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University of Ottawa
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BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE
SUPPLEMEN
SE— SQ.
1
Impiimnie d'F.. DU VERGER,, nu- Hp Vcrnenil, 0.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE.
SUPPLEMENT,
ou
SUITE DE L'HISïOIBE , l'AR ORDRE ALPHABÉTIQUE , DE LA VIE PUBLIQUE
ET PRIVÉE DE TOUS LES HOMMES QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR
LEURS ÉCRITS , LEURS ACTIONS , LEURS TALENTS , LEURS VERTUS OU
LEURS CRIMES.
OUVRAGE ENTIÈREMENT MEVV,
RÉDIGÉ PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
Od doit des égards aux vivants; on ne doit aux moils
que la vérité. (Volt., première Lettre sur OEdipe,)
TOME QUATRE-VINGT-DEUXIÈME.
A PARIS,
AU BUREAU DE LA BIOGRAPHIE UNIVERSELLE,
RUEDUBOULOI, 8,
ET CHEZ BECK, LIBRAIRE,
RUE GIT-LE-CŒUR , Vl.
^ E.I3LIOTH6CA
AVIS DES ÉDITEURS-
Comme toutes les branches du commerce, l'entreprise de la Biographie
universelle a souffert des derniers évènements.et cette première édition,
près d'être achevée, a éprouvé des retards dont les souscripteurs se plai-
gnent avec raison , mais d'une manière aussi flatteuse que faite pour
nous encourager. Nous allons redoubler nos efforts pour qu'il n'en soit
plus ainsi, et nous espérons que, les effets cessant avec les causes, les
derniers volumes de ce grand ouvrage ne seront pas indignes des pre-
miers. Ils ne tarderont pas à être publiés.
Quant à ce quatre-vingt-deuxième volume, dont l'impression a exigé
un si long temps, on verra qu'il y a du moins gagné quelque chose sous
le rapport de la perfection. Indépendamment des détails bibliographi-
ques et typographiques , auxquels on a continué de donner les plus
grands soins, il s'y trouve des notices d'un très -haut intérêt pour l'his-
toire contemporaine qui doit nécessairement former la plus grande partie
de ce Supplément.
Au nombre de ces notices, il faut particulièrement remarquer celles
du comte de Ségur, de l'illustre avocat du roi-martyr, de Sèze, celle de
Sismondi, par M. Parisot, felle de cet abbé Sieyès, auteur de tant d'intri-
gues et de constitutions tant de fois imitées, parodiées, et qui lui ont à
peine survécu. Cette notice, composée par M. Capefigue, l'un des histo-
riens les plus éclairés de notre époque , jette une grande lumière sur les
causes de nos calamités. Celle de l'amiral anglais Sidney Smith, dont
l'histoire est aussi liée à tant de faits importants de la guerre et de la
diplomatie, n'offre pas moins d'intérêt;' elle est composée par M. de la
Roquette. Les articles spéciaux des sciences, tels que Sebizius, Siebold^
Sœmmering et Sprengel, ont été faits par les docteursRenauldin et Le-
roy-Dupré. Ainsi, de même que dans les premiers volumes, chaque sujet
continue à être traité par des auteurs spéciaux. Nous pourrions en citer
beaucoup d'autres; mais nous nous bornerons à Sémonville, par M. Boul-
lée, Siméon, Soulié, par M. Champion, Sestini, par M. Walckenaer,
Sgricci, par M. Alby, Solion, par M. Blondeau, et enfin Somaglia, qui
a été le dernier écrit du savant Artaud de Montor. Ce fut réellement le
chant du cygne de cet homme si digne de nos regrets. lien lisait les
dernières épreuves quand la mort l'a frappé ; ainsi ont succombé les
trois quarts de nos collaborateurs, et déjà la plupart d'entre eux doivent
être le sujet d'un ouvrage dont ils n'ont pu voir la fin.
Après avoir parcouru toutes les branches de l'histoire contemporaine,
on ne doit pas oublier le volume biographique sur l'ex-roi Louis-
Philippe, qui vient d'être publié par l'un de nous et qui complète le
tableau de nos révolutions. Peu de livres réunissent dans un cadre
étroit des faits aussi curieux et qui expliquent aussi bien le passé , le
présent et peut-être l'avenir. Si quelques jugements en ont été trouvés
sévères, il doit suffire à fauteur de dire que dans cette histoire, comme
dans toutes les autres parties de ce grand ouvrage, on n'a cherché qu'à
être vrai.
SIGNATURES DES AUTEURS
DU QUATRE-VINGT-DEUXIÈME VOLUME,
MM.
MM.
A-D.
Artaud de Montor-
G— T— R.
Gauthier.
A— G— s.
De Angelts.
G— y.
Gley.
A — N— I».
ArnOid aîné.
J-is.
JOUROAIN.
A. P.
PÉRicAUD aîné (Ant.).
L.
Lefebvre-Cauchy.
A -T.
H. AUDIFFRET.
L — r— J.
Lacatte-Jolïrois.
A— Y.
Alby (René).
L— D— É.
Leroy-Dupré.
B— D—E.
Badiche.
L — M~X
J. Lamoureux.
B— ÉE.
BOULLÉE.
L— p— E.
Hippolyte de la Porte
B— F— S.
BONAFOUS.
M-Dj.
MiCHAUD jeune.
B— H— D.
Bbrnhard.
M-É.
De Monmerqué.
B— IN.
A. -G. Ballin.
M— le.
Mentelle.
B— L— U.
Blondeau.
M— N — 0.
Anonyme.
B. M— ES
. Bigot de Morogues.
M— ON.
Marron.
B— N— T.
Bbunet (Gustave).
OZ— M,
OZANAM.
B— P.
De Beauchamp.
P~OT.
Parisot.
B — R-G.
BOURGOING.
P-RT.
Philbert.
B-u.
Beaulieu.
P-s.
PÉRIÈS.
C— F— E.
Capefigle.
B-D— N.
Benauldin.
C— H— N.
Champion (Maurice),
S. D. S-
y. SiLVESTRB DE SACY.
C-0.
COiSSTANClO.
S. S-1.
Simosde-Sismondi.
D— Es
Despbés.
Sx -T.
De Stassart.
D-G.
Depping.
T— D.
Tabaraud.
D — ZE.
De Sèze.
V-s-i.
ViscoNTi (Sigismond).
D— z— s.
Dezos de LA'R©0I)ETTE.
V. s. L.
V 1 ncens-Sai nt-La u rent
E-s.
Eyriès.
W— R.
Walckenaer.
F-A.
FORTIA d'USDAN.
W-S.
Weiss.
F. P— T.
Fabien Pii.i.et,
Z.
Anonyme.
G~N.
GuiLT.ON (Mme).
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
SUPPLÉMENT.
S
SEABURY ( Samuel ) ', premier
évêque de l'église épiscopale des
États-Unis, naquit en 1728. Fils
d'un ministre évangélique de la con-
grégation à Groton, puis à New-
London , il Gt de bonnes études , et
après avoir pris ses degrés au col-
lège d'Yale, il partit pour l'Ecosse,
dans le but d'y étudier la médecine
en même temps que la théologie.
Maiss'étant décidé pour l'état ecclé-
siastique, il se voua spécialement à
cette dernière science , et se rendit
en 1753 à Londres, où on lui conféra
les ordres. De retour dans sa patrie,
il y devint ministre de la religion, et
après avoir rempli ces fonctions dans
plusieurs villes il remplaça son père
à New-London. En 1784, on le choisit
pour évêqiie du Connecticut, charge
qu'il exerça avec autant de zèle que
de piélé jusqu'à sa mort, arrivée en
1796. 11 a publié des ouvrages esti-
més, savoir A. Le devoir de consi-
dérer les routes que nous suivons.
II. Discours prononcé à Portsmoulh,
à l'ordination de Robert Fowle,
1791. III. Sermons^ 2 vol. in-8°. En
l'année 1798, il a paru un volume de
supplément aux sermons de Samuel.
Seabury. r;__ii_K.
LXXXII.
SEADEDDIN (Mohammed-ben-
Hasandchan ), historien musulman,
né en 1536 de notre ère, avait été le
chodscha ou précepteur du prince qui
monta sur le trône sous ie nom de
Mourad ou Amurat III, et fut pendant
tout le règne de ce sultan son conseil-
ler politique, ayant par conséquent
une grande influence dans le gouver-
nement. Aussi les puissances étran-
gères s'adressaient-elles à lui pour
faire réussir leurs négociations à la
Porte-Ottomane. C'est ainsi que la
France avait obtenu par son entre-
mise, à ce qu'il paraît, l'assentiment
du sultan à l'élection du duc d'Anjou
comme roi de Pologne, et que l'An-
gleterre le gagna pour faire agir la
Turquie dans le sens de la politique
anglaise contre l'Espagne. L'histo-
rien turc Aali nomme Seadeddin une
des quatre colonnes soutenant la cour
du sultan, dont l'une était le renégat
hongrois Ghasnefer, qui devint dans
la suite grand-maître de la maison
impériale, et fut toujours uni avec
Seadeddin contre leurs ennemis com-
muns, parmi lesquels était le célèbre
poète lyrique Baki. Du reste, le pré-
cepteur paraît avoir pris peu de
souci de réducation morale de son
1
2
SEA
élève , qui est cité dans la sërie des
sultans comme un des plus débau-
ches, des plus efféminés, et qui fut
cent deux fois père. Sous Mohamed
ou Mahomet. 111, fils de Mourad, Sea-
deddin conserva d'abord la grande
autorité dont il avait joui sous le
règne du père. L'histoire ne dit pas
s'il eut part à l'horrible résolution
qui fut prise dans le sérail de faire
étrangler par des muets les dix-
neuf frères du nouveau sultan , et de
noyer sept femmes enceintes pro-
venant du harem de son père, où
il y avait cinq cenis femmes esclaves.
Mahomet désigna Seadeddin avec le
grand-visir pour raccompagner dans
la guerre de Hongrie, et là, le
ci-devant précepteur montra une
énergie qui contribua au succès des
Turcs, et qui Ta fait considérer
comme l'auteur de leur victoire. Eu
effet, quand après la prise de la ville
d'Erlau par les chrétiens le sultan,
qui n'était pas plus brave que ne
l'avait été son père, tint un conseil
de guerre, pour savoir s'il ne conve-
nait pas de s'occuper de la retraite,
Seadeddin exposa la nécessité de
tenir ferme et de prendre l'offensive
contre l'armée ennemie , ajoutant
qu'il était inouï qu'un padischa des
Ottomans tournât le dos aux ennemis
sans y être contraint. Mahomet n'é-
tait pas encore très-rassuré ; mais
d'accord avec les grands fonction-
naires ses amis, Seadeddin obtint
enfin que ce prince livrât bataille aux
Allemands et aux Hongrois auprès
des marais de Keresztes. A la tête
des juges de l'armée, il se tint à la
gauche du lâche sultan, qui cher-
chait son salut auprès de l'étendard
du prophète. La bataille ne fut ga-
gnée par les Turcs que parce que
leurs ennemis, vainqueurs d'abord,
se jetèrent en confusion sur les tré-
SEA
sors pour les piller, ce qui donna
aux musulmans le temps de les sur-
prendre et de les tailler en pièces.
Mais le grand-visir Cicala ayant en-
suite puni cruellement les troupes
turques qui n'avaient pas répondu k
l'appel de guerre ou qui avaient re-
culé dans les combats , souleva
contre lui une partie de l'armée. Il
fut disgracié, et Seadeddin , un de
ses partisans , fut enveloppé dans sa
disgrâce ; toutefois Mahomet , res-
pectant en lui son conseiller, se
borna à lui enjoindre de se retirer
de la cour, quoique Baki et ses au-
tres ennemis eussent voulu le faire
exiler de Constantinople. Seadeddin
avait dans le harem des intelligences,
grâce auxquelles il conserva la bien-
veillance de son maître. En 1597, le
sultan lui conféra même la charge
vacante de moufti , que Baki avait
aussi sollicitée. En vain le grand-
visir, ennemi de Seadeddin, avait fait
tous ses efforts pour empêcher la
nomination de celui-ci; Mahomet
demeura ferme dans sa résolution.
Dès lors le nouveau moufti intrigua
avec ses amis pour faire tomber le.
grand-visir Hasan, en mettant dans
leurs intérêts la sultane Validé, qui
conservait beaucoup d'influence sur
le sultan son fils, et que le grand-
visir avait compromise en publiant
qu'elle avait partagé avec lui les
exactions qu'on lui imputait. A force
d'intrigues, ils obtinrent l'ordre de
faire conduire le grand-visir dans
les Sept-Tours et de l'étrangler ;
après quoi ses biens lurent confis-
qués au profit du sultan, et l'ancien
grand-visir Ibrahim , beau-frère du
monarque, fut rétabli dans cette di-
gnité. Seadeddin continuad'intriguer
avec la sultane Validé et avec son ami
Ghasnefer pour conférer les dignités
importantes de l'empire ; ils réussi-
SEB
rent notamineut à Caire réintégrer
Cicala dans le poste de capiian-pa-
cha ou grand-amiral , et ils surent
empêcher rarniisticc que négociait
l'Espagne auprès de la Porte. L'âge
n'avait point affail)li dans ce courtisan
le goût des intrigues politiques ; mais
Je 2 octobre 1599, jour anniversaire
de la naissance du prophète Maho-
met, Seadeddin mourut subitement
dans la jnosquée Aja-Sofia, oîi il se
disposait à faire ses prières. Quatre
fils, tous occupant des postes con-
sidérables dans l'ordre des ulémas,
portèrent son corps à la tombe érigée
à Éjoub. Baki, son rival et son ad-
versaire, lui succéda dans le poste de
rnoulti; mais il ne lui survécut que
six mois. Seadeddin a traduit du
persan en turc ['Histoire univer-
selle, de Lari, et il est auteur d'une
Histoire de l'empire Ottoman, de-
puis la fondation de cet empire jus-
qu'à la mort de Sélim F'', ouvrage
que M. de Hammer (1) qualifie de
modèle unique de l'historiographie
osmane, à cause de la pompe asiatique
du style; mais il ne vaut pas, sous
le rapport de la vérité, l'histoire
écrite par Aali, contemporain de Sea-
deddin, qui ne fut pas courtisan et
ambitieux comme lui. La biographie
de l'ancien précepteur de Mourad se
trouve parmi celles des ulémas qu'a
rassemblées son compatriote et con-
temporain Ataii. D— G.
SÉBA. Voy. David, X, 592.
SÉBASTIAN-LATRE (don Tho-
mas) , littérateur espagnol, né vers
1740, d'une famille noble, eut dès
sa jeunesse les titres de secrétaire
du roi et de conseiller d'État, pure-
ment honorifiques, et dont il ne
remplit point les fonctions. Sa vie
(l) Geschichte des Osmanischen Btiches,
2* édit., Pesth, i834, t. H, liv. 41.
SEB 3
entière fut consacrée aux lettres, et
ses premiers essais furent des traduc-
tions de Racine en vers espagnols.
11 conçut pour ce poète une grande
admiration, qu'il s'efforça long-
temps de faire partager à ses com-
patriotes, leur attestant qu'il était de
beaucoup supérieur à Calderon, à
Lope de Vega,k Moreto , à Solis,
à Roxas, etc., ce qui déplut singuliè-
rement à l'orgueil national, et nuisit
aux succès de Sébastian-Latre. Ce fut
en vain qu'il essaya de démontrer aux
Espagnols que sous le rapport du
goût et de l'invention les ouvrages
de Racine ne devaient pas être com-
parés aux productions romanesques
de ces auteurs , et surtout à celles
de Roxas. Pour le prouver, il fit lui-
même , d'une mauvaise comédie de
celui-ci , sous le titre de Progné et
Philomèle, une pièce très -bonne
et qui eut beaucoup de vogue ; ce
qui n'empêcha pas le docteur Signo-
relli , qui a publié une Histoire du
théâtre ancien et moderne , de dire
que Sébastian-Latre aurait mieux fait
de composer des pièces nouvelles
que de refaire les anciennes. Ce
poète mourut en 1806. Les ouvrages
qu'il a publiés sont : LUne traduction
en vers espagnols de la tragédie de
Britannicus. II. Essai sur le théâtre
espagnol, 1772, in-4''. III. Disser-^
talion sur la littérature arahe, 1775,
in-4°. IV. Dissertation sur l'élo-
quence grecque et romaine, 1788,
in-i". V. La vie des trois fameux
poètes espagnols, Lope de Vega,
Calderon , Moreto , avec un juge-
ment de leurs ouvrages, 1790, in-é".
VI. Histoire du théâtre grec et ro-
main, Madrid, 1804, 3 vol. in-4°.
C— o.
SÉBASTIAM (Lazare), peintre,
né à Venise, fut élève de Carpaccio, et
et non son fils, comme Vasari l'avance
1.
4 SEB
par erreur. C'est lui qui Jiitchargépar
les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean
de Jérusalem de peindre dans l'a-
vant-salle de leur maison , où est dé-
posé le morceau de la vraie croix, qui
leur fut donné en 1369, le moment
où le chevalier Philippe Mazeri ap-
porte à Venise cette sainte relique.
On voit aussi dans l'église de Saint-
Sauveur un tableau consacré a la
Vierge, et placé à droite, en entrant
dans la sacristie. Ce tableau est di-
visé en cinq compartiments. Celui
du milieu représente saint Augus-
tin entouré d'un grand nombre de
religieux à genoux et le bréviaire
à la main; dans celui du haut, on
voit le Christ mort soutenu par des
anges. Il existe, dans l'église des re-
ligieuses du Corpus Domini, un ta-
bleau représentant sainte Vénérande
assise dans la gloire céleste auprès
de J.-C. De chaque côté sont plu-
sieurs figures de saintes et un ange
qui joue du luth ; le fond est enrichi
de fabriques d'un excellent style. Cet
artiste a encore exécuté pour l'église
de St-Ântoine un tableau d'autel re-
présentant une Notre-Dame de Pitié,
et deux autres petits tableaux, dans
l'un desquels il a peint saiiU Anas-
/ase, et dans l'autre sam(/?oc/i. P— s.
SÉBASTIEN de Saint-Paul ( le
père), dont le nom de famille était
Petyt, né en 1630 à Enghien, ville
du Hainaut, entra dans l'ordre des
Carmes, où il professa long-temps la
philosophie, la théologie, et remplit
des fonctions importantes. Adniel-
lant, comme un grand nombre de ses
confrères, la haute antiquité de leur
institut qu'ils faisaient remonter jus-
qu'au prophète Élie, il prit une part
active aux disputes survenues à ce
sujet entre les Carmes et les Bollan-
distes. 11 publia d'abord: 1. Libellus
^upplex ad beaiiss. 2^opam Jnno-
SEB
centitim XI, pro origine et antiqui-
taie nrd. carme/., Francfort, 1683,
in-4". II. Exhibitio errorum quos
P. Daniel Papebrochius, soc. Jesu^
suis in notis ad Acta Sanctorum
commisit , ad hinocentium XJI ,
pontif. max. oblata, Cologne, 1693,
in-'i". III. Motivtim juris pro libro
cui titulus est : Exhibitio, etc., An-
vers, 1694, in-4°. TV. Appendix ad
Motivum juris, Anvers, 1694, in-4<'.
Ces divers écrits ne restèrent pas
sans réponse de la part des Bollan-
distes Le P. Conrad Janning les ré-
futa tous les quatre dans le tome l^""
des Acta Sanct. du mois de juin. Le
P. Papebroch, attaqué nominative-
ment et sous le poids d'une condam-
nation prononcée par l'inquisition
d'Espagne contre les 14 volumes qui
portaient son nom, obtintnéanmoins
la permission de se justifier et pu-
blia: Responsio ad Exhibitionem er-
rorum, etc., Anvers, 1696-99, 3 vol.
in-4<' {voy. Papebroch, XXXII, 515).
?.lais, dès 1697, le tribunal du saint-
office avait prohibé tous les écrits
relatifs à cette querelle, dans la-
quelle d'ailleurs de savants religieux
carmes avaient déclaré ne pas vou-
loir entrer. Enfin le pape Inno-
cent XII, pour terminer la polémi-
que, imposa silence aux deux partis,
en 1698. Le P. Sébastien de Saint-
Paul mourut à Bruxelles le 2 août
1706, P— ET.
SEBIZIUS, en allemand Sebiz ou
Sebisch (Melchior), professeur en
médecine k Strasbourg, naquit en
1539 à Falkenberg, ville du duché
d'Oppelen en Silésie. Son père, qui
était docteur en droit et conseiller
du duc d'Olnilz, lui fit d'abord étu-
dier les lois \ mais, à l'Age de 24 ans,
Melchior abandonna l'étude de la
jurisprudence, et se livra à celle de
la médecine pour laquelle il se sen-
SEB
SEB
(ait une vocation décidée. Il consa-
cra ensuite plusieurs années à des
voyages qui devaient augmenter la
somme de ses connaissances. C'est
ainsi qu'en 1566 il suivit les cours de
l'e'cole de Montpellier, et qu'en 1569
il parcourut les universités de l'Ita-
lie. En repassant par la France, il
se fit recevoir docteur à Valence ,
le 25 août 1571. De retour en Alle-
magne, Sebizius devint médecin de
la ville deHaguenau; puis se fixa
définitivement à Strasbourg, où ses
talents l'élevèrent au rang de pro-
fesseur, et lui valurent un canonicat
dans le chapitre de Saint-ThomaSi
Déclaré vétéraia, en 1612, il fut rem-
placé dans sa chaire par son fils, dont
l'article suit, et mourut à Strasbourg
le 19 juin 1625, à l'âge de 86 ans. 11
n'a rien publié sur la médecine pro-
prement dite; mais, comme il avait
cultivé à fond l'histoire naturelle,
surtout celle des plantes, il donna,
sous le litre de Neu Krceuter-buch,
une nouvelle édition de la botanique
de Tragus, qui est la meilleure de
ce livre, parce que Sebizius l'a non-
seulement corrigée, mais augmentée
d'une quatrième partie, qui com-
prend la description des éléments, la
zoologie, etc. {voy. Bock, IV, 630).
On lui doit aussi la traduction en al-
lemand de la Maison rustique d'Es-
tienne et Liébault. R— d— n.
SEBIZIUS (Melchior), fils du
précédent, vint au monde à Stras-
bourg le 15 juillet 1578. Après avoir
terminé avec succès son cours de
philosophie, il se livra avec ardeur
à l'étude de la médecine sous la di-
rection de son père et d'Israël Spa-
chius. Il suivit, dii-on, les leçons de
vingt-sept universités , mais plus
spécialement de celle de Bâle, où il
reçut le bonnet de docteur le 26 juin
1610 \ il avait par consé(juent 32 ans,
tardive réception sans doute , mais
qui s'explique par les nombreux
cours qu'il suivit dans tant d'univer-
sités. Le 27 mars 1612, après la re-
traite de son père, il devint profes-
seur en médecine, puis archiâtre de
Strasbourg et chanoine du chapitre
de Saint-Thomas. Sa haute réputa-
tion lui mérita la bienveillance de
l'empereur Ferdinand II, qui lui con-
féra le titre de comte palatin le 7 oc-
tobre 1630. En cette qualité, Sebi-
zius créa lui-même qUarante-sept
notaires impériaux. Malgré son
grand âge, il continua de remplir
avec assiduité ses fonctions de pro-
fesseur jusqu'à sa mort, qui arriva le
25 janvier 1674 , à l'âge de 95 ans.
Jusqu'à la maladie dont il mourut
sa santé n'avait souffert aucune at-
teinte ; il ne s'était jamais servi de
lunettes, et n'eut dans son extrême
vieillesse d'autre incommoditéqu'une
légère surdité. On ne doit pas s'é-
tonner que, pendant une si longue
carrière d'enseignement, il ait com-
posé un grand nombre de disserta-
tions académiques roulant pour la
plus grande partie sur les ouvra-
ges de Galien, et qui dénotent une
vaste érudition ; aussi doit-on sou-
scrire au jugement de Boerhaave ,
lorsqu'il dit de Sebizius : Egregius
scriptor, summœ eruditionis. {Me-
thodus stud. med., t. II , p. 693.)
Boerhaave ajoute qu'on trouverait
à peine un auteur qui eût mis autant
de distance entre ses écrits, dont les
uns ont commencé avec sa vingtième
année et dont les autres se sont con-
tinués sans interruption jusqu'à sa
quatre-vingt-quinzième. Plusieurs
biographes ont erré en attribuant à
Haller ces mots sur Sebizius: Erudi-
tus vir, parum usus propriis experi-
mentis. Comme il serait trop long
de citer les nombreux ouvrages sor-
SEB
SEB
tis de k plume de Sebizius, nous
nous bornerons aux principaux : I.
IJissertatio inauguralis de urinis,
Bâie, ICIO, in-4°. H. Discursmme-
dico-philosophicus de casu adoles-
centis cujusdam , qui anno 1617
morluus repcrlus est , adjacente ipsi
serpente, Strasbourg, IfilT, in- 4",
1618, lf)"24, 1660, in-4°, avec un Ap-
pendix de quibusdam serpentum ge •
neribus. L'auteur croit que le ser-
pent avait séjourne? dans le corps du
jpnneliomme, ci l'avait étranglé en
sortant par la trachée-artère : sa
conjecture ne nous paraît pas ration-
nelle. III. Exercilationes medicœ
triginta sex, ab anno 1622 ad 1636
propositte^ Strasbourg, 1636, in-4°.
IV. Historia fœminœ. quœ ventrem
supra modum tumidum geslavit ul-
tra decennium^ et tum hydrope ute-
rino tum molis carnosis 76 fuit con-
flictata, Strasbourg, 1627, in-4''. V.
De dysenteriœ natura , causis, dif-
ferenliis, signis diagnosticis et pro-
gncsticis, Strasbourg, 1628, in-8\
Vl.Miscellanearum quœstionum me-
dicarum fasciculi quinquaginta
très, Strasbourg. 1630, 1638, in-S".
Vil. Galeni ars parva in XXX dis-
putationes resoluta, ibid. , 1633,
1638, in 8". VIII. Description de
quelques abus qui ont régné jusqu'à
présent dans les bains d'eaux miné-
rales et -autres (en allemand), Stras-
bourg, 1647, in-8°. Après avoir parle
de quelques eaux acidulés voisines
de l'Alsace, l'auteur recommande de
ne pas faire un usage trop abondant
de ces eaux, de ne pas les boire trop
précipitamment, et de ne pas les
faire chauffer. IX. De alimentorum
facullatibus libri IV, ibid., 1650,
in 4" ; ample recueil de ce que les an-
ciens ont écrit de plus important sur
les aliments dans leurs rapports avec
la médecine et l'histoire naturelle.
X. Galeni libri quinque priores de
simplicium medicamentorum facul-
latibus in iC} dissertât, resoluti cum
corollariis 183, Strasbourg, 1651 ,
in-S", XI. De marasmo et graciles-
centia sanorum et œgrotantium,
crassitie et obesitate naturali et
morbosa. ibid., 1658, m-i". XII. Ma-
nuale, seu Spéculum m,edicinœ prac-
tictim in usus tyronum, ihid.^ 1659,
in 8°, 1661, in-S». Tomus posterior,
ibid., 1661, in-80. XIII. JFa^amenîJuZ-
nerum singularum corporis par-
tium, quatenus vel lethalia sunt, vel
incurabilia, vel ratione eventus sa-
lutaria et sanabilia, Strasbourg ,
1638, in-i»; ibid., 1639, in-4».
R— D— N.
SEBIZIUS (Jean-Albert), fils
de celui qui fait le sujet de l'article
précédent, vit le jour à Strasbourg
le 22 octobre 1615. Adonné de bonne
heure à l'élude de la médecine, il y
fit de grands progrès sous les yeux
de son père; puis, suivant la cou-
tume de cette époque, qui consistait
à quitter le pays natal pour voyager
et se perfectionner en visitant les
universités étrangères, il se rendit à
BâIe, à Montpellier et à Paris. Après
avoir suivi pendant quelque temps
les leçons des professeurs de ces fa-
cultés, il revint à Strasbourg en
1639, et y reçut le bonnet de doc-
teur l'année suivante. Comme il
avait cultivé spécialement l'anato-
mie, il fut choisi en 1652 pour en-
seigner cette science, et il s'acquitta
de .ses fonctions avec une assiduité
exemplaire. Il devint aussi, comme
son père et son aïeul, chanoine de
Saint-Thomas et médecin de la ville
de Strasbourg. Il avait acquis l'es-
time de ses collègues au point qu'ils
le nommèrent leur doyen jusqu'à
vingt-une fois, et qu'il emporta tous
leurs regrets lorsque la mort vint le
frapper, le 8 février 1685 , dans la
soixante-dixième année de son âge.
lia publié; I. Anatomîcœ these-^ mis-
cellaneœ, Strasbourg, 1653, in-^",
II. Problemata anatomica quœ-
dam, ibid., 1662, in-io. 111. DeJEs-
culapio inventore medicinœ, ibid.,
1669, m-i". IV. Exercitationes pa-
thologicœ, ibid., 16691682, in-4".
C'est un recueil de vingt-cinq dis-
sertations sur la pathologie. Il en a
publié d'autres encore sur différents
sujets, teis que la syncope, la rate,
l'estomac, l'inanition, la phthisie,
la cachexie , la colique , le ver-
tige, etc. (l). R— D— N.
SEBIZIUS (Melchior), fils de
Jean-Albert, était aussi de Stras-
bourg, 011 il prit naissance le 18 jan-
vier 1664. Voulant soutenir digne-
ment l'honneur de son nom, il étu-
dia les principes de l'art de guérir,
d'abord dans la ville où il était né,
ensuite à Paris, dont il fréquenta as-
sidûment les écoles pour perfection-
ner son éducation médicale. Revenu
à Strasbourg , il s'y fit recevoir doc-
teur en 1688 ; puis, en 1701, il obtint
une chaire de médecine ; mais il y
avait à peine trois ans qu'il était
installé, lorsqu'il mourut le 13 no-
vembre 170i, pendant qu'il occupait
en même temps la charge de recteur
de l'université. Il a publiée 1. Dis-
(l) La plupart desdissertatioDS attribuées
a ce inédeciu n'étaient que des tbèses dout
il arrêtait sans doute le programme, mais
qui étaient soutenues par des étudiants de
l'université de Strasbourg. Nous avoiis sous
les yeux i.-elle qui a |)aru sous oe titre : Dis-
seitatio phitologico-medica de JEsculapio in-
venfort raet^j'c/na', Strasbourg, 1660, in-4o,de
VIII et 7'2 pag. Elle est lerininée |)ar un co-
rollaire ou série de questions relatives à
l'art médical, i)armi lesquelles on remarque
celle-ci ; Un vieux médecin doit-il e'tre préféré
à un jeune? Les quatre Sebizius n'ont point
d'articles dans le Dictionnaire historique de
la médecine, de M. Dezeimeris. L — m — x.
SEC 7
seriaiio de risu et fletu, Strasbourg,
1684, in-40. II. Dïsser^ de sudore,
ibid., 1688, in-i"; c'est sa thèse
inaugurale. III. Dissert, de origine
fontium et fluviorum, ibid.» 1699,
in -4°. IV. Dissert, de urina toribus
et arle urinandi, ibid., 1700, in-4''.
Il est digne de remarque que les
quatre médecins dont nous venons
d'esquisser la vie , tous les quatre
de la même famille et portant le
même nom, ont exercé avec succès
le professorat en médecine dans la
ville de Strasbourg pendant cent
trente ans sans interruption.
R— D— N.
SECANO (Jérôme) , peintre et
sculpteur, naquit en 1638 à Sarra-
gosse où il apprit les premiers élé-
ments de la peinture. Venu à Ma-
drid pour perfectionner son talent,
il y étudia avec fruit les beaux ta-
bleaux que renferment les palais de
cette ville, el son assiduité au tra-
vail seconda les heureuses disposi-
tions qu'il avait reçues delà nature.
Il suivit avec la même régularité
les divers cours que faisaient les
meilleurs professeurs, soit en pu-
blic, soit en particulier. Devenu ca-
pable de travailler sans aide ni con-
seil, il retourna à Sarragosse où l'on
s'empressa de l'employer à l'exécu-
tion de plusieurs tableaux pour l'é-
glise de Saint -Paul. Il s'en tira avec
honneur et l'on crut alors devoir lui
confier les peintures de la chapelle
de Saint -Michel et la fresque de
la coupole. Dessinateur correct et
coloriste habile, il donna dans ses
diverses compositions, tant à l'huile
qu'à fresque, des preuves manifes-
tes de ce double talent. L'hôtel-de-
ville le chargea d'exécuter quatre
tableaux pour la saile des députés.
Jusqu'à cinquante ans il n'avait
fait que peindre ; il tenta à cet âge
s
SEC
de cultiver la sculpture et fit voir
qu'il n'avait pas de moins rares
dispositions pour cet art que pour
la peinture. 11 avait ouvert une e'cole
dans laquelle il professa ces deux
arts avec succès, et d'où sont sor-
tis d'habiles élèves dans les deux
genres. Secano mourut à Sarragosse
en 1710. P— s.
SECCAKTE (Sébastien), peintre,
natif d'Udine, fut élève de Pompo-
nio Amalteo. Il se fit connaître dans
sa patrie par deux grands tableaux
oii l'on admire de beaux portraits
frappants de ressemblance, et que
l'on voit dans^ une des salles du
château de la ville, et surtout par
quelques tableaux d'autel dans les-
quels il déploya un talent peut-être
plus original encore. On cite, entre
autres, un Christ succombant sons
le poids de sa croix, entouré d'anges
qui tiennent les autres instruments
de la passion, et qui est le plus bel
ornement de l'église de Saint-Geor-
ges. On ne peut rien voir de plus
gracieux que les figures d'anges qui
environnent le Sauveur dont l'ex-
pression n'est pas moins remarqua-
ble ; on y reconnaît l'excellence des
principesqu'il avait reçus d'Amalteo.
Ce dernier maître avait pour le ta-
lent de son élève une si grande es-
time, qu'il lui donna une de ses
filles en mariage. Sébastien est re-
gardé comme le dernier soutien de
la belle école fondée par Amalteo.
Il mourut vers 1576. — Seccante
( Jacques ), frère du précédent, com-
mença à cultiver la peinture à l'âge
de 50 ans seulement. Il travaillait
encore en 1571. — Seccante, le jeune
{Sébastien), fils du précédent, naquit
vers 1550 et s'appliqua à la peinture
dès sa plus tendre jeunesse ; mais,
malgré tous ses efforts, il ne put
même s'élever à la hauteur de son
SEC
père dont le talent était déjà bien
inférieur à celui du premier Sébas-
tien. Il mourut vers 1629.— Sécante
de' Seccanti , autre peintre de la
même famille, et disciple de la même
école, travaillait encore en 1621 , mais
il ne s'est pas élevé au-dessus du mé-
diocre. P — s.
SECILE ou SICILE (Jean), hé-
raut d'armes d'Alphonse V, roi d'Ara-
gon, est un des premiers écrivains
qui aient composé des livres sur le
blason. Ses connaissances approfon-
dies dans l'art héraldique le firent
nommer maréchal d'armes du pays
de Hainaut. 11 est resté de lui deux
ouvrages en prose : Le Blazon de
toutes armes et escutz , très-néces-
saire, utile et prouffitable à tousno-
blés et seigneurs pour icelles bla-
zonner en sept sortes de manières ,
Paris, 1495, in-8o 5 Lyon, 1503, in-S»;
sans lieu ni date, in-8°. — Le Blazon
des couleurs ou armes, livrées et de-
vises très-utile et subtil pour sça-
voir et cognoistre d'une chacune
couleur la vertu et propriété, m-80,
sans lieu ni date. Devenus fort rares,
ces ouvrages sont recherchés des cu-
rieux. La bibliothèque du roi pos-
sède de Secile un traité des armoiries
ou du comportement des armes,
resté inédit, et sur lequel M. Pau-
lin Parisa donné quelques détails dans
le savant ouvrage qu'il consacre à
la description des Manuscrits fran-
çais de la bibliothèque du roi, t. III,
p. 281. B— N— T.
SECK.ER ( Thomas ) , prélat an-
glican, naquit en 1693, à Sibthorp,
dans le comté de Nottingham. Fils
d'un protestant dissenter, il fut d'a-
bord destiné à exercer le ministère
évangélique dans cette communion
et s'y prépara par de bonnes études ;
mais ayant été à même d'observer
les divisions qui existaient parmi ses
SEC
SEC
co-religionnaires , il tourna , pour le
choix d'une carrière, ses vues d'un
autre côte'. La médecine alors lui
parut être sa vocation , et deux ans
d'assiduité aux divers cours faits à
Londres, suivis de quelque séjour
à Paris, où il étendit ses études mé-
dicales à la chirurgie et à l'art des
accouchements, semblaient l'atta-
cher pour toujours à cette profes-
sion, lorsqu'une autre perspective
s'ouvrit à ses yeux. Un condisciple
et un ami qu'il avait laissé en Angle-
terre , et avec lequel il était en cor-
respondance , lui fit entrevoir une
position très-avantageuse s'il se ré-
solvait à entrer dans le sein de l'é-
glise établie. Secker y ayant con-
senti , Talbot , récemment promu à
l'évêché de Durham , lui conféra les
ordres , et le choisit pour être un de
ses chapelains. Dès lors , pourvu
d'un riche rectorat, il épousa, en
1725, la sœur de l'évêque Benson.
Devenu depuis un des chapelains du
roi et pasteur de Saint-James , il alla
prendre à Oxford le degré de doc-
teur ès-lois , et à cette occasion pro-
nonça un discours sur les avantages
et les devoirs de l'éducation acadé-
mique , discours qui fut très-goûté ,
imprimé sur la demande des chefs
d'institution, et fréquemment re-
produit. On peut présumer que le
mérite de cette composition contri-
bua pour beaucoup à faire arriver
(1734) son auteur au siège épiscopal
de Bristol. C'est dans l'exercice de
ces fonctions qu'il prononça la plu-
part de ses sermons, plus recom-
mandables par leur solidité et par
une profonde connaissance du cœur
humain que remarquables par l'éclat
du style. Secker fut transféré , en
1737, à l'évêché d'Oxford. H échan-
gea, en 1750, sa prébende de ia ca-
thédrale de Durham et la cure de
Saint-James contre le doyenné de
Saint-Paul ; et, ayant regagné par là
du loisir, il put s'adonner davantage
à ses occupations de cabinet. Ainsi
le docteur Church et l'archidiacre
Sharp trouvèrent en lui un coopé-
rateur zélé dans leur lutte contre
Middleton et Bolingbroke , et contre
les partisans d'Hutchinson. 11 attei-
gnit, en 1758, le plus haut degré de
son élévation , étant appelé au siège
archiépiscopal de Cantorbéry. Tho-
mas Secker était très-attaché aux
principes politiques qui avaient mis
la maison de Hanovre sur le trône, et
il avait manifesté son dévouement
pour cette dynastie lors de la rébel-
lion de 1745; du reste il était fort
enclin à la modération, et il ht no-
tamment preuve de cette heureuse
disposition a l'égard des méthodistes
qui se multiplièrent étonnamment
durant son épiscopat. On admirait
sa capacité administrative, la dignité
de ses manières , et surtout sa cha-
rité. L'archevêque Secker mourut le
3 août 17G8, âgé de soixante-quinze
ans. 11 léguapar testament une somme
d'argent considérable destinée à des
actes de bienfaisance, et sa riche
bibliothèque à l'archevêché de Lam-
beth. Ses Leçons (lectures) sur le
catéchisme de Véglise d'Angleterre:
huit Mandements adressés au clergé
des diocèses d'Oœford et de Cantor-
béry , avec des Instructions aux
candidats pour les ordres ; qua-
torze Sermons prêches en différentes
occasions ; Sermons sur divers su-
jets, et quelques autres écrits furent
confiés par lui à ses chapelains Por-
tens et Simton, qui les publièrent
après sa mort, en 1770. Portens,
devenu évêque de Londres, les re-
cueillit de nouveau et les fit impri-
mer en 1811 , 6 vol. in-S", précédés
d'une notice biographique. L.
10
SEC
SECONDS (Jean -Louis ) , député
de rAvoyron à la Convention natio-
nale, né dans le Rouergue, en 1742 ,
occupait avant la révolution une
(les places les plus avantageuses
de l'administration de cette pro-
vince, celle d'employé supérieur
des eanx et forêts à Rodez. Natu-
rellenieu! enthousiaste et partisan
sans beaucoup «rexamen de toutes
les idées nouvelles , on le vit , à l'é-
poque d»; la découverte des ballons,
courir les rues en s'écriant, comme
Archimède : Je Vai troucé ^ je Vai
trouvé! C'était le moyen de diriger
les aérostats dans les airs, que certes
il était loin d'avoir découvert, puis-
qu'on l'ignore encore. Il ne re-
nonça jamais complètement k cette
idée. Ay.int embrassé avec transport
les innovations de la révolution en
1789, il l'ut nommé député extraor-
dinaire de sa province à l'Assem-
blée constituante, puis député à la
Convention , où il sicgea avec les
plus fongueux révolutionnaires, et
votaainsidansleprocèsdeLouisXVJ:
«Comme homme, comme citoyen,
• comuje juge, comme législateur,
• pour le salut de ma patrie, pour la
« liberté du monde et le bonheur des
" hommes , je vote pour la mort, la
" mort la plus prompte de Louis. Il
« est ridicule , il est absurde de vou-
- loir être libre , d'oser seulement en
'' concevoir la pensée, quand on ne
« sait pas, quand on ne veut pas pu-
■ nir les tyrans. Je n'en dirai pas
« davantage ; le surplus de mes mo-
« tifs est imprimé dans mçn cœur,
• pour répondre à la nation, à l'Eu-
• rope, à l'univers de mon ju-
"gement. 1- Seconds vota ensuite
contre l'appel au peuple, contre te
sursis , cl il fit imprimer son vote
sous ce titre : Mon opinion politi-
que. Du reste, il parut rarement à la
SEC
tribune dans le cours de la session ,
se bornant à siéger et à voter avec
les plus ardents montagnards. Le
sort ne l'ayant pas favorisé après la
session pour être député, il fut, ainsi
que la plupart de ses collègues, qui
se trouvaient dans le même cas,
nommé par le Directoire exécutif
commissaire près l'administration de
son département. Mais ces fonctions
ne convinrent pas long-temps à la
mobilité de son caractère ; il donna
sa démission et ne reparut plus dans
les fonctions publiques, ce qui le
sauva de l'exil auquel il ntût pu
échapper en 1816 comme régicide.
Il mourut paisiblement à Paris, le
6 décembre 1819. Ses ouvrages pu-
bliés sont : I. Essai sur les droits
des hommes , des citoyens et des na-
tions, ou Adresse au roi sur les
États généraux et les principes d'une
bonne constitution^ 1789, in-S".
Cette brochure parut avant la con-
vocation, pour répondre k l'appel
que Necker avait fait sur cette ques-
tion k tous les pnblicistes, à tous les
rêveurs qui se trouvaient en si grand
nombre dans tous les coins de la
France. Seconds , qui savait k peine
écrire, se prétendait un des penseurs
les plus profonds, un des premiers
publicistes de l'univers; et c'est dans
cette conviction qu'il a publié l'un
des ouvrages les plus ridicules qui
aient paru sur cette matière où tant
de sottises ont été dites, savoir : II.
L'Art social, ou les Vrais principes
de la société politique, 1792-1793,
in-S". III. Le Sensitismey ou la Pen-
sée et la connaissance des choses,
remplacées dans les sens, traitées
historiquement dans V ordre des sen-
sations , et réduites à l'histoire na-
turelle de l'homme sentant et de
l'homme sensible , Paris, 1815,in-8°.
M— D j.
SEC
SECRETAIX (Philippe), l'un des
directeurs de réphémère république
helvétique érigée en 1798 et qui
tomba en 1801, était né eu Suisse et
déjà connu comme écrivain politique
lorsque cette révolution éclata et
qu'une nouvelle constitution, plagiat
de celle qui existait en France, fut
promulguée. L'ardeur avec laquelle
il se prononça pour cette innovation
le fit nomnitr député au corps légis-
latif helvéïique; ses principes dans
cette assemblée turbulente le pla-
cèrent au premier rang de la fac-
tion républicaine qui voulait tout
changer. Grand faiseur de propo-
sitions , il en formula sur toutes
choses , et c'est de lui qu'émane
celle qui tendait à rendre aux juifs
les droits de citoyen dont ils avaient
joui autrefois. Véritable stoïcien, il
demanda qu'aucun théâtre ne îàt
établi à Lucerne, " pour éviter, s'é-
cria-t-il, que la publication oflicielle
de la mort des défenseurs de la pa-
trie se trouvât placée à côté d'une
affiche de spectacle. » En 171)9, Se-
creian fut nommé membre du di-
rectoire exécutif, où il eut pour col-
lègues Laharpe et Oberlin {ooy. La-
harpe, LXIX, 43^), Mais ce triumvi-
rat tint peu de temps le pouvoir;
après la tentative infructueuse de
Berne , dont le but était d'accomplir
un 18 brumaire à leur profit, les di-
recteurs furent renversés. Secretan
eutalorsàsubir la vengeance du parti
triomphant qui se borna à le placer
souslasurveillancede lahaute police.
Dans cette retraite forcée, en pré-
sence des événements, ses idées ré-
publicaines se modifièrent beaucoup ;
comme la plupart des révolutionnai-
res, il passa de l'exaltation à une mo-
dération timide. Bientôt on oublia le
rôle qu'il avait joué, et il put rentrer
dans les aflfaires. En 1803, il fît par-
SEC
11
tie de la consulte des cantons suisses
convoquée à Paris, puis, l'ii 1809, il
alla siéger à la diète de Fribourg, en
qualité de député du canton de Vaud.
Lui, qu'on avait vu à la tête du parti
patriotique, en était arrivé à ce point
de se montrer approbateur, sinon ad-
mirateur, de la puissance de Napo-
léon, qui se constitua médiateur
de la confédération suisse. Les
événements de 1814 et de 1815, aux-
quels il assista presque sans y pren-
dre part, ne changèrent rien à sa po-
sition ; il continua longtemps encore
de représenter le canton de Vaud à
la diète. H était membre et vice-
président de la cour des appellations
suprêmes de ce canton. Nous igno-
rons la date précise de sa mort. On
a de lui : 1. Réflexions sur les gou-
vernements, pour servir de suite à
l'ouvrage deîSurke[sur larévolution
en France^ et à ccluilde Payne sur les
droits de l'homme, Londres, 1792,
ia-80. U.Observatio7is;,sur la con-
stitution helvétique^ Lausanne, 1798,
iii-S». lll.Eîémoires de M. Fatckens-
kiold, suivis de considérations sur
l'état miiitairp du Danemark^ avec
une notice préliminaire sur la vie de
l'auteur deces Mémoires, Paris, 1826,
in-8".— S£CKETAN(Z>ao«</)i!P''<>fesseur
de philosophie à l'académieJdc^Lau-
sanne, a publié : 1. Les Amis désor-
dre et de lapaix à tous ceux qui veu-
lent sincèrement le bien de ce pays
(pays de Vaud), 1 798, in-8"; cet écrit
est suivi d'un Hymne aux habitants
du pays de Vaud. 11. Le philosophis-
me démasqué, ou la philosophie cen-
sée, ou vrage de Kant, traduit de l'alle-
mand, Berne, 1800, in-8''. IH. Des
progrès de Véducation et de l'instruc-
tion publique dans la deuxième moi-
tié du XVI IL siècle, opuscule in-
séré dans les Notices d'utilité publi
que (Lausanne, 1805-1807, 2 vol.
12
S£D
ia'8'').l\ .Dissertation sur le divorce
selon la loi de Moïse et selon l'Évan-
gile, prësentée au concours pour la
chaire destinée àl'interpre'talion des
livres saints, 3 octobre 1808 (impri-
mée dans le premier volume des piè-
ces pre'sente'es au concours pour les
chairesdans l'académie deLausanne).
— Plusieurs autres membres de la fa-
mille Secretan ont rempli des fonc-
tions publiques comme magistrats ,
professeurs et pasteurs, et ont publié
quelques ouvrages. C— H — N.
SEDEXXO (Juan de), littérateur
espagnol, n'est cité que par Nicolas
ki\tonw,doiii\d BibliothecaHispana
Nova (t. 1", p. 596) mentionne une
tragi-comedia de Calixto y Melibea,
en vers, comme ayant été imprimée k
Salamanque en 1540, in-4". Ce vo-
lume contient une transformation
poétique de l'ouvrage célèbre connu
sous le nom de la comedia Celestina.
Sa rareté est extrême; le savant au-
teur du Manuel du libraire.^ les bi-
bliographes et les écrivains qui se
sont occupés de l'ancien théâtre es-
pagnol, n'en ont fait aucune men-
tion; on le chercherait en vain sur
les plus riches catalogues, notam-
ment sur celui de Soleinne , qui avait
réuni, dans sa bibliothèque drama-
tique , une collection très-curieuse
d'éditions et d'imitations de la Cèles-
Une. Profitons de cette occasion pour
dire quelques mots de cette composi-
tion qui a contribué plus qu'aucun au-
tre livre à fixer la langue espagnole; il
n'est guère d'écrits qui aient joui
auprès des contemporains d'une vo-
gue plus générale et plus populaire.
Sa prose, claire, sententieuse, logi-
que, est proche parente, sinon de
l'esprit, du moins de l'idiome ner-
veux et sain du Don Quichotte.
Avouons-le aussi, làCélestine livre à
la moquerie tout ce que l'Espagne
SED
avait jusqu'alors de plus sacré, le
clergé, la noblesse et les femmes. Dans
l'ignorance où l'on était sur le véri-
table auteur d'une production aussi
extraordinaire, ou a cru pouvoir
désigner Fernando de Roxas, Juan
de Menu, Rodrigue de Cota, et l'on
a pensé que le premier acte (beau-
coup plus long que les autres) n'é-
tait pas de la même main que les
vingt actes suivants ; le fait est que
le problème reste insoluble, puisque
toutes les données un peu positives
manquent. La Célestine n'a point
été jouée ; c'est une histoire d'a-
mour dialoguée, une nouvelle sous
forme dramatique, mais une diction
élégante, des portraits tracés de
verve, des conversations animées,
semées de proverbes, un rare talent
d'observation en font une oeuvre très-
remarquable. Dans un feuilleton du
Journal des Débats, M. Philarète
Chasles l'a appréciée avec beaucoup
de justesse : « C'est un roman de
mœurs partagé en vingt -un cha-
pitres inégaux qu'il a plu à l'au-
teur de transformer en actes ; c'est
un calque des mœurs intérieures
de l'Espagne au commencement du
XVI^ siècle ; une suite de leçons à
l'usage de la jeunesse démontrant les
périls de l'amour, les funestes con-
séquences de la passion, les intri-
gues des entremetteuses, les perfi-
dies des valets ; enfin, une espèce de
cours expérimental dans lequel sont
exposées les traverses, les sottises,
les joies, les douleurs d'un beau jeune
homme très-amoureux, qui se ruine,
se fait aider dans cette œuvre facile
par tout ce qui l'environne, et finit
par causer la mort de sa maîtresse.
La lenteur du développement, la fi-
nesse de l'analyse, la longueur des
discours rejettent cette œuvre sin- "
gulièreau nombre des narrations ro
SM)
SED
13
manesqiies et, il faut le dire, parmi
les meilleures. La Célestine a remué
tout son siècle, ce qui n'arrive ja-
mais aux ouvrages sans valeur. »
M. Chasies est moins dans le vrai
lorsqu'il ajoute que le XVIe siècle
réimprima la Célestine dix-neuf fois;
elle obtint au moins trente e'ditions
successives. Elle fut traduite en ita-
lien et même en allemand. « On peut
ajouter en flamand et même en latin,
grâce au soin d'un laborieux philo-
logue, C. Barthius, qui paraît avoir
eu du goût pour les ouvrages en-
joués. Dès 1529, il avait été publié à
Paris, chez Galiot du Pré, une tra-
duction que recommande encore la
naïve fidélité du langage. J. de La-
vardin et deux autres traducteurs
plus modernes affaiblirent le texte
original en l'adoucissant. De nos
jours, M. Germond de Lavergne a
donné de la Célestine une version
hardiment exacte qu'il a fait précé-
der d'une notice fort intéressante
(Paris, 1842, in-12). Nous y ren-
voyons les curieux qui seront bien
aises de connaître cet étrange ro-
man ; ils verront comment le jeune
Calixte, épris de Mélibée , emploie,
pour réussir dans ses amours, l'ap-
pui d'une femme âgée, experte,
quelque peu sorcière, et comment,
troublé dans un de ses rendez-
vous , il descend avec précipita-
tion par une échelle, tombe et se
tue. Sa maîtresse, folle de désespoir,
se précipite du sommet d'une tour.
«Cet honnête sujet, ajoute le cri-
tique que nous venons de citer,
n'a pour ressort que la déprava-
tion d'une vieille et la passion d'un
jeune homme ; il occupe le volume
tout entier. Les détails sauvent l'au-
teur. Il est difficile d'avoir plus d'es-
prit dans la satire , de mettre plus
de vérité dans les portraits, d'être
plus fin et plus coloré, de mieux dis-
simuler par l'habileté du travail la
laideur et le vice de la vieille et les
redites éternelles d'un amour poussé
jusqu'à l'extravagance. " Les ancien-
nes éditions espagnoles de la Céles-
tine sont extrêmement rares ; celle
de 1499, dont on ne connaît qu'un
ou deux exemplaires, s'est payée jus-
qu'à 499 fr. à la vente Soleinne, en
1844. On rencontre plus facilement
les éditions faites à Anvers au XVI®
siècle. Dès le règne de Philippe II, la
Célestine cessa d'être mise sous
presse en Espagne; l'inquisition, de
plus en plus sévère, ne pouvait to-
lérer un écrit aussi médiocrement
édifiant. Plus tard, la presse moins
gênée reproduisit l'œuvre attribuée
à Roxas et à Cota; l'édition de Ma-
drid, 1822, petit in- 8», accompagnée
d'une introduction savante, de notes
qui discutent toutes les variantes du
texte, est jusqu'à présent la meil-
leure {voy. Roxxs , LXXX, 97, et
SiLVA, dans ce vol.). B— n— t.
SÉDILLEZ ( Mathurin - Louis-
Étienne), inspecteur-général desétu-
des, était né à Nemours le 19 octobre
1745. Après avoir fait son droit à Or-
léans, il remplaça son père dans la
charge d'avocat et de procureur du
roi en la maîtrise des eaux et forêts.
Comme la plupart des membres du
barreau, et bien qu'il occupât une
place assez lucrative, il embrassâtes
principes de la révolution de France,
et devint administrateur du district
de Nemours, puis membre du tribunal
de cassation (mars 1792). Au mois de
septembre suivant il fut élu député
à l'assemblée législative parle dépar-
tement de Seine-et-Marne. Si l'on
compare sa conduite à celle des ar-
dents révolutionnaires , elle pourra
paraître d'une modération extrême ;
mais si l'on consulte le Moniteur, on
u
SED
verra qu'il ne'se sépara pas toujours
(les njcsures rigoureuses de cette épo-
que Ainsi dans la séance du 9 lévrier
1 792, il proposa, en qualité de rappro-
teur du comité de législation, d'or-
donner aux émigrés de rentrer sous
peine d'une triple contribution ; dans
celle du 27 juillet, il lit décréter qu'il
ne serait plus délivré de passe-ports
qu'aux envoyés du gouvernement et
■lux négociants tant que la patrie se-
rait en danger. Le 12 septembre, il
prononça un discours sur l'utilité et
la nécessité d'une loi [relative au
divorce. Il ne fut point réélu à la Con-
vention, et sous le régime de la ter-
reur il ne/ parvint à sauver sa vie
qu'en se tenant caché. En 1798, le
département de Seine-et Marne l'en-
voya au conseil des Anciens, où il
prit plusieurs fois la parole, notam-
ment contre la liberté de la presse
et contre l'emprunt forcé dont il dé-
montra les inconvénients, puis pour
s'opposer à ce qu'on interdît aux
fonctionnaires publics de s'intéresser
dans les fournitures ^ enfin pour com-
battre la proposition de la peine de
mort contre ceux qui traiteraient
avec l'étranger. C'était de la part de
Sédiliez une idée lixe que l'abolition
de la peine de mort. L'abus qu'on en
avait fait et surtout la pensée d'avoir
manqué d'en devenir la victime stimu-
laient peut-être beaucoup ce philan-
thropisme. S'étant montré favorable
au 18 brumaire, il fut appelé à faire
partie de la commission intermédiaire
du conseil et entra ensuite au tribu-
nal. On doit reconnaître que dans
celte assemblée, il osa quelquefois
manifester de l'opposition. Ainsi, dans
le mois de février 1800, il réfuta les
orateurs du gouvernement, sur la di-
vision territoriale et l'organisation
administrative. Le 4 aoiit suivant,
toujours poursiiivi par son utopie
SED
humanitaire, il demanda l'aboUtion
de la peine de mort, et, chose cu-
rieuse, au moment où le consulat
allait en faire un usage iipmodéré et
inutile. «Pour la répression des délits,
s'écria-t-il, elle est dangereuse, eq ce
qu'elle accoutume le peuple à la fé-
rocité. » Sa conclusion était que l'on
s'occupât d'un système pénal analo-
gue à nos institutions et à la fois hu-
main et répressif. En 1801, il pro-
posa d'organiser les travaux prépa-
ratoires du tribunal" de manière à
placer cette autorité dans un juste
rapport avec le gouvernement et le
corps législatif. Après avoir repoussé
le projetdu Code civil, il déclara quç,
subordonnant son avis au bien pu-
blic, il envolait l'approbation, bien
qu'il en désapprouvât les bases. Sé-
dillez continua de siéger dans le tri-
bunal jusqu'en 1804; il y remplit les
fonctions de secrétaire, et s'y occu-
pa spécialement d'administration et
d'ordre judiciaire. Au commencement
de l'empire, il fut nommé inspecteur-
général des écoles de droit d'Aix, de
Grenoble et de Turin ; puis en 1811
candidat au corps législatif. Durant
les Cent-Jours , il lit partie de la
chambre des représentants, et reçut
le titre d'inspecteur-général des étu-
des, nomination qui fut annulée par
la seconde Restauration sous laquelle
il ne remplit aucune fonction. U
mourut vers 1830. On a de lui un
écrit intitulé : De l\inilé enpolitique
et en législation, ou Développement
d'un principe naturel applicable à la
législation de tous les temps elde tous
les peuples, dont la connaissance est
utile à ceux qui font la loi et à ceux
qui l'exécutent ; suivi d'un Essai
sur le droit de propriété considéré
comme fondement de tout gouverne-
ment et de toute législation, Paris,
1802, in-8". C— H— N.
SF.D
SÉDILLOT (Joseph), né à Vire
(Calvados) en 1745 , appartenait à
une famille de médecins, et suivit la
même carrière. Venu de bonne heure
à Paris , il obtint an concours la
place de chef du service médical et
chirurgical à l'hospice de la Salpê-
trière, où il enseigna l'anatomie et la
chirurgie. Lié avec Vicq-d'Azyr, il
improvisa un jour pour lui une leçon
que le savant professeur n'avait pas
eu le temps de préparer. Sédillot
prit le grade de docteur en médecine
à la faculté de Reims, devint mem-
bre du collège et de l'Académie royale
de chirurgie de Paris et autres so-
ciétés savantes, et s'adonna spéciale-
ment à l'art des accouchements. Il
mourut le 15 février 1825. 11 a inséré
dans le premier volume du Journal
général de médecine^ rédigé par son
frère (uoy. l'art, suivant), deux ob-
servations intéressantes : l'une sur
un coma convulsif, avec une gourme
répercutée, suivi de mort ; l'autre
sur une crevasse du vagin et du col
de la vessie, suite de ga^igrène, gué-
rie sans fistule. — Sédillot (Jean),
docteur en médecine, frère du pré-
cédent, naquit le 13 janvier 1757 à
Veaux de Cernay, commune voisine
de Rambouillet. Après avoir perdu
son père, il vint à Paris et fit de bon-
nes études au collège du cardinal Le-
moine. Sa vocation l'entraînant vers
l'étude de la médecine et de la chi-
rurgie, il suivit les cours des pro-
fesseurs les plus célèbres de l'époque,
devint élève des hospices de la Sal-
pêtrièreet de la Pitié, puis entra à
l'Hôtel des Invalides, dont l'illustre
Sabatier était le chirurgien en chef.
Au mois d'août 1784, Sédillot se ht
recevoir docteur en médecine à
Reims, et choisit pour sujet de sa
thèse la question suivante : An sit
cerebro peculiaris motus ? Bien-
8ED
li
tôt il devint médecin de la maison
de Condé. Après avoir fourni quel-
ques articles a l'ancien Journal de
médecine, il publia, en 1791, des
Réflexions sur l'état présent de la
chirurgie dans la capitale et sur ses
rapports militaires , suivies d'un
plan pour le traitement des mala-
dies de la milice nationale, iii-S" ;
puis, en 1795, des Réflexions histo-
riques et physiologiques sur le sup-
plice de la guillotine, in-8", où il
combat les idées de survie et d'ar-
rière-douleur dans la tête après la
décapitation, assertions avancées par
quelques auteurs et aflligcintes pour
les parentsdes condaninesqui avaient
péri sous le couteau de la guillotine.
Il s'élève avec force contre l'inven-
tion de cet instrument de supplice,
dont il croit que l'application facile
a prodigieusement multiplié le nom-
bre des victimes. Malheureusement
les bourreaux de cette époque avaient
trouvé des moyens plus expéditifs
encore dans les fusillades et les mi-
traillades de Toulon, de Lyon, les
noyades de Nantes... L'affreux ré-
gime de 1793 avait supprimé toutes
les sociétés savantes sans leur avoir
rien substitué, menaçant ainsi de
plonger dans la barbarie une nation
si distinguée par les grands hom-
mes qu'elle a produits dans tous les
genres. Sédillot conçut l'heureuse
idée de remédier à la suppression de
l'Académie de chirurgie et de la So-
ciété royale de médecine, pour cou-
server les bonnes traditions et con-
courir aux progrès des sciences
médico-chirurgicales. Il éprouva d'a-
bord des obstacles à la réalisation
de son projet ; mais, à force de soins
et de démarches actives, il parvint à
son but en constituant une société,
qui tint ses assemblées à l'Hôtel-de-
Ville de Paris, sous le nom de So-
16
SED
ciété de médecine du département de
la Seim. Il en fut nommé secrétaire-
général, et fit servir ces hautes fonc-
tions à la création d'un journal de
médecine (1797), qu'il rédigea pen-
dant vingt- cinq ans et dont il fit pa-
raître soixante-trois volumes in-8".
En établissant ce moyen de commu-
nication entre les médecins de la
capitale et ceux des départements, et
même de l'étranger, Sédillot rendit
à la science un service d'autant plus
signalé qu'il n'existait en France à
cette époque aucun journal de méde-
cine, et que le sien régna seul pen-
dant cinq ou six années. Malgré ses
nombreuses occupations , Sédillot
trouva le temps de publier des mé-
moires sur des sujets variés, tels que
l'emploi de l'éther acétique, les poids
et mesures dans leur application à
l'usage médical, la patente de mé-
decin, l'éloge du professeur Sabatier,
un mémoire intéressant sur la rup-
ture musculaire, dont il lut la pre-
mière partie à l'Académie des scien-
ces, des observations sur l'emploi du
phosphore et du muriate de baryte
dans la paralysie et les affections
cancéreuses, plusieurs opuscules sur
la fièvre jaune, différents articles
dans le grand Dictionnaire des scien-
ces médicales, des notes sur la vac-
cine et le virus vaccin, et, en der-
nier lieu, un mémoire sur les revac-
cinations, qui a été imprimé parmi
ceux de l'Académie royale de méde-
cine, dont il était membre depuis sa
fondation. 11 a publié , en société
avec M. Ch. Pelletier fils, les Mé-
moires et obsercations de chimie de
Bertrand Pelletier^ Paris, 1798,
2 vol. in-S", édition à laquelle il a
joint un éloge de l'auteur, son beau-
frère {voy. Pelletier {Bertrand),
XXXIll, 289), Sédillot était médecin
consultant des maisons royales de la
SED
Légion -d'Honneur, chevalier de cet
ordre, associé ou correspondant d'un
grand nombre de sociétés nationales
et étrangères, administrateur du bu-
reau de bienfaisance du deuxième ar-
rondissement de Paris. Arrivé à un
âge avancé, il dut renoncer à la pra-
tique, et il termina doucement sa
carrière le 5 août 1840, dans sa
84e année, laissant deux fils qui exer-
cent aujourd'hui l'art de guérir, l'un
à Paris, l'autre à Dijon. R — d— n.
SÉDILLOT (Jean -Jacques-Em-
manuel) , frère puîné des ptécé-
dents, orientaliste, né le 26 avril
1777 à Enghien-Montmorency, fut
un des premiers élèves de l'école
instituée en l'an III (1795) pour l'en-
seignement des langues orientales
vivantes, école dont la création a
donné une impulsion si grande à la
culture des langues de l'Asie, et de la-
quelle sont sortis tant d'hommes dis-
tingués. Il se livra avec zèle à l'élude
de l'arabe, du persan et du turc, et
fut bientôt attaché à cette école pour
aider les professeurs dans leurs tra-
vaux scientifiques. Dans la suite, il
devint à la même école professeur-
adjoint pour la langue turque, place
que des motifs d'économie firent
supprimer en 1816. Deux ans aupa-
ravant, le bureau des longitudes
avait senti la nécessité de puiser
dans les écrivains de l'Orient la con-
naissance des faits relatifs à l'his-
toire et aux progrès des sciences
mathématiques et de l'astronomie
chez les peuples de l'Asie, et parti-
culièrement chez les Arabes et les
Persans. Ce fut pour satisfaire à ce
besoin de la science qu'une place
d'adjoint à ce bureau pour l'histoire
de l'astronomie chez les Orientaux
fut créée en 1814, sous le minis-
tère de l'abbé de Montesquiou, en
même temps que deux nouvelles
SED
SEE
17
chaires «étaient ajout<^es an Collège
royal de France pour l'enseignement
des langues sanscrite, chinoise et
tartare-mantchou. Sédillot, ancien
élève de l'École polytechnique, qui
s'e'tait livre' d'une manière spé-
ciale à l'étude des mathématiques et
de leurs applications, fut nommé
astronome-adjoint : ses travaux fu-
rent appréciés par les Delambre ,
les Laplace, etc., et contribuèrent
au succès de leurs recherches. Un
travail important de Sédillot, mais
entrepris pour concourir aux prix
décennaux, avait été jugé digne d'ob-
tenir un de ces prix ; c'est sa tra-
duction de la première partie du
Traité d'astronomie d^Aboul-Ha-
çan {voy. ce nom, I, 96), partie
qui a pour objet la construction
des instruments astronomiques. Oq
sait quel a été le sort de cet acte
de munificence annoncé avec tant
de pompe et resté sans résultat, sans
doute parce qu'il ne tendait qu'à
produire une diversion en faveur
d'une politique ombrageuse autant
qu'ambitieuse. Si la traduction de
l'ouvrage d'Aboul-Haçan eût été of-
ferte au comité de traductions de la
Société asiatique d'Angleterre, il
n'est pas douteux qu'il ne se fût
chargé avec empressement de sa pu-
blication i mais Sédillot, savant mo-
deste, sans énergie quand il s'agis-
sait de ses intérêts, aimant l'étude
pour elle-même, et d'ailleurs grave-
ment infirme depuis bien des an-
nées, était précisément l'opposé de
tant de jeunes écrivains qui croi-
raient avoir perdu leur temps si le
public ne jouissait aussitôt qu'eux
du fruit de leurs études. C'est ainsi
qu'en toutes choses les extrêmes
manquent toujours le but. Sédillot
mourut à Paris le 9 août 1832, lais-
sant une veuve et des enfants sans
LXXXII.
fortune. Le second de ses fils a pu-
blié en 1834-35 la traduction de
l'ouvrage arabe cité plus haut (2 vol.
in-80). On trouve aussi de Sédillot
quelques articles scientifiques dans
les Recherches asiatiques, dansUMu'
gasin encyclopédique et le Moniteur.
Ces opuscules , notamment une No-
tice de la partie littéraire des Recher-
ches asiatiques , ont été tirés à part
in-8°. S. D. S— Y.
SEEBECK (Jean-Thomas), l'un
des plus illustres physiciens de l'Al-
lemagne, naquit à Réval le 9 avril
1770. Sa jeunesse s'écoula sans bruit;
ce qu'on pourrait y remarquer de
moins ordinaire, c'est qu'il fut assez
heureux pour échapper à ces angois-
ses et à ces épreuves pénibles aux-
quelles la plupart des hommes de
talent sont fatalement condamnés, et
qui, tantôt devenues un puissant ai-
guillon, forcent le génie à prendre
un glorieux élan, tantôt Fétouffent ou
l'empoisonnent tristement dans son
germe. Le père de Seebeck était un ri-
che négociant qui lui fit donner toute
l'instruction qu'il pouvait recevoir
dans sa ville natale; il le perdit à
seize ans; sa mère était morte de-
puis plusieurs années. L'enfance
de Seebeck ne se présente sous au-
cun de ces traits caractéristiques
qui signalent un esprit inventif; rien
ne le désignait à l'avance comme
destiné à reculer un jour les limites
des connaissances humaines. Nous
savons seulement que l'amour des
sciences naturelles s'éveilla de bonne
heure en lui, et qu'il se faisait le
spectateur caché des séances d'ex-
périences physiques qui réunissaient
les élèves les plus avancés en âge.
Cet attrait le décida à quitter à 17
ans le gymnase de Réval pour suivre
les cours de l'université et se livrer
à l'étude de la médecine. H allad'a-
2
18
SEE
bord à Berlin et suivit les cours du
collège chirurgico-me'dical \ bientôt
il partit pour Gœttingue, entraîné par
la réputation des professeurs qui
avaient rendu cette académie célèbre
entre toutes les autres, Richter,
Blufuenbach, Licbtemberg, etc. Peu
d'années après, il prit le degré de
docteur , et pendant les derniers
mois de son séjour <î Gœttingue il fit
une étude approfondie des mala-
dies de l'oreille, qu'il se proposait
de traiter dans un ouvrage spécial.
H avait d'abord songé à se consa-
crer tout entier à l'exercice de la
médecine; mais le goût des recher-
ches expérimentales le captiva cha-
que jour de plus en plus, et il avait
trop la conscience de l'indépen-
dance de son caractère pour croire
qu'il pût jamais se plier à ces exi-
gences incessantes qui font de la vie
du médecin un glorieux mais réel
esclavage. Il renonça donc à la méde-
cine et résolut de faire des sciences
physiques l'unique occupation de sa
vie. Il tint parole : libre de toute
sollicitude, étranger à tout emploi
public et même à toute affaire exté-
rieure, renfermé seulement dans le
cercle étroit de la famille, en rela-
tion seulement avec les hommes
d'esprit qui l'entouraient, il étudia,
il expérimenta jusqu'au dernier sou-
pir. 11 épousa en 1795 la fille du con-
seiller aulique Boye,et passa les pre-
mières années de son mariage kBay-
reuth, étroitement lié avec le con-
seiller d'État Langermann, qui plus
tard devint à Berlin son meilleur ami.
Il vécut aussi dans une grandeintimité
avec l'illustre voyageur Akxandre de
Humboldt, qu'il avait connu à Gœt-
tingue. Au commencement de ce siè-
cle, la ville d'Iéna était comme le ren-
dez-vous d'une foule d'hommes illus-
tres : Knebel, Griess, Schelliug, He-
SEE
gel, Schelfer, Griesbach, Nellahm-
mer, Thibaud, Riter, Oken, etc., etc.
l'habitaient à la fois. Seebeck ne put
résister à une si puissante attrac-
tion ; il quitta Bayreulh et vint ré-
sider à léna. Il y rencontra aussi
l'immortel Gœthe , et trouva en
lui un ami. Plus tard , Seebeck alla
souvent à Weimar passer des jours,
des semaines, des mois entiers dans
la maison du grand poète : ils tra-
vaillaient et expérimentaient ensem-
ble; les phénomènes des couleurs
les occupèrent spécialement, et le ré-
sultat de leurs études communes fui
l'ouvrage trop vanté que Gœthe pu-
blia sous le titre de Farben-lehre
[Traité des couleurs) : c'est un roman
plutôt qu'un traité scientifique;
parmi une foule d'inexactitudes on
y trouve cependant quelques heu-
reuses idées sur la nature des cou-
leurs. Disons-le hautement, Gœthe
fut surtout et presque exclusive-
ment poète et romancier; si des ad-
mirateurs enthousiastes l'ont pro-
clamé penseur profond, physicien
habile, naturaliste consommé, ce fut,
hélas! par esprit de coterie ou de
système : Gcethe était panthéiste;
le génie du poète n'aurait pas assez
recommandé les doctrines chéries;
il fallait le transformer eu philosophe
éminent. Les relations de Seebeck
avec Gœthe et ses apparitions à Wei-
mar le mirent en contact avec le
grand-duc, qui voulut être initié, par
ses entreliens et ses expériences, aux
progrès récents des sciences physi-
ques. Seebeck avait quitté léna en
1810. Après deux années de voyages
et de séjour à Bayreuth, il se tixaà N u-
renberg pour y passer les plus belles
années de sa vie. Rien enfin ne man-
quait à son bonheur : sa femme et
ses enfants l'entouraient de soins et
de tendresse -, il était riche; un petit
SEE
cercle d'amis savants et dévoués
ajoutaient à tant de jouissances l'a-
grément d'une conversation parfai-
tement en rapport avec ses goûts.
La plupart de ces amis sont devenus
à leur tour célèbres : c'étaient Hegel,
le père des Hégéliens; Merckel, le
citoyen le plus considéré et le glo-
rieux représentant de Nurenberg;
Schweigger, l'inventeur du galva-
nomètre; Pfaff, le mathématicien
profond; Erhardt, Schubert, Wer-
ner, le grand minéralogiste ;Sulpice
Boisseré , directeur de l'Académie
des beaux-arts de Munich ; Œrsted,
le créateur de l'électro-magnétisme ;
Erman, Fr.-Aug. Wolff, etc.. etc.
L'année 1818 amena un change-
ment notable dans les habitudes de
Seebeck : l'honneur qu'on lui fit de
le nommer membre ordinaire de
l'Académie royale de Berlin l'arra-
cha, non sans regret, au calme de la
solitude et aux douceurs d'une vie
tout intérieure. Mis en évidence, il
devenait malgré lui presque un hom-
me public, et il fallait quitter sa dé-
licieuse résidence de Nurenberg pour
habiter l'enceinte plus bruyante de
la capitale de la Prusse. A Berlin,
toutefois, il resta ce qu'il avait tou-
jours été; il sut se défendre des dis-
sipations extérieures pour se livrer
tout entier à ses savantes recher-
ches et aux joies de la famille.
U fut atteint en 1803 d'une infir-
mité redoutable qui lui préparait et
de cruelles douleurs et de longues
insomnies : c'était une hypertro-
phie du cœur , maladie organique
rare autrefois, trop commune au-
jourd'hui, qui l'enleva eu 1831, et
qui depuis a moissonné tant d'illus-
tres victimes. Il était âgé de 52 ans,
et mourut regretté de l'Allemagne
entière, des siens surtout, qui per-
daient en lui plus qu'un père plein
SEE
19
de tendresse. Il a été assez heureux
pour revivre dans un de ses fils,
qui porte glorieusement son nom et
que l'Allemagne compte au nombre
de ses plus savants physiciens. Di-
recteur de l'école polytechnique à
Dresde, M. Seebeck fils a déjà pu-
blié un grand nombre de mémoires ;
il a enrichi l'acoustique d'expériences
et de théories nouvelles. Un amour
ardent pour la science que toutes les
académies de l'Europe surent appré-
cier et récompenser, un caractère no-
ble et doux, un extérieur affable et
plein de dignité, telles furent surtout
les qualités naturelles qui distinguè-
rent le savant dont nous venons d'es-
quisser l'histoire et lui concilièrent
l'estime et l'amitié de tous ceux qui
le connurent. Son nom n'a pas joui
d'une grande popularité , parce qu'il
ne fut ni écrivain ni professeur,
n nous reste à passer en revue les
travaux qui l'ont immortalisé. See-
beck commença sa carrière scientifi-
que à une époque mémorable : les
premiers jours du XIX« siècle ont
été pour la science l'ère de la re-
naissance. Après un trop long repos,
le génie de l'observation et de l'ex-
périence se réveillait tout à coup et
prenait un glorieux élan. Sur les
fondements posés par Newton, Huy-
gens, ^pinus. Coulomb, un ma-
gnifique édifice allait s'élever : Volta,
à Pavie, découvrait la pile, instru-
ment de tant de merveilles, source
de tant de progrès; et Thomas
Young formulait en Angleterre le
principe si fécond des interférences;
le champ était ouvert aux plus bril-
lantes découvertes. Cédant à l'en-
thousiasme universel, Seebeck étudia
d'abord les phénomènes encore obs-
curs de l'électricité galvanique.
Humphry Davy avait à peine trans-
formé les alcalis et les terres en mé-
2.
20
SEE
taux doués, entre autres propriétés
imprévues, de l'étonnante faculté de
s'enflammer et de brûler dans l'eau,
que Seebeck, le devançant, conçut
l'heureuse idée d'obtenir d'abord à
l'état d'amalgame les plus irréduc-
tibles de ces bases, pour les séparer
ensuite et les obtenir à l'état de pu-
reté par une simple distillation. Il
réussit par ce moyen à se procurer
des quanfités plus considérables de
potassium, de barium, de calcium.
