Danzel-Guhrauer,  œuvre  tendan- 
cieuse de  vulgarisation  populaire  remontant  à  1808  et  à  laquelle 
M.  L.  Crouslé  renvoyait,  d'ailleurs,  dès  la  première  page  de  son 
travail.  II  est  incontestable  qu'un  juge  capable  de  lire  dans  le  texte  le 
Conde  de  Sex,  quelque  peu  familier  avec  le  genre  littéraire  qu'est  la 
Comedia  espagnole,  et  connaissant  le  passage  de  la  Dramaturgie,  ne 
laissera  pas  de  s'étonner  de  la  pauvreté  de  ce  dernier.  Hâtons-nous 
de  noter  que  ce  juge  s'est  rencontré,  et,  détail  qui  a  sa  valeur,  en 
Allemagne  même.  L'auteur  de  cette  gigantesque  entreprise,  restée 
inachevée  et  d'ailleurs  bizarrement  écrite,  la  Geschichte  des  Dramas, 
Julius  Leopold  Klein,  —  qui  traite,  du  t.  VIII  au  t.  XI,  du  théâtre 
espagnol  {Das  span.  Drama  [Lpzg.,  1871-1875]),  —  a  eu  la  bonne  foi 
de  signaler,  X3,  p.  782,  l'indigence  philosophique  foncière  du 
jugement  de  Lessing  sur  YEssex  castillan,  en  donnant  à  cette  consla- 


1-8        CO.MHIBLTIO.NS    V    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

tation  la  forme  d'un  regret,  le  regret  que  le  «vif  désir»  de  voir 
Lessing  apprécier  l'œuvre  du  point  de  vue  moral  fût  resté  «  inas- 
souvi ».  Lessing  a  clos,  en  efîet,  son  analyse  par  la  plus  banale  des 
réflexions.  «  So  schliesst,  »  dit-il,  «  dièses Stuck.beywelchem  ichmeine 
Léser  vielleicht  zu  lange  aufgehalten  habe.  Vielleicht  auch  nicht.  » 
Cependant,  un  peu  plus  haut,  il  avait  jeté  en  passant,  avec  la  même 
inattention  que  s'il  se  fût  agi  de  ponctuer  une  bouffonnerie  de  Cosmo, 
cette  réflexion  :  ((Essex  liebt  die  Blanca,  aber  er  ist  ehrgeizig  genug, 
noch  der  Liebhaber  der  Koniginn  seyn  zu  Avollen.  »  En  ces  simples 
mots  gisait  la  matière  du  plus  fécond  développement  sur  la  signifi- 
cation morale  de  cette  comedia.  Car  si  Y  Essex  espagnol  est  —  et  il  l'est 

autre  chose  encore  qu'une  succession  de  dialogues  sonores  et  vains, 

si,  malgré  les  ornements  boursouflés  d'une  rhétorique  exubérante, 
il  ne  cessa  pas,  durant  plus  d'un  siècle  et  demi,  d'être  représenté  à 
Madrid,  —  nous  avons  déjà  reproduit  le  jugement  de  Montiano  en 
1750;  en  1789,  Napoli-Signorelli  déclarait,  dans  la  seconde  édition 
(la  première,  en  un  volume  in-8,  Naples,  1777,  n'était,  comme  on  sait, 
qu'une  ébauche)  de  sa  Sloria  critica  de'  teatri  antlchi  e  moderni,  que  c  da 
un  secolo  e  mezzo  quasi  ogni  anno  si  rappresenta  in  Madrid  1  »  —  c'est 
qu'il  recèle,  sous  sa  défroque  cultiste,  cette  parcelle  d'humanité  en 
laquelle  communie  une  salle  de  spectacle,  c'est  qu'il  fournit  un  ensei- 
gnement universellement  applicable  et  facile  à  dégager,  qui  est  qu'il 
ne  faut  pas  qu'un  homme  croie  pouvoir  commettre  impunément  cette 
monstruosité  morale  consistant  à  aimer  deux  femmes  à  la  fois.  Encore 
que  Coello  n'ait  pas  —  et  ce  reproche  nous  parait  mérité  même  si  l'on 
tient  compte  des  conditions  de  la  scène  espagnole  sous  Philippe  IV  — 
illustré  comme  il  eût  convenu  cette  leçon  si  souvent  violée  par  la 
faiblesse  commune,  encore  qu'il  n'en  ait  pas  lire  tous  les  effets 
dramatiques  qu'elle  comportait,  i)référant  donner  carrière  à  sa  Muse 
maniérée  et  secouer  les  grelots  gongoresques,  elle  découle  naturel- 
lement de  la  représentation  et  peut  être  dégagée  par  l'intelligence  la 
plus  fruste,  et  c'est  pour  ce  motif,  croyons- nous,  que  La  Barrera  a 


I.  I\  ,  !ij4.  m.  FariiR'lli  a  piôlendu,  dans  sa  thèse  Je  doctorat  (loc.  cit.,  p.  3i  j),  que 
l'érudit  Napolitain  avait  écrit  son  analyse  du  Coude  de  Sex  par  réaction  contre  les 
louanges  «excessives»  que  lui  avait  i)rodiguées  Lessing.  Cette  bévue  de  M.  F.  n'a 
d'égale  que  la  seconde,  déjà  citée,  touchant  Signorelli  et  postérieure  en  date  à  celle-ci. 
.Signorelli,  qui  appartenait  à  ces  Italiens  du  xviti'  siècle  qui  connaissaient  les  choses 
d'Espagne  et  s'intéressaient  à  la  littérature  castillane,  ignore  à  peu  près  l'œuvre  de 
Lessing  cl  n'en  parle,  eu  tout  cas,  que  par  oui-dire  {cf.  Sloria,  \,  a/iS-a/iG;  léd.  de 
i8i3  en  10  vol.  ne  contredit  pas  notre  assertion).  Il  nous  apprend  très  clairement 
pourquoi  il  va  s'arrêter  à  traiter  du  Conde  (IV,  2o4)  :  1"  in  yra:iu  dcl  coronato  invenlare, 
3'  per  la  comedia  stessa,  dont  il  a  dit  p.  r>o3  qu'elle  ne  cédait  «a  veruna  ne  pcr  l'irre- 
golarità,  ne  per  le  stranezzc  dello  stile,  benchè  i  caratteri  vi  sieno  dipinti  con  forza  », 
3*  parce  qu'il  a  vu  jouer  lui-même  —  raison  déterminante  —  la  pièce,  et  cnnstalé, 
à  ce  propos,  que  les  acteurs  espagnols  tomhaicnt  toujours  dans  ces  \  ices  de  débit  que 
Montiano  relevait  très  linomcnt  dans  le  biscurso  qui  précède  Witaiilpho. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPAMSME    DE    LESSI>G  1  79 

qualifié  la  pièce    de    ((  sentida   y  excelente  producciôn  »  :  jugcnienl 
auquel  nous  nous  Tangeons  sans  réserve". 

Lessing  n'a  pas  eu  pour  la  forme  même  du  Conde  de  Sex  plus  de 
zèle  que  pour  sa  bibliographie  et  sa  signification  intrinsèque.  On  a 
peine  à  admettre  qu'il  eût,  s'il  en  avait  soupçonné  l'existence,  omis 
de  signaler  l'épidémie  cultéraniste  et  les  traces  si  palpables  qu'en 
contenait  la  pièce  soi-disant  découverte  par  lui.  En  vain  chercherait- 
on,  dans  son  analyse,  la  plus  fugitive  remarque  en  ce  sens 2.  Mais  une 
telle  remarque  prouverait  que  Lessing  avait  su  situer  la  comedia  de 
Coello  dans  l'époque  approximative  qui  la  vit  naître  et  nous  savons 
assez  qu'il  n'avait  pas  le  moindre  soupçon  de  la  date  de  sa  naissance. 
On  va  voir,  au  surplus,  qu'il  n'a  pas  hésité  un  instant  à  assimiler  toute 
la  Comedia  d'Espagne  à  cette  pièce  contaminée.  Car  s'il  méconnaît 
lidiosyncrasie  du  Conde  de  Sex,  il  a  méconnu  plus  pleinement  celle 
du  genre  littéraire  total  dont  celui-ci  n'était  qu'une  variété  abâtardie. 
Parvenu  au  terme  de  son  analyse,  il  a  tenté  d'exprimer,  dans  un 
jugement  d'ensemble  sur  la  scène  d'Espagne,  la  quintessence  de  sa 
science  hispanique. 

«  Die  echten  spanisctien  Stiicke,»  écrit-il.  «  sind  vollkommen  nach  der  Art 
dièses  Essex.  In  allen  einerley  Fehler,  und  einerley  Schônheiten  ;  mehr  odcr 
weniger,  das  versteht  sich.  Die  Fehler  springen  in  die  Augen  :  aber  nach 
don  Schônheiten  diirfte  nian  nicht  fragen.  « 

Qu'est-à-dire  ?  Les  u  véritables  )i  pièces  espagnoles?  Mais  \  en  a-t-il 
donc  de  fausses?  Si  Lessing  eût  soupçonné  l'existence  des  rej'undi- 
clones  du  xviu°  siècle,  où  un  ïrigueros  excellait  à  moderniser  Lope, 
l'on  admettrait,  à  la  rigueur,  ce  distinguo.  Son  aveu,  qu'il  ignore  les 
«  nouveaux  poètes  tragiques  »  de  la  nation,  nous  dispense  d'examiner 
si  ses  connaissances  de  la  littérature  dramatique  espagnole  contempo- 
raine s'étaient  enrichies  depuis  l'âge  où  il  plagiait  si  lourdement 
D'Hermilly,  et  il  est  trop  évident  qu'il  n'en  sait  pas  davantage  main- 
tenant qu'au  début  de  sa  carrière.  Alors,  voudrait-il,  par  hasard, 
uous  faire  admettre  qu'entre  la  comedia  cultislc  de  Coello  —  poète  qui 
a  eu,  d'ailleurs,  deux  manières  fort  dissemblables  :  cf.  Schaeffer,  Gesch. 
11,  88-89  —  ^^  1^^  fables  polymorphes,  ondoyantes  et  diverses,  aussi 
merveilleusement  variées  que  la  Nature,  d'un  Lope,  les  vigoureuses 
intrigues  d'un  ïirso,  les  histoires  moralisantes  d'un  Alarcôn,  les  gran- 
diloquentes apologies  de  l'espagnolisme  traditionnel  d'un  Calderôn,  les 

1.  Vuei'a  biografia  de  Lujie  de  Veija,  dans  Obrus  de  Lope.  I  (Madrid,  i8<jo),  p.  3yi, 
note  I. —  L.  Lemcke  (Jalirbuch  fiir  rom.  u.  engl.  Liter.  ii  [1870],  p.  33^)  y  a  reconnu 
'<  zahlrciche  bemerkenswerte  Schônheiten  •>.  M"'  Micliaelis  (éd.  cit.,  p.  i(;7)  confcssail 
•  lu'eile  abondait  en  beautés  de  diction  II  a  pin,  cependant,  à  M.  A.  Farinelli  delà 
déclarer  «  médiocre  »,  irrévocablement.  (Grillparzer  und  Lope  de  Vega,  p.  0.) 

2.  Il  a  noté  qu'à  un  moment  les  interlocuteurs  échangeaient  «sehr  spitzfindige 
Dinge»  (>/.  X,  34).  Mais  quel  philistin  n'eût  formulé  semblable  constatation? 

C.    PITOLLET.  '3 


l8o         CONTKIBL'TIONS    A    l/ÉTUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

dexttes  adaptations  d'un  Moreto,  sans  rival  dans  la  comédie  légère,  la 
grâce  dialogante  d'un  Rojas  Zorrilla,  la  versification  spirituelle  d'un  Solis 

—  car  il  nous  semble  qu'en  ces  noms  se  résume  la  «  véritable  »  Comedia 

—  il  n'existe  aucune  nuance,  et  que  «  toutes  leurs  œuvres  contiennent 
les  mêmes  défauts  et  les  mêmes  beautés;  plus  ou  moins,  s'entend.  Les 
défauts  sautent  aux  yeux,  mais  les  beautés  ne  sont  pas  moins  évidentes  »  ? 

Que  M.  B.  A.  Wagner  ait  trouvé  «  treffend  »  de  telles  banalités,  nous 
ne  nous  en  étonnerons  pas  à  l'extrême.  Que  sait-il,  de  science  directe, 
de  la  Comedia,  et  ne  s'est-il  pas  documenté  dans  Schack,  dans  Ticknor- 
Julius,  peut-être  dans  Klein?  >'e  serait-il  pas  incapable,  comme  maints 
de  ses  collègues,  de  risquer  une  excursion  d'études  personnelle  dans 
un  domaine  littéraire  pour  la  compréhension  duquel  il  lui  manque  la 
condition  sine  qua  non  :  la  possession  du  castillan,  qui  ne  s'acquiert 
pas  en  parcourant  les  lettres  de  la  méthode  Toussaint-Langenscheidt, 
mais  ne  saurait  être  que  le  fruit  d'un  long  et  patient  labeur,  si  para- 
doxale que  sera  jugée  notre  assertion.  Pour  lui,  cette  «  frappante  » 
appréciation  de  la  Comedia  est  «  ohne  Zweifel...  vorzugSAveise  das 
Ergebnis  selbstandigen  Forschens  »  (pr.  cit.,  p.  12).  Sous  la  plume  du 
seul  Allemand  qui  se  soit,  de  propos  délibéré,  appliqué  à  approfondir 
l'hispanisme  de  Lessing,  le  ((  vorzugsAveise  n  sonne  d'or.  D'autant  plus 
que,  cette  nécessaire  satisfaction  à  l'orgueil  national  concédée,  le  pro- 
fesseur du  gymnase  berlinois  a  éprouvé  comme  un  soupçon  de  remords. 

«  Gleichwohl,  »  a-t-il  atténué  aussitôt,  «liess  Lessingauch  fremde,  nament- 
lich  franzôsische  Werke  nicht  unbeachtet,  wenn  sie  seinem  Zwecke  dienten. 
Eine  Durchforschung  der  Iranzôsischen  litterarischen  Zeitscliriftcn  des 
vorigen  Jahrhunderts  w  ûrde  gewiss  nocli  manche  Resultate  ergeben.  » 

Cette  atténuation  partait,  nous  voulons  le  reconnaître,  d'un  bon 
naturel,  mais  quelle  bizarre  logique  que  celle,  parfois,  du  «  peuple  des 
penseurs»  !  Lessing  qui  a,  en  Imit  misérables  lignes,  apprécié,  pour  n'en 
plus  jamais  parler,  le  théâtre  espagnol,  formule  u  par  excellence»  le 
verdict  de  ses  propres  enquêtes,  consigne  le  résultat  de  sa  personnelle 
recherche,  et,  cependant,  reproduit  très  probablement  l'opinion  de 
périodiques  français,  de  ces  gazettes  littéraires  qu'il  pratique  si  assidû- 
ment! Merveilleuse  complexité,  incroyable  raffinement,  en  face  des 
indigentes  assertions  de  la  Dramaturgie,  et  que  le  respect  d'un  critique 
est  une  belle  chose!  Il  nous  semble,  à  nous,  que  le  dilemme  :  Ou 
Lessing  parla  en  son  nom  propre,  exprimant  rélémentairc  verdict  de 
son  hispanisme,  ou  il  ne  fit  que  répéter,  sous  une  forme  dénuée  d'origi- 
nalité, des  pensées  empruntées  à  autrui,  devait  être  posé.  L'auteur  de 
Zu  LJ  sp.  Stud.  n'a  pas  posé  ce  nécessaire  dilemme,  mais  il  a  fait 
mieux.  Sans  aller  jusqu'à  commencer  lui-même  le  dépouillement  des 
périodiques  d'érudition  littéraire  —  si  souvent,  d'ailleurs,  lamentable- 
ment ténue  et  aqueuse  —  de  notre  xvm'  siècle,  il  nous  a  signalé  la 


LA    NATURE    ET    LES    SOIRCES    DE    i/hISPANISME    DE    LESSING  l8l 

source  probable  où,  selon  lui,  le  jugement  de  Lessing  sur  les  beautés 
de  la  Comedia  —  puisqu'il  s'est  tu  sur  ses  défauts  —  s'est  alimenté. 

«  Eine  ganz  eigne  Kabel;»  —  avait  dit  le  dramaturge  hambourgeois  — 
"  eine  sehr  sinnreiche  Verwicklung;  sehr  viele,  und  sonderbare,  und  immer 
neue  Theaterstreiche  ;  die  ausgespartesten  Situationen  ;  nieistens  sehr  wohl 
angelegte  und  bis  ans  Ende  erhaltene  Charalitere;  nicbt  selten  viel  Wûrde 
und  Stârlie  im  Ausdruclie.  « 

Voilà,  insinue  M.  B.  A.  Wagner  sans  nulle  malice,  qui  sent  furieuse- 
ment, en  sa  précision  serrée,  le  connaisseur,  et  qui  ne  rappelle  guère 
Lessing.  Et  il  se  demande  si  celui-ci  ne  serait  pas  le  porte-parole  de 
l'auteur  de  ce  Théâtre  Espagnol  qu'attaquait  Montiano,  que  nommait 
D'Hermilly,  et  dont  l'exemplaire  de  la  Kônigliche  Bibliothek  berlinoise, 
que  j'ai  eu  en  mains,  réunit  en  un  volume  in- 12  à  belle  reliure  de 
cuir  aux  armes  royales  prussiennes  les  deux  brochures  originelles  de 
Duperron  contenant  dix  traductions  partielles,  reliées  par  des 
analyses,  de  comedias  de  Lope,  précédées  d'une  introduction  de  dix 
pages',  011  il  y  a,  selon  M.  B,  A.  Wagner,  des  remarques  «  recht 
verstândig  »  et  exemptes  «von  vorurteilsvollem  Dûnkel  »,  ce  qui,  à 
ses  yeux,  explique  vraisemblablement  le  plagiat  de  Lessing.  Voici  le 
passage  de  Duperron  : 

«  Toutes  ces  oppositions  de  génie,  ces  différences  prodigieuses  de  notre 
scène  et  du  Théâtre  des  Espagnols  ne  doivent  pas  nous  faire  imaginer  que 
leurs  pièces  n'ont  aucun  mérite.  On  y  trouve  beaucoup  d'invention,  des 
sentiments  nobles  et  pleins  de  délicatesse,  des  caractères  marqués  avec  force 
et  soutenus  avec  dignité,  des  situations  heureuses,  des  surprises  bien  ména- 

I.  Extraits  de  plusieurs  pièces  du  Théâtre  Espagnol;  avec  des  réflexions  et  la  traduction 
des  endroits  les  plus  remarquables.  Par  M.  Du  Perron  de  Castera  (Paris,  1738).  L'énumé- 
ration  des  dix  pièces  est  dans  Le  Théâtre  Espagnol  (Paris,  lyoo,  p.  36)  de  MM.  Morel- 
Fatio  et  Rouanet,  qui  ont  oublié  de  menlionncr  D'Hermilly.  En  1735,  Du  Perron,  ou 
mieux  Duperron,  qui  savait  le  portugais,  —  ignoré  par  La  Harpe,  —  avait  donné  en 
3  vol.  in-8  une  cocasse  traduction  des  Lusiades,  dont  Voltaire  (éd.  Moland,  t.  Vlll, 
p.  335)  a  eu  raison  de  se  moquer,  si  les  louanges  dont  il  comble  La  Harpe  pour  la 
sienne  —  laite  avec  D'Hermilly  et  parue  à  Paris  en  1776  en  2  vol.  in-8  —  ne  sont 
rien  moins  que  désintéressées  :  cf.  à  ce  propos  Da  Silva  (V,  270)  et  Aranha 
(XIV,  [Lisb.,  1886],  201  seq.).  Sur  Duperron,  dont  les  polémiques  avec  l'abbé 
Desfontaines  ne  sont  sans  doute  pas  ignorées  de  ceux  qui  pratiquent  nos  périodiques 
littéraires  du  xviii'  siècle —  voir  p.  ex.  dans  Le  Pour  et  Contre,  VI  (1735),  p.  82-9G, 
l'amusante  critique  de  la  version  de  Camoens  et  id.,  1737,  nombre  CLll,  p.  ii3,  une 
annonce  du  Th.  Esp.  —  et  qui  était  résident  de  France  à  Varsovie  (-(-  J752),  il  y  a  une 
notice  dans  Jochcr-Rotermund  (V,  igSG),  où  on  le  définit  :  «  Dicliter  und  Pliysiker  ». 
H  n'existe  sur  lui  en  français  que  la  médiocre  et  en  partie  inexacte  notice  de 
N.  Lemoyne  (Desessarts)  dans  ses  Siècles  littéraires  de  la  France,  etc.,  publiés  à  Paris 
de  1800  à  i8o3  en  7  vol.  in-8,  et  où  ont  puisé  les  collaborateurs  des  Biogr.  Michaud 
et  Didot.  —  Notons  que  M.  A.  Sauer  considère  comme  démontré  que  c'est  à  Duperron 
que  Lessing  a  emprunté  sa  définition  de  la  Comedia.  <(AVagner,  »  écrit-il  {Vierteljahschr. 
Jiir  Litgesch.,  I  (1888),  p.  24),  « hat  nachgewiesea, nie  nalie  sich  Lessing...  an  die  Einlei- 
tung  zum  Théâtre  Espagnol  von  Perron  (sic)  de  Castera  anlehnte.  »  Par  contre,  le 
Dr.  R.  Béer  applique  le  jugement  de  Lessing,  qu'il  tient  pour  original,  sur  la 
Comedia...  au  théâtre  de  Galderôn  (op.  cit..  Il,  84). 


102         CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

gées  [cf.  Vausgesparl  de  Lessing'],  un  grand  fonds  de  Comique,  un  feu 
d'intérêt  qui  ne  laisse  point  languir  le  spectateur.  —  Voilà  les  beautés  que 
nous  oHrent  presque  toutes  les  Comédies  de  Lopés  de  Vega,  de  Don  Guillen. 
de  Don  Pedro  Calderon  et  d'autres  poètes  illustres  qui  font  honneur  à 
l'Espagne...  Ainsi  la  connaissance  du  Théâtre  Espagnol  n'est  point  indiffé- 
rente pour  les  Belles-Lettres,  on  peut  en  tirer  d'excellens  sujets  qui  auront 
pour  nous  les  grâces  de  la  nouveauté.  Il  ne  faut  qu'adopter'  l'invention, 
simiilifier  les  matières,  élaguer  les  avantures,  presser  les  mouvemens  et 
relever  le  Comique...  )) 

-N'y  en  a-t-il  pas  là  assez,  déjà,  pour  édifier  le  jugement  de  la  Drama- 
turgie? Si,  cependant,  M.  B.  A.  Wagner  avait  songé  à  renforcer  ce 
passage  d'un  autre,  pris  à  une  source  que  Lessing  connaissait  également 
fort  bien,  sa  démonstration  n'en  aurait  été  que  plus  probante.  Cette 
source,  c'est  l'abbé  Goujet.  Ce  polygraphe  résume,  en  effet,  au  t.  VIII 
de  cette  minutieuse  histoire  des  écrivains  et  de  la  littérature  de  son 
pays  jusqu'à  la  fin  du  xvii'  siècle  qu'est  la  Bibl.  française  (Paris,  17^0 
et  suiv..  18  vol.  in-12),  en  ces  termes  les  idées  de  Lesage  dans  son 
Théâtre  Espagnol,  dont  il  va  être  parlé  : 

«  C'est  que  les  Espagnols...  sont  nos  maîtres  à  imaginer  et  à  bien  conduire 
une  intrigue  de  théâtre 3.  Ils  savent...  exposer  leur  sujet  avec  un  art  infini  et 
dans  le  jour  le  plus  avantageux.  Ils  joignent  àcela  des  incidens  si  agréables 
et  si  surprenans.  et  ils  le  font  avec  tant  de  variété,  qu'ils  paroissent  aussi 
inépuisables  sur  celte  matière  que  nos  François  le  sont  sur  la  diversité  des 
caractères  ridicules.  Leurs  pièces  sont  remplies  de  conlretems  ingénieux,  de 
contrariétés  dans  les  desseins  des  acteurs,  et  de  mille  jeux  de  théâtre  qui 
réveillent  l'attention  des  spectateurs.  Leurs  intrigues  ont  presque  toujours 
du  merveilleux  :  mais  M.  le  Sage  prétend  que  ce  merveilleux  ne  tombe  pas 
dans  le  fabuleux  et  le  romanesque,  qu'il  est  toujours  ramené  au  vraisem- 
blable par  les  règles  de  l'art '1.  Il  convient  cependant  que  l'imagination  des 


i.  Ce  vocable,  qui  est  l'tMjuivaleiit  de  aufgespart,  est  un  terme  technique  qui 
s'emploie  encore  aujounihui  en  allemand  dan»  la  peinture  à  l'aquarelle. 

2.  Lire  adapter. 

.S.  Lesage,  dans  la  Prrfare,  di-btitait  par  des  considérations  sur  le  théâtre  français 
qui,  bien  qu'à  Tapogéc,  restait,  dit-il,  d'une  «  sécheresse  d'intrigue  étonnante  ».  —  Je 
noterai  dès  maintenant  que,  pour  l'exposé  qui  va  suivre,  je  ne  suis  en  rien  redevable 
à  un  cours  de  M.  J.  Texte,  pris  par  a  li.  «  dans  la  Revue  des  Cours  et  Conférence.'!,  i8g(j. 
n"  i3,p.  (Jo5-0i'i  :  L'Espagne  el  la  critique  française  au  XVllle  siècle,  pure  comiîilation  de 
sources  médiates  françaises.  Cet  hispanisme  à  la  Brunetière,  qui  ne  repose  pas  sur 
létude  directe  et  patiente  des  sources,  s'il  devenait  à  la  mode  en  France  dans  certaine 
partie  de  l'Université,  serait  fatal.  J'en  ai  signalé  il  y  a  cinq  ans  les  dangers  dans  une 
longue  analyse  de  La  Coinedia  espagnole,  etc.,  de  M.  E.  Martinenche,  adressée  au 
Bulletin  hispanique,  mais  qui,  pour  diverses  raisons,  a  dû  lester  juscju'k  présent  en  ms. 
C'est  grâce  à  l'existence  de  cet  hispanisme  de  pacotille  que  M.  II.  Rosières  pouvait 
écrire,  dans  un  article  sur  La  Litt.  anglaise  en  France  de  1780  à  1800  (Revue  bleue, 
19  août  1882,  puis  Rech.  sur  la  poésie  contemp.  [Paris,  1896],  p.  4-):  «  L'Espagne  n'a 
rien  à  nous  apprendre,  car,  depuis  deux  cents  ans,  nous  nous  sommes  tenus  tant  bief 
que  mal  au  courant  de  sa  littérature.  >> 

h-  Lesage  ajoutait  qu'il  produit  <(  un  admirable  effet  »ur  la  scène  ». 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hi  SPAINISME    DE    LESSI^ÎO  l83 

Espagnols  prend  souvent  l'essor  au  delà  des  justes  bornes  de  la  vraisem- 
blance et  de  la  raison  ;  mais  il  lui  paroît  qu'en  laissant  ce  qu'ils  ont  d'outré, 
on  pourroit  les  imiter  en  ce  qu'ils  ont  de  brillant  et  d'ingénieux.  » 

Que  l'on  compare  à  la  fin  de  ce  jugement  la  restriction  dont  Lessing 
fait  suivre  l'énumération  des  ((qualités»  de  la  Comedia,  et  l'on  ne 
refusera  pas  d'admettre  que  l'un  et  l'autre,  en  leur  généralité  exempte 
d'indications  concrètes,  se  ressemblent  singulièrement  : 

«  Das  sind  allerdings  Schônheiten  :  ich  sage  nicht,  dass  sie  die  hôchsten 
sind;  ich  leugne  nicht,  dass  sie  zum  Theil  bis  in  das  Romanenhafte, 
Abentheuerliche,  Unnatûrliche,  kônnen  getrieben  werden,  dass  sie  bey  den 
Spaniern  von  dieser  Uebertreibung  selten  frey  sind  '.  » 

A  défaut  de  Goujet,  ou,  si  l'on  veut,  de  Lesage,  Duperron  ne 
disait-il  pas  {op.  cit.,  I,  5-/i)  : 

«  Cette  règle  prescrite  par  le  bon  goût  et  par  la  raison  a  paru  gênante  aux 
Espagnols,  ils  se  sont  ouvert  un  champ  b(?aucoup  plus  libre,  souvent  une 
seule  de  leurs  pièces  contient  toute  la  vie  d'un  homme.  Au  premier  Acte  la 
scène  est  quelquefois  en  France,  au  second  dans  l'Italie,  et  au  troisième  sur 
les  Côtes  d'Afrique.  Cela  ne  peut  manquer  de  former  un  spectacle  assez 
monstrueux  en  comparaison  du  nôtre...  La  négligence  des  trois  Unités  n'est 
pas  le  seul  point  où  les  Espagnols  s-'éloignenl  de  notre  goût;  nous  aimons  les 
Pièces  de  Caractère,  ils  les  méprisent;  nous  préférons  les  sujets  simples  et  peu 
chargés  d'incidens  aux  sujets  embrouillés;  c'est  tout  le  contraire  à  Madrid, 
notre  simplicité  n'y  feroit  pas  fortune,  on  y  veut  des  intrigues  mêlées 
d'avantures  surprenantes,  et  qui  forment  une  espèce  de  labyrinthe  d'où  le 
Spectateur  ne  se  dégage  qu'à  force  d'attention.  » 

N'était-il  pas,  à  l'aide  de  pareilles  données,  tout  à  fait  aisé  pour  un 
littérateur  connaissant  son  métier  comme  Lessing  de  s'attribuer  une 


I.  Nous  avons  eu  à  plusieurs  reprises  déjà  l'occasioa  de  renvoyer  à  Dieze.  Si  l'on 
veut  comparer  la  façon  dont  un  critique  ignorant  sa  matière  —  comme  ce  fut  le  cas 
de  Lessing  —  a  caractérisé  la  Coinedia  et  celle  qui  émane  d'un  hispanisant  profes- 
sionnel, son  contemporain,  qu'on  lise  ce  passage  de  Dieze  :  «  Kein  Theater  in  Europa 
ist  so  intéressant,  als  das  spanische.  Es  ist  ganz  original  in  Ansehungder  Schônheiten 
und  Fehler.  EsùberlriiTt  au  Reichlhum,  an  dramatischen  Stûcken  die  Bûhnen  aller 
iibrigen  Vôlker.  Ricoboni  sagt  nicht  ohne  Grund  [dans  les  Réjl.  hist.  et  crit.,  etc.,  p.  oi 
de  l'éd.  d'Àmst.  1760],  dass  die  Spanier  allein  mehr  Schauspiele  haben,  als  die  Fran- 
zosen  und  Italiener  zusammengenommen,  und  er  kônnte  noch  ein  paar  Vôlker,  ohne 
ins  Uebertriebcne  zu  fallen,  dazusetzen.  Wenn  die  Italiener  und  Franzosen  d(?n  Spa- 
niern ihre  theatralischen  bekannten  und  unbekannten  Diebstahie  ersetzen  sollten, 
wiirden  sie  sehr  viel  verlieren.  In  Ansehung  der  Erfindung  wûsste  ich  ihnen  keine 
andere  Nation  an  dieSeite  zu  selzen.  hierinnenbestehteinesihrer  grôssten  Verdienste. 
Dass  es  ihren  dramatischen  Dichtern  oft  an  Regelmiissigkeit  fehlt,  dass  sie  zuweilen 
ins  Lebertriebene  fallen,  sind  Fehler,  die  nicht  zu  leugnen  sind,  raan  muss  nur  nicht 
glauben,  dass  dieser  Vorwurf  aile  ihre  Dichter  trifft...  »  (Gesch.,  p.  298,  note  à  la 
p.  396.)  Dieze  n'a  fait  ici  qu'eflleurer  la  matière.  Il  eùl  dit  toute  sa  pensée  dans  le 
grand  ouvrage  qu'il  annonçait  sur  l'art  et  les  auteurs  dramatiques  espagnols,  qui  n'a 
pas  paru  —  cf.    à  ce  pi-opos    le    regret    de   Herder   en    1796,   éd.    Suphari,  t.   WIII 


l84        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    i/hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

science  d'emprunt  et  d'écrire  les  banalités  peu  compromettantes  que 
l'on  a  lues?  Car  la  généralité  et,  en  ce  sens,  l'imprécision  du  juge- 
ment sur  la  Comedia  que  renferme  la  Dramaturgie  permettait  préci- 
sément cette  latitude  de  transcription  qui,  dissimulant  le  plagiat, 
rendrait  difficile,  non  pas  l'identification  ad  verbum,  mais  la  simple 
recherche  des  sources,  si  l'ignorance  du  castillan  du  côté  de  l'auteur 
n'était  pas  avérée. 

Un  travail  comme  le  nôtre  manquerait  à  l'une,  et  à  la  plus  indis- 
pensable, des  exigences  scientifiques  qui  le  conditionnent  si,  dans  un 
chapitre  où  il  importe  surtout  —  nous  ne  dirons  pas  de  détruire  — 
d'ébranler  une  légende  aussi  solidement  accréditée  que  dépourvue  de 
bases  documentaires,  nous  ne  nous  efforcions  de  démontrer  que  ce 
n'est  que  par  suite  et  de  l'ignorance  de  certains  Lessingforscher  et  de 
la  complicité  inqualifiable  de  quelques  autres  qu'a  pris  corps  dans  les 
milieux  d'érudition  le  mythe  du  Lessing  «  précurseur  de  A.  W.  von 
Schlegel  »  ouvrant  d'un  geste  auguste  à  l'Allemagne,  avide  de  savoir, 
la  source  enchantée,  jusqu'alors  fermée  de  sept  sceaux,  de  la  littérature 
dramatique  espagnole  classique.  Avant  d'entreprendre  cet  essai  de 
démonstration,  et  duquel  nous  croyons  que  résultera  avec  assez 
d'évidence  le  fait  que,  fort  avant  que  Lessing  émît  son  jugement  sur 
la  Comedia,  cette  dernière  avait  été,  non  seulement  découverte,  mais 
appréciée  sous  ses  aspects  rudimentaires  dans  notre  littérature  —  nous 
prenons  ce  vocable  au  sens  le  plus  général  —  d'abord,  puis,  en  partie 
par  l'intermédiaire  de  la  France,  dans  celle  même  de  son  pays,  il  est 
une  vérité  sur  laquelle  nous  ne  saurions,  de  nouveau,  trop  insister. 
C'est  celle  de  la  nature  de  l'information  de  Lessing,  médiate  dans 
presque  toutes  les  matières  qu'il  a  traitées.  Véritable  Biicherwurm, 
toujours  en  quête  de  «  bouquins  rares  »,  sans  cesse  à  l'affût  d'une  trou- 
vaille moins  encore  inédile  que  lointaine,  il  appartient  à  cette  catégorie 
de  savants  dont  l'âme  semble  pétrie  de  caractères  d'imprimerie,  et  qui, 
pour  employer  les  termes  mêmes  dont  il  s'est  servi,  en  un  moment  de 
lassitude  et  de  détente,  en  cette  même  Dramaturgie  où  il  a  cependant 
donné  le  meilleur  de  sa  pensée  littéraire,  ne  sentant  pas  en  eux  ce 
jaillissement  vif,  lequel,  de  sa  propre  force,  s'élance  vers  les  hauteurs, 
déborde  en  copieux  jets,  en  ondes  pures  et  fraîches,  ont  sans  cesse 

(Berlin,  i883),  p.  187  —  bien  que  le  premier  volume,  «  der  die  àltesten  Dichter  aus 
dem  Cancionero  gênerai  nebst  einigen  andern  enthâlt»  (Préf.  du  Velâzquez,  1768),  ait 
été  certainement  rédigé  en  ms.  Mais  ce  simple  raccourci  n'est- il  pas,  déjà,  assez 
probant?  Il  est  singulier  que  ceux  qui  exaltent  le  jugement  de  Lessing  sur  la  Comedia 
oublient  toujours  de  rappeler  qu'il  avait,  au  4t6.  Stiïck  de  la  Dramaturgie,  qualifié 
de  "sauvages»  les  intrigues  des  pièces  espagnoles,  et  que  cette  appréciation  ne 
s'explique  que  parce  qu'il  ne  les  connaissait  qu'à  travers  les  Haupt-  und  Staatsaktionen, 
qu'il  imaginait  en  être  des  traductions.  M.  L.  Croulé,  qui  trouva  l'intrigue  du  Conde 
de  Sex  «ce  qu'on  peut  imaginer  de  plus  bizarre»,  était  d'avis  (op.  cit.,  p.  821)  que 
Lessing  n'avait  analysé  cette  comedia  que  par  haine  de  notre  tragédie  classique  : 
opinion  franchement  insoutenable. 


I.A.    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'iIISPANISME    DE    LESSING  1 85 

besoin  de  «  pompes  »   et  de    «  tubes  aspirateurs  »   pour  élaborer  la 
matière  livresque  : 

«  Ich  wûrde  so  arm,  so  kalt,  so  kurzsichtig  seyn,  wenn  ich  niclit  einiger- 
massen  gelernt  hâtte,  fremde  Schâtze  bescheiden  zu  borgen,  an  fremdem 
Feuer  mich  zu  wârmen,  und  durch  die  Glâser  der  Kunst  mein  Auge  zu 
stârken...  icli  muss  meine  ganze  Belesenheit  so  gegenAvarlig  haben.  » 

(M.  X,  209  seq.)  Nous  demandons  que  l'on  veuille  prendre,  en 
matière  hispanique,  et  dans  le  sens  que  l'on  sait,  au  sérieux  cet  aveu 
spontané  et  d'autant  plus  précieux. 

Depuis  que  M'"'  D'iVulnoy  avait  donné,  dans  la  fameuse  Relation, 
sa  classique  description  de  Vu  opéra  »  espagnol,  le  goût  pour  la 
Comedia,  qui,  bien  que  partagé  par  la  majorité  des  beaux  esprits  de 
l'époque  de  Louis  XIV,  n'a  pas,  —  en  dehors  des  emprunts  variés  allant 
du  plagiat  direct  d'un  Scarron  à  l'originale  adaptation  d'un  Molière  et 
dont  le  Catalogue  commence  à  être  dressé  de  façon  méthodique,  — 
suscité  de  témoignages  critiques  qui  méritent  d'être  relevés,  semblait 
s'être  orienté  en  France  vers  une  étude  plus  loyale  des  chefs-d'œuvre 
scéniques  de  tras  los  montes,  dans  le  sens  de  simples  traductions  de 
ces  derniers,  devenus  plus  difTicilement  accessibles  que  naguère  soit 
pour  des  raisons  de  langue,  —  le"  castillan  étant  de  moins  en  moins 
cultivé  à  mesure  que  baissait  la  prépondérance  politique  de  la 
monarchie  espagnole,  —  soit  pour  des  raisons  purement  bibliogra- 
phiques. Si  le  passage  de  Saint-Évremond  sur  la  Comedia^  reste  dans 
la  tonalité  d'un  bavardage  de  salon,  c'est  que  le  mondain  spirituel  à 
qui  nous  sommes  redevables  de  la  Conversation  du  père  Canaye  et  du 
maréchal  d'Hocquincourt,  plonge  par  toutes  les  fibres  de  son  être 

1.  Œuvres,  édition  d'Amsterdam,  1726,  III,  260-267  •  '^'"'  "^^  Comédies,  excepté 
celles  de  Molière,  oii  l'on  trouve  le  vrai  esprit  de  la  Comédie:  et  sur  la  Comédie  espagnole. 
Comme,  dans  la  galanterie  des  Espagnols,  il  reste  «je  ne  sais  quel  goût  d'Afrique 
étranger  des  autres  nations  et  trop  extraordinaire  pour  pouvoir  s'accommoder  à  la 
justesse  des  règles  »  ;  comme  «  une  vieille  impression  de  Chevalerie  errante,  commune 
à  toute  l'Espagne,  tourne  les  esprits  des  Cavaliers  aux  avantures  bizarres»;  comme 
«  les  Filles,  de  leur  côté,  goûtent  cet  airlà  dès  leur  enfance  dans  les  livres  de 
Chevalerie,  et  dans  la  conversation  fabuleuse  des  femmes  qui  sont  auprès  d'elles  »  : 
ainsi,  «  les  deux  sexes  remplissent  leur  esprit  des  mêmes  idées»,  car  on  «  ne  vit  que 
pour  aimer,/  en  Espagne,  spécialement  «  dans  l'inutilité  de  Madrid,  où  rien  ne  donne 
du  mouvement  que  le  seul  amour».  En  conséquence,  la  Comedia  n'est  que  «la 
représentation»  des  «Avantures»  des  Espagnols  et  est  ce  aussi  peu  régulière  que  ces 
Avantures».  11  y  a,  dans  le  Discours  préliminaire  du  Résumé  de  l'hist.  litt.  du  Portugal, 
etc.,  par  l'ex-administrateur  de  la  bibliothèque  S'"-Geneviève,  J.  Perd.  Denis  (7  1890), 
paru  à  Paris  en  1826,  p.  V-VI,  d'excellentes  réilexions  sur  les  causes  de  cette  incom- 
préhension des  littératures  étrangères  en  France  jusque  fort  avant  dans  le 
xviii*  siècle  :  «  Telle  était  notre  manière  de  voir,  que  nous  soumettions  aux  formes 
françaises  les  divers  auteurs  dont  on  transmettait  les  œuvres  dans  notre  langue,  et  il 
faut  avouer  que  les  autres  nations  aidaient  puissamment  à  développer  notre  dédai- 
gneuse préférence  :  comme  elles  adoptaient  nos  idées  et  nos  systèmes,  qu'elles  sui- 
vaient l'impulsion  (jire  nous  donnions,  elles  cessaient  d'être  originales,  et  nous  étions 
toujours  supérieurs,  parce  que  c'était  nous  que  l'on  imitait...  » 


l86       CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

dans  la  tradition  de  notre  xvii'  siècle,  dont  «  l'honnête  homme  »  ne 
pouvait  apprécier  un  genre  littéraire  exotique  qu'à  travers  les  lunettes 
de  son  éducation  pseudo-classique,  excellant  à  déformer  l'aspect  des 
formes  de  pensée  et  d'expression  étrangères.  Le  premier  document 
véritablement  caractéristique  du  mouvement  nouveau  est  un  volume 
in- 12  publié  à  Paris  à  l'aube  même  du  xviii'  siècle,  en  1700,  «chez 
Jean  Moreau,  rue  Galande,  et  aussi  chez  Jacques  Christophe  Remy,  » 
contrefait  la  même  année  et  dans  le  même  format  à  La  Haye.  L'auteur 
de  cette  œuvre  qui,  comme  l'a  remarqué  à  propos  l'abbé  Goujet 
(op.  cit.,  VIII,  i65),  portait  un  «  titre  trop  pompeux  pour  deux  seules 
pièces  y,  étant  intitulée  :  Le  Théâtre  espagnol,  ou  les  Meilleures 
Comédies  des  plus  fameux  Auteurs  Espagnols,  Traduites  en  François, 
n'était  autre  qu'un  avocat  né  à  Sarzau,  près  Vannes,  et  dont  les 
loisirs  rendaient  la  plume  alerte,  Alain  René  Lesage,  vivant  à  Paris. 
II  y  donnait  la  traduction  de  La  Traicion  busca  el  castigo  du  poète  de 
cour  et  disciple  de  Calderôn  Francisco  de  Rojas  Zorrilla,  sous  le  titre: 
Le  Traître  puni,  et  de  Guardar y  Guardarse  de  Lope,  devenu:  Dom 
Félix  de  Mendoce.  Dans  son  Lesage  (Paris,  1898,  p.  291),  M.  E.  Lin- 
tilhac  traitait  la  préiace  du  Théâtre  Espagnol  de  «  curieux  manifeste  » 
et  en  demandait  l'exhumation  :  désir  excellent,  que  l'analyse  suivante 
satisfera  peut-être.  Après  quelques  considérations,  roulant,  comme 
nous  l'avons  dit,  sur  le  Théâtre  français,  parvenu  u  pour  la  pureté  des 
mœurs,  à  un  point  de  perfection  inconnue  aux  autres  nations  »,  mais 
d'une  ((  sécliercsse  dintrigue  étonnante»,  Lesage  s'étendait,  dans  les 
termes  reproduits  par  l'abbé  Goujet  et  transcrits  plus  haut,  sur  les 
mérites  de  la  scène  castillane,  en  regrettant  que  les  Français  n'aient 
point  assez  recherché  ces  beautés  dans  les  pièces  qu'ils  n'ont  pas  copiées 
des  Espagnols.  C'est  pourquoi  l'auteur  s'était  proposé,  «  dans  le  dessein 
d'encourager  )>  les  poètes  dramatiques  «  à  s'attacher  plus  qu'ils  ne  le 
font  à  l'intrigue  de  leurs  Poèmes  »,  cette  entreprise  de  didactique 
théâtrale,  consistant,  non  certes  à  traduire  à  la  lettre  les  textes 
originaux,  —  figures  outrées^,  galimatias  de  termes  pompeux,  mouve- 
ments rodomonts  :  tout  cela  n'était-il  pas  trop  opposé  aux  exigences 
de  notre  société  polie?  —  mais  à  en  exposer  avant  tout  l'intrigue,  son 
but  n'étant  pas  de  faire  œuvre  philologique».  «  Comme  les  Espagnols 
n'observent  ny  l'unité  de  lieu,  ny  la  règle  des  ik  heures,  j'ay  gardé 
un  milieu  entre  les  libertés  de  leur  Théâtre  et  la  Sévérité  du  nôtre.  » 
C'est  sur  le  Traître  puni  que  Dancourt  édifia  sa  Trahison  punie,  en 

I .  C'est  en  ce  sens  (juc  peuveat  s'entendre  les  louanges  que  M.  E.  Lintilhac  donne 
aux  traductions  de  Lesage,  qu'il  analyse  rapidement  (Cf.  p.  36  sur  Dom  Céaar  Ursiii). 
M.  Fitzmaurice-Kelly  {trad.  cit.,  pp.  3'ii  et  371)  n'a  pas  une  idée  exacte  de  ces  traduc- 
tions, auxquelles  il  confère  un  caractère  d'indépendance  de  leurs  modèles  qu'elles  ne 
possèdent  en  aucune  sorte.  Que  signifie  une  phrase  comme  celle-ci  :  »  Sa  dernière- 
conquête  importante  [de  Lope]  fut  Le  Sage,  don  le  Don  (sic)  Félix  de  Mendoce  est  tiré 
de  Guardar  y  guardarse  » .' 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPANISME    DE    l-ESSING  1 87 

vers,  qui  fut  jouée  au  Théâtre-Français  et  peut  se  lire  au  tome  VU  de 
son  Théâtre  (S-erfi/.^Paris,  i7ii,in-i2).  Quant  k  Dom  Félix  de  Mendoce, 
il  ne  fut  jamais  représenté.  Le  Journal  des  Savans  (édit.  d'Amsterdam, 
1700,  ixviii,  p.  195-196)  concluait  son  annonce  du  Théâtre 
Espagnol  par  la  promesse  que  ci  si  ces  deux  pièces  sont  favorablement 
reçues,  il  [le  traducteur]  en  fera  incessamment  imprimer  d'autres  dans 
le  même  dessein  et  du  même  goût.  »  Ce  ne  fut  que  ibrt  longtemps 
après,  en  1789,  que  Lesage  se  décida  à  ajouter,  à  la  réimpression 
des  deux  premières  dans  son  Recueil  de  pièces  mises  au  Théâtre, 
deux  comédies  espagnoles  nouvelles,  cette  fois  encore  plutôt  adaptées 
que  traduites  en  français  :  Le  Point  d'honneur  {No  hay  amigo  para 
amigo,  aussi  appelé  :  Las  carias  se  vuelven  lanzas,  do  Rojas),  et  Dom 
César  Ursin  {Peor  esta  que  estaba,  de  Calderôn)».  La  première,  que 
l'auteur  a,  pour  la  porter  en  1720  à  la  Comédie -Italienne,  réduite  à 
trois  actes,  et,  par  conséquent,  sensiblement  remaniée,  avait  été  donnée 
deux  fois  au  Théâtre-Français  en  février  1702,  sous  sa  forme  primitive, 
en  cinq  actes;  la  seconde  avait  été  représentée  à  Paris  le  i5  mars  1707. 
Par  un  contre-coup  littéraire  fréquent,  ù  cette  époque  de  poly- 
histoire,  en  Allemagne,  le  Théâtre  Espagnol  de  1700,  analysé 
sommairement  par  le  ministre  protestant  de  Nyons  réfugié  en  Hollande, 
Jacques  Bernard,  dans  ses  Nouvelles  de  la  République  des  Lettres 
(Amsterdam,  1700,  p.  674,  livraison  de  juin) 2,  fut  cause  qu'un  profes- 
seur de  droit  et  de  philosophie  de  Halle,  le  peu  loyal  rival  de  Wolff,  Nicol. 
Hieronym.  Gundling,  s'occupa  du  théâtre  des  Espagnols,  dont  il  ne 
comprenait  pas  la  langue.  Bernard  en  appelait,  dans  sa  médiocre 
critique,  à  M""  d'Aulnoy  (Voyage  d'Esp.,  111,  21  seq.,  dans  l'édition  de 
Hollande  de  1691)  touchant  la  Comedia.  Gundling  lut  ce  passage  et 
le  délaya  de  la  sorte  dans  ses  chaotiques  Otia^  : 

M  In  iliren  [der  Spanier]  Gomœdien  haben  die  Frantzosen  viel  zu  tadeln 
gefunden,  so  wol  weilen  sie  es  bey  hellem  Tage  und  unter  freyem  Himmel 

1.  Dans  la  Nonv.  Ed.  rev.  et  corr.  des  <Euvres  de  Théâtre  {Paris,  177^),  le  Traître 
puni,  Dom  Félix  de  Mendoce  et  Le  Point  d'Honneur  sont  au  tome  I;  Dom  Cés>ir  Ursin  au 
tome  II.  Dans  les  Œuvres  choisiesde  178.3,  le  Point  d'Honneur  est,  par  contre,  au  vol.  \1  : 
cf.  la  Bibliogruphie  précitée  de  Lesage.  —  MM.  ^lorcl-Fatio  et  Rouanet  ne  mention- 
nent pas,  dans  leur  Théâtre  Espaijnol,  les  deux  nouvelles  traductions  de  Lesage,  mais 
seulement  l'édition  hollandaise  de  1700  des  deux  premières,  laquelle  parut  chez 
L'ytwerf  en  un  in-is  de  2i8  pages  et  est  celle  qu'analysa  Jacques  Bernard. 

2.  Bernard,  continuateur  du  fameux  journal  de  Bayle  depuis  iCgij,  était  d'avis 
que  si  les  deux  pièces  de  Lesage  «  ne  peuvent  être  jouées  sur  le  Théâtre  François  avec 
succès,  elles  peuvent  du  moins  être  lues  avec  plaisir  ». 

3.  Frankfurtu.  Leipzig,  170G-1707,  trois  Parties  [dites:  Aujlaijen\  en  un  volume  in-8. 
En  1706  parut  à  Nuremberg  une  brochure  anonyme  de  polémique  contre  la  partie  de 
cette  compilation  qui  nous  intéresse  ici.  Elle  a  Wi  pages  et  s'intitule  :  Erbauliche 
Gedanken  iiber  D.  Nicol.  Hieron.  Gundlings  Otia,  etc.  Elle  fut  réimprimée  l'année 
suivante,  in-8,  eod.  loc.  Sur  Gundling,  cf.  l'article  du  Jôcher,  III,  1379-1281,  et 
surtout  celui  de  R.  Pallmann,  .l/ij;.  fînc,  97.  Thl.,p.  a(î0-fi8,  puis  Stinlzing, /l. /).  B/o;//-. 
\,  lag-iSo,  notice  médiocre.  Le  passage  cité  ici  des  Otia  est  au  prcmiei-  chapitre  de 
la  première  Partie:  Ton  dein  Tempérament  der  Spanier,  p.  1-80. 


l88         CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LHISPANISME    DE    G.    E.     LESSING 

praesentiren.  als  auch  weilen  es  ihnen  nichl  angestanden,  dass  die  Gôtler 
vom  Himmel  herab  gerilten,  und  die  Teuffel  mit  Schellen  herfûrgekommen, 
es  mûsste  denn  jemand  sagen,  dass  sich  ihre  Gomœdien  besser  sehen,  als 
lesen  lassen,  welches  dass  Urtheil  des  Mons.  Bernhards  ist,  da  er  das  Théâtre 
Espagnol  in  seinen  JSouvellen  recensiret.  » 

Ces  sottises — d'ailleurs  mal  transcrites,  puisque  Bernard  était, 
comme  on  vient  de  le  voir,  exactement  d'avis  contraire  —  allèrent 
finalement  contaminer  la  thèse  de  doctorat  pour  Greifswald  soutenue 
le  2  2  mars  1724  par  le  poméranien  H.  C.  von  Rirchbach  :  Commentatio 
historica  de  statu  rei  literariae  praesenii  in  Europa  (Gryphiswaldiae, 
typ.  Caroly  Hœpfneri,  i4o  p.  in-A")  : 

«  Studium  poeseos  dramaticae  Hispanos  pariter  habuit  occupatos  : 
eventus  tanien  docuit,  quod  ob  ingenii  indolem  '  actioni  theatricae  minime 
sint  sufTicienles,  id  quod  etiam  reliquit  testatum  Comilissa  d'Aunoy  in 
Descriptione  Ilineris  Hispanici  P.  I.  Epist.  H,  referens,  Hispanos  in  theatris 
non  uti  candelis  vel  facibus,  sed  aperlis  fenestris  res  deducant  in  actum,  et 
populo  proponant  spectandas.  quo  ipso  e  plurimorum  mente,  omnis 
comœdiarum  gratia  concidit.  >■ 

Jusqu'en  173-,  nous  ne  trouvons  rien  d'intéressant  à  consigner  hors 
d'Espagne  sur  le  thème  qui  nous  intéresse,  sauf,  cependant,  une  courte 
polémique  dans  le  Mercure  de  France^  touchant  les  rapports  del'Héra- 
clius  avec  Y  En  esta  vida,  etc.,  de  Calderôn  et  à  laquelle  il  est  certain 
que  nous  devons,  moyennant  Tournemine,  la  fameuse  Dissertation  de 
Voltaire.  Cette  polémique  s'ouvre  par  une  lettre  anonyme  —  elle  était,  en 
réalité,  de  l'abbé  Pellegrin,  cf.  l'Histoire  du  Théâtre  français,  etc.,  des 
frères  Parfaict,  VII  (Paris,  1746),  p.  92-932 —  insérée  aux  numéros  de 
février,  p.  199-217,  et  de  mars,  p,  399-410,  qui  posait  le  problème  et  pro- 
mettait de  le  résoudre,  sans  cependant  qu'il  ait  été  donné  suite  à  cette 
promesse.  Elle  appela  une  réponse,  également  anonyme,  datée  :  23  août 
1724,  et  insérée  au  numéro  de  mai  suivant,  p.  846-85 1,  oii  l'on  com- 
parait quelques  passages  caractéristiques  des  deux  pièces,  pour  conclure 
—  sur  des  raisons,  il  est  vrai,  fort  peu  flatteuses  pour  le  poète  espa- 
gnol —  en  faveur  de  la  priorité  de  Calderôn.  On  sait  que  Voltaire 
prétendit  arranger  le  différend  en  niant  qu'aucun  des  deux  génies  ait 

1.  Tout  cela  est  pris  dans  Gundling,  que  Kirchbach  invoque  explicitement  plus 
loin.  Il  y  a  pris  également  la  référence,  que  d'ailleurs  il  donne  inexacte,  à 
M°"  d'Aulnoy.  Je  ne  transcris  pas  tout  le  passage  ;  il  se  trouve  op.  cit.,  S  XVJI,  p.  tiS. 
Celui,  bien  connu,  de  M"*  d'Aulnoy  est  dans  la  X*  Lettre,  datée  Madrid  22  May  1679. 
Elle  avait  vu  jouer  ((  l'Opéra  d'Alcine  ».  Une  fort  intéressante  description  de  la 
représentation  théâtrale  espagnole  au  xvii"  siècle  a  été  commencée  par  M.  Milton 
A.  Buchanan  au  vol.  8,  n°  6  (1908)  de  The  University  Monthly  (Toronto)  :  At  a  spanish 
Theater  in  the  seventeenth  centiiry,  p.  20^-209. 

2.  Daprès  ce  même  passage,  le  P.  Tournemine  aurait  écrit  une  Défense  du  Grand 
Corneille  qui  se  trouverait  p.  xxv-xxxiv  des  Œuvres  diverses  de  Pierre  Corneille  (Paris, 
1788,  in- 12),  éditées  par  l'Abbé  Granet.  La  confusion  s'explique  par  ce  fait  que 
les  Œuvres  diverses  par  Grauet  parurent  la  même  année  que  le  Théâtre  de  Corneille, 
de  Fr.  Ant.  Jolly,  avec  lequel  elles  furent  réunies,  d'ailleurs,  dans  la  réédition 
de  1758-59. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    LHISPAMSME    DE    LESSIKG  189 

connu  la  pièce  de  Taulre  —  il  a,  dans  une  lettre  à  Duclos,  du  28  avril 
1762,  résumé  sa  pensée  en  disant  que  ((  Corneille  a  mis  dans  les  règles 
ce  que  l'autre  avait  invenlé  hors  des  règles  »  —  et  en  donnant  au  t.  Y  de 
son  Théâtre  de  Corneille  (  1 764)  une  prétendue  u  traduction  »  de  «  l'extra- 
vagant ouvrage  »  espagnol  I.  En  1788,  le  P.  Tournemine,  a  qui  croit  tout 
ce  qu'il  imagine,  »  avait,  on  le  sait,  entrepris  de  réhabiliter  Corneille  par 
une  notice  insérée  à  l'article  Héraclius  (p.  xlv  et  xlvi  de  l'Avertissement) 
dans  l'édition  du  Théâtre  de  Corneille  publiée  à  Paris  en  6  vol.  in-12  par 
les  soins  de  JoUy  et  réimprimée,  outre  une  contrefaçon  de  Hollande 
1740,  en  1747-48,  puis  1758-09.  Mais  la  tentative  était  des  plus  mala- 
droites, et  c'est  avec  raison  que  les  frères  Parfaict,  dans  leur  Hist.  du 
Th.fr.,  vol.  cit. y  lac.  cit.,  notaient  :  «  Nous  conviendrons  avec  le  lecteur 
que  l'Apologiste  de  Calderon,  et  son  savant  Adversaire  ne  prouvent 
pas  assez  ce  qu'ils  avancent.  L'un  ne  parle  que  par  conjecture,  et  l'autre 
prétend  le  réfuter  sur  un  ouï-dire.  Tout  cela  ne  satisfait  pointa.  » 

En  1787  avait  paru,  à  la  feuille  CXLIX  du  Pour  et  Contre,  t.  XI,  une 
annonce,  enveloppée  de  restrictions,  de  Prévost,  où,  tout  en  s'excusant 
de  s'exposer  au  dégoût  d'une  infinité  de  lecteurs  par  la  publication 
d'un  extrait  d'une  pièce  espagnole,  il  n'en  déclarait  pas  moins  vouloir 
donner  des  nouvelles  et  une  idée  de  ce  théâtre,  comme,  dans  les  feuilles 
précédentes,  il  avait  fait  pour  l'Angleterre.  En  conséquence,  l'habile 
faiseur  imprimait,  sur  les  instances  ((  d'un  Espagnol  »,  non  certes  la 
traduction  «  d'une  des  meilleures  pièces  de  Théâtre  d'Espagne  »,  mais 
simplement  quelques  scènes  caractéristiques,  et  ce  (p.  25-45)  sans 
même  mentionner  que  la  pièce  donnée  par  fragments  était  de  Lope, 
se  bornant  à  expliquer  qu'n  en  général  »  on  y  voyait  «  une  Duchesse 
de  Brabant,  qu'une  aveugle  passion  pour  un  des  Gentilshommes  de 
son  mari  emporte  fort  loin  de  son  devoir  ».  En  réalité,  il  n'y  avait  là 
qu'une  tentative  éditoriale  de  D'Hermilly,  qui  tâtait  de  la  sorte  le  goût 
du  public  pour  la  Comedia,  dont,  dès  cette  date,  il  tenait  prêtes  plu- 
sieurs versions 3.  Le  peu  de  succès  qu'obtinrent  les  informes  bribes 

1.  11  y  a,  sur  cette  ((  traduction  »  de  Voltaire  et  la  façon  dont  il  s'y  prit  pour  se 
documenter  en  Espagne  sur  la  pièce  de  Calderon,  de  curieux  détails  et  une  bonne 
critique  p.  lxixvi  seq.  du  t.  I  (Madrid,  1785)  du  Theatro  Hespanol  de  Garcia  de  la 
Huerta.  Ce  t.  I,  qui  contient  le  Prôlogo  et  fut  suivi  de  i5  autres  pet.  in-8,  est  un 
document  précieux.  Le  Prôlogo  fut  réimprimé  en  1786  :  La  escena  espanola  defendida 
en  el  Prôlogo  del  Theatro  hespanol  de  Vicente  Garcia  de  la  Huerta,  y  en  su  Leccion  critica, 
Segunda  Impression.  (Madrid,  H.  Santos.)  Cf.  à  son  propos  les  notes  de  J.  B.  P.  Forner. 
B.  A.  E.  63,  p.  269. 

2.  Cf.  sur  cet  exploit  de  Tournemine  :  Viguier,  Fragments  et  Correspondance  (PaTis, 
1870),  p.  35  seq.,  où  est  réimprimé  un  médiocre  Mémoire  de  Tauteur  paru  en  iSiC, 
et  l'édition  Marly-Laveaux  des  Œuvres  de  Corneille  (Paris,  iSO'?),  t.  V,  p.  120  seq. 

3.  Cf.  l'aveu  de  D'Hermilly,  Discours  sur  les  Tragédies  Espagnoles,  préf,  p.  iv  : 
«  Pour  sonder  les  dispositions  du  public,  j'engageai  M.  l'abbé  Prévôt  d'insérer  dans 
ses  feuilles  du  Pour  et  Contre  quelques  scènes  d'une  pièce  de  Lope  de  Vega  que 
j'avois  traduite.  Cet  écrivain  le  fit  dans  sa  cent  quarante-neuvième  feuille,  après  avoir 
pris  pour  prétexte  d'en  avoir  été  pressé  par  un  Espagnol,.,» 


It)0         CONTRIBUTIONS     V    L  ETUDE    DE     L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSIXG 

présentées  dans  la  feuille  de  Prévost  et  l'apparition,  l'année  suivante, 
des  analyses-traductions  de  Duperron,  réduisirent  à  néant  les  combi- 
naisons de  D'Hermilly.  Nous  savons,  d'ailleurs,  par  lui  que  les  bonnes 
intentions  de  l'auteur  du  Théâtre  Espagnol  de  1788  furent  également 
frustrées  par  l'indifférence  du  public  —  mais  la  faute  n'était-elle  pas  à 
Duperron,  qui  disséquait  les  comedias  de  Lope  pour  n'en  livrer  qu'un 
squelette  décharné  P  —  de  sorte  qu'il  renonça,  découragé,  à  poursuivre 
l'œuvre  aussi  malencontreusement  inaugurée'.  Du  moins  nous 
valut-elle,  sinon  la  Virginia,  à  coup  sûr  le  Discurso  de  Montiano, 
ainsi  que,  l'année  avant  celui-ci,  les  longues  remarques  de  Blas  Nasarre 
au  Prôlogo  de  sa  réédition  des  comedias  de  Cervantes,  et,  par  suite, 
une  excellente  occasion  de  surprendre  à  l'œuvre  l'hispanisme  de 
Lessing. 

L'année  même  où  paraissait  le  Théâtre  Espagnol,  Riccoboni  consi- 
gnait, de  son  style  lâche  et  terne,  dassez  longues  mais  aussi  passable- 
ment imprécises  et  même  souvent  inexactes  remarques  sur  la  Cotnedia 
dans  ses  Réflexions  historiques  et  critiijues  sur  les  différens  Théâtres  de 
l'Europe,  avec  les  Pensées  sur  la  Déclamation  [Paris,  Guérin,  1738, 
in-8,  p.  56-83],  dont  le  Journal  des  Savans,  CXX,  17A0,  p.  117-140,  et 
les  Mémoires  de  Trévoux,  mars  17^0,  p.  4o4-44i,  donnèrent  une  ample 
analyse  élogieuse.  L'ouvrage  ne  manifeste,  dans  la  partie  qui  se  rap- 
porte à  notre  étude,  qu'une  érudition  peu  sûre.  Si  Riccoboni  cite  les 
noms  de  «  Lopes  de  Véga,  Calderon,  Muréto.  îSolis,  Salazar,  Molina, 
Juan  Perés  de  Monlalvan  »  et  même...  «Don  Felles  de  Arebo,  Don 
Bernardo  Joseph  de  Reynoso  y  Quisiones,  Don  Joseph  de  Canizares,  n 
ne  les  connaît-il  pas  manifestement  par  ouï-dire,  et  non  point  directement 
et  personnellement  2  ?  Il  est  surtout  choqué  de  ce  que  les  poètes  scéni- 
ques  d'Espagne  n'observent  pas  de  règles,  ou  plutôt  n'observent  pas 
(des  règles»,  et  sa  conclusion  est  que  «quoique  le  Théâtre  Espagnol 
soit  dénué  de  Règles,  il  aura  néanmoins  la  gloire  d'avoir  été  et  d'être 
encore  le  grand  maître  des  Poètes,  et  le  grand  modèle  des  Théâtres 


1.  On  n'est  pas  peu  surpris  de  trouver,  ea  i7<i9,  au  t.   IV  des  Variétés  |  lilteraires 
I  ou  Recueil  de  Pièces  tout  origi-  \  nales  que  traduites,  concernant  la  |  Philosophie,  la 

Littérature  et  |  les  Arts  (Paris,  Lacombe),  p.  ôo2-5i0,  avec  l'analyse  et  la  traduction  de 
quelques  passages  du  \'aliente  Justiciero  de  Moreto  et  des  Benavides  de  Lope  et  quelques 
fines  remarques  sur  la  Co//iedia,  la  demande  que  soit  continué  l'ouvrage  de  Duperron. 
J'imagine  qu'il  n'y  avait  là  qu'une  ruse  de  littérateur  pour  attirer  l'attention  du  public 
sur  le  théâtre  espagnol,  et  préparer  lesAoiesaux  4  volumes  de  traductions  de  Linguet. 
qui  parurent  en  1770.  —  Celte  lettre  des  ]'ariétés  était  signalée  par  Blankenburg  dans 
ses  Zusàtze  à  VAllgemeine  Théorie  der  schônen  Kiiiisle  de  Sulzer,  /.  Bd.,  (Leipzig,  179C), 
p.  3o0.  MM.  Morel-Fatio  et  Rouanel  Coj).  cit.)  indiquent  la  date  1770,  au  lieu  de  1769, 
)>our  cet  appréciable  document. 

2.  Montiano  opinait  cependant  pour  cette  dernière  hypothèse.  P.  G7  du  Discurso  II. 
sobre  las  tragedias  espaholos  (Madrid,  1703),  il  loue  les  Réflexions  :  Un  Profesor  extran- 
(jero,  aun  nias  conocido  por  su  literatura,  que  por  su  deslreza  en  las  Tablas,  no  obstante  ser 
tanibien  notoria,  habla  con  singular  elogio  de  la  Representacion  de  Espaha;  v  esto  no  solo 
por  noticias,  sino  de  propia  ciencia... 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    I.HISPAMSME    DE    LESSÎNG  iql 

de  toute  l'Europe,  soit  par  la  singularité  des  idées,  soit  par  le  nombre 
prodigieux  et  la  variété  des  sujets  de  Comédie  qui  n'appartiennent 
qu'à  lui». 

Jusqu'en  1-55  —  sauf  les  comptes  rendus,  que  nous  avons  signalés, 
du  Discurso  de  Montiano  et  la  traduction  de  D'Ilermilly,  laquelle, 
répétons-le,  contenait  de  très  exactes  notices  sur  les  écrivains  espagnols 
cités,  qui  étaient  presque  tous  des  auteurs  dramatiques  —  ricii  d'im- 
portant n'est  à  mentionner  qui  ait  trait  à  la  Comedia.  En  1755,  le 
Journal  Étranger,  que  Prévost  rédigea  cette  année-là  de  janvier  à 
septembre,  qui  fut  sa  plus  brillante  époque  i,  publie  une  prolixe  analyse 
des  Origenes  de  ta  poesîa  castettana  du  marquis  de  Valdeflores,  parues 
l'année  d'avant  à  Mâlaga,  in-^,  chez  F.  Martînez  de  Aguilar  <.  II  est  très 
vraisemblable  que  si  Dieze  a  eu  connaissance  du  livre  de  Velâzquez  et 
si  l'idée  lui  est  venue  de  le  traduire  —  que  l'on  songe,  aussi  bien,  qu'il 
lui  fallut  treize  ans  pour  exécuter  son  entreprise,  si  originale  et  nou- 
velle —  c'est  parce  que  ce  livre  fut  signalé  dans  un  périodique  français 
à  l'attention  des  érudits  européens.  L'analyse  du  Joiirnat  Étranger 
avait,  d'ailleurs,  à  peine  paru,  qu'elle  était  (sans  qu'une  allusion  indi- 
quât la  provenance  des  articles)  plagiée  dans  deux  gazettes  allemandes, 
l'une,  l'organe  de  Gottsched  —  qui  alimentait  de  sa  prose  française, 
comme  on  sait,  le  Journal  Étranger  —  ;  Das  Neueste  aus  der 
anmuthigen  Gelelirsaml^eit  {i-jôo,  n""  X,  740-753;  \I,  830-887;  1756, 
n"'  2,  93-102;  3,  193-199);  —  l'autre,  le  Hamburgisches  Magazin 
(1755,  451-497;  '756,  1-35),  auquel  collaborait  Dieze.  La  même 
année,  à  l'occasion  d'une  analyse  de  la  Poétlca  de  Luzân,  ce  même 

1.  Eii  réalilé,  celle  l'euille  n'avait  ni  plan  ni  doclrine  lilléraire.  Quand  elle  eut 
passé  entre  les  mains  de  Fréron,  elle  devint  plus  chaoti(iue  encore.  M.  L.  Crouslc 
avait  s\ir  elle  de  bonnes  remarques  (elle  ne  ménag'eait  pas  les  éloges  à  Lessing),  op.  cit.. 
p.  99  seq.,  et  elle  a  fait  récemment  l'objet  d'une  assez  longue  étude,  sur  laquelle  j'ai  des 
notes  prèles,  de  M.  Johaimcs  Giirlner  :  Das  Journal  Etranger  iind  seine  Bedeutung  fiir  die 
Verbreitiing  deutsrher  Literutur  in  Frankreiek  (Mainz,  Falk  u.  .Sohne,  igoS),  Pronio- 
lion.-ischrift  de  l'Université  de  lleidelberg,  dont  M.  l\.  Mahrenhollz  a  donné  un  compte 
rendu,  purement  analytique  et  trop  laudatif,  au  n"  7  du  JAteratarbl.  fiir  germ.  n.  rom. 
Philologie,  1907,  col.  243-244. 

2.  Sur  Velâzquez  lui-même  et  ses  uuivres,  le  Journal  Étranger  de  mai  1760, 
p.  197-199,  contenait  quelques  renseignements.  L'analyse  des  Origenes  est  aux  n°'  de 
lévrier  (p.  22-82),  mars  (p.  177-205),  avril  (p.  218-240),  mai  (p.  58-87),  juin  (p. 87-10!)), 
juillet  (p.  i5o-i 55).  Cette  analyse,  non  sign(''e,  est  de  A.  A.  J.  Feutry.  Elle  a  été  réimpri- 
mée p.  99-192  des  IVouveaiix  Opuscules  {Di^on  et  Paris,  1779)  de  cet  auteur.  —  L'ouvrage 
de  Velâzquez,  2  feuilles  et  170  p.,  puis  5  feuilles,  aurait,  d'après  E.  Uàret,  llist.de  la  littéral, 
espagnole  (Paris,  i8G3),  p.  xix,  et  Ad.  de  Puibusque,  Catalogue  (Paris,  i864),  P-  45,  ainsi 
que  Graesse  et  Brunet,  paru  à  Mâlaga  en  1797  en  2"*  éd.  en  i  vol.  in-4.  Cette  édition 
m'est  restée  inaccessible.  H.  Breymann,  qui  fait  de  l'éd.  originale  un  in-8  (p.  221),  cite 
crrouément  une  2'"*  éd.  de  Madrid,  1789,  eu  2  volumes.  Une  telle  bévue  n'est  pas  trop 
surprenante  de  la  part  d'un  érudit  qui  est  allé  se  documenter  sur  Boulerwek  dans 
A.  K.  de  Molins  {Ensayo,  etc.,  p.  19),  qui  l'a  induit  en  erreur  sur  la  date  de  publication 
de  la  Gescli.  (p.  22'S  de  la  Cald.  Lit.)  et  qu'il  ne  confond  pas  moins,  v.  gr.  p.  232,  avec 
le  marquis  de  Molins.  —  Cf.  sur  Velâzquez  VEnsayo  de  una  Biblioteca  de  los  mej.  escr. 
del  reynado  de  Carlos  III,  de  .Sempere  y  Guarinos,  VI  (Madrid,  1789),  p.  i39-i5.>  et  Diezr 
dans  son  Introduction. 


192        CONTHÎBLTIOS    A    l'ÉTL  DE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Journal  Étranger^,  déjà  rédigé  par  Fréron,  donnait,  d'après  les 
idées  du  troisième  livre  de  la  Poética,  un  assez  curieux  passage 
sur  la  Comedia.  En  août  1756,  nous  y  trouvons  2  une  nouvelle  et 
longue  analyse  d'un  livre  espagnol  —  la  Disertaciôn  sobre  las  Come- 
dias  de  Espana,  parue  à  Madrid  en  1 7^9  —  où  était  traduit,  en  parti- 
culier, tout  le  jugement  de  Nasarre  sur  Calderôn,  p.  1 1 6-1 19  3.  Derechef, 
cet  article  français  était  plagié  mot  pour  mot  —  sans  mention  de 
provenance  —  par  le  journal  de  Goltsched,  1756,  n"  X,  p.  803-812.  C'est, 
sinon  dans  l'une  de  ces  deux  copieuses  analyses,  du  moins  dans  l'ou- 
vrage lui-même  de  Nasarre  que  Joh.  Friedr.  von  Kronegk  est  allé 
puiser  beaucoup  de  l'information  dun  article,  d'ailleurs  caractéristique, 
intitulé  :  Ueber  die  Spanische  Schaubiihne,  qui  fut  inséré  dans  ses 
Schriften,  publiées  en  1760-61  en  3  vol.  (11,  3895^9.),  mais  qui  a 
vraisemblablement  —  je  n'ai  malheureusement  pu  élucider  ce 
point  —  paru  d'abord  dans  quelque  périodique,  mais  non,  en 
tout  cas,  dans  Der  Freund,  rédigé  de  1754  à  1706,  avec  Kipping, 
Junckheim,  et  peut-être  Rabe  et  Hirsch,  par  Kronegk  à  Ansbach,  en 
3  vol.  in-8,  réimprimés  à  Gôttingen  en  1773,  et  où  ses  37  contributions 
sont  signées  E.  et  L.  '*.  Cet  article,  ne  fût-ce  que  pour  sa  rareté  actuelle 
relative  et  son  mérite  de  document  en  langue  allemande  très  antérieur 
—  et  très  supérieur  —  au  passage  de  Lessing  sur  la  Comedia,  mérite 
d'être  reproduit  ici.  Dès  1766,  d'ailleurs,  Joh.  Tobias  Kôhler,  de  la 
traduction  duquel  nous  allons  parler,  l'avait  réimprimé  intégralement 
pour  l'opposer  aux  fadaises  de  Clarke  sur  le  théâtre  espagnol. 

«  Es  ist  zu  beklagen,  dass  wir  in  Deutschland  so  wenig  Gelegenheit 
haben,  mit  den  neuen  Stûcken,  die  in  Spanien  heraus  kommen,  bekannt  zu 
werden.  Die  Virginia  und  der  Alaulpho  sind  fast  die  letztern,  von  denen 
wir  etwas  wissen,  und  wie  weit  mûssen  es  die  Spanier  nicht  gebraciit  haben, 
wenn  sie  diesen  Meistern  gefolget  sind  5?  Da  ich  von  der  neuen  spanisch. 

1.  P.  117-148.  Le  passage  sur  la  Comedia  est  p.  i35-i43. 

2.  P.  99-119.  —  On  lira  encore  aujourd'hui  avec  fruit  ce  que  Bolii  von  Faljer  a  dit  de 
la  Disertaciôn  de  Blas  Nasarre  dans  les  Miidicaciones  de  Calderun  (Câdiz,  1820),  p.  [useq. 

3.  Ce  sont  presqtic  les  idées  de  Lessing  sur  la  Comedia.  —  A  noter  que  l'auteur  de 
l'article  rapprochait  le  fameux  vers  de  Boileau  :  Enfant  au  i>remier  acte  et  barbon  au 
dernier,  de  ce  passage  du  Rufiùn  viudo  :  Pariu  la  dama  esta  jornada  y  en  utra  tiene  el  nino 
y  a  sus  tiarhas. 

4.  Cf.  Vorrede  à  l'édition  de  Leipzig,  17G5  —  qui  est  la  seule  que  j'aie  pu  consulter, 
mais  qui  ne  ditlère  pas,  de  même  que  la  réimpression  de  1776  et  la  véritable  réédition 
d'Anshach  1771-73,  du  texte  original  —  /.  Bd.  C'est  l'ode  de  Kronegk  :  Der  Krieg,  que 
Lessing  déclarait,  en  1756,  l'une  des  meilleures  de  l'époque,  et  c'est  sa  tragédie 
inachevée  :  Olint  und  Sophronia,  qu'il  a  assez  maltraitée  aux  chap.  1-7  de  la  Dramaturgie. 
Kronegk  mourut  en  1758.  L'ignorance  absolue  où  il  est,  dans  son  article,  d'œuvres 
modernes  espagnoles  autres  que  la  Virginia  et  VAtaulpho  ne  laisse  pas  d'être  caracté- 
ristique du  degré  de  son  hispanisme.  On  ne  trouve  à  ce  propos  que  des  banalités 
dans  la  mince  thèse  de  doctorat  pour  Berlin  de  M.  W.  Gensel  :  Joh.  Friedr.  von 
Cronegk.  Sein  Leben  und  seine  Schriften  (Lpzg.,  iSgi,  p.  3i-33). 

5.  Ces  réflexions,  il  est  nécessaire  d'insister  sur  ce  point,  démontrent  combien 
Kronegk  était  documenté  médiatement  sur  la  moderne  littérature  espagnole. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANLSME    DE    LESSING  I  (j3 

Bùhne  ineinen  Lcserii  nichts  besonders  sagen  kann,  so  glaube  ich,  dass  es 
vielleicht  einigen  unter  ihnen  nicht  unangenehm  seyn  wird,  wenn  ich  ihnen 
eineu  BogrifT  von  der  alten  Spanischen  Buhne  zu  geben  unternehme  :  denn 
auch  dièse  Nacliriclaten,  die  man  von  den  iiltesten  Scliriftstellern  in  dieser 
Sprache  geben  kann,  sind  fast  in  Deutscliland  neu,  und  ich  weiss  niclit, 
^va^unî  die  Bewunderer  der  franzos.  und  italian.  Dichter  nicht  die  Quelle 
zu  erforschen  suclien,  aus  welclier  dièse  so  vieles  geschôpft,  und  diejenigen 
Schriflsteller  ganz  vergessen,  die  nebst  den  Alten  die  einzigen  Lehraieister 
eines  Corneille  und  Molière  und  so  vieler  andern  grossen  Geister  vvaren. 
Fast  aile  Franzôsische  Schriftsteller  des  vorigen  Jahrhunderts  haben  die 
Spanier  ausgeschrieben  ' .  Dass  Molière  sein  Festin  de  Pierre  aus  dem  Bar- 
lador  de  Sevilla  y  Combidado  de  piedra  de  Tirso  de  Molina  genommen,  weiss 
jederniann.  Man  kann  nicht  leugnen,  dass  es  vielleicht  das  schlechteste 
Stùck  des  Molière  ist,  und  daraus  schliesst  man,  dass  die  spanische  Bùhne 
nichts  gutes  habe.  Einer  bethet  es  dem  andern  nach,  und  kein  Mensch  giebt 
sich  die  Mùlie,  sich  mit  einer  Sprache  zu  beschâfftigen,  in  welcher  doch  so 
vicie  lesenswùrdige  Schriften  angetroffen  werden.  Dass  Molière  nicht  nur 
dièses,  sondern  auch  einige  von  seinen  besten  Stûcken  aus  dem  Spanischen 
genommen  hat,  ûbergeht  man.  Man  saget  nicht,  dass  er  das  vortrefl.  Stùck 
L'école  des  maris  aus  dem  Lustspiel  des  Antonio  de  Mendoza  :  El  trato  muda 
costumbre,  oder  ('denn  es  ist  unter  zweyerley  Titel  heraus  gekommen) 
FÀ  marido  haze  muger  genommen  hat,  und  dass  seine  Fâcheux  aus  einem 
spanischen  Zwischenspiele  zusammen  gesetzt  sind.  Dass  der  altère  Corneille 
seinen  Cid  aus  dem  Spanischen  genojnnien  hat,  ist  bekannt.  Es  ist  ferner 
bekannt,  dass  sein  Menteur  fast  nichts,  als  eine  Uebersetzung  des  Meniiroso 
vom  Lope  de  Vega  sey.  Lope  de  Vega  war  der  erste,  der  zweyte  Corneille, 
der  dritte  aber  der  grosse  Verfasser  des  Zuschauers,  Steele,  der  es  unter  dem 
Titel:  the  lying  Lover  gebracht  hat.  Endlich  hat  es  der  geschickte  Goldoni 
auf  die  italiiinische  Bùhne  gebracht...  '. 

«  Ich  will  von  der  kleinen  Ausschwcifung,  zu  der  mir  die  Vergleichung 
dieser  vier  Stùcke  Anlass  gegeben,  wieder  zurùck  auf  die  franzôsischen 
Schriftsteller  kommen,  die  aus  dem  Spanischen  etwas  genommen  haben. 

1.  L'expression  ausgeschrieben  révèle  ou  l'ignorance  de  Kronegk,  ou,  dans  le  cas 
où  il  eût  puisé  dans  sa  propre  science  (mais  cela  n'est  pas)  toutes  les  indications  qui 
vont  suivre,  une  bonne  dose  de  mauvaise  foi.  Quand  il  écrit  simplement  que  Molière 
a  ^^pris  <>  l'École  des  maris  dans  le  Marido  hace  Mujer  de  Mendoza,  sans  autre  forme  de 
procès,  est  ce  gallophobie  ou  ignorance,  répétition  d'une  notice  copiée  quelque  part? 
De  même  pour  le  Cid.  Et  que  penser  de  l'identification  du  Menteur  avec  le  «  Meniiroso  » 
de  Lope  de  Vega.''  Là,  ('videmment,  Kronegk  se  sert  de  Corneille,  qui  commit  le 
premier  l'erreur,  et  ignore  totalement  la  pièce  espagnole.  Il  l'ignore  tellement  qu'un 
peu  plus  bas  il  parlera  de  l'«  Alcippe»  de  Lope,  qui  serait  un  personnage  du  Meniiroso. 

2.  Suit  une  critique  du  Menteur,  spécialement  dans  Goldoni  et  Steelc,  que  j'omets 
parce  qu'elle  n'intéresse  pas  le  thème  ici  traité.  Klle  est  cependant  remarquable  en  ce 
sens  que  Kronegk  la  termine  en  aflirmaiit  que  «  vielleicht  hat  Lope  de  Vega,  der 
Erfmderdes  Sti'ickes,  auch  seine  Ertindung  am  besten  ausgefiihrt.  »  Or,  il  ne  connaît 
pas  —  faut-il  le  répéter  ?  —  cette  pièce,  puisqu'il  écrit  que  «  im  Lope  de  Vega  und  ini 
Corneille  saget  der  Ileld  seinem  Bedienten,  er  hatle  Alcippen  erstochen.  »  Passe  encore 
pour  l'attribution  à  Lope  (([ui  pourrait  à  la  rigueur  s'expliquer  en  disant  que 
Kronegk  n'avait  vu  que  l'édition  de  la  comedia  espagnole  au  t.  XXII  (apocryphe)  des 
oomcdias  de  Lope,  Saragosse,  i63o).  Mais  cet  .Mcippc  est-il  admissible,  et,  de  plus, 
le  fait  d'établir  une  connexité  entre  la  pièce  espagnole  et  Tlie  Lying  Lover,  or  the 
Ladie's  Fricndship  (1708"),  la  pièce  moralisante  dainned  for  its  piety,  comme  a  dit  Steele 
lui-même,  ne  fournit-il  pas  iine  preuve  nouvelle  de  l'information  indirecte  de  l'auteur.' 


IQ^         COMHIBUTIONS    A    L  ÉTUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSl>"G 

Sie  haben  ôfters  ein  Buch  von  Wort  zu  Wort  ûbersetzt,  und  gar  nicht  dazu 
gesetzt.  dass  das  Buch  im  Grundtexte  Spanisch  ist.  So  ist  der  erste  Thcil  ini 
Théâtre  de  l'amour  et  de  la  fortune  '  der  Mdlle,  Barbier  nichts,  als  einc 
Lebersetzung  eines  Stûckes  inden  Xovellas  di  Perezde  Monlalvan.  Hauteroche 
hat  seine  Dame  invisible,  ou  l'esprit  folet.  aus  der  Dama  duende  des  Pedro 
Calderon  fast  blos  ûbersetzt.  Boisrobert  hat  seine  Jalouse  de  soi  même  aus 
der  Zelosa  de  si  missina  fsicj  des  Tirso  de  Moiina.  Scarron  hat  seinen  Don  Japhet 
d'Arménie  aus  dem  Marques  de  Cigarral  des  Alonso  de  Gastilla  (sicj.  Ohne- 
diess  hat  er  seine  meistcn  Erzalilungen  aus  dem  Spanischen.  Z.  E.  die 
Geschiclitc  des  Destin  in  seinem  comisclien  Roman,  ist  aus  der  Spanischen 
Comôdie  :  Cor.  quien  vengo  ventjo' .  Quinauts  Fa/i<ome  amoureux  ist  fastbloss 
aus  dem  Galan  Fantasma  des  Pedro  (laideron  ûbersetzt.  Das  Stûck  la  Me  est 
un  Songe  in  dem  ersten  Bande  des  nouveau  tlieatre  italien  ist  auch  aus  dem 
Spanisclien  Stûcke  la  vida  es  sueno  dièses  Pedro  Calderon.  Der  Plan  des 
Trauerspiels  Erigone  von  la  Grange  ^^  ist  auch  fast  ganz  aus  dem  Spanischen 
Stûcke  des  Juan  de  Villegas.  la  mentirosa  verdad. 

«  Kein  Schriftsteller  hat  mehr  aus  den  Spaniern  genommen,  als  der 
jûngere  Corneille.  Les  engagement  du  Jiazard  sind  aus  dem  Stûcke  :  Los 
empeùos  de  un  acaso  des  Calderon;  le  geôlier  de  soi  même  aus  dem  Alcayde  de 
si  misino  (sic)  des  namlichen  Verfassers.  L'amour  ù  la  mode  ist  nichts  als  El 
amoral  uso  des  Anton  de  Solis:  seine  Comtesse  d'orgueil  nichts  als  der  Don 
Enrique  del  Rincoii,  Senor  de  noches  bueiias  des  Ant.  de  Mendoza.  Sein  feint 
Astrologue  and  noch  verschiedene  Stûcke  sind  aus  andern  Spanischen 
Schriftstellern,  die  mir  jetzo  nicht  bevfallen. 

<i  Man  darf  nicht  glauben,  dass  ich  die  Franzôsischen  Schriftsteller  zu 
verkleinern  sache,  Aveil  ich  ein  solches  Verzeichniss  hieher  setze,  von  denen 
Stûcken.  die  sie  den  Spaniern  zu  danken  haben.  Im  Gegentheile,  ich  halte 
sie  fur  lobenswûrdig.  dass  sie  Frankreich  bereichert  haben,  und  Molière 
wird  eben  so  gut  gross  bleiben.  als  wenn  ailes  seine  eigene  Erfindung  wâre. 
Milton  wûrde  immer  gross  geblieben  soyn,  wenn  auch  die  falsche  Erdich- 
tung  Lowthers  wahr  gewesen  ware.  Meine  Absicht  ist  bloss.  die  Deutschen 
aufzumuntern.  aus  eben  diesen  (^nellon  zu  schopfen.  Sie  mûssen  aber  nicht 
von  dem  jungen  Corneille  sich  dahin  verfûhren  lassen.  dass  .sie  ihre  Stûcke 
bloss  mil  Verwirrung  anfûUen,  oline  an  die  Ausfûhrung  der  Charaktere  zu 
denken.  Sie  wei'den  in  der  Spanischen  Bûhne  viele  Anlagen  von  vortreflli- 
chen  Stûcken  finden,  und  ich  bin  fast  ûberzeugt,  dass  sich  zum  Beyspiele. 
aus  dem  Stiicke  :  El  meior  nmigo  el  Rey.  des  Augustino  Moreto.  aus  des 
l.ope  de  ^ega  ventura  de  la  Fea,  aus  seinem  Villano  en  su  rincon  und 
vcrschiedenen  andern  Stûcken.  so  wohl  von  ihm,  als  von  andern  Spanischen 
Schriftstellern  sehr  schône  Lustspiele  machen  liessen  ''.  » 

I.  Paris,  1713,  :>.  tomes  en  un  vol.  in-i:!. 

■2.  I,a  déterinination  des  sources  de  Scarron  daos  6es  Nouvelles  Tragi-Coiniiiiies  vient 
seulement  d"ètre  entreprise  de  façon  méthodique,  par  M.  A.  I^.  Sliefel.  Cf.  son  élude, 
commencée  dans  VArcliiv  de  Ilerrig,  t.  CXIV  (1907),  p.  101  seq.  :  Xa  den  .\oveUcn  Paul 
Scarrons.  Cf.  aussi,  du  même  auteur:  Paul  Scarron's  «Le  marquis  ridicule»  und  seine 
spunisilie  Quelle  (Zlsclift.  fiir  fran:.  Spr.  11.  Lit.,  VXXII,  I11.107],  p.  i-bo.) 

'.'>.  Ccst  de  La^frange-Chanccl  qu'il  s'aju^il.  Erigone,  tragédie  en  G  actes  el  eu  vers, 
parut  en  1703  à  Paris,  in-12. 

!t.  A  la  suite  de  cette  dissertation,  kronegk  a,  dans  un  petit  traité:  leber  <//<■ 
abyebrochenen  Hcden  in  Sciiaiiapielen  (p.  395-4oo),  cité  comme  modèle  de  dialogue 
animé  la  fin  des  Benavides  de  Lope  '<  im  2>''"  Tlieile  seiiter  \]'erlce  :u  Lissidion  IfHJ 
ijedriicht,  p.  171  r>,  ainsi    qu'un  |>assage  de  La  banda  y  la  Jlor  de  Calderûu. 


LA    .\ATLRE    ET    l,ES    SOUUCES    DE    L  HISPANISME    DE    LESSING  I QO 

C'est  vers  la  même  époque  que  le  baron  von  Holberg,  le  polygraphe 
dano-norvégien,  signalait,  dans  la  52"°  de  ses  Lettres  publiées  de 
1753  à  1755  en  traduction  allemande,  la  Vida  es  sueiio —  qu'il  avait 
vu  jouer  (ou  qu'il  avait  lue)  dans  un  remaniement  —  à  l'attention  des 
dramaturges'.  Mais  les  banalités  que  cette  œuvre  lui  inspire  sont  une 
conséquence  de  son  ignorance  du  castillan,  qui  ne  lui  permet  pas 
d'apprécier  personnellement  l'original.  11  est  d'avis  «  dass  man  sich 
auf  unsrer  Biihne  mit  gutem  Erfolg  des  Stûckes,  dus  Leben  als  ein 
Traiim,  bedienen  konne,  indem  dièses  Stûck...  eine  angenehme 
Historié  enthiilt,  und  durch  einige  lustige  Auftritte  lebhaft  gemacht 
worden.  »  Puis  il  esquisse  un  exposé  sommaire  de  la  pièce,  avec  cette 
conclusion  :  «  Es  ist  aber  ailes  so  unordentlich  vom  Anfange  bis  zu 
Ende,  dass  man  fast  denken  sollte,  die  Absicht  dieser  Comôdie  sey 
mit  derjenigen  einerley,  welche  den  Titul  Ulysses  von  Ithaca  fûhret, 
denn  in  beyden  Stûcken  ist  weder  Vernunft  noch  Moral  anzutreffen,  » 
conclusion  qui  révèle  assez  combien  l'auteur  est  peu  initié  aux 
conditions  de  la  Comedia,  bien  qu'il  admette  que,  dans  la  création  de 
Calderôn,  même  sous  la  forme  misérable  d'un  remaniement  mala- 
droit, u  einige  artige  Scenen  enthalten  sind.  » 

En  1709,  Samuel  Derrick —  qui  signa  cet  ouvrage  Wilkes  —  énu- 
mérait,  dans  A  General  View  of  the  Stage  (London,  1709,  in-8,  Part.I, 
chapt.  5),  quelques  défauts  de  la  scène  espagnole,  mais,  ne  la  con- 
naissant nullement  par  expérience,  redisait  sur  son  compte  les  sottises 
courantes.  Un  autre  Anglais,  qui  avait  vécu  assez  longtemps  à  Madrid 
pour  acquérir  des  notions  directes  sur  les  choses  d'Espagne,  Ed^vard 
Clarke,  n'a  consigné,  dans  la  lettre  VP  de  son  ouvrage  :  Lelters  con- 
cerning  the  spanish  nation  :  written  at  Madrid  during  the  years  1760 
and  1161,  (London,  1763),  que  de  lamentables  platitudes,  qu'il 
décorait  du  titre  de  VieiD  of  the  stage  (p.  102-106)  et  qu'aggravait  une 
incompréhension  cherchant  à  se  déguiser  sous  la  morgue  britan- 
nique. uCalderoni,»  déclarait-il,  cas  at  présent,  and  lias  been  the  favou- 
rite  aulhor  upon  their  stage  for  some  years.  »  Son  ouvrage  fut,  comme 
nous  l'avons  noté,  traduit  en  allemand  en  1765  par  Kôhlera,  qui  se 
scandalisa  à  tel  point  des  insipidités  du  chapelain  anglais  touchant  le 
théâtre  espagnol  qu'il  crUt  devoir  leur   opposer  les    remarques    de 

1 .  Herrn  Ladwigs  Freyherrn  von  Holberg  Verniischte  Briefe,  en  5  Parties  (Copen- 
lia^aie  et  Leipzig).  Le  passage  cité  est  V.  Theil,  p.  202.  E.  Dorer  a  noté  les  pièces  de 
lliilijerg  qui  se  réclament  —  médiatemcnt —  de  thèmes  espagnols  dans  un  article  du 
Magazin  fii"  die  Litleralar  des  In=  und  Auslandes,  1886,  n"  5,  p.  68-71  :  Ludivig  Holberg 
und  das  spanische  Theater,  que  A.  F.  von  Schack  a  donné  à  tort  comme  inédit  au  t.  Il 
(p.  (ji-qS)  des  yuchgelassene  Schriften  de  Dorer(Drosden,  i8ç)3,  2  vol.  in-8).  D'autre  pari, 
Grillparzer  notait  (Op.  cit..  p.  171)  qu'à  Copenhague,  à  l'époque  de  Holberg,  un 
Allemand  dirigeait  le  théâtre  et  fit  vraisemblablement  jouer  des  œuvres  tirées,  ou 
imitées  de  l'espagnol.  Cf.  la  pièce  de  Holberg  :  Zauberei  oder  blinder  Lûrin. 

2.  Briefe  von  dem  gegenwàrligen  Zaslande  des  Konigreichs  Spanien,  etc.  (Lcmgo, 
1703).  Le  passage  cité  se  lit  p.  288,  note  au  chap.  :  Zustand  der  Schaubiihne. 