Le premier aussi il obtint, combiné
arec le mercure, ce métal probléma-
tique et composé, base de l'ammo-
niaque, et que l'on a désigné sous
.e nom d'ammoniacum ; ce fut dans
le printemps de 1808. Il avait alors
presque abandonné l'électricté pour
se livrer exclusivement à des recher-
ches d'optique. Ses relations avec
Gœthe contribuèrent sans doute à
l'entraîner dans cette nouvelle di-
rection, et ce fut un bonheur, car
les découvertes optiques de Seebeck
sont le plus beau fleuron de sa cou-
ronne. Il étudia d'abord l'influence
des divers rayons colorés sur les com-
posés chimiques et les substances
phosphorescentes. Zanotti, en éclai-
rant le phosphore de Bologne avec
les diverses couleurs du prisme ,
était arrivé à ce résultat singulier,
que toutes, ainsi que la lumière blan-
che, elles faisaient briller le phos-
phore d'une même couleur jaune
rouge. Beccario voulait, au contraire,
que chaque rayon communiquât sa
couleur à la substance phosphores-
cente ; il est vrai qu'il se rétracta
plus tard; mais sa rétractation fut
comme non avenue, parce que son
assertion première souriait beau-
coup aux partisans trop nombreux
alors de la théorie de l'émission.
Comment concevoir, en effet, si la
lumière est une substance matérielle,
SEE
que l'intussusceplion du fluide lumi-
neux bleu, par exemple , colore en
jaune rouge, sans cependant le dé-
composer, le phosphore de Bologne?
Il fallait donc que dans sou expé-
rience Zanotti se fiît trompé. Mais
il n'en était rien , et Seebeck le
prouva jusqu'à l'évidence en la ré-
pétant sous toutes les formes imagi-
nables. Il y ajouta un fait plus cu-
rieux encore et qui démontre non
moins invinciblement le système des
ondulations : la quantité de lumière
émise par le phosphore résultant
d'un mélange calciné de chaux et
de baryte dépend de la couleur des
rayons par lesquels on l'éclairé; le
maximum d'intensité correspond aux
rayons violets , le minimum aux
rayons rouges. Il y a plus : quand
la phosphorescence a été excitée par
une première lumière, l'action des
rayons rouges la fait cesser tout à
coup. On conçoit qu'un mouvement
en éteigne un autre ; mais il serait
impossible d'admettre que l'addition
d'une matière lumineuse amène l'ob-
scurité. Cette propriété négative des
rayons rouges est un fait d'une
grande portée et dont on n'a com-
pris l'importance que lorsque, trente
ans après , un physicien français
crut l'avoir découvert pour la pre-
mière fois. Seebeck constata encore
que, dans des circonstances conve-
nablement choisies, le chlorure d'ar-
gent prend la couleur du rayon qui
l'éclairé ; il remarqua que l'action
chimique n'est pas instantanée et
qu'elle se continue comme la phos-
phorescence pendant un temps ap-
préciable. En 1819, il reprit la ques-
tion difficile de la distribution de la
chaleur dans le spectre solaire. Lan-
dreani plaçait le maximum de tem-
pérature dans le jaune, Rochon en-
tre le jaune et le rouge, Senebier
S£E
S£E
21
dans le rouge, Herschel enfin en de-
hors du rouge. Seebeck vida le dif-
férend en démontrant que la posi-
lion du maximum dépend de la na-
ture du prisme employé. M. Mel-
loui, depuis, a reconnu qu'il fallait
de pliis tenir compte de l'épaisseur
du prisme, ce que Seebeck n'avait
pas pu observer avec les instruments
imparfaits mis à sa disposition. S'il
avait été mieux pourvu, il est très-
probable qu'il aurait l'ait la décou-
verte capitale des différences existant
entre les rayons calorifiques prove-
nant de diverses sources, découverte
qui suffirait à immortaliser M. Mel-
loni. M. Arago découvrit en 1811 la
propriété remarquable dout jouis-
sent toutes les substances double-
ment réfringentes de dépolariser le
rayon lumineux qui les traverse; il
observa que quelques substances non
cristallisées, certains sucres, par
exemple, jouissaient de la même pro-
priété, mais que l'action exercée par
eux était différente dans divers points
de leur masse. En répétant ces belles
expériences avec un appareil qui
augmentait le champ de la vision et
permettait d'embrasser d'un seul
coup d'œil tout l'ensemble du phéno-
mène, Seebeck aperçut, non sans
étonnement, ces belles figures diver-
sement colorées qu'il a désignées sous
le nom à.''entopUques. Distribuées
dans toute l'étendue de la plaque ;
quadrangulaires dans les plaques
carrées, circulaires dans les plaques
rondes, trigones dans les plaques
triangulaires, etc., elles varient d'ar-
rangement comme aussi de cou-
leur quand on tourne les plaques dans
leur propre plan , et subissent des
mutations soudaines et générales de
teinte et de configuration quand on
enlève par fracture une portion des
plaques. Seebeck comprit sur-le-
champ que ces phénomènes résul-
taient d'une tension inégale des dif-
férentes parties des plaques où on lés
observe, et il le prouva en modifiant
les figures entoptiques déjà formées
ou les faisant naître par l'application
d'une pression artificielle, par le
refroidissement subit des plaques
chauffées et la trempe, etc., etc.
Seebeck avait donc à la fois et décou-
vert un brillant phénomène et trouvé
son explication : l'Académie royale
des Sciences de Paris couronna ses
belles recherches en lui faisant par-
tager avec le docteur Brewster un
prix de 3,000 francs, et, mieux en-
core, en lui ouvrant son sein en qua-
lité de membre correspondant. Parmi
les phénomènes lumiueuxdécouverts
en si grand nombre, de 1811 k 1815,
il n'en est aucun, ou presque aucun,
que Seebeck n'ait observé de son
côté ] de sorte qu'avec plus d'ambi-
tion ou d'empressement, avec moins
de modestie ou d'abandon, il aurait
beaucoup ajouté à ses titres de gloire.
Citons quelques exemples: 11 con-
stata la polarisation du ciel bleu,
il reconnut la propriété dont jouit
une plaque de tourmaline taillée pa-
rallèlement à l'axe de ne laisser
passer que le rayon polarisé perpen-
diculairement à ce même axe ; il vit
les anneaux colorés des plaques de
spath d'Islande perpendiculaires à
l'axe ; il pressentit la rotation du
plan de polarisation par le passage
à travers certaines substances soli-
des ou liquides, plusieurs mois avant
d'apprendre que ces phénomèmes
avaient été remarqués avant lui par
MM. Arago, WoUaston et Biot, et
que dans l'histoire de la science ils
se rattacheraient à ces noms glo-
rieux. Pour donner une idée de la
patience avec laquelle Seebeck ob-
servait, pour montrer à quel point
2Î
SEE
il multipliait les expériences, nous
citerons un passage d'une lettre qu'il
écrivit à M. Biot et qui est datée de
Nuremberg, 26 février 1816. « Le
sucre dissous dans l'eau rétablit la
transparence entre les piles croisées
(ou, ce qui revient au même, dépola-
rise le rayon polarisé par son pas-
sage à travers une première pile de
lames parallèles), et cela d'autant
mieux qu'il y a plus de sucre dans
la dissolution : il diminue la transpa-
rence des piles dans leur position pa-
rallèle. Si l'on place une dissolution
de sucre au-devant d'un verre rempli
d'essence de térébenthine, l'ensemble
des deux liquides n'est pas transpa-
rent eutre les piles croisées... J'ai in-
diqué dans une de mes précédentes
lettres (1) plusieurs huiles qui réta-
(i) Ces mots ex[)iiitient uettemeut que
Seebecli avait déjà entretenu M. Biot
de la propriété dout jouisseut certains
fluides de dépolariser la lumière ou de faire
tourner sou plan de jiolarisation. Quelle
était la date de la lettre à laquelle Seeiieck
rcuvoie, nous ne le savons pas. M. Biot,
qui a gardé précieusement et public les
trois autres, dit en parlant de celle-ci :
<< M. Seebeckm'avait adressé une quatrième
lettre sur les mêmes objets à une époque
intermédiaire entre celle-ci. Mais je l'avais
donnée à une personne qui n'est plus et
on ne l'a pas retrouvée dans ses papiers, de
sorte qu'elle l'a vraisemblablement échan-
gée pour quelques autres autographes.»
Comptes rendus de l'Académie des sciences,
tom. XV, pag. <j5. Nous avons de la peiue
à croire qu'eu l'absence de cette lettre
M. Biot ait cru pouvoir résoudre d'une
manière pleinement satisfaisante la contro-
verse de la découverte du beau phénomène
de la rotatiou des liquides. Hersçliel et
après lui beaucoup de physiciens avaient
dit en parlant de ce fait : « M, Binl et M.
Seebeck paraissent avoir fait reltc singu-
lière et intéressante découverte à jieu i)rès
dan.s le même temps. » M. Biot affirme que
dans ce passage on a fait au physicien alle-
mand une trop belle part; il veut que la
première observation de Seebeck soit pos-
térieure de quatre mois aux conimuuica-
tioDS qu'il fit a l'Académie vers la fin d'oc-
tobre i8i5. Mais si la lettre perdue avait
précédé de quatre ou cinq mois celle dont
SEE
blissent la transparence , si l'on fait
agir l'une de ces huiles , par exem-
ple celle de menthe poivrée, con-
jointement avec de l'essence de téré-
benthine ; ces deux huiles étant ren-
fermées dans des vases particuliers,
les objets paraissent beaucoup plus
nets qu'avec une seule des deux hui-
les. L'huile de cèdre combinée de
même avec l'essence de térébenthine
produit un effet pareil. Ces huiles
existent donc de la même manière
que l'essence de térébenthine, car
cette dernière éclaircit le champ pro-
portionnellement à son épaisseur.
Plusieurs autres huiles exercent des
actions semblables, d'autres ne ré-
tablissent pas la transparence : ce
sont celles d'hysope , d'origan , de
cerfeuil, de camomille, d'oeillet, d'a-
nis, de thym, de mille-fleurs, de cu-
min, de cajeput, de marjolaine, de
bergamotle, de lavande, de cassis,
d'aneth, de valériane, etc....» 11
résulte au moins de cette lettre que
Seebeck a constaté le premier l'ac-
tion dépolarisante et par conséquent
le pouvoir rotatoire du sucre; c'est
un fait ordinaire en apparence, c'é-
tait en même temps le germe d'une des
plus belles applications de la science
à l'industrie. Aujourd'hui, avec lesac-
carimètre si ingénieux de M. Soleil et
en s'aidant des principes posés par
M. Biot, des tables calculées par'
M. Clerget, on peut, en portant la
propriété caractéiistique mise en
évidence par Seebeck, déterminer
avec la plus grande facilité, à un ou
deux centièmes près, la quantité
n<»us iiVdU-i i:itc un fragment, et qui est du
a6 féviicr i8i6, la question de ])riorité res-
terait trcs-douteuse. Il est vraiment fâcheux
que la plus importante des lettres soit pré-
cisémuDt celle qui s'est perdue. Dans tous
les cas, c'est bien M. Bioi qui le premier a
montré et mesuré la rolaMon ii droite ou à
gauche.
SËË
SEH
S3
l'celle de sucre contenue dans un mé-
lange ou dans une dissolution don-
née. Une simple expérience faite il
y a trente ans, dans un des labora-
toires d'une humble cité allemande,
aura eu pour résultat d'établir sur
ses seules bases raisonnables un im-
pôt qui rapporte au Tre'sor français
de nombreux millions. Tant de dés-
intéressement, une si noble répu-
gnance à défendre ses droits méri-
taient une éclatante compensation:
elle ne se fit pas long-temps attendre,
et, en 1821, Seebeck attachait son
nom à l'une des magnifiques décou-
vertes qui ouvrent un horizon nou-
veau et seront célébrées à jamais
d'âge en âge. Seebeck , un jour in-
spiré par un bon génie, voulut étu-
dier les modifications électriques
(ju'une élévation de température de-
vait produire au contact de deux mé-
taux hétérogènes. 11 prit un cylindre
de bismuth, et souda à ses deux ba-
ses les extrémités pliées rectangulai-
rement d'une lame de cuivre. Il avait
ainsi construit un rectangle dont un
des côtés était formé de bismuth uni
au cuivre par une double soudure. Au
sein de ce rectangle il suspendit une
aiguille aimantée , puis il chauffa
l'une des soudures, en maintenant
l'autre à la température de l'air am-
biant ; aussitôt l'aiguille dévia et de-
vint perpendiculaire à sa première
direction : l'élévation de tempéra-
t ure de l'une des soudures avait donc
donné naissance à un courant élec-
trique intense: les phénomènes ther-
mo-électriques étaient découverts et
une pile nouvelle venait s'ajouter à
celle de Volta. Son apparition fut sa-
luée par des transports d'enthou-
siasme faciles à expliquer , parce
que l'on comprit sur-le-champ qu'elle
rendrait possibles des recherches in-
abordables jusqu'alors. Et, en effet.
la pile thermo-électrique, ou le ther-
mo-multiplicateur, a reçu mille ap-
plications fécondes et imprévues.
M. Peltier , physicien français, la
transforma en pince thermoscopi-
que et constata, au grand étonne-
ment du monde savant tout entier,
l'existence d'un courant électrique
produisant dn froid : l'électricité vol-
taïque, qui jusque-là ne s'était révé-
lée que par une chaleur intense et
ses effets terribles de combustion,
se montra froide tout à coup 5 au lieu
d'étincelles brillantes, elle donna des
glaçons. Entre les mains de MM. No-
voli etMelloni celte même pile, unie
au galvanomètre, devint un thermo-
mètre d'une sensibilité en quelque
sorte infinie: aucune chaleur, quel-
que peu intense qu'on la suppose,
n'échappera désormais aux investi-
gations de la science : la température
des insectes , la chaleur dégagée
dans ta combustion lente des sub-
stances phosphorescentes, celle des
rayons lunaires, ont été non-seule-
ment constatées , mais mesurées; on
a exploré tout à la fois avec le mer-
veilleux instrument et la tempéra-
ture des parties les plus intimes du
corps de l'homme et des animaux,
et celle des fourneaux les plus em-
brasés, la température des mers les
plus profondes et celle des hauteurs
de l'atmosphère, etc., etc. Avec cette
pile, enfin, M Melîoni nous a révélé
la nature inconnue de la chaleur
rayonnante, il a constaté des diffé-
rences énormes entre des rayons ca-
lorifiques que l'on avait identifiés jus-
qu'à lui. Six grands phénomènes
dominent la science aujourd'hui si
vaste de l'électricité : 1" la décou-
verte du courant électrique et de la
pile ; 2" l'action des courants sur l'ai-
guille aimantée ; 3" l'action des cou-
rants s»ir les courants; 4" la pile
21
SEE
theimo-electrique; r.o l'aimantation
produite par les courants i 6" l'action
sur l'aiguille aimantée des corps en
mouvement, et plus généralement
l'induclion voltaïque et magnétique.
Un de ces phénomènes appartient
à Seebeck , et , par conséquent ,
son nom resplendira dans tous les
siècles à côté de ceux des Volta ,
des Œrsted, des Ampère, des Ârago
et des Faraday. Arrêtons-nous, en
rappelant toutefois que Seebeck ,
dans sa note sur le magnétisme
transversal, avait depuis long-temps
devancé M. Faraday dans sa dis-
tinction tant exallée des substan-
ces magnétiques etdia-magnétiques.
L'illustre physicien de Berlin avait
réellement reconnu que, placées sous
la forme allongée entre les pôles d'un
aimant, les diverses substances sent
diversement influencées. Les unes,
simplement magnétiques, étaient al-
térées et se dirigeaient suivant la li-
gne des piles ; les autres, repoussées,
prenaient une direction transversale;
les troisièmes, enlin, n'étaient ni at-
tirées ni repoussées, elles restaient
indifférentes ou neutres. Nous avons
prouvé surabondamment que See-
beck doit être placé au premier rang
des physiciens qui se sont tiait un
nom célèbre par leurs expériences
et leurs observations ; sous le rap-
port de la théorie il fut beaucoup
moins heureux; il a partagé avec
Gœthe le triste privilège de substi-
tuer des systèmes vagues et incohé-
rents aux idées universellement ad-
mises. Lui aussi voulait que le
rayon de lumière blanche fût simple
et un ; il se refusait à reconnaître que
le magnétisme eiit des rapports inti-
mes avec l'électricité, etc. Il est donc
vrai que l'homme le plus heureuse-
ment pourvu des dons de la nature
Rsl encore incomplet et que la per-
SEE
fection n'est pas dans la condition
humaine. M— n— o.
SEEGER ( Christophe - Denis ,
baron de ) , général wurtembergeois,
naquit en 1740 , à Schockingen , où
son père était pasteur. Ses parents
l'ayant destiné à l'état ecclésiastique,
il fréquenta pendant quatre ans les
écoles de Blaubeuren et Babenhau-
sen ; mais au moment où il devait se
rendre à Tubingen pour y continuer
ses études , il changea de plan et en-
tra comme cornette dans le régiment
des cuirassiers de Phull, nouvelle-
ment organisé. H fit la guerre dans
la même année contre la Prusse, et
se trouva à la malheureuse affaire de
Fulde. Il devint l'année suivante
lieutenant d'un bataillon de grena-
diers, et fit plus tard le service
d'aide-de-camp. On voit par un petit
traitéïqu'il publia en 1762, à Tu-
bingen, De l'influence des arts et des
sciences stir l'art militaire, qu'il ne
négligea point la littérature et tout
ce qui pouvait orner son esprit. Le
duc Charles l'employa dans diffé-
rentes occasions comme inspecteur
des travaux publics, des bâtiments,
etc., et lui conféra, en 176S, le grade
de capitaine. En 1770 , il fut chargé
par ce prince de lui présenter le plan
d'un établissement destiné à l'éduca-
tion des jeunes jardiniers. Ce fut le
premier germe de l'établissement qui
acquit plus tard une si grande ré-
putation sous les noms d'Académie
de Charles , de Maison des orphelins
militaires , de Pépinière militaire ,
et enfin d'Académie militaire. Seeger
en fut nommé l'intendant en 1773,
et dès lors la plus grande partie de
ce qui s'y lit de brillant et d'utile
fut son ouvrage. Lorsque après la
mort du duc Charles rétablissement
fut supprimé, Seeger quitta la car-
rière de l'éducation et rentra au scr •
SEG
vice militaire. Nommé précédemment
par les états de Souabe colonel et
adjudant-général , il reçut, en 1795,
le brevet de major-général des trou-
pes du cercle de Souabe , et quand
les Français entrèrent, en 1799, dans
les bailliages septentrionaux du Wur-
temberg , Seeger marcha contre eux
avec le corps du général de Phull,
et se distingua à Bieligheim et à
Lochgau ; il contribua encore, par
son activité et ses talents , au succès
des combats de Sinzheim et de Wis-
lock. Dans la campagne de 1800, on
lui donna le commandement du con-
tingent wurtembergeois, et ce fut à
la tête de ce corps qu'il soutint plu-
sieurs combats dans la Haute-Souabe,
qu'il empêcha le 18 juin les ennemis
dépasser leDanube près de Dillingen,
et qu'il protégea au-delà de l'Inn la
retraite des Autrichiens. L'empereur
d'Allemagne lui donna alors le titre
de baron. Eti,1805, lorsque le Wur-
temberg s'allia avec la France contre
l'Autriche, Seeger fut nommé lieu-
tenant-général et commandant du
corps destiné à agir sous les ordres
de Napoléon. Depuis, en 1806, il fut
mis à la retraite et mourut à Blaubeu-
ren, le 26 juin 1808. B— h— d.
SEGA ( Philippe ), né à Bolo-
gne, fut promu, en 1578, au siège
épiscopal de Plaisance, et remplit,
sous Grégoire Xlll, les fonctions de
légat en Belgique , en Espagne et en
Portugal. Il exerça, sous Sixte-
Quint, les mêmes fonctions en Alle-
magne , et fut à cette occasion décoré
des ordres impériaux. C'était, dit
l'Estoile , un homme de peu de sa-
voir, mais de beaucoup d'esprit et
de jugement. De retour en Italie, il
publia des ordonnances synodales
pour son diocèse; puis il accompa-
gna en France le cardmal Cajetan
(i)oy. ce nom, VI, 490), légat de
SliG
3S
Sixte -Qumt auprès de la Ligue, et,
lorsque ce légat fut rappelé, Sega
resta à Paris et le remplaça. Il re-
çut, le 20 janvier 1591, du nouveau
pape Grégoire XIV , un bref dans
lequel le pontife rappelait tous les
ettorts que le saint - siège avait
faits pour combattre l'hérésie , et
promettait de nouveaux secours en
argent et en troupes, s'ils étaient
nécessaires pour assurer l'élection
d'un roi catholique , seul parti pro-
pre à pacifier les discordes civiles
auxquelles la France était en proie.
Philippe Sega publia ce bref le 20
février , en l'accompagnant d'une
lettre où il disait que sa lecture con-
firmerait les gens de bien dans leurs
résolutions , réchaufferait les tièdes
et confondrait ceux que leur obsti-
nation ou plutôt un fatal enchante-
ment avait enchaînés à la suite des
hérétiques. Le 15 janvier 1593, au
moment de la réunion des États de
la Ligue, Philippe Sega adressa une
nouvelle exhortation aux catholi-
ques, dans laquelle il reproduisit les
mêmes sentiments avec plus de force
et de développement. Il se présenta
aussi dans cette assemblée et joignit
inutilement ses efforts a ceux de
l'ambassadeur d'Espagne pour faire
décerner par les États la couronne de
France à l'infante Isabelle, nonob-
stant la loi salique. Enfin, il menaça
d'excommunication les ecclésiasti-
ques qui se rendraient à Saint-Denis
pour assister à l'abjuration de Henri
IV, déclarant que ce prince ne pou-
vait être absous que par le pape (Clé-
ment VllI). Malgré la vive et longue
opposition du légat, le roi, lors de
son entrée à Paris , le traita avec
égard ; il lui envoya Duperron ,
évéque d'Évreux, pour lui annoncer
qu'il le recevrait convenablement
s'il jugeait à propos de venir le voir
26
SEG
et que, dans le cas contraire, il
pouvait en tonte sûreté se i otirer où
il voudrait. Sega n'osa point paraî-
tre , et quitta Paris accompagné de
DuperroUjOui veilla à ce qu'il fût
traite' d'une manière conforme à sa
dignité'. Ce prélat mourut à Rome le
29 mai 1596, et fut enterré dans l'é-
glise de Saint-Oiiuphre , qui était
celle de son titre de cardinal, qne lui
avait conféré Innocent IX en 1591.
Jérôme Agiiccio, son neveu, lui fit
élever un tombeau de marbre clans
l'église de Plaisance, sur lequel une
épitaphe latine rappela les emplois
éminenls qu'il avait occupés et les
vertus évangéliques dont il avait
donné l'exemple. B— ée.
SEGAKRA (Jayme), peintre
d'histoire, naquit vers les dernières
années du XV® siècle, dans le
royaume dePortugal. Il était déjà re-
nommé par plusieurs ouvrage* exé-
cutés dans l'ancien style , lorsque la
ville de Reus le chargea, en 1530, de
peindre le maître-autel de l'antique
ermitage de Notre-Dame-de-Be!em,
aujourd'hui de la Miséricorde. Il y
représenta avec un talent remarqua-
ble plusieurs sujets de Vhistoire de la
Vierge. L'ermitage qu'il avait ainsi
décore ayant par la suite été réparé,
on fut obligé d'en enlever les pein-
tures de Segarra ; mais on les plaça
dans un local particulier, où elles
sont conservées avec soin, comme
un monument précieux de l'art à l'é-
poque oii ce peintre vivait. Ce fut
aux Juncosa que l'on confia l'exécu-
tion des peintures qui ont remplacé
celles de Segarra. P— s.
SEGATO (Jérôme), naturaliste
et voyageur, né vers 1792, à Vedana,
près de Bellune , fit ses études dans
cette dernière ville, et montra de
bonne heure un goût prononcé ponr
les sciences naturelles, La chimie.
SEG
la minéralogie et la géologie avaient
surtout pour lui un charme particu-
lier; et, comme sa fortune n'était rien
moins que brillante, il s'imposait
souvent les plus dures privations
afin de pouvoir se procurer quel-
ques instruments et faire des expé-
riences. Le temps qu'il ne donnait
pas à l'étude du cabinet, il le consa-
crait à des excursions dans la vallée
d'Agondo et dans les montagnes du
pays de Feltre , qui , comme on Je
sait, ont un intérêt spécial pour le
géologue, et sont riches en objets
d'histoire naturelle. Segato explora
avec soin cette curieuse contrée , et
il eut bientôt formé un petit musée
avec les coquillages et les minéraux
dont il revenait chargé à chaque
voyage. Mais l'horizon du pays na-
tal lui sembla trop étroit, et la pas-
sion de la science lui fit tourner
ses regards vers l'O rient, vers ces
contrées où la civilisation est morte
aujourd'hui, mais d'où elle nous est
venue, et qui gardent encore une
foule de monuments et de secrets.
Voilà pourquoi les savants de l'Eu-
rope se répandent maintenant de
préférence dans la Syrie et l'Egypte ,
et voilà aussi pourquoi Segato dé-
sirait si vivement les connaître au-
trement que par les relations et les
descriptions des voyageurs. Léger
d'argent , mais plein d'ardeur et de
courage, il se rendit à Venise, bien
décidé à saisir la première occasion
qui s'offrirait à lui de s'embarquer,
n'importe pour quel pays, pourvn
que le vaisseau se dirigeât vers le
Levant. Ce fut avec ces dispositions
qu'il arriva à Venise ; et au bout de
quelques jours il faisait voile vers
Alexandrie. En mai 1820 , il était au
Caire, où il se joignit à l'armée que
le vice-roi envoyait à la conquête du
Sennaar. Parvenu à la seconde cata-
SÊG
SEG
2t
raoîe du Nil , il se jeta dans le grand
désert avec un domestique, deux
chameaux, et n'ayant d'autres pro-
visions que du pain, des dattes et
quelques outres d'eau. Ce fut avec
d'aussi faibles ressources qu'il osa
s'aventurer pendant quatre-vingts
jours dans cette mer de sable , où les
caravanes les plus nombreuses , les
plus aguerries au climat et les mieux
pourvues restent souvent ensevelies
à jamais. Mais ces terribles exemples
n'effrayèrent point Segato, et au lieu
de fuir le danger , il allait au-de-
vant, puisque c'était dans le dan-
ger même qu'il pouvait trouver le
germe de quelque découverte et l'ex-
plication encore inconnue de cer-
tains phénomènes. La trombe ter-
restre lui en fournit l'occasion. Un
jour que ce redoutable phénomène
s'était montré, Segato voulut exami-
ner les traces qu'il avait laissées, et
trouva entre autres une excavation
ou le tourbillon avait découvert des
corps momifiés d'hommes et d'ani-
maux. En examinant attentivement
ces restes, Segato conçut l'idée de la
découverte qu'il réalisa pins tard , et
qui consistait à donner aux parties
animales la solidité de la pierre ,
tout eu en conservant la forme, la
couleur et même le volume. A force
d'essais, le succès dépassa ses espé-
rances , et il put soumettre aux mé-
decins et aux chimistes les plus dis-
tingués de l'Italie des pièces prépa-
rées à tous les degrés, depuis la
flexibilité ordinaire jusqu'à la pétri-
fication la plus complète. Son pro-
cédé agissait sur les corps entiers
comme sur les parties détachées , et
il avait fait. une table composée de
deux cent quatorze pièces prises
dans différentes parties du corps , et
qui présentaient l'aspect d'autant de
morceaux de marbre de différentes
couleurs et nuances. Mais revenons
à l'Egypte. En quittant le désert,
Segato se dirigea vers le Nil, pénétra
dans la pyrami-le d'Abu-Sir, où il
resta pendant six jours, et contracta
une maladie qui faillit le conduire
au tombeau. 11 revint au Caire ma-
lade, brisé, méconnaissable, et ce
ne fut qu'à grand'peine qu'il put
regagner Alexandrie et s'embarquer
pour Livourne. Déjà plein de l'idée
de sa découverte, il crut qu'il trou-
verait plus facilement en Toscane
que dans l'Italie autrichienne les
moyens de la réaliser et de l'ex-
ploiter ', mais , faut-il le dire? ses es-
pérances, sous ce dernier rapport,
furent complètement trompées. On
admira sa découverte , on lui décerna
les plus grands éloges-, des méde-
cins et des chimistes , tels que Tai-
gioni-Tozzetti, Gazzeri, Betti, Za-
netti , constatèrent les résultats ob-
tenus; mais personne n'offrit les
trente mille francs que Segato de-
mandait pour rendre public son pro-
cédé ; si bien que le pauvre inven-
teur fut obligé, pour vivre, de s'a-
donner à la calcographie. Ce fut lui
(pu grava la fameuse carte de l'Afri-
que septentrionale, publiée à Flo-
rence, et celle de la Toscane, du
père Inghirami , qu'il améliora en-
core dans les détails. C'est aussi sous
sa direction que fut publié VAtlas de
la Haute et Basse- Egypte^ illustré
par le professeur Dominique Vale-
riani, d'après les dessins de Denon et
le grand ouvrage de l'expédition
scientifique faite en Egypte eu 1827-
28 par des savants français et tos-
cans sous les auspices de leurs gou-
vernements respectifs. Cet Atlas, ^pu-
blié par livraisons, se compose de 135
planches auxquelles sont joints deux
volumes de texte, Florence, 18o.j-37,
in-folio. Ce fut au milieu de ces tra-
28
SEG
SEG
vaux que la mort le surprit, le 3 fé-
vrier 1836, sans lui laisser le temps
de confier à un ami le secret de sa
découverte. On trouve cependant de
curieux détails sur cet objet dans
l'opuscuJe italien qui a pour ti-
tre : De l'Art de rendre aussi durs
que la pierre et inaltérables les corps
des animaux ; Relation de la décou-
verte de J. Segato^ par M. Joseph
Pellegrini, avocat, Florence, 1835,
in-8°. Plusieurs savants italiens se
sont efforcés de marcher sur les tra-
ces de Segato, et de faire revivre
son procédé avec le petit nombre de
données qu'il avait laissées échapper.
Celui qui semble avoir eu le plus de
succès dans cette tentative est M. Ange
Comi, jeune médecin romain, qui, à
force d'essais et de patience, est par-
venu, il va peu d'années, à pétrifier
des fleurs, des poissons, et même le
corps entier d'une jeune fille. Mais
ces préparations étaient loin d'éga-
ler sous tous les rapports celles de
Segato. A— Y.
SEG AUD ( Pierre - DoiMINique ) ,
né en 1784, à Montluel en Bresse,
vint de bonne heure à Paris, où il
étudia la jurisprudence dans l'insti-
tution nommée Académie de législa-
tion ; puis il se rendit à Lyon et fut
inscrit, en 1806, au nombre des
avocats à la Cour royale de cette
ville. Quoiqu'il écrivît presque tou-
jours ses plaidoyers, il les débitait
avec autant de chaleur et d'énergie
que s'il les eût improvisés. Les fonc-
tions du barreau ne l'empêchaient
pas de cultiver la littérature-, il y
consacrait ses loisirs , et il concou-
rut, en 1807, à la fondation du cercle
littéraire de Lyon. Après la Restau-
ration , il se rangea dans l'opposition
libérale. 11 espérait d'être élu dé-
puté , lorsque la mort le frappa pré
maturément le 27 septembre 1821.
Un discours funèbre , prononcé sur
sa tombe par M. Passet, bâtonnier
de l'ordre des avocats , a été inséré
dans la Gazette universelle de Lyon,
2 octobre 1822, qui contient aussi ,
dans le numéro du 28 septembre,
une Notice sur Segaiid. On a de lui :
1° Des mémoires judiciaires, dont
plusieurs sont imprimés, un entre
autres pour les enfants Basset , sur
les effets civils d'une double biga-
mie, et un pour le président Mi-
chily, sur la restitution des biens
d'un proscrit, en vertu de l'édit ré-
vocatoire de celui de Nantes \ 2° L'A-
cadémie de Lyon en 1809 , précédée
d'une épître à S. A. S. le prince Le-
brun; Lyon, 1810, in-8° (anonyme).
C'est une parodie du compte-rendu
des travaux de cette société. Segaud
a laissé manuscrits : 1" une corné-
die en trois actes et en prose, dans
le goût latin, intitulée Les trois
Sabines] 2° un Voyagea Chantilly
et à Ermenonville; 3° le Temple de
la nature, imité du Temple de
Gnide de Montesquieu ; i" des Con-
sidérations sur l'état actuel du
commerce de Lyon:, en réponse aux
assertions émises à la tribune par
M. Pavy, député du Rhône, sur la
dégénération de l'industrie en France
depuis la Révolution. Segaud s'occu-
pait aussi d'un ouvrage Sur le prêt
à intérêt. P— rt.
SEGOVIA (Jean de) , peintre de
marines, né dans les premières années
du XVll^ siècle, se rendit à Madrid
vers 1650. Il déploya un rare talent
artistique, et ses ouvrages se firent
distinguer par une facilité prodigieu-
se, et surtout par leur élégance. Peu
de peintres ont porté k un degré aussi
éminent la fidélité à rendre tout ce
qui tient à la forme des vaisseaux et
de leurs agrès ; mais le dessin de ses
figures est loin de n-pondre aux au-
SÈG
SÎ^G
S9
très parties de «es ouvrages et à sa
couleur, qui est belle et vigoureuse.
Les amateurs espagnols font le plus
grand cas des charmants ouvrages
de ce peintre. P — s.
SÉGUENOT (Claude), oratorien
fameux , qui a largement contribué
à nourrir et justifier les préventions
contrela congrégation à laquelle il ap-
partenait, était fils de Jean Séguenot,
conseiller du roi aux bailliage, chan-
cellerie et prévôté d'Avallon , en Bour-
gogne, et naquit dans cette ville le 6
(Papillon met le 7) du mois de mai
1596. Après avoir fait ses études de
théologie en Sorbonne , il fréquenta
le barreau k Dijon et à Paris, où il
plaida quelques causes. Il fut ensuite
pourvu d'une charge de judicature
qu'il abandonna pour entrer, en
1624 , dans la congrégation de l'O-
ratoire, qui ne comptait encore que
treize ans d'existence. Dans ce nou-
veau régime, Séguenot s'appliqua
d'une manière particulière à l'étude
des œuvres de saint Augustin, et se lia
dès ce temps-là avec l'abbé de Saint-
Cyran, que la congrégation naissante
avait encouragé dans ses projets de
travaux sur saint Augustin; circon-
stance ignorée du plus grand nombre
et que nous tenons à faire connaître.
Séguenot fut un des douze pères qui
accompagnèreni Bérulle en Angle-
terre, à la suite de la reine Henriette,
sœur de Louis XIH, épouse de Char-
les ^^ De retour à Paris en 1626, il fut,
cette année-là , ordonné prêtre par
Jean-François de Gondi , évêque de
Paris, et dès l'âge de 33 ans il fut, en
1629, nommé supérieur de la maison
de Nancy, puis successivement des
maisons de Dijon, de Rouen et de Sau-
mur. Cependant, d'après le Gallia
Christiana, t. XII, il aurait vécu
quelque temps hors de sa congréga-
tion , sans l'abandonner. Claude
Le Mnet , doyen de la cathédrale
d'Auxerre , ayant été nommé doyen
de Vézelay , eut pour successeur le
P. Séguenot, qui résigna en faveur
d'Edmond d'Amyot, de Sens, qui
prit possession en 1632. Peut-être,
d'ailIeurs,Séguenotnerésida-t-ilpas.
Il n'avait, dit-on, aucun goût pour la
théologie scolastique, partageant tou-
tes les préventions semi- prolestan-
tes et janséniennes qu'on a mani-
festées contre elle depuis deux siè-
cles. Il aurait voulu qu'on trouvât
moyen de rendre saint Augustin fa-
milier, et que chacun eût été excité
à étudier les ouvrages de ce père;
chose excellente, pourvu qu'on y
apporte les dispositions nécessaires.
Ce fut ce goût qui le lia intimement
avec l'abbé Duvergier de Hauranue
(Saint-Cyran) , Arnauld et presque
tous les amis de l'un et de l'autre.
Cette liaison, qui ne contrariait pas
vraisemblablement les opinions de
l'Oratoire , l'égara et troubla son re-
pos pendant quelques années. Ayant
fait , en 1638 , une traduction fran-
çaise du livre de la Virginité^ par
saint Augustin, avec d'amples notes
théologiques, il vit s'élever contre
son ouvrage les religieux et tous les
catholiques , scandalisés des senti-
ments étranges et nouveaux qu'il y
établissait. Le P. Séguenot était pour
lors supérieur de la maison de N.-D.
des Ardilliers, àSaumur, où la troi-
sième assemblée générale de l'Ora-
toire, à laquelle il était député, se
réunit cette année-là, et s'ouvrit le 6
mai. Dès le lendemain, le cardinal de
Richelieu, qui montrait des disposi-
tions énergiques pour prévenir les
troubles arrivés au siècle précédent
en Allemagne et étouffer l'hérésie
naissante, fit enlever le P. Séguenot,
le fit constituer prisonnier au châ-
teau de Saumur, d'où, le 24 du même
30
SEG
mois, il fut transféré à la Bastille. On
conçoit la sensation que cet enlève-
ment dut produire sur l'assemblée.
Elle était présidée par l'excellent P.
de Condren, qui, sachant qu'on ré-
pandait déjà des bruits sur les maxi-
mes et la doctrine de la congréga-
tion, parla, à l'ouverture d'une
séance , sur les vœux de l'état reli-
gieux avec une grande vénération.
Ce pieux général crut devoir y ajou-
ter une déclaration fidèle des senti-
ments de l'Oratoire, pour servira
ses membres et de règle au dedans ,
ei d'apologie au dehors. L'assem-
blée parut entrer dans ses vues, et
.ijouta il son discours qu'elle sou-
mettait sa doctrine aux évoques et
même aux docteurs , particulière-
ment de la faculté de Paris. Cela
avait rapport à l'examen que faisait
cette faculté du livre du P. Ségue-
not, examen commencé le 3 mars de
cette année 1638. La censure de la
Sorbonne, contre ce livre déjà oublié,
parut au prima mensis de juin. Le
P. de Condren fit faire, en dat.edu
13 juin, une nouvelle déclaration des
PP.de la maison de Saint-Honoré,
en opposition aux sentiments de Sé-
guenot ; elle est rédigée en latin. Il
est fort douteux que la congrégation
ait agi dans ces manifestations avec
autant de droiture que le R. P. gé-
néral. La suite prouvera qu'elle n'a-
vait pas grande animosité contre les
doctrines de Séguenot. Celui-ci, qui
craignait de rester à la Bastille jus-
qu'à la mort de Richelieu, donna
lui-même une rétractation de son li-
vre, fort humble dans les termes,
mais au fond très-péu sincère. Cette
condescendance, au reste, ne servit
à rien, et, jusqu'à la mort de Riche-
lieu, il resta à la Bastille. La Vie du
P. Joseph , par l'abbé Richard , at-
tribue à la vengeance du capucin les
SEG
vexations éprouvées par ' Séguenot ;
on sait à quoi s'en tenir sur les as-
sertions de Richard. La véritable
cause des disgrâces de l'oratorien se
trouve dans ses propositions erro-
nées et dans sa liaison avec Saint-
Cyran. Le Dictionnaire de Moréri ,
qui recule au 18 et au 23 juin les dé-
bats de la faculté de théologie sur
cette allai re et l'apparition de sa
censure au 1*^'' juillet, nous paraît
dans l'erreur. Richelieu étant mort
en 1642, Séguenot sortit de la Bas-
tille et rentra dans la congrégation
de l'Oratoire sans flétrissure : ce sont
les termes de Richard Simon. 11 avait,
dit celui-ci , plusieurs petits oiseaux
dans sa chambre quand on vint lui
annoncer sa mise en liberté ; il est
juste, dit-il, delà donner aussi à
ceux qui m'ont fait une si agréable
compagnie dans ma solitude. En
même temps il ouvrit leur volière, et
ces oiseaux allèrent se réjouir dans
les airs de la liberté de leur maître.
Les annales manuscrites de l'Oratoi-
re, écrites dans un tel esprit que nous
nous croyons fondé à les attribuer
à Adry , quoiqu'il les cite comme
n'étant pas de lui, disent que Riche-
lieu ayant demandé au P. de Con-
dren d'exclure Séguenot de l'Ora-
toire , le P. de Condren s'y refusa
absolument et répondit avec généro-
sité qu'on n'avait qu'à le punir lui-
même si on le croyait coupable, mais
qu'il ne pouvait condamner un sujet
de l'innocence duquel il était per-
suadé. Séguenot trouva dans la plu-
part de ses confrères de bonnes dis-
positions pour lui. En 1661 , dans
l'état d'impuissance où les infirmités
réduisaient le P. Bourgoing, zélé à
combattre le jansénisme dans sa
congrégation, l'assemblée générale,
pour la faire jouir déplus de latitude,
en contre-balançant un zèle qui ne
SEG
SEG
31
lui convenait guère , choisit trois as-
sistants d'opinions opposées à celle
du supérieur, et l'un des trois fut le
P. Séguenot. La joie que causa aux
amis des idées nouvelles un choix de
cette sorte fut de peu de durée. En
1662, sur une dénonciation de jan-
sénisme suscitée, dit une relation de
Pontchâteau , par ie P. Amelotte (ce
qui lui faisait honneur), trois lettres
(le cachet furent accordées, à la prière
du légat, pour exiler deux visiteurs
et un assistant, le P. Segiienot, qui
fut envoyé à Boulogne (1). Les exilés
ne revinrent, quelque temps après,
1663, que sur le vu d'une déclaration
qu'ils avaient signée. Séguenot avait
déjà signé le formulaire en 1658. Il
était, ainsi que les deux visiteurs,
élargi à la condition qu'il n'aurait
voix ni active ni passive. Cette dé-
fense fut révoquée; à l'assemblée de
1668, il fut fait assistant, et conti-
nué dans la même charge à, l'assem-
blée suivante. Les annales manus-
crites de l'Oratoire veulent que son
esprit ait été droit, noble, élevé ;
elles ajoutent qu'il saisissait d'abord
le vrai et cherchait en tout le solide.
Le P. Séguenot fut supérieur de la
maison de Saint-Honoré depuis 1667
jusqu'en 1673, après l'avoir été suc-
cessivement des maisons de Dijon ,
Nancy, Rouen et Saumur, où il fut
arrêté. Depuis sa sortie de la Bas-
(i) L'abbé deRaiicé, qui faisait alors une
retraite à Vinsdtution de l'Oratoire, donua,
par un procédé peu excusable, un témoi-
gniige écrit, favorable à la doctrine des PP.
compromis. Nous rappellerons à ce propos
un fait peu connu. C'est a Tours et sous la
direction du P. Séguenot que l'abbé de
Rancéfit sa retraite spirituelle à l'époque de
sa conversion. Or, à cette époque, les senti-
ments du P. Séguenot étaient bien connus,
et son influence était si redoutée que le pieux
Olivier, fondateur de Saint-Sulpice, avait
employé son zèle pour empêcher le retour
du fameux oratorien k Paris,
tille , il gouverna les maisons de La
Rochelle, de Clermont, de Rouen
(pour la deuxième fois), et de Troyes.
Attaqué d'une fluxion de poitrine, il
souffrit ses maux avec une grande
tranquillité, et succomba le 11 mai
1676, et non le 7 mars, comme le
dit le Dictionnaire deMoréri. Le P.
Séguenot avait composé plusieurs
ouvrages : L Conduite de l'Oraison
pour les dmea qui n'y ont pas de
facilité^ Paris, 1633, in-12; Lyon,
1634; Paris, 1635; nouvelle édition
en 1674 , donnée et augmentée par
le P. Quesnel. On prétend, disent
Dupin et Richard Simon, que Sé-
guenot copia le P. de Condren, en y
mêlant beaucoup de choses de sa
composition pour ne pas paraître
plagiaire. H. Traité de la sainte
Virginilé., discours prononcé par
saint Augustin , avec quelques re-
marques pour la clarté de sa doc-
trine , Paris, 1638, in-S» de 201
pages pour la traduction , et de 192
pour les notes. C'est cet ouvrage qui
a causé les premiers désagréments
au P. Séguenot. « Le livre fut sup-
primé , et la seule raison qu'on en
donna fut que les notes n'avaient été
vues avant l'impression par aucun
père de l'Oratoire. En effet , il n'est
fait mention d'aucune approhatimi,
et l'on n'y trouve qu'un simple pri-
vilège du roi. L'auteur avait fait
passer ses notes , ajoute R. Simon,
sous la simple permission de traduire
le traité de saint Augustin de la Vir-
ginité, et de faire imprimer cette
traduction. Il dit que les proposi-
tions contenues en ces remarques,
etqui furent communément blâuiées,
n'avaient jamais été avancées ni en-
tendues auparavant dans la congré-
gation de l'Oratoire. » Ainsi s'ex-
prime le P. Adry dans son manuscrit.
La véritable cause des disgrâces du
32
SEC
livre et de Taiiteur fut celle que nous
avons indiquée dans cet article. Au
sortir de la Basiille, Séguennt entre-
prit dedéfentlre son ouvrage contre
la censure de la faculté (du 1" juin
1638) , mais sa défense n'a point été
imprimée. On a depuis long-temps
montré que c'était à tort que plusieurs
écrivains avaient fait l'abbé de Saint-
Cyran auteur des notes qui accom-
pagnent la traduction du livre de la
sainte Virginité. III. Pratique de
vertu et de dévotion pour les âmes
qui ont à. vivre dans Ze monde, Paris,
vol. in-12 de 209 pages. IV. Remar-
que de Claude Séguenot sur le livre
de saint Augustin , de la Virginité,
Paris, 1638, in-8°. V. Élévations à
J.-C. notre sauveur au très-Saint-
Sacrement , contenant divers usages
de grâces sur ses perfections divines.
Il était dressé par articles et sous les
mêmes titres que le Chapelet secret
du Saint-Sacrement ^ donné sous le
nom de la mère Agnès de Saint-
Paul-Arnauld. Séguenot a laissé plu-
sieurs ouvrages manuscrits : I. Une
traduction latine des Grandeurs, etc. :
Magnalia Domini Jesu , autore
Card. Beralli, a pâtre Seg^ienot pa-
tine conversa. \[. Un traité particulier
de la contrition pour servir d'apolo-
gie.à ses notes (c'est peut-être la dé-
fense mentionnée ci-dessus). M. de
Neercassel , évêque de Castorie, en a
employé presque tous les passages
dans son Amorpœnitens^ ouvragejan-
séniste. Ant. Arnauld parle de cet
ouvrage du P. Séguenot dans la let-
tre 56®, tome VIM du Recueil de ses
lettres. Un autre Séguenot, neveu de
l'auteur, possédait en manuscrit une
Retraite de dix jours et d'autres ou-
vrages du P. Séguenot. Le mannscrit
àes Magnalia DominiJesu se conser-
vait dans la bibliothèque de l'Oratoire
St-Honoré. On peut consulter sur le
SEG
P. Séguenot et le bruit que causa son
livre la Bibliothèque critique, de
Richard Simon , les Mémoires pour
servir à Vhistoire ecclésiastique, du
P. d'Avrigny, etc. B— d — e.
SÉGITIER (Abmand-Louis -Mau-
rice, baron), fils puîné d'Antoine-
Louis Séguier, avocat - général au
parlement de Paris (voy. Séguier,
XLI, 465), naquit à Paris le 3 mars
1770. Reçu aux pages delà grande
écurie du roi le 24 mars 1783, il en-
tra en 1787 dans les dragons de Lor-
raine. Ayant émigré avec sa famille,
il servit dans l'armée de Coudé jus-
qu'à sa dissolution; il fut même choisi
pour accompagner le prétendant jus-
qu'au lieu de sa retraite. Rentré en
France, il fut nommé, en 1802, chef
de comptoir à Patna, sur le Gange.
Il se rendait à cette lointaine desti-
natiou lors de la rupture de la paix
d'Amiens, et fatigué de la longueur
du voyage il était descendu à Pondi-
chéry, pour prendre quelque repos,
quand il apprit à son réveil que, la
nouvelle de la reprise des hostilités
étant arrivée durant la nuit, l'esca-
dre aA'ait en même temps reçu Tor-
dre de quitter les mers des Indes et
d'appareiller. Ainsi Maurice Séguier,
jeté à 6,000 lieues de sa patrie, se
vit prisonnier des Anglais. Ramené
lentement en Europe, il ne fut échan-
gé que long -temps après. Il fut
nommé en 1806 consul à Trieste ,
puis aux îles lonniennes en 1814,
enfin consul -général à Londres en
1816. Dans ce dernier poste et sous
sa direction, les fonctions consulai-
res prirent une importance qu'elles
n'avaient pas obtenue jusqu'alors.
Pendant l'ambassade du comte d'Os-
mont, la correspondance de la léga-
tion ayant éprouvé des retards, et
peut-être même quelque insuffisance,
le baron Maurice y suppléa avec une
grande distinction, et il adressa au
ministre des affaires étrangères des
mémoires aussi étendus qu'appro-
fondis qui, sortant de la sphère des
intérêts commerciaux, traitaient de
la situation intérieure de l'Angleterre
et de questions politiques devenues
si importantes entre deux nations,
dont l'influence peut entraîner la
paix ou la guerre européenne. Le
consul - général apportait d'autant
plus de soins dans sa correspondance
qu'il savait qu'elle devait cire mise
sous les yeux du roi Louis XVlil,
qui la lisait avec intérêt. Ce fut à
l'aide des observations recueillies par
le baron Séguier que le comte d'Hau-
terive composa un mémoire remar-
quable, trouvé après sa mort dans
ses papiers, et analysé dans l'ou-
vrage que notre honoré confrère et
ami M. le chevalier Artaud de Mon-
tor lui a consacré (t). L'auteur y
rend une entière justice au consul-
général, reconnaissant tout ce qu'il
doit à ses veilles. Les travaux (jne
Séguier s'était imposés étaient im-
menses, et d'autant plus pénibles
que personne n'en partageait le poids
avec lui. Il écrivait lui-même, sans
employer de secrétaire, el souvent
avec des encres de couleurs diftéren-
les, afin que d'un seul coup d'oeil on
pût en saisir les résultats. On nous a
même assuré qu'atin que le caractère
de l'écriture du consul demeurât tou-
jours le même, Mordan, habile ingé-
nieur anglais, avait inventé la plume
sans (in, à bec de rubis, que n'é-
mousse pas l'usage le plus prolongé.
Ce fut aussi pour lui que le célèbre
ingénieur Brunel perfectionna la
presse à copier, imaginée par Watt,
(l) Histoire de la vie et des travaux poli-
tiques du comte d^Hauterive, Paris, tSBq, in-
8», p. 452.
LXXXH.
SFG 1^3
l'auteur du c<)]ideii^<^iir séparé de là
machine à vapeur. Des travaux aussi
opiniâtres avaient altéré la sanlé du
baron; il s'affaiblissait visiblement,
et il tomba dans un état de langueur
qui ne tarda pas à donner les plus gra-
ves inquiétudes. M. Armand Séguier,
son neveu, membre de la Cour royale
et de l'Académie des sciences, de qui
nous tenons plusieurs de ces détails,
se rendit h Londres, et il ramena son
oncle il Paris, oij, rempli des senti-
ments les pliais religieux, il est mort
le 14 mai 1831, dans les bras de
M. et madame Séguier, de son neveu
et de madame la baronne de Bran-
dois, sa nièce. Transportés à Haute-
feuille, ses restes ont été inhumés à
Malicorne, paroisse de la terre de
M. le premier président Séguier, qui
lui a fait élever un monument sur
lequel l'épitaphe suivante est gravée :
ARMAND-LOUIS MAURICE
SÉGUIER,
PAGE DU ROI, 0FFIC1I.R SUPÉRIEUR
DE CAVALERIE,
CONSUL-GÉNÉRAL DE FRANCK
DANS l'inDE, EN ILLVRIE ,
EN ANGLETERRE,
ÉCRIVAIN FAVORI DE THALIE,
CHANTRE GRACIEUX DE LA BIODE,
OBSERVATEUR PROFOND
DES INTÉRÊTS ET DES DROITS
DES NATIONS ,
MORT A PARIS LE H MAI 1831,
ÂGÉ DE 01 ANS 2 MOIS 11 JOURS,
REPOSE ICI,
PAR LES SOINS PIEUX
DE CELUI QUI AURAIT DU LE PRÉCÉDER
ET QUI CONSACRE UN REGRET DURABLE
A SON FRICRE.
On lit au revers de la pierre tom-
bale ces touchantes paroles, extraites
du testament du baron Maurice :
<< O mon Dieu I qui m'as créé, je me con-
« fie en ta Ijonté paternelle, ne vois à ma
34 SEG
« deroière heote que ma faiblesse , inota
a ignorance et mes bonnes intentions ! Je lue
« prosterne devant toi et j'implore ta misé-
•■ ricqrde ! »
Le baron Maurice était chevalier
de Saint -Louis et de la Légion -
d'Honneur. II avait cultivé les lettres
avec succès, et il a donné au théâtre
du Vaudeville divers petits ouvrages
qui furent goûtés : I" Le Maréchal
ferrant de la ville d'Anvers, Paris,
au Vil, in-8°. '2" La Girouette de
5aMi<-CioHrf,fn prose, en société avec
Barré , P.adt'i , Desfontaines , Bour-
gucil et Diipaty , Paris , an VU! ,
in -80. 3° L'Entrevue et le Rendez-
vous, Paris, an Vlll. i " Les Hasards
de la guerre, coméiiie en un acte,
Paris, madame Mas^on, 1802, in-8».
5" L'un pour l'autre, comédie en un
acte, avec Thésigny, Paris, madame
Masson, 1802. 6" La Parisienne à
Madrid, en un acte, Paris, Léopoid
Collin, 1805, in-8°. 7" Le lendemain
de la Pièce tombée, en un acte, avec
Dupaty et Dubois, Paris, Barba, 1805.
8' Isaure , ou l'Inconstance dans
V embarras, en un acte, Paris, ma-
dame Masson, 1806, in-8°. 9° Lava-
ter, en un acte, Paris, Pages, 1809,
in-S". Maurice Séguier a encore don-
né avec Dupaty les Otages, le procès
de Scudéry et le S luvage de VA-
veyron, que nous ne pouvons indi-
quer avec plus de précision, n'en
ayant pas d'exemplaires sous les
yeux. L'œuvre littéraire du baron
Maurice Ségnier qui est surtout des-
tinée à lui survivre est le poème
intitulé la Naissance de la Mode,
Paris, Firmin Didot, 1819, in~8°. Ce
petit poème, écrit en vers de dix syl-
labes,place son auteur sur le P.irnasse
français au-dessus de Senecéet non
loin deGresset -, la versification en est
brillante et facile. La Mode, cette
reine du monde élégant , née des
SEG
amours de Vénus et de Protée, em-
pruntant à l'une et aux Grâces qui
l'accompagnent le charme qui séduit,
et à Protée cette variété fantastique
qui change, se renouvelle et n'est
jamais la même. L'unique édition de
cet ouvrage, tirée à petit nombre,
est si rare, que l'on croit faire plai-
sir aux lecteurs en en citant quel-
ques vers dans lesquels le poète a
décrit le palais mobile de la déesse à
qui chacim de son côté obéit plus ou
moins.
Entre la teiTt' et i.i voûte étliérée
Près de cette île, où luaintenant Paris
S'offre aux regards de l'étranger surpris,
Est uu palais de forme si légère
Qu'il se soutient porté sur l'atiuosphère.
Ses tnurs d'appui sout un simple réseau,
Tissu fragile, épiiémère édifice
Qu'à chaque iustant reconstruit le Caprice;
C'est tous les jours uu bâtiment nouveau, ,.
Tel est le lieu que la brillante Mode
Dès sa naissance a choisi pour sa cour.
L'Invention, son ministre «ommode ,
A ses côtés s'assit le premier jour.
Et l'Inconstance est su d.ime d'atour.
Mille ouvriers, vieux enfants du Caprice,
Y font revoir maint ouvrage fini,
Qui semble neuf et n'est que rajeuni.
Chaque pays a là sou intendance,
Ses pourvoyeurs, ses fournisseurs exprès ;
Le Goût préside à nos envois de Frame,
C'est l'art tout seul que consulte l'Anglaiâ;
L'ordre et le soin servent le Hollandais;
L'antique usage est chargé de l'Espagne,
Et les rebuts, les ouvrages mal faits.
Tous les six mois partent pour l'Allemagne.
Ces jolis vers ne perdront rien à
être rapprochés de ceux de Delille,
sur nn sujet qui se confond presque
avec l'objet des chants de Maurice
Séguier, et la Biographie universelle
nous pardonnera ces citaiions, quoi-
qu'elles sortent uu peu de sa ligne.
La Nouveauté paraît, et son brillant ]>inceau
Vient du vieil univers rajeunir le tableau...
La baguette à la main, voyez-la dans Paris,
Arbitre des succès, des mœurs et des écrits.
Exercer son empire élégamment futile;
Et tandis qu'oubliant leur rudesse indocile.
Les métaux I es pi us durs,racier,ror et l'argent
Sous mille aspect* divers suivent son goût
[changeant^
SEG
Et la gaze et le Ho, plas fragile merveille,
DédaigDenxaojonrd'huiUes formes delaveille.
Inconstants comme l'air et comme lui légers,
Vont mêler notre luxe aux luxes étrangers,
Ainsi, de la parure aimable souveraine,
Par la Mode, du moins, la France est encor
[ reine.
Et, jusqu'au fond du Nord portant nos goûts
[divers,
Le mannequin despote asservit l'univers (2).
Nous n'hésitons pas à placer la
Naissance de la Mode au rang des
modèles du genre gracieux, décent
et badin •, cet hommage lui a déjà été
rendu par MM. Noël et Delaplace,
qui en ont inséré des fragments dans
leurs Leçons de littérature fran-
çaise (3). Il serait à désirer qu'une
édition nouvelle de cet opuscule
permît aux amateurs de notre litté-
rature de se le procurer. M— É.
SÉGUIEil DE Saint-Brisson , écri-
vain moraliste du XVIII* siècle, des-
cendait de Nicolas Séguier , frère de
Pierre Séguier I", seigneur de Saint-
Cyr et de Saint- Brisson. Destiné par
sa famille à l'état militaire, il devint
capitaine au régiment de Limousin.
11 mit à profit les loisirs qu'une lon-
gue paix et le désœuvrement des
garnisons lui laissèrent pour se li-
vrer à l'étude des philosophes an-
ciens et modernes. Il se passionna
surtout pour les doctrines de J.-J.
Rousseau, et voulut même les mettre
en pratique en quittant le service
pour apprendre l'état de menuisier.
« Il avait un frère aîné, capitaine
" dans le même régiment, pour le-
« quel était toute la prédilection de
' sa mère qui, dévote outrée et diri-
« gée par je ne sais quel abbé tartufe,
« en usait très-mal avec Je cadet
« qu'elle accusait d'irréligion et mê-
« me du crime irrémissible d'avoir
(2) Delille, Imagination, chant III.
(3) Leçons de littérature de Noé'l et Dela-
place, iS" édit.,Paris, 1826, t. II, p. 342.
SEG
35
« des liaisons avec moi. Voilà les
« griefs sur lesquels il voulut rom-
« pre avec sa mère et prendre le
« parti dont je viens de parler, le
« tout pour faire le petit Emile.
« Alarmé de cette pétulance, je mé-
» ditai de lui écrire pour le faire
« changer de résolution, et je mis à
« mes exhortations toute la force
« dont j'étais capable. Elles furent
« écoutées ; il rentra dans son de-
" voir vis-à-vis de sa mère, et il re-
« tira des mains de son colonel sa
• démission qu'il lui avait donnée...
« Saint-Brisson, revenu de ses folies,
' en fit une un peu moins choquante,
« mais qui n'était guère plus de mon
" goût ; ce fut de se faire auteur. Il
« donna coup sur coup deux ou trois
« brochures qui n'annonçaient pas
« un homme sans talents, mais sur
« lesquelles je n'aurai pas à me re-
« procher de lui avoir donné des
« éloges bien encourageants, pour
« poursuivre cette carrière. » C'est
ainsi que J.-J. Rousseau lui-même
rend compte de ses liaisons avec Sé-
guier de Saint-Brisson. On peut con-
sulter pour plus de détails le livre
douzième de ses Confessions, et sur-
tout la lettre si remarquable qu'il
écrivit à son disciple, le 22 juillet
1766, et dans laquelle il semble qu'il
se soit attaché à déaienlir par des
conseils fort judicieux l'interpréta-
tion exagérée que l'on pouvait don-
ner à des principes émis dans plu-
sieurs de ses ouvrages. « Si vous
« croyez avoir suivi mes principes,
« vous vous trompez. A quoi bon
« aller effaroucher la conscience
«c tranquille d'une mère, en lui mon-
« trant, sans nécessité, des senti-
0 jnents différents des siens ? Votre
- brouillerie avec elle me navre.
« J'avais dans mes malheurs la
« consolation de croire que mes
16
SRO
• écrits u*' pouvaient faire que du
» bien. Voulez-vous m'ôter encore
« cette consolation? Je sais que, s'ils
• font du mal , ce n'est que faute
« d'être entendus ^ mais j'ai toujours
' le regret de n'avoir pu me faire
« entendre (1). » Séguier de Saint-
Brisson , à la fois philosophe et
homme du monde, avait peine à
concilier les devoirs que ce double
litre lui imposait. Il faut reconnaître
à sa louange que, malgré une cer-
taine effervescence d'esprit et de ca-
ractère, il ne s'abandonna jamais k
toute la fougue de ses passions. Lui-
même nousapprend (2) qu'il conserva
la même maîtresse pendant cinq an-
nées, ce qui, pour un officier fran-
çais, devait paraître à cette époque
tout-à-fait exemplaire.' Il contracta
plus tard une union plus sérieuse, de
laquelle est issu M. Séguier de Saint-
Brisson, aujourd'hui académicien li-
bre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres et savant helléniste.
Mais il ne jouit pas long-temps des
douceurs de la vie conjugale, ayant
cessé de vivre en 1773. On doit à sa
plume peu exercée, quoique facile, les
ouvrages suivants : 1. Ariste, ou les
Charmes de l'honnêteté, Paris, Panc-
koucke, 1705, in-8°. C'est une es-
pèce de roman pastoral, en prose
poétique, comme on le disait alors,
mais dont le défaut principal est de
manquer d'intérêt. « J'ai communi-
« que cet ouvrage, dit l'auteur, à
« l'illustre J.-J. Rousseau , et il ne
« l'a pas jugé indigne des gens de
• bien. » Rémoud de Saint-Albine ,
approbateur du livre , pense que
la vertu y est présentée sous les
{i) Œuvres de J,-J. Rousseau, éditibl^
donnée par Musset Patbay, t. XX, pages
178-181.
(a) Préface d'Aristt, ou les Charmes d(
l'honnêteté, yuan xxvi.
SEG
couleurs les plus propres à la rendre
aimable. Mais Grimm , dans sa Cor-
respondance littéraire ( tome IV ,
p. 477, édit. de 1829), traite l'ouvrage
et l'auteur avec un mépris qu'ils
ne méritaient ni l'un ni l'autre (3).
II. Philopénès , ou le Régime des
pauvres, 1764, in-12. 111. Lettre à
Philopénès, ou Réflexions sur le
régime des pauvres, 1764, in-12. IV.
Traité des droits du gènie^ dans le-
quel on examine si la connaissance
de la vérité est avantageuse aux
hommes et aux philosophes , Carls-
ruhe, 1769, in-8». L— M— x.
SÉGUIER (Guillaume), domini-
cain. Voy. Thomas de Cantimpré,
XLV, 450, note 1.
SÉGL'IIV ( Philippe- Charles -
François), évêque du département
du Doubs et conventionnel, naquit à
Besançon en 1741. Disgracié de la
nature et d'une taille peu avanta-
geuse (ii était petit et bossu), peut-
être entra-t-il sans vocation dans
une carrière pour laquelle il ne sem-
blait point né. Parvenu au sacer-
doce, il fut nommé chanoine de la
cathédrale de sa ville natale. Ayant
embrassé avec ardeur le parti de la
révolution, il prêta serment à la con-
stitution civile du clergé, décrétée
par l'Assemblée nationale, et fut sa-
cré évêque métropolitain le 27 mars
1791, puis nommé député à la Con-
vention nationale (1792), où seu! de
sa députalion il eut le courage, dans
le procès de Louis XVI, de voler
pour la détention, le bannissement à
la paix, l'appel au peuple et le sur-
sis à l'exécution. • Obligé, dit-il, le
« 16 janvier 1793, de répondre à la
« question : Quelle est la peine que
(3) L'aoDOtateur de Grimm s'est trompé
eu avaDçant que Séguier de Saiut-Brissoa
n'était pas de la famille du fliancelier
SEG
s Louis doit subir, je réponds d'a-
« bord que je ne partage point l'o-
« pinion de ceux qui croient devoir
" le condamner à la mort. Je sais que
• c'est la peine prononcée par la loi
« contre les conspirateurs, et que de
a bien moins coupables que Louis y
" ont été condamnés 5 mais cette loi
« est-elle applicable à Louis, et de-
« vons-nous ici, pouvg^s-nous même
« prononcer comme juges? Je ne le
« pense pas. ■> Par une exception
plus rare encore , Séguin accompa-
gna son vote d'une opinion extrême-
ment courageuse. « Si vous condam-
« nez Louis à la mort, dit-il, ma
» crainte est que, loin de servir la
« nation trançaise par ce grand acte
« de vengeance, vous ne serviez au
<( contraire contre elle tous les des-
« potes de l'Europe, en leur donnant
« un nouveau prétexte de s'armer
« d'une manière plus terrible contre
« notre liberté... Cette crainte peut-
« elle ne pas être fondée quand nous
a nous voyons environnés d'hommes
o achetés pour influencer, par leurs
« menaces surtout , le jugement à
« porter sur le ci-devant roi? » Ces
dernières paroles méritent d'autant
plus d'être recueillies par l'histoire
que Séguin fut le seul qui osa s'ex-
primer ainsi, et qu'elles révèlent bien
l'état d'oppression, les menaces qui
dans ce mémorable procès influen-
cèrent la Convention nationale. Dans
la suite de la session conventionnelle
Séguin fut loin de soutenir ce noble
caractère. Le fameux évêque Gobel
étant venu, le 7 novembre 1793, à la
barre, accompagné de treize de ses
vicaires , pour y faire abjuration ,
Séguin monta le lendemain à la tri-
bune pour y déclarer qu'il n'avait
accepté les fonctions épiscopales qu'a-
vec répugnance , qu'il ne voulait
plus prêcher que la morale, l'amour
SEG
37
de la liberté et la soumission aux
lois. Il est bien permis de croire que
d«ns cette circonstance il céda beau-
coup plus à la peur qu'à la convic-
tion. Pendant tout le reste de la ses-
sion il garda le silence, et n'ayant
pas été favorisé par le sort pour faire
partie des conseils en 1795, il ren-
tra dans l'obscurité. En 1797 il re-
nonça publiquement encore une fois
aux fonctions épiscopales, pour le
bien de la paix^ dit-il, et pour céder
à la nécessité. Il eut pour successeur
sur le siège épiscopal de Besançon
l'abbé Demandre, prêtre assermenté
et constitutionnel {voy. Demandriï,
LXII, 305). Ayant abjuré les fonctions
ecclésiastiques, il n'eut point à don-
ner la démission qui fut demandée à
tous les évêques, lors du concordat,
en 1802, et il mourut peu de temps
après. B— D — e.
SEGUIN (Armand), célèbre four-
nisseur de la république, fut un de
ceux qui gagnèrent le plus d'argent
dans ce facile métier. Né vers 1765
à Paris, où son père était inten-
dant-trésorier du duc d'Orléans (1),
il se livra de bonne heure à l'étude
des sciences naturelles, se lia avec
plusieurs savants , surtout avec
ceux qui embrassèrent le plus chau-
dement la cause de la révolution,
entre autres Fourcroy et Berthol-
(i) On raconte que ce prince ayant ap-
pris que son trésorier, qui avait toujours à
sa disposition de très-fortes sommes, en
abusait, et qu'il avait fait de grandes pertes
au jeu, le prévint un jour que le lendemain
il voulait vérifier sa caisse. Comme cette
caisse présentait réellement alors un grand
déficit, Séguin, dans l'embarras où le jeta
cet ordre imprévu, courut à la liâte chez
ses amis et parvint à se inetlie au niveau,
de manière que le prim e trouva tout en
règle et que le caissier se crut sauvéj mais le
rusé duc, qui avait ainsi donné du temps
pour ne rien pcrdic, giiida la clef de son
trésor quand il fut bien a'ïsuré qu'il u'-v
ajauquiiit jien, et Séguin tut remercié.
38
SEG
SEG
let. L'excessive consomnialion de
souliers que les arme'es françai-
ses firent dans les années 1793 et
1794 ayant épuisé tous les moyens
ordinaires, le comité de salut public
fit un appel à tous les industriels, à
tous les hommes de science dans
cette partie. Berthollet désigna alors
son ami Séguin qui depuis long-
temps s'occupait d'une nouvelle
méthode de tanner le cuir, et cette
méthode fut aussitôt soumise à des
expériences qui eurent un plein
succès, et d'où il résulta qu'il y avait
économie pour la main-d'œuvre,
pour un plus long usage, et surtout
pour le temps de la préparation,
ce qui était d'un avantage immense
à cause de l'urgence des besoins.
Dès lors tout fut mis à la disposi-
tion de l'heureux inventeur ou se
disant tel ; car on lui a contesté
non-seulement l'invention, mais le
perfectionnement de cette méthode
qui consiste principalement dans
l'emploi de la chaux ; ce qui était
depuis long-lemps connu, mais ra-
rement usité, à cause de la cherté et
d'autres causes qui ont empêché de
l'adopter généralement. Séguin n'eut
donc que le mérite de l'avoir indi-
quée dans un moment d'urgence, et
ce service lui fut assez bien payé.
Son ami ou plutôt son compère Four-
croy fit, dans la séance de la Conven-
tion nationale du 14 nivôse an III
(janvier 1795), un rapport très-em-
phatique et fort étendu dont toutes
les conclusions furent en fjveur de
la grande découverte qui devait
opérer une révolution dans la chaus-
sure des nations, et qu'il fallait
même craindre, dit-il, de faire con-
naître trop tôt à nos ennemis. Pour
assurer d'aussi importants résultats,
le rapporteur proposa de céder à
l'instant même à Séguin l'île de Sè-
vres tout entière, ainsi qu'une au-
tre propriété non moins considérable
près de Nemours, afin' qu'il pût y
former aussitôt deux établissements
de tannerie. On lui fit même encore
d'autres avances pour ses outils et
le paiement de ses ouvriers ; enfin
on lui assura la fourniture générale
et exclusive de toutes les armées
de la république, à peu près comme
dans UB autre temps on a donné k
d'autres fournisseurs des forêts, des
canaux, des chemins et tant d'au-
tres propriétés nationales. On con-
çoit que dans une telle position
la fortune de Séguin soit devenue
considérable, rapide , et qu'elle dut
aller toujours croissant, tant que
dura la république. Mais il n'en
fut point ainsi lorsque Napoléon
devint lé maître. On sait la guerre
qu'il fit aux traitants de toute es-
pèce, et comment, aidé par le^ con-
seiller Defermon , il trouva des
moyens de leur faire rendre gorge
par des taxes arbitraires ou des ava-
nies souvent réitérées. On sent que
dans ce système Séguin ne pouvait
pas être oublié. Soumis l'un des pre-
miers à d'énormes restitutions, il
les paya d'abord ; mais il s'en lassa
bientôt et se laissa traîner en pri-
son sans qu'on pût lui en faire payer
d'autres. Persuadé que s'il conti-
nuait à donner tout ce qu'on lui
demanderait, sa fortune n'y suffi-
rait pas, il prit le parti de rester sous
les verrous jusqu'à ce que la Pro-
vidence l'en délivrât. Il s'était fait
arranger dans la prison un appar-
tement où il recevait beaucoup de
monde et où, avec un peu de philo-
sophie et de gaîté naturelle, il était
aussi heureux qu'on peut l'être en
prison. Cette captivité ne finit
qu'à la chute de l'empire. Alors
Séguin alla habiter son beau chà-
teau de (Jouy, et n'ayant plus à faire
autre chose que de jouir de ses im-
menses revenus, il s'y livra à toute
l'expansion de son caractère original
et bizarre. Sans parler de sa manie
d'écrire k tout propos de petites
brochures, principalement sur les
matières de finances, il avait encore
la manie d'acheter de très-beaux che-
vaux qu'il lâchait dans sou parc, où
ces animaux vivaient et paissaient à
leur gre'. Il donnait aussi quelquefois
dans ce même parc de grandes fètts
<jîi il se plaisait à admettre pêle-mêle
sans distinction tous les curieux de
la ville et de la campagne. Un jour
il voulut qu'une de ces fêtes fiitter-
niinée par un feu d'artifice, et il en
lit arranger les fusées de telle sorte
que, couchées horizontalement, elles
vinrent frapper au visage^lous les
assistants, en blessèrent plusieurs
et mirent en fuite tous l,s autres,
(jui tombaient dans des chausses-
trapes perhdement couvertes de
fleurs. On a dit qu'en ce moment
Séguin, caché dans un bosquet, d'où
il voyait tout, riait tout haut de sa
malice. Nous avons de la peine à
croire à ce dernier trait, d'abord
parce que le rieur, s'il eiit été dé-
couvert, aurait pu payer bien cher sa
plaisanterie, ensuite parce que dans
le fond il n'était pas méchant; ce n'é-
laitqu'uu original, persuadé, comme
beaucoup d'autres d^ns la même po-
sition, que sa fortune devait lui faire
tout pardonner. On cite de lui quel-
ques traits de bienfaisance. En l'an
Vlll (1800), il offrit au ministrede l'in-
térieur, pour ies pauvres, cinquante
mille mottes à brûler qui provenaient
probablement de ses tanneries. Il fai-
sait des pensions à plusieurs artistes,
entreautres àCambini(i30i[/. ce nom,
LX,23), dont la musique l'avait quel-
quefois amusé; car c'était un de nos
SEG
39
dilettanti les plus prononcés. Pour
satisfaire ce goût, il ne se refusait au-
cune dépense, et il en était de même
de sa manie des chevaux et de quel-
ques autres objets. Sous ce rapport,
du moins, on ne peut pas dire qu'il
fût avare. Ce n'était pas non plus
par avarice, niais par l'excès de son
originalité, (ju'il laissait son bel hô-
tel de la rue de Vavennes, son île de
Sèvres et même son château de Jouy
dans un état complet de délabrement
et de désordre. On l'y voyait sou-
vent au milieu de ses fioles et de ses
appareils de chimie, à peu près
comme un de. ces nécromanciensque
Rembrandt a si bien représentés
cherchant la pierre philosophale.
Pour lui , il l'avait trouvée dans ses
cuirs, ei ne la cherchait plus ; mais
doué de beaucoup d'imagination et
n'ayant rien à faire , il ne pouvait at-
tirer Pattenlion que par son excen-
tricité et ses bizarreries. On a encore
cité de lui un trait assez remarquable,
mais que nous ne croyons pas entière-
ment, parce qu'il eût dépassé toutes
les bornes et touché de près à la dé-
mence;qae c'eût éîé d'ailleiirs une in-
sulte que Napoléon n'aurait pas laissée
impunie. Ayantappris que Séguin pos
sédait quatre magnifiques chevaux,
l'empereur les lui fit demander plu-
sieurs fois, et enfin lui envoya 30,000
fr. pour les payer. Séguin, ayant re-
fusé cette somme , descendit dans l.i
cour où les chevaux se trouvaient, et.
les ayant tués de sa propre niain,i| |Bt
venir l'officier chargé de la commis-
sion impériale, ei lui montra les qua-
tre cadavres gisant sur le pavé, disant
qu'il pouvait les emmener. Il est bien
sûr que, tant que dura le règne de
Napoléon, Séguin éprouva plus d'une
contrariété , et que son repos et sa
fortune ne furent jamais bien assurés.
On doit croire que dans cette position
40
SEG
SEG
ce fut avec beaucoup de satisfaction
qu'il le vit tomber, et qu'il salua de
bon cœur Louis XVIII. Le gouverne-
ment de ce prince lui fut d'autant
plus agréable, qu'ainsi que d'autres
fournisseurs il avait encore à régler
avec l'État quelques comptes arriérés
qu'il s'était bien gardé de demander
à Bonaparte, et qu'il eut le bonheur
(le se voir payer intégralement par
le gouvernement de la Restauration.
Ainsi le fournisseur de la républi-
que, Seguin, fut un des hommes qui
durent le plus au retour des Bour-
bons. Plus reconnaissant que tant
d'autres, qui jouirent des mêmes
avantages, il ne manqua aucune oc-
casion de leur témoigner son dé-
vouement , et dans chaque brochure
qu'il publia dès lors , il leur exprima
son zèle. Quant à lui, il ne payait
pas tout à fait aussi bien ses créan-
ciers , et l'on sait que souvent il ne
s'acquitta que quand il y fut con-
traint par les huissiers. Décidé à ne
jamais donner un écu qu'en cédant à
la force, il ne voulait pas que les
agents du fisc entrassent jamais chez
lui sans rompre une chaîne qu'il fai-
sait placer en travers de la porte, et
que ces messieurs brisaient sans
peine, étant prévenus d'avance. Us en
dressaient procès-verbal, et faisaient
même encore d'autres frais que Sé-
guin payait sur-le-champ. C'était à
peu près ainsi qu'en agissait Ou-
vrard, qui était son confrère et son
ami, mais, comme l'on sait, moins
original et beaucoup plus rusé que lui
{voy. OuvRARD, au second Supp.).
Cependant il ne fut point sa dupe , et
l'on cite de celui-ci un trait qui les ca-
ractérise assez bien l'un et l'autre. Ce
fut chez lui, dans son propre hôtel,
que Séguin, après avoir engagé Ou-
vrardà dîner sous prétexte de causer
d'affaires, le fit arrêter par des gardes
du commerce déguisés, qui le ser-
virent à table, Ouvrard, se voyant
pris au dessert , dit froidement :
Voilà tin tour bien joué, et se laissa
conduire en prison, oii, de même
que Séguin, il resta plusieurs années
pour ne pas payer ses dettes. Armand
Séguin mourut en 1835, laissant à
des Collatéraux une succession con-
sidér.ibU", et qui a donné lieu à plu-
sieurs procès. Il était membre cor-
respondant de l'Institut à la résidence
de Sèvres , depuis sa création , en
1795, et il y avait fait plusieurs lec-
tures, entre autres sur le quina et
sur le cinabre. Outre différents Mé-
moires insérés dans des recueils
scientifiques, notamment dans le
Journal de physique, ainsi que dans
les Annales de chimie^ dont il était
un des rédacteurs depuis 1800, ou a
de lui : l. Mémoire su/- la com-
bustion du gaz hydrogène dans
les vaisseaux clus^ lu à l'Aca-
démie royale des sciences, le 21
mai 1791 , par MM. Fourcroy, Vau-
quelin et Séguin, 1791 , in-8°. II.
Rapport à l'Institut sur la manière
de tanner les cuirs, 1796. III. Aux
créanciers compris dans V arriéré^
Paris, 1816, in-S". IV. Observa-
tions succinctes sur quelques points
definances, Paris, 1816. V. Observa-
tions sur les emprunts , sur l'amor-
tissement et sur les compagnies fi-
nancières, Paris, 1817. Vl. Nouvelles
o6serraa"ow5,etc.,ibid.,l8l7.\lI.2)e5
finances de la France, 1818, ni-i°.
\ll[. Observations sur le mode de li-
bération de la France, 1818, in-8°.
IX. Observations sur quelques propo-
sitions du discours à la chambre des
députés par M. Laffitle, le 31 mars
1818, Paris, 1818. X. Observations
sur un ouvrage de M. F. D. B., ayant
pour titre; Quelle sera notre posi-
tion financière en 18'il ? Pans, 1818:
SEG
XI. Observations sur un ouvrage
de M. le duc de Gaëte, ayant pour
titre : Aperçu théorique sur les em-
prunts,Vaiis,iS\ 8. XU. Observations
sur im plan de tinances proposé par
M. Laffitte, ISlS.in-i". Xllf. Projet
de l'emprunt qui doit achever la libé-
ration de la France, 1818, in-S".
XIV. Aperçu sur la situation finan-
cière de la France, 1819, XV. Observa-
tions sur les comptes par exercice et
sur les comptes de gestion, 1819. XVI.
Oôservfl^iowssur un moyen donné par
la loi de réduire les impositions, 1819.
XVII. Observations sur un ouvrage
de M. Bricogne, ayant pour titre :
Situation des finances, etc., 1819.
XVIII. Observations sur les courses
de chevaux eu France, 1820 ; 2« édit.,
1821. XIX. Observations sur les ré-
sultats possibles flu projet de loi re-
latif au mode de paiement du pre-
mier cinquième des reconnaissances
de liquidation, 1821. XX. Observa-
tions sur les courses du Champ-de-
Mars, 1822. XXI. Fragments d'un
nouvel écrit sur les finances, relatifs
à l'amélioration du taux vénal des
propriétés particulières dites natio-
nales, 1823. XXII. Observations sur
la vente des 23, 1 14, 5 1 6 fr. de rentes
qui appartiennent au trésor royal,
1823, 8 éditions. — Nouvelles obser-
vations, 1823. — Dernières observa-
tions, 1824. XXIII. Barème des con-
tribuables, 182i. XXIV. Des consé-
quences du projet de réduction rela-
tivement à de nouvelles négociations
de rentes, 1824. XXV. Du projet de
remboursement ou de réductions de
rentes, 1824, 3 éditions. — Observa-
tions additionnelles, 1824. — Der-
nières observations, 1824. XWl.lIn
mot sur l'importante question du ca-
pital nominal, etc., 1824. XXVII.
Causes de la dernière erreur de M. le
président du conseil, 1825, XXVllI.
SEG
il
Considérations sur les systèmes sui-
vis en France dans l'administration
des finances, etc., 1825, 2 vol. in-8<».
XXIX. Moyens d'acquitter intégra-
lement le milliard des indemnités,
1825. XXX. Observations sur la nou-
velle conception financière présentée
à la Chambre des dépiités par M. le
président du conseil, 1825. XXXI. Ré-
gulateur des rentiers, 1825. XXXII.
Résumé des discussions sur la réduc-
tion des rentes, 1825. XXXIII. Ré-
sultats inévitables de l'adoption du
projet de loi sur la réduction des
rentes, etc., 1825. XXXIV. Moyens
d'obtenir le bien que désirent le roi,
le dauphin et les chambres , etc. ,
1826. XXXV. Moj/ens d'obtenir le
bien voulu par le roi, et de parer
aux maux produits par M. de Vil-
lèle, 1827. XXXVI. Redressement de
l'aspect sous lequel se présente le
dernier rapport fait aux chambres
par la commission de surveillance
de la caisse d'amortissement, 1827.
XXXVII. Le Régulateur de la direc-
tion qu'on doit donnera l'emploi de
notre puissance amortissante, 1827,
3 éditions. Cet opuscule s'est vendu
au profit des pauvres, ainsi que le
précédent. XXXVIll. Observations
sur l'amendement de M. Odier rela-
tivement au projet de l'emprunt de
80 millions, 1828. XXXIX. Obser-
vations sur quelques assertions de
M. Laflitte, relatives au projet d'em-
prunt de 80 millions, 1828. XL. Ob-
servations sur les proposilions de
M. Laffitte, relatives au même sujet,
1828. XLI. Rêve d'améliorations ad-
ministratives et financières, 1828.
XLII. Moyens de supprimer la moi-
tié de l'impôt des boissons et la to-
talité des impôts du sel et de la lo-
terie, 1829. XLIII. Observations,
1'^ sur les courses qui ont eu lieu, etc..
1829, XLIV, Delà réduction fh Vtn-
42
S£G
térêt de notre dette 5 p. 100, 182'.».
XLV. Le Régulateur des classemeni-s
de vitesse des chevaux de course,
1829. XLVI. Application du Régu-
lateur des classements, etc., 1829. —
Observations sur l'application du
Rdgulateur, etc., 1829. XLVII. Ré-
sultat et conséquences du choix des
directions possibles de notre puis-
sance amortissante, 1829. XLVllI.
Projet d'un nouvel aménagement
financier, 1829. XLIX. Combinaisons
administratives et financières, etc.,
1830. L. Le Fiat lux du ministère
français et des rentiers, 1830.— Con-
séquences du prix de l'adjudication
de l'emprunt de 80 millions (pre-
mière suite), 1830. — Motif excep-
tionnel d'apologie, etc. (deuxième
suite), 1830. Ll. Observations suc-
cinctes sur une communication offi-
cielle relative à la réduction des 4
pour 100 anglais, 18.30. LU. Des per-
tes qu'occasionnerait à l'État la con-
tinuation de l'application actuelle de
notre puissance amortissante, etc.,
1830. LUI. Plan de suppression de
l'impôt sur les boissons, 1830. —
Suite au Plan de suppression, iH3i.
LIV. Le Régulateur des choix de
placements en rentes, 1830. LV. Des
surcharges et des pertes absolues
qu'occasionnerait aux contribuables
la réduction de notre dette ren-
tière, etc., 1830. LVl. Combinaison
financière ayant pour but de dimi-
nuer de moitié l'impôt sur le sel,
1831. LVII. Des dommages qu'oc-
casionnerait à i'Éîat, et conséquem-
ment aux contribuables, l'adoption
sans rectification de la nouvelle loi
sur l'amortissement, 1831. LVlll.
Des emprunts comme voies de res-
sources ouvertes par la loi au gou-
vernement» etc., 1831. LIX. Essai
sur les causes réelles du malaise
qu'éprouvent aujourd'hui générale-
SEG
meut en France toutes les fortiines
individuelles, 1831. LX. Évalua-
tion comparative du nombre d'élec-
teurs qui ressortirait du chiffre du
cens électoral proposé, etc., 1831.
LXl. Des pertes qu'occasionnera à
l'État l'emprunt de 120 millions,
1831. LXIf. Plan de suppression de
l'impôt sur le sel, 1831. LXMl. Pro-
positions de nouveaux cadres des
budgets de la France, 1831. LXIV.
Redressement des assertions de M. le
comte de Mosbourg, 1831. LXV. Ré-
sultats de l'emprunt de 120 mil-
lions, 1831. LXVl. Des Résultats si-
non assurés, au moins extrèuiement
probables, des dispositions de M. le
ministre des finances relatives au
nouvel emprunt de 120 millions,
1831. — Suite de l'écrit précédent,
1831.LXVII. De Vavenir des con-
tribuables, 1832. LXVIII. Barème
des placements dans l'emprunt de 40
millions de la ville de Paris, 1832.
LXIX. Coup d'ceil sur l'emprunt pro-
jeté, 1832. LXX. Des éléments et des
résultats de Tempruni de 150 mil-
lions, 1832. LXXI.Dw bilan finan-
cier de la France, 1833. LXXIl
(avec MM. Vergés et Bayard de la
Vingtrie). Observations sur deux
projets de loi présentés par M. le mi-
nistre de l'intérieur, le 3 avril 1835.
Paris, 1835, in-4°. LXXlll. Idées sur
l'état actuel des finances, in-4'' sans
date. Les écrits d'Armand Séguin,
dont nous venons de donner la lon-
gue nomenclature, ne sont pour la
plupart que des brochures de quel-
ques pages , inspirées par les cir-
constances financières de l'époque, et
n'ayant guère d'autre but que de met-
tre l'auteur en évidence. Il est proba-
ble que de tout cela, et même de ses
inventions de chimie, rien n'est des-
tiné à parvenir k la postérité.
M— Bj,
SEG
SËG
43
SÉGUR (le comte Louis-Philippe
de), diplomate et historien, aussi dis-
tingué par sa naissance que par son
savoir et les hautes fonctions qu'il a
remplies, était le fils aîné du maré-
chal de ce nom {voy. Ségur, XLI,
475). 11 naquit à Paris, le 10 déc.
1753, et reçut dans la maison pa-
ternelle une éducation plus soignée
qu'on n'en donnait alors aux en-
tants de la haute noblesse. Il l'a-
cheva à Strasbourg, où il suivit un
cours de droit public sous le célèbre
Koch. A l'âge de 14 ans, en 1767,
il fit le service d'aide-de-camp de
son père qui commandait le camp de
Compiègne, et il le remplaça dans celle
de ses fonctions qui, sans paraître la
plus importante, était cependant une
des plus enviées et des plus recher-
chées, ce fut de servir à table le roi
Louis XV, ce qui lui valut des paro-
les très-gracieuses de la part du mo-
narque. Quatre ans plus tard , il
p<irul à la cour au milieu de cette jeu-
nesse alors si imprévoyante, et dont
il a fait dans ses Mémoires un ta-
bleau si vrai : « Sans regrets pour le
" passé, dit-il, sans inquiétude pour
• l'avenir, nous marchions gaîment
« sur un tapis de fleurs qui cachait un
a abîme. Frondeur des modes ancien-
« nés, de l'orgueil féodal de nos pères
« et de leurs graves étiquettes, tout ce
« qui était antique nous paraissait gê-
« nantet ridicule. La gravité des an-
« ciennes doctrines nous pesait; la
" philosophie riante de Voltaire nous
• entraînait en nous amusant. Nous
- l'admirions surtout comme em-
• preinte de courage et de résistance
«au pouvoir arbitraire. Revenant
« dans nos châteaux avec nos paysans,
« nos gardes,nos baillis, quelques ves-
« tiges de notre ancien pouvoir féodal,
» jouissant à la cour et à la ville des
" distiuctioDs de la naissance, élevés
par notre nom seul aux grades su-
périeurs dans les camps, et libres
de nous mêler à tous nos conci-
toyens pour goiîier les douceurs
de la vie plébéienne, nous voyions
s'écouler ces courtes années de no-
tre printemps dans un cercle d'il-
lusions et une sorte de bonheur
qui, je crois, dans aucun temps,
n'avait été destiné qu'à nous
Entravés dans cette marche légère
par l'ancienne morgue de la vieille
cour, par les ennuyeuses étiquettes
du vieux régime, par la sévérité
de l'ancien clergé , par l'éloigne-
■■ ment de nos pères pour nos modes
■ nouvelles, pour nos costumes favo-
rables à l'égalité, nous nous sen-
' lions disposés à suivre avec en-
■ thousiasme les doctrines philoso-
: phiques que professaient deslitté-
' rateurs spirituels ethardis. Voltaire
■■ entraînait nos esprits ; Rousseau
' touchait nos cœurs ; nous sentions
un secret plaisir à les voir atta-
' quer un vieil échafaudage qui nous
' semblait gothique et ridicule.
' Ainsi , quoique ce fussent nos
' rangs , nos privilèges , les débris
■ de notre ancienne puissance qu'on
■ minât sous nos pas, cette petite
■ guerre nous plaisait; nous n'en
. éprouvions pas les atteintes ; nous
■ n'en avions que le spectacle ; ce
' n'était que des combats de plume
' et de paroles, qui ne nous parais-
■ saient pouvoir faire aucun dom-
■ muge à la supériorité d'existence
> dont nous jouissions et qu'une
■ possession de plusieurs siècles nous
i faisait croire inébranlable. Les for-
■ mes de l'édifice restant intactes,
> nous ne voyions pas qu'on le minait
■ eu dedans, nous riions des graves
« alarmes de la vieille cour et du
« clergé qui tonnaient contre cet es-
• prit d'innovations. Kuus applau-
u
SEG
u dissions les scènes républicaines
. de nos théâtres , les discours phi-
» losophiques de nos académies, les
« ouvrages hardis de nos littéra-
« teurs, et nous nous sentions en-
• courages dans ce penchant par la
a disposition des parlements à fron-
« der l'autorité, et par les nobles
• écrits d'hommes tels que Turgot
• et Malesherbes, qui ne voulaient
• que de salutaires, d'indispensables
• réformes , mais dont nous confon-
■ dions la sagesse réparatrice avec
■ la témérité de ceux qui voulaient
• plutôt tout changer que tout cor-
• riger. La liberté, quelque fût son
• langage, nous plaisait par son cou-
• rage, l'égalité par sa commodité.
- Sans prévoyance , nous goûtions
- tout à la fois les avantages du
• patriciat et les douceurs d'une
• philosophie plébéienne... A peu
• près dans ce temps , le hasard
• m'avait admis dans la société in-
• time de la comtesse Jules de Poli-
a gnac. Rien ne semblait devoir être
• plus étranger à ma jeune ambition
« que cette douce liaison avec une
• famille illustre par sa naissance,
• mais alors éloignée de toutes les
«grandeurs. Madame la comtesse Ju-
« les et son mari, ainsi que la com-
■ tesse Diane de Polignac, sa belle-
• sœur, vivaient modestement loin
• delà cour, où ils allaient rarement.
• Leur goût, leur caractère les por-
• talent à préférer les douceurs de
« la vie privée aux orages de la vie
« publique. 11 était impossible de
• trouver une personne qui réunît
« plus d'agrément dans la figure ,
« plus de douceur dans les regards,
• plus de charmes dans la voix, plus
« d'aimables qualités de cœur et
• d'esprit. Les comtesses de Châlons
• etd'AudIaw, ses parentes, le comte
• de Vaudri'uil, le duc de Coigny,
SEG
• un homme distingué pan l'origina-
« lité de son esprit, Delille, le ba-
« ron de Besenval, dont la légèreté
« touie française faisait oublier qu'il
« était Suisse, formaient des réu-
« nions charmantes, où les heures
« passaient comme des minutes... »
C'est dans un état de choses présenté
avec tant de franchise par l'un des
principaux acteurs, autant que dans
la faiblesse et Timpéritiedu pouvoir,
qu'il faut voir la décadence, la chute
de notre antique monarchie et toutes
les calamités qui en ont été la suite.
Et ce qui caractérise encore très-bien
cette époque d'illusions et d'impré-
voyance, c'est qu'au milieu de tou-
tes ces décevantes félicités le jeune
comte de Ségur obtenait, sans beau-
coup de peine, et sans y être en au-
cune façon préparé, un avancement
militaire assez rapide. A peine âgé de
quinze ans il fut nommé sous-lieute-
nant dans le régiment de cavalerie
mestre-de-camp dont M. de Castries,
ami de son père, était colonel, et
deux ans plus tard, capitaine dans le
même corps. En 1776,surlademande
du duc d'Orléans, le roi le fil colo-
nel en second des dragons de ce nom.
Pour toutes ces promotions il n'eut
guère qu'à passer quelques mois
dans les garnisons de Metz et de
Strasbourg où, faute de pouvoir se
distinguer par des exploits plus glo-
rieux, il eut du succès dans des
duels qui firent quelque bruit et re-
tentirent jusqu'à la cour, où il fut
d'autant mieux reçu lorsqu'il y re-
parut. Ce n'était pas encore le temps
où la moindre participation à de pa-
reils faits devait être punie par de sé-
vères lois. Ce qui doit étonner, c'est
que le jeune comte de Ségur, tout en
cédant comm&ses amis à ce préjugé
funeste et justement réprouvé par
la philosophie niodernt\ se montrait
SEG
un des partisans les plus eiiihousias-
les de celle philosophie, et se liait
intimement avec quelques-uns de
ses chefs, entre autres Condorcet ,
Rayna!, d'Alembert, Diderot, etc.
Admirateur passionné de Voltaire, il
eut enfin le bonheur de voir et d'en-
tendre ce grand maître des philoso-
phes, dans son dernier voyage à Pa-
ris, en 1778. La capitale offrit alors
un spectacle véritablement curieux
et que l'histoire doit reproduire.
C'est d'ailleurs une circonstance im-
portante de la vie du comte de Ségur,
et nous aurons plus d'une fois occa-
sion d'en remarquer l'influence sur
sa destinée. « Le prince des poètes,
• dit-il dans ses Mémoires , le pa-
• triarche des philosophes, la gloire
« de son siècle et de la France , se
« trouvait depuis un grand nombre
« d'années exilé de sa patrie! Tous
« les Français lisaient avec délice
«ses ouvrages, et presque aucun
« d'eux ne l'avait vu. L'admiration
<^ pour son génie universel était dans
« beaucoup d'esprits une espèce de
« culte et d'adoration. Ses écrits or-
« naient toutes les bibliothèques:
« son nom était présent à toutes les
« pensées, et ses traits absents de
« tous les regards. Son esprit domi-
« nait , dirigeait tous les esprits;
« mais , excepté un petit nombre
« d'hommes qui avaient été admis à
« Ferney dans son sanctuaire philo-
« sciphique, il régnait pour le reste
« de ses concitoyens comme une
« puissance invisible. Jamais peut-
" être aucun mortel n'opéra d'aussi
a grands changements Profitant
« de quelques imprudences, de quel-
« ques écrits contraires aux mœurs,
« de quelques taches qui ternissaient
« légèrement le disque de cet astre
«■ brillant, le clergé par son influence,
• quelques vieux parlementaires en-
- fiins k la sévérité, un petit nombre
• d'anciens courtisans, partisans des
« antiques abus du pouvoir, avaient
« obtenu contre lui, non une con-
« damnation ou un ordre de bannis-
" sèment, mais des insinuations assez
« efficaces pour l'obliger à chercher
« un repos et sa sûreté dans l'exil.
« Son retour fut, comme sa disgrâce,
•< une preuve de la faiblesse de l'au-
« torité. L'opinion philosophique
« l'emportait tellement alors dan»
" les esprits, et intimidait à tel point
- le pouvoir, qu'on le laissa revenir
« dans son pays sans le lui permet-
a tre. La cour refusa de le recevoir,
« et la ville entière sembla voler au-
" devant de lui. On ne voulut point
« lui accorder une légère grâce, et
« on le laissa jouir d'un triomphe
« éclatant. La reine, entraînée par
" le tourbillon, fit de vaines tentati-
« ves pour obtenir du roi la permis-
« sion d'admettre chez elle cet
« homme célèbre. Louis XVI, par
« scrupule de conscience, crut qu'il
" ne devait point laisser appro-
« cher de lui un écrivain dont les
« coups téméraires avaient souvent
« porté atteinte à des doctrines vé-
« nérées. L'enceinte du trône resta
« donc fermée à celui auquel la na-
- tion rendait une sorte de culte. Les
« rivaux de ce grand homme furent
«consternés; le clergé s'indigna,
« mais se tut ; les parlements gar-
" dèrent le silence, et la puissance des
« philosophes s'accrut par la puis-
« sance et le triomphe de leur chef.
« Il faut avoir vu la joie publique,
« l'impatience , l'empressement lu-
« multueux de la foule pour entendre
« ce vieillard contemporain de deux
« siècles, qui avait hérité de l'un et
« fait la gloire de l'autre. C'était l'a-
• pothéose d'un demi-dieu encore
« vivant. Aussi avide d'admirer de
46
SEG
«c près cet homme illustre, mais plus
■ heureux que les autres, j'eus le
« bonheur de le voir à mon aise deux
" ou trois fois chez mes parents
« avec lesquels, dans sa jeunesse, il
« avait eu des liaisons assez intimes.
« Ma mère était alors attaquéed'une
«maladie grave; elle ne pouvait
• plus sortir de son lit; nn mois
• après elle rendit le dernier sou-
• pir (1). Elle avait toujours été con-
• sidérée comme une des femmes les
« plus distinguées par la finesse, la
« justesse de son goût et de sonesprit,
• par l'élégance de son langage et de
• ses manières. Remarquable dans sa
«jeunesse par les agréments de sa
" figure , elle passait pour un mo-
« dèle du meilleur ton. Voltaire ne
« l'avait point oubliée: il demanda
« à la voir, et. quoiqu'elle fût à peine
« en état de l'entendre, elle le reçut,
a Sa maigreur nous retraçait ses longs
«travaux: son costume antique et
« singulier rappelait le dernier témoin
. du siècle de Louis XIV , l'historien
-de ce siècle et le peintre immortel
« de Henri IV. Son œil perçant étin-
« celait de génie et de malice ; on y
. voyait à la fois le poète tragique,
X l'auteur (VOEdipe , de Mahomet ,
» le philosophe profond, le conteur
« fnalin et ingénieux, l'esprit obser-
. vateur et satirique du genre hu-
- main. Son corps mince et voûté n'é-
e tait pins qu'une enveloppe légère,
» presque transparente et au travers
« de laquelle il semblait qu'on vît
« apparaître son âme et son génie.
- J'étais saisi de plaisir et d'admira-
(i) Lh mère du comte deSégur était ane
demoiselle de Vernon , riche créole de
.Saint-Domingue, qui avait apporta en dot
à son mari une des habitations les plus con-
sidérables de cette colonie, dont le filshérita
après sa mort , mais qu'il perdit par la ré-
vol il tien.
SEG
« tien comme quelqu'un à qui il se-
« rail permis de se transporter dans
« les temps reculés, et de voir face à
« face Homère, Platon , Virgile ou
• Cicéron.Pour concevoir ce que j'é-
« prouvais alors, il faudrait être dans
« l'atmosphère oîi je vivais ; c'était
• celle de l'exaltation. Nous ne con-
« naissions pas ces tristes fruits des
« longs orages et des discordes poli-
• tiques, reuvie,régoïsme, le besoin
• du repos, l'insouciance produite par
« lassitude , la froideur qui suit le
« triste réveil des illusions déçues.
« Nous étions éblouis par le prisme
■ des idées et des doctrines nouvel les,
« rayonnants d'espérance, brillants
« d'ardeur pour toutes les gloires,
" d'enthousiasme pour tous les ta-
• lents et bercés par les rêves sédui-
« sants d'une philosophie qui voulait
« assurer le bonheur du genre hu-
« main en chassant avec son flam-
« beau les tristes et longues ténèbres
• qui, depuis tant de siècles, l'avaient
« retenu dans les chaînes de la su-
- perstition et du despotisme. Loin
« de prévoir des malheurs, des excès,
« des crimes, des renversements de
« trônes, nous ne voyions dans l'ave-
« nir que tous les biens qui pouvaient
« être assurés à l'humanité par le
« règne de la raison. Jugez , d'après
• ces dispositions , quel devait être
« sur notre esprit l'effet de l'homme
« illustre que nos plus grands écri-
« vains, nos plus célèbres philoso-
« phes regardaient comme leur mo-
« dèleel leur maître! J'étaistoutyeux,
« tout oreilles en approchant de Vol-
« taire, comme si j'attendais à cha-
« que instant qu'il sortît de sa bouche
« quelque oracle. Cependant ce u'é-
« tait le temps ni le lieu d'en pro-
• noncer, quand il eût été Apollon
» lui-même, car il se trouvait près du
« lit d'une mourante dont l'aspect ne
S£G
« pouvait inspirer que des idées tris-
« les. Le désir de voir cet homme
« extraordinaire avait attiré chez ma
" mère plus de cinquante personnes
• qui faisaient foule dans sou salon,
« s'entassant en plusieurs rangs près
« de son lit, allongeant le cou, se le-
« vaut sur la pointe des pieds et prê-
" tant Torei lie. La je vis à quel point
« la prévention et l'enthousiasme,
' même pai mi la classe la plus éclai-
« rée, ressemblent à la superstition
" et s'approchent du ridicule. Ma
« mère ayant dit à Voltaire que sa plus
« grande souffrance venait de la fai-
« blesse de son estomac , il lui dit
• qu'ayant éprouvé le même mal , il
« s'en était tiré par un remède bien
<■ simple, des jaunes d'œufs délayés
« avec des pommes de terre. Quel
« homme ! dit alors en me prenant
« vivement le bras un de mes voi-
« sins connu par son excessive dis-
• position à l'engoûment et la mé-
• diocrité de son esprit, pas un mot
« sans un trait! Jusque-là je m'étais
« tenu modestement comme je le de-
• vais, au dernier rang de ceux qui
• contemplaient Voltaire ; mais à la
« fin de sa seconde visite , je lui fus
• présenté. Plusieurs de ses amis, le
a comte d'Argental, Chastellux, Ni-
« vern.iis, Guibert, Marmontel, d'A-
« lembert, qui méjugeaient trop fa-
« vorablement, lui avaient parlé de
- moi avec des éloges que je ne de-
« vais qu'à une extrême bienveil-
« lance, puisque je n'étais connu que
« par quelques productions légères,
« quelques contes, quelques roman-
• ces dont le succès dans la société
« dépend du caprice de la mode et n'a
« souvent pas plus de durée qu'elle.
• Dans le fond je ne m'étais rendu
« digne de leur affection que par
a l'empressementavec lequeljecher-
« chais à former mon goût et mon
SEG
47
• esprit dans leurs entretiens et à m'é-
« ciairer par leurs lumières : ainsi
. c'était plutôt le zèle d'un disciple
« que le talent d'un écrivain qu'ils
« louaient en moi. Quoiqu'il en soif,
« Voltaire charma mon amour-pro-
« pre en me parlant avec grâce et fi-
« nesse de ma passion pour les lettres
« et de mes premiers essais. « N'ou-
« bliez pas, me dit-il , que vous avez
« mérité le bien qu'on dit de vous,
« mêlant dans les plus légers mor-
« ceaux de poésie quelques réalités
« aux images, un peu de morale aux
« sentiments , quelques grains de
« philosophie à la gaîté. Méfiez-vous
« cependant de votre penchant pour
<• la poésie; vous pouvez le suivre,
• mais non vous y laisser entraîner.
« Vous êtes destiné à de plus hautes
« occupations. Vous avez bien fait de
« commencer en composant des vers,
• car il est difficile de bien écrire en
« prose si on ne les a point aimés
« et si l'on n'en connaît ni l'art ni Je
« charme. Allez, jeune homme, rece-
• vez les vœux d'un vieillard qui
« vous prédit d'heureux deslins. » —
« Je le remerciai de la bénédiction
• littéraire qu'il me donnait, me res-
« souvenant, lui dis-je, qu'autrefois
« les mots de grand poète et de p:o-
« phète (vates) étaient synonym.'s,
« Depuis ce moment je ne revis jilus
« Voltaire qu'au théâtre, le jour de la
« représentation d'Irène , jour de
« triomphe qui prouva, par les ap-
« plaudissements donnés à la plus
« médiocre tragédie , l'excès de
« l'enthousiasme que l'auteur inspi-
« rait.On pouvait dire qu'alors il y
« avait deux cours en France : celle
« du roiàVersaillesetcelle de Voltaire
€ à Paris. La première, où le bon roi
« Louis XVI, sans faste, vivait avec
« simplicité, ne rêvant qu'à la ré-
« forme des abus et au bonheur d'un
X8
SEG
« peuple trop sensible k IVclat pour
« bien apprécier ses modestes ver-
• tus, la première, dis-je , paraissait
« l'asile paisible d'un sage, en com-
« paraison de cet hôtel du quai des
■ Théatins, où toute la journée l'on
" entendait les cris, les acclamations
« d'une foule idolâtre qui rendait ses
« hommages au plus grand génie de
f< l'Europe. Jusque-là on avait vu
« destriomphes décernés avec justice
« aux grands hommes par le gou-
• verneinent de leur pays; le triom-
- phe de Voltaire était d'un nouveau
- genre, il était décerné par l'opinion
« publique qui bravait pour ainsi dire
« le pouvoir des magistrats, les fou-
« dres de l'église et l'autorité du
a monarque... •• Ces dernières ré-
flexions prouvent que le jeune comte
de Ségur comprenait fort bien la por-
tée de cette espèce d'insurrection po-
pulaire en faveur du patriarche de la
philosophie moderne, du chef de l'op-
position la plus redoutable que pût
alors rencontrer le pouvoir royal ;
mais il n'est pas probable qu'il en
vît toutes les conséquences pour
sa famille et pour lui-même. Comme
dans son enthousiasme voltairien il
ne prononce pas une seule fois le
nom de son père, on ne peut douter
que celui-ci, homme grave et plein
de sens, ne fût pas contraire à de pa-
reilles idées, et que, fort estimé et
considéré des gens les plus sages de
la cour de Versailles, s'il n'empêcha
point aux siens de se rendre à celle
du quai des Théatins, il s'abstint du
moins d'y paraître lui-même, tandis
que son fils aîné, après s'être enivré
des séduisantes flatteries de Voltaire,
venait se prosterner devant le roi
dont il vénérait les vertus, mais dont
lui et ses amis combattaient ouver-
tement le pouvoir et les vues bienfai-
santes; ce qui ne les empêchait pas
SEG
d'en obtenir les plus hautes faveurs.
Colonel à vingt-cinq ans, le comte de,
Ségur brûlait de s'élever encore, et
pour cela, ainsi que ses jeunes amis,
Lafayette, Lameth, Lauzun, etc., il
était impatient de se distinguer les
armes à la main, lorsque survint la
guerre d'Amérique. Quelles qu'aient
été les causes et les conséquences de
cette guerre, on ne peut nier que
ce ne fût politiquement une grande
et utile entreprise. 11 fallait rendre à
la France le rang que des traités hu-
miliants lui avaient fait perdre, il
fallait donner au dehors à l'ardeur
belliqueuse de cette turbulente jeu-
nesse un aliment qui pût la détour-
ner des agitations de l'intérieur.
Ainsi, loin de penser que Louis XVI
eut tort de soutenir contre l'Angle-
terre la cause de ses colonies révol-
tées, nous sommes au contraire per-
suadé que, cédant trop tôt, selon sa
coutume, à un aveugle désir de paix et
d'humanité, il y mit lin plus promp-
teraent qu'il n'aurait dû le faire.
Une guerre continentale en eût peut-
être, il est vrai, été la conséquence;
mais, après avoir vaincu l'Angle-
terre sur terre et sur mer, la France
aurait certainement lutté avec le
même avantage contre ses rivaux du
continent, et sans nul doute elle eût
par là empêché le dernier partage de
la Pologne, que la révolution a con-
sommé. Pour elle, ce qu'il y avait de
pire dans de pareilles circonstances,
c'étaitde rester immobile en présence
de cette grande spoliation , comme
l'a très-bien démontré dans ses cu-
rieux Mémoires le comte de Sé-
gur, que ses fonctions mirent à
même d'apprécier sous tous les rap-
ports ces grandes questions. A l'épo-
que où commença la guerre d'Améri-
que, comme la plupart des gentils-
hommes ses amis, jeune et sans ex-
périerioe, il brûlait de sp sighaifr
par quelques exploits ; mais le
régiment des dragons d'Orl(^ans ,
dont il était le second colonel, ne de-
vait pas combattre au delà des mers.
Ce fut en vain que long-temps il sol-
licita la faveur de passer dans un
autre corps; il fallut que son père
devînt ministre de la guerre (1781)
pour qu'il reçût un brevet de colonel
en second dans le régiment de Sois-
sonnais, alors employé en Amérique.
Il s'embarqua au mois d'avril de r;ctte
année à Brest, sur la frégate la
Gloire, avec ses amis Lametb, Bro-
glie et Lauznn, dont la destination
était la même. Leur traversée, un
peu longue, lut mêlée de beaucoup
de vicissitudes, de coujbats, de nau-
frages et même de quelques aven-
tures un peu romanesques et qu'il
raconte d'une manière assez pi-
quante. Enfin il aborda aux rives de
la Delawarre, et, après un long
voyage de terre où il courut encore
quelques dangers et essuya de grandes
fatigues, il eut le bonheur de re-
joindre son régiment, et de remettre
ses dépêches au général en chef Ro-
chambeau. Ou sent avec quel em-
pressement dut être accueilli le fils
du ministre de la guerre. Il était au
comble de la joie ; mais déjà les gran-
des opérations touchaient a leur (iu, et
le jeune colonel eutà peine l'occasion
d'assister à deux ou trois combats de
peu d'importance ; de sorte que dans
ses Mémoires, où quelquefois il rend
compte avec beaucoup de détails de
faits très-minutieux, on ne trouve
guère sur cette époque que des des-
criptions de fêtes données aux Fran-
çais par la reconnaissance améri-
caine, après la conclusion de la paix.
Avant de quitter le Nouveau-Monde
il fit, dans les possessions espagnoles
du Mexique et du Pérou, une excur-
F.XXXII.
SÊG 49
sion dont il a donné une relaliou
assez curieuse; puis il visita la co-
lonie de Saint-Domingue, alors si ri-
che, si florissante, où il possédait
une très- belle habitation que lui
avait laissée sa mère, et qu'il de-
vait bientôt perdre par une révo-
lution qu'il appelait de tous ses
vœux. Enfin, après une nouvelle tra
versée non moins orageuse que la
première, il aborda au port de Brest,
d'où il était parti deux ans aupara-
vant. Son grade était encore le
même: mais son goût pour la liberté
et les révolutions était fort augmenté
Comme tous ses camarades, il ap-
portait la décoration deCincinnatus,
sans être tenté toutefois d'aller,
comme le héros de Rome, se mettre
à la charrue. Il se rendit, dès les pre-
miers jours, il Versailles, où il revit
d'abord son ])ère, qui vt-nait d'être
nommé maréchal de France, et sa
femme, la petite-fille du chancelier
d'Aguesseau, qu'il avait épousée en
1777. Il se présenta ensuite au roi et
à la reine, qui l'avait, toujours par-
ticulièrement di.stingué, et qui l'en-
tretint, a-t-il dit, du succès de nos
armées sur terre et sur mer avec
la fierté et le sentiment d'une reine,
et d'une reine française. C'est ainsi
qu'il a toujours parlé de cette admi-
rable princesse, qui avait alors la
bonté de le recevoir dans sa société
intime, dont par conséquent il était
fort à même d'apprécier le noble
caractère. H ne s'exprime pas avec
moins d'estime et d'admiration sur
les vertus de Louis XVI ; mais, par
une de ces contradictions très-diffi-
ciles il expliquer, et qui pourtant n'a-
vaient alors que trop d'exemples, il
n'hésita point à se ranger parmi
les novateurs dont le but évident
était la ruine d'une monarchie et le
renversemeni d'un trône qu'ils sem-
4
so
SÉG
SÉG
blaient aimer et qui les comblait de
biens. Son goût pour les nouveautés
était tel à cette époque, qu'on le vit
un des plus enthousiastes parmi les
partisans de Mesmer , lorsque déjà
ce charlatan était voué au ridicule
par tous les hommes de sens et de
savoir {voy. Mesmeb, XXVIII, 409).
Les illusions de Ségur à cet égard
se sont tellement prolongées que,
dans ses Mémoires , il se vante
encore d'avoir figuré au fantasti-
que baquet, à côté de Chastellux,
de Choiseul-Gonffier, de D'Espré-
menil, etc. Il aurait pu ajouter à
cette liste son parent Lafayette,
dont il ne cessa jamais d'être l'ami,
l'admirateur, et qui, à cette épo-
que, contribua beaucoup à l'entraî-
ner dans le torrent des révolutions.
Cependant son père, homme sage et
prévoyant, faisait tous ses efforts
pour l'en éloigner. C'est avec cette
intention sans doute qu'il l'em-
ploya pendant quelques mois dans
son ministère, et qu'ensuite il ob-
tint pour lui de Vergennes, son col-
lègue, un des postes les plus éle-
vés de la diplomatie, celui d'am-
bassadeur à la cour de Saint-Péters-
bourg, dont la France avait depuis
trop long-temps négligé les rapports,
ce qui ajoutait beaucoup aux dif-
ficultés de cette mission. Ce fut
dans les premiers jours de 1785
qu'il partit pour sa destination,
passant d'abord par Deux-Ponts, où
il vit le duc, qu'il avait connu en
Amérique et à Versailles, et qui lui
fit part d'un projet d'échange de
la Bavière avec la Belgique, dont
il , était inquiet , mais qui n'eut
pas de suite. A Berlin il eut avec
le grand Frédéric, un entretien
dans lequel ce monarque lui nt des
confidences assez curieuses sur l'im-
pératrice Catherine ei sur la part
qu'elle avait prise à la mort de son
époux. 11 lui révéla des choses non
moins importantes sur la politique
générale de l'Europe, et particuliè-
rement sur le partage de la Pologne,
dont le prince Henri, son frère, se
vantait d'avoir fait à Catherine la
première ouverture. Les détails de ces
entretiens, que Ségur a rapportés dans
ses Mémoires, sont du plus haut in-
térêt. Nous ne pensons pas cepen-
dant qu'il y ait dit toute la vérité ;
pour cela il était trop diplomate. Ce
qu'il a raconté de son entrevue
avec le roi Stanislas à Varsovie
n'est pas moins intéressant. Enfin il
arriva à Saint-Pétersbourg, et, après
quelques jours d'attente, il fut reçu
par l'impératrice. Son embarras et
son trouble furent tels dans cette
première audience, que, ne -pouvant
se rappeler le discours que, selon
l'usage, il avait fait remettre la
veille, il en improvisa un autre que
Catherine trouva fort bon, quelque
étonnée que cette princesse fiit de ne
point y reconnaître celui qu'elle ve-
nait de lire. Tous les rapports, toutes
les négociations que le nouvel am-
bassadeur eut à suivre auprès de la
czarine furent les conséquences de ce
premier succès. Personnellement il
lui avait plu, et l'on crut générale-
ment qu'il allait être le successeur,
le rival des Orloff, des Poniatowski,
des Potemkin, etc. ; mais on doit re-
connaître que , tout en répondant
avec une extrême politesse aux sé-
ductions de l'impératrice, le comte
de Ségur n'oublia pas qu'il était
l'ambassadeur du roi de France,
qu'il lui résista, au moins sous le
rapport politique, avec autant de
fermeté que de patriotisme. 11 com-
battit surtout avec beaucoup de force
ses projets sur Gonstantinople, aux-
quels elle revenait sans cesse. • Vous
SEG
ne savez donc pas ce que c'est que
ces Turcs que vous prott^gezPhii di-
sait-elle souvent , ce sont des bar-
bares, les descendants de Scythes.
— Cela est vrai , répondait Ségur,
mais ces barbares sont nos plus an-
ciens alliés ; !a chute de leur empire
romprait tout équilibre en Europe. »
Un jour qu'elle dit les mêmes cho-
ses en présence de Joseph II , ce
prince, qui n'était pas encore entré
dans ses projets de conquêtes , ne
contesta point la barbarie des Otto-
mans, mais déclara franchement que,
tout bien considéré, il aimait mieux
voir à Constantinople des turbans
que des chapeaux. Potemkin, avec
qui Ségur s'était assez intimement lié,
revint aussi plusieurs fois sur ce su-
jet, mais toujours il reçut de lui des
réponses aussi fermes que convena'
blés; let il faut remarquer que cette
fermeté, qui ne se montra jamais au
reste que sous des formes extrême-
ment polies, ne déplaisait point à
l'impératrice; que l'ambassadeur du
roi de France jouit constamment au-
près d'elle d,'une faveur que n'obtin-
rent jamais les envoyés de l'Angle-
terre, ni ceux d'aucune autre puis-
sance. Admis dans l'intimité, à tou-
tes les fêtes de la cour, il composait
des pièces pour le théâtre de l'Her-
mitage, et fut comblé de présents par
la czarine, qui, à sa demande, si-
gna en 1787 un traité de commerce
plus avantageux que celui de l'An-
gleterre. Le cabinet de Londres en
fut très-piqué et se lia dès lors avec
la Prusse contre la France et la Rus-
sie.Ce fut pour combattre cette li-
gue que Ségur , d'accord avec les
cours de Vienne, d'Espagne et de St-
Pétersbourg , conçut la pensée d'une
quadruple alliance, qui eût consacré,
il est vrai, la chute de la Turquie et
de la Pologne, mais qui, si nous ne
SÊ6
51
pouvions empêcher l'une et l'autre,
nous eût du moins offert un moyen
d'être admis au partage ou d'ob-
tenir de justes compensations. Com-
me nous l'avons dit, ce qui pouvait
arriver de pire à la France, et ce
qui malheusement est arrivé, c'était
de rester immobile et impassible en
présence de cette grande spoliation.
Ségur fit de vains efforts pour l'em-
pêcher; le faible et timide Louis XVI,
qu'épouvantait la moindre pensée de
guerre, repoussa toutes les proposi-
tions qu'on lui soumit à cet égard, et
son ambassadeur fut obligé d'y renon-
cer, ce qui déplut fort à Catherine, et
sembla quelquefois affaiblir le crédit
de M. de Ségur auprès d'elle. Ils ces-
saient de se voir pendant quelques
jours, et ne correspondaient plus
que par intermédiaire, ce qui res-
semblait un peu à la bouderie de
deux amants. L'ambassadeur tenait
ferme , et c'était souvent l'impé-
ratrice qui revenait la première.
En 1786, elle l'invita à l'accompa-
gner presque seul dans un voyage
à l'intérieur de ses États, sous pré-
texte d'établir des moyens de na-
vigation sur le Volga et d'autres
fleuves. Mais une faveur plus grande
encore, ce fut de lui donner la pre-
mière place de son cortège dans un
autre voyage plus célèbre etqui devait
être beaucoup plus long, puisqu'il s'a-
gissait d'aller jusqu'en Crimée, cette
nouvelle conquête à laquelle il est
bien sûr qu'elle brûlait d'en ajou-
ter d'autres, comme elle le fit assez
voir en inscrivant fastueusement sur
un arc de triomphe où elle devait
passer : C'est là le chemin de By-
zance. Le comte de Ségur fut le té-
moin discret de cette audacieuse dé-
monstration ; et, s'il ne protesta pas
ouvertement, on doit au moins re-
connaître que rien dans ses discours
4.
53
8ÉG
et ses actions ne parut conlrair<? aux
intérêts et à l'honneur de la France.
Les détails qu'il a donnés sur ce
voyage de 3,000 lieues , qui dura
six mois, sont d'un très-haut in-
térêt. Tout ce qu'il dit de ses con-
versations avec la czarine, avec Po-
tenikin et Joseph II, est réellement
très-curieux. Le long séjour de cette
cour magnifique à Kiew, cette vieille
capitale, qui vit encore une fois dans
ses murs les maîtres du monde, n'est
pas moins remarquable ! Et cette
majestueuse navigation sur le Bo-
rysthi'ue ! Ces villes, ces palais, créés
lu veille pour disparaître ie lende-
main ! Cette longue haie de peuples
accourus de toutes les contrées pour
voir la nouvelle Sémiramis! Tout
cela a quelque chose de grand, de fée-
rique, et Ségur l'a très-bien repré-
senté dans un style simple, mais
clair et facile, comme tout ce qu'il
écrit. Ce qu'il dit des grands person-
nages ({ui vinrent se ranger dans le
cortège impérial li'est pas moins in-
téressant. Le premier est le spirituel
Joseph II, accouru évidemment, non
pour empêcher la conquête de By-
x-ance, mais pour y prendre part.
Après ce grand empereur apparaît le
roi Slanislas, venu pour mettre ses
hommages respectueux aux pieds de
l'impératrice, à laquelle naguère il
avait fait agréer d'autres sentiments,
et qui en ce moment daignait à peine
le regarder du haut de son char de
triomphe ! Il en obtint cependant la
permission de porter encore pendant
quelques années le titre de roi. Dans
sa relation, Ségur parle beaucoup du
prince de Ligne qu'il avait connu à
Versailles et qu'il retrouva avec tant
de plaisir en Russie. Il dit aussi quel-
que chose d'unautrepersonnage non
naoins célèbre, le prince de Nassau ,
avec qui il avait eu à Paris un duel
SÉG
acharné, mais heureusement terminé
par un serment d'amitié auquel les
deux champions se montrèrent tidè-
les. Ségur présenta sou ami à l'impéra»
trice qui lui donna le commandement
(le ses flottes sur le Borysthèiie et dans
k Baltique, où il remporta d'éclatan-
tes victoires. Enfin, une apparition
plus étonnante, ce fut celle d'Alexan-
dre Lameîh qui se trouvait dans ces
contrées sans que l'on sache pour-
quoi , et que son ami présenta à
Catherine qui le reçut très- bien,
comme aussi le Péruvien Miranda
qui déjà avait commencé ses péré-
griiialions révolutionnaires. Reve-
nu à St-Pétersbourg vers le com-
mencement de 1788, le comte de Sé-
gur, il la prière de l'impératrice, et
d'accord avec l'ambassadeur d'Autri-
che Cobentzl, fit de nouveaux efforts
pour que la France entrât dans une
quadruple alliance; mais déjà des
symptômes de révolution avaient
ajouté aux perplexités, aux faiblesses
de Louis XVI. Dès lors, ce prince
avait perdu toute influence en Eu-
rope, et toutes les puissances, le
cabinet de Saint-Pétersbourg com-
me les autres, ne doutaient plus
qu'il n'eût trop à faire de se défen-
dre contre ses ennemis de l'inté-
rieur, pour entrer dans une alliance
dont une guerre continentale eût
été la conséquence. Quelques mois
plus lot, cette guerre l'eut sauvé ; il ne
l'avait pas osée, l'occasion était inan-
quée. A présent elle pouvait le perdre,
ei d'ailleurs il lui était impossible de
la faire. L'ambassade deRussie, com-
me toutes les autres, devint à peu
près inutile. Ségur le sentit, ou peut-
être lui vint-il à la pensée d'aller se
mêler au mouvement révolutionnaire.
Se rappelant un congé qui lui avait
été précédemment accordé, il an-
nonça subitement son départ à l'ini-
SÉG
SEG
63
pëidtrice. C'était à la fin de l'au-
iiec 178'J. Les événements de Ver-
sailles étaient déjà connus, et l'on
savait que Louis XVI avait été en-
traîné captif dans sa capitale en pré-
sence de l'Assemblée nationale pro-
tégeant la révolte ; enfin, on ne dou-
tait pas qu'en France le pouvoir
royal ne fût anéanti. Catherine sur-
tout avait parfaitement compris la
portée de ces événements, et, ainsi
que les autres puissances, elle s'ap-
prêtait à en profiter. Dès le commen-
cement, elle prit la résolution de
rompre avec tous les pouvoirs révo-
lutionnaires, et rappela son minis-
tre de Paris. Cependant elle avait
quelque estime personnelle pour
Ségur; elle désirait sincèrement le
retenir auprès d'elle, et l'attacher à
la cause royaliste. « Je vous vois par-
« tir avec peine, lui dit-elle. Vous fe-
« riez mieux de rester au près de moi,
" de ne pas aller chercher des ora-
• ges dont vous ne prévoyez peut-
« êire pas toute l'étendue. Votre
• penchant pour la nouvelle philoso-
« phie et pour la liberté vous por-
« tera probablement à soutenir la
« cause populaire. J'en suis lâchée;
• car moi je resterai aristocrate :
« c'est mon métier. Songez - y :
«vous allez trouver la France bieu
" enfiévrée et bien malade. » Voilà
quelles furent, selon M. de Sé-
gur, toutes les paroles de l'impé-
ratrice. Nous ne contestons pas leur
exactitude ] mais si l'on en croit les
bruits qui coururent alors à St-Pé-
tersbourg et qui retentirent à Paris,
la czarine y en ajouta de plus remar-
quables encore, qu'elle le chargea de
porter à Louis XVL • Dites à votre
" maître qu'il a trop fait de conces-
« sions, que ce n'est pas en cédant
« aux peuples qu'on peut les gouver-
» lier. Moi-même, au milieu de mes
• Cosaques, si je faisais un pas en ar-
« rière, ils me renverseraient
• Qu'il montre de la fermeté et du
« courage ; s'il en est temps encore ,
« je ferai ce qui me sera possible
" pour l'aider. » Nous ignorons .si
l'ambassadeur rapporta lidèleinent
à Louis XVI de pareils avis; ce
qu'il y a de sûr, c'est que rien, dans
la conduite ultérieure de celui-ci, ne
prouve qu'il en ait eu connaissance.
Quoi qu'il eu soit, on ne peut pas
douter que M. de Ségur ne fût alors
très-pressé (le retourner en France- Il
lui tardait de revoir ses amis, sa fa-
mille, ou peut-être, comme le lui avait
dit assez orjvertement Catherine, il se
flattait déjouer un rôle dans ces trou-
bles et ces agitations, où plusieurs de
ses amis figuraient au premier rang.
En passant à Varsovie, il vit encore
le malheureux Stanislas qui, plein de
sens et de raison, lui exposa fort
bien sa position, dont il pressentait
toutes les conséquences, sans pou-
voir leur opposer autre chose qu'une
froide résiguatiou. Cette fois Ségur
n'alla point à Berlin, où il n'eût plus
trouvé le grand Frédéric. D'ailleurs
la Prusse était alors très-étroitement
liée avec l'Angleterre, et l'on n'igno-
rait pas ce que l'ambassadeur de
France avait fait pour opposer à cette
union un traité de quadruple alliance.
C'était plus tard et sous d'autres
auspices qu'il devait retourner dans
cette capitale. De Varsovie il se ren-
dit à Vienne, où Joseph II, sur son
lit de mort, lui dit des paroles non
moins lumineuses, non moins pro-
phétiques que celles de Catherine il:
• La quadruple alliance que j'ai dé-
« sirée eût prévenu bien des mal-
« heurs.Vos ministres ont trop craint
« la guerre. Si elle avait eu lieu, vos
' parlements n'auraient pu refuser
• de l'argent au roi, et l'ardeur fran-
5^
SEG
« çaisese serait jetée dans les camps.
«Au reste, qui pourrait savoir ce
« qui seraitarrivé ? une folie générale
« semble s'être emparée de tous les
. peuples. Ceux du Brabant se ré-
« voltent parce que j'ai voulu leur
« donner ce que votre nation exige
« en se révoltant. » Rien ne put con-
vaincre l'ambassadeur de Louis XVI,
et U vint à Paris, non pour combattre
la folie générale, mais pour y prendre
part. Sespremièresvisitesfurent pour
ses chers amisLameth,Lafayettej Bi-
ron, qui étaient alors à l'apogée de la
faveur populaire, et qui n'eurent au-
cune peine à lui démontrer que tout
ce qu'ils avaient fait était pour le plus
grand bien de la France, et même de
la famille royale. 11 vit ensuite le roi ;
puis la reine « qu'il avait laissée ,
■ dit-il, si heureuse, si brillante,
« si aimée , si entourée d'horama-
« ges. Et lorsqu'elle me raconta
« les injustices dont elle avait été
« l'objet, les efforts de la jalousie
« contre sa réputation, à l'époque de
" l'affaire du collier, contre ses seu-
« timeats d'épouse et de mère, quand
« on l'accusait de faire passer l'ar-
« gent de la France en Autriche, en-
« fin contre ses véritables inten-
• tions , en lui reprochant d'avoir
• voulu détourner le roi de son pen-
« chant à satisfaire le peuple par des
« réformes et des sacrifices néces-
• saires.., il me serait impossible de
• dire, ajoute M. de Ségur, à quel
« point je fus ému. » Nous ne voyons
pas néanmoins, dans la suite de cet
entretien, tel qu'il le rapporte, des
traces bien évidentes de cette émo-
lion. Et cependant comment n'être
pas attendri par le récit de tant et de
si grands malheurs dans la bouche
d'une reine qu'on a tant admirée, tant
aimée?. Nous ne pensons pas qu'il
en ait été fait de plus simple ui de plus
S£G
exact et de plus touchant.Comme l'his-
toire ne saurait être appuyée de meil-
leurs témoignages, nous en citerons
encore la dernière partie... «Nous
« avions pourtant choisi pour minis-
« tres,dit cette infortunée princesse,
« tous ceux que nous désignait l'opi-
« nion publique. Mais à peine le roi
« adoptait leurs plans, que nous étions
« assaillis de plaintes, de cris, de re-
« niontrances contre ces mêmes mi-
" nistres dont on regardait les con-
« seils comme dangereux. Les par-
« lements, la noblesse, le clergé,
" notre cour même s'efforçaient de
« nous persuader que nous nous
« trompions , que notre confiance
« était mal placée, et qu'au lieu de
« guérir les maux de l'État on les
« aggravait de jour en jour. Vous
« connaissez la bonté du roi, sa dé-
« fiance de lui-même, et son unique
« passion, le bonheur de la France.
" Il cédait tantôt à la cour, tantôt
« aux parlements. Nous cherchions
« d'autres moyens de faire le bien,
o Ils ne réussissaient pas mieux.
« Les grands corps de l'État, les no-
« tables , tout semblait se réunir
« contre nous. Enfin, comme de tou-
« tes parts on demandait les États-
« généraux, le roi les a convoqués j
« mais à peine sont -ils assemblé»
« que la discorde se met entre eux ;
« qu'une épouvantable révolution
« éclate. On a-voulu anéantir notre
« autorité, les prérogatives du clergé,
« les droits de la noblesse; et, comme
" nous croyions devoir les défendre,
« on a soulevé le peuple contre nous,
« déchaîné sa furie, séduit nos trou-
« pes, bravé ouvertement l'autorité
« royale. Le roi s'est vu contraint
« de renvoyer les régiments qui veil-
« laicnt à sa sûreté ; nos amis deve-
u nus l'objet de la haine publique
• ont été forcés de fuir. Paris en ré-
SEG
" volte s'est emparé de h Bastille,
« et biea que la condescendance du
« roi, qui ne veut pas qu'une goutte
« de sang soit versée pour sa cause,
» ait été' jusqu'au point d'acquiescer
" à tout ce qu'on lui demandait, le
« calme n'a pu se rétablir; les pas-
« sions du peuple ont redoublé de
« violence; enfin nous avons vu
« notre palais de Versailles envahi
" par des brigands. Je n'ai échappé
« à la mort qu'en sortant précipitam-
" ment de ma chambre pour me ré-
« l'ugier dans celle du roi. Plusieurs
« de nos gardes ont péri ; et vous
" nous voyez , enfin, ici, exposés
" peut-être à de nouveaux dangers.
' Que pensez-vous d'un si funeste
«état de choses? Et croyez- vous
« qu'il soit possible de nous en tirer ?
" Tel fut à peu près, ajoute M. de
" Ségur, un récit qui me touchait
« trop pour que je puisse l'oublier.
" Jamais je ne vis plus de dignité
•< dans la douleur, plus de douceur
" dans l'affliction, w La reine ter-
mina ce récit par quelques mots qui
indiquentassezque, quelleque lût sa
confiance en M. de Ségur, celte prin-
cesse croyait ne devoir lui parler
qu'avec une certaine réserve, à cause
de ses liaisons avec Lafayette, La-
nieth et tout le parti qui dominait.
« Elle me parla sans aigreur, dit-il
« encore , de ceux de mes amis qui
« se trouvaient à la tête du parti po-
" pulaire. Ils ont fait du mal en por-
« tant de fortes atteintes à l'autorité
« royale \ mais, loin de les confondre
" avec ceux qui ont ameuté contre
« nous une populace en fureur, je
« les crois dispi^sés à nous mettre à
" l'abri de pareils excès, et à main-
■' tenir ce qui nous reste d'autorité.
•' C'est surtout le devoir de M. de
« Lafayette , votre parent et votre
« ami. Quelques reprochesque j'aie à
SEG
65
« lui faire, je dois convenir qu'à
« Versailles, dès qu'il a su notre pé-
« ril, il est venu à notre secours et
« nous a rendu par là le service le
« plus essentiel. Vous le verrez sou-
« vent ; rappelez-lui bien ce qu'il
« m'a promis. Il est de son honneur,
« puisqu'il commande à Paris, que
« la dignité et la sûreté du roi n'y re-
« çoivent aucune atteinte... » Nous
ignorons si M. de Ségur s'acquitta
bien exactement auprès de son illus-
tre cousin de la commission que lui
donna Marie -Antoine! te; seulement
nous voyons qu'au bout de quarante
ans il a rapporté à côté de ce cu-
rieux entretien un extrait de sa ré-
ponse que nous trouvons bien froide
et même inconvenante. En vérité,
nous n'aurions jamais pensé qu'un
homme aussi poli, un si bon courti-
san, qui avait si bien apprécié le
beau caractère de cette malheureuse
reine, eùt'pu répondre à tant de con-
fiance, à un si attendrissant récit,
pardefroidsavis, d'inutilesréflexions
et même des reproches au moins in-
tempestifs sur l'exil et le rappel des
parlements, sur les dédains de la
cour pour le tiers-état , sur des
coups d'autorité peu calculés, mal
soutenus, sur l'indécision dans les
questions les plus importantes , et
autres récriminations peut-être fon-
dées, mais certainement très-dépla-
cées dans une pareille occasion. Ma-
rie-Antoinette avait trop d'esprit
et de sens pour ne pas voir que
M. de Ségur n'était plus l'homme
poli, l'aimable courtisan que na-
guère elle avait accueilli dans sa so-
ciété intime, qui en avait paru si
reconnaissant, mais qui, dans ce
moment, n'avait plus de rapport et
d'intimité qu'avec ses ennemis les
plus dangereux. Cependant il recon-
naît que cette princesse lui donna
56
SÉG
SEG
encore peiidaut un an des preuves
de conliance , mais que plus lard
d'autres conseils l'eu privèrent!...
En vérité, comment ne pas s'étonner
que celle confiance ait duré si
loiig-lenips, quand on considère que
Sé'^viK vivailalors dans l'intimité des
cliels (Je la révolution ; qu^en sor-
!aut du cliâlcciu vu plutôt de la pri-
son oii ces messiems leuaienl la la-
iiiille royale eiiformée, il assistait à
li'urs réunions, à leurs clubs, se
mêlait à tous leurs projets , à leurs
lutrigues, et, pour acquérir dans ce
parti de l'influence et de la popula-
rité, publiait des brochures et des
articles de journaux , qui , pour être
écrits avec un peu de réserve et de
modération , n'en étaient pas moins,
selon les idées nouvelles et très-con-
traires à la cause du roi el de la mo-
narchie. Nous lisons, par exemple,
dans le Moniteur, qui déjà était con-
sidéré comme le journal otticiel de la
révolution, un de ces articles où le ci-
devant ambassadeur disserte fort au
long sur la question de la peine de
mort qui s'agitait à l'Assemblée natio-
nale, el que des philanthropes hy-
pocrites, des tartufes de patriotisme
faisaient semblant de vouloir abolir.
Ce qu'il y eut d'assez remarquable
dans cette discussion , c'est que le fa-
meux Robespierre opina pour l'aboli-
tion, et que RI. de Ségur fut du même
avis. Et ce qui est peut-être plus re-
marquable encore, c'est que celui-ci
s'appuya, pour le faire prévaloir, de
l'exemple de Catherine II, qui, dit-ii
faussement, L'avait presque entière-
ment abolie dans ses États , où, elle
régnait en philosophe sur un trône
absolu. Cet article , publié le 2 juin
1791 , est signé Ségur, ambassadeur
a Home , el ci-devant ministre du
roi en Russie. Le premier de ces ti-
trer lui avait en elTcl été doiiuc par
le roi constitutionnel , ou plutôt par
les meneurs du par ti qui régnaient ea
son nom ; mais on sait que Pie VI,
qui alors régnait encore un peu
plus réellement que Louis XVI, avait
positivement refusé de reconnaî-
tre en lui l'ambassadeur de la ré-
volution, et que M. (le Ségur, qui
s'était mis en route^ n'avait pu par-
venir au delà de Florence. Obligé de
revenir k Paris, il lut dédomma-
gé de cet affront par sa promotion
au grade de uiaréclial-de-camp , et
par une autre mission moins éclatante
peut-être, mais certainement d'un
plushautiulérêt, dans les circonstan-
ces oii se trouvait la France, puisqu'il
s'agissait de conjurer un orage très-
redoutable près de fondre sur elle.
Les bases d'une puissante ligue ve-
naient d'être posées à Pilnilz entre
la Russie, l'Aulriclie et les princes
français émigrés. Le roi Frédéric-
Guillaume devait se mettre à la tête
de celle coalition, el la France, dans
l'état de désordre et d'anarchie oii
elle était plongée, n'avait réellement
aucun moyen de Un résister. C'était
donc un service immense que Ségur
allait rendre à son parti , et on lui
donna pour cela de grands pouvoirs
el des instructions dont le texte n'a
jamais été publié , mais dont le sens
est facile à comprendre. On lui donna
aussi de l'argent (environ 3 mil-
lions), ce qui était beaucoup pour ce
temps-là et pour un pays oii Mira-
beau s'était fait fort, quelques an-
nées auparavant, de gagner tout le
monde pour 25,000 fr. Mais nous
pensons que les instruclioiis de Sé-
gur s'étendaient bien au delà des li-
mites de la Prusse , et même qu'elles
avaient quelque connexilé avec cel-
les du jeune Custine {vuy. ce nom,
X,38'J), qui dans le même temps
fui charge par le même parti d'allci
offrir la couronne de France au duc
de Brunswick. Ce qui doit aussi faire
penser que dans les instructions de
l'un et de l'autre il y avait un but de
propagandisme, c'est que Ségur, pas-
sant par Strasbourg, y eut une confé-
rence, àl'aubergeduSainl-Esprit avec
des agents de la propagande germa-
nique, venus tout exprès, et que leur
conversation, entendue d'une cham-
bre voisine, fut portée à Berlin avant
l'arrivéede l'ambassadeur. On conçoit
le mécontentement, le dépit que cet
avertissement causa aux ministres ,
aux maîtresses et aux courtisans, per-
sonnellement désignés comme aussi
faciles à tromper qu'à corrompre.
Le roi lui-même paraît avoir été peu
ménagé dans ces étranges instruc-
tions , et son irritation en fut ex-
trême. Le jour où M. de Ségur lui
présenta ses lettres de créance (12
janvier 1792), il lui tourna le dos,
aftèctant de demander des nouvel-
les du prince de Coudé à l'envoyé
de Mayence ; et sur la réponse
de celui-ci que U; prince allait se
rapprocher de la France, il lui dit
très-haut: «Tant mieux, car il y
rentrera bientôt. » On conçoit tout
le déplaisir qui dut résulter d'une
pareille boutade pour l'envoyé du
pouvoir constitutionnel de France, et
l'on a dit qu'à quelques jours de là
celui-ci reçut un affront encore plus
sanglant, et tel qu'il ne crut pas de-
voir y survivre. Ce qui est sûr , c'est
que le lendemain il fut trouvé blessé
et tout sanglant dans sa chambre. Le
bruit se répandit dans Berlin qu'il
s'était enfoncé un poignard dans le
sein , ce que ses amis eux-mêmes ne
nièrent point absolument, disant
qu'il avait été relevé tout en sang.
Lui inêmedéclaraqu'atteinld'une liè-
vre violente pendant la nuit, il était
tombe de son lit et s'était blessé gra-
SEG
SI
vemeut. Peu de jours après, soit qu'il
eût demandé son congé, soit qu'on
le lui eût donné, il quitta la Prusse
sans être remplacé. Revenu à Paris ,
il y trouva le malheureux Louis XVI
de plus en plus dégradé et humilié.
On a dit que ce lut alors que ce
prince lui offrit le portefeuille des
affaires étrangères ; mais nous pen-
sons que déjà le parti constitution-
nel auquel s'était attaché l'ex-ambks-
sadeur était dépassé et vaincu , (jue
déjà plusieurs de ses amis étaient
proscrits , fugitifs , que bientôt lui-
même n'allait avoir autre chose à
faire que de se soustraire à la pro-
scription. Convaincu de tout cela, il
alla habiter pendant quelques jours
le château de Fresne, si célèbre par
la retraite du chancelier d'Aguesseau,
aïeul de madame de Ségur , et ce fut
de là que bientôt il vit s'écrouler le
trône éphémère sur lequel ses amis
avaient si aveuglément assis Finfor-
tuné Louis XVI ; puis la mort de ce
pruice, et l'exil, rèchafaud pour tous
ceux qui ne voulurent pas se ranger
au nombre des assassins ou devenir
leurs complices ! Le citoyen Ségur
(c'est ainsi qu'il lui fallut désormais
s'appeler ) fut inscrit, sur la liste des
émigrés comme aussi son père et
son frère , qui n'avaient pas quitté la
France un seul instant. Celait un
véritable arrêt de mort pour tous les
trois ^ mais l'envoyé de la révolution
à Berlin avait de puissants amis,
même parmi les plus féroces monta-
gnards; il lui fut accordé de rester
détenu ou en surveillance dans une
maison de campagne près de Sceaux,
tandis que le vieux maréchal et son
plus jeune fils restèrent en prison à
la Force, d'où ils ne sortirent que
par la chute de Robespierre. Ceux
qui connaissent bien cette époque de
sang et de meurtres peuvent seub
58
SÉG
^G
comprendre toutes les humiliations
que dut subir, toutes les supplica-
tions que dut faire le ci - devaut
comte de Se'gur pour e'chapper k la
mort et pour y soustraire aussi les
siens ; car, il faut le dire, ce fut tou-
jours un très-bon fils, un très-bon
mari et même un très-bon frère,
quoique le vicomte se fût dès lors
tout à fait séparé de lui parla diffé-
rence de leurs opinions. Ainsi échappé
miraculeusement à l'échafaud , on
doit bien penser qu'il fit tout pour
ne pas retomber dans les mêmes pé-
rils. Par prudence ou par économie ,
car il était resté sans fortune, il ha-
bita encore la campagne pendant
quelques années, et s'y occupa uni-
quement de littérature et de l'édu-
cation de ses enfants, venant rare-
ment à Paris, et voyant peu de monde.
Boissy-d'Anglas était le seul ami
qu'il eût conservé. C'est dans cet in-
tervalle qui sépara la révolution du
9 thermidor de celle du 18 bru-
maire qu'il composa la plupart de ses
écrits, publiant parfois dans les jour-
naux les plus connus pour leur atta-
chement aux doctrines révolution-
naires des articles sur la politique
du temps et la littérature, qui, bien
qu'écrits avec mesure et ménage-
ment pour tout le monde, décèlent
toujours un sincère attachement aux
doctrines de la révolution. Ce fut
dans ce temps-là (1799), un peu après
la mort de Catherine II, qu'il publia,
sous le titre de Théâtre de VÈermi-
tage, toutes les pièces qu'il avait
composées dans les années 1787,
1788 et 1789, annonçant que plu-
sieurs de ces pièces étaient de l'am-
bassadeur Cobeutzljdu prince de Li-
gne, des comtes deStrogonoff, Sohu-
valow et de l'impératrice elle-même.
Sans croire absolument à une pa-
reille coopération, nous ne doutons
pas que Catherine II, qui aimait beau-
coup dans ce temps-là l'esprit et la
gaîté de Ségur, et qui était elle-
même douée d'un esprit , d'une
gaîté véritablement française, n'ait
souvent laissé échapper dans la con-
versation des traits plaisants et d'un
fort bon comique, lesquels, saisis
par l'adroit courtisan, et placés habi-
lement dans un cadre qu'il ajustait à
sa manière, auront suffi pour flatter
la vanité de la czarine , et même lui
persuader qu'elle était le véritable
auteur de la pièce. Le prince de Li-
gne se sera d'autant plus aisément
associé à ces petits mensonges , qu'il
était à cette époque également admi-
rateur de l'impératrice et du comte
de Ségur, et que dans plusieurs pas-
sages de ses écrits de cette époque
il a fait de lui un portrait extrême-
ment flatteur. Cependant, comme ce
prince resta fort attaché aux doc-
trines monarchiques, il changea com-
plètement d'avis, quand il vit son ami
deVersailleset de St-Pétersbourg de-
venir révolutionnaire. Âlorsil fit de lui
un second portrait commençant par
ces mots : Quantum mutatus ah illo^
dans lequel il rétracta tous ses pre-
miers éloges. Les apologistes de Sé-
gur se sont empressés de citer le pre-
mier de ces portraits, mais on con-
çoit par quel motif ils ont gardé le si-
lence sur le second. Cet excellent
prince de Ligne , qui était plus vrai
et plus franc que M. de Ségur, a peu
dissimulé , même dans ses écrits ,
son intimité avec Catherine. L'envoyé
de France, au contraire, même dans
les derniers temps de sa vie, se taisait
toujours à cet égard, et quand on le
pressait de questions sur ce sujet, il
détournait la conversation et sem-
blait cependant vouloir faire penser
qu'il avait joué le rôle de Joseph ou
d'Hippolyte. Quelquefois, pour ajou-
1er au mérite de la résistance, il van-
tait les beaux yeux bleus de l'impé-
ratrice et la fraîcheur de teint qu'elle
avait conservée jusque dans l'âge le
plus avancé. Mais dans le même
temps il fournissait des matériaux à
Castera, dont on sait que l'Histoire de
Catherine II est la plus violente dia-
tribe qu'on ait imprimée contre cette
princesse. A la même époque Ségur
publia sous son nom un autre ou-
vrage , VHistoire des 'principaux
événements du règne de Frédéric-
Guillaume II, roi de Prusse^ ou
Tableau historique et politique de
l'Europe de 1786 à 1796. Les cir-
constances dans lesquelles se fit cette
publication et son titre équivoque ,
que l'auteur a changé plusieurs fois
depuis, fixèrent au plus haut degré
l'attention publique. On s'attendait à
y trouver, de la part de M. de Ségur,
d'importantes révélations sur la di-
plomatie européenne, et principale-
ment sur sa mission de Berlin , que
chacun expliquait à sa manière, et
sur laquelle lui-même n'avait jamais
dit que quelques mots insignifiants.
Mais, sous ce rapport, l'attente du
public fut complètement trompée.
Il y est à peine fait mention de
cette circonstance si importante
dans la politique de l'époque, et
plus iiijportante encore dans la vie
du comte de Ségur. Ou espérait aussi
trouver dans cet ouvrage quelques
mots d'éloge et de ^reconnaissance
envers Catherine II , qui avait été
si bonne pour l'auteur ! Mais sous ce
rapport les espérances des lecteurs
furent encore déçues. L'écrit dans le-
quel Ségur a parlé avec le plus de
liberté de cette princesse est le Por-
trait de Potemkin, qu'il n'a pas
craint d'insérer sous son nom dans
les dernières éditions de Castera, les-
quelles, il est vrai, ne parurent qu'a-
SÉG
&d
près la mort de Catherine II , que
probablement il n'aurait pas osé trai-
ter ouvertement aussi mal de son vi-
vant, de peur que cette princesse ne
se fût écriée , ainsi que le prince de
Ligne : Quantum mutatus al illo !
Comme VHistoire de Frédéric-Guil-
laume était écrite pour la France
dans un assez bon esprit de modé-
ration, de justice, et qu'alors ou
était peu accoutumé à un pareil lan-
gage, cet ouvrage eut beaucoup de
succès. Ségur en donna peu de temps
après un autre qui n'était pas de lui,
mais dont il se fit l'éditeur en y
ajoutant des notes et commentaires.
C'est celui du célèbre Favier , in-
titulé Politique de tous les cabi-
nets de l'Europe pendant les règnes
de Louis XV et Louis XVI, publié
en 1793 d'après le manuscrit enlevé
dans le pillage des Tuileries après la
journée du 10 août. On sait que ce
précieux écrit n'était autre chose que
le résumé de la fameuse correspon-
dance du comte de Broglie et de Fa-
vier, ce profond publiciste dont les
deux rois auxquels elle était destinée
eurent si grand tort de ne pas faire
leur principal guide. Les notes que
Ségur a ajoutées à cette édition sont,
pour la plus grande partie, conformes
aux opinions de Favier; mais quand
elles en diffèrent, c'est presque tou-
jours par suite de ses nouveaux prin-
cipes, qui lui ont d'ailleurs fait
commettre des erreurs bien plus
graves. A cette époque, son premier
soin, son seul but était de plaire au
nouveau consul, qui l'avait nommé
membre du corps législatif, emploi
bien humble sans doute eu raison
de son ancien rang et de ses hautes
fonctions; mais c'était un motif pour
chercher à eu avoir davantage, et,
sur ce point, Ségur ne se rebutait
pas facilement. Cependant il ne
60
&ÈG
S£G
se dissimulait point que le créa-
teur de la nouvelle monarchie avait
peu de goût pour ceux qu'il soup-
çonnait d'avoir renverse l'ancienne,
ou du moins de ne l'avoir pas dé-
fendue comme ils auraient dû le
faire. Et une autre cause de défa-
veur auprès de Bonaparte, c'est qu'il
n'aimait pas que ceux qu'il plaçait
dans de hauts rangs tissent des li-
vres, et surtout des livres politi-
ques. Lors de la publication de l'If îs-
toire de Frédéric- Guillaume^ sa-
chant très-bien que M. de Ségur en
était l'auteur, il feignit un jour de
l'ignorer, et lui demanda sur le ton
dédaigneux qu'il prenait quelque-
fois avec les ci-devant grands sei-
gneurs, quand il voulait les humilier,
si ce M. de Ségur qui faisait des
livres était son parent. Obligé d'a-
vouer le fait, Ségur se le tint pour
dit, et jusqu'à la chute du trône
impérial il ne publia pas un volume,
bien qu'il en eût composé un grand
nombre dans sa retraite. H les ren-
ferma dans ses carions et chercha un
autre moyen de plaire au maître. C'é-
tait le temps où la France, échap-
pée aux calamités des factions et de
l'anarchie, se précipitait dans le des-
potisme. Les hommes de l'ancien et
ceux du nouveau régime, les séna-
teurs, les tribuns et les législateurs,
tous manifestaient le même zèle;
c'était à qui se montrerait plus hum-
ble et plus empressé : ad servitulem
ruunt, aurait dit Tacite. Placé dans
une assemblée condamnée au silence,
il était difficile de se faire remarquer,
même pour l'ancien comte, pour le
ci-devant ambassadeur. Ce ne fut
qu'en 1804, quand il fallut consa-
crer par une loi ou un décret son
élévation au trône impérial, que Bo-
naparte permit à cette assemblée de
muets de ^rompre entin le silence
pour cette fois et i pour cet objet
seulement. Alors on vit le législa-
teur Ségur s'élancer à la tribune et
s'écrier d'une voix pathétique :
• Lorsque le tribunal a émis un
• vœu dicté par la reconnaissance
• nationale pour le premier magis-
« trat de la république, le corps lé-
« gislatil , qui éprouvait le même
• sentiment, crut avec regret que la
« constitution lui interdisait la fa-
« culte de l'exprimer et de prendre
• à cet égard aucune initiative. Je
« craignis dès lors, d'après les en-
• traves imposées par la constitu-
• tion, qu'aucune des autorités éta-
« blies ne pût ren)plir compléte-
« ment un vœu que je crois général.