C.    PirOLLET.  ''t 


l()b         CO.M  KIUL  IIONS     V    I,  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.     E.    LESSlNfi 

Kronegk  en  les  faisant  précéder  d'un  aveu  de  sa  stupeur  :  «  Es  gerei- 
chet  wirklich  zum  Erstaunen,  dass  die  Spanier,  bey  denen  doch  die 
Zeiten  auch  lueit  mehr  erleuchtet  scheinen,  als  vormals,  dergleichen 
Idppische  Narrenposseii  auf  ihrer  vornehmsten  Schaubuhne  in  der 
Haiiptsladt  des  Konigreichs  dulden  konnen,  da  sie  doch  schon  lange  her 
nicht  geringe  Meister  in  der  Iheatralischen  Dichtkiinst  iinter  sich  haben, 
die  sogar  Musler  der  Franzosen  gewesen  sind.  »  —  L'année  suivante, 
le  Hambourgeois  Daniel  Schiebeler,  qui  savait,  à  en  croire  l'éditeur  de 
ses  poésies  choisies,  Joh.  Joachim  Eschenburg,  assez  de  castillan 
pour  composer  des  vers  en  cette  langue',  publie  au 2.  Stiick  de  \a,Neue 
Bibliothek  der  schonen  Wissenschaften  iind  derjreyen  Kiinste  ^  une  disser- 
tation qu'il  intitule  :  «  Einige  Nachrichten,  den  Zastand  der  spanischen 
Biihne  betreffend,  »  sous  forme  d'une  lettre  à  l'éditeur.  Il  y  note 
l'ignorance  de  l'Espagne  où  il  se  rencontre  à  cause  des  difficultés 
matérielles  presque  insurmontables  de  se  tenir  au  courant  de  la 
production  littéraire  de  ce  pays,  ainsi  que  de  celle  du  Portugal,  dont 
il  affirme  connaître  la  langue^.  En  fait,  ce  qu'il  consigne  n'est  qu'une 
accumulation  confuse  de  noms  propres,  souvent  estropiés,  qui 
pourraient  être  pris  aussi  bien  dans  les  listes  de  D'Hermilly  que  dans 
cette  curieuse  et  désordonnée  histoire  (?)  de  la  littérature  espagnole 
insérée  bizarrement  en  1707  par  un  chanoine  de  la  cathédrale 
d'Avignon,  membre  de  l'Académie  des  Arcades  de  Rome,  Labaume- 
Desdossat,  à  la  scène  II  de  l'acte  II  de  sa  pastorale  héroïque  :  L'Ar- 
cadie  Moderne  ou  les  Bergeries  sçavaiites  (Paris,  1707,  in-12  de  3i3  p.) 
et  où  on  lit,  par  exemple,  que  ((  Lopès  de  Vega  »  fut  le  Molière  de 
l'Espagne,  que  Salas  Bardadillo  «  épura  la  langue  de  la  Scène  Espa- 
gnole »,  que  Vêlez,  «  nouveau  comique  »,  «  n'égala  ni  l'un  ni  l'autre  » 
et  devint  u  le  Scarron  »  de  sa  nation,  etc.  ^. 


1.  Daniel  Schiebelers  etc.  auserlesene  Gedichte,  hrgb.  von  J.  J.  Eschenburg  (Ham- 
burg,  1773,  iu-8  de  xlm  et  3o2  pp.)  —  Eschenburg  n'a  cependant  pas  jugé  utile  de 
reproduire  les  vers  polyglottes  de  Schiebeler,  «  da  es  allenial  eine  eben  so  missliche 
Sache  ist,  in  eiiier  frenriden  Sprache  richtig  und  dem  Idiom  derselben  gemâss,  zu 
schrciben.  »  [Xachricht  des  Herausgebers.] 

2.  /.  Bd.  (L])Zg.,  17GG),  p.  209-23^. 

3.  Ces  plaintes  élaieat  alors  banales,  mais  justifiées  par  suite  du  mauvais  fonc- 
tionnement de  la  librairie  espagnole  et  du  vice  d'information  des  gazettes,  se  pla- 
giant l'une  l'autre  cl  n'imprimant  que  rarement  des  correspondances  directes 
d'Espagne.  Cependant  il  ne  faudrait  pas  oublier  les  efforts  d'un  Mayâns  pour  tenir 
l'Europe  lettrée  au  courant  de  la  production  intellectuelle  espagnole  de  son  temps. 
—  Nous  retrouvons  les  mîmes  plaintes  en  1773  au  t.  III,  numéro  de  Juillet,  /.  Stiick, 
du  Teutsclier  Mcrkar,  à  l'occasion  de  la  mauvaise  traduction,  sur  la  version  anglaise 
de  1772,  de  Fray  Gerundio  par  liertucli.  Aujourd'hui  encore,  d'ailleurs,  il  n'existe  pas 
un  seul  organe  étranger  consacré  à  l'étude  de  la  littérature  espagnole  qui  publie 
à  intervalles  réguliers  des  comptes  rendus  méthodiques  (cependant  si  nécessaires  et 
que  ne  supplée  pas  le  Krilisclicr  Jahresbericht  de  M.  Cari  Vollmôller)de  la  production 
littéraire  en  ce  pays,  analogues  aux.  excellents,  mais  trop  clairsemés  Bulletins  histo- 
riques de  M.  R.  Altamira  dans  la  Revue  historique. 

4.  P.  i35-i35.  —  P.  i3o,  note/,  l'auteur  vantait  encore  Sobrino. 


I,.\    .\ATtHt;    ET    LES    SOUKCES    HE    ï.  HISI' AMSME    DE    LESSl^(;  ICj-J 

Schiebeler,  répétons-le,  ne  va  pas  au  delà  des  notions  coutumières  : 
«  Reine  Nation  ist  wohl  so  reich  an  Schauspielen  wie  dièse.  Sie  haben 
in  den  iiltern  Zeiten  Comôdien,  Tragi  =  Comodien,  und  Zwischen- 
spiele;  ordentliche  ïragôdien  haben  sie  erst,  wie  die  Englander,  in 
den  neuern  Zeiten  erhalten,  etc.  »  (p.  212).  A  l'énumération  usée  du 
nombre  des  œuvres  dramatiques  de  Lope,  à  la  mention  de  «  ein 
gewisser  Juan  de  Alarcon»,  de  Calderôn,  le  «  Terenz  der  Spanier», 
de  Miguel  de  Cervantes,  qui  a  restreint  «  die  spanische  Comôdie  von 
fiinf  Akten  auf  drey  »,  de  Guillén  de  Castro,  «  aus  dem  Corneille 
einen  Theil  seines  Cids  genommen  hat  »,  de  Tirso,  u  dem  man  das 
Festin  de  Pierre  (sic)  zu  danken  hat  »,  de  Montalbân,  Fr.  de  Rojas, 
Vêlez  de  Guevara,  «  Augustino  »  Moreto,  A.  de  Solis,  «  u.  s.  w.  »',  se 
borne  cette  misérable  et  sèche  compilation,  que  seul  l'optimisme 
volontaire  de  M.  A.  Farinelli  a  pu  proclamer  «  das  erste  luohlgeordnete 
deutsche  Kompendium  der  spanischen  Literatargeschichte  n'^.  —  C'est 
aussi  en  1766  que  l'ami  de  Klopstock  et  admirateur  de  Shakespeare, 
H.  W.  von  Gerstenberg,  révélait  gravement  à  l'Allemagne,  dans 
ses  Brieje  iiber  Merkwiirdigkeiteii  der  Littérature,  à  propos  d'un 
passage  de  Coda  uno  para  si  qu'il  venait  de  citer,  que  Calderôn  avait 
composé  «  funfhundert  zwei  und  zwanzig  tlieatralische  Werke», 
ouvrages  qui  révélaient  «  eine  so  unerschôpfliche  Fruchtbarkeit  der 
Erfindung,  verbunden  mit  einer  so  immer  gegenwiirtigen  Ueber- 
legung  in  der  Anordnung  und  so  viel  Geist  in  der  Ausfûhrung  »,  que 
l'on  pouvait  sans  crainte  d'être  démenti  affirmer  que  ces  qualités 
n'avaient  encore  été  réunies  «bei  keinem  andern  Schauspieldichter 
in  ganz  Europa  » . 

On  jugera,  sur  les  renseignements  qui  viennent  d'être  réunis,  du 

1.  Ce  «  u.  s.  w.  »  est  de  Schiebeler. 

2.  Art.  cit.,  p.  3o6.  —  Dieze,  que  M.  Farinelli  a  défini  :  «ein  von  Natur  begabter 
Forscher»  [Grillp.  u.  Lope  de  Vega,  p.  7]  (nous  aurions  cru  que  c'était  avant  tout 
un  laborieux,  sans  dons  innés),  ne  partageait  pas  la  manière  de  voir  de  l'érudil  italien. 
Il  était  d'avis  (op.  cit.,  p.  i3o)  que  Schiebeler  eût  évité  beaucoup  d'erreurs,  «  wenn  er 
die  angefùhrten'  Dichter  aile  vor  sich  gehabt  hàtle.  » 

3.  Publiés  à  Schleswig  de  1766  à  1767  (.Scldeswigsche  Litteraturbriefe).  On  les 
trouvera,  sous  le  titre  :  Etwas  liber  Shakespeare,  au  3°  vol.  des  Vermischte  Schriften  de 
l'auteur  (Al tona,  1816). —  Le  passage  cité  est  p.  255.  —  M.  Farinelli  (art.  cit.  p.  3iZi) 
trouve  trop  enthousiaste  le  jugement,  qu'il  a  tort  de  prendre  au  sérieux,  de  Gers- 
tenberg sur  Calderôn.  «  Lessing,  »  certilie-t-il,  «  hâttc  gcwiss  nicht  so  enthusiastisch 
liber  den  Spanier  gesprochen.  »  Que  n'ajoutait-il  pas  :  «  wenn  er  ihn  gekannt  hiitlc?» 
Sur  l'opinion  de  Lessing  touchant  le  drame  religieux —  on  se  souvient  du  /.  Sliick  de 
Ia  Dramaturgie  —  cj.  Fra  Drammi e poeini(Mi]ano,  kjoo,  p.  333  seq.)de  M.  E.  Gorra,  dont 
le  point  de  vue  est  beaucoup  trop  celui  du  critique  moderne  et  pas  assez  celui  de 
l'époque  de  Calderôn.  Quant  à  M.  Farinelli  et  à  son  opinion  de  Calderôn,  nous  délions 
quiconque  de  la  tirer  au  clair.  Nous  connaissons  déjà  sa  théorie  des  «  vcrvvandte 
Naturen»  qu'étaient  Lessing  et  Calderôn.  Dans  Grillparzer  und  Lope  de  Vega,  il  y  a 
p.  iig  seq.  une  exécution  impitoyable  du  poète  théologien.  En  1907,  dans  Cultura 
Espanola  —  à  ce  propos,  nous  nous  permettons  de  demander  sincèrement  à  M.  Fari- 
nelli sil  croit  aux  anges  -  \ï.  F.  adresse  cependant  à  ce  même  poète  théologien  une 
bombaslique  prosopopéc  à  l'article  :  .iijunles  sobre  C.  y  lu  mùsica  en  Alrmania! 


ig8       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LHISPAMISME    DE    G.    E.    LESSI.XG 

genre  de  nouveauté  des  «  révélations  »  de  Lessing  touchant  la  scène 
espagnole  et  s'il  était  malaisé,  avec  l'immense  lecture  dont  il  disposait, 
de  construire  le  banal  jugement  de  la  Dramaturgie.  11  fallait,  en  vérité, 
que  le  culte  de  Lessing,  qui  est  certainement  l'une  des  plus  curieuses 
déformations  littéraires  dont  se  soient,  dans  la  dernière  moitié  du  siècle 
dernier,  rendus  coupables,  dans  des  fins  autres  que  scientifiques,  maints 
universitaires  d'Outre -Rhin,  à  la  tête  desquels  brille  actuellement 
M.  Erich  Schmidt  (légitime  successeur,  en  ce  sens,  de  Scherer  à  la  chaire 
qu'il  occupe),  vînt  obnubiler  incurablement  l'ancienne  acuité  critique 
allemande  pour  que,  en  dépit  d'une  tradition  unanime,  fût  attribuée  au 
fils  du  premier  pasteur  de  Ramenz  une  science  qu'il  ne  posséda  pas  et 
qu'il  n'a  jamais  explicitement  prétendu  posséder.  Évidemment,  il  serait 
futile  d'en  appeler  à  ces  lettres  de  Lessing  à  Dieze  brûlées,  —  tel  est  le 
témoignage  d'Eschenburg  dans  l'éd.  de  1794,  XXIX,  p.  486  seq., —  lors 
du  siège  de  Mayence  par  les  Français  en  1798,  et  qui  nous  eussent  sans 
nul  doute  édifiés  sur  l'état  des  connaissances  hispaniques  de  leur  auteur, 
mais  n'est-il  pas  caractéristique  que  Dieze  n'ait,  dans  sa  version  de 
Yelâzquez,  pas  eu  à  mentionner  une  seule  fois  —  mention  qui  déjà 
constituait,  dans  le  monde  de  l'érudition  allemande,  un  titre  de 
gloire  —  le  nom  de  son  correspondant  pour  un  conseil  donné,  un 
service  bibliographique  rendu,  bref  l'une  de  ces  ingénieuses  vétilles 
dont  on  se  sert,  entre  savants,  pour  se  faire  une  innocente  et  toujours 
douce  réclame  réciproque,  en  application  de  ce  principe  du  do  ut  des 
qui  fut  et  sera  toujours  florissant  dans  la  république  des  lettres? 
Non  seulement  Dieze,  qui  savait  indubitablement,  par  cette  corres- 
pondance même,  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  connaissances  hispaniques 
de  son  ami,  n'a  pas  eu  pour  lui  cette  délicate  attention,  qui  eût  été  si 
naturelle,  mais  il  serait  impossible  de  trouver,  dans  la  génération 
immédiatement  consécutive  à  Lessing,  la  plus  fugitive  mention  de 
cet  hispanisme.  Que  dit,  p.  ex.,  Bertuch,  dans  l'avertissement  mis  en 
tête  du  t.  I  de  son  Magazin  (Dessau,  1781)?  Yante-t-il  l'effort  tenté 
par  le  grand  homme,  mort  cette  année  même,  en  faveur  d'une  litté- 
rature «  so  fremd,   so   unbekannt ,   dass  wir   sogar  Yorurtheile 

daw^ider  haben  »  (p.  iv)  ?  En  aucune  sorte.  C'est  à  Dieze  seulement 
qu'il  songe.  «  Dieze  hat  in  seiner  Ausgabe  des  Velazquez  die  Spanische 
und  Portugiesische  Literatur  an  hundert  Stellen  mit  môglichster 
Wârme  empfohlen;  aber  zehn  Jahre  sind's  schon,  und  das  Wort 
hat  bey  sehr  Wenigen  Frucht  gebracht...  «  (p.  v).  Cet  admirable 
érudit  que  fut  Bouterwek,  s'il  afîecle  de  considérer  de  toute  la 
hauteur  de  son  kantisme  le  gros  bon  sens  de  Dieze  —  cf.  Gesch.  der 
Poésie  und  Beredsamkeit,  III.  Bd.  (Gôttingen,  i8o4),  p.  iv-v;  p.  vi; 
p.  SQ^note  u  —  rend  néanmoins  hommage  à  son  zèle  en  termes  précis, 
que  viennent  renforcer  les  innombrables  renvois  à  la  version  de 
Velazquez  disséminés  dans  sa  propre  Histoire  de  la  poésie  esp.,  et, 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  IIISPAMSME    DE    LESSING  I99 

quand  il  en  vient  à  traiter  de  Montiano,  n'a  pour  Lessing  que  cette 
caractéristique  allusion  (p.  579,  note  e)  :  «  Die  Virginia  des  Montiano 
ist  den  Deutschen  durch  Lessing  bekannt  geworden,  der  ubrigens 
von  dem  spanischen  Theater  kaum  ans  der  ziveiten  Hand  unterrichtet 
loar...))  Renseigné  à  peine  de  seconde  main:  ce  témoignage  d'un 
quasi- contemporain  de  Lessing  —  Bouterwek  est  mort  en  1828  — 
n'est-il  pas  précieux,  et  qu'importe  que  ce  chauvin  de  Scliack  — 
qui,  on  s'en  souviendra,  fut  fait  comte  en  1876  par  l'empereur 
allemand,  auquel  il  a  légué  ses  tableaux  —  ait  cru,  sans  qu'il  lui 
eût  été  possible  de  justifier  documentairement  son  assertion,  le 
contredire  en  écrivant  —  après  avoir,  toutefois,  reconnu  que  la 
connaissance  qu'eut  Lessing  du  théâtre  espagnol  «  war  aus  Mangel 
an  Hiilfsmitteln  [manque  de  ressources  livresques  à  Hambourg!] 
nur  beschrânkt  »  —  que  «  das  Verdienst,  zuerst  wieder  auf  die 
Urbilder  aufmerksam  gemacht  und  mit  Anerkennung  von  ihnen 
gesprochen  zu  haben,  gebûhrt  Lessing»?  (Gesch.  III,  455.)  Guhrauer, 
qui,  en  1853  (II',  208),  protesta  contre  ce  verdict  de  Schack,  le 
trouvant  injuste,  a  ouvert  l'ère  bienheureuse  du  triomphe  du  dogme 
de  l'hispanophilie  lessinguienne,  dont  Ticknor  lui-même  a  fini  par 
être  contaminé  —  Cf.  éd.  de  i863,  II,  889,  note:  «  it  may  be  well  to 

add,  however that Lessrng with  Wieland  gave  the  first 

impulse  to  thas  love  for  Spanish  literature  in  Germany  which  the 
Schlegels,  Bouterweck  and  Schack  bave  since  so  well  sustained  »,  — 
et  M.  B.  A.  Wagner^,  en  ramassant  cette  protestation  en  i883  {progr. 
cit.  p.  Il),  ne  fit  qu'obéir  à  ce  sentiment  unanime  d'adoration  pour 
l'idole  dont  l'un  des  descendants,  propriétaire  de  la  Vossische  Zeitung, 
gérait  princièrement  le  culte  en  la  Palmyre  aux  murs  de  brique  et 
au  sol  de  sable.  Il  n'en  est  pas  moins  historiquement  avéré  que 
«  le  mérite  d'avoir  rappelé  l'attention  sur  les  prototypes  et  d'avoir 
parlé  d'eux  avec  déférence  »  appartient  à  Dieze,  et  c'est  ainsi  que 
l'entendait  l'auteur  de  la  seule  notice  qvii  existe  sur  lui  en  langue 
allemande  —  puisque  VAllg.  Deutsche  Biogr.  l'a  exclu  —  H.  dans 
VAllg.  Encycl.  de  Ersch  et  Gruber  [25.  Thl.  [Lpzg.  i83/i],  p.  1O8-1G9), 
qui  déclare  que  ce  ne  fut  pas  de  sa  part  un  mince  mérite  d'avoir 
attiré  «  die  Aufmerksamkeit  auf  die  damais  wenig  gekannte  und 
desto  mehr  verkannte  span.  Lit.  »,  en  ajoutant,  à  très  juste  titre,  que 
«  die  Nachrichten  von  der  arabischen,  limosinischen,  portugiesischen, 
gallicischen  und  biscayischen  Poésie,  aus  den  Quellen  selbst  gezogen, 
waren  damais  fiir  Teutschiand  ganz  neu».  Déjà,  d'ailleurs,  en  1822, 
J.  G.  Gruber  lui-même,  à  la  même  place,  avait,  dans  son  article  sur 
Bertuch  (IX.  Thl.,  p.  245),  rendu  hommage  à  l'entreprise  de  Dieze, 
ainsi  que,  le  ■>.'i  août  de  cette  année -là,  le  critique  du  i"  vol.  de  la 
Floresta  de  Bôhl  aux  n°'  188-184  des  Gôtt.  Anz.  (p.  i834).  Mais 
l'ouvrage  de  Dieze,  publié  à  une  époque  troublée,  —  inter  arma  silcnt 


200     noNTRirtUTiONS  A  l'étude  de  l'hispantsme  de  g.   e.  lesstng 

leges  et  artes,  —  eut  la  mauvaise  fortune,  son  auteur  étant  mort  pré- 
maturément à  cinquante-six  ans,  le  a/j  septembre  1780,  en  qualité  de 
bibliothécaire  universitaire  à  Mayence,  d'être  abandonné  à  lui-même, 
et  Bouterwek,  qui,  au  fond,  ne  fit  qu'amplifier  sur  les  données  de 
Dieze  et  profita  seulement  des  volumes  dont  s'était,  dans  l'intervalle, 
enrichie  la  bibliothèque  de  Gôttingeni,  —  nous  ne  parlons  ici  que  de 
la  littérature  espagnole,  car  le  volume  sur  la  littérature  portugaise  est 
beaucoup  plus  original  et  neuf  —  vint  rejeter  dans  l'ombre  et  l'oubli 
le  travail  de  son  prédécesseur. 

L'ouvrage  de  BouterAvek  fut  mieux  administré  que  celui  du  pauvre 
Dieze  et  eut  la  gloire  d'être  traduit  en  trois  langues.  En  181 2,  parais- 
sait à  Paris  en  2  vol.  in-8  une  <(  Histoire  de  la  littérature  espagnole  » 
traduite  de  l'allemand  par  «  le  traducteur  des  lettres  de  Jean  Muller  » 
et  préfacée  en  55  intéressantes  pages  par  l'éditeur,  Ph.  A.  Stapfer.  M"""  A. 
Steck,  née  Guichelin  —  tel  était  le  nom,  si  souvent  estropié,  de  l'auteur 
de  cette  version  de  Bouterwek  (cf.  sur  elle  Aus  Philipp  Albert  Stapfer' s 
Briefwechsel,  éd.  par  le  Dr.  R.  Luginbûhl  aux  t.  XI  et  XII  des  Quellen 
zurSchw.  Gesch.  (Basel,  1891),  XI,  p,  12,  XII,  p.  65-67),  —  s'était  livrée 
à  de  graves  mutilations  du  texte  original  et  laissait  de  côté  le  volume 
sur  la  littérature  portugaise.  Du  moins  ce  travail,  si  incomplet  et  défec- 
tueux qu'il  fût,  dépassait -il  de  cent  coudées  l'infect  Essai  sur  la 
littérature  espagnole  anonyme  —  l'auteur  était  un  de  Malmontet, 
l'éditeur  Lecouteulx  de  Canteleu  —  paru  à  Paris  en  1810  en  194  p. 
in-8  et  bien  accueilli,  paraît-il,  malgré  que  ce  ne  fût  que  le  plus 
grossier  plagiat,  avec  quelques  insignifiantes  additions,  des  Letters 
Jrom  an  English  Traveller  in  Spain,  în  1778,  on  the  Origin  and 
Progress  oj  Poetry  in  that  Kingdom  (Lond.  1781),  de  Dillon,  l'auteur 
de  Travels  through  Spain,  d'uneHistory  of  Peter  the  Cruel,  etc.  En  1828, 
Miss  Thomasina  Ross  donnait,  en  2  vol.  in-8,  une  version  fidèle  et 
complète  de  la  portion  hispanique  de  l'œuvre  allemande  —  qui,  il  ne 
faut  pas  l'oublier,  comprend,  signés  du  même  nom,  12  volumes,  parus 
de  1801  à  1819  et  qui  coûtèrent- 20  ans  de  sa  vie  à  leur  auteur, — 
mais  c'est  dans  le  remaniement  de  1847,  dans  la  collection  European 
Library  de  D.  Bogue,  qu'il  convient  de  lire  en  anglais  le  volume  dédié  à 
l'histoire  de  la  littérature  espagnole,  qu'enrichit  un  portrait  de  Cervantes. 
Tous  ceux  qui  font  aujourd'hui  encore  leurs  délices  de  la  lecture  des 
toujours  jeunes  Studien  de  Ferd.  Wolf  connaissent,  d'autre  part,  sa 
magistrale  analyse,  si  copieuse,  comme  toujours,  en  adjonctions,  de 
la  version  espagnole,  par  Gômez  de  la  Cortina  et  Hugalde  y  Mollinedo 

'  Sur  cette  bibliothèque,  cf.  K.  Dziatzko  :  Die  Gôttinger  Bibliothek  in  westphàlischer 
Zeit,  au  t.  VIII  des  Beilruge,  etc.,  de  C.  H;ebler  (Halle,  190/i),  p.  aô-Zig,  où  quelques 
détails  sur  cet  établissement  au  xvm*  siècle  font  regretter  l'omission  du  nom  de 
Dieze.  Sur  la  Bibliothèque  de  Wolfenbiittcl  un  peu  avant  Lessing  —  elle  comptait 
à  la  fin  du  XVIII'  siècle  environ  190,000  vol.  et  /i,."}Oo  ms.  —  il  faut  lire  VHisloria  Bibl. 
Augustae  de  Jac.  Burckhard  (Lpzg.,  1 744/16,  3  vol.  in-4). 


LA  NATURE  ET  LES  SOURCES  DE  L  HISPANISME  DE  LESSINC     201 

(Madrid,  1829,  in-4),  dont  il  ne  fut  publié  qu'un  volume,  contenant, 
il  est  vrai,  166  pages  de  précieuses  Notas  de  los  Tradiictores ,  lesquels 
n'en  muaient  pas  moins  (p.  67)  le  malheureux  Dieze  en  un  Diez.  Bou- 
terwek  triomphait  donc  dans  l'Europe  lettrée.  En  181 3,  Sismondi  lui 
sera  redevable,  ainsi,  d'ailleurs,  qu'à  Dieze,  — qu'il  mentionne  lY,  100, 

—  du  meilleur  de  sa  science  hispanique  (cf.  à  propos  de  Calderôn, 
Schlegelet  Sismondi  V Anti-romantique ,  etc.  (Paris,  181 G  [anon.],  p.  166 
seq.)  de  Saint-Chamand)  et  déjà  A.  W.  v.  Schlegel,  au  onzième  chapitre 
de  Englisches  and  spanisches  Theater,dains  ses  Vorlesungen  de  Vienne, 
ne  parlait  plus  que  de  Blankenburg  et  du  professeur  de  philosophie  de 
Gôttingen  :  «  Unter  uns  haben  Blankenburg  und  Bouterwock  sich 
bemiiht,  die  altère  Geschichte  des  spanischen  Theaters  aufzukliiren, 
die  ziemlich  dunkel  ist,  ehe  es  eine  rechte  Gestalt  gewann  und  zu  littc- 
rarischer  Wiirde  gelangte.  »  Qu'importe  que  Miinch-Bellinghausen  ait, 
dans  son  article  inoubliable  de  1 843 ,  réclamé  contre  ce  silence  et  attribué 
au  livre  de  Dieze  les  qualités,  bien  allemandes,  de  Griindlichkeit  et  Ver- 
lusslichkeit  {art.  cit.,  p.  118)?  Sa  voix  s'est  perdue  sans  échos  et  l'on  a 
continué  de  nos  jours,  malgré  la  si  juste  intervention  de  M.  Farinelli 
en  1892,  à  ignorer  le  véritable  père  de  l'hispanisme  scientifique  en 
Allemagne,  dont  M.  Menéndez  y  Pelayo,  nous  l'avons  dit,  taira  le  nom 
dans  sa  revue  des  historiens  de  la  littérature  espagnole  en  tête  de  la 
version  castillane  de  A  hist.  ofsp.  Lit.  en  1901,  et  que,  en  1908,  le  Dr.  R. 
Béer  ne  mentionnera  que  pour  dater  la  Geschichte  :  1779  (II,  1 14)  !  11 
nous  suffît,  quant  à  nous,  d'avoir  remis  brièvement  les  choses  au  point 
et  nous  ne  saurions  mieux  terminer  ce  chapitre  qu'en  invoquant  l'auto- 
rité de  Grillparzer,  dans  ses  si  curieux  Stadien  zum  spanischen  Theater 

—  nous  eussions  attendu  de  M.  Menéndez  y  Pelayo,  éditeur  des  Obras 
de  Lope  dans  l'édition,  si  lente,  de  l'Académie,  la  traduction  intégrale, 
dans  ses  introductions,  des  remiarquables  réflexions  de  Grillparzer  sur 
tant  de  comedias  de  Lope,  —  où  il  ne  cache  pas  sa  croyance  en  l'igno- 
rance totale  de  Lope  et  de  Calderôn  par  Lessing  :  ((  Ich  AvoUte,  Lessing 
hâtte  Calderôn  und  Lope  de  Vega  gekannt,  er  hâtte  vielleicht  gefunden, 
dass  ein  Mittehveg  zAvischen  beiden  dem  deutschen  Geiste  nilher  stehe, 
als  der  gar  zu  riesenhafte  Shakespeare  i  ».  Quand  un  romaniste  de  la 
valeur  de  M.  H.  Schuchardt  n'a,  en  transcrivant  ce  passage,  rien  trouvé 

—  Romanisches  und  Keltisches  (Berlin,  1886),  p.  io5  —  à  lui  objecter, 
nous  estimons  que  de  tels  témoignages  valent,  tout  appareil  documen- 

I.  Loc.  cit.,  p.  119-120.  Sur  Dieze,  cf.  en  outre  Gôtt.  Anz.  von  gel.  Sachen,  1770, 
II,  417;  Meusel,  Lex.  Il,  365-366;  Versuch  einer  akad.  gelehrt.  Gesch.  von  der  Georg- 
Aug.-Univ.  (Gôlt.,  1765),  I,  197,  II  {ibid.,  1788),  b-j;  la  biographie  de  A.  L.  v.  Schlôzer 
par  son  fils  Chr.  v.  Schlôzer  (/.  fîd.  Lpzg.,  1828)  p.  206;  Farinelli,  art.  cit.,  p.  3io.  La 
Geschichte,  qui  est,  solidement  reliée,  à  la  Bibl.  .\at.  (Yg  2556),  comprend  XII  p.  n.  f., 
555  p.  de  texte  —  Velâzquez  n'en  avait  que  i4i,  comme  l'avait  déjà  noté  Bohl  von 
Faber,  //«  P.  del  Pasatiempo  (Câdiz,  s.  a.  [i8i8],  p.  68)  —  et  3  p.  de  corrections.  Bou- 
terwek.  a  injustement  reproché  à  Dieze  d'avoir  recouru  peu  critiquenient  à  Nicolas 
Antonio.  Dieze  établit,  au  contraire,  dans  sa  Préface,  les  vices  de  la  Bibl.  hisp. 


ik£.. 


aOQ       CONTRII'.LTIONS    A    l'ÉTL'DE    DE    l'iUSPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

taire  mis  à  part,  au  moins  autant  que  les  affirmations  intéressées  des 
garants  que  l'on  sait.  Mais  il  nous  reste  à  examiner  quelques  questions 
de  détail  effleurées  par  Lessing  dans  son  analyse  du  Conde  de  Sex  et 
qui  touchent  à  la  matière  de  notre  travail. 

a)  Les  3  actes,  l'uArte  Nuevon  et  les  nComedias  »  de  Cervantes. 

«  Die  Stûcke  der  Spanier,  »  déclare  Lessing,  »  haben  deren  nur  drey 
[Aufzûge],  Avelche  sie  Jornadas,  Tagewerke  nennen.  Ihre  allerâltcsten 
Stiicke  hatten  viere  :  sie  krochen,  sagt  Lope  de  Vega,  auf  allen  vieren, 
Avie  Kinder;  denn  es  ^varen  auch  wiiklich  nocli  Kinder  von  Komôdien. 
Virues  war  der  erste,  -svelcher  die  vier  Aufzûge  auf  drey  braclite;  und 
Lope  folgte  ihm  darinn,  ob  er  schon  die  ersten  Stûcke  seiner  Jugend  oder 
vielmehr  seiner  Kindheit,  ebenfalls  in  vieren  gemacht  batte.  Wir  lernen 
dièses  aus  einer  Stelle  in  des  letztern  >'euen  Kunst,  Komôdien  zu  machen 

[Arte  Nuevo  de  hazer  Comedias,  die   (sich)   hinter  des  Lope  Rimas 
befindet  : 

El  capitan  Virues  insigne  ingenio, 
Puso  en  très  actos  la  Comedia,  que  antes 
Andava  en  quatro,  como  pies  de  nifio, 
Que  eran  entonces  niiîas  las  Comedias. 
Y  yo  las  escrivi  de  onze,  y  doze  anos, 
De  a  quatro  actos,  y  de  a  quatro  pliegos, 
Porque  cada  acto  un  pliego  contenia]; 

mit  der  ich  aber  eine  Stelle  des  Cervantes  in  Widerspruch  flnde, 

[In  der  Vorrede  zu  seinen  Komôdien  :  Donde  me  atrevi  a  reducir  las 
Comedias  a  très  Jornadas  de  cinco  que  tenian], 

^vo  sich  dieser  den  Ruhm  anniasst,  die  spanische  Komôdie  von  fûnf  Akten, 
aus  wclchen  sie  sonst  bestanden,  auf  drey  gebracht  zu  haben.  Der  spanische 
Litterator  mag  diesen  Widerspruch  entscheiden  ;  ich  will  mich  dabey 
nicht  aufhalten.  » 

11  appert  de  ce  passage  :  i"  que  tout  ce  que  Lessing  connaît  de  la 
disposition  formelle,  de  l'agencement  externe  de  la  Comedia,  il  le 
doit  à  ÏArte  Nuevo;  i"  qu'il  n'a  qu'une  objection  à  faire  à  l'exposé 
de  Lope,  objection  qu'il  a  trouvée  dans  la  préface  des  comedias  de 
Cervantes.  Étudions  d'un  peu  près  l'un  et  l'autre  de  ces  deux  points. 

Nous  savons,  par  ce  passage  d'une  lettre  de  Meinhard  à  Nicolai,  du 
17  décembre  1765,  citée  dans  Guhraueri  :  d  An  Herrn  Lessing  werde 
ich  niichstens  die  Poesien  des  Lope  de  Vega  zuriicksenden  »,  que 
Lessing  était  très  vraisemblablement  en  possession  d'une  édition  des 
Bimas.  Or,  comme  il  mentionne  lui-même  que  VArte  se  trouve  «  à  la 
fin  des  Rimas  de  Lope»,  il  ne  sera  guère  paradoxal  d'affirmer  que  c'est 
de  là  qu'il  transcrit  le  texte  qu'il  cite  2,  ainsi  que  les  renseignements 

1.  Danzel-Guhrauer,  II',  826  (Éd.  de  i853). 

2.  On  sait  que  l'Arle  fut  très  vraisemblablement  imijrimé  pour  la  première  fois 
en  1609  tout  à  la  fln  de  la  segunda  Parte  des  Rimas  |  de  Lope  de  |  Vega  Carpio.  |  etc. 
publiées  à  Madrid  u  por  Alouso  Martin».  Cf.  sur  ces  détails  l'édition  critique  de 
VArte  par  M,  Morel-Fatio,  p.  3(55  seq.  du  Bulletin  hispanique,  III  (1901). 


r.  \    NATUKK    El-    LES    SOUUCES    DE    I.'hiSI'AMSME    DE    LESSING  2o3 

qu'il  donne  sur  la  division  en  jornadas,  terme  qu'il  traduit  d'ailleurs 
faussement  par  Tagewerk  (jnrnal),  alors  qu'il  équivaut  à  Tagereise. 
D'autre  part,  il  connaissait  une  traduction  française  du  texte  intégral 
de  VArte,  bien  qu'il  la  cite,  sans  doute  par  distraction,  complètement 
à  l'envers  et  en  rendant  par  un  contresens  le  titre  espagnol  du  petit 
traité  de  Lope.  Cette  mention  se  trouve  dans  les  remarques  intitulées  : 
Ziir  Gelelirten-Cicschichte,  qui  remontent  en  majeure  partie  aux 
premières  années  de  Wolfenbiittel.  Elle  porte  le  titre  (M.  XVI,  288)  : 

«Lope  de  Vega's  Kunst.  neue  Komôdien  (sic)  zu  machen. 

Dièses  Werkchen,  woraus  ich  in  der  Dramaturgie  eine  Stelle  ûbersetzt 
habe,  hat  der  Abt  Archimbaud,  Franzôsisch  ûbersetzt,  seinen  Pièces 
fugitives  Part.  II.  p,  a/jS,  mit  eingerûckt.  » 

11  est  possible  que  Lessing,  citant  de  mémoire  une  traduction  qu'il 
avait  peut-être  utilisée  lors  de  la  Dramaturgie,  ait,  de  la  sorte,  oublié  et 
son  auteur  et  l'endroit  de  sa  publication.  Les  éditeurs  de  Lessing  ne 
se  sont  pas  donné  la  peine  de  vérifier  l'exactitude  de  ce  renvoi  et  le 
reproduisent  tous  sans  s'apercevoir  de  l'erreur  qu'il  implique.  11  eût, 
pourtant,  suffi  de  feuilleter  le  Nouveau  Recueil  de  Pièces  fugitives 
d'Histoire,  de  Littérature,  etc.,  par  M.  l'abbé  Archimbaud  (Paris, 
Lamesle,  171 7,  4  tomes  parfois  reliés  en  i  vol.  in-12)',  pour  s'aperce- 
voir que  cette  compilation  n'a,  à  la  seconde  partie,  que  2/12  pages.  Or 
Lessing  renvoie  à  la  page  248.  C'est  dans  les  Pièces  fugitives  d'histoire  et 
de  littérature  anciennes  et  modernes,  etc.,  etc.,  éditées  par  <(  Flachat  de 
Saint-Sauveur  «  ^,  deuxième  partie,  1704,  p.  248  seq.,  que  se  trouve  la 
Nouvelle  Pratique  de  Théâtre,  accomodée  à  l'usage  présent  d'Espagne, 
adressée  à  l'A  cadémie  de  Madrid  et  traduite  de  l'espagnol  de  Lopez  de  Vega 
par  l'abbé  des  Charnes,  doyen  du  Chapitre  de  Villeneuve-les- Avignon. 
Déjà  Dieze  la  signalait,  d'ailleurs,  page  337,  note,  dans  sa  Geschichte. 

Il  suffirait  de  souligner  l'impuissance  de  Lessing  —  mal  déguisée 
par  son  renvoi  au  «  spanischer  Litterator  »  —  à  éclaircir  les  deux 
passages  de  Lope  et  de  Cervantes  que  le  hasard  a  vouhi  qu'il 
rencontre,  pour  que  soit  mise  une  fois  de  plus  en  évidence  son 
ignorance  de  détails  élémentaires  de  littérature  espagnole.  Du  moins 
manifeste-t-il,  objectera- t-on,  l'originalité,  ou  l'initiative,  de  se  servir 
des  doctrines  de  VArte  Nuevo,  et  a-t-il  le  mérite  d'avoir  rappelé  l'attention 

1.  J'ai  consulté  l'exemplaire  de  la  Kônigliclie  Bibliotheli  à  Berlin.  Celui  de  la  Bibl. 
Nat.  est  coté  Z  20,689-20,692 .  Quérard,  I,  p  82,  écrit  :  Archimbault,  et  décrit  erronément 
l'ouvrage  comme  étant  en  deux  volumes  in-8.  Cf.  sur  le  1. 1\',  Barbier,  Anon.,  III,  5io. 

2.  «  Flachat  de  Saint-Sauveur,  »  à  qui  est  octroyé  le  privilège  des  trois  premières 
parties,  parues  en  lyoi  —  l'ouvrage  compte  cinq  parties  in- 12,  1704- 1706 —  n'est  que 
le  masque  de  l'Abbé  A.  de  Tricaud.  Cf.  à  ce  sujet  Quérard,  IX,  p.  552,  s.  v.  Tricaud  et 
Barbier,  lot.  cit.,  889.  J'ai  réimprime  avec  de  courtes  adjonctions  la  traduction  de 
l'Abbé  Des  Charnes  dans  le  feuilleton  du  Siècle  des  16,  17  et  18  novembre  1906  :  La 
Poétique  de  Lope  de  Vega,  d'après  le  texte  de  l'exemplaire  des  Pièces  fwjitines  conservé 
à  la  Hof-und  Staatsbibliolhek  de  Munich. 


2o4     co:ntributions  a  l'étude  de  l'hispanisme  de  o.  e.  lessing 

des  critiques  allemands  sur  ce  document  oublié?  Mérite  minime,  en 
vérité,  et  que  seuls  ces  lessingophiles  qui  ne  savent  pas  combien 
VArte  n'avait  cessé,  depuis  presque  son  apparition  jusqu'à  la  date 
où  écrivait  le  dramaturge  du  Nationaltheater,  de  préoccuper  théoriciens 
et  littérateurs,  pourraient  invoquer. 

La  première  tois  qu'apparut  la  mention  de  l'Arte  dans  la  littérature 
étrangère  nous  semble  avoir  été  l'an  1O37,  dans  un  pamphlet 
provoqué  par  la  querelle  du  Cid  et  dû  à  la  plume  de  Scudéry  :  La 
Preuve  des  passages  \  Alléguez  dans  les  Observations  sur  le  Cid.  | 
A  Messieurs  de  l'Académie.  Par  M'  de  Scudery.  (A  Paris  chez  Ant.  de 
Sommaville,  au  Palais,  à  l'Escu  de  France.)  M.DC.XXXVIh.  Scudéry 
terminait  son  argumentation  par  ces  mots  :  u  Mais  comme  j'ay 
commencé  par  de  l'Italien,  je  veux  finir  par  de  l'Espagnol,  tiré  d'un 
discours  de  Lopes  de  vega,  intitulé  Arte  nueuo  de  hazer  Comedias, 
dans  lequel  ce  grand  homme  fait  bien  voir  luy-mesme,  en  parlant 
contre  luy-mesme,  combien  il  est  dangereux,  de  suivre  ceux  de  sa 
Nation,  en  ce  genre  de  Poésie.  »  Puis  étaient  cités  les  vers  i5-48  : 

[Que]  lo  que  a  mi  me  dana  en  esta  parle,  etc.. 

Chapelain  avait  été  frappé  par  cette  citation  et  en  conserva  le 
souvenir,  comme  en  témoigne  sa  lettre  à  Carel  de  Sainte-Garde  du 
27  mai  1662  :  (.<.  El  arte  poeiica  de  Lope  de  Vega  en  vers  libres  doit 
estre  un  petit  livret.  J'en  ay  veu  quelque  tirade  d'imprimée  dans 
une  contestation  poétique  entre  Corneille  et  Scudéri  sur  le  Cid, 
où  l'auteur  s'excusoit  de  l'irrégularité  de  ses  comédies  par  le  goust 
de  la  Cour  et  du  peuple,  disant  qu'il  les  avoit  faites  ainsi  parce  qu'il 
ne  les  eussent  pas  autrement  payées  2.»  Déjà,  d'ailleurs,  en  1644, 
un  «secrétaire-interprète  de  Sa  Majesté»,  P.  Bense-Dupuis,  l'analysait 
et  en  citait,  dans  le  texte  original,  le  passage  concernant  l'étendue 
que  doit  avoir  la  Comedia  en  manuscrit,  au  chapitre  Des  Comédies, 
p.  4C9  se(j.  de  ce  curieux  art  poétique  italo-espagnol  qu'est  son 
ouvrage  L'Apollon  \  ou  \  L'oracle  De  la  Poésie  |  italienne,  |  et  \ 
espagnole,  etc.^.  Le  P.  Rapin,  à  son  tour,  le  qualifiera,  dans  la  Préface 
de  ses  Réflexions  sur  la  Poétique,  de  «  nouvelle  méthode  de  Poétique, 
toute  différente  de  celle  d'Aristote  pour  justifier  l'ordonnance  de  son 

1.  In-8  de  li  pages  avec  le  titre.  Ce  document  a  été  réimprimé  par  M.  A.  Gasté 
eu  1899  dans  La  Querelle  du  Cid  (Paris,  1899),  p.  222-223. 

2.  Lettres  de  Jean  Chapelain,  de  l'Académie  française,  publiées  par  Ph.  Tamizey  de 
Larroque  (Paris,  i883),  II,  236.  Chapelain  brûlait  d'avoir  en  sa  possession  un 
exemplaire  de  l'Arte.  Cf.  ses  lettres  à  Carel  de  Sainte-Garde  du  i(5  février  1662 
(p.  3o5),  du  i3  septembre  16C2  (p.  aSô),  du  11  novembre  iiiGa  (p.  270),  du 
29  avril  i6C3  (p.  3o2).  Lorsqu'il  en  eut  reçu  enfin,  en  novembre  i6G3,  une  copie 
manuscrite,  il  en  fit,  à  ce  même  correspondant,  une  curieuse  critique  dans  une 
lettre  du  3  novembre  i(J63  (p.  334). 

3.  Paris,  ifi'i^.  Diczc  mentionnait  cet  ouvrage  p.  129  (note  à  la  page  la^)  de  ra 
Geschicklc. 


LV    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    LIIISPANISME    DE    LESSING  2o5 

Poëme  épique  et  de  ses  Comédies,  que  les  sçavans  de  son  païs 
critiquoient  sans  cesse.  Ce  qui  lui  réussit  si  mal,  qu'on  ne  jugea 
pas  même  ce  Traité  digne  d'être  mis  dans  le  Recueil  de  ses  ouvrages. 
Parce  qu'il  n'avoit  pas  suivi  Aristote  en  cette  Poétique,  qui  est  le 
seul  qu'on  doit  suivre'.  »  L'erreur  de  Rapin  touchant  la  non-insertion 
de  VArte  dans  le  «  recueil  »  des  ouvrages  de  Lope  et  les  banalités 
qu'il  émet  sur  son  compte  semblent  indiquer  qu'il  n'en  parle  que 
par  ouï- dire.  11  était,  cependant,  relativement  facile  de  le  lire, 
puisque  Caramuel  venait,  quelques  années  avant,  d'en  donner  une 
réédition  commentée,  à  la  suite  de  VEpistola  XXI,  p.  691  seq.  de 
la  seconde  édition  {Campaniae,  i(î()8,  in-fol.)  du  tome  II  de  son 
primus  cala/nus '.  Nous  retrouvons  les  dires  de  Rapin  accueillis  sans 
modifications  significatives  dans  les  Jugeniens  des  Savons  d'Adrien 
Baillet,  qui,  toutefois,  ajoute  que  le  u  traité  »  de  Lope  fut  imprimé 
en  1621,  in-l\,  à  Madrid  sous  le  titre  :  Disciirso  sobre  la  poesia  culta^. 
Ménage,  à  son  tour,  revient,  dans  V Anti-Baillet^  —  où  sont  corrigées 
quelques  erreurs  concernant  Lope  —  sur  VArte,  qu'il  connaît  et  dont 
il  cite  en  espagnol  le  passage  : 

Verdad  es,  que  yo  he  escrilo  algunas  veces,  etc. 

après  avoir  allégué  (I,  82)  comme  preuve  que  Lope  savait,  en  effet, 
composer  des  tragédies  régulières,  l'exemple  de  l'une  d'elles  :  El  guante 
de  dofîa  Blanca,  dont  le  sous-titre  :  Quando  Lope  quiere,  aurait  été 
intentionnellement  employé  par  l'auteur  «  pour  faire  voir  qu'il  eût 
pu  toujours  écrire  régulièrement  s'il  eût  voulu».  Pleinement  satisfaite 
de  ses  sources  d'information  françaises,  la  polyhistoire  allemande  y 
abreuvait,  ici  encore,  sa  soif  de  science  hispanique.  Le  premier  représen- 
tant le  plus  autorisé  de  cette  polyhistoire,  la  compilation  de  Morhof, 
ne  trouve  rien  autre  chose  à  dire  sur  VArte  que  ce  qu'en  avait  écrit 
Rapin,  dont  le  jugement  est  littéralement  plagié  :  «  Nam  quod  Artem 
ejus  Poëticam  attinet,  quam  novam  vocat,  et  quae  in  Epicis  Comi- 
cisque  plane  ab   Aristotele  esse  recedendum,  novaque  insistendum 

1.  Page  ii5  du  tome  II  des  Œuvres  diverses  concernant  les  belles- letires  (édit. 
d'Amsterdam,  iGg'i).  On  sait  que  la  première  édition  de  la  Poétique  est  de  i684. 

2.  Joannis  Carainuelis  primus  calamus,  tomus  II,  ob  ociilos  exhibens  rhytmicam,  etc. 
La  première  édition  de  ce  tome  II,  qui  est  moins  complète,  est  de  i665,  in-fol., 
Sanclangelii,  d'après  l'indication  de  la  seconde,  qui  se  trouve  seule  à  la  Bibliothèque 
Nationale. 

3.  Édition  de  Paris  1722  (III,  2(j5,  n°  ioG5).  L'ouvrage,  rappelons-le,  est 
de  i685-i680.  On  trouvera,  V,  i47-i52,  un  mauvais  article  sur  Lope,  enriclii  de  quelques 
citations  et  jugements  puristes  d'auteurs  français  du  xvii*  siècle.  On  voit  que 
l'édition  de  r^rie  de  1G21  réputée  mystérieuse  (Cf.  Morel-Fatio,  Bulletin  hispanique, 
111  [1901],  372-378)  était,  du  moins  semble-t-il,  connue  de  Baillet. 

4.  Édition  de  La  Haye,  1G88,  en  2  volumes  in-12.  II,  396.  —  La  comédie  de  Lope 
que  cite  Ménage  avait  paru  en  16J7  à  Madrid  dans  la  Vega  del  Parnaso,  et  les  pièces 
que  contient  ce  recueil  furent  réimprimées  aux  volumes  IX  et  X  de  l'édition 
Sancha  des  Obras  Sueltas,  puis,  du  moins  El  Guante,  B.  A.  E.,  lu,  p.  17  seq.,  où 
l'œuvre  ne  porte  pas,  toutefois,  le  sous-titre  transcrit  par  Ménage. 


2o6       CONTRIBUTIONS    A    i/ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

\'ia,  suadet,  adeo  illa  Hispanis,  at  quantis  Vegae  admiratoribus, 
displicuit,  ut  ne  qiiidem  inter  Opéra  ejus  admitterent  una  excuden- 
dam...  J.  ))  Cependant,  le  mouvement  espagnol  d'imitation  du  pseudo- 
classicisme français  dont  la  Poética  de  Luzân  constitue  le  monument 
le  plus  remarquable  de  toute  la  littérature  didactique  du  xviir  siècle 
littéraire  transpyrénaïque,  ne  pouvait  manquer  de  rappeler  l'attention 
des  théoriciens  afrancesados  sur  l'Arte.  En  1737,  date  de  publication 
à  Saragosse,  chez  Revilla,  du  traité  de  l'ex-secrétaire  d'Ambassade  à 
Paris,  in-fol.  de  5o3  pages,  il  n'y  avait  qu'une  année  que  l'Arte  venait 
d'être  réimprimé  à  Madrid  à  la  suite  de  la  Dorotea,  par  D.  Pedro 
Joseph  Alonso  y  Padilla.  Ce  lut  sans  doute  la  raison  pour  laquelle 
Luzân  se  borna  à  le  discuter,  sans  en  donner  in  extenso  le  texte, 
comme  dans  l'édition  posthume  de  la  Poética  (Madrid,  1789)2,  pré- 
tendant que  Lope  «  le  escriviô  para  apoyar  la  novedad  de  sus  Come- 
dias  »  et  le  qualifiant,  naturellement,  de  u  libro,  cuyos  fundamentos 
y  principios  se  oponen  directamente  â  la  razon  y  â  las  reglas  de 
Aristoteles  y  de  los  mejores  Maestros  ».  L'école  nationaliste  des 
littérateurs  du  Diario  de  los  literatos  de  Espana  ne  laissa  pas  passer 
sans  en  profiter  cette  occasion  solennelle  de  rétablir  la  réalité  objec- 
tive, dénaturée  par  le  porte-parole  du  rationalisme  cosmopolite.  On  sait 
comment  elle  s'acquitta,  par  la  plume  de  Salafranca  et  d'Iriarte,  de 
cette  besogne  dans  la  critique  de  la  Poética  publiée,  non  pas,  comme 
l'imprimait  Ïicknor-Julius,  11,  345,  note  2^,  au  t.  7,  mais  au  t.  4 
(1738),  p.  I  -ii3,  de  la  trop  éphémère  Revue  (voir  sur  elle  et  Luzân 
Bôhl  von  Faber  au  n°  676,  7  juin  1818,  du  Diario  mercantil  deCâdiz), 
et  comment  Iriarte  défendit  l'insoutenable  thèse  que  VArte  «  mas  es 
Arte  nnevo  decriticar  comcdias  que  de  hacerlas^,»  défense  qui  suscita 
une  polémique,  et  dont  la  seconde  édition  de  la  Poética,  II,  p.  5i  seq., 
résume,  du  point  de  vue  de  Luzân  et  de  son  parti,  les  ultimes  résultats. 
L'année  où  avait  paru  la  première  édition  de  cet  ouvrage,  Mayâns, 
dans  sa  ]  ida  de  Miguel  de  Cervantes,  citait  aussi  Y  Arte,  et  la  diffusion 
de  cette  biographie  dans  toute  l'Europe  lettrée  ne  contribuait  pas  peu 
à  réveiller  le  souvenir  des  théories  de  Lope. 

1.  Polykistor,  lib.  VIII,  p.  loio  (éd.  de  Lûbeck,  17/17). 

2.  Dans  cette  réédition  par  le  disciple  de  Luzân,  LLaguno  y  Amîrola,  le  texte  de  VArte 
est  t.  II,  p.  5i  seq.  L'éditeur  a  mis  en  note,  en  réponse  à  l'observation  de  Luzân  con- 
cernant la  rareté  du  texte  de  VArle,  que  cette  observation  n'avait,  à  la  date,  plus  de 
portée.  En  effet,  en  177G,  VArte  était  accessible  à  tous  dans  le  t.  IV  des  Obras  sueltas 
de  Lope,  éditées  par  Sancha  en  21  vol.  de  1776  à  1779.  Les  deux  passages  de  l'édit.  de 
1787  que  je  cite  se  lisent  pp.  7  et  19  de  La  Poética  6  reglas  de  la  poesia,  etc. 

3.  Julius  qui,  au  fond  de  son  esprit,  était  resté  le  gallophobe  de  la  légion  hanséa- 
tique,  a  écrit,  à  propos  de  l'invasion  du  goût  français  en  Espagne  à  l'époque  de  Luzân, 
une  bien  jolie  note,  op.  cit.,  Il,  34 1,  à  laquelle  il  n'est  pas  sans  valeur  d'opposer  la 
claire  et  impartiale  exposition  de  Cueto,  au  ch.  VI  de  son  Bosquejo  Idstôrico,  etc. 
(B.  A.  E.,  61,  p.  Lv  seq.J.  Cf.  à  propos  de  .Iulius  les  quelques  notices  que  j'ai  réunies 
sur  son  compte  au  n°  3  de  la  Bévue  germanique,  1908. 

4.  Cette  défense  d'Iriarte  se  lit  p.  80  seq.  du  Diario. 


LA.    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    I/HISPAMSME    DE    LESSING  307 

Fut-ce  un  écho  lointain  des  disputes  espagnoles  qui  parvint  jusqu'à 
Riccoboni,  lequel,  dans  ses  Réflexions,  etc.,  publiées  un  an  après  la 
Poética,  invoque  «  Vega  lui-même  »,  qui,  «  en  écrivant  sur  l'Art  du 
Théâtre  nous  dit...  »  etc.  •?  Il  est  probable,  pour  peu  que  l'on  réflé- 
chisse à  l'insignifiance  de  la  citation,  qu'il  n'y  a  là  qu'un  écho  d'une 
science  empruntée.  Duperron,  au  contraire,  connaissait  certainement 
VArle  dans  le  texte,  puisqu'il  en  analysait  les  vers  17-/18,  p.  3-4  de  son 
Introduction  au  Th.  Esp.  Mais  il  faut  attendre  justpi'à  l'an  1744  pour 
qu'apparaisse  enfin,  comme  on  va  le  voir,  en  France  une  appréciation 
sensée  de  ce  document.  Cette  même  année,  Quadrio  discutait  assez  en 
détail  Y Arte  Nuova  di  farcommedie.  au  vol.  111,  Part.  II,  de  Délia  Storia 
e  délia  ragione  d'ogni  poesia  (Milano,  1744,  P-  333-336),  où  il  en  don- 
nait vm  rapide  commentaire  partiel  et  en  traduisait  quelques  versa.  Il 
insistait,  comme  le  fera  Lessing,  sur  la  doctrine  de  Lope  touchant  le 
mélange  du  comique  et  du  tragique  et  en  tentait  une  explication  amu- 
sante, qu'il  sera  instructif  de  confronter  avec  celle  de  la  Dramaturgie: 

«La  moltitudine  de'  Comici  Spagnuoli  ei'a  hicredibile  a'  tempi  del  Vega. 
I  Barbieri,  nientre  non  avevano  faccende  nelle  loro  officine;  i  Sagrestani, 
quando  si  vedevano  oziosi  nelle  lor  Sagrestie;  i  Soldati,  quando  ne'  Corpi 
di  Guardia  si  ritrovavano,  o  ne'  loro  Quartieri,  s'impiegavano  tutti  in  iscrevere 
Favole  Sceniche,  le  quali  poi  facevano  recitare,  o  in  un  Cortile,  o  in  una 
Sala,  senza  alzare  scena,  e  senza  altr'  arte,  chc  il  loi'o  ingegno.  Le  stravaganze 
cavalleresclie,  che  v'  introducevano,  non  finivano  di  gradire  in  uno,  e 
insieme  di  guastare  l'ingegno  degli  Spagnuoli.  Onde  il  medesimo  Vega, 
dopo  essersi  grandemente  compianto,  che  si  andasse  dall'  Arte  moite 
lontano  in  Ispagna,  c  che  le  si  facessero  mille  aggravj,  obbligato  dagll 
Accademici  di  Madrid  a  dettarne  precetti,  da  che  rimedio  non  v'aveva  per 
introdurne  le  buone  regole,  si  determinô  di  tenere  una  via  di  mezzo. 
Ed  ecco  quale  stabifi  egli,  che  a  tenere  s'  avesse,  per  accomodarsi  al  genio 
délia  Nazione.  Bisogna,  dice,  mescolare  il  tragico,  e  il  comico  :  che  questa 
varietà  di  gran  diletlo  è  cagione  :  e  la  natura  ce  ne  dà  un  belV  esempio,  clie 
per  cosi  fatto  variare  solaniente  hn  bellezza.  In  fatti  le  pure,  e  prette  Tragédie 
non  piacquero  agli  Spagnuoli  giammai.  Ne  lascia  il  medesimo  Vega  di  accennarlo, 
aggiungendo,  che  Filippo  II.  qualora  vedeva  un  Re  in  Teatro.  non  sapeva 
dissimulare  la  sua  disapprovazione  :  recandogli  per  avventura  timoré,  e  spa- 
vento  gli  esempi  funesti  di  que'  Principi  nelle  Rappresentazioni  introdottH.  » 

1.  Éd.  de  Paris,  p.  77. 

2.  Il  dit  avoir  été  documenté  par  f[iiel{|ucs  lettres  «di  Francesco  de'  Castro, 
Spagnuolo,  délia  Compagnia  di  Gesù,  contencnti  notizie  intonio  alla  Poesia  de'  suoi 
Nazionali,  in timamenfe  dal  medesimo  conoscivita  »  (p.  3.'Î3).  Il  décrit,  t.  IV  (1749), 
p.  17,  l'édition  de  VArle  (lu'il  connaît  et  qu'il  a  sans  doute  utilisée  (c'est  celle  de  i(Ji3), 
et  ajoute  ([ne  «  quest'  Opcrirciudla  è  un  buon  sommario  de'  precetti  poetici  ». 

3.  Op.  cit.,  p.  33i.  Duperron  (II,  82)  approuvait  fort  l'introduction  de  têtes  cou- 
ronnées sur  la  scène.  «  11  y  a  du  bon  dans  celte  pratique,-  écrit-il,  elle  entretient  la 
-Nation  dans  des  sentimens  de  grandeur:  on  voit  revivre  d'illustres  Ancêtres,  et  l'on 
rougit  de  ne  leur  point  ressembler.  >i  Le  publiciste  P.  Fr.Buchhullz  (7  i8i3)  n'est-il  pas 
allé  {Hndh.  der  span.  Sprache  and  Lit.  [Poet.  Thl.]  Berlin,  iSoi,  p.  323)  jusqu'à  déduire 
de  cette  soi-disant  aversion  de  Philippe  II  l'argument  frivole  que  la  liberté  des 
auteurs  dramatiques  espagnols  n'était  «gewiss  nicht  nenig  beschrankt  )>? 


ao8       CONTKllîlTlONS    A    LÉTLDE    DE    I.  IIISI'.VMSME    UE    G.    E.    LESS1>G 

En  1749,  nouvelle  discussion,  avec  citation  de  passages  deVArte, 
par  le  disciple  de'Luzân,  Blas  A.  ^asar^e,  dans  le  curieux  Prôlogo  del 
que  hace  imprimir  este  libro,  —  on  se  souviendra  que  l'ouvrage  ne  por- 
tait pas  le  nom  de  l'éditeur,  mais -l'on  ne  sait  guère  qu'il  fut  combattu 
par  «  D.  Tomâs  de  Erauso  y  Zavaleta  »  dans  un  excellent  Discurso 
critico,  etc.  (Madrid,  1 760,  380  p.  in-4)  —  en  tête  du  tome  1  des  Comedias 
y  Entremeses  de  Miguel  de  Cervantes  Saavedra.  En  1754,  autre  et  pro- 
lixe commentaire,  avec,  également,  des  citations,  dans  les  Origenes 
deVelâzquez.  Cette  année  aussi,  D'IIermilly  signale  deux  fois,  1,  72, 
note  (a),  à  la  suite  de  Montiano,  et  11,  2^0,  le  u petit  livret»  de  Lope. 
Dix  années  plus  tard,  Voltaire  imagine,  comme  solution  de  la  question  : 
«  Pourquoi  les  Espagnols,  qui  ont  de  l'esprit,  se  complaisent -ils  à  leur 
«  barbare  »  Théâtre  ?  n,  de  citer  l'aveu  du  fénix  de  los  ingenios,  qu'il 
traduit  en  vers  de  sa  façon  : 

Les  Vandales,  les  Goths  dans  leurs  écrits  bizarres 
Dédaignèrent  le  goût  des  Grecs  et  des  Romains  : 
ISos  aïeux  ont  marctié  dans  ces  nouveaux  chemins; 

Nos  aïeux  étedent  des  barbares. 
L'abus  règne,  l'art  tombe,  et  la  raison  s'enfuit. 

Qui  veut  écrire  avec  décence. 
Avec  art,  avec  goût,  n'en  recueille  aucun  fruit  : 
11  vit  dans  le  mépris  et  meurt  dans  l'indigence. 
Je  me  vois  obligé  de  servir  l'ignorance  : 
.l'enferme  sous  quatre  verrous 
Sophocle,  Euripide  et  Térence, 
J'écris  en  insensé;  mais  j'écris  pour  des  fous. 
Le  public  est  mon  maître,  il  faut  bien  le  servir; 
U  faut,  pour  son  argent,  lui  donner  ce  qu'il  aime. 
J'écris  pour  lui,  non  pour  moi-même, 
Et  cherche  des  succès  dont  je  n'ai  qu'à  rougir'. 
Après  de  tels  précédents,  s'étonnera- 1- on  de  trouver  dans  l'article 
signalé  plus  haut  de  Schiebeler,  en  1766,  une  banale  citation  —  elle 
venait  certainement  de  France  —  de  YArte,  et   prétendra- 1- on  que 
celle  de  Lessing  ait  été  si  neuve  et  si  originale? 

Du  moins,  dira-t-on,  Lessing  a  connu  les  comedias  de  Cervantes? 
Ne  cite-t-il  pas,    encore  qu'avec  une  inexactitude  regrettablez,  un 

1.  Ces  vers  lurent  publics  en  i7i)'i,l.  V  du  Thcàlrc  de  Corneille  avec  Coiiimenlairc, 
à  la  lin  de  la  Dissertation  sur  VHéraclius  de  Uuldrron,  et  reproduits  en  1770  à  l'arlicle 
Théâtre  Espagnol  des  Questions  sur  l'Encyclopédie.  Voltaire  a\oue  lui-mèuie  comment 
il  a  connu  VArle  :  dans  la  \  ida  de  M.  de  C.  de  Majâns  :  Cf.  sa  lettre  à  Mayâns  du 
i5juin  1762.  C'était  aussi  l'érudil  valeucien  qui  lui  avait,  comme  on  sail,  envoyé 
l'exemplaire  de  En  esta  vida  sur  lequel  il  lit  sa  «  traduction  »  de  l'Héraclius  espagnol. 

2.  Lessing  transcrivant:  "  donde  me  atrevi  etc.»  commet  un  contresens,  car  il 
semblerait  que  Cervantes  applique  l'assertion  à  toutes  ses  comédies,  alors  qu'il  disait 
simplement:  >•  Se  vieron  en  los  theatros  de  Madrid  representar  los  Tratos  de  Argol. 
que  yo  compuse,  la  destruicion  de  Numancia  y  la  Batalla  Naval,  donde  me  atrevi 
etc.n  On  sait  que  la  Numancia  —  publiée  en  178^  par  Sancha  avec  l'insignifiant  Trato 
de  Argel  à  l'occasion  d'une  réédition  du  Viage  al  Parnuso — n'avait  déjà  plus  (^ue 
quatre  actes.   La   phrase  de  Cervantes  aurait  dû  d'autant  plus  frapper  Lessing  que 


LA    NATURE    Et    LES    SOURCES    DE    l'hISPAÎNTSME    DE    LESSI^NG  20i) 

passage  caractéristique  de  la  préface?  Bien  que  l'édition  de  Nasarre 
eût  pu  tomber  entre  ses  mains  —  il  n'existait  alors,  outre  l'édition  origi- 
nale des  Ocho  comedias  y  ocho  entremeses  nuevos,  de  1 6 1 5,  que  leur  réim- 
pression de  1749  en  deux  vol.  in-4  —  il  semble  plus  vraisemblable 
d'admettre  qu'il  n'a  trouvé  la  phrase  de  Cervantes  que  dans  un  inter- 
médiaire encore.  Et  comme  cet  intermédiaire  probable  était  alors  en 
haute  estime  dans  les  milieux  d'érudition  allemande,  la  conjecture  gagne 
d'autant  en  solidité.  Membre,  depuis  1764,  de  la  lateinische  Societàt 
d'iéna,  D.  Gregorio  Mayâns  y  Siscar,  le  u  generosus  Valentinus  », 
(comme  le  proclamait  Clément  sur  la  couverture  du  Spécimen  biblio- 
thecae  hispano-mayansianae,  etc.  publié  par  lui  à  Hanovre  en  1753, 
in-Z|  de  171  pp.)  fut  certainement  le  savant  d'Espagne  qui  contribua 
le  plus  au  xviu'  siècle  à  propager  hors  de  son  pays  la  connaissance 
de  la  littérature  espagnole,  et  qui  jouissait  en  Allemagne  de  la  plus 
incontestable  et  méritée  popularité.  Nous  ne  pouvons,  à  cette  place, 
alléguer  tous  les  témoignages  que  nous  avons  réunis  sur  Mayâns,  ni 
dresser  la  liste  de  toutes  ses  contributions  en  ce  sens.  Nous  nous 
réservons  de  le  faire  dans  une  .prochaine  étude  sur  ce  personnage. 
11  est  avéré,  d'autre  part,  que,  de  toutes  les  œuvres  de  Mayâns,  sa 
biographie  de  Cervantes  était  la  plus  facilement  accessible,  et,  en  sa 
qualité  de  première  compilation  historique  sur  un  écrivain  espagnol 
universellement  admiré,  la  plus  consultée  par  ceux  qui,  comme  Les- 
sing,  s'étaient,  à  une  période  de  leur  activité  littéraire,  occupés  un 
moment  d'une  partie  au  moins  de  l'œuvre  de  Cervantes.  Cette  bio- 
graphie, destinée  au  premier  tome  de  la  belle  édition  du  Quijote  en 
4  vol.  in-4  publiée  à  Londres  en  1788  aux  frais  de  lord  Carteret,  avait 
d'abord  paru  ((  en  Briga-Reah),  c'est-à-dire  à  Madrid,  en  1787,  in-8, 
avait  été  traduite  en  français  avec  quelques  remarques  par  Pierre 
Daudé,  qui  n'avait  signé  que  des  initiales  D.  L.  S.  >,  puis  réimprimée 
cinq  fois  en  espagnol,  y  compris  la  contrefaçon  de  La  Haye  (1744)  du 
Quijote  de  Londres.  En  1755,  Jo.  Christ.  Strodtmann,  recteur  du 
gymnase  d'Osnabrûck  —  qui  s'était  déjà  occupé  deux  fois  de  Mayâns  : 
Geschichte  Jefzt  lehender  Gelehrten,  XL  Th.  et  adjonctions  au  2.  Th. 

\c  ixire  :  Batalla  naval  —  (\\ie  Moratin  datait  1 584  et  qui,  aujourd'hui  perdue,  devait 
exister  en  ms.  dans  la  bibliothèque  de  D.  Gaspar  de  Guzmân  {cf.  Gallardo,  Ensayo, 
IV,  i5o5)  —  impliquait  uue  allusion  manifeste  à  Lépante.  Luzân,  qui  citait  lui 
aussi  dans  la  Poética  le  passage  de  Lope  sur  Virués,  puis  celui  de  Cervantes, 
n'avait  pas  osé  résoudre  le  problème  et  le  «  spanischer  Litterator  »  n'en  avait  pas  dit 
plus  long  que  le  critique  de  Hambourg.  Cf.  II,  i8  :  «  Qualquiera  delos  dos  que  fuese, 
Virues  6  Cervantes,  quien  las  reduxo  â  très,  dexô  tan  establecida  esta  division,  que 
desde  entonces  nadie  se  ha  apartado  de  ella.  » 

I.  Sur  l'auteur  de  cette  traduction,  dont  L.  Rius  trouve,  je  ne  sais  pourquoi,  les 
remarques  «  apreciables  »  (Bibl.  crit-,  etc.,  II,  5-6),  on  trouve  quelques  rensei- 
gnements dans  La  France  Protestante  de  E.  et  E.  Haag,  IV,  208.  Rius  (loc.  cit.) 
prétend  révéler  l'édition  de  «  Briga-Real  ».  Elle  était  décrite  dès  i7'47  dans  Ximeno, 
11,  33o  et  dans  Scmperp  y  Guarinos:  Ensayo,  t.  IV,  p.  2/i,  à  l'article  sur  Mayâns,  pris, 
d'ailleurs,  dans  Ximeno. 


3IO       CO.MUIliUTIONS    \    L  ETUDE    DE    I.  HISPANISME    DE    G.    E.     I.ESSI^G 

(Hambourg,  1748)  de  ses  Beytriige  ziir  Historié  der  Gelahrtheit, 
p.  vi-xiii  —  appréciait  en  ces  termes  (mais  il  n'était  que  le  porte- 
parole  de  Mayâns)  à  la  Gregorii  Maiansii  generosi  Valentini  Vita 
publiée  p.  853-976  de  son  journal  Das  Neue  Gelehrte  Europa  (VIII.  Th., 
Wolfenbûttel,  1706),  la  Vida  de  Cervantes  :  «  Et  ejusdem  (Cer- 
vantii)  Vitam  scripsit,  in  qua  de  libris  fabulosis  crudité  egit  et  Cer- 
vantii  opéra  omnia  mirifice  descripsit,  permixta  notitiarum  llisloriae 
literariae  magna  copia  • .  »  Or,  le  Prôlogo  des  Comedias  de  Cervantes 
était  reproduit  intégralement  dans  la  Vida.  Il  ne  sera  guère  téméraire 
d'inférer  que  ce  fut  là  que  Lessing  l'aura  trouvés. 

Nous  ne  pousserons  pas  l'âpreté  critique  jusqu'à  lui  reprocher  de 
n'avoir  rien  fait  pour  tenter  de  résoudre  la  question  de  la  division 
de  la  Comedia  en  trois  actes,  et  d'avoir  nonchalamment  renvoyé  au 
u  littérateur  espagnol  ».  Il  serait  ridicule  d'appliquer  à  un  polygraphe 
allemand —  même  écrivant  à  Hambourg,  ville,  répétons-le,  riche  en 
livres  castillans  dès  cette  époque,  pour  les  raisons  que  l'on  sait,  —  en 
1767,  les  critères  en  vigueur  aujourd'hui  à  l'endroit  des  hispanisants 
européens.  Néanmoins,  en  se  replaçant  à  la  date  où  écrivait  Lessing  et 
en  tenant  compte  des  lieux,  il  ne  reste  que  trop  évident  qu'une  élémen- 
taire familiarité  avec  des  ouvrages  espagnols  de  consultation  courante 
lui  eût  permis  d'élucider  quelque  peu  le  problème  qu'il  écarta.  Est-ce 
queXimeno,  par  exemple,  dont  l'ouvrage  —  Nachschtagewerk  s'il  en  fut 
—  avait  paru  dès  1747,  ne  disait  pas,  à  l'article  Andrés  Rey  de  Artieda  : 

«  D.  Diego  Vieil  3  da  a  este  Escritor  la  gloria  de  aver  sido  el  primero  que 
reduxo  las  Comedias  à  très  Jornadas,  como  ya  dlxe  hablando  del  Gapitan 
Ghristoval  Mrues,  en  el  ano  lOog'i,  pero  Rodrlg.  J  lo  dexa  indecisso  y  con 

I.  P.  ()i5.  —  Cependant  A{hrahani\  G\jitthelf\  K[dstner  (9)\  reproche,  dans  le 
Hannoverisclies  Mœjaz'm  (III,  llannover  17CG,  67.  Sliich,  p.  9G2-(jC8  :  l'eber  die  Zeit,  in 
welche  Don  Quijole  ychori)  a  Mayâns  d'avoir  émis,  dans  la  l'ida, —  qu'il  connaît  dans 
l'édition  hollandaise  de  1744,  —  de  téméraires  hypothèses,  et  lui  oppose  l'argument 
de  Sancho  :  Ein  Quentchen  Miitterwitz  yilt  mehr,  als  ein  Centner  Schulwit:.  Peut-être 
.  l'argument  convenait  il  surtout  à  maints  érudils  allemands  de  l'époque?  —  Dès 
juin  1789,  les  Mémoires  de  Trévoux  disaient  (p.  iSai)  de  la  l'i'da  qu'elle  était  «fort 
étendue  et  dans  un  grand  détail  ». 

3.  Dans  la  quinta  impression  segan  la  primera  (Madrid,  s.  a.,  Padilla,  in-8),  le  pas- 
sage est  p.  219. 

3.  Diego  Vich,  Brève  Discurso  en  favor  de  las  Comedias,  y  de  su  representacion  (Valen- 
cia,  iC5o,  in-fol.),  p.  I.  Ce  discurso  n'a  qu'une  feuille  in-fol.  —  Le  passage  de  Ximeno 
que  je  reproduis  se  trouve  dans  les  Escritores  del  Beyno  de  V'alencia,  etc.  por  Vicente 
Ximeno  Presbitero,  etc.  (Valencia  17^7,  2  vol.  in-fol.),  t.  I,  p.  aOS. 

'i.  ilp.  cit.,  1,  L''47  :  «  Hablando  de  si  mismo  en  cl  Prologo  de  sus  Obras  Tragicas,  y 
Lyricas,  se  abribuye  la  gloria  de  aver  sido  el  primero  que  reduxo  las  Comedias  a  très 
Jornadas,  como  oy  se  acostumbra;  y  Lope  de  \'cga  en  suArte  .\aevo  de  hacer  comedias, 
tambien  le  da  esta  gloria;  si  bien  D.  Diego  Vich,  Cavallero  de  esla  Ciudad...  scia 
atribuye  a  .\ndres  Rey  de  Artieda...  ;  y  Miguel  de  Cervantes  tambien  la  quiere  para  sî, 
como  puede  verse  en  la  Vida  que  escriviô  de  este  ingenioso  .\utor  D.  Grcgorio  Mayâns.  » 

5.  Rodriguez,  continué  par  Savalls  :  Bibliotheca  Valentina  (Valencia  1747,  in-fol.) 
p.  io3,  col.  2.  —  Cependant  Nasarre  (Prôlogo,  etc.)  entreprendra,  deux  ans  plus  ta^d, 
de  défendre  la  légitimité  de  l'aflirmalion  de  Cervantes. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPAMSME    DE    LESSING  211 

razon;  porque  Virues,  como  ya  vimos,  se  gloria  de  esto  en  el  Prologo  de  sus 
Obras  Tragicas,  y  Lyricas;  y  Miguel  Cervantes  tainbien  prétende  para  si  esta 
primaci'a  en  el  prologo  de  sus  Gomedias,  impressas  en  Madrid  por  la  Viuda 
de  A.lonso  Martin  i0i5.  en  4i'  » 

De  même,  il  n'eût  point  été  fort  difficile —  mais  il  eût  fallu,  à  cette 
fin,  avoir  feuilleté  les  comedlas  de  Galderôn,  et,  par  suite,  avoir  connu 
véritablement  ce  poète  —  d'atténuer  d'une  restriction  l'affirmation  trop 
absolue  touchant  la  division  —  posée  comme  une  règle  —  de  la 
Comedia  en  trois  actes.  L'exemple  de  Calderon  eût,  en  effet,  démontré 
que  l'usage  ne  laissait  pas  de  souffrir  quelques  exceptions.  Si  Lessing 
se  fût  simplement  souvenu,  à  ce  propos,  de  notre  Duperron,  il  eût  été 
moins  tranchant,  et,  aulieudu  «nH/'»^  eût  écrit:  aim  Allgemeinen.)),  ou: 
<igeivôhnlichy>.  Duperron  faisait,  en  effet,  prudemment  remarquer 
(Th.  Esp.f  I,  5)  que  les  Espagnols  avaient  «  des  pièces  qui  se  bornent 
à  deux  journées,  d'autres  qui  vont  jusqu'à  quatre  et  beaucoup  qui 
n'en  ont  qu'une  seule.  On  appelle  ces  dernières  des  intermèdes...  e/c», 
et  l'abbé  Goujet  réimprimait  ces  indications,  Bibl.  Jranç.,  YIII,  i6o. 
Enfin  —  preuve  manifeste  que  Lessing  ne  connaît  pas  les  comedias  de 
Cervantes,  —  bien  que  Torres  Naharro  ait  expliqué,  dans  le  recueil  de 
ses  Comédies:  Propaladia  (Naples,  1517),  pourquoi  il  introduisait, 
pour  marquer  les  étapes  de  celles-ci,  le  vocable  Jornada  (le  contresens 
que  commet  Lessing  à  son  endroit  montre  combien  il  en  ignore  et  la 
dérivation  probable  et  le  sens  que  lui  avait  donné  Naharro  :  descan- 
sadero)  et  bien  que  ce  vocable  fût,  en  effet,  d'un  usage  courant, 
n'eût-il  pas  été  prudent  de  remarquer  que  ce  même  Cervantes 
employait  encore  le  terme  ado  un  siècle  après  l'introduction  de 
son  équivalent!? 

Si,  des  indications  ci-dessus,  il  n'est  pas  téméraire  de  déduire  que 
Lessing  ne  connaissait  que  par  ouï-dire  les  très  médiocres  détails  qu'il 
a  consignés  sur  les  particularités  de  la  Comedia  \  peut-être  compense- 

1.  Comediag,  éd.  de  17^9,  1,  21  :  Fin  del  primer  ado  (du  Gallardo  Espanol);  II,  25: 
Fin  del  Ado  priinero  (dn  Rufian  Dichoso).  Riccoboni  disait,  dans  ses  Réjle.^-.  hist.,  etc. 
(Ed.  d'Amst.  17^10,  p.  ^7)  :  «On  nommoit  dans  ces  premiers  tems  Ados  ce  que  nous 
appelons  Ades  et  les  deux  auteurs  que  nous  venons  de  citer  (Lope  de  Hueda  et 
^avarro)  appelèrent  Jornadas.  »  Je  suppose  qu'il  avait  lu  le  passage  du  Prôlogo  al 
ledor  des  comedias  de  Cervantes  :  Sacediâ  à  Lope  de  Rueda,  Naharro,  natural  de  Toledo, 
el  qualfuefamoso,  etc.  et  qu'il  imagina,  sur  les  louanges  qui  sont  données  à  ces  deux 
personnages,  de  leur  attribuer  l'invention  des  Jornadas.  On  sail  que  de  ce  Pedro  Xaharro 
ou  \avarro  —  duquel  Lope  disait  que  Lope  de  Rueda  et  lui,  premiers  inventeurs 
de  l'art  scénique,  en  avaient  aussi  observé  les  règles,  cf.  dédicace  à  Marino  de  ]'irlud, 
pobreza  y  mujer,  B.  A.  E.  02,  212  —  il  ne  reste  rien.  C'est  par  distraction  que  M.  Morel- 
Fatioauraconfondu  ce  \avarro  avec  Torres  Naharro  (B(i//e<./i/sp.,  111  (190 1),  p.  SGg),  dont 
la  Propaladia  a  été,  comme  nul  ne  l'ignore,  rééditée  par  MM.  Ganete  et  Menéndez  y  Pelayo 
aux  tomes  IX-X  (Madrid,  1900)  des  Libros  de  antaho  et  à  propos  de  laquelle  cf.  Zur  Bi- 
bliographie des  Torres  Naharro,  \)a.T  M.  A.  L.  Stiefel  {Archivde  Herrig,  t.  CXIX,  p.  195-196). 

2.  II  importe  de  remarquer,  cependant,  qu'il  n'omet  aucune  circonstance  de 
mettre  en  jeu  celte  même  Comedia.  Lorsqu'à  la  fin  du  JJ.  HUick  de  la  Dramaturgie,  il 

C.    l'IlOLLLl.  '^ 


212       CO.MHlIiUïlONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E      LESSlNG 

t-il  ces  omissions  et  commissions  par  l'exactitude  de  son  jugement  sur 
ÏArte?  Écoutons  en  quels  termes  il  le  formule: 

«  Lope  deVega,  ob  er  schon  der  Schôpferdes  spanischen  Theaters  betrach- 
tet  wird,  war  es  indess  nicht,  der  jenen  Zwitterton  '  einfùhrte.  In  seinem 
Lehrgedichte,  uber  die  Kunst,  neue  Komœdien  zu  machen  ^ ,  dessen  ich  schon 
gedacht,  jammert  er  genug  darùber.  Da  er  sahe,  dass  es  nicht  môglich  sey, 
nachden  Regeln  und  Mustern  der  Alten  fur  seine  Zeitgenossen  mitBeyfall  zu 
arbeiten  :  so  suchte  er  der  Regellosigkeit  wenigstens  Grenzen  zu  setzen  :  das 
war  die  Absicht  dièses  Gedichts.  Er  dachte,  so  wild  und  barbariscli  auch 
der  Geschmack  der  Nation  sey,  so  musse  er  doch  seine  Grundsâtze  haben  ; 
und  es  sey  besser,  auch  nur  nach  diesen,  mit  einer  bestândigen  Gleich- 
fôrmigkeit  zu  handein,  aïs  nach  gar  keinen.  Stucke,  welche  die  klassischen 
Regeln  nicht  beobachten.  kônnen  doch  noch  immer  Regeln  beobachten  und 
mùssen  dergleichen  beobachten,  wenn  sie  gefallen  wollen.  Dièse  aiso,  aus 
dem  blossen  Nationalgeschmack  hergenommen,  wollte  er  festsetzen;  und  es 
ward  die  Verbindung  des  Ernsthaften  und  Liicherlichen  die  erste.  » 

Suit  une  prétendue  traduction,  qui  n'est  en  réalité  qu'une  glose 
imprécise  3,  des  vers  1 57-1 80,  concernant  le  choix  du  sujet,  011  le 
tragique  se  mêlera  au  comique,  conformément  à  l'exemple  que  nous 
donne  la  Nature. 

Voici  donc  comment  Lessing,  reconstruisant  la  psychologie  de  Lope, 
entend  l'Arte  nuevo  de  hacer  comedias,  ou,  comme  il  s'exprime: 
l'art  de  composer  de  «  nouvelles  comédies  ».  Lope,  respectueux,  au  tré- 
fonds de  son  être,  des  Règles  aristotéliciennes  —  non,  par  Arminius,  de 
l'hybride  déformation  inventée  et  imposée  par  les  théoriciens  welsches 
à  perruque  du  Grand  Roy  —  n'eiit  pas  mieux  demandé  que  de  les 
appliquer  en  leur  originelle  pureté,  si  sa  mauvaise  étoile  n'eût  voulu 
qu'il  naquît  Espagnol,  c'est-à-dire  sujet  d'une  nation  dépourvue  de 

s'en  prendra  à  la  Bradamante  de  Garnier  —  qui  est  de  i582  —  pour  lui  dénier  le  litre 
de  «première  tragicomédie  )>,  il  écrira  qu'il  connaît  «  eine  Menge  ixeit  frùhere 
spanische  und  italienische  Stucke,  die  diesen  Titel  fuhren».  11  se  garde  bien,  et  pour 
cause,  de  citer  une  seule  de  ces  tragicomedias  castillanes.  Mais,  quelques  lignes  plus 
haut,  il  avait  dit  que  le  vocable  «  trœjicomœdia  »,  que  Plaute  n'employa  qu'en  badi- 
nant, ne  fut  mis  en  circulation  que  «  bis  es  in  dem  sechzehnten  Jahrhunderte  dcn 
Spanischen  und  Italienischen  Dichtern  einfiel,  gevvisse  vonihrendramatischenMsssfc- 
turien  so  zu  nennen.  n  Au  premier  rang  de  ces  avortons  espagnols,  il  place  la  Celestina, 
dont  on  va  voir  l'idée  qu'il  avait. 

1.  Par  Zwitterton,  Lessing  entend  le  langage  du  gracioso. 

2.  Ce  contresens,  deux  fois  répété,  se  range  dignement  à  côté  de  celui  commis 
à  propos  des  a  Neue  Beispiele  ». 

3.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  Lessing  rend  le  début  : 

Elijase  el  sujeto  y  no  se  mire 
(Perdonen  los  preceptos)  si  es  de  reyes, 
Aunque  por  esto  entiendo  que  el  prudente 
Filipo,  rey  de  Espana  y  seiîor  nuestro, 
En  viendo  un  rey  en  ellas  se  enfadava... 

«Auch  Konige,  sagt  er,  kônnet  ihr  in  euern  Komôdien  anftrcten  lassen.  Ich  hore 
z\\ar,  dass  unser  «eiser  Monarch  (Philipp  der  Zwcite)  dièses  nicht  gebilliget...  » 


1 


LA    i>ATlRE    ET    LES    SOLKCES    DE    l'hiSPANISME    DE    LESSnG  3l3 

toute  compréhension  artistique,  et,  par  suite,  de  tout  respect  des 
Règles.  Mais  Lope,  en  casuiste-né  (comme  sont  tous  les  Espagnols) 
et  en  retors  familier  du  Saint -Office,  n'était  pas  homme  à  se  déclarer 
embarrassé  pour  si  peu,  puisque,  aussi  bien, 

Le  ciel  défend,  de  vrai,  certains  contentements. 
Mais  on  trouve  avec  lui  des  accomodements. 

Il  imagina  un  subtil  compromis,  dont  l'Arte  constitue  la  charte. 
Nageur  prudent,  Vega  Garpio,  n'osant  se  risquer  à  fendre  en  face  le 
furieux  courant  des  ondes  populaires,  se  borne  à  le  remonter  en  un 
biais  savamment  calculé.  Et,  arrivé  sans  efforts  sur  l'autre  rive,  il  s'écrie 
devant  la  foule  émerveillée  :  a  Vous  ne  voulez  pas  entendre  parler  des 
Règles?  Soit!  Laissez-moi,  seulement,  vous  expliquer  pourquoi  vous 
aimez  ce  que  vous  aimez!  »  La  mission  du  monstre  de  la  Nature  fut 
de  dégager  l'Ordre  —  un  certain  Ordre  —  du  chaos.  Le  sens  profond 
de  l'Arte  gît  en  ce  qu'il  exprima,  de  l'anarchie  scénique  antérieure, 
de  l'effrénée  licence  dramatique,  de  ces  v(  sauvages  intrigues  »,  de  ces 
monstrueux  «  avortons  »  qu'étaient  les  tragi-comédies  à  la  Célestine, 
le  minimum  de  règles  compatible  avec  l'étiage  culturel  d'un  peuple 
dénué  de  lumières.  Or,  la  première  des  règles  embryonnaires  formu- 
lées par  ce  législateur  intelligent  fut  la  nécessité  de  l'alliance  du 
«sérieux»  avec  le  «ridicule».  C'est  ainsi  que,  parti  d'imaginaires 
prémisses,  Lessing  aboutit  à  une  conclusion  qui  s'appuie  sur  une 
assertion  de  YArte^.  Mais  son  argumentation,  est-il  besoin  de  le  noter, 
reste  un  pur  sophisme,  et  n'est  là,  aussi  bien,  que  pour  permettre  au  cri- 
tique allemand  de  mieux  couvrir  de  confusion  les  théories  qu'il  attribue 
au  «  rimeur  delà  les  Pyrénées  ».  Au  chapitre  suivant  de  la  Dramaturgie, 
ayant  cité  un  passage  de  l'autobiographie  romanesque  du  «  Voltaire 
de  l'Allemagne  »,  Wieland,  qui  venait  de  ^axallve  {Agathon,  IL  Thl., 
p.  192  seq.  de  l'éd.  originale)  et  où  Shakespeare  était  défendu  du 
reproche  d'avoir  mêlé  le  tragique  et  le  comique,  Lessing  revient  à 
Lope  pour  le  réfuter  impitoyablement.  Ces  idées  de  Wieland,  rai- 
sonne-t-il,  seraient  «  le  meilleur  développement  que  l'on  pût  lire  de 
la  pensée  de  Lope  de  Vega  »,  mais,  aussi,  sa  «réfutation»  lapins 
complète.  «Car,  que  s'ensuivrait-il?  Que  l'exemple  de  la  Nature,  par 
lequel  on  prétend  justifier  ici  l'alliance  de  la  gravité  la  plus  solennelle 
avec  le  comique  bouffon,  pourrait  aussi  bien  servir  à  justifier  tout 

1.  On  aime,  mieux  encore  que  ces  fadaises  d'un  homme  qui  dispute  de  ctiose» 
qu'il  ignore  —  que  ne  rapportait-il  tout  simplement  l'opinion  de  Cervantes  au 
48°*  chap.  du  Qaijote,  1<^  Parte:  c'était  le  cas  ou  jamais  1  —  l'ingénuité  du 
frère  de  M"'  de  Motteville,  Fr.  Berlaut,  sieur  de  Fréauville,  qui,  lors  de  son  voyage 
en  Espagne  en  iGôg,  vit  Galderôn  à  Tolède,  discuta  avec  lui  des  «  règles  de  la  Drama- 
tique», constata  vite  "qu'il  ne  sçavoit  pas  grand'chose,  quoy  qu'il  soit  déjà  tout 
blanc  n,  et  conclut  très  judicieusement  que,  dans  ce  pays-là,  on  se  moquait  des  Règles. 
{Voyage  d'Espaifue,  etc.  [l'aris,  lOOy],  p.  171.  Ce  livre  est  d'ailleurs  très  remarquable.) 


2l4       COMKIBUIIOS    A    LETLDE    DE    1-  lll.Sl'VMSMt;    Dli    (i .    i;.     LESSl>(. 

monstre  dramatique,  où  l'on  ne  trouverait  ni  plan,  ni  liaison,  ni  sens 
commun.  Et  alors  il  faudrait  cesser  de  considérer  l'imitation  de  la 
Nature  comme  le  fondement  de  l'Art;  ou  bien,  par  cela  même,  l'Art 
cesserait  d'être  l'Art...  En  ce  sens,  l'œuvre  où  il  y  aurait  le  plus  d'Art 
serait  la  plus  mauvaise,  et  l'œuvre  la  plus  grossière  serait  la  meil- 
leure. »  Et  le  développement  se  clôt  sur  une  exécution  en  règle  des 
«  pièces  mixtes  du  genre  gothique  »,  qui  représentent  aux  yeux  de  ce 
héraut  de  V Aujkldrung  «  l'œuvre  bâtarde  d'une  époque  barbare  ».  On 
voit,  par  suite,  ce  qu'il  en  est  de  la  «  force  »  et  de  la  «  concision  »  du 
jugement  de  Lessing  sur  Lope,  que  M.  A.  Morel-Fatio,  pour  n'avoir 
lu  que  le  ch.  69  de  la  Dramaturgie  —  mais  déjà  l'erreur  avait  été  com- 
mise par  E.  Dorer,  Die  Calderon- Lit.  in  Deutschland  (Leipz.,  1881), 
p.  6,  et  nous  ne  savons  si  le  passage  de  M.  Morel-Fatio  n'est  pas  allé 
contaminer  le  D'  R.  Béer  à  deux  ans  de  distance'  —  a  cru,  lui  aussi, 
devoir  vanter  dans  sa  réédition  critique  précitée  de  VArte  nuevo  en  1901 
aun°4  du  Bull,  hisp.^,  et  combien  l'excellent  Dieze  était  fondé  à  déclarer, 
au  lendemain  du  manifeste  de  son  ami  dans  la  Dramaturgie,  que 
«  unter  uns  Deutschen  ist  Lope  nur  dem  Namen  nach,  und  aus  dem, 
was  wir  durch  die  Franzosen  von  ihm  Avissen,  bekannt  worden  », 
(Gesch.,  p.  334,  note  à  la  p.  333.)  Pour  une  fois,  du  moins,  ces 
Français  frivoles  et  légers  n'avaient  pas  si  mal  parlé  de  ÏArte.  L'abbé 

1.  Op.  cit.,  II,  85  :  «Die  voa  vielen  getadelte  Vermischung  des  Tragischen  und 
Komischen,  diesich  bei  Calderôn  wie  auch  sonst  bei  den  spanischen  Bûhnendichtern 
(ebenso  wie  bei  den  englischen)  findet,  bat  in  niemand  Geringerem  als  in  Lessing 
einen  Verteidiger  gefunden.  »  P.  i55,  l'auteur  subordonne  de  nouveau  l'activité  «des 
frères  Schlegel  »  en  faveur  de  la  scène  espagnole  à  celle  de  Lessing. 

2.  P.  891.  «  Le  passage  qui  commence  au  v.  167  et  se  termine  ici  (v.  180)  a  été 
traduit  par  Lessing  dans  sa  Dramaturgie,  ch.  69.  Lessing  dit  qu'il  a  rapporté  ce  mor- 
ceau de  VArte  à  cause  de  sa  conclusion,  et  que  s'il  est  vrai,  comme  on  doit  le  croire, 
que  la  nature  nous  donne  l'exemple  du  mélange  du  bas  et  du  noble,  du  plaisant  et 
du  sévère,  du  comique  et  du  tragique,  Lope,  en  ce  cas,  a  plus  fait  qu'il  ne  pensait 
faire,  «  car  il  n'a  pas  seulement  pallié  les  fautes  de  son  théâtre,  il  a  montré  que  ces 
prétendues  fautes  n'existent  pas  :  il  n'y  a  pas  faute  là  où  il  y  a  imitation  de  la  nature». 
L'erreur  de  M.  Morel-Fatio  —  outre  l'oubli  du  ch.  70  —  consiste  à  donner  ici  comme 
l'opinion  de  Lessing  ce  qui  n'était,  sous  sa  plume,  que  le  résumé  des  vues  de  Lope. 
On  sait  qu'en  effet  Lessing  termine  l'interprétation  de  VArte  en  disant  que  s'il  est  vrai 
que  la  Nature  nous  serve  de  modèle  —  Lope  en  avait  appelé  à  un  adage  d'origine 
italienne  : 

Buen  exemplo  nos  da  naturaleza 

que  por  tal  variedad  tiene  belleza...  — 

ce  «  réformateur  de  la  scène  espagnole  »  a  réalisé  plus  qu'il  n'avait  promis.  «  Il  n'a  point 
seulement  pallié  les  défauts  de  son  théâtre;  il  a,  à  vrai  dire,  démontré  que  ce  pré- 
tendu défaut  n'en  est  pas  un.  Car  ne  saurait  s'appeler  défaut  rien  de  ce  qui  est  imi- 
tation de  la  Nature.»  En  traduisant:  «  er  hat  eigentlich  erwiesen,  dass  dieser  Fehler 
(l'alliance  du  «  sérieux  »  et  du  «  ridicule  »)  keiner  ist  »  par  :  «  il  a  montré  que  ces  pré- 
tendues fautes  n'existent  pas  y>,  M.  M. -F.  commettait,  au  surplus,  un  contresens, 
d'autant  plus  surprenant  que  cet  érudit  possède  à  fond  la  langue  allemande.  Moins 
catégorique  avait  été,  sur  ce  chapitre,  Oervinus  (Gesch.  der  deut.  Dichtung  5.  Aujl.,  IV, 
45o  se({.)  qui  avouait,  en  termes  hésitants,  que  Lessing  n'entendait  pas  »  die  Si^anier... 
libéra  il  gut  hcisscn.  » 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DK    LESSING  2  10 

Goujet,  dont  l'ouvrage  était,  répétons-le,  familier  aux  érudits  alle- 
mands, n'avait-il  pas  dit,  en  son  nom  propre,  de  cette  œuvre  : 

«  Pour  moi,  j'ai  de  la  peine  à  croire  que  ce  soit  un  écrit  sérieux...  Rien 
ne  ressemble  mieux  à  une  véritable  ironie.  L'auteur  en  prend  le  ton  et  en 
emploie  les  expressions.  Il  soutient,  et  on  ne  le  nie  point,  qu'il  connoissoit 
les  règles  de  l'Art,  qu'il  les  avoit  étudiées,  qu'il  avoit  composé  quelquefois 
selon  ces  règles.  Pourquoi  donc  les  abandonne-t-il  ?  C'est,  si  on  .l'en  croit, 
parce  que  ceux  qui  les  observoient  le  plus  exactement,  mouroient  sans  répu- 
tation et  sans  récompense  :  c'est  parce  qu'il  avoit  vu  des  monstres  spécieux 
triompher,  et  remporter  les  applaudisscmens  des  dames  et  du  vulgaire. 
Qu'en  conclut-il  ?  Qu'il  a  renfermé  les  préceptes  sous  la  clef;  qu'il  a  banni 
de  son  cabinet  Terence  et  Plante,  pour  n'être  pas  importuné  de  leurs 
raisons  ;  qu'il  est  juste  de  s'accoutumer  au  goût  du  peuple,  et  d'écrire  comme 
un  ignorant,  puisque  cela  plaît  à  ceux  qui  payent.  Tout  est  écrit  sur  le 
même  ton.  Ce  qu'il  dit  pour  justifier  sa  nouvelle  manière  de  composer, 
qu'il  appelle  lui-même  barbare  et  un  nouvel  art,  est  si  foible,  quelquefois 
même  si  peu  sensé,  qu'encore  une  fois  il  est  difficile  de  croire  qu'il  ait  voulu 
parler  sérieusement  ' .  w 

Cette  appréciation  de  l'oratorien  janséniste,  ami  de  Rollin,  n'est 
pas  loin  d'être  la  bonne,  et  Ludwig  Lemcke,  dont  le  Handbuch  fut  et 
est  encore  en  partie  pour  beaucoup  d'Allemands  le  guide  le  plus 
consulté  de  littérature  espagnole,  s'est  donné,  III,  182-184,  la  peine 
superflue  de  prendre  au  sérieux  et  de  longuement  critiquer  cette  soi- 
disant  confession  de  poète,  qui  n'est  qu'une  ((galéjade))  du  génie,  où, 
comme  l'a  fort  bien  dit  M.  Fitzmaurice-Kelly,  op.  cit.,  p.  268,  «  ce 
qui  prend  la  forme  d'une  excuse  n'est  en  réalité  qu'un  légitime  accès 
d'orgueil».  Il  reste  que  Lessing  n'a  rien  compris  à  ce  document, 
comme  il  ne  sait  rien  de  l'art  de  Lope,  et  que  M.  Erich  Schmidt  sera 
bien  forcé,  pour  la  troisième  impression  de  son  Lessing,  de  supprimer 
le  membre  de  phrase  qui  a  trait  aux  études  hambourgeoises  du  «  pro- 
cédé tragi- comique  «  espagnol.  A  moins,  cependant,  qu'il  n'imite,  au 
contraire,  la  méthode  de  W.  von  Maltzahn  et  R.  Boxberger,  lesquels, 
dans  leur  médiocre  réédition  du  Lessing  de  Danzel  et  Guhrauer,  an. 
cit.,  arguënt  d'un  passage  d'une  letttre  de  Lessing  à  Gleim  du 
8  juillet  1758  (M.  XVII,  i48),  où  le  premier  déclare  que  le  moindre  de 

I.  Bibl.  franc.,  III  (Paris,  17/1/1),  p.  ii3.  —  Le  passage  de  Flogel  sur  VArte  dans  sa 
Gesch.  der  kom.  LU.  (Liegnitz  und  Leipzig  1787),  p.  173,  ne  me  semble  être 
qu'une  amplification  sur  l'analyse  de  Goujet:  «  Er  [Lope]  macht  sich  darin  mit  der 
feinsten  Spôtterei  ûber  dièse  Herren  [les  Académiciens  madrilègnes]  luslig,  und 
versichert  sie,  dass  cr  den  getrâumten  Hochverrath  am  Parnasse  gar  nicht  begehen 
wollen.  Er  sagt,  da  er  noch  an  der  Grammatik.  gekaut  hiitte,  und  da  er  noch  nicht 
zehn  Jahr  ait  gcwesen,  batte  er  die  Bûcher  schon  aile  gelesen,  vvorin  die  tlieatra- 
lischen  Regeln  stûnden.  Er  schriebe  Komodien  nach  der  Runst,  die  die  erfandcn,  die 
nach  dem  Beifall  des  Volks  haschten;  denn  da  sie  das  \o\k  bezahlt,  so  ist  auch  billig 
als  Thor  zu  redcii,  um  ilinen  Spass  zu  machen.  Es  ist  mir  leid  genug,  dass  es  so  ist, 
aber  es  ist  kein  Mittelweg  zwischen  beiden  Uebeln  auszufinden.  Anfangs  trieb  ihn 
also  die  Noth  dazn,  undendlich  war  ihm  Manier  geworden.  » 


iÉ&:. 


2l6       CONTRTRUTIONS     \    l/ÉTUDE    DE    l'htSPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

ses  projets  actuels  est  «  d'écrire  au  moins  trois  fois  autant  de  pièces 
de  théâtre  que  Lope  de  Vega  »,  pour  en  déduire,  en  note,  II,  112,  que 
dès  1768  Lessing  connaissait  l'œuvre  dramatique  de  Lope.  II,  190,  on 
peut  lire,  dans  le  même  ouvrage,  que  Lessing  connaissait  «  ebenso 
gut  »  les  comédies  de  Cervantes  que  jcelles  de  Lope  et  de  Calderôn. 
Voilà  qui  ne  cadre  guère  avec  l'assertion  de  M.  A.  Farinelli,  p.  5  de 
Grillparzer  uncl  Lope  de  Vega  :  «  Ob  Lessing  irgend  ein  Drama  Lope's 
de  Vega  (im  Original)  gelesen,  vermag  ich  nicht  mit  Bestimmtheit  zu 
sagen.  »  Il  est  vrai  que  M.  A.  Farinelli  n'est  pas  à  court  de  «  combi- 
nazioni  »  :  «  Lopes  dramatisches  Génie,  rectifie-t-il  incontinent,  schien 
aber  der  grosse  Deutsche  zu  ahnen.  »  Inclinons-nous  en  silence  devant 
cet  hispanisme  ésotérique,  inaccessible  à  notre  faible  intellect  et 
laissons  M.  E.  Schmidt  arranger  les  choses  :  la  logique  d'un  bon 
Lessingjorscher  sait,  quand  il  le  faut,  être  subtile... 


[3.  Le  Gracioso. 

Si  dédaigneux  que  se  montre  Lessing  à  l'endroit  de  la  «  convenance  » 
théâtrale  du  pseudo- classicisme  français,  il  se  trouve  d'accord  avec 
Duperron  de  Castera  pour  réprouver  le  rôle  du  gracioso  dans  la  Come- 
dia.  Duperron  notait  (Th.  E.,  p,  4)  que,  dans  les  pièces  espagnoles, 
outre  que  le  tragique  se  trouve  souvent  mêlé  avec  le  burlesque, 

«souvent  un  Bouffon  qu'ils  nomment  le  laquais  gracieux^,  ou  bien 
quelque  autre  personnage  de  même  étoffe  prend  la  liberté  d'interrompre 
les  Héros  et  les  Rois  au  milieu  des  situations  les  plus  touchantes  ;  pareille 
indécence  nous  révolteroit.  Elle  revoltoit  aussi  Philippe  II.  Ce  prince,  au 
rapport  de  Lopès  de  Vega,  ne  voyoit  jamais  la  majesté  des  grands  Rôles 
avilie  par  un  badinage  si  déplacé  et  certainement  il  avoit  raison  2.  » 

—  «  Aber  Cosme,  »  s'écrie  à  son  tour  Lessing,  «dieser  spanische  Hanswurst, 
dièse  ungeheure  Verbindung  der  pôbelhaftesten  Possen  mit  den>  feyer- 
lichsten  Ernste;  dièse  Vermischung  des  Komischen  und  Tragischen,  durch 
die  das  spanische  Theater  so  berûchtiget  ist  ?  Ich  bin  Aveit  entfernt,"  dièse 
zu  verlheidigen.  » 

Suit  une  vigoureuse  charge  à  fond  contre  la  «  décence  »  scénique 
welsche  et,  comme  conclusion,  l'aveu  de  Lessing  qu'il  préfère  encore, 
en  face  de  cette  convention  étroite  et  artificielle,  l'usage  du  gracioso,  qu'il 
qualifie  —  les  termes  sont  à  noter  —  de  «  unsinnigste  Abwechslung 

1.  Cette  traduction  maladroite  a  été  corrigée  en  ces  termes  par  Bouterwek,  Gesch. 
Tp.  ^82,  note  g  :  «Wer  nicht  Spanisch  versteht,  denke  sich  bei  dem  VVorle  Gracioso 
nicht  etwa  einen  ausserordentlichen  Euphemismus.  Gracioso  heissl  im  Spanischen 
uberhaupt  ôfter  spasshaft  und  lâcherlich,  als  graziôs.  » 

2.  Duperron  renvoie  en  marge  au  texte  espagnol  de  l'^rie;  c'est  précisément  ce 
même  passage  sur  les  goûts  de  Philippe  II  et  le  mélange  du  tragique  et  du  comique 
que  citera,  nous  l'avons  vu,  Lessing. 


L\    XATURR    ET    LES    SOIiRCES    DE    T.  mSPVMSME    DE    I.ESST>'G  217 

von  Niedrig  auf  Gross,  von  Aberwitz  und  Ernsl,  von  Schwarz  auf 
Weiss  «. 

Ce  n'est  donc  qu'en  vertu  d'un  pis  aller  et  parce  qu'à  tout  prix  il 
veut  extirper  les  mœurs  théâtrales  françaises  dans  sa  patrie',  que 
Lessing  fait  la  concession  que  nous  venons  de  relever  au  théâtre 
espagnol.  On  comprend,  en  effet,  que  cet  esprit  critique,  que  ce 
rationaliste  par  essence  n'acceptât  qu'à  son  corps  défendant, un  per- 
sonnage dramatique  qu'il  considérait  comme  «  la  plus  insensée 
succession  de  la  bassesse  à  la  grandeur,  de  l'extravagance  au  sérieux, 
de  la  nuit  au  jour».  Mais  cette  interprétation  du  gracioso  ne  démon- 
trerait-elle pas  —  si,  ici  encore,  il  ne  fallait  tenir  compte  de  son 
ignorance  de  la  Comedia  —  combien  Lessing  était  resté  étranger  à 
l'âme  castillane,  hostile  à  la  mentalité  espagnole  de  l'âge  classique  2? 
Pour  qu'il  ne  nous  soit  pas  reproché  d'exiger  de  lui  une  largeur  de 
compréhension,  une  souplesse  de  critères  dont,  à  notre  époque  et 
dans  des  conditions  radicalement  différentes  de  recherche  scientifique, 
seule  une  exiguë  minorité  d'érudits  —  malgré  le  flot  grossissant  des 
philologues  en  mal  de  thèses  doctorales  qui  s'improvisent  hispanisants  : 
cf.,  pour  ne  citer  qu'un  seul  exemple,  M.  G.  Huszâr  ;  Molière  et 
l'Espagne  (Paris,  1907),  p.  296  —  apparaissent  capables,  nous  trans- 
crirons, comme  preuve  qu'un  Allemand  du  xvin"  siècle,  son  contem- 
porain, était  apte  à  apprécier  adéquatement  le  comique  espagnol, 
—  et  cela  parce  qu'il  l'avait  étudié  sur  les  textes  —  le  passage  de  la 
Geschichte  de  Dieze,  en  l'opposant  intentionnellement  à  celui  de 
Lessing.  Cette  confrontation  nous  semble,  à  elle  seule,  plus  probante 
que  toutes  les  autres  citations  que  nous  pourrions  fournir,  et  nous 
nous  limiterons  exclusivement  à  ce  seul  garant  parce  que  son  témoi- 
gnage suffit  en  l'espèce,  renonçant  à  reproduire  le  n"  XXXII,  si  pro- 

1.  Il  ne  sera  pas  sans  utilité  de  rappeler  ici  qu'après  M.  L.  Crouslé  (dont  l'ouvrage 
mérite  toujours  une  attentive  lecture),  M.  A.  Ehrhard  a  bien  mis  en  lumière,  dans 
Les  Comédies  de  Molière  en  Allemagne  (Paris,  1888),  p.  23i  seq.,  avec  quelle  deutsche 
Ehrlichkeit  Lessing  procéda  à  l'endroit  de  la  France  et  de  sa  littérature.  Il  est  d'autant 
plus  nécessaire  de  renvoyer  à  de  tels  ouvrages  que  les  Lessingforscher  se  gardent,  en 
général,  de  les  mentionner. 

2.  Tout  ce  que  l'on  pourrait  dire,  à  cette  date,  du  gracioso,  ne  saurait,  croyons-nous, 
être  qu'une  amplification  sur  la  définition,extrêmement  juste,  qu'en  a  donnée  en  181 1 
A.  W.  Schlegel  :  '<  Dieser  dient  meistens  bloss  dazu,  die  idealen  Triebfcdern,  wonacli 
sein  Herr  handelt,  zu  parodieren,  welches  er  oft  auf  die  zierlichste  und  geistreichste 
Weise  thut.»  [Engl.  und  span.  Theater,  dans  les  Meyers  Volksbiicher,  n°' 356-358,  p.  lyS.] 
A.  LaBeaumelle  a  repris  cette  définition  dans  sa  très  fouillée  Poétique  de  Lope  de  Vega, 
à  laquelle  M.  Morel-Fatio  n'a  pas  accordé,  dans  son  édition  de  VArte,  toute 
l'attention  qu'elle  nous  semble  mériter.  [Coll.  cit.,  vol.  Lope  de  Vega.  t.  //. 
Paris,  1827.]  Notons,  enfin,  que  les  banalités  du  genre  de  celles  de  Lessing  sur  les 
prétendues  platitudes  et  bouffonneries  propres  à  la  Comedia  ont  fort  l)ien  été  réfutées 
par  le  P.  Juan  Andrés  —  qui  cependant  ne  laissait  pas  d'admirer  Corneille  —  au  1. 1, 
p.  It2!x  seq.  de  Dell'  origine,  progressa  e  staio  atluale  d'ogni  lelteratura  (Parma,  1782): 
Parallelo  del  teatro  spagnuolo  e  deli  inglese.  (La  moslruosità  dellc  tragicommedie,  c  la 
miscliianza  di  serio  e  di  burlevole,  di  sublime  c  di  basso  si  vuol  far  passarecomc  una 


2l8       r.n>TRTIU  TTOAS     \    T.'kTL'OE    DE    T.'nTSPVMSMK    DE    G.    E.    I.ESSINO 

bant,  de  la  III"  Parte  [Câdiz,  s.  0.(1819)]  du  Pasatiempo  critico  de  Bôhl 
von  Faber  (Del  Gracioso  en  las  comedias  espanolas,  p.  44-48). 

«Der  comische  Ton,  »  écrit  donc  Dieze,  «  und  die  scherzhafte  Laune  der 
Spanier  sind  bisher  von  den  Auslàndern  sehr  verkannt  Avorden,  und  die 
Begriffe,  die  man  sich  davon  gemacht  hat,  sind  sehr  unrichtig.  Dièses  rùhrt 
tlieiis  von  der  in  unsern  Gegenden  so  selten  vollkommenen  Kenntniss  ihrer 
Sprache,  tlieils  von  den  unriclitigen  Vorstellungen  her.  die  man  aus 
Romanen.  oder  einigen  parteyischen  Reisebeschreibern  sich  von  ihren  Sitten 
gemacht  hat.  Hierzu  kommt  noch  dièses,  dass  so  sehr  wenig  von  den 
Avahren  und  guten  Dichtern  dieser  Nation  Auslàndern  bekannt  worden  sind. 
und  man  dafiir  einige  schlechte,  die  man  zum  Lnglûcke  der  Spanier 
ausser  den  Grânzen  ihres  Landes  kennt,  zum  Massstabe  angenommen  hat, 
das  poetische  Génie,  und  den  Geschmack  der  Spanier  darnach  zu  bestimmen. 
Ich  habe  schon  oben  gesagt',  dass  die  spanische  Sprache  ihre  eigenen 
comischen  Wôrter  und  Wendungen  hat.  Einem,  der  die  spanische  Literatur, 
und  vorzùglicli  die  Dichter  so  studirt  hat,  wie  es  sich  gehôrt,  wird  es  leicht 
seyn,  die  verschiedenen  Miancen  vom  comischen,  launigten,  scherzhaften 
und  burlesken  darinnen  zu  fmden  und  zu  unterscheiden.  Diess  ist  ein 
Vorzug,  der  der  spanischen  Sprache  eigen  ist »  {Geschichte,  p.  434,  note  a.) 

Y-  La  Glosa. 

«Die  Spanier,»  explique  Lessing,  «haben  eine  Art  von  Gedichten,  welche 
sie  Glossas /^sir^  nennen.  Sie  nehmen  eine  oder  mehrere  Zeilen  gleichsam  zum 
Texte,  und  erklaren  oder  umschreiben  diesen  Text  so,  dass  sie  die  Zeilen 
selbst  in  dièse  Erklârung  oder  l  mschreibung  wiederum  einflechten.  Den 
Text  heissen  sie  Mote  oder  Letra,  und  die  Auserlegung  insbesondere  Glossa, 
welches  denn  aber  auch  der  ?same  des  Gedichts  ûberhaupt  ist.  » 

Suit  l'exemple  de  la  glosa  de  la  Jornada  segunda  du  Conde  (B.  A.  E. 
45,  4 10),  puis  Lessing  continue  : 

»Es  mùssen  aber  eben  nicht  aile  Glossen  so  symmetrisch  seyn,  als  dièse. 
Man  hat  aile  Freyheit,  die  Stanzen,  die  man  mit  den  Zeilen  des  Mote  schliesst, 

strana  produzione  délia  strcgolata  fantasia  spagnuola.  Ma  questo  è  un  \izio  cotanto 
comune  ail'  iiiglese  teatro,  che  il  Dryden  prétende  di  fargli  onore  con  dargli  il  vanto 
di  simili  componimenti....  etc.)  On  sait  que  l'ouvrage  d'Andrés  a  été  réimprimé  à 
Venise  en  i83o-34  en  8  vol.  contenant  20  parties.  Mais,  bien  avant  lui,  il  y  avait  déjà 
d'excellentes  choses  à  ce  propos  dans  le  livre  imprimé  à  Madrid  en  1764  (21/1  p.  in-8): 
La  nacion  espanola  defendida  de  los  insuUos  del  Pensador[le  périodique  célèbre  qui  parut 
de  1762  à  1767],  etc.  par  «D.  Fr.  Mariano  Nipho))(cf.  v.gr.  p.  11  et  109),  puis  dans  les 
Onze  Discours  (^87  p.  in-8)  parus  à  Madrid  en  1763  et  dont  l'auteur  se  déguisait  sous 
la  périphrase  :  El  Escritor  sin  titulo. 

1.  11  l'a  dit  p.  i2i,  note  à  la  p.  122.  Le  passage  mérite  également  d'être  transcrit  : 
('  Die  spanische  Sprache  hat  aile  Eigenschaften,  die  eine  Sprache  empfehlen  konneo. 
Sie  schickt  sich  sowohl  zum  Erhabenen  undMajesliitischen,  als  Zârtlichen  und  Sanften. 
Sie  ist  nachdrùcklich,  zierlich,  leicht  wie  es.  die  Gegenstande  fordern.  Auch  im  Comis- 
chen hat  sie  ihr  Eigenes.  Sie  ist  sehr  reich,  an  Wortern  sowohl  als  an  AVendungen 
und  besondern  eigenthûmlichen  Redensarten.  Sie  ist  von  ihren  Schriftstellern  sehr 

bearbeitet  worden Es  ist  eine  sehr  irrige  Meynung  die  man  insgemein  hat,  dass 

man  glaubt,  die  spanische  Sprache  sey  leicht,  zumal  wenn  man  Lateinisch  und  F"ran- 
ziJsisch,  oder  noch  dazu  Italieniscli  verstùiide.  Allein  die  vielen  arabischen  und 
andern  Wôrter,  die  besondern  und  eigenthûmlichen  Redensarten,  Flexionen  und 
Constructionen  in  dieser  Sprache,  verursachen  mehr  Schwurigkeiten  als  man  glaubt, 
wenn  man  sic  recht  lernen  will.  »> 


I.  \   WTii'.E  rr  TES  soi'itcrs  nr.  i,  iiispaisismk  dk  r.Kssix;         aiq 

so  ungleich  zu  machen,  als  man  will.  Man  braucht  auch  nicht  aile  Zeilcn 
einzuflechten;  man  kann  sich  auf  eine  einzige  einschrànken,  und  dièse 
mehr  als  einmal  wiederholen.  Uebrigens  gchôren  dièse  Glossen  unter  die 
àltern  Gattungen  der  spanischen  Poésie,  die  nach  dem  Boscan  und  Garcilasso 
ziemlich  ans  der  Mode  gekommen.  » 

L'explication  donnée  par  Lessing  du  mécanisme  de  la  glosa  n'excède 
pas  les  limites —  en  prenant  le  vocable  Stanzen  dans  le  sens  g-énéral 
de  Strophen  —  d'un  gros  à  peu  près.  En  admettant  cette  vérité, 
évidente,  qu'il  ne  pouvait,  dans  un  chapitre  de  la  Dramaturgie,  entrer 
dans  les  détails  de  cette  forme  métrique,  du  moins  devait-il  surveiller 
sa  plume  —  en  cette  circonstance,  d'ailleurs  unique,  où  il  s'étendait 
avec  quelque  complaisance  sur  un  point  accessoire  de  littérature 
castillane —  et  ne  se  documenter  qu'à  des  sources  authentiques.  Ces 
sources  ne  faisaient  nullement  défaut  à  son  érudition  avisée.  Bense- 
Dupuis,  par  exemple,  expliquait  longuement,  au  Livre  Second  de  la 
//•  Partie  de  V Apollon,  p.  SSg  seq.  ',  que  : 

«  Le  mot  de  Glose,  que  l'Espagnol  dit  Glossa,  est  tiré  du  grec  rXoao-a  (sic) 
qui  veut  dire  langue.  Il  se  prend  chez  les  Poètes  pour  une  sorte  de  couplets 
qui  expliquent  quelque  bon  mot,  quelque  deuise,  quelque  sentence,  ou 
quelque  suite  de  vers;  ce  qu'ils  appellent  Letra,  Mole,  Texlo,  ou  Retruecano, 
Lettre,  mot  ou  dicton  de  quelque  deuise.  Et  tout  ainsi  que  la  làgue  déclare 
les  conceptions  de  l'entendement,  de  mesme  la  Glose  déclare  &  explique  le 
texte,  &  lui  vient  à  seruir  comme  de  Commentaire  &  d'Interprète. 

Le  Texte  contient  un,  deux,  trois  ou  quatre  vers,  ou  plus,  selon  le  Texte 
du  sujet,  &  le  Texte  que  le  Poëte  veut  entreprendre  de  gloser.  Chaque  vers 
du  Texte  se  doit  gloser  par  deux  Rondelets,  tels  que  le  Poëte  voudra  choisir, 
continuant  toujours  de  mesme,  en  sorte  que  le  vers  à  gloser  soit  le  dernier 
du  second  Rondelet.  [Suivent  5  exemples]. 

Souvent  ils  glosent  la  Sentence  par  un  villanelle;  comme  en  ces  [2] 
exemples  de  Castillejo. 

Ils  glosent  les  Vilanelles  entiers,  comme  cettui-cy... 

Ils  glosent  ainsi  les  Roman[c<?]s,  mettant  deux  vers  du  quatrain  du 
Roman[ce]  pour  fin  du  second  Rondelet. 

Ils  font  aussi  des  Gloses  de  Vers  Italiens,  c'est-à-dire,  d'onze  &  de  sept 
sillabes,  à  condition  que  le  Texte  soit  aussi  des  mesmes  Vers.  La  Glose  se 
peut  faire  par  Rimes  Octanes,  par  Rimes  Tierces,  par  Sonnets,  par  lires,  ou 
autrement;  mettant  le  Vers  qui  se  glose  à  la  fin  de  l'Octaue,  du  Terzet,  etc., 
comme  Je  Gloria  in  excelsis  Deo,  et  in  terra  pax  hominibas,  glosé  en  Rimes 
Octanes,  par  Lope  de  Vega » 

Nous  pourrons  faire  entrer  au  rang  des  Gloses  certaines  pièces  faites  par 
Dialogues,  dans  lesquelles  la  personne  vient  à  reprendre  le  derniers  vers  de 
la  Stance  précédente,  &  de  sa  response,  ou  réplique,  en  fait  comme  une 
Glose  audit  vers;  comme  au  6.  Liure  de  la  Diane  de  Montemayor,  entre 
Siluano  &  Sireno » 

Caramuel,  dailleurs,  détaillait  également  la  glose,  p.  3^o  seq.  de  sa 
Rhyimica  :  De  Glossa,  sive  de  Carminé  Régis  (éd.  de  i668).  Il  semble, 

I ,   Des  Gloses.  Ch.  T'. 


330       CO\TRIRUTIO\'S    A    L  KTUDF.    DE    T.  HTSPAINTSMK    BE    G.    E.    TESSTNG 

cependant,  que  Lessing  ait  pris  son  explication,  incomplète  et  même 
inexacte,  de  la  Glosa  dans  le  traité  de  Cl.  Lancelot  —  celui-là  même  que 
Dieze  (p.  126,  /lo/eà  la  p.  122)  devait,  comme  il  a  été  dit,  recommander 
si  chaleureusement  —  publié  avec  l'aide  d'Ant.  Arnauld  à  Paris  en  1660, 
in-8  (2''éd.  i665  ;  3'  1681),  sous  le  pseudonyme:  De  Trigny,  et  le  titre  : 
Nouuelle  \  Méthode  \  pour  apprendre  \  Jacilement  et  en  peu  \  de  temps  \ 
la  langue  espagnole  (B.  N.  :  X,  \U.  695-1^.697).  La  structure  de  la  Glosa  y 
est,  en  effet,  sommairement  expliquée,  et,  comme  exemple,  l'auteur  re- 
produit la  fameuse  effusion  de  Sainte  Thérèse:  Vivo  sin  vivirenmî,  etc. 

«  Elle  n'y  a  pas  suivi,  »  observait  à  ce  propos  Goujat,  «  la  règle  ordinaire 
de  cette  ancienne  poésie  Espagnole,  de  répéter  chaque  vers  du  Texte  dans 
son  ordre,  à  la  fin  de  chaque  stance  de  la  Glose  ;  dans  celle-ci  il  n'y  a  que 
le  dernier  vers  du  texte  qui  serve  de  reprise...  etc.  » 

Les  Gloses  sont  définies  par  Lancelot  : 

Ces  pièces  où  l'on  prend  d'abord  «  quelque  mot  ou  quelque  sentence»,  sur 
laquelle  on  fait  ensuite  "  des  vers,  auxquels  ce  mot  et  cette  sentence  servent 
de  reprise  » . 

L'on  serait  d'autant  plus  enclin  à  admettre  que  ce  dernier  passage 
de  Lancelot  —  que  l'abbé  Goujet  avait  fidèlement  reproduit  dans  sa 
Bibl.  franc.,  VIIl,  i5o  seq.  •  —  a  inspiré  Lessing  que  l'on  y  rencontre 
précisément  une  bévue  qui  peut  expliquer  la  colossale  méprise  de  ce 
dernier  sur  la  glosa  «  tombée  en  désuétude  depuis  Boscân  et  Garcilaso  »: 

«  Les  Espagnols  »,  déclare  Goujet,  résumant  Lancelot,  «ont  été  longtemps 
sans  connaître  d'autre  forme  de  poésie,  que  celle  dont  je  viens  de  parler^... 
Dans  la  suite  Jean  Boscan  et  Garcilasso  de  la  Vega,  morts  avant  le  milieu  du 
seizième  siècle,  introduisirent  dans  leur  langue  la  forme  de  la  poésie  ita- 
lienne qu'ils  connurent  par  la  communication  qu'ils  eurent  avec  les  Poètes 
Italiens  de  leur  tems  dans  les  voyages  qu'ils  firent  à  Naples.  » 

Mais,  pour  commettre  l'erreur  qu'il  a  commise  touchant  la  glosa,  il 
fallait  que  Lessing  ignorât  et  la  Comedia  —  où  cette  forme  métrique 
est  tellement  en  faveur  avec  Galderon  qu'il  en  tire  quelques-uns  de 
ses  meilleurs  effets  harmoniques  —  et  jusqu'à  ce  D.  Quijote,  dont  il 
affecte  cependant  de  citer  des  passages,  et  où  le  héros  du  roman 

1.  Le  passage  de  l'abbé  Goujet  se  rapporte  à  celui  de  Lancelot  dans  les  trois  édi- 
tions de  la  Nouvelle  méthode.  Dans  la  T'édition  de  celle-ci,  il  se  lit  p.  109  seq.;  dans  la  2* 
et  la  3%  p.  io3  seq.  —  Le  rapprochement  de  Lancelot  (ou,  si  l'on  veut,  de  Goujet)  et  de 
Lessing  est  d'autant  plus  tentant  que  nous  trouvons  dans  Lancelot  l'expression  : 
stance,  qu'emploie  bizarrement  Lessing  :  «  Que  si  ce  texte  a  plusieurs  vers,  ils  les 
répètent  l'un  après  l'autre,  après  une  ou  deux  Stances.»  (Éd.  de  1660,  p.  109.) 

2.  Peut-être  Lancelot  avait-il  lu  le  passage  de  Lope,  fol.  76  de  sa  Justa  poética...  al 
bien  avenlurado  San  Isidro  (Madrid,  1620),  oîi  la  glosa  est  présentée  comme  forme 
ancienne  de  poésie  spécifiquement  espagnole,  quoique,  en  réalité,  elle  soit  d'origine 
provençale. 


1 


I.\    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    T,  HISPAMSME    DE    LESSING  22  1 

et  D.  Lorenzo  s'entretiennent  (Parte  II,  cap.  XVIII)  de  façon  si  instruc- 
tive sur  cette  même  glosa,  dont  le  second  se  complaît  à  fournir  un 
impeccable  spécimen  i. 

â.  Les  Haupt=  und  Staalsaktionen. 

Lessing  a  traduit  une  partie  du  dialogue  lyrique  en  aparté  entre 
Essex  et  Elisabeth  qui  termine  la  primera  Jornada  et  qui  rappelle 
assez  bizarrement  —  comme  d'ailleurs  plusieurs  autres  parties  du 
Conde  —  le  second  acte  de  ce  chef-d'œuvre  unique  de  Torres  Naharro  : 
la  Himenea^. 

«  Ist  das  nicht  eine  sonderbare  Art  von  Unterhaltung?  »  s'écrie-t-il  avec 
une  étrange  ingénuité  (puisque  ce  genre  de  dialogue  est  si  fréquent  dans  la 
Comedia).  «  Sie  reden  mit  einander  und  reden  auch  nicht  mit  einander.  Der 
eine  hôrt,  was  der  andere  nicht  sagt,  und  antwortet  auf  das,  was  er  nicht 
gehôrt  hat.  Sie  nehmen  einander  die  Worte  nicht  aus  dem  Munde,  sondern 
aus  der  Seele.  Man  sage  jedoch  nicht,  dass  man  ein  Spanier  seyn  muss,  um 
an  solchen  unnatûrlichen  Kûnstlereyen  Geschmack  zu  finden.  Noch  vor 
einige  dreissig  Jahren  fanden  wir  Deutsche  eben  so  viel  Geschmack  daran; 
denn  unsere  Staats=  und  HeIden=Aktionen  wimmelten  davon,  die  in  allem 
nach  den  spanischen  Mustern  zugeschnitten  waren.  » 

Cet  aveu  de  Lessing  fournirait,  s'il  en  était  besoin  encore,  la  meil- 
leure et  l'irréfutable  preuve  qu'il  est  dans  la  plus  complète  ignorance 
de  la  véritable  nature  de  la  Comedia.  Nous  avons  vu  plus  haut,  par  le 
passage  de  Nicolai,  qu'il  possédait  une  collection  de  pièces  à  grand 
spectacle  ayant  appartenu  à  la  célèbre  actrice  Caroline  Neuber,  qu'il 
avait  pu,  par  conséquent,  les  étudier  à  l'aise.  Pour  qu'il  identifie  ces 
productions  hybrides  —  le  plus  souvent  déjà  remaniements  étrangers, 
surtout  anglais,  hollandais  et  italiens  —  de  la  fin  du  xvii'  siècle  et  des 
quarante  premières  arinées  du  xviu"  siècle  allemands  avec  la  Comedia 
espagnole,  il  faut  qu'il  ait  de  celle-ci  une  conception  si  inexacte  que 
l'on  est  en  droit  d'afïîrmer  en  toute  loyauté  critique  qu'il  n'en  connut, 

1.  M.  \,  5o,  LessiDg  désignera  bien  de  leur  appellation  métrique  exacte  les  4  vers 
que  chante  Irène  :  «  Sie  singt  eine  Redondilla,  ein  kleines  Lied  von  vier  Zeilen...  » 
Mais  l'expression  est  dans  le  texte  même  du  Conde  de  Sex  : 

Reina  ;  Que  bien  dice  !  Es  extramada 
la  redondilla... 

La  définition  que  donne  Lessing  de  la  redondilla  est,  d'ailleurs,  si  peu  compromet- 
tante qu'elle  peut  fort  bien  avoir  été  faite  sur  l'exemple  qu'il  en  a  trouvé  dans  le  Conde. 
Bense-Dupuis  discutait  longuement  (p.  3o0-324)  et  donnait  des  exemples  très  divers 
des  Bedondillas  de  Arte  Mayor,  des  Redondillas  menores  et  des  Redondillas  mayores  avec 
leurs  subdivisions.  Voilà  un  passage  qu'aurait  bien  fait  de  lire,  comme,  d'ailleurs, 
tout  le  livre,  le  Dr.  Erich  Walter  {Ad.  Fr.  Graf  von  Schack  als  Uebersetzer  [t.  X  des 
Breslauer  Beitrdge  :ur  Litgsch.  Lpzg.,  1907]),  qui  nous  révèle,  p.  /I9,  que  la  redondilla 
est  la  seule  forme  poétique  en  trochées  rimes  que  connaisse  la  langue  castillane. 

2.  Réimp.  ub.  supr.,  t.  Il  de  lu  Propnladia,  précéd.  d'un  proli)gwe<''riiilil  de  M,  Mt- 
néndez  Y  Pelavo. 


222       CONTRIBUTIONS    A    I.  i:  1  UDE    DE    I.  HISPANISME    DE    O.    E.    LESSINO 

outre  le  Conde  de  Sex,  découvert  par  hasard,  que  quelques  spécimens 
du  genre  de  ceux  qu'il  a  essayé  maladroitement  de  rendre  en  sa  langue, 
et  que  cette  collection  que,  dans  sa  lettre  à  Dieze,  il  dit  avoir 
réunie  à  Hambourg,  fut  le  fruit  d'un  caprice  d'amateur  de  Kabinets- 
stiicke  et  de  curiosités  bibliographiques  i .  Mais  que  songer  de  la  méthode 
hispanique  de  Lessing  s'il  appert  que  sa  plume  n'est  qu'indirecte- 
ment responsable  de  cette  nouvelle  hérésie?  11  s'est  borné  ici,  en 
effet,  comme  en  tant  d'autres  circonstances,  à  prendre  dans  autrui  un 
renseignement  que  son  ignorance  ne  lui  a  pas  permis  de  contrôler,  ce 
qui  ne  rend  celle-ci  que  plus  humiliante.  L'année  avant  qu'il  formulât 
cette  malencontreuse  assertion  dans  la  Dramaturgie,  le  directeur  de 
l'éphémère  Nationaltheater  hambourgeois  avait  publié  sous  le  titre  : 
Geschichte  des  deiilschen  Theaters,  von  Joh.  Friedrich  Lôwen,  quelques 
pages  superficielles,  sans  valeur  de  recherche  originale  et  patiente, 
mais  que  l'on  peut,  toutefois,  qualifier  de  premier  essai  d'une  histoire 
du  Théâtre  Allemand.  Cette  dissertation,  insérée  au  t.  IV (1766,  p.  1-76) 
des  Schriften  de  Lôwen  parues  à  Hambourg,  a  été,  de  nos  jours,  ren- 
due plus  aisément  accessible  grâce  à  sa  réimpression,  par  H.  Stûmcke, 
au  n°  8  (Berlin,  1900)  des  Neudrucke  literarhistorischer  Seltenheiten 
de  F.  von  Zobeltitz.  C'est  à  la  p.  i5  de  cette  réimpression  que  se  lit  le 
passage  qui  a  induit  en  une  si  pitoyable  erreur  la  candeur  hispanique 
de  Lessing  : 

«Die  ernstliaften  Stûcke,  welche  Veltheim  spielte^,  waren  spanische 
geradebreclite  Uebersetzungen,  die  unter  dem  lacherliclien  Titel  der  Haupt  = 
und  Staatsaktionen  die  Stelle  des  Trauerspiels  verlraten.  Die  Folgen  sind 
bekannt,  die  sicli  daher  iiber  die  Dichtkunst  der  Deutschen,  und  ùber  ihre 
ganze  Schreibart  verbreitet  haben.  Der  Lohensteinisclie  Schwulst  und  aile 
die  in  dem  Geschmack  der  Asiatischen  Banise  3  geschriebene  Bûcher,  sind 
die  Frûchte  davon  gewesen.  Ein  gewisser  aIbern=hochtrabender  Styl,  mit 


1.  On  sait  d'ailleurs  qu'il  n'est  pas  d'hommes  qui  lisent  moins  leurs  propres  livres 
que  certains  bibliophiles,  lesquels  poursuivent  «  avidement  l'exotique  et  l'étranger, 
renvoyant  la  jouissance  de  ce  qu'ils  possèdent  en  toute  certitude  à  leurs  heures  libres, 
que  cette  chasse  recule  sans  cesse  ».  Ces  paroles  émanf^nt  du  grand  érudit  juif, 
le  D'  Moritz  Steinschneider  (-f-  1907),  bibliographe  par  excellence  et  aussi  un  peu  bi- 
bliophile. [Cat.  der  hebr.  Handschr.  in  der  StadtUbl.  :u  Hambtirg,  etc.  Hmbg.  1878,  p.  x.| 
Les  amateurs  de  curiosités  littéraires  pourront  lire  à  ce  propos  —  et  pour  me  borner 
à  deux  œuvres  du  xviii'  siècle  allemand —  Joh.  Jac.  Rohde:  Diss.  de  eruditoriim  niinio 
libros  coemendi  congerendique  studio  (Rcgiom.  1716,  in-4)  et  Joh.  Friedr.  Reitz  :  Orutio 
de  biblioinania  (Traj.  ad  Rhcn.  1789,  in-4). 

2.  A  Hambourg,  vers  1G92.  Sur  Veltheim  (Johannes  Velten),  cf.  la  thèse  de  doc- 
torat de  M.  Cari  Heine  (Halle,  1S87,  60  p.  in-8),  d'ailleurs  superficielle,  et  dont 
quelques  erreurs  ont  été  corrigées  par  l'auteur  dans  les  92  pages  dédiées  deux  ans 
plus  tard  aux  Haupt=  und  Staatsaktionen. 

3.  Le  fameux  roman  de  H.  Anshelm  von  Ziegler  :  Die  Asiatische  Banise,  Oder  Bas 
blutig  —  Doch  muthige  Pegu  (1G89),  en  était,  en  1766,  à  sa  lo"*  édition,  et  ceux  qui 
sont  familiers  avec  la  vie  de  Goethe  se  rappelleront  que  le  Cruel  Usurpat-ur 
Chaumigrem  constituait,  dans  son  enfance,  l'une  des  principales  figures  de  son  théâtre 
de  marionnettes. 


LA    .NATURE    ET    LES    SOURCES    UE    LUrSPAMSiME    HE    LESSING  223 

falschem  und  schiefem  Witz  untermischt,  Avar  die  einzige  Schônhcit,  aul'die 
man  sich  damais  befliss  ;  und  man  wird  keine  Haupt=  und  Staatsaktiou 
lesen,  wo  nicht  dieser  Bombast  auf  die  laclierlichste  Art  angebraclit  ist.  Die 
damaligen  Comôdianten  spielten  ein  Slûck  :  Prinz  Pickelhering,  das  ver- 
muthlich  auch  aus  dem  Spanischen  entlehnet  ist.  In  diesem  Pickelhering 
scheinet  der  Verfasser  aile  andere  schwûlstigen  Stûcke  geplûndcrt  zu 
haben,  und  es  ist  ein  reichesMagazin  des  abgeschmackten  Hochtrabenden...  >> 

A  ce  passage,  Lôwen  avait  ajouté  cette  précieuse  note  : 

«  Die  spanischen  Stûcke  sind  Avohl  ohnstreitig,  wenn  man  den  iiltesten 
Nachrichten,  die  ich  nur  habc  auftreiben  kônnen,  und  dem  Herrn  Professer 
Gottsched,  in  seinem  mit  vieler  Genauigkeit  entAvorfenen  Register  der  dra- 
matischen  Dichlkunst,  glauben  kann,  zuerst  auf  unserm  Theater  ûbersetzt, 
und  als  tragische  Stûcke  gespielet  worden.  Freylich  war  es  keine  wôrtliche 
Uebersetzung  :  man  flickte  gemeiniglich  eine  lustige  Person  mit  ein  :  und 
je  mehr  listige  Streiche  dièse  Person  spielen  konnte,  desto  vorzûglicher  war 
das  Stûck.  Wie  ait  die  Gewohnheit  aus  dem  Spanischen  zu  ûbersetzen  sey, 
kann  man  aus  einem  i52o  zu  Augspurg  gedruckten  Stûcke  sehen.  » 

Suivait  le  titre,  d'ailleurs  incomplètement  transcrit,  de  la  traduction 
allemande  sur  une  version  italienne  (vraisemblablement  celle  de 
Venise,  i5i5)  de  cette  prétendue  u  comédie  espagnole  »  —  la  Celesiiiia 
—  par  Christof  Wirsungi.  Ce  titre  provenait  du  Nôthiger  Vorraih  du 
chef  de  l'école  classique  allemande".  C'est  dans  cette  excellente  com- 

I.  Je  m'étends  un  peu  sur  la  Celestina  de  Wirsung  parce  que  les  détails  que 
je  donne  sont  neufs,  bien  que  la  question  de  cette  traduction  allemande  et  de  ses 
rapports  avec  la  Celestina  ait  été  très  consciencieusement  étudiée  dans  la  thèse  de 
doctorat  pour  Halle  de  M.  \V.  Fehse  :  Christof  IVirsunijs  deiitscke  dlestinaûbersetziingen 
(Halle,  1902,  in-8  de  78  pp.).  L'auteur  a  fort  à  propos  relevé  deux  afïirmations 
risquées  de  MM.  Menéndez  y  Pelayo  et  A.  Farinelli,  p.  4,  note  4,  à  propos  de  cette 
traduction,  laquelle,  signalée  par  Gottsched,  puis  Lowen,  puis  Panzer  [Annalen.  der 
àltern  deutschen  Literatnr,  etc.  (Nùrnberg,  1788,  in-/i),  p.  445  (après  que,  bien  avant 
ceux-ci,  Melchior  Adam  l'avait  notée  p.  117  de  l'éd.  de  Francfort,  1705,  des  Vitae 
germanorum  philosopher um)],  admirée  par  Clemens  Brentano  (cf.  sa  lettre,  non  datée, 
à  L.  Tieck  dans  K.  von  Holtei,  Briefe  an  Ludwig  Ttec/c  [Breslau,  i864],  1,  io6),  n'en 
a  pas  moins  été  deux  fois  <(  découverte  »  au  xix°  siècle  :  la  première  par  F.  VVolf 
{Studien,  etc.  [Berlin  1809]  p.  3oo,  note  a),  le  seconde  par  L  Gonzalez  Agejas  (£spa/ia 
Moderna,  juillet  1894,  p.  84-io3.)  Enfin,  M.  Fitzniaurice-Kelly  l'a  datée  1620  (on  sait 
qu'elle  eut  une  seconde  édition  corrigée  par  l'auteur  en  i534)  dans  la  Pevistu  crit.  de 
hist.  y  lit.  esp.,  etc.,  t.  1,  p.  71.  La  Stadtbibliotkck  de  Hambourg  possède  un  exemplaire 
de  la  I"  éd.,  i52o.  11  est  tout  à  fait  regrettable  que  l'on  n'ait  point  encore  songé  à  en 
reproduire,  pour  une  traduction  allemande  moderne  de  la  Celestina,  les  28  remar- 
quables gravures  sur  bois  et  le  frontispice.  Dès  1767,  cependant,  Gottsched  écrivait, 
à  propos  de  l'originalité  typographique  de  cette  édition  :  «  In  der  deutschen  Ueber- 
setzung sind  Holzschnitte,  den  Inlialt  der  meisten  Aufzûge  vorzustellen;  darunter 
einige  zienilicli  freye  und  ûppige  Stellungen  der  Personen  darbiethen.  Caspar  Barth 
scheint  dièse  bundert  Jahre  altère  deutsche  Uebersetzung  nicht  gekannt  zu  haben. 
[Gottsched  a  précédemment  décrit  la  traduction  latine  de  Barth.]  Sic  hat  sonst  da^ 
Sonderbare  an  sich,  dass  sie  mit  einer  besondern  Schrift  gedruckt  ist,  die  eine 
Nachahmung  derjenigen  ist,  womit  der  Theuerdank  gedrucket  worden  [dans  la 
première  éd.,  s.  a.,  de  Nùrnberg  (1517)]  ;  auch  solche  Zùge  und  Sclmôrkel  an  vielen 
Buchstaben,  in  den  obersten  und  untersten  Zeilen  zeiget,  aïs  dort  im  Grossen  die 
Verwunderung  der  Léser  und  Buchdruckcr  erweckcn.»  (Xulhiger  lorrath  :ur 
Oeschichle  der  deutschen  dramatischen  Dichtkunsl,  etc.  [Leipzig,  «757],  p.  aa  seq.) 


■22!\       CO.M'HIBUTIONS    A    L  KTUDK    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

pilation,  aujourd'hui  encore  indispensable  et  parue  neuf  ans  avant 
la  mort  de  Gottsched,  que,  sous  la  date  1620,  se  trouve  une  très 
minutieuse  description  —  déparée,  cependant,  par  une  légère  omis- 
sion et  une  grave  confusion  —  de  l'édition  de  loao,  in-4,  de  cette 
traduction,  comparée,  en  outre,  à  la  version  latine  de  Gaspar  Barth 
(Francfort,  1624,  in-8).  C'est  donc  —  par  le  canal  de  Lôwen  —  à 
l'homme  à  l'endroit  duquel  il  fut  si  injuste  et  dont  la  renommée  est 
enfin  réhabilitée,  que  Lessing  est  redevable  de  la  grossière  confusion  si 
caractéristique,  répétons-le,  du  degré  de  son  hispanisme.  La  carrière 
littéraire  des  plus  avérés  talents  a,  au  surplus,  de  telles  surprises.  Que 
ne  consultait-il,  cependant,  l'abbé  Goujet?  11  y  eût  lu,  t.  Vlll,  p.  i63, 
sur  la  Célestine,  qu'on  ne  pouvait  «  la  regarder  proprement  ni  comme 
une  tragédie,  ni  comme  une  tragi-comédie,  quoiqu'elle  porte  ce  dernier 
titre.  C'est  plutôt  un  roman  en  dialogue  i.  »  Bien  que  cette  nouvelle 
dramatique,  sans  avoir  été,  dans  l'intention  de  son  auteur,  destinée  à 
la  scène,  —  mais  bien,  peut-être,  à  la  récitation  —  représente  en 
réalité  la  première  pousse  d'un  arbre  qui  devait  si  luxurieusement 
prospérer  en  terre  espagnole,  le  jugement  de  Goujet  n'était  pas  si 
dépourvu  de  bon  sens.  Lessing  eût  gagné  à  l'adopter,  d'autant  plus 
que  l'erreur  de  Low^en,  désormais  incarnée  dans  l'assertion  du  cri- 
tique de  la  Dramatargie,  a  été  perpétuée  jusqu'à  la  fin  du  xix^  siècle 
par  des  auteurs  allemands  généralement  estimés.  Point  n'est  ici  le 
lieu  d'en  dresser  une  liste  complète.  Bornons-nous  à  noter  que  Flôgel 
la  reçoit  en  ces  termes,  et  déjà  par  un  intermédiaire,  qu'il  désigne, 
d'ailleurs,  assez  vaguement,  le  «  Taschenbuch  [c'est-à-dire  celui  que 
n.  A.  0.  Reichardt  publia,  de  1776  à  1800,  à  Gotha]  fur  die  Schau- 
biihne,  in  der  Geschichle  der  deiilschen  Biihne  »,  dans  son  ouvrage  fort 
laborieux  et  déjà  cité,  la  Geschichle  der  komischen  Litteratur,  paru 
en  quatre  Parties  de  1784  à  1787,  IV,  819:  «  Er  [Veltheim]  brachte 
die  Haupt  =  und  Staatsactionen  in  Schwung,  welches  gemeiniglich 
schlechte  Uebersetzungen  aus  dem  Spanischen  waren,  die  von 
Schwulst  und  Unsinn  strotzten.  Es  ist  uns  davon  ein  Beispiel  im 
Prinz  Pickelhering ,  einem  damais  berûhmten  Schauspiel  ubrig 
geblieben.  »  En  1788,  une  analogue  assertion  réapparaît  dans  la  con- 
tinuation de  cet  ouvrage,  achevée  d'imprimer  après  la  mort  de  l'auteur, 
la  Geschichle  des  Groteskkomischen,  p.  ii5.  Cette  fois  encore,  Flôgel 
cite  sa  source  :  «  Chronologie  des  deulschen  Theaters,  62.  »  Or,  comme 
cette  œuvre,  qui  est  de  Ch.  Heinrich  Schmid,  avait  paru  en  1775, 

!.  Gottsched  formulait  de  la  sorte  son  jugement  sur  la  Celestina:  «  So  viel  sieht 
man,  dass  der  spanische  Verfasser  die  Regeln  der  Schaubûhne  eben  so  schlecht, 
aïs  unser  Hanns  Sachs  gekannt  hat;  ob  er  gleich  unstreitig  viel  gelehrter  gewesen, 
als  dieser.  »  L'erreur  de  Gottsched,  qui  prend  la  Celestina  pour  une  œuvre  théâtrale, 
est  en  somme  excusable.  Mais  elle  ne  l'est  plus  du  tout  de  la  part  de  Schrôter  et 
Thiele,  qui  la  définissent  «  eine  spanische  Tragôdie».  (Hamburgische  Dramaluijie 
[Halle,  1877],  p.  30i,  note  à  la  p.  3Go.) 


LA    .NATLRE    ET    LES    bOUKGES    DE    L  UISI'A.MSME    DE    LESSING  -220 

in-8,  à  Leipzig,  nous  voyons  combien  l'assertion  de  Lôwen  avait,  en 
si  peu  de  temps,  trouvé  d'échos".  En  1808,  Eichhorn  la  réédite  au 
t,  IV,  2""°  section,  de  sa  Geschichte  der  Litteratur  von  ihrem  An/ange 
bis  auf  die  neiiesten  Zeiten  (Gotlingen,  1808,  p.  gbb)  :  «Die  Trauer- 
spiele,  welche  unter  dem  prunkenden  Titel  der  Haupt=  und  Staatsac- 
tionen  gegeben  wurden,  waren  meistens  Uebersetzungen  aus  dem 
Spanischen.  »  X  son  tour,  Schack  lui-même  en  est  contaminé,  Ge- 
schichte, etc.,  III,  453:  «  Vornamlich  machten  sich  wohl  die  soge- 
nannten  «  Haupt=  und  Staatsaktionen  »,  die  zuerst  durch  den  Magister 
Veltheim,  einen  mit  den  neueren  Sprachen  sehr  vertrauten  Mann,  in 
SchAvung  kamen,  die  spanischen  Erfindungen  zu  Nutze...  »  Un  an 
après,  R.  E.  Prutz,  s'élevant,  avec  preuves  à  l'appui,  contre  une 
erreur  qui  se  copie  d'un  manuel  à  l'autre,  démontre  que  l'opinion  de 
Lôwen  «  hat  sich...  durch  sâmmtliche  Theater-Chroniken,  Ralender 
u.  s.  w.  bis  hinein  in  die  JVlehrzahl  unsrer  Literaturgeschichten 
verwebt))2.  Peine  inutile,  car,  en  i853,  l'indéracinable  légende  s'épa- 
nouit de  plus  belle  dans  le  Lessing  de  Danzel  et  Guhrauer(ll*,  p.  207). 
Neuf  années  plus  tard,  Fr.  W.  Ebeling,  publiant  une  édition  complè- 
tement refondue  et  mise  à  jour  de  la  Geschichte  des  Grotesktwmischen 
(Leipzig,  1862),  la  reprend  en  ces  termes  :  «  Wie  durch  Nachahmung 
des  spanischen  Theaters  in  Italien  die  Schaubiihne  in  Verfall  gerieth, 
so  wurden  auch  in  Deutschland  die  sogenannten  Haupt=  und  Staatsak- 
tionen statt  der  Trauerspiele  durch  Nachahmung  desselben  einge- 
fiihrt,  wodurch  die  Vervollkomnung  der  deutschen  Schauspiele  sehr 
verzôgert  wurde.  »  (P.  i83.)  En  1877,  nouvel  effort  de  Schrôler  et  Thiele 
(dont  on  sait  que  l'ouvrage  a  eu  une  considérable  diffusion,  comme  le 
prouvent  ses  rééditions)  pour  l'extirper  (Hamb.  Drarnat.  etc.,  p.  360, 
note  1).  Mais  il  nous  était  réservé  de  la  retrouver  en  toute  sa  splendeur 
antique  dans  la  réédition  de  Danzel-Guhrauer  par  Maltzahn-Boxberger. 
Même,  les  deux  grands-prêtres  de  l'hispanophilie  lessinguienne  l'ont 
aggravée  d'une  surenchère.  Ne  reprochent-ils  pas  (II,  189)  à  Schack 
d'avoir  cité  comme  son  autorité  dans  le  passage  transcrit  plus  haut... 
Flôgel  et  non  Lessing?  Sic  vos  non  vobis  mellificatis,  apes... 


1768-1775.  Les  Collectanea. 

Les  Collectanea,  notes  posthumes  d'érudition  rédigées  par  Lessing 
de  1768  à  1 774-1775  (?),  contiennent  plusieurs  articles  ayant  trait,  soit 

1.  H.  Stûmcke  (op.  cit.,  p.  xxxv)  dit  de  l'ouvrage  de  Schmid  :  «  Trotz  aller  seiner 
Mângel  istderersteVersuch  einer  deutschen  Theatergebchichte  nicht  nur  von  Lôwens 
unmiltelbarem  Nachfolger,  Christian  Heinrich  Schmid,  sondern  auch  von  manchem 
andern  in  der  Folgezeit,  scltener  unter  Quellenangabe  benutzt  und  ausgesrhriehen 
worden  ». 

2.  Vorlesunyen  iiber  die  Geschichte  des  deutschen  Theaters  (Berlin,  1847),  p.  igi- 


a 2 6       CONTRIBUTIONS    A    L 'ÉTUDE    DE    l'hISPA.MSME    DE    G.    E.     LESS1>G 

directement,  soit  indirectement,  à  la  péninsule  ibérique.  Nous  les  passe- 
rons en  revue  dans  l'ordre  de  publication  adopté  par  M.  Muncker. 


a)  Christoval  Acosta. 

{M.  \\,  l'ii.) 

Lessing  écrit  sous  ce  chef  : 

«  Begab  sich  nicht  allein  \n  die  Einsamkeit  :  sondern  schrieb  auch  eincn 
Tractât  de  la  vita  solitaria,  sp.  welcher  nebst  einigen  andern  theologischen 
Dingen  von  ihm  zu  Venedig  1592.  gedruckt  worden  (19.  i.  Ethic.  4°)  '•  » 

Ceci,  et  M.  Muncker  eût  pu  le  dire  en  note,  n'est  qu'une  correction 
au  Jôcher,  1,  68  : 

«  ACOSTA  fChristophorus),  aus  Africa  bùrtig,  batte  einen  Portugiesen  zum 
Vater.  Er  traclirete  die  Medizin.  und  that  eine  Reise  in  Asien  und  Africa, 
wobey  er  zwar  gefangen,  und  als  ein  Sclave  tractiret  ^vurde,  iedeniioch  in 
Erlernung  der  Kriiuter  nach  Verlangen  zunehmen  konntc.  Hierauf  begab  er 
sich  nacli  Spanien,  practicirtc  zu  Burgos,  gab  1578  trattado  de  las  drogas  y 
medicinas  de  las  Indias,  heraus,  welches  Carolus  Ckisius  hernach  ins  Latei- 
nische  ûbcrsetzet,  und  lôgS  unter  dem  Titel  :  historia  aromatum  et  medica- 
mentorum  in  India  orientait  nascentium  zu  Antwerpen  in  8  edirt  bat;  verfer- 
tigte  aucb  nebst  andern  Bûchern,  cine  Reise=Beschreibung  von  Indien. 
Endlicb  erweblte  er  die  Einsamkeit,  worinne  er  gestorben. 

Li[nden  (van  der)  :  de  scriptoribus  medicis]  An\..[onii  bibl.  hisp.]  » 

En  admettant  que  Lessing  ait  «  découvert  »  le  traité  de  la  vida  solitaria, 
—  qu'il  orthographie  vita^,  —  le  dédaigneux  «  nebst  einigen  andern  theo- 
logischen Dingen  »  prouverait  qu'il  ne  s'est  guère  soucié  d'en  connaître 
le  contenu,  et,  en  tout  cas,  est  apte  à  produire  l'équivoque  qu'il  s'agi- 
rait ici  de  traités  Iheologiques  édités  séparément,  l'an  iSga,  à  Venise. 
Que  ne  se  reportait-il  simplement  à  Nie.  Antonio,  s'il  lui  déplaisait  de 
feuilleter  l'ouvrage  espagnol?  Il  y  eût  trouvé,  transcrit  plus  correcte- 
ment, le  titre,  qu'il  estropie,  des  mélanges  d'Acosta  :  I,  242,  art.  Chris- 
tophorus  da  Costa  : 

« Miscella  etiam  alla  edidit,  nempe  :  Tratado  en  contra,  y  pro  de  la  vida 

solitaria  :  con  otros  dos  Tratados;  uno  de  la  Religion,  y  religioso;  otro  contra 
los  hombres  que  mal  viven.  Venetiis,  lôga.  in-4.  apud  Jacobum  Gornetti  3.  » 

1.  Cette  dernière  indication  représente  vraisemblablement  la  cote  de  l'ouvrage  à 
la  Bibliothèque  de  Wolfenbiittel.  Le  sp.  précédent  signifie  Siianisch. 

2.  Boxberger  a,  comme  de  coutume,  corrigé  sans  mot  dire  dans  son  édition,  mais 
M.  Muncker  a  rétabli  la  graphie  du  ms.  des  Collectanea. 

3.  Le  litre  complet  de  l'ouvrage  (Bibl.  ^l'at.:  li.  6,2U6)  est.  :  Tratado  |  en  contra,  y 
pro  I  de  la  vida  solitaria.  \  Con  otros  dos  tratados,  \  Vno  de  la  Religion,  y  Religioso.  |  Olro 
contra  los  fiombres  que  mal  viuen.  |  Llenos  de  mucha  Doctrina,  v  exemplos.  \  Dirigidos  al 
Rey  Don  Phelippe  |  nuestro  Sehor,  |  Por  Christoval  |  Acosta  Affricano.  Aluderuièru  page, 


L.V    MATURE    ET    LES    SOURCES    DE    1.  HISPANISME    DE    I-ESSIING  237 

b)  Nonnius  Acosta. 

(31.  XV,  i3i.) 

«  Ein  andrer  als  der  Angefùhrte,  war  ein  Portugiese  von  Geburt,  liess 
aber  Patavii  1694  einen  Tractât  de  qaadruplici  hominis  ortu  drucken,  in-4'" 
(32.  5.  Ph.  4.)-  * 

Autre  correction  au  Jôcher,  qui  ne  connaît  pas  d'écrivain  portugais 
du  nom  d'Acosta,  mais  seulement  (i,  69)  un  juriste  italien  : 

«  ACOSTA  f.Vomu'usj,  einitalienischerIGtus  in  der  Mittedesvorigen  Seculi, 
schrieb  de  privilegiis  credilorum,  wclcher  Tractât  1661  zu  Rom  und  1670  zu 
Genf  in  fol.  gedruckt  worden.  » 

Pourquoi  Lessing  transcrit-il  si  incomplètement  le  titre  de  ce  volume, 
également  «découvert  »  à  Wolfenbûttel?  Pourquoi  ne  renvoie-t-il  pas, 
puisqu'il  ignore  l'existence  de  Barbosa  Machadoi,  à  Nie.  Antonio 
(II,  i56): 

«NONNIUS  DA  COSTA,  Lusitanus,  medicusDoctor,scripsit:  De Quarfrup/tci 
hominis.  ortu  et  de  Re  Medica.  Patavii  apud  Laurentium  Pasqualuin  i5g4. 
in-4.  Joannes  Antonides  van  der  Linden  duo  ex  hoc  uno  opère  l'acit.  » 

c)  «  Baukunst.  » 

{M.  XV,   i53.) 

A  propos  des  palais  de  Motezuma,  Lessing  transcrit  un  passage  de 
V AUgemeine  Historié  der  Reisen  zu  Wasser  und  :u  Lande,  etc.,  t.  i3 
(Leipzig,  1755)  : 

«  Dass  die  Baukunst,  •>  écrit-il,  «  auch  LeWenschaften  erregen  kônnc  :  ein 
Exempel  aus  dcm  XIII.  Bande  der  Allgemeinen  Reisen  fsicj,  p.  463  : 

Unter  allen  Pallâsten  des  Kaysers  Montezuma,  in  Mexico,  setzte  die  Spa- 
nier  keiner  in  ein  so  grosses  Erstaunen,  als  ein  gewisses  weitlauftiges  Gebâude, 
das  den  Namen  des  Trauerhauses  trug.  An  diesen  Ort  begab  sich  der  Kayser, 

il  porte  cette  date  :  «  Desta  S.  Casa  y  pena  Tyrses,  15  de  Iulio  de  87...  Doctor  Chrisloual 
.Acosta,  Ajfricano.  »  La  vida  solitaria  va  jusqu'à  la  p.  iliG,  le  tratado  de  la  religion  est 
p.  147- au,  et  la  Collacion  \  a  los  \  Mohatreros,  |  usureros,  |  aparceros,  Iralanles,  |  .y 
seducadores  va  de  la  p.  212  à  la  p.  280.  —  Il  y  avait  aussi  un  article  bibliographique 
sur  cet  auteur  dans  la  Bibl.  Lusit.  (Christovain  da  Costa,  I,  572). 

i.  Dont  l'article  sur  le  médecin  Nuno  da  Costa  était  un  peu  plus  détaillé  que 
celui  d'A.ntonio  (Bibl.  Lus.,  III,  5oi).  Signalons  ici,  à  propos  de  la  Bibl.  Lus.,  une 
fable  propagée  par  Ticknor  et  docilement  acceptée  par  ses  traducteurs  allemand, 
espagnols  —  l'un  de  ceux-ci  était  comme  on  sait,  l'érudit  Gayangos  (III,  ioi)  —  et 
français,  à  savoir  (Ticknor-Julius,  11,  289,  note)  qu' «  une  grande  partie  de  lédilion 
des  trois  premiers  volumes  [le  quatrième  parut  dix-huit  ans  après  le  premier,  en  1759] 
de  la  B.  L.  a  été  consumée  par  l'incendie  consécutif  au  tremblement  de  terre  de 
Lisbonne,  en  17.Î5I  » 

c.     PITOLLET.  ''' 


228       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

wenn  er  eine  Gemahlin  oder  einen  Anvei'wandten,  den  er  werth  geschiitzt 
halte,  verlor,  ingleichen  wenn  irgend  eine  allgemeine  Landplage  ein 
ôfFentliches  Merkmal  seiner  Betrùbniss  oder  seines  Mitleides  erforderte. 
Schon  die  blosse  Einrichtung  dièses  Hauses  war  im  Stande,  einem  jedweden 
eben  die  Empflndung,  welche  der  Kayser  mit  sich  brachte,  einzuflôssen. 
Wànde,  Dach  und  ailes  Geràthe  war  schwarz  und  von  einem  traurigen 
Anblicke.  Die  Fenster  waren  klein.  und  mit  einem  dermassen  engen 
Gitterwerke  vermacht,  dass  dem  Lichte  kaum  einiger  Durchgang  iibrig 
blieb.  In  diesem  fûrchterlichen  Aufenthalte  blieb  er  so  lange,  als  ihm  seine 
Betrùbniss  die  Begierde  nach  Lustbarkeiten  vertrieb.  » 

Il  eût  été  si  simple,  au  lieu  d'alléguer  ce  délayage  pénible  et  lourd, 
d'identifier  l'original  en  citant  le  texte  castillan  du  chroniqueur  des 
Indes,  Antonio  de  Solis  : 

Historia  de  la  conquista  de  Mexico,  etc.. .  escriviala  Don  Antonio  de 
Solis,  etc.  (prem.  éd.,  Madrid,  Villa-Diego,  i684),  libro  III,  cap.  XIV,  p.  243  .• 

«  Casa  del  Lato,  y  la  Tristeza.  Uno  de  los  Edificios,  que  hizo  mayor  nove- 
dad  entre  las  obras  de  Motezuma,  fue  la  Casa,  que  llamavan  de  la  Tristeza, 
donde  solia  retirarse,  quando  se  morian  sus  Parientes,  y  en  otras  ocasiones 
de  calamidad,  ô  mal  sucesso.  que  pidiesse  publica  demonstracion.  Era  de 
horrible  Arquiteclura,  negras  las  Paredes,  los  Techos,  y  los  Adornos,  y 
ténia  un  genero  de  Glaraboyas,  ô  Ventanas  pequenas,  que  davan  penada  la 
luz,  ô  permitian  solamente  la  que  bastava,  para  que  se  viesse  la  obscuridad. 
Formidable  habitacion,  donde  se  ténia  lodo  lo  que  tardava  en  despedir  sus 
quebrantos....  » 

Pour  que  Lessing  croie  devoir  déduire  de  cette  description  que 
((  l'architecture,  elle  aussi,  peut  susciter  des  passions  »,  il  faut  qu'il 
ait  été  induit  en  erreur  par  l'inexactitude  du  texte  qu'il  a  sous  les 
yeux,  et  qui  ne  rend  pas,  précisément,  le  passage  essentiel  de 
l'original.  L'architecture  d'un  palais  qui  se  borne  à  faire  «  voir 
l'obscurité  »,  pour  employer  l'expression  de  Solis,  ne  semble  pas 
avoir  eu  pour  but  à'engendaer  des  passions,  mais  d'entretenir  une 
affection  psychique ,  —  la  tristesse,  —  en  enlevant  aux  yeux  tout  élément 
de  distraction,  toute  forme  extérieure  susceptible  de  dissiper  la 
concentration  sentimentale.  Lessing  a  donc  mal  choisi  son  exemple, 
et,  en  tout  cas,  n'a  pas  su  le  prendre  à  sa  source,  ce  qu'il  nous 
importail  surtout  de  constater. 

d)  Zebratana. 

{M.   XV,   lOa.) 

Ceci  est  un  essai  d'étymologie  castillane.  A  l'article  Sarbacane, 
Lessing  écrit  : 

«  Von  dem  Ital.  Ciarbottana  ist  das  Franz.  Sarbatane  oder  Sarbacane  und 
iiichl   von  dem  Sp.  Zebratana  wie  Frisch  sagl.  Von   welchem   spanischen 


I 


LA    .\ATURE    ET    LES    SOURCES    DE    I,  HISFAMSME    DE    LESSI.NG  '22^ 

Worte  auch  der  Covarrubias  nachzusehen,  der  es  von  Terebratana  herleitet, 
andre  aber  ans  dem  Arabischen.  » 

Lessing  se  garde,  comme  il  lui  arrive  tant  de  fois,  de  citer  sa  vraie 
source.  Ménage  :  Dictionnaire  étymologique,  etc.  (Nouv.  édit.,  Paris, 
1694,  in-fol.),  p.  654  :  SARBACANE.  SARBATANE  ou  cerbotane.  Le 
polyhistorien  français  y  explique  d'abord  pourquoi  il  avait  cru  primi- 
tivement I  que  l'italien  cerboltana  était  fait  sur  Carpi,  puis  comment 
il  avait  admis  l'origine  sambuca,  et  même  sambucus^,  pour  déclarer 
finalement  qu'il  a  vu  dans  Du  Gange  et  Meursius  que  les  Hellènes 
modernes  appellent  çapêoTavY)  l'instrument  en  question,  raison  qui 
avait  amené  le  célèbre  philologue  d'Amiens  à  proposer  l'étymologie 
grecque.  Mais,  ajoute  Ménage,  «  peut-être  que  ce  mot  grec  a  été  fait 
de  l'Italien  cerbotana.  J'oubliois  à  remarquer  que  les  Espagnols  disent 
cebratana.  Voyez  Covarruvias.  »  La  note  de  l'auteur  des  Collectanea  n'a 
donc  pas,  on  l'avouera,  le  mérite  de  la  nouveauté,  sauf  pour  ce  qui  est 
de  la  variante  de  son  invention  :  ciarbottana,  et  de  l'affirmation  tran- 
chante. Lessing  pourrait  avoir  lié  connaissance  avec  les  ouvrages  phi- 
lologiques de  Ménage  lors  de  sa  traduction,  à  la  deuxième  partie  de  la 
Theatralische  Bibliolhek,  de  l'Histoire  du  Théâtre  Italien,  etc.  (t.  I, 
Paris,  Ghaubert,  1727)  de  Luigi  Riccoboni.  Gelui-ci,  au  chapitre  II  de 
ce  superficiel  travail,  cependant  tant  de  fois  pillé  :  De  la  signification 
du  mot  ZANNI  et  de  l'origine  de  la  Comédie  Italienne  (p.  7-20), 
défendait  l'étymologie  latine  Sannio  du  vocable  Zanni  et  s'en  prenait 
à  Ménage  —  d'ailleurs  mort  depuis  plus  de  trente  ans  —  qui,  disait-il, 
après  avoir  dérivé  le  vocable  du  grec  (que  Riccoboni  avoue  ne  pas 
entendre)  :  u  Zannos  »,  avait,  sur  une  lettre  «  del  Signor  Garlo  Dati  », 
fait  volte-face  et  adopté  l'étymologie  :  Giovanni,  Gioanni,  Gianni, 
Zanni. 

«  Monsieur  Ménage,  »  ajoutait  le  directeur  des  Comédiens  Italiens,  «  après 
avoir  rapporté  la  lettre  de  Monsieur  Daii  nous  donne  une  citation  Espagnole 
de  Covarruvias  ;  je  ne  la  rapporterai  pas  toute  ici  mais  en  deux  lignes 
seulement...  Le  Covarruvias,  Auteur  Espagnol,  dans  son  trésor  de  la 
langue  Castillane  en  parlant  des  Charlatans  dit:  «y  Acostumbran  a  traer 
con  Sigo  un  Sane  que  es  coino  en  Espana  el  Bobo  Juan  y>,  ce  qui  prouve, 
pour  moi,  que  Covarrubias  est  du  même  avis  que  moi,  puisqu'il  a  écrit 
Sane  et  non  Zane  3 .  » 

1.  Dans  la  première  édition  des  Originî  délia  llngua  italiana  (Parigi,  1669),  p.  360. 

a.  Dans  la  deuxième  édition  des  Origini  {in  Geneva,  i685),  p.  i63. 

3.  Les  dires  de  Riccoboni  ont  besoin  d'être  précisés,  car  il  ne  renvoie  pas  aux 
sources  exactes.  On  eût  aimé  voir  Lessing  entreprendre  cette  besogne,  Il  i'est 
contenté  de  traduire  sans  un  mot  de  son  propre  fonds,  n'a  pas  même  reconstitué 
le  titre  original  du  lexique  de  Covarrubias,  et  s'est  borné  à  rendre  d'après 
Riccoboni  :  Covarruvias,  ein  spanischer  Schriflsteller,  sagt  in  seinem  Kastilianischen 
Sprachschatze,  etc.  En  fait,  c'est  dans  les  Origines  de  la  langue  française  (Paris, 
i65o,  in-4),  p.  764,  que  nous  trouvons  l'indication  suivante,  quelque  peu  obscure  : 
"  Zani.  Histoire  Auguste,  p.  a83.  Adi.  Le  Grec  Totwo;  ou  Ti^âv /o:  a  esté   fait,  comme 


23o       CO'TRinUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

Lessing  eût,  en  vérité,  été  mieux  avisé  en  laissant  tranquille  le 
pauvre  Frisch,  qui  n'avait  point  si  tort  d'avoir  attribué  à  sarbacane 
une  étymologie  qu'admettent,  de  nos  jours,  les  philologues i.  Frisch, 
auteur  d'un  insignifiant  Nouveau  Diccionaire  des  passagers,  etc.^, 
disait  : 

ii  Sarbatane  oder  Sarbacane,  s.  f.  (Hisp.  zebratana)  ein  Blasrohr;  it.  ein 
Sprachrohr,  von  fernem  mit  einem  zu  reden.  » 

Nous  avons  vu  par  quelle  source  Lessing  avait  été  amené  à 
consulter  le  Tesoro.  Il  l'a  fait  de  façon  assez  étourdie,  du  moins 
quant  à  l'une  de  ses  deux  allégations.  Dans  l'édition  de  1611,  on 
lit,  page  266  : 

«  CEBRATANA,  una  vara  larga  hueca,  que  puesta  a  la  boca  tiran  cô  ella 
a  los  pajarillos  con  garuanços,  o  bodoques  pequenos.  Dixose  assi  corrompido 
el  vocablo  de  Terebratana,  a  terebràdo,  por  estar  agugerada,  como  con  un 
barreno  largo.  Ant.  Nebr.  buelue  de  cebratana  cerbatana,  nouum.» 

A  la  segunda  Parte,  page  79,  il  y  a  cette  adjonction  : 

«ZEBRATANA,  vide  CEBRATANA.  Arabigo  zarbatanid,  segun  el  Bro- 
cense.  » 

Lessing,  qui  ignore  l'arabe  et  ne  s'est  documenté,  sur  le  vocable 
espagnol  cebratana,  que  dans  Covarrubias,  parle  de  u  quelques-uns  » , 
qui  seraient  pour  une  dérivation  de  l'arabe.  Affecte-t-il  une  science  vaine, 
ou  commet -il  simplement,  comme  nous  le  disons  ci -dessus,  une 
simple  étourderie?  11  n'avait  pas  le  droit,  à  coup  sûr,  de  multiplier 
de  la  sorte  l'honnête  docteur  d'Extrémadure  qui  eut  la  malchance 
d'éditer  Garcilaso^. 

ie  croy,  du  Latin  sannio.  »  En  lOGg,  à  la  première  édition  des  Origini  délia  lingua 
italiana,  art.  Zani,  Zanni,  buffone,  p.  988,  Ménage,  précisant,  déclare  qu'il  n'a  fait 
que  suivre  l'opinion  de  «  quel  gran  Letterato  Claudio  Salmasio,  sopra  l'istoria 
Augusta  »  en  dérivant  Zani  du  grec-barbare  tîJocwo;,  mais  annonce  qu'il  a  changé 
d'opinion  sur  une  lettre,  qu'il  reproduit,  à  lui  addressée  par  l'académicien  de  la 
Crusca  Carlo  Dati.  Après  quoi,  s'étant  rallié  à  cette  «  verissima  opinione  »,  il  cite, 
en  confirmation  de  sa  thèse,  le  passage  suivant,  qu'il  a  trouvé  dans  le  Tesoro  de 
Covarrubias  :  «  Los  Charlatanes  (die'  egli  alla  voce  Charlatan)  son  cierta  gente,  que 
anda  por  el  mundo  :  por  otro  nombre  dichos:  Saltaenbanchi ;  porque  en  las  plaças 
se  suben  en  cima  de  una  mesa,  y  a  vezes  con  una  guitarra,  o  vihuela  de  arco,  cantan 
alguna  cancion;  y  acostumbran  a  traer  consigo  un  Sane,  que  es  como  en  Espana 
el  Bobo  luan,  y  con  média  mascara,  y  un  vestido  de  lienzo,  dança,  y  tiene  algunos 
dialogos  graciosos  con  su  amo.  »  Cet  article  était  reproduit  dans  l'édition  de  i685 
des  Origini,  p.  igS,  et  nous  le  retrouvons  également  dans  la  réédition  posthume, 
amplifiée,  sous  le  nom  de  Dictionnaire  Etymologique  (Paris,  169^),  des  Origines 
de  i65o,  à  la  page  734. 

1.  Ainsi  Hatzfeld-Darmesteter-Thomas,  Dict.,  s.  v.  Le  vocable  espagnol  dérive 
de  l'arabopersique  (cf.  Eguilaz  y  Yanguas,  Glosario,  etc.,  p.  Sôy).  Zarbatana  est  la 
forme  arabo-espagnole,  au  lieu  de  Zabatana.  Cf.  aussi  le  malais  sumpitan. 

2.  Je  cite  d'après  la  «  nouvelle  édition  »,  Leipzig,  1755,  p.   1797. 

3.  Lessing  cite  de  nouveau  Covarrubias  dans  les  Remarques  à  son  esquisse  du 
jVa</ian  commencé  en  novembre  177S,  pour  substituer  à  son  étymologie  ridicule  de 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPANISME    DE    LESSING  23 1 

e)  Pedro  Zapata. 

(M.  XV,   170.) 

A  l'article  Brusquet,  Lessing  cite  —  en  en  dénaturant  le  nom  — 
le  fou  de  Charles-Quint  : 

«Der  Hofnarr  Kayser  Cari  des  V  hiess  Peter  Zapala.  S.  T.  II.  p.  3  vom 
Roger  Bontems.  » 


aya  :  iyw,  Ttaiôaywyo;,  un  vocable  arabe  :  Daja  (nutrix),  détail  copié  sans  doute 
quelque  part,  puisque,  répétons-le,  il  ignorait  l'arabe.  On  se  souviendra  qu'on 
penche  aujourd'hui  pour  l'étymologie  basque  ayoa  (Diez,  II  b,  p.  428;  Kôrting, 
n°  iii4).  Il  a  réalisé  un  autre  exploit  philologique  en  voulant  ramener  (M.  XV,  i85) 
le  vocable  italien  coglione,  a  so  Avie  das  Franzôsische  couille  »,  à  ((  das  verkûrzte 
Testiculum  »  et  en  confirmant  sa  thèse  par  l'indication  que  «  die  Spanier  sagen 
cojon  fur  couille  oder  couillon;  und  cojiido  fur  rouillard,  qui  a  de  grosses  couillesn, 
érudition  qui  sent  son  Sobrino,  ne  fût-ce  qu'à  cause  de  la  traduction  française  des 
vocables.  Que  ne  s'en  tenait-il,  ici  encore,  à  Ménage,  qui  avait  fort  bien  signalé  dans 
ces  excellentes  Origini,  où,  à  côté  d'hypothèses  risquées,  on  trouve  tant  de  bonnes 
indications,  la  véritable  origine  du  vocable  (qu'a  rétablie  de  nos  jours  Grôber, 
Arch.  fur  lat.  Lexicographie  und  Grammatik,  I  (188/1),  p.  549):  «.Coglia,  borsa  de' 
testicoli.  Da  coleus,  che  val  teslicolo  :, onde  anche  coglione,  che  val  lo  stesso.  » 
(Édit.  de  i685,  p.  176;  édit.  de  1669,  p.  286;  Dict.  étym.,  p.  aSi).  Ou  bien,  faudrait-il 
ne  voir  dans  la  proposition  de  Lessing  qu'un  contresens  du  «  coleus,  che  val  testicolo  » 
de  Ménage  .►'  On  sait  que  coleus  est  la  forme  latine  parallèle  au  vocable  grec  xoXôdç,  et 
qu'il  faut  une  forme  b.  1.  (côlia)  pour  couille.  Pour  en  finir,  enfin,  avec  ces  entreprises 
philologiques  intéressant  l'Espagne,  mentionnons  qu'à  l'article  Myrmidonier  du 
Philologischer  Nachlass,  remarques  remontant  à  des  périodes  fort  diverses,  même 
aux  premières  années  de  Breslau,  Lessing  écrit  {M.  XV,  452),  dans  une  note  (f)  à 
cet  article:  «Dièse  Verwechselungen  dos  l  und  d  sind  den  Franzosen  vvie  den 
Spaniern  und  Italienern  in  den  VVôrtern,  die  sie  von  dem  Lateinischen  und 
Griechischen  geborgt  haben,  ganz  gewôhnlich.  »  Toute  sa  documentation,  il  l'avoue 
cette  fois,  est  prise  dans  Ménage.  Il  a  trouvé  dans  les  Principes  de  l'art  des  Etymologies 
ou  Exemples  de  la  Diverse  Allernation  des  Lettres,  en  tête  de  l'édition  de  1C9/1  du 
Dicc.  Etym.,  la  particularité  qu'il  vient  d'énoncer  : 

«  L  changée  en  D. 

Jtal.  amylum,  amido  etc. 

esp.  monopolium,  monipodio  etc. 

lat.  (xeXEXàv,  meditari  etc. 

gr.  ëXatpo;,  Baçoç.  » 

Avant  Ménage,  d'ailleurs,  Turnèbe  —  que  Lessing  a  utilisé  clans  la  discussion 
étymologique  du  vocable  Myrmidonier  —  avait  dit  (Adversariorum  lomus  primas 
duodecim  libros  conlinens  (Parisiis,  i564),  lib.  III,  cap.  1111,  fol.  46'"):  «  Myrmillo  in 
amphitralib'  spectaculis  Gallica  erat  armatura  :  vox  autem  de  Grajco  defloxa,  ut 
quœ  in  aliud  solum  transplâtata  sunt,  ingenio  loci  &  cœli  mutantur,  leviter  quoque 
mutata  est.  Nam  quôd  ea  armatura  fortissimorum  erat  hominum,  quales  opinione 
hominum  fuerant  antiqui  Myrmidones  Achillis  milites,  &  habebantur  Romanorum 
senlentia  Galli,  Myrmillonesque  de  Graeca  illa  fortissima  natione  appellabàtur  : 
idcirco  gladiatoribus  lioc  nomen  haeserat.  Nam  d  in  l  mutari  Ulysses  perspicue 
ostendit,  qui  csl  Graecè  ôoucraE'j;,  ne  plura  commcmoreni.  Hœc  sic  vcnit  in  mentem 
mihi  inuestigarc  legenti  in  5.  {c.-à-d.  6)  Philippica  :  Etiàmne  ab  hoc  Myrmillone 
Asiatico  senatus  mandata,  legatoru  verba  uuilienlur:'  >• 


23  i       CO^iTRIBUTIONS    A  l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISxME    DE    G.    E.    LESSING 

Boxberger  a  ajouté  à  cette  communication  laconique  la  note 
suivante  [Lessing,  t.  i4,  P-  52]  : 

«  Roger  Bontems  en  belle  humeur,  Col.  1670,  eine  ehemals  beliebte  Schioank- 
sammlung.  » 

Ce  qui  prouve  qu'il  ne  s'était  renseigné  sur  le  volume  où  Lessing 
s'est  documenté  touchant  cet  important  personnage  que  dans  un 
manuel  bibliographique.  En  effet,  l'édition  de  «  Cologne,  1670,  chez 
Pierre  Marteau  »  (Hollande),  formant  un  volume  de  496  pp.  et  4  ff.,  ne 
contient  nullement  l'anecdote  qu'a  lue  Lessing,  lequel  d'ailleurs,  ren- 
voyait à  un  t.  II.  11  s'était  servi  d'une  des  éditions  en  deux  parties  de 
ce  recueil,  que  l'on  réimprimait  encore  en  1797  et  qui  contient  quantité 
de  contes  et  de  bons  mots,  dont  plusieurs  sont  tirés  de  compilations 
antérieures  de  même  nature,  tel,  par  exemple,  le  Facétieux  Réveil- 
Matin.  Dans  la  Nouvelle  Edition,  \  Augmentée  considérablement  \ 
Tome  II  I  A  Cologne,  \  Chez  Pierre  Marteau,  \  Gendre  d'Antoine 
l'Enclume.  \  Imprimé  cette  Année  Présente  —  artifice  sous  lequel  nul 
n'ignore  que  se  déguise  une  édition  de  Hollande  (à  la  Sphère),  —  la 
citation  de  Lessing  ne  se  trouve  pas  p.  3,  mais  p.  4-  C'est  cependant 
p.  3  que  ce  dernier  a  puisé  le  renseignement  relatif  à  Brusquet.  Le 
passage  concernant  Pedro  Zapata  (dont  on  a  vu  qu'il  fait  un  Peter 
Zapala)  est  ainsi  conçu  : 

«  Autre  [Réponse]  d'un  Bouffon. 

L'Empereur  Charles  -  Quint  turlupinoit  un  jour  Pierre  Zapata  son 
bouffon,  croyant  en  tirer  quelque  quoUbet.  J'en  serai  bien-tôt  payé,  dit-il 
àses  Courtisans.  Pas  si-tôt  que  vous  croyez,  Sire,  répondit  le  Bouffon;  car  je 
ne  paye  pas  si  promptement  ceux  qui  sont  si  long-tems  à  payer  les  autres. 
Réponse  qui  parut  d'autant  plus  spirituelle  qu'il  y  avoit  longtems  que  Zapata 
n'avoit  touché  les  deniers  de  sa  pension,  &  les  Officiers  de  la  Cour  ceux  de 
leurs  apointemens.  » 


f)  Isidore  de  Séville. 

(.¥.  XV,  209.) 

A  l'article  Edelsteine,  cette  note  banale  sur  l'encyclopédiste  espagnol 
du  vu"  siècle  de  notre  ère  : 

«  Isidorus  ist  der  Bischof  von  Sevilien,  ein  Scribent  des  7.  Jahrhunderts, 
der  in  s.  Bûche  Originum  vieles  aus  alten  Scribenten  ûbergetragen,  die  zum 
Theil  hernach  verloren  gegangen.  » 

Nous  savons,  par  un  autre  passage  (M.  XV,  aSi),  que  Lessing  n'était 
pas  sans  apprécier  à  sa  valeur  l'un  des  trésors  manuscrits  de  la  si  riche 
bibliothèque  qu'il  administrait,  le  palimpseste  des  Isidori  Origines  s. 
Etymologiarum  libri  XX,  aux  feuillets  255,  256,  27701  280  duquel  sont 


i 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'htSPAMSME    DE    LESSING  a33 

transcrits  des  fragments  de  la  traduction  gothique,  par  Ulfilas,  dé 
l'Epist.  Paul,  ad  Rom.^.  Il  n'est  donc  pas  surprenant  qu'il  le  mentionne 
et  qu'il  dise  même,  dans  les  Briefe  antiquarischen  Inhalts,  I.  Theil 
(il 68)  15.  BrieJ  (M.  X,  276)  : 

«  Man  muss  den   Isidorus  oft  anfûhren,   weil  er    nicht  selten    Bûcher 
gebraucht  hat,  die  hernach  verloren  gegangen.  » 

Il   ne  le  cite,  cependant,  qu'une  fois,  à  l'article  des  CoUectanea  : 
Michael  Scotiis  {M.  XV,  370),  à  propos  des  vocables  cassis  et  galea^. 


g)  Henrique  Ahlers;  le  P.  Antonio  Vieira. 

(M.  XV,  258.) 

Lors  de  ses  visites  à  Hambourg  en  1768,  Lessing  est  allé  chez  le 
commerçant  B.  W.  Rahmeyer  —  et  non  pas,  comme  l'imprime 
M.  Muncker  :  //.  Rameyer^  —  lequel,  dit-il,  avait  vécu  «  an  dreissig 
Jahr  »  à  Lisbonne.  Il  y  a  vu,  entre  autres  publications  hispano-portu- 
gaises, un  u  kleinen  Traktat  von  den  Kometen  »  écrit  en  portugais  et 
dont  l'auteur  était  «  ein  gewisser- Heinrich  Ahlers  w.  L'ayant,  affirme- 
t-il,  très  rapidement  examiné,  il  a  conclu  en  faveur  de  la  science 
astronomique  de  l'auteur,  à  moins  pourtant,  se  hâte-t-il  d'ajouter, 
que  ce  ne  soit  un  plagiaire.  «  Nach  den  fluchtigen  Blicken,  die  ich 
darein  thun  konnte,  zu  urtheilen,  muss  Ahlers  ein  Mann  von  guter 
astronomischen  Kenntniss  gewesen  seyn  :  es  ware  denn,  wie  es  mir 
fast  aus  einigen  Gitationen  scheinen  woUen,  dass  er  unsern  Heine  von 
Cometen  ausgeschrieben  und  iibersetzt  hâtte.  Er  durfte  nicht  fûrchten, 
dass  man  in  Portugal  sein  Plagium  so  leicht  entdecken  wiirde.  » 

Jusqu'à  présent,  l'auteur  du  Traité  des  Comètes  est  resté,  pour  les 
érudits  allemands  qui  s'en  sont  occupés,  une  énigme.  L'ouvrage  le 
plus  apte  à  renseigner  sur  son  compte,  le  si  minutieux  Lexikon  der 
hamhurgischen  Schriftsteller  6w  zur  Gegenioart  de  Schrôder,  I  (Ham- 
burg,  i85i),  le  confond  avec  un  homonyme  en  ces  termes  (p.  47)  : 

«  Alers  (Peter  HinrichJ.  Jungerer  Brader  des  Vorhergehenden  [ce  dernier 
est  un  pasteur,  Christian  Wilhelm  Alers,  mort  en  i8o6],besuchtedas  Johan- 

1.  Ce  ms.  a  été  décrit  par  C.  P.  G.  Schonemann  :  Hundert  Merkwiirdigkeiten  der 
herzoglichen  Bibliothek  zu  Wol f enhiittel  (Hannover,  1849),  p.  22. 

2.  Isidore  en  fait  mention  au  lib.  XVUI,  cap.  XIIII  des  Origines.  L'épithète  dont 
Lessing  gratifie  l'auteur  des  Eiymologies  :  ein  Scribent  des  7.  Jahrhunderts  semble  un 
peu  rèche,  surtout  si  l'on  songe  que  Nie.  Antonio  l'avait  si  amplement  traité  (Bi6Z. 
hisp.  vêtus,  1,  821  seq.). 

3.  11  eût  fallu,  du  moins,  expliquer  en  note  que  ce  H  signifiait  Herr.  Quand 
Lessing  consignait  les  notes  des  CoUectanea,  Rahmeyer  n'était  pas  mort,  puisque,  né 
en  1706,  il  se  proclame  sur  ses  ex-libris,  comme  nous  le  verrons,  âgé  de  80  ans,  ce  qui 
mène  à  1785.  Il  survécut  donc  à  Lessing. 


33/|       COMRIBITIONS     V    l'ÉTL'DE    DE    l'hISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

neum  seiner  Vaterstadt  Hamburg,  widmete  aber  spàter  sich  der  Handlung 
und  ward  1770  grossf.  holsteinischer  Commerzrath.  Wahrscheinlich  ist  er 
derselbe  Heinrich  Ahlers  (Lessing  schreibt  den  Namen  mit  einem  H;,  dessen 
Lessing  in  seinen  CoUectaneen,  hrgb.  von  Eschenburg  (I,  822  u.  334)  gedenkt, 
und  von  ihm  anfûhrt,  dass  er  in  Lissabon  in  bedrângten  Umstânden  gelebt 
habe,  und  katholisch  ge^vorden  sei,  um  sein  Gluck  zu  machen,  was  er  aber 
bei  seinem  Tode  noch  nicht  erreicht  batte. 

S$  Hat  nach  Lessing  in  portugiesischer  Sprache  eine  Abliandlung  von 
den  Kometen  geschrieben,  und  sie  dem  Kônige  von  Portugal  gcwidmet. 
L.  bemerkt,  dasWerk  verrathe  gute  astronomische  Kenntnisse;  Eschenburg 
aber  sagt,  er  kenne  weder  die  Schrift  noch  den  Verfasser.  » 

Il  est  assez  étrange  que  nul  Lessing  for  s  cher  n'ait  remarqué  la  fla- 
grante contradiction  contenue  dans  cette  notice  de  Schrôder,  à  laquelle 
on  renvoie  invariablement  à  propos  de  Ahlers,  et  où  l'on  nous  présente 
un  personnage  que  Lessing  déclare  défunt  en  1768  devenu  deux  ans 
après  conseiller  de  commerce  du  Grand-Duché  de  Holstein.  Les  bibho- 
graphes  portugais,  d'autre  part,  ne  sont  guère  mieux  renseignés.  Da 
Silva  décrit  bien,  à  plusieurs  inexactitudes  près,  dans  son  Diccionario 
Bihliographico  Portuguez,  II,  889  (Lisboa;  1809)  le  traité  de  Ahlers, 
mais  avoue  qu'il  ignore  tous  détails  sur  le  personnage  : 

a  Francisco  Henrique  Ahlers,  de  cujas  circumstancias  pessoaes  nada  sei  até 
agora,  tendo  sido  por  Barbosa  omittido  na  Bibl.  Lus..  » 

Il  ne  peut,  tout  de  même,  s'abstenir  d'une  hypothèse  : 

«  Parece  que  nasceria  em  Portugal,  oriundo  de  parentes  allemâes.  » 

Le  Diccionario  Popular,  publié  sous  la  direction  de  M.  Pinheiro 
Ghagas,  I,  260  (Lisboa,  1876),  dissimule  assez  adroitement  son  plagiat 
de  la  notice  de  Da  Silva,  à  l'article  Francisco  Henriques  (sic)  Ahlers  : 

«  Ignora-se  a  patria  e  a  data  do  nascimento  d'esté  escriptor  que  se  suppôe 
ser  descendente  de  uma  familia  alleman,  afflrmando  comtudo  alguns  que 
elle  nascera  em  Portugal.  » 

Gette  notice  est  à  son  tour  démarquée  par  le  Diccionario  Universal 
Portuguez  de  M.  Henrique  Zephirino  de  Albuquerque  (Lisboa,  1882), 
I,  467,  s.v.  Francisco  Henriques  (sic)  Ahlers  : 

«  Astronomo  de  segunda  metade  do  seculo  xviii,  que,  se  suppôe,  foi 
portuguez,  embora  nascido  de  paes  allemâes.  » 

En  1889,  M.  Xavier  da  Gunha,  alors  Gonservateur,  aujourd'hui 
Directeur  de  la  Bibliotheca  Nacional  de  Lisbonne,  frappé  de  la  séche- 
resse des  notices  courantes  sur  Ahlers,  —  dont  il  ignorait  que  Lessing 
se  fût  occupé,  —  s'avisa  simplement  de  recourir  aux  deux  exemplaires 
de  son  Traité  conservés  dans  cet  établissement,  et  cette  facile  recherche, 
qu'eût  dû  réaliser  trente  ans  auparavant  Da  Silva,  lui  permit,  dans  un 
article  paru  la  même  année  au  n"  4  du  t.  XXXVII  de  0  Instituto,Jornal 


LA    MVTURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPANISME    DE    LESSING  ^35 

scientifico  e  lelterario  (Coimbraj  —  ce  périodique  n'est,  malheureu- 
sement, pas  reçu  à  notre  Bibl.  Nat.,  pas  plus  que  n'y  est  reçue  Cultura 
Espanola,  la  Revue  la  plus  scientifique  que  possède  actuellement  l'Espa- 
gne, mais  se  trouve,  tout  naturellement,  au  Brit.  Mus.  —  de  rectifier 
et  de  compléter  plus  d'une  donnée  erronée  sur  le  compte  de  ce  Ham- 
bourgeois.  L'Allemagne,  qui  possède  sous  forme  de  relevés  bibliogra- 
phiques paraissant  régulièrement  et  rédigés  avec  un  zèle  méritant 
toutes  les  louanges,  une  institution  de  première  utilité  expliquant  — 
nous  avons  plus  haut  fourni  déjà  une  autre  raison  de  cette  supériorité, 
raison  non  moins  primordiale  —  sa  supériorité  de  documentation,  qui 
étonne  souvent  le  modeste  travailleur  français  réduit  à  ses  propres 
forces,  et,  s'il  n'est  pas  l'un  de  ces  privilégiés  augustes  et  fortunés 
devant  lesquels,  comme  au  bon  vieux  temps,  toutes  les  portes  s'ouvrent 
d'elles-mêmes,  obligé  parfois,  pour  lire  un  simple  n°  de  revue,  de 
perdre  une  après-midi  à  faire  la  navette  entre  deux  ou  trois  biblio- 
thèques parisiennes',  l'Allemagne,  disons-nous,  laissa  passer  sans  le 
noter  l'article  de  M.  Da  Cunha,  et  c'est  ainsi  que  s'explique  que  nous 
soyons  le  premier  —  après  le  bibliothécaire  de  Lisbonne  —  à  rétablir 
la  réalité  des  faits  touchant  l'homme  que  Lessing  soupçonna  si  légère- 
ment de  plagiat. 