« Dans une aussi grande circon-
« stance, lorsqu'il s'agit de décider
« si la gloire de nos armes, si les
« douceurs de la paix , la restaura-
« tiou de l'ordre public, la compres-
" sion de toutes les factions seront
« durables ou passagères; lorsqu'il
• faut imprimer le sceau de la con-
• stance à nos institutions et enle-
• ver aux ennemis du peuple Iran
• çais l'espoir de voir renaître les
• troubles qui tourmentaient la ré-
« publique avant le 18 brumaire;
« lorsqu'il s'agit entin de donner à
• l'homme que la France admire et
• que l'Europe nous envie une ré-
• compense digne de nous et de lui,
« c'est au peuple souverain qu'il
" faut s'adresser; c'est lui seul qui
« peut réaliser complètement nos
« vœux, et, par un acte de sa vo-
« lonté libre et suprême, assurer
" son bonheur et son repos en don-
« nant à Bonaparte la marque la
« plus éclatante de sa confiance et
« le digne prix de ses travaux et de
« ses périls. La réponse du premier
• consul au sénat est parfaitement
• conforme a celte opiaiuu. Cet il-
SÉG
<• lustre citoyen, à l'esprit duquel au-
" eu ne grande pensée n'échappe, ex-
« prime à la fois sa reconnaissance
« pour cette grande autorité et son
• respect profond pour la majesté du
« peuple souverain. Enfin les consuls
• et le conseil d'État, en convoquant
• la nation, nous donnent le juste es-
• poir de voir disparaître ces tristes
« bornes que le patriotisme regardait
«avec inquiétude, et l'envie avec
« une joie basse et perfide. Cet ar-
« rêté des consuls qui nous a été
« communiqué nous laisse une en-
• tière liberté d'exprimer nos sen-
« timents. Ce n'est point ici l'un de
« ces actes sur lequel le silence im-
• partial d'un juge nous est imposé ;
• c'est un appel au peuple dont nous
• luisons partie, dont nous sommes
« les représentants A la suite
de ce beau discours, le citoyen Sé-
gur ( car c'était encore ainsi qu'il
devait se nommer) fit décréter l'ou-
verture immédiate d'un registre pour
inscrire le vœu de chacun de ses col-
lègues et l'envoi au consul d'une
grande députalion pour lui porter
le résultat de ces vœux. On con-
çoit toutes les conséquences d'une
telle manifestation, sans nul doute
préparée d'avance, ainsi que cela se
faisait sous Napoléon, dans les cir-
constances importantes. On voit que
dans celte grave comédie Ségur
n'avait pas eu le rôle le moins écla-
tant. La récompense ne se fit pas at-
tendre; dès les premiers jours de
l'année suiviinte, il fut nommé con-
seiller d'État, et il fit en cette qua-
lité beaucoup de rapports sur des
matières d'administration auxquel-
les on le croyait tout à fait étran-
ger, telles que les douanes, les fo-
rêts, les séminaires, etc- Nous ne di-
rons rien du mérite de ces rapports,
qui ne trouvèrent jamais de contra-
SÉG
€1
dicleurâ et furent invariablement
adoptés par les ci-devant confrères
du rapporteur, restés impassibles et
muets. Ce qui prouve que le maître
en fut également satisfait, c'est que
Ségur fut successivement nommé
grand-officier du palais de l'em-
pereur, grand-maître des cérémo-
nies, et enfin sénateur avec dota-
tion , majorât et le titre de comte, qui
lui fut rendu (1813) ; ce qui fit dire
aux plaisants, comme sur la fin de
sa vie il avait la taille un peu con-
trefaite, que c'était un comte refait
(contrefait). Ainsi le comte de Ségur
était parvenu , sous le règne im-
périal , à réunir d'assez grands
avantages ; mais il n'y avait dans
tout cela aucune preuve de véri-
table confiance. Napoléon, nous l'a-
vons dit, ne se fiait «point aux
grands seigneurs qui, après avoir été
comblés des faveurs de l'ancienne
cour, lui avaient manqué de dévoue-
ment. H avait trouvé bon de se ser-
vir de son zèle et de placer sur la
liste de ses courtisans un nom aussi
illustre: mais il ne lui avait jamais
donné véritablement ni influence ni
pouvoir. La diplomatie était au reste
la seule carrière qui put être con-
venablement ouverte au comte de
Ségur, et il y avait dans cette partie
des secrets où l'on ne voulait pas
l'admettre. D'ailleurs Talleyrand
était là pour lui barrer le chemin,
et l'on doit bien penser que ce rusé
diplomate ne dut pas le recomman-
der. Ce ne fut qu'au dernier moment
de la décadence, et quand Napoléon
eut besoin de tout le monde, que,
voulant s'assurer de l'obéissance de
toutes les parties d'nn empire qui lui
échappait, il y envoya des commis-
saires extraordinaires avecde grands
pouvoirs, de longues instructions,
mais peu de moyens de les exécuter.
6?
SEG
SÉG
Le comte de Ségnr fut un de ces
commissaires, et ce fut la 18*" divi-
sion, celle de Dijon, qui lui échut.
A» moyen de quelques proclama-
tions bien sonores, de quelques me-
sures insignifiantes, il ne s'en tira pas
plus mal que les autres, et revint
paisiblement dans la capitale quand
les arme'es de la coalition envahirent
la Bourgogne, dès les premiers jours
de 1814. Ainsi il était à Paris lors-
que les alliés entrèrent dans cette
vi lie, et, comme ses confrères, il vota
dans le sénat pour la déchéance de
Napoléon et pour le rétablissement
de Louis XVIII. Se flattant alors de
conserver son titre de grand-maître
des cérémonies, et prenant au sé-
rieux le mot "Si niais et pourtant si
vanté, qu'en France il n'y avait
qu'un Français de plus, que rien ne
devait être changé, il continua de
présider à la direction du mobilier
et de la domesticité des maisons
royales ; et quand Louis XVIII fut
près d'entrer dans la capitale, il fit
préparer avec beaucoup de soin le
château des Tuileries; puis il se ren-
dit au devant du roi, à Compiègne,
où, après avoir rappelé à ce prince
les témoignages de bienveillance
qu'il en avait autrefois reçus, il lui
dit qu'en sa qualité de grand-maître
des cérémonies, il avait fait tout
préparer pour recevoir dignement
Sa Majesté. « Vous étiez, lui dit
Louis XVIII , le grand-maître des
cérémonies de l'empereur; mais il
me semble que nous avions aussi un
grand - maître des cérémonies qui
s'appelait M. de Dreux-Brézé, et je
n'ai pas appris qu'il fût mort ou
qu'il eût renoncé à ses fonctions. •
La réponse était claire; M. de Ségur
se le tint pour dit, et dès ce mo-
ment il ne se montra plus que
dans ropposition avec le parti li-
béral ou bonapartiste, ce qui alors,
était à peu près identique. Cependant,
comme il était sénateur , et qu'il
y avait une convention ou une es-
pèce de capitulation qui assurait
la position de ces messieurs, il
fut porté sur la liste des pairs et
continua de jouir d'un assez bon
traitement , siégeant dans la cham-
bre haute avec l'opposition , qui
n'y était que dans une faible mi-
norité. Cet état de choses dura jus-
qu'à l'invasion deBonaparte, en 1815.
On pense bien qu'alors Ségur ne fut
pas des derniers à lui présenter ses
hommages. Parfaitement accueilli, il
fut à l'instant même rétabli dans
toutes ses charges et fonctions, puis
inscrit au premier rang des nou-
veaux pairs. Dans toutes les discus-
sions de cette chambre, auxquelles il
assista régulièrement , il se montra
l'un des plus zélés pour la cause im-
périale; et lorsque, après la bataille
deWaterloo,lasecondeabdicationfnt
annoncée, il demanda avec beaucoup
de chaleur que le fils de Napoléon
fût reconnu, et qu'une régence fût
nommée en son nom ; mais on sait
que rien de tout cela ne put s'exé-
cuter, et que Bonaparte fut bientôt
contraint de s'éloigner. Dans son
désespoir le grand-maître des céré-
monies offrit de le suivre partout où
il devrait aller ; et ce généreux dé-
vouement, qui ne fut.point accepté,
fit sur l'esprit de Napoléon une très-
vive impression. Long-temps après,
sur le rocher de Sainte-Hélène , il
parlait encore à ses amis du dévoue-
ment de ce hon M. de Ségur qui,
malgré son grand âge, avait voulu
le suivre, lorsque d'autres plus jeu-
nes et pour lesquels il avait fait
beaucoup plus, hésitaient et même
refusaient positivement. Nous pen-
sons bien, au reste, que dans ce dé-
SÉG
vouement napoléonien il y avait
autant de répulsion et de crainte des
Bourbons que d'amour pour Bona-
parte; mais M. de Ségur ne connais-
sait pas alors l'étendue de la clé-
mence royale, et il ignorait que toute
la vengeance de Louis XVIII devait
se borner à l'éloigner momentané-
ment de la chambre des pairs, pour
l'y faire rentrer un peu plus tard
triomphant, et y voter avec une
nouvelle majorité selon ses opinions
et par conséquent, toujours contre
le gouvernement royal. Ce fut en
1819 que, pour s'opposer aux consé-
quences de la proposition Barthé-
lémy {voy. ce nom, LVII, 241), et
faire de la chambre haute ce que la
dissolution du 5 septembre 1817
avait fait de celle des déput('s , le
ministère de ce temps-là intro-
duisit parmi les pairs tout ce qui
restait d'hommes un peu mar-
quants dans les débris de la révo-
lution et de l'empire. Le comte de
Ségur, en pareil cas, ne pouvait
être oublié. Dès ce jour jusqu'à la
lin de sa vie, il siégea dans cette
chambre avec assiduité , prenant
beaucoup de part à toutes les dis-
cussions , votant et parlant tou-
jours avec le parti libéral. En 1816,
lors de la réorganisation de l'Insti-
tut, où il avait été admis en 1803, il
y fut maintenu comme membre de
l'Académie française. Dans les der-
nières années de sa vie il eut le bon-
heur d'y avoir pour confrère son fils,
le brillant historien de Napoléon dans
sa campagne de Russie. Sous l'em-
pire il avait été académicien, plutôt
en grand seigneur qu'en homme de
lettres, c'est-à-dire ne se montrant
que dans les occasions solennelles,
parce que le maître le voulait ainsi.
Sous la Restauration, au contraire,
il ne parut plus s'occuper que de
SÉG 63
littérature, et ce fut alors qu'il pu-
blia ses Mémoires (3 vol. in-S»,
1824), que nous regardons comme
son ouvrage le plus important et le
plus curieux par les documents qu'il
contient sur l'état politique de l'Eu-
rope avant la révolution de 1789.
On regrette que l'auteur se soit ar-
rêté précisément à l'époque où son
livre pouvait offrir le plus d'intérêt ;
mais on doit comprendre que c'était
aussi l'époque où il eût rencontré le
plus de difficultés, et où il eût sur-
tout été fort embarrassé d'expliquer
sa conduite personnelle. Bien que
comblé sous le règne impérial de
beaucoup de faveurs et d'.honneurs,
il est sûr qu'il ne lui fut jamais
donné d'emploi de confiance et
qu'il n'eut aucune part aux affaires
d'État. Comme nous l'avons dit,
Talleyrand lui avait dès le commen-
cement barré le chemin dans cette
voie -, et quand' ce diplomate fui
tombé dans la disgrâce impériale, il
n'était plus temps pour Ségur de
rentrer dans la carrière. Sous le gou-
vernement de la Restauration elle
dût lui être encore bien plus rigou-
reusement fermée. Ainsi, dans la
dernière partie de sa vie, il ne fut
plus réellement qu'un homme de
lettres ; et il faut avouer que sous ce
rapport il fut toujours plus remar-
quable que comme homme d'État.
Sans être un savant de premier or-
dre, il n'ignorait rien de ce qu'un
homme lettré doit savoir. Son style
est facile, correct, mais souvent pro-
lixe et sans énergie. C'est bien de
lui qu'on peut dire le slyle est
l'homme même. Le comte de Ségur
mourut à Paris le 27 août 1832, ayant
à côté de lui Mathieu Dumas, Barbé-
Marbois, Lafayette et Lameth, ses
amis les plus anciens et les plus tide-
les. On ne peut pas douter qu'il n'eût.
64 SÉG
vu avec, joie ia révolution qui venait
de s'accomplir ; mais il eut à peine le
temps d'en connaître les conséquen-
ces. Son conl'rère à l'Académie, Ar-
nault, prononça svir sa tombe un
discours où se trouve cette phrase
qui le caractérise assez bien. « Il
« (Ségur) réunissait à ce que la cul-
« ture des lettres peut apporter
« de plus piquant dans les habitu-
« des de l'homme du grand monde,
« ce que les habitudes du grand
• monde peuvent prêter de phjs ai-
« mable au commerce de l'homme de
« lettres. " M. Viennet, son succes-
sesseur à l'Académie, a l'ait de lui
une brillante apologie dans son dis-
cours de réception. D'autres acadé-
miciens ont encore publié sur leur
confrère des notices ou des éloges du
même genre ; mais ce n'est pas dans
de tels écrits, toujours d'autant plus
applaudis qu'ils sont moinsvrais, que
l'histoire doit puiser ses couleurs.
Les Œuvres complètes du comte de
Ségur, formant 33 vol, in-8" avec
son portrait , un fac-similé et 2 at-
las, ont été imprimées en 1824, et
années suivantes. Cette collection
se compose des ouvrages ci-après :
1. Mémoires ou Souvenirs politi-
ques , ornés du portrait de l'au-
teur, et d'un fac-similé de son
écriture; 3 vol, in -8». II. Décade
historique, précédemment Histoire
du règne de Frédéric - Guillaume ,
réimprimée sur la 3« édit,, revue, cor-
rigée et améliorée; 2 vol. in-8°. III.
Politique de tous les cabinets de
VEurope, réimprimée sur la 3^ édit.,
revue, corrigée et améliorée; 3 vol.
in-8" (c'est l'ouvrage de Favier où
Ségur n'a fait que des notes). IV.
Histoire ancienne, réimprimée sur
la 3' édit., revue et corrigée, 3 vol.
in-8o. V. Histoire romaine^ réim-
primée sur une 3" édition, revue et
SÉG
corrigée, 3 vol. în-S», VI. Bisioin
du Bas-Empire, réimprimée sur une
3" édit., revue et corrigée, avec ta-
ble alphabétique et analytique des
matières, et atlas; 4 vol. in-8°. VII.
Histoire de France, 9 vol. avecatlas.
VIII. Galerie morale et politique ,
réimprimée sur une troisième édit.,
revue et améliorée; 4 vol. in-8''.
IX. Mélanges, composés de Poésies,
Théâtres (celui de THermitage com-
pris), Discours, etc.; 1 vol. in-8°. Sé-
gur a encore publié , à différentes
époques, beaucoup d'articles de jour-
naux et de morceaux de prose et de
vers qui ne sont pas dans la collec-
tion de ses Œuvres. Il était décoré
de la plupart des ordres de l'Eu-
rope, membre de la Société litté-
raipe et politique du Portique répu-
blicain, et, ce qui n'est pas moins
remarquable, l'un des fondateurs de
la Société des dîners du Vaudeville
aux séances de laquelle il était fort
assidu. Il a fourni beaucoup de chan-
sons et de morceaux de poésie à son
Recueil, ainsi qu'à VAlmanach des
Muses et à d'autres collections poé-
tiques, car, malgré l'avisde Voltaire,
il a continué de faire des vers jusqu'à
ses derniers moments. — M""^ de
SÉGUR {Antoinette- Marie-Êlisa bcth
d'Aguesseau),qui l'aida dans ses tra-
vaux littéraires, et dont on conserve
les manuscrits comme monument de
famille, mourut à Paris le :> mars
1818, à l'âge de 72 ans. M— d j.
SÉGUR (Octave-ïIenri-Gaeriel,
comte de), fils aîné du précédent, né
à Paris en 1779, reçut une partie
de son éducation à l'École poly-
technique, où ses progrès furent
rapides. En 1803, au sortir de cette
école, il publia des Lettres élémen-
iaires sur la chimie, 2 vol. in-l2.
En 1801, il traduisit de l'anglais de
miss Priscilla Wakelield, et lit im-
SÉG
primer la Flore des jeunes personnes ,
ou Lettres familières sur la botani-
que, in-I2. Cette traduction, qui a
eu troiséditions de 1801 à 1810, ré-
pond avec une élégante exactitude au
texte de l'auteur anglais, et peut être
lue très-utilement, même après les
Lettres de Rousseau sur le même
objet. A vingt-deux ans le comte de
Ségur fut nommé sous-préfet de Sois -
sons et s'y fit chérir par sa justice et
son noble caractère •, mais tout à coup
il disparut de cette ville sans qu'on
sût ce qu'il était devenu. Le ministre
de la police, Fouché, fit insérer dans
les journaux une note annonçant
qu'on le croyait noyé, et que des or-
dres étaient donnés pour la recher-
che de sou cadavre. Mais on sut plus
tard que dès-lors tourmenté par des
chagrins domestiques, il était allé
s'enrôler dans un régiment de l'ar-
mée d'Italie, et qu'à la suite d'une
défense désespérée, dont la vigueur
excita la surprise et mérita l'estime
du général ennemi , il fut pris et con-
duit en Hongrie. Plus tard on le revit
capitaine à l'armée d'Espagne, sous
les ordres de Masscna, qui lui mon-
trait une haute estime et la plus ho-
norable confiance. Ce fut lui qui se
jetagénéreusementau milieu destrou-
pes anglaises, pour sauver le jeune
Septeuil qu'un boulet venait de mu-
tiler. Il le prit sur ses épaules, et,
passant à travers une pluie déballes,
il le rapporta dans nos lignes. En
1812, près de Wilna, son escadron
reçut^'ordre d'enfoncer un régiment
de la garde russe. Octave de Ségur
obéit ^ mais son escadron enveloppé
fut presque entièrement détruit, et
lui-même tomba percé de coups.
Guéri de ses blessures, il demeura
prisonnier à Saratoff jusqu'à la paix,
qui le rendit à sa famille. Une mort
prématurée le lui ravit en 1818, où
LXXXII.
SÉG
65
cette fois il se noya réellement sous
Je Pont-Royal, le 15 août , tou-
jours tourmenté par le même motif
qui avait causé son départ de Sois-
sons. Il avait épousé mademoiselle
d'Aguesseau, sa cousine germaine.
On a encore de lui : I. Ethelvina,
traduit de l'anglais de Horsley Cur-
ties, 1802,2 vol. in-12. U.Bélinde^
conte moral de Marie Edgeworth, tra-
duit de l'anglais, 1802, in-8». Octave
de Ségur a laissé trois fils, dont l'un
a épousé mademoiselle Rostopchin,
la fille du fameux gouverneur de
Moscou ; un autre mademoiselle de
Lamoignon, et le troisième mademoi-
selle d'Aguesseau, sa cousine. Ces
deux derniers ont ajouté à leur nom
de famille ceux de leurs femmes.
Deux d'entre eux siégeaint à la Cham-
bre des pairs avec leur oncle le comte
Philippe de Ségur. D— s et M— d j.
SÉGURA ( JUAN-LORENZO DE ),
poète espagnol du XII® siècle, est
auteur d'un poema de Alexan-
dro , épopée dont Alexandre est le
héros et qui , après être restée
long-temps inédite, fut enfin publiée
par Sanchez, dans le tome III de sa
Colleccion de poesias castellanas
(Madrid, 1782). Elle a reparu depuis
dans la réimpression donnée à Paris,
en 1812, de cette même Colleccion.
Ségura nous apprend qu'il était ec-
clésiastique (clerigo). U a pris pour
base de son travail le poème de Gau-
thier de Châtillon, V Alexandreis ,
qu'il lui arrive de citer formellement
en un ou deux endroits; il a eu re-
cours à d'autres sources qu'il serait
difficile de bien préciser aujourd'hui.
Il faut convenir que cet auteur man-
que d'invention, de dignité, d'har-
monie; mais son ignorance de l'an-''
tiquité le rend assez piquant. Pour
peindre ce qu'il ne connaît pas il a
recours à ce qu'il connaît; il prête
5
66
SÈG
au héros macédonien les préjugés,
les opinions, les mœurs d'un Espa-
gnol du XII* siècle -, la mythologie se
mêle à la légende; les anachronis-
mes sont effrayants. Alexandre ex-
prime le désir de voir Tolède et Sé-
ville; il parle de Mahomet et des
Maures; sa mère Olympias le fait,
lors de son enfance, entrer dans un
couvent de bénédictins ; il est armé
chevalier le jour de la fête du pape
saint Anthère (le 3 janvier). Nous
avons remarqué une curieuse des-
cription de Babylone, ville oii règne
la plus grande abondance, où toutes
les figures sont joyeuses, où les trois
rivières saintes roulent sur des pier-
res précieuses, dont les unes jettent
une brillante clarté, tandis que les
autres donnent la santé et la force.
Là se trouve le jaspe qui préserve de
tout poison, l'éineraude qui détruit
les serpents et qui met les démons
en fuite, le diamant sur lequel nulle
substance n'a d'action, si ce n'est le
sang des chevreaux, la topase qui
communique sa couleur à tout ce qui
l'approche, la galuca qui donne bon-
heur et richesses à son propriétaire,
lemelacius qui découvre les voleurs,
Vidropicus qui rend invisible celui
qui le porte, le corail qui écarte la
foudre et préserve d'une mort sou-
daine, l'agate qui arrête le cours
des fleuves. Mais c'est assez de dé-
tails au sujet d'un poème dont per-
sonne ne parle et que personne ne
lit. B— N— T.
SEGURAN A (Catherine) fut la
Jeanne Hachette de Nice. Née d.ins
cette ville vers 1518 d'une famille
pauvre et obscure, elle vivait d'un
petit commerce en plein vent, lors-
que la flotte turco-française assiégea
en 1543 la ville de Nice, qui fut vail-
lamment défendue non-seulement par
les troupes du duc de Savoie, mais
SÊG
encore par la population tout en-
tière. Segurana se distingua par son
ardeur martiale et fut admise dans
la tour de Cinquaire, un des endroits
les plus menacés. Après une canon-
nade de plusieurs jours, la brèche
était devenue praticable sur une
grande étendue, et une foule de Turcs,
mêlés de quelques Florentins com-
mandés par Strozzi, montèrent à l'as-
saut- Déjà les Niçois commençaient à
faiblir, lorsque Segurana se jette ré-
solument sur le porte-étendard en-
nemi , rétend à ses pieds d'un coup de
poignard , s'empare de son enseigne,
et, la brandissant d'un air de triom-
phe, ranime le courage de ses compa-
triotes qui se précipitent avec fu-
reur sur les assaillants et les chassent
de tous les points. Cet échec décida la
flotte turco-française à cesser les hos-
tilités et à prendre le large. C'est ainsi
que N'ce dut au courage d'une femme
d'échapper au plus grand danger
qu'elle eût jamais couru. L'infime
condition de l'héroïne n'empêcha pas
ses concitoyens de lui ériger dès l'an-
née suivante un buste sur le théâtre
même de son exploit. On lisait au
bas cette inscription : Nicœna ama-
zon , irruentibus Turcis^ occurrit
ereptoquivexillo triumphummeruit.
Placé d'abord près de la porte Pairo-
liera , ce buste fut ensuite transporté
à l'hôtel-de-ville. En 1803 on éleva
àSegurana, sur la promenade publiqi e
du Parco^ une statue eu plâtre avec
quatre inscriptions, mais elle n'existe
plus aujourd'hui. Nous avons vu der-
nièrement chez un artiste une autre
statue en bronze de moyenne gran-
detr, due au talent d'un sculpteur
de Nice fort distingué, M. le comte
de Pierlas. Elle représente Segu-
rana dans le moment où elle vient de
s'emparer d'un drapeau turc et s'é-
lance contre l'ennemi en invitant du
SEG
regard ses compatriotes à la suivre.
Cette figure noble et martiale qui
n'exclut pas le caractère propre au
sexe, cette taille à la fois élevée et élé-
gante, souple et bien prise, cette éner-
gie qu'indique l'expression du visage,
la fierté de la pose, la décision de l'al-
lure, voilà bien le type idéal de l'a-
mazone. Malheureusement ce type
ne s'accorde guère avec le portrait
réel de Segurana, qui était si peu
douée des avantages de la beauté
qu'elle n'était connue parmi le peuple
que sous le nom de dona maufaccia,
mots qui, en dialecle niçois, signi-
fient/cmme mai /Saiie. Aureste, cette
difformité n'a pas plus arrêté les
poètes que les artistes , et Segurana
a eu des Homères, quoique la fin de
sa vie soit restée enveloppée, comme
le commencement, des plus épaisses
ténèbres. Chose incroyable ! il ne
b't-st trouvé aucun historien qui ait
suivi jusqu'au bout de sa carrière
cette femme à qui l'on avait élevé une
statue de son vivant , honneur que
bien des princes n'obtiennent pas
inême après leur moil. Gioftredo, ce
chroniqueur si minutieux et si pro-
lixe, accorde à peine quelques lignes
à Segurana, et la plupart de ses
contemporains qui ont raconté le
siège de Nice, ne font d'elle aucune
mention. Heureusement la reconnais-
sance du pays l'a vengée de cet in-
juste oubli , et l'enthousiasme que son
nom excite à Nice ne s'est pas refroidi
malgré un intervalle de trois siècles.
Parmi les poètes qui ont chanté Se-
gurana , nous citerons Louis An-
dreoli(l), auteur d'un poème italien
(l) Andreoli avait servi sous reriij)ire, i-t
il était colonel en retraite lorsqu'il mourut
a Turin, il y a une dizaine d'années. Le
poème dont nous parlons a pour titre :
Segurana, Nice, 1806, in-8o; seconde édi-
tion, Turin, 1827, augmentée d'autres poé-
sie» de l'auteur.
SEI
67
en sii chants, qui n'est pas dépourvu
de tout mérite , quoiqu'il soit assez
pauvre d'invention et que le style
laisse souvent beaucoup à désirer
sous le rapport de l'élégance et de
l'harmonie. A— y.
SEIDEL (Charles), romancier
allemand, né vers 1754, se fit d'abord
connaître par la publication de ro-
mans et de nouvelles qui obtinrent
beaucoup de vogue, furent réimpri-
més fréquemment , mais qui ne pa-
raissent pas avoir été traduits en
français. Ou cite comme les meil-
leurs la Comtesse Séraphine de Hœ-
nacker ; la Comtesse Sidonie de
Montabauer ; Goldchen, ou la Jeune
Bohémienne. Dans la suite Seidel se
livra à des occupations plus sérieu-
ses et fut nommé professeur à l'école
des jeune filles de la ville de Dessau,
fonctions qu'il remplit jusqu'à sa
mort arrivée en 1822. B— h — d.
SEINT-GEIIMAN (Christophe),
né à Skilton, près de Coventry, dans
le Warwickshire, d'une très bonne
famille , fit son cours académique à
Oxford , et s'acquit une réputation
honorable dans le barreau de Lon-
dres par son savoir, dans la jurispru-
dence, par sa probité et la générosité
avec laquelle il exerça sa profession
d'avocat, ne refusant jamais ses ser-
vices à ceux qui recouraient à ses
lumières ; il joignait à l'étude des
lois celle de 1.1 théologie et des bel-
les-lettres. Son application à lire
la Bible et à l'expliquer aux au-
tres le fit .soupçonner d'être favora-
ble au.v nouvelles opinions importées
d'Allemagne, ce qui lui valut l'éloge
desécrivaius réformés Seint-German
mourut à Londres le 28 septembre
1540. On a de lui : 1. Dialogua de
fundamentis legum Angliœ et de
consdentia, Londres, 1528, 1598,
1604 et 161.^, in-8°. II. Principiale-
68
SEL
gximAngliœ a gallico aermone trans-
lata, 1546, iu-8". Comme cet ouvrage
est joint au précédent dans l'édition
de 1528 donnée par Seint-German
lui-même , on l'en croit l'auteur.
III. Du pouvoir du clergé selon les
lois. IV. Traité pour prouver que le
clergé ne peut point faire des lois.
V. Traité de l'Église et de ses droits.
VI. Traité des Sacrements de VÈ-
glise. VII. Apologie de Thomas
More. VIII. Dialogue concernant le
pouvoir du clergé et celui du peuple.
T— D.
SELIGMAN ( Jean - Michel ) ,
graveur, né à Nuremberg, le 10 dé-
cembre 1720, était iils d'un impri-
meur en taille-douce établi dans la
même ville , et montra fort jeune un
goût particulier pour le dessin et la
gravure. Ce penchant reçut une di-
rection salutaire à l'Académie de
peinture , où il fut admis comme
élève en 1739, et où il se perfec-
tionna sous la surveillance de pro-
fesseurs habiles, nommément sous
celle des deux Preisler {voy. ce nom,
XXXVI, 38). En 1744, sa réputation
le fit appeler à Rome, puisa Sainl-
Pétersbourg. Revenu dans sa ville
natale, il exécuta un grand nombre
de gravures , spécialement pour des
ouvrages d'histoire naturelle , de
botanique , d'anatoniie. Cet artiste
mourut à la fin de 1762. Parmi ses
travaux qui sont fort estimés , on
remarque surtout les trente-quatre
gravures coloriées représentant les
vaisseaux de nutrition dans les
feuilles des arbres , avec l'explica-
tion de C.-J. Trew en allemand, Nu-
remberg, 1748, in-fol.; les cent qua-
tre-vingt-dix planches coloriées de
VHortus nitidissimus du même au-
teur {voy. Trew, XLVl, 503-504),
et qui ont paru à Nuremberg de
1768 à 1786, in-fol.; une Collec-
SEL
tion d'oiseaux rares et étrangers
avec la description exacte, en alle-
mand, Nuremberg, 1749 et ann.
suiv., t. I-IX, grand in-fol. Elle a
reparu avec une traduction fran-
çaise, Nuremberg, 1768 à 1 774 , in-fol.
On trouve dans le dictionnaire des
savants nurembergeois, par Will ,
t. m, p. 667, le catalogue complet de
l'œuvre deSeligman. — Un juif de ce
nom, qui était banquier de la cour
de Bavière , fut créé baron d'Eichtal
en 1815, et mourut à Paris peu de
temps après. B— H— d.
SELLÈQUE, littérateur, né vers
1767, fonda en 1797, en société avec
madame Clément-Hémery, le Jour-
nal des Dames et des Modes. Il prit
pour collaborateur Lamésangère ,
[voy. ce nom, LXX, 89), chargé spé-
cialement de tout ce qui concernait
les gravures annexées à ce journal ,
et finit par lui en céder la propriété,
sans cesser néanmoins de concourir
à sa rédaction. Ses articles sont si-
gnés de la lettre S-, le dernier qu'il
y ail inséré est relatif aux soupes
économiques dites à la Rumford, im-
portées d'Allemagne et dont on s'oc-
cupait beaucoup {voy. Rumford,
XXXIX, 314). Une maladie fébrile re-
tenait Sellèque chez lui , rue de
Rohan, lors de l'explosion de la ma-
chine infernale, le 3 nivôse an IX.
(24 décembre 1800), qui brisa toutes
les vitres de son logement. Ayant
appris la cause de ce désastre, il fut
frappé d'épouvante-, son étal devint
des plus alarmants et le délire s'y
joignit bientôt. II se persuadait que
le premier consul avait péri, et qu'on
lui cachait sa mort pour ne pas l'ef-
frayer. S'imaginant que la France
était retombée sons le régime de la
Terreur, il ne parlait que do prisons,
de tribunaux révolutionnaiii'S, d'é-
chafauds, et croyait qu'on venait à
SEL
chaque instant pour l'arrêter. Alors
il faisait apporter sa carte de sûreté,
et demandait avec les plus vives in-
stances qu'on le laissât mourir entre
les bras de sa femme. En vain les
médecins épuisèrent toutes les res-
sources de l'art ; en vain ses parents
et ses amis lui prodiguèrent les con-
solations les plus affectueuses ; rien
ne put le tirer de sa stupeur, et il
succomba, en proie à ces agitations
cruelles, le l®''janvier 1801, âgé seu-
lement de trente-quatre ans , et gé-
néralement estimé pour ses talents
et l'aménité de son caractère. Il avait
publié un petit ouvrage spirituel et
piquant, intitulé : Voyage autour des
galeries du Palais-Egalité (royal),
Paris , 1800, in-8% fig. P— rt.
SELLON (Jean-Jacques de), cé-
lèbre philanthrope, né à Genève, en
1782, dans la religion calviniste,
d'une famille noble et portant le titre
de comte du Saint-Empire romain,
fut appelé en 1816 au conseil souve-
rain de cette ville. 11 avait reçu de
Napoléon le titre de chambellan qu'il
conserva jusqu'à la chute du gouver-
nement impérial, bien qu'il n'en eût
jamais rempli les fonctions. Après
avoir fait d'assez bonnes études dans
sa ville natale, il avait voyagé en
Italie et séjourné long-temps en Tos-
cane, où il avait admiré la douceur
des lois pénales et surtout l'aboli-
tion de la peine de mort. Doué de
beaucoup de sensibilité et vivant
dans un temps oii le double fléau de
la guerre et des révolutions lit cou-
ler tant de sang, il fut vivement ému
des maux de l'humanité, et passa le
reste de sa vie à y chercher des adou-
cissements. Tandis que Malthus, Ri-
cherand et d'autres signalaient dans
leurs écrits la difficulté, augmentant
chaque jour, de faire vivre et de main-
tenir dans l'ordre des populations
SEL
69
d'autant plus turbulentes qu'elles de-
venaient plus nombreuses, Sellon n'é-
tait occupé que de les multiplier en-
core, ne doutant pas qu'elles ne dus-
sent trouver assez de subsistances
dans le sol, et que les gouverne-
ments ne fussent toujours en état de
les maintenir dans le devoir, même
après s'être dépouillés de toute leur
autorité et après leur avoir fait les
plus imprudentes concessions. C'est
dans cette conviction qu'il ne cessa
de demander l'abolition de la peine
de mort et celle de la guerre, com-
me aussi la suppression des armées
permanentes, et qu'il écrivit et pu-
blia beaucoup de brochures pour
obtenir ces grands résultats. Mais
ses ouvrages, assez mal écrits, il faut
le dire, trouvaient peu de lecteur.«,
et ils resteront dans l'histoire comme
les produits d'une âme vertueuse.d'un
cœur généreux , mais aussi comme
des. rêves et des utopies inexécuta-
bles. Le comte de Sellon aimait sans
doute beaucoup les hommes , mais
il ne les connaissait point assez, et il
ne savait pas que, quoi que l'on puisse
faire, la vertu et le savoir ne seront
jamais en majorité, et qu'ainsi le
gouvernement du plus grand nom-
bre et la souverainié du peuple pré-
sentent de grandes difficultés et peut-
être même sont impossibles. Ce zélé
philanthrope fut en 1830, à Genève,
fondateur et président de la Société de
la Paix. Il était membre de la So-
ciété des Arts de la même ville, et
correspondant de celle de la Morale
chrétienne de Paris, des Académies
de Besançon, de Strasbourg, de Ma-
çon , d'Abbeville, du Saint-Sépulcre
de Toscane et de la Société qui s'rst
formée à Londres pour l'abolition de
la peine de mort. Dans un recueil
qu'il publiait sous le titre de Mélan-
ges politiques, moraux et litle-
70
SEL
raireê, il passait successivement en
revue tous les intérêts sociaux, et
proposait souvent des plans et des
projets qui seraient admirables si
l'exécution en était possible. 11 fut
aussi quelquefois le défenseur spé-
cial de la cause des femmes, dont il
déplorait surtout la malheureuse
destinée. En mourant il légua à sa
veuve la charge, un peu forte peut-
être, de continuer pendant dix ans
à publier son Recueil des faits mo-
raux les plus importants. Ce fut le
9 juin 1839 que cet excellent homme
mourut entouré de parents et d'a-
mis qui le regrettèrent sincèrement.
Sans doute il n'avait pas fait autant
d'heureux qu'il l'eût voulu, mais il
est au moins bien sûr qu'il ne fit ja-
mais sciemment aucun mal. Il sa-
crifia sa fortune et sa vie à des spé-
culations qui toutes tendirent au
bonheur de ses semblables. Loin de
ressembler aux sycophantes, aux
tartufes hypocrites qui , en 1790 ,
voulurent aussi abolir la peine de
mort , et qui deux ans après firent
couler des torrents de sang, on peut
être assuré que Sellon fut toujours
de bonne foi, et que c'est dans une
conviction sincère qu'il chercha des
moyens d'améliorer le sort des hom-
mes. Ses ouvrages sont : I. Un mot
sur la proposition de la suppression
de la peine ât mort^ suivi des points
principaux qui doivent être traités
dans le concours, et de quelques frag-
ments à ce sujet, Genève, 1826, in-S".
bans ce premier écrit qu'il publia
pour l'abulilion de la peine de mort,
Sellon insiste sur l'exemple de la
Toscane où cette suppression fut
prononcée par le grand-duc Léopold
eu 1763, et confirmée dans son code
de 1786. Il- Motifs d'un amende-
ment proposé par M. de Sellon à la
loi sur la presse, prcscntcti au sou-
SEL
oerainconseil deGenève, 1827,in-8o.
m. Lettre de l'auteur du concours
ouvert à Genève, en faveur de l'a-
bolition de lapeine de mort, à Vun de
ses honorables collègues du conseil
souverain, avec l'histdre de Lesur-
ques ^injustement guillotiné à Paris,
Genève, 1827 , in-4». L'auteur rend
compte dans cetouvnigc de l'impres-
sion que lui avait faite la lecture de
trente mémoires envoyés au con-
cours pour le prix que lui-même
avait proposé; et il cite pour exem-
ple l'horrible injustice subie par Le-
surques, qui périt sur l'échafaud en
1796, accusé d'un assassinat dont le
vrai coupable fut reconnu plus tard
(voy. LEsuR<^UBS,LXXI,415).IV.Le^
très et discours en faveur du prin-
cipe de l'inviolabilité de la vie de
l'homme^ Genève, 1828, in- 4°. V.
Charles-le-Téméraire, scènes dra-
matiques, Genève, 1829, in-8". Je ne
parlerais pas d*" celte esquisse, a dit
plus tard Sellon , si elle ne se rat-
tachait au désir que j'ai conçu de
faire envisager aux hommes la folie
de la guerre. On ne peut nier que le
choix d'un te! sijet ne fût très-bon.
Il aurait pu eu faire de non moins
heureux dans notre siècle. VL Ex-
traits tirés diiP' numéro d'un jour-
nal allemand., destiné à rendre
compte de la législation et du droit
dans toutes les contrées civilisées,
trad. de l'allemand, Genève, 1829,
in-8o. VII. Fragments extraits des
Mémoires de Commines et de l'His-
toire des ducs de Bourgogne (avec
des reflexions), suivis descènes dra-
matiques, Genève, 1829, in-8o. VIII,
Mes réflexions. IS29, où l'auteur fait
uu iippel aux vrais amis de l'huma-
nité pour qu'ils prouvent que la
guerre est non-seulement l'œuvre
de la barbarie, mais une faute en
éconoiuie politique. IX. Réfltxionsy
SEL
SEL
71
Genève, 1829, 2 vol. in-8o ; ouvrage
où se trouvent beaucoup dépensées
empruntées à J.-J. Rousseau, k Gui-
hert, à Say, à M. Bérenger, à madame
de Saussure, etfc. X. Lettres au Jour-
nal de Genève sur les scènes drama-
tiques de Char les-le-Témér aire ,\S29,
in-8o. XI. Programme d'un concours
ouvert à Genève sur les meilleurs
moyens d'assurer une paix générale
et permanente, Genève, 1830, in-S".
XII. Vœux adressés au futur con-
grès, Genève, 1830, in-8o. XIII. Con-
sidérations sur l'initiative, 1830 ,
in-8o. Il s'agit de l'initiative popu-
laire pour la législation que propose
Sellon, et il cite à l'appui de son
opinion de célèbres publicistes. XIV.
Développement de la proposition de
J.-J. Sellon en faveur de l'abolition
de la peine de mort, prononcé le 7
décembre 1829, au sein du souverain
conseil de Genève^ 1830, in-8". XV.
Lettres inédites de Bérenger, vice-
président de la Chambre des dépu-
tés, sur la peine de mort, 1830,
in-8". C'est une réfutation de l'ou-
vrage de M. Urtis en faveur de la
peine de mort. XVI. Allocution a-
dressée à la Société de la Paix, 1 830,
in-80. XVII. Adresse aux Amis de la
paix intérieure et extérieure, Geuè\e,
1831, in-80. XVIII. Quelques obser-
vations sur Vouvrage de M. Urtis,
Genève, 1831, m-S'\ XIX Revue de
quelques propositions individuelles
faites ou à faire dans le sein du con-
seil représentatif, Genève, 1831,
in-80. XX. Archives de la Société de
la Paix de Genève , décemb. 1833-
fév. 1834. XXI. Fragments sur di-
vers sujets, Genève, 1833, 2 vol.
in-80 ; extraits de divers auteurs, en-
tre autres mesdames Guizot, Cam-
pijn, Neckerde Saussure, J.-J. Rous-
seau, avec des réflexions de Sellon.
XXII. Lettre du fondateur et prési-
dent de la Société de la Paix sur la
séance du i" décemfere, Genève, 1833,
in-8°. XXllI. Adresse du fondateur
de la Société de la Paix de Genève
aux chrétiens de toutes les commu-
nions et de tous les pays, en faveur
d'aune paix permanente et générale,
Genève, 1834, in-S». XXIV. Amen-
dement destiné à écarter la peine de
mort de la loi sur la presse du 2 mai
1827, et à lui substituer Vemprison-
nement, Genève, i834, in-8''. XXV.
Dialogue sur la peine de mort, sur
le système pénitentiaire et sur la
guerre, Genève, 1834, in-8°. Sellon
a encore fait imprimer sur la guerre
et la peine de mort quelques brochu-
res auxquelles il n'a pas mis son
nom, et beaucoup d'articles sur les
mêmes sujets dans les journaux de
la Suisse, de la France, de l'Italie et
de l'Angleterre. ^ M — Dj.
SELVAC, roi d'Ecosse en 766,
fut le successeur de Fergus II. Il
vécut eu paix avec ses voisins. Mal-
heureusement la goutte , dont il fut
horriblement tourmenté dès la troi-
sième année de son règne, le mit hors
d'état de continuer à veiller avec la
même assiduité aux affaires de son
royaume. Pendant son règne, un re-
belle prit le titre de roi desEbudes,
et attaqua les provinces occidentales
d'Ecosse. Il fut défait et mis à mort ;
d'autres troubles, fomentés par le fils
de ce rebelle, furent heureusemeu t
apaisés. Selvac succomba en 787 aux
maux dont il était accablé, laissant
la couronne à Akay Achaius. E — s.
SELVE (Lazare de), seigneur de
Breuil et de Marignan, qui remplit
à M^tz des fonctions judiciaires au
commencement du dix-septième siè-
cle, n'est rappelé ici que pour recti-
fier une erreur commise à son sujet,
dans cette Biographie , à la fin de
l'article consacré au célèbre Jean de
12
SEL
Selve, premier président du parle-
ment de Paris, et à d'autres mem-
bres de cette famille (voy. t. XLI,
p. 543). On dit en cet endroit : « Les
« négociations de Lazare de Selve,
<• premier président du parlement
" de Metz, ont passé du cabinet de
'■ Brienne dans la bibliothèque du
« Roi. » Lazare de Selve ne fut ja-
mais premier président du parle-
ment de Metz, ce parlement n'ayant
été créé qu'en 1633, onze ans après
que Lazare eut résigné ses fonctions.
Sa qualité était celle de président de
la ville de Metz et pays Messin.
" Cette qualité, disent les bénédic-
« tins, auteurs de la grande His-
<• toire de Metz, ne signifie point le
« chef de la judicaturc messine,
« mais un officier royal établi pour
« juger deS'difFérends entre les gens
" de guerre, et de ceux qui pou»
« vaient s'élever entre les soldats et
• les habitants. » L'établissement de
cet oflice, dont François de l'Au-
bespine fut en 1555 le premier ti-
tulaire, était l'œuvre du roi Henri II,
qui, n'étant alors que protecteur de
Metz et l'occupant militairement,
préparait doucement la voie à la
réunion définitive de cette impor-
tante forteresse à la France. Les
présidents royaux, se conformant
sans doute à des instructions secrè-
tes, étendirent bientôt leur juridic-
tion aux dépens des juridictions du
pays (1) et rendirent ainsi moins
difficile le changement de l'ordre
(1) Us eurent, à Toul et à Verdun, des
lieuteuants qui les imitèrent. Celui de La-
zare de Selve, dans cette dernière ^ille,
lutta contre l'évêque, lequel rexcommunia,
etc. {Histoire de Verdun, par le cbanoiue
Roussel, p. 5l4)- Ce lieutenant, qui se
nommait Jean Gillet, était uu juriscdinultc
distingué pour un ouvrage qu'il a publié
et qui a eu trois éditions (?'o/, Gillet, XVII,
379).
SEL
ancien de la justice et, par suite,
l'avènement du parlement (2). La-
zare de Selve fut le quatrième de
ces présidents, et il marcha aussi
habilement que les "autres vers le
but qu'on voulait atteindre. Puis-
que nous sommes revenus sur ce
personnage, nous ajouterons quel-
ques particularités qui le concer-
nent. Il était conseiller du roi en
tes conseils d'État et privé., lorsque
Jacques Viart, troisième président
de Metz (le second avait été Antoine
de Senneton), parvenu à un âge
avancé, songea à se retirer. Lazare
traita avec lui de la place et vint en
prendre possession en mars 1600. Il
l'occupa jusqu'en 1622, et la céda
alors, avec l'agrément du roi, à Mi-
chel Charpentier, lequel l'exerça
jusqu'à l'établissement du parlement
dont il fit lui-même partie. Les his-
toriens déjà cités nous apprennent
que Scive « fut ferme à maintenir
« la police extérieure de la religion
« catholique, quant à l'observation
« des fêtes et à l'abstinence de vian-
« de aux jours prescrits. » Meurisse
s'exprime encore plus naïvement à
cet égard : " Le président de Selve,
« dit-il, étant fort homme de bien et
« grandement zélé à sa religion, ne
« laissait rien passer au préjudice
« de l'Église. Les transgresseurs de
(2) Voy. VHistoire du parlement de Metz,
par Emmanuel Michel, cooseiller àla cour
royale de Metz, meml)re de l'Académie de
cette ville, clievalier de la Légiou-d'Uonneiir,
Paris, J. Techeuer, 1843, gr. iu-S" de 54S
pages. Cette ancienne cour souveraine de
Metz, qui compte dans son seiu une foule
d'hommes du premier mérite, a tiouvé dans
M. le conseiller Michel uu histcjrieu digue
d'elle. Nous regrettons vivement, et tous
ceux qui liront ce très-intcrcssaut ouvrage
regretteront t orarac nou.'^, qu;- l'auteur ait
renoncé à la publicatiou de la partie Ijio-
graphique qui en aurait fait Tutile et cu-
rieux complémeut.
SEM
« fêtes, les chanteurs de psaumes de
« Marot, les scandaleux mangeurs
" de viande es jours prohibes et au-
« très semblables ouvriers d'iniqui-
« tés, étaient âprement et sévère-
« ment corrigés. » Le zèle ardent du
magistrat messin, pour l'observation
des commandements de l'Église, se
manifesta encore d'une autre ma-
nière. Lazare composa des sonnets
sur les évangiles du carême et, sui-
vant D. Calmet, il les fit imprimer à
Metz en 1C07. Nous ne connaissons
point cette édition qui, si elle existe,
doit être fort rare, car elle a échappé
aux recherches du savant M. Teis-
sier {Essai sur la Typographie à
Metz). Nous transcrivons le titre de
celle dont M. Viollet-Leduc a un
exemplaire dans sa précieuse collec-
tion [voy. le n" 164 i de son cata-
logue, etc.) : Diurnal ou livre de
caresme, contenant plusieurs son-
nets (65) spirituels, pieux et dévo-
tieux, sur les évangiles de chaque
jour du caresme^ etc., Paris, Pierre
Sevestre, 1614, in-8o. Sans porter
de jugement sur ces sonnets, leur
spirituel possesseur en dit assez
pour nous faire conclure que l'au-
teur n'était pas doué du talent poé-
tique. Nous ignorons l'époque de la
mort de, Lazare de Selve, et nous
ne savons point si, avant ou après
son séjour à Metz, il fut chargé
de quelque mission diplomatique, et
si les négociations que lui attribue
l'article de la Biographie sont véri-
tablement de lui. Ne seraient-elles
pas plutôt d'un autre membre de la
famille de Selve, nommé aussi La-
zare , qui a été ambassadeur en
Suisse, etc.? Nous abandonnons à
de plus instruits que nous la solu-
tion de ce petit problème. B — l— u.
SEiWEDO (Alvahez), mission-
naire portugais, ne vers J585, à
SEM 73
Niza, petite ville de la province
d'Alentejo, entra en 1602 dans la
Société de Jésus, et, avant d'avoir
terminé sa philosophie , sollicita de
ses supérieurs la permission de se
rendre aux Indes pour y iravailler à
la conversion des inOdèles. Arrivé à
Goa en 1608, il s'appliqua pendant
quelque temps à l'élude de la théo-
logie, puis partit pour la Chine et se
fixa à Nankin, où, après avoir fait
ses quatre vœux , il se livra entière-
ment aux fatigues de l'apostolat. Son
zèle obtenait les plus grands succès
quand, au bout de trois ans, une
violente tempête s'étant élevée con-
tre les missionnaires, le P. Semedo
fut arrêté, mis dans une cage de fer
et transporté à Canton par des sol-
dats qui l'insultaient sans cesse et
l'exposaient partout aux huées et
aux mauvais traitements de la popu-
lace. Ce long et cruel voyage n'eut
pas toutefois le résultat qui était à
craindre. On se contenta de relé-
guer le jésuite k Macao, où les Por-
tugais avaient un établissement, La
persécution ne le découragea point.
Changeant de nom et d'habit, il re-
tourna bientôt dans l'intérieur de la
Chine et y continua son œuvre. En
1642, il vint à Rome réclamer le se-
cours de nouveaux ouvriers évangé-
liques, et, en 1644, il se rembar-
qua avec eux. 11 mourut à Canton en
1658, âgé d'environ 7.Î ans. Le P.
Semedo ne travailla pas seulement
au triomphe de la croix ; il contri-
bua encore efiicaceuient par ses
écrits à soulever le voile épais qui
dérobait la Chine au reste du mon-
de (1). Il écrivit d'abord plusieurs
(r) Âvantles écrits du P. Semedo, ou n'ii-
vait guLTf, sur ces vastes contrées, que cerix
de JedU-Gouç.ilès de Mendoza , Gaspard de
Cru7, (vof. > esnomsX.SaS, etXXYlII, 28- ,
et Wdrtello Ribadeiieyru.
74
SEIll
lettres latines ( Litterœ sinemet an-
norum 1621 et 1622) qui furent tra-
duites en français par un de ses con-
frères, le P. Jean-Baptiste de Ma-
chault. Elles forment la seconde par-
tie du recueil intitulé : Histoire de
ce qui s'est passé es royaumes du
Japon et de la Chine , etc. , Paris ,
Cramoisy, 1627, in 8". 11 publia en-
suite : Relaçao de propagaçao da fé
no reyno da China e outras adja-
centes^ Madrid, 1641, in-S". Cette
relation, qui offrait alors un grand
intérêt, fut aussitôt traduite en es-
pagiiol (Madrid, 1642, iii-4°) , par
Manoel Faria de Sousa {voy. Faria,
XIV, U56), qui y fit quelques addi-
tions. Le P. Jean-Baptiste Giatiini
{voy. XVII, 306) en donna une élé-
gante version italienne (Rome, 1643,
in-4"'),etLouis Coulon (voy. X, 94) une
française, sous ce titre : Histoire
universelle du royaume de la Chine^
Pans, 1645 , in-4<'. Suivant Moréri ,
on a une autre traduction française
du même ouvrage, imprimée avec
celle de VHistoire de la guerre des
Tartares ., du P. Martin Mîirtini ,
Lyon , 1664 , in-4° (2). Dans son ca-
talogue des jésuites, qui, pendant
un siècle (de 1581 à 1681), consa-
crèrent leur vie à la propagation de
la foi dans le céleste empire , le P.
Phil. Couplet dit que Semedo avait
composé un dictionnaire chinois-
portugais et un portugais-chinois.
Nous croyons qu'ils n'ont pas été
publiés. B— L— u.
SÉMÉLÉ (Jean-Baptiste-Pierre),
général français, naquit le 10 juin
(■>.) Suivant le même Moréri, qui nous a
fourni une grande ))artie de cet article, il
existerait, dans notre langue, iinr troisième
traduction de la relation, .sou» le titre de
Recutil des commtnctmcnis, jirogriit et élut
moderne de la chrétienlé d« la Cliint, &uue:u.
1645, in-8°.
SEM
1773, à Metz, où son père était rece-
veur du grenier à sel. Dès qu'il eut
terminé ses études, il s'enrôla,
dans un des bataillons de volon-
taires nationaux qui furent créés
en 1791 dans le département de
la Moselle. Il fit avec ce corps
toutes les campagnes de la révolu-
lion aux armées du Rhin et de Sam-
bre-et-Meuse. Après avoir passé par
tous les grades , il était colonel au
camp de Boulogne en 1804, et il y
commandait le 24* régiment d'infan-
terie. Ayant suivi le mouvement de
cette armée en Allemagne, il eut
part à toutes les opérations de cette
mémorable campagne, et notam-
ment à la bataille d'Austerlitz , puis
à la guerre de Prusse, en 1806. 11 se
distingua particulièrement en Po-
logne, aux batailles meurtrières de
Golymin et d'EyIau , où il combattit
jusqu'au dernier moment, quoique
grièvement blessé. Après la paix de
Tilsitt, il passa en Espagne (1808)
avec le grade de maréchal-de-camp
et le titre de baron. Devenu chef de
l'état-major du premier corps d'ar-
mée, il fit en cette qualité, au mi-
nistre de la guerre, un rapport sur
l'évasion des Français que les Espa-
gnols tenaient prisonniers sur des
pontons dans la baie de Cadix. L'ap-
née suivante , il fut nommé général
de division , et assista en cette qua-
lité à l'attaque du camp de Saint-
Roch. Le 5 novembre 1811, il re-
poussa courageusement le général
espagnol Ballesteros, qui était venu
l'attaquer ; mais il essuya ensuite lui-
nieme quelques pertes dans une sur-
prise où il eut ie malheur de voir en-
lever par l'ennemi ses propres ba-
ga,u;es. Appelé à la grande année en
1813 , il (it, sous les ordres de Na-
poléon , la caui|),'igne de Saxe , où il
soutint sa réputaiiou de bravoure ,
SEM
SEM
t5
mais ne put empêcher les revers qui
celte année s'attachèrent aux armes
de la France. Ayant fait un des pre-
miers sa soumission au gouverne-
ment royal, en avril t814, il fut
nomme' chevalier de Saint-Louis et
inspecteur-général d'infanterie dans
la 19® division militaire. Il se trou-
vait à Strasbourg en 1815 , lors du
retour de Napoléon de l'île d'Elbe,
et il n'hésita point à se ranger sous
son drapeau (voy. Suchet, au Supp).
Il fut nommé gouverneur de Stras-
bourg, et il l'était encore lors de l'es-
pèce d'insurrection qui éclata parmi
la garnison de cette ville, après le
second retour des Bourbons. Bien-
tôt, mis à la retraite par le gouver-
nement royal, il se retira dans son
château d'Urville, [irès de Metz.
Nommé, en 182-', p;ir le dépar-
tement de la Moselle , membre de la
chambre des députés, il y vint sié-
gera l'extrême gauche avec l'oppo-
sition libérale. Ayant interrompu
brusquement un jour le général La-
font, il en résulta un duel où les
combattants tirèrent chacun trois
coups de pistolet sans se faire aucun
mal. Le lendemain, Sémélé pro-
nonça un long discours écrit en fa-
veur des ofliciers en retraite 5 ce qui,
dit-il, était fort délicat pour lui,
puisque c'était sa propre cause qu'il
défendait. Il ne parla plus guère en-
suite que dans la discussion sur l'in-
troduction des bestiaux , et plus spé-
cialement des porcs. Il fut réélu
avec la députation libérale du mois
de juin 1830; et, après la révolu-
tion (le juillet, il fut chargé par le
géuérril Gérard , alors miîiistre de
la guerre , d'organiser le personnel
de l'armée dans les divisions du nord-
est. Sémélé provoqua de vifs mé-
contentements dans les corps soumis
à son inspection. Ayant pris part à
Vassoeiation nationale de Metz , il
défendit ses intentions auprès du
ministère en alléguant qu'il n'était
entré dans cette association que pour
lui donner une direction salutaire.
Il ne faisait plus partie de la cham-
bre des députés, lorsqu'il mourut
dans sa terre tl'UrvilIe en janvier
1839. M— D j.
SEMENTI ou SEMEXZA (JAC-
QUES), peintre, naquit à Bologne,
en 1580, et fut élève de Guido Reni,
dont il s'efforça d'imiter la manière.
Parmi les nombreux disciples que
ce maître vit sortir de son école de
Bologne, aucun ne lui fut plus cher
que Sementi et François Gessi, qu'il
regardait comme les plus habiles
artistes que cette ville possédât. II
les employa dans des peintures de la
chapelle du Dôme de Ravenne, ou-
vrages dont on ne peut trop admirer
la belle exécution; il se servit de
leur pinceau dans les cours de Man-
toiie et de Savoie, et il ne dédaigna
pas (le les aider dans les travaux dont
ils lurent chargés à Rome et dans
leur patrie. Sementi n'oublia jamais
ce qu'il devait à un pareil maître,
que le Gessi, au contraire, ne paya
que par des persécutions. Sementi
imita le Guide tantôt dans sa pre-
mière, tantôt dans sa seconde ma-
nière; il se montra correct, savant
et plein d'une force qui n'exclut ni la
grâce ni la beauté. Les fresques qu'il
a exécutées dans Ara-Cœli et dans
plusieurs autres églises de Rome lui
assignent le premier rang parmi les
peintres à fresque dont cette ville
renferme les ouvrages. On y voit
aussi plusieurs tableaux d'autel à
l'huile, dont le mérite n'est 'pas
Luoins éminent. Mais son chef-d'œu-
vre eu ce genre est le saint Sébas-
tien qu'il a peint pour l'église de
Saint-Michel, à Bologne. Il eût peut-
76
SEM
SEM
être atteint à la réputation de son
maître, si une mort prémature'e ne
l'eût enlevé à son art dans la tleur
de l'âge. Le musée du Louvre a
possédé un .tableau de Sementi, re-
présentant le Mariage de sainte Ca-
therine, qui provenait de la galerie
impériale de Vienne. Il a été repris
en 1815. P— s.
SÉMOiWILLE (CuARLES-Louis
HuGUET, marquis de), grand-réfé-
rendaire de la chambre des pairs,
né à Paris le 9 mars 1759, était fils
de M. Iluguet de Montaran, secré-
taire du roi et du conseil. 11 fut reçu
avant l'âge de dix-neuf ans conseil-
ler aux enquêtes du parlement de
Paris , et ne se fit pas moins remar-
quer par son aptitude pour les tra-
vaux judiciaires que par la finesse et
la distinction de son esprit. 11 fixa
bientôt l'attention publique par un
discours qu'il prononça dans une
réunion générale des chambres du
parlement , en présence des princes
et des pairs du royaume, discours
dont la conclusion fut un appel à la
convocation des États-généraux.
Cette convocation paraissait déjà à
un grand nombre d'esprits la seule
solution possible aux difficultés de
la situation ; mais le jeune Sé-
monville , en conseillant cette dé-
termination hardie , avait eu soin de
semer son discours d'allusions déli-
cates à la louange des princes, et
l'auteur plut également à la cour et
à la ville. Ce discours ouvrit au
jeune magistrat la vie politique. Ce-
pendant Sémonville ne fit point par-
lie des Éiats-généraux, quoiqu'il
eût paru successivement dans trois
assemblées de la noblesse, à Châ-
tcauneuf , à Montfort-l'Amaury et à
Paris. Membre de l'ordre privilégié,
il lui répugnait, a-l-il dit lui-même,
d'accepter d'un collège de gentils-
hommes le mandat d'agir en leur
nom , avec la résolution de sacrifier
à l'intérêt général des prérogatives
que la plupart tenaient à si haut
prix. Élu seulementdéputésuppléant
du comte de Beauharnais , il ne fut
point appelé à siéger. Cependant les
rapports intimes qu'il entretenait à
cette époque avec la jeune aristo-
cratie française , dont il partageait
les idées progressives, ne pouvaient
le laisser inactif au milieu du mou-
vement général des esprits. Le mi-
nistre Montmorin, appréciant la sin-
cérité de son zèle pour la cause mo-
narchique , déjà si compromise , le
chargea secrètement d'aller i étn-
dier à Bruxelles la nature des mou-
vements qui venaient d'éclater en
Belgique , mission à laquelle un re-
marquable talent d'observation le
rendait éminemment propre. A son
retour en France , Sémonville fut
nommé envoyé extraordinaire près
la république de Gênes. 11 sembla
s'efforcer, dans cette légation , de
couvrir sous le faste de sa représen-
tation extérieure la décadence ra-
pide de la monarchie qui la lui con-
fiait, et il ouvrit avec le saint-siége
d'utiles négociations pour prévenir
les déchirements qui menaçaient
l'Église de France. Dumouriez, alors
ministre des alfaires étrangères, as-
pirait à détacher le roi de Sardaigne
de l'Autriche; il jeta les yeux sur
Sémonville , qui fut d'abord charge
de proposer une déclaration de neu-
tralité évidemment impossible ; puis
de demander la cession à la France
de la Savoie et du comté de Nice ,
moyennant quelques agrandisse-
ments territoriaux dont les posses-
sions autrichiennes, en Italie, étaient
destinées à faire les frais. Mais, soit
que la cour de Turin eût pressenti
d'avance le but de celle mission.
SEM
soit plutôt qu'elle la considérât
comme masquant le dessein de
semer dans la monarchie piémon-
taise des germes de subversion et de
propagande révolutionnaire ( suppo-
sition à laquelle la conduite et les
discours de Sémonville ne donnaient
que trop de poids), elle refusa
obstinément de reconnaître le ca-
ractère diplomatique de cet en-
voyé, qui ne put dépasser Alexan-
drie. Vainement Dumouriez multi-
plia les exhortations et même les
menaces ; le cabinet de Turin s'af-
fermit dans sa résistance et se con-
stitua en état de rupture ouverte
avec la France. Sémonville fut forcé
de repartir. Appelé bientôt après à
l'ambassade de Constantinople, en
remplacement de Choiseul-GoufOer,
il fut encore refusé par le sultan
Séiim, qui en cela céda aux repré-
sentations de plusieurs ministres des
cours européennes. Rien ne faisait
présager le terme de cette résistance,
lorsque la trop mémorable journée
du 10 août 1792 mit délinitivement
obstacle à sou départ. Bien que Sé-
monville eût été dépeint comme un
démagogue effréné dans plusieurs no-
tes diplomatiques, la chute du trône
de Louis XVI compromit sa sécurité
personnelle, et ses amis ne trouvè-
rent d'autre moyen de le dérober aux
proscriptions que de lui faire donner
pour la Corse une mission d'obser-
vation. Sémonville s'y lia d'amitié
avec le célèbre Paoii , et il as-
sista pour ainsi dire à l'aurore du
jeune officier qui , peu d'années plus
tard , devait remplir l'univers du
bruit de sa renommée. Le jeune Mon-
tholon, fils adoptif de Sémonville,
reçut de Napoléon Bonaparte les pre-
mières leçons des exercices militai-
res , lui que la destinée appelait à re-
cueillir sur le rocher de Sainte-Hé-
SEM
77
lène les dernières paroles et les vœux
du prisonnier de l'Europe. Quand
Sémonville revint en France , au
mois de mai 1793 , la terreur révo-
lutionnaire y régnait sans partage ,
et la tête de l'ambassadeur était me-
nacée comme celles de tous les per-
sonnages qui avaient prêté leur
concours au gouvernement royal.
Il dut son salut à la renommée nais-
sante de son habileté diplomati-
que. Le grand-duc de Toscane et le
gouvernement napolitain avaient
ouvert des négociations avec la ré-
publique française pour sauver les
faibles et derniers débris de la fa-
mille royale, et Danton lui-même,
ce tribun sanguinaire , songeait sé-
rieusement à mettre sa vie impure
et proscrite sous la protection de ce
trône à la chute duquel il avait si
puissamment contribué. Maret, de-
puis duc de Bassano , reçut ordre de
partir pour Naples , et Sémonville,
à qui l'ambassade de Constantino-
ple était de nouveau destinée, fut
tout à coup chargé de se rendre à
Florence. Mais les deux plénipoten-;
tiaires , partis ensemble de Coni,
furent brusquement enlevés le 25
juillet 1793 à Novale, sur le terri-
toire neutre des Grisons, par les or-
dres du gouverneur de Milan, et
transférés à Gravedone par le lac de
Côme. L'examen des papiers dont ils
étaient porteurs n'amena aucun
adoucissement aux rigueurs de cette
mesure si ouvertement attentatoire
au droit des gens, et si faiblement
justifiée par l'imputation qui leur fut
faite de couvrir de leur caractère of-
ficiel des menées révolutionnaires et
des intrigues de propagandisme,
ainsi que cela se pratiquait alors par
tous les agents de la diplomatie ré-
publicaine. On a dit , et Maret a sou-
vent répété qu'il était aussi chargé
78
SEM
SEM
d'offrir au cabinet autrichien la li-
berté de la reine et même celle de
sa fille , alors de'tenues à la prison du
Temple (uoî/. Maret, LXXIII, 107):
mais quelques personnes ont supposé
que ce n'ét<iit là qu'un prétexte et
un moyen de 'lissiimil-r le but prin-
cipal de cette céléhre mission (1).
Le ministre Manfredini, premier au-
teur des négociations, tomba en dis-
grâce, et la mort de l'infortunée
Marie-Anîoinette suivit de près. Sé-
monville subit pendant trente mois,
dans la forteresse de Mantoue, puis à
Kuffstein, dans le Tyrol, les angoisses
d'une étroite captivité II s'y lia d'une
amitié intime, sous in protection de
leur adversité commune, avec Maret,
qu'il ne connaissait point jusqu'a-
lors ; et cette intimité , qui ne se dé-
mentit jamais depuis, fut l'uniqi.e
consolation des deux captifs. A cette
douloureuse époque, de sa vie se place
une anecdote qu'il se plaisait à ra-
conter et (jue ui'us reproduisons,
parce qu'ell*' p^-itit assez bien la tour-
nure originale et la pri'sence de son
esprit. Il géuiissail à Mantoue sons
le poids d'une déie;ition sévère,
quand , une nuit , des hommes ar-
més s'introduisent dans sa cellule, et
lui enjoignent de les suivre sans pro-
férer une parole. Sémonville obéit
en silence. On le conduit dans une
des cours de la prison ; là, en pré-
sence d'un général et de nombreux
officiers, un sbire s'ageuouiile de-
vant lui, et ?e met en devoir de lui
river une lourde chaîne. Sémonville
(i) Il est liifficilede concilier le liiit réel
de cette inis^ion ;ivec les négoeiatiotis qili
se suivitit'iit d.iiis le même temps à Bruxelles
entre la rour de Vienne et le comité de sa-
lut public, mais la conséquemte trop évi-
dente de l'une et de l'autre, l 'est que le ca-
binet autrichien ne fit rien et ne voulut rien
faire pour Siuivcj la tante de l'emjiereur [vojr.
|lERCY-ArGEnTK\u, LXXIII, 468).
reconnaît cet homme, et lui dit brus-
quement : Corne st à la Lamherli,
scmpre bella? Par cette ingénieuse
exclamation , qui excita vainement
le couiroi.x du général autrichien,
SémonMilc avait trouvé le moyen de
rappeler son existence à une femme
chérie que son sort alarmait. Enfin,
au mois de décembre 1795, à la suite
de l'échange qui eut lieu de Madame
royale, fille de Louis XVI , contre
les députés Bancal , Quinette, Camus
et Lamarque, les deux captifs se vi-
rent rendus à la liberté (2). Ils furent
reçus avec solennité dans une séance
du conseil des Cinq-Cents, et une loi
déclara que par leur constance et
leur fermeté ils avaient honoré le
caractère français. Quoique Sémon-
ville n'eût pris aucune part active à
la révolution du 18 brumaire, le
premier consul, trois seniainps après
son avènement au pouvoir, jeta les
yeux sur lui pour consolider les rap-
ports du gouvernement franç^iisavec
la république batave. Envoyé dans
ce but à La Haye, il réussit , à
forci' d'adresse et de modération , à
concilier à la France des voisins in-
quiets , ombrageux , et dont les dé-
liauc«'s n'étaient que trop entrete-
nues [)ar la présence des troupes
françaises qui n'avaient point cessé
d'occuper les ports et les villes de
cette florissante contrée. On a cité
plus lard avec éloge la hieuf.iisance
toute désintéressée dont il fit preuve
envers les Français qu'un régi-
me réparateur rappelait dans leur
(2) On jicut consulter, pour plus du dé-
tails sur Tarrestation et la mise en liberté df
Sémonville et de Maret, la quatrième partie
du Rapport des représentants du /,eup/e Ca-
mus, bancal, Quinette et Lamarque, lu .lu
conseil des Cinq-Cenis, Paris, an IV, iu-S",
pages ii5 à 182. Cette partie, rédigée par
Quinette en style em|;hatique, offre néaa-
moins quelques faits intéressants. L— >i~x,
SEM
patrie. Un grand nombre de ces exi-
lés lui durent la faveur de ne pas
mourir sur une terre étrangère , et
M. Darabray put dire plus lard avec
vérité à Louis XVIII : • Sémonville
• avait toujours une bourse et un pas-
«se-portauservicedes proscrits.» Élu
en 1805 candidat au sénat conserva-
teur par le département des Arden-
nes, il y fut nommé par l'empereur
et revint à Paris, où, sans vouloir
s'attacher spécialement à aucune
branche du gouvernement, il ne
cessa d'exercer depuis lors , par la
souplesse et la dextérité de son es-
prit , une assez grande influence.
S'il faut en croire un document ré-
cent, c'est sur un mot de Sémonville
que la famille impériale d'Autriche
se serait décidée à contracter avec
Napoléon cette alliance qui ajouta
plus à la splendeur de sou trône qu'à
sa puissance et à sa solidité. La cour
était réunie au théâtre des Tuileries.
Napoléon s'assied le front soucieux •,
la main de la sœur du puissant em-
pereur du Nord lui était refusée :
personne dans la salle n'en était in-
formé. Sémonville , se penchant
vers un des membres de l'ambassade
d'Autriche, lui dit à voix basse: «La
«Russie a laissé tomber les cartes; la
• partie est à vous, si vous les relevez.
• — Nous ne demandons pas mieux, et
• nous y sommes prêts,» répond l'é-
tranger. Le lendemain tout était con-
venu (3). Sémonville fut rapporteur
des commissions sénatoriales appe-
lées à prononcer, en 1809 et 1810, en
faveur des décrets qui réunissaient la
Hollande et la Toscane à la France.
Dans les premiers mois de 1814, il
fut envoyé par l'empereur à Bourges,
chef-lieudesasénatorerie, en qualité
['i) Ëluge de Sémonville à la chambre
dcj |iiiii'$, par Alouaier ; février, i34o.
SEM
79
de commissaire extraordinaire. Ce fut
là qu'il apprit la dissolution du gou-
vernement impérial. Il adhéra sans
hésitera la délibération par laquelle
le sénat prononça la déchéance de
Napoléon, et fit reconnaître immédia-
it-ment l'autorité du roi dans les cinq
di>partements composant la 2i« divi-
sion militaire; mais, de reti-ur au
sénat, il s'opposa avec énergie à la
lecture d'une lettre par laquelle l'em-
pereur Alexandre demandait à ce
corps la réhabilitation du général
Moreau : « Le roi , dit-il, n'a pas en-
« core touché le sol français. Il n'a
• reçu ni nos serments ni nos hom-
« mages ; vous allez commencer vos
« délibérations comme la Pologne a
« fini les siennes ; c'est à l'histoire à
« juger le général Moreau.» Attaché à
M.M. Danibray et Ferrarid par les liens
d'une ancienne amitié, Séuiouville
dut à cette circonstance de faire partie
de la commission chargée de préparer
le projet de la Charte constitution-
nelle. Il fut comprisdans la première
promotion des pairs nommés par
Louis XVIII , qui lui conféra le titre
de grand -référendaire de celte cham-
bre , et fit enregistrer le 2o mars
1815 , en l'absence des ministres ,
l'ordonnance du roi qui prononçait
la clôture de la session. Pendant les
cent-jours , il se retira dans une de
ses terres, où il persista à demeurer
malgré les assurances bienveillantes
de Napoléon , et ne reparut à Paris
qu'après le retour du roi. Mais, fidèle
en cette occasion à sa tactique favo-
rite qui était de se ménager des intelli-
gencesdans les deux camps, pendant
que le général Montholon, son fils
adoptif, s'attachait étroitement à la
fortune de l'empereur, il avait soin
d'engager le frère de cet officier-gé-
néral à suivre Louis XVIII dans son
exil. Au retour de ce prince, Sémon-
80
SEM
ville reronvra la faveur dont il jouis-
sait à la cour, et la justifia , on doit
le reconnaître, par le dévouement
plein d'intelligence et de sincérité
avec lequel il s'attacha dès- lors au
service de la branche aînée des Bour-
bons. Sa pensée dominante était de
rallier au système de la Restauration
ceux des personnages influents de la
révolution et de l'empire que leurs
antécédents n'en séparaient point
trop irrévocablement. Personne, il
faut le dire, n'était mieux placé soit
par ses antécédents, soit par son es-
prit souple et conciliant, pour opérer
ce rapprochement. Le régime de 1814
ell 8 15 dut à ses inspirations plusieurs
conquêtes précieuses. C'était à son
instigation que le maréchal Macdo-
nald, à qui l'unissaient lesliens d'une
assez étroite allinité, avait fait à la
chambre des pairs , sous la pre-
mière Restauration, la proposition
d'indemniser les émigrés dépossédés
de leurs biens durant la tourmente
révolutionnaire. Ce fut surtout au
sein de la chambre des pairs que sa
bien veillante et ingénieuse sollicitude
eut occasion de s'exercer. Cette cham-
bre , formée et recrutée parmi les
notabilités de la révolution, de l'em-
pire et de la Restauration, offrait
dans son ensemble les éléments les
plus hétérogènes, les intérêts les plus
divers, les passions les plus opposées :
«Les préjugés de la jeunesse, les
« impressions de la vieillesse , tout
« conspirait à entretenir l'éloigne-
« ment. Il fallait persuader aux hé-
• ritiers d'un nom antique d'approu-
« ver que leurs honneurs et leur rang
« lussent partagés par ces hommes
• nouveaux qui , selon l'énergique
« image d'un vieux guerrier, seraient
« à leur tour des ancêtres, il fallait
<. concilier l'orgueil de l'illustration
» reçue avec la lierté de l'illustration
SEM
• conquise (t). • Le zèle du grand-
référendaire s'appliqua avec fruit à J
surmonter ces préjugés, à dissiper ^
ces déiiances, et l'on peut le regarder
comme le principal auteur de l'heu-
reuse harmonie qui ne cessa d'exis-
ter, durant la Restauration , dans
cette haute région de l'État. Il ne se
montrait pas moins jaloux de la con-
sidération et de la dignité de ce grand
corps. Désireux de compléter autant
que possible son assimilation avec la
chambre des lords d'Angleterre, il
insista vivement, sous le ministère
Villèle, pour y constituer un banc
des évêques,et présenta au ministre
à ce sujet un mémoire qui se faisait
remarquer par les vues les plus
profondes et les plus judicieuses.
Louis XVIII, de son côté, ne se mon-
tra point ingrat. Ce prince témoi-
gnait à Sémonville beaucoup d'es-
time, d'égards, et il lui fit à plusieurs
reprises l'honneur fort rare de le vi-
siter dans son appartement de grand-
référendaire au palais du Luxem-
bourg. Sémonville parut peu à la
tribune, et semblait réserver pour les
discussions particulières les ressour-
ces d'un esprit éminemment propre à
la conversation. Parmi ses opinions
législatives, il convient de mention-
ner son opposition, en 1820, à lapu-
blicité des débats de la chambre des
pairs, et en 1825, à ce que les héri-
tiers directs de la pairie pussent assis-
ter à ses séances dans une tribune
réservée. Le 2 avril 1827, il rendit
compte à la chambre de la profanation
commise aux obsèques du duc de La
Rochefoucauld-Liancourt , et prit à
cette occasion l'engagement formel
d'accompagner désormais les pairs à
leur dernière demeure. La position
(4) Eloge de SémonTÏHe à la chambre
des pairs, par Mounier février, iS-io.
SEM
éhvée de Sémonvilie et l'utilité de son
concours le mettaient en mesure d'a-
dresser aux organes du gouvernement
des vérités quelquefois sévères sur
la direction qu'ils imprimaient aux
affaires publiques, et ce serviteur en
apparence si obséquieux du régime
établi passait souvent k la cour pour
un censeur incommode des tendances
périlleuses auxquelles elle se lais-
sait insensiblement entraîner. Le
cours des événements ne tarda pas k
justifier la sagesse et la prévoyance
de ses exhortations, il apprit avec
anxiété, dès le 25 juillet, l'imprudent
déii jeté par la couronne , sans pré-
cautions préalables, sans nécessitéac-
tueile, k une portion considérable de
Ja population. 11 assista d'abord dans
une inaction apparente k la déplora-
ble lutte qui s'engagea bientôt dans
les rues de Paris entre la populace
et les troupes royales. Mais le 29 au
matin , également frappé et de la
gravité du mouvement insurrection-
nel auquel les principaux chefs du
parti libéral commençaient k prendre
part, et de l'inconcevable silence des
pouvoirs publics, il résolut de con-
jurer autant qu'il pouvait être en lui
les dangers de la monarchie. Accom-
pagné d'iui de ses collègues k la
chambre des pairs , M. d'Argout ,
il se rendit, k travers les cris des
combattants et le sifflement des bal
les, au château des Tuileries , où les
ministres de Charles X avaient cher-
ché un asile contre les fureurs de la
multitude. 11 les pressa , les conjura
vainement d'abdiquer un pouvoir
dont l'impopularité aggravait les
dangers de la situation. Les ministres
endurèrent avec impassibilité les re-
proches et même les menaces qui
leur furent adressés. Sémonvilie,
n'écoutant que son zèle, se rendit
.sur-le-champ àSaint-Cloud, où il fut
LXXXII.
SF.M
81
admis sans obstacle auprès de Char-
les X, par les .soins de M. de Polignac
qui l'y avait suivi avec ses collègues.
Il eut avec ce prince un long et
pathétique entretien ; mais ses ef-
forts pour obtenir la révocation des
ordonnances et le changement du
ministère furent d'abord impuis-
sants. Ni la liberté de ses paroles, ni
la véhémence de ses prédictions ne
purent ébranler la sécurité du mo-
narque. Enfin, il fit parler avec force
les périls auxquels laDauphine, alors
en voyage , était exposée dans une
province qui pouvait maintenant
connaître les événements de Paris.