Celui  des  deux  exemplaires  de'  l'ouvrage  de  Ahlers  —  l'autre, 
conservé  dans  la  sala  4"  sous  la  cote  P  ^  appartenait  primitivement 
à  la  bibliothèque  d'histoire  nationale  et  de  belles -lettres  d'Antonio 
Lourenço  Caminha  —  qui  contient  les  renseignements  qui  vont  suivre 
porte,  dans  cette  même  sala  U"  de  la  Bibliotheca  Nacional  de  Lisbonne, 
la  cote  R  ^-  C'est  un  in-4  de  86  pages  chiffrées,  précédées  de  84  pages 
sans  numération  qui  contiennent  le  frontispice,  l'Épître  dédicatoire 
Ao  Rei,  le  Prologo  et  l'Index,  plus  4  pages  également  non  chiffrées 
qu'occupent  les  Licenças.  Le  Frontispice,  dessiné  par  Ahlers  et  repré- 

I .  On  nous  reprochera,  nous  n'en  doutons  pas,  ces  réflexions,  que  l'on  qualiflera 
pour  le  moins  d'intempestives.  Mais  nous  avons  expérimenté  trop  douloureusement 
in  anima  vili  durant  la  confection  de  ce  livre  les  vices  rédhibitoires  de  nos  bibliothèques 
parisiennes  pour  ne  pas  préférer  soulager  (cf.  p.  174)  notre  conscience.  Il  est  triste 
d'avoir  à  constater  que  l'Allemagne,  pour  nous  en  tenir  à  celte  seule  nation,  reste, 
quant  à  ce  qui  concerne  ses  bibliothèques  —  puisque  c'est  d'elles  seulement  qu'il 
s'agit  en  cette  place  —  infiniment  plus  démocratique  que  la  France.  Car  nous  ne  pou- 
vons considérer  comme,  i>.  gr. ,  mesure  démocratique  le  fait  qu'on  ouvre,  toutes  grandes, 
les  portes  de  la  salle  de  travail  de  noire  Bibl.  Nat.  a  peu  près  à  tout  venant,  ou  qu'on  y 
tolère  libéralement  les  bavardages  à  haute  voix  de  frelons  dont  la  place  serait  partout 
ailleurs  —  à  commencer  par  la  salle  publique  de  lecture.  Nous  ne  pouvons,  non 
plus,  admettre  la  nouveauté  d'une  «  réforme  »  consistant  à  y  placer  (P),  avec  un  dilettan- 
tisme dont  nous  sommes  incapables  de  démêler  les  crilères,  pêle-mêle  sur  les  casiers 
d'une  table  un  assez  grand  nombre  de  Revues,  alors  qu'on  se  refuse  de  fournir  au 
travailleur,  non  seulement  les  n°'  de  l'année,  mais  les  n°'  de  l'année  précédente  d'in- 
dispensables Revues  reçues  par  l'établissement.  Serait-ce  ainsi  que  certains  de  nos  bi- 
bliothécaires entendent  réaliser  la  devise  de  leur  profession  :  aliis  inserviendo  consumor  ? 
II  est  vrai  qu'il  y  a  le  «dépôt  légal»,  la  «  reliure»,  etc.  11  est  vrai,  enfin,  qu'il  doit  être 
plus  divertissant   décrire  soi-même  des    livres  que   d'en  faciliter  l'accès  à  autrui. 


a36       CONTRIBUTIONS    A    l/ÉTUDE    DE    i'hiSPAMSME    DE    G.    E.    EESSING 

sentant  le  système  cosmique  i,  a  été  gravé  sur  cuivre  en  1768  par 
l'architecte  royal  Miguel  Le  Bouteux,  de  même  que  les  figures  de 
démonstration  astronomique  des  deux  grandes  planches  mises  à  la  fin 
du  volume.  Le  titre  de  celui-ci  est  : 

Instrucçào  \  sobre  os  |  corpos  célestes,  \  principalmente  sobre  os  \  cometas, 
I  por  I  Francisco  Henrique  Ahlers.  \  [filet  typographique,  puis  cette  devise]  : 
Mundus  codex  est  Dei,  in  quo  jugiter  légère  \  debemus.  S.  Bernard.  Serin.  \ 
[Suit  une  vignette].  |  Lisboa,  \  Na  officina  de  Miguel  Manescal  da  Costa,  \ 
Impr essor  do  Santo  Officio,  |  [filet  typographique]  |  Anno  M.  DCC.  LVIII  |  Com 
todas  as  licenças  necessarias. 

L'exemplaire,  originairement  dans  la  collection  d'un  bibliophile  du 
nom  de  Ch.  François  Garnier,  qui  habitait  Lisbonne  au  xviii'  siècle 
et  dont  la  Bihliotheca  Nacional  possède  d'autres  livres,  porte  la 
mention  :  Ex  dono  Auctoris,  et,  collée  à  la  fin,  sur  la  page  de  garde, 
la  lettre  suivante  : 

Monsieur 

Je  remets  a  votre  examen  ce  petit  livre  que  je  vous  prie  d'accepter  non  comme 
un  don  qui  puisse  vous  être  de  quelque  utilité,  f  espère  au  contraire  en  trouver 
moy  même  dans  les  observations  que  vos  études  et  votre  pénétration  sont  en  état 
de  me  faire  remarquer  ;  Je  souhaite  que  cette  petite  circonstance  puisse  m'attirer 
votre  estime  et  vous  convaincre  que  personne  n'est  avec  une  plus  parfaite 
considération 

Monsieur 

Votre  très  humble  et  très  obéissant 
Serviteur 

Ahlers. 

En  haut  de  cette  lettre,  le  destinataire  a  inscrit  la  mention  : 

.['ai  reçu  cette  Lettre  à  Lisbonne  le  5.  octobre  1758.., 

et,  en  bas,  cette  précieuse  remarque,  dont  l'écriture,  également  de 
Garnier,  tracée  en  traits  plus  hésitants,  démontre  que  ce  dernier  l'a 
consignée  ultérieurement  : 

Nota 

Ce  monsieur  Ahlers,  étoit  un  Hambourgeois,  qui  avoitfait  quelque  commerce 
à  Lisbonne,  avec  peu  de  succès  :  Il  fit  abjuration  da  Luthéranisme,  et  obtint 
de  la  Cour  une  pension,  qui  le  mit  en  état  de  commencer  un  petit  Etablissement 

1.  Il  occupe  toute  la  page  et  porte,  en  haut,  la  devise  -.Cœli  enarrant  gloriû  Dei,  et, 
en  bas,  cette  traduction  portugaise  de  quatre  vers  de  Gottsched  : 

Grandeza,  copia,  luz,  ordem,  e  moto 
De  Orbes  taes,  deixa  a  mente  arrebatada. 
O  homem  que  he  logo  â  vista  d'elles?  Nada. 
Se  0  Deàs,  que  os  fez,  nelles  Ihejica  ignoto. 

D'après  les  citations  de  l'ouvrage,  écrit  en  un  excellent  portugais,  Ahlers  savait,  outre 
le  latin:  l'allemand  (sa  langue  natale),  le  français,  l'anglais  et  l'italien.  «  Seja-mc,  > 
dit-il  au  Prologo,  «  licito  dizer,  que  nào  contribuio  pouco  a  animar-me  a  esta  empreza 
o  conhecimcnto,  que  tenho  das  linguas,  que  se  fallâo  mais  para  là  dos  Pyreneos.  « 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l"htSPAMSME    DE    LESSING  287 

pour  scier  des  marbres  :  Afin  de  se  rendre  un  peu  recommendable,  il  composa 
la  petite  Dissertation,  ci-jointe,  sous  le  titre  d'Instruction  sur  les  Comètes  &c. 
H  est  mort,  à  Lisbonne,  peu  d'années  après  la  publication  de  cet  ouvrage. 

Ce  ne  saurait  être  ici  le  lieu  d'analyser  le  volume  de  Ahlers,  qui  — 
le  détail  n'est  pas  sans  importance  —  avait  très  vraisemblablement 
acquis  le  titre  de  citoyen  portugais  lorsqu'il  le  composa  et  entendait, 
de  la  sorte,  faire  sa  cour  au  roi.  Notons  seulement  qu'il  s'agit  d'une 
œuvre  de  circonstance.  Lisbonne  avait  été,  en  novembre  1755,  réduit 
à  un  monceau  de  ruines  fumantes.  Or,  les  calculs  astronomiques 
annonçaient  pour  1758  l'apparition  d'une  Comète.  L'ignorance  et  la 
superstition,  surexcitées  par  les  affres  du  récent  cataclysme,  dédui- 
saient de  cette  prévision  innocente  les  plus  funestes  pronostics.  Ahlers 
entreprit,  par  un  exposé  clair  et  précis  de  la  nature  des  comètes  et  de 
leurs  conséquences,  de  calmer  les  esprits  affolés.  U Instrucçào  était  sa 
première  œuvre  —  il  le  déclare  dans  la  dédicace  au  Roi  :  «  chego  aos 
pés  de  V.  Magestade  a  consagrar-lhe  estes  primeiros  fructos  da  minha 
applicaçào  »  —et  fut  sa  dernière,  bien  qu'il  ait,  dans  la  même  dédicace, 
annoncé  son  intention  —  que  frustra  sans  doute  la  Mort  —  de  publier 
d'autres  compositions  :  a... me  animarei  a  publicar  outros  escritos  em 
que  emprego  0  tempo  ».  Nous  examinerons  quelque  jour  —  un  tel  sujet 
n'étant  plus  du  domaine  de  ces  recherches,  mais  disons,  dès  mainte- 
nant, que  V Instrucçào  est  une  compilation  nullement  dénuée  d'origi- 
nalité, car  l'auteur  s'occupait  assidûment  d'astronomie  —  le  bien-fondé 
de  l'imputation  étourdie  de  Lessing  touchant  un  plagiat  commis  par 
Ahlers  à  l'endroit  d'un  illuminé  fameux  en  son  temps  et  qu'il  appelle, 
sans  que  ses  éditeurs  aient  rectifié  l'erreur,  Heine,  alors  que  son  nom 
véritable  était  Heyni. 

Chez  ce  même  B.  W.  Rahmeyer,  Lessing  vit  encore  u  quatre  à  six 
volumes  de  sermons  in-4  du  jésuite  Vereida  «a.  S'il  eût  véritablement 
examiné,  même  d'un  regard  rapide,  l'ouvrage  de  Ahlers,  il  y  eûtappris 
à  transcrire  exactement  le  nom  d'un  personnage  qu'aucun  érudit  euro- 
péen n'ignorait  alors  3,  que  Postel  avait  exalté  dans  son  Épître  latine  de 

1.  Il  s'agit  d'un  Kometen-Enthusiast  qui,  outre  quantité  d'écrits  sur  la  matière,  est 
l'auteur  d'un  copieux  non  moins  qu'indigeste  in-8  de  798  pp.  paru  en  1745  à  Berlin 
et  Leipzig  chez  Ambr.  Haude  et  qui  porte  le  titre  :  Johann  Heyns,  Predigers  zu  Netzen 
bey  Brandenburg  in  der  Mark  :  Gesamletc  briefe  von  den  Cometen,  der  Stind/lut,  und  dem 
Vorspiel  des  jiingsten  Gerichts,  etc.  Cet  ouvrage  est  conservé  à  la  Stadlbibliothek  de 
Hambourg  sous  la  cote  DFa,  Vol.  III,  p.  139.  Heyn  voyait  dans  la  comète  de  1742 
le  présage  du  jugement  dernier,  qui  devait,  selon  lui,  avoir  lieu  en  1748. 

2.  M.  XV,  258  :  «  Unter  den  portugiesischen  gedruckten  Bûchern  warcn  auch  vier 
bis  sex  Bande  Prâdigten  in-4*  von  dem  Jesuiten  Vereida,  der  fur  ihren  besten 
geistlichen  Redner  gehalten  wird.  »  M.  Muncker  n'a  pas  corrigé  en  note.  11  n'était 
cependant  pas  malaisé  de  voir  qu'il  s'agissait,  comme  disait  Isla  dans  Fray  Gerundio, 
du  «  mismisimo  Vieyra  en  su  misma  mismedad.  » 

3.  Ahlers  citait  Vieira  p.  lô  de  son  Traité,  à  propos  du  périple  de  Magalhâes  en 
iSig,  qui  avait  fourni  au  jésuite  l'occasion  de  s'étonner  de  qui  chegassem  os  Porluguezes 
adarfimdo  com  as  ancoras,  onde  Santo  Agostinhonâo  achou  fundo  com  0  entcndimento. 


a38       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTLDE    DE    i/hISPAMSME    DE    G.    E.    LESS1>'G 

1704',  que  le  P.  Oudin  vantait  en  son  long  article  du  t.  34  (1736)  des 
Mémoires  de  Niceron  (p.  270-290),  que  le  Journal  Etranger,  alors 
rédigé  par  l'Abbé  Prévost,  déclarait,  dans  son  n"  de  mars  1755,  p.  23, 
r  «  homme  de  Portugal  qui  parloit  le  mieux  sa  langue  »  et  sur  lequel 
depuis  Nie.  Antonio  jusqu'à  Chaufepié  (t.  IV  [1766],  p.  670  seq.)  — 
sans  parler  des  deux  biographies  qui  lui  avaient  été  consacrées  —  les 
nouvelles  abondaient  et  les  louanges  ne  tarissaient  pas.  Mes  recherches 
à  la  Stadtbibliolhek  de  Hambourg  m'ont  fait,  d'ailleurs,  retrouver  la 
collection  des  Sermons  de  Yieira  qu'a  si  mal  examinée  Lessing  chez 
B.  W.  Rahmeyer.  Elle  est  complète,  c'est-à-dire  qu'elle  forme  12 
volumes  in -4 2,  sur  le  premier  desquels  (Sermones  do  P.  Antonio 
Vieira,  etc.  Em  Lisboa,  na  ojicina  de  Joam  da  Costa,  MDCLXXIX)  est 
fixé  l'ex-libris  du  donateur  : 


BENEDIX  WILHELM 
RAHMEYER, 

ait  80  Jahr. 

Kaufmann 

Biirger  zu  Hambiirg. 

» 
geb.  Oct.  29  Ao.  170ô. 

Cœlum 

quid  quaerimus  ultra! 


En  1781,  B.  W.  Rahmeyer  avait  légué  —  mais  sa  donation  ne 
s'effectua  qu'en  1 790  —  le  tiers  des  livres  que  son  frère  et  lui  avaient 
réunis  dans  la  péninsule  ibérique  touchant  l'Espagne  et  le  Portugal 

1.  En  l'appelant  par  distraction  Louis  de  Vieira.  Voici  le  passage,  p.  128  des  Nova 
Literaria  d'avril  1704  :  «  Superesset  quidem  adhuc,  et  quasi  necessarium  foret,  post 
haec  de  Hispanismo  dicta,  nonnulla  etiam  dicere  de  Lusitanismo,  sive  Lingua 
Portugallica,  cum  ejus  elegantia,  majestas  et  utilitas,  si  duriusculos  aliquot  in 
pronuntiando  sonos  excipias,  tanta,  ut  Hispanicae  interdum  palmam  dubiam  reddat, 
imprimis  in  Theologicis,  ubi  judiciosissimus  et  eloquentissimus  P.  Louis  de  Vieira 
omnibus  aliis  toto  verlice  supra  est.  » 

2.  Sur  la  date  d'apparition  de  ces  volumes  et  leur  description  bibliographique, 
cf.  la  Bibl.  Lusit.,  I,  4 16  seq.,  où  il  y  a  un  long  article  sur  le  P.  ANTONIO  VIEYRA. 
Une  étude  d'un  abbé  E.  Garel,  docteur  es  lettres,  intitulée  :  Vieira,  sa  vie  et  ses  œuvres 
(Paris,  s.  a.  [1879])  n'a  aucune  valeur  scientifique,  et  donne,  p.  420-42/1,  la  plus  défec- 
tueuse et  chaotique  bibliographie  des  œuvres  du  célèbre  classique  portugais.  Elle  est 
tout  entière  écrite  selon  certain  mode  d'investigation  «  historique  »,  qui  confond 
l'apologie  avec  l'analyse  critique.  Elle  n'a  pas  été  citée  par  l'auteur  (anonyme)  de 
l'article  Vieyra  dans  la  Grande  Encyclopédie.  Seul  le  P.  jésuite  B.  Gaudeau,  sur  le  livre 
duquel  je  publierai  prochainement  une  note,  lui  fait  une  conlraternelle  réclamt  à 
l'occasion  des  grandiloquentes  banalités  qu'il  consacre  à  Vieyra  {Les  Prêcheurs  bur- 
lesques en  Espagne  au  xvill'  siècle  [Paris,  1891],  p.  ao4-2o5.) 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    UK    l'hISPANISME    HE    LESSIÎNG  23q 

à  la  Stadtbihliothek  hambourgeoise,  en  concédant  au  premier  biblio- 
thécaire la  liberté  de  choisir.  Ces  livres,  nous  apprend  Petersen  (Gesch. 
der  hamb.  Stadtb.  [Hmbg.  i838],  p.  85),  montèrent  à  plusieurs  cen- 
taines de  volumes,  dont  un  certain  nombre  étaient  très  importants  (v. 
gr.  la  Bibl.  Liisit.)  ou  rares.  Nous  avons  mentionné  plus  haut  la  collec- 
tion de  comedias.  Mais  les  Rahmeyer  —  dont  Peter,  quand  Lessing 
écrivit  l'article /fam6u/'^,  était  mort  «  depuis  quelques  années))  et  ?.vait 
traduit  toute  la  Bible,  y  compris  les  Apocryphes,  en  portugais,  version 
réputée  meilleure  que  celle  de  l'Ancien  Testament  du  P.  J.  Ferreira 
de  Almeida  imprimée  par  les  Hollandais  en  17/18-1753  à  Batavia'  — 
étaient  des  collectionneurs  intrépides  et  semblent  avoir  devancé  dans 
leur  zèle  de  bibliophiles  cet  autre  fureteur  et  écumeur  de  vieilles 
éditions  et  pièces  rares  que  fut  le  consul  hanséatique  pour  le  royaume 
de  Séville,  Bôhl  von  Faber,  dont  il  s'en  fallut  de  si  peu  que  l'inappré- 
ciable bibliothèque  ne  passât  à  la  cité  hanséatique,  et  qui,  nous 
pouvons  l'affirmer,  a  été  l'infatigable  pourvoyeur,  —  par  l'intermé- 
diaire du  Dr.  N.  H.  Julius,  et,  par  Julius,  de  la  maison  d'édition  et 
de  librairie  Perthes  et  Besser  à  Hambourg,  —  des  grands  hispanisants 
d'Allemagne  durant  le  premier  tiers  du  xix'  siècle  2.  Ils  avaient  acquis 
non  seulement  des  livres,  mais  des  manuscrits  précieux,  faciles,  sans 
doute,  à  recueillir  en  ce  xviii'  siècle  oiî  l'Espagne  et  le  Portugal 
abondaient  encore  en  joyaux  de  toute  sorte,  que  le  vandalisme  des 
luttes  napoléoniennes  et  les  méthodiques  razzias  des  Anglais 
devaient  partiellement  anéantir.  Le  plus  intéressant  d'entre  eux, 
conservé  à  la  Sladtbibliothek  hambourgeoise,  est,  à  coup  sûr, 
cette  «  Colleçâo  de  Alvards,  décrétas,  paulas  e  regimenlos  reaes, 
leys  e  outras  lembranças,  sentenças  da  inquisiçào  e  da  relaçào^  de 
Lisboa  e  outras  curiosidades  de  Portugal  e  seus  domlnlos  em  gérai 
até  o  anno  1750,  colligido  por  Pedro  Rahmeyer  e  Bento  Guillermo 
Rahmeyer,  homens  de  negoclo  Hamburgueses  que  assistirào  em  Lisboa 
desde  0  anno  1715  até  17^9  »,  en  deux  vol.  in-fol.  On  sait  que  l'avant- 
dernier  directeur  de  la  Stadtb.,  le  Dr.  F.  Eyssenhardt,  avait  commencé 
à  tirer  profit  de  ces  documents  dans  ses  inoubliables  et  trop  tôt  inter- 
rompues Mitleilungen  aus  der  Stadtbibliothek  zu  Hamburg,  dont  le 

I.  Le  ms.  original  en  fut  donné,  outre  1000  Rtlr.  Bco.,au  collège  de  l'ancienne 
mission  danoise  (aujourd'hui  mission  de  Leipzig)  à  Tranquebar  (Madras),  des  presses 
de  laquelle  sortirent  tant  de  livres,  mais  il  en  existe  une  copie  à  la  Stadtbibl.  de 
Hambourg. 

3.  J'ai  démontré  documentairement,  au  n"  2  du  Bulletin  hisp.  1907  (art.  Les 
premières  productions  littéraires  de  Fernân  Caballero.  Documents  inédits)  que  si  la 
bibliothèque  de  Bôhl  ne  fut  pas  incorporée  à  la  Stadtbibliothek  de  Hambourg,  la  raison 
en  est  que  sa  fille,  qui  devait  plus  tard  acquérir  une  renommée  européenne  sous  le 
pseudonyme  de  Fernân  Caballero,  s'opposa  au  partage  d'une  collection  que  le  Sénat 
de  Hambourg  se  refusait  à  payer,  et  que  ce  dernier  est  seul  responsable  de  la  perte, 
pour  l'Allemagne,  de  cet  unique  trésor,  aujourd'hui  à  la  Biblioteca  Nacional  de  Madrid. 

3.  Sic.  Évidemment  il  faut  lire  relaxaçâo. 


■2!\0      CONTRIBUTIONS    A    LÉTLDE    DE    LHISPANISME    DE    G-    E.    LESSING 

premier  fascicule  (1884)  contenait  précisément,  p.  4i-48,  le  bref  inédit 
d'Urbain  Vlll  à  Quevedo  que  M.  Menéndez  y  Pelayo  a  réimprimé  dans 
son  édition  des  Obras  Complétas  de  Quevedo  en  cours  de  publication 
depuis  1898  à  Séville.  Mais  ce  qu'il  nous  importait  ici  de  mettre  en 
lumière  à  propos  de  B.  W.  Rahmeyer,  c'était  —  et  il  faut  insister  surJ 
ce  point  puisque  l'on  aime  à  faire  croire  que  le  manque  d'ouvrages| 
empêcha  Lessing  de  se  livrer  comme  il  l'eût  voulu  aux  études  hispa- 
niques —  la  source  incomparable  de  renseignements  sur  l'Espagne 
et  sa  littérature  que  lui  offrait  la  seule  bibliothèque  d'un  homme  che2 
lequel,  à  l'époque  de  sa  résidence  à  Hambourg,  il  avait  libre  accès,] 
bonne  fortune  qu'il  n'a  pas  songé  un  instant,  dans  l'impossibilité  où] 
il  se  trouvait  de  lire  avec  aisance  des  livres  castillans,  à  mettre  à  profit.] 


h)  Mylord  Ross  et  «  Don  Pedro  ». 

{M.  XV,  281.) 

«  Mylord  Ross  zu  Dublin,  von  dem  das  Journal  Encyc.  1762  p.  io5, 
wûrde  ein  gutes  Subject  zu  einem  neuen  Don  Pedro  seyn.  » 

Ces  simples  lignes  nous  en  révèlent  autant  qu'une  longue  effusioni 
sur  la  connaissance  qu'a  Lessing  de  l'une  des  matières  scéniques  les; 
plus  intéressantes  de  la  littérature  castillane,  de  l'un  des  rares  thèmes  : 
tragiques  par  où  celle-ci  rejoint  la  littérature  humaine  et  universelle. 

Le  Journal  \  Encyclopédique,  \  Dédié  à  Son  Altesse  \  Sérénissime,' 
Mgr.  le  \  Duc  de  Bouillon,  etc.  etc.  etc.^,  du  i"  janvier  1762,  contient 
p.  97-110  un  article  :  La  Vie  de  Jean  Carteret  Pilkington,  écrite  par 
lui-même,  qui,  selon  la  coutume  de  beaucoup  de  journaux  littéraires 
du  xviir  siècle,  est  plagié  sans  mot  dire  d'une  revue  étrangère.  C'est 
d'après  la  source  que  nous  reproduirons,  en  conséquence,  le  récit 
piquant  de  l'histoire  qui  a  semblé  à  Lessing  apte  à  fournir  le  sujet 
d'un  u  nouveau  Don  Pedro  » .  Dans  The  Monthly  Review  or  literary 
Journal,  vol.  XXIV  (London  1761)2,  p.  n  seg.,  se  lit  le  compte  rendu 
de  The  life  of  John  Cartaret  (sic)  Pilkington,  written  by  himself 
(London,    1761,    2   vol.   in-i2)3   qui   a  fourni   son  récit  au  gazetier 

1.  Tome  I,  Première  Partie,  /«''  Janv.  1762.  (A  Bouillon,  de  l'Imprimerie  du  Journal). 
Dans  l'exemplaire  de  la  Bibl.  Nat.  (Z.  51U18).  l'article  manque,  par  suite  d'une 
erreur  de  reliure  qui  s'étend  aux  pages  97-120  de  ce  tome  d'un  des  plus  importants 
périodiques  du  xviii'  siècle,  dont  la  collection  comprend  288  vol.  in-12. 

2.  La  Monthly  Review,  fondée  en  1749  par  Ralph  Griffiths,  l'habile  libraire  que 
connaissent  ceux  qui  ont  étudié  la  vie  de  Goldsmilh,  s'est  éteinte  en  i845.  C'était  en 
politique  un  organe  ivhig  et  nonconformist  en  religion.  Elle  avait  pour  concurrente 
la  Critical  Review  d'Archibald  Hamilton. 

3.  John  Carteret  Pilkington,  dont  le  père  et  surtout  la  mère  ont  joué  un  rôle  dans 
l'histoire  des  lettres  anglaises,  mourut  en  1763,  Le  Dicl.  of  Nat.  Biogr.,  qui  parle  de 
ses  parents  au  t.  45  (1896),  p.  296-297,  ne  lui  a  pas  dédié  de  notice  spéciale.  En  17O0 
avait  déjà  paru  à  Londres,  in-4,  sa  «  réelle  histoire». 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISI' VNISME    DE    LESSING  34l 

français.  L'histoire  de  «  Mylord  Ross  »  se  trouve  p.  19-22.  Elle  est  narrée 
dans  les  termes  suivants,  qui  sont  ceux  du  volume  analysé  : 

«  We  shall  add  another  spécimen  of  a  very  différent  kind,  not  doubting 
but  it  will  give  the  sa  me  entertainment  to  our  Readers  which  it  really 
afforded  us,  on  the  first  perusal.  As  to  the  truth  of  the  taie,  there  is  the 
less  reason  to  call  it  in  question,  as  the  circumstances  are  very  consistent 
with  the  well  known  character  of  the  whimsical  nobleman  to  whom  it 
principal!)  relates,  and  perfectly  agreeable  to  the  gênerai  ténor  of  his 
conduct. 

»  The  iate  Earl  of  Ross  was,  in  cliaracter  and  disposition,  like  the 
»  humorous  Earl  of  Rochester  :  he  had  an  infinité  fund  of  wit,  great  spirits, 
»and  a  libéral  lieart;  was  fond  of  ail  the  vices  which  the  beau-monde  call 
»  pleasures,  and  by  those  means  first  impaired  his  fortune,  as  much  as  he 
»  possibly  could  do  ;  and  finally,  his  liealth  beyond  repair.  A  nobleman 
»  could  not,  in  so  censorious  a  place  as  Dublin,  lead  a  life  of  rackets,  brawls, 
«and  midnight  confusion,  Avithout  being  a  gênerai  topic  of  reproach,  and 
))  having  fifty  thousand  faults  invented  to  compleat  the  number  of  those  he 
»  had  :  nay,  some  asserted  that  he  dealt  with  the  devil,  established  a  hell- 

»  fire  club  at  the  Eagle  tavern  on  Corkhill;  and  that  one  W ,  a  mighty 

»  innocent  facetious  painter,  who  was  indeed  only  the  agent  of  his 
»  galiantry,  was  a  party  concerned;  but  what  won't  malicious  folks  say?  Be 
>)  it  as  it  will,  his  Lordsliip's  character  was  torn  to  pièces  every  where, 
»  except  at  the  Groom  Porter's,  where  he  was  a  man  of  honour  ;  and  at  the 
»  taverns,  Avhere  none  surpassed  him  for  generosity. 

»  Having  led  this  life  till  it  brought  him  to  death's  door,  his  neighbour, 
»  the  Rev.  Dean  Madden,  a  man  of  exemplary  piety  and  virtue,  having  heard 
»  his  Lordship  Avas  given  over,  thougt  it  his  duty  to  write  him  a  very 
»  pathetic  letter,  to  remind  him  of  his  past  life;  the  particulars  of  which  he 
»  mentioned,  such  as  whoring,  gaming,  drinking,  rioting,  blaspheming  his 
»  Maker,  and,  in  sliort,  ail  manner  of  wickedness;  exhorting  him  in  the 
»  tenderest  manner  to  employ  the  few  moments  that  remained  to  him,  in 
»  penitently  confessing  his  manifold  transgressions,  and  soiliciting  his 
»  pardon  from  an  offended  Deity,  before  whom  he  was  shortly  to  appear. 

»  It  is  necessary  to  acquaint  the  Reader,  that  the  Iate  Earl  of  K e  was 

»  one  of  the  most  pions  noblemen  of  the  âge,  and  in  every  respecta  contrast 
»)  in  character  to  Lord  Ross.  When  the  latter,  Avho  retained  his  sensés  to  the 
»  last  moment,  and  died  rather  for  want  of  breath  than  want  of  spirits, 
»  read  over  the  Dean's  letter  (which  came  to  him  under  cover),  he  ordered 
»  it  to  be  put  in  another  papcr,  sealed  up,  and  directed  to  the  Earl  of 

"  k e  :  he  likewise  prevailed  on  the  Dean's  servant  to  carry  it,  and  to 

>)  say  it  came  from  his  master,  which  he  was  encouraged  to  do  by  a  couple 

»  of  guineas,  and  his  knowing  nothing  of  his  contents.   Lord  K e  was 

»  an  effeminate,  puny,  little  man,  extremely  formai  and  délicate,  insomuch 

»  that  when  he  was  married  to  Lady  M y  O n,  one  of  the  most 

»  shining  beauties  then  in  the  world,  he  Avould  not  take  his  wedding-glove"? 
•)  off  when  he  went  to  bed.  From  this  single  instance  may  be  judged  with 
))  what  surprise  and  indignation  he  read  over  the  Dean's  letter,  containing 
»  so  many  accusations  for  crimes  he  knew  himself  entirely  innocent  of. 
')  He  first  ran  to  his  lady,  and  informed  her  that  Dean  Madden  was  actuallj 
')  mad;  to  prove  whicli,  hc  dclivercd  her  the  epislle  he  had  just  receivcd. 


•j'^-j.     co^■rRIl?LTl0^s  a  l  étude  de  l  hispanisme  de  g.  e.  lessi.no 

»  Her  ladyship  was  as  much  confounded  and  amazed  at  it  as  he  could 
»  possibly  be,  but  withal,  observed  Ihat  thc  letter  >vas  not  written  in  the 
»  style  of  a  madman,  and  advised  him"  to  go  to  the  Archbishop  of  Dublin 
»  about  it.  Accordingly,  his  Lordship  ordered  his  coach,  and  went  to  the 
ï  episcopal  palace,  where  he  found  his  Grâce  at  home,  and  immediatly 
»  accosted  him  in  this  manner  :  «  Pray,  my  Lord,  did  you  ever  hear  that 
»  I  was  a  blasphémer,  a  whoremonger,  a  gamester,  a  rioter,  and  every 
»  thing  that  is  base  and  infamous?»  «You,  my  Lord  fsaid  the  Bishop), 
»  every  one  knows  you  are  the  pattern  of  humility,  godliness,  and  virtue.  » 
»  —  «  Well,  my  Lord,  what  satisfaction  can  I  hâve  of  a  learned  and  révérend 
»  Divine,  who,  under  his  own  hand,  lays  ail  this  to  my  charge?»  «  Surely 
»  (answered  his  Grâce)  no  man  in  his  sensés,  that  knew  your  Lordship, 
»  Avould  présume  to  do  it  ;  and  if  any  clergyman  has  been  guilty  of  such  an 
»  oiîence,  your  Lordship  will  hâve  satisfaction  from  the  spiritual  court.  » 

«  Upon  this  Lord  K e  delivered  to  his  Grâce  the  Letter,  which  he  told 

»  him  was  that  morning  delivered,  by  the  Dean's  servant,  and  Avhich  both 
»  the  Archbishop  and  the  Earl  knew  to  be  Dean  Madden's  hand-writing. 
»  The  Archbishop  immediately  sent  for  the  Dean,  w  ho  happening  to  be  at 
»  home,  instantly  obeyed  the  summons.  Before  he  entered  the  room,  his 

»  Grâce  advised  l^ord  K e  to  walk  into  another  apartment,  while  he 

»  discoursed  the  gentleman  about  it,  which  his  Loidship  accordingly  did. 
>)  When  the  Dean  entered,  his  Grâce  looking  very  slernly,  demanded  if  he 
»  had  written  that  letter?  The  Dean  answered  :  «I  did,  my  Lord.»  «  Mr.  Dean, 
»  (returned  the  prelatej  I  always  thought  you  a  man  of  sensé  and  prudence, 
»  but  this  unguarded  action  must  lessen  you  in  the  esleem  of  ail  good 
»  men  ;  to  throw  out  so  many  causeless  invectives  against  the  most  unble- 
»  mished  nobleman  in  Europe,  and  accuse  him  of  crimes  to  w  hich  he  and 
»  his  family  hâve  ever  been  strangers,  must  certainly  be  the  elfect  of 
»  a  distempered  brain  :  besides.  Sir,  you  hâve  by  this  means  laid  yourself 
»  open  to  a  prosecution,  which  will  either  oblige  you  publicly  to  retract 
»  what  you  bave  said,  or  to  suffer  the  conséquence.  »  «  My  Lord  (answered 
»  the  Dean)  I  never  think,  act,  or  write  any  thing,  for  which  I  am  afraid  to 
»  be  called  to  an  account  before  any  tribunal  upon  earth;  and  if  I  am  to  be 
))  prosecuted  for  discharging  the  duties  of  my  function,  I  will  suffer 
»  patiently  the  severest  penallies  in  justification  of  it  »  And  so  saying  the 
»  Dean  retired  with  some  émotion,  and  left  the  two  noblemen  as  inuch  in 

»  the  dark  as  ever.    Lord  K e  went  home,  and  sent  for  a  proctor  to 

»  whom  he  committed  the  Dean's  letter,  and  ordered  a  citation  to  be  sent 
»  to  him  as  soon  as  possible.  In  the  mean  time  the  Archbishop,  who  knew 
»  the  Dean  had  a  family  to  provide  for,  and  foresaw  that  ruin  must  attend 
»  his  entering  into  a  suit  with  so  powerful  a  person,  went  to  his  house,  and 
»  recommended  to  him  to  ask  my  Lord's  pardon,  before  the  matter 
»  became  public.  «Ask  his  pardon  (said  the  Dean),  why  the  man  is  dcad!  » 

.)  —  «What!  Lord  K e  dead!  »  «  No,  Lord  Ross.  »  «  Good  God!  (said  the 

»  Archbishop)  did  not  you  send  a  letter  yesterday  to  Lord  K e?  »  «  No, 

»  Lord  Ross.  »  «  Good  God!  (said  the  Archbishop)  did  not  you  send  a  letter 

»  yesteiday  to  Lord  K e?»  «No,  truly,  my  Lord,  but  I  sent  one  to  the 

»  unhappy  Earl  of  Ross,  who  was  then  given  over,  and  I  thought  it  my  duty 
»  to  Write  to  him  in  the  manner  I  did.  »  Upon  examining  the  servant,  the 
»  whole  mistake  was  rectified,  and  the  Dean  saw  with  real  regret,  that  Lo'-d 
»  Ross  died  as  he  had  lived  :  nor  did  he  continue  in  this  life  above  four 


LA    NVTLRE    ET    LES    SOLKCES    DE    L'lll^PA^lS^lE    DE    LESSING  2^3 

»  hours  after  he  sent  Ou  the  letter.  The  footman  lost  his  place  by  the  jest, 
»  and  was  indeed  the  onij  sufferer  for  my  Lord's  last  pièce  of  humour.  » 

C'est  sur  les  bases  de  cette  bouffonne  facétie  que  Lessing  déclare 
possible  la  construction  d'une  œuvre  scénique  moderne  de  la  famille 
de  celle  que,  dans  son  ignorance  de  la  véritable  source  espagnole, 
il  appelle  Don  Pedro,  sans  soupçonner  que  Le  Festin  de  Pierre  de 
Molière  et  les  élucubrations  antérieures  de  Dorimon,  de  Villi^rs,  le 
rifacimento  de  Cicognini  et  le  scénario  des  Italiens,  —  si  tant  est  qu'il 
les  ait  tous  connus,  ce  qui  n'est  nullement  avéré,  —  découlent  de 
l'Espagne,  oii  était  éclos  ce  drame  grandiose  —  parce  qu'impliquant  une 
idée  philosophique  :  le  défi  de  l'Homme  à  la  Divinité,  fort  embryon- 
naire, il  est  vrai,  mais  qui  n'existe  pas  moins  et  apparente  l'œuvre  à  ces 
autres  créations  légendaires  issues  d'un  même  fonds  mythique  :  le 
Wilder  Jdger,  le  Fliegender  Holldnder,  Faust,  Ahasvérus,  Tannhduser, 
sans  parler  des  lointaines  analogies  islandaises  ni  de  la  geste  japo- 
naise de  «  Genji  n  —  qui,  objectivé  littérairement  en  i63o  dans  le 
Burlador  de  Sevilla,  n'a  plus  cessé,  depuis,  d'émouvoir,  en  ses  réincar- 
nations diverses,  la  conscience  humaine,  et  n'a  point  encore  trouvé, 
dans  le  livre  qui,  après  les  recherches  fondamentales  de  M.  Farinelli 
et  de  notables  travaux  espagnols,  vient  de  lui  être  dédié  en  France, 
une  solution  qui  satisfasse  relativement  à  son  origine  et  à  sa  cristalli- 
sation i.  Lessing,  cependant,  avait  été  mis  sur  la  piste  d'une  recherche 
qui  eût  pu  devenir,  conduite  par  un  si  fin  quêteur,  très  fructueuse. 
Lorsqu'en  1754  il  traduisit,  au  II.  Stuck  de  la  Theatralische  Biblio- 
thek,  l'Histoire  du  Théâtre  italien,  de  Riccoboni,  il  trouva  p.  4?  la  men- 
tion précitée,  qui  eût  dû  éveiller  sa  curiosité  :  «  Le  seizième  siècle  fini, 

vers  l'an  1620,  les  belles  Lettres  tombèrent  beaucoup  en  Italie , 

les  Tragédies  changèrent  de  face,  et  on  substitua  à  leur  place  les 
Comédies  ou  Tragi-Comédies  Espagnoles,  que  l'on  traduisit,  ou  que 

l'on  fit  à  leur  imitation ;  les  Tragi-Comédies  traduites,  comme  la 

Vie  est  un  Songe,  le  Sanson,  le  Festin  de  Pierre,  et  d'autres  sem- 
blables, étoient  les  plus  beaux  ornemens  du  Théâtre  Italien.  »  La 
fin  de  ce  passage  a,  dans  la  version  de  Lessing,  la  teneur  suivante  : 
((  Die  aus  dem  Spanischen  iibersetzten  Tragikomôdien,  als  :  «  Das 
Leben  ist  ein  Traum  »,  «  das   Gastmahl  des  Don  Pedro  »  und  andre 

I.  G.  Gendarme  de  Bévotte  :  La  légende  de  Don  Juan.  .Son  évolution  dans  la  littéra- 
ture, des  origines  au  romantisme  (Paris,  190G  [paru  en  1907]).  Cf.  F.  Baldensperger 
dans  Revue  Critique,  1907,  n"  46,  où  quelques  utiles  adjonctions  sont  données,  et 
Bull,  italien,  190O,  n»  4,  p.  365-66.  Sans  doute,  M.  A.  Farinelli  nous  dira  ce  qu'il  pense 
de  la  «  conviction  »  de  l'auteur  —  partagée  par  M.  E.  Martinenche  dans  la  Fevue 
latine,  1907  :  La  Légende  de  Don  Juan.  p.  443  —  relativement  à  l'origine  espagnole  de 
la  légende.  M  G.  de  B.  a  public,  comme  complément  de  sa  seconde  Ihèse  de 
doctorat,  sous  le  titre  :  Le  Festin  de  Pierre  avant  Molière,  avec  une  introduction,  un 
lexique  et  des  notes,  les  textes  des  adaptations  de  Dorimon,  Villiers,  des  Italiens  cl 
de  Cicognini  (Paris,  1907,  Société  des  textes  français  modernes). 

G.    PirOLLLT.  '7 


2lxk       GO.\TRIliUTIO>S    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISMÉ    DE    (i.    E.    LESSlNtJ 

Stûcke  von  dieser  Art  waren  die  grôssten  ZiiJ^en  des  italienischen 
Theaters  »  {éd.  Kûrschner,  t.  62,  p.  276.)  Nous  ne  rechercherons 
pas  pour  quel  motif  il  a  omij  le  Sanson  —  à  coup  sûr  :  El  vallente 
Nazareno  Sanson,  du  D""  Juan  Pérez  de  Montalbân,  «  clerigo 
presbitero,  Notario  apostolico  de  la  gênerai  Inquisicion,  graduado 
en  Filosofîa  y  Teologia,  »  comme  il  s'intitule  à  V Indice  de  los 
Ingénias  de  Madrid  à  la  fin  du  Para  Todos  (Madrid,  i645,  p.  186),  — 
pièce  facilement  accessible  dans  le  recueil  paru  à  Amsterdam  en  1726 
sous  le  titre  Comedias  de  los  mâs  célèbres  Autores.  Nous  n'insisterons 
pas  sur  sa  traduction  hybride  :  das  Gastmahl  des  Don  Pedro,  qu'il 
n'eût  pas  commise,  après  tant  d'autres,  s'il  eût  connu  cette  note,  mise 
par  d'Argonne  (Vigneul-Marville)  au  tome  III  de  la  quatrième  édition 
(Paris,  1740,  3  volumes  in-8)  des  Mélanges  d'histoire  et  de  littérature, 
p.  4o  :  «  Tirso  de  Molina,  Auteur  espagnol,  est  le  premier  qui  l'a  traité 
[le  thème  de  Don  Juan]  dans  le  titre  de  El  combidado  de  Piedra,  ce 
qui  a  été  mal  rendu  en  nôtre  Langue  par  le  Festin  de  Pierre  :  ces 
paroles  signifiant  précisément  le  convie  de  Pierre;  c'est-à-dire  la  Statue 
de  Marbre  ou  de  Pierre,  conviée  à  un  repas.  Ce  qui  a  fait  faire  ce 
changement  de  titre,  c'est  qu'en  effet  la  Statue  conviée  représente  un 
Commandeur  nommé  Dom  Pedro  i.  »  Mais  puisque  Riccoboni  indi- 
quait à  Lessing  qu'après  1620  une  «  tragi-comédie  »  espagnole  trai- 
tant d'un  thème  dont  la  première  incarnation  scénique  française  était 
assez  postérieure  pour  qu'aucune  équivoque  ne  subsistât  sur  la  pri- 
mauté de  l'invention,  avait  été  popularisée  en  Italie,  que  ne  s'adres- 
sait-il simplement  à  Dieze,  qui  eut  incontestablement  été  à  même 
d'éclairer  sa  religion?  Car  Dieze,  il  ne  sera  pas  superflu  de  le  répéter 
à  une  génération  d'hispanisants  trop  oublieuse  de  ses  vrais  ancêtres, 
est  le  premier  érudit  qui  ait  tenté  {Geschichtc,  p.  33i,  seq.)  une  énu- 
mération  méthodique  et  presque  déjà  complète  des  XXV  Partes  de 
comedias  de  Lope  parues  de  i6o4  à  1647,  ^t  il  eût  été  aisé  à  ce  labo- 
rieux savant  d'expliquer  à  son  correspondant  que  la  «  tragi-comédie  » 
mère  se  trouvait  à  la  septième  place  du  recueil  paru  en  i63o  à  Barce- 
lone, «  por  Jerônimo  Margarit  »,  sous  le  titre  :  Doze  comedias  nuevas 
de  Lope  de  Vega  Carpio  y  otros  autores,  où  elle  était  attribuée  au 
«  maestro  Tirso  de  Molina  »,  avec,  en  sus,  l'indication  que  Roque  de 
Figueroa  l'avait  représentée.  Mais  supposer  Lessing  capable  d'une 
telle  démarche  est  chose  impossible  pour  qui  connaît  son  concept  de 
la  Comedia.  11  est  trop  intimement  persuadé,  en  effet,  que  les  Haupt= 
und  Staatsaktionen  sont  des  décalques  de  cette  même  Comedia.  Or,  le 
thème  du  Convié  de  pierre  faisait  partie,  en  Allemagne,  du  répertoire 
des  troupes  errantes  et  jusque  des  montreurs  de  marionnettes,  comme 
l'explique  M.  K.  Engel,  Die  Don  Juan  Sage  auj  der  Bithne  (Dresden 

I.  Cf.,  en  outre,  sur  l'oris-ine  du  titre  Le  festin  de  Pierre,  l'édition  de  Molière  de 
E.  Despois  et  P.  Mesuard  (  Pari^,  ibSo),  V,  y,  noie  o. 


LA    NATLhE    KT    LES    SOURCES    UE    t.HlSPAMSME    DE    LESSING  3i^5 

und  Leipzig,  1887),  P-  7^  seq.  Lessing  a  fort  bien  pu  voir  jouer 
quelque  part  un  de  ces  I)on  Juan  déformés  et  abâtardis,  d'ascendance 
peut-être  italienne,  méconnaissable  caricature,  en  tout  cas,  du  Tenorio 
sévillan  de  Tirso,  et  il  aura  cru  qu'en  cette  montre  grossière  l'âme  du 
drame  castillan  était  enclose.  C'est  pourquoi  il  ne  s'est  jamais  soucié 
d'aller  jusqu'à  l'Espagne,  et,  quand  il  écrira  le  Freigeist,  il  se  bornera  à 
plaquer  habilement  des  réminiscences  du  Misanthrope  et  du  Festin  de 
Pierre  sur  un  canevas  emprunté  aux  Caprices  du  Cœur  et  de  l'Esprit, 
comédie  en  trois  actes  de  Delisle  de  la  Drévetière  et  de  M""  Riccoboni, 
représentée  en  1789  à  Paris. 


i)  Les  «  Sieben  Kinder  von  Lara  ». 

(M-  XV,  a 86.) 

«  Die  Geschichte  der  sieben  Kinder  von  Lara,  siehe  beyni  Felibien 
Tome  II,  p.  259  u.  J.  »  C'est  ainsi  que  Lessing  commence  son  article 
Lara.  Boxberger  —  qui  ne  remarque  pas  qu'en  traduisant  u  Injanis  » 
par  ((  Kinder))  Lessing,  qui  confond  avec  ((enfants  »,  dévoile  une  fois 
de  plus  son  ignorance  de  détails  -élémentaires  d'histoire  espagnole,  et 
que  seul  un  vocable  comme  Prinzen  eût  ici  convenu  i  —  renvoie 
(Kiirschner,  71,  p.  180)  au  t.  IX  ^  de  son  édition,  qui  est  le  t.  66  ^  de 
Ktirschner,  p.  21 5,  note  à  la  ligne  I.  Nous  y  trouvons  une  indication 
de  l'ouvrage  de  ((  Felibien  :  Principes  de  l'architecture,  de  la  sculp- 
ture et  des  autres  arts  qui  en  dépendent,  etc.  (Paris,  Coignard,  1676- 
1690,  5  vol.),  t.  II.  »  Si  cet  éditeur  eût  seulement  ouvert  l'ouvrage 
susdit,  il  eût  constaté  que  les  Infants  de  Lara  n'y  sont  pas  mentionnés. 
M.  Muncker,  qui  a  adopté  le  principe  de  n'illustrer  le  texte  de  Lessing 
d'aucunes  notes  de  détail,  a  cependant  corrigé,  d'après  le  manuscrit, 
l'indication  t.  II  en:  t.  III.  Il  y  a  bien,  en  effet,  à  un  tome  III,  p.  269, 
d'un  certain  Felibien,  un  passage  où  il  est  question  des  Infants  de 
Lara.  Mais  pourquoi  n'avoir  pas  mentionné  que  c'était  d'André  Feli- 
bien qu'il  s'agissait,  et  de  ses  Entretiens  sur  les  vies  et  sur  les  ouvrages 
des  plus  excellens  peintres,  et  pourquoi,  enfin,  n'avoir  pas  indiqué  à 
quelle  édition  il  fallait  recourir,  puisque  l'ouvrage,  d'ailleurs  le  plus 
estimé  —  à  juste  titre,  car  c'était  alors  une  nouveauté  —  de  tous  ceux 
composés  par  le  «  secrétaire  de  l'Académie  des  Sciences,  historio- 
graphe du  Roi  et  gardien  du  Cabinet  des  Antiques»,  a  eu  des  éditions 
en  3  volumes,  avant  d'être  en  4,  5  et  même  6  volumes  ?  Nous  sera-t-il 
permis  d'exprimer  notre  étonnement  de  ce  que,  dans  cette  Allemagne 
universitaire  où  la  Lessingolâtrie  engendre  bon  an  mal  an  un  déluge 

!.  On  aura  saisi,  en  outre,  l'équivoque  :  von.  Lara  au  lieu  de  aus  Lara.  Lessing 
croit  que  Lara  est  le  patronymique  des  Infants  et  non  pas  un  nom  de  lieu  castillan. 


2^6       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTLDE    DE    l'hiSPA.MSME    DE    G.    E.     LESSING 

de  verbeux  et  faciles  commentaires  de  l'œuvre  de  Lessing  rappelant, 
toutes  proportions  gardées,  la  débauche  espagnole  des  élucubrations 
cervantophiles,  il  ne  se  soit  point  encore  rencontré  un  éditeur  assez 
laborieux  pour  élever,  à  cette  même  oeuvre,  un  monument  critique 
analogue  à  celui  que  possèdent,  dans  les  magistrales  éditions  publiées 
sous  la  direction  de  M.  Ad.  Régnier,  les  «  grands  écrivains  »  de  la 
France,  et  où  l'on  trouverait  —  sera-ce  trop  demander?  —  simple- 
ment un  Index  des  noms  propres  et  une  table  analytique  des 
matières?  Dans  l'éd.  d'Amsterdam,  1706,  en  5  vol.  in-12  (t.  III,  p.  218 
seq.),  Félibien,  résumant  la  biographie  d'  «  Antoine  Tempeste  »,  décrit 
les  4o  planches  que  pet  artiste  grava  d'après  Otho  Vaenius  —  Octavio 
van  Veen,  le  maître  de  Rubens  —  et  qui  parurent,  dans  le  format 
petit  in-4  oblong,  à  AuAers  en  161 2,  chez  Lisaerti,  avec  explications 
en  espagnol  et  en  latin.  Félibien,  qui  savait  le  castillan  —  à  preuve  sa 
traduction  des  Moradas  de  Thérèse  d'Avila  sous  le  titre  :  Le  Chasteau 
Intérieur  ou  la  Demeure  de  l'Ame  ^,  avait  profité  de  l'occasion  pour 
exposer  à  son  interlocuteur  fictif  l'histoire  des  Sept  Infants,  d'après 
Garibay,  Comp.  hist.  (P.  10,  cap.  lU  seq.)  et  Mariana,  VIII,  9.  Son  récit, 
est-il  besoin  de  le  marquer,  ne  nous  laisse  percevoir  qu'un  écho  fort 
assourdi  de  l'obscure  tragédie  de  famille  qui,  vers  la  fin  du  dixième 
siècle,  eut  pour  théâtre  le  manoir  de  Salas  et  féconda,  pour  des  œuvres 
épiques  dont  la  sagacité  de  M.  R.  Menéndez  Pidal  nous  a  permis  de 
soupçonner  l'étrange  saveur  barbare,  la  fantaisie  mythique  médiévale. 
Quoiqu'il  puise  à  des  sources  déjà  fort  médiates,  Félibien,  en  «  honnête 
homme  »  du  xvii^  siècle  français,  a  cru  devoir  voiler  de  sa  politesse 
affadie  les  passages  où  transparaissait,  à  son  sens,  la  Nature  en  sa 
nudité.  Lorsque  Garibay,  plus  fidèle  ici  à  l'esprit  de  la  version  de  la  Crô- 
nica  gênerai  qu'il  suit  que  Mariana,  glosant  les  amours  de  Gonzalo 
avec  una  orincipal  Mora  de  la  Casa  d'el  Rey,  déclare  que  semblable 

1 .  Cette  œuvre,  rare,  est  aux  Estampes  nationales  sous  la  cote  C  b  8a.  En  voici  le  titre 
complet  :  Hisloria  \  Septem  Infantium  de  Lara  \  Authore  OU.  Vaenio.  |  Historia  \ 
de  los  siete  Infantes  |  de  Lara.  |  Por  Priuilegio  de  S.  Sanctidad,  del  Emperador,  de  los 
Beyes  d'Espaha  y  Francia,  de  \  los  Archiduques  esta  prohibido,  so  pena  de  dies  Marcas  de 
Oro,  que  ninguno  i  pueda  iinprimir,  imitar  6  sacar  â  luz,  de  qualquiera  otra  mariera  esta 
Historia,  \  0  otra  qualquiera  obra,  que  sea  del  mismo  Auctor,  —  Antwerpiae.  \  Prostant 
apud  Philippum  Lisaert.  Anno  M.  DC.  XII.  Félibien  ignore,  et  je  n'ai  pu  moi-même 
découvrir  si  Tempesta  a  gravé  ces  4o  planches  sur  les  peintures  ou  simplement  sur 
les  cartons  de  Van  Veen.  Je  ne  sais,  d'autre  part,  ce  que  signifie  le  titre  que  donne 
Graesse  (Trésor,  VI,  287,  s.  v.  Vaenius)  :  Historia  septem  infantium  de  Lara,  a  Don 
Rodrigo  Calderon.  Les  estampes  de  Tempesta  étaient  possédées  par  le  D'  N.  II. 
Julius,  ainsi  qu'il  appert  du  second  cat.  de  vente  de  sa  bibliothèque  :  Verzeichniss 
einer  loahrend  vierzig  Jahren  in  Europa  und  Amerika  zusammengebrachen  Bihliothek,  etc, 
(Berlin,  i85o,  in-8  de  182  pp),  p.  i35,  n"  2io5.  —  On  eût  aimé,  notons-le  en  passant, 
trouver  dans  l'érudite  Leyenda  de  los  Infantes  de  Lara  (Madrid,  1896;  de  M.  R.  Menéndez 
Pidal  une  section  touchant  l'iconographie  du  sujet;  pour  la  sémantique  du  vocable 
infantes  (=mozos  nobles,  aunque  fuesen  caballerosj,  cf.  ce  livre,  p.  442-443.  Sur  Van  Veen, 
cf.  Nagler,  t.  XIX.  p.  5G4-5G(j  ;  sur  Tempesta,  t.  XVIII,  p.  173-189. 

2.  Paris,  1670,  in-i2  de  438  pp.  (h.  \.:  D.  53025.) 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    T.'llîSl'AMSME    DE    LESSINO  2/17 

mésaventure  muchasveces suele acontecer  en  taies  juegos,  quecomençando 
de  burlas,  suele  la  cosa  sallir  de  veras,  y  aun  a  veces,  sin  agradeci- 
miento^,  Félibien  se  borne  à  narrer  que  «pendant  que  Gonçalo 
Gustos  étoit  en  prison,  il  trouva  moyen  de  se  faire  aimer  de  la  sœur 
du  Roi  ;  et  les  choses  furent  si  avant  entre  eux,  qu'elle  devint 
enceinte»,  et  mit  au  jour  le  bâtard  Mudarra. 

Lessing  ne  s'est  soucié,  semble-t- il,  que  du  côté  «  histonque  »,  et 
nullement  de  l'aspect  dramatique  de  l'événement  objectivé  dans  les 
planches  de  ïempesta.  Mais  sa  curiosité  n'est  pas  allée  au  delà  de  Féli- 
bien, lequel,  cependant,  indiquait  avec  précision  les  deux  chroniqueurs 
espagnols  sur  lesquels  il  avait  édifié  son  récit.  Lessing  constate  à  la 
planche  2  un  grossier  anachronisme,  consistant  en  ce  que  le  texte  place 
en  l'an  130U  la  naissance  —  simultanée  !  —  des  Infants.  On  lit,  en  effet, 
dans  l'explication  castillane  que  : 

«  El  ano  i3o4.  reynando  el  Rey  Bermudo,  nascieron  del  Principe  Gonzalo 
Gustos  y  Dona  Sancha  los  siete  Infantes  de  Lara,  tan  perfectos  que  la  misma 
Naturaleza  estaua  con  marauilla  contemplandolos,  y  con  ella  la  Diosa  Pallas 
la  quai  alabando  la  obra  de  la  Naturaleza,  le  dize  que  procure  acabarla,  y 
que  ella  procuraria  apartar  dellos  una  influencia  mallgna,  con  un  danosis- 
simo  aspecto.  » 

Or,  Félibien  avait  déjà  rectifié  ce  passage.  Après  avoir  décrit  cette 
planche  2  : 

«  Le  Peintre  les  a  (les  Infants)  disposez  tous  ensemble  sur  un  linceul, 
comme  venans  de  naître  à  même  heure,  bien  que  les  Historiens  les  plus 
célèbres  n'en  disent  rien.  On  voit  quelques  femmes  qui  les  regardent  avec 
étonnement.  Dona  Sancha  est  couchée  dans  un  lit,  qui  paroît  dans  le  fond  de 
la  Chambre.  A  côté  des  Infans,  et  sur  le  devant  du  Tableau,  il  y  a  deux 
figures  debout  :  l'une  est  une  femme,  avec  plusieurs  mamelles,  pour  repré- 
senter la  Nature  qui  admire  son  ouvrage;  et  l'autre  est  la  Déesse  Pallas,  qui 
l'exhorte  à  le  perfectionner,  pendant  que  de  son  côté  elle  tâchera  de  détour- 
ner les  mauvaises  influences  dont  ces  enfants  sont  menacez...  », 

il  replaçait  en  ces  termes  l'événement  à  la  date  que  lui  assignaient 
les  garants  connus  de  lui  : 

«  Ceux  qui  ont  écrit  la  mort  des  sept  Infans,  ne  conviennent  pas  de 
l'année  qu'elle  arriva.  Les  uns  disent  que  ce  fut  vers  l'an  967,  les  autres,  998. 
Mais  on  voit  que  l'auteur  de  l'explication  qui  est  sous  les  figures  que 
Tempeste  a  gravées,  s'est  beaucoup  trompé,  en  mettant  leur  naissance  en 
l'an  i3o4.  » 

1.  P.  539  de  l'éd.  d'Anvers,  1571,  du  Compendio  historial,  t.  I.  Le  jésuite  Mariana 
accommode  l'afTaire  plus  délicatement  :  «Era  la  prision  algo  libre  conque  cier ta  hermana 
del  rey  tuvo  entrada  para  comunicalle.  Desta  conversacion  dicen  que  nacio  Mudarra  Gon- 
zalez, principio  y  fandador  del  linaje  nohilisimo  en  Espaha  de  los  Manriques.  »  (Hist.  de 
Esp.,  loc.  cit.)  L'explication  des  planches  33  et  34  de  Tempcsta  n'est  pas  rédigée  en 
termes  moins  édifiants,  mais,  dans  la  planche  33,  l'artiste,  représentant  la  première 
visite  de  la  Mora  à  Gonzalo,  a  dessiné  dans  le  cachot  un  grand  lit  découvert,  et.  dans 
la  suivante,  l'abdomen  de  la  sœur  d'  «  Almanzor  »  a  atteint  un  volume  significatif. 


a'iS       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Une  autre  contradiction  frappe  Lessing.  Elle  concerne  «  den  Fehler, 
den  eben  dieser  Ausleger  [l'auteur  des  explications  placées  en  bas  des 
planches]  mit  dem  Almanzor  macht,  den  er  Kônig  von  Cordua  (sic) 
nennt  »,  Mais  cette  observation  érudite  n'est  pas  plus  originale  que 
la  précédente.  Il  y  avait  sous  la  planche  i6  que  «  Ruy  Velazquez  dixo 
a  Gonzalo  Gustos,  que  el  ténia  cierta  pretension  con  el  Rey  Almanzor 
de  Cordoba,  y  que  esperaua,  etc.,  etc.  ».  Félibien  remarqua  à  ce  sujet 
que  l'auteur  des  explications  nommait 

«  aussi  le  Roi  More  qui  commandoit  à  Cordouë,  Almançor,  bien  que 
Mariana  dise  que  A.lhagib  Mahomet,  que  Garibay  nomme  A.Ihagib 
Almançor,  étoit  un  capitaine  d'une  grande  réputation  dans  la  guerre,  et 
d'une  singulière  prudence  dans  la  paix,  lequel  gouvernoit  à  Cordouë  pour 
les  Mores  au  nom  du  Roi  Hissem.  De  sorte  que  si  ce  fut  le  Roi  même  qui 
donna  la  vie  à  Gonçalo  Gustos,  et  qui  étoit  oncle  de  Mudara,  ce  ne  pouvoit 
pas  être  Almançor  :  ou  bien  si  c'étoit  Almançor,  il  n'étoit  que  Viceroi  de 
Cordouë,  et  non  pas  Roi,  comme  l'auteur  de  l'explication  le  qualifie.  » 

Jusqu'ici,  Lessing  s'est  donc  borné  à  suivre  pas  à  pas  son  garant 
français.  Il  est,  cependant,  si  novice  en  histoire  d'Espagne  qu'il 
ne  peut  dissimuler  son  inquiétude  touchant  ce  rey  Bermudo  sous  la 
domination  duquel  seraient,  d'après  le  texte  des  planches,  nés  les 
Sept  Infants,  et  dont  Félibien  ne  soufflait  mot.  «  Aher,  »  interroge- 
t-il  avec  une  touchante  candeur,  ((wer  ist  der  Kônig  Bermudo?))  La 
demande  est  d'autant  plus  précieuse  à  enregistrer  que  le  chapitre  IX. 
du  Livre  VIII  de  Mariana,  —  dont  nul  ne  songera  à  prétendre  que 
l'ouvrage  fût  rare,  —  auquel  renvoyait  explicitement  Félicien  et  où  est 
contée  la  légende  des  Infants,  porte  pour  titre  :  De  D.  Bermudo  el 
Gotoso  rey  de  Léon.  Mais  c'eût  été  autre  chose  encore  qu'ouvrir 
VHistoria  de  Espaîia  qu'eût  dû  faire  Lessing,  s'il  n'en  avait  été 
détourné  par  son  ignorance  de  la  langue.  Lui,  dont  l'instinct  critique 
était  si  amoureux  de  rectifications  historiques  et  de  «  Retiungen  »,  n'eût- 
il  pas  trouvé,  je  ne  dirai  pas  dans  Garibay  et  dans  Morales,  qui, 
cependant,  ne  relatent  déjà  la  légende  qu'avec  certain  scepticisme,  le 
second  surtout,  mais  dans  Ferreras',  ample  matière  à  révoquer  en 
doute  la  narration  confiante  de  Félibien,  qu'il  accepte  si  docilement, 
et  à  ne  plus  s'inquiéter  de  savoir  si  Al-Mansour  fut  ou  ne  fut  pas 
l'oncle  de  Mudarra  Gonzalez  ?  Mais  de  ces  besognes  fructueuses  il  n'a 
même  pas  le  soupçon.  Il  aime  mieux  clore  son  article  en  critiquant, 
dans  les  estampes  de  Tempesta.  l'analogie  entre  les  figures  «  allégo- 
riques »  et  les  figures  «réelles».  Car  il  est  convaincu  de  la  réalité 
historique  de  la  fable  complaisamment  détaillée  par  l'historien  d'art 
et  architecte  de  Chartres  ! 

I.  Dont  nous  savons,  au  surplus,  que  la  Sinopsis  Historica,  etc.  (Madrid,  1700- 
1727,  16  vol.  in-4),  lui  était  accessible  en  français  et  en  allemand. 


I.A    NATURF    FT    T.ES    SOmCFS    DF    I.'lIISPANISVIF    DF    T.ESSINO  n'\C) 

/'  Ramôn  Lull. 

(M.  XV,  295.) 

Dans  un  bizarre  traité —  où  l'alchimie  s'allie  à  la  chimie  —  de  l'éco- 
nomiste absolutiste  Wilhelm  baron  von  Schrôder,  intitulé  :  Nothioen- 
diger  Unterricht  vom  Goldmachen,  etc.  (chap.  I,  §  9)1,  Lessing  a  lu  que 
Raimond  Lull  composa  une  «  Klagschriji  »  contre  le  roi  d'Angleterre 
parce  que  ce  dernier  avait  employé  l'or  qu'il  lui  avait  fabriqué  à  Londres, 
non  point,  comme  ils  en  étaient  convenus,  pour  reconquérir  la  Terre 
Sainte  sur  les  infidèles,  mais  pour  répandre  le  sang  de  la  chrétienté, 
entendons:  guerroyer  contre  la  France.  On  eût  espéré  de  Lessing  au 
moins  une  tentative  d'examiner  critiquement  cette  sottise.  A  défaut 
de  Nicolas  Antonio,  qui  déjà  avait  partiellement  réfuté  la  légende  des 
relations  de  Lull  avec  le  roi  d'Angleterre 2,  Lenglet  du  Fresnoy,  quoique 
partisan  lui  aussi  de  cette  légende  (en  vertu  de  sa  croyance  à  l'authen- 
ticité d'œuvres  faussement  attribuées  au  célèbre  «  doctor  illuminatus  »), 
lui  offrait  les  éléments  d'une  recherche  intéressante.  Ne  lit-on  pas, 
au  t.  1  de  l'Histoire  de  la  philosophie  hermétique,  etc.^,  p.  169  seq.: 

«  Mais  comme  je  ne  veux  rien  omettre  à  ce  sujet,  je  vais  marquer  naturel- 
lement les  difficultés  que  l'on  peut-former  contre  le  fait  que  j'avance  [le 
séjour  en  Angleterre];  quelques  auteurs  célèbres  prétendent  que  jamais 
Raymond  Lulle  ne  fut  en  Angleterre,  et  qu'il  ignoroit  même  la  science 
hermétique,  et  comme  on  a  prétendu  que  ce  fut  sous  Edouard  VI.  qu'il 
opéra  ses  merveilles  Hermétiques  à  Londres,  les  tems  ne  se  rapportent  point, 
et  c'est  ce  qui  forme  la  première  difficulté,  etc.  ?  » 

Lessing  s'est  contenté,  cette  fois  encore,  d'une  peu  embarrassante 
demande  :  «  Existiret  denn  wirklich  solche  Klageschrift  des  Raimund?  y) 

k)  L'Escorial  et  Aranjuez. 

(M.  XV,  354  et  38o.) 

A  l'article  Raphaël,  se  trouve  cette  phrase  :  «  In  Spanien,  im  Escurial 
sind  zwey  Stiicke  von,  ihm,  von  welchen  das  eine  eine  Madonna  ist.  » 

1.  Cet  ouvrage,  dont  la  première  édition  est  de  i68i,  n'étant  pas  à  la  Bihl.  Nal., 
je  me-  suis  servi  de  l'exemplaire  de  la  Sladtbibl.  de.Hambourg,  dans  la  réédition  do 
Lpzg.  1700,  à  la  suite  de  la  Fnrstliche  Schatz=  und  Bent  =  Kammer  du  mémo  auteur, 
parue  vers  1O8G  et  rééditée  au  moins  huit  lois  consécutives  jusqu'en  1762.  En  1727, 
l'ouvrage  fut  inclus  par  Fr.  Roth-Scholtz  dans  Deutschlands  Theatriim  Chemicum,  I. 
Thl.,  p.  219-288.  Sur  l'auteur,  cf.  l'article  de  M.  Marchet,  AU.  D.  Biogr.,  t.  82  (1891), 
p.53o-533.  Le  passage  cité  par  Lessing  se  trouve  p.  10  de  l'éd.  de  1706. 

2.  Bibl.  hisp.  vet.,  II,  187,  5  i58  de  l'art.  Baymundus  Liillus. 

3.  Paris,  17^2,  3  vol.  in-12.  Sur  les  fables  acceptées  par  Lessing,  cf.  le  B.  Lull  de 
Littré  et  Hauréau,  Hist.  litt.  de  la  Fr.,  t.  XXIX  (Paris,  i885),  p.  291-292,  371-372.  Une 
bonne  caractéristique  de  Lull  a  été  récemment  donnée  par  M.  Mcnéndez  y  Pelayo  au 
t.  I  de  ses  Origenes  de  la  Novela,  etc.  (Madrid,  1905.  Nueva  Bibl.  de  Aut.  Esp.),  à  propos 
duquel  cf.  M.  Fitzmaurice-Kelly,  dans  Mod.  Long.  I\ntes,  1907,  p.  1^-19. 


20O      CONTRIBUTIONS    A    I.  ETI  DE    DE    L  HTSPAMSME    DE    G.    E.    LESSTNO 

Ouvrons  Winckelmann,  dans  l'éd.  de  Dresde,  1768,  de  VAbhandlung 
von  der  Fcihigkeit  der  Empjlndung  des  Schônen  in  der  Kunst,  und  dem 
Unterrichle  in  derselben^,  édition  qui  est  celle  oij  Lessing  est  allé  se 
documenter  sur  Raphaël.  Nous  y  trouvons,  p.  20  :  «  In  Spanien,  im 
Escurial,  sind  zwey  Stûcke  von  dessen  Hand,  von  welchen  das  eine 
eine  Madonna  ista.  »  Les  éditeurs  de  Lessing,  qui  ont  imprimé  entre 
guillemets  les  passages  précédant  cet  alinéa,  passages  directement 
transcrits  —  de  l'aveu,  dailleurs  formel,  de  Lessing  —  de  l'ouvrage  ci- 
dessus,  n'ont  pas  cru  devoir  laisser,  pour  celui  que  nous  venons  de 
confronter,  subsister  ces  signes,  cependant  nécessaires.  Serait-ce, 
comme  dirait  M.  Muncker,  parce  que  la  transcription  est  a  quelque 
peu  libre  ))  ?  Serait-ce,  au  contraire,  parce  qu'aucun  ne  s'est,  en  ce  cas 
comme  en  d'autres,  donné  la  peine  de  contrôler  à  sa  source  la  science 
de  son  auteur? 

C'est  encore  dans  Winckelmann,  op.  cit.,  p.  igS,  que  Lessing  a  copié 
mot  pour  mot  sa  notice  sur  les  Antiques  d'Aranjuez  {M.  XV,  38o).  On 
se  demande  de  nouveau  pourquoi  les  éditeurs  de  Lessing,  pourquoi, 
surtout,  son  dernier  éditeur  ne  mettent  pas  entre  guillemets  cette  trans- 
cription littérale,  laissant,  par  leur  procédé,  le  lecteur  —  qui  ne  peut 
vérifier  chacune  des  «  citations  »  de  Lessing  pour  la  raison,  ci-dessus 
mentionnée,  du  manque  d'une  édition  critique  de  ses  œuvres  —  croire 
que  celui-ci  résume,  ou  même  remanie  des  renseignements  dont  il  est 
redevable  au  fils  du  cordonnier  de  Stendal^. 


l)  Les  auteurs  hispano-portugais 
de  Traités  d'échecs. 

(M.  XV,  3G4.) 

Lessing  énumère,  à  l'article  Schach  —  on  n'ignore  pas  quelle  fut  sa  pas- 
sion pour  le  u  noble  jeu  »  5  —  divers  auteurs  de  Traités  d'échecs,  à  la  suite 
de  la  liste  qu'en  avait  fournie  l'orientaliste  anglais  Thomas  Hyde  dans 

1.  Gd.  in-4  de  82  pp.  Dans  l'édition  des  Werke,  le  passage  est  1. 11,  p.  407  (Dresden, 
1808). 

2.  Ces  deux  ((numéros»  de  Raphaël  sont  La  Perla  et  Nuestra  Senora  del  Pez, 
images  de  madones  ousimplemçntde  vierges  dontil  yaune  ample  description  au  t.  II, 
Caria  IV  (fieflexiones)  du  Viaje  de  Espana,  etc.  d'Antonio  Ponz,  dont  il  va  être  parlé, 
et  doTit  la  seconde  a  été  gravée  en  tète  des  Travels  Ihrough  Portugal  and  Spain  in  1772 
and  1773  (Dublin,  1775)  de  R.  Twiss,  qui  a  traduit  p.  119  seq.  la  description  susmen- 
tionnée de  Ponz. 

3.  P.  4o4  de  la  rééd.  précitée. 

4.  Lessing  transcrit  si  littéralement  Winckelmann  qu'il  ne  songe  pas  à  corriger  la 
graphie  vicieuse  :  Herkule  Ferrata  en  :  Ercole  Ferrata  (que  nous  trouvons  corrigée 
dans  l'éd.  de  Dresde,  1808),  de  même  que,  dans  Emil'ia  Galotti,  il  n'hésitera  à  baptiser  : 
Hettore  le  prince  de  Gonzague. 

5.  Il  avait  trouvé  l'apologie  du  jeu  d'échecs  dans  Huarte,  qui  le  tenait  pour  un 
symbole  de  l'art  de  la  guerre.  (Ed.  d'Amsterdam,  1662,  p.  iSg,  276,  2117.) 


LA    NATURE    ET    I,ES    SOURCE-^    DE    L  HISPAiSISME    DE    EESSING  SOT 

sa  classique  :  Mandragorias ,  seu  Historia  Shahiludii,  etc.,  etc.  (Oxonii, 
169^,  in-8)i.  Hyde,  dans  la  partie  de  son  livre  intitulée  De  Ludis 
Orientaliiim  {Lib.  I.  P.  /«,  quaeesl  Latina),  avait,  en  effet,  dressé  (p.  i83) 
un  Elenchus  quoriindam  eorum  qui  de  Shahiludio  scripserunt  Libros. 
Parmi  les  espagnols,  il  citait,  n"  18,  Damianus  Portiigallensis,  n"  19, 
Rui  Lopez  Hispanus,  mais  sans  préciser  le  titre  de  leurs  ouvrages,  et 
en  les  englobant  sous  la  rubrique  :  Hi  cum  mulUs  aliis  scripserunt 
Libros  De  Scachis.  Lessing,  à  son  tour,  observe  que  de  «  Damiano 
Portughese  »  (sic)  2  la  Bibliothèque  de  Wolfenbiittel  possède  deux 
éditions  «  anciennes  »  —  elles  sont  toutes  anciennes,  puisque  la 
dernière  est  de  i564  —  qu'il  décrit  sommairement,  sans  qu'un  mot 
prouve  qu'il  ait  remarqué  combien  défectueuses,  sentant  le  portugais 
et  l'italien,  sont  les  courtes  explications  castillanes  imprimées  à  partir 
du  ch.  VIII  (Primores  que  interuiene  enel  luego  utilissimas  por  asaber 
y  por  a  suttigliar  el  ingenio),  tout  le  reste  du  livre  étant  rédigé  en 
italien.  II  constate  tout  uniment,  en  effet,  que  ((  Damiano  Portughese 
hat  ein  Libro  da  imparare  à  giochare  à  Scachi  e  de'  belissimi  Partiti 
u.  s.  IV.  italiànisch  und  spanisch  geschriebeny).  —  Du  Traité  de 
«  Rui  Lopez  .),  il  ne  connaît  —  elles  se  trouvaient  sur  les  rayons  de  la 
Bibliothèque  qu'il  administrait  —  que  deux  traductions  :  «  Eine 
Italienische  von  Gio.  Domenico  Torsia  (sic)  mitdem  Namen  des  Lopez. 
in  Venetia  i584.  4°.  180.  Quod.  »  C'est  :  IL  |  GIUOCO  |  DE  GLI 
SCACGHI  I  Di  Rui  Lopez,  Spagnuolo  ;  \  Nuouamente  tradotto  in  lingua 
Italiana  \  da  M.  Gio.  Domenico  Tarsia,  etc.,  etc.  |  Con  privilegio.  \  In 
Venetia,  |  Pressa  Cornelio  Arriuabene.  |  MDLXXXIIIL  In -4  de 
2i4  pages,  traduction  libre  de  l'original.  —  «Eine  Franzôsische,  ohne 
Namen  des  Verfassers  und  Uebersetzers  à  Paris  1609.  4°.  86.  QuodI.  » 
C'est  :  LE  |  JEU  DES  ESCHEGS,  |  etc.,  etc.  |  Traduit  d'Espagnol  en 
François.  \  a  Paris,  \  chez  Jean  Micard,  etc.,  etc.  \  MDCIX.  \  Avec 
Privilège  du  Roy.  In-4- 

Lessing  ajoute  que  ce  sont  les  conseils  de  Rui  Lopez  qui  lui  ont  plu 
davantage.  Il  nous  suffît  -  du  point  de  vue  de  cette  étude  —  d'avoir 
constaté  qu'il  n'a  pas  lu  dans  l'original  le  Traité  de  l'inventeur  de  la 
partida  espanola^.  Sa  science  des  Traités  d'échecs  espagnols  ne  va  pas, 

1.  Cf.  la  description  bibliographique  complète  de  cet  ouvrage,  qui  est  à  la  Bihl. 
Nat.,  dans  A.  van  der  Linde  :  Geschichte  und  fAlteratur  des  Schackspiels  (Berlin,  1874), 
I,  p.  88-89. 

2.  Cf.  sur  ce  Damiâo,  dont  on  ignore  même  le  patronymique,  les  articles  de  Bar- 
bosa,  Bihl.  Lusit.,  I,  p.  610,  et  de  Da  Silva,  IX  (1870),  p.  101-102.  Cf.  la  description 
bibliographique  des  huit  éditions  connues  de  son  Traité  (i5i2-i56/i)  dans  van  der 
Linde,  op.  cit.,  I,  387-347.  Je  me  suis  servi  de  l'exemplaire  de  la  Bibl.  Nat.,  coté:  p  l'  125. 

3.  LIBRO  DE  LA  i  INVENCION  LIBERAL  Y  ARTE  1  del  juego  del  ixedrez,  muy 
util  y  provechosa  :  \  assi  para  los  que  de  nueuo  quisieren  depren-  |  der  à  jagarlo,  como  para 
los  que  I  lo  saben  jugar.  |  Compuesta  aora  nucuamente  por  Buylopez  de  Sigara  de-  \  rigo, 
vezino  delà  villa  Çafra.  Dirigida  al  muy  illustre  se-  \  nor  don  Garcia  de  Toledo.  ayo  y  mayor- 
domo  ma-  \  yor  del  .Serenissimo  Principe  don  |  Carlos  nuestro  senor.  |  En  Alcala  en  casa  de 
Andres  \  de  Angulo.  i5()i.  |  Con  privilegio.  In-'i  de  i.')8  tl.,  dont  8  préliminaires. 


303       CONTRIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    I,  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

d'ailleurs,  plus  loin.  Il  ignore  la  Repeiicion  de  Amores  (i495?)  de 
Lucena,  comme  il  ignore  le  glorieux  passé  du  jeu  d'échecs  en  Espagne, 
dont  un  monument  inoubliable  subsiste,  en  cet  Escortai  qu'il  ne 
mentionne  que  dans  la  maigre  notice  transcrite  de  V/inckelmann,  sous 
forme  d'un  précieux  parchemin,  coté/.  T.  6  fol.,  des  Juegos  diversos 
de  Axedrez,  dados  y  tablas,  con  sus  explicaciones,  ordenados  por 
mandado  del  Rey  D.  Alonzo  el  Sabio. 


m)  Arnaldo  de  Vilanova. 

(M.  XV,  209.) 

A  l'article  Edelsteîne,  Lessing  a  cité  l'alchimiste-médecin  aragonais 
du  xiii'  siècle,  mais  tout  à  tait  hors  de  propos.  Il  a  trouvé  dans  le 
Traité  d'un  médecin  italien  du  xvi'  siècle  :  Spéculum  Lapidum  Claris- 
simi  Avlium  \  El  Medicinae  Doctoris  Camilli  \  Leonardi  Pisaurensis  ^ , 
chap.  V  :  De  omnibus  nominibus  doctorum  a  quibus  ea  quae  dicturi 
sumus  accepimus,  la  simple  mention  du  vocable  Arnaldus,  et  en  a 
conclu  qu'il  s'agissait  d'Arnauld  de  Villeneuve.  Mais  il  se  trompait  : 
Leonardi  avait  en  vue  le  plus  ancien  encyclopédiste  du  xiii'  siècle, 
Arnoldus  Saxo.  3  Une  autre  fois,  en  inspectant  les  rayons  de  la  Biblio- 
thèque de  Wolfenbûttel,  il  y  a  découvert  un  petit  Traité,  sur  deux 
feuilles  in -A,  imprimé  à  la  suite  d'un  Tractatus  descriptionum 
morborum  in  corpore  humano  existentium,  iU96,  s.  /.,  et  intitulé: 
Tractatus  de  virtutibus  benedictae  quercus,  in  foliis,  glandibus,  capulis 
etjîsco  {=visco)  atque  gallis  et  en  a  envoyé  la  description,  en  quelques 
lignes,  à  un  correspondant,  M.  Herz,  qui  la  publia  dans  la  i.  Samm- 
lung  de  ses  Briefe  an  Aerzte^. 

1.  B.  Nat.  S.  5233.  Le  lieu  et  la  date  de  l'impression  ne  sont  indiqués  qu'à  la  page 
finale  (Venetiis  per  Melchiorem.  Sessam  et  Petrum  de  Rauanis  sociis.  A.  D.  1516),  mais 
lépître  dédicatoire  de  l'auteur  à  César  Borgia  est  datée  i5o"j.  —  Le  passage  qui  a 
induit  Lessing  en  erreur  est/.  XVI,  d". 

2.  Cf.  sur  ce  personnage  l'article  de  V.  Rose  :  Aristoteles  de  Lapidibus  und  Arnoldus 
Saxo  dans  la  Zeitschrift  de  Haupt,  A'.  F.  VI,  821,  et  Vlnaugural-Dissertation  de  Em. 
Stange  ^.ut  Arnoldus  Saxo.  (Halle,  i885,  66  pp.  in-8.) 

3.  La  I.  Sammlung,  parue  à  Berlin  en  1777  in-8,  fut  réimprimée  en  1788.  Dans 
cette  dernière  édition,  le  passage  qui  nous  intéresse  est  p.  222-225.  C'est  pour  avoir 
ignoré  celte  découverte  de  Lessing  —  dont,  cependant,  M.  Ludvvig  Geiger  avait 
rafraîchi  le  souvenir  en  1880  dans  l'Archiv  Jiir  Litteratur-Geschichte  de  Schnorr  von 
Carolsfeld,  IX,  p.  579-581  —  que  M.  B.  Hauréau  a,  dans  son  Arnauld  de  Villeneuve 
(Hist.  litt.  de  la  France,  XXVHl  [i88i],  p.  ii4),  classé  parmi  les  œuvres  inédites  le  De 
Qaercu.  Toute  son  argumentation  touchant  le  caractère  apocryphe  de  l'œuvre  tombe, 
du  même  coup,  puisque,  dans  l'édition  que  décrit  Lessing,  elle  n'est  nullement  dédiée 
«  ad  Pichardum,  episcopum  Canluariensem  »,  mais  à  «  Richard,  Bischof  von  Lautenburg  ». 
Ce  fragment  de  Lessing  a  été  réimprimé  en  188 1  par  Maltzahn-Boxberger  dans  la 
réédition  du  Lessing  de  Danzel  et  Guhrauer,  II,  p.  68i,  puis  dans  les  Lessings  M'erkc, 
éd.  Kurschner,  t.  Gg,  p.  3^3. 


LA    XATURE    ET    LES    SOURCES    HE    l'hISPAMSME    DE    LESSING  353 

Dans  sa  lettre  à  Herz,  Lessing  révélait  assez  clairement  l'état  de  ses 
connaissances  relativement  à  Arnauld  de  Villeneuve.  11  y  qualifiait, 
en  effet,  le  roman  d'un  érudit  à  l'eau  de  rose,  le  béarnais  (qui  vécut 
en  Provence)  P.  J.  de  Haitze  :  La  vie  d'Arnaud  de  Villeneuve,  par 
Pierre  Joseph  (sic).  A  Aix,  il  19^,  de  :  complète  biographie. 

Enfin,  Lessing  a  trouvé  dans  l'Histoire  de  la  médecine  de  John  Freind 
un  passage,  qui  a  piqué  son  attention,  relatif  aux  vices  sodomitiques 
des  femmes  de  Toscane,  qu'aurait  décrits  Arnauld  a.  En  voici  la  teneur  : 

«  There  are  many  passages  in  his  works  very  extraordinary,  particularly 
in  relation  to  the  distempers  of  Womeii  :  and  then  occur  some  observations 
upon  this  subject,  which  are  in  no  other  writer  either  before  or  since.  He 
gives  usindeed  a  full  idea  of  the  debauchery  and  lewdness  of  thosestimes^  : 
and  if  tlie  wickedness  he  observes  in  the  Tuscan  women  be  somewhat 
singular  and  surprizing*,  his  advice  how  to  reform  it  is  no  iess.  » 

A  la  suite  de  cette  lecture,  Lessing  a  noté  : 

«  Dièses  beyni  Villa  nova  nachzusehen,  den  Freind  blos  mil  den  Zahlen 
3.  6.  g.  citiret;  vielleicht,  dass  es  die  S  des  Werkes  de  morbis  muUerum  sind.  » 

En  sa  qualité  d'ancien  Kandidat  der  Medizin,  il  eût  dû  savoir  que 
Vilanova  n'a  pas  écrit  d'ouvrage  de  morbis  mulierum,  mais  bien  un 
Breviarium ,  dont  le  troisième  livre  est  intitulé  :  Agitur  de  curatione 
morborum  mulierum  3.  Il  était  naturel  que  Freind  y  renvoyât  par  des 
chiffres  indiquant  les  chapitres  de  ce  Livre,  puisqu'il  discutait  les  vues 
d'Arnauld  sur  les  femmes,  et  Lessing  n'eût  pas  dû  s'étonner  du  mode, 
fort  normal  et  scientifique,  de  ce  renvoi^. 

Au  chap.  9  se  trouve,  en  réalité,  le  passage  sur  la  perversité  des 
Toscanes  dont  s'était  alarmé  le  canl  du  docteur  anglais  et  dont  la 
teneur  n'effarouchera  plus  les  érudits  d'un  âge  oîi  la  science  de  la 
morale  sexuelle  s'affirme  en  des  recueils  du  genre  de  l'Annuaire, 
si  précieux  :  , 

'ANePQnO^TTEIA 

édité  à  Leipsig  par  le  D'  Fr.  S.  Rrauss,  de  Vienne,  et  dont  le  t.  IV  a 
paru  en  octobre  1907. 

I.  Petit  in-8  de  197  p.  (B.  Nat.  L^'  n  630.) 

i.  Lessing  déclare  lire  Freind  dans  la  traduction  latine  du  D'  VVigan  {Opéra  omnia 
medica,  London,  1733,  in-fol.,  et  Paris,  1 735,  in-ti").  Je  ne  l'ai  pas  eue  en  mains,  mais  le 
passage  qu'il  a  en  vue  se  trouve  dans  l'édition  originale  :  The  Hislory  of  Physick; 
froin  the  Urne  of  Galen  to  the  beginningof  the  .Sixteenth  Ceiitury,  etc.  (London,  i725-2(i, 
2  vol.  in-8),  t.  2,  p.  2jQ.  Dans  la  traduction  française  d'Etienne  Coulet,  en  trois  parties 
(Leide  1727),  il  est  ///'  Partie,  p.  21  ''. 

3.  Dans  l'édition  de  Bàle,  i585  :  Arnaldi  Villanovani  philosophi  et  medici  summi 
opéra  omnia.  Cuin  Sicolai  TaurelU  Medici  et  Philosophi  in  quosdam  Libros  Annotationibus, 
le  titre  du  livre  III  est  mentionné  p.  io5i . 

4.  Cap.  III  (p.  1329)  :  De  regimine  Praegnantium  et  de  conservatione  Einbrionis  et  de 
cautela  abortus;  Cap.  VI (p.  iSZ"]):  Utmulier  non  concipiat  et  ut  virgo  videatur;  Cap.  IX 
(p.  1 344)  :  De  suffocatione  Matricis. 


:.  3,  C)  &  9.  [Note  de  Freind.] 
a.  9.  [id.] 


30^        CONTRIBXTIONS    A    L  ETLDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.     LESSING 

«  Quaedam  Dominae  viduae,  &  etià  mercatrices,  quarum  mariti  à  patria 
recedunt,  &  quandoq.'  stant  per  duos  vel  très  annos,  non  reuertcntes  ad 
patriam,  quandoq.'  huiusmodi  passionem  incurrunt,  &  nimis  appetunt 
coitum,  sed  timentes  impregnari  non  audent  cum  viris  coire,  &  supponunt 
sibi  digitum,  vel  quendam  sacculum  paruum,  impletù  bombace,  factum  in 
modum  virgae  virilis,  &  intantum  imponunt  intus  &  extra,  quod  sperma- 
tisant.  Et  aliae  habèt  quoddam  vas  aereum,  vel  ex  auricalco  factù  in  modù 
virgae  virilis,  in  medio  côcauum,  in  cuius  summitate  est  foramen  loaruù,  & 
tantum  ducunt  in  vuluis  suis  intus  &  extra,  quôd  spermatisant,  &  cûm 
spermatisare  incipiùt,  mittunt  in  vuluis  suis  per  illud  foramen  per  médium 
vasis  illius  paru  aquae  rosarù  quae  miscetur  cum  spermate.  Et  mulieres 
Thusciae  magis  sunt  vitiatae  hoc  peccato  Sodomitico  caeteris  mulieribus  : 
inueni  enim  quadà  vice  summo  mane  in  via  in  ciuitate  Florctiae  quoddam 
instrumentum  sic  factum  in  modum  virgae  virilis,  quod  cuidS  mulieri 
ceciderat  :  Et  ppterea  scio,  quôd  in  talib.  delectantur  :  sed  pdicta  omnia 
Sodomitica  sunt,  &  ab  ecclesia  prohibita  :  Est  .n.  maximù  peccatù  hoc 
facere,  vnde  potius  côsulo,  qd  cù  viris  coeSt,  &  min.  peccatù  cômittent, 
Âbstineàt  à  saisis,  à  carnib.  vnctuosis,  ventositatè  generàlibus,  à  car- 
nibus  vaccinis,  leporib.  &  similibus,  vinum  odoriferû  &  bene  lymphatù 
bibant.  » 

Telles  sont  les  relations  connues  entre  Lessing  et  Arnauld  de 
Villeneuve.  Ajoutons,  cependant,  qu'en  1771,  dans  les  A nmerkungen 
liber  das  Epigramm,  2,  il  a  demandé  à  ses  lecteurs  si  les  prescriptions 
médicales  de  l'École  de  Salerne  n'étaient  pas  «  eines  sehr  interessanten 
Inhalts  ».  Mais  nul  n'ignore  que  le  Regimen  Saler nitanum,  auquel  il  fai- 
sait allusion,  n'avait  pas  cessé,  depuis  le  x  i  v'  siècle,  d'être  remanié  par  les 
médecins,  de  sorte  que,  toujours  réimprimé  sous  le  nom  de  Villeneuve, 
il  contenait  beaucoup  plus  de  science  étrangère  que  de  la  «  science  » 
initiale  de  son  auteur.  II  est,  toutefois,  à  craindre  que  les  partisans  de 
l'hispanisme  de  Lessing  ne  nous  objectent  que,  si  ce  dernier  n'a  écrit 
que  les  peu  compromettants  passages  précités  surVilanova,  cela  n'em- 
pêche nullement  qu'il  ait  estimé  très  fort  son  œuvre,  comme  chacun  sait. 
Qui  douterait  de  la  vraisemblance  de  notre  pronostic,  n'aura  besoin 
que  d'ouvrir  la  Zeitschrift  fiir  vergleichende  Lileraturgeschichte ,  N.  F. 
XIII  (1899),  p.  Ui8,  note  2.  Il  y  trouvera  «  en  letras  de  molde  »  que 
«  bekanntlich  hat  Lessing  viel  auf  Villanova's  Wissen  gehalten^).  Ce 
bekanntlich  de  M.  Farinelli  nous  rappelle  la  confidence  d'un  poly- 
graphe  hambourgeois,  dont  la  signature  s'étale  communément  unter'm 
Strich  dans  une  gazette  erstclassig  de  Berlin,  ainsi  que  dans  un  pério- 
dique universitaire  d'austère  philologie,  lequel  nous  avoua  certain  soir 
de  1905,  dans  une  confidence  de  Stammtisch,  qu'il  n'usait  de  cet 
adverbe  que  dans  les  cas  —  sans  doute  clairsemés  —  où  il  lui  arrivait 
de  faire  passer  en  contrebande  scientifique  un  paradoxe. 


LA    MATURE    ET    LES    SOlKCtS    DE    L  HISPANISME    DE    LESSl.NG  205 

1771.  Das  bôse  "Weib. 

(M.\,   12.) 

Dans    les  Suingedichle  publiés  dans  l'éd.  de  177 1   se  trouve  cette 
épigramme  : 

«  Ein  einzig  boses  Weib  lebt  hochstens  in  der  Welt  : 
Nur  schlimm,  dassjeder  seins  fur  dièses  einz'ge  huit.  » 

Boxbergeri  suggère  en  note,  à  ce  propos,  un  passage  du  Don  Quixote 
traduit  par  F.  Just.  Bertuch.  Ce  passage  se  lit  au  ///.  Theil,  p.  33o,  de 
Leben  und  Thaten  des  weisen  Junkers  Don  Quixote  von  Mancha  (Neue 
Ausgabe,  1777)  :  «  Ein  ge^visser  Weiser,  ich  weiss  nicht  wer,  sagte  : 
in  der  Welt  giebts  nur  Eine  gute  Frau;  jeder  Mann  glaube,  die  seyne 
sey  es,  und  so  ^vi^d  er  glûcklich  und  zufrieden  leben.  »  Le  rapport 
entre  le  passage  de  Cervantes  —  la  traduction  de  Bertuch  (i""  éd.  1 775-76, 
Lpzg.  6  vol.,  y  compris  la  contrefaçon  d'((  Avellaneda»)  étant  posté- 
rieure à  la  publication  des  Sinngedichte  —  et  l'épigramme  de  Lessing 
reste,  quant  à  la  pensée  misogyne  qui  y  est  développée,  si  vague,  même 
en  admettant  que  l'auteur  ait,  pour  donner  du  piquant  à  sa  fantaisie, 
renversé  le  concept  espagnol,  que  le  rapprochement,  frivole,  ne 
semble  inspiré  que  par  la  liantise  de  l'hispanophilie  lessinguienne. 
Paul  Albrecht  (L' .  PI.,  1,  1-2),  toujours  avide  de  textes  confirmant,  à 
quelque  degré  que  ce  fût  2,  sa  théorie  d'un  Lessing  fur  et  trifur,  a 
reproduit,  mais  du  moins  en  castillan,  le  passage  en  question,  qui  se 
trouve  D.  Quijote,  II,  22  :  u  Mirad,  discreto  Basilio,  afiadiô  Don  Quixote  : 
Opinion  fué  de  no  se  que  sabio,  que  no  abia  en  todo  el  mundo  sino 
una  sola  mujer  buena  y  daba  por  consejo  que  cada  uno  pensase, 

1.  Kiirschner,  I,  p.  i33. 

2.  Un  exemple  typique  de  l'obnubilation  mentale  de  Paul  Albrecht,  que  partagent, 
dès  qu'il  s'agit  de  l'hispanisme  de  l'idole,  plusieurs  Lessingforscher,  nous  est  fourni,  et 
sans  sortir  de  la  matière  de  ces  recherches,  par  le  V""  des  Comische  Einfdlle  und  Ziige, 
publiés  en  1780  par  K..  Lessing  dans  le  Theitralischer  Nachlass  (M.  III,  /I9C  seq.)  —  et 
qui  sont  des  traductions  libres  du  français  et  de  l'anglais,  bien  que  M.  Muncker  les 
ait  réimprimés  avec  confiance,  comme  il  a  aussi  réimprimé,  au  IV""  Stiick  de  la 
Théâtral.  Bibliothek  (VI,  294  seq.),  les  Entwïirfevon  lauler  ungedruckten  Stiicken.  traduc- 
tions littérales  de  morceaux  contenus  dans  les  six  premiers  volumes  du  Dictionnaire 
des  Théâtres  de  Paris  en  7  vol.  in- 12  (Paris,  Lambert,  175G),  comme,  enfin,  il  a  réim- 
primé également  deux  histoires  de  Das  A'euesle  aus  dem  Reiche  des  Witces  (IV,  ^27  et 
487)  qui  sont  deux  plagiats  du  français  :  cf.  E.  Schmidt,  art.  cit.  des  Sitzungsbe- 
richte.  etc.,  p.  i5,  note  i.  Paul  Albrecht  admettait  donc  que  la  source  de  Lessing 
dans  le  passage  précité  était...  un  dialogue  des  Encanlos  de  Medea,  pièce  mytho- 
logique de  facture  gongoriste,  complètement  illisible,  de  Rojas  Zorrilla.  Or,  Lessing 
s'était  borné  à  copier  une  bribe  de  dialogue  dans  la  Comœdia  voin  Studentenleben  de 
J.  G.  Schoch  (Leipzig,  1637).  Qu'un  grave  Lessingforscher  eût  fait  la  décotiverte  au 
lieu  d'un  simple  Paul  Albrecht  el  l'eût  publiéedans  Eujjhorion  ou  un  recueil  analogue, 
Lessing  se  voyait  octroyer  un  lleuron  nouveau  à  sa  couronne  d'hispanisle-précurseur. 


■206       GO.NTHiB'JTIO.\'S    A    LÉTtUE    DE    l/niSl'A.MSME    DE    G.    E.    LESSISG 

y  creyese,  que  aquella  sola  buena  era  la  suya,  y  asi  viviria  contento.  » 
Clemendn  n'a  pas  cru  devoir  commenter  cette  allusion  (IV,  4o3)  et 
nous  ignorons  si  le  nouvel  éditeur  critique  (?)  barcelonais  du  Don 
Quijote  I  saura  nous  dire  si  ce  «  no  se  que  sabio  »  a  existé,  comme  nous 
en  doutons,  ailleurs  que  dans  la  cervelle  expérimentée  de  Cervantes. 
Haug,  d'autre  part,  et  toujours  d'après  Boxberger,  aurait  identifié 
comme  étant  la  source  de  Lessing,  «  Nikolaus  Gaudius  von  Briissel  ». 
Haug  et  Weisser  ont  réimprimé  au  t.  IV  (Zurich,  1807),  p.  3o,  de  leur 
Epigrammalische  Anthologie  l'épigramme  de  Lessing,  mais  quel  peut 
bien  être  ce  mystérieux  Nikolaus  Gaudius?  Il  est  plus  que  probable 
qu'il  s'agit  de  Dominions  Baudius,  et,  plus  particulièrement,  de  sa 
compilation,  qui  contient  tant  de  détails  et  de  traits  contre  les  femmes, 
bien  que  je  n'y  aie  pas  trouvé  de  passage  concordant  littéralement 
avec  celui  de  Lessing  :  Dominici  Baudii  \  Amores,  \  Edente  \  Petro 
Scriverio,  \  inscripti  \  Th.  Grasivinckelio,  \  Equili.  (Amstelodami,  i638, 
in-i6  de  5i8  pp.)  Baudier,  on  le  sait,  était  de  Lille  (ancienne  Flandre), 
d'où,  peut-être,  la  confusion.  Mais  à  quoi  bon  poursuivre  ici  une 
investigation  inopportune,  puisqu'il  nous  suffît  d'avoir  établi  l'inanité 
du  rapprochement  avec  Cervantes?  La  véritable  source  de  Lessing, 
aussi  bien,  a  été  le  chroniqueur  et  parémiologiste  Christoph  Lehmann, 
dont  le  Florilegium  polilicum,  etc.,  paru  en  i63o,  in-8,  s.  l.  [Witten- 
berg]  —  pour  les  éditions  successives,  cf.  Jôcher.  II,  23^2,  Rotermund 
III,  1499,  et  surtout  l'excellent  article  de  J.  Franck,  Allg.  D.  Biographie, 
XVIII  (i883),  p.  1 32-1 38,  où  sont  rectifiées  les  erreurs  courantes  des 
lexiques  bibliographiques  sur  cet  auteur,  y  compris  celles  de  Graesse, 
Trésor,  IV,  i5i  —  est  encore  utile  à  consulter  aujourd'hui,  et  déjà, 
avant  Lessing,  le  génial  Balthasar  Schupp  (Morhof ,  Pofyh.,  S  i5o)  l'avait 
placé  «  zunâchst  der  Bibel  ».  Fûlleborn  {Lessings  Leben,  III,  16)  a 
consigné  qu'au  début  de  son  séjour  à  Wolfenbiittel,  Lessing  commer- 
çait activement  avec  le  Florilegium  et  pensait  même  en  élaborer  un 
remaniement,  projet  inexécuté,  mais  dont  on  retrouve  des  vestiges 
dans  quelques  fragments  de  V Altdeutscher  Witz  und  Verstand.  Sans 
doute  eût-il,  ce  qu'a  omis  de  faire  Lehmann,  illustré  d'un  commentaire 
les  proverbes  cités.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  grâce  à  cette  «  fleur  « 
cueillie  par  Lessing  dans  Lehmann  :  «  Es  ist  nur  ein  bôss  VVeib  uff  der 
Welt,  ein  jeder  meynt  er  habs,  »  que  le  père  de  Max  Mûller,  le  poète 
des  Lieder  der  Griechen,  Wilhelm  Mûller,  a  pu,  à  son  tour,  faire  preuve 

I.  Sur  celte  édition  Cortejôn,  cf.  l'excellent  passage  de  M.  A.  Morel-Fatio,  art. 
préc.  de  VArchiv  de  Herrig  (1906),  p.  35o  seq.  Une  analyse  de  M.  P.  de  Mûgica  dans 
la  Ztschft.  fiir  rom.  Phil.  est  dépourvue  de  sens  critique  (t.  XXXI  [1907],  p.  ^99-503.) 
M.  Cortejôn  a  cru  devoir  se  faire  défendre  contre  les  attaques  des  «  étrangers  »  — 
oubliant  que  la  science  ignore  les  poteaux  de  frontières  —  par  M.  J.  Givanel  en  1907 
dans  la  revue  mensuelle  madrilègne  Ateneo  :  Una  éd.  crit.  del  Quijote  (tirage  à  part, 
Madrid,  1907,  19  p.),  en  des  termes  dont  l'inopportunité  a  été  finement  relevée  dans 
ce  même  Archiv,  t.  CXIX  (1907),  p.  479. 


LV    .NVTLKE    ET    LES    bOUHCES    UE    L  HISPAMS.ME    DE    LESSING  207 

de  misogynie,  en  plagiant,  il  est  vrai,  l'auteur  des  Sinngedichte.  Au 
tome  2  de  ses  Vermischte  Schriften,  éditées  en  5  vol.  in- 12  par 
Gustav  SchAvab  en  i83o  à  Leipzig,  on  lit  p.  407,  à  la  83"°  épigramme 
du  //.  Hundert  : 

Das  Bôse  Weib. 

Nur  ein  einziges  bôses  Weib  lebt  noch  unter  der  Sonnen  ; 

Aber  jeder  Ehemann  meint,  er  hab's  gewonnen. 


Auf  den   Hablador. 

{M.  I,  16). 

Voici  une  épigramme  qui  éclaire  d'un  jour  assez  cru  les  habitudes 
d'inspiration  de  Lessing.  Elle  est  ainsi  conçue  : 

Habladors  Mund,  Utin,  ist  dir  ein  Mund  zum  Kiissen? 
Wie  er  spricht,  spricht  dir  niemand  nicht?  — 
Wie  sollte  so  ein  Mann  auch  nicht  zu  sprechen  wissen? 
Er  thut  ja  nichts,  als  dass  er  spricht. 

Ce  hablador  fait  songer  à  l'Espagne,  d'autant  plus  que  Lessing  n'est 
pas  prodigue,  en  général,  de  vocables  castillans  —  au  56'  chapitre  de 
la  Dramaturgie  il  parle  bien  du  pundonor  (M.  X,  19),  mais  c'était  là 
expression  d'usage  à  peu  près  européen  et  ayant  acquis,  en  quelque 
sorte,  droit  de  cité  dans  la  littérature  universelle.  Qui  eût  cru,  cepen- 
dant, que  sous  ce  pavillon  espagnol  se  cachait  une  contrebande  fran- 
çaise, et  que  le  grand  gallophobe  se  bornait  à  démarquer,  en  inventant 
un  nouveau  titre  pour  rendre  son  larcin  moins  apparent,  la  87' 
Épigramme  du  I"  Livre  des  Epigranimes  \  De  \  Gombauld.  \  Divisées 
en  trois  livres  (A  Paris,  M.  D  C  LVII,  in-8  [B.  N.  Yc.  7970]),  p.  49? 

Grand  Parlevr. 

Lxxxvn. 

Si  l'on  vous  croit,  bouche  de  rose, 
Lysandre  parle  bien;  nul  ne  peut  l'esgaler. 
Il  deuroit  bien  sçavoir  parler; 
Il  ne  fait  iamais  autre  chose. 


Les  ((  Anxnerkungen  ûber  das  Epigraxnxn  ». 

(M.  XI.) 

Les  Anmerkungen  iiber  das  Epigramm,  parues  en  177 1  à  la  Première 
Partie  des  Vermischte  Schriften,  contiennent  quelques  allusions  à  la 
littérature  transpyrénaïque  que  nous  allons  passer  successivement 
en  revue. 


2Ô8       COM'RIBUTIONS    A    LÉIUDE    DE    L'HlSl'A>rSME    DE    G.    E.    LESSl^G 

a.  Le  «  kaastischer  Einfall  n  d'un  Espagnol. 

(M.  XI,  2i6.) 

"  Demi  Avenn  es  Avahr  ist,  dass  bloss  die  Kûrze  das  Epigranim  macht, 
dass  jedes  Paar  einzelne  Verse  ein  Epigramrn  sind  :  so  gilt  der  kaustiche 
Einfall  jenes  Spaniers,  von  der  Epigramni  vornehmlich  :  «  wer  ist  so  dumm, 
dass  er  nicht  ein  Epigramin  machen  kônnte  :  aber  wer  ist  so  ein  Narr,  dass  er 
sich  die  MCihe  nehmen  sollte,  deren  zwey  zii  machen  ?  » 

La  boutade  satirique,  sur  la  source  de  laquelle  Lessing  ne  daigne 
pas  —  non  sans  motif,  comme  nous  allons  nous  en  convaincre  — 
s'expliquer,  se  lit  dans  la  compilation  de  Melchor  Santa  Cruz  de 
Dueiïas,  «  vezino  de  la  ciudad  de  Toledo,  »  imprimée  en  1674  à  Tolède 
chez  Fran.  de  Guzman,  puis  réimprimée  à  diverses  reprises:  cette 
Floresta  bien  connue,  traduite  en  allemand  dès  1621»,  ainsi  que, 
antérieurement  déjà,  en  français.  Dans  l'éd.  de  Séville,  par  Clémente 
Hidalgo,  afio  1609,  nous  la  trouvons  p.  3o,  011  elle  est  la  XXXIV'2  du 
chap.  II  :  De  Cavalleros  : 

«  El  code  de  Orgaz  don  Alvar  perez  de  guzman  dezia,  que  ténia  por 
necio,  al  que  no  sabia  hazer  una  copia,  y  por  loco  ai  que  hazia  dos.  » 

Dans  la  traduction  française,  avec  texte  espagnol  en  regard  (éd.  de 
Bruxelles,  Velpius  et  Anthoine,  i6i4),  l'anecdote  est  rendue  en  ces 
termes,  ch.  II  (Des  Chevaliers),  p.  80  : 

«  XXXIIII,  Le  Comte  de  Orgas,  Don  Aluar  père  fsic)  de  Gusman,  disoit, 
qu'il  reputoit  celuy-Ià  pour  niais  et  sot,  qui  ne  Sçauoit  faire  une  couple  de 
chanson  ou  quelques  vers;  et  pour  un  fol,  et  insensé,  celuy  qui  en  faisoit 
deux.  » 

Je  la  retrouve,  mais  défigurée  et  anonyme,  dans  les  Menagiana  (Éd. 
d'Amsterdam,  1718,  t.  1,  p.  3o4)  : 

«  J'ai  fait  des  vers  seulement,  ul  non  essein  tantae  suavitatis  expers.  Atticus 
en  a  fait  pour  la  même  raison  ;  ne  ejus  expers  esset  suavitatis  dit  l'Auteur  de 
sa  vie.  Il  y  a  peu  de  personnes  savantes  qui  ne  fassent  des  vers,  ou  n'aient 
envie  d'en  faire.  Les  Espagnols  ont  un  proverbe  qui  dit  :  que  qui  ne  sait  pas 
faire  un  vers  est  un  sot,  et  qui  en  fait  deux,  en  fait  trop.  » 

Elle  va  inspirer,  enfin,  le  belliqueux  épigrammatiste  hambourgeois 
Christian  Wernicke,  qui  prend  sur  lui  de  la  faire  prononcer  par  Orgaz 
à  l'endroit  «  d'un  de  ses  amis  »,  et  la  rapporte  dans  l'Avis  au  Lecteur 


1.  Cf.  A.  Schneider,  op.  cit.,  p.  i33  seq. 

2.  II  y  a,  daas  cet  éd.,  par  erreur  XXXiii  au  lieu  de  AXVii'n'. 


L\    NVTLHE    KT    LES    SOURCES    DE    l.'uiSl'AMSME    DE    LESSINO  aOQ 

de  ses  Ueberschriften,  dans  l'éd.  de  Zurich,  Gessner,  17^9:  A'.  Wer- 
nickens  Poetische  Versiiche  in  Ueberschriften,  etc.  (Neue  und  verbes- 
serte  Auflage)  :  An  den  Léser  : 

«  Ist  endlich  die  Poésie  eine  Raserey,  so  ist  des  Verfassers  seine  eine  der 
kûrzesten;  als  welcher  zwar  einigc  Verse,  den  Mûssigang  zu  vertreiben, 
schreiben,  aber  daraus  garnicht  ein  Handwerk  machen  wollen;  sicli  allezeit 
desjenigen  erinnernd.  was  der  spanische  Graf  d'Orgaz  zu  eincni  seiner 
Freunde  in  gleicher  Gelegcnheit  sagte  :  Tengo  por  necio,  al  que  no  sube  hazer 
una  copia;  y  por  loco,  al  que  haze  dos.  » 

Quelle  que  soit  la  source  —  médiate,  et  c'est  là  ce  qu'il  nous  importait 
de  fixer  —  011  Lessing  a  pris  sa  mention  de  YEinfall,  que  ce  soit  dans 
les  Menagiana,  auxquels  on  sait  qu'il  a  emprunté  la  matière  de 
plusieurs  épigrammes  et  qu'il  cite  aussi  ailleurs,  art.  odium  Iheologi- 
cum  (M.  XV,  32(3)  et  Rettiing  des  Hier.  Cardanus  (M.  V,  3 11),  ou  dans 
Wernicke,  constatons  qu'il  fut  incapable  de  s'en  tirer  sans  contresens, 
puisqu'il  fait  de  la  joyeuse  et  innocente  copia  de  D.  Alvar  Pérez  de 
Gazmdn  une  renfrognée  et  satirique  épigranime,  et  qu'il  confond  la 
forme -type  de  la  chanson  populaire  espagnole  avec  le  «propos  rac- 
courci »  de  la  poésie  savante. 


[i.  La  ((  petite  histoire  »  du  «  Don  Quichotte  » . 

(M.  XI,  227.) 

K  Soilten  aber  gar  nur  die  Gôtter  aïs  glûckliche  Errather  hier  aufge- 
iùhret  werden  ;  wie  viel  sinnreicher  ist  sodann  jenes  Histôrchen  —  ini  Don 
Quixote,  wo  ich  micli  recht  erinnere  —  von  den  zwey  Briidern  und 
Weinkosternl'  welches  ich  wahrUch  lieber  erfunden,  als  ein  ganzes 
Hundert  von  jenerley  Râthseln,  aucli  in  den  schônsten  Versen,  gemaclit 
haben  môchte.  » 

Cette  ((  petite  histoire  »  que  Lessing  aimerait  mieux  avoir  inventée 
qu'avoir  composée,  fût-ce  en  les  vers  les  plus  beaux,  un  bon  cent 
d'énigmes,  c'est  celle  que  narre  Sancho  au  caballero  del  Bosqiie  pour 
lui  expliquer,  par  un  exemple  emprunté  à  sa  tradition  familiale, 
pourquoi  il  excelle  dans  l'art  de  déguster  les  vins,  D.  Q.,  Il,  xui,  et 
qui  a  dû,  avant  de  paraître  excellente  à  Lessing,  le  sembler  à  Cer- 
vantes lui-même,  puisqu'il  l'a  reprise  dans  son  Entremés  de  la  Elecciôn 
de  los  Alcaldes  de  DaganzoK  II  est  douteux  que,  cette  fois  encore,  la 
réminiscence  de  Lessing  soit  originale.  Un  écrivain  qu'il  a,  à  plusieurs 
reprises,  traité  de  polygraphe  superficiel  et  étourdi,  mais  qui  n'en 

I.  Cf.  Comedias  y  Entremeses  de  Miguel  de  Cervantes  Saavedra,  etc.  dans  l'éd.  de 
Hlas  Nasarre,  t.  I,  p.  211.  On  aura  noté  que  Lessing  parle  de  deux  frères  quand  Sancho 
lucntionue  deux  ascenduiils  de  la  ligne  [jalerneUe  (tuve  en  nii  linage  //or  parle  de  mi  pmlre). 

C.    l'irOLLIiï.  '"^ 


:iGo       CUMKIBLTIO.NS    A    LÉXLUE    DE    l'hiSPAMS.ML    DL    G.    L.    LESbl^G 

jouissait  pas  moins  —  constatation  toujours  ancienne  et  toujours  nou- 
velle dans  l'histoire  littéraire  —  de  la  faveur  du  grand  public,  Johann 
Jakob  Dusch,  a,  dans  ses  Vermischte  Kritischeund Satirische  Schrijlen 
nebst  einigen  Oden  auf  gegenwdrtige  Zelten  publiées  en  1768  à  Alloua 
—  oîi  il  vécut  presque  toute  sa  vie  en  qualité  de  pédagogue  —  en  effet 
ce  passage,  p.  255  : 

«  Eine  ofTenbare  Lrsache,  warum  viele  die  gehôrige  Empfindung  von 
der  Schônhcit  nicht  haben,  ist  der  Mangel  der  Zârtlichkeit  der  Einbildungs- 
kraft,  welche  nôthig  ist,  eine  Empfindbarkeit  dieser  feinern  Regungen  zu 
erwecken.  Dièse  Zârtlichkeit  behauptet  jedermann  zu  haben  :  jedermann 
spricht  davon,  undwill  sie  zu  einer  Regel  ûber  allen  und  jeden  Geschmack, 
oder  ûber  jede  Empfindung  machen.  Da  wir  aber  in  dieser  Abhandlung 
gesonnen  sind,  einiges  Licht  des  Verstandes  unter  das  Gefùhl  der  Empfin- 
dung zu  mischen,  so  mùssen  wir  eine  richtigere  Beschreibung  von  der 
Zârtlichkeit  geben,  als  man  bisher  gegeben  bat.  Und  damit  wir  unsre 
Grùnde  nicht  aus  einer  gar  zu  tiefen  Quelle  schôpfen,  so  woUen  wir  eine 
bekannte  Gcschichte  aus  dem  Don  Quixotc  zu  Hûlfe  nehmen. 

Ich  behauptc  mit  gulem  Grunde,  sagt  Sancho  zu  dem  Ritler  mit  der 
grossen  Nase,  dass  ich  vom  Weine  urtheilen  kann  :  dièses  ist  eine  Erbei- 
genschaft  in  unsrer  Familie.  Zwey  von  meinen  Verwandten  mnssten 
einsmals  ihre  Meynung  von  einem  Fasse  sagen,  welches  man  fur  vortrefllich 
hielt,  weil  es  ait,  und  bey  einer  gulen  Weinlese  gefûllt  war.  Einer  von 
diesen  kostete  den  Wein,  bedenket  sicb,  und  spricht  nach  einer  reifen 
Ueberlegung,  der  Wein  sey  gut,  doch  habe  er  einen  kleinen  Geschmack 
von  Leder,  den  er  empfunden  batte.  Der  andre  gab  gleichfalls,  nachdem  er 
sich  einer  gleichen  Yoisicht  bedienet  batte,  seinen  Ausspruch  zum  Vortheil 
des  Weins;  doch  fand  er  einen  Eisengeschmack  in  demselben,  den  er  sebr 
leicht  unterscheiden  konnte.  Ihr  kônnet  nicht  glauben,  wie  sehr  sie  ihres 
Urtbeils  wegen  aufgezogen  wurden.  Aber  wer  lachte  am  Ende  ?  Als  man 
das  Fass  leerete,  fand  sich  auf  dem  Boden  desselben  ein  aller  Schlûssel, 
woran  ein  lederner  Riemen  gebunden  war  ' .  » 

I.  Au  77°°  Stixck  de  la  Dramaturgie,  Lessing  a  une  autre  allusion  au  D.  Quichotte: 
«Und  so  haben  die  Herren  gut  streiten;  ihre  Einbildung  verwandell  Windmûhleu 
in  Riesen;  sie  jagen,  in  der  gewissen  HolTnung  des  Sièges,  darauf  los,  und  kehren 
sich  an  keinen  Sancho,  der  weiter  nichts  als  gesunden  Menschenversland  hat,  und 
ihnen  auf  seinem  bedâchtlichern  Pferdc  hinten  nach  ruft,  sich  nicht  zu  ûbereilen, 
und  doch  nur  erst  die  Augen  recht  aufzusperren...  »  Cette  réminiscence  du  cli.  Vlll 
de  la  i"  Partie  n'est  que  banale,  et  pourtant  Lessing  commet  de  nouveau  une 
incroyable  bévue  :  qu'est-ce  que  ce  Sancho  chevauchant  un  «  cheval  plus  circons- 
pect »?  Nous  répondra-ton  que  parle  «cheval»,  Lessing  entendait  r«àne»P  Que 
ne  disait-il  dne,  tout  simplement?  Il  est  vrai  que  Cervantes  lui-même  a  commis  une 
analogue  «ànerie»  au  ch.  Wlll  de  la  Parte  /«.  où  il  fait  descendre  Sancho  de  sa 
mouture,  qui  lui  avait  été  volée  dans  le  même  chapitre  par  Oincs  de  Pasamonte,  ce 
qui  explique,  j'imagine,  cette  malice  de  Lope  de  V'ega  dans  Amar  sin  saber  a  quien, 
Jornada  III",  Esc.  I'^  : 

que  ay  hombre 

que  hasta  de  una  mala  parda 

saber  el  suceso  aguarda, 

la  color,  el  talle  y  el  nombre, 

ô  si  no,  dirén  que  fué 

olvido  del  escrilor. 

{l'arle  WII,  Madrid,  i(J35,  iii-/|.) 


LA    .NATLRE    ET    LES    SOURCES    DE    I.  HISPANISME    DE    LESSl.NG  2bl 

v.  Les  traducteurs  espagnols  de  Martial. 

(M.  XI,   ■2y^'A.) 

<<  Einzelne  Slûcke  [des  Martial]  sind  die  Menge  auch  in  aile  andere  Spra- 
chen  ûbersetzt  worden,  denen  es  nicht  ganz  an  Poelen  feiilet.  Dass  sich. 
eine  ziemliche  Anzahl  spanischer  Uebersetzungen,  von  einem  Enianuel  de 
Salines  in  des  Lorenzo  Gracian  Arte  de  Ingenio  finden,  merke  ich  deswegen 
an,  weil  sie  sich  der  Kenntniss  sowohl  des  Antonio  und  Velazquez,  als, 
welches  eben  so  sehr  zu  verwundern,  unscrs  mit  der  spanischen  Litteratur 
se  genau  bekannten  Uebersetzers  des  letztern,entzogen  zuhaben  scheinen.  » 

Lessing  fait  à  bon  compte  la  leçon  à  Dieze.  Outre  que  la  graphie 
Emanael  de  Salines  —  que  Boxberger  a  arbitrairement  corrigée  en 
Salinas  (Kurschner,  t.  12,  p.  464)  —  semblerait  prouver  que  le  rensei- 
gnement émane,  peut-être  même  médiatement,  d'une  source  française, 
et  que  la  grossière  erreur  d'attribution  à  Lorenzo  Graciân  de  VAgu- 
deza  ne  démontre  pas  que  Lessing  ait  fait,  en  matière  de  bibliographie 
des  ouvrages  de  Baltazar  Graciân,  le  moindre  progrès  depuis  1754  •, 
il  n'a  eu  besoin,  pour  réaliser  sa  u  découverte)),  que  de  jeter  un  coup 
d'oeil,  dans  sa  bibliothèque,  sur  le  titre  d'une  édition  ancienne  du 
Traité.  Celle  de  Huesca,  1649,  porte,  par  exemple,  la  mention  sui- 
vante : 

Agudeza  \  y  \  arte  de  ingenio  |  etc.,  etc.  |  por  Lorenzo  Gracian.  \  Ilmtrala 
I  El  Dotor  don  Manuel  de  Salinas  y  Lizana,  Canonigo  de  la  Cate-  \  dral  de 
Huesca,  con   saçonadas   traduccionnes  de    los  \  Epigramas  de  Marcial.  \  En 
Huesca  por  luan  Nogues  MDCXLIX  (3"-  ImpresionJ  ^ . 

1.  Nous  lisons  dans  Molière  et  le  Th.  Esp.  de  M.  E.  Martinenche,  p.  58,  note  2  : 
«  Voici,  par  exemple,  un  madrigal  espagnol  qui  traite  un  sujet  analogue  à  celui  de 
l'impromptu  de  Mascarille.  (Il  est  de  Lorenzo  Gracian  et  se  trouve  dans  Agudeza  y 
arte  de  ingenio.  Huesca,  iCig...)  >»  P.  253  de  l'cd.  citée,  il  y  a  le  «madrigal»,  ou, 
comme  s'exprime  B.  Graciân,  le  «gran  concepto  »,  mais  il  appartient  à  Camoens. 

2.  L'éd.  princeps  de  Madrid  (Sânchez,  1642)  de  VArte  de  Ingenio,  tratado  de  la 
Agudeza,  n'a  pas  l'indication  de  Salinas  au  titre.  Ces  deux  éditions  sont  à  la  Bibl.  Nat. 
Au  Discurso  XH,  Graciân  qualifie  Salinas  de  «  tan  ingenioso  en  sus  poemas,  quan  pro- 
pio  en  los  agenos.»  N.  Antonio  (I,  35G)  ne  mentionne  de  lui  que  le  poème  La  casta 
Susana  (Huesca,  i65i).  Ad.  de  Castro  a  réimprimé  les  traductions  des  épigranimes  de 
Martial  par  Salinas  au  t.  42, p.  565  seq.  de  la  B.  A.  E,  sans  en  indiquer  aucunement  la 
provenance.  Au  t.  I  (1895-96)  do  l'eu  la  Revista  critica  de  R.  Altamira,  p.  81-88,  se 
trouvent  des  lettres  de  Salinas  et  Graciân.  Ph.  H.  Kûlb,  qui  a  écrit  le  bon  article 
GracidndansVEncyclop.  deErschetGruber(/.  Sekt.,elc.,  Leipzig,  i864)prétendait,  p.  278, 
note  8,  en  en  appelant  à  une  gazette  qui  passait  en  son  temps  pour  la  meilleure 
gazette  d'érudition  allemande,  les  Acta  Eruditorum  (cf.  sur  eux  l'art,  du  bibliothé- 
caire de  Dresde  Ebert  dans  cette  même  Encycl.,  L  Thl.  [Lpzg.,  1818J,  p.  34o-3ii),  qu'un 
Génois  aurait  traduit  l'/tgrudera  en  italien,  mais  ajoutait  :  «  es  findet  sich  aber  nirgends 
eine  nàhere  Andeutung  ûber  dièse  Uebersetzung  oder  Bearbeitung.  ))  En  fait,  les  Acta 
Eruditorum  avaient  plagié  une  indicatiori  d'Amelot  de  la  Houssaye.  J'ai  recherché  le 
passage  des  Acta,  H  esta  l'année  iC85,  p.  91  :  «  Agudeza  i.  e.  Acumen  quem  tractatum 
multa  Jesuitarum  elogia  continentem  Genuensis  quidam  Italice  verlisse,  et  suc 
nomine  edidisse  perhibetur.  »  Cf.  la  préface  (non  paginée)  de  l'éd.  de  L'Homme  de 
Cour,  dont  les  Acta  rendent  compte  :  «  Le  troisième  |ouvrage]  est  l'Agudeza,  de  la 


262       COATRIBLTIONS    A    l'ÉTUUE    UE    l'hiSPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

Pourquoi  Lessing,  puisqu'il  faisait  tant  que  corriger  Dieze  et  se 
piquait,  en  passant,  d'hispanisme,  ne  signalait-il  pas  plutôt  à  son  ami 
une  autre  omission  d'une  traduction  espagnole  des  épigrammes  de 
Martial,  plus  méritoire  à  relever,  à  coup  sûr,  que  la  précédente,  traduc- 
tion restée  enfouie  dans  un  in-4  publié  à  Séville,  en  1660,  par  Fernando 
de  la  ïorre  Farfan  sous  le  titre  :  Templo  Panegyrico ,  y  Certamen  Poetico 
en  las  Jiestas  del  Sagrario  Nuevo  de  Sevilla?  —  Quelques  lignes  avant 
sa  rectification  de  l'oubli  de  Dieze,  Lessing  avait  cité,  pêle-mêle  avec 
d'autres  traducteurs  en  grec  de  Martial,  et  sans  en  désigner  la  natio- 
nalité, certain  «  Emanuel  Martinus  ».  Se  doutait-il  que  ces  versions 
n'avaient  pas  été  imprimées,  et  savait-il  que  leur  auteur  n'était  autre 
que  le  célèbre  doyen  d'Alicante,  Manuel  Marti,  celui-là  même  auquel 
le  cardinal  d'Aguirre  avait  confié  la  mission  de  surveiller  l'édition 
des  deux  tomes  de  la  posthume  Bibl.  hisp.  vêtus  (Romae,  1696)  de 
N.  Antonio  et  dont  Mayâns  devait,  avant  d'en  déplorer  la  mort  dans 
une  lettre  de  Madrid,  3  mai  1787,  à  Francisco  de  Almeidai,  éditer  trois 
copieux  volumes  d'épîtres  latines,  à  Madrid,  1785,  précédées  de  sa 
Vie,  où  se  trouve,  au  n*  i85,  la  mention  des  traductions  en  question  2  : 
((  Martialis  Disticha,  et  Epigrammata  aliqiiol  Graece  expressa.  Ea 
impense  laudavit  Janus  Interamnensls  Ajalaeus,  Poeta  egregius  »  ? 


i  772. —  Zur  Gelehrten=Geschichte. 

{M.  XVI.) 

Quelques-unes  des  remarques  de  Lessing  Zar  Gelehrten  =  Geschichte, 
qui  remontent  en  majeure  partie  aux  premières  années  de  Wolfenbiittel, 

beauté  duquel  Don  Lastanosa  dit,  qu'un  Génois  fut  si  épris,  qu'il  le  traduisit  incon- 
tinent en  Italien  &  s'en  fit  l'auteur.  »  Kiilb,  d'autre  part,  a  oublié  de  mentionner  cette 
indication,  qui  se  trouve  dans  Flôgel  et  est  assez  obscure  :  «Der  Professor  Adam 
Eberti  zu  Frankfurt  batte  die  gesammten  Schriften  des  Gracian  ins  Lateinische 
ûbersetzt.  »  (Gesch.  der  kom.  Lit.,  II,  p.  3o5.)  On  sait  qu'il  n'existe  pas  de  traduction 
connue  de  l'Agudeza,  en  dépit  de  ces  deux  affirmations. 

1.  Cette  lettre  a  été  publiée  par  Ochoa,  B.  A.  E.,  62,  p.  168  seq.,  mais  il  n'a  pas 
mentionné  qu'elle  avait  déjà  été  imprimée  en  1787,  in-fol.,  à  Lisbonne. 

2.  Emmanuelis  Martini,  Ecclesiae  Alonensis  Decani  Epistolarum  libri  daodeciin.  Acce- 
dit  ejusdem  Auctoris  nondum  defuncti  vita  à  Gregorio  Majansiu  conscripta  (Madrid 
Zûniga,  1785,  3  vol.  in-8).  Détail  curieux,  l'ouvrage  fut  réimprimé  à  Amsterdam,  en 
1788,  en  deux  vol.  in-4,  et  bien  que  Marti  fût  mort,  on  laissa  sur  le  litre  la  mention 
nondum  defuncti.  Dans  cette  éd.,  le  passage  que  je  cite  est  p.  92  de  la  Vita.  A  la  fin  des 
Epistolae,  l'éditeur  hollandais  a  réimprimé  VOratio  pro  crépita  ventris  habita  ad  Patres 
Crépitantes  nb  E[inmanuele]  M\artino]  D[ecano]  A[lonensi],  qui  avait  paru  à  Madrid, 
1787,  in-8.  —  La  notice  sur  la  traduction  grecque  de  Martial  a  passé  en  ces  termes 
dans  la  seconde  éd.  (1788)  de  la  Bibl.  hisp.  vêtus,  I,  88,  note  i  :  «  Emmanuel  demum 
Martinus  Alonensis  Decanus,  doctrinae  ac  scriptorum  laude  clarus  Martialis  disticha 
et  epigrammata  aliquot  Graecè  expressit,  impense  a  lano  Interamnensi  AyalaBO» 
Poeta  et  ipso  minime  vulgari,  laudala,  ut  refert  civis  atque  amicus  olim  singularis 
meus  Cl.  Gregorius  Mayansius  in  cjus  Vita  praemissa  vulgatis  Martini  Epistolis.  » 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    LHISPVMSME    DE    LESSINO  263 

concernant  également  l'histoire  littéraire  d'Espagne,  vont,  en  consé- 
quence, être  soumises  au  même  examen  critique  que  les  précédentes. 


a.  «  Joseph  de  Caceres.  » 

(M.  XVI,  218.) 

«  Joseph  de  Caceres. 

Wird  beym  Jôcher  mit  seinem  jûdischen  Vornamen  Jacob  genannt. 
Sein  Werk  ist  eine  spanische  Uebersetzung  des  Bar  tas.  » 

Jôcher  disait  (I,  1587)  : 

«  de  CACERES  (Jac),  von  einigen  falsch  Carceres  genannt,  ein  spanischer 
Jude,  hiess  mit  seinem  Tauff=  Nahmen  Franciscus,  den  er  aber  nach  seinem 
Uebergange  zum  Judenthum  mit  Jacob  vertauschte,  lebte  im  Anfange 
des  17.  Seculi,  und  gab  Gaill.  Sallastii  Bartasii  septem  dies  hebdomadis 
creationis  mundi  ins  Spanische  ûbersetzt,  unter  dem  Titel  los  siete  dias 
de  la  semana  sobre  la  creacion  del  mundo  zu  Amsterdam  1613  in  8  heraus. 

Ant.  W.  » 

Jôcher  était  censé  s'être  documenté  dans  N.  Antonio  et  dans  Wolf. 
Antonio  a,  sur  l'auteur  de  la  traduction  de  Guillaume  Salluste,  des 
indications  contradictoires.  A  l'article  FRANCISCUS  DE  CAZERES 
(I,  l\il\),  il  n'est  pas  sûr  que  le  personnage  portant  ce  nom  ne  soit  pas 
un  religieux  de  l'Ordre  des  Séraphins,  et  ne  sait  rien  de  lui,  si  ce  n'est 
que  «  reddidit  sermone  Hispanico  prosaico  :  Los  siete  dias  de  la  Semana 
de  la  Creacion  del  Mundo  :  ex  Gallico  Guilielmi  Sallustii,  Domini  de 
Barthas.  Antuerpiae  apud  Petrum  Bellerum,  1612.  8,  »  bien  qu'il  note 
que  «  Error  quidem  commissus  fuit,  ut  credimus,  in  constituendo 
hoc  scriptoris  nomine,  qui  Jacobus  Carceres  plane  est  laudatus  suo 
loco.  »  En  effet,  on  lit,  I,  6i4  : 

«  lACOBUS  DE  CARCERES,  Hispanus  domo  (ut  cognomentum  nostra- 
tisque  linguae  usus  dénotât),  Hebraicae  tamen  superstitionis  leus,  qui  nec 
venire  in  censum  hune  debueiat  si  non  et  Hebraeos  omnes  veteres,  atque 
Arabes  Hispaniae  cives,  quorum  allas  notum  est  in  literis  nomen  atque  apud 
doctos  exislimatio,  pro  merito  cujusque,  quod  recte  dictum  est  auctori  suo 
infideli  atque  iniprobo  extorquentes,  laudavissemus,  laudareque  in  posterum 
constituissemus.  Vertit  is  non  ineleganter  ex  Gallico  Guilielmi  Sallustii, 
celebratissimi  poetae,  carminé  in  Hispanicum  idioma  prosaicum  : 

Los  siete  dias  de  la  semana  sobre  la  creacion  del  mundo.  Amstelodami  (juxta 
Hebraeum  computum  anno  5372.  in  8.  hoc  est  Christi  161 2).  » 

Enfin,  à  l'article  lOSEPHUS  DE  CAZERES  (1,  883),  il  est  dit  que  ce 
personnage 

«  diversus  a  Laurentio,  et  ut  credimus  ex  Lusitana  patria  sive  origine,  apud 
Batavos    apostata   Christlanae   piclatis,    reddidil   versibus   (an   Lusilanis?) 


gfi'l       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANTSAIE    DE    G.    E.    LESSINP, 

Guilielmi  Sallastii,  Barthasii  Toparchae,  Hexameron.  sive  septem  dîes  crea- 
tionis  mundi,  Gallice  ab  eo  scriptos  elegantissime  simul  et  doclissime'.» 

La  confusion  d'Antonio  avait  pour  point  de  départ  les  prénoms 
portés  par  l'auteur  de  la  traduction  de  la  Semaine.  Elle  devait,  en 
vérité,  être  assez  difficile  à  débrouiller,  puisque,  non  seulement  Wolf 
en  fut  victime,  mais  encore,  à  notre  époque,  M.  Rayserling  (Bibl. 
Esp.-Port.-Judaica,  p,  Sa),  et,  à  sa  suite,  l'auteur  de  l'article  Caceres 
dans  The  Jewish  Encyclopedia  (t.  III,  p.  48i  [New -York,  1902]),  qui 
confondent  tous  notre  traducteur  avec  un  autre  Francisco  de  Caceres, 
résidant  à  Francfort  2.  Mais  nous  devons  nous  borner  ici  à  démontrer 
que  Lessing  a,  de  nouveau,  puisé  dans  Wolf  toute  sa  science,  suivant 
sa  coutumière  tactique  de  corriger  le  Gelehrten-Lexikon  en  recourant 
aux  sources  qu'indiquait  ce  dernier,  mais  que  des  collaborateurs  trop 
pressés,  ou  trop  peu  sérieux,  n'avaient,  comme  tant  de  fois,  qu'impar- 

1.  Barbosa  Machado  avait  sur  lOZE  DE  CACERES  ces  renseignements,  dont  nous 
ne  marquerons  pas  les  tangibles  erreurs  :  u  Joze  de  Caceres  nacido  em  Portugal,  e  assis- 
tente  em  Amsterdam,  muito  versado  na  intelligencia  da  lingua  Franceza  da  quai 
Iraduzio  em  a  Castelhana  :  los  siete  dias  de  la  semana  de  la  creacion  del  mundo. 
Amsterdam,  ano  de  la  creacion  5378,  que  he  de  Ghristo  Senhor  Nosso  1675.  8.  Dedicado 
a  lacob  Firado  Portuguez.  «  {Bibl.  Lus.,  II,  833).  L'article  a  été  repris  dans  la  conti- 
nuation de  Da  Silva  par  Aranha  (t.  12  [Lisboa,  i884],  p.  264)  :  «  José  de  Caceres,  judeu 
portuguez,  résidente  em  Amsterdam.  E.  —  SiSg).  Los  siete  dias,  etc.  —  Amsterdam, 
Anno  5378  (de  Christo,  i575).  8".  »  Cette  erreur  de  comput  ne  laisse  pas  d'être  surpre- 
nante. L'ouvrage  de  Caceres  est,  d'ailleurs,  fort  rare.  En  voici  le  titre  exact  :  Los  siete  dias 

I  de  la  Semana.  sobre  la  |  criacion  del  Mundo.  |  Por  losepho  de  Caceres.  \  Dirixido  al  muy 
Illustre  Senor  lacob  Tyrado,  |  ...  que  réside  |  en  esta  muy  noble  y  opulenta  villa  \  de 
Amsterdama.  \  Por  Alberto  Boumeester,  cerca  de  la  puerta  |  nueua  lunto  a  la  gran  calle. 
Aho  de  la  cria-  |  cion  del  Mundo  5373,  [sur  le  faux  titre  :  5572],  in-8  de  i84  pp.  avec 
portrait  gravé  sur  bois. 

2.  Ce  Francisco  de  Caceres  est  l'auteur  de  Dialogos  |  Satyricos.  \  Por  |  Francisco  de 
Caceres.  \  En  Francaforte,  |  A  Primera  de  Diziembre.  \  1616.  \  Ces  dialogues,  assez  fades, 
sont  dédiés  al  muy  illustre  senor  Pedro  Falguery  ;  |  Veneciano,  et  signés  :  De  Francaforte, 
a  primero  de  Diziembre  de  1616.  IJn  second  ouvrage  du  même  auteur  s'intitule  :  Libro 
intitalado  :  \  Vision  De-  \  leytable,  y  su-  |  mario  de  todas  |  las  sciencias.  |  Traducido  de 
Italiano  en  Espahol,  por  \  Francisco  de  Caceres.  |  Impresso  en  Francaforte  |  en  16.  de 
Nouiembre  \  1623  Ahos.  \  Il  est  dédié  «  al  Serenissimo  Senor,  Don  Emanuel  Principe  de 
Portugal  mi  Senor  ».  Cet  auteur  est  inconnu  à  Nie.  Antonio.  Mais  Rodriguoz  de  Castro 
a  relevé,  en  1781  {Bibl.  esp.,  t.  I,  p.  63o  seq.),  l'erreur  grossière  de  F.  de  Caceres,  qui 
prend  pour  une  œuvre  originale  la  traduction  italienne  par  «  Dominico  Delphino, 
Veneciano»  de  l'encyclopédie  médiévale:  Vision  deleitable  de  la  Filosofia,  etc.,  de 
A.  de  la  Torre  (B.  A.  E.,  t.  36).  Sur  la  cause  de  cette  erreur,  cf.  R.  Diosdado 
Caballero  :  De  prima  typographiae  hispanicae  aetate  Spécimen  (Romae,  1798,  in-4),  p.  98. 
Rodriguez  de  Castro  n'a  connu  la  version  de  F.  de  Caceres  que  dans  la  réimpression 
d'Amsterdam,  i663,  mais  l'éd.  originale  est  à  la  Bibl.  .\at.:  Z  2768.  M.  Kayserling 
n'a  vu,  lui  aussi,  que  cette  édition:  d'où  sa  confusion  des  deux  Caceres,  au  premier 
duquel  il  attribue  les  Dialogos  satyricos  et  la  traduction  de  Du  Bartas,  tandis  qu'il  fait 
de  l'autre  l'éditeur  de  la  Vision.  Signalons,  en  outre,  que  laStadtbibliothek  de  Hambourg 
possède  une  copie  manuscrite,  de  3i  i  pages  in-4,  de  la  version  castillane  de  la  Semaine 
(240  f.),  que  M.  Steinschneider  (Catal.  |FImbg.,  1878],  168,  n°  348,  et  Hebr.  Bibliogr., 
XVII  [Berlin,  1878J,  106)  n'a  pas  su  identifier.  Disons,  enfin,  qu'il  existe  un 
second  Jacob  de  Caceres,  mais  castellano  neto  celui-là,  quoique  également  inconnu 
d'Antonio,  et  qui  composa  une  pesante  De  \oe  et  Arca  sacra  relectio,  nuctore  magistro 
Fr.  de  Caceres  (Salmanticae,  i635,  in-8).  Cet  ouvrage  est  aussi  à  la  Bibl.  iVat. 


L\    WTURE    ET    LES    SOURCES    PE    l/lUSPVMSME    HE    LESSINC.  af)") 

faitement,   ou  point  du  tout,   exploitées.   On  lit  Bibl.  hehr.,  I,  6i3, 
(n"  I io3) : 

«  R.  JACOB  DE  CAGERES.  —  Hispanus  ludaeus,  qui  ex  Gallico  Guil. 
Salluslii  carminé  converses  Hispanice  edidit  : 

Los  siete  dias  de  la  Semana  sobre  la  Creacion  del  mundo,  h.  e.  septem  dics 
hebdomadis  creationis  mundi,  Anistel.  5372.  G.  1612.  8.  Conf.  Nie.  Antonii 
Bibl.  Hispan.  Nov.  Tom.  I,  p.  4^7-  Hujus  credo  esse  filium  Danielem  de 
Cazeres,  qui  approbationem  Gonciiiatoris  R.  Menasse  ben  Israël  in  Penta- 
teuchuin  libro  ipsi  praemisit.  » 

Mais  l'auteur  de  l'article  du  Jôcher  n'avait  pas  fait  attention  à  cette 
note: 

«  fnj  Eum  Nie.  Antonius  1.  c.  minus  recte  Carceres  vocat.  Eundem  alibi 
.Tosephi  praenomine  dictum  inveni.» 

Et  il  avait  négligé  de  se  reporter  11,  526,  n°  Mciii  —  ce  qu'a  fait 
Lessing  : 

<'  R.  JACOB  DE  CACERES.  Josephi  nomine  appellatur  in  titulo  Hispanicae 
versionis,  qua  Bartasii  hebdomadem  creationis  mundi  donavit.  Libruni 
ipse  vidi.  Constat  pp.  i8a.  integris.  » 


p.  ((  Cas  par  Caldera.  » 

(M.  XVI,  220.) 

<(  Sein  Tractât  de  peste,  quae  anno  16^9  Hispalenseni  civitatem  corripuii, 
den  Jôcher  nicht  hat,  und  woraus  seine  Lebenszeit  nàher  zu  bestimmen.  » 

Jocher,  1,  lôôg,  disait  : 

«  CALDERA  de  Heredia  (Caspar),  ein  Medicus  von  Sevilien,  lebte  im 
17.  Seculo,  und  schrieb  tribunal  medico-magicum  et  poUticum ;  it.  fribanalis 
medici  illustraciones  practicas  eum  libro  de  facile  parabilibus. 

Ant.       Li.  » 

Lessing  adresse  à  Jocher  un  bizarre  reproche.  Selon  lui,  il  manque 
à  l'article  Caldera  la  mention  du  Traité  de  la  peste  de  Séville,  qui,  par 
sa  date,  servirait  à  préciser  l'époque  où  vécut  l'auteur.  Or,  ce  Traité  se 
trouve  n'être  que  la  iS"'  Dissertation  de  la  Pars  /"  du  grand  ouvrage 
en  deux  parties  imprimé  en  i658  :  Casparis  Calderae  de  Heredia, 
medici  ac  philosophi  Hispalensis  TRIBUNAL  MEDIGUM,  MAGICUM  et 
politicum  (Lugd.  Batav.  apud  Johan.  Elsevirium,  i658,  in-fol.) 
Lessing,  qui,  ne  citant  pas  exactement  le  titre  de  ce  Traité  ',  démontre 
par  là  même  qu'il  le  connaît  médiatement,  a  cru  que  c'était  une  œuvre 

I.  TRACTATDS  PER-UTILIS  ET  NECESSARIUS,  DE  PESTE  Q(J.ffi  ANNO  cIo 
loc  ZLIX.  Hispalenseni  Civitatem  maxime,  nec  oris  circunijacenlilms  purcitis,  contagione 
sua  misère  infecerat,  auctore  doctore  caspare  cnldera  de  Heredia.  medirn  hispalensi  ordi- 
nario,  p.  5oi-534  de  la  Pars  [" 


afifi       CONTRIRUTIOXS    A    l'kTI  OE    OF.    I.'llïSP  \MSMF.    DE    G.    T..     I.FSSINO 

éditée  à  part.  Pour  une  fois,  il  s'est  montré  infidèle  à  sa  tactique.  S'il 
eût  pris  la  peine  de  consulter  l'une  des  deux  autorités  citées  par 
Jôcher,  il  eût  évité  à  peu  de  frais  ce  malentendu.  Van  der  Linden,  en 
eftet,  était  on  ne  peut  plus  clair  dans  son  analyse  du  contenu  de 
l'ouvrage  de  Caldera  : 

lOH.  ANTONID^  VANDER  LINDEN  etc.  DE  SCRIPTIS  MEDICIS  LIBRI 

DUO  ^Vmstelodami,  1662  [3»"-^  éd.],  p.  igi;  :  "  CASPAR  CALDERA  DE 
HEREDIA.  TRIBUNAL  APOLLIM  SACRUM  etc..  Sunt  autem  parte  I,  libro... 
XIII  :  Tractatus  de  Peste  Hispalensi,  pag.  501 « 


v.   «  Une  «  épigramme  »  de  Scarron.  » 

(M.  XVI,  243.) 

«  Das  Epigramm  von  Scarron  auf  die  Gewalt  der  Zeit  und  seine  zerrissc- 
nen  Hosen,  welches  Bayle  so  sehr  lobt,  scheint  eine  Nachahmung  eines 
alten  Epigranims  zu  seyn,  welches  Barth  Advers.  lib.  A'A'A'T7.  cap.  11 
bekannt  gemaclit,  und  fur  lascivum  latinum  vernileque  non  monachi- 
cum  erkannte. 

In  senectutem. 

Utilis  est  nulli,  cunctis  ingrata,  Senectus, 

Te  stygio  peperit  cuna  Megaera  deo. 

Ipsa  mihi,  pugnas  quae  nectere  mille  solebat, 

Languida  cœruleo  mentula  victa  situ  est.  » 

En  1771,  dans  ses  Remarques  sur  l' Epigramme,  Lessing,  ayant  cité 
cette  «  épigramme  »  de  Scarron,  l'avait  fait  suivre  de  ces  réflexions 
{M.  XI,  242)  : 

«  Ich  kônnte  hier  anfûhrcn,  dass  das  Original  dièses  Scarronschen  Sinn- 
gedichts  oder  Sonetts  das  Epigramm  eines  alten  unbekannten  Dichters  zu 
sein  scheine,  welches  Barth  zuerst  bekannt  gemacht  hat,  und  das  noch 
lâcherlicher  ausfâllt,  wenn  es  anders  wahr  ist,  was  Cicero  irgendwo 
anmerkt',  dass  das  Obscône  das  Làcherliche  vermehre.  Denn  anstalt  der 
durchgestossnen  Weste  —  Doch  wer  Lust  hat,  kann  es  bei  dem  Barth  selbst 
nachsehen  (Advers.  Lib.  XXXVI.  c.  11.)  » 

L'épigramme  rapportée  par  le  célèbre  philologue  de  Ciistrin  n'est 
pas  citée  fidèlement  par  Lessing.  Elle  se  trouve  p.  1651,  lib.  XXXV], 
cap.  XI des  Adversariorum  Commentariorum  Libri  LX,  etc.  (Franco- 
furti,  1624,  1  tome  en  2  vol.  in-fol.)  : 

«  Epigrammata  prisca  apiid  nos  inedita.  Eorum  unum  satis  vernile  publi- 
catur,  etc. 

Non  pauca  numéro  neque   villa  pondère   Epigrammata  inedita  habeo, 

I.  Dans  le  De  Ora  tore,  11,63  :  uSed  scitis  esse  notissimutn  ridiculi  genus,  quum 
aliud  expectamus,  aliud  dicitur.  Hic  nobismetipsis  noster  error  risum  movet.  Quod 
si  admixtum  est  etiam  ambiguum,  fit  salsius  :  ut  apud  Xaevium  videtur  esse  mise- 
ricors  ille,  qui  judicatum  duci  videns,  percunctatiir  ita,  etc.  »  (Cf.  M.  XI,  246.) 


r.A    NATURE    ET    LES    SOI  HCES    DE    E  HISPAMSME    DE    r.ESSIN(;  af»- 

quae  hinc  inde  priscis  Codicibus  allita  descripsi,  unde  Pitheana  Collectio 
poterit  fîeri  aliquando  locuplelior.  Taie  est  quod  in  Membranis  Jacobi  de 
Caesollis  Scachorum  ludo  subscriptum  reperio,  cum  nonnuUis  Germanis 
Rythmis  Magistri  Fridangi.  Quod  ego  lascivum  latinum,  vernileque  non 
monachicum  agnosco,  certè  indignum  quod  apud  me  potissimum  pereat. 
In  Senectutem. 

Te  Stygio  peperit  *cana  Megaera  Deo. 

Ml  adco  firmum  est  quod  non  tua  robora  frangant. 

Arma,  stilos,  cartas,  saxa,  metalla,  Deos. 

Carmina  vivaci  membranis  illita  succo 

Annorum  série  debilitata  cadunt. 

Ipsa  mihi,  pugnas  quae  nectere  mille  solebat, 

^Equaleis  inter  maxima  dicta  suas. 

Numquam  sueta  nisi  jugulato  cedere  ab  hoste, 

Inque  imis  mortes  quaerere  visceribus. 

Virgineis  ambità  choris,  adamataque  puellis, 

Quamque  hostes  etiam  charam  habuere  sui. 

nia  caput  roseum  florenti  sandice  cincta, 

Languida  caeruleo  mentula  victa  situ  est.  » 

Le  sonnet  de  Scarron,  publié  originairement  dans  Les  Œuvres  bur- 
lesques de  M.  Scarron  (Paris,  i65i),  3""  Part.,  p.  6*2,  est  trop  connu 
pour  que  nous  le  réimprimions,  après  tant  d'autres.  Lessing  l'a  jugé 
en  ces  termes  (M.  XI,  24i)  : 

«  Die  Posse  thut  ihre  Wirkung.  Gleichwohl  ist  auch  hier  der  Sprung 
nicht  vôllig  unvorbereitet.  In  der  pompôsen  Erwartung  mangeit  es  nicht 
ganz  an  burlesken  Ausdrûcken,  durch  die  wir  unmerklich  auf  ihn  ansetzen  : 
und  mag  er  doch  gerathen  wie  er  will:  wir  soUen  ja  nur  lachen.  » 

Quand  il  prétend,  cependant,  que  Bayle  l'a  loué  «  so  sehr»,  il 
exagère.  Bayle  en  a  parlé  à  l'article  Bautru  (Guillaume)  du  Dict.  Crii. 
{Éd.  d'Amsterdam  1780,  i,  485): 

«  Scarron,  qui  donnoit  un  air  burlesque  à  toutes  choses,  n'a  pas  épargné 
celle-ci.  Voiez  le  fameux  sonnet,  qui  commence  par 

Superbes  Monumens  de  l'orgueil  des  humains. 
Pyramides,  tombeaux,  dont  la  vaine  structure... 

et  dont  les  derniers  vers  sont...  [suivent  ces  vers,  et  c'est  tout].  » 

D'autre  part,  Lessing  dépasse  manifestement  les  limites  de  la  saine 
critique  lorsqu'il  veut  voir  en  la  pâle  épigramme  qu'il  a  trouvée  dans 
l'austère  compilation  de  l'érudit  traducteur  de  la  Celestina  et  de  Gil 
Polo  la  source  du  sonnet  de  Paul  Scarron.  A  coup  sûr,  nous  n'aurions 
pas  songé  à  adresser  à  Lessing  le  reproche,  futile,  de  ne  pas  connaître 
une  poésie  castillane,  si  le  sonnet  de  Lope-Burguillos,  plagié  par 
l'époux  disgracié  de  l'héroïne  du  mystère  de  Fontainebleau,  était  resté 

•  Ms.  Giina. 


•ificS       CONTRTBL•TIO^S    A    t/rTUDE    DE    l/HTSPAMSME    DE    G.     E.    I.ESSINO 

en  1771,  enfoui  parmi  les  rimes  du  volume  publié  à  Madrid  en  i634, 
in-4,  puis  rééd.  en  1674,  ibid.,  sous  le  titre  :  Rimas  humanas  y  divinas 
del  licenciado  Tome  de  Burquillos.  Mais  puisqu'il  avait,  indirectement, 
fourni  les  éléments  d'une  polémique  entre  deux  érudits  fameux,  le  biblio- 
thécaire de  Wolfenbiittel  eût  fort  bien  pu  ne  pas  l'ignorer.  iNous  avons 
signalé  plus  haut,  à  propos  de  YArte  nuevo,  qu'Adrien  Baillet  parlait, 
dans  ses  Jiigemens  des  Savans,  de  Lope  avec  assez  peu  de  compétence. 
Il  lui  était,  en  particulier,  arrivé  d'y  commettre,  sur  la  foi  d'une  indica- 
tion mal  comprise  de  Nie.  Antonio  à  l'art.  Vega,  la  plaisante  erreur  (/.  IV, 
part.  U,p.  8  de  léd.  originale)  de  prendre  les  Rimas  humanas  y  divinas 
et  la  Gaiomaquia  pour  deux  ouvrages  édités  séparément  et  à  des  inter- 
valles distincts.  Ménage,  dont  la  jalousie  et  la  fureur  de  polémique  ainsi 
que  la  pédante  susceptibilité  ne  pouvaient  pardonner  à  son  rival  en 
érudition  de  l'avoir  repris  plusieurs  fois  dans  cette  compilation  célèbre, 
où,  à  côté  d'erreurs  et  malgré  le  manque  de  méthode,  on  trouve  encore, 
ne  craignons  pas  d'insister  sur  ce  point,  —  car  trop  peu  nombreux  sont 
de  nos  jours  ceux  qui  lisent  nos  polyhistoriens,  —  maintes  parties  utiles 
fondues  avec  soin  et  classées  avec  discernement,  saisit  cette  occasion 
facile  de  relever  la  bévue  du  bibliothécaire  de  M.  de  Lamoignon.  Il  le  fit, 
naturellement,  dans  VAnti-Baillet,  t.  I,  p.  210  de  l'éd.  de  La  Haye,  1688, 
en  2  vol.  in-i2,  où  il  donnait  une  rapide  analyse  des  Rimas.  C'est  là 
aussi  que,  pour  la  première  fois,  a  été  identifiée  la  source  de  Scarron  : 

«  Il  y  en  a  un  autre  [sonnet]  au  feuillet  28,  qui  commence  par  ce  vers, 

Soberuias  torres,  altos  edificios. 

et  qui  finit  par  ceux-ci, 

O  gran  Gonsuelo  a  mi  esperança  vana 
Que  el  tiempo  que  os  bolvio  brèves  ruinas, 
No  es  mucho  que  acabasse  mi  sotana. 

Ces  deux  sonnets  [celui-ci  et  celui  qui  commence  par  le  vers  : 
Al  pie  del  jaspe  de  un  ferez  penasco] 
ont  été  heureusement  imitez  par  Mr.  Scarron »  ' 

I.  Sur  l'origine  italienne  du  sonnet  burlesque  de  Lope,  cf.  la  Troisième  Série  des 
Études  sur  CEspagne,  par  M.  A.  Morel-Fatio  (Paris,  igoi),  p.  lii  :  Histoire  de  Deux 
Sonnets,  I.  M.  Morel-Fatio  n'a  d'ailleurs  rien  dit  de  la  question  qui  nous  occupe  dans 
cette  étude  et  s'est  borné  à  signaler,  parmi  ceux  qui  ont  fait  le  rapprochement  Lope- 
Scarron,  L.  Lemcke  et  M.  Em.  Roy.  Mais  Lemcke,  qui  s'octroie  tacitement  la  gloire 
d'une  identification  vieille  de  plus  d'un  siècle  et  demi  à  la  date  où  il  a  écrit  sa  note 
p.  W6  du  t.  2  du  Handbuch:  «  Ein  bekanntes  burleskes  Madrigal  von  dem  franzo- 
sischen  Dichter  Scarron,  welches  immer  fur  Original  gilt,  ist  nichts  als  eine  freie 
Bearbeitung  dièses  Sonetts  »,  méritait  peut-être  un  peu  moins  les  honneurs  d'une 
mention  que  Ménage.  Il  n'y  a  pas  un  mot  des  sonnets  de  Scarron  imités  de  Lope 
—  qui  sont  au  nombre  de  trois  —  dans  le  Scarron  de  M.  Paul  Morillot  (Paris;  1888). 
C'est  M.  Emile  Uoy  qui  en  a  rappelé  et  précisé  l'origine  dans  La  Vie  et  les  Œuvres  de 
Charles  Sorel  (Paris,  i8gi),  p.  160,  puis,  à  sa  suite  sans  doute,  M.  E.  Marlinenche, 
qui  écrit  dans  La  Comedia  Espagnole  en  France  de  Hardy  à  Bacine  (Paris,  igoo). 
p.  370,  note  2  :  «  Lisez,  par  exemple,  le  fameux  sonnet  do  Scarron  sur  les  monuments 


I 
I 


L\    NATURK    ET    LES    SOURCES    PE    I.'hISPAMSME    DE    I.ESSTNG  afiq 


1775.  Le  Viage  de  Espana  de  «  D.  Pietro  Antonio 
de  la  Puente  ». 

(M.  XVI,  273.) 

\n  Tagebuch  der  italienischen  Reise  (1775)»,  triste  et  rébarbative 
compilation  de  notes  d'érudition,  où  l'accent  personnel  ne  se  perçoit 
presque  jamais,  Lessing  a  écrit  ce  passage  : 

«  Wenn  sich  die  Italiener  ûber  so  \\Gle  pretese  descrizioni  d'Italia  beklagen, 
che  certi  più  corrieri,  che  viaggiatorl  d'oUre  monti,  hanno  il  coraggio  di 
pablicare  :  so  haben  sic  sich  das  Uebel  zum  Theil  seibst  zuzuschreiben,  wcii 
noch  kein  Italiener  seibst  sich  an  eine  dergleichen  Arbeit  gemacht  hat,  noch 
machen  wilP.  Seibst  die  Spanier  sind  ihnen  darinn  zuvorgekommen,  als 
welche  nunmehr  eine  Reise  duixh  ihr  Land  von  einem  Spanier  seibst  haben, 
die  ailes  merkwûrdige  genau  beschreibt.  Viage  de  Espana  ihr  Verfasser 
heisst  D.  Pietro  Antonio  de  la  Puente,  und  die  zwey  ersten  Theile  sind 
bereits  1772  zu  Madrid  gedruckt.  Es  wâre  zu  wûnschen,  dass  wir  Deutsche 
eine  Uebersetzung  von  diesem  Werke  hàtten.  » 

romains  qui  tombent  en  ruine  comme  les  vieux  pourpoints.  Ce  n'est  qu'une  traduc- 
tion de  Lope: 

t      Soberbias  torres,  altos  edificios 

(Rimas  hum.  y  divin.,  Madrid,  1633).  « 

Ajoutons  que  le  sonnet  de  Scarron  a  été  traduit  en  1790,  sans  indications  aucunes 
qui  pussent  révéler  qu'il  s'agissait  d'une  traduction,  par  A.  Wilhelm  Schlegel  —  qui 
l'avait  sans  doute  remarqué  grâce  à  Lessing  —  p.  aaS  du  Mdsenalmanach  (édité 
à  Gôttingen),  sous  le  titre  :  Auf  die  Vergânglichkeit  ailes  Jrdischen.  Il  a  été  inséré  t.  IJ, 
p.  364  dans  l'édition  Bôcking  des  Werke  (Leipzig,  i8/!i6).  Le  Dr.  H.  Welti  s'est  permis 
d'écrire  que  c'était  une  production  originale  (Geschichte  des  Sonetlcs  in  der  deutschen 
Dichtung,  [Leipzig,  188U,  in-8,\  p.  161).  Or,  il  a  dédié  son  volume  à  M.  Michael  Bernays, 
et  c'est  justement  cet  érudit  qui,  dans  sa  brochure  :  Zur  Entstehungsgeschichte  des 
Schlegelschen  Shakespeare  (Leipzig,  1872,  p.  40,  note  42),  signala  1' «  emprunt  )>  de 
A.  Wilhelm  Schlegel  et  caractérisa  le  sonnet  traduit  en  disant  qu'il  "  mit  so 
schvverfâlliger  Stattlichkeit  in  Alexandrinern  einherschreitet.  n 

I.  Il  y  aurait  une  étude  à  entreprendre  suri'  «  italianisme»  de  Lessing,  caries 
deux  esquisses  du  D'  E.  Maddalena  :  Lessing  e  Vltalia,  vol.  IV  des  Atli  del  Congresso 
interna: ionale  di  scienze  storiche  (Sezione  Storia  délie  Letterature,  p.  iSS-igS,  [Roma  1903, 
et  tirage  à  part,  Roma,  190/i]),  puis  Lessing  e  Goldoni,  publiée  dans  le  Giornale  Sloriro 
de  Novati  et  Renier,  avec  tirage  à  part  (Torino,  190O,  22  p.  in-8)  ne  prétendent  pas, 
j'imagine,  épuiser  la  matière.  Une  récente  publication  de  M.  C.  von  Klenze  :  The 
interprétation  of  Italy  daring  the  last  two  Centuries.  A  contribution  for  the  study  of  Gœthe's 
Italienische  Reise  (Chicago,  1907  [The  Decennial  Public.  Sec.  Ser.  vol.  XVII],  XV  et  167 
p.  in-8),  n'apporte  rien  de  nouveau  touchant  Lessing  et  l'Italie  dans  une  trop  courte 
note,  tout  à  fait  impersonnelle,  p.  27.  Cf.  sur  cet  ouvrage  la  critique  que  j'ai  donnée 
au  n'  2  du  Ballet.  Italien,  1908. 

2.  En  acceptant  cette  affirmation,  Lessing  démontre  qu'il  n'est  guère  mieux  ren- 
seigné sur  la  littérature  des  descriptions  de  l'Italie  par  des  Italiens  que  sur  celle  des 
Voyagei  d'Espagne.  Que  ne  lisait-il,  p.  ex.  dans  Lalande  —  d'où  .!.  J.  Volkmann,  le 
guide  utilisé  par  Lessing  en  Italie,  a  tiré  la  matière  de  sa  compilation  parue  en  3  vol. 
à  Leipzig  en  1770-71  —  les  références  d'ouvrages  i<a/(ens  décrivant  soit  Rome,  soit 
Florence,  soit  Vicenza,  soitVerona,  soit  Milan,  soit  Bologne,  soit  Sienne,  etc.,  et  dont 
M.  V.  Klenze  fournit  à  son  tour  un  relevé  sommaire,  op.  cit.,  p.  32-3^,  noie. 


270      CONTRIBUTIONS    A    h  ETUDE    DE    L  HISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Ces  lignes  furent  écrites  l'an  1770.  Cette  même  année  paraissait  à 
Leipzig  en  un  vol.  grand  in-8  de  287  p.  le  I"  tome  du  Viage  de  Espana 
traduit  en  allemand  sous  le  titre  :  Don  Pedro  Antonio  de  la  Puente, 
Reise durch  Spanien,  oderBriefe  ilher  die  vornehmsten  Merkwilrdigkeiten 
in  diesem  Reiche.  Aus  dem  Spanischen  iiherselzt.  Mit  Erlàuterungen  und 
Zusâtzen  von  Joh.  Andr.  Dieze,  Prof,  der  gel.  Gesch.  zu  Gôttingen,  et 
le  second  volume,  correspondant  au  second  tome  du  Viage,  fut  mis 
en  vente  l'année  suivante.  Cette  traduction  —  malheureusement  dé- 
parée par  de  nombreux  errata  —  contenait,  outre  d'excellentes  correc- 
tions sous  forme  de  notes  et  d'adjonctions,  un  précieux  catalogue 
critique,  —  allant  de  la  page  257  a  la  page  286  du  t.  II  — ,  des  Voyages 
en  Espagne,  dont  le  premier  cité  était  celui  du  chevalier  d'Ehin- 
gen  (1600),  et  ce  fut  en  toute  justice  que  les  Gôttingische  Anzeigen 
xion  Gelehrten  Sachen  {60.  StUck,  19  mai  1 777)  la  recommandèrent,  non, 
toutefois,  sans  quelques  réticences,  à  leur  clientèle  érudite'.  Il  semble 
admissible  que,  pour  réaliser  un  semblable  travail,  Dieze  ait  eu  besoin 
d'années  et  que  l'espace  qui  sépare  la  publication  du  premier  volume 
(1772)  du  Viage  de  Ponz  et  la  mise  en  vente  de  la  traduction  alle- 
mande n'ait  point  été  trop  long  pour  mener,  dans  les  intervalles  que 
laissait  libres  à  l'auteur  sa  carrière  académique,  ce  minutieux  travail 
à  bonne  fin.  Cependant  M.  A.  Farinelli  est  convaincu  que  la  version  de 
Dieze  fut  faite  «  hôchst  wahrscheinlich  nach  dem  RMe  Lessings  »  (art. 
cit.,  p.  812).  Un  peu  de  réflexion  eût  dû,  semble-t-il,  mettre  le  sens  cri- 
tique de  ce  fortuné  chercheur  en  éveil.  La  graphie  hybride  «  D.  Pietro  » 
sent  trop  son  Italie  pour  que  l'on  iie  soit  tenté  de  rechercher  si  Lessing 
n'aurait  pas  pris  dans  quelque  recueil  italien  d'érudition  sa  courte 
notice.  Nous  savions,  par  une  lettre  de  Weisse  à  Bertuch  publiée 
en  1896  par  M.  Ludwig  Geiger»,  que  le  périodique  italien  Efemeridi 

I.  Dans  ce  compte  rendu,  nous  noterons  cette  phrase  :  «  Durch  das  ganze  Werk 
erhellet,  dass  von  den  Werken  der  grossen  Meister  der  schônsten  Zeitalter  eine  grosse 
und  vielleicht  die  grôssere  Anzahl  in  Spanien  zu  suchen  ist»  (p.  ^76).  Les  caisses  de 
vieux  livres  espagnols  qu'enverra,  moins  d'un  demi-siècle  plus  tard,  par  l'intermé- 
diaire des  capitaines  hambourgeois  partant  de  Câdiz,  Bôhl  von  Faber  à  ses  amis  hispa- 
nisants du  pays  natal, ,Julius,Gries,  Keil,  Schlegel,Tieck,  É/c.,ne  seront  que  la  mise  en 
action,  restreinte  au  terrain  littéraire,  du  conseil  de  la  gazette  de  Gôttingen.  —  Bien 
que  Dieze  n'ait  publié  que  les  deux  premiers  volumes  du  Viaje,  il  travaillait  encore 
à  la  continuation  de  sa  traduction  en  1777,  comme  en  fait  foi  une  note  insérée  par 
Murr,  p.  3i3  de  la  cinquième  partie  (Nûrnberg,  1777)  de  son  Journal  zar  Kunst- 
geschichle,  etc.,  dont  il  sera  question  plus  bas.  Une  sèche  analyse  des  t.  III-XII  du 
Viage  se  trouve  dans  les  Gôlt.  An:.  1786,  n°'  58,  62,  70.  En  1774,  La  Dixmerie  avait 
donné,  dans  son  journal  mensuel  L'Espagne  Littéraire  —  ces  quatre  précieux  volumes 
in-i2,  totalement  oubliés,  même  des  spécialistes,  [Bibl.  Aat.:  Z,  U7981-98i\,  mérite- 
raient, ne  fût-ce  qu'à  cause  des  deux  caractéristiques  Prospectus,  un  peu  plus  d'égards 
—  une  fort  longue  analyse  du  premier  vol.  de  Ponz  (t.  I,  p.  i2o-i36,  191-201,  279-287; 
t.  II,  p.  i35-i44) 

3.  Chr.  FeL  Weisses  Briefe  an  J.  F.  Bertach,  mgtlt.  von  L.  Geiger,  dans  Ztschft.  fiir 
vergl.  Litgschte.  N.  F.,  X,  (1896),  p.  lUl.  Weisse  écrit  au  commencement  de  1770  a 
Bertuch  :  «  Des  Puentes  spanische  Reisebeschreibung  mûssen  Sie  besser  als  ich 
beurl«ilen   kônnen,   da   ich   sie   blos   aus  der  hohen   Empfehlung  der  Ephemeridis 


LA    NATtRE    ET    LES    SOLKGES    DE    l'hiSPAMSME    DE    LESSl^iG  27 1 

letterarie  di  Roma  avait  imprimé  un  compte  rendu  du  J'iage  qui  avait 
été  remarqué  en  Allemagne.  D'autre  part,  une  lecture  quelque  peu 
attentive  du  Tagebiich  der  italienischen  Reise  prouve  que  Lessing  a 
utilisé  en  Italie  ce  même  périodique.  Au  §  :  Zur  Geschichte  des  italien. 
Theaters  iiberhaupl,  il  renvoie,  en  effet,  à  propos  de  Goldoni,  aux 
«  Ëfemeridi  letterarie  di  Roma  per  1773  )u.  11  n'était  besoin,  par  suite, 
que  de  collationner  les  livraisons  de  cette  revue  pour  être  fixé  sur 
l'originalité  du  renseignement  du  Tagebuch.  Au  n"  1 1 1  (Li  16  Gennajo) 
du  tome  II  (1773),  p.  28-24,  on  lit,  en  effet  : 

(i  Madrid. 

Viage  de  Espana,  etc.  Maggio  di  Spagna,  o  sia  nolizie  délie  cose  pià 
pregevoli,  e  degne  di  essere  conosciute  in  que'  regni:  opéra  di  D.  Pielro 
Antonio  de  la  Puente.  1772.  in  8. 

Il  poco  numéro  de'  libri  Spagnuoli,  de'  quali  si  è  per  noi  fatta  menziono 
nelle  nostre  Ëfemeridi  è  troppo  compensato  dal  pregio  singolare  de'  mede- 
simi,  1  quali  veramente  fanno  onore  a  quella  illustre  nazione,  ed  al  secolo. 
Degna  d'eguale  commendazione  si  è  pure  l'opéra,  che  qui  si  reca,  del  Signor 
D.  Pielro  de  la  Puente,  il  quale  in  questo  suo  primo  Tomo  ci  dà  olto  rela- 
zioni,  o  sia  carte,  dalle  quali  apprendiamo  una  quanlltà  di  belle  nolizie 
concernenti  le  Spagne,  poco  fin  ora  conosciute  dagli  stranieri.  Le  belle 
arti,  i  Professori,  e  gli  amatori  délie  medesime  saran  di  molto  obbligali  al 
N.  A.,  il  quale  giudica  délie  cose  con  gran  criterio,  parla  con  liberté 
filosofica,  scopre  gli  sbagli  infiniti  del  Palomino,  dimostra  il  poco  merito  di 
alcuni  monumenli  fra  que'  popoli  troppo  riputati,  e  la  eccellenza  di  altri 
stali  sin'  oi'a  ignorati,  o  negletli  ;  propone  savj  progetti,  e  viste  utili  al 
pubblico,  dettati  dal  vero  amor  délia  patria,  e  scrive  al  tempo  medesimo 

con   rispetto,   con   decenza,   con   precisione,   e  con   eleganza e  se 

gli  altri  volumi,  corne  speriamo,  saranno  lavorati  sul  gusto  del 
présente,  sarà  la  Spagna  più  fortunata  dell'  Italia,  mentre  un  suo  dotto 
paesano  ce  ne  darà  una  relazione  giusta,  e  sincera,  e  non  simile  aile  tante 
pretese  descrizioni  d'italia,  che  certi  più  corrieri,  che  viaggiatori  d'oltre 
monti  hanno  il  coraggio  di  pubblicare...  ^.  » 

Si  Lessing  avait  connu  directement  et  personnellement  l'ouvrage 
de  Ponz,   il  n'aurait  pas,  en  1775,  transcrit  un   insignifiant  compte 

lilerariae  kenne.  »  M.  A.  Farinelli  —  qui  note  que  Dieze  a  publié  en  1776  la  tra- 
duction du  i"  volume  «des  Antonio  de  la  Puente»  —  fait  de  A.  Ponz  un  continuateur 
de  ce  dernier,  dans  la  suite  de  ses  études  de  1892  parue  en  1895  au  t.  8  de  la  Zlschft. 
fixr  vergl.  Litg.  N.  F.  (p.  296,  note,  et  p.  307). 

1.  C'est  sans  doute  cette  indication  qui  a  donné  à  M.  Muncker  l'idée  de  son  étude  : 
Eine  Hauptquelle  fiir  Lessings  Tagebuch  seiner  italienischen  Reise,  p.  iSi-igi  des  Germa- 
nistische  Abhandlungen  Hermann  Paul  :um  17.  Màrz  1902  dargebracht  (Strasbourg, 
1903).  M.  Muncker  a  oublié  de  consulter,  sur  les  Ëfemeridi,  le  Dizionario  di  opère 
anon.  e  pseud.  di  scriit.  ilal.  (Milano,  1848),  1,  3i3.  11  y  aurait  vu  que  Bianconi  signait 
ses  contributions  :  Un  amalore  délie  belle  arti,  et  aurait  perdu  toute  tiésitation  sur 
l'époque  où  disparut  le  périodique  :  1797.  La  collection  se  compose  de  26  tomes  in-i 
et  est  complète  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

2.  Suit  l'analyse  sommaire  du  premier  volume.  Lessing  ne  semble  même  pas 
avoir  vu  que,  dans  le  même  tome  de  1778  des  Ëfemeridi,  avait  «Hé  analysé  le  second 
\olume  de  l'oitvrage  de  Ponz  (pp.  3i  i-3i2  et  3i7-3i(j),  qui  avait  paru  celle  année 
même,  1770,  à  Madrid,  in-8. 


■J-j-J       GO.NTRIBLTIO.NS    A    L  ETLUt    DE    L  UISPAMSiLE    DE    G.    E.    LESSING 

rendu  paru  à  son  sujet  en  1773,  et  aurait,  au  surplus,  su  à  quoi  s'en 
tenir  sur  ce  prétendu  k  D.  Pietro  Antonio  delà  Puente  »,  puisque  dans 
le  3°"  volume  du  Viage  de  Espana,  en  lo  que  se  da  noticia  de  las  cosas 
mds  apreciables ,  y  dignas  de  saberse,  que  hay  en  ella,  paru  en  177 U^, 
l'adroit  courtisan  de  Charles  111  se  déclarait  sous  son  nom  véritable 
et  expliquait  en  ces  termes,  au  Prôlogo,  les  raisons  pour  lesquelles  les 
deux  premiers  tomes  étaient  signés  de  la  traduction  castillane  de  son 
patronymique  :  Puente  : 

u  El  autor  de  esta  obra  no  permitiô  en  manera  alguna,  que  se  pusiese  su 
apellido  en  el  frontispicio  ;  y  solo  convino  en  ello,  con  tal  que  se  alterase, 
convirliendole  en  Puente,  que  al  fin  en  su  origen  es  lo  mismo  que  Ponz.  Tal 
era  la  desconfianza,  que  de  su  obra  ténia,  que  por  mas  que  sus  amigos  le 
persuadieron  en  contrario,  no  hubo  forma  de  venir  en  ello  ;  y  aun  seguiria 
ahora  con  la  misma  idea,  si  no  hubiera  intervenido  insinuacion  superior, 
que  se  lo  impidiese.  » 

Nous  osons  espérer  que  M.  A.  Farinelli  renoncera,  dans  l'édition  de 
ses  Œuvres  Complètes,  à  insérer  le  «  hôchst  wahrscheinlich,  etc.  »  et, 
de  façon  plus  générale,  certaines  de  ses  effusions  lessingophiles,  si 
hautement  malencontreuses. 


■1777.  L'Alcalde  de  Zalamea. 

{M.  m,  i4.) 

M.  Muncker  écrit,  111,  Vorrede,  p.  XIV  : 

«In  demselben  Herbst  [1777],  dachte  er  [Lessing]  daran,  Galderons 
«  Richter  von  Zalamea  "  vollkommen  zu  verdeutschen,  nicht  blos  zu 
ùbersetzen  ;  am  20.  September  bat  er  seinen  Bruder,  ihm  die  franzôsische 
Uebersetzung  dièses  Stùckes  ini  «  Mercure  de  France»  zu  schicken.  » 

Ecoutons  parler  Lessing  2  : 

«.V.  S.  Es  fàllt  mir  bei,  Dich  noch  um  eine  Gefàlligkeit  zu  bitten.  In 
dem  Mercure  de  France  vom  Jahre  1760-69  befindet  sich  eine  aus  dera 
Spanischen  ùbersetzte  Komôdie,  in  der  ein  gemeiner  Mann,  ich  weiss  nicht 
mehr  welche  sonderbare  Gerichtsbarkeit  hatte,  vermôge  solcher  sich  an  eineni 
vornehmen  Manne  selbst  Recht  schaffte,  der  seine  Tochter  verfûhrt  hatle. 
Es  ist  mir  ein  Umstand  eingefallen,  Avodurch  dièses  Stûck,  das  mir  ausser- 
ordentlich  gefallen,  sich  vollkommen  verdeutschen  ("etwas  mehr  als 
ùbersetzen)  liesse.  Nun  erinnere  ich  mich,  dass  Nicolai  den  Mercure  von 
diesen  Jahren  hatte.  Sei  doch  also  so  gut,  und  such  mir  den  Band,  worin 
gedachtes  Drama  steht,  je  eher  je  lieber  in  einer  mûssigen  Stunde  auf, 

1.  Ainsi,  d'ailleurs,  que  le  quatrième. 

2.  Je  reproduis  le  texte  de  l'édition  Hempel,  XX',  p.  722,  le  vol.  XVIII  de  l'éd. 
Muncker,  qui  contiendrait  celle  lettre,  n'ayant  pas  paru  à  la  date  où  je  transcis 
mon  travail. 


LA    ^AlLUt    ET    LES    SOLHUliS    DE    l'hISPA.MSME    DE    LESSl.XG  ^73 

ehe  inir  der  Einfall  wieder  aus  dein  Kopfe  koinmt.  Ich  kônnte  Dir  wenigs- 
lens  damit  cine  Arbeit  unter  den  Fuss  geben,  die  aile  Anlage  halte,  fur 
unser  Theater  sehr  intéressant  zu  werden.  » 

Guhrauer,  qui  possédait  un  grand  fonds  de  pudeur  critique,  bien  que 
foncièrement  convaincu  de  la  réalité  de  l'hispanisme  de  Lessing, 
n'avait  pu  s'abstenir  de  manifester  quelque  étonnement  en  présence 
de  cette  lettre.  «  Es  ist  auffallend,  »  écrivit-il.  II'  827,  «dass  Lessing  den 
Calderon  als  den  Verfasser  jenes  ins  Franzôsische  iibersetzten  Stûckes 
nicht  gekannt  zu  haben  scheint.  »  M.  Erich  Schmidt  eût  eu  honte  de 
si  mesquins  scrupules.  Conformément  à  cette  logique  qui  l'a  fait 
déclarer,  I,  191,  que  Lessing,  après  u  une  superficielle  étude  de  l'es- 
pagnol »  à  Berlin,  en  1760,  et  «  à  peine  initié  aux  rudiments  du  cas- 
tillan »,  avait  réalisé  le  tour  de  force  de  lire  dans  le  texte  «  de  joyeux 
romans  picaresques  »  espagnols,  puis  de  <(  s'enquérir  de  leurs  auteurs  »!, 
le  Geheimer  Regierungsrat  déclare  sans  rire  que  Lessing  «  en  sa  qualité 
de  remanieur  de  VAlcalde  de  Zalamea  »  n'eût  pas  craint  de  donner  à 
son  Emiiia  Galolli  une  allure  tragique  (11,  89).  Le  dévotieux  patriote 
qui  lit  cette  vaticination  de  l'illustre  professeur  berlinois  et  à  qui  il  ne 
viendrait  jamais  à  la  pensée  —  d'ailleurs  le  pourrait-il?  —  de  contrôler 
si  véritablement  Lessing  a  «  remanié  »  VAlcalde,  sent  palpiter  d'or- 
gueil son  cœur  teuton  et  la  «  méthode  allemande  »  célèbre  un  modeste, 
mais  radieux  triomphe.  Maltzahn  et  Boxberger,  rendons-leur  cette 
justice,  n'avaient  point  osé  procéder  aussi  cavalièrement  que  M.  Erich 
Schmidt.  En  face  de  l'évidente  et  humiliante  ignorance  de  Lessing, 
ils  imaginèrent  un  expédient  d'une  subtilité  des  plus  touchantes.  Une 
notelette  de  leur  réédition  de  Danzel- Guhrauer  (II,  655)  insinuait  tout 
doucettement  que  peut-être  ne  s'agissait-il  pas  du  drame,  fort  connu 
alors  et  déjà,  nous  allons  le  voir,  de  Calderon,  mais  d'une  autre  pro- 
duction dramatique  d'un  autre  Espagnol.  Et  ils  renvoyaient  —  clas- 
sique procédé  —  à  R.  Proiss,  Geschichte  des  neiieren  Dr  amas  (Leipzig, 
1880,  seq.,  I,  36o).  Or,  que  trouve-t-on  dans  R.  Prôlss?  Simplement,  et 
d'après  Schack,  —  toujours  Schack, —  la  mention  que  VAlcalde  pour- 
rait n'être  qu'une  refonte  du  drame  de  même  nom  de  Lope,  hypo- 
thèse contre  laquelle  Proiss,  d'ailleurs  incompétent  en  cette  matière, 
s'élève  2.   Ce    petit    et    innocent   stratagème    avait  pour   but,  on  l'a 

1 .  C'est  la  fougue  hispanophile  de  Lessing  qui  doit  expliquer,  dans  le  système  de 
M.  E.  S.,  que  son  héros  dévorât  d'abord  les  novelas  picarescas  et  ne.  songeât  qu'après 
lecture  faite  à  se  renseigner  sur  leurs  auteurs. 

2.  Quand  Schack  (Perspektiven.  Vermischte  Schriften  [Stuttgart,  1894])  traitant  (à 
la  section  :  Literarisches  ans  Spanien,  au  tome  I  [p.  173-198])  des  deux  Alcalde,  p.  19:- 
198,  écrit,  sur  la  foi  de  Hartzenbusch,quc  (p.  198)  VAlcalde  de  Calderon  «n'est  pas  un 
plagiat  de  cehii  de  Lope  »,  il  a  parfaitement  raison.  «Es  bat,  »  ajoute-t-il,  «hier  cin 
Wettstreit  zweier  Génies  stattgefunden  ;  der  Meister  ist  zwar  vorausgegangen,  aber 
sein  Schûler  hat  ihn  vveit  ûbertroffen.  »  L'autorité  de  R.  Proiss  n'aurait  pas  dû  en 
imposer  aux  rééditeurs  du  Lesaina  de  Oanzel-Guhrauer,  car  il  ne  parlait  pas  en  spécia- 
liste, mais  en  compilateur.  Mais  il  est  si  facile  de  renvoyer  à  autrui  pour  se  dispenser 


2-4       COATRIBUTIONS    A    L'ÉTtDt:    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSl.XG 

deviné,  de  détruire  l'impression  pénible  causée  sur  le  lecteur,  si 
fort  disposé  à  admirer,  par  la  remarque  d'un  livre  qui  inaugura 
la  Lessingforschang  touchant  l'ignorance  hispanique  de  Lessing. 
Nous  ne  perdrons  pas  le  temps  à  épiloguer  futilement  sur  la  ques- 
tion de  savoir  si  Lessing  pouvait  avoir  connu  —  notons  qu'il  s'agit 
d'une  soi-disant  traduction  Jrançaise  parue  dans  le  Mercure  de  1760- 
69  et  gardons-nous  de  déplacer  le  problème  —  YAlcalde  de  Lope,  tota- 
lement ignoré  à  cette  époque,  et  qui  le  serait  sans  doute  encore 
aujourd'hui  en  Allemagne  de  la  majorité  des  Lessing forscher,  si 
Krenkel  ne  l'avait  publié  au  tome  III  de  son  édition  fragmentaire  de 
Calderôn.  N'est-il  pas  étrange,  d'autre  part,  d'avoir  à  constater  qu'au- 
cun de  ces  Lessingforscher  qui  entassent  hypothèse  sur  hypothèse  dès 
qu'il  s'agit  d'emprunts  espagnols  de  leur  héros,  ne  se  soit  d'abord 
soucié  de  recherclier  dans  le  Mercure  de  quelle  traduction  il  s'agissait, 
et  qu'il  ait  fallu  que  Max  Krenkel,  un  outsider,  fît  faire  cette  besogne, 
primordiale  et  indispensable,  par  un  collègue?  Krenkel  a  mis,  en  effet, 
en  note  à  la  page  126  de  son  Introduction  à  YAlcalde,  au  tome  III  et 
final  (1887)  de  ses  Klassische  Buhnendichlungen  der  Spanier,  {note  2), 
cette  indication:  «Herr  Dr.Besser  hat  dieselben[les  livraisons  du  Mer- 
cure ]  auf  mein  Ersuchen  in  Paris  durchgesehen,  ohne  eine  Spur  des 
Alcalde  de  Zalamea  zu  entdecken.  »  Mais  le  Dr.  Besser  devait  être  — 
s'il  est  vrai  que  «  nomina  sunt  omina  »  —  un  robuste  optimiste,  et, 
j'imagine,  un  brin  Lessingforscher.  Lessing  avait  déclaré  à  Gleim,  le 
I"  février  1767  (M.  XVII,  228),  qu'il  se  trouvait  embarrassé  d'une  plé- 
thore de  gazettes,  qu'il  eût  désiré  vendre  à  quelque  riche  et  savant 
chanoine  :  ^ 

«  Ich  wûnschte,  dass  Sie  einen  reichen  gelehrten  Domherrn  wûssten,  der 
mir  wenigstens  meine  Journale  abhandeln  wollte.  Ich  habe  das  Journal  des 
Savons  bis  auf  17G4  complet,  in  235  Bànden  ;  den  Mercure  de  France  bis  auf 
1758,  in  254  Bânden  ;  die  Acla  Eruditorum,  das  Année  littéraire  von  Freron, 
kurz  einen  Prass  von  solchen  Werken  von  siebendehalbhundert  Bànden,  die 
mir  herzlich  zur  Last  sind  und  die  man  doch  nur  selten  so  voUstàndig 
findet.  » 

Le  D"*  Besser  avait  conclu,  intrépide,  de  cet  aveu,  que  ^^  somit  ist  die 
Môglichkeit  nicht  ausgeschlossen,  dass  er  [Lessing]  in  einem  alteren 
Jahrgange  dieser  Zeitschrift  die  erwàhnte  Uebersetzung  gelesen 
batte».  Mais  il  n'avait  point  eu  le  courage  d'y  aller  voir.  En  revanche, 
il  avait  imaginé,  pour  excuser  l'  «  erreur  »  de  Lessing,  de  narrer  à 
Krenkel  «  dass  der  Jahrgang  1769  des  Mercure  eine  Nouvelle  Espagnole 

de  chercher  soi-même!  C'est  ainsi  que,  justement  à  propos  du  thème  qui  nous 
occupe,  M.  Breymann,  op.  cit.,  p.  125,  prétend  que  le  recueil  de  Linguet,  dont  il  va  être 
question,  parut  d'abord  à  Paris  en  1768,  puis  en  a'  édition  en  1770:  opinion 
sans  doute  prise  sans  plus  —  bien  que  M.  B.  dise  avoir  eu  en  mains  l'ouvrage  original 
—  dans  Koberstein,  Grundriss  der  Geschichte  der  deutschen  .\atiunalliteratur  (5.  Aull. 
Lpzg.,  i87:i-i874),  IV,  I.J2. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSIINO  ■2']5 

enthalt,  deren  Schluss  eine  schwache  Aehnlichkeit  mit  der  Katas- 
trophe  des  Calderonschen  Stlickes  aufweist...  »  Des  insinuations,  de 
l'a  peu  près,  on  le  voit,  et  cela  par  horreur  du  sacrilège  qui  eût  con- 
sisté à  mettre  à  nu  l'étourderie  de  l'idole  !  La  «  nouvelle  «  du  D"^  Bes- 
ser  se  trouve  p.  i8-3i  du  Mercure  de  décembre  1769.  Elle  s'intitule  : 
Alonzo  et  Carlos,  Histoire  espagnole.  Elle  ne  contient  aucune  donnée 
qui  puisse  justifier  la  prétendue  confusion  de  Lessing,  lequJ  parle 
clairement,  qu'on  relise  ses  paroles,  d'un  u  homme  du  commun  »,  qui 
se  rend  justice  soi-même  sur  «  un  personnage  de  qualité  »,  séducteur 
de  sa  fille,  action  qui  se  déroule  dans  «  une  comédie  traduite  de 
l'espagnol.  »  Or,  que  nous  oiïre  Alonzo  et  Carlos?  L'aventure  d'un  jeune 
prince  maure,  Zanga,  qui  se  venge  sur  deux  gentilshommes  castillans, 
Alonzo  et  Carlos,  ainsi  que  sur  la  femme  du  premier,  Léonore,  de  la 
ruine  de  sa  famille  «  après  la  bataille  d'Oran  »,  semant  la  mort  et 
créant  l'irréparable  dans  un  milieu  jadis  ami,  après  quoi,  satisfait,  il 
met  fin,  sans  nul  remords,  à  ses  jours.  La  description,  d'un  conven- 
tionalisme  banal,  est  dénuée  de  couleur  locale  et  ne  rappelle  par 
aucun  détail  l'austère  drame  de  vertu  civique  castillane  si  habilement 
échafaudé  par  Calderôn. 

Convaincu  d'avance  de  l'inutilité  de  cette  énervante  recherche,  —  et 
l'on  sait  quel  martyre  il  faut  sub'ir,  à  la  Bibliothèque  Nationale,  pour 
obtenir  communication  d'une  collection  complète  d'un  périodique  — 
nous  avons,  pour  acquit  de  conscience  et  afin  de  réduire  à  sa  valeur  adé- 
quate l'insinuation  du  D"  Besser,  parcouru  feuille  par  feuille  les 
années  du  Mercure  de  France  depuis  la  date,  1717,  oii  il  succéda  au 
Mercure  Galant,  qui,  à  lui  seul,  compte  609  volumes,  allant  de  1672  à 
17 16.  Rien  ne  s'y  trouve  —  le  fait  sera,  du  moins,  prouvé  documentai- 
rement  —  jusqu'à  la  fin  de  l'année  1769,  qui,  de  près  ou  de  loin,  rap- 
pelle YAlcalde,  et  il  est  désormais  avéré  que  Lessing  n'a  pas  lu  dans 
le  Mercure  de  France  une  traduction  du  chef-d'œuvre  du  chapelain 
honoraire  de  Philippe  IV.  Si  le  D"^  Besser  eût  possédé  quelque  teinture 
de  la  bibliographie  des  Œuvres  de  Calderôn,  il  eût  réfléchi  que  plu- 
sieurs comedias,  dont  YAlcalde  de  Zalaniea,  ayant  paru  en  traduction 
française  en  1770  à  Paris,  il  était,  par  suite,  fort  probable  que  Les- 
sing n'en  avait  trouvé  dans  le  Mercure  qu'un  résumé.  11  n'eût  été 
besoin,  pour  constater  le  bien-fondé  de  l'hypothèse,  que  d'ouvrir  le 
n'^  d'Avril  1770,  i"  volume,  de  ce  périodique.  On  y  rencontre,  p.  75-83, 
une  analyse  détaillée  des  versions  de  Linguet,  sous  le  titre  : 

«  Nouvelles  Littéraires.  Théâtre  espagnol,  avec  cette  épigraphe  : 
Cùin  Jîueret  latulentus ,  erat  qaod  tollere  velles. 

Horat.  » 

P.  79,  ce  passage  concernant  YAlcalde  : 

«  La  première  pièce  du  second  volume  est  intitulée  le  Viol  puni.  C'est  un 
drame  singulier  dans  lequel  un  capitaine  enlevé  &  viole  la  fille  d'un  paysan  : 


PITOI-Ltr. 


3-6       CONTRIBUTIONS    A   l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISMË    DE    G.    E.    LESSING 

&  le  paysan,  nommé  à  la  place  d'Alcalde  fait  arrêter  le  capitaine.  Le  roi  Phi- 
lippe Il  arrive  à  la  fin  de  la  pièce,  &  approuve  la  conduite  de  l'Alcalde. 
Des  scènes  plaisantes  y  amènent  des  scènes  nobles  &  pathétiques  dans 
lesquelles  le  paysan  Grespo  joue,  avec  sa  famille,  un  rôle  admirable...  » 

L'auteur  de  ce  compte  rendu  concluait  sa  longue  analyse  par  des 
compliments  au  traducteur  : 

«  Ce  théâtre  espagnol  sera  plus  favorablement  accueilli  du  public  que  ne  le 
fut,  il  y  a  trente  ans,  l'essai  sur  le  même  théâtre  de  M.  du  Perron  de  Gas- 
tera,  traducteur  du  Camoens.  11  mérite  d'être  placé  à  la  suite  du  théâtre  des 
Grecs  du  P.  Brumoy,  du  théâtre  anglais  de  M.  de  la  Place.  » 

Serrant,  malgré  une  rédaction  fort  différente,  d'assez  près  l'analyse 
du  Mercure  dans  maints  détails,  les  Gôttingische  Anzeigen  du  ii  oc- 
tobre 1770  {122.  Stuck,  p.  1070  seq.)  annoncèrent  à  leur  tour  le  Théâ- 
tre Espagnol  de  Linguet  aux  érudits  d'Allemagne,  en  ces  termes  : 

(c  Paris.  Hansy  der  jùngere  hat  A.  1770  drey  Duodezbânde  mit  dem  Titel 
abgedruckt  :  Théâtre  Espagnol.  Der  Herausgeber,  Hr.  Linguet,  sagt  in  der 
Vorrede  der  Spanischen  Académie  viele  Schmeicheleyen  vor  :  die  Spanische 
Sprache,  sagt  er,  war  unter  der  Anna  von  Oesterreich  zu  Paris  so  gemein 
als  die  franzôsische,  und  Benserade  und  Voiture  waren  mehr  Spanier  als 
Franzosen.  Der  âltre  Corneille,  noch  mehr  der  jûngere,  und  Molière  haben 
reichlich  in  den  spanischen  Quellen  geschôpft.  Die  kleinen  Romane  der 
damahligen  Zeiten  waren  fast  aile  aus  dem  Spanischen  ùbersetzt.  Hiernâchst 
sagt  Hr.  L.  das  gute  und  bôse  der  Spanischen  Schauspiele.  Jenes  setzt  er, 
und  mit  Recht,  in  die  Kunst,  Verwirrungen  in  das  Schauspiel  zu  bringen  ; 
und  die  Personen  in  die  grossie  Verlegenheit  zu  setzen.  Die  wunderlichen 
Flitlerzierathen  hat  er  fast  durchgehends  weggeschnitten,  die  fur  uns 
unertrâglich  seyn  Avûrden.  Ein  anderer  Fehler,  die  Hr.  L.  nicht  anzeigt,  ist 
die  Monotonie  der  Gharactere.  Aile  Verliebte  sind  heftig,  wagen  ailes, 
zeigen  viele  Grossmuth  und  glauben  sich  berechtigt,  ihre  Rache  anszuùben. 
Kaum  haben  wir  einen  einzigen  Charakter  in  der  Sammlung  gefunden,  der 
einige  besondere  Zûge  batte,  den  alcalde  Crespo  ausgenommen.  Das  Frauen- 
zimmer  hat  noch  weniger  Verschiedenheit,  und  ist  durchgehends  so 
verliebt  als  immer  die  Mànner.  Die  einzige  Melindrosa  ist  eine  Caricatur. 
Herr  Linguet  hat  im  ersten  Bande  einige  Stûcke  des  fruchtbaren  Lopez  de 
Vega  Carpio  ùbersetzt  :  er  verlâsst  ihn  aber  bey  der  Melindrosa,  deren 
letztern  Theil  er  sich  nicht  getraut  hat,  auch  nur  im  Auszuge  zu  liefern. 