Ces représentations fléchirent une
volonté que les considérations les
plus puissantes avaient trouvée ine'-
branlable. Charles X , vivement
ému, laissa tomber sa tête sur sa
poitrine-, il promit d'assembler son
conseil, et donna immédiatement des
ordres. A la suite de cette conférence,
Sémonvilie reparut devant le roi, et
prit l'engagement d'aller annoncer
aux chefs du parti libéral les résolu-
tions qu'il venait de provoquer. L'at-
titude de ce prince avait perdu toute
sa sévérité -, elle était empreinte d'une
noble résignation : « Rien d'utile au
« bien de la France, dit-il aux né-
« gociateurs, ne sortira de tout ce-
« la !»En congédiant affectueusement
le grand-référendaire, il laissa échap-
per k voix basse ces paroles prophé-
tiques : « Allez, mais vous arriverez
« trop tard! » Avant de quitter Saint-
Cloud, Sémonvilie eut avec le minis-
tre Polignacune conversation courte,
mais vive et animée, qui parut plus
d'une fois éveiller des dispositionsin-
quiètes et menaçantes de la part de
quelques courtisans, secrètement irri-
tés de la mission pacifique qu'il était
venu remplir. Polignac lui reprocha
d'avoir attiré tous les malheurs qu'on
6
82
SEM
déplorait par son refus obstimi do
disposer la chambre des pairs à ac-
cepter lesystème des ordoiinauces (5),
le seul qui, eu donnant une large
base à l'aristocratie, pût, dit-il , as-
surer en France l'avenir des institu-
tions repre'sentatives. En de'posant
plus tard de toutes ces circonstances
devant la cour des pairs, Sémonville,
inspiré par sa partialité reconnais-
sante envers un des derniers minis-
tres de Charles X, y ajouta quelquei
détails de pure imagination, que l'his-
toire doit écarter, et qui ne figurent
point dans les Mémoires encore iné-
dits du narrateur, il était huit heures
etdemie quand MM. de Sémonville et
d'Argout , accompagnés de M. de Vi-
trolles, furent admis dans la salle de
(5) Voi<.-i en quels termes, daos ses Eiudei
hiitoriquts, publiées eu 1846 , le minis-
tre Polignac rend compte des coiiff-reiiiri'»
qu'il avait entamées avec le marquis de Sé-
monville, à ce sujet. « Il fallait, dil-il, s'as-
« surer d'avance que la chambre des j)aiis
u fût lasse de sa honteuse impuissance. Mais
K je ne tardai pas à acquérir la preuve que,
•< satisfaite de sa nullité, cette chambre se
c< contenterait toujours d'accepter comme
« sienne, l'oiiitiion du parti triomphant. Je
« soumis mon plan au marquis de Sémun-
« ville, qui, eu sa qualité de graud-réfé-
« rendaire, avait des communications jour-
« nalières avec tous les pairs ; il feignit d'eu-
<< trer dans mes vues, déplora avec moi l'a-
X baissemeut dans lequel le second pouvoir
« de l'état était tombé dans l'opiniou pu-
« blique. Il me promit de consulter ses coW
«< lègues. Le peu de confiance que j'avais
« dans la sincérité de M. de Sémonville de-
«« vait céder devant la uécessité de l'em-
« ployer en cette occasion; il était le seul
«intermédiaire naturel entre la <hambre
" des pairs et moi ; il revint et me remit
«« une note,laquelle indiquait comme moyen
« d'injluene* sociale à donner à la cliH/nbre
« des pairs, et cotnme étant Vtxpression du
« désir de ses memlires, l'autorisation, pour
« leurs fils aioés, d'cn/rer dans la salle du
« trône avec un habit vert-pomme, M. de Sé-
« monville sans doute voulait rire. Je n'é-
" tais guère d'humeur à me joindre à lui.
H J'envoyai sa uolc au premier gentilhomme
« da roi, dans le ressort de qui elle tora-
« bail : c'était la condamner au feu. »
SEM
l'Hùtel-dc-VilIc où siégeait la com-
mission municipale. Après avoir jus-
tifié par quelques explications con-
ciliantes la présence inattendue de
M. de Vitrolles, Sémonville annonça
à la commission, dans une allocution
simple mais habile, la mission paci-
fique qu'il venait remplir. Cette allo-
cution fut écoutée silencieusement,
sans contradiction ni sympathie.
Casimir Périer fit quelques objections
de forme sur le défaut de pouvoirs
écrits des trois parlementaires, et le
général Lafayette,que la commission
municipale avait mandé dans son
sein, entendit avec le même calme la
communication du grand-référen-
daire. En accompagnant Sémonville,
qui prit congé des commissaires, il
se borna à lui demander si la con-
(luête du drapeau tricolore ne serait
pas le fruit de la victoire du peuple
de Paris. Sémonville répondit qu'il
n'avait point été question de cet objet
à Saint-Cloud, et, après avoir échan-
gé quelques propos bienveillants et
légers, ils seséparèrent. Tout le mon-
de connaît les déplorables causes qui
firent échouer une négociation com-
mencée sous d'aussi favorables auspi-
ces. Mais ce qui est moins connu,
ce sont les efforts qu'employa Sé-
monville pour compléter sa mission
et pour conserver à la dynastie de
Charles X un trône dont la chiilc n<;
pouvait manquer de produirr. an
dedans et au dehors de longues ci
douloureuses convulsions. Il s'em-
pressa de réunir au Luxembourg
dix-huit à vingt pairs avec lesquels
il tint conseil sur les mesures les
plus propres à paralyser le mouve-
ment révolutionnaire, et mit à la dis-
position du duc de Mortemnrt tous
les moyens d'assurer la reconnais-
sance du caractère officiel dont il
était revêtu. Mais la chambre des
SËM
pairs, vouée depuis la fameuse
adresse des 221 à l'espèce d'infério-
rité parlementaire que les événe-
ments postérieurs n'ont fait qu'ag-
graver, n'était guère en mesure de
comprimer l'élan des esprits , et ces
efforts n'aboutirent k aucun résultat.
La nature assez intime des rapports
que Sémonville entretenait depuis
long-temps avec la maison d'Orléans
lui permit d'entreprendre des démar-
ches plus directes dans le même but.
Soit que le duc d'Orléans fût com-
battu par un rf ste de reconnaissan-
ce pour les bienfaits qu'il avait reçus
de Charles X, soit que les ressources
demeurées au pouvoir de ce monar-
qiM'. rendissent la situation encore
irès-précaire, Louis-Philippe, mal-
^ré les pressantes incitations de sa
sœur, hésitait à prendre la couronne
([iii ne reposait plus que sur la tête
(l'un faible enfant. La duchesse d'Or-
léans, pas ses exhortations et ses in-
stances, le maintenait dans cette irré-
solution, et Sémonville ayant, dans
un entretien avec cette princesse,
exprimé cette sentence que la cou-
ronne de France brûlerait tout au-
tre front que celui du roi légitime,
elle le conjura de répéter ce mot à
son époux. L'auteur de cette notice
a lu d;ins les souvenirs manuscrits
du grand- référendaire le récit d'une
conférence entre les deux époux, te-
nue en sa présence peu de jours
avant le 7 août, et dont voici quel-
ques traits : • Cette couronne, disait
<■ la princesse, est souillée de sang et
" de boue ; » et, s'adressant avec onc-
tion à Sémonville : • Monsieur, s'é-
« criait-elle, faites venir ici le duc de
« Bordeaux, il sera le plus cher de
« mes enfants! Philippe, reniez-
« vous Bordeaux ?» A ces généreuses
tentatives, le duc d'Orléaus n'oppo-
sait que des difficultés de situation.
SEM
83
« A la moindre indisposition de cet
« enfant, répondait-il, on m'accuse
• rait d'avoir attenté à ses jours
• comme on a fait de mon aïeul.
« N'ai-je donc point assez des torts
« de mon père ! (6) » Les rancunes
de Sémonville n'atteignirent point
toutefois le gouvernement qui s'était
établi contre ses conseils et ses pres-
sentiments. Moins d'un an après, le
25 juillet 1831, il faisait pavoiser la
salle des séances de la chambre des
pairs de quarante drapeaux autri-
chiens envoyés en 1805 de Mayence
par Napoléon au sénat conservateur,
et par • ce trésf)r i|u'un asile inviola-
« ble avait, disait-il, dérobé à toutes
• les recherches, » sa courtisanerie
préparait au jeune duc d'Orléans,
présent à la séance, l'occasion d'une
allocution belliqueuse, évidemment
destinée à grossir sa popularité nais-
sante. Celte flagornerie, qui décon-
sidéra profondément Sémonville aux
yeux du parti légitimiste , ne le
sauva point d'une disgrâce inévita-
ble, et que sans doute ii avait voulu
prévenir. La cour, qui avait pu lui
pardonner certaines vérités incommo-
des , ne voyait plus en lui qu'un
instrument usé; d'autres services,
plus anciens , plus utiles que les
siens, attendaient leur récompense.
Le 21 septembre 1834, à la suite de
diverses négociations plus ou moins
mystérieuses, il fut remplacé dans
ses fonctions de grand-référendaire
par le duc Decazes, que la fortune
destinait à devenir le conseiller privé
du trône populaire, comme il l'avait
été de celui du droit divin. Malgré
ses habitudes de vieux courtisan, le
ma rquis de Sémonville dissimula avec
peine le déplaisir que lui causa cette
(fi) Histoire de la dtrniire annêi d* la Hes-
lauration, t. I, p. l36.
6.
84
SEM
abdication forcf^e ou extorquée d'une
dignité (lu'il occupait avec éclat de-
puis tant d'années, et le vain titre
de grand-référendaire honoraire n'a-
doucit point l'amertume de.cette im-
pression. Il se retira à Versailles
dans une habitation qu'il avait ache-
tée peu de temps auparavant en pré-
vision de sa disgrâce, et ne reparut
plus à Paris que pendant les sessions
des chambres. Sémonville avait peu
d'années à jouir de cette retraite. Le
11 août 1839, il fut pris de vertige
sur le haut de l'escalier de l'hôtel
qu'il habitait à Paris, rue de Lille,
et tomba avec une telle violence, que
la mort s'ensuivit presque immé-
diatement. 11 touchait à sa quatre-
vingtième année. Des obsèques très-
pompeuses lui furent faites dans la
capitale, et la chambre des pairs y
assista dans la presque totalité de
ses membres. Son éloge, prononcé
devant cette assemblée le 7 février
suivant par le baron Mounier, est
un des meilleurs morceaux sortis de
ta plume de cet homme d'État. La
dépouille mortelle de Sémonville fut
ensuite transportée dans sa terre de
Bourai, où sa perte avait excité un
deuil profond et universel. En lui
s'éteignit l'un des derniers types de
cette ancienne politesse française
modifiée par les épreuves du régime
révolutionnaire. C'est le propre des
oscillations politiques d'énerver les
caractères et de substituer les combi-
naisons subtiles d'une personnalité
inquiète et prévoyante aux nobles
inspirations de la droiture et de la
vertu. Né dans des temps tranquilles,
Sémonville, doué de mœurs douces,
d'un sens exquis et judicieux, d'un
esprit conciliant, d'un penchant ir-
résistible à la bien»faisance (7), n'eût
(7) Parmi les traits de bienfaisance de
SEM
point porté dans sa vie extérieure
ces habitudes cauteleuses, cette in-
croyable souplesse de caractère et de
maximes à la faveur desquelles il
cherchait à se rendre utile et accep-
table sous les régimes les plus op-
posés, sans égard pour les impul-
sions de sa conscience et de sa con-
viction. Talleyrand, qui ne l'aimait
point et qui l'appelait le vieux chat^
demandait un jour quel intérêt il
avait à être malade. Cette plaisan-
terie résume assez bien le caractère
tout positif de Sémonville et cette
constance de calcul à laquelle sem-
blait ne se dérober aucune circon-
stance de sa vie, même les plus in-
différentes. Mais si la recherche du
pouvoir, si la poursuite du crédit et
des honneurs fut son application
dominante, et l'on peut dire exclu-
sive, il est juste de reconnaître que
l'ambition se montra chez lui géné-
ralement exempte de cet instinct
d'égoïsme et d'ingratitude que cette
passion traîne trop souvent à sa
Sémonville, nous en citerons deux, dont
l'un surtout est marqué au coin de la plus
iugéuieuse délicatesse. Il avait assisté aux
débuts d'un jcnne iTOiat au barreau d9
Pari» et distingué son talent. Il l'eogage à
entrer dans la magistrature; le jeune homme
oppose le manque de fortune." Qu'à cela xio
• tienne, répond le grand - référendaire ;
« dites-vous: J'id là Sémonville; un ancien
« ami de mon ]>àre, qui a toujours cent
u louis à ma dispositiou. Vous nie les reu-
« drez à moi ou ù mes entants quand vuuà
• ierez riche. » L'objet de ce généreux men-
longe est M. Cliaix-d'Est-Angc. — Un phy-
sicien, M. ïabarié, voulait expérimenter à
Paris un procédé de son invention sur la
concentration de l'air appliqué au traitement
de certaines maladies. C'est en vain qu'il
s'était adressé à différeuts ministres. Sé-
monville en entend parler, s'informe et ap-
prend que douze mille francs sont nécessai-
res pour établir l'appareil : «Je me rej)roche-
« rais toujours, dit-il, d'.ivoir lais.sé échap-
« pcr pour douze mille fiancs un procédé
« utile au soulagement de l'humanité; les
" voilà : faites et léussissei. »
SEM
suite. Bien préférable sur ce point
comme sur plusieurs autres à l'hom-
me d'État que nous venons de citer,
Séaionville mettait ses aifections per-
sonnelles au-dessus de la disgrâce et
usait noblement de sa puissance et
de son crédit en faveur des opprimés
de tous les régimes. Une femme cé-
lèbre a dit de lui que «lorsqu'il pas-
sait dans les rangs des vainqueurs,
c'était pour relever les blessés du
parti vaincu. » Par une rare et heu-
reuse disposition, l'ingénieuse sub-
tilité de son esprit ne retranchait
rien à la générosité de son âme, et
son obligeance universelle s'exerçait
souvent au profit de ses propres en-
nemis. Simple dans ses manières et
dans ses habitudes personnelles, il
aimait le faste, la représentation, et
dépensait noblement, dans ses vastes
appartements du Luxembourg, ses
splendifles émoluments. Ses salons,
fréquentés par les sommités politiques
de tous les partis, étaient comme un
terrain neutre où toutes les opinions
se rencontraient sans se heurter. On
retrouvait au sein même de son mé-
nage ce partage de sentiments politi-
ques (8) qu'il affectait d'entretenir
dansTensembledesafamille. Madame
de Sémonville, femme aussi distinguée
par l'élégance et la dignité de ses
manières que par la finesse et l'é-
tendue de son esprit, y représentait
l'ancienne France, et Sémonville la
France actuelle. Sa conversation ,
singulièrement attachante , mais
empreinte dans l'occasion d'une
teinte de cynisme assez prononcée,
(8) Séinouville avait été frappé d'une
paralysie par suite de laquelle il était privé
CM partie de l'usage du bras droit. Par une
coiucideute assez curieuse avec les habi-
tudes doiuiuaiites de sa tactique, il écrivait
ses lettres de la maiu gauche et les sigaait
de la droite.
SEM
85
brillait surtout par un talent de
narration dont le charme était irré-
sistible. Parmi les anecdotes qu'il
aimait à raconter, nous citerons la
suivante, qui nous paraît marquée
au coin d'une spirituelle et mali-
cieuse bonhomie. Lorsque , déjà
grand-référendaire, il alla en 1814
faire sa cour au comte de Blacas, fa-
vori de Louis XVUI, ce ministre lui
dit obligeamment qu'il le connais-
sait depuis long-temps. « Plus que
• vous ne croyez, répliqua Sémon-
« ville, et pour preuve, vous sou-
« venez-vous qu'un jeune et noble
« émigré peu charge de fortune ,
« voyant passer un jour, à Turin, un
« ministre de la république éclatant
« d'or et de broderies , s'écria en
« courroux : Voilà un de ces traî-
« très qu'il faudrait pendre! Le gcn-
« tilhomme, c'était vous ; le traître,
« moi. Plus tard, un émigré de mar-
« que se trouvait à Constance, lors-
« qu'il vint à rencontrer l'ambassa-
« deur de la république française à
« Constantinople. Parbleu ! s'ccria
« cet émigré, voilà un coquin que je
« jetterais volontiers dans le lac! Cet
« émigré, monseigneur, c'était vous,
« et l'ambassadeur c'était moi. Enfin,
« plus tard encore, ce même gentil-
« homme apprit que l'ambassadeur
« français en Hollande s'employait
« avec zèle à faire lever les pro-
« scriptions qui pesaient sur lesémi-
« grés. Cet ambassadeur, dites-vous,
« est moins noir que je ne le faisais,
« et, de plus, il est habile, car il sert
« les véritables intérêts de son nou-
• veau maître. Eh bien! monsei-
« gneur, cet ambassadeur, c'était en-
« core moi! » Sémonville savait con-
server en présence des plus hauts
personnages le sang -froid remar-
quable, le piquant esprit de repartie
dont il était si éminemment doué.
SEN
SEN
Un jour qu'il accompagnait le roi
Louis -Philippe dans les salons de
Versailles, ce prince lui dit avec
une intention maligne , en mon-
trant un tapis fleurdelisé : « Allons,
« M. de Sémonville , asseyez-vous
« là. — Sire, répondit l'ex-référen-
« daire, si je m'asseyais sur ces
• fleurs de lis, je ne les verrais pas! »
Un autre jour, le même prince s'ar-
rêtant avec lui en face du lit de
Louis XIV : • C'est donc là, s'écria-
■ t-il, que couchait le grand roi!
• — Oui , sire , repartit Sémon-
• ville avec un malin soupir, mais
« personne n'y couche aujourd'hui! •
Le marquis de Sémonville avait
épousé mademoiselle de Rostain ,
veuve en premières noces du comte
de Montholon, belle-mère par l'aî-
née de ses lilles du général de
Sparre, par l'anlre du général Jou-
bert, et plus tard du maréchal Mac-
donald. Il n'en a pas eu d'enfants.
Une ordonnance de Louis XVllI a
autorisé le comte Louis-Désiré d«
Montholon, l'un de ses beaux-fils, à
hériter après sa mort de son rang,
de ses titres et de ses qualités. Indé-
pendamment des Mémoires encore
manuscrits dont il a été parlé dans
le cours de cet article, Sémonville a
laissé un travail également inédit en
faveur du parlement de Paris, L'au-
teur de la France littéraire lui a at-
tribué des Réflexions sur les pou-
voirs des Èlats- généraux, Paris,
1788. B— ÉE.
SEXAJl, le plus ancien poète
mystique des Persans, né à Gas-
nah, y mourut l'an 576 de l'Hégire
(1180 de notre ère). Il avait composé
sous le nom At Parterre un recueil
de vers où il développait les doctri-
nes les plus raffinées et les plus sub-
tiles de r.ii<c('lisme musulman. M. de
Hammer possède un manuscrit de
cet ouvrage, et il en a donné des ex-
traits dans son Histoire (en alle-
mand) des belles-lettres en Perse,
p. 102etsuiv. B— N— T.
SÉNANCOUR ( Etienne Pivert
DE), écrivain moraliste, fils d'un con-
trôleur des rentes, naquit à Paris en
1770. Il fit ses éludes au collège de
la Marche, et, à la sortie de cette in-
stitution, son père ayant remarqué
apparemment la tendance du jeune
homme vers les idées philosophi-
ques de l'époque, voulut le faire en-
trer au séminaire -, celui-ci préféra se
soustraire à l'autorité paternelle, qui
n'avait pas su se faire aimer, et s'en
alla en Suisse pour suivre son pen-
chant vers la vie rêveuse el indé-
pendante, liéjà, dans son enfance, il
avait aimé les lieux solitaires, les
excursions dans les bois, le séjour
au milieu d'une nature sauvage. Il
dit, en parlant des promenades qu'il
faisait alors avec sa mère dans la fo-
rêt de Fontainebleau : • J'aimais les
« fondrières, les vallons obscurs, les
• bois épais; j'aimais les collines
• couvertes de bruyère; j'aimais
« beaucoup If.s grès renversés, les
« rocs ruineux :, j'aimais bien plus
« ces sables vastes et mobiles dont
• nul pas d'hoiume ne marquait l'a-
• ride surface sillonnée çà et là par
« la trace inquiète de la biche ou du
« lièvre en fuile.» Ailleurs il dit qu'il
éprouvait un sentiment de paix, de
liberté, de joie sauvage, toutes les
fois qu'il trouvait dans cette forêt un
endroit découvert et fermé de toutes
parts, où il ne voyait que des sables
et des genièvres. On peut juger,
d'après cet aven, s'il devait aimer la
Suisse. Après avoir erré dans plu-
sieurs parties de ce pays, il s'établit
chez une famille du canton de Fri-
bourg, et bientôt après il se maria
avec une personne de cette famille
SEN
SEN
87
Il n'avait alors que vingt ans, point
de fortune, et encore moins d'espoir
d'en acqiie'rir au milieu des troubles
de la révolution, pendant lesquels il
fut de'claré e'migré. Quoique une pa-
reille déclaration entraînât alors de
graves dangers, poussé par la néces-
sité et par l'amour filial, il lit un
voyage à Paris; fut arrêté, puis rendu
à la liberté, et, dans un temps plus
tranquille, il rint se fixer en France,
Après la perte de ses parents et de
sa fenmie, il devint encore pins rê-
veur et, mena une vie plus solitaire
que jamais; il n'avait plus d'illu-
sions, et ses yeux à demi fermés,
comme il dit, n'étaient plus éblouit
par rien. C'est dans cette triste
disposition d'esprit qu'il mit par
écrit ses rêveries et les fruits de
ses méditations. La publication d'un
jiremier essai en 1798nef'ui pas heu-
reuse. L'année suivante, il fit paraître
à Paris un volume plus considérable
suus le titre de Rêveries sur la nature
primitive de l'homme, dont la 3* édit.
est de 1833. N'ayant ni l'éloquence
du style de Rousseau, ni le charme
de celui de Bernardin de Saint-
Pierre, il ne put obtenir le succès
de ces deux écrivains sur les tra-
ces desquels il marchait. Grave et
iiustère, il ne plut qu'à un petit
nombre de penseurs. L'auteur a
d'ailleurs peu d'idées d'une, utilité
jjratique et applicables à l'état actuel
de la société. « Le type auquel il rap-
- porte constamment la société pré-
« sente,» dit M. de Sainte-Beuve (1)
sur cet ouvrage, « c'est un certain
« état antérieur a l'homme, état pa-
« triarcal, nomade, participant de la
« vie des labouieurs et des pasteurs,
• sans professions déterminées, sans
(i) Art. Sénancour àiitia le tome l*^' des
Portraits eonttwi:oratn!, Pdiif, i846.
• classement de travaux, sans héri-
• tages exclusifs, où chaque indi-
« vidu possède en lui les éléments
• communs des premiers arts, la
« généralité des premières notions,
• la jouissance assidue des pâtura-
a ges et des montagnes. A partir de
• là, tout lui paraît déviation et
« chute, désastre et abîme. Il a de-
• vaut les yeux, comme un fantôme,
• les funérailles de Palmyre et le
• linceul de Persépolis; il voit, par
« les progrès de l'industrie et l'u-
• sage immodéré du feu, le globe
• lui-même altéré dans son essence
' chimique et se hâtant vers une
« morte stérilité. Le genre humain
« en masse est perdu sans retour;
• il se rue en délire selon une pente
• de plus en plus croulante ; il n'y a
« plus de possible que des proiesta-
« lions isolées , des fuites indivi-
• duelles au vrai...» En 1804,Sénan-
cour lança dans le monde son Ober-
mann, 2 vol. in-S", autre fruit des
rêveries de son esprit chagrin. Dans
cet ouvrage, pour nous servir des
expressions du littérateur déjà
cité, « c'est à la fois un psycholo-
• giste ardent, un lamentable élé-
• giaque des douleurs humaines et
« un peintre magnifique de la réa-
« lilé. Il n'y a pas de roman ni de
• nœud dans ce livre : Obermann
• voyage dans le Valais, vient à Fon-
« tainebleau, retourne en Suisse, et,
« durant ces courses errantes et ces
• divers séjours, il écrit les senli-
• raents et les réflexions de son âme
. à son ami. L'athéisme et le fata-
« lisme dogmatique des Rêveries
. ont fait place à un doute univer-
• sel non moins accablant, à une
• initiation de liberté qui met eu
• nous-mêmes la cause principale
u du bonheur ou du malheur, mais
« de telle sorte que nous ayons be-
8B
SEN
h soin encore d'être appuyés de tous
• points par les choses existantes. »
Ainsi que tous les ouvrages de Se'-
nancour, celui-ci se compose d'une
suite de pense'es unies sans beau-
coup d'art. Toutes les questions so-
ciales y sont touche'es -, dans le per-
sonnage sceptique qui en est le hé-
ros, qui ne sait ce qu'il est ^ ce
qu'il aime, ce qu'il veut; qui gé-
mit sans cause, qui désire sans ob-
jet et qui 7ievoit rien, sinon qu'il
n^ est pas à sa place; enfin qui se
traîne dans le vide et dans un in-
fini désordre d'ennuis , comme dit
l'auteur, il est aise de voir que Sé-
nancour a peint l'état bizarre de
son âme. Il y a de belles pages
inspirées surtout par l'aspect des
Alpes, et c'est très-probablement ce
qui a valu à Obermann plus de suc-
cès qu'aux autres ouvrages du même
auteur. La deuxième édition a paru
en 1833 avec une préface de M. de
Sainte-Beuve, et la troisième avec
une préface de George Sand. Un
an après Obermann , Sénancour
fit paraître son ouvrage De l'a-
mour selon les lois primordiales
et selon les convenances des socié-
tés modernes^ qui fut augmenté
dans la troisième édition, publiée en
1828 in-8% de plusieurs passages,
entre autres d'une défense de la
loi du divorce, qui venait d'être
supprimée. La quatrième édition pa-
rut en 1834, 2 vol. Cel ouvrage est
comme les autres, peut-être un peu
plus encore, parsemé de paradoxes
et d'idées étranges, pour ne pas dire
bizarres. Il y met la vertu dans la
satisfaction de ceux de nos désirs
qui ne nuisent point à notre pro-
chain; il va jusqu'à prétendre que
l'affection des enfants pour leurs pè-
res n'est pas dans la nature , peut-
4tre est-ce par souvenir de la ru-
SEN
desse ou de la sévérité avec laquelle
il avait été traité par son propre
père. Quoique écrivant sur l'amour,
l'auteur proscrit toutes les passions,
et veut que l'homme ne se laisse gui-
der que par la raison. Tout cela n'em-
pêche pas Sénancour de semer ces
rêveries de pensées profondes et d'é-
crire des passages aussi remarqua-
bles par le fond que par la forme.
C'est peut-être pour cela que le vieui
chevalier de Boufflers, en rendant
compte de l'Amour dans le Afercure
de France, salua gravement l'auteur
comme poète et comme philosophe.
Ceux qui ont examiné le fond de
l'ouvrage y ont vu tout autre chose.
Il leur semble que * dans ce livre
• l'auteur dévoile complètement sa
« doctrine égoïste et solitaire: que
« l'individualisme y est poussé jus-
« qu'aux conséquences les plus im-
« pures et les plus inouïes; que si
« madame de St;iëi a dit de l'amour
« que c'était de l'égoïsme à deux,
« l'amour est pour Sénancour la
« réunion de deux égoïsmes; enfia
« que c'est dans son livre sur l'a-
« mour qu'il a exprimé la pensée à
« laquelle il était arrivé et qu'il n'a
• pas osé s'avouer à lui-même dans
• son Obermann {i).' La révolution
n'avait pu entraîner Sénancour ni le
faire sortir de ses rêveries. Il en fut
de même de l'époque de l'empire ;
mais à la chute de Napo'éou il se
lança un moment dans le champ de la
politique, toujours au profit de ses
vœux et de ses idées. 11 publia alors
de Simples observations soumises au
congres de Vienne par un habitant
des Vosges , et la Lettre d'un habi-
tant des Vosges sur MM. Buona-
(2) Hip. Fortoul, De l'an, ociutl, dans le
tome LIX de la Revut tnejdopedique. Pan-,
i83J.
SEN
SEN
89
parte, de Chateaubriand., Grégoire,
Barriiel, etc., 1814. Sous la Restau-
ration, cet habitant des Vosges, faute
de ressources, sortit de sa solilude
pour se mêler au mouvement litté-
raire de Paris, et prit part à des entre-
prises de librairie et à la rédaction
des journaux, surtout des journaux
libéraux. C'est ainsi que pour la Bi-
bliothèque populaire il fit le Vocabu-
laire de simple vérité, 2^ édit., 1834,
et pour la Collection des petits résu-
més historiques il écrivit le Résumé
de Vhistoire de la Chine, Paris, 182 i,
2® édit., 1827, et celui des Tradi-
tions morales et religieuses chex
, tous les peuples^^aris, 1825-, 2® édit.,
1827. Dans ces ouvrages positifs, on
ne l'entend plus prédire la fin pro-
chaine de notre globe, ni essayer de
nier l'amour filial ; mais il conserve
son indifférence pour la foi chrétienne.
A ses yeux la religion des anciens let-
trés de la Chine contient les plus sai-
nes et les plus nobles idées; et dans un
article qu'il écrivit en 1828 dans la
Revue encyclopédique sur l'ouvrage
de M. Salvador, relatif aux institutions
de Moïse, il affirme, avec l'auteur de
cet ouvrage, que, quant aux meilleures
maximes de morale, il ne s'en trouve
dans les livres du christianisme au-
cune qui ne fît partie de ceux de
David, de Salomon, d'Isaïc ou bien
du Pentateuque ; encore l'enseigne-
ment de la sagesse se trouve, selon
lui, chez des nations plus anciennes.
« Toute cette organisation civile ou
• politique des États, dit-il, doit va-
« rier selon les temps ou les climats,
« et elle dépend aussi des opinions
« systématiques ou même des pas-
« sions du législateur. Au contraire,
« la morale est à peu près la même
• en tous lieux ; c'est la loi iiuposée
« sans exception à l'espèce humaine,
a La morale est tellement sûre, tel-
« lemeut égale dès que les erreurs
« accidentelles cessent de nous trou-
« bler, que nos institutions les plus
« opposées à d'autres égards se bor-
« nent à la modifier faiblement. •
Le Résumé des traditions morales
€t religieuses lui attira en 1827 un
procès devant la police correction-
nelle, où il fut accusé d'irréligion
pour n'avoir parlé de Jésus-Christ
que comme d'un sage. Mais l'affaire
ayant été portée par appel devant la
cour d'assises, l'auteur fut renvoyé
absous. On pense l)ien que Sénancour
ne voyait rien de poétique dans le
christianisme, du moins dans les égli-
ses chrétiennes telles qu'elles exis-
tent 5 aussi, loin de partager l'enthou-
siasme de M. de Chateaubriand, le
combattit-il par sesObservations stir
le Génie du Christianisme , qui ue
parurent qu'en 1816, parce que Sé-
nancour n'avait pas voulu, dit-on,
critiquer sous l'empire uu auteur
qui était alors en disgrâce. A ses
résumés historiques il faut join-
dre celui de VHisloire romaine,
1827, 2 vol. in-18. Ces travaux
avaient été précédés des Libres mé-
ditations d'un solitaire inconnu sur
le détachement du monde et sur d'au-
tres objets de la morale reli-
gieuse, Paris, 1819, in-8»5 S'' édit.,
1838. Sur cet ouvrage, !e critique
que nous avons cité plusieurs fois
porte ce jugement exprimé peut-
être un peu trop poétiquement : « Si
« notre reproche sincère tombe en
« plein sur plusieurs écrits du res-
« pectable philosophe, les Librei
« méditations, quoique rentrant dans
« la même vue générale, échappent
« tout à fait au blâme, grâce à l'es-
• prit de condescendance infinie et
« de mansuétude évangélique qui les
" a pénétrées. C'est une sorte de ves-
« tibule hospitalier, un peu un, foil
90
SEN
« vaste, où aboutissent les diverses
« entrées du temple, et dans lequel
« sont assis ou prosterne's les anti-
« ques Orientaux , les anachorètes
« du Gange, Thamyris et Confucius,
• Pythagore et Salomon, Marc-Au-
• rèle et Nathan-le Sage, et même
« l'auteur voilé de V Imitation; leur
« parole rare se distingue lentement
« sous l'orgue lointain des sanctuai-
" res.... Je recommande tout ce li-
« vre, qui est une belle fin conso-
• lante à me'diter. » Se'nancour n'é-
tait pas un auteur propre à com-
poser des romans; cependant, à
l'époque oii il était lancé dans la lit-
térature et où il faisait des résumés
et des articles de journaux, il publia
le roman û'Jsabelle, Paris , 1833 ,
in-S". L'essai ne fut pas heureux et
n'obtint" pas l'approbation de la
presse périodique. On le traita de
• livre écourté et sans charme, ayant
« peu de portée dans les théories,
« peu de netteté dans les conclu-
« sions , pas de grandeur dans leg
« idées, et présentant, au lieu de la
« prose grave et harmonieuse d'O-
• bermann^ une aridité triviale, une
« sorte de panthéisme qui anime la
• nature aux dépens de l'humanité,
« et où les bruits de la terre ont une
« voix plus significative que la parole
« de l'homme (3). » Ses dernières an-
nées furent attristées par des ma-
ladies douloureuses. Il mourut à
Saint-Cloud en janvier 1846, après
avoir été perclus de ses membres à
la suite de ses accès de goutte.
M. Thiers, en sa qualité de ministre
de l'intérieur, lui avait fait une pen-
sion, et M. Villemain, quand il avait
eu le ministère de l'instruction pu-
blique, lui en avait donné momenta-
néiuent une autre, et il était allé lui en
(H) Ibidem.
SEN
porter l'assurance écrite. Vllhislra-
tion du 31 janvier 1846 a publié le por-
trait de Sénancour en ajoutant, dans
le texte • qu'il était petit de taille,
délicat et grêle, que ses traits avaient
de la finesse, de la distinction, et un
air de jeunesse qu'ils conservèrent
jusqu'à l'âge le plus avancé ; enfin,
que son front était large, ouvert,
ombragé de cheveux blonds et
soyeux. •• Il avait eu de son mariage
deuxenfanis, un fils qui suit la car-
rière militaire , et une fille, auteur
comme son père, mais dans un genre
moins sérieux. D— g.
SÉNARMONT (Alexandre-An-
toine Bureau de), général français,
l'un des plus distingués des armées
de la république et de l'empire, na-
quit le 11 avril 1769 à Strasbourg,
où son père, alors capitaine d'artil-
lerie, était chargé d'une manufac-
ture d'armes (1). Après avoir fait
ses études à l'école militaire de Ven-
dôme, il entra au collège de Saint-
Louis à Metz, et fut reçu élève d'ar-
tillerie en 1784, lieutenant au régi-
ment de Besançon , puis à celui de
Toul, et devint, en 1792, capitaine
en second d'une compagnie d'ou-
vriers qu'il suivit à l'armée des Ar-
dennes. Nommé bientôt premier ca-
pitaine, il fut employé dans la place
de Philippeville, où il épousa, vers
la fin de 1793, madeiiioiselle Hiifly,
fille d'un ancien procureur du roi.
(i), Alexandre-Frauçois Hureau de Sé-
u^iraiont était le fila d'un (•ai)itaine d'infan-
terie, chevalier de Saint-Louis, tué au siège
de Spire en i']55. Son grand-oncle, capi-
taine aide-major, avait été tué de se()t coups
de feu à la bataille de Cassant en 1709, et
un de ses ai rièic-grands-oncles avait péri
delà incine manière aiTsiége d'Alh en i(i()7.
D'autres olliciers de cette famille élaieut
rnoils également sur le iharop de i) r.iillc.
Enfin on peut dire sans exagératioii r|u<f peu
do famdlcs ont réuni autant de gluil'u cl
d'iliustialiuii'î nulitsiic'..
SEN
Envoyé au commencement de 1794
à l'aile gauche de l'arme'e des Ar-
df unes qui manœuvrait sur la Sam-
l)re,sous les ordres de Charbonnier
et de Desjardins, pour s'emparer de
Charleroi , il eut part à toutes les
alternatives de succès et de revers
qu'essuyèrent ces deux géne'raux,
et mérita d'être mentionné dans un
rapport officiel. Il reçut même à
cette occasion du comité de sa-
lut public une lettre fort hono-
rable. L'armée de la Moselle
étant ensuite venue sur cette fron-
tière, après sa belle marche à tra-
vers les Ardennes, et toutes ces di-
visions ayant été réunies sous le
nom d'armée de Sambre- et -Meuse,
Jourdan en prit le commandement en
chef, et rempona la victoire de Fleu-
rus à laquelle SéiiaruK/nt eut quel-
que part en dirigeant l'artillerie du
corps de Kléber à l'aile gauche. Il
concourut aussi un peu plus tard à
la |)rise de Maestricht, et fut nommé
chef de bataillon le 23 novembre
1794. Atteint alors de la petite vé-
role, il fut obligé de rester pendant
plusieurs mois à Givet. A peine ré-
tabli , il concourut au siège |de
Luxembourg, et prit le comman-
dement de l'artillerie de cette place
lorsqu'elle fut au pouvoir des Fran-
çais. Dans les campagnes de 1796
et 1797 il commanda le parc de l'ar-
mée de Sambre-et-Meuse sous Ho-
che et Beurnonville, puis il fut dis-
tingué par le gouvernement de ce
temps-là et appelé dans la capitale,
pour y faire partie du comité d'ar-
tillerie. Il occupait cette place im-
portante en 1799, à l'époque du 18
brumaire. Bienlôl remarqué par ce-
lui que cette révolution avait con-
duit au pouvoir suprême, il fut
chargé, dans le mois de mars 1800,
d'un commaudemenl dans l'armée
SEN
9t
de réserve, destinée k réparer en un
jour toutes les pertes que la France
avait faites depuis deux ans. Ce fut
lui qui, dans cette mémorable cam-
pagne de Marengo, conduisit l'ar-
tillerie sur le mont Saint-Bernard
et sous le canon du fort de Bard,
puis au passage du Pô, où il jeta des
ponts avec une vitesse prodigieuse,
admirée et récompensée aussitôt
par le premier consul, qui le fit
colonel et lui donna, dès que la paix
fut signée, le commandement du 6®
régiment d'artillerie à Rennes. Sé-
narmont passa, en 1804, au camp de
Boulogne où il commanda le person-
nel de l'équipage de siège destiné
à la conquête de l'Angleterre, mais
qui fut bientôt détourné de cette
difficile entreprise pour envahir
l'Autriche. Ce fut surtout dans cette
brillante campagne qu'il se fit re-
marquer par son habileté, son zèle
et sa prodigieuse activité. Personne
ne pouvait mieux que Napoléon ap-
précier de tels avantages. Dans les
nombreuses promotions qui accom-
pagnèrent son avènement à l'empire,
le brave colonel du 6^ d'artillerie ne
devait pas être oublié ; cependant le
souverain maître hésitait encore.
'Vous êtes bien jeune, lui dit-il
« un jour. — Sire, j'ai votre âge, »
répondit vivement Sénarmont. Cette
brusquerie qui, dans tout autre
cas, eût déplu, ne choqua point
l'empereur, ou du moins il n'en lit
rien paraître, et Sénarmont fut nom -
mé, le 3 mai 1805 , sous-chef de l'é-
tat-major-général d'artillerie. Ce fut
en cette qualité qu'il assita à la ba-
taille d'Austerlitz où , chargé d'oc-
cuper la position importante de
Santen, à l'aile gar.chc, il s'y main-
tint avec la plus gi amie fermeté con-
tre les attaques réitér('cs du général
russe Bagration, ce dont il reçut de
92
SËN
nombreuses félicitations. Cependant
il n'obtint point encore l'avancement
qu'il avait droit d'attendre ; ce n'est
qu'au mois d'août 180G qu'il fut
nommé général de brigade et com-
mandant de l'école de Metz. Ce der-
nier titre n'était guère qu'honori-
fique , car il resta toujours sous-
chef de l'état -major -général à la
grande armée, puis chef de l'artille-
rie au 7* corps que commandait Au-
gereau. Il assista aux batailles d'Iéna,
de Golymin et d'Eyiau, où il se si-
gnala encore par son habileté et
sa bravoure. Mais ce qui le distin-
guait plus particulièrement des au-
tres chefs, c'était sa haine pour le
pillage et les désordres qui ont trop
souvent accompagné et flétri les plus
honorables lauriers. Ces généreux
sentiments se peignent bien dans une
de ses lettres de cette époque. « Ja-
• mais campagne n'a été si dure, et
• jamais les excès si affreux et si
o motivés, s'il peut y en avoir qui le
« soient. Je suis las, archi-las de ce
« métier qui n'a plus rien d'honora-
• ble sous quelque point de vue qu'on
« veuille l'envisager. Je dois cette
« justice au maréchal Augereau ,
• qu'il a maintenu sou corps d'ar-
« mée dans la meilleure discipline,
« relativement aux autres, et que
o lui-même a donné l'exemple d'une
• intégrité et d'un désintéressement
« dont il n'a pas la réputation ; mais
« il n'a pu empêcher que le besoin
« et l'exemple ne perdissent son
« corps d'armée. » On sait combien
eut à souffrir dans cette terrible ba-
taille d'Eyiau le malheureux septiè-
me corps. Toujours au poste le plus
périlleux, ce ne fut que par une
sorte de miracle que Sénarmont
♦'fliappa encore une fois à la mort.
Rien de plus touchant que les sim-
ples expressions dont il se servit
SEN
pour en faire part à son frère. « Oui,
« très - certainement, la Providence
« veillait sur moi à Preussich-Ey-
• lau, ou j'ai porié mon artillerie k
• 250 toises en avant de ma première
« position, avec la ferme conviction
« que j'allais être tué, et je vous di-
« sais à tous mentalement un éter-
« nel et tendre adieu « Ce der-
nier trait rappelle bien le vers où
Virgile exprime avec tant de sensibi-
lité la dernière pensée d'un guerrier :
Dulces inoiiens remintscitur Argos.
Après la dissolution, ou plutôt l'a-
néantissement du 7« corps, Sénar-
mont fut nommé au commandement
de l'artillerie du 1^'' qui couvrait le
siège de Dantzick, sous les ordres de
Victor, et qui ne tarda pas à repren-
dre à l'aile gauche de la grande armée
la place qu'il tint si glorieusement à
la bataille de Friediand, la dernière
de cette guerre, où Sénarmont joua
un si beau rôle. Ce fut là qu'il donna
à l'artillerie une impulsion qui
étonna Bonaparte lui-même. Voyant
ce brave général, qui avait concentré
toute l'artillerie du 1^"^ corps et
allait attaquer avec elle seule le cen-
tre de la ligne russe à cent toises de
ses batteries, il le crut gravement
compromis, et dépêcha son aide-de-
camp Mouton pour connaître la
cause d'un pareil mouvement. « Lais-
sez-moi faire, répondit Sénarmont
emporté par son ardeur, je réponds
de tout / »• Et quand l'aide-de-camp
revint, l'empereur avait déjà jugé la
manœuvre; il dit en souriant: "Ces
artilleurs sont de ruauvaises iêles qui
voient quelquefois mieux que nous;
laissons-les faire.» Et, en effet, ce
mouvement audacieux avait décidé la
victoire. Napoléon le reconnut fran-
chement en disant : ■ Sénarmont .
vous avez, fait mon succès. -^ Et il y
SEN
SEN
9 S
mit d'autant plus d'importance que
cette manœuvre rentrait dans ses pro-
pres idées sur l'emploi de l'artillerie.
Il n'en avait pas encore vu d'appli-
cation aussi positive , aussi heureu-
sement exécutée , et il s'en servit
depuis avec beaucoup de succès dans
plusieurs occasions, notamment à
Wagram. Celte bataille de Fried-
land est sans contredit celle où Sé-
naniiont déploya le plus d'habileté
et de valeur. Il est curieux de voir,
après une aussi belle journée com-
ment il enrendit compte à son frère.
• ... Nous fûmes placéssur quatre li-
« gnes derrière les grenadiers réunis;
• à gauche un ravia, à droite un bois,
« nul moyen de se tourner des deux
« côtés: il fallait s'attaquer de front
« et s'enfoncer. On me laissa le maî-
n tre absolu de placer et diriger mon
« artillerie composée de 30 pièces.
• J'en formai deux batteries de 15
« chacune , et j'en flanquai notre
« front à droite et à gauche, la pre-
« mière commandée par le major
• Raulot, la deuxième par le colonel
• Forno, et toutes les deux presque
» toujours par moi. Je portai mes
« deux batteries, pour première po-
• sition, à 200 toises de l'ennemi, et
« après une vingtaine de salves, cet
• ennemi ne bougeant pas, quoique
« nous vissions les rangs s'éclaircir
• de minute en minute, je fis mar-
• cher les deux batteries à la pro-
» longe, et leur fis prendre position
a à (30 toises de la ligne russe. Le
" terrain étant en triangle, et nous
« marchant vers la pointe, nous nous
« trouvâmes réunis. Ce fut alors que
« nous fîmes pendant 25 minutes le
« plus terrible feu de mitraille que
« j'aie jamais vu. Nous rasâmes leurs
« masses qui disparaissaient et se
a renouvelaient à chaque instant.
•• Leur emplacement après le com-
» bat présentait environ 4,000 morts
• sur ce point seul... J'ai été charge
« le 10 de jeter un pont sur la Pre-
« gel par l'empereur lui-même. Il
« n'est sorte d'amitiés qu'il ne m'ait
« faites , ainsi que le jour de la ba-
« taille. De même tous nos généraux,
« nos officiers , de simples soldats
« venaient me serrer les mains et
«applaudissaient nos canonniers,
« lorsque nous rentrâmes. Enfin,
« cher frère, j'éprouve qu'il est doux
« d'avoir contribué à donner la paix
« à son pays, et de la gloire à sa na-
« tion. Jene me soucie plus de grâce,
« de faveur, ni de grades. Je veux
« arranger mes affaires, vous em-
« brasser tendrement, vous, ma
• femme et mes enfants , et je n'ai
« point d'autre désir. • Ces derniè-
res paroles montrent assez que, bien
que parvenu au premier rang de l'ar-
mée, Sénarmont n'était pas content
de sa position. Il n'avait pas servi
en Egypte, fort peu en Italie, et il
avait à se plaindre de plusieurs
passe-droits. D'ailleurs il n'approu-
vait point le despotisme, l'oppression
sous lesquels gémissait la France,
i Ce ne sont pas les chances et les
« peines de cette guerre qui me la
« rendent désagréable, écrivait-il le
« 21 mars 1807 au même dépositaire
• de ses plus secrètes pensées, c'est
« le peu de fruit que la France en
« recueillera, même en la supposant
« la plus heureuse possible. Au sur-
« plus, nous n'y pouvons rien , et
« nous devons nous laisser entraîner
« au torrent, puisque ma position le
« commande. » 11 est évident que ,
malgré son admiration pour le génie
de Napoléon, Sénarmont se laissait
peu entraîner au torrent , et qu'au
milieu de l'enthousiasme, de la dé-
gradation universelle, il est resté,
dans toute la force de l'expressiojj.
94
SEN
vin homme d'honneur et de probité.
Par-dessustout il était bon Français,
et son bonheur eût éîé de finir sa vie
au milieu de sa famille à Dreux, qui
étaitsaviUede prédilection, quoiqu'il
n'y fût pasné. Aussiiôt après la paix de
Tilsitt il demanda un congé. « Dans
« le courant de celte guerre, écrivit-
. il au prince de Neufchâtel , j'ai
• perdu mon père, l'ère de famille
« moi-même, j'ai à terminer des af-
« faires très-urgentes dont dépend
. le sort de mes entants. L'artillerie
• du l" corps est dans le meilleur
« élat -, et en très-peu de temps je le
« rejoindrais, si les circonstances
- l'exigeaient. L'empereur a paru sa-
- tist'ail de mes services et de ma
« conduite dans la campagne que
« nous venons de faire, et notamment
«aux batailles d'Eylau et de Fried-
• laud." Eu conséquence, il fut mis en
congé et nommé président à vie du
collège électoral d'Eure-et-Loir, où
il reçut de nombreux témoignages
d'estime et d'admiration-, mais il ne
resta p;is long temps dans cette heu-
reuse position. Bientôt commença la
funeste guerre d'Espagne, et dès le
20 août 1808 Sénarmont reçut ordre
d'aller encore une fois prendre le
commandement de l'artillerie du pre-
mier corps, qui venait d'être trans-
])orté des bords du Niémen au delà des
Pyrénées. Deux mois après il était à
Burgos passant en revue cette excel-
lente troupe, lorsque tout àcoup parut
à côté de lui Napoléon qu'il n'avait pas
vu depuis Friediand. « Vous avez une
a belle troupe, lui dit l'empereur. — •
u Oui, sire, mais encore plus brave
« que belle. — Je le sais, vous ni'a-
« vez rendu un imujeuse service à
« Friediand ;je crois encore entendre
« votre terrible canonnade : savez-
« vous que vous m'avez un instant
• fait peur^' — Le maréchal Lannes
SEN
venaitde gagner labatailledeTudela;
il s'agissait de reprendre Madrid et
d'enlever les défilés du Sommo-Sior-
ra défendus par de bons retranche-
ments et des troupes qu'animaient le
désespoir et le plus ardent patrio-
tisme. Sénarmont dirigea toutes les ,
attaques, surmonta tous les obstacles, I
et dès le 3 déc. l'armée française tout
entière parut en bataille sous les murs
de Madrid. Ce fut encore l'artillerie
du 1" corps que Napoléon chargea
des attaques, et qui en moins de
trois jours réduisit à capituler une
ville dont la garnison et les habitants
avaient juré de s'ensevelir sous ses
ruines. Napoléon, qui fut témoin de
tout, en exprima sa satisfaction à Sé-
narmont sur le champ de bataille^ et
le nomma général de division. U lui
avait accordé peu de temps aupara-
vant une dotation de.dix nulle francs
avec le titre de baron et celui de
commandant de laLégion-d'Honneur.
Voici comment ce brave général ren-
dit compte de tout cela à son frère.
« L'empereur m'a nommé général de
a division de hii-même et seul ; c'est
« le résultat de l'attaque de Madrid,
• où mon artillerie a fait merveille,
ft Ce serait une belle occasion de
• voguer à pleines voiles sur la mer
« de l'ambition ; mais rien ne me
« tente que les choses de Dreux et
. de Voisins 'terre qu'il possédait).
« Lorsque j'aurai achevé mes trente
a ans, si Dieu me prête vie, j'aurai
« le droit de demander ma retraite,
a C'est tout ce à quoi j'aspire. » Ainsi
parvenu à l'apogée de sa carrière,
il désirait plus que jamais d'aller
vivre et m urir au milieu des siens,
mais il ne devait p as en être ainsi -,
cette horrible guerre n'était qu'à
son début; le premier corps dont
il dirigeait l'artillerie devait y com-
battre encore long-temps, avec de
SEN
nombreuses vicissitudes ; et Sénar-
mont n'était pas destiné à en voir
la un. Il triompha d'abord à Ucles,
à Medellin. Moins heureux à Tala-
vera, il y eut un cheval tué sous lui,
et fit quelques pertes dans son artil-
lerie, pertes que l'envie exagéra et
que l'empereur, lorsqu'il eut re-
connu la vérité par l'examen de
rapports contradictoires, n'attribua
qu'au général Sébastiani à qui il fit
retenir sur ses appointements le prix
de deux pièces de canon abandonnées
à l'ennemi. Sénarmont, voyant avec
peine que dans le rapport officiel on
n'avait pas rendu justice aux officiers
de l'artillerie badoise qui avaient pris
part à l'action d'une manière fort ho-
norable, écrivit lui-même au grand-
duc, pour lui en témoigner sa satis-
faction, ce qui avait quelque chose
d'irrégulier, il faut en convenir, et fut
sévèrement blâmé par l'empereur.
La bataille d'Ocana, que livrèrent
aux Espagnols trois corps de l'armée
française sous les ordres du maréchal
Soult, fut plus heureuse. Sénarmont
y commandait toute l'artillerie qui fit
encore merveille selon sa propre ex-
pression dans la lettre qu'il en écrivit
à son frère, avec ce ton de simplicité
qu'on ne peut comparer qu'à celui
de Turenne racontant ses propres
exploits. Favé, dans son Histoire
de tactique, a parlé avec plus d'é-
tendue de ce beau fait d'armes :
« Qui n'admirerait la belle com-
« binaison du général Sénarmont?
■ Il sait qu'on doit tourner la droite
• de l'ennemi, qui alors sera obligé
« d'exécuter un changement de front
• en arrière. Alors, au lieu d'aller
« prendre part directement à cette
• attaque, il commence par battre
« le centre qui menace de percer,
« ( t le force de reculer. Tranquille
« ensuite de ce côté, il exécute un
SEN
95
• changement de front qui lui per-
« met d'enfiler toute la ligne espa-
• gnole. Mais si cette combinaison
« est belle, c'est l'exécution surtout
« que nous devons admirer. Elle peut
« être entravée par le feu des nom-
« breux tirailleurs, placés dans le
- ravin. Dans toute autre circon-
« stance ce ne serait point à l'artille-
« rie à les éloigner, mais ici pour être
« plus sûr du succès, pour qu'il ne
• puisse manquer par des causes in-
« dépendantes de lui, c'est avec de
« l'artillerie même que Sénarmont
« protège ses batteries contre les
• tirailleurs que le terrain favorise.
« L'action doit durer peu; il n'épar-
« gne pas la mitraille, et parvient à
« son but... » Ce but était la destruc-
tion de l'armée espagnole ; et en effet,
bientôt poursuivie avec la plus
grande vigueur, elle met bas les ar-
mes par colonnes entières, perd ses
canons, ses drapeaux, et ce qui peut
s'échapper disparaît. « A force de
« combiits, écrivait le lendemain de
« cette importante victoire celui qui
« y avait le plus contribué, j'espère
• que nous viendrons à bout de ter-
« miner cette guerre. Cette nation
« est désunie, sans but , sans vr.ii
« courage. Un instinct d'orgueil et
« de férocité la rend opiniâtre; mais
«elle n'est pas courageuse, et leurs ar-
« mées les plus nombreuses se dissi-
« pent lorsqu'on les attaque sérieu-
« sèment, il n'y a pas grande g'oire à
« vaincre de pareilles troupes, mais
« il est cruel que cela nous coûte de
» b'aves gens. La victoire d'Ocana
" et la paix d'Autriche changeront,
" j'espère, nos affaires. Je suis plus
" que las du perpétuel exil où je nit;
« trouve; jevieillis rapidement, loin
« de ceux que j'aime , et avec qui
• je me trouverais si bien. » Dans
toute sa correspondance on trouve
96
SEN
ainsi uno empreinte de sensibilif*^, de
goûts pacifiques qui étonnent dans
lin guerrier vivant depuis si long-
temps sur des champs de bataille ;
mais la pitié et la bienfaisance
étaient innées chez lui. «Je sais,
« écrivait-il un autre jour, que ce
<' sont dans notre métier des senti ■
« inents fort incommodes ; mais je
• n'ai jamais pu les déraciner... »
Ce qu'il détestait surtout, c'était le
pillage et les concussions dont, à
côté de lui, d'autres généraux acca-
blaient le pays. Et il le disait haute-
ment, sans crainte ni ménagement,
même pour ses supérieurs. Un jour
qu'il dînait chez le roi Joseph avec
tous les chefs de l'armée, et qu'on
vint à parler d'un malheureux em-
ployé des vivres pris sur le t'ait de
concussion et condamné à mort :
« Si vous voulez détruire le mal, dit-
« il, c'est à la racine qu'il faut l'at-
« teindre ; faites fusiller le premier
« des commandants en chef qui sera
« pris en faute, à commencer par mui,
• si cela m'arrivait... » « A ces mots,
dit son biographe, plus d'un convive
baissa les y«^ux, et regarda son as-
siette. » Il faut se rappeler que c'étaif
le temps où l'on enlevait dans ces
contrées de magniiiques tableaux, et
où les mêmes hommes, après avoir
formé de grands magasins de vivres
dans une position , les vendaient
à des juifs, et allaient plus loin
en former d'autres pour les ven-
dre encore... On conçoit qu'avec de
pareils moyens de grandes fortunes
sont bientôt faites. Ce qu'il y a de
plus fâcheux, c'est que c'est laFrance
qui a payé tout cela dans les reven-
dications de 1815! Quant à Sénar-
mont, comme il détestait par-dessus
tout les pillards, et qu'il n'exerça
jamais la moindre concussion, quoi-
que mieux placé pour cela que beau-
SEN
coup d'autres, il était obligé, dit en-
core son biographe, de, s'imposer des
privations pour ne pas dépenser son
patrimoine à l'armée. « Malgré la
« belle et brillante apparence de
« ma position , écrivait-il , je m'y
- ruine avec toute l'économie pos-
« sible. Ce siècle ne convient qu'à
« ceiix qui savent piller et voler, et
« je ne crois pas que jamais je l'ap-
« prenne... » Vers le temps où il
écrivait ainsi à ses amis, Sénarmont
avait occupé Andujar avec de nom-
breuses troupes; les magistrats étant
venus lui offrir une grosse somme en
or, afin de se soustraire à d'inévi-
tables réqiùsitions, loin de trouver
M. de Turennc un homme inimitable,
comme l'a dit un de ses compagnons
d'armes, il repoussa cette offre avec
indignation, et continua sa route,
payant partout les provisions qu'on
s'empressait de lui apporter, il ar-
riva ainsi sous les murs de Cadix où
il fut encore une fois chargé de di-
riger l'artillerie de siège. Déjà il
avait établi plusieurs batteries, lors-
que le 25oct. 1810, voulant essayer
la portée de ses canons, accompagné
seulement de quelques officiers, il fut
frappé d'un obus tiré des batteries de
la place et mourut sur-le-champ. Ce
fut pour toute l'armée un très-déplo-
rable événement;, elle porta le deuil
pendant un mois, et le maréchal
Sonlt qui la commandait l'annonça
par un ordre du jour dans les termes
les plus flatteurs. On lui rendit
tous les honneurs de son grade, et les
généraux Villatte et Cassagne pro-
noncèrent son oraison funèbre. Plus
tard un service fut fait à sa mémoire
par ordre de l'empereur. Son cœur
embaumé fut apporté à l'église Ste-
Geneviève à Paris. Son corps, ainsi
que celui du général Degenne, mort
à côté de lui, fut déposé dans une <'ha-
SEN
pelle de Cliiclana, où le commandant
de l'artillerie française Tirlet n'en
trouva aucune trace lorsqu'il voulut
le reconnaître en 1823. Une populace
i nsensée avait dès long-temps jeté au
vent la cendre de celui de nos ge'né-
raux qui l'avait le plus géne'reuse-
nient protégée. Le conseil -général
d'Eure-et-Loir avait voté en 1811 un
monument à sa mémoire, mais cette
décision n'a pas eu de suite. L'amitié
fraternelle a suppléé à cet oubli en
faisant placer un marbre qui rappelle
son souvenir dans une chapelle do
l'église de Dreux. Son nom figure
sur Tarc-dc-lriomphe de l'Étoile, et
son buste à Versailles dans la gale-
rie des généraux morts sur le champ
de bataille. Madame de Sénarmont,
après dix-huit ans d'une union heu-
reuse sous tous les rapports, éprouva
tant de chagrin de sa perte qu'elle
tomba malade et ne lui survécut que
deux ans. — Son lils est receveur-
général des linances à l'île Bourbon, et
sa filleaépousé M. dclaBigottièrc, an-
cien capitaine de dragons de la garde
royale. — Le général Marion,qui fut
son digne ami et que la France vient
de perdre, a publié : Mémoires sur le
lieutenant-géncral d'artillerie la -
ron de Sénarmont^ rédigés sur la
feuille officielle du dépôt de la guerre;
sa correspondance privée^ ses pa-
piers de famille, etc., Paris, 1846,
in-8". M— D j.
SENAULT ( Jean-François-Al-
bert-Ignace Joseph), général fran-
çais, né le 20 septembre 1762, des-
cendait de Pierre Sénault, greffier
du roi au parlement de Paris, dont
la famille s'était fait maintenir dans
la noblesse de ses ancêtres, par ar-
rêt du conseil du 18 février 1721.
A 17 ans, il entra dans la marine en
qualité de volontaire d'honneur,
pour aller secourir les Américains;
LXXXII.
SEN
97
et dans le combat que la frégate le
Robecq^ commandée par le contre-
amiral Van Stabel, soutint contre le
vaisseau anglais le Crocodile^ il eut
le bras gaucheenq)ortc. Eu 1788, lors
de l'insurrection des provinces de
Belgique contre la domination au-
trichienne , il alla servir dans les
rangs des patriotes , et il se trouvait
à la victoire de Turnhout où il passa
l'Escaut avec Van der Mersch. A
Gand, il était au nombre des habi-
tants qui chassèrent la garnison au-
trichienne, et tant que durèrentles
hostilités, il ne cessa d'y prendre
une part active. S'étant ensuite en-
rôlé dans les armées françaises, il y
parvint dès l'année 1792 au grade
de chef de bataillon, et concourut,
quoique mutilé, à toutes les affaires
de cette campagne, notamment à cel-
les de Valmy et de Jemmapes. Le 10
sept. 1793, il reçut deux coups de
baïonnette en forçant les redoutes
de la forêt de Mormale, près de
Preux-aux-Bois. A peine rétabli, il
reprit les armes , et le 7 octobre sui-
vant il fut nommé colonel à la place
de M. Richtersleben, tué à ses côtés.
Dix jours après, il fut de nouveau
blessé de trois coups de feu en pour-
suivant l'ennemi. Devenu enfin gé-
néral de brigade, il commanda suc-
cessivement les places de Mous ,
Bruxelles et Montmédy. Sous la res-
tauration, il fut mis à la retraite,
et mourut vers 1834 dans un âge
avancé. Il était membre de la cor-
respondance académique de l'Athé-
née de Paris. C— h— n.
SENAVE (Jacques-Albert), pein-
tre, né le 12 septembre 1758, à Loo,
près de Furnes, était fils d'un bou-
langer. Il ne reçut qu'une instruc-
tion fort ordinaire, mais il en pro-
fita bien, et annonça de bonne heure
des dispositions pour le dessin. Un
98
SEN
chanoine régulier de l'abbaye de
Loo qui, par amusement, cultivait
la peinture, ayant vu les esquisses
du jeune homme, le prit eu affection
et lui enseigna les premiers principes
de l'art. Il engagea même son père à
l'envoyer à Dunkerque pour y suivre
les cours de l'académie; mais, afin
de le mettre en état de pourvoir à
son existence, on le plaça chez un
boulanger de cette ville. Celui-ci,
oubliant les conditions convenues,
ne lui laissait pas le temps de vaquer
à ses études ; Senave s'enfuit et re-
tourna dans la maison paternelle.
Quelques amis vinrent à son secours,
et, abandonnant tout-à-fait la bou-
langerie, il reprit le chemin de Dun-
kerque où, après trois ans de travaux
assidus, il remporta le premier prix
de l'académie. Ayant suivi son pro-
fesseur à l'école de dessin de Sain(-
Omer, il alla deux fois à Paris dans
le but de perfectionner ses talents ;
mais ses moyens pécuniaires ne lui
permirent pas d'y rester long-tenips.
Dans l'intervalle il revint à Loo,
où il travailla pour un riche pro-
priétaire, puis exécuta un tableau de
VAssomption pour l'église du lieu.
Ses protecteurs le firent admettre
comme élève à l'académie d'Ypres,
érigée par l'impératrice Marie-Thé-
rèse. L'évêque de cette ville lui com-
manda plusieurs tableaux et lui té-
moigna une bienveillance qui sem-
blait assurer son avenir; mais la
mort du prélat renversa les espéran-
ces de l'artiste. Il retourna à Paris,
fréquenta l'Académie royale de pein-
ture, reçut de bons conseils du pro-
fesseur Suvée, son compatriote {voy.
Suvée, XUV, 242), travailla d'après
nature et remporta deux prix. Ayant
acquis par ses talents une certaine
fortune, il se maria. L'unique fruit
de celte union fut un fils qui, après
SEN
avoir terminé d'excellentes études
classiques, s'appliquait à la peinture
avec autant d'ardeur que de succès,
lorsque la mort l'enleva à l'âge de
22 ans; sa mère le suivit de près
dans la tombe. Cette double perte
accabla Senave ; il chercha un allé-
gement à sa douleur dans la prati-
que de son art et même dans la cul-
ture de la poésie française et fla-
mande , pour laquelle il avait des
dispositions innées, quoiqu'il n'en
connût pas tous les principes. In-
formé que, par suite de circonstances
malheureuses, ses parents avaient
laissé quelques dettes, il s'empressa
d'aller à Loo; réunit les créanciers
et les solda intégralement. Il assura
aussi une pension alimentaire à la
veuve d'un de ses frères. En 1821, il
lit encore un voyage en Belgique
pour ofl'rir son tableau représentant
une Réunion d^arlistes dans l'atelier
de Rembrandt a. l'académie d'Ypres,
qui le nomma directeur honoraire.
11 donna à l'église de Loo, sa ville
natale, une autre production repré*
sentant les Sept Œuvres de Miséri-
corde, et à cette occasion il distribua
aux pauvres d'abondantes aumônes.
Partout où il passa on l'accueillit
avec transport et on lui décerna de
grands honneurs, qui lui causèrent,
une vive émotion. Revenu à Paris, il
fut atteint de paralysie au côté droit,
et ce funeste accident le plongea
dans un profond chagrin; cependant
à force d'essais et de persévérance
il parvint à se servir assez habile-
ment de la main gauche pour écrire
lisiblement et même pour dessiner:
il fit ainsi son propre portrait à la
mine de plomb, de deux manières,
en face et de profil. La Société royale
des beaux-arls et de littérature de
Gand le nomma, en 1822, uiembre
honoraire de la classe de peinture,
SEN
et chargea même M. Van Roo de
rédiger sur cet artiste une notice
biographique qui a e'té insére'e dans
les Annales de la Belgique et impri-
mée séparément, avec la gravure au
trait et l'explication de son tableau
représentant l'atelier de Rembrandt*,
cette gravure avait déjà paru dans
les Annales du Salon de Gand, 1822,
planche 55. L'état d'infirmité où se
trouvait Sénave le délcrmina à con-
tracter un second mariage avec une
personne qui lui prtidigua jusqu'au
dernier moment les soins les plus
affectueux. Il mourut à Paris le 22
février 1823, et fut inhumé au cime-
lièie du Père-Lachaise, où un mo-
niunent lui a été érigé. Outre les
productions qu'il a laissées en Bel-
gique et en France, d'autres en plus
grand nombre sont répandues dans
la Russie, l'Allemagne, la Suisse,
l'Angleterre et les États-Unis d'Auié-
rique. La plupart des tableaux de Sé-
nave, dans le genre de Téniers, re-
présentent des fêtes flamandes, des
scènes comiques, et se distinguent
par la pureté du dessin, l'originalité
de la composition et l'imitation par-
faite de la nature. P — RT.
SÉNECTÈRE (Antoine de), évê-
(pie du Puy en Velay, nommé en
1561, ne se fit sacrer qu'en 1573.
Également propre à figurer comme
guerrier, suivant l'usage de ce teiups-
là, il avait été nommé par le roi gou-
verneur et commandant dans le Ve-
lay, en 1567. L'année suivante, il
marcha, à la tête d'un corps de trou-
pes qu'il avait rassemblé avec quel-
ques seigneurs, à la rencontre d'une
armée de religionnaires, qui les dé-
firent près de Gannat. Peu découragé
par ce revers , il reprit en 1569, sur
les protestants , la chartreuse de
Bonnefoi, aux frontières de son dio-
cèse, dont la garnison fut passée au
SEN
99
(il de l'épée. Les ordres de la cour
pour le massacre de la Saint-Barthé
lemi lui étant parvenus, il épargna
le sang des protestants habitants du
Puy. Les ayant appelés chez lui , il
les fit abjurer. Une pareille conduite
devait lui mériter la reconnaissance
des protestants 5 néanmoins ils s'em-
parèrent, en 1574, de son château
d'Espaly, à un quart de lieue du Puy,
déjà devenu célèbre par le séjour de
Charles VU , encore dauphin , qui y
apprit la mort de Charles VI et fut
proclamé roi le 25 octobre 1422. Dé-
puté aux États de Blois, il ne revint
au Puy qu'en 1589. Reconnaissant la
légitimité des droits de Henri IV à la
couronne de France, et voyant avec
peine que la masse des habitants du
Puy était ligueuse, il se retira à son
château d'Espaly, qu'il fit fortifier
encore, et y mit une bonne garni-
son. Il fut sollicité plusieurs fois de
rentrer dans la ville du Puy, mais il
s'y refusa, ayant tout à craindre de
la fureur des ligueurs, et sans es-
poir de les ramener à l'autorité de
Henri IV; car tous les moyens pour
les y résoudre avaient été employés
vainement , de concert avec Fran-
çois de Clermont, seigneur de Chat-
tes et de la Brosse, sénéchal du
Puy, récemment nommé lieutenant-
général pour le roi au pays de Velay.
Deux ans après, en 1591, le bourg et
le château d'Espaly furent battus
vigoureusement avec du canon par
les ligueurs, et son château forcé
de se rendre par capitulation. Il eut
ensuite une entrevue au monastère
des cordfliers ilu Puy avec le duc de
Nemours, l'un des principaux chefs
de la Ligue; mais ce prince ne put
le détacher du parti du roi. Par un
accord fait entre les royalistes et les
ligueurs du Velay, la petite ville de
Monastier ayant été remise entre ses
7.
100
SEN
mains, on 1091, il s'y rôtira, et y
monrut,dans l'abbaye des Bénédic-
tins, le 3 novembre lvô93. A— n— d.
SENÉE(Charles-F.), professeur
de philosophie à l'académie deCaen,
mort dans cette ville le 25 novem-
bre 1823, âgé seulement de vingt-
quatre ans, manifesta dès son en-
fance une vive ardeur pour l'étude,
et fit ses humanités avec beaucoup
de succès. Profond helléniste, il se
livra bientôt à la métaphysique, à la
physiologie, à l'économie politique,
el tourna surtout ses investigations
vers l'école écossaise. Dans un Essai
sur Vamitié, il appliqua et analysa
avec bonheur les principes déve-
loppés par Adam Smith dans sa
Théorie des sentiments agréables.
En 1820, Senée fit un voyage en An-
gleterre pour y étudier l'organisa-
tion de l'instruction publique. Ac-
cueilli avec bienveillance par d'il-
lustres personnages, tels que Broug-
ham, Mill, Benlham, Southey, Du-
mouriez , il visita l'université d'Ox-
ford et puisad'utiles renseignements
dans les entretiens qu'il eut avec
plusieurs membres du collège delà
Trinité. Revenu en France, il obtint
le grade de docteur ès-lettres, après
avoir soutenu deux thèses remar-
quables, l'une en français, l'autre en
latin : De Vhistoire envisagée comme
composition littéraire ; De signis
sive de signorum in ideis generan-
dis et instruendo ingenio vi acpo-
testate, Caen, 1821, in-8°. Ens'oc-
cupant des sciences morales et poli-
tiques, Senée ne négligea point la
jurisprudence; il avait suivi des
cours de droit et s'était fait recevoir
avocat. Promu à la chaire de philo-
sophie de l'académie de Caen, il fut
chargé de composer le discours an-
nuel universitaire, et prit pour su-
jet VutilUé des «ttides phùosophi-
SEî\
ques sïir le lonhenr et le perfection-
nement moral de l'homme dans son
état individuel et par rapport à
la société, s'attachant à démontrer
que la philosophie n'est pas incom-
patible avec l'éloquence, et que les
plus grands orateurs ont été de pro-
fonds philosophes. Les fonctions du
professorat, loin de ralentir son ar-
deur pour l'étude, ne firent que la
stimuler; mais sa santé ne put ré-
sister aux travaux excessifs qu'il
s'était imposés, et la mort vint l'ar-
rêter au début d'une carrière où ses
premiers succès lui en présageaient
de plus grands encore. Il a laissé
manuscrits : r un Essai sur V appli-
cation de la méthode d'analyse et
d'induction au phénomène de notre
intelligence, contenant un aperçu
historique des erreurs qui ont égaré
la plupart des philosophes dans ces
sortes de recherches; 2" un Essai
sur le genre romantique., contenant
un examen détaillé des ouvrages de
lord Byron. On trouve une notice
sur Senée dans la Revue encyclop.,
XXni, 273, juillet 1824. P— BT.
SENNEFELDER (Aloys), inven-
teur de la lithographie, né à Prague
en 1771, était fils d'un comédien
qui s'était engagé au théâtre de
Munich, et qu'il perdit quand il eut
atteint l'âge de 20 ans. Il voulut
suivre alors la même carrière, mais
voyant qu'on le réduisait au rôle de
comparse, il préféra composer pour
le théâtre. Il fit paraître une pièce
intitulée le Connaisseur des jeunes
filles, comédie probablement médio-
cre puisqu'elle a été complètement
oubliée. A celle-ci devait en succé-
der une autre; mais, comme l'impres-
sion éprouva des retards, l'auteur
chercha le moyen de parvenir à la
publicité par un procédé typographi-
que plus expéditif que celui de ras-
SEN
sembler des lettres mobiles. Aban-
donnant alors pour toujours l'art
dramatique, il devint industriel. Il
essaya d'abord d'écrire sur des plan-
ches de cuivre, puis sur des pierres
calcaires, et enfin sur les pierres
provenant des carrières deSolenho-
fen , employées dans les maisons
à Munich pour le carrelage. Il ra-
conte lui-même, dans l'histoire qu'il
a faite de son invention, qu'un jour
ayant à la hâte et faute de papier
écrit le mémoire de sa blanchisseuse
sur une de ces pierres à l'aide de
l'encre qu'il avait composée pour
ses essais, il eut tout à coup l'idée
d'essayer de tirer une épreuve de
cemémoire, après avoir, par le moyen
de l'eau-forte, produit un peu de re-
lief pour l'écriture faite sur la pierre.
Cet essai réussit, et Sennefelder ac-
quit dès-lors la conviction qu'il pour-
rait dessiner sur la pierre de So-
lenhofen, et en tirer des épreuves
comme d'une gravure sur une plan-
che de cuivre. Il voulait surtout
appliquer sa découverte à la pu-
blication des compositions musica-
les, et en 179G il fonda avec un mu-
sicien de la cour, nommé Gleissner,
qui est resté long-temps son as-
socié, le premier atelier lithogra-
phique; trois ans après, les deux
entrepreneurs obtinrent du gouver-
nement bavarois un privilège pour
quinze ans. Sennefelder avait éié au-
paravant dans une position si gênée ,
qu'il s'était offert pour remplacer un
conscrit, et qu'au lieu de lithogra-
phieril serait entré dans l'artillerie
bavaroise, si on ne l'avait pas refusé
à cause de son origine étrangère.
Encore la première tentative, faute
de procédés perfectionnés, eut peu
de succès; mais Sennefelder parvint,
à force de me'ditatioiis et d'essais, à
rendre les procédés plus expédilifs
^t plus économiques; il réussit même
SEN
101
k transporter sur la pierre des im-
primés et des gravures, et à les
multiplier par la lithographie. Diffé-
rentes vignettes qu'il fit pour un
catéchisme prouvèrent que cet art
pouvait s'appliquer aussi au dessin ;
mais Sennefelder pensait toujours à
en tirer parti pour la publication
de morceaux de musique. Il vendit
le secret de son invention à l'édi-
teur André, d'Offenbach , et résida
même quelque temps dans cette ville,
afin de mieux organiser un grand
atelier lithographique; ce qui ne
l'empêcha pas de projeter l'établis-
sement d'autres ateliers dans les ca-
pitales de l'Autriche, de la Prusse,
de la France et de l'Angleterre. Il se
rendit en effet à Londres et à Vienne.
Dans la dernière de ces villes il s'as-
socia avec un entrepreneur pour
l'impression de la musique, puis,
faute de succès, il vendit son pro-
cédé à un fabricant de toiles peintes
qui voulait s'en servir pour ses im-
pressions sur coton. Il revint en-
suite à Munich, où ses frères avaient
continué d'exploiter son brevet, et,
soutenu par le baron d'Aretin, il put
donner plus d'extension à son éta-
blissement qui fournit dès-lors non-
seulement de la musique et des cir-
culaires, mais aussi des objets d'art,
tels que le livre de prières d'Albert
Diirer. Bientôt le nouveau moyen
fut appliqué à la topographie ; le
gouvernement bavarois établit un
atelier pour les cartes lithographiées
et chargea Sennefelder de le diriger,
en lui accordant le titre d'inspecteur
du bureau du cadastre et une pension.
Sa découverte n'avait pas fardé à ex-
citer l'attention publique dans tous
les pays de l'Europe, et de donner
lieu à des établissements imparfaits
d'abord, mais qui se perfectionnèrent
à la longue ; ou sait qu'en France le
eomlc de Lasteyric et, Engelmann,
102
SEIN
originaire de Mulhouse, niireut une
grande activité à faire jouir leurs
compatriotes de la nouvelle inven-
tion qui depuis a pris uneextension
que l'inventeur même n'a pas dû
prévoir. Sennefelder vint à Paris
vers 1819 et opéra sous les yeux
d'une commission nommée par la
société d'encouragement pour l'in-
dustrie nationale. Cette commission
fit ensuite un rapport favorable que
justifiaient d'ailleurs les produits
qu'on vit sortir des principaux ate-
liers lithographiques. Si l'inventeur
n'a pas recueilli de sa découverte le
profit qu'il aurait pu en attendre,
c'est parce que le défaut de fonds
l'avait contraint d'opérer lentement
et de perdre en sollicitations et en
démarches un temps qui fut em-
ployé par d'antres à rendre les pro-
cédés plus prompts et moins dis-
pendieux. En 1819 parut à la librai-
rie deTreuttel et Wuitz, où avaient
eu lieu aussi les essais dont il vient
d'être parlé : Uart de la lithogra-
phie, ou Instruction pratique conte-
nant la description des différents
procédés à suivre, précédée d^une
histoire de la lithographie et de ses
divers progrès, par A. Sennefelder,
avec un portrait de l'auteur et vingt
planches, in-4o- trad. de l'allemand
en français par Nie. Ponce. Les mê-
mes libraires publièrent ainsi 1'^-
qua-tinta lithographique, ou Ma-
nière de reproduire les dessins faits
au pinceau^ 1824, grand in-4%avec
])lanchps. En effet, Sennefelder avait
trouvé le moyen de fournir par la
lithographie des dessins coloriés.
On a encore de lui : Recueil papyro-
graphique. Premiers essais d'im-
pnssion chimique sur cartons litho-
graphiques nouvellement inventés,
in r. — Portefeuille lilhographi
que, ou Recueil de sujets de divers
SEN
genres , dessinés et imprimés sur
planches lithographiques nouvelle-
ment inventées pour la multiplica-
tion de tous dessins, etc., Paris, chez
Sennefelder, 1823, cnhier in-fol. de
12 pi. Cet homme, qui a donné nais-
sance à une branche d'industrie, de
laquelle vivent maintenant des mil-
liers d'individus, et qui a fait hausser
la valeur des pierres de Solenhofen,
dites aussi pierres de Munich, recon-
nues comme les meilleures pour la
lithographie, et dont la Bavière ex-
porte maintenant une grande quan-
tité, est mort le 26 février 1834 à Mu-
nich où il avait créé et soutenu jus-
qu'à la fin de ses jours le premier ate-
lier lithographique qui ait jamais été
fondé. D — G.
SENONNES (Alexandre de la
Motte-Baracé, vicomte de), litté-
rateur, né le 3 juillet 1781, en Bre-
tagne, d'une famille noble, dans le
château de ses ancêtres, penlit très-
jeune ses parents qui périrent pen-
dant le règne de la terreur, ec cher-
cha dans la culture des arts un
refuge contre les orages de la ré-
volution. Il se fit d'abord con-
naître par quelques paysages anony-
mes qu'il expos.i aux différents sa-
lons, et en même temps il travailla
dans les journaux, particulièrement
à la Gazette de France, où il défen-
dit avec beaucoup de zèle les doctri-
nes monarchiques et religieuses. H a
fourni quelques articles à cette Bio-
graphie universelle. Après le second
retour du roi en 1815, il fut nommé
secrétaire de la chambre. Le 31 mai
1816, il obtint la place de secrétaire-
général des musées royaux, et con-
serva le titre do sf^crétaire-honoraire
de |a( hauibre. L'académie des beaux-
arts le reçut ensuite au nombre de
ses membres honoraires. Enfin il
fut nommé secrétaire-général du
SEN
ministère de la maison du roi, puis
conseiller d'État sous le maréchal
Lauriston qui le protégeait spéciaie-
nient. On lui a reproché les airs de
fatuité qu'il se donnait dans l'exer-
cice de ses fonctions; un reproche
plus grave qu'il a encouru, c'est d'a-
voir fait destituer sans moUfs le sa-
vant bibliographe Barbier, biblio-
thécaire du roi. Senonnes, ayant per-
du tous ses emplois par la révolution
de 1830, se retira dans sa patrie où
il mourut vers 1840. Ses ouvrages
publiés sont : I. Lettres de Jacopo
Ortis, trad. de l'italien sur la se-
conde édit., Paris, 1814, 2 vol, in 12
(«0(/.FoscoLO,LXlV,289).Cette tra-
duction a reparu la même année sous
le titre du Proscrit, et en 1820 sous
celui (Y Amour et Suicide, on le Wer-
ther de Venise. Il, Choix de vues pit-
toresques d'Italie , de Suisse , de
France et d'Espagne, dessinées d'a-
près nature et gravées à l'eau-forte,
1821, in-fol. Cet ouvrage, dédié à la
duchesse de Berri, devait être com-
l)osé de 30 livraisons; il n'en a eu
que 7 composées de 6 planches et de
2 feuilles de texte. III. Promenade
au pays des Grisons^ ou Choix des
vues les plus remarquables de ce can-
ton, dessinées d'après nature et li-
thographiées par Pingret, avec un
texte historique, Paris, 1827-29, pet.
in fol. de 86 pagt^s et 38 pi. On doit
encore au vicomte de Senonnes une
btiUe édition des OEuvres dramati-
ques de Destouches, précédées d'une
notice sur la vie et les ouvrages de
l'auteur, Paris, ISll, 1820, 1822, 6
vol. in-8", avec lig. L— m— x.
SENTIES (Joseph), littérateur,
né à Toulouse vers 1756, occupa long-
temps un emploi de sous-chef dans
l'administration de la loterie à Paris,
où il mourut le 3 janvier 1824, après
avoir [lublié, sous le voile de l'ano-
SEP
103
nyme : I. Doléances des dames de la
Halle, 1789, in-8°. II. La Pauvre
Orpheline., ou la Force du préjugé,
Paris, an IX (1801), 2 vol. in-12.
m. Le Joueur, ou le Nouveau Stu-
kély, par madame de D***, auteur de
la Pauvre Orpheline, Paris, Barba,
1807, 2 vol. in-12. Ce litre, le
Joueur, etc., fut substitué par le li-
braire à celui que Senties avait
donné à son ouvrage: Les Tripots,
ou Mémoires pour servir à Vhisloire
des Maisons de jeux; mais ce change-
ment n'empêcha pas la saisie du livre,
probablement à la requête de l'admi-
nistration des jeux, ou du fameux
Bernard, dont il froissait les intérêts.
Le livre fut sévèrement prohibé, et la
piilice, que Bernard payait fort bien,
y tint la main, quoiqu'à cette époque
les agents de celte police vendissent
souvent à leur prolit des ouvrages
qu'ils avaient eux-mêmes saisis com-
me prohibés. Senties fut un des ré-
dacteurs de la Notice sur Ahmed, hey
de Soliman, réfugié en France, 1814,
in-S". Z.
SEI*TIEU (Armand), né à Tou-
louse le 15 avril 1744, était fils d'un
notaire devenu capitoul, dignité qui
conférait la noblesse. Dès l'âge de
16 ans il vint à Paris, entra chez les
chanoines réguliers de Saint- Victor,
où il fit profession le 8 oct. 1763, et,
après avoir pris le d*gré de licencié
à la faculté de théologie, donna des
leçons dans son abbaye. Bientôt la
garde de la célèbre bibliothèque de
Saint-Victor lui fut confiée, puis il
devint chamirier^ c'est-à-dire pro-
cureur-général de sa congrégation.
Enfin il fut nommé, en 1779, prieur
de Bucy-le-Roi , diocèse d'Orléans,
où il resta jusqu'à la suppression des
ordres religieux. Quoique la révolu-
tion lui eût fait perdre son bénéfice,
il eu adopta les principes, mais avec
104
SEP
modération. Ayant accepté des fonc-
tions municipales, il rendit souvent
service à des personnes qui ne pen-
saient pas comme lui. Lors de la réor-
ganisation de la bibliothèque d'Or-
léans, à laquelle on venait de réunir
un grand nombre de volumes pro-
venant des monastères supprimés
dans le département du Loiret, il en
fut créé conservateur et s'occupa de
dresser les catalogues tant des livres
imprimés que des manuscrits. C'est
dans ce poste modeste, mais honora-
ble qu'il termina sa longue carrière
le 17 avril 1824, âgé de 80 ans. L'abbé
Septier n'avait pas renoncé à son
état ; il était chanoine honoraire d'Or-
léans et membre de la Société des
sciences, arts et belles-lettres de cette
ville. Le catalogue des manuscrits de
la bibliothèque qu'il avait rédigé a
été imprimé aux frais du conseil mu-
nicipal, sous ce titre : Manuscrits de
la bibliothèque d'Orléans , ou No-
tices sur leur ancienneté, leurs au-
teurs, les objets qxCon y a traités^
le caractère de leur écriture^ l'indi-
cation de ceux à qui ils ont appar-
tenu, précédés de notes historiques
sur les anciennes bibliothèques d'Or-
léans, et en particulier sur celle de
la ville, Orléans, 1820, in-8°. Le
rapport de la commission nommée
par M. le comte de Rocheplatte,
maire d'Orléans , imprimé en tête
de cet ouvrage, estime « que l'abbé
« Septier a acquis des droits à la re-
« connaissance des Orléanais par
« l'excellent travail auquel il a consa-
■'Cré tant de veilles. La notice histo-
" rique sur les bibliothèques de l'Or-
« léanais qui sert d'introduction au
• catalogue et les notes bibliographi-
« ques et critiques dont il est semé
« n'en sont pas un des moindres or-
- nements. » Septier avait mis la
deruière main au catalogue des li-
SER
vres imprimés^ mais il ne paraît pas
avoir été publié. Le Journal général
du Loiret du 25 avril 1824 contient
une Notice sur Armand Septier.
L— M— X.
SERAPHINIS (Dominique de),
écrivain piémontais de la fin du
XV" siècle, est un des premiers qui
se soient occupés de l'étude des sy-
nonymes. Son Floridumcompendium
synonymorum fut imprimé à Turin ,
en 1477, sans indication de lieu;
mis en italien, il reparut dans la
même ville en 1500, sous ce titre :
/ Sinonimi. Il y a peu de chose à
extraire à présent de cet Abrégé
fleuri. B— N— T.
SERAPION (Saint), surnommé
le Scolastique , à cause de son éru-
dition et de son éloquence, était né
vei's la fin du 11^ siècle. 11 remplis-
sait les fonctions de catéchiste à
l'église d'Alexandrie lorsqu'il se re-
tira dans la solitude , d'où il allait
quelquefois visiter saint Antoine.
Ordonné évêque de Thmuis , en
Egypte, vers 340, il fut compté au
nombre des plus illustres défensc'urs
de la foi catholique. Saint Athauasc
avait une grande confiance dans ses
lumières et lui soumettait, pour les
reviser, ses propres ouvrages. Ce
fut même à la prière de Sérapiou
que le saint patriarche d'Alexandrie
composa la plupart de ses écrits con-
tre les Ariens et les Macédoniens.
Quand il fut en butte aux persécu-
tions des hérétiques , l'évêque de
Thmuis prit hautement sa défense et
partagea sa disgrâce, car il mourut
en exil, pour la cause de l'ortho-
doxie, vers 460. Saint Sérapion avait
écrit plusieurs lettres et un traité
sur les titres des psaumes, cité par
saint Jérôme; mais ces opuscules
sont perdus. Il ne reste de lui qu'uu
traite rontre les Manichéens , qui n
S£R
SER
105
été traduit en latin par Turricn.
Cette version, insérée dans la Biblio-
theca maxima veterum patrum de
Despont , se trouve aussi dans le
tome V des Antiquœ Lectiones^ de
H. Canisius. J. Basnage, en donnant
une nouvelle édition de cet ouvrage,
sous le titre de Thésaurus monu-
mentor. ecclesiasticor., a inséré dans
!e tome 1" le texte grec de saint
Sérapion. — L'histoire ecclésiastique
mentionne encore plusieurs saints
personnages de ce nom. P— «t.
SÉRAPION, médecin empirique
d'Alexandrie , disciple et successeur
de Philinus, vivait environ 200 ans
avant J.-C. Comme les adeptes de
son école, il rejetait les spéculations
théoriques et n'admettait pour base
de l'art médical que la seule expé-
rience; mais il ne sut pas garder une
juste mesure dans l'application de
cette règle, et rassembla, sans exa-
men, un grand nombre de formules
populaires, souvent absurdes. Sui-
vant Galicn, sa vanité était extrême.
Il attaqua tous les médecins qui l'a-
vaient précédé, et s'éleva même for-
tement contre la doctrine d'Hippo-
crate , ne réservant des éloges que
pour lui-même. Sérapion avait com-
posé plusieurs ouvrages qui ne sont
point parvenus jusqu'à nous 5 mais
on en trouve des fragments dans Cae-
lius Aurélianus, Aétius et Myrepsus.
— SÉRAPION {Jean)^ médecin arabe,
vivait vers la fin du X^ siècle; il a
laissé un ouvrage sur les médica-
ments, qui a long-temps joui d'une
grande célébrité et qui présente un
recueil étendu de ce que les méde-
cins arabes et grecs avaient déjà dit
au sujet de l'histoire naturelle et
des vertus des plantes et des miné-
raux. On y trouve parfois des idées
neuves ou mieux développées que
chez les prédéeesseur.*. de Sérapion ,
mais les récits fabuleux y abondent.
L'histoire de la montagne d'aimant,
de l'asphalte, du bézoard, montrent
avec quelle crédulité notre auteur
enregistrait le merveilleux que lui
offraient seslectures.D'après lui, l'am-
bre se trouve dans le corps de la ba-
leine, le meilleur près delà colonne
vertébrale, le plus mauvais dans
l'estomac. Eu Chine, il y a des in-
dividus uniquement chargés de la
pêche de cette substance. Ils cher-
chent à se faire avaler par les ba-
leines ; une fois dans le corps du
monstrueux habitant des mers , ils
lui donnent la mort. Le diamant se
trouve dans le fleuve Ixus , sur les
frontières du Khoraçan , et depuis
Alexandre, personne n'a osé entre-
prendre un voyage jusqu'à cette ri-
vière. Nous pourrions remplir deux
colonnes de contes semblables. Après
tout, nous aurions tort de blâmer
Sérapion; il croyait ce que l'on
croyait de son temps; peut-être fe-
rions-novis rie même. Son ouvrage,
traduit de l'arabe en latit!, sous ie
titre de Liber de medicinis simpli-
cibus , fut imprimé à Milan , 1173 ,
in fol., puis à Venise, 1479, in-fol.
{voy. le Manuel du libraire). Une
édition , sous le titre de Serapio-
nis opéra medica , parut à Venise
en 1497, in-fol., et dans le seizième
siècle de nouvelles éditions furent
encore publiées à Venise, à Lyon, à
Strasbourg. Outre le Liber de sim-
plici medicina, on y trouve la Prac-
tica^ dicta breviarium-, mais il pa-
raît que ce dernier ouvrage a pour
auteur un autre Jean Sérapion, mé-
decin arabe, qui vivait au milieu du
IX^ siècle, et que l'on croit être le
même que Jean Damascène (voy.
Damascè>e, X, 458). Ce Sérapion a
été surnommé V Ancien, pour le dis-
fniguer de son homonyme, apjtelé k
106
SER
Jeune, avec lequel on l'a souvent
confondu. B— N— T.
SERGES (Jacques), né à Ge-
nève , en 1695 , y fit de bonnes étu-
des théologiques qui développèrent
en lui des talents dont il donna des
preuvfs dans sa patrie , et qui éten
dirent sa réputation à l'étranger. Ap-
pelé en Angleterre pour y exercer les
jonctions du ministère pastoral , au-
quel il s'était consacré, il fut d'a-
bord vicaire d'Appleby, chef-lieu du
comté de Westmoreland , ensuite
aumônier de la chapelle royale de
Saint-James, à Londres, où il mou-
rut on 1762. 11 a publié '. Traité sur
les miracles, dans lequel on prouve
que le Diable n'en saurait faire
pour confirmer l'erreur, et ou Von
examine le système opposé tel que
l'a établi le docteur Sam. Clarke ,
Amsterdam, Humbert, 1729 , in-8o.
Ce livre, cité par Debure dans sa Bi-
bliographie instructive , n" 745 , pa-
r;nl avoir été recherché. On l'a tra-
duit en allemand sous ce titre : Vber
die Vandericerke , etc., Rostock,
1749, in-8°. Yoy. le Catalogue de la
Bibliothèque littéraire (imprimé en
1832, à Strasbourg, chez Heitz ,
in-8*') , de feu M. Haifner, doyen de
la Faculté de théologie protestante de
Strasbourg, seconde partie, n'' 1580.
Scnebier dit que Serces a encore
composé quelques ouvrages de con-
troverse ^ mais il ajoute qu'il n'a pu
parvenir à en connaître les intifu-
lations (t). B— l— u.
SERCEY (le marquis Pierre-Cé-
SAK-CuARLES-GuiLLALME DE ) , ami-
ral français, né à l'Ile-de-France, en-
(i) Ce n'est point pour en faire un re-
jiroche à Séoebier que nous soulignons ce
mot. On le trouve dans les dictionoaires de
Ciitineau, de Gattel, de Boistr, etc., mais
nous pcusous que rAcadéinie française ,i
bien fait de ne pas l'admetUc dans le sicu.
SER
tra fort jeune dans la marine en 1766.
Il fit les campagnes maritimes de
l'Inde en 1707-1770, et celles qui eu-
rent pour objet la découverte des
terres australes , en 1772. Il était
enseigne sur la Belle-Poule en 1778,
et la bravoure qu'il déploya dans le
glorieux combat qui ouvrit la guerre
lui valut la faveur du commande-
ment de celte frégate, en l'absence
du brave La Clochelerie grièvement
blessé. En 1781, il reçut le grade de
lieutenant de vaisseau et la croix de
Saint-Louis, en récompense des ser-
vices qu'il rendit au siège de Pen-
sacola, où il commandait une cor-
vette. L'année suivante, il servit
comme second, sous les ordres du vi-
comte de Mortemart , à bord de la
Nymphe. Cette frégate, après un com-
bat archarné, ayant fait baisser pavil-
lon à l'Ârgo, Sercey fut chargé d'en
aller prendre possession •, mais le ca-
not qui le portait chavira et il se
sauva à la nage. A la mort du vicomte
de Mortemart, il le remplaça et con-
serva le commandement de la Nym-
phe jusqu'à la fin de la guerre, du-
rant laquelle il ne cessa de donner
des preuves de courage. En 1781, il
fit partiede l'expédition qui condui-
sit l'ambassadeur de France à Con-
slantinople et, en 1786, il prit le com-
mandement de VAriel , en station
dans les Antilles. Ét.mt resté dans ces
parages jusqu'en 1788, il revint en
France au moment où allait éclater la
révolution. En 1790, il passa sur la
Surveillante et fut nommé capitaine
l'annéesuivante.llsetrouvaitàSaint-
Domingue lorsque les premiers trou-
bles s'y manifestèrent, et on l'y vit pro-
téger et secourir les colons de tous
ses moyens. Il continua de servir
malgré les changements politiques
.survenus en France , et acci'pta, en
1793, le grade de contre-amiral, du
SER
gouvernement révolutionnaire, qui
lui donna l'ordre de porter son pa-
villon à bord du vaisseau VÈole^ de
prendre le commandement de la di-
vision en rade du cap et de re'unir
tous les bâtiments qui naviguaient
dans ces mers pour les ramener en
France. Au mois de juin, il e'tait par-
venu à en rassembler près de 200
richement chargés , et il se disposait
à mettre à la voile, lorsque e'clata la
terrible révolte des noirs, suscitée
par les commissaires Polverel et Son-
thonax. S'étant prononcé ouverte-
ment contre les agents convention-
nels, ceux-ci le mirent hors la loi ;
mais les équipages lui restèrent fidè-
les et cette mesure n'eut pas de
suite. On ne saurait trop louer la
conduite qu'il tint alors; il oHrit
une généreuse hospitalité aux mal-
heureux colons échappés du massa-
cre, et plus de six mille lui durent
la vie. 11 les répartit sur ses bâti-
ments de guerre et de commerce,
mais le manque de provisions etaussi
le danger qu'il y avait à entrepren-
dre le voyage de France avec un si
nombreux convoi, le forcèrent de se
diriger sur les États-Unis. Il y ar-
riva en douze jours, sans avoir
perdu un seul navire. De retour
en France à la fin de 1793, il fut
destitué comme noble , puis arrêté ,
conduit à Paris et emprisonné au
Luxembourg, où il se trouvait à l'é-
poque de la conspiration du baron
de Batz {voy. ce nom, LVII, 300).
On conçoit qu'il eut connaissance
des manœuvres d'alors , et qu'il eut
soin, dans la prison, de s'éloigner
de toute sociétéavec ses compagnons
d'infortune. Il fut remis en activité
après la chute de Robespierre, au
9 thermidor an H (1794). L'année
suivante, on lui confia le coiii-
inandcmcnt d'une division navale
SER
107
destinée à prendre station dans les
mers de l'Inde. Deux commissaires
civils, Baco et Burnel, faisaient partie
de cette expédition; durant la tra-
versée, quelques indiscrétions qui
leur échappèrent firent compren-
dre à l'amiral Sercey l'odieuse mis-
sion dont ils étaient chargés ; il ne
s'agissait rien moins que de boule-
verser les îles de France et de la
Pxéunion avec les moyens employés
à Saint-Domingue. Décidé à faire
échouer ces infâmes projets, Sercey
s'empressa, en touchant ces colonies,
de dénoncer les agents ,du Direc-
toire aux principaux habitants, qui
ne voulurent pas les recevoir. A leur
retour en France, ces agents accu-
sèrent Sercey de s'être opposé à
leur réception, d'avoir voulu couler
bas U Moineau qu'ils montaient, et
d'avoir signé Tordre de les déposer
sur une côte. Ou venait de publier
(en juin 1796), une lettre de l'amiral
Sercey au ministre, dans laquelle
il rendait compte de son expédition;
les représentants Boissy d'Auglas
et Siméon , au conseil des Anciens,
approuvèrent énergiquement la con-
duite qu'il avait tenue, et dans la
discussion du 15 thermidor an V,
sur ce sujet, Siméon prononça un
discours pour obliger le Directoire
à faire connaître les services que
le contre-amiral avait rendus dans
l'Inde , ce qui fut décrété. Pen-
dant ce temps, ce brave marin sou-
tenait la gloire de notre pavillon; le
8 septembre 1796, il fut attaqué près
de Sumatra par deux vaisseaux an-
glais de 74, le Victorieux et l'Arro-
gant ; Sercey commandait quatre
frégates. Après un combat de cinq
heures, les Anglais prirent la fuite
et durent leur saint .-.u calme qui sur-
vint et <|ui ne permii pas de les pour-
suivre. Il parut ensuite devant Bâta-
108
SER
via, qui était sur le point de succom-
ber et qu'il sauva d'une perte cer-
taine. En mai 1799, après une croi-
sière, il revenait à l'IIe-de-France
avec une fre'gate et une corvette,
lorsqu'il trouva cette colonie blo-
que'e par deux vaisseaux et quatre
frégates. En présence de ces forces
plus que triples des siennes, il ma-
nœuvra avec une prudence habile
et parvint à entrer dans le port,
après une canonnade de six heures.
L'Ile-de-France lui dut encore une
fois son salut ; il n'avait cessé de
pourvoir aux besoins de cette colo-
nie par les secours que ses prises
nombreuses lui procuraient. Il fut
rappelé en 1800, et arriva en France
après la paix d'Amiens. Le premier
consul le félicita sur sa conduite dans
l'Inde, et l'employa dans une des
parties administratives de la marine.
A la création de la Légion-d'Honneur,
il en fut nommé commandant et de-
manda sa retraite, bien qu'un nou-
veau commandement lui fût offert. Il
vivait retiré à l'Ile-de-France, lors-
que cette colonie fut attaquée par les
Anglais, en 1809. Alors il prit, par
ordre du gouverneur-général, le
commandement du sud de cette île,
et la préserva des attaques de la ma-
rine anglaise, comme il l'avait pré-
servée des fureurs révolutionnaires.
Il se trouvait en France à la chute de
l'Empire, et il fut un des commis-
saires chargés d'aller au-devant de
Louis XVIM, qu'il félicita au nom de
la marine. Aussitôt après, le gouver-
nement royal lui confia la mission de
se rendre en Angleterre pour traiter
de l'échange des prisonniers, et il
s'en acquitta avec un succès complet.
A son retour, le roi le nomma vice-
amiral, grand-ol'ticier de la Légion-
d'Honneur, commandeur de Saint-
Louis, et. <e(jui était mieux encore,
SER
il le comprit au nombre des vice-
amirnux en activité. Après la révolu-
tion de 1830, le marquis de Sercey
fut nommé pair de France, et il ter-
mina son honorable carrière vers
1835, ayant rempli de la manière la
plus édifiante tous ses devoirs de
religion. C— h- n.
SERDONATI (François), litté-
rateur florentin , vécut au XVP siè-
cle, et, quoiqu'il reste plusieurs de
ses ouvrages, on ne sait presque
rien de sa personne. Les notices que
Gaddi, Poccianti, Cinelli et Negri
en ont publiées sont trop incomplè-
tes pour être satisfaisantes ; et ce
qu'on doit regretter le plus , c'est
que son nom ait échappé à Tirabos-
chi , historien si exact de la littéra-
ture italienne. Dans l'impossibilité
de réparer l'oubli de ses compatrio
tes , nous nous bornerons à donner
l'indication exacte de ses écrits.
I. I tre libri deW ira, traduit du
latin de Sénèque, Padoue, 1569,
in-4°. II. I falti d' arme de' Romani,
Venise, 1572, in-^». III. StoriedeW
Indie orientali, trad. du latin du
P. Maffei , jésuite -, Florence et Ve-
nise, 1589, in-4"; Bergame, 1749,
2vol.in-4°, édition surveillée par
Serassi(voî/. cenom, XLII, 57). Cette
traduction, qui fait aussi partie des
classiques italiens imprimés à Mi-
lan , a été citée par les académi-
ciens de la Crusca. IV. Orazione
funeralc délie lodi di Giuliano
de' Ricasoli, Florence , 1590, ■n-4''.
V. Orazione funerale délie lodi di
France«coOrsmo, ibid., l.)Ç3,in-4°.
VI. Bella varia dottrina, trad. du
latin de Galeotti Marzio, de Narni,
ibid., 1615 (1595), in 8°. VII. Sto-
ria diGenova^Uaà. du latin de Fo-
glietta, Gênes, 1597, in fol. VIH.
Esortazione alla republira di Ve-
nezia, trad. du latin du cardinal
SEft
Baroniiis, Roine , I60(î, in-8^ IX.
De' vaniaggi da pigliarsi da' capi-
tani di guerra conlro i netnici supe-
riori di cavalleria^ ibid., 1608,
in-i". X. Ordine di leggeregli scrit-
tori délia storia romana, trad. du
latin de Pierre Angeli de Barga (le
Bargeo), imprimé avec la traduction
italienne de Suétone, par Paul del
Rosso, Florence, 1611, in-8°. XI.
Origine de' proverbi ftorentini, ma-
nuscrit conservé à la bibliothèque Bar-
berini , d'où le cardinal Léopold de
Médicis tira une copie pour en faire
présent aux académiciens de la Crus-
ca. Ce dernier exemplaire, en 4 vol.,
est dans la bibliothèquedes Médicis, à
Florence. Serdonali composa des sup-
pléments pour les Vies des hommes
et des femmes illustres^ de Boccace,
qui furent imprimés à la suite des
traductions italiennes de ces ouvra-
ges, Florence, 1596 et 1598, in-8°.
Moréri paraît s'être trompé en lui
attribuant un éloge de Jeanne d'Au-
triche, femme de François I", grand-
duc de Toscane. On pourrait trou-
ver d'autres renseignements sur cet
auteur dans l'ouvrage de Biscioni ,
intitulé la Toscana letterata , dont
le manuscrit est déposé à la biblio-
thèque Magliabecchiana de Florence.
A— G — s.
SÉRÈXE ( Jean-Jacques-Rous-
seau), né à Toulon le 14 octobre
1794 , se livra à l'étude de la méde-
cine et de la chirurgie , et servit d'a-
bord dans les armées comme officier
dersanté. Revenu dans ses foyers et
reçu docteur en médecine, il exer-
çait sa profession avec succès, lors-
qu'une mort prématurée l'enleva , le
14 janvier 1829 , âgé seulement de
34 ans. il était membre de plusieurs
sociétés savantes , entre autres de la
société des sciences, arts et belles-
lettres du département du Var, où
SER
109
i5uii ÊInge fut prononcé, dans la
séance du 1" avril , par M. Laure , et
une Notice nécrologique lue par M.
Féraud; l'un et l'autre ont été im-
primés à Toulon. On a du docteur
Sérène : Histoire médicale , anato-
mique et physiologique d'un enfant
atteint d'aphotaislésie , Marseille,
1829, in-8^. Z.
SÉRENT (Armand -Louis, duc
de), né à Nantes , le 30 décembre
1736 , d'une famille dont la noblesse
remonte jusqu'au combat des Trente,
entra dans les mousquetaires de la
maison du roi en 1752, fut guidon
de gendarmerie , puis lieutenant de
cavalerie en 1759. C'est en cette qua-
lité qu'il fit toutes les campagnes de
la guerre de sept ans, en Allemagne.
Nommé chevalier de Saint-Louis,
puis brigadier, et enfin maréchal-
de-camp en 1780 , il fut , dans cette
même année, choisi pour gouverneur
des enfants du comte d'Artois, les
ducs d'Angoulême et de Berri(i),
puis chargé, lors des premiers événe-
ments de la révolution, de conduire
ces princes à Turin, auprès du roi de
Sardaigne, leur aïeul maternel. Quand
la guerre s'alluma, en 1792, il fut
encore le guide de ces jeunes princes
à l'armée de Condé, où il servit lui-
(l) On apprendra peut-être avec quelque
surprise que le gouverneur lui - même ,
sacrifiant aux idées du siècle, avait fait pla-
cer les œuvres de Voltaire dans la biblio-
thèque de ces jeunes princes. Nous avons
tous le3 yeux un mémoire fourni par le li-
braire Saugrain, qui ne laisse aucun doute
possible sur ce point. On y remarque ces
deux articles :
Pour la suite de Voltaire. . . 78 liv.
Pour la reliure du Voltaire. . 400
Ce mémoire est ordonnancé de la main du
gouverneur en ces termes : f'u bon pour être
pajè par M. Forqueiajr pour le service des
princes. A VenaMes , le 23 janvier 1789.
Signe le marquis de Sérent. M. Forqueray
était secrétaire de la chambre et de la garde-
robe des princes. L — m — x.
110
SER
même avec distinction. Le comte
d'Artois l'ayant attaché à sa per-
sonne, il le suivit en Bussie, puis à
Londres. Lorsque LoiiisXVlil vint en
Angleterre (1807), le marquis de Se-
rent se rendit auprès de ce prince,
à Hartwell, et n*' le quitta plus jus-
qu'à son retour à Paris, eu 1811.
Créé pair de France le 2 juin, avec
le fiire de duc, il fut en même temps
nommé lieutenaut-générai , gouver-
neur du château de Rambouillet, et
enfin chevalier des Ordres du roi.
Le duc de Sérent mourut à l'âge de
86 ans, le 30 octobre 1822. Il avait
épousé, en 1759, une demoiselle de
Montmorency - Luxembourg , qui
mourut le 15 février 1823, aux Tui-
leries , où elle était dame d'honneur
de Madame, duchesse d'Augoulênie,
qu'elle avait suivie dans l'émigra-
tion, après avoir été dame d'atours
de madame Elisabeth , sœur de Louis
XVI. B— p.
SERENT (le comte Sigismond
de), nis du précédent, fut député de
fa noblesse du Nivernais aux États-
généraux de 1789. Doué d'un exté-
rieur agréable et d'un esprit facile,
il fut un des commissaires rédacteurs
de son ordre pendant le mois de
juin de cette première année, et,
peut-être par l'envie de se faire re-
marquer, pencha quelquefois vers
le côté du parti monarchieu après
la réunion des ordres. Eu août 1789,
il provoqua l'abolition des poursuites
intentées, depuis plus de dix ans,
contre Boncerf, pour avoir écrit cou -
tre la féodalité. Le fi oct., il pressa
vaincu. ent l'assemblée d'aller siéger
au château, p;)ur se rapprocher de la
personne de Louis XVI. Le 15 niai
1790, il soutiut avec force -que le
« droit (le paiX et de guerre devait
« appartenir au pouvoir exécutif. »
Le 8 octobre suivant, il parla en fa-
SER
veur des maisons religieuses, à qui
on'refusait de payer leurs traitements.
Quelques jours après, il prit la dé-
fense (lu coiiite (leBussi, prévenu de
conspiraiion contre l'État, et s'op-
posa à ce qu'il fût transféré à l'Ab-
baye. Le 31 mai 1.791, il prit celle des
officiers de l'armée, accusés par des
pétitions et par plusieurs députés.
Enlin le 4 juin , il adressa une lettre
à l'Assemblée nationale, par laquelle
il lui annonça «que ses principes ne
« lui permettaient pas d'assister da-
• vantage à ses séances. » Il signa
les protestations des 12 et 15 sep-
tembre 1791 ; se rendit en Allema-
gne, où il fit la première campagne
dans l'armée de Coudé, et passa en
Angleterre où il rejoignit son père
et le comte d'Artois, qui le nomma
son aide-de-camp et l'emmena avec
lui à l'Ile- Dieu en 1795. Il reçut en-
core de ce prince d'autres missions
dont il s'acquitta avec beaucoup
de cournge, et fut envoyé de nouveau
ainsi que son frère , le vicomte , en
1796, auprès des armées de l'Ouest,
avec de grands pouvoirs et de fortes
sommes d'argent. Il était aussi por-
teur d'instructions et de dépêches
imporiantes pour les chefs des armées
royales. Étant débarqué le 16 mars
1796 sur les côtes de Bretagne,
près de Sainl-Malo, accompagné de
son frère et de vingt-sept gentils-
hommes , parmi lesquels étaient le
comte de Bourmont et Suzannet, ils
tombèrent dans une patrouille répu-
blicaine de cinq hommes, et en tuè-
rent quatre; mais le cinquième s'étaiit
enfui en criant; aux armes! un nom-
breux détachement arriva. Après un
long combat, le comte de Sérent se
jeta dans les marais de Dol, où il fut
vivement poursuivi^ enfin, accablé de
fatigue et sentant qu'il ne pouvait
aller plus loin, il donna son porte-
SER
feuille à un de ses compagnons d'ar-
mes, et se cacha dans un fossé, où
bientôt il fut surpris et égorgé. Son
frère, le vicomte, périt à côté de lui
de la même manière. Le roi Louis
XVIII et le comte d'Artois apprirent
la nouvelle de leur mort avec une
douleur extrême, et ils écrivirent à
cette occasion à leur père des lettres
fort touchantes. On pensa que ces
malheureux n'avaient pas fait assez
secrètement à Londres les préparatifs
de leur départ, et que ce manque de
prudence avait été cause que le point
de leur débarquement fut connu de
la police du Directoire qui avait de
nombreux espions en Angleterre. Les
chouans trouvèrent leur portefeuille
qui contenait des choses très-précieu-
ses, notamment les grâces que le roi
Louis XVIII accordait aux officiers
des troupes royales. B— p.
SERGENT (Louis), l'un des prin-
cipaux acteurs dans les troubles qui
ébranlèrent le trône de Louis XVI
en 1789, fut aussi l'un de ceux qui
en achevèrent la ruine en 1792. Il
était né à Chartres en 1751 dans une
famille obscure , sans fortune, et
n'avait reçu qu'une éducation incom-
plète. Voué de bonne heure à l'art
de la gravure, il vint à Paris pour s'y
perfectionner et dut en faire son
principal moyen d'existence. Comme
c'était alors un assez mauvais métier
et que son talent était médiocre, on
croit qu'il y suppléa par des services
rendus à la police, lesquels, bien
qu'assez grassement payés, ne suf-
fisaient point à son ambition, qui
dès lors était fort grande. On con-
çoit qu'avec ce caractère et dans
une pareille position il dut voir
avec joie éclater une révolution et
s'opérer des changements qui ne
pouvaient que lui être profitables.
11 s'y jeta donc avec beaucoup d'ar-
SER
lU
deur dès le commencement, et tira
parti de son expérience acquise
en vivant au milieu du peuple de la
capitale et surtout dans les faubourgs
populeux , où il avait toujours habité.
On sait que c'est là que furent préparés
les premiers échecs du pouvoir mo-
narchique, tels que la défection des
gardes-françaises, la prise des Invali-
des, puis celle de la Bastille, les mas ;
sacres de Foulon, de Bertier, etc.
Dans toutes les journées qui précé-
dèrent ces catastrophes, on vit Ser-
gent au milieu delà foule pérorant,
excitant k la révolte. Il ne lui fut
pas difficile, en ce temps d'anarchie
et de désordre, où les plus audacieux
étaient les maîtres, d'acquérir une
grande influence. Ce fut d'abord
comme président du district de Saint-
Jacques-de-l'Hôpital qu'il apparut
en 1790 au premier rang de la
scène politique, et qu'il se mit en
rapport avec tousles pouvoirs, même
avec l'Assemblée nationale à laquelle
il adressa quelquefois des réclama-
tions et «lênie des remontrances.
S'érigeant en protecteur des patrio-
tes opprimés, il embrassa avec cha-
leur la cause de soixante soldats du
régiment de Royal-Champagne qui
s'étaient révoltés contre leurs chefs
et qui, pour cela, avaient été ren-
voyés avec des cartouches jaunes.
Il s'est vanté plus tard de les avoir
fait rentrer dans l'armée, et même il
a dit que huit de ces soldats étaient
devenus généraux, un autre maré-
chal, ce que nous sommes loin de
contester. Nous aurions seulement
désiré qu'il en nommât au moins un,
mais c'est ce dont i! s'est bien gardé.
Nous ne contestons pas non plus le
mérite qu'il s'est donné , d'avoir
fondé à la même époque des comités
de bienfaisance, ni même celui d'a-
voir soustrait quelques victimes aux
112
SER
massacres el à l'échafand. Par su po-
sition il pouvait très-bien rendre de
pareils services, mais nous aurions
aussi désiré que sur ce point encore
ses indications lussent un peu moins
vagues. L'influence qu'il acquit à la
même époque dans la société Irès-
peu philanthropique des Jacobins ne
donne pas lieu de croire que l'huma-
nité et la bienfaisance fussent ses
premiers mobiles ; mais tous les Ja-
cobins, il faut bien le reconnaître,
n'étaient pas d'impitoyables égor-
geurs. Réélu plusieurs fois de suite,
Sergent devint en quelque façon le
secrétaire perpétuel de cette fa-
meuse société, et sans paraître sou-
vent à la tribune il y joua un des
premiers rôles. S'il n'y protégea pas
de futurs maréchaux de France, il est
au moins bien sûr qu'il y lit des con-
naissances d'un très - haut rang et
qui depuis lui furent fort utiles,
entre autres celle du jeune duc de
Chartres, qui était alors un des ap-
pariteurs ou huissiers de la société,
et qui, plus tard, devenu roi des
Français, n'oublia point son ancien
camarade, et lui lit une pension de
1,800 francs dont il a joui jusqu'à
sa mort. 11 s'y lia aussi avec Pé-
tion, sou compatriote, et lorsque ce
député fut maire de Paris, il en reçut
des missions importantes, notamment
quelques jours avant le 20 juin 1792
où Louis XVI devait être si odieuse-
ment insulté, attaqué dans son palais.
Sergent fut chargé d'aller à l'École-
Mililaire pour y licencier et désar-
mer la garde constitutionnelle qu'on
avait accordée à ce prince, mais qu'on
lui retira peu de temps avant celte
révolte, afin qu' il fût livré à ses
ennemis pieds et poings liés sans
défense. Sergent, environné d'une
nombreuse escorte de garde natio-
nale, s'acquitta de cette mission avec
SER
la plus minutieuse sévérité. Il fouilla
nsqne dans les caves et les greniers
de ce grand édifice, alin d'être bien as -
suréqu'il n'y restait pas un fusil ni un
seul homme, et il lit de tout cela un
rapportqui, publié dans les journaux,
augmenta beaucoup sa popularité.
Après ce licenciement, le roi n'eut
plus pour défense que deux bataillons
de Suisses et une faible minorité de
garde nationale. On sait comment,
par sa faiblesse et son iaipéritie, il
encouragea ses ennemis, et neutralisa
le courage des plus fidèles. Dans les
fatales journées du 20 juin et du 10
août 1792, Sergent fut un des princi-
paux moteurs de l'insurrection ; et,
lorsqu'il a cherché à se justifier
de ses torts révolutionnaires, il ne
s'est pas défendu, il s'est même glo-
rifié de celui-là. Dès le matin du 20
juin il avait été remarqué dans les
groupes du faubourg Saint-Antoine ;
il les avait suivis à l'attaque des Tui-
leries, et il n'avait pas cessé de les
exciter au combat. Dans l'insurrec-
tion du 10 août, on ne le vit à l'at-
taque du château que lorsque la
victoire fut certaine, et il y parut
comme municipal , comme membre
de cette horrible commune qui ve-
nait de s'emparer du pouvoir par la
violence, et dont la première opéra-
tion avait été regorgement du brave
Mandat, qui seul aurait pu, dans cette
journée funeste, diriger avec quelque
chance de succès la défense du châ-
teau. Quand le triomphe de l'insur-
rection fut complet, le nouveau mu-
nicipal, assisté de son collègue Panis,
remercia le peuple de son zèle patrio-
tique, et il fit fermer les grilles et les
portes; puis, suivi de quelques inti-
mes, il se mit à fouiller, à inventorier
les appartements. C'était saspéciatité,
et ce fut toujours ainsi qu'il opéra dans
toutes les grandes journées. Ce qu'il
SF.Pt *
fit dans cettft terrible nuit qu'il passa
tout entière aux lieux que venait de
quitter la famille royale, on ne l'a ja-
mais bien su, et il n'a pas cessé,
pendant tout le reste de sa vie, de le
cacher et de le dissimuler. Ses amis,
qui sans doute le savaient mieux
que nous et qui l'avaient vu à l'œu-
vre, le surnommèrent depuis Ser-
gent - Agate, parce qu'ils l'avaiout
vu s'approprier une pierre précieuse
(le ce nom. Il est bien vrai que plus
tard, quand il sut les propos qui cir-
culaient à ce sujet, il fit hommage à la
Convention nationale de cette pierre
qu'il estima lui-même à une valeur
de cent mille francs, et qui, par un
incroyable phénomène, présentait les
trois couleurs nationales. On pense
bien que ce précieux objet ne fut
pas le seul que les municipaux trou-
vèrent aux Tuileries après l'invasion
du 10 août; mais la plus grande partie
fut transportée à l'Hôtel-de-Ville et
déposée au magasin commun où al-
laient bientôt être également appor-
tées les dépouilles de tant de victi-
mes ! Dès ce moment les nouveaux
municipaux ne s'occupèrent plus que
de découvrir et d'emprisonner tous
les suspects, c'est-à-dire, tous les
Français qui, ne pouvant être ni
leurs amis ni leurs complices, furent
soupçonnés de posséder quelque
chose ou d'être doués de quelque
talent, de quelque vertu ; et en même
temps on arrêtait dans les rues tous
ceux qui avaient des montres et d'au-
tres objets de prix que l'on portait
au dépôt de la commune. Tels furent
les premiers soins de ce monstrueux
pouvoir dont Sergent était un des
membres les plus actifs et les plus
influents. Quand toutes les prisons
de la capitale furent remplies, il fal-
lut les vider, ce fut le mot techni-
que, l'expression consacrée dans les
SER
n?.
rapports officiels, lorsqu'il y fut ques-
tion de Regorgement des prisonniers.
On ne trouva pas d'autres moyens de
faire place à de nouvelles victimes.
Il est bien siir que dans ces hor-
ribles jours de septembre, où tout
fut ordonné et dirigé par la commune
( voy. BiLLAUD - Vap.enne , LVIII ,
274 ), Sergent ne manqua point à
ses fonctions. On le vit successive-
ment à l'Abbaye, à la Force, à Bicê-
tre, partout où il fallut assister, en-
courager les travailleurs. Et comme
il était spécialement chargé de l'ad-
ministration, ce fut encore lui qui les
paya. On vo} ait naguère au-x Archives
de la police des taches de sang sur
les reçus qu'il leur fit signer. Il enre-
gistrait en même temps les dépouil-
les qu'il leur était ordonné de rap-
porter, ce qui a donné lieu à beau-
coup de propos que l'on pourrait dire
calomnieux ou du moins exagérés,
s'il n'y avait pas un décret d'accu-
sation dont il n'a pu se relever que
par l'amnistie accordée à tous les
crimes de la révolution. Mais un tort
plus grave encore, et qui fut également
un des motifs de ce décret, c'est d'a-
voir signé avec Marat, Panis et sept
autres l'horrible circulaire (1) que
les municipaux de Paris adressèrent
à tous leurs confrères des départe-
ments, pour qu'ils eussent à faire
égorger dans leurs prisons tous les
malheureux qui s'y trouvaient, ainsi
qu'ils le faisaient eux-mêmes dans la
capitale, de manière que si toutes les
villes de France eussent suivi les
(i) Nous pouvons l'appeler horrible, car
madame Roland, qui en connaissait Lien les
auteurs comme les circonstances et le but,
la qualifie AHnfâme dans ses mémoires. On
l'a réimprimée dans plusieurs collections et
récemment |)armi les Eclaircissements his-
toriques et inèces officielles que MM. Rer-
ville et Barrière ont ajoutés à leur édition
df> ces Mémeires, tomo H, page» 344 *' ^4^.
114
SER
conseils et l'exemple des munici-
paux de Paris, il pouvait y avoir en
même temps dans notre malheureuse
patrie un million de victimes {voy.
Panis, LXXVI, 267), Il n'y a certai-
nement rien de pareil dans l'histoire
d'aucun peuple, et la seule pensée
en e'pouvante l'imagination. Sergent
a bien compris cette ënormité, et il a
re'clamé long-temps contre l'apposi-
tion de sa signature au bas de l'o-
dieuse circulaire, disant que c'est
par Marat qu'elle y fut mise sans qu'il
eût été consulté ; mais ce n'est qu'a-
près la mort de Marat et la chute du
gouvernement de la terreur qu'il a
ainsi décliné sa participation àce fait,
et malgré sa réclamation cette signa-
ture fut un lies motifs du décret d'ac-
cusation lancé contre lui dans le
mois de juin 1795, un an après le 9
thermidor. Comme membre de l'af-
freuse commune, Sergent s'est en-
core trouvé impliqué dans un fait
très-grave de cette époque, le vol du
garde-meuble, exécuté dans les nuits
des 15, 16 et 17 septembre 1792, et
dont on ne peut plus douter que les
municipaux n'aient été les confidents
et les instigateurs sous les auspices
de Danton et de Billaud - Varenne
{voy. ce nom, LVIII, 277). Là du
moins il n'y eut pas de meurtre ni de
sang répandu, et Sergent n'eut guère
qu'à inventorier, selon sa coutume,
des diamants et autres effets dont il
fut difficile de détourner la plus pe-
tite partie. Il fallait à tout prix éloi-
gner les Prussiens; et ils étaient fort
exigeants; ils ne voulaient pas at-
tendre. Il est bien sûr que la presque
totalité de ce riche dépôt leur fut en-
voyée [voy. DuMouRiEZ, LXIII, 157).
Ainsi les auteurs du vol ou du moins
ceux qui le dirigèrent ont pu dire
avec quelque raison que ce fut par
patriotisme qu'ils en agirent ainsi,
SER
puisqu'il s'agissait d'éloigner de la
capitale un ennemi puissant, et qui ne
voulait pas se retirer à d'autres con-
ditions. Initié comme il l'était dans
toutes les intrigues de cette époque.
Sergent dut parfaitement savoir tous
les détails, toutes les circonstances de
cette affaire; mais c'est encore un des
faits qu'il s'est le plus efforcé de ca-
cher et de dissimuler. Nous avons lu
avec beaucoup d'attention l'explica-
tion qu'il en a donnée en 1829, dans la
Revue rétrospective', mais nous n'y
avons pas trouvé un renseignement
qui nous ait satisfait ; ce sont pres-
que toujours des dates on des noms
faux et très-insignilJanls que même
il ne se rappelle point. Il n'a pas dit
un mot du fameux Douligny, condam-
né à mort, mais non exécuté, pour ce
fait (voy. Douligny, LXll, 562). Le
seul nom véritable qu'il cite dans
cette affaire est celui d'un nomuié
Duvivier qui fut, huit mois après l'é-
vènemeut, condamné par le tribunal
révolutionnaire et réellement exé-
cuté pour avoir aidé et facilité le vol
fait au garde-meuble, afin de fournir,
est - il dit dans l'acte d'accusation,
des secours aux envemis coalises
contre la France. C'était probable-
ment un témoin indiscret et dont les
meneurs ne virent pas d'autre moyeu
d'assurer le silence que de l'envoyer
à l'échafaud. Il est bien évident que
l'auteur de l'accusation, Fouquicr-
Tainville, connaissait les causes réel •
les et les véritables moteurs de cette
grande spoliation; Sergent ne les con-
Uiiissail pas moins, car il était initiii
dans tous les secrets; c'est i'apogée de
sou crédit et de son influence. Ce fut
précisément à celle époque, au mo-
ment où l'on volait le gainle-meuble,
où l'on égorgeait les prisonniers,
que se firent dans Paris les élections
des députésà laConvention nationale;
SER
Sergent y figura à côté de Danton, de
Marat et de Robespierre. Dès les pre-
mières séances de cette cruelle assem-
blée, il y siégea au sommet de la mon-
tagne. Votant et parlant toujours dans
les principes de l'égalité et de la dé-
mocratie les plus absolus, il demanda
la suppression de la croix de Saint-
Louis, celle de tous les ordres. Dans
le même système d'égalité le plus
étendu, il insista pour que le valet
de chambre de Dumouriez fût un des
ofliciers de l'armée-, enfin il voulut
que tous les juges fussent immédia-
tement nommés par le peuple sou-
verain, et que toute justice ne fût
plus exercée qu'en son nom. Dans le
procès de Louis XVI , se montrant
plus exagéré que Marat lui-même,
qui avait fait réduire l'acte d'ac-
cusation , il demanda qu'on y ajou-
tât des faits évidemment calomnieux,
et que pour cela on allât fouiller
dans d'anciennes archives, où il
prétendait que ce prince avait dé-
posé une protestation contre les dé-
crets de l'assemblée nationale. Il
vota ensuite, comme toute la députa-
lion de Paris , pour la mort immé-
diate et sans appel au peuple , ac-
compagnant son vote de cette ridicule
et vaine déclamation : « J'ai déjà
« prononcé la mort contre lesenne-
• mis de ma patrie , qui avaient pris
" les armes contre elle. J'ai fait plus,
« j'ai prononcé la même peine contre
« des êtres faibles qui n'avaient peut-
• être commis d'autres crimes que
« de suivre leurs époux ou leurs pè-
« res. Depuis long-temps j'étais con-
« vaincu des crimes de Louis... Je
« pense que le supplice d'un roi ne
« peut qu'étonner l'univers... La tête
a d'un tyran ne tombe qu'avec fra-
« cas , et son supplice inspire une
« terreur salutaire... Après avoir
» balancé tous les dangers , il m'a
SER
111
« été démontré que la mort de Louis
« était la mesure d'où il en pouvait
« résulter le moins. Je vote donc
• pour la mort, contre le chef et
■ contre ses complices... » Après ce
procès , Sergent parut peu à la tri-
bune. Ayant presque toujours dirigé
la police à la commune comme mem-
bre du comité de surveillance, il la
dirigea encore à la Convention na-
tionale comme l'un des inspecteurs
de la salle , et comme faisant partie
du comité des monuments des arts
et de l'itistruction publique. Ce fut
en cette qualité qu'il fit apporter aux
Tuileries les chevaux de Marly,
l'horloge de Lepaute , les orangers
de Versailles, et presque toutes les
statues qui ornent ce beau jardin. Il
fit ensuite confier la garde de ces
monuments à une compagnie d'inva-
lides qui empêcha de les briser et
de les mutiler , comme cela se faisait
alors partout, sous prétexte de dé-
truire jusqu'aux derniers vestiges
de la monarchie. Enfin il fonda le
musée français tel à peu près qu'il
existe aujourd'hui, et fit établir à
l'hôtel de Nesie le dépôt où furent
préservés les monuments jusque-là
dispersés dans toutes les parties
de la France, et qu'ainsi il sauva
duvandalisme révolutionnaire. L'his-
toire lui doit cette justice. Nous de-
vons dire aussi que ce fut lui qui
fonda le Conservatoire de musique ,
et qui , de concert avec Chénier,
fit rendre la loi fort simple et cer-
tainement meilleure que tout ce qui
a été fait depuis pour assurer aux
auteurs et aux artistes la propriété
de leurs œuvres ; enfin il fit rem-
placer dans le jardin des Tuileries,
par des fleurs et des arbustes, les
pommes de terre que ses ignobles
confrères de la commune y avaient
fait planter. On peut dire que pen-
8.
116
SER
dant près de deux ans qu'il remplit
ces honorables fonctions, ii rendit
de véritables services aux arts et aux
sciences alors sans appui. 11 faut bien
aussi reconnaître que , chargé pour
tout cela d'une administration et
d'une comptabilité assez importante,
il n'y perdit pas tout à fait ses pei-
nes ; mais il sut du moins s'arranger
pour que sa responsabilite'fiît à cou-
vert , et il dut être d'autant plus cir-
conspect sous ce rapport, qu'en ce
temps d'oppressiua et de terreur il
ne fallait pas même être soupçonné ,
que d'ailleurs plusieurs fois déjà
on lui avait demandé compte de sa
gestion au conseil de la commune ,
que même il avait été dénoncé au
jury d'accusation, et que malgré
l'offre de son agate et d'une ma-
gnifique aigrette également trouvée
aux Tuileries , il s'élevait sou-
vent contre lui des rumeurs et des
plaintes. Enfin, à force de mé-
nagements et de précautions, il ar-
riva sans malencontre au 9 thermi-
dor, où tomba Robespierre. Son pre-
mier mouvement fut d'adhérer à
cette révolution, qui le tirait d'une
position inquiétante. Il parla même
dans les premières séances pour que
la réaction contre le parti vaincu fût
plus vive et plus sévère ; maisil avait
trop d'expérience pour ne pas voir
que cette réaction contre les oppres-
seurs de 1793 devait bientôt l'attein-
dre lui-même. Alors il fit volte-face,
et déclara hautement que si l'on ne
poursuivait pas les auteurs d'un li-
belle intitulé le Tocsin national,
dirigé contre les membres de l'an-
cien comité de salut public, qui
étaient ses amis , il cesserait de pa-
raître à l'assemblée. Depuis cette sor-
tie , on le vit toujours se réunir au
parti des terroristes ou des comités
qu'on appelait la queue de Robes-
SER
pierre.DsïUfih journéedut" prairial,
où le député Féraud fut tué. Sergent
encouragea ouvertement le peuple à
la révolte , ce qui fut établi dans un
rapport, où Durand de Maillanne de-
manda contre lui un décret d'accu-
sation , et rappela la fameuse circu-
laire du comité de surveillance de la
corn marne du 3 septembre (2), et le
(2) Cette circulaire fut dénoncée à plu-
sieurs reprises à la Conveution nationale,
nolammentdaosla séance du 25sept.,vii)gt-
deux jours après sa date, parle grand orateur
Vergniaux. Comme c'est uue pièce impor-
tante et qu'elle a été omise par la plupart
des historiens, nous croyons devoir en don-
ner le texte avec les signatures: « Un affreux
« complot tramé par la cour, pour igorgtr
tous les patriotes de l'empire français ,
complot dans lequel un grand nombre de
membres de l'assemblée nationale se
trouvent compromis, ayant réduit le 9 du
mois dernier la commune de Paris à la
nécessité de se ressaisir de la puissance
du peuple pour sauver la n;itiou, elle n'a
rien négligé pour bien mériter de la pa-
« trie, témoignage honorable que vient de
« lui donner l'assemblée nationale elle-
« même. L'cùt-on pensé ! Dès lors de nou-
<< veaux complots non moins atroces se
« sont tramés daus le silence; ils éclataient
t< au moment où l'assemblée nationale, ou-
t< bliant qu'elle venait de déclarer que la
« commune de Paris avait sauvé la patrie,
e< s'empressait de la destituer pour prix de
« son brûlant civisme. A cette nouvelle, les
« clameurs publiques élevées de toutes
" parts ont fait sentir à l'assemblée natio-
€< nale la nécessité de s'unir au peuple, et
<< de rendre à la commune, par te rapport
« du décret de destitution, les jionvoirs
n dont il l'avait investie. Fière de jouir de
a toute la plénitude de la confiance natio*
« nale, qu'elle s'efforcera toujours de mé-
u. riter de plus en plus, jilacée au foyer de
« toutes les conspirations et déterminée à
« s'immoler pour le salut public, elle ne se
« glorifiera d'avoir pleinement rempli ses
« devoirs que lorsqu'elle aura obtenu votre
« approbation, objet de tous ses vœux, et
a dont elle ne sera certaine qu'après que
« tous les départements auront sanctionné
« ses mesures pour sauver la chose publi-
« que. Professant les jirincipes de la plus
et parfaite égalité, n'ambitionnant d'autre
c< piiviiége que celui de se présenter la
u première à la brèche, elle s'empressera
« de se remettre au niveau de 1» «ominune
SER
S£R
117
détournement d'objets précieux ap-
partenant à la république. • II estvrai
" que plus tard, ajouta le rapporteur,
• une partie de ces objets a été ren-
■ due, et que Sergent a déclaré qu'il
« ne les avait gardés que dans Vin-
« tention de les acheter. » On con-
çoit qu'une pareille excuse ne fut
point admise. Le décret d'accusation
n'en fut pas moins prononcé et Ser-
gent prit la fuite. Ce fut en Suisse
qu'il se réfugia, et il n'en revint
« la moins nombreuse de l'Etat, dès l'in-
« stant que la patrie u'aura plus rieu à re-
'- douter des nuées de satellites féroces qui
« s'avancent rontre la capitale. La com-
« mune de Paris se hâte d'informer ses
t< frères de tous les départaments qu'une
'■ partie des conspirateurs féroces détenus
<■ dans le» prisons a été mise à mort par le
'■■ peuple; actes de justice qui lui ont paru
« indispensables pour retenir par la ter-
«• reur les légions de traîtres cachés dans
«t ses murs, au moment où il allait marcher
t< à l'ennemi, etsans doute la nation entière,
•< après la longue suite de trahisons qui
" l'ont conduite sur les bords de l'abîme,
« s'empressera d'adopter ce moyen si né-
« cessaire de salut public, et tous les Fran-
« çais s'écrieront comme les Parisiens :
« Nous marchons à l'ennemi, mais nous ne
« laisserons pas derrière nous ces brigands
« pour égorger nos enfants et nos femmes,
« Frères et amis, nous nous attendons
" qu'une partie d'entre vous va voler à
• notre secours, et nous aider à repousser
<c les légions innombrables des satellites des
« despotes conjurés à la perte des Fran-
t çais. Nous allons ensemble sauver la pa-
« trie, et nous vous devrons la gloire de
«< l'avoir retirée de l'abîme. » — Signé, les
administrateurs du comité de salut public et
les administrateurs adjoints réunis: P.-J. Du-
plain,Panis, Sergent, Lenfant, Jourdeuil, Ma-
rat, l'Ami du peuple. De/orgues, Leclerc, Du-
fort, Cally > constitués à la commune, et
séant à la mairie. — Après avoir lu textuelle-
ment à la tribune cette lettre circulaire avec
les signatures, Vergniaux insista moins sur
l'odieux de la recommandation sanguinaire
qui s'y trouve, que sur l'audace des munici.
paux osant attaquer l'assemblée nationale
elle-même ; et il désigna Robespierre comme
ayaut eu part à ce complot ; à quoi Sergent,
qui était présent, répondit que cela était
(aux, sans dénier en aucune façon la circu-
laire et la part que lui-même y avait piise.
que lorsque la loi de brumaire an
IV (octobre 1795 ) eut amnistié tous
lesdélits de la révolution. C'est dans
ce temps-là qu'il épousa la sœur de
Marceau , et qu'il ajouta le nom de
ce général au sien , voulant proba-
blement faire disparaître celui d'^l-
gate que ses malins confrères n'a-
vaient pas cessé de lui donner.
Alors il sembla ne plus vouloir s^oc-
cuper de politique, et ne reparut
sur la scène que quand le parti dé-
mocratique fut sur le point de ra-
prendre le dessus , après la révolu-
tion du 30 prairial an VII (1799).
A cette époque on le vit à la société
des Jacobins, établie au Manège;
et le général Bernadotte, devenu
ministre de la guerre , ayant ras-
semblé autour de lui tous les débris
de ce parti, le fit inspecteur-gé-
néral des hôpitaux militaires. C'est
dans cette position qu'il se trouvait
au 18 brumaire, lorsque Bonaparte
s'empara du pouvoir. Dès ce moment
tout espoir fut perdu pour Sergent
et pour les siens. Ce n'est qu'avec
beaucoup de peine qu'il échappa aux
proscriptions dont les listes furent
dressées à plusieurs reprises par
Fouché, notamment à l'occasion de
la machine infernale, du 3 nivôse.
Comprenant bien alors qu'il ne pou-
vait être en sûreté sous un gouver-
nement qui se défiait par-dessus tout
des Jacobins , il prit sagement la ré-
solution de quitter la France. Ayant
réalisé tout ce qu'il put amasser du
fruit de ses économies révolution-
naires , il alla d'abord à Turin , où
Jourdan , son ancien ami , le fit
nommer bibliothécaire. Resté sans
appui, après le départ de ce général ,
il se rendit à Brescia , puis à Venise,
à Milan , et enlin à Nice , où il mou-
rut en août 1847, après avoir rem-
pli SCS devoirs de religion et s'être
118
SER
sincèrement repenti de toutes ses
fautes. Cette fin chrétienne donna
lieu à quelques réclamations dans
les journaux, notamment de la part
de M. Carnot , fils du conventionnel,
ami de Sergent , qui, se trouvant à
Nice à l'époque de sa mort, assista à
ses funérailles. Depuis la révolution
de 1830, Sergent jouissait d'une
pension de 1,800 fr. que lui faisait
le roi Louis-Philippe, qui avait été
son confrère à la société des Jacobins.
Sa I. femme, mademoiselle Marceau,
qui l'avait épousé en secondes noces,
était morte dans la même ville,
le 6 mai 1834. N'ayant point d'en-
fants, ils en avaient adopté un
auquel ils donnèrent le nom à^Aga-
tophile. Nous ne pensons pas que ce
fût pour rappeler l'affaire des dia-
mants de 1792 , car Sergent ne parut
occupé pendant tout le reste de sa
vie que de la nier et de la cacher, ce
qui n'était pas facile , puisqu'elle est
demeurée établie et constante par un
décret dont il n'a été relevé que par
l'amnistie , et qu'il en est de même
de la signature apposée sur l'hor-
rible circulaire du 3 septembre qui
fut aussi un des motifs du décret,
et qui doit laisser, dans la postérité,
son nom attaché à celui de Marat.
Quelque temps avant sa mort, il
avait envoyé à la ville de Chartres le
sabre du général Marceau, pour
qu'il fût déposé dans ses archives.
Les ouvrnges que Sergent a publiés
sont : I. Portraits des grands
hommes , femmes illustres et su-
jets mémorables de France^ gra-
vés et imprimés en couleur, Paris,
1787-89, in-fol., dont il a par» 25
livraisons. Plusieurs de ces portraits
ont été gravés sur les dessins de
Sergent , par mademoiselle Louisa
Marceau, d'abord épouse de M. de
Champion de Cernel, et plus tard de
SER
Sergent. 11. Cosiumi deipopiili an-
tichi e moderni, Brescia et Milan,
in-4o de 300 pages , orné de 23 plan-
ches gravées et coloriées. III. Notice
historique sur le général Marceau ,
mort dans la campagne de 1796,
Milan , 1820 , in-8« et in-12. On doit
bien penser que cette notice est une
apologie sans mesure du général
sous le nom duquel Sergent s'efforça
de se cacher pendant la moitié de sa
vie. 11 ne doutait pas , selon l'ex-
pression de Necker, que le casque
du guerrier ne dût effacer la turpitude
du bonnet rouge, et depuis qu'il
s'était allié à la famille de Marceau
il n'ouvrait pas la bouche, il n'écri-
vait pas un«îot sans y mêler le nom
de ce général. Mais en vérité que
pouvait-il y avoir de commun entre
lui et un jeune giiorrier plein d'hon-
neur, de loyauté, qui n'eût pas man-
qué de repousser de tels éloges s'ils
avaient été faits de son vivant? IV.
Fragments de mon album et nigrum
écrits en iSli, revus et augmentés de
souvenirs en 1836, Brignolles, 1837,
in-8o. « Ce soni , a dit de cet ouvrage
a le bibliographe Quérard, des mé-
« moires sur Louisa Marceau des Gra-
« viers , sœur du général et femme
« de Sergent , écrits avec une rainii-
« tieuse complaisance par un époux
« encore passionné, quoique plus
« qu'octogénaire. • Sergent a publié
dans la Revue rétrospective qaeïq^aes
morceaux historiques , notamment
sur le vol du garde-meuble et les
journées des 20 juin et 10 août 1792,
que nous avons lus, espérant y trou-
ver des renseignements curieux
et que l'auteur devait posséder;
mais nous n'y avons vu que des dé-
tails insignifiants, des lacunes et
des réticences calculées. Sergent a
encore publié eu Italie quelques tra-
ductions de peu d'importance. Il
SER
avait annoncé en 1802, à Milan, des
Tableaux de Vunivers et des con-
naissances humaines, qui n'ont pas
paru. M— Dj.
SERGIO (Vincent-Emmanuel) ,
économiste italien, né à Palernie en
1740, fit son droit dans l'université
de cette ville, et se livra deT)oiinc
heure à l'étude des grandes ques-
tions de l'économie politique. A peine
âgé de vingt-cinq ans , il entreprit
de former un code diplomatique du
commerce sicilien, qui devait conte-
nir les lettres, les ordonnances, les
statuts et autres actes de l'auloriic
sur cette matière. Après avoir lu
dans l'académie du Bon Goût, dont
il était membre, plusieurs fragments
de son travail, il en commença
l'impression en 1769, mais \e plan
seul en fut publié. Sergio fut nouuné
en 1779 professeur d'économie poli-
tique à l'université de Palerme, puis
secrétaire et archiviste du tribunal
de commerce. Il mourut le 5 mai
1810. L'académie d'agriculture de
Florence et celle des sciences et
belles-lettres de Naples le comptaient
parmi leurs membres. Outre p!i!-
sicurs discours lus dans les séances
(le l'académie etquelques traductions
d'écrits français sur des sujets d'éco-
nomie publique, Sergio avait publié :
I. Plan d'un code diplomatique du
commerce de la Sicile , Palerme ,
1769, in -8°; réimprimé l'année sui-
vante dans le tome XI des Opuscules
d'auteurs siciliens. II. Lettre sur les
routes de la Sicile, Palerme, 1777,
\iet. in- i". lll. Plan, dressé par ordre
du sénat de Païenne, des règlements
dhine maison d'cducalion pour le
bas peuple, Palerme, 1779, petit
in-i". Sergio avait aussi entrepris une
histoire du commerce de la Sicile,
qui est malheureusement restée ma-
nuscrite. 11 l'bt le premier i\u\ se soit
SER
119
occupé dans cette île de questions
d'économie politique, et cela peut
sembler étonnant, quand on pense
que le royaume voisin comptait de-
puis près de deux siècles des écrivains
disti ngués dans cette matière. N'ayant
jamais voyagé et vivant à une épo-
que où les relations de son pays avec
les nations étrangères étaient d'a-
bord peu actives, puis furent presque
tout à fait suspendues par les événe-
ments politiques, Sergio ne put pas
suivre le mouvement de la science en
France et en Angleterre. Aussi quel-
ques-unes de ses productions sont-
elles entachées de vieux préjugés,
mais ce défaut n'empêche pas d'y
rencontrer souvent des idées neuves
et d'une utilité pratique incontesta-
ble. A— \.
SERGIUS, né en Syrie, étuit dia-
cre de l'église de Constantinople lors-
qu'il fut élevé sur le siège patriarcal
de cette ville. Il embrassa les erreurs
des Monothélites qui n'admettaient
eu Jésus-Christ qu'une seule volonté
et qu'une seule opération. Quoiqu'on
regarde Théodore, évêque de Pha-
ran («oy. Théodore, XLV, 286),
comme le premier auteur de cette
hérésie, Sergius en fut le plus ardent
propagateur. Il écrivit une lettre in-
sidieuse au pape IJonorius 1*"" {voy .
ce nom, XX, 518), parvint à le sé-
duire et reçut de ce pontife une ré-
ponse favorable aux sectaires. Il
entraîna aussi dans son parti l'em-
pereur Héraclius, et rédigea le fameux
édit appelé Ecthèse, c'est-à-dire Ex-
position de lafoi.queceprince publia,
en C38, pour soutenir le monothé-
lisme, mais qu'il désavoua quand cet
acte eut été condamné à Rome. Ser-
gius mourut en 639, et fut anathé-
matisé, ainsi que les autres fauteurs
de l'hérésie, dans plusieurs conciles,
notamment dans le sixième concile
120
SER
SER
général, tenu à Constautinople', en
680. — Un autre Sergius, supérieur
du monastère de Manuel, fut élu pa-
triarche de Constantinople en 999 ,
et mourut en 1019. Il était de la fa-
mille de Photius dont on l'accuse
d'avoir conservéles sentiments schis-
matiques. P— rt.
SERIO (Louis), né à Naples vers
1730, fut, selon Ginguené même, un
des improvisateurs les plus distingués
de l'Italie. Après avoir fait ses études
de droit, il exerça la profession d'avo-
cat avec beaucoup de succès et ne se
lit pas moins admirer au barreau par
son éloquence que dans les salons par
lafacilité et l'entrain de ses improvisa-
tions poétiques. S'étaut rendu à Rome
au moment même où la célèbre Co-
nlla Olympica remplissait la ville
sainte de sa renommée, Serio ne
craignit pas de concourir avec elle
pour la couronne poétique. Vaincu
dans la lutte, il eut le mauvais goût
de se fâcher, etil prétendit que sari-
vale devait son triomphe moins à son
talent qu'à la protection de quelques
cardinaux. Cette injuste accusation,
dans laquelle de puissants person-
nages étaient mis en cause, attira
de graves désagréments à l'avocat
napolitain, et il se vit bieniôt forcé
de rentrer dans sa patrie. C'était l'é-
poque où les sociétés secrètes com-
mençaient à travailler l'Italie. Serio
se jeta avec ardeur parmi les con-
spirateurs , et ne laissa échapper
aucune occasion pour manifester,
même en public, ses idées libérales.
Appelé fort souvent à défendre des
délinquants politiques, il apportait
dans ses plaidoiries une liberté de
penser qui faillit plusieurs fois le
faire passer du banc de la défense
à celui des accusés. De telles sym-
pathies durent lui faire saluer avec
transport l'arrivée de l'armée fran-
çaise, etil contribua de tout son pou-
voir à l'installation de la république
parthénopéenne. Nous n'insisterons
pas sur les événements politiques et
militaires qui en iT menèrent la chute.
Tout cela, nous l'avons raconté dans
l'article du cardinal Paiffo. Il nous
suffira de dire que, malgré son âge,
Serio prit rang comme volontaire
dans le corps de troupes que la ré-
publique expirante envoya, sous les
ordres de Wirtz, à la rencontre de
l'armée royaliste, et qu'il tomba en
combattant vaillamment, le 13 juin
1799. A— Y.
SERIZAY (Jacques de) , membre
et premier directeur de rAcadémie
française , né à Paris à la fin du XVI'^
siècle, fut un de ceux qui s'opposè-
rent le plus vivement à l'exécution
du projet que le cardinal de Richelieu
avait formé de constituer en corps lit-
téraire V Assemblée des beaux esprits
qui se réunissaient chez Conrart.
« A peine y eut-il aucun de ces mes-
« sieurs qui n'eu témoignât du déplai-
• sir, et ne regrettât que l'honneur
" qu'on leur faisait , vînt troubler la
« douceur et la familiarité de leurs con-
« férences (1). » Un motif de plus en-
gageait Serizay h émettre l'avis qu^n
devait s'excuser envers le cardinal
le mieux qu'on pourrait. Att iché, eu
qualité d'intendant, à la maison du
duc de La Rochefoucauld , alors en
disgrâce, il craignait que les relations
nécessaires qu'il aurait avec le minis-
tre tout-puissant, qui voulait se dé-
clarer le protecteur de l'Académie ,
ne causât quelque ombrage au duc
retiré dans son gouvernement du
Poitou. Mais l'avis contraire pré-
valut. Les statuts du nouveau corps
(i) yeWii&OB, Uisloire de i icailèmie fran-
çaise, Paris, Coiguard, ipt», tom. i, \k m,
tu 12.
8ER
créèrent trois officiers, un directeur,
un chancelier, qui devaient être dé-
signe's par le sort, et un secrétaire per-
pétuel qui serait choisi par ses con-
frères. Un sort malencontreux fit tom-
ber aux mains qui ne l'avaient point
recherché l'honneur de représenter
l'Académie pour la première fois *, Se-
rizay fut l'élu du destin , et dut, en
qualité de directeur, aller présenter
au cardinal de Richelieu les statuts
qui avaient été délibérés par la Com-
pagnie. La harangue qu'il prononça
dans cette circonstance ne s'est pas
retrouvée. Il y a lieu de croire qu'elle
remplit parfaitement les vues de l'A-
cadémie , puisqu'il fut continué pen-
dant quatre années consécutives dans
ses fonctions de directeur. En deux
autres circonstances, il reçut de ses
confrères une mission qui était à la
fois une marque de confiance et un
témoignage du mérite qu'ils se plai-
saient à lui reconnaître. Il fut d'abord
chargé , avec quatre autres commis-
saires,de revoirdéfinitivement l'exa-
men critique que l'Académie avait fait
de la tragédie du Cîd. L'ouvrage ayant
été communiqué au cardinal de Ri-
chelieu , qui avait provoqué sur ce
point les délibérations de la Compa-
gnie, ne parut pas satisfaire son émi-
nence. Il voulut que MM de Serizay,
Chapelain et Sirmond vinssent le voir
à Cliaronne où il se trouvait alors,
afin qu'il pût leur expliquer mieux
ses intentions. « M. de Serizay s'en
« excusa sur ce qu'il était prêt à mon-
« ter à cheval pour s'en aller en Poi-
« ton.» Les deux autres ne manquèrent
pas une occasion aussi favorable de
faire leur cour au ministre. Le premier
historien de l'Académie (Pellisson,
t. 1*^', p. 118 et 119) a rendu compte
de ce qui se passa dans cette confé-
rence. Le càtàinal ayant expliqué ses
intentions^ijn n'eut plus qu'à s'y con-
SER
121
former, et cette fameuse critique, si
souvent remise sur le métier, fut enfin
publiée sous le titre de Sentiments
de l'Académie française sur le Cid^
Paris, 1638, in-S". On a prétendu que
Serizay avait beaucoup contribué à
polir cette critique, qui n'a pu empê-
cher le succès du Cid d'aller toujours
croissant. L'Académie porta ses vues
sur une entreprise bien plus impor-
tante et dont elle se trouvait d'ail-
leurs naturellement chargée par le
titre même de son institution. « Sa
« principale pense'e fut donc le des-
« sein du Dictionnaire auquel on se
« proposa de travailler sérieusement.»
Serizay'prit une part active aux dis-
cussions qui eurent lieu à ce sujet au
sein de la Compagnie , ou dans des
conférences particulières qui se tin-
rent chez plusieurs académiciens. 11
est fuit plusieurs fois mention de lui
dans la satire ingénieuse de Ménage,
intitulée : La Requête des Diction-
naires (2) , pièce qui empêcha l'ad-
mission de son auteur k l'Académie.
11 paraît qu'une délicatesse poussée à
l'extrême portait Serizay à repousser
un assez grand nombre de locutions
anciennes, qui donnent tant de viva-
cité et de coloris au style d'Amyot
et de Montaigne. C'est du moins le
reproche que lui fait Ménage :
Bref, ce délicat Serizay
Eiist chaque mot féminisé
(2) Cette satire, qui est le premier ou-
vrage poétique de Méuage, fut imprimée
in-4" et iu-8° en 1649. Elle eut beaucoup
de succès. Comme elle était devenue rare,
les premiers éditeurs du Ménagianahd lireut
réimprimer, parce qu'il j avait lieu de eraiii'
dre qu'elle ne vint à se perdre. Le libraire
Sercy la comprit au nombre des Poésies
choisies des célèbres auteurs du temps, dout
il fit paraître successivement plusieurs cdi-
tions.Nous avons sous les yeux la quatrième,
publiée eu x635, iu-S". La Requeste des Dic-
tionnaires occupe les pages 64 a ^3 de la
2* paitie, mais celte réimprcssiou fourmille
de fautes.
122 SER
Sans respect ny d'analogie
Ny d'aucune étymologie...
Voire mesme quelques esprits.
Qui meschauiment ont entrepris
De nous réduire à l'indigence,
Vouloient, contre toute apparence,
Par brigues et par faux témoins
Proscrire encore , néanmoins,
ra:quojr, d'autant, cependant, oncques.
Or, toutefois, partant, ordonques.
Coulre l'advis de Serizay,
De l'Estoile, de Malleville,
De Gomliaut et de Gomlierville,
Et d'autres à nous inconnus,
Ces mots ont esté maintenus.
Il paraît qu'un des motifs qui portè-
rent l'Académie à maintenir Serizay
dans ses fonctions de directeur, pen-
dant quatre années, fut le talent par-
ticulier qu'on lui reconnaissait pour
tourner une harangue avec grâce et
convenance. Lorsque le garde-des-
sceaux Séguier, depuis chancelier,
exprima le désir d'être compris au
nombre des académiciens, il fut ar-
rêté qu'une députation « irait lui ren-
« dre grâces très-humbles de l'hon •
« neur qu'il faisoit à tout le corps.
« M. de Serizay porta la parole, et on
« dit qu'il s'en acquitta merveilleu-
« sèment bien... Ni cette harangue,
" ni plusieurs qu'il eut occasion de
« faire durant le long temps qu'il fut
« directeur et dans lesquelles il sa-
• tisfaisait tout le monde au dernier
« point, ne se trouvent plus. » {His-
toire de V Académie, tome I^"", p. 205
et 206.) Aussi ne faut-il pas s'étonner
qu'aucune d'elles n'ait été comprise
dans le Recueil volumineux des Ha-
rangues prononcées par MM. de l'A-
cadémie françoise, Paris, Coignard,
1G88, in-4», et 2« édition, Paris, 1714-
1787, 8 vol. in-12. Serizay s'était aussi
livré à la culture de la poésie. Les re-
cueilsde vers choisis, publiés par Scr-
cy , renferment plusieurs pièces de
sa composition, mais le nom de l'au-
teur n'a pas été mis au bas de chacune
d'elles. Tout ce que l'histoire litté-
SER
raire de ce temps nous a fait connaître,
c'est que Claude de L'Étoile, son con-
frère , était grand admirateur de ses
productions poétiques, et que l'Aca-
démie elle-même avait une si haute
idéede son talent dans ce genre.qu'elle
le chargea de composer l'épitaphe du
cardinal de Richelieu, son fondateur.