Don  Pedro  Galderon  de  la  Barca  zieht  er  dem  Lopez  weit  vor,  doch  dùnkt 
uns,  sein  Vorzug  bestehe  bloss  in  der  Zusammenfassung  unvermutheter 
Begegnungen,  wodurch  die  Personen  in  bestàndige  Verwirrung  gesetzt 
werden.  Seine  Gelehrtheit  sieht  man  aus  einem  Schauspiele,  das  eine  wie- 
nerische  Geschichte  zum  Vorwurfe  hat.  Wien  hat  einen  Podesta,  dessen  Vetter 
der  Gouverneur  de  Brandenbourg  f^sic^  ist.  Vieles  ist  fast  unbegreiflich,  oder 
macht  doch  keinen  Eindruck,  wann  man  es  lieset  und  nicht  vorstellen 
sieht,  und  fast  kein  Schauspiel  ist  ohne  blosse  Uegen.  La  Chose  impossible, 
ist  in  Engelland  ùbersetzt,  und  nur  mit  mehrern  vielleicht  cntbehrlichen 
Personen  vermehrt  worden.  D.  Maihes  fsicj  Fragoso  hat  den  Grund  zu  dem 
King  and  Miller  gelegt,  der  hernach  durch  den  Herrn  Sedaine  Aviederholt, 
und  durch  den  Hrn.  Gollé  zu  einem  Aationalstùcke  gcmacht  worden  ist....  >> 


I.A.    NATUKE    ET    LliS    SOURCES    UE    l'hisPAiMSME    DE    LESSirSG  37*7 

La  même  année  où  paraissaient  ces  A  vol.  in-12,  anonymes,  mais 
dont  VEpistre  liminaire  d  l'Académie  Espagnole  étail  signée  L.***^   et 
dont  le  vol.  II  contenait,  p.  i-ii5:  Le  Viol  Puni,  \  en  Espagnol,  \ 
l'Alcalde  de  Zalamea,  |  comédie  |  de  Dom Pedro  Calderon  |  de  laBarca, 
les  deux  premiers   tomes  d'une   traduction  allemande  de  l'ouvrage, 
—  et  le  troisième  fut  publié  l'année  suivante  —  étaient  mis  en  vente  à 
Brunswick  par  la  librairie  du  FûrslUches  Waisenhaus,  et  le  Viol  Puni 
y  devenait  Die  beslrafte  Entjiihrung .  L'œuvre  était  également  ano- 
nyme,  mais   le  Golhaischer  Theaterkalender  de  1778   en   désignait, 
p.  174,  l'auteur,  un  professeur  au  Carolinum  de  Brunswick,  Zacharià, 
qui  avait  sauté  3  pièces  et  l\  intermèdes  traduits  par  Linguet.   Ces 
[x  intermèdes  ainsi  que  l'une  des  pièces  omises  parurent  en  1771  sous 
le  titre  :    Beytrag  zum  spanischen  Theater    (Hamburg  et   Riga)  sur 
8    feuilles,    anonymes,    mais    dont    Reichard,    loc.    cit.,    indiquait 
également  l'auteur  :  K.  Ghr.  Gartner,  autre  professeur  au  Carolinum. 
Les  3  volumes  de  Zacharià  et  le  Supplément  de  Gartner  furent  signalés 
en  1774  dans  Y Allgemeine  Deutsche  Bibliothek,  t.  21,  p.  53o-532,  par 
Ebeling  et  Gmelina.    Lessing  n'eût  donc  guère  été  plus  avancé  après 
qu'avant  si  son  frère  lui  eût  envoyé  le  numéro,  si  mal  désigné,  du  Mer- 
cure. Du  moins  comprenons-nous  maintenant  pourquoi  il  ne  citait  pas  le 

I.  Cette  Epistre  et  l'Avertissement  qui  la  suit  sont  de  très  remarquables  documents 
et  mériteraient,  beaucoup  plus  que  la  préface  de  Lesage,  d'être  exhumés.  Quant  aux 
traductions  elles-mêmes, —  le  détail  en  avait  été  donné,  avant  MM.  Morel-Fatio  et 
Rouanet,  op.  cit.,  dans  le  Cat.  Soleinne,  IV,  n°  /i8C5  —  elles  ont  souffert  du  point  de  vue 
de  l'auteur  (qui  était  toujours  celui  de  l'époque),  qu'il  fallait  les  accommoder  au  «goût 
français».  On  sait  que  Huerta  (qui  cependant  n'a  pas,  lui-même,  fait  merveille)  s'est 
longuement  moqué  des  versions  de  Linguet  au  t.  1,  Prôlogo  del  Colector,  p.  CLXV 
seq.,  puis  au  t.  IV,  p.  iv,  de  son  Theatro  Hespanol.  Ce  qui  est  amusant  à  constater, 
c'est  que  Zacharià,  qui,  dans  le  Vorbericht  au  t.  I  de  sa  traduction,  déclare  qu'il  sait 
très  bien  «  wie  wenig  man  sich  auf  die  Treue  eines  franzôsischen  Uebersetzers  zu 
verlassen  habe  »  et  exprime  même  la  crainte  d'avoir  été  mystifié  («  das  ganze 
Unglùck  wàre  denn  blos,  dass  es  keine  Avirklichen  spanischen,  sondern  nur  glûckliche 
nachgemachte  spanische  Stûcke  wâren  »),  a  employé  dans  sa  prose  raboteuse  des 
tournures  comme  celle-ci:  t.  I,  p.  21:  «Don  Félix.  Hôr  einmal,  ma  Sœur!»  En 
somme,  J.  F.  Bourgoing  avait  le  droit  d'écrire  en  1789  dans  son  Nouveau  Voyage  en 
Espagne  ou  Tableau  actuel  de  celte  Monarchie  [p.  Sgi  de  la  3«  éd.,  Paris,  1808J,  qu'il  ne 
croyait  pas  qu'il  existât  «une  seule  pièce  espagnole  exactement  traduite»  en  notre 
langue,  et  E.  v.  Bûlow  —  qui  avait  pu  comparer  avec  la  bonne  version  de  von  der 
Malsburg,  lequel  tombe  sur  Linguet  au  t.  V  (1823),  p.  xii,  de  ses  Schauspiele  des  Don 
Pedro  Calderon  de  la  Barca —  aflirmera  avec  raison,  en  i83i,  p.  lxxvi  de  sa  Vorrede 
aux  Schrôders  Werke (Berlin,  i83i,  4  vol.  in-8),  que  VAlcalde,  «  traduction  »  de  «  traduc- 
tion (.^)»,  «sehr  vermutztwar».  Notons,  enfin,  à  propos  de  notre  référence  à  Huerta,  et 
pour  éviter  les  reproches  de  certains  critiques  qui  font  parfois  la  leçon  à  autrui  sans 
s'être  directement  informés  eux-mêmes,  que  M.  H.  Breymann  n'avait  point  si  tort  de 
renvoyer  (op.  cit.,  p.  126),  touchant  Linguet,  au  l.  IV  du  Theatro  hespanol  («  Vorrede, 
S.  lU  [faute  d'impression  pour  IV]  »),  comme  le  lui  reproche  E.  Gûnthner,  p.  897  du 
n»  22  du  Literarischer  Handweiser  (1906),  aux  n°'  19,  20,  22,  23  et  26  duquel  il  a  publie 
une  critique,  d'ailleurs  assez  instructive,  de  la  Calderon-Literatur.  Tout  ce  que  cet  âpre 
censeur  dit  lui-même  de  Huerta  (n°  19,  p.  763  et  n°  22,  ub.  supr.)  est  médiat. 

2.  Ces  deux  critiques,  signées  fîr.  et  Ok.,  ont  été  identifiées  par  moi  d'après  la  clef 
contenue  dans  Die  Mitarbeiter  an  Fr.  IS'icolais  Allg.  D.  Bibl.  (Berlin,  iStti). 


3-8       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    LHISPA.MSME    DE    G.    E.    LESSLNG 

titre  de  la  pièce,  ni,  surtout  le  nom  de  son  auteur  espagnol  :  le  Mer- 
cure ne  les  avait  pas  nommés,  il  n'en  savait  pas  davantage.  N'est-ce 
point,  d'autre  part,  caractéristique  pour  son  «  hispanisme  »  que,  croyant 
avoir  affaire  à  une  traduction  française,  il  songe  immédiatement  à  s'en 
servir  pour  un  remaniement,  dont,  aussi  bien,  il  a  tout  l'air  de  vouloir 
laisser  l'honneur  à  son  frère,  et  que  l'idée  d'utiliser  l'original  espagnol 
ne  se  présente  nullement  à  son  esprit?  On  n'exigera  pas  que  nous  sup- 
putions ce  qu'eût  été  une  telle  refonte.  En  décembre  1778,  Fr.  Ludw. 
Schrôder  présentait  la  sienne  aux  Hambourgeois  sous  le  titre,  trucu- 
lent et  bien  castillan,  de  :  Amtmann  Graumann  oder  die  Begebenheiten 
auf  de  m   Marsch.  EinSchauspiel  in  k  Akten.  Nach  dem  Spanischen  des 
Calderon  délia  (sic)  Barca.    L'œuvre^   qui  n'était   qu'une  mauvaise 
adaptation  de  Linguet,  fut  imprimée  en  1781  à  Mannheim  au  1. 1  de  la 
Mannheimer  Schaubiihne  (112  p.  in-8  ;  B.  N.  :  Y  h.  16^5).  Dans  l'au- 
tomne de  1780  paraissait,  d'autre  part,  à  Vienne  au  t.  IV  du  Kaiserl.- 
Kônigl.  Nationallheater  un  autre  remaniement  —    que  Tieck  (Krit. 
Schriflen,  II  [Lpzg.,  i848],  p.  357)  avait  déjà,  en  deux  mots,  jugé  —  par 
Gottlieb  Stéphanie  cadet  :  Der  Ober amtmann  und  die  Soldaten,  en  cinq 
actes  et  en  prose,  tout  aussi  médiocre  que  le  précédent,  mais  imité,  cette 
fois,deGollotd'Herbois(Wien,i78o,  iSgp.  in-8;  B.N.:  Yhl635J.\\ec 
une  modestie  charmante,  l'auteur  de  la  préface  déclarait,  p.  iv:  «  Wenn 
sich  jemand  die  Mùhe  machen  wollte,  das  spanische  Original  und  die 
franzôsische  Nachahmung  mit  diesem  Stûcke  hier  zu  vergleichen,  der 
môchte  wohl  nicht  lange  zweifelhaft  bleiben,  ob  er  dem  letztern,  als 
einem  Beytrage  zum  Teutschen  Theater,denVorzug  zuerkennensolle.  » 
L'action  de  cette  extravagante  histoire  ne  se  passait  même  plus  en 
Espagne,  mais  simplement  quelque    part  «  im  Reich  »  :  détail  qui 
suffira  pour  marquer  à  quel  point  elle  avait  perdu  tout  caractère  ori- 
ginel. Elle  fut  réimprimée  au  t.  VI  des  Sdmmlliche  Lustspiele  de  l'au- 
teur, parus  de  1771  à  1787  à  Vienne  en  6  vol.  in-8,  et  que  nous  ne 
signalons  que  parce  que  D[ie]z[e]  en  critiqua  le  premier  tome  dans  VAllg. 
D.  Bibl.,  XXII  (1774),  p.  220-26.  Car,  l'année  après  celle  où  Lessing 
avait  demandé  le  Mercure,  avait  paru  à  Marseille,  chez  Subeet  Laporte, 
(80  p.  in-8,  Bibl.  Nat.  :  8'  Ylh,  30620),  puis,  en  1780,  à  Paris  (72  p.  in-8, 
ibid.,  1790,  96  p.  in-8),  le  fade  drame  en  cinq  actes  et  en  prose  de 
CoUot  d'Herbois,  pris  dans  la  traduction  de  Linguet  :  Il  y  a  bonne 
justice  ou  le  Paysan  Magistrat,  dont  «  MM.  Mercier,  de  la  Harpe  et 
plusieurs  autres  gens  de    Lettres    distingués  »    n'hésitèrent   pas    à 
dire    «beaucoup  de  bien  ni.    Calderon    n'avait,   à   coup    sûr,    plus 

I.  Ce  témoignage  se  trouve  p.  iv  des  Œuvres  de  théâtre  de  M.  CoUot  d'Herbois 
(La  Haye,  Constapel,  1781.)  L'édition  de  1777  du  Paysan  Magistrat  manque,  comme 
l'a  noté  Krenkel,  op.  cit.,  p.  12/4-125  et  p.  182,  à  la  Bibliothèque  Nationale,  mais  pour  la 
bonne  raison  qu'il  n'en  a  jamais  existé  une.  On  y  trouve,  par  contre,  une  traduction 
anonyme  et  peu  fidèle  de  ÏAlcalde  distincte  de  celle  de  Linguet;  L'Alcalde  |  de  |  Zala- 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSING  279 

besoin  d'une  nouvelle  entorse,  et  Lessing,  en  tout  cas,  est  resté 
tranquille  1.  Mais  l'incident  n'est-il  pas,  de  nouveau,  représentatif  de 
cette  Ueberschàtzung  Lessings,  sur  laquelle  —  sans  toucher,  naturelle- 
ment, à  la  matière  hispanique  —  le  philosophe  et  économiste  E. 
Diihring,  dont  les  démêlés  avec  l'Université  de  Berlin  sont  si  instruc- 
tifs, a  écrit  en  1881  de  bonnes  pages,  réimprimées  en  1906  ? 

1778.  Fr.  de  Rojas. 

(M.  XIII,  i6i.) 

En  tête  du  IV'  Anti-Gœze,  il  y  a  cette  devise  : 

:<  Tonto  sin  saber  Latin 
Nanca  es  gran  tonto 

Francis,  de  Roxas.i) 

Lessing  ne  précise  pas  en  quel  endroit  de  Rojas  il  a  pris  sa  citation. 
Il  déclare  (.1/.  XIII,  i63):  «  Ich  will  auf  dem  Einfalle  des  de  Roxas 
nicht  bestehen,  dass  das  Latein  erst  den  rechten  Narren  macht  :  aber 
den  rechten  Philosophen  macht  es  doch  auch  nicht.  »  Je  n'ai  pas 
trouvé  cette  sentence  de  Rojas  dans  l'édition  qu'a  donnée  de  ses  œuvres 
théâtrales  Mesonero  Romanos  au  t.  54  de  là  B.  A.  E.  Mais  déjà,  dans 
l'éd.  princeps,  en  2  volumes  in-^^,  de  2I1  de  ses  comedias,  Rojas  se 
plaignait,  dans  l'avis  Al  leior  du  t.  II,  que  des  pièces  étrangères  —  il 
nomme  los  desatinos  de  amor  —  lui  fussent  attribuées  2.  Mesonero 
Romanos,  d'autre  part,  n'a  pas  imprimé  toutes  les  pièces  qui  portent 
le  nom  du  Commandeur  de  l'Ordre  de  Saint-Jacques.  Il  en  résulterait, 
en  toute  rigueur  critique,  qu'il  ne  serait  pas  impossible  que  la  devise 
de  Y  Anti-Gœze  eût  été  prise  dans  une  œuvre  apocryphe.  Mais  y  a-t-elle 
été  prise  par  Lessing?  Il  n'est  pas  sans  importance  de  remarquer 
qu'en  la  teneur  où  il  est  cité,  le  prétendu  «  Einfall  »  de  Rojas  apparaît 

mea,  \  du  théâtre  espagnol  \  de  Dom  Pedro  de  la  \  Barca.  Drame.  \  en  cinq  actes  \  et  en 
prose  (Paris,  Didot,  1778,  in-8  de  63  pp.),  déjà  signalée  par  M.  A.  L.  Stiefel,  Ztschft. 
fur  rom.  Phil.,  XXX  (1906),  p.  243. 

1.  Le  Gemeiner  Mann  de  Lessing  est,  métempsycose  comique,  devenu  chez  M.  Fari- 
nelli  le  traducteur  même  de  la  pièce  en  français,  art.  cit.,  p.  817.  M.  Farinelli  a  écrit,  en 
effet  :  «  Ein  Jahr  vor  der  Auffûhrung  des  Amtmann  Graumann,  am  20.  September  1777, 
âusserte  sich  Lessing  in  einem  Briefe  an  seinen  Bruder  Karl  ûber  «einen  gemeinea 
Mann»,  der  den  Alcalde  de  Zalamea  ins  Franzosische  ùbersetzt  haben  woUte.  »  En 
mal  de  révélations  rares,  M.  Farinelli  nous  a  renseignés  au  même  lieu  sur  l'inspi- 
rateur de  Schroder  :  «  Lessing  war  anderweitig  beschâftigt.  Er  hat  das  Stûck  nicht 
ùbersetzt,  gewiss  hat  er  aber  die  Wahl  Schrôders  bestimmt.  »  Cette  fois,  ce  n'est  plus, 
on  l'a  noté,  un  prudent  wahrscheinlich,  mais  un  gewiss  catégorique.  Moins  osé, 
M.  Erich  Schmidt  a  été,  en  la  circonstance,  plus  spirituel,  si  lonpeut  dire.  Il  prophé- 
tise que  VAlcalde  de  Lessing  '<  trotz  dem  Pariser  Médium  [=  Linguet]  gewiss  kein 
Schrôderscher  «Amtmann  Graumann»  geworden  w  are.  »  (II,  608.) 

2.  J'ai  consulté  pour  cette  citation  l'exemplaire  de  la  Bibl.  Nat.  de  l'éd.  de  iG4o- 
1G45.  Dans  ce  même  avis  al  letor,  Rojas  promettait  un  troisième  volume  :  «  i  si  ères 
bien  intencionado,  yo  te  pagarè  la  merced  que  hizieres  à  mi  segunda  Parte  con  dar  à 
la  Estanpa  (sio  la  tercera.  »  Cette  tercera  Parle  n'a  jamais  été  publiée;  elle  aurait 
peut-être  contenu  quelques-unes  des  pièces  qu'énumère  Mesonero,  loc.   cil.,  p.  ix-x. 


280       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

déformé  par  l'usage  et  ne  provient  certainement  pas  directement  d'un 
texte  de  comedia.  Telle  fut  aussi  l'opinion  de  MM.  Menéndez  y  Pelayo  et 
R.  Menéndez  Pidal,  dont  le  premier  nous  a  déclaré  que  «  los  dos  versos 
de  Rojas  citados  por  Lessing  no  son  taies  versos  segûn  él  los  trans- 
cribe  »  et  le  second  désespéra  d'identifier  jamais  la  citation  «  por  estar 
aducida  en  forma  que  no  parece  fielmente  original  »,  11  ne  sera  guère 
paradoxal  de  prétendre  que,  d'un  volume  d'anal,  de  quelque  Jîoresta, 
de  Mélanges,  d'Anti,  etc.,  etc.,  où  elle  fit  sa  première  apparition,  la 
boutade  castillane  aura,  tel  le  mot  du  ((  Conde  de  Orgaz  »,  passé  en  plus 
d'une  main  avant  d'être  recueillie  par  Lessing.  Outre  que  des 
recueils  du  genre  de  ceux  que  nous  mentionnons  étaient  tout  à  fait 
de  son  goût  —  il  a,  par  exemple,  puisé  les  anecdotes  qu'il  conte,  sans 
citer  ses  sources,  dans  Das  Neueste  aus  dem  Reiche  des  Witzes  (M.  IV, 
471  seq.),  dans  une  compilation  française  qui  devait,  en  1770,  servir 
de  source  aux  Anecdotes  dramatiques  de  J.-M.-B.  Clément  et  1  abbé 
J.  de  La  Porte,  en  trois  volumes  in-8  »  —  et  que  leur  immense  diver- 
sité rend  impossible  une  recherche  complètes,  il  ne  faut  pas  oublier, 
en  outre,  que  l'on  trouve  fréquemment  dans  des  ouvrages  anciens  où 
on  ne  les  attendrait  guère  des  citations  de  proverbes  ou  locutions 
castillans,  tels,  pour  ne  citer  que  deux  cas  typiques  et  empruntés  à 
l'Allemagne,  les  Gesprachspiele  de  Harsdôrffer  et  V Unterricht  in  der 
Teutschen  Sprache  und  Poésie  de  Morhof3.  M.  Menéndez  y  Pelayo, 
auquel  nous  tîmes  part  de  l'insuccès  de  nos  recherches,  nous  a  affirmé, 
au  surplus,  que  lui-même  ne  se  souvenait  pas  d'avoir  jamais  rencontré 
rien  de  semblable  au  passage  de  Rojas  «  en  las  Jlorestas  y  colecciones  de 
chistes)).  En  pareilles  matières,  un  heureux  hasard  est  souvent  plus 
décisif  qu'une  longue  et  méthodique  enquête. 

I.  cf.  la  preuve  dans  E.  Schmidt  (d'après  les  documents  de  Paul  Albrecht),  Eupho- 
rion,  8  (190O'  P-  G2Z-&2Ô.  Un  détail  montrera  comment  Lessing  remaniait  la  matière 
française.  Ayant  plagié  {M.  IV,  473)  le  passage  qui,  dans  les  Anecdotes  dramatiques,  se 
lit  t.  II,  p.  56i  :  «  C'est  à  la  piété  de  nos  Pères  que  nos  Poèmes  Dramatiques  doivent  leur 
naissance,  «  en  ces  termes  :  «  Frankreich  hat  den  Ursprung  seiner  dramatischen  Gedichte 
der  Andacht  der  Herrn  Paters  zu  danken,  »  il  ajoute  cette  remarque  de  son  crû  :  «  Der 
grossie  Nutzen,  welchen  sie  vielleicht  in  der  Welt  gestiftet  haben  ».  M.  Erich 
.Schmidt  a  bien  voulu  qualifier  celte  interpolation  de  :   «  ein  dreistes  Wort  ». 

s.  Faut-il  rappeler,  à  propos  simplement  des  Anti,  que  Baillet,  qui  écrivit,  en 
réponse  à  l'attaque  de  Ménage,  2  vol.  in-12  de  429  et  412  p.  {Des  Satyres  personnelles, 
traité  hist.  et  crit.  de  celles  qui  portent  le  titre  d'Anti  [Paris,  1689]),  fut  si  loin  d'épuiser 
la  matière  que  Prosper  Marchand  a  fourni,  au  t.  I  de  son  Dict.  hist.  etc.  (La  Haye, 
1708),  34  p.  in-fol.  d'adjonctions  à  cette  compilation  (p.  24-58)?  Nous  dirons  donc, 
avec  Baillet  :  «La  Recherche  de  ces  sortes  d'ouvrages  seroit  inflnie;  et  les  difficultés, 
dont  elle  se  trouve  accompagnée,  m'ont  fait  connoître  enfin  que  je  devois  me  borner, 
et  laisser  le  leste  à  d'autres  qui  jouiront  peut-être  d'un  plus  grand  commerce  que 
moi  dans  la  République  des  Lettres.  »  (Cit.  par  Marchand,  p.  25,  note  E.) 

3.  Les  citations  castillanes  de  Harsdôrffer  ont  été  réimprimées  par  M.  A.  Schneider, 
op.  cit.,  p.  334-335;  celles  de  Morhof  par  M.  J.  Schwering,  dans  sa  curieuse  brochure 
de  polémique  contre  .M.  Farinelli  (parue  en  1902  à  Munster  i.  W.  chez  H.  Schôningh  : 
Krilische  Studien  von  Prof.  Dr.  J.  Schwering.  I.  Literarische  Beziehungen  zwischen 
Spanien  und  Deutschland.  Eine  Streitschrift  gegen  Dr.  .A.  Farinelli),  p.  76-79. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    L  HISPANISME    DF.    LESSING  201 

Huarte. 

(M.  XIII,  i63.) 

Dans  ce  même  quatrième  Anti-Gœze,  Lessing  écrivit  : 

<■'  Ich  flnde  zwar  nicht,  dass  Baco  wie  Huart  (sic)  dachte,  der  es  geradezu  fur 
das  Zeichen  eines  schiefen  Kopfes,  eines  Stùmpers  hielt,  zu  glauben,  dass  er 
sich  in  einer  fremden  Sprache  besser  werde  ausdrûcken  kônnen,  als  in 
seiner.  » 

Le  passage  de  Huarte  est  ch.  VIII,  p.  i3o  de  l'éd.  d'Amsterdam, 
i632  : 

«  Y  assi  ninguno  de  los  graves  autores  fue  a  buscar  lengua  extrangera, 
para  dar  a  entender  sus  conceptos  :  antes  los  Griegos,  escrivieron  Griego  : 
los  Romanos,  en  Latin  :  los  Hebreos,  en  Hebrayco  :  y  los  Moros,  en  Arabigo  : 
y  assi  hago  yo  en  mi  Espanol,  por  saver  mejor  esta  lengua,  que  otra 
ninguna.  » 

Il  n'y  est  donc  nullement  question  de  l'u  indice  d'une  tête  à  l'envers  », 
d'un  «  bousilleur  ».  Il  n'en  est  pas  question  davantage  ailleurs  dans 
l'Examen.  Lessing  n'y  regarde  pas  de  très  près  en  fait  de  citations 
espagnoles.  Or,  il  s'agissait,  ici,  d'un  écrivain  qu'il  avait  traduit.  Que 
devait-il  en  être  des  autres,  tel  Fr.  de  Rojas? 


1780.  Le  «  Lied  aus  dem  Spanischen  ». 

(M.  I,  lag.) 

Dans  le  Masen-Almanach  fur  1780,  édité  par  Voss  et  Gœkingk 
(Hamburg,  bey  Cari  Ernst  Bohn),  on  lit,  p.  208  : 

«  Lied.   Aus  dem   Spanischen 
Gestern  liebt'  ich, 
Heute  leid'  ich. 
Dennoch  denk'  ich 
Heut  und  morgen 
Gern  an  gestern. 

Lessing.  n 

Ce  lied  suggéra  à  Paul  Albrecht  un  rapprochement  extravacjant 
{op.  cit.,  1,  1-2,  p.  /407-409)  :  «Ich  glaube  nicht,  dass  das  neben- 
stehende  Gedicht,  wie  Leszing  angiebt,  aus  dem  Spanischen,  sondern 
nach  dem  nachstehenden  Passus  aus  Farquhar's  «  Constant  Couple,  or 
a  Trip  to  the  Jubilee  v>  angefertigt  ist,  welches  Lustspiel,  wie  schon 
bemerkt,  von  Leszing  in  unerhôrter  Weise  namentlich  zur  Herstellung 


203       CONTKIBUTIONS    A    L  ETUDE    DE    L  HISPAMSME    DE    G.    E.    LESSING 

von   ((  Minna  von    Barnhelm   oder  das   Soldatenglùck  »   gepliindert 
isti.  » 

Le  passage  de  la  pièce  de  l'ccingenuous  »  Farquhar,  composée  vers 
la  fin  de  1699,  est  Acte  V,  Scène  II,  tout  au  début  (éd.  de  Londres 
1711,  p.  55)  : 

u  Clincher  senior  :  [Last  Week  my  Father  died];  yesterday  I  turn'd  Beau; 
to  day  I  am  laid  by  the  Heels,  and  to  raorrow  shall  be  liung  by  the  ÎS'eck.  >■> 

Il  fallait  l'obsession  d'identifier  quand  même,  qui  chez  Albrecht,  répé- 
tons-le, confinait  à  la  manie,  pour  qu'un  passage  de  ce  genre  pût  être 
donné  pour  la  source  de  Lessing.  Mes  recherches  personnelles  dans  le 
domaine  littéraire  transpyrénaïque  ayant  été  vaines  et  dans  l'impossi- 
bilité de  découvrir  sans  aide  le  modèle  espagnol  du  lied  de  1780,  j'eus 
recours,  de  nouveau,  aux  lumières  de  plusieurs  spécialistes.  Ils  ne  furent 
pas  plus  heureux.  Leurs  opinions  se  résument  assez  exactement  en  ces 
quelques  phrases  de  M.  Menéndez  y  Pelayo,  confessant  ne  pouvoir 
«  poner  en  claro  el  origen  de  los  versos  que  Lessing  da  por  castellanos. 
Como  los  afectos  que  en  ellos  se  expresan  son  tan  elementales,  y  nada 
hay  de  muycaracteristicoenla  expresiôn,  creo  dificil  encontrarlafuente 
de  estos  versos,  despojados  ya  de  su  forma  métrica  original.  Acaso 
sean  de  algùn  romance  artistico  del  siglo  xvii.  Mientras  no  sepamos 
con  certeza  que  libros  castellanos  manejô  Lessing,  juzgo  muy  dificil 
esta  indagaciôn.  »  M.  R.  Menéndez  Pidal  ajoutait,  d'ailleurs,  que  l'iden- 
tification du  lied  était  rendue  «  dificil  por  su  lirismo  »,  et  M.  E.  Méri- 
mée remarqua  finement  que  «  le  mètre  rend  la  traduction  suspecte  ;  les 
chants  populaires  sont  ordinairement  de  A  vers  (copias j  ou  de  7  (boléros).  » 
Serait-il  trop  osé  d'insinuer  que  Lessing  ne  s'est  pas  servi  d'une  «  Vor- 
lage))  espagnole,  mais  a  voulu  simplement  imiter  le  genre  espagnol  tel 
qu'il  le  comprenait,  et  qui  se  trouve  être,  en  vérité,  aussi  authentique 
que  celui  que  nous  rencontrons  dans  Alonzo  et  Carlos,  v.  gr.?  Car  son 
lied  —  pastiche  ingénieux,  si  l'on  veut,  mais,  en  somme,  vu  sa  brièveté, 
facile,  et  pure  «  reflektierte  Philologenpoesie  »  —  exploite  une  matière 
sentimentale  qui  n'est  en  aucune  sorte  spécifiquement  castillane,  au  sens 
de  la  tradition  httéraire  transpyrénaïque  telle  qu'elle  s'est  cristallisée  au 
XVI 1°  siècle  dans  les  charmantes  inventions  du  Gôngora  de  la  première 
manière  et  ces  innombrables  romances,  letrillas,  villancicos  des  cancio- 
neros  et  analogues  recueils  de  l'époque.  Publié  sans  remarque  ni  dé- 
claration aucunes  de  l'auteur,  alors  que  celui-ci  disposait  de  ressources 
livresques  extrêmement  rares,  à  Wolfenbûttel,  il  se  pourrait,  au  surplus, 
que  ce  soit  une  «  réminiscence  »  de  quelque  fantaisie  française  se  récla- 

I.  On  ne  trouve  rien  sur  la  question  qui  nous  occupe  dans  l'article  de  M.  J.  G.  Ro- 
bertson  :  Lessing  and  Farquhar,  au  n"  d'octobre  1906  de  Mod.  Long.  Review,  p.  56-69, 
article  qui,  du  moins,  a  l'avantage  de  mieux  mettre  en  lumière  les  «emprunts» 
dramatiques  de  Lessing,  déjà  signalés  par  Albrecht,  à  Farquhar. 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANIS.ME    DE    LESSlNfJ  383 

niant,  à  tort  ou  à  raison,  de  l'Espagne,  et  à  laquelle  le  délicat  interprète 
aura,  en  l'habillant  à  l'allemande,  conservé  son  étiquette  de  prove- 
nance. Nous  ne  saurions,  en  tout  cas,  suivre  M.  A.  Farinelli  dans  la 
route  où  —  sans  doute  sur  l'autorité  de  Maltzahn-Boxberger  {rééd.  cit., 
I,  172),  qui  allèguent  le  lied  de  1780  comme  preuve  que...  Lessing 
s'appliqua  dans  sa  jeunesse  à  l'imitation  espagnole  —  il  s'est  engagé 
sans  trop  d'appréhension  critique  lorsqu'il  voit  en  ce  même  lied  ^e  fruit 
des  premiers  semestres  universitaires  de  l'étudiant  de  Leipzig  et  de 
Wittenberg  et  l'indice  que  dès  cette  période  celui-ci  connaissait  familiè- 
rement a  einiges  ans  der  Lyrik  der  Spanier  »  (art.  cit.,  p.  286,  note).  Ce 
qu'il  eût  été  plus  méritoire  de  nous  apprendre,  c'était  en  quoi  consis- 
tait cet  «  einiges»,  en  particulier  de  quelle  source  espagnole  provenait 
notre  lied.  Espérons  que  M.  F'arinelli  aura,  puisque  l'ordre  règne  à 
Innsbruck,  retrouvé  ses  précieuses  adjonctions  et  sera  à  même,  depuis 
Turin,  de  projeter  une  ample  lumière  documentaire  sur  ce  point  et  tant 
d'autres  que  notre  incompétence  d' t  aprendiz  de  hispanôfdo  »  fut  inha- 
bile à  résoudre.  En  attendant,  nous  nous  en  tiendrons  au  jugement  de 
de  M.  E.  Schmidt  sur  la  u  petite  poésie  »,  de  nature  lyrique  et  épigram- 
matique,  de  Lessing,  si  bien  appréciée  en  ces  termes  :  «  Vorv^^iegend 
ein  Spiel  des  Witzes,  tummelt  sie  sich  gern  auf  den  Pfaden  tândelnder 
Anakreontik  und  hait  es  neben  genauerer  oder  freierer  Nachbildung 
spâtgriechischer  Nippesw^aaren  fur  keinen  Raub,  etwa  ein  Liedchen 
der  Demoiselle  Catherine  Bernard  '(Quand  le  sage  Damon  dit)  als 
zugespitztes  Bekenntnis  einer  deutschen  Phillis  ohne  Quellenangabe 
zu    wiederholen    {Wenn    der  finstre    Damon    spricht)....    So    legt 

Lessing in  den  Anzeigen  seiner  lyrisch-epigrammatischen  Jugend- 

versuche  gar  kein  Gewicht  auf  ihre  Abstammung,  indem  er  so  bedeu- 
tender  Urheber  wie  des  Euricius  Cordus  ganz  geschAveigt  und  nur 
summarisch  die  fremde  Herkunft  mancher  Bestandtheile  erwahnt«.  » 
Et  il  apparaît,  en  définitive,  paradoxal  d'admettre  que  la  source  à 
laquelle  a  puisé  ici  Lessing  soit,  de  façon  immédiate,  une  source 
espagnole. 


Gudena. 

Nous  avons  noté  dans  la  Première  Partie  que  les  éditeurs  de  Lessing 
se  taisaient  sur  le  manuscrit  de  ((Maranôn»2  et  que  M.  Muncker 
n'imprimait  que  le  Vorbericht  de  l'édition  du  périple  de  Cudena.  Ce 
manuscrit,  qui  porte  à  la  Bibliothèque  de  Wolfenbuttel  la  cote  67.  8. 

1.  Art.  cit.  des  Sitzungsberichte,  1897,  p.  47c.  Voir  en  outre,  comme  illustraliou  de 
ces  assertions,  l'art,  déjà  cité  :  Quellen  und  Parallelen  zu  Lessing,  dans  Euphorion,  ub.  sup. 

2.  Cf.  à  son  propos  O.  von  lleinemann.  Die  Hnndsrkriften  der  herzoglichen  Bibliothek 
zu  Wolfenbuttel,  t.  Mil  (VVolfenbûltol,  igoS),  p.  i3/|. 


aS/j       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

Aug.  8"°,  est  sur  papier,  de  i5  X  9  1/2  cm.  et  84  fol.,  des  xvi*  et 
xvii*  siècles  et  de  trois  mains  différentes.  La  première  partie,  qui  va 
du  fol.  3  au  fol.  48,  contient  une  réponse  de  Mélanchton  au  Confuta- 
tionsbuch.  La  seconde,  du  fol.  l\g  au  fol.  63  :  Pedro  Ciidena  discrip- 
cion  de  i038  léguas  de  tierra  del  esto  de  Brasil  conquista  del  Maranon 
y  gran  Para.  La  troisième,  du  fol.  68  au  fol.  84,  cette  description  en 
traduction  allemande  anonyme.  D'après  une  indication  contenue  au 
fol.  I,  le  duc  Auguste  reçut  le  9  octobre  i658  de  son  agent  Georg 
Forstenhâuser  la  première  partie  du  ms.,  qu'il  fit  relier  avec  les  deux 
autres,  —  qu'il  possédait,  par  conséquent,  déjà,  —  en  un  volume  à  cou- 
verture de  parchemin,  lequel,  sauf  les  fermoirs  arrachés,  conserve  au- 
jourd'hui encore  son  aspect  originel.  Nous  avons  également  consigné  au 
même  lieu  qu'il  existait  deux  éditions  de  la  version  de  Cudena  publiée 
par  Lessing-Leiste.  L'une,  volume  petit  in-4  de  160  pages  (Braun- 
schweig,  1780),  porte  le  titre  :  Beschreibung  des  Portugesischen  Ame- 
rika  vom  Cudena.  Ein  Spanisches  Manuskript  in  der  Wolfenbiittelschen 
Bibliolhek,  herausgegeben  vom  Herrn  Hofrath  Lessing.  Mit  Anmer- 
kungen  und  Zuzàtzen  begleitet  von  Chr.  Leiste,  Reklor  der  Herzogli- 
chen  grossen  Schule  zu  Woljenbûttel.  Elle  est  postérieure  à  celle  des 
Woljenbiitteler  Beylrdge,  qui  cependant,  bien  qu'imprimés  dès  le  début 
de  l'année  1780,  ne  furent  mis  en  vente  qu'au  milieu  de  1781 1,  sous  le 
titre  :  Zur  Geschichte  und  Lileralur.  Aus  den  Schàtzen  der  Herzogli- 
chen  Bibliothek  zu  Woljenbûttel.  6.  Beytrag,  von  Gotthold  Ephraim 
Lessing  (Braunschweig,  1781),  et  dans  lesquels  le  périple  porte  le 
n"  XXVI  :  Maranjon,  p.  426  seq. 

La  rareté  relative  des  ouvrages  de  littérature  géographique  hispano- 
portugais  sur  l'Amérique  du  Sud  dans  les  Bibliothèques  allemandes, 
d'une  part,  l'état  général  des  connaissances  géographiques  sur  ces 
pays  en  Allemagne,  de  l'autre,  expliquent  que  la  presque  totalité  des 
comptes  rendus  contemporains  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  éditions 
ne  contiennent  que  des  banalités  laudatives  et  un  rapide  sommaire  du 
volume.  Tel  est,  en  fait,  le  ton  dominant  des  Rezensionen  que  nous 
avons  pu  découvrir:  Hallische  Gelehrte  Zeitungen,  59.  Stttck  (1780), 
p.  465-467.  11  est  dit  «  dass  dièses  kleine  Buch  unstreitig  ailes  bishe- 
rigedieser  Artuntersich  lâsst  ».  — Neue Zeitungen  von  Gelehrten  Sachen 
(Leipzig,  1780),  iS.  May.  L'ouvrage  est  donné  comme  «  sehr  brauch- 
bar  »  tant  du  point  de  vue  historique  que  géographique.  «  Der  Ver- 
fasser...  Pedro  Cudena  hatviele  Jahre  die  Gegenden,  die  er  beschreibt, 
selbst  bereist  und  richtet  seine  Beschreibung  an  den  bekannten  Conte- 
Duca  (^5ic)  von  Olivarez,  Premier- Minister  der  spanischen  Monarchie, 

I.  Cf.  à  ce  sujet  le  Vorbericht,  réimpr.  M.  XIV,  p.  126  seq.  Sur  Leiste,  il  manque 
une  sommaire  notice  bio-bibliographique.  En  1778,  il  avait  publié  une  laborieuse 
compilation  de  671  p.  in-8  :  Beschreibung  des  Britischen  Amerika,  etc.,  dont  j'ai  trouvé 
une  analyse  dans  les  GôU.  Anz.  du  9  mai  de  la  même  année  {56.  Sliick,  p.  /i52-456)- 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hiSPANISME    DE    LESSING  285 

einen  Herrn,  dem  der  Verf.  unmôglich  ausgemachte  Unwahrheiten  zuzu- 
schreiben  wagen  konnte.  »  (MaranôndexienticiMarangon.)  —  Altonai- 
scher  Gelehrter  Merkurius,  UO.  Stiick  (1781),  p.  817,  et  Frankfurter 
Gelehrte  Anzeigen  (rf  XXIV,  i78i),  p.  189-191 .  Suivant  la  coutume  delà 
polyhistoire  au  xviir  siècle,  beaucoup  de  ces  journaux  —  car  l'observa- 
tion est  aussi  vraie  pour  l'Allemagne  que  pour  la  France  —  se  transcri- 
vaient quasi  à  la  lettre  et  leurs  critiques  s'en  tiennent,  de  ce  chef,  à 
des  généralités  prudentes.  Deux  périodiques,  cependant,  ont  examiné 
d'un  peu  près  l'édition  de  Lessing-Leiste  et  formulé  quelques  remar- 
ques utiles  à  son  endroit  :  VAltgemeine  Deutsche  Blbliothek  (i.  Stûck, 
1780  [vol.  43,  p.  2ii-2i/i])  et  les  Wôchentliche  Nachrichten  von  Land- 
karten  und  Biichern,  éditées  à  Berlin  par  Ant.  Fr.  Biisching  de  1778  à 
1787  (35.  Stûck,  1780).  Je  dois  avouer  que  je  n'ai  pu  faire  la  lumière 
sur  le  mystérieux  Pedro  Cudena.  Ni  VEpilome  de  Leôn  Pinelo  dans 
l'édition  de  Madrid,  1788,  ni  l'excellente  Bibliotheca  Americana  de 
Ch.  Leclerc  (Paris,  1878)  ne  connaissent  ce  nom.  Les  Encyclopédies 
ou  Biographies  courantes  n'offrent  aucun  secours  à  qui  les  consulte, 
car  elles  partent  toutes,  en  l'amplifiant  de  données  plus  ou  moins 
imaginaires  et  sans  la  citer,  de  cette  notice  de  Jôcher-Adelung,  Il  (1787), 
p.  578,  où  s'est  peut-être  documenté  originairement  Boucher  de  la 
Richarderie  lui-même,  Biblioth.  Vniv.  des  voyages  (Paris,  1808),  t.  VI, 
p.  279,  pour  sa  courte  et  objective  description  de  l'éd.  de  1780  : 

«  Cudena  (Petrus)  ein  Spanier,  in  der  ersten  Hâlfte  des  vorigen  Jahrhun- 
dertes,  welcher  sich  eine  Zeitlang  in  Brasilien  befand,  und  nach  seiner 
Rûckkunft  i634  eine  Beschreibung  dièses  Landes  aufsetzte,  welche  aus  einer 
Handschrift  in  der  Wolfenbûttelschen  Bibiiothek  in  Lessings  Beytràgen  zur 
Gesch.  und  Littéral.  Tfi.  6,  S.  425  /.  Spanisch  und  Deutsch  abgedruckt 
worden. » 

La  Nouvelle  Biographie  Générale  Didot,  cependant  si  sérieusement 
rédigée,  la  délaie  au  t.  XII  (Paris,  i856),  p.  486,  quoique  l'auteur  n'ait 
pas  signé  sa  contribution,  par  fausse  honte  sans  doute.  Mais  il  n'en 
avait  pas  été  de  même  dans  la  Biographie  Universelle  Michaud,  t.  X 
(Paris,  i8i3),  p.  628-529,  où  l'auteur  s'était  déclaré  :  E  —  s.,  c'est-à- 
dire  Eyrièsi.  Je  crois  devoir  transcrire,  comme  illustration  édifiante 
de  la  méthode  avec  laquelle  procèdent  parfois  des  érudits  considérés, 
cette  notice, réimprimée  en  1862  au  t.  IX  delà  sec.  éd.  de  la  B.  Un.  M. 

«  Cudena  (Pierre),  voyageur  espagnol,  parcourut  longtemps  le  Brésil,  et, 
à  son  retour  en  Europe,  composa,  en  i634,  un  ouvrage  intitulé  :  Description 
du  Brésil,  dans  une  étendue  de  1,038  milles,  découverte  par  Maranon  y  G'-an- 
para  par  sa  boussole  exacte,  ainsi  que  le  fleuve  des  Amazones,  qui  est  situe  sous 
la  ligne  équinoxiale,  et  a  70  milles  de  largeur  à  son  embouchure,  et  du  Rio  de 

1.  J.-B.-B.  Eyriès,  l'un  des  fondateurs  de  la  Société  de  Géographie,  mort  en  i846. 
Barbier  eût  eu  là  une  belle  occasion  de  rectifier,  dans  son  Examen  cril.  el  Complément 
des  Diri.,  etc.  (Paris,  1820),  dont  le  t.  I,  seul  paru,  contient  les  lettres  A.-J. 


286       CO>iTRIBUTIO>S    A    l'ÉTLDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

la  Plata,  dont  l'embouchure,  qui  en  a  U6,  est  à  36  degrés  au  sud  de  l'èquateur; 
choses  que  le  lecteur  verra,  ainsi  que  beaucoup  d'autres.  Cet  ouvrage,  proba- 
blement composé  dans  l'intenlion  de  faire  sentir  au  duc  d'Olivarez,  à  qui  il 
est  dédié,  l'importance  de  la  perte  que  causait  à  l'Espagne  la  conquête  dune 
partie  du  Brésil  par  les  Hollandais,  donne  des  renseignements  curieux  et 
même  nouveaux  sur  un  pays  si  peu  connu.  On  y  trouve  une  notice  succincte 
sur  chaque  capitainerie,  ses  productions  et  son  commerce;  Cudena  connais- 
sait les  mines  d'émeraudes  de  la  province  d'Espiritu-Santo.  Ce  livre,  ancien- 
nement traduit  en  allemand,  était  resté  enseveli  dans  la  bibliothèque  de 
Wolfenbuttel  ;  Lessingl'en  retira  et  le  confia  à  son  compatriote  Leiste,  qui 
corrigea  la  traduction  et  la  publia  avec  l'original,  en  y  joignant  des  notes  très 
intéressantes  :  Description  de  l'Amérique  portugaise  par  Cudena,  Brunswick, 
1780,  in-i2.  Le  jésuite  Eckart,  ancien  missionnaire  au  Brésil,  écrivit  en 
allemand  sur  le  livre  des  observations  que  Murr  a  insérées  dans  ses  Voyages 
de  quelques  missionnaires  de  la  compagnie  de  Jésus  en  Amérique  ^ . 

E—  s.  » 

Cette  notice  d'Eyriès  est  allée  alimenter  l'article  Cudena  au  t.  III  (Paris, 
182 1)  du  Dict.  hist.  crii.  et  bibl.  (B.  N.  :  G.  17818 ;  cf.  sur  cet  ouvrage 
Barbier,  Anon.,  I,  976),  p.  129,  où,  cependant,  apparaît  un  détail 
nouveau,  à  savoir  que  C.  «  naquit  à  Yillena,  en  1602  »,  avec  l'indi- 
cation que  sa  description  se  distingue  «  par  une  grande  exactitude». 
L'année  suivante,  cet  article  sera  à  son  tour  plagié  au  t.  III  de  la  nouv. 
(5'"")  éd.  du  Dict.  Hist.  de  Feller,  qui  jusqu'alors  avait  ignoré  C.  (Lyon, 
1822,  p.  940).  Nous  la  retrouvons,  écourtée,  à  la  Prem.  Partie  (Paris, 
1829)  de  la  Biogr.  Univ.  Class.  éditée  par  Ch.  Gosselin,  p.  777,  où  on 
lit  que  G.,  «  navigateur  espagnol,  né  en  1602  à  Villena,  est  auteur 
d'une  excellente  Description  du  Brésil.  »  La  compilation  qui  était 
censée  devoir  donnera  l'Espagne  l'équivalent  de  notre  Laro «55e,  qu'elle 
a  tant  de  fois  plagié,  bien  qu'elle  contienne  maints  articles  originaux 
d'une  réelle  valeur,  le  Diccionario  Enciclopédico  hispano -américano, 
publié  par  la  grande  maison  d'édition  Montaner  y  Simon,  de  Barcelone, 
a,  t.  V  (1890),  p.  1495,  une  notice  moins  longue,  mais  aussi,  émanant 
d'un  érudit  espagnol,  plus  censurable  peut-être  que  celle  d'Eyriès  : 

«  Cudena  (Pedro)  :  Biog.  Viajero  espanol.  Vivia  en  la  primera  mitad  del 
siglo  xvn.  Hizo  un  viaje  al  Brasil,  y  â  su  regreso  a  Europa  compuso,  con  el 

I .  Non  seulement  Christoph  Gottlieb  von  Murr  n'a  pas  réimprimé  les  Griindliche 
Nachricfiten  iiber  die  Verfassung  der  Landschaft  von  Maynas  in  Sud-Amerika  bis  zum 
Jahre  1768,  etc.  (Niirnberg,  1798,  in-8  de  6i4  pp.)  de  Franz  Xavier  Veigl,  mais  il  n'a 
que  quelques  mots  insignifiants  sur  leur  compte,  p.  v  de  la  Préface  à  la  Première 
Partie  de  ses  Nachricfiten  von  verschiedennen  Lcindern  des  Spanischen  Ameritca  (1.  Theil, 
Halle,  1809),  dont  la  Deuxième  Partie,  181 1,  est  posthume.  Ni  dans  l'une  ni  dans  l'autre, 
Cudena  n'est  mentionné.  La  source  du  malentendu  d'Eyriès,  qui  confond  d'ailleurs 
auteurs  et  titres  d'ouvrages,  me  semble  provenir  de  ce  fait  que  Murr  publia  en  1788 
au  t.  XVI  de  son  Journal  (cf.  plus  bas),  p.  96-208,  une  première  rédaction  latine  de 
l'ouvrage  que  Veigl  devait  éditer  dix  ans  plus  tard  et  qu'Eyriès  a  sans  doute  en  vue 
quand  il  parle  des  observations  du  jésuite  Eckart  «en  allemand  »  :  «  Status  Provinciae 
Muynensis  in  America  meridionali  ad  annum  usque  1768  brevi  narratione  descriplus  a 
R.  P.  Francisco  Xaverio  Veigl,  eadein  in  Provincia  olim  Societatis  Jesu  Missionario.  » 


fl 


LA  NATURE  ET  LES  SOURCES  L)E  l'iUSI'A.MSME  DE  LESSrNG     287 

titulo  de  Descripciôn  del  Brasil,  un  apreciable  Iralado  en  que  da  ;i  conocer 
aquella  comarca  por  niedio  de  una  narraciôn  interesante.  » 

Nous  souhaitons  à  l'auteur  de  ces  lignes  d'être  condamné,  dans 
l'Êrèbe  où  le  précipiteront  de  pareils  forfaits  de  plume,  à  lire  éternelle- 
ment des  «  narrations  »  aussi  «  intéressantes  »  que  celle  de  Cudena  : 
ce  sera,  croyons-nous,  le  châtiment  le  plus  adéquat  de  sa  légèreté. 

Notre  Grande  Encyclopédie  —  pandémonium  bizarre  où  l'excellent 
coudoie  en  plus  d'une  page  le  médiocre,  si,  surtout,  on  la  compare  à 
ces  deux  admirables  encore  que  plus  d'une  fois  politiquement  faibles 
Konversations-Lexika  allemands  de  Brockhaus  et  de  Meyer,  soigneuse- 
ment tenus  à  jour  grâce  à  des  rééditions  remaniées  à  de  fréquents 
intervalles,  alors  que  nous  sommes  menacés,  en  France,  de  vivre  quel- 
que dix  lustres  encore  de  ces  volumes  déjà  partiellement  périmés  et  que 
ne  saurait,  du  moins  complètement,  substituer  le  Nouveau  Larousse 
Illustré  —  n'a  pas  été  épargnée  par  la  contagion.  Elle  a,  elle  aussi, 
tome  XIII,  page  554,  ses  sept  lignes  anonymes  sur  Cudena,  décalque  du 
Larousse,  qui,  ne  pouvant,  cette  fois,  bavarder,  selon  sa  coutume,  sur 
l'auteur  du  périple,  s'était  borné,  tome  Y  [1869],  page  622,  à  démar- 
quer l'article' précité  de  la  Biographie  Didot. 

On  voit  donc  que,  grâce  à  Lessing,  Pedro  Cudena  a  eu  une 
«bonne  presse»,  mais  la  gloire- et  l'immortalité  qui  résultent  des 
livres  sont-elles,  dans  plus  d'un  cas,  autre  chose,  hélas!  qu'un 
bluff  de  littérateurs?  La  manière  rapide  et  sévère  dans  laquelle  est 
rédigé  le  périple  de  Cudena  tel  que  le  donne  le  manuscrit  de  Wolfen- 
bùttel  nous  a  toujours  fait  songer  à  celle  du  P.  Crist.  de  Acuna, 
dont  le  Nuevo  Descubriniiento  del  gran  rio  de  las  Amazonas...  el  ano 
de  1639 i,  en  83  numéros  analogues  aux  §  de  la  Descripciôn,  fut  imprimé 

I.  Cet  ouvrage  est,  en  outre,  accessible  dans  une  réimpression  de  Madrid,  189 1, 
in-iL>,  de  la  Colecciôn  de  lihros  que  iratan  de  Amérua  raros  ô  curiosos,  II.  Les  éditeurs 
de  cette  réimpression  notent  à  VAvant-Propos  que  Marcos  Jiménez  de  la  Espada,  qui 
publia  en  1880  le  Viaje  del  Capitân  Pedro  Texeira,  aguas  arriba  del  rio  de  las  Amazonas 
(1638-1639),  affirme,  aux  préliminaires,  que  «el  Padre  Acuiîa  antes  de  publicar  la 
relaciôn  extensa,  diô  otra  â  luz,  muy  brève»,  et  que  cette  œuvre  est  «  très  rarei».  Ils 
opinent  que  cette  mystérieuse  relation  sera  le  Mémorial  imprimé,  dans  l'édition  de 
Madrid,  i64i,  du  Nuevo  Descubrimienlo,  fol.  /|3-/i6.  [Mémorial  presentado  en  el  Real 
Consejo  de  las  Indias  sobre  el  dicho  dcscubrimiento,  despues  de  la  reuelion  de  Portugal.] 
Ils  se  trompent.  L'ouvrage  en  question,  qui  comprend  12  fnc,  est  le  v.  Compendio 
historial,  e  Indice  chronologico  Peruano,  y  del  Nuevo  Reyno  de  Granada,  desde  el 
principio  de  los  descubrimientos  de  las  Indias  Occidentales,  tocando  varias  cosas  mémorables 
de  ellas,  assi  Eclesiasticas  como  Seculares  »  ajouté  à  la  suite  de  VHistoria  del  Marahon  y 
Amazonas  de  P.  Manuel  de  Rodn'guez  (Madrid,  i684,  in-fol.)  dans  l'exemplaire  décrit 
par  Ch.  Leclerc,  op.  cit.,  p.  436.  Pinelo  (Epitome,  etc.,  édit.  cit.,  II,  086)  citait  par 
erreur  cet  ouvrage  comme  imprimé  originairement  à  Madrid  en  1688.  M.  Cl.  R. 
Markham,  qui  a  donné  en  1869,  dans  le  recueil  Expéditions  into  ihe  valley  of  the 
Amazons,  1539,  loUO,  /639  (Lond.,  MDCCCLIX),  une  traduction  anglaise  d'Acuna  sous 
le  titre  :  A  new  discovery  of  the  great  river  of  the  Amazonas ofFather  Cristovat  de  Acuna, 
a  noté  au  commencement  de  sa  version,  page  47,  note  1,  d'après  Velasco  (Historia  del 
Reino  de  Quito,  etc.,  Quito,  i845,  2  vol.  in-4),  «  that  this  river  of  Maraùon  dérives  ils 
uame  from  the  circumstance  of  a  soldier,  wlio  was  sont  by   Francisco  Pizarro  lo 


288       COTRIBUTIONS    A    l'ÉTL'DE    DE    l'hiSPAMSME    DE    G.     E.    LESSl.NG 

à  Madrid  en  i64i ,  in-/»,  dédié  à  Olivares,  et  dont  un  exemplaire  original 
est  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

Arrivé  au  terme  de  notre  étude  de  l'hispanisme  de  Lessing,  quelle 
conclusion  devons-nous  en  tirer?  Des  faits,  croyons-nous,  émane  une 
éloquence  assez  persuasive,  et  nous  avons  tant  de  fois,  au  cours  de 
nos  investigations,  dû  en  dégager  la  moralité  —  car  si  jamais  l'adage: 
difficile  est  satiram  non  scribere  fut  vrai,  c'était  alors  —  que  toutes 
réflexions  nouvelles  à  leur  endroit  nous  semblent  superflues.  Par  suite 
de  circonstances  dont  nous  ignorons  le  détail,  Lessing  n'a  pu  parvenir 
à  ce  degré  de  maîtrise  de  l'idiome  castillan  qui  lui  eût  permis  d'en  lire 
les  livres  sans  pénibles  hésitations,  sans  recours  constant  au  diction- 
naire, sans  tâtonnements  ni  interruptions  désagréables.  Peut-être  ses 
connaissances  en  italien  lui  furent-elles,  dès  l'origine  —  à  l'époque  à 
laquelle  nous  avons  fait  allusion  dans  la  Préface,  qui  est  la  seule 
où  nous  sachions  positivement  qu'il  étudia  (combien  de  temps?) 
le  castillan,  manifestement  les  rudiments  de  cet  idiome  —  un  sérieux 
obstacle  à  l'avancement  dans  cette  science  i.  Quiconque  a  poursuivi 
avec  quelque  assiduité  l'étude  simultanée  des  deux  langues  sait  par 
expérience  —  expérience  assez  déconcertante  à  l'origine,  mais  cepen- 
dant naturelle  —  combien  elles  se  contrecarrent  mutuellement,  et  de 
quelle  persévérante  énergie  il  est  besoin  pour  vaincre  la  confusion 
extrême  qu'elles  créent,  pendant  fort  longtemps,  dans  l'esprit.  Est-ce  le 
loisir,  est-ce  la  volonté  qui  manquèrent  à  Lessing  pour  s'astreindre  à  la 
méticuleuse  acribie,  à  la  méthodique  contrainte  qu'eût  exigées  un  tel 
apprentissage?  Imagina-t-il,  au  contraire,  que  ce  qu'il  savait  d'italien, 
joint  aux  quelques  notions  initiales  de  grammaire  castillane  qu'il 
s'était  inculquées  lors  de  son  premier  séjour  à  Berlin  avec  Mylius,  lui 
suffiraient?  Le  fait  est  qu'il  se  trompa,  et  que,  se  trouvant  dans 
l'impossibilité  pratique  de  lire  rapidement  et  aisément  les  livres 
castillans  2,  il  se  vit  contraint  de  se  documenter,  presque  toujours, 

discover  the  sources  of  the  Piura  river,  having  beheld  the  mighty  stream  from  the 
neighbourhood  of  Jaen,  and  astonished  at  beholding  a  sea  of  fresh  Avater,  having 
asked  «  Hac  mare  an  non  »  ?  Sans  doute,  ce  spirituel  guerrier  n'était-il  autre  que  le 
«  capitaine  Marailôn  y  Gran  Para  »  de  Lessing  en  personne. 

1.  M.  le  D'E.  Maddalena  n'ose  pas  aller  plus  loin  que  cette  affirmation,  parlant  du 
voyage  d'Italie  de  Lessing  en  1770  (quand  ce  dernier  avait  quarante-six  ans,  et  six 
ans  avant  sa  mort):  "  Délia  nostra  lingua  dovea  saperne  qualcosa  (sic),  perché  già  da 
assai  tempo  leggeva  nell'  originale  i  nostri  autori  »  (Lessing  e  l'Italia,  p.  It  du  tirage 
spécial,  Roma,  1904).  On  n'ignore  pas  que  beaucoup  de  gens,  chez  nous  comme 
ailleurs,  «  lisent  l'italien»  —  et  l'espagnol  —  sans  nullement  savoir  la  langue. 

2.  Je  dis  de  lire,  non  de  traduire,  car  certaines  œuvres  castillanes  nécessitent, 
pour  être  bien  traduites,  autre  chose  que  l'apprentissage  livresque  de  la  langue  :  le 
séjour  prolongé  au  pays  même.  Dès  1770,  l'érudit'Christoph  Gottlieb  von  Murr 
écrivait  excellemment,  en  note  à  la  p.  2ii  du  premier  volume  (1775,  Nûrnbcrg)  de 
son  précieux  Journal  :ur  Kunslgeschichte  und  zur  allgemeinen  Litteralur  précité,  où  se 
trouvent  tant  de  notices  rares  sur  les  littératures  espagnole  et  portugaise  et  où  Murr 
a,  l'année  suivante,  fort  bien  critiqué  (//.  Theil.  p.  SgS-ioa)  la  médiocre  version  du 
Quijote  par  Bertuch:  «  Dass  Ilcrr  Bcrtiich  in   Weimar  cine  deutschc  Ucbersetzuug 


L\    JJATIRE    ET    LES    SOURCES    DE    LHISPAMSME    DE    LESSLNG  38(J 

sur  eux  et  sur  leur  contenu,  dans  des  œuvres  de  seconde  main,  alors 
qu'il  eût  importé,  pour  un  tel  esprit,  d'en  parler  personnellement  ou 
de  se  taire.  Accordons-lui,  du  moins,  cette  justice  relative  qu'il  a  assez 
prudemment  évité,  sauf  en  une  ou  deux  circonstances,  d'insister  sur 
son  hispanisme,  et  que  l'intempestif  zèle  des  modernes  Lt'5sm<//orsc/ie/- 
lui  aura  joué,  en  l'espèce,  un  fort  vilain  tour.  Comme,  d'autre  part, 
il  n'a  jamais  perdu  une  occasion  de  mettre  au  pilori  les  plagiaires, 
—  bornons -nous  à  quelques  exemples  caractéristiques  :  analysant 
en  1751  dans  la  Berlin,  prlvil.  Ztg.  les  Oden,  Lieder,  iind  Erzàh- 
lungen  de  Bernhardi,  il  lui  reproche  vertement  {M.  IV,  36 1)  u  divers 
passages...  que  Hr.  Bernhardi  a  imités  ou  plutôt  empruntés  par  trop 
consciencieusement  à  d'autres  poètes  allemands  «;  en  1759',  dans  les 
Briefe,  die  neueste  Lit.  belreffend  {II.  Thl.  !\i.  Brief),  il  accuse  Dusch 
(M.  VIII,  95)  de  copier  autrui  «  avec  le  plus  incroyable  sans-gêne  », 
et  affirme  même  :  «  Je  ne  sache  guère  d'autre  écrivain  qui  s'entende 
mieux  dans  l'art  des  citations  adroites.  Confessant  avec  la  plus  feinte 
des  franchises  une  imitation  souvent  forl  lointaine,  il  masque  de  la 
sorte  les  plus  grossiers  larcins.  Je  pourrais  l'ouvrir  dix  fois  et  sept 
fois,  je  croirais  plutôt  recommencer  une  lecture  ancienne  qu'apprendre 
quelque  chose  de  nouveau  ;  »  dans  la  Quatrième  Partie  de  ces  mêmes 
Lettres  sur  la  Littérature  moderne,  63.  Brief,  discutant  (,¥.  VIII, 
170-173)  la  tragédie  de  Wieland  :  Lady  Johanna  Gray,  il  exulte 
visiblement  à  démasquer  le  procédé  de  l'auteur  à  l'endroit  de  Nie. 
Rowe  :  ((  Tout  ce  qui  m'étonne  en  l'espèce,  »  écrit-il,  «.  c'est  unique- 
ment le  silence  de  mort  qu'il  [Wieland]  observe  sur  le  chapitre  de 
cette  imitation,  »  et  il  s'étend  longuement  pour  démontrer  comment 
Wieland,  non  seulement  a  transcrit  Rowe,  mais  lui  a  emprunté 
tout  le  plan,  toutes  les  situations  de  sa  pièce  (p.  173  seq.)\  nul, 
enfin,  n'ignore  comment,  en  1768,  il  traitera,  à  vrai  dire  non  sans 
justice,  Klotz  au  i5°  des  Anti(juarische  Briefe,  I.  Thl.  {M.  X, 
27Z1,  seq.),  parce  que  cet  extraordinaire  faiseur  et  modèle  de  la 
u  zierliche  Gelehrsamkeit  »  avait,  dans  Ueber  den  Nutzen  und  Gebrauch 
der  alten  geschnittenen  Steine  und  ihrer  .46cfrrtc/re  (Altenbu'-g,  1768/, 
mis  à  sac,  selon   sa  coutume,  des  prédécesseurs  allemands  :  et  c'est 

davoQ  [du  D.  ().\  herausgeben  will  ist  bekaniit.  Icli  behaupte,  dass  rnan  in  Spanien 
selbst  gpwesen  seyn  miisse,  iim  die  Slûrke  des  spanischcn  Aiisdrucks,  und  die  fasl  unnach- 
ahniliche  Nalionallaune  dièses  MeisterslUcks  so  getreu  als  môglirh  in  unsre  Sprarhe 
iiberlragen  zu  kônnen.  » 

I.  L'année  d'avant,  au  moment  même  où  il  allait  plagier  dans  les  six  premiers 
volumes  du  Dictionnaire  des  Théâtres  de  Paris  les  traductions  littérales  qu'il  donnera 
(M.  VI,  294  seq.),  en  en  dissimulant  la  source  parmi  des  références  fictives,  pour  des 
Esquissesde  Comédies  inédiles  du  Théâtre  italien,  il  n'hésilait  pis  —  bien  qu'affectant  ensuite 
de  se  reprendre  et  d'annuler  ce  qu'il  venait  de  dire  —  à  écrire  sur  Molière  (p.  296) 
que  «  wenn  man  ihn  zur  Wiedererslattung  dièses  gelehrlen  Raubes  [ses  emprunts 
aux  Italiens;  il  ne  se  doute  pas,  et  pour  cause,  de  ce  que  Molière  doit  à  l'Espagne] 
zwingen  kùnnte,  der  grosse  komisrhe  Kopf  vielle irht  nicht  mehr  sclieinen  diirfte.fUr  den 
er  it:t  durchgângig  gehalien  wird.  »  (Theatr.  Bibl.,  IV.  Sliick.J 


2()0       CONTRIBUTIONS    A    L  ETL  DE    DE    L  HISPAiNTSME    DE    G.    E.    LESSING 

bien  dans  ce  pamphlet  que  Lessinga  déployé,  pour  la  retourner  contre 
son  adversaire,  toute  sa  formidable  expérience  de  roué  compilateur'  : 

—  en  présence  d'une  telle  conduite,  n'était-il  pas  de  bonne  guerre 
d'user  à  l'endroit  de  Lessing  des  armes  dont  il  s'était  servi  lui-même 
contre  autrui  ?  On  connaît  le  légendaire  passage  du  P.  Bouhours  dans 
Les  Entretiens  d'Ariste  et  d'Eugène  (Pavis,  1671,  p.   228):  «  C'est  une 

chose  singulière  qu'un  bel  esprit  Allemand  ou  Moscovite &  s'il  y 

en  a  quelques-uns  au  monde,  ils  sont  de  la  nature  de  ces  esprits  qui 
n'apparoissent  jamais  sans  causer  de  l'étonnement.  Le  Cardinal  du 
Perron  disoit  un  jour,  en  parlant  du  Jésuite  Gretser  :  n  II  a  bien  de 
l'esprit  pour  un  Allemand,  »  comme  si  c'eust  été  un  prodige  qu'un 
Allemand  fort  spirituel.  »  Cet  «  esprit  »,  en  lequel  nos  pères  voyaient  un 
titre  de  gloire  nationale,  il  ne  manquait  nullement  à  Lessing,  et  je  ne 
crois  point  du  tout  que  les  Allemands  y  soient  idiosyncrasiquement 
inaptes,  encore  qu'ils  n'en  fassent  pas  souvent  montre:  mais  ils  en  pos- 
sédaient un  autre,  dont  ils  recueillent  aujourd'hui  les  appréciables 
fruits  :  esprit  d'adaptation  persévérante,  de  lente  et  obstinée  acquisition, 
et,  si  l'on  veut,  de  continuel  u plagiat».  Or  c'est  parce  que  Lessing 
incarne  admirablement  ces  qualités-souches  de  leur  race  qu'ils  lui  ont 
élevé  —  à  l'homme  qui,  au  i4""  des  Antiquarische  Brieje,  a  écrit  que 
«  was  ein  Deutscher  einem  Ausliinder  abnimmt,  sey  immer  gute  Prise  » 

—  un  autel  devant  lequel  M.  Erich  Schmidt,  professeur  dynastique,  et 
M.  Franz  Mehring,  docteur  socialdémocrate,  alternèrent  de  nos  jours 
pour  y  brûler  le  plus  dévotieux  des  encens.  Nous  n'avions  pas  les 
mains  liées  par  de  pieux,  mais  antiscientifîques  scrupules.  Si  Victor 
Cherbuliez  a  pu,  non  sans  cette  réserve  réfléchie  qui  convenait  à  un 
Genevois  doublé  d'un  critique  à  la  Revue  des  Deux  Mondes,  écrire  de 
Lessing  que  a  cet  homme  si  profondément  honnête,  qui  était  incapable 
d'intriguer  pour  lui,  a  recouru  plus  d'une  fois  à  des  manœuvres  pour 
assurer  le  triomphe  de  ses  idées.  Sincère  jusqu'à  la  candeur  tant  qu'il  n'y 
allait  que  de  ses  intérêts,  il  devenait  un  habile,  un  politique  au  service 
de  la  vérité.  Jamais  il  n'a  menti,  il  a  souvent  rusé.  Pour  écarter  l'ennemi 
de  sa  bauge,  le  vieux  sanglier  confondait  ses  traces,  mettait  la  meute 
en  défaut....  »2,  toute  notre  ambition  serait  d'avoir  démontré  qu'encore 

1.  Rappelons  que  Danzel-Guhrauer  (II,  210  seq.)  n'a  pas  hésité  à  désapprouver 
le  mode  de  polémique  de  Lessing  —  opinion  partagée  également  par  H.  Rollett  {Son- 
nenfeW  Briefe,  etc.  [Wien,  1874])  —  à  l'endroit  du  professeur  de  philosophie  et  d'élo- 
quence de  Halle, —  sur  lequel  il  n'existe  pas  d'ouvrage  critique  moderne,  mais  bien  une 
excellente  notice  de  F.  A.  Eckstein,  Allg.  Encycl.  N.  S.  37.  Thl.  (i885),  p.  aS/i-a/io,  —  de 
même  qu'il  serait  dilïicile,  aujourd'hui,  de  justifier  sérieusement  le  ton  des  attaques 
de  ce  même  Lessing  dans  sa  querelle  avec  le  «  dûstern  Papste  Hammoniens  »,  Gœze, 
comme  l'a  si  bien  expliqué  teu  le  professeur  E.  Bertheau,  A.  D.  B.,  IX,  (1879) 
p.  524-53o. 

2.  Un  Allemand  d'autrefois,  dans  Études  de  littérature  et  d'art  (Paris,  1873),  p.  18. 
Cet  article  avait  paru,  sous  le  titre  G.  E.  Lessing,  dans  la  R.  des  D.  M.  du  i"  janvier  et 
du  i5  février  1868. 


I 


LA    NATURE    ET    LES    SOURCES    DE    l'hISPANISME    DE    LESSING  29 1 

que  Lessingn'ait  pas,  en  matière  hispanique,  positivement  «  menti  »  — 
puisqu'une  bonne  part  de  ce  que  l'on  est  convenu  d'appeler  la  science 
littéraire  est  faite  d'emprunts  —  il  a,  du  moins,  du  commencement 
à  la  fin  de  sa  carrière,  «  rusé  ».  Notre  ouvrage  est  —  il  nous  plaît  de 
le  répéter  à  la  dernière  page,  comme  nous  l'avons  déclaré  au  début  — 
une  œuvre  de  bonne  foi.  Qui  donc  affirmait  récemment  —  mais  n'était-ce 
pas  M.  Henri  Albert,  dans  le  Mercure  de  France  du  i6  février  1908  ? 
—  que  «les  enseignements  de  1870  sont  demeurés  lettre  morte  pour 
l'Université  française  »  ?  Qu'est-ce  à  dire,  et  la  science  devrait-elle 
emboucher  la  buccine  des  orateurs  de  la  Ligue  des  Patriotes  ?  S'il  est 
incontestable  qu'il  n'existe  pas  encore  chez  nous,  écrit  par  une  plume 
compétente,  un  ouvrage  complet  et  sans  prudentes  —  ou  adroites 
réticences  sur  la  moderne  Allemagne,  si  ceux  qui  seraient  le  plus  quali- 
fiés pour  l'écrire  apparaissent  parfois  retenus  par  des  entraves  que  ne 
masque  pas  complètement  l'appareil  scientifique  qu'ils  excellent, 
d'ailleurs,  à  manier,  nous  n'aspirâmes,  quant  à  nous,  ni  aux  honneurs 
de  la  traduction  allemande,  ni  au  feuilleton  élogieux  des  gazettes,  telle 
la  Gazette  de  Francfort.  Nous  nous  sommes  borné  à  exprimer  le  plus 
nettement  possible  les  résultats  de  notre  laborieuse  enquête  sans  nous 
dissimuler  qu'il  eût  été  moins  dangereux  de  choisir,  au  lieu  de  l'inves- 
tigation de  l'hispanisme  de  Lessîng,  quelque  autre  thème  de  tout 
repos,  où  nous  eussions  pu  faire  «  œuvre  scientifique  »  sans  déplaire 
à  personne.  Et  il  ne  nous  reste,  pour  conclure,  qu'à  emprunter  à  Lope 
sa  finale  du  Marido  mds  firme,  édité  par  son  auteur  en  1626  «  dans  la 
Parte  XX,  mais,  —  selon  que  le  voudrait,  malgré  une  erreur  de 
cinq  années  sur  la  date  de  publication  de  la  pièce,  M.  Menéndez  y 
Pelayo  au  t.  VI  des  Obras  de  Lope  de  Vega,  p.  lxiv,  —  de  composition 
peut-être  antérieure  : 

Aqui   mi   historia   diô   fin, 
Mis    quejas    no   y   ansi    quiero 
Que  oigais  la  segunda   [=///"]  parte 
Y  perdoneis  nuestros  yerros. 

I.  Dans  Schack,  II,  GgS  :  «Parte  XX,  Madrid,  i625  »;  dans  Lemcke,  Hndb.lW,  i8o  : 
uBand  XX,  Madrid  1625,  V ;  ebenda  1627,  4°».  L'erreur  de  M.  M.  y.  P.,  qui  a  pris  la 
réimpression  de  iG3o,  Barcelone,  pour  une  édition  originale,—  bien  qu'en  outre 
La  Barrera,  Xueva  Biogr.,  p.  386,  eût  également  décrit  celle  de  1G25  —  a  été  relevée  par 
A.  Restori,  Ztschft.  fur  rom.  Phil,  XXIII  (iSyg),  dans  ses  érudites  Besprechungen  de 
l'édition  de  l'Académie  espagnole. 


C.    PITOLLET. 


APPENDICE 


L'HYPNOSE  LESSINGOPHILE 


Nous  réunissons  sous  ce  titre  quelques  exemples  plus  particulière- 
ment frappants  de  la  puissance  d'erreur  du  dogme  de  l'hispanophilie 
lessinguienne,  qu'il  ne  nous  était  guère  facile  de  faire  entrer  dans  le 
corps  de  notre  travail,  en  les  classant  par  ordre  chronologique  i . 


1843.  Das  Horoscop. 

(M.  III,  371.) 

Ce  fragment,  que  MM.  E.  Sclimidt  (I,  354j  et  Muncker  (111,  Vor- 
rede:  Xll)  datent  1758,  a  été,  pour  )a  première  fois,  rattaché  àCalderon 
par  Hôlscher  :  Lessing  als  Dramaiiker  [Siegener  Programm,   i843, 

P-  19]: 

((  Man  sollte  sogar  fast  vermuthen,  dass  er  [Lessing]  mit  Calderon  bekannt 
geAvesen  sel,  indem  er  einen  diesem  Dichter  gelàufigen  Stoff  zu  einem 
Trauerspiel,  das  Horoscop,  Avilhlte,  etc.  » 

Propagée  par  Danzel-Guhrauer,  l'affirmation  est  accueillie  discrè- 
tement par  M.  Erich  Schmidt,  qui  se  l'attribue,  I,  354,  en  insinuant 

I.  II  nous  est  arrivé,  en  condensant  les  nombreux  matériaux  réunis  pour  ces 
quelques  notes,  de  songer  au  jugement  de  M.  A.  Farinelli  —  que  l'on  n'accusera  pas 
de  manque  d'initiation  dans  la  méthode  et  les  mœurs  scientifiques  allemandes  — 
dans  la  Bevista  critica  de  M.  R.  Altamira,  I  (nov.  1896),  p.  363  :  «  En  Espana,  no 
menos  que  en  Italia,  el  literato  y  el  critico  suclen  considerar  como  orâculo  todo  lo 
que  Uega  impresode  Alemania.  La  prolija,  pesaday  enfadosa  erudiciôn  septentrional, 
la  paciencia  extremada  que  el  ingenio  tudesco  sabe  aplicar  â  la  investigaciûn  dcl  mas 
fiitil  fenômeno  literario,  infunden  un  sacro  rcspeto  al  trabajador  del  Mediodia,  de 
hombros  màs  flojos,  inclinado  por  natura  â  la  holganza,  pero  no  menos  despicrto  de 
ingenio,  y  de  mâs  râpida  intuiciôn....  »  (Cf.,  en  outre,  le  même  garant,  eod.  loc, 
p.  35).  Bien  que,  l'année  d'avant,  M.  F.  eût,  dans  la  Zschft.  fur  vergl.  Litgscli.  (p.  3i8- 
/I07),  prodigué  à  l'adresse  de  l'Allemagne,  et  au  détriment  de  l'Espagne,  les  compli- 
ments les  plus  flatteurs,  nous  soupçonnons  un  peu  que  les  lignes  ci-dessus  formu- 
laient son  verdict  véritable. 


294       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

que  le  lieu  de  la  scène  de  das  Horoscop  a  «  peut-être  »  été  suggéré  à 
Lessing  par  La  vida  es  suefio,  u  das  in  Polen  spielt  und  das  schreck- 
liche  Horoscop  des  Prinzen  Sigismund  zur  Yoraussetzung  hat.  »  En 
même  temps,  ^I.  Erich  Schmidt,  qui  ne  semble  pas  s'être  souvenu  ici 
de  l'Introduction  de  Max  Krenkel  à  son  édition  de  La  Vida  (Klassische 
Bulinendichtungen  der  Spanier,  I  [Leipzig,  1881],  Calderon  :  das 
Leben  ist  Traum,  etc.),  nous  apprend  que  Calderon  n'a  choisi  la 
Pologne  pour  lieu  de  l'action  que  «  bloss  [um]  ein  charakteristisches 
Costûm  zu  gewinnen  ».  Que  M.  E.  Schmidt  se  fasse  traduire  El  gran 
duqiie  de  Moscovia,  de  Lope,  et  qu'il  recherche  si  l'histoire  du  faux 
Démétrius  n'avait  pas  ému  les  Espagnols  avant  la  pièce  de  Calderon. 
11  imaginera,  alors,  dans  la  troisième  édition  de  son  Lessing,  un 
motif  moins  banal  pour  expliquer  le  choix  du  poète  espagnol,  ou, 
plutôt,  ne  soufflera  plus  mot  de  cette  prétendue  influence  de  la  Vida 
sur  das  Horoscop,  si  évidemment  illusoire. 


d857.  Leopold  Schmidt  et  les  imitations  espagnoles 

de  Lessing. 

Leopold  Schmidt,  professeur  à  l'Université  de  Bonn,  qui  édita  à 
Elberfeld  en  1867  les  Schauspiele  Calderons,  etc.  d'après  les  matériaux 
réunis  par  son  pèrei,  rapproche,  p.  2i7,  note**,  la  Grafin  Orsina, 
dans  Emilia  Galotti,  d'un  motif  du  2"  acte  de  El  poslrer  duelo  de 
Espaha.  Cette  histoire  d'honneur  aragonaise,  que  Calderon  a  remaniée 
d'après  le  récit  qu'en  fait  Prudencio  de  Sandoval  au  livre  XI  de  La 
Vida  y  Hechos  del  Emperador  Carlos  F  (Valladolid,  i6o4),  aurait-elle 
était  familière  à  Lessing?  L.  Schmidt  a  éprouvé  un  scrupule  et  n'a 
affirmé  qu'une  «  ungefahre  YerAvandtschaft.  »  P.  aiS-aiZ»,  autre  assimi- 
lation. Le  thème  d'Emilia  Galotti  serait  parent  du  thème  de  Garcia  del 
Castanar,  la  célèbre  pièce  du  loyalisme  castillan  qui  continue  à  faire 
vivre  dans  le  peuple  espagnol  le  nom  de  Rojas  Zorrilla  et  dont  E.  de 
Ochoa  disait,  au  siècle  dernier  (Tes.  IV,  SSg)  que  si  le  Théâtre  espagnol 
classique  devait  disparaître  «  y  nos  fuese  dado  salvar  solo  una  peque- 

I.  Il  en  est  un  peu  de  Friedrich  Wilhelm  Valentin  Schmidt  comme  de  Johann 
Georg  Keil  :  nul  hispanisant  n'ignore  ce  qu'ils  ont  fait  pour  Calderon,  mais  la  vie 
de  l'un  et  de  l'autre  reste  totalement  inconnue.  Sur  Schmidt,  auquel  VAllg.  D.  Biogr. 
a  du  moins  consacré  (t.  Sa  [1891],  p.  lii-iG)  une  médiocre  notice  [prise,  d'ailleurs,  dans 
le  Neuer  i\ekrolog  der  Deutschcn  (Hcrlin,  i83i,  p.  goS  se^/.)],  sans  songer  à  tirer  parti 
des  maigres  renseignements  épistolaires  contenus  au  t.  111,  p.  303-870,  des  Briefe  an 
Ludwig  Tieck  dans  l'éd.  préc.  de  Holtei,  l'obscurité  est  un  peu  moindre  que  sur  Keil, 
grâce  en  particulier  à  V Introduction  des  Schausp.  Cald.  Keil,  en  efifet,  est  exclu  de  tous  les 
recueils  bio-bibliographiques  de  consultation  usuelle  et  M.  11.  Breymann  n'a  pas  su 
renvoyer  à  une  seule  source  sur  son  compte.  Je  comblerai  prochainement,  dans  la 
mesure  de  mes  forces,  cette  regrcttaljle  lacune  dans  une  étude,  achevée  en  ms.  : 
Lettres  inédiles  de  J.-G.  Keil  à  N.-H.  Julius. 


APPENDICE  290 

nisima  parte  de  él  —  cuatro  dramas  como  reliquia  de  tanta  riqueza  — 
no  vacilariamos  en  elegir  para  salvarlas...  el  Tetrarca  de  Calderôn,  el 
Desdén  con  el  Desdén  de  Moreto,  la  Verdad  sospechosa  de  Alarcon,  y 
el  Garcia  del  Castanar  de  Rojas.  »  Ces  chimériques  indications,  si 
elles  ne  fussent  restées  jusqu'à  présent  inaperçues  des  Lessingforschev, 
eussent  vraisemblablement  enrichi  d'une  ou  deux  divagations  docto- 
rales le  présent  relevé. 


188i.  Le  fragment  de  Faust. 

L'année  même  où  Krenkel  rappelait  et  commentait  de  manière  si 
détaillée  à  l'Allemagne  La  Vida  es  Sueilo,  Kuno  Fischer  insinuait  fG.  E. 
Lessing  als  Reformator  der  deutschen  Litevaliir  dargestellt,  1.  Theil 
[Stuttgart,  i88i],/j.  i73)  que  l'idée  du  fragment  dramatique  de  Lessing  : 
Faust  —  de  date  incertaine,  mais  vraisemblablement  écrit  entre  1768 
et  1769 —  pouvait  bien  être  empruntée  h  La  Vida  es  suefîo.  «  Dieser 
abenteuerliclie,  den  Weltbegierden  hingegebene  und  in  den  Abgrund 
getriebene  Lebensgang,  »  écrivait- il,  «  ist  «  das  Leben  ein  Traum  » 
angewendet  auf  den  Faust.  » 

A  la  même  date,  M.  Erich  Schmidt,  pour  qui  Krenkel  était  égale- 
ment tout  frais,  disait  son  mot  sur  la  question  au  deuxième  volume 
du  Gœthe-Jahrbuch,  p.  65-86  :  Zur  Vorgeschichte  des  Gœtheschen 
Faust.  11  écrivait  par  exemple  p.  85  : 

«  An  allerlei  Phantomen  ist  im  spanischen  Drama,  das  Lessing  kannte, 
wie  damais  vielleicht  kein  anderer  in  Deutschland,  kein  Mangel.  Schon  1760 
batte  er,  Avie  ein  Zettel  des  theatralischen  Nachlasses  beweist,  an  eine  Bear- 
beitung  der  Komôdie  La  Vida  es  siieno  gedacht.  » 

Mais,  outrepassant  les  capacités  réceptives  les  plus  élastiques  du 
merveilleux  Zettel,  le  futur  biographe  de  Lessing  apprenait  aux 
Lessingforscher  pâmés  d'aise  que  c'était  Yauto  :  la  vida  es  sueFio,  plutôt 
que  la  comedia  de  même  nom,  qui  avait  influencé  leur  auteur  pour 
le  dernier  avatar  —  à  Hambourg?  —  de  son  projet  dramatique.  Cette 
révélation  n'ayant,  naturellement,  trouvé  aucun  contradicteur  en 
Allemagne,  passa,  en  i884,  au  t.  I  du  Lessing,  p.  87/1  : 

«An  allerlei  Phantomen  ist  im  spanischen  Drama  kein  Mangel.  Die 
Komôdie  La  Vida  es  sueno,  an  deren  Bearbcitung  Lessing  schon  1760 
gedacht  batte,  besitzt  eincn  allegoriscben  Namensvetter  in  eincm  Auto,  das 
den  Widcrstreit  der  Elemente  im  Chaos,  die  gutcn  Avie  die  bôsen  Gewalten, 
die  Sûnde  als  Scbatten  vorfûbrt  und  den  Sûndenfall  sammt  der  Erlôsung 

des  Menschen  mystisch  bebandclt Der  Tcufcl  erhegt;  die  Ilimmliscben 

singen  den  Triumphgesang;  der  Mcnscb,  gcreinigt,  geknifligt,  gcrctlct,  wic 
Lessings  Faust  nach  dem  Scblummcr,  ruft  in  der  Fûlle  seiner  Sellgkeit  : 
«  0!   ist  auch   dièses  nur  Traum.  so  lasst  micb  nie  erwachen  !  »  Er  wird 


296       CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

seinem   Gott  dienen,   Avie    Lessings    Jûngling  unangefochten  der  edlen 
Forschung.  » 

C'est  ainsi  que  Lessing,  qui  n'avait  certainement  —  loin  de  l'avoir 
lue  — jamais  soupçonné  l'existence  de  la  collection  de  Juan  Fernândez 
de  Apontes,  excellait  ((  die  gôttliche  Maschinerie  der  spanischen  Biihne 
zu  verAverthen  »  ! 

Cet  auto,  traduit  en  1829  par  le  cardinal  Melchior  Diepenbrock  i , 
exhumé  ensuite  par  Krenkel,  ne  satisfera  plus,  en  1888,  l'actuel  édi- 
teur d'Euphorion.  Pour  en  venir  à  proposer,  comme  source  du  Faust  de 
Lessing,  outre  La  Vida  es  sueiïo,  deux  autres  drames  de  Calderon,  voici, 
j'imagine,  comment  a  procédé  M.  A.  Sauer.  Ayant  eu  vent  —  car  nul 
n'ignore  que  l'on  perdit  du  temps,  à  Madrid,  à  discuter  à  l'époque  ce 
((  problème  »  qui  n'en  était  plus  un,  comme  le  nota  M.  Morel-Fatio,  p.  25 
de  sa  brochure:  Calderon.  Revue  critique  des  travaux  d'érudition,  etc. 
(Paris,  1881)  —  des  mémoires  ou  articles,  espagnols  ou  étrangers, 
où  était  traitée,  à  la  suite  de  Moriz  Carrière  (1876),  la  question  d'un 
illusoire  rapport  entre  le  Mâçiico  Prodigioso  et  le  chef-d'œuvre  de  Gœthe, 
M.  A.  Sauer  résolut  subtilement  d'adapter  à  Lessing  ce  qui  avait  été 
imaginé  pour  Gœthe.  De  là,  sa  seconde  source  du  Faust  lessinguien  : 
El  mdgico prodigioso.  Comme,  d'autre  part,  M.  Erich  Schmidt  déclarait, 
dès  la  première  édition  du  Lessing,  t.  1,  p.  873,  que  le  conte  de  Voltaire: 
Le  Blanc  et  le  Noir^,  avait  influencé  Lessing,  M.  A.  Sauer  se  tint  le 
piquant  raisonnement  :  «  Pourquoi,  si  Lessing  a  utilisé  Le  Blanc  et  le 
Noir,  n'aurait-il  point  tiré  profit  également  de  Vlléraclius  espagnol,  dont 
Voltaire  donnait,  cette  même  année  1 764,  une  si  ample  analyse?  »  Et  c'est 
ainsi  que  nous  fûmes  gratifiés,  sur  la  foi  de  cette  solide  et  bien  scientifique 
induction,  de  la  troisième  source,  déclarée  la  plus  importante  —  sans 
doute  parce  qu'elle  semblait  à  M.  A.  Sauer  la  plus  nouvelle  —  :  En  esta 
vida  todo  es  verdad  y  todo  mentira  [Vierteljahrschrift  Jilr  Litt.-Gesch., 
I  (1888),  i3-27  et  522-523:  Das  Phantom  in  Lessings  Faust].  A  défaut 
d'ciusserer  Beleg,  cependant  indispensable  en  bonne  argumentation 
scientifique,  l'auteur  s'en  tirait  en  alléguant  ce  qui  lui  semblait  consti- 
tuer des  «  innere  Grlinde  »  3.  Les  preuves  tirées  de  l'existence  du  commode 
Zetlel  de  1760  ne  pouvaient  guère,  cependant,  entraîner  la  conviction 
pour  trois  drames.  Néanmoins,  M.  Erich  Schmidt  s'est  senti  persuadé, 

1.  Dans  son  recueil  originairement  intitulé:  Geistlicher  Bliiir.cnstraussaus  spanischen 
und  deutschen  Dirhlergûrlen  (Sulzbach,  1829  ;  deux.  éd.  augm.  par  l'auteur,  ibid.,  i852  ; 
quatrième  éd.  posth.  Regensburg,  18C2  :  das  Leben  ein  Traum,  p.  i-iio.)  M.  H.  Brey- 
mann  (op.  cit.,  p.  98  et  3o5)  a  cru  que  cette  œuvre  était  une  traduction  de  la  comedia  : 
La  Vida  es  sueûo,  et  Reinkens,  auteur  de  la  notice  sur  Diepenbrock  au  t.  V  (1887)  de 
1'^.  D.  B.  a  daté  faussement  (p.  i35)  la  i"  éd.  :  Begensburg,  18'26. 

2.  Cette  courte  histoire,  sur  laquelle  Grillparzer  appuiera  l'armature  de  der 
Traum  ein  Leben,  peut  se  lire  au  t.  21,  p.  223-233,  des  Œuvres  complètes  de  Voltaire, 
éd.  Moland. 

3.  P.  a4. 


1 
I 


APPENDICE  297 

puisque  la  11"'"  édition  du  Lessing  propose  les  trois  comedias  (I,  379). 
Dans  l'entre-temps,  M.  A.  Farinelli  avait  imaginé  un  ingénieux  moyen 
terme.  Il  repoussait  une  influence  de  En  esta  vida,  mais  tenait  réso- 
lument pour  les  deux  autres  pièces  (a/7,  cit.y  p.  286)  :  a.  Calderon  kam 
ihm  [Lessing]  zu  Hilfe  und  regte  ihn  durch  sein  «  La  vida  es  sueîlo  » 
und  sein  spiiter  von  Gœthe  und  Shelley  hochgewûrdigtes  Stiick  :  «  El 
Mâgico  prodigioso  »  màchtig  an.  »  Malheureusement,  sa  voix  ne  fut 
pas,  cette  fois,  écoutée. 


i883.  Le  «  Don  Quîjote  » 
prototype  de  Minna  von  Barnhelm. 

Un  philologue,  G.  Th.  Michaëlis,  fournit,  dans  un  travail  paru  en  i883 
chez  H.  Heyfelder  (Gaertners  Verlag)  à  Berlin  sous  le  titre  :  Lessing' s 
Minna  von  Barnhelm  und  Cervantes'  Don  Quijote  (44  p.  in-8),  la  parodie 
grimaçante  de  la  méthode  suivie  par  tant  de  Lessingforscher  hispano- 
philes.  Procédant  par  voie  de  démonstration  algébrique,  cet  intrépide 
comparse  établit  d'irréfutable  sorte  que  Tellheim-Minna  sont  les  décal- 
ques :  a  de  Don  Quijote-Dulcinèa,  b  de  Fernando  -  Dorotea  [pour  la 
solution  du  conflit];  que  Werner-Franciska  reproduisent  Cardenio- 
Luscinda;  que  Jiist  est  Sancho,  Riccaut  le  Cautivo,  le  M  irth  le  Ventero, 
la  Wirthstochter  la  fille  du  Ventero  doublée  de  Maritornes,  le  GasthoJ 
zum  Konig  von  Spanien  la  Venta  que,  pour  son  malheur,  D.  Quichotte 
troqua  en  château.  La  saison  elle-même  dans  laquelle  se  passe  l'action 
est  semblable  dans  les  deux  œuvres  et  les  moindres  locutions  appa- 
raissent identifiées. 

Cette  élucubration  n'avait,  pour  réussir  dans  le  clan  des  Lessing- 
forscher, qu'un  défaut.  Au  lieu  de  démontrer  que  Lessing  avait  mieux 
Jait  que  Cervantes,  elle  le  transformait  en  son  plagiaire.  Ce  fut  la  cause 
pour  laquelle  on  poussa  contre  elle  une  clameur  de  haro.  Elle  eût  passé, 
eût  même  trouvé  des  admirateurs,  si  ce  ne  fût  un  Tôlpel  qui  l'eût  rédi- 
gée. Mais  elle  touchait  au  Dieu  trop  irrévérencieusement.  L'année 
d'après  son  apparition,  W.  Brandes  la  tournait  en  ridicule,  p.  5i-5/j  des 
Akademische Blcitter éditées  par  le  Dr.  Otto  Sievers  {i.Jahrgang,  Braun- 
schAveig,  188A.)  Paul  Albrecht  lui-même,  qui  cependant  n'est  guère 
suspect  de  tendresse  à  l'endroit  de  Lessing,  a  frémi  d'horreur  devant 
l'audace  de  C.  Th.  Michaëhs.  Dans  la  préface  (imprimée,  mais  non 
éditée,  et  d'ailleurs  fragmentaire,  paginée  67-140)  des  Lessings-Plagiate, 
il  profère  (p.  87,  note  à  la  page  86,  s),  à  son  résumé  de  la  thèse  de 
C.  Th.  Michaëhs,  un  incredihile  dicta!  qui  pourrait  provenir  de  la  joie 
maligne  de  l'homme  qui,  ayant  dans  son  bissac  des  preuves  plus 
subtiles,  se  moque  de  la  simplicité  du  rival  triomphant  à  trop  peu 


398      CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 

de  frais.  Car  Paul  Albrecht  savait  mieux,  mille  fois  mieux  que 
C.  Th.  Michaëlis,  comment  Lessing  avait  assemblé  la  charpente  de 
Minna  von  Barnhelm,  et  qu'il  n'avait  pas  eu  besoin,  pour  ce  faire,  de 
pousser  jusqu'à  l'Espagne.  Ce  qu'il  nous  a  laissé  de  sa  dissection  de  J 

cette  pièce,  bien  qu'inachevé,  restera,  à  part  des  puérihtés,  comme 
un  document  impérissable  de  la  vérité  de  l'effusion  échappée  à  l'auteur 
de  la  Dramaturgie^  effusion  transcrite  plus  haut  et  dont  M.  E.  Schmidt 
a  donné,  dans  son  article  des  Sitzungsberichte  de  1897,  p.  471-472,  —  en 
un  style  aussi  pédantesque  que  spécieuse  était  la  pensée,  —  une  très  carac- 
téristique interprétation  tendancieuse,  où  nous  relevons  cette  phrase, 

—  destinée,  précisément,  à  excuser  les  plagiats  dramatiques  de  Lessing, 

—  que  «  der  iliessende  Begriff  des  litterarischen  Eigenthums  iiber  das 
theils  naive,  theils  unverschiimte  Copiren  im  16.  Jahrhundert  hinweg 
durch  die  Epochen  Molière'  s,  Holberg'  s  und  der  folgenden  Komôdie 
umsichtig  und  einsichtig  zu  geleiten  wâre...»  avant  que  l'on  passât 
condamnation  sur  une  méthode  que  lui-même,  E.  Schmidt,  a  traitée 
de  miisivisch.  Nous  ne  saurions  que  regretter  profondément  qu'aucune 
bibliothèque  parisienne  ne  possède  l'œuvre  d'Albrecht,  qui  est  au 
British  Muséum,  et  que  l'universitaire  français  germanisant  ne  puisse 
ainsi  se  former  une  opinion  personnelle  sur  les  innombrables  éléments 
de  plagiat  dont  est  composée  Minna,  éléments  qui,  d'ailleurs,  ne  sont 
constitués  d'aucune  parcelle  espagnole. 