Jacques de Serizay mourut à Lu Ro-
chefoucauld, au mois de novembre
1653. 11 eut pour successeur à l'Aca-
démie Pellisson qui, par une faveur
particulière, avait été d'abord admis
comme académicien surnuméraire.
C'est le cas de relever ici une erreur
de fait qui s'est glissée dans les deux
éditions du recueil des Harangues de
l'Académie cité plus haut. On lit, au
titre du discours de réception de Pel-
lisson , qu'il remplaçait M. de Por-
chères. Nous connaissons deux aca-
démiciens de ce nom : l'un, Laugion
de Porchères, eut pour successeur, en
1681 , l'abbé de Chaumont ; l'autre,
D'Arbaud de Porchères, fut remplacé
par Patru en 1697. L— m— x.
SERLON DEVAL-BoDon (le Bien-
heureux), célèbre abbé et dernier
général de la congrégation de Savi-
gni, qu'il unit à l'ordre de Cîleaux,
reçut le surnom de Val-Bodon d'un
village du territoire de Bayeux ainsi
appelé, où il naquit vers la fin du
XV siècle. Ses parents vivaient dans
l'aisance, et voulant voir former leur
fils non-seulement aux lettres hu-
maines, mais surtout à la vertu, ils
le mirent sous la discipline de S.
Geoffroy, qui ne contribua pas peu
à faire croître les heureuses disposi-
tions de son élève. Serlon fit des
progrès éionnanls et devint Irès-
vcrsé dans la connaissance des sain-
tes Écritures. Le caractère doux et
aimable du jeune homme lui conci-
lia l'affection particulière de son
maître ^ de son côté , Serlon s'at-
S£R
tacha intimement à sou précep-
teur et le suivit partout, même en
religion, quoiqu'il n'eût que 15 ou
16 ans quand S. Geolîroy entra à
l'abbaye des be'nédictins de Cérisi ,
situe'e dans le même diocèse. Les deux
nouveaux religieux s'attirèrent bien-
tôt l'admiration de tous leurs frères,
par leur amour de la pauvreté, du si-
lence, du travail, et par leur ponctua-
lité à tous les exercices de la règle.
Le maître et le disciple étaient reli-
gieux à Cérisi depuis 12 ou 13 ans
lorsqu'ils résolurent d'embrasser un
genre de vie plus austère. L'occa-
sion s'en présenta bientôt. La re-
nommée porta jusqu'à eux le bien
([ue faisait la réforme établie par
saint Vital, leur compatriote {voy.
Vital, XLIX, 279), dans son monas-
tère de Savigni, près de Louvigné du
Désert. Ils obtinrent dilficilement de
leur abbé la permission de se retirer
à l'abbaye de Vital , qui les reçut
avec joie. Serlon resta à Savigni pen-
dant 25 ans au rang des simples re-
ligieux. La chronique du monastère
et un auteur presque contemporain
font l'éloge de son érudition , du
charme de ses discours , de ses
entretiens et de sa connaissance pro-
fonde de l'Écriture sainte. Il s'était
livré pendant cette longue profes-
sion de vie silencieuse et inconnue
aux exercices intérieurs de la prière.
Vers l'année 1139, il fut élu abbé
de Savigni , à la mort d'Évan Lan-
glois, qui n'avait gouverné qu'un an.
Il mit tout son zèle à conduire les
monastères de sa dépendance avec
cette modestie qui avait jusque-là
donné tant de charme à sa personne.
Son attrait pour les austérités ne se
trouvant plus arrêté par l'obéissance,
il s'y livra avec ardeur, et voulant
faire partager son zèle par ses frères,
j| parut aller trop loin et excita des
S£R
123
murmures. La réputation de Serlon
lui attira des sujets distingués et pro-
cura des avantages à son monastère.
Alain, duc de Bretagne, lui demanda
quelques religieux , peut-être pour
une fondation, mais qui restèrent at-
tachés à sa personne et à sa suite,
furent chargés de ses aumônes et lui
rendirent des services spirituels et
temporels, car ils avaient, dit l'his-
toire monastique d'Angleterre, des
connaissances étendues dans la
science de la médecine. Dès le com-
mencement de son administration,
Serlon vit avec joie que Dieu donnait
de grands accroissements à sa con-
grégation. La fondation la plus re-
marquable qui alors eut lieu, fut
celle de l'abbaye de la Trappe, dans
la province du Perche. Le n)onastère
de la Maison-Dieu de N.-D. de la
Trappe fut fondé le 7 septembre 1140;
les religieux qui l'habitèrent furent
tirés de l'abbaye du Breuil-Benoît, au
diocèse d'Évreux , auxquels Serlon
donna pour abbé le V. Adam. Ce fut
aussi sous son administration que
furent fondées les abbayes de To-
gehalle et de Joréval , en Angle-
terre. A la prière de ce saint abbé,
le pape Luce II prit Savigni sous
sa protection, et écrivit en sa fa-
veur aux seigneurs de Fougères et
de Mayenne, et à l'archevêque de
Rouen. Le pape Eugène III, ancien
cistercien, adressa aussi une bulle à
Serlon pour la conservation des biens
de son monastère. 11 y avait près de
quarante ans que la congrégation de
Savigni, composée de plus de 30 mo-
nastères, édifiait l'Église , lorsque
l'esprit de division se mit parmi quel-
ques abbés d'Angleterre, (|iii voulu-
rent se soustraire à la juridiction de
Serlon. Celui-ci, voyant qu'ils ne vc-
• naient plus au chapitre et méditaient
de secouer le joug de la dépendance,
i2i
SER
résolut d'incorporer tous ses monas-
tères, tant de France que d'Angle-
terre, à l'ordre de Cîleaux, qui bril-
lait alors d'un grand éclat dans toute
l'Europe. Il avait d'ailleurs le pro-
jet de quitter la supériorité pour se
retirer à Clairvaux, et y vivre sous
la conduite de saint Bernard , ce
qu'il lit en effet bientôt après. Dans
le chapitre de l'année 1147, il fut
décidé, entre les abbés de France et
même quelques-uns d'Angleterre,
qu'on s'adresserait au pape Eu-
gène III, pour obtenir l'incorpora-
tion de l'institut de Savigni à ce-
lui de Cîteaux. Après en avoir con-
féré avec saint Bernard, Serlon, ac-
compagné d'Osmon, abbé de Beau-
bec, se rendit à Reims, où le pape
Eugène se trouvait pour le concile,
et eut, par l'entremise de l'abbé de
Clairvaux, une audience favorable
du souverain pontife. Le pape, par
une bulle datée du 9 août 1148, unit
donc la congrégation de Savigni à
l'ordre de Cîleaux, sur le modèle du-
quel elle avait été fondée, et donna
ainsi à cet ordre célèbre le plus
beau lustre qu'il eût jamais reçu.
Ainsi finit la sainte congrégation de
Savigni, qui avait toujours conservé
une grande régularité, et qui jouit
de certains privilèges dans l'institut
qui l'avait absorbée. Dans le même
concile, la congrégation d'Obasine,
fondée par saint Élienne, fut aussi
unie à l'ordre de Cîteaux. Serlon,
vivant déjà sous l'obéissance et l'ha-
bit de Cîteaux, était encore abbé de
Savigni quand il reçut Henri, sei-
gneur de Fougères, qui s'y fit moine ;
il passa en Angleterre pour visiter
ses monastères et y aplanir les op-
pusitions d'union à Cîteaux. Quelque
temps après, le B. Serlon eut k vider
uu petit différend (|ui s'était élevé
entre l'évèiiue de Bayeux et lui au
SER
sujet d'une possession; l'interven-
tion de saint Bernard apaisa le
trouble que ce prélat mettait dans
la maison de Savigni. Serlon avait
vivement désiré d'aller vivre à Clair-
vaux, sous la discipline de saint Ber-
nard ; celui-ci s'y était toujours op-
posé et avait laissé Serlon à la tête
de son monastère de Savigni. A
peine Serlon apprit-il la mort de
saint Bernard, en 1153, que, repre-
nant la vivacité de sa première réso-
lution, il obtint du chapitre général
de Cîteaux la permission de déposer
sa dignité d'abbé, et se relira, sim-
ple religieux, dans le monastère de
Clairvaux où il se rendit vers la fin
d'octobre de la même année. Il y vé-
cut dans l'exercice de la prière et de
l'union avec Dieu ; il était l'exemple
de tout le nombreux monastère. Ce-
pendant Robert, abbé de cette mai-
son, l'obligea d'user de sou talent
éminent pour la parole et de faire des
instructions publiques à la commu-
nauté. Après cinq années passées
dans cette vie méritoire, Serlon moU'
rut à Clairvaux le 9 septembre 1158.
Ce jour est la véritable date de sa
mort, mal indiquée par quelques
auteurs. Il reste de Serlon : 1" un
commentaire sur l'oraison domini-
cale ; 2o des sentences sur quel-
ques lieux de l'Écriture, avec sept
autres chapitres séparés sur le même
sujet. Les ouvrages manuscrits se
trouvaient dans la bibliothèque de
Colbert , qui les avait tirés de
l'abbaye de Savigni. Le B. Serlon
avait composé plusieurs sermons;
Dom Tissier, prieur de Bonne-Fon-
taine, en a publié 21 à la fin du der-
nier volume de la Bibliulhéque des
Pères de L'ordre de Cîteaux. Nous
y avons vu aussi quelques maxi-
mes ou sentences spirituelles de
Serlon. Nous possédous ,uu très-an-
SER
cien manuscrit tle Savigni , dans le-
quel il y a une pièce de vers, com-
posée par Serlon, sur la vie monasti-
que ; nous la croyons inédite. Ser-
lon n'est point honoré d'un culte
public dans l'ordre deCîteaux, mais
il a obtenu, par tradition seulement,
la qualification de Bienheureux. Dans
le tome F"" de son Voyage litté-
raire, p. SlOl, Dom Martenne rap-
porte l'épitaphe de Serlon , qu'il a
vue à Clairvaux , et à la p. 169 du
tom. II, il dit avoir trouvé des ser-
mons au nombre des manuscrits de
l'abbaye cistercienne de Lannoy.
L'auteur de cet article en a puisé les
éléments principaux dans VHistoire
manuscrite de la Congrégation de
Savigni, dont Foriginal est à la bi-
bliothèque publique de Fougères et
dont il possède l'unique copie. On
peut consulter sur Serlon la Biblio-
thèque de Dupin, le Neustria pia,
V Histoire des ordres religieux du P.
Helyot, etc. B~d — e.
SERMEI (le chevalier César),
peintre, naquit à Orviette, en 1516.
Il s'était déjà fait connaître avanta-
geusement dans sa patrie lorsqu'il
vint s'établir à Assise. Il s'y maria et
y demeura jusqu'à l'époque de sa
mort, arrivée en 1600. Cette ville,
ainsi que Pérouse et plusieurs autres
cités des États de l'Église, possède
un certain nombre de ses produc-
tions. 11 réussissait également dans
la peinture à fresque et à l'huile. Ses
fresques se font remarquer par une
grande fécondité d'idées, par la vi-
gueur du coloris, le mouvement et
l'esprit de la coniposiiion; mais la
rapidité de l'exécution qu'exige ce
genre de peinture ne lui a pas per-
mis d'apporter dansson dessin cette
étude et cette correction qu'il a dé-
ployées à un degré supérieur dans
ses tableaux à l'huile. C'est surtout
SER
125
dans les grands ouvrages de ce genre
qu'il s'est montré capable d'exécuter
les plus vastes conceptions. On voit
à Spello un de ses tableaux repré-
sentant un Miracle du bienheureux
André CaraccioU, d'un mérite supé-
rieur, et que de son temps peu de
peintres de l'école romaine auraient
égalé. Ses héritiers conservent encore
de lui beaucoup de tableaux d'une
assez grande dimension, représen-
tant des Foires, des Processions et
les Cérémonies qui ont lieu à Assise
à l'occasion du Pardon. Le nombre,
la variété, la grâce des petites figu-
res qu'il a introduites dans ces di-
verses scènes, la beauté de l'archi-
tecture, et l'originalité des sujets,
rendent ces tableaux extrêmement
précieux, et placent leur auteur an
rang des plus habiles artistes de son
temps. P — s.
SEIIMINI (Gentile), né à Sienne
au commencement du XV® siècle, a
laissé un recueil de quarante-cinq
contes, dans le genre de Boccace,
dont il a été à tort supposé le con-
temporain. C'est sur le manuscrit,
légué par Zeno à un couvent de do-
minicains à Venise, qu'a été fait le
choix des onze nouvelles publiées
en 1796 dans la collection de Pog-
giali, à Livourne. L'éditeur y a joint
une pièce du même Sermini sur le
combat à coups de poings {giuoco
délie pugna ) , genre d'amusement
fort à la mode en Angleterre, et qui
paraît remonter à une assez haute an-
tiquité en Italie. Les contes de Ser-
mini sont pour la plupart licencieux,
ce qui a empêché d'en faire paraître
un plus grand nombre. Le style n'en
est pas châtié, étant un mélange de
phrases italiennes et de mots tirés
du patois siennois. Celte publication
n'a d'autre mérite que d'avoir multi-
plié les monuments de la littératurif^
126
SER
SER
italienne où les contes en prose sont
si abondants. On ignore les circon-
stances de la vie de Sermini. Les
historiens de Sienne n'ont fait au-
cune mention de cet aiitenr, dont
Zeno a le premier parlé dans une
de ses notes sur la Bibliothèque
de Fontanini. Le. comte A. Borronieo,
qui en avait acquis un second ma-
nuscrit en Toscane, s'était borné
à en extraire deux nouvelles qu'il a
publiées à la suite du Caialogo de'
novellieri italiani, etc., Bassano,
1794, in-8°. Elles ont été reprodui-
tes par Poggiali dans les Novelle di
autori Senesi, Londres (Livourne),
1796, 1. 1". A— G— s,
SERMOiXETA (Jean), médecin
de Sienne , fut professeur à Bologne
et à Pise vers la lin du XV^ siècle. On a
imprimé en 1498, à Venise, in-folio,
un lourd commeutaire de sa façon
sur les Ajdiorisnies d'Hippocrate et
sur Galitn , en latin. — Son lils,
Alexandre Sermoneta , enseigna
aussi la médecine à l'université de
Pise, mais il n'a laissé sur celte
science aucun écrit. B— n— t.
SERMOXETTA (JÉRÔME Sicio-
LAiSTE de), peintre, ainsi nommé du
lieu de sa naissance , florissait en
15G2. il fut élève de Raphaël et peut
entrer en parallèle avec les plus ha-
biles disciples de ce maître par l'heu-
reuse imitation de sa manière. C'est
à lui qu'est dû le tableau de la salle
royale du Vatican qui représente
Pépin donnant fexarchat de Ra-
venne à L'Église après avoir fait
prisonnier Aslolje , roi des Lom-
bards. Mais c'est dans certains ta-
bleaux à l'huile plus encore que dans
ses fresques que le Serniouelta s'est
rapproché de Raphaël. Tels .«ont le
Martyre de sainte Lucie ^ à Sainte-
Marie-Majei.rc ; la T r an s figurât ion ^
dans l'église d'Ara-Cœli, etlaiVati-
tîté de Jésus-Christ^ à la Paix, sujet
qu'il répéta avec une grâce inexpri-
mable pour une église d'Osimo. Son
chef-d'œuvre est à Ancône : c'est le
tableau du maîire-autel de Saint-
Barihélemi, La composition en est
abondante, d'une distribution tout à
fait neuve et parfaitement appropriée
à la vaste étendue de la toile et au
nombre des saints personnages qu'il
y a introduits. On voit dans le haut
le trône de la Vierge entouré d'un
chœur d'anges et d« claque côté
deux saintes vierges à genoux. On
monte vers ce trône par deux beaux
degrés placés de chaque côté du ta-
bleau et i\\\\ divisent la composition
supérieure de l'inférieure. Dans le
bas il a placé le donataire, figure
demi-nue, d'un caractère fier, accom-
pagnée d'un saint Paul, tout à fait
dans le style de Raphuël, et de deux
autres saints. Le peintre a su réunir
dans cet ouvrage un empâtement
de couleur, un accord, un ensend)le
si parfait, qu'il passe pour le plus
beau tableau qui se trouve à Ancône.
Tout ce qu'on pourrait y désirer,c'est
une meilleure méthode dans la dé-
gradation des objets. Sermonetta
a faii peu d'ouvrages pour les gale-
ries particulières , si l'on excepte
toutefois plusieurs portraits, goure
dans lequel il a excellé. Cet habile
artiste mourut à Rome sous le pon-
tificat de Grégoire XIII. P— s.
SEROUX (Jean-Nicolas de), gé-
néral d'artillerie et inspecteur de
cette arme, était né en 1742 \ il en-
tra au service en qualité de cadet
gentjlhniimie dès l'âge de douze ans,
et se distingua dans la guerre de
sept-aiis, notamment à la bataille
d'Kastembeck. Il était chevalier de
Saint -Louis et lieutenant- colonel
d'artillerie lorsque la révolution
éclata. Destitué con^me noble eu
SER
1793, il fut en même temps arrêté,
et ne recouvra sa liberté qu'après le
9 thermidor. Ayant été réintégré
dans son grade, on lui confia divers
commandements, et à l'armée de
Hollande il eut celui de l'artillerie.
Il fit ensuite partie de l'armée d'Ita-
lie comme général de brigade, et
devint commandant supérieur de la
marche d'Ancône , fonctions qu'il
quitta sous l'empire pour servir
d'une manière active en Allemagne
cil il était appelé avec le grade de
général de division. 11 y commanda
en chef l'artillerie, principalement
celle du corps d'armée du maréchal
Ney. A Friedland, il contribua puis-
samment au gain de la bataille avec
le général Sénarmont {voy. ce nom
dans ce volume). Napoléon l'en ré-
compensa par le titre de baron et la
croix de grand-officier de la Légion-
d'Honneur. Il reçut ensuite le com-
mandement de l'artillerie de la place
de Magdebourg, qu'il garda jusqu'en
1814, époque à laquelle il prit sa re-
traite. Mais Louis XVIII le nomma
lieutenant -général honoraire, en
lui conservant les honneurs et la
solde de l'activité, puis il le créa
grand'croix de Saint-Louis. Depuis
lors le général Seroux resta étran-
ger aux affaires publiques , et, mal-
gré son grand âge, il subit avec suc-
cès l'opération de la pierre. H mourut
à Couipiègne le 5 septembre 1822.
C— H— N.
SERRA (Crescentin-Joseph), au-
teur de l'un des faits de mécanique les
plus étonnants peut-être qui se soient
vus dans les teuips modernes, naquit
à Crescentino dans le Verceillais le
4 décembre 1734, et montra dès l'en-
fance beaucoup de goût pour la mé-
canique ; mais ses parents pauvres
ne pouvant l'envoyer à l'école, il fut
obligé d'apprendre le dur métier de
SËR
127
maçon. Ne sachant ni lire ni écrire,
il parvint néanmoinsen peudetemps
à s'établir maître dans cette indus-
trie, et sans même connaître la théo-
rie du dessiu il dirigea la construc-
tion de plusieurs maisons commodes
et solides. Le pèrePeruzia, de l'Ora-
toire de Saint-Philippe, à Crescen-
tino, qui était le directeur du sanc-
tuaire dit de Notre-Dame-du-Palais,
avaii le projet dejoindre une rotonde
à l'ancienne église ; mais le clocher
se trouvant sur l'angle intérieur ne
permettait pas l'exécution du projet \
il fallait l'abattre. Serra futconsulté,
et ayant examiné la solidité du clo-
cher bâti en briques et en chaux, de
la hauteur de 20 mètres, il se fit
fort de le transporter au prix de 200
francs pour la main-d'œuvre. Cette
proposition surprit le père Peruzia,
qui ne voulait pas y accéder dans la
crainte de donner du ridicule à ses
concitoyens si l'opération ne réussis-
sait pas. Serra présenta alors un mo-
dèle de son projet, puis eu 177l» il
transféra dans l'église de la con-
frérie de Saint -Bernardin le grand
autel tout entier pour prolonger le
presbystère. Celte opération étonna
le père Peruzia et les personnes les
plus marquantes de la ville. On con-
vint avec Serra que le transport du
clocher aurait lieu l'année suivante
au prix demandé. Avant l'hiver il
posa les fondements à l'endroit où le
clocher devait être replacé, et au
mo s de mars 1776 il commença
cette audacieuse entreprise avec un
plancher de poutres en bois de chêne
construitsoliilerneut suriequekievait
marcher le clocher maintenu par des
poutres de tous les côtés. Celte opé-
ration terminée, on coupa les quatre
angles du cloih<;r qui se trouva sur
les rouleaux placés de distance en
dislanccjsur .ce plan formé. Serra
II
SFR
èlait si persuade de sa rëiissiie que,
au moment diilransport, le 20 mars à
deux heures après midi, il fit monter
son propre fils Philippe sur le clo-
cher pour sonner les cloches, ce qui
est constate' par l'inscription sui-
vante, grave'e en marbre au pied du
clocher :
SiSTE GRADUM, VlATOR,
Oda Marianum SACELLUM ampi.iaretur
turrim hanc sacram
Opitdlante Deipara
PurSAlISQUE ISTERF.A IMPENDENTtBCS
TxNTIXABrLIS
In 'LJETiriX ARGUMENTDM
Crescentini Serra CF.EscENTi>-£iîsrs
Intentato hactei^us ausu
TUTO EX INSriRATO TRAD0CTAM
Die XXVI martii anno 1776,
^ SciTO, admirator abi.
Le roi de Sardaigne Victor- Ame'dée
llf, informé de cette opération har-
die, voulut voir le maître maçon
Serra , et lui accorda une pension de
200 francs, en l'attachant à la direc-
tion des fortifications de Tortone.
La municipalité de Verceil, par un
procès-verbal du 2 septembre de la
même année, après une longue des-
cription des procédés employés par
Serra pour ie trans^iort du clocher,
lui décerna une récompense. Le gou-
vernement français continua de faire
payer à Serra sa pension ; et à sa
mort, arrivée le 8 septembre 1804,
le journal du département de la Sé-
sia lui consacra un digne éloge. VHis-
toireverceillaisesur lessciences et les
arts {oh le portrait de Serra et
le dessin du transport du clocheront
été gravés) rapporte une inscrip-
tion sépulcrale que les circonstances
n'ont pas permis de sculpter sur le
tombeau de cet homme, doué d'un
génie naturel, quoique dépourvu de
toute instruction scientifique. Dans
cette inscription Serra est comparé
à Ferracino et à Zabaglia {voy. ces
noms, XIV, 391, et LU, 1), qui opé-
SER
raient des prodiges ; comme aussi au
célèbre Aristotile Alberli, de Bolo-
gne, qui, en 1455, transporta un clo-
cher tout entier (voy. Alberti, I,
426). Ce fait était ignoré non-seule-
ment de Serra, mais même de l'au-
teur de l'inscription ci-dessus. Le
clocher de Crescentino est resté pour
les voyageurs un objet de curiosité
et d'admiration. G— g— y.
SERllA (le marquis Jérôme),
homme d'État et historien italien,
naquit à Gênes en 1701 d'une des
plus illustres familles de la républi-
que. 11 occupa, dès sa première jeu-
nesse, des emplois importants, et sut
concilier le zèle pour le devoir avec
le goût des lettres et des études sé-
rieuses. L'histoire, surtout celle de
sa patrie, eut pour lui un attrait par-
ticulier, et il ramassa de bonne heure
une foule de matériaux qu'il ne tarda
pas à mettre en œuvre. Dès 1798, il
publia k Gênes la première partie de
son ouvrage sous le titre d'Histoire
de l'origine des peuples de la Li-
gurie, des colonies qui en sortirent
et des guerres qu'ils eurent à sou-
tenir contre Rome. Ce livre pa-
raissait presque au moment où les
armées françaises victorieuses ve-
naient de conquérir tous les États di*
la république génoise, au moment
oîi ceux-ci servaient de champ de
bataille aux parties belligéranies. Le
marquis Jérôme, bien différent en
cela de son parent, Jean -Baptiste,
qui, dans une lettre au Moniteur^
empreinte de tout l'esprit démago-
gique du temps et écrite dans un
style analogue, déclarait ne vouloir
s'appeler désormais que Serra le Ja-
cobin, le marquis Jérôme, disons-
nous, était loin de partager les opi-
nions qui étaient alors si fort en vo-
gue, et tant qu'elles triomphèrent,
tant que leurs partisans furent au
SER
pouvoir, il se tint tout à fait éloigne
des affaires. Ce ne fut qu'à l'époque
où les idées modérées reprirent le
dessus qu'il consentit à entrer dans
le conseil municipal de sa ville na-
tale. Nommé en l'an IX (1801) mem-
bre du conseil-général du départe-
ment , puis otficier de la Légion-
d'Honneur, et enfin maire, il fut, en
1806, élu député au corps législatif.
Mais il ne paraît pas qu'il ait accepté
ce mandat, car son nom ne figure en
cette qualité dans aucun des alma-
nachs impériaux, et nous sommes
fondés à croire qu'il ne s'éloigna pas
de Gênes. Quoi qu'il en soit, il était
dans cette ville quand elle fut as-
siégée en 1814 par la flotte anglaise,
que commandait William Bentinck.
Tout le monde sait qu'après la red-
dition de la place, aui eut lieu le 18
avril, l'amiral anglais, interprétant
les intentions de son gouvernement,
rétablit la république telle qu'elle
existait avant l'invasion française, et
forma un gouvernement provisoire
dont Serra fut le chef, avec le titre
de président. Mais le congrès de
Vienne disposa bientôt de Gênes en
faveur du roi de Sardaigne, et dans
l'impossibilité où la république était
de résister aux volontés des puis-
sances signataires du traité, son chef
sut, en cette pénible conjoncture,
conserver une attitude digne et fière,
tout en cédant à la force et à la néces-
sité. Nos lecteurs verront sans doute
avec intérêt la proclamation qu'il
adressa au peuple génois au moment
de résigner ses fondions. Cette pièce
est, à notre sens, un modèle à pro-
poser aux hommes d'État qui pour-
raient dans l'avenir se trouver dans
la même position que le marquis
Serra. «Informés, dit-il, que le con-
« grès de Vienne a disposé de notre
• patrie en faveur de Sa Majesté le
LXXXII.
SER
129
• roi de Sardaigne; résolus, d'une
• part, à ne point porter atteinte à
« ses droits imprescriptibles , de
« l'autre, à ne point user d'une ré-
« sistance inutile et funeste, nous
« déposons une autorité que nous
« tenions de la conliance delà nation
« et du consentement des principilcs
« cours de l'Europe. Tout ce qu'un
• gouvernement qui n'a pour lui que
« la justice et la raison peut tenter
« pour le maintien di-s droits et la
« réhabilitation de ses peuples, nous
« l'avons entrepris'sans réserve, sans
« hésitation •, notre conscience nous
« le dit, et les puissances les plus
• éloignées en rendraient au besoin
« témoignage. îl ne nous reste plus
• aujourd'hui qu'à recommander aux
«autorités municipales, administra-
« tives et judiciaires, de continuer
a à bien remplir leur devoir; au
« gouvernement qui va nous succé-
« der, de prendre soin de l'armée
• dont nous avions commencé l'or-
« ganisation et des employés qui
• nous ont secondés avec loyauté; à
« tous les peuples du Génovësat ,
« d'observer le calme, première ga-
« rantie de leur bonheur. En retour-
« nant de la vie publique à la vie
« privée, nous conservons un senti-
• ment profond de reconnaissance
' pour l'illustre général qui connut
• les limites de la victoire, et une
« confiance entière dans la bonté
« divine, qui n'abandonne jamais les
« Génois. » Ce grand acte accompli,
Serra se retira dans la magnifique
maison de campagne qu'il possédait
sur lacolline, et, malgré la proximité
de la ville, il laissa passer bien de<i an-
nées avant d'y revenir; encore ne fut-
ce qu'à de longs intervalles et pour
quelques instants seulement. Enseveli
pourainsi dire dans sa retraite, il voua
tous ses instants à l'étude des annales
130
SER
de son pays, et continua le travail
dont il avait donné la première par-
tie à la fin du dernier siècle L'ou-
vrage entier parut enfin en 1834
à Turin, en 4 vol in-8» ( seconde
édition, Capolago, (835, i vol. in-
12), et fut accueilli avec faveur. Ce
n'est pas que l'auteur se distingue
par des vues larges ef profondes, par
ce coup-d'œil pénétrant qui saisit les
effets et les causes et montre l'his-
toire d'un peuple dans sa providen-
tielle unité; ce n'est pas, en un mot,
que Serra ait bien compris ce qu'on
est convenu d'appeler la philosophie
de l'histoire, mais tout son travail
révèle tant de conscience dans les re-
cherches, dans l'examen et l'emploi
des matériaux qu'il avait sous la
main, tant d'amour pour son pays,
tant de respect pour la religion et
le culte de ses pères, même dans les
détails les plus minutieux, que le
lecteur sent naître rapidement en
lui une vive .sympathie pour l'homm.e,
tout en désapprouvant quelquefois l'é-
crivain. Sans doute cette disposition
d'esprit a dû souvent nuire à l'impar-
t ialité de Serra, mais elle ne l'a jamais
conduit à des exagérations ni à des ré-
ticences dans les faits. Sous ce rap-
port il dit tout ce qu'il sait, et l'on
pput s'en rapporter à sa véracité. Son
style est généralement simple, cor-
rect, mais on y chercherait en vain de
ces pages éloquentes, de ces mouve-
ments, de ces descriptions pillores-
ques qui .sont le premier mérite des
historiens de l'antiquité, et qui dans
les ouvrages modernes dégénèrent
si souvent en déclamations roma-
nesques. En somni.', Serra vise sur-
tout à l'exactitude ; il tient beau-
coup plus à instruire qu'à plaire. Ar-
rivé il l'an 1183, il ne se sentit pas le
courage d'aller plus loin. Après avoir
suivi la marche toujours ascendante
SER
de son pays, après avoir tracé le ta-
bleau de ses conquêtes et de ses
glorieuses luttes, il lui en eût trop
coûté d'entrer dans cette période de
décadence qui dura trois siècles, et
aboutit à une agonie lélhargicpie, à
une fin vulgaire. Le marquis Serra
survécut peu à la publication de son
ouvrage-, il mourut à Gênes le 31
mars 1837. A— y.
SERRE , comte de Saint-Roman
(Alexis-Jacques de), né le 13 mai
1770, appartenait à une ancienne fa-
mille originaire des Cevennes, qui
avait embrassé le protestantisme,
qu'elle abjura dans la suite. Son
père, conseiller au parlement de Pa-
ris, le destina d'abord à la magis-
trature , puis à la diplomatie ; mais
la révolution ayant éclaté , le jeune
Serre éniigra , servit à l'armée de
Coudé comme simple volont.iire, dans
le régiment de dragons-Penthièvre,
devint bientôt capitaine aide-de-
camp d'état-major, et fit la campa-
gne de 1792. Cependant il quitta le
service pour ne pas compromettre
son père, qui n'en fut pas moins
traduit au tribunal révolutionnaire,
condamné à mort et exécuté le 27
juillet 1794 (9 thermidor an II), au
moment même où la chute de Robes-
pierre ai iait le sauver. Serre de Saint-
Roman rentra secrètement dans son
pays à plusieurs reprises, mais sans
pouvoir y demeurer; et tandis que
le gouvernement autrichien lui con-
fisquait une sonune de 150,000 fr.,
placée sur ia banque de Vienne, sous
prétexte qu'il n'était pas émigré, le
Directoire confisquait aussi toutes
ses propriétés, parce qu'il était émi-
gré. Mais l'empereur d'Autriche lui
fit restituer ses actions de banque,
^n même temps que Bonaparte, pre-
mier consul, le raya de la liste
des émigrés et lui rendit tous ses
SER
biens. Revenu en France, Saint-Ro-
man cultiva dans la retraite la poé-
sie et même la haute métaphysique -,
il ne sollicita aucun emploi pendant
la durée du consulat et de l'empire.
Cependant , lors du débarquement
des Anglais à Flessingue, en 1809,
il eut le commandement d'une co-
horte ; et en 1813, après les revers
des* armées françaises, la garde na-
tionale de Paris ayant été rétablie,
il fut nommé chef d'un bataillon de
la 8^ légion , à la tête duquel il com-
battit courageusement pour la dé-
fense de la capitale, le 30 mars 1814,
malgré son peu de sympathie pour
Napoléon. Sous la Restauration , il
fut fait maréchal-des-logis de la
compagnie des mousquetaires gris ,
chevalier de Saint-Louis et de la Lé-
gion-d'Honneur. Durant les Cent-
Jours, il vécut retiré dans une de
ses terres du département de l'Al-
lier. Après le second retour de Louis
XVIII, il présida le collège électoral
il Moulins , et, le 17 août 1815, le roi
le créa pair de France. Le 18 janvier
1816, il ht, à la Chambre, une
proposition relative à une décla-
ration de principes de Lally-Tol-
lenda! : d<ins la séance du 15 janvier
ile la même année, Lally ayant vou-
lu prouver la nécessité du concours
(les chambres aux mesures extra-
constituiionnelles qui suspendaient,
à l'égard des individus, le cours or-
dinaire de la justice , Serre de Saint-
Roman attaqua cette doctrine et la
publicité qui lui avait été donnée par
son auteur dans un journal. Lacham-
bre ayant passé à l'ordre du jour sur
cette proposition , Saint-Roman la fit
imprimer. Dans le cours de la session
de 1816, lors de la discussion de la
loi sur la liberté individuelle, il vota
l'adoption de cette loi , pensant
qu'une simple réclamation sufti-
SER
131
rait pour dissiper les craintes éloi-
gnées que l'on pourrait concevoir.
Dans la session de 1818, il prononça
à la tribune une opinion très-éten-
due sur le projet de loi relatif au re-
crutement de l'armée , en combattit
les motifs et les dispositions, surtout
celles du titre VI, concernant l'a-
vancement. « Jusqu'à présent, dit-il,
• et par le droit que la charte lui
« confère, le roi disposait à son gréet
« sans aucune entrave de tous les
" emplois de la force publique. Pour-
« quoi limiter cet utile pouvoir, en
«imposant des conditions à son
«choix, en établissant un avance-
« ment indé|iendaut tlesa volonté?»
Il soutint qu'une sage ordonnance
offrait autant de garantie qu'une loi
qui pourrait être éludée par un mi-
nistre prévaricateur. Dans la discus-
sion de la loi sur la banque, Saint-
Roman dit qu'il s'étonnait de voir
adopter avec tant de facilité un pro-
jet qui changeait toutes les dispo-
sitions de cet établissement, sans
qu'on se fût assuré si tel était en efi'et
le vœu des actionnaires. « Aucune
«considération, dit-il, ne peut dis-
« penser la chambre de savoir, avant
• de changer leur constitution, s'ils
« y désirent des changements. »
Il vota avec la minorité pendant
toute cette session. Dans celle de
1819, Lally -Tollendal ayant pro-
posée la chambre de supplier le roi
de décerner au duc de Richelieu une
récompense nationale, Saint-Roman
demanda la question préalable. • C'est
«transporter, dit-il, le gouverne-
«ment dans les chambres, que de
" les occuper des récompenses à ac-
« corder aux ministres du roi. Ré-
« compenser les services rendus à
« l'État est une attribution essen-
« tielle du pouvoir exécutif qui , d'a-
" près l'article 13 de la charte, n'ap-
9.
132
SER
« partient qu'au monarque. La chain-
. bre, en accueillant la proposition
• qui lui est soumise, excéderait ses
« pouvoirs et entreprendrait sur la
« prérogative royale. » La proposi-
tion n'en fut pas moins adoptée par
la chambre des pairs, ainsi que par
la chambre des députés. En consé-
quence, le gouvernement présenta
un projetdeloi portant création d'un
majorai, de 50,000 fr. de revenu, en
faveur du duc de Richelieu, à titre
de récoHipense nationale {voy. Ri-
chelieu, XXXVIII, 64). Saint-Roman
parla sur ce projet daiis le même sens
qu'il avait parlé sur la proposition,
et s'éleva fortement contre le prin-
cipe de la souveraineté du peuple ;
ce qui n'empêcha pas l'adoption du
projet. Lors de la discussion de la loi
relative à la répression des crimes et
délits commis par la voie de la presse,
il appuya l'amendement du duc de
Filz-James, qui voulait qu'on men-
tionnât nominativement la religion
chrétienne dans l'article 8 concer-
nant les outrages à la morale publi-
que et religieuse ou aux bonnes
mœurs. Le 26 février 18'20, il parla
contre la susp»'iision de la liberté de
la presse pour les journaux, et le
23 mars, il parla en faveur de la sus-
pension de la liberté individuelle.
En 1824, il combattit le projetdeloi
de septennalité, et surtout le renou-
vellement intégral de la chambre des
députés. Dans la séance du 17 fé-
vrier 182'), lors de la discussion de
la loi du sacrilège, il appuya l'a-
mendement du comte de la Villegon-
tier, tendant à renfermer les profa-
Dateurs comme insensés ; et dans la
séance du 11 avril il parla pour l'in-
demnité des émigrés. Serre de Saint-
Roman avait été nommé, par ordon-
nance royale du 21 mars 1821, colo-
,nel de la 8^ légion de la garde natio-
SER
nale de Paris; il était aussi maire de
la commune de Villejuif. Ayant formé
un majorât, il obtint en 1829 des
lettres-patentes de pairie héréditaire,
du titre de comte. Après la révolu-
tion de 1830, il cessa de siéger à la
ciiambre, refusa de prêter sermcrit
au nouveau gouvernement, et en in-
forma par une lettre M. Pasquier,
président, à la famille duquel il était
allié, madamePasquierélant sa tante.
Rcntréainsi dans la vie privée, ilcon-
tiuua cependant d'écrire sur des ma-
tières politiques et de droit social. Il
mourut le 25 avril 1843. Il s'était
marié en émigration avec M"« Le Re-
bours, dont le père, président au par-
lement de Paris, avait péri sous le
règne de la Terreur {voy. Rebours,
XXXVlIi207). Devenu veuf, il épousa
M''-^ de ïinteniac, et, n'ayant point
de fils, il maria une de ses filles avec
un parent de son nom, qui à ce litre
est propriétaire de la terre de IMéré-
ville en Beauce. Serre de Saint-Ro-
man était un homme de cœur, d'hon-
neur et de capacité en plus d'un
genre. On a de lui : I. Discours
prononcé à Vouverture de la ses-
sion du collège électoral de V Allier,
le 22 août 1815, Paris, 1815. in-8".
IL Réclamation faite le 20 sep-
tembre 1817, dans la seizième sec-
tion du collège électoral du départe-
ment delà Seine, Paris, 1817, in-8".
111. Réfutation de Montesquieu sur
la balance des pouvoirs , et aperçus
divers sur plusieurs questions de
droit public, 1817, iii-8'\ IV. Sur le
faux et absurde système de la sou-
veraineté du peuple, en réponse à
l'article inséré pages 488 et suiv. de
laCllMivraisonde la Minerve, Paris,
1820, in-8o. V. Le^rfs faisant suite
à di^ux articles insérés dans les 73® et
74^ liv. du Conservateur, sur le faux
et absurde système de la souverai-
SER
neté du peuple, Paris, 1820, iti-8o.
VI. Suite de la correspondance de
M. de Saint-Roman et de M.Masuyer,
sur la souveraineté du peuple, Paris,
1821, iu-Sf. VII. Poésies dramati-
ques d'un émigré {Louis XVI ; An-
tigone, fille d'OEdipe ; Radasmane,
prince des Parthes; Arsinoé, ou
l'Ambitieuse accusatrice , tragédies
eu cinq actes), Paris, 1823, in-S».
VIll. Extrait d'un ouvrage intitule:
Essai sur la nécessité de reprendre
les sciences par leur commencemenlj
et de les réasseoir sur leurs vraies
bases, Paris, 1832, in-8°. C'est un
fragment du système métaphysique
de l'auteur (chapitre 111, Aperçus
mathématiques). IX. Lettres de M M.
de Saint-Roman et de Cormenin, sur
la souveraineté du peuple .^ Paris,
1832, iu-8». X (avec M. Rédarès).
Lettres sur la patrie, la légitimité
et la souveraineté du peuple, Paris,
1835, in-8°. L— p— B.
SERRE (Piebre-François-Her-
cuLE, comte de), homme d'État qui
joua un grand rôle durant la première
période de la Restauration et dont la
renommée parlementaire fut plus
encore le résultat d'un beau talent
oratoire que d'idées politiques fixes
et bien arrêiées, naquit àPagny-sous-
Préuy, près de Pont-à-Mousson, le
12 mars 1776(1). 11 appartenait à une
famille originaire du comtat d'Avi-
gnon, établie depuis long-temps en
Lorraine , qui fut anoblie dans le
(i) Plusieurs biographes le fonl naître à
Metz ; mais c'est une erreur répétée en der-
nier lieu dans Vlsographii des hommes eélè-
tr« (a8^ livraison, in-4°), qui rej)orte la
date de sa naissance à l'année 1777. Un de
ses ancêtres , bourgeois de Nancy , fut apo-
tbicaire, mais son bisaïeul fut conseiller au
parlement de Nancy, et a laissé un Recueil
des arrêts notables rendus par cette compa-
gnie, in-fol. Cet ouvrage, resté manuscrit,
existe en copie daus plusieurs bibliothèque».
SER
13S
XVn« siècle par les ducs Charles et
Henri , et donna à cette province des
magistrats distingués. Son père, an-
cien officier de cavalerie, le destina
dès l'enfance à la carrière des armes,
et il s'y préparait à l'École d'artille-
rie de Metz lorsque la révolution
commença. Ayant émigré presque
aussitôt, il fit partie, malgré son
jeune âge, de l'armée des princes, lors
de sa formation, en qualité de chas-
seur noble. Il s'y conduisit en brave
gentilhomme et parvint au grade de
lieutenant dans la légion de Mira-
beau , où un de ses oncles avait un
commandement. En 1801, profitant
de la facilité ({n'avaient les émigrés
de se faire rayer de la liste, il rentra
en France et renonça à l'état mili-
taire, soit qu'il ne voulût pas consa-
crer son épée au service d'une cause
qu'il avait combattue, soit qu'il
sentît que là n'était pas sa véritable
vocation. Ses études ayant été né-
gligées, il résolut de les complé-
ter afin de se faire recevoir avocat;
la persévérance qu'il mit à cette rude
tâche le rendit capable, en moins de
quelques années, de passer avec suc-
cès ses examens. De Serre, en quit-
tant le parti des armes pour le bar-
reau, avait fait preuve d'une grande
flexibilitédans ses penchants, mais en
même temps d'une facilité extraor-
dinaire pour apprendre; il eu avait
donné précédemment un autre exem-
ple remarquable. Lorsqu'il servait en
Allemagne dans l'armée des princes,
il ignorait la langue du pays. Ayant
conçu un sentiment fort tendre
pour une jeune personne, il éprouva
le besoin de le lui exprimer. Il se
mit donc à étudier jour et nuit l'i-
diome tudesque, et en très-peu de
temps il parvint à se faire entendre
de celle qu'il aimait.— De Serre dé-
buta au barreau de Metz ,etleretea-
134
SER
tissement qu'obtinrent plusieurs de
ses plaidoyers le plaça parmi les
avocats les plus renommés de cette
ville. Sa réputation s'étendit à ce
point, qu'en 1811, lors de l'organi-
sation des tribunaux, Napoléon le
nomma avocat-général à la cour de
Metz, puis presque aussitôt, comme
il savait très-bien la langue alle-
mande, premier président de la cour
impériale de Hambourg. Dans ces
difficiles fonctions, de Serre sut. par
une éclatante justice, acquérir l'es-
time générale des populations ; on le
vit plus d'une fois résister avec fer-
meté aux exigences du despotisme
militaire ; s'il ne put empêcher les
actes tyranniques, on doit reconnaî-
tre qu'il se dévoua tout entier à les
adoucir, il demeura dans cette con-
trée jusqu'à la chute de l'empire. S'é-
lant prononce" hautement pour la
restauration, il reçut, au commence-
ment de 1815, la première prési-
dence de la cour royale de Col-
mar. A l'époque des Cent-Jours, il
déploya une énergie alors bien rare
dans les fonctionnaires publics. Au
moment même où l'on arborait le
drapeau tricolore, il fit renouveler
le serment au roi et continua de
rendre la justice en son nom. Obligé
enfin de céder à la force, il pro-
nonça solennellement la dissolu-
tion de la cour et alla rejoindre
Louis XVIII àGand. Après la seconde
restauration, il reprit sa charge de
premier président, et ne tarda pas
k être nommé député à la chambre
(le 1815. Alors s'ouvrit, pour lui une
nouvelle carrière. Partisan dévoué
de lu monarchie constitutionnelle, il
était royaliste dans le sensdeRoyer-
Collard, de Camille Jordan , etc. On
comprend que dans cette chambre si
ardente de 1815, il siégea avec la
minorité qui soutenait Je ministère.
SER
Ce fut parmi elle qu'il se posa tout
d'abord 5 ses premiers discours révé-
lèrent un véritable talent de tribune,
une supériorité de paroles peu com-
mune et aussi des principes consti-
tutionnels avancés, choses qui ne
pouvaient manquer de le faire re-
marquer. Membre de la commission
pour l'examen du projet de loi sur
les cours prévôtales, il s'en déclara
l'adversaire, et l'on put prévoir, dès
ce moment, la marche qu'il allait
suivre. Le 6 janvier 1816, il s'op-
posa aux mesures de proscription ,
et vota en faveur de l'amnistie ,
que lui-même avait proposée. H
attaqua le principe des catégories
en disant • que tout le crime des
généraux qui avaient servi Bona-
parte était de l'avoir reconnu ,
qu'après cela ils ne pouvaient plus
que lui obéir. » Ces paroles excitèrent
les plus violents murmures dans le
côté droit. Sur les indemnités, il parla
contre MM. Clausel de Coiissergues
et Hyde de Neuville. « La Charte
proscrit les confiscations, dit-il, vous
ne les rétablirez pas sous un autre
nom; que le trésor soit pauvre, mais
pur; méprisez de misérables dé-
pouilles, laissez... « Et c'est alors
qu'une voix s'écria : « Oui ! laissez
l'argent aux voleurs! » Dans la dis-
cussion sur la loi électorale, de Serre
se plaça entre le projet ministériel
et celui de la commission, parce que
l'un et l'autre tendaient à modifier
le système établi par la Charte. Le
22 avril , il combattit le rapport de
M. de Kergorlay en faveur du clergé,
et s'exprima même en termes peu
mesurés ; des murmures bruyants
vinrent l'interrompre, et, les dumi-
naiit, il s'écria : « La liberté des
discussions est détruite !... » Les cla-
meurs redoublèrent et l'on de-
manda son rappel à l'ordre. Après
SER
l'orrlonnance du 5 septembre, dont
il se montra l'un des plus chauds
admirateurs , il fut désigné par le
roi pour présider le collège électoral
du Haut-Rhin, qui le réélut député.
Il fut presque aussitôt appelé au con-
seil d'Etat, et réunit un grand nom-
bre de sulfrages pour la présidence
de la nouvelle chambre, où la mi-
norité était devenue la majorité. Ce-
pendant,comme lise trouvaiten dissi-
dence avec le ujinistèresurplusieurs
points fondamentaux de la loi élec-
torale, on lui préféra M. Pasqqier, et
lorsque celui-ci, deux mois après,
devint garde-des-sceaux , de Serre
fut appelé à le remplacer, à la condi-
tion expresse de se rapprocher du
ministère et du projet électoral. On
venait de le voir se dévouer avec
Courvoisier à la défense de la loi sur
la liberté individuelle, dont il avait
justitié les dispositions, en qualité
de rapporteur. Durant cette session,
se renfermant dans les attributions
de sa nouvelle dignité, il parut beau-
coup moins à la tribune. L'année
suivante (1817), il fut encore porté
à la présidence par le parti minis-
tériel. En prenant possession du
fauteuil, il développa une proposi-
tion relative au règlement portant
emprisonnement des députés qui
troubleraient la délibération ou
qui insulteraient leurs col lègues. Elle
fut repoussée à une grande majorité.
Comme dans la session précédente ,
de Serre ne sortit guère de son lôle
passif de président ; il le remplit
avec dignité et convenance, sans
prendre aux discussions une part
aussi active que p.ir le passé. Après
l'ouverture de la session de 1818, le
ministère Richelieu ayant donné sa
démission, de Serre dut entrer dans le
nouveau cabinet, car sa couleur était
doctrinaire. Il y reçut les sceaux ,
SER
135
laissant à M. Ravez la présidence
de la chambre, à laquelle on l'avait
une troisième fois porté candidat.
Ses premiers actes au département
de la justice sont empreints de
ce libéralisme qui fit tant de mal à
la restauration. C'est dans ce sens
qu'il remania le conseil d'État et
qu'il en exclut les plus ardents roya-
listes; puis vint le tour de la magis-
trat ure, et les cours royales furent en
partie composées de conseillers qui
avaient siégé dans les Cent-Jours,
tandis que les royalistes étaient éloi-
gnés. On ne peut s'expliquer une
tell^ conduite que par l'aveuglement
qui présidait à toutes les opérations
du ministère Dessolles; et l'on s'é-
tonne qu'un esprit aussi éclairé que
de Serre ait pu s'associer à un systè-
me aussi évidemment destructif de la
monarchie, avec la prétention de la
sauver. 11 s'aperçut un peu plus tard
de la fausse route qu'il avait suivie.
L'histoire, malgré tout le repentir
qu'il manifesta, ne doit pas moins lui
en adresser le reproche, parce qu'il
contribua à entraîner la restauration
dans une voie qui devait la perdre.
Cependant, personne ne portait à un
plus haut degré l'amour du roi et
de la monarchie. Le premier projet
qu'il présenta à la chambre fut la
loi sur la responsabilité minislé-
rielle, dont il développa les motifs
avec son éloquence habituelle ; puis
vinrent trois autres projets sur la
répression des délits de la presse ,
œuvre de MM, de Serre, Royer-Col-
lard , Guizot et de cette fraction doc-
trinaire qui se jetait dans des princi-
pes trop absol us pour être praticables.
Le garde-iies-sceaiix en exposa la
théorie avec une grande clarté, et
les opinions qu'il proclamait lui ac-
quirent promptement une certaine
renommée dans le parti libéral. Lors
136
SER
de la discussion de ces lois, de Serre
déploya une abondance de paroles
extraordinaire; dans une même
séance, il monta jusqu'à dix fois à
la tribune. C'est dans cette sorte de
fougue oratoire, que, se laissant
emporter, il s'écria : « Oui ! quelque
désastreux qu'ait été le résultat des
travaux de nos premières assemblées
délibérantes, la majorité fui toujours
bonne. » — « Quoi ! même la Conven-
tion l dit alors Labourdonnaye avec
unadmirablek-propos. — «Oui, même
la Convention , jusqu'à un certain
point, reprit de Serre; si elle n'avait
pas votésous lespoignards, la France
n'aurait pas eu àgéiuir du plus épou-
vantable des crimes. » A partir de ce
moment, de Serre, flatté, caressé
par l'opinion libérale , qui espérait
l'entraîner à des concessions nou-
velles, reçut chaque matin l'en-
cens des feuilles de la gauche.
En revanche, les royalistes l'at-
t.iquèrent, et la cour, Monsieur
surtout, lui gardèrent rancune de son
doge de la Convention. Dans cette
position que devait faire de Serre?
aller jusqu'auboutetse jeter à corps
perdu dans l'opposition? Il n'en
avait ni la pensée ni la volonté, et
on peut même dire qu'il fut uninstant
effrayé de la popularité qui l'entou-
rait. 11 n'en jouit pas long-temps, heu-
reusement pour lui; tout à coup, elle
se changea en vives attaques à l'oc-
casion de son fameux mot : Jamais !
La chambre avait reçu des pétitions
pour le rappel des bannis, sans dis-
tinction \ la gauche les soutenait de
toutes ses forces ; de Serre sentit
que c'était nn moyen de rompre avec
elle, et d'ailleurs pouvait-il approu-
ver une clémence qui s'étendait même
à la famille Bonaparte, alors si dange-
reuse encore pour les Bourbons? 11
demanda l'ordre du Jour, et soit
SER
qu'il voulût se poser sur un terrain
opposé à celni où il s'était tenu jus-
qu'alors, soit qu'il désirât manifester
le changement qui allait s'opérer
dans sa ligne politique, il prononça
ces paroles mémorables : » Les exilés
temporaires peuvent encore espérer
de revoir le sol de la patrie ; les ré-
gicides Jamais l ' Ces deux mots pro-
duisirent un revirement subit d'o-
pinion contre de Serre; autant les
libéraux l'avaient loué, autant ils
l'attaquèrent. Leur presse s'empara
de ces expressions,elle les commenta,
et le ministère, n'ayant vu qu'avec
peine un de ses membres aller si
loin, lit ajouter dans le Moniteur^
après le moi jamais : « Sauf la tolé-
rance accordée par la clémence du
roi à l'âge et aux infirmités. • Ceci
changeait le sens trop absolu de la
pensée du garde-des-sceaux ; mais le
coup n'en était pas moins porté, et
l'on savait bien que de Serre n'avait
pas prononcé ces dernières paroles.
Alors il se sépara des autres mi-
nistres et forma avec Portai une op-
position dans le conseil, il vit donc
avec joie le renouvellement que subit
le cabinet, le 19 novembre 1819,
où le portefeuille de la justice resta
dans ses mains. Lors des troubles de
la capitale en 1820, il eut à ré-
pondre aux vives interpellations
de toute la gauche , et il le fit
avec un talent véritablement su-
périeur, dénonçant comme un mo-
tif des troubles les violentes ha-
rangues des orateurs de l'opposition.
Ses discours des 5, 6, 7 et 8 juin fu-
rent reproduits dans fous les jour-
nauxde l'opposition parordre del'au-
torité (2); dans un de ces discours, il
(2) On les trouve réunis dans un écrit
intitule : Histoire de la première quinzaine de
juin 1820, par M, Reymondin <iv Bex; Pa-
ri», ia-80. ^
SER
avaitdit: «Lauatioiijdansvotre iens,
c'est l'insurrection C'est c ^mme
cela qu'on l'entendait dans le cours
delà révolution, c'est comme cela
qu'on voudrait encore le faire en-
tendre aujourd'hui. Quand une in-
surrection s'est portée aux derniers
excès, qu'elle a renversé les pouvoirs
existants , elle cesse d'être regardée
comme insurrection par ceux qui
s'empressent de succéder au pouvoir.
Us l'appellent alors la volonté de la
nation !» Il y avait loin de ces paroles
à celles que de Serre avait prononcées
sur la Convention. Les temps étaient
changés, il marchait maintenant avec
l'extrême droite. Les luttes si vives
qu'il avait soutenues à la tribune
ayant affaibli sa santé, il fut obligé
d'aller respirer l'air du midi, lais-
sant à Siméon {voy. ce nom, dans
ce volume), nommé sous-secrétaire
d'État, tout le poids de la politi-
que et de l'administration. C'est
à Nice que de Serre apprit l'as-
sassinat du duc de Berry, qui lui
fit faire de sérieuses réflexions sur le
danger des idées libérales. Lorsque
se forma le ministère Richelieu, on
lui écrivit pour le presser de con-
server son poste; il y consentit et se
hâta de revenir avec le dessein ar-
rêté de mettre un frein à l'anarchie
et à l'esprit démocratique. L'adresse
de la session de 1822, rédigée par
Royer-Collard , mécontent de sa ré-
cente exclusion du conseil d'État et
de celle de ses amis les doctrinaires,
fut plus qu'un acte d'opposition,
comme on sait; elle attaquait le mo-
narque. De Serre prépara la réponse
du roi à la dépulation de la chambre,
réponse conçue en termes fermes et
qui laissait même supposer une dis-
solution qu'on n'osa pas. On se con-
tenta de deux projets de loi ; l'un
niodiliaut la législation sur la presse,
SER
isr
augmentant la pénalité et punissant
surtout l'outrage à la religion ; l'au-
tre demandant la censure quinquen-
nale. Le garde-des-sceaux les présenta
à la chambre, et l'exposé de ses mo-
tifs, tout en défendant le jury pour les
délits de la presse, justitiait la né-
cessité de la censure et en proposait
la continuation jusqu'en 1826. H di-
sait : « On doit reconnaître que la
presse périodique est éminemment
démocratique ; chaque journal rallie
ce qu'il y a de révolutionnaires in-
curables, de jeunes gens séduits;
chaque journal fonde un club, et ces
clubs affiliés couvrent le royaume
d'une organisation parallèle à l'admi-
nistration publique et toute prête à
la renverser. Les mesures nécessai-
res pour un tel état de choses doivent
embrasser une certaine période de
temps ; d'ailleurs la durée d'une
mesure nécessaire ajoute à la sécu-
rité qu'elle doit inspirer. » Quelques
jours après je ministère Richelieu
succomba (ti nov. 1821); M. de
Villèle n'était pas éloigné de laisser
les sceaux à de Serre, mais celui-
ci, par point d'honneur, ne crut pas
devoir accepter, et il se retira avec
ses collègues; tous furent nommés
pairs de France et ministres d'État;
seul, il ne reçut que ce dernier titre
avec celui de comte, et continua de
siéger dans la chambre des députés.
Il y tenta même de réunir autour de
sa personne une certaine fraction du
centre droit; mais il ne fut pas réélu,
et cette déception avança de beau-
coup le terme de sa vie ; on a dit
qu'il ne payait pas assez d'impôts
pour être éligible. Le roi lui confia
alors une mission temporaire au con-
grès de Vérone et l'ambassade de
Naples. Il arriva dans cette ville à la
tin de 1822 ; bientôt atteint d'une
maladie niorlelle , il expira à Caste!-
138
SER
lamare le 21 juillet 1824. Depuis sa
sortie de la chambre , de Serre se
plaignait surtout de l'ingratitude de
ses anciens amis, dont les senti-
ments pour lui s'e'taient refroiilis
quand il avait quitté le ministère, et
qui ne firent aticune tentative pour
obtenir saréélection, qu'il désirait vi-
vement. C'est ainsi que de nos jours
nous avons vu un autre de ses com-
patriotes , envoyd comme ambassa-
deur à Naples (M. Bresson) , terminer
par le suicide une mission qu'il re-
gardait ciimjne un exil. Les funé-
railles de de Serre se firent avec gran-
de pompe, et la cour de Naples lui
rendit des honneurs inusités. Son
corps fut rapporté en France. 11 était
cordon-bleu et commandeur de la
Légion - d'Honneur ; Louis XVIII
était le parrain d'un de ses enfants ,
et le duc et la duchesse de Berry,
ainsi que le roi et lareinede Naples,
avaient tenu ses deux autres sur les
fonts de baptême. Charles X donna
à sa veuve une pension de 15,000 fr.
On sait que de Serre était très-tier
de sa croix de Saint-Louis et qu'il
l'étalaif sur sa simarre de préférence
au cordon-bleu. Il avait des préten-
tions assez mal fondées au jeu de
billard, et même ii la danse, comme
à l'escrime et à l'équitatiou. Doué de
toutes les vertus domestiques, il ché-
rissait sa femme, ses enfants, et avait
le plus grand respect pour son père
et sa mère. Son père était un de ces
ardents royalistes à qui Louis XVIII
lui -même avait donné le non» d'uifra*.
Il venait souvent faire à son tils des
scènes dont la conclusion était : Tu
seras pendu si tu ne fais pas pendre
tous les libéraux. Un jour qu'il y
avait nombreuse compagnie à la
chancellerie, M de Serre, le père,
arrivé eu fiacre dans le costume le
plus grotesque, entre en se faisant
SER
annoncer : le père de sonExcellence!
va droit à son (ils et lui tient ses
discours habitut>ls. Le garde-des-
sceaux, contenant l'auditoire par un
regard sévère, l'écoute avec les mar-
ques d'un profond respect., donne or-
dre de faire avancer sa propre voi-
ture, oflre le bras à son père et le
reconduit lui-même à ta rue BufFault,
où il demeurait. On pourrait ajouter
un grand nombre de traits sembla-
bles sur M. de Serre père ; mais
on sait qu'il était sujet à des aber-
rations d'esprit. Une espèce de parc
ridicule qu'il avait fait planter à
Pagny-sur-Moselle portait le nom
de Folie-De-Serre. De 1805 à 1808,
de Serre a publié, comme avocat,
sept mémoires dans des causes
judiciaires ; on a de lui, comme dé-
puté et ministre, un grand nombre
de discours imprimés, dont l'énumé-
ration serait inutile et trop longue.
Le Moniteur, qui a toujours eu peu
d'égards pour les puissances déchues,
n'a consacré aucune notice à sa mé-
moire; le Drapeau blanc a été plus
généreux ; on y a lu une rrotice très-
bien faite de M. le baron d'Ecksteiu.
Nous citerons encore l'article nécro-
logique de ['Annuaire de M. Mahul
(1824 , p. 282-93 ) , où l'on remarque
une tirade bien louchante sur les
palinodies de l'ancien garde - des -
sceaux C — e— n et L— m — x.
SERRÉ de Rieux (J. de), littéra-
teur français du XVIU^ siècle, était
conseiller au parlement. Retiré dans
sa terre de Rieux , près de Beauvais,
il continua de cultiver la musique et
la poésie , qui avaient fait le charme
de la première moitié de sa vie. Outre
une épîlre sur la Musique el laNou-
velle chasse au Cer/, divertissement,
ou a de lui, sous le voile de l'anony-
me : I. La Musique, poème en quatre
chants, Amsterdam, 1714, in-12;
SER
SER
139
Lyon, 1717, in-i"; La Haye, 1737,
m 12. Cubièreà de Palmezeaux, à la
suite, (le son Êpître à Gresset (1812),
lit réimprimer le poème de la Mu-
sique et lin autre (1), qu'il donna
faussement comme des ouvrages iné-
dits de Gresset {voy. Cubières,
LXI, 572^. II, Apollon, ou l'Origine
des spectacles en musique^ poème,
Paris, 1733, in-S", avec fig. III. Les
Dons des enfants de Latone, la Mu-
sique et la Chasse au Cerf^ poèmes.
Pans, 1733, in-S", avec fig. et musi-
que gravée-, nouv. édit. augmen-
tée, 1734. Serré a traduit de l'i-
talien en français un roman de
J.-A. Marini {voy. ce nom, XXVII,
167), sons ce titre : Les Désespérés,
histoire héroïque, Paris, 1732, 3 vol.
in-12. Cette traduction se trouve
aussi dans la Bibliothèque de Cam-
pagne, dont elle forme le tome XX,
et Poinsinet de Sivry en a donné un
extrait dans la Bibliothèque univer-
selle des Romans, mars 1779. De-
landine a réimprimé la traduction de
Serré avec celle du Caloandre fidèle,
autre roman de Marini, par le comte
de Caylus, sous le titre de Romans
héroïques, traduits de l'italien, Lyon
et Paris, 1788, 4 vol. in-12. Enfin
Serré a traduit de l'anglais : Maxi-
mes et Réflexions morales^ en prose,
avec une traduction nouvelle en vers
de VEssai sur l'Homme de Pope
Londres (Paris), 1739, in-8o. P— rt.
SEURES (Dominique), peintre,
naquit à Auch, en Gascogne, et s'é-
tablit en Angleterre, où son talent
lui fit obtenir le titre de peintre de
marine du roi. Il fut reçu membre
(^i) Le Chitn pécheur, on le Barbet de» corde-
hers d'Etumpts, puMié, vers t^So, p.ir Hé-
rnard d'Auj(>u;)ii, et que l'on trouve ;iii.'.si
dans le tome X de la Continuation des Mé-
moires de litliratur» et d'hUtoir» de Desiuo-
de l'Académie royale de Londres,
qui, en 1792, le nomma son biblio-
thécaire. Il s'est acquis la réputation
d'un des meilleurs peintres de ma-
rine. Il a aussi exécuté quelques
paysages avec un succès presque
égal. Cet artiste mourut à Londres
en 1793, laissant un fils qui a mérité
de la réputation dans le même genre
de peinture. Z.
SEURES ( jEAN-JosÉPH),néprès
de Gap, au château de la Hoche, le 1 3
décembre 1762, se voua dès sa jeu-
nesse à l'étude des plantes et s'em-
barqua en qualité de botaniste sur les
bâtiments de l'État qui portèrent
dans l'Inde l'illustre bailli de Suf-
fren. Ayant séjourné dans ces con-
trées long-temps après que la paix
fut conclue, il y fit de nombreuses
observations sur la physique, l'his-
toire naturelle, et recueillit de pré-
cieuses collections. De retour en Fran-
ce au moment où la révolution de
1789 venait d'y éclater, il en embrassa
la cause avec beaucoup de chaleur, et
s'enrôla en 1792 dans un bataillon de
volontaires nationaux du départe-
ment des Hautes-Alpes, qui le nomma
un de ses capitaines. A peine ce corps
était-il entré en campagne pour
combattre les Piémontais, que Serres
fut élu par son département l'un des
membres de la Convention nationale.
Ce fut dans le procès de Louis XVI
qu'il se mit d'abord en évidence.
Après s'être efforcé dans un long dis-
cours d'établir par les plus faux rai-
sonnements et les plus ridicules so-
phismes que ce prince n'était |)as in-
violable, qu'il devait en consé(juence
être jugé d'après les lois contre les
assassins et les conspirateurs, il vota,
contre toute attente, de la manière la
plus courageuse et la plus sage, c'est-
à-dire pour la détention, l'appel au
peuple et le sursis à l'exécution.
140
SER
SER
S'étant ensuite rangé franchement du
parti de la Gironde, qui avait la ma-
jorité, il parla avec force contre
Maratdans la séance du 5 avril 1793,
et s'étonnant, dit-il, que cet être fût
encore au sein de la Convention na-
tionale , il demanda contre lui un
décret d'accusation. Deux jours après
il fil passer à l'ordre du jour, sur la
demande qu'avait faite le citoyen
Égalité (le duc d'Orléans), pour être
excepté, en sa qualité de député, de
la loi qui avait décidé la veille que
tous les Bourbons seraient mis en
arrestation. Dans la séance du 15 mai
suivant, Serres fit, au nom du comité
de la guerre, un rapport pour qu'une
compagnie de nègres de Saint-Domin-
gue, qui s'étaient soustraits à l'es-
clavage par la fuite et qui venaient
de faire, dit-il, fort honorablement
la campagne de la Belgique, ne fus-
sent pas envoyés dans cette colonie,
de peur, ajoutait -il, que ces es-
claves n'y rencontrent leurs an-
ciens maîtres encore tout-puissants.
La compagnie américaine ( c'était
son nom) fut en conséquence dirigée
sur un autre point. Parlant, le 26 du
même mois, au nom du même comité
et de celui de sûreté générale, il fit
absoudre le maréchal-de-camp d'Es-
tourmei, accusé d'avoir manqué à son
devoir dans la retraite des Vosges.
D'un caractère aussi indépendant que
courageux, Serres se prononça en-
suite, dans la lutte qui s'ouvrit entre
les girondms et les montagnards, de
la manière la plus franche et la plus
énergique ; provoqua son départe-
ment à la résistance contre la révolu-
tion du 31 mai, fut en conséquence
décrété d'arrestation, et ne rentra
qu'après la chute de Robespierre au
soin de la Convention, où il se 6t peu
remarquer, et ne parut pas une seule
fois à la tribune jusqu'à la bu de la
session. Alors ayant passé par le sort
au conseil des Cinq-Cents, il y pro-
fessa de plus en plus des principes
sages et modérés, notamment dans
la discussion du projet de déporta-
tion et de spoliation des nobles qui
fut présenté par Boulay de la Meur-
the Vous ne devez pas, dit-il
» dans la séance du 27 vendémiaire
» an VI (oct. 1797), prolonger indé-
» Uniment l'inquiétude générale que
» ce projet a répandue dans le public,
» non-seulement parmi les individus
» qu'on veut proscrire , mais encore
• parmi les meilleurs citoyens. Pour
• ce qui me concerne, je déclare que
» mes alarmes sont telles que j'aper-
» çois dans ce projet le développe-
» ment de la plus horrible tyrannie
» qui ait encore pesé sur les hommes.
» J'y retrouve l'organisation du sys-
» tème dépopulateur de Robespierre
» sous des formes en apparence moins
» sanguinaires, mais également meur-
» trières et cent fois plus cruelles.
■ On y découvre aussi l'exécrable
' génie fiscal de ce tyran, et l'horrible
■ terreur qui marche à sa suite. 11
» faut d'ailleurs que la France sache
» bientôt si vous voulez devenir ses
» tyrans ou rester ses mandataires
» fidèles; si elle peut compter sur la
» constitution qu'elle s'est donnée,
» ou si elle doit chercher son salut
• dans les convulsions du déses-
» poir... » Cette honorable opinion
rencontra de vives contradictions ,
surtout de la part de Chénier qui,
deux jours après , sans nommer son
collègue Serres, le désigna assez
clairement en lui reprochant d'avoir
gardé le silence avant le 18 fructidor,
«à l'époque, dit-il, où la tribune était
• livrée à de misérables écoliers5|>ar-
« tisans de la religion de leurspères,
» des cloches de leurs pères^ de toutes
» les sottises de leurs pères , et répé-
SER
SER
\H
« tant avec une confiance puérile
*(les lieux communs tellement ré-
« futés par la philosophie qu'on ne
« pourrait y répondre que par des
«lieux communs; où l'assassinat des
« républicains était traité de ven-
«geance légitime 5 où l'on défendait
«exclusivement les prêtres rebelles,
«soutiens des rois et des nobles,
« les émigrés, leurs parents presque
« tous nobles , et les colons presque
«tous nobles et pires que les nobles
«d'Europe.... Avez -vous réclamé
«alors? Vous a-t-on entendu pren-
«dre la défense de la constitution
«violée? Le sang des patriotes du
«Midi n'a pas excité votre indigna-
«tion, mais la seule proposition
«d'expulser une partie des privilé-
«giés réveille votre courage... Vous
• dénoncez comme tyrans des hom-
« mes qui ont mérité l'honorable
«haine de toutes les tyrannies....»
Indigné de cette apostrophe , Serres
courut à la tribune pour y répondre-,
mais il lui fut impossible d'obtenir
la parole. Vainement il s'écria qu'il
était inculpé, qu'il devait être en-
tendu. Dans le moment où il s'agitait
avec violence, où , de sa canne, il
brisait la tribune, des voix nombreu-
ses, étouft'ant sa voix, demandaient
qu'il fût mis à la prison de l'Abbaye,
déporté, que c'était un conspirateur.
L'assemblée néanmoins sembla hon-
teuse d'avoir accueilli un pareil pro-
jet ; elle l'ajourna indéfiniment et
n'y revint plus; ainsi le brave
Serres eut tout le succès dont il pou-
vait se flatter à cette époque. Il sor-
tit du conseil en 1799, et par con-
séquent il n'était pas présent au 18
brumaire, comme on l'a prétendu.
Peu de temps après cette révolution
il fut nommé conseiller de la préfec-
ture des Hautes-Alpes; puis sous-
préfet à Embrun , où il mourut en
1831, J.'J. Serres s'occupa beaucoup
de travaux industriels et agricoles.
11 avait formé dans son département
des établissements qui jusqu'alors
y étaient absolument ignorés , tels
qu'une fonderie, une faïencerie. Il a
publié sur ces différents sujets des
mémoires que l'on trouve dans les
recueils et les journaux scientifiques.
Un de ces écrits, Sur la suppres-
sion des jachères dans les Hautes-
Alpes^ fut couronné en 1805 par la
société d'émulation de ce départe-
ment. — Serbes (Jean-Jacques), né
à l'Ile-de-France, fut député par cette
colonie ù la Convention nationale,
en 1793, et ne siégea dans cette
assemblée qu'après le procès de
Louis XVI. Envoyé , après le 9 ther-
midor, eu qualité de commissaire
dans les départements du midi avec
Auguis {voy. ce nom, LVl, 557) , il y
déploya beaucoup d'énergie contre
les terroristes ou les partisans de Ro-
bespierre. Revenu à l'assemblée , il
y combattit encore cette faction et
concourut à faire rayer de la liste
des émigrés un grand nombre d'ha-
bitants du midi, qui avaient été
expulsés de France, en 1793, comme
fédéralistes. 11 fut ensuite membre
du conseil des Anciens, et, après le
18 brumaire, sous-préfet à Allais,
fonctions qu'il exerça jusqu'en août
1815. Il mourut quelques années
plus tard, M— Dj.
SERRIE (F.-JosEPH DE LA), lit-
térateur, né au château de la Serrie
(Vendée), près Luçon, en 1770, fit
ses études à La Rochelle, au collège
de l'Oratoire. Dès son enfance il an-
nonça du goût pour les ans et les
lettres; et, quoique sa santé fût dé-
licate, il se livra à des études lon-
gues et variées. Pendant deux ifns il
étudia la peinture sous le célèbre
Vincent. Par ses mœurs douces, son
142
SER
caractère poli et religieux, il se fit
beaucoup d'amis. Dans les tourmen-
tes de la révolution il resta paisible
à Paris, cultivant les arts et les let-
letres. Toujours libre, calme, exempt
(l'ambition, il n'accepta aucune place
des grands qui l'aimaient et le proté-
geaient. Aubert-Dubayef entre autres
l'avait mis au nombre des secrétaires
qu'il devuit emmener dans son am-
bassade à Constantinople. Ce voyage
convenait à ses goûts, à ses études
sur le beau pays de la Grèce, mais
les médecins l'en dissuadèrent à
cause de la faiblesse de sa santé.
La Serrie est bien peint dans ses
ouvrages, où l'on remarque un sen-
timent aimable, de la grâce ot sur-
tout de la bonié. Comme Gessner
et Watelet, il a orné ses produc-
tions littéraires de beaucoup de petits
sujets in-18 (plus de 120), dessinés et
gravés de sa main. Ses compairiutcs
l'ont nommé IcFlorian de la Vendée.
La Serrie est mort dans sa terre de
la Serrie le G février 1819. Il avait
épousé en 1791 mademoiselle de Vil-
las. Voici la liste de ses ouvrages :
l. Ode à l'Humanité, ou Pièces de
vers à Vordrc du jour, avec 2 gra-
vures, n9i. II. Essai sur la Litté-
rature, avec 5 gravures, 1795. III.
Essai sur la Philosophie, avec 5 gra-
vures, 1796. IV. Jephté, avec 4 gra-
vures, 1799. V. Eulalie de Rochester,
nouvelle vendéenne, avec 2 gravures,
1800. VI. Les Arts et l'Amitié, ou
Voyage sentimental du jeune comte
de Lusignan, avec 4 gravures, 1800.
VII. Lettres à Eugénie sur la pein-
ture et la sculpture des anciens, avec
4 gravures, 1801. VIII, Hommage à
mon ami, avec 4 gravures, 1802. IX.
Lettres familières et sentimentales,
avec 6 gravures, 1803. X. De la Con-
solation, ou Entretiens de Gustace
et d'Adolphe, avec 4 gravures, 1803.
SER
XI. Matins et Sylla, ou les Mal-
heurs de Rome, avec 6 grav., 1804.
XII. Lettres consolantes à un jeune
solitaire du mont Saint-Bernard ,
avec 10 gravures, 1806. XIII. Odes^
avec 12 gravures. 1806. XIV. Marie
Stuart, reine d'Ecosse, avec 10 gra-
vures, 1809. XV. Simple Histori-
que^ ou le Passage, avec 5 gravures,
1810. XVI. Tablettes pittoresques
d'un amateur, avec 8 gravures, 1812.
XVII. Ode sur les plus célèbres voya-
geurs^ etc., ou Suite à mes œuvres,
avec8gravures, IHli.WïW. Élégies,
ou Petits Dithyrambes, avec 5 gra-
vures, 1816, XIX. Cécile et Valérius,
ou les Catacombes de Rome, avec
A gravures, 1816. XX. Les Trois pe-
tites Nouvelles, précédées d'un Épi-
tre à un jeune médtcin, avec 2 gra-
vures, 1817. XXI. Les Sources du
Nil, ou l'Abyssinie, avec VÉpitre
mêlée de vers, àitesséê àmissWilhel-
mine Fox, avec 4 gravures, 1817.
XXII. Campagnes de 1816, ou Petite
Correspondance mêlée de vers, avec
4 gravures, 1818.XXIII. Pierre VHer-
Wï<fe, avec 2 gravures, 1818. On attri-
bue encore à La Serrie quelques ou-
vrages dont la date n'est pas connue,
entre autres Andorine et Isidore, ou
l'Amour conjugal, Zénobie, reine de
Palmyre, en six chants, les bardes
vendéens, etc. Au reste, tous les écrits
de cet auteur, destinés seulement à
ses amis, étaient tirés à petit nombre
et n'ont pas été livrés au commerce.
M— Dj.