1887.  Philotas  [f  759]. 

(M.  II,  353.) 

Sous  le  titre:  Zum  Philotas,  M.  Minor  entreprit,  dans  la  Zeitschrift 
fur  deutsche  Philologie,  XIX  (1887),  p.  289,  de  parfaire  M.  B.  A.  Wagner, 
lequel  «m  seinem  resullaireichen  Programm  «  Zu  Lessings  spanischen 
Studien»  hat  nicht  bemerkt,dass  Lessing  im  (^  Philotas  ))  dasselbeThema 
behandelt  wie  Calderon  im  a.  standhaften  Prinzeny^^.  —  Suivait  une 
analyse  —  après  tant  d'analyses  —  du  drame  que  Calderon  est  censé 
avoir  écrit  d'après  la  Foriuna  adversa  del  injante  Don  Fernando  de  Por- 
tugal de  Lope,  puis  M.  Minor  concluait  apodictiquement:  nKeine  der 
bisher  nachgewiesenen  Quellen  zu  dcm  Lessingschen  ((  Philotas  »  lueist 
eineso  genaue  Uebereinstimmung  wie  dièse  )).  Deux  ans  plus  tard,  M.  G. 
Roethe  trouvait,  dans  son  article  déjà  cité  de  la  Vierteljahrschriftjur 

I.  La  comcdja  de  Calderon  —  détail  qui  explique  toutes  ces  identifications  —  avait 
été  publiée  —  assez  peu  critiquement,  puisqu'il  reproduisait  simplement,  comme 
pour  la  seconde  pièce,  le  texte  défectueux  d'Hartzcnbusch  —  et  commentée  en  1881 
par  Krenkel  au  même  volume  que  Das  Leben  ist  Traum.  On  sait  qu'elle  fut  traduite 
par  A.  VV.  Schlegel  en  1809  au  t.  II  du  Span.  Theater,  et,  pour  ce  motif  sans  doute, 
analysée  par  Sismondi,  IV,  ititt-ibS,  que  copia  Saint-Chamand,  op.  cit.,  p.  182-199. 


APPENDICE  299 

Litferatur-Geschichte, II (1889) :  ZuLessings  dramatischen Fragmenten, 
la  «  démonstration  »  de  son  collègue  par  trop  fantaisiste.  «  La  seule 
analogie  que  présentent  les  deux  pièces,  »  disait-il  en  substance, 
«  c'est  que  Philotas  et  Don  Fernando  de  Portugal,  el principe  constante, 
sont  tous  deux  prisonniers  de  guerre,  et  que  l'un  et  l'autre  n'entendent 
point  acheter  leur  liberté  au  prix  d'un  dommage  national.  Or,  cela  ne 
justifie  pas  la  thèse  que  Philotas  aurait  été  «  fortement  influencé  »  par  la 
comedia  de  Calderôn,  puisque  «  iiber  dièses  etwas  vage  Motiv  hinaus 
erstreckt  sich  die  Uebereinstimmung  nicht  »  (p.  53o).  Le  Regulusmotiv, 
dont  on  fait  argument,  n'est-il  pas  commun  à  d'autres  œuvres  de  théâtre 
plus  accessibles  à  Lessing  que  l'œuvre  castillane?  Que  l'on  songe  au 
Régulas  de  Pradon  (1688)  '  et  à  celui  de  Métastase,  tous  deux  plusieurs 
fois  traduits,  appartenant  au  répertoire  {cf.  Gœdeke,  111,  867,  n"  89; 
370,  n"  60),  et  qui  offraient  l'avantage  d'un  motif  dramatique  sans 
femmes.  Donc  inutile,  en  vérité,  d'alléguer  Galderon.  » 

Nous  lisons,  cependant,  dans  la  seconde  édition  du  Lessing  de 
M.  E.  Schmidt,  à  propos  de  ce  même  Philotas,  que  «  auch  an  Cal- 
derons  Principe  Constante  môgen  wir  denken  »  (I,  348).  Ceux  qui  en 
douteraient  n'auront  qu'à  imiter  notre  exemple,  et  à  relire,  après  la 
pièce  de  Calderôn,  Philotas  dans  la  commode  édition  qu'en  a  donnée 
G.  Frick,  chez  Teubner,  à  Leipzig,  en  1906,  «  fur  Schulgebrauch  und 
Selbstunterricht  » .  S'ils  ne  se  donnent  pas  pour  convaincus,  tant  pis 
pour  eux. 

1889.  Fenix. 

Dans  son  article  précité,  M.  Rœthe  exposait  comment  il  avait  décou- 
vert «  indubitablement  »  la  source  espagnole  de  Fenix.  Reprenant 
d'une  main  ce  qu'il  abandonnait  de  l'autre,  il  semblait  n'avoir  attaqué 
l'identification  de  Philotas  avec  le  Principe  constante  que  pour 
conférer  plus  d'originalité  au  régal  inédit  qu'il  réservait  au  délicat 
palais  des  Lessingforscher. 

Boxberger,  raisonnait-il,  dans  sa  méritoire  collection  des  esquisses  dra- 
matiques de  Lessing,  publia,  sous  le  n^Sg,  un  fragment  dont  il  n'avait 
pu  découvrir  l'origine.  «  Ich  kann  nicht  zweifeln,  dass  dièse  Quelle  mit 
dem  Standhaften  Prinzen  identisch  ist,  oder  doch  in  irgend  welcher 
Beziehungsteht.  »  Mais,  ô  merveilleuse  casuistique,  cette  fois  u  sind  die 
Beweisgriinde  zum  Theil  recht  ausserlich,Avodurch  ihr  Gewicht  natiïrlich 
nicht  gemindert  wird  ».   Démêlons  patiemment  le  nœud  embrouillé 

I.  La  Bibl.  du  Théâtre  français  depuis  son  origine,  etc.,  I,  242  (Dresde,  1778),  signalait 
un  ftégulus,  tragédie  sans  femmes,  imprimé  à  Limoges  en  i582,  in-8,  et  qui  est  de 
Jean  Je  Beaubreuil,  comme  l'indiqua  M.  Minor.  Ce  renseignement  émane  de  La 
Croix  du  Maine,  Bibl.  franc.,  I,  448;  cf.  aussi  Goujet,  Xlli,  173.  L'œuvre  —  qui  n'est 
guère  «  accessible  »  —  a  8  ff.  et  71  p. 


3oO      COIN'TRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPAKISME    DE    G.    E.    LESSING 

de  cet  intéressant  plaidoyer  de  subtil  philologue.  Chez  Lessing,  la  o  fille 
du  roi  »,  Fenix,  apparaît  en  pleurs,  entourée  de  ses  compagnes:  Estela, 
Nisa  et  Flora,  qui  cherchent  à  la  consoler.  «  Ganz  ebenso  bei  CaV- 
deron  »  :  n'y  voyons-nous  pas,  en  effet,  Fenix,  fille  du  roi  de  Fez, 
avec  sa  suite  :  Estrella  [qui,  la  chose  est  claire,  équivaut  à  Estela], 
Celima,  Zara  (=  Flora)  et  Rosa  [=Nisa]?  Chez  Lessing,  Estela  est 
l'amie  et  confidente  de  la  princesse,  qui  a  envoyé  Flora  et  Nisa,  pour  être 
libre,  se  promener,  et  qui  confesse,  la  mort  dans  l'âme,  à  sa  préférée 
qu'une  entente  ancienne  entre  son  père  et  celui  de  Ramiro  la  réserve 
à  cet  imbécile  prince  d'Athènes,  en  même  temps  qu'elle  lui  laisse 
comprendre  qu'elle  ne  serait  pas  fâchée  de  partager  la  couche  du 
frère  cadet  de  son  fiancé  par  force,  Fadrique.  Un  tel  motif —  et 
jusqu'à  l'ombre  même  d'une  telle  scène  —  font  totalement  défaut  dans 
la  pièce  caldéronienne.  Mais  qu'importe?  N'est-ce  point  la  plus  palpable 
preuve  «  dass  Lessings  Fenix  auch  Aveiterhin  andere  Bahnen  wûrde 
gegangen  sein  als  der  Standhafte  Prinz  »  ?  D'ailleurs,  la  Fenix  de 
Calderôn  se  voit,  elle  aussi,  contrainte  de  mettre,  par  raison  d'État, 
sa  main  dans  celle  d'un  être  qu'elle  abhorre,  et  de  refuser  la  fleur  de 
sa  chair  épanouie  à  l'aimé.  Ergo  le  Ramiro  de  Lessing  =  Tarudante  ; 

Fadrique  =  Muley ,  à  moins  que  =  Don  Fernando:  Q.  E.  D.  — 

A  la  troisième  scène,  Lessing  nous  présente  le  Roi  et  le  Duc,  Fenix, 
aux  abois,  fuit  un  entretien  qui  pourrait  mettre  en  danger  sa  piété 
filiale.  Le  père  lui-même  semble  s'attendrir  sur  le  sort  de  sa  fille. 
N'en  va-t-il  pas  ainsi  chez  Calderôn?  Là,  également,  le  roi  s'approche 
de  sa  fille,  lui  tend  le  portrait  du  prétendant  détesté,  et  est  témoin  de 
son  crève-cœur,  bien  que  sans  en  soupçonner  le  motif.  Leur  entretien, 
d'ailleurs,  est  interrompu  par  l'arrivée  de  Muley.  Fenix  ne  quitte  pas, 
pour  autant,  la  scène  :  elle  écoute  le  brave  général  narrer  par  le  menu 
—  en  2i3  vers!  —  les  exploits  de  sa  campagne.  «  Môglich,  dass  der 
Herzog  bei  Lessing,  der  in  dem  kurzen  Fragment  nicht  zu  Worte  kommt, 
dem  edlen  heidnischen  Heerfiihrer  entspricht.  »  Possible,  en  effet.  Et, 
enfin,  «  die  Uebereinstimmung  der  Namen  und  auch  der  Situationen 
ist  zu  gross,  um  zufàllig  zu  sein  ».  Cependant  la  seconde  scène,  qui 
«  appartient  en  propre  à  Leissing»,  révèle  des  données  si  différentes, 
que  (I  la  marche  ultérieure  de  l'action  ne  se  laisse  vraiment  identifier 
que  difficilement  avec  Calderôn  ».  La  cause  de  cette  divergence  ne 
laisse  pas  d'être  transparente  :  Lessing  voulait  «  neuen  Wein  in  alte 
Schlauche  fûllen».  Conçoit-on,  en  effet,  le  réformateur  de  la  scène 
allemande  mené  à  la  lisière  par  un  homme  d'Église  espagnol?  Pour- 
tant, qui  oserait  affirmer  que  la  fable  castillane,  «  avec  sa  puissante 
armature  religieuse  »,  n'eût  point  été  plus  grandiose  que  le  rifacimenlo 
de  l'Aufkldrer?  Que  faudrait-il  penser,  si,  au  lieu  d'avoir  connu  directe- 
ment Calderôn,  Lessing  n'eût  eu  à  sa  disposition  que  u  eine  wûst 
andernde  Bearbeitung  »  ?  Mais  laquelle  ?  Boxberger  avait  déjà  déduit,  de 


APPENDICE  Soi 

((  la  maladresse  scandaleusement  écolière  du  langage  »,  que  l'on  devait 
n'avoir  affaire  qu'à  une  servile  et  informe  version  française  — 
naturellement!  —  retraduite  par  Lessing.  Mais  M.  Rœthe,  qui  a  frémi 
à  l'idée  d'un  Lessing  plagiant  les  Welsches,  repousse,  ingénieux,  la  date 
que  Boxberger  attribuait  au  «  fragment  »,  pour  le  renvoyer  u  etwa  in 
die  Zeit,  da  der  federfixe  Berliner  Litterat  ziemlich  flûchtige  und 
ungelenke  prosaischeThomsonûbersetzungen  anfing...  d.  Les  raisonne- 
ments de  M.  Rœthe  ont  paru  si  concluants  et  si  forts  aux  Lessing- 
Jorscher  qu'ils  n'ont  pas  daigné  —  car  leur  silence  n'a,  croyons-nous, 
pas  d'autre  motif  —  attacher  d'importance  à  l'identification  de  Paul 
Albrecht,  cependant  imprimée,  répétons-le,  dès  novembre  i890,etaussi 
précise  qu'étaient  vaines  les  arguties  ci- dessus  résumées  i. 


I.  Pour  éviter  le  reproche  d'une  ironie  malséante,  ou  même  l'accusation  d'avoir 
dénaturé  à  plaisir  la  pensée  de  M.  G.  Rœthe,  nous  reproduirons  ici  le  texte  même  du 
plus  essentiel  de  son  identiflcation  :  «Boxbergers  verdienstliche  Sammlung'derdrama- 
tischen  Entwurfe  Lessings  bringt  untcr  Nr.  Sg  ein  Fragment  «  Fenix»,  dessen  Quelle 
er  nicht  ermittelt  hat.  Ich  kann  nicht  zweifein,  dass  dièse  Quelle  mit  dem  Stand- 
haften  Prinzen  identiscli  ist,  oder  doch  in  irgend  •\velcher  Beziehung  steht.  Auch 
hier  sind  die  Beweisgrûnde  zum  ïheil  redit  ausserlicli,  wodurch  ihr  Gewicht  natûr- 
lich  nicht  gemindert  wird. 

»  Bei  Lessing  tritt  die  Kunigstochter  Fenix  weinend  auf,  umgcben  von  iliren 
Gespielinnen  Estela,  Nisâ  und  Flora,  die  sie  zu  Irosten  suchen.  Ganz  ebenso  bei 
Calderon  die  Konigstochter  von  Fez  Fenix  mit  iliren  Frauen  Estrella,  Zelima,  Zara 
(Flora?)  und  Rosa  (Nisa  ?)  Fine  von  ihnen,  Eslela,  ist  bei  Lessing  der  Prinzessin 
Freundin  und  Vertraiite,  die  andern  sendet  sie  hinweg.  Ihr  berichtet  sie,  dass  eine 
alte  Vcrabredung  der  Viiter  sie  dem  dummen  Prinzen  Ramiro  von  Atlicn  zugespro- 
chen  hat;  es  schimmert  durch,  sie  wiirde  es  ohnc  Schmerz  ertragen,  seinem  jùngern 
Bruder  Fadrique  zu  geliôren.  Dièses  Motiv,  dièse  ganze  Scène  fehlt  bei  Calderon 
vollstandig,  und  beweist,  dass  Lessings  «  Fenix  »  auch  \Aeiterhin  andere  Bahnen 
wûrde  gegangen  sein  als  der  Standhafte  Prinz  :  imnierhin  ist  auch  Calderons  Fenix 
in  der  Zwangslage,  aus  politischen  Grûnden  cinem  Ungeliebten  die  Hand  zu  reichen, 
einem  Geliel)ten  zu  entsagen  ;  Lessings  Ramiro  also  =  Tarudante;  Lessings  Fadrique 
kônnte  Muley,  konnte  aber  auch  Don  Fernando  sein. —  In  Lessings  dritter  Scène 
erscheint  der  Ivônig  und  der  Ilerzog;  die  bekûmmerte  Fenix  flieht  eine  Unterre- 
dung,  welclie  die  kindliche  Elirfurcht  gefàhrdcn  konnte;  ilir  Vater  selbst  scheint 
Mitleid  mit  ihrzu  empfinden.  Auch  bei  Calderon  tritt  der  Kônig  zu  seiner  Tochter, 
ein  Hild  des  verhassten  Werbers  ihr  zu  reichen;  auch  er  ist  Zeuge  ihres  Grams,  doch 
ohne  den  Grund  zu  erratlicn.  Die  Ankunft  seines  Gênerais  Muley  unte'-bricht  das 
Gespriich,  und  Fenix  gcht  nicht  fort;  Muley  erziihlt  don  Verlauf  seines  Feldzuges, 
Moglich,  dass  der  Ilerzog  bei  Lessing,  der  in  dem  kurzen  Fragment  nicht  zu  Worte 
kommt,  dem  edlen  heidnischen  Ileerfûhrer  entspricht. 

»  Dib  Uebereinstimmung  der  Namen  und  auch  der  Situationcn  ist  zu  gross,  um 
zufallig  zu  sein.  .«Vudererseits  weist  die  Lessing  eigne  2.  Scène  auf  so  ganz  andre 
Voraussetzungen  hin,  dass  der  Fortgang  der  Handlung  sich  anscheinend  nur  schwer 
mit  Calderon  vereinigen  liisst.  Wollte  Lessing  neuen  Wein  in  alte  Schltiuche  fùUen? 
Ich  fûrchte,  der  alte  Inhalt  mit  seinem  starken  religiôsen  Kern  wâre  kraftigcr 
gewesen.  Oder  hat  Lessing  nicht  den  Principe  constante  selbst  gekannt,  sondern  eine 
wûst  andernde  Bearbeitung?  Schon  Boxberger  hat  aus  dem  argen  schùlerhaflen 
Ungeschick  der  Sprache  geschlossen,  es  liège  eben  nur  eine  unfreie,  oft  undeutsclie 
Uebersetzung  (aus  dem  FranzôsischenP)  vor.  Dièses  Ungeschick  ist  so  gross,  dass  ich 
«  Fenix  »  nun  und  nimmer  in  die  Mille  der  sechziger  Jahre  setzen  mochte,  wie 
Boxberger  zu  wollen  scheint  :  wir  mûssen,  denke  ich,  mindestens  ein  Decennium 
zurûck,  etwa  in  die  Zeit,  da  der  federfixe  Berliner  Litterat  ziemlich  llûchtige  und 
ungelenke  prosaische  Thomsonûbersetzungen  anOng...  » 


3o2        CONTRIBUTIONS    A    l'ÉTUDE    DE    l'hISPANISME    DE    G.    E.    LESSING 


1893.  Emilia  Galotti.  M 


QI.  H,  377.) 

Dans  les  Nachgelassene  Schriften,  publiées,  comme  nous  l'avons  dit, 
par  le  comte  von  Schack  à  Dresde,  en  iSgS,  II,  i83,  Edm.  Doreressaie, 
en  une  note  évidemment  fragmentaire,  et,  en  tous  cas,  parfaitement 
futile,  d'identifier  Emilia  Galotti  avec  les  deux  premiers  actes  d'une 
pièce,  d'ailleurs  insignifiante  et  vraisemblablement  plagiée  de  Lope 
(du  moins  pour  plusieurs  scènes),  de  Moreto:  Primero  es  la  honra 
(B.  A.  E.  89,  p.  229  seq.).  E.  Dorer  était  si  surabondamment  convaincu 
de  la  réalité  de  l'hispanisme  de  Lessing,  qu'il  affirmait  (p.  i84)  que 
celui-ci  a  mentionné  dans  ses  Œuvres  d'autres  comédies  de  Moreto. 
De  ces  «  autres  comédies  »,  il  eût  été  difficile  à  ce  confus  travailleur  de 
citer  un  titre,  et  de  préciser  où  Lessing  les  avait  mentionnées,  à  plus 
forte  raison  utilisées.  Encore  une  notice  qui,  pour  être  restée  inaper- 
çue, n'a  pas  produit  ses  résultats  légitimes. 


1898.  Emilia  Galotti. 

M.  Rosenbaum  {Euphorion,  V,  107  :  Zii  Lessings  Emilia  Galotti), 
convaincu  d'une  vérité  inattaquable,  à  savoir  qu'à  la  date  où  il 
écrivait,  a  Lessings  Verhiiltnis  zu  den  Spaniern  »  n'était  point  encore 
«endgiltig  behandelt»,  entreprit  d'aiguiller  ses  collègues,  les  Lessing- 
forscher,  sur  la  voie  à  suivre  pour  résoudre  «  définitivement  »  ce 
Verhultnis,  qui  n'avait  rien,  on  l'a  vu,  d'une  liaison  dangereuse. 

On  lit,  acte  IV,  se.  VII,  dans  Emilia  Galotti  [M.  II,  434)  • 

Orsina  :  «  Und  glauben  Sie,  glauben  Sie  mir  :  wer  ûber  gewisse  Dinge 
den  Verstand  nicht  verlieret,  der  hat  keinen  zu  verlieren.  » 

Eschenburg,  qui  édita  en  1778,  comme  nous  lavons  dit  p.  196, 
des  poésies  choisies  du  chanoine  capitulaire  hambourgeois  Daniel 
Schiebeler  (4-  1771)  :  D.  Schiebelers  etc.  auserlesene  Gedichte,  hrgb. 
von  J.  J.  Eschenburg ,  avait  publié,  p.  3oo  du  recueil,  l'épigramme  sui- 
vante de  ce  facile  rimailleur  à  la  Hagedorn  et  dans  le  goût  de  l'école 
poétique  hambourgeoise  d'alors  : 

Daphnens  Schonheit. 

Mit  soviet  Reitz,  aïs  meine  Daphne  ziert, 

Ward  keine  noch  gebohien  ; 

Und  wer  fiir  diesen  Reitz  nicht  den  Verstand  verliert, 

Der  hat  ihn  sclion  verloren. 


-9-' 
^ 


APPENDICE  3o3 

Emilia  Galotti,  imprimée  en  1772,  p.  2/4 1-894  des  Trauerspiele, 
semblerait  n'avoir  rien  de  commun,  dans  le  passage  cité,  avec  la 
pointe  de  ce  Siiingedicht.  Mais  Eschenburg,  qui  le  donnait  comme 
posthume,  se  trompait.  Son  erreur  nous  semble  d'autant  plus  étonnante 
que  la  pièce  avait  été  imprimée  en  1766  précisément  dans  la  Revue 
que  lui-même  rédigea,  sous  le  titre  :  Unterhaltiingen,  à  Ilamburg  en 
1766  et  1767,  et  qui  forme  4  volumes.  Au  tome  2,  5.  Stiick,  Novembre 
1766,  p.  4o6,  on  peut  lire  : 

Daphnens  Schônheit. 

Mit  so  viel  Reiz,  als  meine  Daphne  ziert, 

Ward  keine  noch  gebohren  ; 

Und  wer  fur  diesen  Reiz  nicht  den  Verstand  verliert, 

Der  hat  ihn  schon  verloren. 

Au  lieu,  comme  le  plus  élémentaire  bon  sens  semblait  l'exiger,  — 
d'autant  plus  que  M.  Rosenbaum,  reprenant  le  mot  précité  de  M.  Erich 
Schmidt,  qualifiait  à  son  tour  le  mode  de  travail  de  Lessing  de  musivisch 
[p.  107] —  de  reconnaître  dans  l'exclamation  de  la  comtesse  Orsina  un 
écho,  adroitement  modifié  —  que  l'on  n'oublie  pas  la  lente  et  laborieuse 
gésine  de  la  «  première  tragédie  allemande  »  —  de  l'épigramme  de 
Schiebeler,  M.  Rosenbaum  imagina  d'attribuer  à. . .  Guillén  de  Castro  la 
paternité  de  cet  Einfall.  L'idée  ne  lui  en  serait  jamais  venue,  hâtons- 
nous  de  le  noter,  s'il  n'avait  lu  cette  remarque  d'Eschenburg,  placée 
en  bas  de  la  p.  3oo  dans  l'éd.  de  1778  : 

"Es  ist  mir  wahrscheiniich,  dass  dieser  Gedanke  aus  einer  spanischen 
Komôdie  des  Don  Guillem  de  Castro,  El  Gonde  Alarcos,  hergenommen  ist, 
Avorinn  die  Infantin  sagt  ' 

I .  Le  passage  est  Jornada  tercera  : 

Inf.     Vuelve,  Senor,  en  tu  acuerdo, 
Que  como  loco  has  quedado 
Desde  entonces. 

Con.     Yo  he  mostrado 
Solo  en  eso  que  soy  cuerdo. 
Que  quien  etc. 

La  pièce  de  Castro,  remaniement  dramatique  de  la  donnée  du  célèbre  et  magni- 
fique romance  : 

Retraida  eslâ  la  Infanla..., 

a  fait  l'objet  de  courtes  réflexions  de  M.  E.  Gorra,  op.  cit.,  art.:  Una  romanza  spagn. 
nella  poesia  pop.  e  nel  teatro,  V Alarcos  di  Fed.  Schlegel,  p.  aS-Si,  et  la  biographie, 
jusqu'alors  si  obscure,  de  l'auteur,  vient  d'être  éclairée  par  M.  Fr.  Marti  Grajales  : 
Cancionero  de  la  Ac.  de  los  Nocturnos  de  Valencia,  111  (Valencia  xjoG),  p.  119-188,  et 
M.  H.  Mérimée  :  Pour  la  biogr.  de  G.  de  C.  {Rev.  des  langues  romanes,  t.  L,  p.  Su  -Saa.) 
Cf.  aussi  F.  Wolf,  Bldlt.  fur  lit.  Unterh.,  1849,  '^°  9°  •  nous  ne  mentionnons  ce  passage 
que  parce  que  —  détail  curieux  —  l'auteur  ne  Ta  pas  réimprimé,  comme  le  reste  de 
son  étude,  dans  ses  Studien,  p.  556-688,  et  que  M.  E.  Mérimée,  qui,  dans  son  Intro- 
duction à  la  Première  Partie  des  Mocedades  del  Cid,  etc.  (Toul.,  1890),  cite  Schack 
(p.  cxv),  semble  avoir  oublié  que  Wolf  a\  ait  fort  catégoriquement  appuyé  ce  dernier 
à  cet  endroit,  en  s'exprimant  très  durement,  lui  aussi,  sur  Corneille. 


3o4      CONTRIBUTIONS    A   l'ÉTUDE    DE   l'hISPAjNISME   DE    G.    E.    LESSING 

Que  quien  el  seso,  y  el  ser 
No  pierde  si  es  grave  el  mal 
Que  le  sucede,  es  sefial 
Que  no  tuvo  que  perder. 

Eben  so  lasst  Hr.  Lessing  in  seiner  Galotti  die  Orsina  sagen  :  «  Wer 
ûber  gewisse  Dinge  den  Verstand  nicht  verlieret,  der  hat  keinen  zu  ver- 
lieren.  » 

Je  m'abstiendrai  de  disserter  sur  la  question  de  savoir  si  Eschen- 
burg,  en  découvrant  la  source  de  Schiebeler,  n'utilisait  pas  quelque 
papier  de  ce  dernier,  et  m'en  tiendrai  à  M.  Rosenbaum,  qui  imagina, 
pour  étayer  son  affirmation  que  Lessing  s'était  inspiré  directement  de 
Guillén  de  Castro,  d'en  appeler  au  fait  que  la  Stadtbibliothek  de  Ham- 
bourg possède  une  suelta  sans  date  du  rarissime  Conde  Alarcos.  D'où 
suivait  que  Lessing  l'avait  fatalement  consultée,  d'autant  plus  qu'elle 
était  la  première  des  vingt-sept  comedias  contenues  dans  le  volume  i! 
D'où  suivait  que  Lessing  l'avait,  non  moins  fatalement,  lue  avant 
toute  autre.  La  chose  apparaissait,  confessons-le,  ((  sonnenklar  ».  Or 
ce  volume,  qui  est  le  sixième  de  la  Sammhing  spanischer  Dramen  de 
B.  W.  Rahmeyer,  n'a  été  incorporé  —  nous  l'avons  dit,  répétons-le, 
sur  la  foi  de  Petersen,  Gesch.  der  Hamb.  Stadlblbl.,  p.  85  —  à  la 
Stadtbibliothek  qu'en  1790!  M.  Rosenbaum  nous  obj cetera- t-il  que 
Lesssing  avait  lu  lOi  suelta  cYiqi  Rahmeyer?  Avec  la  méthode  des  ainnere 
Grilnde»,  tout  est  possible.  Que  ne  poussait-il,  toutefois,  plus  avant 
sa  fine  investigation  des  comedias  de  la  Stadtbibliothek?  11  y  aurait 
trouvé,  au  n°  5  de  ce  même  volume,  une  suelta  de  Quando  no  se 
aguarda  qui  l'eût  (si  tant  est  qu'il  sache  l'espagnol)  intéressé,  en  nous 


1.  Tout  ce  qu'Emilia  Galotti  doit  à  la  littérature  espagnole  —  M.  Rœthe  a,  dans 
l'article  de  laVierteljahrschrift,  indiqué  les  trois  motifs  qui,  vraisemblablement,  sont 
empruntés  à  l'analyse  de  la  Virginia  par  d'Hermilly  —  se  borne,  presque  sûrement, 
à  un  mot  à  effet.  A  la  fin  de  la  segunda  jornada  du  Conde  de  Sex,  la  Reine,  voulant 
distraire  ses  soucis  amoureux,  feuillette  des  papiers  d'État.  Or,  le  premier  nom 
qu'elle  y  rencontre  est  le  nom  d'un  comte  : 

Aqui  dice  :  «  £i  Conde  Félix...» 
Conde  hubo  de  ser  por  fuerza 
Con  el  primero  que  encuentre; 
Conde,  en  fin...]  Vâlgamc  Dios! 

J^essing  nota,  dans  son  analyse,  ce  trait,  et  le  qualifia  de  «  vorlrefllich  ».  Nous  le 
retrouverions,  adapté,  dans  r«  Einilia!  eine  Emilia...  »  du  premier  acte  d'Emilia  Galotti 
(1772),  el  ce  passage  doit  appartenir  à  la  conception,  aujourd'hui  perdue,  de  Ham- 
bourg. Le  rapprochement,  fait  par  Klein,  Geschichte  des  Dramas  A'3,  p.  733,  est 
classique  chez  les  Lessing forscher .  M.  E.  Schmidt  qualifie,  à  cette  occasion,  le  procédé 
de  Lessing  de  «  ein  bewiisster,  auch  mit  stoffverwandten  fremden  Schôpfangen  klug  hanti- 
render  Calcul».  (Art.  des  Sitzungsberichte,  p.  471.)  Si  Lessing  eût  connu  la  Comedia 
espagnole,  qui  abonde  en  trouvailles  du  genre  de  celle  dont  celte  habileté  qu'on  nous 
vante  en  lui  tira  le  petit  profit  ci-dessus,  les  Lessingforscher  n'en  seraient  pas  réduits 
à  s'extasier  sur  ce  seul  emprunt  à  peu  près  certain,  mais,  sans  aucun  doute,  sur 
quelques  centaines  d'autres. 


I 


APPENDICE  3o5 

dispensant  d'une  besogne  de  confrontation  peu  attrayante.  Que  ne  se 
souvenait-il,  simplement,  que  Grillparzer  avait  ' ,  cinquante  ans  aupa- 
ravant, mais  sans  s'engager  à  rien  et  sachant  que  c'était  là  coïn- 
cidence de  hasard,  insinué,  pour  le  passage  d'Emilia,  un  autre 
rapprochement,  celui  de  La  traiciôn  bien  acertada,  que  nous  avons 
signalé  au  §  Essex? 

1.  SànwUl.  Werke,  loc.  cit.  (t.  XVII),  p.  53. 


ADJONCTIONS 


p.  57,  note  i,  l.  3.  —  C'est  au  n"  44,  29  octobre  1761 ,  des  Kritische 
Nachrichten  {M.  IV,  266)  que  Lessing  a  persiflé  l'ignorance  gramma- 
ticale espagnole  de  Jôcher  :  «  Zum  Exempel,  »  écrit -il  cavalièrement, 
«  man  weiss,  dass  die  Spanier  einen  besonderen  Buchstaben  n  haben; 
und  man  weiss,  wie  er  ausgesprochen  wird.  Ueberall  aber  bat  der 
D.  Jôcher  dièses  n  vor  ein  gedoppelt  n  angesehen,  und  es  ganz 
sauberlich  in  einen  nn  verwandeln  lassen.  »  Lessing  eût  pu,  cette  fois 
comme  d'autres,  se  renseigner  dans  des  livres  français  :  il  y  eût 
trouvé  instruction  et  conseil,  et  eût,  au  lieu  de  commettre  le  «  recht 
lacherlichen  Fehler  »  qu'il  reprochait  au  professeur  de  Leipzig,  appris 
à  connaître  la  vraie  nature  de  cet  n,  qu'il  appelle  naïvement,  à  la 
veille  de  sa  mort,  «  nicht  doppelt,-sondern  circumflectirt  ».  Dès  1696, 
N.  Charpentier,  auteur  du  premier  travail  sérieux  sur  la  lahgue 
castillane  en  France,  avait  reconnu  que  l'/l  d'Espagne  correspondait 
à  //  double  —  sur  l'origine  de  II  en  castillan,  cf.,  comme  exemple  de 
philologie  amusante,  l'explication  de  J.-G.  Magnabal  :  El  mdgico  pro- 
digioso,  etc.  (Paris,  1875),  p.  3  —  en  ce  sens  que  ce  signe  représentait 
nn  —  qui,  d'ailleurs,  a  eu,  comme  //,  sa  valeur  indépendante  de  lettre 
double.  Au  fol.  8  v  de  La parfaicte  méthode  pour  entendre,  escrire  et 
parler  la  langue  Espagnole  diuisée  en  deux  parties,  etc.  (Paris,  1696, 
in-S"  de  97  ff.)  on  lit  :  «  A^  ;  est  de  deux  sortes  simple  &  composé 
qu'ils  appellent  contilde...  Celui  qui  est  côtilde  se  pronôce  comme 
en  la  langue  Italienne  gn.  Seiior,  segnor,  Se  n.  a  n.  se  rapporte 
comme  /.  a  //.  &;  se  doibA^ent  tous  deux  prononcer  mollement...  »  Puis 
l'auteur,  s'arrêtant  aux  graphies  antiques  :  Sennor,  etc.  remarquait 
qu'elles  pouvaient  provenir  de  «  lignorance  des  imprimeurs  &  sculp- 
teurs, qui  pensoient  que  le  filtre  seruist  pour  double  n...»  11  observait 
même,  ayant  sans  doute  lu  de  vieux  textes  imprimés  dans  le  nord-est 
de  l'Espagne,  que  «  es  plus  correctes  impressions  anciennes,  il  se 
trouve  escript  par  ny.  comme  retiennent  encores  pour  le  iourd'hui 
les  Catalans  &  Valenciensi.  » 

I.  Sur  cet  ouvrage  et  son  auteur,  cf.  A.  Morel-Falio  :  Ambrosio  de  Salazar  et 
l'élude  de  l'espagnol  en  France  sous  Louis  XIII  (Paris  et  Toulouse,  igoi),  p.  90-100.  Au 
fol.  12  v°,  Charpentier  attribuait  au  vocable  gozo  —  qui  est  un  de  ceux  que  nota  Lessing 
en  marge  du  ms.  «  Eraclio  und  Argila  o,  comme  nous  l'avons  dit  p.  11  —  l'étymologie 

C.  PITOLLET.  ai 


3o8  ADJONCTIONS 

P.  95,  note  i,  l.  6.  Nous  ne  saurions  être  qu'à  demi  surpris  de  lire, 
dans  les  Orîgenes  de  la  Novela  de  M.  Menéndez  y  Pelayo,  au  t.  I  de  la 
N.  B.  A.  E.  (que  nous  citons  p.  2U9,  note  3)  une  timide  réhabilitation 
de  Guevara  contre  Bayle,  p.  CCCLXV  seq.  Mais  nous  ne  croyons  pas 
qu'il  suffise  de  prétexter  que  ce  furent  une  «  broma  literaria  » 
(p.  GCCLXYIIl),  pour  excuser  les  falsifications  historiques^  et  la 
méthode  de  l'homme  d'église  espagnol. 

P.  97,  note  1,  l.  15.  —  On  lisait  bien,  sur  la  couverture  des  volumes, 
trop  clairsemés,  publiés  par  la  Bibliothèque  Espagnole  des  éditeurs 
A.  Picard  et  fils  et  E.  Privât,  parmi  les  titres  des  nombreux  ouvrages 
«en  préparation»,  un  :  Antonio  de  Gaevara,  son  œuvre  et  son 
influence,  par  M.  Morel-Fatio,  à  côté  d'un  :  «  Précis  d'une  histoire  de 
l'ancienne  littérature  catalane  »,  du  même  auteur.  Souhaitons  que 
l'œuvre,  annoncée  depuis  bientôt  dix  ans,  paraisse  au  plus  tôt,  dans 
cette  collection  ou  ailleurs. 

P.  100  (note  à  la  p.  99,  L  3). —  Sur  ce  mystérieux  Ulenhart,  cf.,  en 
outre,  un  commencement  d'identification  p.  54  seq.  de  la  brochure  de 
polémique  de  J.  Schwering  contre  A.  Farinelli,  mentionnée  p.  280, 
note  3. 

P.  i08,  l.  26.  —  Sur  cette  réimpression  de  la  Silva  de  Juliân  de 
Medrano  par  César  Oudin  et  la  version  française  de  N.  Baudouin  — 
et  non,  comme  nous  l'avons  imprimé  par  un  lapsus  :  Baudoin,  —  cf. 
Morel-Fatio,  A.  de  Salazar.  etc.,  p.  ii4-ii6,  oîi  est  mentionné  l'inci- 
dent Estala-Sânchez.  Nous  eussions  dû  indiquer  aussi  qu'en  1609  une 
autre  nouvelle  du  D.  Quichotte,  le  cuento  de  la  pastora  Harcela 
{l'aparté,  ch.  XII-XIII),  parut,  avec  quelques  changements,  en  fran- 
çais et  en  espagnol  à  Paris  sous  le  titre  :  Homicidio  de  lajidelidad  y  la 
defensa  del  honor  (Bibl.  Arsenal  :  B.  L.  il ,  689.) 

P. 115, 1.30.  —  L'abbé  Du  Dos,  personnalité  fort  complexe,  —  récem- 
ment étudié  dans  deux  thèses  de  doctorat  :  de  M.  M.  BraunschAvig 
(Toulouse,  1904,  doctorat  de  Paris)  et  de  M.  P.Péteut  (Tramelan,  1902, 
doctorat  de  Berne)  —  fait  l'objet  de  quelques  remarques  nouvelles  de 
M.  A.  Lombard,  Revue  d'hist.  litt.  de  la  France,  1908,  p.  65-70  : 
Noies  sur  l'abbé  Du  Bos.  Il  est  étonnant  d'avoir  à  constater  que 
M.  M.  Braunschw^ig  semble  avoir  ignoré  l'existence  du  travail  de  son 

latine  gaudiiini.  M.  Morel-Fatio  en  infirme,  op.  cit.,  p.  g8,-  l'exactitude.  Or,  le  hasard 
a  voulu  que  l'année  avant  la  publication  de  son  ouvrage,  en  igoo,  M.  R.  Menéndez 
Pidal,  songeant  sans  doute,  bien  qu'il  ne  la  citât  pas,  à  la  note  :  u  Espagnol  Gozo», 
publiée  deux  ans  auparavant  dans  la  Romania  (p.  388-289)  P'"'  ^^-  ^-  D-  M.  Ford, 
démontrât —  fiomania,  t.  X\l\,  p.  303,  art.  Elimologias  espaholas,  S.  u.  Recel  — 
l'invraisemblance  de  la  dérivation  negoliam,  admise  par  M.  Morel-Fatio  à  la  suite  de 
M.  Ford.  «  La  forma  goyo,  »  concluait  le  professeur  madrilègne,  «  hace  para  mf  indu- 
dal)le  la  discutida  climologfa  gau.dinm-gozo.-i)  La  philologie  a  de  ces  surprises. 
M.  Menéndez  Pidal  nous  écrivait,  d'ailleurs,  tout  récemment  encore:  «A'ada  ha  hecho 
cambial-  mi  idea  respeclo  d  gozo  gaudiu.  La  forma  goyo  nunca  se  puede  explicar  por 
negolium...» 


Adjonctions  Soo 

prédécesseur  (99  p.  in-8),  qu'il  ne  mentionne,  du  moins,  jamais  dans 
ses  86  p.  in-8. 

P.  il8,  note  1,  l.  2U.  —  Nous  eussions  attendu  du  sens  critique  de 
M.  A.  Bonilla  y  San  Martin  qu'il  n'eût  pas  pris  si  fort  au  sérieux  les 
élucubrations  de  M.  Salillas,  dans  sa  conférence  de  mai  1905  à 
YAteneo  madrilègne  :  Don  Qiiijole  y  el pensamienio  espanol,  p.  3x8  du 
recueil  El  Ateneo  de  Madrid  en  el  III  Centenario  de  la  publicaciôn  de 
El  Ing.  Hid.  D.  Q.  de  la  M.  (Madrid,  igoô).  Il  importe,  en  efTet,  de  ne 
pas  confondre  «  patriotisme  »  et  «objectivité  scientifique  ». 

P.  131,  l.  22.  —  CJ.  à  propos  de  cette  édition  de  i63o,  une  instruc- 
tive note  de  Ticknor,  p.  34  du  Catalogue  de  sa  Bibliothèque  par 
Whitney.  Nous  n'avions  pas,  dans  le  S  sur  Usque,  à  discuter  le  pro- 
blème linguistique  soulevé  par  la  Bible  de  Ferrare,  et  que  Lessing  n'a 
pas  soupçonné,  s'étant  contenté  de  plagier  Wolf,  qui  n'en  avait  rien 
dit.  Nous  nous  sommes  borné  à  identifier  ses  sources,  comme  toujours. 
Pour  que  l'on  ne  nous  reproche  pas,  cependant,  de  croire,  nous  aussi, 
que  Jerônimo  de  Vargas  et  Yom-Tob  ben  Levi  Athias  étaient  deux 
personnes  distinctes,  nous  avertirons  ici  que  nous  avons  lu  —  p.  282 
de  la  traduction  allemande  :  Israël  iind  die  Vôlker,  éditée  par  Mann 
—  l'important  passage  où  est  contenue  la  découverte  d'Isaac  da  Costa». 
Nous  ajouterons  qu'il  subsiste,  sur  la  Bible  de  Ferrare,  d'étranges 
équivoques.  Le  dernier  spécialiste  qui  a  écrit  sur  elle,  M[eyer]  K[ayser- 
ling],  à  l'article  Usque  —  on  sait  peut-être  que  la  famille  Usque  tirait 
son  nom  de  son  lieu  d'origine:  Huesca,  l'ancienne  O^ca,  et  qu'Abraham 
Usque,  né  à  Lisbonne,  s'appela  d'abord  Duarte  Pinel  —  au  t.  XII 
(New-York  and  London,  1906)  de  The  Jewish  Encyclopœdia,  p.  887, 
déclare,  enfermes  ambigus,  qu'elle  est  a  a  revision  of  an  earlier  trans- 
lation rather  than  a  new  version  »,  ajoutant,  de  façon  tout  aussi 
vague  :  «  Two  slightly  modified  copies  (not  two  éditions)  of  this 
Bible  were  struck  ofF,  to  be  submitted  to  the  Inquisition,  one  of  them 
being  dedicated  to  Duke  Ercole  da  Este,  and  the  other,  intended  for 
the  Jewish  public,  inscribed  in  honor  of  D.  (sic)  Gracia  Nasi.  » 
M.  A.  Morel-Fatio,  dans  un  article  d'une  extrême  science  bibliogra- 
phique :  Les  lectures  de  Sainte  Thérèse,  au  n°  i  du  Bull,  hisp.,  1908, 

I.  Sur  Israël  en  de  Volken  (2'  éd.,  Haarlem,  1848-/19)  et  son  auteur,  cf.  la  notice  de 
C.  Schwartzen  tête  du  Catalogue  de  la  Collection  importante  de  livres,  manuscrits,  etc., 
hébreux,  espagnols  et  portugais  de  feu  M.  Isaac  da  Costa,  d'Amsterdam,  public  en  1861  à 
Amsterdam  par  M.  Roest  Mz.  (Bibl.  nal.  A  18916)  et  l'arlicle  Da  Costa  par  M[eyer] 
K[ayserling]  au  t.  IV  (igoS)  de  The  Jewish  Encycl.,  p.  291.  L'auteur  de  l'article  Is.  Da 
Costa  dans  la  dernière  éd.  (IX.%  t.  IV  [1904],  p.  807)  du  Konv.=  Lex.  de  Meycr  n'a  cer- 
tainement pas  lu  la  version  allemande  précitée,  qu'il  donne  comme  étant  de  Mann. 
K.  Mann  ne  fit  qu'éditer,  à  Francfort,  en  i855,  la  traduction  faite  par  «cinc  Froundin 
des  Gôttlichen  Wortes»,  c'est-à-dire  M'"  Thumb  (XVI  et  4.'iO  p.  in-8).  L'ouvrage  de 
Da  Costa  —  qui  intéresse  les  hispanisants  à  cause  de  la  grande  quantité  de  matériel 
nouveau  accumulé  dans  la  partie  consacrée  aux  juifs  hispano-portugais  —  fut  aussi 
traduit  en  anglais  par  VVard  Kennedy  (Lond.,  i85o). 


3lO  ADJO>"CTIO:^S 

mentionne  au  §  :  La  Bible,  la  «  Bible  juive  de  Ferrare  publiée  en  i553, 
qui  naturellement  ne  contient  que  l'Ancien  Testament  »,  p.  27,  puis 
p.  29,  mais  sans  rien  préciser  sur  son  compte.  En  1899,  M.  S.  Berger, 
dans  son  article  de  la  Romania  sur  Les  Bibles  Castillanes,  avait  excipé 
de  l'imminence  de  la  publication  d'une  étude  spéciale  de  M.  W.  Mil- 
witzky  (?)  pour  ne  dire  sur  la  Bible  de  Ferrare  (p.  536-5A2)  que  des 
généralités,  en  particulier  —  p.  538,  d'après  J.L.deVillanueva  :  De  la 
leccion  de  la  Sagrada  Escritura  en  lenguas  viilgares  (V^alencia,  1791) 
—  qu'elle  n'était  qu'un  remaniement  de  l'ancienne  revision  d'après 
l'hébreu.  Dès  1824,  cependant,  l'essentiel  avait  été  dit  sur  elle  et  sur 
les  Bibles  castillanes  qui  l'avaient  précédée,  par  un  anonyme  fort 
érudit  (auteur  vraisemblablement  des  articles  antérieurs  :  Nuei'a 
version  espanola  de  la  sagrada  Biblia,  p.  27-36,  et  Noticia  de  una 
Biblia  valenciana  impresa  en  el  siglo  XV  de  la  cual  no  queda  mds  que 
una  hoja,  p.  36-4o  du  l.  1),  au  t.  11  du  périodique  mensuel  :  Ocios 
de  Espaiîoles  emig rades  ^  :  Noticia  de  todas  las  vers io nés  de  la  Biblia  en 
las  lenguas  vulgares  de  la  monarquia  espanola,  p.  97-108,  avec  adjonc- 
tion p.  288.  Le  passage  mérite,  vu  la  rareté  du  périodique  qui  le 
contient  et  sa  valeur  intrinsèque,  d'être  transcrit  en  cette  place:  u  Gran 
contienda  hay  entre  los  bibliôgrafos  sobre  si  son  una  misma  estas  dos 
ediciones.  Algunos  creen  que  la  de  Pinel  se  trabajô  para  el  uso  de  los 
judios,  y  la  de  Usque  para  el  de  los  cristianos^.  Mas  esto  es  equivo- 
cado;  porque  ademâs  de  la  identidad  que  ya  dijimos,  cualquiera  que 
las  coteje,  hallarâ  que  también  es  una  misma  la  version  de  los  lugares 
criticos,  en  que  discordan  los  judios  y  los  cristianos,  y  que  ambas 
estân  segùn  el  sentido  é  interpretaciôn  que  siguen  los  primeros  :  por 
cuya  causa  la  llamo  Casiodoro  de  Reyna  traduccion  falaz  y  astuta- 
mente  viciada.  También  concuerdan  ambas  en  decir  que  esa  era  la 
primera  version  de  la  Biblia  que  se  habîa  hecho  en  lengua  castellana. 
Error  que  fâcilmente  queda  confutado.  Porque  ademâs  de  que  los 
eruditos  (V.  Rie.  Simon  :  Disquis.  crit.  de  variis  bibl.  edit.,  c.  i4) 
convienen  en  que  esos  traductores  se  aprovecharon  de  las  versiones 
espanolas  de  R.  Quimchi  y  de  Aben  Hezra,  basta  volver  los  ojos  â  las 
que  dejamos  notadas,  para  convencerse  que  ni  Pinel  ni  Usque  fueron 
interprètes  originales.  Anles  por  el  contrario  aparece,  que  lo  que  ellos 
quisieron  fué  contribuir  â  que  los  4oo,ooo  y  mâs  judios  arrojados 
de  Espafîa  y  Africa  y  dispersos  en  varias  naciones  de  Europa  y  Africa 

1.  Bibl.  Nat.  :  Z.  56971.  La  collection  de  ce  périodique,  publié  à  Londres  chez 
Dulau  et  C°,  comprend  7  vol.  in -8.  Établi  en  avril  1824  par  J.  L.  Villamena,  J.  de 
Villamena  et  J.  Canga  Argiielles,  il  eut,  en  novembre  1825,  P.  INIardibil  ijour  nouveau 
rédacteur,  J.  de  Villamena  étant  mort.  En  octobre  1826,  la  publication  en  fut 
interrompue,  pour  reprendre  en  janvier  1827,  mais  sous  forme  trimestrielle  et  avec  le 
titre  :  Ocios  de  Espanoles  emigrados  en  Londres. 

2.  L'auteur  croit,  comme  on  l'admettait  ù  l'époque,  que  Duarte  Pinel  et  Abraham 
Usque  furent  deux  personnages  distincts. 


ADJONCTIONS  3 I I 

no  olvidasen  la  declaraciôn  castellana  del  texte  sagrado,  que  eslaban 
acostumbrados  a  oir  en  las  sinagogas  de  aquella  Peninsula.  Y  para 
esto  era  forzoso  que  les  presentasen  las  mismas  versiones  antiguas. 
Y  que  esta  fuese  muy  anterioral  ano  i553,  lo  demuestra  su  lenguage, 
que  ni  es  de  aquel  siglo  xvi  ni  tampoco  del  xv,  sino  del  xiv  por  lo 
menos.  Estas  versiones  antiguas  son  las  que  repitieron  y  multipli- 
caron,  con  el  capricho  de  dedicar  una  ediciôn  al  duque  de  FeTara,  y 
otra  a  Dona  Gracia  de  Naci  :  en  lo  cual  tendrian  sus  razones  de  con- 
veniencia  particular,  que  no  alteran  la  substancia  de  la  traducciôn.  » 

P.  iU6,  note  i,l.  g.  —  Nous  avons  trouvé  récemment  deux  intéres- 
sants articles  oubliés  sur  Montiano  dans  l'excellente  revue  bimen- 
suelle La  America.  Crônica  Hispano-Americana,  dirigée  à  Madrid  de 
1867  à  1881  —  date  de  sa  mort,  cj.  sa  nécrologie  au  n"  19  de  cette 
année  par  M.  Moya  —  par  E.  Asquerino ,  et  dont  la  collection 
comprend  22  volumes.  Le  premier,  de  nature  bio-bibliographique, 
émane  de  A.  Ferrer  del  Rio,  t.  VI  (1862),  n°  i.  Le  second,  de  Cueto, 
est  au  t.  XI  (1867),  n°  22,  et  compense  la  parcimonie  avec  laquelle  fut 
traité  Montiano  par  le  même  érudit  aux  t.  61  (Madrid,  1869)  —  où  il 
y  a  un  si  bon  passage  sur  L.-J.  Velâzquez  —  et  67  {ihid.  1875)  de  la 
B.  A.  E.  Cueto  n'était  évidemment  pas  renseigné  quand  il  écrivait  en 
cette  première  place,  p.  LXXXIV-,  que  Lessing  n'admirait  pas  Mon- 
tiano, mais  le  mentionnait  avec  éloge.  Cette  banalité  se  retrouve,  na- 
turellement, dans  le  texte  de  1898  de  YHist.  crit. 

P.  160,  note  1,  l.  10.  —  Comme  il  est  désormais  invraisemblable 
que  cette  étude  —  qui  était,  en  même  temps,  une  description  complète 
de  tous  les  livres  espagnols  rares  conservés  à  la  Sladlbibliothek  ham- 
bourgeoise  et  qui  nous  avait  coûté  assez  de  temps —  paraisse  jamais, 
nous  donnerons  ici,  en  la  restreignant  à  une  simple  énumération  de 
titres,  l'analyse  de  la  Sammliing  spanischer  Dranien,  ne  fût-ce  que 
parce  qu'elle  démontrera  qu'outre  sa  propre  collection,  Lessing 
disposait  à  Hambourg  de  tout  le  matériel  nécessaire  pour  connaître 
adéquatement  la  Coniedia,  s'il  n'en  eût  été  empêché  par  son  ignorance 
de  la  langue.  Cette  collection  compte  sept  volumes  —  un  huitième 
volume,  d'ailleurs  incomplet  et  non  relié  i,  n'y  a  été  rattaché  que  par 
l'ignorance  d'un  bibliothécaire,  peut-être  celui  qui,  à  la  Sladlbibliothek, 
catalogua  les  Guerras  civiles  de  Granada  de  Pérez  de  Hita  parmi  la 
littérature  historique  sur  l'Espagne,  —  dont  le  second,  —  qui  pourrait, 
par  suite  du  détail  consigné  à  la  note  i,  être  considéré  comme  le 
premier — est  identifié  par  l'ex-libris  de  B.  W.  Rahmeyer,  reproduit 

I.  Ce  volume  contenant  —  parmi  les  treize  pièces  qui  le  constituent—  une  suelta 
du  Carlos  Quinto  sobre  Tànez  de  Canizares  imprimée  en  1798  chezQuiroga,  ne  saurait, 
de  ce  seul  clief,  appartenir  à  la  collection  Uahmeyer,  reliée —  sauf  pour  le  tome  I, 
dont  la  reliure  en  parchemin  est  espagnole,  ce  qui  permet  de  supposer  qu'il  fut 
acheté  tel  en  Espagne  ou  en  Portugal  —  en  cartonnage  alieniaud  du  xviir  siècle. 


■^ 
3 1 2  ADJONCTIONS  # 

par  nous  p.  288.  Ces  sept  (huit)  volumes  portent,  au  catalogue 
manuscrit  de  la  Stadtblbliothek ,  la  cote  collective  S  D  cl,  vol.  Il,  p-  35 
et  les  sueltas  qui  les  composent,  émanant  en  majeure  partie  des 
officines  bien  connues  des  Fr.  de  Leefdael  (Séville),  Ant.de  Hermosilla 
(id.),  Gomez  (id.),  Diego  Lôpez  de  Haro  (id.),  Joseph  Padrino  (id.), 
Ant.  Sanz  (Madrid),  Joseph  Gonzalez  (id.),  Teresa  de  Guzman  (id.), 
Francisco  Manuel  de  Mena  (id.),  des  héritiers  de  Juan  Sanz  (id.), 
Lôpez  (id.),  Joseph  de  Orga  (Valence),  Alonso  del  Riego  (Valladolid), 
Joseph  Diaz  Cayuelas  (Murcie),  Bernardo  da  Costa  (Lisbonne),  José 
Antonio  Plates  (id.),  remontent,  par  conséquent,  en  majeure  partie, 
à  la  première  moitié  du  xvin'  siècle.  Dans  le  rapide  énoncé  ci- 
dessous,  n'ayant  pas  à  discuter  la  paternité  de  certaines  pièces, 
nous  nous  bornons  à  enregistrer  les  attributions  des  sueltas,  suppri- 
mant de  l'étude  qui  n'a  pas  paru  toutes  recherches  personnelles  en 
ce  sens. 

Vol.  I  :  El  exemplo  mayor  de  la  desdicha,  y  capitan  Belisario  [Lope 
de  Vega  Carpio,  n"  35]  ;  Los  amantes  portugueses  y  qiierer  hasta  morir 
[Licenc.  Gaspar  Lozano  Montesino,  n°  81];  Quien  mal  anda  en  mal 
acaba  [D.  Juan  de  Alarcon,  n°  190]  ;  Pobreza,  amor,  yfortuna  [D.  Diego 
y  D.  Joseph  de  Figueroa  y  Cordova,  n"  207]  ;  Reynar  despues  de  morir 
[Luis  Vêlez  de  Guevara,  n"  199];  Antioco  y  Seleuco  [D.  Agustin 
Moreto,  n°  233];  La  Perla  de  Inglaterrd  y  peregrina  de  Ungria 
[Ingenio  de  esta  Corte,  n°  43]  ;  Nadie  fie  su  secreto  [D.  Pedro  Galderon 
de  la  Barca,  n°  ioZ|];  El  mayor  monstruo  en  el  mundo  [id.,  n'  242]; 
Cumplir  con  su  obligacion  [Doct.  Juan  Perez  de  Montalvan,  n°  128]; 
El  conde  Lucanor  [D.  Pedro  Calderon  de  la  Barca,  n°  243]  ;  El  Phénix 
de  Espaha,  san  Francisco  de  Borja  [Ingenio  de  esta  corte,  n°  246]  ;  La 
Roca  del  honor  [D.  Pedro  Calderon,  n°  128];  Para  vencer  Amor, 
querer  vencerle  [id.,  n°  manque]  ;  La  mejor  flor  de  Sicilia,  Santa 
Rosalia  [D.  Augustin  de  Salazar  y  Torres,  n°  i83];  La  Gitana  de 
Menfis,  Santa  Maria  Egypciaca  [Doct.  D.  Juan  Perez  de  Montalvan^ 
n°  32]  ;  Don  Juan  de  Espina  en  Milan.  Segunda  Parle  [Ingenio  de  esta 
corte,  n°  212,  Plieg.  U  y  med.\  ;  Solo  el  piadoso  es  mi  hijo,  y  peste  de 
Milan  [Matos,  Villaviciosa,  Avellaneda,  n"  17]  ;  Industrias  contra 
Jinezas  [D.  Augustin  Moreto,  n"  100];  Dr  el  Cielo  viene  el  buen  rey 
[D.  Rodrigo  de  Herrera,  n°  247]. 

Vol.  II  :  Zelos  con  zelos  se  curan,  comedia  sinfama  [Maestro  Tirso 
de  Molina,  n°  82]  ;  Esto  si  que  es  negociar  [id.,  n"  92]  ;  La  Villana  de  la 
Sagra  [id.,  n"  18]  ;  El  Zeloso  prudente  [id.,  n°  91]  ;  El  amor  y  la  amislad 
y  prueba  real  para  conocer  los  verdaderos  amantes  y  amigos  [id., 
n"  97]  ;  El  burlador  de  Sevilla  y  con\bidado  de  piedra  [id.,  n°2i9]; 
Comedia  sin  Jama.  El  que  Juere  bobo  no  camine,  y  castigo  del  pense 


ADJONCTIONS  3l3 

que  [id.,  n°  98,  /''  y  II"  Parte]  ;  La  Devocion  del  Rosario  [D.  Juan 
Bautista  Diamante,  n"  55];  La  gran  comedia  de  santa  Jiiliana  [id., 
n°  85];  El  negro  mas  prodigioso  [id.,  n"  178];  La  gran  Comedia, 
Passion  vencida  de  afeclo,  Jiesta  que  se  représenta  d  su  Magestad 
[id.,  n"  85]  ;  même  pièce,  avec,  à  la  fin  du  texte  imprimé  par  Fr.  Manuel 
de  Mena,  Calle  de  Toledo,  le  catalogue  de  vingt-quatre  autres  pièces, 
que  escribiô  este  Autor,  en  vente  chez  le  même  éditeur;  Los  Encantos 
de  Medea  [D.  Francisco  de  Roxas,  n°  i3];  Obligados  y  ofendidos,  y 
gorron  de  Salamanca  [id.,  n"  g3]  ;  P rogne  y  Filoména  [id.,  n°  83]  ;  Los 
aspides  de  Cleopatra  [id.,  n"  3o2]  ;  El  amo  criado.  Donde  hai  agravios 
no  hai  zelos  [id.,  n"  99];  El  mas  impropio  verdugo  por  la  mas  jus  ta 
venganza  [id.,  n°  80]  ;  Del  Rey  abaxo  ninguno,  y  labrador  mas 
honrado  Garcia  del  Castanar  [id.,  n"  59]  ;  Casarse  por  vengarse  [id., 
n"  59]:  Casarse  por  vengarse  [id.,  n°  26];  El  ollero  de  Ocana  [Luis 
Vêlez  de  Guevara,  n°  2o5]  ;  El  cerco  de  Rama  por  el  rey  Desiderio  [id., 
n°  6]  ;  La  nueva  ira  de  Bios,  y  gran  Tamorlan  de  Persia  [id.,  n°  77]; 
Reinar  despues  de  morir  [id.,  n°  3] . 

Vol.  III  :  La  fenix  de  Salamanca  [Doctor  Mira  de  Mescua  ;  suelta 
anonyme,  ancienne]  ;  El  Conde  Alarcos  [anon.,  n°  i25]  ;  Los  Carboneros 
de  Francia  [id.,  n°  98]  ;  Segunda  Parte  del  Bayle  del  poeta  de  Bayles  y 
el  letrado  [Benavente,  sans  numéro]  ;  Sufrir  por  querer  mds  [Licen- 
ciado  D.  Geronimo  de  Villayzan,  suelta  anonyme  ancienne]  ;  Transfor- 
maciones  de  amor  [id.,  n"  i5i]  ;  La  Dama  présidente  [D.  Francisco  de 
Leyva,  n°  309];  No  hay  contra  un  padre  razon  [id.,  n"  iiti];  No  hay 
contra  lealtad  cautelas  [id.,  n°  6];  Cueva,  y  Castillo  de  Amor  [id., 
n°  i43];  El  magico  de  Salerno,  Comedia  nueva,  primera  parte  [D.  Juan 
Salvo,  n"  281];  id.  segunda  parte  [id.,  n°  282];  id.  ter cer a  parte  \id., 
n°  283];  id.  cuarta  parle  [id.,  n°  284];  id.  quinta  parte  [id.,  n"  285]  ; 
La  Vida  de  el  gran  tacano  [D.  Joseph  Caîlizares,  n"  296]  ;  La  ventura 
de  la  voz,  6  tambien  por  la  voz  hay  dicha  [id.,  numéro  manque]  ;  La5 
cuentas  del  gran  Capilan  [id.,  n"  44]  ;  El  domine  Lucas  [id.,  sans 
numéro];  El  picarillo  en  Espana  [id.,  n"  299];  Euridice  y  Orfeo 
[D.  Antonio  Solis,  n°  96]  ;  La  gran  Comedia  de  un  bobo  haze  ciento, 
fiesta  que  se  représenta  d  sus  Magestades  Martes  de  Carnestolendas 
[id.,  n"  12];  Amparar  al  enemigo  [id.,  n"  11];  El  amor  al  uso  [id., 
n"99];  Amparar  al  enemigo  [id.,  n"  45];  El  conde  de  Saldana,  y 
hechos  de  Bernardo  del  Carpio,  segunda  parte  [Don  Alvaro  Cubillo  de 
Aragon,  n°8i];  La  perfecta  casada,  prudente,  sabia  y  honrada  [id., 
n°  i]  ;  El  vencedor  de  si  mismo  [id.,  n°  122]. 

Vol.  IV  :  El  mas  dichoso  prodigio  [Ingenio  de  esta  Corte,  n"  95]  ;  El 
amante  mudo,  lafuerza  de  la  sangre,  y  amor  haze  hablar  los  mudos 
[Très  ingénies,  n°  289];   El  mas  lemido  Andaluz  y  guapo  Francisco 


3 1 4  ADJONCTIONS 

Esteban  [Un  Ingenio  Yalenciano,  n°  192];  El  diablo  predicador.  Por 
otro  titulo  :  El  mayor  contrario  amigo  [Un  ingenio  de  esta  Corte,  n°/jo]; 
El  fais 0  nuncio  de  Portugal  [id.,  n°  297];  Comedia  nueva,  intitulada: 
El  galan  padre  [Ingenio  de  la  corte  (la  pièce  est  imprimée  chez  A.  del 
Riego),  n"  89]  ;  El  mejor  amigo  el  muerto  [Très  ingenios,  n°  275]  ;  La 
Vandolera  de  Italia,  y  enemiga  de  los  hombres  [Ingenio  desta  Corte, 
n°  29]  ;  Los  milagros  del  desprecio  [id.,  n"  46]  ;  La  respuesla  esta  en  la 
mano  [id.,  n"  11];  No  hay  cosa  buena  por  faerza  [id.,  n"  i3o;  cette 
comedia  se  termine  par  Ventremés  de  La  Manta,  de  Benavente,  qui  a 
été  imprimé  à  la  suite]  ;  Don  Juan  de  Espina  en  su  patria.  Primera 
parte  [id.,  n°  61];  Don  Juan  de  Espina  en  Milan.  Segunda  parte  [id., 
n"  62]  ;  La  mas  hidalga  hermosura  [Très  ingenios,  n"  79]  ;  Leoncio  y 
Montano  [Dos  ingenios,  n°  228]  ;  Morir  en  la  Cruz  con  Christo  [Ingenio 
de  esta  Corte,  n"  4,  avec,  à  la  fin,  Ventremés:  De  los  maricones  galan- 
teados,  anonyme]  ;  Diablos  son  los  alcahuetes,  el  espiritu  Joleto,  y 
magico  de  Salerno,  comedia  famosa  de  Carnestolendas  [Ingenio  de  1. 
G.,  sans  numéro]  ;  Dar  la  vida  su  dama,  el  conde  de  Sex  [id.,  n°  286]  ; 
Duelos  de  Amor  y  desden,  en  papel,  cinta,  y  retrato  [Ingenio  catalan, 
n°  276];  El  Principe  perseguido  [Très  ingenios,  n"  i3i];  El  buen 
pagador  es  Dios  [Ingenio  de  1.  C,  n°  2o3]  ;  La  perla  de  Inglaterra,  y 
peregrina  de  Ungria  [Ingenio  de  Salamanca,  n°  63]  ;  La  mayor  hazana 
del  emperador  Carlos  Quinto  [Ingenio  de  1.  C,  n°  75]  ;  Lo  que  pasa  en 
un  torno  de  monjas  [sans  nom  d'auteur,  n'  i]. 

Vol.  V  :  No  hay  contra  el  honor  poder  [Antonio  Enriquez  Gomez, 
sans  n°  ;  impression  anonyme  ancienne]  ;  Valor,  Agravio,  y  Muger 
[D"  Ana  Garo  de  Malien,  n"  289];  El  principe  jardinero  y  fingido 
Cloridano  [Capitan  D.  Santiago  de  Pita,  natural  de  la  Habana, 
n°  287];  Dios  hace  justicia  d  todos  [D.  Francisco  de  Villegas,  n"  20]; 
El  amante  mas  cruel  y  la  amistad  y  a  difunla  [D.  Gonzalo  de  Ulloa 
y  Sandobal,  n°  42];  Lo  mas  es  saber  vencerse[ï).  Phelipe  Sicardo, 
n"  i3];  El  duelo  contra  su  dama  [D.  Francisco  Bances  y  Candamo, 
n"  78]  ;  La  gran  comedia  de  la  restauracion  de  Buda,  Jiesla  que  se 
hizo  d  Sus  Magestades,  al  augusio  nombre  del  seiior  Emperador ,  en  el 
Real  Palacio  del  Buen-Retiro  [id.,  n°  i]  ;  Los  Esforcias  de  Milan 
[D.  Antonio  Martinez,  n"  96]  ;  El  arca  de  Noe  [id.,  D.  Pedro  Rosete 
Nino,  y  D.  Geronymo  Cancer,  n°  9g]  ;  El  hechizado  por  fuerza,  fiesta 
que  se  hizo  d  sus  Magestades  el  Martes  de  Carnestolendas  de  el  a/~io 
de  1698,  enmendado  por  su  auior  [D.  Antonio  Zamora]  en  el  ano 
de  1721  [n"  26];  Aman  y  Mardoqueo.  Por  otro  titulo:  La  horca  para 
su  dueho  [Doctor  Don  Phelipe  Godinez,  n"  127];  El  renegado  de 
Francia  [Antonio  Manuel  del  Campo,  n°  88]  ;  El  renegado  del  Cielo 
[D.  Christoval  de  Morales,  n"  89]  ;  Pobreza,  Amor,  y  Fortuna  (D.  Diego 
y  D.  Joseph  de  Figueroa  y  Cordova,  n°  207]  ;  El  texedor  de  Segovia 


ADJONCTIONS  3l5 

[D.  Juan  de  Alarcon.  /"  Parte,  n"  26];  id.,  11^  Parte  [id.,  n"  27]; 
No  hay  castigo  contra  amor  [Maestro  Juan  Cabeza,  n"  162];  Renegado, 
rey,  y  martir  [D.  Ghristoval  de  Morales,  n°  i5];  La  Dicha  por  el 
desprecio  [D.  Juan  de  Matos  Fragoso,  n"  manque]  ;  Ver  y  Créer, 
segiinda  parte  de  Dona  Inès  de  Castro  [id.,  n°  i4i ]  ;  El  traydor  contra 
su  sangre  [id.,  n°  54]  ;  El  Galan  de  su  muger  [id.,  n°  189];  El  marido 
de  su  madré,  S.  Gregorio  [id.,  n"  86];  La  Cossaria  Catalaiia  [id., 
n"  iSq];  Lorenzo  me  llanio,  y  carbonero  de  Toledo  [id.,  n"  iGo  —  à  la 
fin  de  la  pièce  est  imprimé  Yentremes  que  cantaron  Bernarda  Manuela, 
la  Grifona  de  Zagala,  y  Manuela  de  Escamilla  de  Zagal,  en  fiesta  de 
sus  Magestades]  ;  Los  Vandos  de  Rahena,  y  fundacion  de  la  Camandula 
[id.,  n°  2o4]  ;  El  genizaro  de  Ungria  [id.,  n"  67];  Amor,  lealtad  y 
Ventura  [id.,  n"  loi]. 

Vol.  VI  :  El  Conde  Alarcos  [D.  Guillén  de  Castro,  suelta  ancienne, 
sans  n"  (anonyme)];  Lo  que  puede  la  porfia  [D.  Antonio  Coello,  id.]  ; 
La  desdicha  venturosa,  comedia  famosa  nunca  vista  ni  representada 
[Dieguo  (sic)  Yaez  Artus,  id.]  ;  Bernardo  del  Carpio  en  Francia 
[D.  Lope  de  Llano,  id.];  Quando  no  se  aguarda:  el  principe  tonto 
[D.  Francisco  de  Leiba  Ramirez  de  Arellano,  natural  de  Mâlaga, 
n°  3oo];  Rendirse  d  la  obligacion  [D.  Diego,  y  D.  Joseph  de  Cordova 
y  Figueroa,  Caballeros  del  Orden  de  Alcântara  y  Galatrava,  n"  16]  ; 
El  rayo  de  Andalucia,  y  genizaro  de  Espaiïa,  primera  parte  [Alvaro 
Cubillo  de  Aragon,  n"  3i4];  id.,  segunda  parte  [id.,  n"  3i5];  Rey 
decretado  en  el  Cielo,  y  astucias  de  Lucifer  [Sargento  mayor  D.  Rodrigo 
Pedro  de  Urrutia,  n"  59];  Solo  el  piadoso  es  mi  hijo,  y  peste  de  Milan 
[Matos,  Villaviciosa,  y  Avellaneda,  n°  17];  Polinarno  iia  Suecia 
[Antonio  Gomes  Silva  Leam,  n°  i,  comerf/a  portugaise]  ;  Non  plus 
ultra.  Amar  por  fuerza  de  estrella,  y  un  Portugues  en  Ungria  [Alferez 
Jacinto  Gordero,  n°  264]  ;  Luis  Perez  el  Gallego,  segunda  Parte 
[D.  Manuel  De  Anero  Puente,  Alferez  del  Regimiento  de  Gavalleria  de 
D.  Juan  de  Zayas,  n"  71];  Las  crines  blancas  de  Juan  de  Espéra  en 
Bios  [D.  Antonio  de  Huerta,  n°  189];  Las  dos  estrellas  de  Francia 
[Maestro  D.  Manuel  de  Léon,  y  Licenciado  D.  Diego  Galleja,  n°  90; 
à  la  fin  :  Bayle  curioso  de  el  sueno.  De  Bena vente]  ;  Los  Juegos 
Olympicos,  fiesta  de  la  Zarzuela  â  los  anos  de  la  Reyna,  nuestra 
Seilora  [D.  Agustin  de  Salazar  y  Torres,  n°  4o];  Los  Espanoles  en 
Chile  [D.  Francisco  Gonzalez  de  Bustos,  n°  76];  El  maestro  de 
Alexandro  [D.  Fernando  de  Zârate,  n"  96];  La  Presumida  y  la 
Hermosa  (D.  Fernando  de  Zârate,  n"  56]  ;  Al  noble  su  sangre  avisa 
[maestro  Thomas  Manuel  de  Paz,  n°  72]  ;  Pedir  favor  al  contrario 
[D.  Miguel  de  Barrios,  n"  3o]  ;  San  Juan  Bautista[D.  Ghristoval  do 
Monroy,  n"  85];  Mudanzas  de  la  Fortuna  y  firmezas  del  amor  [id., 
n°  2  5]  ;  Los  amantes  portugueses  y  querer  hasta  morir  [Licenc.  Gaspar 


3l6  ADJONCTIONS 

Lozano  Montesino,  n"  8i];  La  Dama  Capitan  [D.  Diego  y  D.  Joseph 
de  Figueroa  y  Cordoba,  n°  127]  ;  La  mas  constante  Mager  [Doctor  Juan 
Ferez  de  Montalvan,  n°  291]  ;  Los  Amantes  de  Teriiel  [id.,  n°  16]. 

Vol.  VII:  Dineros  son  calidad  [Lope  de  Yega  Carpio,  n"  200];  Indus- 
tvia  contra  el  poder,  y  el  honor  contra  la  fuerza  [id.,  n°  76]  ;  El  cerco 
de  Santa  Fe,  y  iliistre  hazaha  de  Garcilaso  de  Vega  [id.,  n"  84]  ;  El 
exemplo  mayor  de  la  desdicha,  y  capitan  Belisario  [id.,  n°  35]  ; 
El  animal  pro fêta,  san  Julian  [id.,  n°  io5]  ;  La  hermosajea  [id.,  n°  202]  ; 
La  creacion  del  mundo,  y  primer  culpa  del  hombre  [id.,  n°  121];  El 
animal  projeta,  san  Julian  [id.,  n"  io5,  répétition  de  la  précédente]  ; 
El  hombre  de  bien  [id.,  sans  n"]  ;  El  milagro  por  los  zelos,  D.  Alvaro 
de  Luna  [id.,  n°  i34];  Las  mocedades  de  Bernardo  del  Carpio  [id., 
n"  167];  La  esclaua  de  su  galan  [id.,  n"  70];  La  gitana  de  Menfis, 
santa  Maria  Egypciaca  [Doctor  Don  Juan  Pérez  de  Montalvan,  n°  82]  ; 
No  hai  vida  como  la  honra  [id.,  n°  1 1  (?)]  ;  Como  d  padre  y  como  d  rey 
[id.,  n*  81]  ;  El  mariscal  de  Viron  [id.,  n"  88]  ;  La  que  son  juicios  del 
cielo  [id.,  n"  161];  La  lindona  de  Galicia  [id.,  n"  58];  Ser  prudente  y 
ser  sufrido  [id.,  n°  60]  ;  El  secundo  Seneca  de  Espaiia  y  principe  Don 
Carlos  [id.,  n°  i];  El  principe  prodigioso  y  defensor  de  la  Je  [i!f/.,n°2i]  ; 
El  principe  de  los  montes  [id.,  n°  66]  ;  El  mérita  es  la  corona  y  encantos 
de  mar  y  amor  [D.  Augustin  de  Salazar,  n"  812];  Tambien  se  ama  en 
elabismo.  Fiesta  à  los  anos  de  la  Reyna  N.  Sefiora  [id.,  n°  20]  ;  Si  una 
vez  llega  d  querer,  la  mds  Jirme  es  la  muger  [D.  Joseph  Canizares, 
noSiÔ]. 

Un  autre  volume,  contenant  20  sueltas  de  Moreto  (dans  des  réim- 
pressions du  xviii"  siècle)  et  de  reliure  identique  à  ceux  que  nous 
venons  de  décrire,  doit  provenir  également  des  Rahmeyer,  à  la  Stadt- 
bibliothek  de  Hambourg  i , 

P.  169,  l.  10.  —  Cependant,  on  tend  de  plus  en  plus  aujourd'hui  à 

I.  On  a  vu  que  le  tome  VI  de  la  Samml.  span.  Dr.  contenait  une  suelta  de  Pedir 
fnvor  al  contrario  du  célèbre  Daniel  Levi  de  Barrios,  alias  «  el  capitan  D.  Miguel  de 
Barrios.  »  Rappelons,  à  ce  propos,  que  la  Flor  de  Apolo,  etc.,  de  ce  polygraphe 
[Bruselas,  i665],  où  est  contenue  cette  comédie,  avec  deux  autres  du  même  auteur, 
est  à  la  Stadtbihliolhek  sous  la  cote  SDd,  vol.  IV,  p.  57.  C'est  sur  cet  exemplaire  que 
F.  L.  Hoffmann,  l'ex-censeur  liambourgeois,  a  établi  sa  description  au  premier 
(p.  172)  des  5  articles  sur  La  Presse  Espagnole  en  Belgique,  aux  tomes  VI  et  VII  du 
Bibliophile  Belge,  articles  continuant  ceux  de  «De  Rg.  »  [:  De  Reiffenberg]  aux 
tomes  I,  II,  III,  IV,  V.  Dans  notre  étude,  nous  notions  les  causes  de  la  confusion 
commise  par  ce  même  Hoffmann,  loc.  cit.,  p.  174,  à  sa  description  de  l'exemplaire  de 
La  Comedla  de  las  flores  —  également  à  la  Stadtbibl.  — ,  du  madrilègne  D.  Jacinto  de 
Herrera  y  Sotomayor  (Brusselas,  J.  Mommarte,  iG4>'5),  qu'il  attribuait  à  Barrios,  et 
renvoyions  à  C.  Ruelens,  qui  l'a  rectifiée  p.  3/io  du  tome  I  du  Catalogue  des  Livres  et 
manuscrits  formant  la  Bibliothèque  M.  J.  B.  Th.  de  Jonghe  {Bruxelles,  iSGo).  Nous  con- 
signions, en  outre,  parmi  quantité  d'autres  détails  inédits,  la  remarque  qu'il  existe 
à  la  Stadtbibl.  un  exemplaire  —  que  Brockhaus  avait  envoyé  à  Julius  en  i85i  pour  sa 
traduction  de  Ticknor  el  qui  fait  partie  de  la  demi-douzaine  de  ceux  qui  furent  alors 
tirés  —  de  l'édition  tronquée  du  Cancionero  de  Baena  par  Francisque  Michel,  qui  ne 


ADJONCTIONS  817 

attribuer  résolument  à  Saavedra  Fajardo  la  paternité  de  la  Rep.  Lit. 
Cf.  par  exemple  les  quelques  assertions  de  M.  Serrano  y  San/,  à  ce 
propos,  au  numéro  de  novembre  1906  deCiiltura  Espanola,  p.  io']8seq. 
Nous  signalerons,  sur  les  idées  politiques  de  Saavedra,  un  bon  article 
récent  de  M.  J.  Marti  au  n°  i,  1908,  de  la  revue  catalane  Empori:  Vells 
politichs  espanyols,  Saavedra  Faxardo,  et  une  étude  antérieure,  que 
ce  dernier  n'a  pas  connue,  de  Fernando  Corradi  au  t.  XXI  (:88o)  de 
La  America,  n°^  21-22  :  D.  Diego  de  Saavedra  Fajardo. 

P.  182,  note  3,  l.  11.  —  L'un  des  plus  typiques  représentants  de  cet 
hispanisme  a  la  violeta  au  siècle  dernier,  l'Albigeois  J.-G.  Magnabal, 
qui  eut,  d'ailleurs,  maille  à  partir  avec  M.  A.  Morel-Fatio  dans  la 
Revue  Critique,  1875,  II,  193-198,378-383,  —  !'((  un  de  ces  hispa- 
nisants habiles  dont  le  dangereux  unilatéralisme  exploitait  comme 
un  fief  intangible  une  littérature  qui  fit  bouillir  sa  marmite», 
disions-nous  de  lui  p.  294  de  notre  article  (cité  p.  206,  note  3) 
au  n"  3  de  la  Revue  Germanique,  1908  :  Lettres  inédites  de  Thomas 
Carlyle,  John  Murray  et  J.-D.  Aitken  à  N.-H.  Julius,  avec  une 
notice  sur  ce  dernier  (p.  278-816)  —  a  été  caractérisé  à  sa  juste 
valeur,  quoique  avec  une  extrême  acrimonie,  par  M.  R.  Foulché- 
Delbosc  dans  une  brochure  de  3i  pages  parue  en  1891,  à  Paris,  chez 
H.  Welter,  et  formant  le  premier' —  et  dernier  —  fascicule  de  la  série 
Criiica  Iberica  :  J.-G.  Magnabal.  L'auteur,  qui  n'appartient  pas  à 
l'Université  —  et  c'est  là  un  point  sur  lequel  son  apologiste,  A.  Bonilla 
y  San  Martin,  dont  la  fortune  universitaire  a  cependant  été  assez 
rapide,  insistera,  comme  sur  une  gloire,  dans  l'article,  cité  plus  bas, 
de  VAteneo  sur  les  études  hispaniques  en  France  —  nous  semble 
s'être  arrêté  trop  complaisamment  au  titre  d'à  agrégé  de  l'Université  » 
porté  par  M.  J.-G.  Magnabal.  D'autres  causes,  qu'il  n'a  pas  assez 

fut  pas  mise  dans  le  commerce  à  la  date  fixée,  i85i,  parce  que  l'auteur  refusa 
de  livrer  à  son  éditeur  allemand  le  commentaire  promis,  et  qui  devait  constituer 
la  seconde  partie  de  la  publication.  Une  mention  inexacte  de  cet  incident,  que  nous 
sommes  le  premier  à  éclairer  documentairement,  se  lisait  t.  I,  p.  3i2  (Lpzg.  1852), 
de  la  traduction  allemande  de  Ticknor  :  «  Von  dessen  [du  C.  de  B.]  endlicher 
Herausgabe  durch  Hrn.  Francisque  Michel  in  Bordeaux  (Leipzig,  F.  A.  Brockhaus) 
liegen  25  Bogen  in  Duodez  gedruckt  und  zur  Benutzung  gestellt  vor  mir.  Sie  wird 
aber  nicht  cher  ans  Licht  treten,  als  bis  die  gegenwârtig  in  Madrid  fast  vollendete 
Ausgabedes  nâmlichen  Liederbuches  erschienen  ist,  um  auch  dièse  fur  Hrn.  Michel's 
Erlauterungen  u.  s.  w.  noch  benutzen  zu  konnen.  »  Cependant  F.  Wolf,  qui  traita 
des  Cancioneros  à  la  IV.  Beilage  (II,  5o6),  considérait  l'édition  Fr.  Michel  comme  close 
à  cette  date,  i852,  et  basait  sur  elle  ses  citations.  On  s'étonne  que,  dans  le  Supple- 
mentband  de  1867,  où  il  est  question  du  C.  de  B.,  p.  22,  42,  ftlt,  nne  rectification  de 
cette  méprise  n'ait  pas  été  insérée.  On  sait  que  l'édition  Fr.  Michel  ne  parut 
qu'en  18G0,  —  l'édition  espagnole,  avec  l'introduction  du  marquis  de  Pidal,  étant 
de  i85i  —  en  2  vol.  in-12  chez  Brockhaus  :  El  cancionero  de  Alfonso  de  Baena, 
publicado  por  Francisque  Michel.  Con  las  notas  y  los  indices  de  la  ediciôn  de  Madrid  del 
aho  1851.  Nous  attirions,  enfin,  l'attention  sur  un  exemplaire  de  la  traduction  alle- 
mande de  Ticknor  par  Julius  (coté  S  D  d,  vol.  I,  p.  iàl)  contenant  d'assez  importantes 
corrections  et  additions  manuscrites  du  traducteur,  dont  personne  n'a  encore  songé, 
non  pas  même  à  tirer  profit,  mais  simplement  à  indiquer  l'existence. 


3l8  ADJONCTIONS 

mises  en  lumière,  avaient,  en  effet,  contribué  à  assurer  la  scandaleuse 

carrière  académico-ministérielle  de  ce  traducteur  de  Ticknor qui 

ignorait  l'anglais.  {Cf.  Morel-Fatio  dans  Revue  Critique,  iS-S,  II,  69-71.) 

P.  189,  l.  16.  —  On  s'étonne  de  voir  traîner  sempiternellement, 
même  dans  des  ouvrages  d'érudition  universitaire  —  le  dernier 
exemple  que  nous  connaissions  se  trouve  p.  12  de  la  thèse  de  doctorat 
du  prêtre  catholique  J.  Gartner  sur  le  Journal  étranger,  citée  p.  191, 
note  1,  de  notre  travail  —  la  graphie  vicieuse  :  Le  Pour  et  Le  Contre. 
Prévost  avait  cependant  dit,  au  vol.  V  (Paris,  1734),  nombre  LXI, 
p.  21,  de  son  Journal:  «Je  ne  m'arrête  pas  à  la  mauvaise  chicane 
qu'on  m'a  faite  sur  mon  Titre.  Ceux  qui  prétendent  que  la  Langue 
Françoise  est  blessée  par  ce  mot,  le  Pour  ^'  Contre  :  &  qui  voudroient 
y  substituer  le  Pour  ^-  le  Contre,  ignorant  que  les  Titres  ont  leurs  Lois 
propres,  &  indépendantes  des  règles  ordinaires.  Qu'ils  me  trouvent 
dans  notre  Langue  un  nom  substantif  qui  puisse  marcher  sans  article. 
Ils  voyent  pourtant  que  les  Titres  sont  une  exception  à  cette  règle.  On 
dit  Histoire  de,  Sec.  Dissertation  sur,  &c.  Quoique  cette  comparaison  ne 
soit  point  assez  exacte  pour  me  justifier  tout-à-fait,  elle  jette  du  moins 
quelque  jour  sur  la  difficulté.  Mais  si  les  Grammairiens  n'en  sont  pas 
satisfaits,  je  les  prie  de  considérer  mon  titre  dans  un  cas  indirect,  tel 
par  exemple  le  Datif.  Voudroient-ils  dire,  en  parlant  de  ma  Feuille: 
fai  rendu  justice  au  Pour  ^-  au  Contre,  plutôt  que  :  jai  rendu  justice 
au  Pour  ^'  Contre?  Qui  ne  voit  que  le  second  au  changeroit  l'idée, 
&  que,  au  Pour  ^  Contre,  considéré  comme  un  mot  composé  dans 
dans  lequel  Contre  est  indéclinable,  en  fait  naître  une  beaucoup  plus 
juste?  » 

P.  199,  l.  9.  —  Si  notoirement  gallophobe  que  fût  Schack,  il  a  dit 
au  moins  une  fois,  et  en  termes  d'ailleurs  volontairement  courtois, 
son  fait  au  chauvinisme  littéraire,  si  déplaisant  et  si  enraciné,  de  tant 
d'érudits  espagnols.  Cf.  son  article  :  Graf  Juan  Valera  —  article 
signé  de  Rome  —  au  t.  YIII  (1894)  de  la  Ztschjt.  fiir  vergleich. 
Litgesch.  N.  F.,  p.  121- 128.  On  sait  que  Schack  mourut  en  1894, 
à  Rome. 

P.  200,  L  23.  —  Ce  Lecouteulx  de  Canteleu,  qui  n'était  rien  moins 
que  pair  de  France,  dut  être  flatté  de  voir  le  passage  de  Malmontet 
sur  Calderôn  traduit  sous  son  nom  dans  la  revue  Panthéon,  éditée 
à  Leipzig  en  1810  par  J.  G.  Riisching  et  le  D"^  K.  L.  Kannegiesser 
(IIL  Bandes  1.  Heft,  à  la  rubrique  :  Mitteilungen).  Cf.  sur  cette  revue 
la  col.  129  du  précieux  catalogue  analytique  des  Zeitschriften  der 
Romantik,  édité  par  le  D'  H.  II.  Houben  en  1904,  à  Rerlin,  comme 
t.  I  du  Bibliographisches  Repertorium.  M.  H.  Breymann,  pour  n'avoir 
pu  ou  su  utiliser  cet  incomparable  répertoire,  a  oublié  de  consigner 
dans  son  ouvrage  sur  Calderôn  des  renseignements  rares  qu'il  y 
aurait  aisément  trouvés,   tel   celui    que  nous  venons  de   transcrire. 


ADJONCTIONS  SlQ 

Notons,  enfin,  que  Lecouteulx  de  Canteleu  est  resté,  pour  le  D""  Houben, 
un  Lecoiiteu  de  Caniehi. 

P.  201,  l.  23.—  De  même,  en  190G,  M.  A.  Bonilla  y  San  Martin, 
dans  un  de  ces  articles  dont  l'allure  posée  ne  dissimule  pas  complè- 
tement la  secrète  partialité  :  Los  estudios  hispdnicos  en  Francia 
{Ateneo,  I,  5i8-525),  ne  saura  redire,  à  la  suite  de  M.  A.  Farinelli 
dans  sa  conférence  :  Espana  y  su  literalura  d  través  dé  los  siglos 
(Madrid,  1902,  p.  28),  que  les  lieux  communs  coutumiers  sur  le 
«  fecundo  impulso  »  (p.  5 19)  émanant  de  Lessing.  Du  moins,  le  pro- 
fesseur de  rUniversité  madrilègne  s'en  est -il  tenu  à  des  généralités 
prudentes,  et  a  évité,  en  trop  précisant,  une  confusion  analogue  à 
celle  commise  naguère  par  Javier  de  Ramirez  au  n°  21  du  t.  IV  de 
La  America,  p.  10  :  «  Lessing  presentaba  â  la  multitud  pensamientos, 
caractères,  estilo  y  acciones  tomadas  a  la  ventura  de  los  trâjicos 
griegos,  romanos  y  franceses,  de  Ruzzante  (sic)  y  de  Sliakespeare,  de 
Lope  y  de  Calderôn,  y  hasta  del  mismo  Voltaire  a  quien  anatematiza 
repetidas  veces  en  su  Dramâtica  y  en  los  periodicos  que  por  aquel 
tiempo  se  publicaban  en  Hamburgo  (!  !)»  (art.  :  Estudios  titerarios). 

P.  201,  L  30. —  Nous  n'ignorons  pas,  toutefois,  l'article  de  M.  M.  y 
P.  au  ch.VI  de  la  //"  Série  de  ses  Estudios  de  critica  literaria  (^Madrid, 
1896;  publié  d'abord  Esp.  Mod. ,-dcc.  1894,  p.  84-103)  :  Lope  de  Vega 
y  Grillparzer,  et  qui  n'ajoute,  d'ailleurs,  rien  de  nouveau  aux  inves- 
tigations de  M.  A.  Farinelli,  qu'il  résume.  Notons,  enfin,  que  ce  que 
M.  A.  Ehrhard  dit  sur  Grillparzer  et  Lope  p.  120-124  de  son  Franz 
Grillparzer  (Paris,  1900)  semble  se  réclamer  également  de  M.  A.  Fari- 
nelli, bien  que  nous  doutions  que  ce  dernier  admette  sans  distinguo 
la  définition  :  homme  du  -wy"  siècle,  qui  y  est  donnée  (p.  120)  de  Lope, 
si  celui-ci  n'avait,  en  i6o3,  composé  que  219  pièces,  tandis  que  le 
chiffre  de  ses  comédies  était  de  1800  en  i635,  et  si  la  i'  Parte  de  ces 
mêmes  comédies  date  de  i6o4  et  la  29"  de  i634.  Nous  ne  savons,  par 
contre,  de  qui  se  réclame  l'assertion  (p.  121)  que  Lope  u  jette  ses  idées 
au  hasard  »  et  «  tombe  à  tout  moment  dans  l'extravagant  et  l'ab- 
surde »,  que  d'aucuns  estimeront  peut-être  un  peu  absolue  et  massive. 
Est-elle  le  fruit  de  la  lecture  personnelle  des  iio  pièces  —  v.  gr.  — 
de  Lope  publiées  aux  t.  XXIV,  XXXIV,  XLl,  LU  de  laB.A.  E.? 

P.  209,  l.  18.  —  En  attendant,  nous  recommandons  la  lecture  de  la 
correspondance  entre  Mayâns  et  Cerdâ,  publiée  dans  la  Rev.  de 
Archivos,  1905  (I,  271,  446;  II,  5i,  255,  421)  et  1906  (I,  214,  378),  à 
qui  aurait  besoin  de  se  persuader  du  degré  auquel  Mayâns  réunissait 
en  sa  personne  les  qualités  typiques  de  l'érudit  et  du  bibliophile. 

P.  211,  note  1,  l.  12.  —  Déjà,  cependant,  on  pouvait  lire  dans  la  tra- 
duction espagnole  de  Sismondi  (Ilistoria  de  la  literatura  esparwla,etc. 
[Sevilla,  i84i-42,  2  vol.  in-4]),  commencée  parJ.-L.  Figueroa  et 
continuée  —  à  partir  de  la  cinquième  livraison  —  par  J.  Amador  de 


320  ADJONCTIONS 

los  Rios,  cette  note  originale,  I,  Sgo  :  «  Téngase  présente  que  estePedro 
Navarro  es  el  mismo,  d  qiiien  inesaclamente  dû  Cervantes  el  nombre 
de  Naharro  en  el  prôlogo  de  sus  ocho  comedlas  y  entremeses  ;  para  no 
confundirlo  con  el  presbitero  Bartolomé  Torres  Naharro,  de  quien 
hablamos  en  esta  nota;  en  cuya  equivocaclon  han  caido  algunos 
autores,  entre  ellos  el  abate  Andrés  en  su  historia  literaria  y 
el  Sr.  Estala.  Bartolomé  Torres  Naharro  existiô  mucho  antes  que  el 
comedianie  ô  auior,  de  que  hace  mencion  nuestro  inmortal  Cervantes, 
y  estuvo  adornado  de  otros  conocimientos  que  los  de  Navarro.  » 

P.  212,  l.  3.  —  Quand  Lessing  parle  de  Lope  de  Vega  comme  du 
«  créateur  du  théâtre  espagnol  »  sans  plus  de  distinctions,  il  est  une 
fois  de  plus  victime  de  son  ignorance  des  antécédents  de  ce  théâtre  et 
de  son  information  rudimen taire.  Lope  n'a  pas,  en  effet,  —  est-il 
besoin  de  le  dire  ici? — créé,  mais  fixé  l'art  dramatique  transpy- 
rénaïque.  Comme  s'exprime  excellemment  M.  E.  Mérimée  dans  une 
récente  et  méritoire  vulgarisation  (Précis  d'histoire  de  la  littérature 
espagnole  [Paris,  1908],  p.  3i8),  «  ...  à  y  regarder  de  près,  ce  créateur 
n'a  rien  créé,  ce  «  père  de  la  Comedia  »  n'a  guère  fait  que  lui  donner 
son  nom.  Il  n'est  aucun  des  éléments  de  la  comédie  de  Lope  qu'on  ne 
retrouve  chez  ses  prédécesseurs  ou  chez  ses  émules.  Le  mélange  du 
tragique  et  du  comique  existait  non  seulement  dans  d'autres  théâtres 
étrangers,  mais  chez  tous  les  dramaturges  espagnols  antérieurs.  Le 
gracioso,  personnage  obligé  de  la  Comedia,  apparaît  déjà,  sous 
le  nom  de  el  simple,  el  bobo,  chez  Torres  Naharro  et  Rueda.  Tous  les 
sujets  traités  avant  Lope,  depuis  le  début  du  xvi"  siècle  jusqu'au 
moment  où  «il  se  fit  le  monarque  de  la  scène'»,  peuvent  le  plus 
aisément  du  monde  rentrer  dans  les  diverses  catégories  de  son  œuvre. 
La  forme  extérieure  que  revêt  chez  lui  l'invention  dramatique  n'est 
pas  davantage  sa  création.  Il  n'a  inventé  aucune  espèce  de  vers  ou  de 
stances  qui  ne  se  trouve  chez  quelqu'un  de  ses  devanciers;  ce 
n'est  même  pas  lui  qui  a  coupé  le  drame  en  trois  actes.  »  P.  820, 
M.  E.  Mérimée  nous  semble  cependant  adopter  une  interprétation 
trop  littérale  de  YArte  nuevo,  de  même  que,  p.  35 1,  lorsqu'il  parle 
M  des  efforts —  d'ailleurs  suspects  —  des  érudits  d 'Outre- Rhin  »  en 
faveur  de  Calderôn  contre  Lope,  il  nous  paraît  être  victime  d'une 
confusion  entre  l'effort  de  la  critique  rationahste  et  le  mirage  des 
romantiques  allemands  —  qui  ne  laissa  pas  d'être,  en  son  pays  d'ori- 
gine, apprécié  à  sa  valeur  :  cf.  p.  ex.,  au  n"  2  des  Grenzboten 
de  i854  le  très  remarquable  article  :  Calderôn  in  Deutschland,  déve- 
loppant très  longuement  les  idées  déjà  émises  dans  cette  revue  deux 
ans  auparavant,  au  n"  46,  à  la  critique  de  la  traduction,  par  Julius, 
de  Ticknori.  Et  les  esprits  indépendants  ne  se  sont  guère,  en  Alle- 

1 .  Que  parlons-uous  de  i852,  si,  dès  1810,  la  plus  fine, .la  plus  profonde  critique 
du  culte  aveugle  des  romantiques  pour  Calderôn  se  lisait  p.   188-147  du  t.  Vil  des 


ADJONCTIONS  321 

magne,  fait  illusion  sur  la  signification  réactionnaire  du  culte  de 
Calderôn  de  la  part  de  certains  de  leurs  compatriotes.  11  est,  d'autre 
part,  avéré  que  les  véritables  «  érudits  d'Outre-Rhin  »  sont  de  nos 
jours,  de  plus  en  plus,  pour  Lope  contre  Calderôn.  Cf.  un  des  plus 
récents  témoignages  de  l'un  d'eux  dans  l'article,  cité  plus  bas,  de 
M.  Albert  Dessoff  (Francfort)  au  Literatiirblatt  de  la  Fkft.  Ztg.  du 
samedi  i3  août  igoS  :  «  Dièse  Bewegung  [le  mouvement  en  faveur  de 
Lope]  bedeutet  eine  Genugtuung  fiir  den  lange  Hintangesetzten,  die 
jeden  Verehrer  seiner  Muse  mit  der  aufrichtigsten  Frcude  erfûUe.n 
muss.  Grillparzer,  der  seinen  Lope  kannte,  wie  nur  einer,  und  in  den 
ii  Studien  zum  spanischen  TheateD)  immer  von  neuem  seinem  Entzûcken 
ûber  die  kostliche  Naivitat,  die  schlichte  Volkstûmlichkeit  und  die 
Fûlle  poetischer  Ziige  in  den  Dramen  seines  Lieblings  Ausdruck  gibt, 
wûrde  triumphieren,  kônnte  er  Zeuge  dieser  Wiederauferstehung 
sein,  die  man  vor  allem  der  prachtvollen  Gesamtausgabe  von  Lopes 
Werken  verdankt,  die  von  der  spanischen  Akademie  seit  iSgoverôffent- 
licht  wird,  bis  jetzt  dreizehn  Foliobânde  umfasst  und  mit  der 
vorziiglichen  Biographie  Lopes  von  C.  A.  de  la  Barrera,  welche 
den  ersten  Band  bildet,  und  mit  den  trefïlichen  Einleitungen  von 
M.  Menéndez  y  Pelayo  dem  Dichter  das  wûrdigste  Denkmal  errichtet. 
Liegt  dièse  monumentale  Publikation  erst  einmal  abgeschlossen  vor, 
dann  wird  man  mit  Staunen  gevvahren,  Avelch  beispielloser  Reichlum, 
dem  Golde  der  spanischen  Armada  gleich,  das  kundige  Taucher  in 
unseren  Tagen  dem  Meeresschoss  zu  entreissen  suchen,  lange 
verschûttet  lag,  und  wird  bewundernd  vor  dieser  iiberwâltigenden 
Phantasiefiille  stehen,  die  ailes,  was  andere  Dichter  je  geschaffen,  weit 
hinter  sich  lasst.  » 

P.  217,  l.  20.  —  M.  G.  Huszâr,  né  Wolf,  Privatdocent  à  la  Tech- 
nische  Hochschule  de  Budapest,  a  eu  la  chance  —  qu'ont  partagée 
d'autres  «hispanisants  »  de  sa  force  — d'être  patronné  par  Brunetière, 
qui,  dès  janvier  1906  —  p.  201  de  l'article  de  la  Revue  des  Deux- 
Mondes  [réimprimé  en  1907  dans  la  huitième  série  des  Et.  crit.  sur 
l'hist.  de  la  litl.  franc.]  :  Les  époques  de  la  comédie  de  Molière  —  faisait 
une  délicate  réclame    au   volume   sur  Molière  et  l'Espagne   (ix  et 

Wiener  Jahrbiicher  der  Literaiar,  à  l'analyse,  si  indépendante,  des  Vorlesangen  de 
A.  W.  Schlegel  par  l'esthéticien  et  professeur  à  Berlin  K.  VV.  F.  Solger  (1780, 
20  oct.  1819),  analyse  qui  va  de  la  p.  80  à  la  p.  i55,  et  que  M.  H.  Breymann  est  tout 
à  fait  inexcusable  d'avoir  ignorée.  Schack  signalait,  il  est  vrai,  la  réimpression  dans 
les  Nachgel.  Schrf.  (Lpzg.,  1826),  dans  VAppendice  du  t.  III  (Berlin,  i8/|6),  p.  5/17,  de  sa 
Geschichte  concernant  les  œuvres  les  plus  importantes  sur  la  littérature  et  l'art  dra- 
matiques d'Espagne,  et  c'est  là  sans  doute  que  l'auteur  de  la  Cald.-Lil.  a  pris  l'idée 
de  son  insulTisante  indication  p.  170.  Cf.  aussi  la  lettre  de  J.  D.  Gries,  traducteur 
de  Calderôn,  à  Tieck,  Jena,  1829  :  «  Einen  ganz  reinen  GenusSj  wie  die  Alten,  wie 
Shakspeare,  Cervantes  iiwl  Gcelhr  in  seinen  besten  Werken,  wird  Calderôn  uns  nie 
gewuhren.  Er  isi  und  bleibl  durck  and  durch  Manier  etc.  »  Gries,  détail  précieux, 
allirme  en  celle  lettre  que  telle  était  aussi  l'opinion  de  Tieck.  (K.  von  Hollei, 
Briefe,  etc.  [Bresl.  1864],  1,  25fj).  Cf.  en  outre  le  Grillp.  u.  Lope  de  V.  de  M.  FarincUi. 


32  2  ADJONCTIONS 

333  pages  in-8).  Nous  osons  espérer  que  l'article  de  M.  Ph.  Aug. 
Becker,  professeur  de  philologie  romane  à  l'Université  de  Vienne, 
paru  au  n°  17  de  la  Deutsche  Literaturzeitung ,  1908,  et  réduisant  à  sa 
juste  valeur  la  renommée  indignement  surfaite  de  ce  faiseur,  ne  sera 
pas  passé  inaperçu  en  France  dans  les  milieux  intéressés  i  et  que 
l'Académie  française  réservera  ses  prix  à  des  travailleurs  plus  méri- 
tants que  ce  «cosmopolite  hongrois»,  comme  s'exprimait  le  Bull, 
hisp.,  n°  I  (1908),  p.  108,  annonçant  une  étude  sur  son  livre,  qui,  pas 
plus  que  celle  sur  le  livre  de  M.  Vézinet  mentionné  plus  bas  et  promise 
au  même  lieu,  n'a  point  encore  paru  (i"  juin  1908).  Une  autre  critique 
dulivre  de  M.  Huszâr,  par  un  de  ses  compatriotes,  auteur  d'un  ouvrage, 
écrit  en  hongrois,  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Molière  —  dont  il  a  donné 
lui-même  un  compte  rendu  dans  Rev.  d'hist.  litl.  de  la  Fr.  1897, 
p.  292-296  —  M.  J.  Haraszti,  paruep.  162-167  de  cette  même  Revue  d' his  t. 
litt.  de  la  Fr.  1908,  a  le  tort  de  prendre  ledit  Huszâr  trop  au  sérieux. 

P.  2^3,  note  i,  l.  1 .  —  Déjà,  M.  E.  Cotarelo  a  fort  bien  repris  cette 
délicate  question  dans  làRevista  de  Archivos,  1908,  p.  76-86  :  Ultimos 
esludios  acerca  de  «  El  Burlador  de  Sevilla  » ,  complétant  M.  R.  Menéndez 
Pidal,  au  numéro  de  mai  1906  de  Cuit.  Esp.,  p.  449-459  :  Sobre  los 
orlgenes  de  «  El  Coiwidado  de  Piedra  »  (avec  une  adjonction,  numéro 
d'août  1906,  p.  767-768). 

P.  24U,  l.  U.  —  Cette  comedia  de  Montalvân  est  citée  par  M.  G.  W. 
Bacon  sous  le  titre  :  El  Divino  Nazareno  Sanson,  dans  sa  note  :  The 
Comedias  oj  Doctor  Juan  Pérez  de  Montalvdn,  au  n"  5i  (1907)  de  la 
Reu.  hisp.,  p.  48. 

P.  2U5,  L  10.  —  La  comédie  :  Les  Caprices  du  Cœur  et  de  l'Esprit 
fut  imprimée  la  même  année  1739  à  Paris.  Elle  n'est  pas,  toutefois,  à 
la  Bibl.  Nat.  M.  A.  E.  Kroitzsch,  auteur  de  :  M'"*  Riccoboni.  Leben  und 


I.  A  moins,  cependant,  qu'on  n'y  pense,  comme  M,  A.  Farinelli  à  propos  de 
l'article  du  même  auteur  en  défense  de  la  Calderon- Lileratur  paru  au  n°  12  des 
Gôtt.  Gelehrle  Anzcigen,  190O,  que  «P.  A.  Becker...  escribiô...  un  eslupendo  articulo... 
que  ni  yo,  ni  nadie,  su  autor  menos  que  otros,  pucde  considerar  como  cosa  séria  >>, 
interprétation  qui  serait,  en  ce  second  cas  comme  lors  du  premier,  déplorable.  En  cette 
même  critique  pot-pourri,  assez  bien  intitulée  Divagaciones  calderonian.as,elhi  la  même 
note  I  à  la  p.  5is  (Divagaciones  bibliogrdficas  caldcronianas,  dans  Cultura  Espanola, 
mai  1907,  n°  VI,  p.  5o5-54/i),  M.  A.  Farinelli  nous  englobe  dans  la  plialange  des 
critiques  qu'il  mande,  d'un  jgeste  onctueux  de  sycophante,  au  Ijarathre,  sous  pré- 
texte qu'au  t.  Vil  (1900)  du  Bull,  hisp.,  p.  821,  nous  avons  annoncé  favorablement  le 
volume  de  M.  H.  Breymann.  M.  A.  Farinelli  eût  pu  réflécïïir  qu'à  cette  date  nous 
n'avions  pas  examiné  en  détail  l'ouvrage,  et  savoir  que,  quand  nous  l'eûmes  fait,  nous 
nous  empressâmes  (Bull,  hisp.,  t.VlIl  (igoG),  n°  4,  p.  /toS-^oil)  de  profiter  du  court 
espace  dont  nous  disposions  dans  ce  recueil  pour  indiquer  pourquoi  l'œuvre  ne  devait 
être  consultée  «  qu'avec  précaution  et,  plus  d'une  fois,  sous  bénéfice  d'inventaire». 
Et  notre  partialité  pour  M.  H.  Breymann  est  si  peu  admissible,  qu'au  t.  X,  n°  2,  p.  218, 
du  Bull.  hisp..  nous  sommes  revenu  sur  cette  matière,  signalant  aux  hispanisants 
français  d'autres  critiques  de  la  Calderon-Literatur,  à  l'énumération  desquelles  nous 
ajouterons  également  ici  celle,  déjà  citée,  de  M.  A.  Dessoffdans  le  Literalurblatt  de  la 
Fkft.  Ztg.  du  i3  août  kjo5,  n°  aaS  1^'. 


ADJONCTIONS  SaS 

Werke  (thèse  de  doctorat  de  Leipzig  [Glauchau,  1898]),  ignore  cette 
collaboration,  d'ailleurs  problématique.  Il  l'eût  trouvée  mentionnée  à 
l'article  :  Delisle  de  la  Drévetihre,  par  A.  Jadin,  au  t.  XIII,  col.  478, 
de  la  Nom.  Biogr.  Génér.  Didol  (Paris,  i863).  Cf.  sur  1).  de  la  D.  la 
thèse  de  M.  H.  Humbert  (Berlin,  1904). 

P.  256,  note  1,  l.  6.  —  L'article  de  M.  J.  Givanel  se  trouve  p.  235- 
25o  de  VAteneo  de  1907,  II.  Il  est  signé  :  J.  Giranel  (sic)  M.  C'est  un 
document  particulièrement  curieux,  dont  nous  recommandons  la 
lecture.  L'auteur,  cervantiste  et  critique  des  livres  de  chevalerie,  a,  en 
outre,  publié  au  premier  trimestre  du  journal  barcelonais  La  l'an- 
guardia  d'ardentes  lettres  apologétiques  en  faveur  du  livre,  fran- 
chement médiocre,  de  M.  F.  Yézinet  :  Les  Maîtres  du  Roman  espagnol 
contemporain  (Paris,  1907),  lettres  qu'il  adressait  à  P.  de  Mùgica,  qui 
représente,  comme  on  sait,  la  philologie  castillane  et  l'humorisme 
espagnol  à  l'Université  de  Berlin,  et  qui  sont  également  à  lire.  M.  Gi- 
vanel a  eu  soin,  d'ailleurs,  de  les  faire  louer  hyperboliquement  par  un 
de  sesépigones,M.B.SantosyVall,p.  281-234  (La  Novela  espanola  con- 
tcmpordnea.  Un  libro  de  M.  Vézinet),  du  t.  3,  n°  11  (mars  1908)  de  la 
revue  madrilègne  Vida  Inteleclual,  rédigée  par  M.  Nombela  y  Campos. 
L'éloge  que  M.  Santos  y  A^all  prodigue  à  l'hispanisme  de  M.  Vézinet 
constitue  une  compensation  à  la  gallophobie,  avi  même  numéro  de  la 
revue,  deM.  JoséSânchez  Roj  as,  déclarant  (p.  197):  «  que  debemos  hacer 
una  hoguera  donde  quememos  los  libros  de  Amicis,  de  Prôspcro 
Mérimée,  de  Teôfilo  Gautier  i,  »  et  «  que  de  Paris,  del  hediondo  Paris 
de  las  soubrettes  y  del  chauvinismo  mâs  inaguantable  —  de  este 
chauvinismo  que  tiene  por  simbolo  reciente  â  Delcassé  —  surge, 
amparada  por  los  espaiîolesy  por  los  hispano-americanos  que  pierden 
su  tiempo  en  el  Barrio  Latino,  esa  compasiôn  que  da  triunfalmente  la 
vuelta  por  Europa  ». 

P.  258,  l.  12.  —  M.  Menéndez  y  Pelayo  qui,  au  t.  II  de  ses  Origenes 
de  la  novela—  t.  VII  de  la  N.  B.  A.  E.  [Madrid  1907]  —  donne 
p.  LXIV  seq.  quelques  indications  bibliographiques  sur  la  Floresta  de 

I.  Du  moins,  M.  Sânchez  Rojas  écrit-il  correctement  le  patronymique  de  l'auteur 
de  ce  fameux  Voyage  en  Espagne,  fort  supérieur,  en  vérité,  à  sa  renommée  transpyré- 
naïque,  et  que  bien  peu  d'Espagnols  ont  lu  avec  l'attention  qu'il  mérite,  ce  qui  ne  les 
empêche  pas  d'en  mal  parler.  Que  penser,  par  exemple,  de  M.  A.  Bonilla  y  San  Martin 
qui,  dans  son  article  précité  de  VAteneo,  écrit  avec  un  h  le  nom  de  famille  du 
«primer  francés  que  echô  pestes  contra  la  cocina  espanola»,  ainsi  que  le  prétendait 
en  1891  M"  E.  Pardo  Bazân  dans  une  note  enthousiaste  sur  les  deux  tomes  parus 
(iSSSetiSgo)  des  Études  sur  l'Espagne  de  M.  Morel-Fatio  (Nuevo  Tealro  Crltico,  Ano  î, 
n°  2,  art.  :  HispanofiUa,  p.  87)  ?  Il  est  vrai  que  M.  Bonilla  pourra  nous  alléguer  que 
Gautier  a  été  également  gratifié  d'un  h  par  l'excellent  peintre  hollandais  Jozef  Israëls 
{Spanien.  Eine  Reise-Erzùhhing,  II.  Aufl.,  Berlin,  i(jo(5,  p.  7).  Mais  nous  croyons  que 
ceux  qui  ont  lu  la  version  allemande  de  l'ouvrage  d'Israïls—  de  laquelle  nous  avons 
dit  quelques  mots  Bu». /lis/).,  1907,  p.  216-218  —  sauront  à  quoi  s'en  tenir  sur  les 
connaissances  hispaniques  de  son  auteur  et  se  garderont  de  l'invoquer  comme  auto- 
rité en  matière  de  graphies. 

C.  PITOLLET,  2' 


324 


ADJONCTIONS 


Santa  Cruz,  a  oublié  d'utiliser  les  renseignements  que  lui  oITrai- 
M.  Morel-Fatio  à  ce  sujet  dans  Ambrosio  de  Salazar  et  l'étude  de  l'es- 
pagnolen  France  sous  Louis  XIII,  p.  38,  Sg,  199,  202,  et,  sur  le  [)seudot 
privilège  des  Tolédans,  p.  175-184-  La  traduction  française  de 
Bruxelles,  i6i4^  que  nous  citons  parce  qu'elle  reproduit  le  texte 
espagnol,  est  celle  qu'un  sieur  Pissevin  avait  publiée  en  1600,  à  Lyon  : 
La  Floresta  Spagnola  ou  le  Plaisant  Bocage,  etc.  En  lôSa,  Ambrosio  de 
Salazar  rééditait  la  plupart  des  contes  de  la  Floresta  dans  ses  Secretos 
de  la  granidtica  espaflola,  etc.,  puis,  en  i643,  les  redonnait,  revus  et 
augmentés,  au  second  des  trois  traités  dits  Très  tratados  propios  para 
los  que  dessean  saber  la  Lengua  Espanola.  Le  Catalogue  précité  de  la 
Bibliothèque  de  Da  Costa  mentionne,  p.  ii3,  n°  2733,  une  édition  de 
Bruss.  1629,  in-i2,  de  la  Floresta,  qu'il  donne  comme  a  très  rare». 

P.  26U,  note  2,  l.  U.  —  Dans  la  réédition  d'Amsterdam,  u  â  primero 
de  Enero  161 7  »,  Câceres  avoue,  dans  la  dédicace  à  Jean  Zamet,  fils 
du  célèbre  financier,  que  les  Didlogos  ne  sont  qu'une  traduction  de 
l'italien.  La  Bibliothèque  Nationale  ne  possède  pas  un  troisième 
ouvrage  de  F.  de  Câceres  signalé  au  n"  6  (décembre  1896),  p.  89  du 
Boletin  de  la  libreria,  ano  XXIII,  publication  du  libraire- éditeur 
madrilègne  Murilio  :  Nue  vos  fieros  espaholes.  Hechos  par  et  Senor 
F.  de  Cazeres  Gentilhombre  Castillano,  recueil  de  rodomontades  qui 
aurait  paru  à  Paris  en  1607,  in-12,  sur  4o  ff. ,  en  espagnol  et  en 
français,  chez  ïoussaincts  du  Bray. 

P.  267,  l.  3S.  —  Notons,  à  propos  de  cette  traduction  latine  de  la 
Celestina  par  Barth,  que  M.  A.  Bonilla  y  San  Martin  en  parle  p.  167- 
172  de  ses  curieux  mélanges,  si  bizarrement  appelés  :  Anales  de  la 
literaiura  espanola  ^aiios  I900-190Uj.  (Madrid,  1904.) 

P.  269,  note  i,  l.  il. —  Cette  critique  se  lit  p.  173-182.  INous 
n'avons  pu,  n'ayant  pas  été  à  même  d'en  corriger  les  dernières 
épreuves,  donner  à  certains  points  l'extension  bibliographique  que 
nous  eussions  désiré.  Sinon,  nous  n'eussions  pas  manqué  de 
reprocher  à  M.  v.  Klenze  d'avoir  ignoré  l'étude,  cependant  capitale, 
du  professeur  napolitain  E.  Zaniboni  :  La  «  Italienische  lieise  »  del 
Gœthe  e  la  sua  fortuna  in  Italia,  parue  au  t.  XXXVlll  (igoGj  du  Fan- 
fulla  délia  Domenica  (Rome;,  puis  en  brochure  in-8  de  3o  p.  (Napoli, 
1906),  qui  contient  tant  de  références  à  des  contributions  inconnues 
de  l'auteur  de  The  interprétation  ofltaly,  et  cependant  indispensables. 
Notons,  enfin,  que  si  nous  datâmes  1899  au  lieu  de  1 903  le  Gœthe  à  Borna 
(Roma,  Soc.  éd.  Dante  Alighieri)  de  M.  Valeri  (Carletta),  la  cause 
pour  laquelle  ce  lapsus  n'a  pas  été  corrigé  dans  notre  critique  est  celle 
même  que  nous  venons  d'indiquer.  M.  E.  Zaniboni,  qui  prépare  une 
bibliographie  raisonnée  italo-goethéenne  :  La  fortuna  del  Gœthe  in  Italia, 
a  traduit,  en  1907,  en  une  brochure  in-8  de  43  p.  (Naples),  la  partie  de 
V  Italienische  Beise    si'   rapportant  au  Trenlin,   avec  de  fort   intéres- 


I 


An  JONCTION  s  3a  5 

sanles  noies,  et  va  publier,  en  2  vol.,  précédée  d'une  élude  de  B.Croce, 
la  suite  de  ce  travail  :  L'Ilalia  alla  fine  del  sec.  .WJH  nel  u  Via</gio  »  e 
nelle  altre  opère  di  J.  W.  Gœlhe  fcon  la  scorta  dei principalivia(jgiatori 
stranieri).  Un  fragment  en  a  déjà  paru  aux  numéros  d'avril,  mai  et 
juin  1906  de  la  revue  mensuelle  Augusta  Periisia  (Perugia),  sous  le 
titre  :  Il  Gœlhe  nell'  Umbria,  avec  quelques  illustrations  artistiques. 
Cf.  notre  article  bibliographique  au  n"  /»  du  Bull.  liai.  1908,  où  nous 
revenons  sur  cette  matière. 

P.  27 i,  (note  2  à  la  p.  270,  l.  U).  —  Il  n'est  pas  jusqu'à  A.  Alcalâ 
Galiano,  qui  n'ait  estropié  —  en  même  temps  que  le  titre  de  l'ouvrage, 
dont  il  fait  un  Viaje  d  Espaila  —  le  patronymique  de  Ponz,  qu'il  mue 
en  un  (D.  Antonio)  Pour,  p.  877  de  son  HLstoria  de  la  lileratura  espa- 
nola,francesa,  inglesa  é  ilaliana  en  el  siglo  xvni,  leçons  prononcées 
à  l'Ateneo  de  Madrid,  transcrites  sténographiquement  par  Fernândez 
Cuesta  et  corrigées  par  l'auteur  (Madrid,  i845). 

P.  303,  note  i,  l.  12.  —  On  est  un  peu  surpris  de  voir  M.  Menéndez 
y  Pelayo  ignorer  apparemment  en  1906 — dans  le  §  sur  le  Conde 
Alarcos  au  t.  XII  de  son  Ant.  de  poet.  lir.  cast.,  p.  535-54o  —  l'exis- 
tence du  livre  de  Gorra  :  Fra  Drammi  e  Poemi,  paru  en  i 900,  puisqu'il 
cite  l'étude  sur  le  drame  de  Schlegel  (qui  y  est  réimprimée)  comme  pro- 
venant uniquement  de  la  NuovaAntologia  (tirage  à  part,  Roma,  1896). 

P.  303,  note  1,  l.  15.  De  nouveaux  détails  sur  G.  de  Castro  se  trou- 
vent également  p.  344  seq.  de  la  Parte  Tercera  [1621-1625]  de  la  Bibl. 
madrilena  de  G.  Pérez  Pastor,  parue  à  Madrid  en  1907,  et  dont  H.  A. 
Rennert  a  résumé  le  contenu  le  plus  important,  ainsi  que  celui  de  la 
Parte  IP,  dans  Modem  Lang.  Notes  de  Juin  1908,  p.  187-190. 

P.  SOU,  note  1,  l.  1.  —  Cependant  Emilia  Galotti,  si  elle  ne  doit  rien 
à  la  littérature  espagnole,  n'a  pas  été  sans  influencer  cette  dernière. 
Voir  le  très  long  article  —  qui  n'a  été  signalé  dans  aucune  biblio- 
graphie de  Lessing  —  de  Guillermo  Matta  :  Conio  se  transforma  un 
drama  en  82  aiîos  :  «Emilia  Galotti))  (1772),  ((Un  dnelo  d  muerte)) 
(1860),  dans  La  America,  t.  IV(i8Go-i86i),  n'ai.  Il  s'agit  du  drame  de 
Garcia  Gutiérrez,  l'auteur  de  ce  Trovador  (iSSG)  que  l'opéra  de  Verdi  a 
si  universellement  popularisé. 


C.    PITOLLET. 


ADJONCTIONS    SUPPLEMENTAIRES 


p.  XI,  note  i,  L  6. —  La  thèse  de  M.  Farinelli  est,  d'ailleurs,  dédiée 
à  M.  A.  Morel-Fatio  et  à  J.  Bâchtold.  Nous  ne  savons  si  M.  H.  Hau- 
vette  songeait  à  elle  lorsqu'il  écrivait,  dans  la  Revue  d'hist.  liit.  de  la 
France,  1907,  n"  i,  p.  167,  note  2,  que  «les  Études  de  M.  Farinelli 
épuisent  ce  qu'il  va  à  découvrir  sur  chacun  des  points  qu'elles 
abordent.  » 

P.  66,  note  1,  l.  S.  —  A  ces  exemples  d'un  «  excès  d'honneur  »  — 
que  nous  limitons  à  deux,  mais  qui  pourraient  être  augmentés  i  — 
survenu  au  chanoine  et  bibliothécaire  royal  Francisco  Pérez  Bayer, 
correspond  une  «  indignité  »  qui  mérite,  comme  un  frappant  exemple 
de  la  légèreté  avec  laquelle  procèdent  parfois  les  érudits  les  moins 
suspects,  d'être  brièvement  narrée.  On  sait  quelle  somme  de  travail 
représente  le  volume  de  feu  Gh.  Graux  :  Essai  sur  les  origines  du  fonds 
grec  de  l'Escurial  (Paris,  1880)  —  travail  d'ailleurs  singulièrement 
facilité  par  des  subventions  oificielles,  dont  la  Correspondance 
d'Espagne  du  défunt,  publiée  dans  la  Revue  hispanique,  1905,  p.  289- 
595,  parle  avec  délicatesse  —  et  quelle  perte  pour  l'Université  fut  la 
mort  prématurée  de  cet  érudit,  victime,  dirait- on  —  comme  tant  de 
ceux  qui  se  sont  adonnés  au  xix"  siècle  à  des  recherches  de  biblio- 
thèques en  Espagne:  G.  Bergenroth,  Rnust,  Gotthold  Heine,  Ewald, 
ïailhan,  Lœwea,  —  d'une  fatalité  obscure  et  meurtrière.  Graux,  bon 

1.  C'est  ainsi  qu'en  1869  l'auteur  anonyme  de  l'article  Bayer  au  t.  IV,  col.  867,  de 
la  N.  B.  U.  Didot  renvoie  comme  unique  source  de  sa  documentation  sur  cet  érudit 
à  r«  édition  de  Madrid  »  du  Michaud,  entendant  par  là,  sans  nul  doute,  masquer  son 
plagiat  de  la  notice  écrite  sur  Bayer  par  Depping  au  t.  III  de  la  première  édition 
de  la  Biographie  Universelle,  puisque  cette  prétendue  traduction  espagnole  du 
Michaud,  entreprise  par  Javier  de  Burgos,  s'arrête  à  la  lettre  ^[mbrosmi]  (t.  111,  Madrid, 
1832).  Baur  avait  été  plus  franc,  avouant  sa  dépendance  de  Depping  à  l'article  Bayer 
de  VAllg.  Enc.  de  Ersch  et  Gruber,  VIII.  Thl.  (1822),  p.  266.  Notre  Grande  Encyclopédie 
est,  par  contre,  restée  muette  sur  Pérez  Bayer. 

2.  Nous  ne  voulons  pas  dire,  p.  ex.,  que  la  mort  accidentelle  de  G.  Loewe  à  3i  ans, 
à  Gôttingen,  ait  été  une  conséquence  de  son  séjour  en  Espagne.  Cf.  sa  nécrologie  par 
son  collègue  G.  Gœtz,  professeur  à  léna,  au  t.  VI  (i883)  du  Biographisches  Jahrbiich  fiir 
Aller tumskunde,  p.  68-72,  et  un  mot  de  M.  E.  Châtelain  dans  la  Revue  de  philologie,  Vlll 
(1884),  p.  10(3-107.  Lœvve  avait  fait  la  connaissance  de  Graux  à  l'Escorial,  où  il  tra- 
vaillait, également  nanti  de  Stipendia  et  de  recommandations  à  des  Altesses,  avec 
P.  Ewald,  qui  édita  avec  lui  les  Exempla  scripturae  wisigolhicae  (Heidelberg,  i883). 
Sa  Reisenach  Spanien  im  Winter  1878  auf  1879,  parue  au  t.  VI  (1881)  du  Neues  Archiv 
der  Ges.  Jiir  ait.  d.  Geschichtsk.,  p.  102-269,  est  une  œuvre  de  philologue,  sèche  et  sans 
âme,  et  nous  avouons  lui  préférer,  en  dépit  des  utiles  indications  bibliographiques 


ADJONCTIONS    SUPPLÉMENTAIRES  837 

philologue,  mais  nullement  hispanisant  —  en  ce  sens  qu'en  dehors 
de  la  bibliographie  de  sa  spécialité,  il  ignorait  à  peu  près  la  littérature 
espagnole  —  avait  trouvé,  dans  le  Catalogue  des  ms.  grecs  de  la  bibl. 
de  l'Escurial  (Paris,  i848)  d'Em.  Miller  —  le  prédécesseur,  avec 
Gachard,  des  érudits  de  langue  française  qui  ont  exploré  les  ms. 
d'Espagne  :  Ruelle,  Fr.  Michel,  Fierville,  J.  ïailhan,  etc. —  le  passage 
suivant  (p.  xxvm):  u  En  1760,  le  roi  d'Espagne  chargea  le  savant 
antiquaire  Fr.  Ferez  Bayer  défaire  le  catalogue  des  ms.  de  l'Escurial. 
Ce  dernier  employa  trois  ans  à  ce  grand  travail,  quijormait  déjà  6  vol. 
in-Jol.,  mais  qui  n'a  pas  été  achevé...  »  La  description,  qui  suivait, 
décelait,  en  son  inexactitude  même,  une  si  évidente  confusion  avec  le 
cat.  ms.  latin,  par  le  P.  Guenca,  des  ms.  grecs  de  l'Escorial  en 
22  vol.  in-foL,  achevé  en  1787,  que  Graux  se  crut  autorisé  à  écrire 
incontinent,  fort  de  cette  confusion,  op.  cit.,  p.  xix,  note  U  :  n  Bayer 
n'a  pas  catalogué,  que  nous  sachions,  de  manuscrits  grecs.  On  ignore 
d'où  R.  G.  Andres  {Brève  exposicion  de  la  literatura  griega,  2*  éd., 
Madrid,  i866,  p.  ii)  a  tiré  l'information,  assurément  erronée,  que 
voici  :  «  Ferez  Bayer,  Catâlogo  de  los  manuscritos  griegos  del  Escorial, 
S  tomos  enjolio  :  obra  que  existe  manuscrita  en  la  misma  biblioteca.  » 
El,  en  ell'et,  bien  que  citant  deux  fois  dans  la  suite  de  son  travail  le 
nom  de  l'érudit  valencien,  Gra'uxne  s'est  plus  soucié  de  ce  Catalogue, 
qu'il  considérait  de  très  bonne  foi  comme  un  mythe. 

Or,  outre  le  témoignage  fort  précis  de  Pérez  Bayer  lui-même,  dans 
sa  réédition  de  la  Bibl.  hisp.  vêtus,  —  dont  la  préface  est  un  document 
si  curieux  en  faveur  de  ces  admirables  érudits  duxviii"  siècle  espagnol, 
aussi  méconnus  aujourd'hui,  hors  d'un  petit  groupe  de  spécialistes, 
que  leur  époque  en  Europe  —  sur  ses  occupations  à  l'Escorial  par 
ordre  du  roi',  son  nécrologiste  et  ami,  le  P.  augustin  Juan  Facundo 
Sidro  Villaroig,  avait,  dans  l'oraison  funèbre  latine  prononcée  à  l'Uni- 
versité de  Valence  et  imprimée  en  cette  ville  en  1797  par  l'éditeur 
Monfort,  pris  soin  de  dissiper  tout  doute  à  ce  sujet.  Et,  pour  plus  de 
précision,  ses  indications  avaient  été  mises  en  espagnol  au  numéro  de 
novembre  1797  delà  Cont.  del  Mémorial  lit.  madrilègne,  p.  iA5-i55, 


qu'elle  renferme,  les  si  franches  et  spontanées  Icltres  de  H.  F.  Knust  (-|-  18/11)  publiées 
en  i843  par  G.  H.  Pertz  au  t.  VIII  du  même  Archiv,  p.  102-252.  Des  passages  comme 
ceux-ci  :  «  Die  Beamten  der  Bibliothek  [la  IVacional  madrilègne],  deren  Zabi  bedeutend 
gross  ist,  kommen  so  gegen  10  1/2  bis  ii  Uhr  und  gehen  heim  um  2  1/2  oder 
2  3/4,  etc.»  (p.  220),  ou  encore:  «die  beste  Empfelilung  [dans  les  Bibliothèques] 
muss  immer  die  seyn,  wenn  der  einsichtsvollc  Bibliothckar  sieht,  dass  der  Fremde 
tiichtig  arbeitet  und  die  Sache  versteht,  etc.  »  (p.  2.36).  nous  semblent  aujourd'hui 
encore  dignes  d'être  médités  en  Espagne. 

1.  Cf.  i).  gr.,  1,  5o,  note  î  :  «  Quinos  ego  Tragœdiarum  Senecae  Codices  in  Escurialensi 
Bibliotheca  reperi  quo  tempore  conficiendis  MStorum  ejus  Catalogis,  anno  nimiruin  1763. 
Regio  iiissu  eà  dilatus  sum...»  En  outre,  la  lievista  de  Archivas  avait  publié,  en  1878, 
p.  7-'i-75,  une  lettre  de  Bayer  au  secrétaire  d'État  R.  Wall,  datée  Tolède,  1 1  décembre 
17(31,  louchant,  précisément,  la  formation  de  ce  Catalogue. 


SaS  ADJONCTIONS  SUPPLÉMENTAIRES 

à  l'article  :  Vida  literaria  de  D.  Fr.  Père:  Bayer,  article  qui  a  servi  de 
base,  bien  que  non  cité,  à  toutes  les  médiocres  et  brèves  notices  cou- 
rantes sur  Bayer.  On  y  lisait,  p,  149- i5o — et  le  passage  mérite 
d'autant  plus  d'être  reproduit  que  le  Dr.  R.  Béer  l'a  ignoré  dans  les 
remarques  qu'il  dédia  au  Catalogue  de  Bayer,  p.  lôg-iGi  de  ses 
Handschriftenschàtze  Spaniens  (Wien,  189/i),  où  le  titre  de  ce  Cal.  est 
donné  de  façon  inexacte  i  : 

«  Vuelto  de  Roma  y  hecho  Canonigo,  Dignidad  de  Tesorero  de  la 
Catedral  de  Toledo,  pasô  de  orden  del  Rey  en  el  ano  de  1760  â  la 
Real  Biblioteca  del  Escurial  (sic)  â  reconocer  y  formar  el  Catâlogo  de 
los  manuscritos  existentes  en  ella,  asi  en  castellano  como  en  latin  y 
griego;  cuyo  penoso  trabajo,  obra  de  muchos  anos,  no  costô  â  la 
diligencia  del  Senor  Bayer  mâs  que  très.  Sobre  esta  materia  formé 
5  tomos  en  folio  con  estos  titulos  : 

»  Regiae  Bibliolhecae  Escurialensis  M.  S.  codicum  Lalinorum  ^ 
Hispanorum  quolqiiot  in  ea  hoc  anno  il 62  inventi  fiiere  Calalogus, 
operum  auctorumque  in  iisdem  contentorum  adcuratam  serieni  exhi- 
bens,  indicala  uniiiscujusque  codicis  aetale  ^  sabjecto  in  ejus  confir- 
malionem  characleris  qiio  velusliores  alqiie  insigniores  codices  conslant 
specimine.  Tomus  primas  ^-c.  M.  S. 

»  Al  tomo  3"  agregô  los  M.  S.  hebreos,  y  en  el  tomo  4°,  hecho  en  el 
ano  de  1768,  se  contiene  el  catâlogo  de  los  M.  S.  griegos  con  un 
extracto  de  ellos  M.  S.  » 

Gomme  si  ces  indications  n'eussent  point  été  assez  claires,  on 
possédait  le  précieux  récit  d'une  visite  d'un  ami  de  Clarke  à  Bayer,  à 
l'Escorial,  en  août  1762,  récit  contenant  des  détails  inoubliables  sur 
ce  savant  et  sa  méthode  de  travail.  L'auteur,  un  pasteur  protestant 
d'Altona,  Carl-Christoph  Pliier  (7  21  avril  1772),  y  parlait  en  toute 
précision  du  Catalogue,  de  celui  des  ms.  grecs  en  particulier.  (iDas 
Verzeichniss  der  griechischen  MSS.  wollte  er  bis  kiinjtiges  Jahr 
versparen  etc.  »  Un  peu  de  Klalsch  —  en  particulier  touchant  l'inimitié 
de  Bayer  avec  les  Jésuites,  le  P.  Burriel  et  le  premier  bibliothécaire 
royal,  l'incapable  P.  J.  de  Santander  —  émaillait,  à  l'allemande,  cette 
narration  agréable  parue  au  t.  IV  (1770)  du  Magazin  de  Biisching, 
sous  le  titre  :  Reise  von  Madrid  nach  dem  Escorial  (Bibl.  Nat.  : 
G,  3179)  et  réimprimée  en  1777  par  Ebeling  dans  les  Reisen  durch 
Spanien  publiées  à  Leipzig  d'après  le  ms.  du  défunt,  in-S^a.  Grâce  à 

1.  Le  Dr.  R.  Béer,  Israélite  comerti  qui  a  fait  son  volumineux  travail  appuyé  par 
toute  sorte  d'Altesses,  à  commencer  par  la  reine  Marie  Christine,  et  grâce  à  d'amples 
Stipendia,  n'a  pas  l'air  d'en  savoir  long  personnellement  sur  Pérez  Bayer,  puisque, 
p.  524,  il  écrit  qu'en  1785  ce  dernier  était  "  noch  ein  junger  Mann.» 

2.  Plûer  a  traduit  au  t.  i  du  Magazin  (1767)  la  défense  de  VViliza  par  Mayâns,  et 
donné,  au  t.  IV,  une  version  partielle  de  l'Histoire  des  sources  minérales  d'Espagne 
de  Gômez  de  Bedoya  (Santander,  176^,  in-4°).  Son  Catalogue  des  ras.  latins  de 
l'Escorial,  paru  au  t.  V  (1771),  a  été  complété,  dans  la  réédition  de  1777,  par  celui 


ADJONCTIONS    SUPPLÉMENTAIRES  839 

Pliier,  on  savait  que  si  le  Catalogue  était  resté  inédit,  c'est  que  la  chute 
de  Wall,  protecteur  de  Bayer,  en  avait  empêché  l'impression,  et  l'on 
savait  également  qu'il  n'avait  pas  été  rédigé  au  net,  mais  était  resté 
à  l'état  de  brouillon  {art.  cit.,  p.  SqS),  ce  qui  explique  à  nos  yeux 
l'expression  borradores,  employée  par  Rodriguez  de  Castro  au  prôlogo 
du  t.  1  (1781),  puis  p.  828  du  t.  II  (1786)  de  sa  Bibl.  Esp.  pour  le 
désigner  I.  Légué,  avec  la  Bibliothèque  de  Bayer,  à  l'Université  de 
Valence,  ce  Catalogue  y  avait  subi  la  destinée  de  la  Bibliothèque  de 
cette  institution,  lamentable  s'il  en  fut,  comme  celle  de  la  Bibliothèque 
de  l'Archevêque.  La  nouvelle  de  cette  catastrophe  apparaissait  pour 
la  première  fois,  croyons-nous,  col.  922-923  des  Catalogl,  etc.  de 
l'éditeur  de  la  Lex  Romana  Wisigothorum  (1848),  G.  Hœnel,  qui 
l'avait  apprise  en  Espagne,  en  1822,  et  l'annonça  en  ces  termes 
discrets  en  i83o,  s.  v.  S.  Lorenzo  ciel  Escortai  :  «  Tertium  [Catalogum] 
notis  instructuni  Ferez  Bayer,  Villegasii  catalogo  usus,  sex  volumi- 
nibus  conscripsit  :  is  autem  Valentiae  incendio  perïit.  Duo  tantum  in 
Scorialensi  bibliotheca  inverti  volumina,  quae  a.  1762  conscripta 
codices  latinos  et  Hispanos,  inde  a  lit.  A.  ad  lit.  K.  recensent.  »  Mais, 
en  1808,  Fernândez  de  Navarrete  la  précisait,  dans  la  note  m  au 
texte  imprimé  de  son  Diseur so,  prononcé  l'année  avant  à  l'Académie 
de  l'Histoire  :  c'était  le  7  janvrer  1812  que  les  bombes,  «  en  el  sitio  que 
puso  â  la  ciudad  el  mariscal  Suchet  » ,  avaient  anéanti  ce  trésor,  et 


des  ms.  hébraïques,  arabes  et  grecs  (p.  146-202).  Il  provient,  comme  celui  de  Clarke 
(Letters,  p.  i55  seq.)  —  qui  n'a  rien  dit  de  son  origine  —  d'une  copie,  par  le  P.  Bur- 
riel,  du  Catalogue  du  P.  Villegas,  mais  est  moins  défectueux  que  celui  de  Clarke. 
Le  premier  éradit  qui  rappela,  à  notre  connaissance,  l'intérêt  qu'offraient  les  dires 
de  Plûer,  a  été  le  bibliophile  hambourgeois  F.  L.  Hoffmann,  dans  son  article  du 
Serapeum,  iSâd,  sur  les  «  Copies  de  Cat.  de  ms.  de  Bibl.  publ.  à  la  Stadtbibl.  de 
Hambourg  »,  p.  3oG,  puis  p.  3o8  (B.  Nat.  :  Q,  6095). 

I.  A  en  juger  par  un  passage  de  J.  J.deAssoy  del  Rio  et  M.  de  Manuel  y  Rodriguez 
dans  une  note  au  Discurso  sobre  el  estado  de  los  Jiidios  en  Espana  qui  fait  suite  à  leur 
édition  deVOrdenamiento  de  leyes  d'Alphonse  XI  aux  Cortes  d'Alcalâ  en  i3/|8  (Madrid, 
Ibarra,  1774,  p.  1/18,  note  i  [Bibl.  Nat.  :  Of.  6]),  il  semblerait  cependant  que  ces 
«brouillons»  aient  été  distincts  d'une  rédaction  ultérieure,  en  trois  tomes  in-fol. 
«  El  seiïor  D.  Francisco  Perez  Bayer,  Preceptor  de  los  Serenfsimos  Senores  Infantes, 
y  Canônigo  Tesorero  de  la  Metropolilana  Iglesia  de  Toledo,  ha  trabajado  con  aquel 
pulso  é  instruccion  que  nos  manificstan  sus  obras  impresas,  el  Indice  de  los  MSS.  cas- 
telianos,  latinos  y  griegos,  que  se  guardan  en  la  Real  Biblioteca  del  Escorial.  » 
Bayer  leur  a  prêté  cette  œuvre,  qui,  disent-ils,  mériterait  d'être  imprimée,  et  dont 
ils  citent  un  long  passage.  Elle  est  composée  de  «  très  tomos  de  folio  gruesos,  bella- 
mente  escritos,ilustradoscon  notas  de  la  mayor  erudiciôn  paranoticia  de  losCôdices, 
que  alli  seexpresan,  y  sacadas  las  niuestras  del  carâcter  de  letra  en  que  estân  los  mâs 
antiguos.  »  Ce  témoignage  d'un  érudit  de  la  valeur  d'Asso  nous  semble  peu  suspect. 
Asso  est  aujourd'hui  oublié,  mais  mériterait  une  étude.  La  liste  de  ses  œuvres  est 
dans  Sempere  y  Guarinos,  Ensayo  1  (1785),  p.  187  seq.  C'était  un  grand  ami  de 
O.  G.  Tychsen,  qui  lui  a  rendu  un  magnifique  hommage  dans  l'introduction  à  sa 
version  allemande  (Rostock,  1787;  B.  N.  :  522629)  du  Discurso  sobre  la  lanyosta,  y 
medios  deexlerminarla,  publié  par  Asso,  alors  consul  d'Fspagne  en  Hollande,  i.  /.,  en 
1785,  sur  2  feuilles  g"  in-8.  Son  nom  revient  à  plusieurs  reprises  dans  la  correspon- 
dance de  Bôhl  von  Faber  avec  Julius. 


33o  ADJONCTIONS    SUPPLÉMENTAIRES 

tant  d'autres  1.  Des  deux  volumes  auxquels  faisait  allusion  Haenel, 
VArchiv  der  Gesellsch.  Jiir  altère  deut.  Geschichtsk.  donnait,  en  i843 
—  t.  VllI,  p.  809-821  —  un  Auszug  aus  dem  Katalog  des  Don  Fran- 
cisco Ferez  Bayer,  mil  Zusàtzen  Knust's,  et,  en  1872,  la  Revista  de 
Archioos  en  publiait  également,  p.  218-222,  233-287,  d'informes 
fragments,  à  la  suite  d'une  question  d'un  lecteur  (p.  126),  résolue 
p.  i44en  des  termes  qui  ne  font  pas  grand  honneur  à  l'érudition  de 
l'archiviste  signataire 2.  On  jugera,  après  ce  qui  précède,  si  la  néga- 
tion de  Graux  était  sérieuse,  et  si  la  mémoire  de  Pérez  Bayer  ne 
méritait  pas  d'être,  fût-ce  à  titre  de  hors-d'œuvre,  réhabilitée. 

P.  67,  note  1,  l.  13.  —  Nous  rappellerons,  à  ce  propos,  la  juste 
observation  de  R.  Mahrenholtz  touchant  Calderôn,  u  der  fur  den 
Ânfiinger  ungeeignetste  Dramatiker  Spaniens  »,  p.  369  de  son  article, 
d'une  originalité  plus  que  médiocre  (cf.  Farinelli  Grillp.  u.  L.  de  V., 
p.  65,  note  2)  :  Franz  Grillparzer  und  das  span.  Drama,  au  t.  86 
(1891)  de  l'Archiv  de  Herrig,  et  ajouterons  que  ce  n'est  que  par  un 
lapsus,  que  nous  n'avons   pas  mentionné,  p.   i65,  note  i,  /.   2,  Die 

1.  P.  53  du  Discurso,  imprimé  à  Madrid  chez  Aguado,  sur  55  pages  in-4°  (B.  IV.  : 
Z,  9565).  C'est  là  que  Gachard  a  pris,  en  i853,  l'identique  indication  à  l'article  La 
Bibliothèque  de  l'Escurial,  t.  XX'"  des  Bulletins  de  l'Acad.  Royale  belge,  p.  288  (B.  N.  : 

8*  _•  De  même,  G.  Valentinelli  :  Délie  hiblioteche  délia  Spagna  (\\\en,  1860),  p.  75, 

note  3,  puis  le  Dr.  Béer —  qui  déclare  n'avoir  pu  lire  le  Discurso —  op.  cit.,  p.  161, 
192  et  291.  —  Notons  ici  qu'en  1894  le  Dr.  Heer  donnait  également  (op.  cit.,  p.  i8fi) 
1783  comme  date  de  la  Bihl.  hisp.  nova,  ce  qui  prouve  qu'il  n'en  a  pas  lu  la  préface, 
et  ajoutait  à  cette  erreur  celle  de  croire  que  cette  réédition  était  l'édition  originale, 
et  qu'au  xvii'  siècle,  seule  la  Bibl.  hisp.  vêtus  fut  imprimée.  Cf.  p.  18G,  note  2.  En 
i8gS,  dans  un  essai,  plus  ingénieux  que  critique,  d'attribution  de  la  composition  du 
Poenia  del  Cid  à  l'abbaye  bénédictine  de  San  Pedro  de  Cardena  (Zur  Ueberlieferung 
altspanischer  Literatardenknidler,  p.  97-105,  193-206,  289-309  de  la  Ztschft.  fur  ôst. 
Gym.  1898;  cf.  la  critique  de  J.  Ducamin  :  Rev.  des  lang.  rom.  189g,  p.  372-378), 
M.  Béera  commis  déjà  la  même  erreur  qu'en  igoS  (p.  97).  M.  J.  Ducamin  ne  l'a  pas 
relevée. 

2.  Notons  que  le  Dr.  Béer  (op.  cit.,  p.  1G2)  croit  qu'un  Codex  de  la  Bibl.  palatine 
madrilègne  non  coté,  que  lui  montra  Zarco  del  Valle  et  qu'il  examina  rapidement, 
pourrait  être  le  spécimen  des  ms.  anciens  dont  Bayer  avait  confié  la  confection  à 
deux  scribes.  i<  Zu  Gehûlfcn  batte  er  zween  gcschickte  Schreiber,  dieaus  jedem  alten 
merkwûrdigen  Codice  eine  Probe  abzeichneten,  die  dem  Catalogo  mit  einverleibt 
werden  soUte.  Dies  verrichteten  sie,  vvie  ich  aus  der  Vergleichung  mit  dem  Original 
sah,  mit  der  grossten  Genauigkcit  der  Nachahmung.  »  On  se  souviendra  peut-être 
que  Graux  fut  précisément  le  premier  érudit  qui  eut  pleinement  accès  à  cette  biblio- 
thèque palatine  —  que  Ford  définissait,  en  i855,  «  one  of  the  many  treasures  buried 
in  8panisli  napkins,  and  wtiich  are  virtùally  closed  lo  foreign  enlerprise.  Hère  are 
left  lo  the  worms  some  100  000  volumes»  (A  handbook  for  trav.  in  Spain,  3^1  éd.,  IF, 
720;  c/.  dans  la  sixième  édition  (1882)  les  remarques  sur  la  Bibliothèque  de  l'Escorial, 
1,  g3.  Nous  recommandons,  d'ailleurs,  aux  hispanisants  sachant  l'anglais  la  lecture 
des  inénarrables  Ilinls  on  Conduct,  au  début  du  t.  I,  comme  spécimen  de  la  manière 
dont  les  Anglais  du  type  moyen  apprécient  les  Espagnols.  Bapdeker  a  su,  dans  son 
édition  française  (2%  1908),  concilier  plus  objectivement  la  «réalité  n  et  la  «  poésie». 
Le  vœu  de  Graux  (Rapport  sur  une  mission  en  Espagne),  renouvelé  par  Béer,  p.  288, 
touchant  les  ms.  de  la  Bibl.  palatine  et  leur  accessibilité  ne  semble  guère  avoir  été 
pris  en  considération,  à  en  croire  le  récit  peu  suspect  de  M.  Bonilla  y  San  Martin 
dans  ses  Anales  précités,  sur  l'aventure  qui  lui  arriva  dans  ladite  Bibl. 


ADJONCTIONS    SUPPLEMENTAIRES  33 1 

Ahnfrau  et  Die  Jiidin  von  Toledo  parmi  les  pièces  de  Grillparzer  à 
inspiration  nettement  espagnole. 

P.  lOU,  l.  21.  —  Dans  une  de  ces  montres  d'érudition  où  il  semble 
se  complaire  —  ce  qui  ne  l'empêche  pas,  dans  ce  même  travail,  de 
parler  avec  assez  de  frivolité  de  Pierre  Bayle,  11,  i5i-i54  —  M.  A.  Fa- 
rinelli  {Dante  e  la  Francia,  etc.  [Milano,  1908],  11,  i4i  note  2)  suggère 
que  si  Adrien  Baillet,  «  ignaro  dell'  Audigler  anticoni,  a  traduit,  à 
l'article  Dante  des  Jiigemens  des  Savans,  «  il  nome  •'  Aldighieri  "  in 

"  d'Audiguier  "  »,    c'est   que    u  non   è   tuttavia   improbabile   che 

rimembrasse il  noto  poligrafo  Vital  d'Audiguier,  traduttore  délie 

novelle  del  Cervantes  e  dell'Espinel,  assassinato  nel  1624,  di  cui  è  una 
brève  notizia  nel  Dénombrement  où  se  trouvent  les  noms  de  ceux  qui 
m'ont  donné  leurs  livres,  aggiunto  aile  Mémoires  de  Michel  de  Marolles 
Abbé  de  Villeloin,  éd.  di  Amsterdam,  1765,  III,  266.  »  Outre  que  ce 
renvoi  à  dix  lignes,  absolument  banales,  de  Marolles  était  peut-être 
superflu  à  propos  d'un  écrivain  sur  lequel,  depuis  Goujet  (au  t.  XIV 
de  la  Bibl.  fr.,  p.  34 1  seq.),  Bayle  et  Moreri,  en  passant  par  Barbier 
(Examen  crit.  etc.),  les  notices,  telles  celles  du  Die.  univ.  hist.,  de 
VAllg.  Encycl.  de  Ersch  et  Gruber,  de  la  B.  U.  Michnud,  de  la 
A^.  B.  G.  Didot,  etc.,  abondent,  n'eût-il  pas  été  d'une  bonne  méthode 
de  signaler  que,  dans  l'édition  la  plus  répandue  des  J.  d.  S.,  celle 
de  1722,  par  La  Monnoye,  se  lit,  IV,  266,  cette  importante  note  :  «Il 
faut,  conformément  aux  Académiciens  de  la  Crusca,  dire  &  écrire 
Alighieri.  C'étoit  le  nom  de  famille.  Le  nom  de  batème  étoit  Dante, 
abrégé,  comme  le  croit  avec  beaucoup  d'apparence  Volateran,  de 
Durante,  ce  que  nul  autre  Ecrivain,  que  je  sache,  n'avoit  remarqué  2. 
[Suit  le  passage  de  Volaterrano,  puis]  :  En  François,  nous  ne  disons 
que  Dante,  mais  nous  prononçons  à  l'Italienne  Dante  quand  nous  y 
joignons  Alighieri.  Je  doute  qu'on  se  soit  jamais  avisé  de  rendre  ce 
mot  en  François  par  d'Audiguier,  &  qui  s'en  aviseroit  aujourd'hui  se 
feroit  sifïler,  quoique  peut  être  les  Gentils -hommes  qui  parmi  nous 
ont  porté  ce  nom,  dont  quelques-uns  sont  connus  par  leurs  écrits, 
n'étoient  pas  fâchés  qu'on  les  crût  parens  des  Alighieri.  »  On  voit, 
donc,  que  Baillet  pouvait  bien  ne  pas  avoir  pensé  forcément  à  Vital 
d'Audiguier,  et  ne  serait- il  pas  tout  aussi  loisible  d'admettre  qu'en 
francisant  le  patronymique  de  Dante,  il  obéissait  à  la  même  coutume 
qui,  au  xvii'  siècle,  faisait  appeler  en  France,  p.  ex.,  Lope  de  Vega 
le  Lope  de  Vègue? 

P.  13U,  note  1,  L  19.  —  L'ouvrage  de  Clarke  méritait  d'autant  plus 
d'intéresser  Lessing  qu'on  y  trouvait,  précisément,  celte  découverte 
de  première  valeur  touchant  le  fameux  passage  de  Jean,  p.  i33  : 

«  With  regard   to   Ihe  MSS.  of  the  New   Testament  [à  l'Escorial], 

1.  Ici,  M.  Farinelli  renvoieà  Barbazan,  Fabliaux  et  Contes,  IV,  217-233. 

2.  Celte  remarque  est  cej)eiuhiiil  dans  liaylc,  Dict.  crit.  (éd.  de  ivS.'i).  '!>  5f>i. 


333  ADJONCTIONS    SUPPLÉMENTAIRES 

I  was  determided  to  coUate  hvo  or  three  of  Ihe  most  remaïkable  texts, 
to  see  lîOAv  they  stood.  Having  seen  in  England  how  the  famous  text, 
Johannis  Epist.  I,  cap.  Y,  ver.  7,  8,  stood  in  our  Alexandrian  MS. 
I  took  doAvn  two  of  the  oldest  MSS.  of  the  Epistles  which  I  could  find 
in  the  Escurial,  and  having  a  small  Greek  Testament  in  my  pocket, 
I  collated  that  text  first,  in  présence  of  the  auditor  and  some  other 
gentlemen.  It  is  remarkable,  that  both  the  MSS.  should  concur  ■\vord 
for  word  in  this  reading  :  «  "On  Tpît;  eii'.v  bi  |;.ap7jp;yv:î;'  -rb  7r^£u;j.a, 
xai  TO  licwo,  '/.a-  -z  S.vj.ol'  /.al  01  Tpsu  stç  to  é'v  eijtv  èi  Tr)v  [j.apTypîav 
Tûv  àv9pw~(ji)v  /.a[j!.^7voij.£v,  ■/..  T.  X.  ))  One  of  them  read  k\i^z\).ty,  Avhich, 
I  think,  bas  more  force.  I  do  not  enter  into  the  controversy,  Avhether 
this  be  the  right  or  the  wrong  reading;  I  shall  only  add,  that  such 
I  found  in  two  MSS.  of  a  différent  character,  and  âge,  and  which  did 
not  appear  to  be  copies  of  each  other.  But  the  curions  reader,  after 
having  examined  Dr.  Mills's  long  note  on  this  verse,  and  also  the 
tedious  comment  of  Mr.  Wetstein,  may  see  more  in  Une  Dissertation 
critique  sur  le  verset  septième  du  Chapitre  V.  de  la  première  épître  de 
St.  Jean,  par  M.  Martin,  à  Utrecht,  1717,  12  mo.  » 

Pilier  —  auquel  on  fit,  à  l'Escorial,  force  politesses,  mais  auquel 
on  refusa  opiniâtrement  toute  communication  de  ms.  du  Nouveau 
Testament  —  tâcha  vainement  de  collationner  à  son  tour  ces  deux  ms. 
grecs,  dont  Clarke  lui  avait  parlé  comme  datant  du  vi'  siècle  —  par 
conséquent  de  l'époque  alexandrine,  de  même  que  celui  de  l'Univer- 
sité d'Oxford, dont  ils  confirmaient  la  lecture  —  et  écrits  «mit  grossen 
Buchstaben,  ohne  Accente  und  Unterscheidungszeichen  ».  Cf.  son  très 
curieux  passage,  art.  cit.  p.  383-384,  où  il  a  imprimé  un  court  frag- 
ment de  lettre  latine  que  Clarke  lui  manda  en  Espagne  à  ce  sujet. 

Quant  à  la  biographie  de  Cisneros,  il  n'était  pas  même,  à  la  rigueur, 
besoin  de  l'avoir  lue  pour  savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  le  chapitre  des 
ms.  employés  par  les  éditeurs  de  la  Polyglotte,  puisque  le  Cardinal 
s'expliquait  clairement  à  ce  sujet  dans  la  Dédicace  de  l'œuvre,  où,  — 
comme  le  rappellera  M.  Menéndez  y  Pelayo  au  t.  VI  (1896)  de  son 
Antologîa,  p.  cxcii-cxciii  —  mention  était  faite,  en  termes  exprès,  de 
l'envoi  à  Alcalâ  de  ms.  grecs  de  la  Vaticane  par  le  pape  Léon  X,  les 
ms.  hébreux  et  latins  ne  faisant  pas  défaut  en  Espagne.  On  se  sou- 
viendra que,  si  la  Polyglotte  ne  fut  mise  en  circulation  qu'en  iSao, 
son  impression  était  achevée  en  i5i7,  et  celle  du  texte  grec  dès  i5i4, 
ce  qui  fait  que  celui-ci  fut  le  premier  imprimé  en  Europe,  deux  ans 
avant  celui  d'Erasme. 

P.  135,  note  1,  l.  U.  —  On  ne  prête,  dit-on,  qu'aux  riches.  Déjà, 
en  1903,  M.  J.  Schwering  parlait  {broch.  cit.,  p.  2)  d'une  a  krilische 
Ausgabe  »  de  ces  deux  traités  de  Graciân  par  M.  Farinelli,  et,  bien 
que,  l'année  suivante  —  dans  sa  courte  réplique,  Studien  :ur  vergl. 
Litgesch.,  III,  p.  219-222  —  ce  dernier  s'en  soit  dénié  (p.  221,  note  i) 


ADJONGTIO^S    SUPPLÉMENTAIRES  333 

catégoriquement  la  paternité,  nous  voyons  que  tant  M.  Fitzmaurice- 
Kelly  (éd.  de  1904,  p.  ASg)  que  M.  E.  Mérimée  (Précis,  p.  269  note), 
continuent  à  la  lui  attribuer.  Elle  ne  figure  pas  dans  YElenco  di  alcuni 
lavori  a  slampa  di  Artiiro  Farinelli  —  où  de  simples  recensions  sont, 
sans  précision  bibliographique  aucune,  si  bizarrement  citées  parallè- 
lement à  des  publications  plus  volumineuses  —  imprimé  p.  IV  du  t.  I 
de  Dante  e  la  Francia. 

P.  Ur2,  note  1,  LU.  —  Sur  A.  de  Valdés  (dont  E.  Bœhmer  avait, 
en  1899,  publié  ^o  épîtres  latines  inédites  dans  l'Homenaje  à  M.  Me- 
néndez  y  Pelayo),  M.  A.  Bonilla  y  San  Martin  dit  quelques  mots  dans 
son  article  :  Erasmo  en  Espaha,  au  t.  XVll  (1907)  de  la  Rev.  hisp., 
pp.  385-386,  444-445  {cf.  aussi  p.  536,  note  3),  et  annonce,  ibid. 
p.  386,  note,  qu'il  traitera  du  Didlogo  entre  Lactancio  y  un  Arcediano 
(i528),  du  même,  dans  un  livre  à  paraître  :  Los  erasmistas  espaholes. 
L'humaniste  valencien  P.  J.  Oliver  appelait  A.  de  Valdés  :  «  eras- 
micior  Erasmo.  » 

P.  151,  note  1,  l.  11.  —  Ces  deux  volumes  in -8°  sont  annoncés  au 
n°  de  septembre  1789  du  Mémorial  lilerario  sous  la  rubrique  :  libros 
niievos!  (p.  49-5o).  Quant  à  l'Examen,  qui  répond  à  une  lettre  que 
l'on  supposait  émaner  de  D.  Jaime  Doms  et  imprimée  à  Barcelone,  il 
se  compose  lui-même  de  4  lettr'es,  dont  la  3"  traite  spécialement  de  la 
Virginia. 

P.  167,  l.  38.  —  Le  Dr.  R.  Béer  qui  trouve  «  complètement  suffi- 
sant »  (op.  cit.,  p.  3 10)  le  Catdlogo  abreviado  des  ms.  delà  Bibl.  du 
Duc  d'Osuna  é  Infantado  (Madrid,  1882,  i38  pages  in-8")  par  J.  M. 
Rocamora,  n'a  pas  su  que  M.  Villa- Amil  y  Castro  avait  démontré 
combien  insuffisant  était  ce  Catalogue  par  quelques  exemples  typiques, 
Rev.des  Arch.,  i883,  p.  125-128.  Cf.  sur  la  vente  de  la  Bibl.  ibid., 
p.  ii3-ii6.  On  sait  que  l'acquisition,  par  le  gouvernement  espagnol, 
n'eut  lieu  qu'en  1886. 

P.  169,  l.  10.  —  Dès  1793,  toutefois,  la  dispute  relative  à  la  paternité 
de  la  Rep.  Lit.  semblait  avoir  été  close  en  faveur  de  Fajardo.  Cf.  l'art. 
du  Mémorial  literario  d'oct.  1793,  p.  147-149,  en  réponse  au  Gabinete 
de  lectura  esp.  —  Fernândez  de  Navarrete  ne  l'a  pas  cité,  B.  A.  E.,  26, 
p.  XV.  Déjà,  cependant,  il  y  était  question  du  ms.  de  la  Rep.  Lit., 
imprimé  en  1906. 

P.  177,  L  25.  —  En  réalité,  Friedrich  Schlegel,  dans  la  12°  de  ses 
conférences  viennoises  de  18 12,  n'a  fait  que  renchérir  sur  le  panégy- 
rique qu'avait  prononcé  son  frère  dans  la  même  ville,  et  dont  l'amorce 
se  trouve  déjà  dans  son  article  de  i8o3  :  Ueber  das  spanische  Theater, 
dans  Eiiropa,  I,  2,  p.  72-87,  où  Calderon  est  exalté  p.  79-87.  «  Es  ist 
schwer,  y  déclarait-il,  ivenn  man  sich  einen  solchen  Lieblingsdichter 
erwahll  hat,  nicht  ailes  andere  dariiber  zu  vergessen.n  Cf.  R.  Hayin, 
Die  Romantische  Schule  (i  r  éd.  BerUn,  1906),  p.  789. 


334  ADJONCTIONS    SUPPLEMENTAIRES 

P.  177,  l.  UO.  —  Il  est  un  peu  de  mode  de  dédaigner  le  labeur  de 
Klein.  Combien  de  ceux  qui  le  dénigrent  l'ont-ils  lu?  Quand,  par 
exemple,  M.  Fitzmaurice- Kelly  {op.  cit.,  p.  271)  le  cite  à  propos  d'une 
prétendue  connaissance  des  Casielvines  y  Monteses  de  Lope  par  Shakes- 
peare —  qui  s'est  borné  à  suivre  Bandello  —  s'inspire-t-il  à  la  source, 
ou  simplement  dans  M.  Farinelli?  Ce  dernier  {Gr.  u.  L.  de  V.,  p.  25o, 
noie)  a  fort  bien  fait  de  signaler  l'injustice  de  Gaspary  (II,  6g3  seq.)  et 
de  son  traducteur  italien  V.  Rossi  (II,  298)  à  lendroit  de  Klein,  mais 
pourquoi  ne  pas  avoir  dit  —  lui  qui  s'élève  en  cet  endroit  contre  les 
ujesuitisch  geschulte,  sogenannte  Kritiker  »  —  que  A.  Stern  avait 
déjà  réhabilité  le  médecin  et  dramaturge  juif — dont  M.  Huszâr, 
peut-être  en  vertu  de  l'adage:  Wir  Ungarn  sind  die  allerkliigste 
Nation,  a  exalté  surabondamment  les  mérites  dans  son  livre  sur 
Corneille I  —  dans  son  article  sur  lui,  Allg.  Encycl.,  36.  Thl.  (i884), 
p.  389-391,  de  même  que,  deux  années  avant,  v.  L.  dans  VA.  D.  B. 
XVI  (1882),  p.  96-97? 

P.  191,  note  i,  l.  9.  —  Les  rapports  du  J.  É.  avec  la  littér.  angl. 
font  l'objet  de  la  thèse  de  J.  Sichel  :  Die  englische  Literatur  im  Journal 
Étranger  (Heidelberg,  1907).  A  quand  la  littérature  espagnole? 

P.  191,  note  2,  l.  16.  — Voir  aussi  sur  Velâzquez  une  lettre  d'An- 
tonio Capdevila  à  Ch.  G.  von  Murr,  imprimée  par  celui-ci  au  t.  VIII 
(1780)  de  son  Journal,  p.  317 -3i8.  Ceux  qui  ont  lu  avec  l'attention 
qu'elle  mérite  la  collection  du  Journal  de  Murr,  si  plein  de  notices 
rares  sur  l'Espagne,  s'étonneront  de  la  frivolité  avec  laquelle  en  a  parlé 
M.  Farinelli  en  1896  dans  la  suite  de  sa  thèse  de  doctorat.  Nous 
démontrerons  ailleurs  le  bien-fondé  de  cette  assertion  par  un  typique 
exemple. 

P.  196,  note  3,  1.8.  —  A  plus  d'un  siècle  de  distance,  nous  retrou- 
vons de  semblables  plaintes  au  t.  86'  de  VArchiv  de  Herrig,  sous  la 
signature  de  H.  Buchholtz  (Friedenau):  «...  Und  wie  teuer  sind  sonst 
spanische  Biicher  und  wie  schwer  zu  haben!  Schon  mancher  bat 
einen  in  spanischer  Sprache  mûhsam  und  w^ohl  gesetzten  Brief  an 
einen  Buchliàndler  in  Spanien  geschickt  und  gar  keine  Antwort 
erhalten.  Cosas  de  Espana !  sagen  die  Spanier  selbst,  wenn  man 
ihnen  so  etAvas,  und  daneben  dasVerhalten  anderer  Lander  vorhâlt...» 
(p.  358).  Si,  en  payant,  il  est  difficile  d'obtenir  des  livres  d'Espagne, 
on  ne  s'étonnera  pas  qu'il  soit  presque  impossible  de  recevoir  des 
éditeurs  espagnols  ces  Rezensionsexemplare  que  leurs  collègues 
d'Allemagne  et  d'Italie,  par  exemple,  sont  si  libéraux  à  octroyer  aux 
critiques  et  aux  Revues,  libéralisme  qui,  en  définitive,  n'est  qu'intérêt 
personnel  bien  entendu. 

P.  197 ,  noie  3,  l.  13.  — .  Cependant,  dans  ce  même  ouvrage,  p.  52, 

I.  Par  contre,  il  y  fait  du  romaniste  berlinois  et  professeur  à  l'Universilé  de 
Breslau  Ad.  Gaspary  (18^9-1892)  un  «écrivain  italien!»  (p.  liS). 


ADJONCTIONS    SUPPLEMENTAIRES  335 

note  I,  M.  Farinelli  a  écrit  —  ce  qui  n'était  pas  une  révélation  :  ((  Man 
mag  ïiber  Calderon  denken  wie  man  will,  so  Avird  man  anerkennen 
mussen,dass  seine  technische  Meisterschaft  einzig,unerreicht  bleibt.  » 
Et  il  renvoyait  aux  Conférences  madrilègnes  de  M.  Menéndez  y  Pelayo 
â  la  Iniôn  catôlica  en  1881,  ce  qui  était  déjà  une  contradiction  avec 
les  sévérités  de  la  p.  119.  Lope,  d'ailleurs,  n'est  guère  mieux  traité 
p.  laS,  notei.  On  est,  en  vérité,  stupéfait  qu'un  érudit  qui  déclare 
avoir  lu  con  amore  presque  toute  l'œuvre  dramatique  imprimée  de 
Lope  —  et,  par  plus  de  dévotion,  dans  les  exemplaires  mêmes  qui 
avaient  servi  à  Grillparzer  —  n'ait  su  dire  sur  cet  incomparable 
génie  que  les  banalités  qui  se  lisent  p.  219.  Combien,  par  contraste, 
se  rehausse  le  propre  jugement  de  Grillparzer,  rapporté  objectivement 
p.  221  seq!  Il  nous  est  arrivé,  à  nous  qui  avons  lu  et  relu  l'ouvrage 
de  M.  Farinelli,  de  songer  parfois,  ce  faisant,  aux  paroles  de 
M.  Schwering  en  1902:  «Von  den  Aufgaben  des  Literarhislorikers 
hat  er  nur  eine  erfûUt  :  er  bat  viel  gelesen.  Dann  aber  triigt  er  das 
Gelesene  eilig  zusammen,  so  dass  man  nur  Teile  ohne  das  geistige 
Band  in  der  Hand  hat,  Seine  Schriften  sind  Stoffsammlungen,  von 
einer  Runst  der  Darstellung  kann  nicht  die  Rede  sein.  Allen  seinen 
Arbeiten  —  "  Grillparzer  und  Lope  de  Vega"  nicht  ausgenommen  — 
fehlt  eine  klare,  ùbersichtliche  Ànordnung.  Es  mangelt  seinen  literar- 
geschichtlichen  Bildern  die  Perspektive...  »  (p.  7  seq.) 

P.  21U,  l.  iU.  —  La  même  erreur  avait  été  com.mise  en  1895  par 
M.  Farinelli,  art.  cit.  de  la  Zischft.  de  Koch,  p.  353,  où  il  allègue  la 
défense,  par  Lessing,  des  a  Eigentumlichkeiten  des  spanischen  Bra- 
mas ».  En  revanche,  il  ne  s'est  pas  aperçu  qu'en  rapportant  eod.  loc, 
p.  354,  le  prétendu  jugement  de  J.  G.  Eichhorn  sur  la  Comedia  en 
1799,  c'était,  purement  et  simplement,  le  propre  jugement  de  Lessing 
qu'il  transcrivait. 

P.  235,  note  1,  l.  19.  —  Depuis  qu'ont  été  écrites  ces  lignes,  il  s'est 
produit  dans  le  mécanisme  de  l'apport  des  livres  et  de  leur  contrôle 
au  Bureau  dans  la  salle  de  lecture  de  la  Bibliothèque  Nationale  une 
très  sensible  amélioration,  qu'il  serait  injuste  de  ne  pas  consigner,  de 
même  qu'il  serait  injuste  de  ne  pas  signaler  la  version  que  donne 
de  cette  réforme  un  érudit  bien  informé  et  peu  suspect  de  malveillance, 
M.  Armand  Brette,  dans  le  journal  Le  Siècle,  n°  26548.  Elle  jette  un 
singulier  jour  sur  le  manque  de  spontanéité  de  l'Administration  de  la 
Bibliothèque  Nationale  dans  la  réalisation  de  ladite  réforme.  11  reste 
à  créer  la  salle  des  périodiques  et  journaux,  besoin  urgent,  à  l'imi- 
tation des  Bibliothèques  étrangères  bien  ordonnées,  la  Kônigl.  Bibl. 
à  Berlin  par  exemple,  puis  à  introduire  l'éclairage  électrique  dans  la 
salle  de  travail,  comme  à  Berlin  et  au  Britisli  Muséum.  En  matière  de 
Bibliothèques,  nous  n'aurions,  en  France,  que  trop  à  apprendre  de 
l'Allemagne  et  la  Revue  des  Bibliothèques  ne  perdrait  ni  en  intérêt  ni 


336  ADJ0?JCTIOMS    SUPPLÉMENTAIRES 

en  instruction  à  donner  la  traduction  régulière  des  objectifs  comptes 
rendus  des  réunions  annuelles  des  bibliothécaires  allemands  publiés 
dans  le  Centralblatt  fur  Bibllothekswesen^  Elle  s'en  gardera  bien  :  le 
contraste  serait  trop  frappant.  Attendons,  en  tout  cas,  ce  que  va  nous 
dire  sur  les  Bibliothèques  parisiennes  le  Guide  des  Savants,  des  Litté- 
rateurs et  des  Artistes  dans  les  Bibliothèques  de  Paris,  annoncé  par 
l'éditeur  parisien  Welter,  et  qui  viendra  après  le  Berliner  Bibliotheken- 
fiihrer,  de  MM.  P.  Schwenke  et  A,  Hortzschansky  (cf.  une  excellente 
critique  de  ce  volume,  paru  à  Berlin  en  1906,  dans  la  Fkft.  Ztrj.  1907, 
Lileralurblatt,  n"  io3  ^  sous  la  signature  de  Ch,  W.  Berghoeffer)  et  The 
Ubraries  of  Lowlon.  A  guide  for  the  Studenls,  de  M.  Reginald  Arthur 
Rye  (London,  1908;  cf.  critique  dans  Centralbl.  fiir  Bibl,  1908, 
n"'  8-9).  Nous  espérons  que  son  auteur  ne  voilera  pas  les  abus  qui 
restent  à  corriger,  persuadé,  comme  nous  le  sommes,  que — pour 
emprunter  une  phrase  d'un  grand  bibliophile  et  érudit  contemporain 
—  c'est  de  la  parfaite  gestion  de  nos  Bibliothèques  et  surtout  de  la 
Bibl.  Nat.  qu'il  dépend  en  grande  partie  que  nous  ne  soyons  pas 
tributaires  de  l'étranger  dans  la  besogne  scientifique 2. 

P.  280,  l.  26.  —  L'un  des  plus  intéressants  recueils  de  ce  genre 
parus  au  xviii"  siècle  en  Espagne  est,  croyons-nous,  la  Nueva  Floresta, 
à  Colecciôn  de  Chistes,  etc.,  etc.,  par  le  lieutenant -colonel  d'artillerie 
Bernardo  Maria  de  Calzada  (Madrid,  1790,  in-S"). 

P.  286,  l.  16.  —  Eyriès,  qui  édita,  en  collaboration,  les  Nouvelles 
Annales  des  Voyages,  n'y  a  pas  mentionné  Cudena,  d'après  les  Tables 
générales  et  raisonnées  des  Nouvelles  Annales  des  Voyages  [de  1819  a 
1839]  et  la  Table  générale  et  raisonnée  (Paris,  i8i3)  des  20  premiers 
volumes  des  Annales  des  Voyages  de  Malte- Brun  se  tait  également 
sur  ce  personnage  énigmatique. 

P.  311 ,  l.  57.  —  Ce  bibliothécaire  avait  peut-être  lu  la  notice  parue 

1.  Cf.  pour  la  9°  assemblée  (1908),  ce  périodique,  n°'  8-9,  1908,  p.  34i  seq.  Il  ne 
faudrait  pas,  cependant,  qu'en  voulant  imiter  les  bibliothécaires  allemands,  l'on 
tombât  chez  nous  dans  l'aberration  que  reprochait  naguère  à  ceux  de  Prusse  le 
Dr.  A.  Kisa  (Godesberg)  dans  le  Literaturblatt  de  la  Fkft.  Ztg.  1906,  n°  228 'V^  en  ces 
termes  :  «  Seitdem  diese(la  science  des  Bibliothèques]  in  Preiissen  erfunden  ist,  scheint 
der  I5ùcherbestand  gevvisser  staatlicher  Bibliotheken,  so  z.  B.  einer  grosscn  preussis- 
chen  Universitiilsbibliothek,  in  erster  Linie  dazu  bestimmt  zu  sein,  die  bel  ihr  ange- 
stellten  Beamten  in  dièse  VVissenschaft  einzufiïhren  Ihre  vornehmste  Leistung  ist  der 
fûnf-bis  zelinfache  Zettelkalalog  und  die  Auswahl  der  Farben  fur  dièse  verschie- 
denen  Kategorien.  Lm  die  Ansbildung  der  Beamlem  in  dieser  schwierigen  Wissen- 
scliaft  niclit  zu  bchindern,  ziehen  es  manche  Gelehrte  vor,  die  noligen  Bûcher  einer 
ausserpreussischen  Bibliothek  zu  cntlehnen.  » 

2.  H.  Ilarrisse.  Christophe  C')tomb  et  les  Académiciens  Espagnols.  Notes  pour  servir  à 
l'histoire  de  la  Science  en  Espagne  au  XlX'  siècle  (Paris,  1894),  p.  i4i.  Ce  volume  est, 
pour  riiispani.^ant,  d'une  lecture  aus^i  profitable  que  le  passage  (p.  25-53)  des 
E.rccrpta  Colonihiana,  etc.  (Paris,  1887)  oi!i  sont  résumés  les  articles  et  brochures  anté- 
rieurs de  l'auteur  relatifs  au  pillage  de  la  Bibliothèque  Colombine  à  Séville,  dont 
il  est  parlé,  en  outre,  en  1897,  dans  lu  Hevne  Critique  du  7  juin  :  Toujours  la  Colombine, 
également  par  M.  H.  Harrisse. 


ADJONCTIONS    SUPPLÉMENTAIRES  337 

au  t.  I  pour  1823  de  VAllg.  Repert.  der  in-  iind  aiisl.  Lit.  (Lpzg.  u.  Wien) 
p.  i53,  où  VHistoria  de  Conde  est  rangée  à  côté  des  ouvrages  histo- 
riques traitant  des  Arabes  d'Espagne,  à  savoir  «  die  Werke  des  Ferez 
de  Hita  (Guerras  de  Granada),  Luis  del  Marniol  (sic),  Carvajal  und 
D.  Diego  Hurtado  de  Mendoza.  » 

P.  318,  l.  33.  —  Il  n'est  pas  sans  importance  de  rappeler  qu'en 
i883,  dans  l'Introduction  qu'il  écrivit  pour  la  réimpression  en 
3  volumes  de  versions  de  Calderôn,  par  Schlegel  et  Gries,  qui  forment 
les  tomes  32,  34,  38  de  la  Cotta'sche  Bibliothek  der  Weltliileratiir 
(Stuttgart),  Schack  a  très  nettement  avoué  son  injustice  à  l'endroit 
du  théâtre  classique  français  et  mis  au  compte  de  la  jeunesse  des 
outrances  qui  eussent  répugné  à  l'âge  mûr.  Le  même  aveu,  sous  une 
forme  atténuée,  se  lit  dans  ses  Mémoires  parus  en  3  vol.,  à  Stutto-art 
en  i888:  Ein  halbes  Jahrhundert.  Erinnerungen  und  Aufzeichnungen, 
I,  ch.  XIX,  p.  20G-208.  Au  t.  II,  p.  100,  il  y  a  déjà  comme  le  germe 
de  l'article  sur  Valera.  E.  de  Mier  eût  bien  dû  lire  VEinleitung  de  i883, 
quand,  en  i885,  il  commit,  dans  sa  notice  sur  Schack,  en  tête  du 
i"  volume  de  sa  traduction  castillane  de  la  Geschichte,  le  classique 
accès  de  gallophobie  (p.  27). 

P.  321  (note  à  la  p.  320, 1.5).—  La  lecture  des  Nachgelassene  Schriften 
und  Briejwechsel  de  Solger,  éd.  par  Tieck  et  Raumer,  est  d'autant  plus 
instructive  qu'elle  permet,  précisément,  de  connaître,  et  cela  dès 
novembre  1818,  l'opinion  personnelle  de  ïieck  sur  Calderôn^  dans 
une  lettre  à  Solger  (I,  683),  où  il  déclare  ne  plus  trouver,  dans  ce 
poète^  rien  «  von  jener  grossen  Naivetat  »  qu'il  affirme  admirer  en 
Lope.  Cf.  également  p.  696,  où  son  témoignage  est  encore  renforcé, 
en  décembre  de  la  même  année.  Cf.  aussi  le  t.  IV,  p.  18,  de  ses  Kritische 
Schrijten,  où,  dans  ses  Bemerkungen,  Einf cille  und  Grillen  ilber  das 
deutsche  Theater,  il  confesse  :  «  nicht  nur  der  dargestellte  Gegenstand 
leidet  bei  Calderôn  zuweilen,  sondern  das  menschliche  Gefiihl 
selbst'.))  Ajoutons,  enfin,  que  Dorothea  Schlegel  elle-même  avait, 
aussitôt  qu'elle  était  devenue  capable  de  le  lire  dans  le  texte,  apprécié 
à  sa  juste  valeur  le  prétendu  catholicisme  de  Calderôn.  Dans  une 
lettre  de  1805  à  Caroline  Paulus  (au  t.  I,  p.  160  de  son  Briefwechsel, 
éd.  par  Raich  à  Mayence  en  188 1)  elle  l'associe  dans  son  verdict  à 
Cervantes  et  avoue  :  «  Dies  sind  zwar  alberne,  dumme,  gottesliister- 

I.  11  est  étrange  de  constater  que  M.  A.  Farinelli — qui  avait  trouve  dans  l'éditeur 
de  ses  Œuvres  posthumes,  K.  Rôpke  {Ludwig  Tieck,  Erinnerungen  aus  dem  Leben  des  Dich- 
ters,  [Lpzg.  i855],  I,  i5i)  le  renseignement  toucliant  le  maître  d'espagnol  du  giand 
romantique  allemand  —  ait  confondu,  dans  la  continuation  de  sa  thèse  de  doctorat 
en  i8g5,  loc.  cit.,  p.  3/!i6,  noie  2,  ce  maître,  le  théologien  de  Gottingen  Thomas  Chris- 
tian Tychseu  (cf.  A.  D.  B.,  09,  p.  5i)  avec  le  célèbre  orientaliste  de  Rostock,  O.  G., 
Tychsen,  dont  les  démêlés  numismatiques  avec  Pércz  Bayer  ont  été  narres  avec  une 
extrême  ampleur  par  Eichhorn  au  17.  Tlil.dc  sa  Bihl.  der  morgenl.  Lit.,  p.53'i  seq.,  et. 
mais  en  résumé,  par  Meusel,  Bibl.  Hist.,  t.  X  (II.  Thl.),  p.  i35  seq. 


338  ADJO?(CTIONS    SUPPLÉMENTAIRES 


I 


liche,  geschmacklose   Kallioliken,  aber  doch  keine  ubeln  Dichter.  »  |' 

Comme  l'écrivait  excellemment  M.  A.  Bonilla  y  San  Martin  dans  sa 
version  castillane  précédemment  citée  de  la  Span.  Lit.  de  M.  Fitzmau- 
rice-Relly,  p.  336,  noie:  «  ...  no  es  de  maravillar  la  contradicciôn, 
porque  se  da  en  la  vida  de  casi  todos  nuestros  grandes  y  calôlicos 
escritores.  Es  la  tesis  de  Don  Juan  Tenorio,  y  la  manera  mâs  cômoda 
de  conducirse.  Pecca  for titer,  que  después,  con  pedir  perdôn  y  recibir 
un  hâbito,  habrâs  hallado  el  remedio,  y  aqui  no  ha  pasado  nada...  » 
Cf.  aussi  à  ce  propos  un  passage,  plus  timide,  du  prologue  de 
Fernândez  Guerra  au  Quevedo  de  la  B.  A.  E.,  t.  23,  p.  xlv,  ainsi  que 
p.  43 1,  note.  Au  surplus,  lorsqu'on  traite  de  Calderôn  et  de  Lope  à 
l'époque  du  romantisme  allemand,  l'on  ne  devrait  jamais  oublier  que 
l'extrême  rareté  des  exemplaires  des  Œuvres  dramatiques  de  Lope 
hors  d'Espagne  (et  même  en  Espagne)  en  rendait  la  lecture,  et,  par 
suite,  la  connaissance,  presque  impossible,  ce  qui  n'était  nullement  le 
cas  pour  Calderôn,  dont  la  réédition  de  Madrid,  1760- 1763,  par 
Fernândez  de  Apontes,  en  1 1  vol.  in-4''  était  encore,  en  1821,  en  vente 
dans  les  librairies  d'Espagne  i.  En  effet,  Bôhl  von  Faber,  auquel  Julius 
avait  demandé  si  le  Calderôn  de  Keil  avait  chance  de  se  vendre  en  ce 
pays,  écrit  au  docteur  hambourgeois  dans  une  lettre  (inédite)  de  Câdiz, 
16  février  182 1,  qu'il  n'y  fallait  pas  compter.  «  Auf  Absatz  von  dem 
dort  gedruckten  Calderôn  ist  hier  nicht  zu  rechnen,  da  die  Apon- 
tes'sche  Ausgabe  noch  in  den  meisten  Buchhandlungen  gefunden 
wird...  » 

P.  322,  l.  16.  — Une  troisième  critique  de  M.  Huszâr  par  Fr[â]nk[e]l, 
de  Munich,  au  n°  38,  col.  978,  du  Lit.  Centralbl.  igo8,  décèle  la 
même  incompétence  que  celle  du  premier  livre  de  cet  auteur  par  le 
même  signataire  (ibid.,  1904,  n°  17,  col.  502-553).  u  Dass  Haszdr, 
avait  alors  écrit  Frànkel,  an  Menéndez  y  Pelayo,  Petit  de  Jaleville, 
Fagiiet  angelehnt  arbeitel,  oerleugnet  seine  sachliche,  phrasenlose 
intersiichungsweise  nirgends.  »  Qu'en  pense  M.  E.  Martinenche, 
(1  orfèvre  »  —  s'il  faut  en  croire  son  témoignage  :  Revue  Critique,  1908, 
n°  32,  p.  106  —  en  ces  matières  de  comédie?  Ou  bien  aurait-il 
épuisé  sa  pensée  dans  les  trois  articles  qu'à  la  suite  de  Brunetière 
(Rev.  des  Deux  Mondes,  i""^  janvier  1903,  p.  189-216)  il  a  consacrés  à 
la  gloire  de  M.  Huszâr:  Journal  des  Savans  1903,  p.  295-296,  Bull, 
hisp.  1903,  p.  i58-r65,  Rev.  d'Hist.  litt.  de  la  France  1903,  p.  i45-i47? 
De  tous  ces  articles  —  cf.  en  outre  G.  Doutrepont  dans  Bull.  bibl.  et 

I .  Voir,  sur  cette  rareté  des  Œuvres  dramatiques  de  Lope  dans  la  seconde  moitié 
du  xyiii"  siècle  en  Espagne,  une  indication  de  Baretti,  II,  3o,  dans  son  précieux  récit  : 
A  Journey  from  Loadon  to  Genoa  Ihrough  England,  Portugal,  Spain  and  France 
(Londoii,  1770).  En  1822,  le  i"  novembre,  Bohl  von  Faber  écrira  encore  à  Julius: 
«Sein  Theater  [de  LopeJ  ist  nie  wieder  aufgelegt  &  die  35  Biinde.  woraus  es  bestelit, 
sind  kom[ilet  eine  litterarische  Seltenhcit.  Einzelne  Bande  finden  sich  manchmal.  Ich 
habe  deren  17.  Mehr  als  Lord  HoUand!  » 


ADJONCTIONS    SIPPLÉMENÏAIRES  SSq 

péd.  du  Musée  belge  1908,  p.  1/46-149  (p-  99,  l'article  de  Brunelière, 
écrit  «  avec  la  maîtrise  qu'on  lui  connaît  »,  est  recommandé)  et 
R.  Mahrenholtz,  Ztschft.  fur  franz.  Sprache  und  LU.,  1904,  p  aSi- 
233  —  seul  celui  de  M.  A.  Morel-Fatio  dans  la  Deutsche  Lileralur- 
zeitung,  igoS,  col.  1 723-1 726  (col.  85 1,  l'ouvrage  de  Huszâr  est 
annoncé),  signalait,  un  peu  timidement,  le  vice  radical  de  Corneille  et 
le  Théâli^e  Espagnol  (Pans,  1903). 

P.  322,  l.  28.  —  Ce  n'est  qu'à  la  suite  d'un  malentendu,  que  nous 
n'avons  pu  rectifier  à  temps,  que  nous  donnions  comme  imprimée  la 
comédie  en  prose  :  Les  caprices  du  Cœur  et  de  l'Esprit.  Elle  est,  au 
contraire,  restée  manuscrite,  et  se  trouve  en  cet  état  à  la  Bibl.  Nal.  : 
Collection  de  Soleinne  70  (Jr.  93Hy,  dans  une  très  belle  copie  du 
xviu'  siècle,  avec  plusieurs  autres  pièces  de  Delisle,  p.  53-i3i,  et 
l'indication  de  sa  première  représentation  —  26  juin  1789  —  au 
Théâtre  Italien  i.  Lessing  n'en  connut  que  Tassez  long  canevas  qu'il 
trouva  dans  le  Dictionnaire  des  Théâtres  de  Paris  des  frères  Parfaict 
et  qu'il  traduisit  dans  la  Th.  Bibl.,  comme  nous  l'avons  dit  p.  289, 
note  I  (M.  VI,  338-344)-  A  la  fin  de  sa  traduction,  il  a,  dans  une  note 
sibylline,  avoué  sa  dépendance,  dans  le  Freigeist,  à  l'endroit  de  l'idée 
de  cette  pièce.  L'aveu  est  trop  caractéristique  de  sa  manière  pour  que 
nous  ne  le  transcrivions  pas.  (*  Oie  Fabel  dièses  Slûckes  hat  mit  der 
Kabel  meines  Freygeistes  so  viel  Gleichheit,  dass  es  mir  die  Léser 
schwerlich  glauben  Averden,  dass  ich  den  gegenwartigen  Auszug 
nicht  dabey  sollte  genutzt  haben.  Ich  will  mich  also  ganz  in  der  Stille 
verw^undern,  in  der  HofFnung,  dass  sie  mir  wenigstens  eine  fremde 
Erfindung  auf  eineeigene  Art  genutzt  zu  haben,  zugestehen  werden.  » 
Danzel  a  renchéri  sur  cette  fausse  modestie  de  l'idole,  u  Lessing, 
écrit-il,  I,  (i853,)  169,  fasste  die  Sache  tiefer,  etc.  »  Le  jeune 
Dr.  H.  Humbert,  —  qui  a  soutenu  sa  minuscule  thèse  de  82  pages  à 
Strasbourg,  —  influencé  sans  doute  par  ce  témoignage,  n'a  pas  osé  se 
prononcer  sur  cette  déhcate  matière  {op.  cit.,  p.  bg). 

I.  L.  Fontaine,  qui,  dans  sa  rapide  esquisse  :  Le  théâtre  et  la  philosophie  au 
XVIII'  siècle  (Vatis,  1879),  consacra  p.  128  et  254  quelques  lignes  à  Delisle,  ignorait 
que,  par  Lessing,  Les  Caprices  et  leur  auteur  n'avaient  jamais  été  complètement 
oubliés  en  Allemagne,  et  même  ne  semblait  pas  soupçonner  l'exislence  de  cette  pièce. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


Page*. 

Préface vii-xiv 

Première  partie.  —  Lessing  et  la  Langue  Castillane   ....  1-62 

I.  uOrfeo  •> 1-3 

II.  Haarte. 3-io 

III.  i(  Eraclio  und  Argila  »,  a  Fenix  >) 10-22 

IV.  Essex 22-82 

V.  <(  Maranôn  » 82-62 

Deuxième   partie.  —  La   Nature  et  les  Sources  de  l'Hispa- 
nisme de  Lessing ....  G3-291 

I.   i'Orfeon 63-6^ 

H.  Sovelas  Ejemplares 64-66 

III.  La  Vida  es  Sueno 66-72 

IV.  Les  it  Beytraege» 72-79 

a)  Les  dramaturges  espagnols 72-77 

p)  Guevara. , 11  ~  19 

V.  Les  «  Rezensionen  »  hispaniques 79-  109 

a)  Cervantes  . 81-84 

b)  Montiano 84-94 

c)  Guevara 94-95 

d)  Alenuiri. 96-  io3 

c)  Les  Nouelas  ejemplares io3-io5 

f)  L'Inca  Garcilaso  de  la  Vega io5-io7 

g)  DonQuijote .  107-  109 

VI.  Aldrete  et  Sousa iio-ii3 

VII.  Huarte     . 113-127 

VIII.   aGeschichte  der  Moraviden  in  Spanien  -K 127-128 

IX.  Abraham  Usque 128- i34 

X.  Graciàn i35-  lâg. 

XI.  Les  Frères  Valdés  . 139-142 

XII.  Martin  del  Rio 142- i44 

XIII.  Montiano  et  la  Virginia i44-i53 

XIV.  Le  Roi  D.  Sebastiào i53-i57 

XV.  uBraclio  und  Argila^y 107 -i 60 

XVI.  nFenix» iGG-168 

XVII.  Saavedra  Fajardo 168-1O9 


342  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES 

Pages. 

XVIII.  Essex 169-225 

a)  Les  3  actes,  Vu  Arle  Xuevo  »  et  les  «  Comedias  »  de 

Cervantes. 202-216 

p)  Le«Gracioso» 216-218 

y)  La  i(  Glosa» ........  218-221 

r,)  Les  «  Haapt  =  und  Staatsaktionen  » 221-225 

XIX.  Les  »  Collectanea  » 225-254 

a)  Christoval  Acosta 226 

b)  «  Nonnius  »  Acosta 227 

c)  «  Baukanst  ».    ■ 227-228 

d)  c  Zebratana  » 228-230 

e)  Pedro  Zapata 281  -  382 

f;  Isidore  de  Séville 282  -  aSS 

g)  Henrique  Ahlers;  le  P.  Antonio  Vieira 233 -240 

h)  My lord  Ross  et  ^f  Don  Pedro  » 240-240 

ï)  Les  u  Sieben  Kinder  von  Lara» 245 -a48 

j)  Ramon  Lull 249 

k)  L'Escorial  et  Aranjuez 2^9 -aSo 

1)  Les  auteurs  hispano-portugais  de  Traités  d'échecs.   .  260-252 

m)  Arnaldo  de  Vilanova 202-254 

XX,   «  Das  base  Weib  » 255-257 

XXI.  (t  Au/ den  Hablador  » 257 

XXII.  Les  u  Anmerkungenûber  das  Epigramm  » 257-262 

a)  Le  u  kaustischer  EinfallK  d'un  Espagnol.   .....  268-259 

p)  La  <<  petite  histoire  y)  du  «  Don  Quichotte  ) 269-260 

y)  Les  traducteurs  espagnols  de  Martial 261-262 

XXIII.  «  Zur  Gelehrten=  Geschichte  » 262  -  268 

a)  n  Joseph  de  Caceres  » 268-265 

p)  «  Caspar  Caldera  » 266  -  266 

v)  Une  u  épigramme  »  de  Scarron .  266-268 

XXIV.  Le  «  Viage  de  Espana»  de  «D.  Pietro  Antonio  de  ta  Puente»  269-  272 
XXV.  L'Alcalde  de  Zalamea.  . 272-279 

XXVI.  Fr.  de  Rojas 279-280 

XXVII.  Haarte 281 

XXVIII.  Le  «  Lied  aus  dem  Spanischen  » 281-283 

XXIX.  iiCudena»  . 283-291 


Appendice.  —  L'Hypnose  Lessingophile 298-805 

I.  Das  Horoscop 298-294 

II.  Leopold  Schmidt  et  les  imitations  espagnoles  de  Lessing.    .  294  -  296 

III.  Le  fragment  de  Faust 295-297 

IV.  Le  ('  Don  Quijote  »  prototype  de  «  Minna  von  Barnhelm  »  .  297  -  298 
V,  Philotas 298  -  299 

VI.  a  Fenix  » 299    Soi 

VII.  Emilia  Galotli  (1S9SJ 3o2 

VIII.  Emilia  Galotli  (  1898) 802  -  8o5 


Adjonctions 307-839 


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BORDEAUX.    —    IMPRIMERIB  G.    GOUNOUILHOU,    RUE    GUIRAUDE,    9-II. 


BORDEAUX.   —  IMPR.  G,  GOUNOGILHOU. 


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