SÉRULLAS (Georges-Simon),
l'un des hommes dont peut ajuste
titre s'enorgueillir le corps des ofli-
ciersde santé militaires, naquit le 2
novembre 1774 à Poncin (Ain). Un
bonmie de génie, l'illustre Bichaf, né
dans la même ville, partagea les jeux
et les premières études de son en-
fance et fut Sun condisciple au col-
SER
lëgc deNantua ; mais, séparés bientôt
par les événements, lenrs noms, de-
venus célèbres dans les sciences, ne
devaient être réunis que par la re-
connaissance de la postérité. Bichat,
jeune encore et riche de gloire, mou-
rut avant que son compatriote eût ac-
quis le moindre renom. Le père de
SéruUas était notaire ; il destinait son
fils à la même profession, et pour obéir
aux anciens usages et à la volonté
paternelle, l'enfant fit ses études dans
celte direction. Son esprit le portait
cependant vers les sciences naturel-
les, et les vagues inquiétudes qui agi-
tent l'homme au moment de choisir
une carrière le tenaient dans cette
pénible irrésolution, lorsque les évé-
nements vinrent tout à coup chan-
ger sa destinée. La guerre ayant
éclaté, il s'enrôla comme simple sol-
dat, à l'âge de dix-sept ans; l'es-
prit guerrier de l'époque tie pouvait
cependant satisfaire tous les besoins
de son cœur ; aussi le vit-on bientôt
renoncer au métier des armes, mais
le pays n'en devait pas moins compter
sur son dévouement. 11 quitta sa bri-
gade pour suivre des leçons de phar-
macie à Bourg, sous le docteur Bu-
get,ei il partit en 1793, comme phar-
macien militaire. Sa première campa-
gne eut lieu vers les Alpes; son zèle,
son caractère facile, son intelligence
remarquable le firent distinguer de
ses chefs, et surtout du pharma-
cien Laubert dont les annales fran-
çaises ont gardé le souvenir. Cet hom-
me,qui le premier entrevitles talents
de SéruUas, avait été professeur de
physique à Naples. Forcé de sortir
de cette ville a cause de ses opinions
politiques , il s'était réfugie dans
l'armée française et avait été atta-
ché à un régiment en qualité de phar-
macien-major. Laubert apprit à Sé-
ruUas la botanique, la physique et la
SER
14â
chimie; après l'avoir doté de ces pré-
cieuses connaissances, il futobligé de
quitter son élève: la guerre les sépara.
Us devaient se revoir un jour pour se
rappeler l'un et l'autre avec bonheur
ces moments si critiques de leur vie.
Après le départ de son prolecteur,
SéruUas, à peine âgé de 19 uns, fut
nommé pharmacien-major; cette nou-
velle position ne fit qu'augmenter
son penchant pour l'étude, et son
âme ardente ne pouvant, à cause des
circonstances, réaliser ses projets
scientifiques, il cherchait une com-
pensation dans la culture des beaux-
arts. Fixé momentanément en Italie,
il se livrait aux douces émotions de
la musique. Un compositeur illustre
eut occasion de remarquer avec
quelle vive sympathie l'âme du jeune
naturaliste était accessible aux idées
géiu'reiises, et lui offrit une amitié
qui fut acceptée avec reconnaissance.
Ces deux hommes de profession si
différente passèrent quelque temps
attachés l'un à l'autre par le charme
qui réunit entre elles les natures
d'élite; mais les événements militai-
res et les continuels changements de
garnison de SéruUas les eurent bien-
tôt séparés. C'est une des plus lâ-
cheuses conditions de l'état mili-
taire d'être sujets à quitter brus-
quement ceux qu'un hasard heu-
reux nous a donnés pour amis, ou
que nous avons cherchés nous-mê-
mes dans un jour de tristesse et d'a-
bandon. Les deux jeunes gens furent
plus favorisés. La fortune leur ré-
servait une bien douce conipensa-
tion; ils devaient se retrouver plus
tard conlrères à l'Institut. SéruUas
avait passé deux années en Italie et
il était en garnison à Alexandrie
lorsqu'une maladie terrible le mit
aux portes du tombeau. L'air mé-
phitique des hôpitaux lui fil con-
1'
SER
tracter le typhus ; l'épreuve fut ion-
gue,douloureuse,etle jeu ne pharma-
cien, ne comprenant que trop la gra-
vité de sa position, voyait échapper
et sa belle jeunesse et ses espérances
et sa vie, lorsque l'amour vint l'ar-
racher à la mort et lui montrer
une existence nouvelle. Pendant
ses heures de souffrance le malade
avait reçu lessoins les plus affectueux
d'une veuve italienne dans la maison
de laquelle il était logé ; cette tendre
sollicitude l'avait touché, et en re-
venant à la vie, alors que tout paraît
si enchanteur, il se prit k aimer
cette femme qui lui faisait si douces
les premières émotions de la conva-
lescence. La jeunesse aidée par l'a-
mour rendit SéruUas à ses travaux
et à sa future épouse. En lisant le
récit de ces petits événements du
dernier siècle, et sans dépenser beau-
coup d'imagination, on croit entre-
voir une jeune et jolie patricienne
de l'Italie devenue amoureuse d'un
officier de santé de l'armée républi-
caine, et disposée à partager avec lui
toutes les chances de sa vie aventu-
reuse. La réalité nous apprend que
SéruUas, à peine âgé de 21 ans, épou-
sa une veuve qui en avait 30 et dont
la laideur était incontestable. Cette
femme, peu douce de sa nature et iné-
gale de caractère, troubla souvent
«on repos, dit un biographe (1),
sans qu'il lui retirât sa tendresse.
Elle était cependant douée de toutes
les qualités morales qui constituent
la bonne et vertueuse épouse ; et ,
malgré la différence d'âge, il est à
croire qu'elle rendit à SéruUas l'exis-
tence heureuse, puisque bien des an-
nées après (1826), il ressentit un pro-
fond chagrin de sa mort et fut long-
(i) M. BrauU, membre du conseil de
(anté.
SER
temps inconsolable. Lorsque Napo-
léon , pour ruiner le commerce
anglais, décréta le blocus continen-
tal par suite duquel les denrées co-
loniales et particulièrement le su-
cre ne devaient plus avoir de débou-
chés en Europe, l'illustre Parmentier
proposa au ministre de la guerre de
remplacer le sucre par le sirop de
raisin, et SéruUas fut chargé d'en
préparer des quantités énormes qui
suffirent pendant plusieurs années
à la consommation des hôpitaux d'I-
talie. Le ministre de la guerre témoi-
gna par une lettre flatteuse au phar-
macien-major toute sa satisfaction.
Une circonstance plus éclatante en-
core fournit à celui-ci l'occasion
d'obtenir de nouveaux encourage-
ments. On avait donné pour sujet de
concours le moyen d'extraire la ma-
tière sucrée contenue dans les végé-
taux indigènes. SéruUas présenta
deux mémoires. L'un fut couronné
en 1810 par la société d'agricullifre
du département de la Seine , l'autre
en 1813 par la société de pharma-
cie de Paris. Nommé au grade de
principal, il fit partie du corps d'ar-
mée de Ney qu'il suivit en Allema-
gne, en Pologne et en Russie. Il
assista en 1814 à nos derniers dé-
sastres, et son cœur généreux dut
gémir des maux qu'endurait sa pa-
trie. Sous la restauration , victi-
me d'une injustice, il descendit de
grade, et fut placé comme subor-
donné à l'hôpital militaire d'instruc-
tion de Metz; mais le conseil de santé
des armées qui, alors comme aujour-
d'hui, savait apprécier le vrai mérite,
obtint pour lui du ministre de la
guerre le titre de pharmacien en chef
et de premier professeur. Personne
n'était plus digne d'occuper uns place
aussi honorable. Le nouveau profes-
seur avait de grandes difficultés à
SER
vaincre ; pendant le cours de ses cam-
pagnes, il lui avait é(é impossible de
suivre les progrès de la science; le
temps avait amené d'importantes dé-
couvertes, pour la chimie surtout, qui
était enfin sortie du chaos informe
quenousavaient légué les alchimistes
du moyen âge. Sérullas, à l'âge dequa-
rante-deux ans, se remet à étudier les
mathématiques et le grec indispensa-
bles à ses nouvelles fonctions. C'est à
cette époque que commence la se-
conde partie de son existence, trop
courte hélas! pour les sciences et l'hu-
manité. Il entreprend à Metz un cours
public de chimie auquel assistent les
officiers du génie et de l'artillerie
sortant de l'École polytechnique. Son
zèle est infatigable ; les jours et les
nuits s'écoulent dans l'étude; il pré-
pare lui-même toutes les expériences
nécessaires à ses démonstrations, et,
pour nous servir de ses paroles, <■ il
<• fait lui-même les dispositions ma-
« térielles de ses leçons. » Ses audi-
teurs sont charmés de sa manière
heureuse de présenter l'état de la
science ; ils admirent la modestie de
ce savant qui s'efface pour faire va-
loir ses contemporains. En 1817, Sé-
rullas publie, dans le recueil des Mé-
moires de médecine, chirurgie et
pharmacie militaires, un travail sur
la conversion du sirop de raisin en
alcool, ei un mémoire sur les fumiga-
f/onsc/i/ongues, En 1820, sousletitre
d'Observations physico- chimiques
sur les alliages du potassium et du
sodium avec d'autres métaux^ il don-
ne des détails curieux sur ces métaux.
Passant à l'étude de l'antimoine, il
fait connaître que toutes les prépara-
tions antimoniales , excepté l'éméti-
que, renferment de l'arsenic. Sous le
nom de carbure d'antimoine , il dé-
signe un corps obtenu en chauffant
en vase clos avec du charbon une
LXXXII.
SRH
Î4'.
certaine quantité d'cmétique. Cette
nouvelle substance, très -délicate
à manier, prend feu par une seule
goutte d'eau. Il indique les moyens
de s'en servir pour enflammer, sous
l'eau, la poudre à canon. Ses beaux
travaux sur la formation de l'éther
sulfurique, sur les composés de bro-
me, d'iode, de cyanogène, attirent sur
lui les regards du monde savant; il
découvre le perchlorure de cyano-
gène cristallisant en prismes d'un
blanc éclatant et dont les propriétés
vénéneuses sont extrêmement redou-
tables.Sérullas,au milieu de son labo-
ratoire, est exposé, dans beaucoup de
circonstances , à perdre la vie ; car
ses recherches se portent sur des sub-
stances qui n'existent pas encore,
mais que son génie sait prévoir ; sub-
stances dont les émanations peuvent
être mortelles. L'habile professeur,
les mains et le visage couverts de ci-
catrices, n'en continue pas moins ses
travaux avec passion. S'il regrette
de n'êfre pas riche, c'est seulement
parce qu'il ne peut satisfaire ses pen-
chants pour la chimie et se montrer
assez libéral, selon lui, pour l'in-
digence qui vient solliciter ses se-
cours. Pendant les années qui sui-
virent, Sérullas marcha de décou-
vertes en découvertes et éveilla l'at-
tention de tous les chimistes de l'Eu-
rope. Nommé en 1825 membre de
l'Académie royale de médecine, il fut
appelé l'année suivante au Val-de-
Grâce , comme pharmacien en chef
et premier professeur. Cet avance-
ment était la digne récompense de ses
services. En 1829, Sérullas fut le suc-
cesseurdeVauquelinà rinslitut(Aca-
démie des sciences). Cette haute po-
sition scientifique et le titre d'officier
de la Légion -d'Honneur ne furent
point un motif pour lui de se reposer.
L'annéesuivante, il dirigea sesétudes
10
146
SER
sur l'action réciproque de l'acide io-
dique et des sels de morphine. 11 dé-
montra que les plus petites quantités
de morphine ou d'un de ses sels étant
dissoutes dans une quantitéd'eausept
cents fois plus considérable , si l'on
verse quelques gouttes d'acide iodi-
que, la liqueur prend aussitôt une
couleur rouge -brun et exhale une
odeur d'iode très-sensible. Celte dé-
couverte est bien précieuse pour la
médecine légale, car elle permet de re-
connaître les empoisonnements cau-
sés par la morphine, les autres alca-
lis ve'gétaux n'ayant pas la même
propriété. La robuste constitution de
Sérullas n'avait pu résister à tant de
travaux; ses organes digestifs avaient
Uni par s'altérer au milieu des gaz
qui s'échappaient de son laboratoire.
Cet homme, dont la vie tout entière
s'était passée à instruire ses sembla-
bles ou à les soulager, dont la maxime
favorite était : Travailler toujours
et faire le plus de bien possible, cet
homme oubliait sasanté. Une maladie
chronique des voies digestives l'af-
faiblit peu à peu. A son humeur en-
jouée succéda une tristesse profonde,
elle 11 avril 1832, quand il annonça
•A la société de pharmacie de Paris la
mort de Gros-Lambert, une des vic-
times du choléra , ce fut avec un dou-
loureux pressentiment qu'il fit l'é-
loge des qualités morales du défunt.
La chaire de chimie générale, va-
cante par le décès du professeur Lau-
gier, devait être donnée à Sérullas.
11 allait voir enfin se réaliser le vœu
le plus cher de sa noble ambition, il
allait occuper une des chaires les plus
importantes de l'Europe, quand il sen-
tit les premières atteintes d'une ma-
ladie mortelle aux funérailles deCu-
vier. Le grand naturaliste, victime de
l'épidémie qui ravageait alors la ca-
pitale , était pieusement conduit au
SER
louibcau par la foule silencieuse i\e>
savants qui l'avaient si souvent ad-
miré. Sérullas, triste et pensif, ac-
compagnait le deuil et se sentait fai-
blir lui-même sous l'action du Céau
qui n'avait pas respecté l'illustre Cu-
vier. 11 lutta neuf jours contre les
angoisses de la mort, ne s'abusanl
nullement sur sa fin prochaine et
donnant jusque dans ses dernières
heures des marques touchantes de sa
bonté naturelle. Il mourut le 25 mai
1832 et fut inhumé près de Cuvier
avec lequel il avait été uni par les
liens d'une vive amitié. Séiullas ,
comme Buffon, aimait la science pour
elle-même ; le travail fut la joie et la
consolation de toute sa vie. Au mi-
lieu des hasards de son existence
aventureuse et des distractions for-
cées de la première moitié de sa Ion
gue carrière, il sut, malgré les préoc-
cupations continuelles de sa posi-
tion , poursuivre avec persévérance
les idées scientifiques de sa jeunesse.
Il s'était créé une sorte d'atmosphère
studieuse, espèce de sanctuaire dans
lequel il s'était réfugié contre les vi-
cissitudes et les déceptions de la vie.
Loin des grandes académies, privé
des ressources nécessaires aux étu-
des spéciales qui l'occupaient, obligé
de se déplacer sans cesse, il sem-
ble , en lisant son histoire, qu'il
ait passé vingt années de sa vie à
chercher à travers l'Europe les docu-
ments qui furent plus tard la base de
ses découvertes. Travailleur obscur
et modeste, il rendit de grands ser-
vices dans l'humbie position où l'a-
vait placé la fortune. Cet homme de
bien , dont toute la vie fut si active
et si utile , mourut pauvre. 11 peut
être considéré comme le type de l'ho-
norable corps auquel il appartenait,
et dont les services constants et dés-
intéressés passent souvent presque
SER
inaperçuSjComme ces bienfaits qu'une
philanthropie discrète répand loin de
la foule avec la tranquillité d'une
conscience heureuse. Dans les pre-
miers jours de cette année, une voix
généreuse et sympathique (1 ) s'est fait
entendre comme un écho plaintif en
faveur des officiers de santé mili-
taires. Une commission spéciale a
été formée, et s'occupe en ce mo-
ment d'un travail destiné à appeler
l'intérêt de la République naissante
sur le corps des médecins de l'armée.
SéruIIas a laissé : I. Observations
physico-chimiques sur les alliages du
potassium et du sodium avec d''autres
métaux , antimoine arsenical dans
le commerce, 1820. 11. Second mé-
moire sur le même sujet, 1821. III.
Du charbon fulminant, 1821. IV.
Notes sur Vhydriodate de potasse,
1822. V. Moyen d'enflammer la pou-
dre sous l'eau,i822.Yl. Sur Viodure
de carbone, 1823. VU. Nouveau
composé d'iode, d'azote et de carbo-
ne ou cyanure d'iode, 1824. VIII. Sur
la combinaison du chlore et du cya-
nogène^ 1827. IX. Nouveaux com-
posés de brome, 1827. X. Lettre con-
cernant la notice historique publiée
par M. Davy , sur les phénomènes
électro - chimiques , 1827. XI. Nou-
veau composé de brome et de carbone,
1827 .XU.Nouveau composé dechlore
et de cyanogène, 1828. XllI. Bro-
mures d'arsenic et de bismuth, 1829.
XIV. De l'action de Vacide sulfuri-
que sur l'alcool^ 1829. XV. Analyse
succincte des travaux de M. Sérullas,
1829. XVI. Séparation du chlore et
du brome dans un mélange de chlo-
rure et de bromure alcalins. XVII.
Recherches sur quelques composés
(l) De la nécessité de constituer le caps
des officiers de santé dans l'armée, parle co-
loaei Cerfberr,
SER
147
d'iode, 1830. XVIII. Action de diffé-
rents acides «wr l'iodate neutre de
potasse, 1830. XIX. Mémoire sur
les chlorures d'iode^ 1830. XX. Sur
l'acide perchlorique, 1831. XXI. Sur
Vacide oxichlorique ou perchlori-
que ^transformation du chlorate de
potasse en oxichlorate de la même
base, 1831. Tous les opuscules de
Sérullas ont été insérés dans des re-
cueils scientifiques, tels que les An-
nales de physique et de chimie, les
Mémoires de l'Académie des Scien-
ces, etc., et plusieurs ont été impri-
més séparément. L— D— É.
SÉRUZIER (Jeax-Joseph-Théo-
doee), colonel d'artillerie, né le 22
mars 1769, k Charmes (Aisne), lils
d'un laboureur qui avait fait comme
grenadier toutes les campagnes d'Ha-
novre, conçut dès l'enfance, par les
récits de son père auxquels il était
très-attentif, un goût fort vif pour la
carrière des armes. A l'âge de qua-
torze ans il s'engagea dans un régi-
ment d'artillerie où il était sous-offi-
cier lorsque la révolution commença.
Il en embrassa la cause avec beaucoup
d'ardeur et devint bientôt officier.
Ayant fait successivement dans diffé-
rentes armées les campagnes decette
époque, il parvint au grade de colo-
nel. Napoléon, qui fut témoin de son
habileté à Wagram, où l'artillerie
joua un si beau rôle, le fit baron aus-
sitôt après, puis commandeur de la
Légion-d'Honneur avec une bonne
dotation, ce qui ajouta beaucoup à
son dévouement pour la personne de
l'empereur. Ce ne fut en conséquence
qu'avec une peine extrême qu'il vit
sa chute en 1814. Cependant il fit
comme les autres sa soumission au
gouvernement de la restauration ,
mais il ne cessa pas de soupirer après
le retour de son ancien maître, et prit
part en 1815 à quelques intrigues et
10.
148
SER
complots qui tendaient à lui rendre
le pouvoir. Arrêté pour cela peu de
temps après le second retour du roi,
il fut traduit à la cour prévôtale du
département de l'Aisne et détenu
pendant plusieurs mois dans les pri-
sons de Laon. Ayant eniin été ac-
quitté, il se retira à Château-Thierry
où il mourut le 11 mai 1825. On a
publié sous son nom en 1823 des
Mémoires dont s(?n ami M. Lemière
de Corvey s'est reconnu l'auteur.
C'est une apologie sans mesure de
son courage qui était incontestable,
mais que lui-même n'aurait pas tant
vanté, car il était très-modeste com-
me le sont tous les vrais braves. Les
éloges prodigués à Napoléon n'y sont
pas moins exagérés. Dans son Ma-
nuel historique du département de
l'Aisne, Devisme a consacré une no-
lice à son compatriote. M — d j.
SEUVAN DE SUGNY (Pierhe-
François-Jules) (1) était né à Lyon
le 24 déc. 1796 d'une famille dérobe
et aussi d'épée. Un de ses parents
fut célèbre comme avocat-général du
parlement de Grenoble ; un autre fut
ministre de la guerre à une des épo-
ques les plus remarquables de nos
troubles politiques {voy. leurs ar-
ticles, tome XLII, pages 1 10 et 114).
Après de brillantes études au lycée
de Lyon, il commença à Grenoble son
cours de droit qu'il vint achever à Pa-
ris. Son goût pour les lettres se mani-
festa dès lors par quelques publica-
tionsqui témoignaient de ses connais-
sances classiques. Ce furent d'abord
des Fragments de Gessner traduits en
vers latins qu'il fit paraître, comme
pour essayer ses forces dansée genrc^
(i) Tels sont les ])rénoms fjue lui donne
le Nécrologe lyonnais; le Journal de la li-
brairie l'appelle Pierre-Marie-François, et
M. deBoissieu, dans son Eloge de Servan,
« nomme Jules-I'rancois.
SER
puis vint VAlmanach des Muses la-
tines, œuvre peu considérable et qui
lui valut les suffrages de tous les
amis de la langue d'Horace. Bientôt
après il mit au jour un écrit de quel-
ques pages qu'il intitula Mes Rêveries
et qu'il donna comme traduit de l'al-
lemand, bien que ce fût un sujet en-
tièrement de son invention. C'était,
sous une forme orientale, la critique
de plusieurs mauvais poètes de l'é-
poque. Suffisamment pourvu des
dons de la fortune, rempli d'instruc-
tion, assez bon poète pour avoir été
placé par quelques-uns bien près de
Gilbert, de Malfilâtre, André Ché-
nier, Millevoye, il fut membre du
cercle littéraire et de l'académie de
Lyon. Vers la fin de 1824, il sembla
vouloir revenir à la carrière que son
père s'était flatté de lui voir embras-
ser tout d'abord, et il débuta avec
distinction au barreau de cette ville;
mais les séductions littéraires repri-
rent bientôt leur empire sur son es-
prit et le restituèrent à son premier
penchant. Becherché, caressé, ap-
plaudi, il ne s'en blasa pas moins,
s'ennuya de la vie de province et se
rendit à Paris où il fut membre de la
Société philolechnique. Il savait le
grec, le latinet même un peu l'hébreu;
sept langues vivantes lui étaient fami-
lières; il les écrivait et les parlait faci-
lement. Il s'exprimait surtout en fran-
çais avec grâce, chaleur et originalité,
ayant sans cesse analysé et comparé
à toutes les autres sa langue mater-
nelle dont il mettait le mérite en
première ligne. Il manquait au bon-
heur qu'il avait trouvé dans sa fa-
mille une meilleure santé. Ses forces
physiques s'altérèrent au point de le
forcer de renoncer à ses études et de
quitter ses rêvesde gloire. Use laissa
traîner à la campagne chez un ami,
près d'Orléans, avec sa jeune femme
SER
SER
149
et un enfant. C'est là qu'entouré de
soins, d'amour et de marques de dé-
vouement, on a prétendu qu'il s'était
suicidé; mais M. Bignan , éditeur
et biograpliede Jules Servan, dit que
jusqu'au dernier jour il conserva le
libre usage de sa pensée ; que d'une
voix déjà mourante il dictait encore
des vers, demandant à la poésie de
lui adoucir les longues souffrances
auxquelles il succomba le 12 octobre
1831, dans sa trente-cinquième an-
née. On a de lui : I Morceaux la-
tins et traductions pour THermes
Romanus de Barbier-Vémars. On a
dit que Servan faisait VHermes et
que Barbier recevait l'argent. II. Al-
manach des Muses latines, Grenoble
et Paris, 1817 ; 2"^ année, Paris, 1818,
in-12. Servan avait descollaborateurs
pour ce recueil où il fournissait le plus
grand nombre de pièces et les meil-
leures. 111. Relation des événements
de Lyon en 1817, brochure saisie chez
l'imprimenr par la police qui crai-
gnait de fâcheuses révélations, mais
rendue ensuite à l'auteur qui eut le
bon esprit de ne pas lui donner cours.
Ce fut la seule excursion dans le do-
maine de la politique que se permit
Servan. IV. Idylles de Théocrite,
traduites en vers français, précédées
d'un Essai sur les poésies bucoli-
ques,Paris, 1822, in-8''; ibid., 1829,
in-8°, fruit d'un travail long et con-
sciencieux. M. Tissot a fait le plus
grand éloge de cette traduction qui
assigne à son auteur un rang distin-
gué parmi les versiticateurs et les
hellénistes(2). V. La Famille grec-
(7.) M. Dugas-Montbel observe que Ser-
van (le Sugny « traduit moins qu'il n'imite,
mais qu'il imite toujours avec grâce; que,
dans un certain nombre de passages , il
semble s'être trop éloigué de son modèle et
qu'où u'y retrouve pas suffisamment la cou-
leurautique et locale qui appartient à Théo-
crite. » L — M — X.
que, ou V Affranchissement de la
Grèce, poème dialogué, suivi de poé-
sies diverses, Paris, 1824, in-18. Il y
a du mouvement et de belles images
dans celte composition dont les qua-
tre vers suivants furent particulière-
ment remarqués :
LE JEUNE GREC.
Ah ! sans doute qu'enfin cette Europe
[chrétienne]
Pense que notre cause est désormais la sieuDf?
LE VIEILLABD.
Non, mon fils; j usqu'ici lente à nous secourir,
L'Europe nous regarde et nous laisse mourir,
VI. Traduction de Catulle, entière
mais non publiée : il n'a paru que les
Noces de Pelée et de Thétis, poème
traduit en vers, Paris, 1829, in-8". Vil
Clovis à Tolbiac, tableau historique,
en deux parties et en vers, Paris,
1830, in-8% tiré à cent exemplaires
non livrés au commerce. Dans l'a-
vant-propos, Servan fait sa profession
de foi poétique. C'est de l'cclectismc
pur^ il y revint plus tard dans une
pièce de vers intitulée Les deux Mu-
ses. Là on voit les prétentions du
classique, les espérances du roman-
tique : l'auteur est fort en peine pour
tout concilier. VlII. Discours en vers
sur la culture des lettres en pro-
vince, lu à l'académie de Lyon. Ser-
van avait préludé par une épître en
vers adressée aux membres de cette
société. Dans l'épître et dans le dis-
cours, il s'attaque au monopole des
arts et des sciences que Paris s'attri-
bue. Il plaide vigoureusement pour
le mérite des autres villes de France,
et p isse en revue avec complaisance
les beaux esprits de l'unet l'autre sexe
qui ont vu le jour dans la seconde ca-
pitale de l'empire. IX. La chaumière
d'Oullins, Paris, 1830, in-8°, roman
moral qu'on a dit imité du Vicaire
de Wakefield de Goldsmilh, et d'au-
tres ouvrages propres comme celui-ci
à atténuer et à paralyser les mouvc-
150
SER
menls qui, dans les hivers rigoureux
et en général dans les temps de mal-
aise, ne se font que trop ressentir ou
pressentir parmi les classes pauvres.
X. Le Neveu du chanoine, ou Con-
fession de l'abbé Guignard , écrite
par iui-même, Paris, 1831, 4 vol. in-i2.
XI. Prologue pour l'ouverture de la
nouvelle salle du grand théâtre de
Lyon, Lyon, 1831, in-S" (4 pages).
XII. Le Réveil de la liberté^ ode dé-
diée aux Polonais, Paris, Riga, 1831,
in-S" (10 pages). XII!. Satires con-
temporaines et mélanges , Paris ,
1832, in-8^ C'est là qu'on trouve en
tête une notice développée de M. Bi-
gnan sur Servan de Sugny et ses ou-
vrages (3). XIV. Plaidoyers de toute
espèce pour le civil et poiir le criminel.
Les amis de cet avocat distingué di-
sent qu'il ne prenait que des causes
sûres, ne prêtait sa parole qu'aux
gens de bien, n'accusait que les sols
et les méchants, enfin qu'il faisait
ses mémoires bien moins pour les
répandre que pour amener les partis
à des transactions. XV. Articles de
journaux, dans la Revue encyclopé-
dique, la Revue britannique, le Mer-
cure de Félix Bodin, la Gazette de
Lyon, et les Archives du Rhône. Ser-
van ne trafiquait pas de ses œuvres.
11 déteslait le principe des parts
d'auteurs ; ce commerce établi de
prose et de vers lui semblait l'abais-
sement et la perte de l'esprit. « On
• écrit, disait-il, comme on fait des
« bûtfes , comme on vend du bois, du
« from;ige ou de l'huile. Le métier
« gâte tout. Je veux que les gens de
• mérite sachent mourir de faim.
«> Ils embrasent les cœurs , ils c'clai-
« rent le monde, c'est assez. Là est
« leur profit, leur vie. Ils dominent
(3^; M. Alpli. de Boissieu a publié .•iii';'i
un Eloge de Seivan de Sugny, Lj'ou, iSja,
in-8o.
SER
• le présent, sondent l'avenir; et que
« peut l'argent pour eux, que les lier,
« les dégrader, les éteindre? Dante,
« le Tasse, Milton, Camoëns vécu-
« rent et moururent tourmentés ,
« proscrits, pauvres. O misère su-
' blimo , plus sainte, plus belle que
« tout , et qui ne s'attache qu'à des
« noms éternels! Figurez-vous Ho-
« mère se mettant à l'encan dans une
« échoppe d'Athènes et livrant 1'/-
« liade ou YOdyssée à tant la ligne ! "
XVI. iVarep/jff, drame. XVII. Leduc
d'Otrante, ou la Malédiction, tragé-
die imitée du Comte de Narbonne, de
l'Anglais Jephson , ouvrage inédit.
XVIII. Le Suicide, Paris, 1832,in-8°,
roman posthume fait pour combattre
le fatal penchant qui pousse quelque-
fois le désespoir à se délivrer de la
souffrance par le crime. C'est une
grande présomption que tel n'a pas
été le dernier acte de la vie de l'au-
teur. Celui qui a rédigé le présent ar-
ticle en doit quelques documents à
M. Péricaud et beaucoup d'autres à
M. Fr. Grille, bibliothécaire de la vil le
d'Angers, qui paraît avoir été ami de
Servan de Sugny, et qui dissémine
tout ce qu'il sait, tout ce qu'il a vu,
les comptes rendus de ce qu'il a fait
comme administrateur dans de pi-
quantes brochures dont ne jouit pas
le public tout entier. Dans des lettres
adressées à M. Paul Lacroix en 1840
et qui n'ont été imprimées qu'à petit
nombre, il a consacré six pages à la
nomenclature raisonnée des ouvra-
ges de Servan de Sugny. L — p— e.
SERVANT (Nicolas), prêtre,
docteur en théologie, né à Fismes en
Champagne, fut curéde Nanteuil-la-
Fosse depuis 1773 jusqu'en 1791. A
cette époque il devint vicaire épis-
(Tpal de l'cvêque constitutionnel de
1,1 Marne {voy. Dior, LXIl , 499);
puis il fut député du second ordre
SER
d'après la demande expresse de ce-
lui-ci, tant au concile métropolitain
de Reims qu'au concile national tenu
àParis en 1797. Homme d'esprit, mais
d'un caractère opiniâtre et ergoteur,
il e'Ioignait ceux que quelques-unes
de ses qualités auraient rapprochés
de lui; aussi ne fut-il pas long-temps
d'accord avec son évêque, qu'il pré-
tendait, quand on rouvrit les églises
en 1796, n'être pas plus que les au-
tres prêtres. Lors du concordat, en
1801 , plusieurs prêtres de l'église
constitutionnelle rétractèrent leur
serment. L'abbé Servant, opiniâtre-
ment attaché au schisme, fit tout ce
qu'il put pour maintenir ceux qui,
comme lui , y étaient tombés. Il
allait de Reims à Fleury-la-Rivière,
afin d'y ramener le curé de cette
commune qui s'était rétracté, mais
la mort l'arrêta dans ce mauvais
projet. Frappé d'apoplexie, il ex-
pira en passant à Nanteuil-la-Fosse,
le 29 septembre 1805 , âgé de 63
ans, et il y fut enterré. C'était un
homme hardi et qui ne se déconcer-
tait pas facilement. Invité un jour
par le curé de la paroisse de Saint-
Rémi à venir prêcher, il monte en
chaiie, fait le signe de la croix et
reste court. Après quelques efforts
pour trouver le commencement de
so"^ Sermon, voyant que la mémoire
lui manquait entièrement, il se retira
après avoir dit : Mes frères, Dieu ac-
corde la parole à qui il vcutj, com-
me il veut et quand il veut. Au nom
du Père, et du Fils et du Saint-Es-
prit , ainsi soil-il. Cet abbé, l'un des
plus fort soutiens de l'église consti-
tutionnelle, a publié : I. Disserta-
tion sur le serment civique, Reims,
in-S". II. Préservatif contre le schis-
me, ou Réponse à cette question :
« Peut-il résulter un schisme de l'é-
lection ou remplacement des pasteurs
SER
151
refusant le serment? » Reims, in-S».
III. Réponse au petit catéchisme pour
le-iemps présent, Reims, in-8°. IV.
Discours sur la conservation des
jours du premier consul échappé à
Vhorrible complot formé contre lui,
prononcé le 1" janvier 1801, Reims,
in-12. L— c— j.
SERVAS (La Condamine de), né
à Alais , vers la fin de 1714, em-
brassa de bonne heure la profession
des armes , et se retira du service
aussitôt qu'il y eut obtenu la croix
de Saint-Louis. Sa vie fut dès-lors
uniquement consacrée à l'étude et à
la composition d'un grand nombre
d'ouvrages de critique sacrée ; il en
subsiste trente ou quarante volumes
en manuscrit. La seule de ses pro-
ductions qui ait été imprimée est in-
titulée : Examen raisonnable de la
résurrection de Notre - Seigneur
Jésus-Christ, Toulouse, in-12. La
bizarrerie des titres de la plupart de
ses autres écrits suffira pour eu faire
connaître l'esprit et pour donner la
mesure de celui de l'auteur. Essai
sur la naissance et les progrès du
christianisme au centre de l'édifice,
par frère Clairvoyant, 3 vol., 1768;
VAnthropopatie, ou Portrait de
Jéhovah, le Dieu des Juifs, fait par
lui-même , par Moïse, par les pro-
phètes ; avec cette épigraphe : A qui
me faites-vous ressembler? Esaïe,
XL, 25; 2 vol., 1771 ; Les Menteurs
convaincus, ou les Mensonges sacrés
consacrés, 2' édit. augmentée; Om-
nis homo mendax, Psal. cxvii, 4
vol., 1772; ies Alliances traitées
par VÈternel, examinées dans un
esprit philosophique et critique , 3
vol., 1773; Tableau de l'Évangile
dans les cinq premiers siècles, 4
vol., 1774; Les Plagiats de l'apoca-
lyptique saint Jean, 1 vol., 1775,
etc. Outre ces graves compositions
152
SER
et beaucoup d'autres du même genre,
mais dont les titres sont moins sin-
guliers, Serves a laissé un journal
dans lequel il inscrivit pendant cin-
quante ans les plus minutieuses cir-
constances de sa vie et tout ce qui
venait à sa connaissance des actions
d'autrui. Il y inséra , depuis 1775,
l'état du ciel et celui de la tempéra-
ture, d'après son thermomètre; mais
comme il se servait d'un instrument
très-imparfait et qu'il n'observait
qu'une fois par jour, on ne peut tirer
aucun parti de son travail pour la
météorologie. Il mourut à Alais, à
la fin de février 1787. V. S. L.
SERVIÈRES (Joseph), auteur
dramatique, né à Figeac, dans le
Quercy, le 20 juillet 1781, fit de
bonnes éludes dans sa ville natale,
et vint fort jeune à Paris, où il fut
remarqué par Lucien Bonaparte, alors
ministre de l'intérieur , mais qui
tomba bientôt dans la disgrâce de
Napoléon. En 1807, il épousa la
belle-fille du peintre Lethière, qui
elle-même s'est placée au rang des
artistes les plus distingués de notre
époque; puis il accompagna en Italie
son beau-père, nommé directeur de
l'école française à Rome où il re-
trouva Lucien, dont Lethière était
aussi depuis long-temps l'ami et le
confident. Servières revint à Paris
en 1812, et il obtint un emploi au
trésor public. Sous la Restauration,
il fut nommé, en 1818, conseiller-
référendaire à la Cour des comptes.
Dès son arrivée dans la capitale, il
avait donné au Ihcâtre plusieurs piè-
ces qui eurent quelques succès, et
il ne cessa pas d'en composer et d'a-
jouter à sa réputation jusqu'à ses der-
niers moments. Il mourut à Paris, le
2 février 1826. Celait un homme
fort aimable, très-obligeant, et qui a
Uissé de profonds regrets. Ses ou-
SER
yrages imprimés sont : I(avec MM.
Etienne, Morel et Francis (AUarde).
Les Dieux à Tivoli , ou l Ascension
de VOlympe, folie non fastueuse, ar-
lequinade-impromptu en un acte et
en vaudevilles, Paris, 1800, in-S».
II. Le Botiqmt de pensées pour Van
X, 1801, in-8o. m (avec MM. Fran-
cis et Belargey). La Martingale, ou
le Secret de gagner au jeu, arlequi-
nade-vaudevilleenunacte,en prose,
Paris, 1801, in-8». IV (avec R. Phi-
lidor (Ruchelle). Le Père malgré lui,
comédie-vaudeville en un acte et en
prose, 1801. V (avec M. C. Henrion).
Le Télégraphe d'amour, comédie en
un acte, en prose, mêlée de vaude-
villes, 1801. VI (avec MM. Etienne,
Morel et Moras). Rembrandt, ou la
Vente après décès , vaudeville anec-
dotique en un acte, 1801. VII (avec
M. Petit aîné). Fontenelle, comédie-
anecdote en un acte, en prose et en
vaudevilles, 1802. VIII (avec Ernest
de Clonard etavecM. FrançoisGrille).
Monsieur Botte, ou le Négociant an-
glais, comédie en trois actes et en
prose, imitée du roman de Pigault-
Lebrun, 1803. IX (avec Desaugiers
et M. C. Henrion). Manon laravau-
deuse, vaudeville en un acte, 180.3.
X(avec J. Aude). Fanchon la viel-
leuse de retour dans ses montagnes,
comédie en trois actes, en prose, mê-
lée de vaudevilles, 1803. XI (avec
Sewrin et Lafortelle). Les Charbon-
niers de la forêt Noire, comédie en
trois actes, mêlée de vaudevilles,
1804. XII (avec C. Henrion). Drelin-
dindin, ou le Carrillonneur de la
Samaritaine f parade en un acte et
en vaudevilles, 1803. XIII (avec MM.
Duvalet Ligier). Jean Barf, comédie
historique en un acte, en prose et en
vaudevilles, 1803. XIV (avec F.-P.-
A. Léger). Un quart d'heure d'un
sage, vaudeville en un acte, 1804.
SER
XV (avec Sidony). Jocrisse suicide^
drame tragi-comique en un acte et
en prose, 1804. XVI (avec Duma-
nianl). Brisquct et Jolicœur, vaude-
ville en un acte, 1804. XVII (avec
Daudet et Léger}. Bombarde, ou les
Marchands de chansons , parodie
d^Ossian ou les Bardes, mélodrame
lyrique en cinq actes, 1804. XVIII
(avecMM.H...elLafortelle).LaZ?e?/e
Milanaise, ou la Fille femme , page
et soldat^ mélodrame en (rois actes,
à grand spectacle, 1804. XIX (avec
M. Coupart), Toujours le même, vau-
de ville en un acte, 1804. XX (avec
M. Moreau). Le Dansomane de la rue
Quincampoix, ou le Bal interrompu,
folie-vaudeville en un acte, 1804.
XXI (avec M, G. Duval). Jeanneton
colère, vaudeville grivois en un acte,
1805. XXII ( avec M. Coupart). Les
Nouvelles métamorphoses, vaude-
ville en un acte, 1805. XXIIl (avec
M. Dumersan). Àlphonsine, ou la
Tendretse maternelle, mélodrame en
trois actes et en prose, tiré du roman
de madame de Genlis, 1806. XXIV
(avec Desaugiers).Jl/cf dame 5carron,
vaudeville en un acte, 1806. XXV
(avec MM. Dumersan , Desaugiers et
cinq autres collaborateurs). Monsieur
Giraffe, ou la Mort de l'ours blanc,
vaudeville en un acte, par M. Ber-
nard de la rue aux Ours, 1807. XXVI
(avec Desaugiers). Arlequin double,
vaudeville en un acte, 1807. XXVII
(avec MM. G. Duval et Bonnel). La
pièce qui n'en est pas une, dialogue
analogue aux prologues et épilogues,
1809. On attribue à Servicres deux
autres pièces : L^ Amant comédien et
Les trois n'en font qu'un, ainsi qu'un
écrit intitulé : Revue des théâtres.
Plusieurs chansons tirées de ses vau-
devilles ont été insérées dans le
Chansonnier français et autres re-
cueils lyriques. M— d j.
SER
153
SERVIX (A.NT01NE-NIC0LAS), his-
torien et jurisconsulte, né à Dieppe,
le 14 août 1746, joignit à l'étude ap-
profondie des lois celle de l'histoire
de son propre pays. Reçu avocat à
Rouen, il exerça cette profession avec
la plus grande distinction et le plus
parfait désintéressement. Il était
l'arbitre des plaideurs, qui s'en rap-
portaient souvent à son impartiale
équité. Il était aussi le véritable mo-
dèle des vertus domestiques. Cet
homme savant et estimable est mort
à Rouen le 30 mai 1811. On a de lui:
1. Histoire de la ville de Rouen,
suivie d'un essai sur la Normandie
littéraire, Rouen, 1775, 2 vol. in-12.
Cet ouvrage est recherché-, il se fait
lire avec intérêt , mais on y désire-
rait plus de critique; certains faits
ne sont pas toujours appuyés d'au-
torités suffisantes. II. De la législa-
tion criminelle , Bâie , 1782 , grand
in-8o. Servin avait terminé ce livre
en 1778, mais il ne put obtenir la
permission de le faire imprimer.
Ayant tenté encore, à cet effet, des
démarches qui furent infructueuses,
ii l'envoya alors à son ami Isaac Ise-
lin {voy. ce nom, XXI, 287), greffier
ou secrétaire de la république de
Bâle, qui le publia en le faisant pré-
céder de Considérations générales
sur les lois et les tribunaux dcju-
dicature. Ces considérations furent
probablement le dernier écrit d'Ise-
lin, puisqu'il mourut cette mêmean-
néo 1782. On ne permit point l'in-
troduction en France du livre de Ser-
vin, en raison sans doute des articles
où il est question de l'inceste , des
délits contre nature , de la déser-
tion , etc. A côté de quelques para-
doxes, cette production, ainsi que la
suivante, renferme un bon nombre
d'idées qui, à cette époque, étaient en-
tièrement neuves, et dont quelques-
154
SER
SER
unes ont été appliquées plus tard.
III. Manuel de jurisprudence natu-
relle,Pàris^ 178i, in-12. Pour plus
de détails sur l'auteur et ses ouvra-
ges, consultez les Mémoires biogra-
phiques et littéraires sur les hommes
qui se sont fait remarquer dans le
département de la Seine-Inférieure^
par V. Guilbert, Rouen, 1812, 2 vol.
in-8". B— L— u.
SERYIUS (Pierhe), médecin et
archéologue, était né vers la tin du
lsA\^ siècle, à Spolette, capitale de
rOnibrie. Venu jeune à Rome pour
y suivre les cours de médecine, il
trouva le loisir de se livrer en même
temps à son goût pour l'antiquité.
Depuis, il enseigna l'art de guérir
avec une assez grande réputation.
On sait qu'il cultivait aussi la chi-
mie, science abandonnée presque
entièrement alors aux empiriques,
et qu'il découvrit le premier que
l'eau de mer devenait potable par la
distillation. Ses talents comme anti-
(juaire lui méritèrent l'estime des
savants, entre autres de Gahr. Naudé,
dont on a trois lettresadressées à Ser-
vius dans le recueil publié par La Po-
terie {vorj. Naudé, XXX, 599}. Ce mé-
decin mourut à Rome en 1648, et fut
inhumé dans l'église de Sainte-Ma-
rie-dos-Anges, où son épitaphe, rap-
portée par Galletti {Inscript, roman. ^
XII, 28), le qualifie vir probus. On
a de lui : I. Ad librum de scro lactis
Steph. Roderic Castrensis declama-
tionts, Paris, 1632, in-12; Rome,
1634, in-So, Cet opuscule, que Ser-
vius publia sous le nom anagrarama-
tisé de Persius Trevius, est une ré-
futation du traité de Roderic de
Castro sur la propriété du petit lait.
II. Institutionum quibus tyrones ad
medicinam informaniur libri très,
Rome, 1638,inl2. A ces institutions
médicales l'auteur a réuni deux ha-
rangues adressées à ses élèves :
l'une sur les qualités nécessaires au
médecin, et l'autre dans laquelle, en
examinant si l'on peut être bon mé-
decin quoique jeune, il se décide
pour l'affirmative. III. Juvéniles Te-
riœ quœ continent antiquitatum
romanarum miscellanea, Avignon,
1038; Rome, 1640, in-8" (1). C'est un
recueil de dissertations sur les mœurs
et les usages des anciens Romains ;
elles ont été insérées par le P. Gau-
denzio Roberti dans les Miscellanea
italica erudila, II, 1-96. Graevius en
a publié quatre, qui sont relatives
aux noms et prénoms des femmes
chez les Romains, dans la préface du
Thésaurus antiquit. romanar., t. Il,
qui renferme la dissertation sur le
même sujet de Joseph Castaglione
{voy. ce nom, VII, 312), dont Ser-
vius combat le sentiment. IV. De
odoribus dissertalio philologica.,
Rome, 1641 , in-4i>, réimprimé par
Gaud. Roberti dans les Miscellanea,
III, 031 -78, et par Gronovius dans le
Thésaurus antiquit at. grœcarum,
IX, 645-76. Haller, dans la Biblioth.
medica praclica., H, 597, dit que cet
ouvrage de Servius est imprimé dans
le format in-S», et que le sujet y est
(i) Le manuscrit des Miscellanea avait
été communiqué ;iu savant Josejjh-Marie
Suarès, évêque de VaisoD, qui en fut si sa-
tisfait qu'il l'euvoya à Jean Piot, imprimeur
d'Avignon, pour être mis au jour. L'éditioQ
qui en fut publiée par ce deruier était tel-
lement remplie de fautes, que l'auteur crut
devoir en ordonner une nouvelle qui i>ariit
à Rome. Ce u'est là que la [iremière décade
des Miscellanea, qu'il se proposait deionti-
nuer; mais il renoaça à ce projet, pour ne
])as laisser jilus de prise aux envieux, qui
lui leprocbaient de se livrera des éludes
étrangères à sa profession. Ou trouve à la
tête de l'édition de Rome une lettre de Ga-
lirit-l Nandé à l'auteur, daus laquelle il lui
adresse les plus grands éloges et le compare
aux médetius célèbres qui ont mené de
front la pratique de leur art et la culture
d«s lettres, L — M — x.
SER
SER
155
envisagé sous le rapport de la physi-
que ; mais c'est une double inexac-
titude. V, De unguento armario
liber, Rome, lfi42 ou KUS, in-8", in-
séré dans le Theatrum sympatheti-
cum, Nuremberg, 1662, in-4° ; trad.
en allemand, Francfort, 1664, 1672,
in-8°. Ce livre, qui l'ait peu d'hon-
neur à Servius, est plein de récits
merveilleux sur les effets de ce re-
mède. W— s.
SERVOIS (l'abbé 'Jean-Piebre),
né à Cosne-sur-Loire dans le Niver-
nais, le 8 août 1764, éprouva dans
son enfance un accident qui le rendit
bossu. Après avoir cominencé ses
études à Bourges, il vint les terminer
à Paris, au collège Mazarin,oii il eut
pour professeur Charbonnet, qui fut
recteur de l'Université de Paris, et
l'abbé Çeoffroy, si connu depuis pour
sa collaboration au Journal des Dé-
bats. Servois reçut la prêtrise en-
1788 et demeura pendant quelque
temps attaché à la paroisse de Saint-
Barthélemi dans la Cité. En 1791 il
prêta serment à la constitution civile
du clergé et fut nommé vicaire de la
paroisse de Saint-Augustin , qu'on
venait d'ériger dans l'église du cou-
vent des Petits-Pères, ce qui ne l'em-
pêcha pas d'accepter des fonctions
civiles. Suivant l'auteur d'une notice
biographique sur Servois, il usa de
son crédit pour rendre service à plu-
sieurs personnes, sauva la vie à
trois prêtres du diocèse d'Angers
réfugiés à Paris , arracha quelques
victimes aux massacres de septembre,
manifesta une vive douleur dans le
comité civil de la section du Mail,
dont il était meml)re, quand on y an-
nonça lacond.'itnnafion de Louis XVI,
et fut lui-niciiic draoncé plusieurs
fois. En 1795, lorsque l'exercice du
culte fut permis, il se réunit au clergé
constitutionnel et rédigea, avec quel-
ques autres ecclésiastiques de ce
parti, ]es Annales de la religion, en
même temps qu'il occupait un emploi
dans l'administration de l'enregistre-
ment et des domaines. Il assista, en
1797 et 1801, aux conciles nationaux
tenus à Paris par les constitutionnels.
Enfin le concordat ayant été conclu
entre le pape Pie Vil et le gouverne-
ment français, Belmas, promu à l'é-
vêché de Cambrai, nomma Servois
chanoine de sa cathédrale, puis vi-
caire-général du diocèse. Après la
révolution de 1830, ses amis sollici-
tèrent polir lui le siège de Cambrai,
que Belmas, appelé à l'archevêché
d'Avignon, devait quitter; mais ce
prélat n'ayant pas accepté , l'abbé
Servois continuade remplir les fonc-
tions de grand-vicaire à Cambrai, où
il mourut le 6 juin 1831 , après avoir
manifesté son attachement à PÉglise
catholique, apostolique et romaine.
11 était en relation avec beaucoup de
personnages remarquables et de sa-
vants, particulièrement avec Langlès
et Barbie du Bocage, élèves, comme
lui, du collège Mazarin. Membre de
la Société des Antiquaires de France
et de celle de Géographie de Paris,
il avait été l'un des fondateurs de la
Société d'Émulation de Cambrai.
MM. Leroy, président, et Berthoud,
secrétaire perpétuel de cette société,
prononcèrent sur la tombe de Servois
des discours qui furent insérés dans
la Feuille de Cambrai du 11 juin
1831. On a de lui : 1. Observations
sur le soleil d'or offert par Fénelon
àl'églisemétropolitaine de Cambrai,
1817, in-8». Un grand nombre d'au-
teurs ont rapporté que, dans cet os-
tensoir, parmi les livres hérétiques
foulés au pied par un ange, ligurait
celui de Fénelon, intitulé Maximes
dessainls, et qui avait été condamné
à Rome. 1/abbé Servois, résidant à
156
SEPx
Cambrai et à portée de recueillir
des renseignements, soutient que ces
détails sur l'ostensoir sont inexacts.
Le cardinal de Bausset, qui, dans son
Histoire de Fénelon, avait adopté le
récit ordinaire, se rangea depuis à
l'opinion de Servois et lui écrivit
même à ce sujet une lettre très-flat-
teuse. Cependant l'abbé Gosselin ,
dans une Dissertation sur l'osten-
soir d'or^ etc., Paris, 1827, in-8°
(anonyme), a combattu les Observa-
tions de Servois. II. Notice sur la
vie et les ouvrages du docteur Sa-
imieljohnson^ Cambrai, 1823, in-S".
m. Dissertation sur le lieu oit, s'est
opérée la Transfiguration de Notre -
Seigneur, Cambrai, 1830, in-8". Sui-
vant l'auteur, c'est sur le Liban et
non sur le Thabor. Servois a traduit
de l'anglais : 1° Échantillon de la
justice des Turcs ou plutôt des ma-
melucks en Egypte, Cambrai, 1808;
2" Des serpents et des scorpions d'E-
gypte, ibid., 1808; 3° Dw climat et
des saisons en Egypte, Douai, 1809 ;
4" De la peste en Egypte, ibid., 1810.
Ces quatre opuscules sont extraits
des Observations sur VÈgypte, par
M. Antes (Londres, 1800). b" Des
Spartiates anciens et modernes,
Douai, 1821, in-8". C'est un extrait
des Voyages de Jean Gall (Londres,
1812). G" De l'empire du Maroc et
des princes qui Vont gouverné jus-
qu'aujourd'hui, Cambrai, 1826, in-S"
(extrait du Voyage dans l'empire
du Maroc en 1806, par le docteur
Buffa, médecin des armées anglaises).
La plupart des écrits de Servois que
nous venons de citer ont été insérés
dans les mémoires de la Société d'É-
mulation de Cambrai. Il avait encore
traduit de l'anglais V Apologie de la
Bible, par Richard Watson, évêque
de LandalT, en réponse îi VAge de la
Raison de Thomas Paine ; V Histoire
SER
de Rasselas, prince d'Abyssinie, ro-
man moral de Samuel Johnson ; les
Voyages en Turquie, dans la Pales-
tine et en Syrie, de M. Turner, se-
crétaire d'ambassade de la Grande-
Bretagne près la Sublime-Porte, en
1820, 21 et 22 ; mais ces diverses
traductions n'ont pas été imprimées,
non plus que celle du Code Hindou,
ou Institutes de Menou, qu'il avait
entreprise avec Langlès. L'abbé Ser-
vois a publié, avec Barbie du Bocage :
Voyages dans VAsie-Mineure et en
Grèce, par Richard Chandier, tra-
duits de l'anglais, avec des notes géo
graphiques, historiques et critiques,
Riom et Paris, 1806, 3 vol. in-8'' avec
cartes. Cette traduction est fort es-
timée {voy. Chandler , VIII, 39).
W Annuaire statistique du départe -
ment du Nord, pour 1832, contient
une notice biographique sur Servois;
une autre no/îce a été imprimée à Pa-
ris, chez Éveral, 1832, in-8". P — RT.
SERVOLE ou CEIIYOLE (Ar-
naud de), surnommé V Archiprétre,
probablement à cause de l'archiprc-
tré de Vezins, qu'il possédait à ti-
tre de bénéfice, quoique séculier,
chevalier et marié, était issu de l'il-
lustre maison de Servola dans le Pé-
rigord. Ce guerrier, l'un des plus
célèbres du XIV" siècle, influa beau-
coup sur les événements dont la
France fut le théâtre. Blessé à la
bataille de Poitiers le 18 septembre
1356, il y fut fait prisonnier avec le
roi Jean et revint dans sa patrie l'an-
née suivante, après que sa rançon
eut été payée. La France était alors
désolée par des bandes de brigands
désignés sous les noms de routiers ou
de tard-venus, etc. L'Archiprêtre,
qui ne connaissait d'autre occupa-
tion que la guerre et le pillage, se
mit à la tête d'une troupe de ces
brigands, et se joignit à cet effet
SER
avec Raymond des Beaux, puissant
seigneur provençal. En peu de temps
ils rassemblèrent dans le Limousin,
l'Auvergne et les pays voisins du
Rhône,une petite armée de deux mille
hommes, tant infanterie que cavale-
rie, et le 13 juillet 1357 elle s'empara
des ponts du Rhône et de la Durance,
et ensuite se porta sur Orange et Car-
pentras. Bientôt leur nombre s'étant
accru jusqu'à quatre mille, sous pré-
texte de faire la guerre au prince de
Tarente et au roi de Naples, frère de
ce prince, ils désolèrent et pillèrent
la Provence. Le pape lui-même trem-
bla dans Avignon, et, ne se fiant pas
aux promesses de brigands sans foi,
implora contre les routiers le se-
cours des plus puissants princes de
l'Europe, leva quatre mille hommes
et fit fortifier Avignon 5 mais ces pré-
cautions ne calmant pas ses terreurs,
il crut plus prudent d'engager l'Ar-
chiprêtre à se retirer en lui payant
une somme considérable. Servole se
rendit alors à Avignon, où il fut reçu,
dit Froissard, « aussi révéremment
« ques'il eût été fils du roi deFrauce,
«et dîna plusieurs fois chez le pape
« et les cardinaux, et lui furent par-
« donnez tous ses péchés, et au dé-
« partir on lui livra quarante mille
• écus pour délivrer à ses compa-
« gnons. » Après cette expédition il
exerça ses brigandages en Bourgo-
gne, et ensuite, étant revenu en Pro-
vence (mars 1358), il assiégea les vil-
les d'Aix et de Marseille, d'où il fut
obligé de se relirer. Vers ce temps,
le dauphin Charles, régent de France,
ayant attiré l'Archi prêtre à son ser-
vice, et lo prince de Tarente ayant
fait publier une amnistie, Raymond
des Baux rentra dans ses terres, et
la Provence devint tranquille. Ser-
vole fut fait lieutenant-général du
Berry et du Nivernais, après la paix
SER
157
de Brétigny, conclue en 1360; mais,
ne pouvant vivre en repos, il ras-
sembla les compagnies licenciées et
en forma une nouvelle troupe de
routiers, sous le nom de compagnies
blanches, à la tête de laquelle il
commit les plus horribles ravages
dans le Nivernais et les environs de
Langres et de Lyon; il s'empara
de plusieurs places et força le roi
Jean lui-même à payer des indem-
nités considérables. 11 commanda en
1361 l'avant-garde de l'armée que
ce prince voulut opposer aux rava-
ges des tard - venus , conduifs par
Séguin de Badfol, chevalier gascon.
La bataille ayant été gagnée par les
rebelles, la valeur de l'Archiprêtre
ne put l'empêcher d'être fait prison-
nier ; mais il eut le bonheur de s'é-
chapper des mains des tard-venus,
car il épousa, en 1362, Jeanne de Châ-
teauvilain, et en 1363 il commandait
une troupe d'aventuriers connus sous
le nom de Bretons, qu'il amena en
Lorraine au secours de Jean, sire de
Joinville, comte de Vaudemont et
sénéchal de Champagne, qui faisait
la guerre aux ducs de Lorraine et de
Bar. Bientôt ils s'avancèrent vers
Trêves au nombre de près de qua-
rante mille et partout répandirent la
terreur sur leur passage. Ayant élé
repoussés jusqu'en Alsace, ils se re-
portèrent sur Metz et réduisirent le
duc de Lorraine à se délivrer d'eux
en leur donnant des sommes consi-
dérables, ce qui les détermina à s'é-
loigner pour aller mettre à contri-
bution la Bourgogne, l'Orléanais, la
Normandie et une partie de l'Ile-de-
France. En 1363, l'Archiprêlre fut
employé par le roi Jean pour con-
duire l'armée chargée de faire re-
connaître Philippe, son fils, comme
duc de Bourgogne ; et à la bataille de
Cocherel, livrée en mai 1361 entre
158
SER
Évreux et Vernon , l'Arcliiprètre
commandait le troisième corps de
i'arme'e française, où il était à la tête
des Bourguignons sous les ordres de
Bertrand Duguesclin; mais, quoi-
qu'il donnât le signal du combat, il
ne voulut pas y prendre part, afin de
ne pas combattre le captai de Buch,
qui se trouvait dans l'armée op-
posée et qui fut fait prisonnier à
cette bataille. A la fin de cette même
année, Servolefut employé par Phi-
lippe, duc de Bourgogne, contre le
comte de Montbéliard, qui soute-
nait le parti de la douairière, et ce
fut à la suite de cette heureuse ex-
pédition que, pour terminer le dif-
férend, Philippe épousa Marguerite,
veuve du dernier duc et petife-fille
de la douairière. Arnaud de Servole
acquit par ses brigandages et ses di-
verses expéditions militaires une
telle considération, qu'on voit, dans
l'acte d'emprunts que fit le duc de
Bourgogne pour engager les tard-
venus et les routiers à le laisser en
paix, que celui-ci l'appela son con-
seiller et son très-cher compère, et
que, pour lui garantir le paiement
de la somme qu'il lui avait empruntée,
il lui remit comme otages plusieurs
seigneurs parmi lesquels se trouva
Jean, maréchal de Bourgogne, cou-
sin du duc. L'empereur Charles IV
et le pape Urbain V ayant eu l'in-
tention d'envoyer une croisade con-
tre les Turcs, l'Archiprêtre dut être
chargé de conduire cette entreprise
qui ne fut pas exécutée, et pour cela
il rassembla une armée d'aventu-
riers à laquelle on donna le nom
d'Anglais et qui était forte de qua-
rante mille hommes. Ne sachant plus
comment les faire subsister, il eut
recours au pillage, sa ressource or-
dinaire, et, réuni au comte de Bla-
mont, qui était en guerre contre le
SER
comte de Salm, le sire de Ravestein
et révêque de Strasbourg, il alla dé-
soler les vassaux de ces seigneurs,
puis il pilla le pays Messin et força
la ville de Metz à lui payer une con-
tribution. Après cette expédition,
l'Alsace fut le théâtre de ses ra-
vages , et il assiégea Strasbourg.
Tous les environs de cette ville fu-
rent en proie au meurtre, à l'incen-
die et à tous les crimes auxquels
peut s'abandonner la soldatesque la.
plus cruelle et la plus indisciplinée;
en sorte que personne n'osait tra-
verser cette contrée sans des passe-
ports de l'Archiprêtre, qui respectait
ses engagements à cet égard. Faute
de machines de guerre, ce redouta-
ble guerrier ne put pénétrer dans les
villes fortes. Les campagnes furent
seules dévastées par ses troupes. S'é-
taut dirigé sur Schelestat etColmar,
Bâle fut menacée par lui, et le redouta
d'autant plus que ses murs, ren-
versés en 1356 par un tremblement
de terre, n'avaient pas encore été
rebâtis; mais le secours que cette
ville reçut des cantons suisses, dont
elle avait imploré l'assistance, dans
cet imminent péril, effraya les An-
glais, c^iii n'osèrent pas l'attaquer et
restèrent en Alsace, d'oii ils furent
enfin chassés par les troupes que
l'empereur réunit contre eux, ce qui
força l'Archiprêtre k conduire avec
précipitation ses bandes dans le
comté de Bourgogne. Le baron de
Zurlauben [voy. ce nom, LU, 509),
qui a donne sur Servole une notice
fort intéressante, dans le tome II de
sa Bibliothèque militaire, histori-
que et politique, d'où nous avons ex-
trait ce qui précède, prétend que ce
bouillant guerrier se retira en France
après son expédition d'Alsace (1365),
et y passa tranquillement le reste de
ses jours. Il mourut en Provence en
SER
SER
159
1366, Plusieurs auteurs discnl qu'il
tut assassine'. B. M— s.
SESMAISONS (le comte Claude-
Louis-Gabriel-Donatien de), d'une
noble et ancienne famille de Breta-
gne, était né en 1781; il émigra fort
jeune avec ses parents , et à douze
ans il travaillait sous le général Done,
dans l'état-major de l'armée an-
glaise. En 1804, il perdit son père,
officier supérieur distingué de l'ar-
mée de Condé. Rentré en France sous
l'empire, il fut forcé en 18 1 3 de pren-
dre du service et commanda la légion
de la Loire-Inférieure. Après le réta-
blissement des Bourbons, en 1814,
il fit partie des mousquetaires de la
maison du roi, et en 1815 il devint
colonel sous-chef d'état-major de la
première division d'infanterie de la
garde royale, grade qu'il occupa du-
rant toute la restauration. En mars
1816, il remplit les fonctions de rap-
porteur dans le conseil de guerre as-
semblé pour juger le contre-amiral
Linois et le général Boyer, et laissa
à la discrétion du conseil l'applica-
tion de la peine. Il fit ensuite la
guerre d'Espagne , dans le corps
d'année du maréchal Lauriston.
Lorsque son cousin {voy. l'art, sui-
vant) fut nommé pair de France, il
fut élu député à sa place. Il avait
épousé la fille du chancelier Dambray
en 1805, et le roi lui ayant accordé la
survivance de la pairie de son beau-
père (1), il entra à la chambre haute
après la mort de celui-ci, à la fin de
18'29. Lors de la révolution de juil-
let 1830, tout en restant fidèle à la
royauté déchue, il ne crut point de-
(i) Le vicomte F.mmnmni Dr.mljray, fils
du cliaucelier , avnit élc nommé pair de
Fiance le 17 ;ioiit i8i5, avant que la p:iiiie
(Vit (icclai'ée liéiédilaite, et c'est ce qui ex-
plique fominent la survivance du chancelier
put être accordée à son gendre.
voir refuser le serment. Malgré son
très mauvais état de santé, il parut
plusicuisfoisàlatribune, pourdéfen
dre les principes monarchiques, et
ses discours ne manquent ni de ta-
lent ni de fermeté. Il mourut le 29
avril 18 12, laissant un fils et plusieurs
filles. Il était officier de la Légion-
d'Honneur et commandeur de Saint-
Ferdinand. On a de lui : L Mé-
moire sur la nécessité de rendre
Vexistence à un commerce de sel^
nommé commerce de la troque, Paris,
1814, in-4''. II. Une révolution doit
avoirun terme, 1816, in-S". III. Ré-
flexions sur Vesprit du projet de loi
des élections, soumises à la chambre
des i:airs de France. 1817, in-8o. IV.
Réflexions sur le recrutement de l'ar-
mée, 1818, in-8o. V. La crise de l'Es-
pagne, traduite de l'anglais de Mur-
ray, 1823, in-S". VI. Réflexions sur la
nécessité de protéger l'existence des
salines de mer, 1825, in-S". VII. Du
serment au souverain dans le royau-
me constilulionnel, et particulière-
ment dans cette occasion à Monsei-
gneur le duc d'Orléans, comme roi
des fVrtMpats, 1830, in-8". VIII. Dis-
cours prononcé à la Chambre des
pairs, dans la séance du 24 décem-
bre 1831, 1832, in-8°. IX Réflexions
contre la compétence de la chambre
des pairs, dans Vaffaire d'avril
1834 : 1° point de droit politique;
2" justice de convenance; impossi-
bilité ; conclusion ; supplément,
1835, in-8°. C— H-N.
SESMAISONS (le comte Louis-
IIlmbert de), cousin du précédent,
entra sous la première restauration
dans la «naison du roi; en 1815 il
suivit Louis XVIII à Gand, et après
le second retour de ce monarque il
fut élu député de la Loire-Inférieure
à la chambre introuvable* où on le
vit se placer en première ligne par-
160
SER
mi les royalistes. Le 27 octobre, dans
la discussion du projet de loi sur les
peines à infliger aux perturbateurs
de l'ordre public, il proposa plu-
sieurs amendements, dont un entre
autres portait la peine de mort pour
attentat de lèse-majesté, et à celte
occasion il représenta le 20 mars
comme fomentéparleshommesde 93.
11 fit ensuite partie de la commission
de la loi d'amnistie. Au mois de dé-
cembre suivant, il sedistingua parmi
les membres les plus ardents de la
majorité qui accusaient M. Decazes
de révasioa de Lavalette , et for-
mula un amendement pour que les
ministres eussent à rendre compte de
leur conduite. Dans la discussion sur
la loi électorale, il demanda que l'é-
ligibilité des députés fût lixée à 25
ans, se fondant sur l'exemple du
célèbre Pitt, qui siégeait au parle-
ment dès l'âge de 22 ans. On doit
dire que, lors de la discussion du
budget, il présenta des vues et des
réflexions intéressantes à propos des
droits à imposer sur le sel. L'ordon-
nance du 5 septembre vint mettre
un terme momentané à sa carrière
parlementaire. Il fut alors nommé
lieutenant-colonel et chevalier de
Saint-Louis. En 1824 le département
de la Loire-Inférieure l'envoya de
nouveau à la chambre. Cette même
année mourut son père, qui était lieu-
tenant-général et l'un des gentils-
hommes d'honneur de Monsieur. Il
le remplaça dans celte charge, et fut
ensuite compris dans la longue liste
de pairs de France de la lin de
1827. Il se fit peu remarquer à la
chambre, et la révolution de Juillet,
en annulant les nominations faites
par Charles X, le fit sortir entière-
ment de la scène politique. Il mou-
rut, jeune encore, à la lin de 1837.
Outre des articles qu'il a insérés dans
SER
la Quotidienne sur le 21 mars, l'an-
niversaire de la mort du duc d'En-
ghien, et la mort du prince de Condé,
on a de lui : I. Rapport fait à la
chambre des députés, le ii avril
1822^ sur la pétition Douglas Love-
day, Paris, 1822, in-8°. M. Douglas
Loveday, Anglais et protestant, se
plaignait du rapt de séduction opéré
sur ses deux filles et sur sa nièce,
pour les convertir au catholicisme-
Sesmaisons, rapporteur de la com-
mission, soutenant que cette atfaire
était du ressort des tribunaux, pro-
posa l'ordre du jour, qui, après une
vive discussion, fut adopté, comme
il l'avait déjà été par la chambre des
pairs, à laquelle le pétitionnaire
s'était aussi adressé. Une polémique
s'engagea sur ce sujet et donna lieu
à la publication de plusieurs écrits.
II. Léchant des martyrs (en prose),
Paris, 1826, in- 12. Cet ouvrage fut
vendu au prolit de la souscription
pour le monument de Quiberon. 111.
Opinion sur le projet de loi relatif
aux salines de Vie , Paris, 1825,
in-8*'. IV. Opinion dans la discus-
sion sur la loi de la presse, 1827,
in-80. V. Opinion sur la loi dc-
paWemmfaie, 1829, in-8°. VI. Opi-
nion dans la discussion sur la do-
tation de la chambre des pairs, à
l'article relatif à la transmission,
1829, in-S". VII. Opinion sur les trai-
tements des préfets, 1829,in-8°. VIII.
Réflexions sur la proposition de
supprimer les conseils d'arrondisse-
ment faite par la commission char-
gée de l'examen du projet de loi dé-
partementale, 1829, in-8°. X. Ré-
ponse à un écrit de M . Le Buhotel,
Cherbourg, 1834, in-4». C— h— N.
SESTINI (l'abbé Dominique), cé-
lèbre numismatiste, naturaliste et
voyageur, fut membre de l'Institut
de France, ayant été élu associé
SES
SES
ICI
étranger de l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres le 20 décem-
bre 1820, après avoir été nommé
précédemment correspondant de la
même Académie le 30 novembre 1810.
Il naquit à Florence vers 1750, et
mourut dans la même ville, en 1832,
âgé de 82 ans. Il fit ses études au
collège de Saint-Marc, et s'engagea
ensuite dans la carrière ecclésiasti-
que. Dès sa jeunesse il eut le goût des
voyages , de l'érudition et de la bo-
tanique. A l'âge de 24 ans il quitta
la maison paternelle, le 24 septem-
bre 1774, et voyagea pendant quatre
ans, travaillant sans cesse, visitant
les cabinets de médailles et herbo-
risant. Il Ut imprimer a Florence et
à Livourne ses relations et ses diver-
ses pérégrinations j elles parurent
en 7 petits volumes in-12 entre les
années 1774-1778, sous le titre de
Lettres écrites de Sicile et de la Tur-
quie (c'est-à-dire de Constantinople)
à divers amis en Toscane. Ces let-
tres furent traduites par Pingeron en
3 vol.in-8°. Pingeron, qui lui-même
avait voyagé en Sicile, y ajouta quel-
ques mots qui rendent cette traduc-
tion française préférable à l'origirfal
italien. Jagemann publia à Lei[)zick
les deux premiers volumes de ces
voyages en allemand, mais ne conti-
nua pas ; les cinq premiers volumes
de l'édition italienne ne sont relatifs
qu'à la Sicile -, les deux autres décri-
vent Péra et surtout Constantinople.
Cette édition, tirée à 250 exemplai-
res, est très-rare, une partie consi-
dérable étant demeurée à Catane, et
une autre ayant péri sur mer. Ses-
tini, dans ces divers voyages, avait
visité Rome, Naples et la Sicile; il
fut retenu trois ans dans ce dernier
pays, à Catane, par le prince Biscari
qui voulut se l'attacher comme bi-
bliothécaire et lui confier la direction
LXXXII.
de son riche cabinet. Sestini a fait
imprimer, en 1786, à Florence, la
description des antiquités du cabinet
de ce prince; et, en 1777, un pre-
mier volume de ses ouvrages sur
l'agriculture, les productions et le
commerce de la Sicile , fut aussi le
fruit de son séjour en Sicile. L'air
de Catane étant nuisible à la santé
de Sestini, il quitta la Sicile en
1777, passa à Malte et à Smyrne, et
arriva en 1778 à Constantinople,
alors ravagée par la peste. Il entre-
prit ensuite un petit voyage à la pé-
ninsule de Cyzique en passant par
Brusse et Nicée, et fit imprimer la
relation de ce voyage à Livourne, en
1785, en 2 volumes in-8'', sous le
titre de Lettere Odeporiche. Sestini
soutint dans cet ouvrage l'opinion que
le lac de Nicée est isolé et sans aucun
écoulement; il futpubliédece voyage
une traduction française, en 1789,
en 1 vol. in-S", par Pingeron. Cet
ouvrage est terminé par la flore du
mont Olympe de Bythinie, conte-
nant 531 plantes décrites par Ses-
tini. Une petite dissertation sur la
peste de Constantinople, imprimée
îi Florence (sous la fausse indication
d'Yverdun), 1779, in-12, et une au-
tre sur la culture de la vigne le long
de la côte de Marmara ( Sienne ,
1786), ont été les résultats de ces
voyages. On imprima à Florence, en
1785, ces opuscoli sans la participa-
tion de l'auteur; dans cette édition,
les noms turcs sont défigurés. Lors-
qu'il fut revenu à Constantinople, le
comte Ludoff, ambassadeur de Naples,
emmena avec lui Sestini dans la belle
maison de campagne qu'il possédait à
Thérapia; il donna des soins à l'éduca-
tion des deux fils de cet ambassadeur
et fit avec eux diverses excursions en
Europe et en Asie. La relation de ce
voyage, de Constantinople à Boukha-
11
162
SES
resf, fat imprimée h. Rome, en 1794.
On trouve dans ce livre une lettre ii
l'avocat Coltcllini de Cortone sur les
chèvres d'Angora et les fabriqnes de
châles i cette lettre a été traduite par
Jagemann dans le Nouveau Mercure
allemand de 1794. Sestini quitta
Boukharest en 1780. Il vécut pen-
dant quelque temps dans la maison
de l'hospodar de Valachie, prince Yp-
silanti, et se rendit à Vienne après
avoir visité la Transylvanie et la
Hongrie. La relation de ce voyage,
qu'il avait rédigée, ne fut imprimée
à Florence qu'en 1815. Au mois
d'aoiit 1780, il partit de Vienne pour
retourner à Constantinople par le
Danube et la mer Noire. Le récit de
ce voyage ne fut imprimé qu'en 1807,
à Berlin, dans un recueil in-S» inti-
tulé : Voyages et opuscules divers.
De retour à Constantinople, ses con-
naissances numismatiques le tirent
rechercher de M. Ainslie , ambas-
sadeur d'Angleterre auprès de la
Porte, lequel s'occupait de former
une collection de médailles grec-
ques. Sestini fit , sous les auspices
de cet ambassadeur, diverses excur-
sions qui lui permirent de rassem-
bler plus de 10,000 médailles, sans
compter les doubles. Il a décrit et
fait graver un grand nombre des
plus curieuses dans ses divers ou-
vrages, et il en a donné une descrip-
tion sommaire dans le tome II de ses
Lettres et Dissertations. M. Sulli-
van, ayant été nommé résident de la
compagnie des Indes anglaises au-
près du nabab de Golconde, se dis-
posait à passer dans l'Inde, ce qui
donna occasion à Sestini d'entre-
prendre un grand voyage d'Asie,
de Constantinople à Bassora;il fit
imprimer en un vol. in-4" la relation
de ce voyage , à Livourne , avec la
fausse indication { d'Yverdun , ^en
SES
1786. Le retour de Bassora à Con-
stantinople, par le Tigre, l'Euphrate
et le désert, qui eut lieu dans les
trois premiers mois de 1782, fut en-
suite le sujet d'une autre relation
qui fut imprimée après la précédente
et dans la même ville. L'une et l'au-
tre furent traduites en français par
le comte Fleury et furent publiées à
Paris, en l'an VI (1798), en 1 vol.
in-8°. M. Quérard assure que ce vo-
lume a été imprimé sur du papier fa-
briqué avec des assignais de 20 fr. Au
mois d'aofit 1782, Sestini entreprit un
nouveau voyage par diverses provin-
ces de l'Asie-Mineure ; la relation ne
parut qu'en 1807 dans le recueil de ses
Voyages et opuscules divers. E n 1 783 ,
Sestini se rendit de Constantinople à
Smyrne, et ensuite à Marseille, puis
à Naples d'où il s'embarqua pour
Smyrne, et retourna à Constantino-
ple d\)ù il était parti, en 1784. Il a
aussi écrit la relation de ce voyage,
mais elle est restée manuscrite. Il
en est de même de la relation du
voyage qu'il fit l'année suivante. Par-
tant de Constantinople, il visita l'île
de Lemnos, Monte-Santo , Miconi,
Alexandrie d'Egypte , pour la se-
conde fois; de là il s'embarqua pour
Livourne, visita Rhodes, l'île de Cos,
vint à Florence , sa patrie, en partit
et se rendit à Malte, en Sicile, et re-
tourna à Constantinople en 1786.
L'année suivante il fit le voyage d'An-
gora en Galatie, dont il a publié la
relation dans le recueil de ses Voya-
ges et opuscules divers. Plusieurs
portions de ce voyage avaient déjà été
insérées par lui dans son Voyage de
Constantinople à Boukharest. L'an-
née suivante, en 1788, il voyagea en
Macédoine, en Thessalie ; visita Thes-
salonique, Pella, Valo, et se rendit
de ce lien à Raguse, d'où il s'embar-
qua pour Constantinople^ ira écrit
SES
aussi la relation de ce voyage, mais
elle n'a pas été publiée. Il se plaint
à ce sujet des libraires italiens qui
refusent d'imprimer les ouvrages
scientifiques , même en leur livrant
pour rien les manuscrits. En 1790, il
s'embarqua à Constantinople, sur la
frégate anglaise V Aquilon, visita
Livourne et Florence, et retourna
à Constantinople en 1791. Au mois
, d'août de la même année il partit
encoredeConstantinople pour se ren-
dre à Smyrne, afin de trouver un
moyen de transport pour aller à
Livourne. Il eut le malheur de
s'embarquer sur un vieux bâtiment
provençal qui, après avoir relâché à
Tchesmc et à Scio, finit par faire
naufrage à Navarin en Morée. Ses-
tini fut obligé de passer à Thessalo-
nique et d'y attendre un moyen de
transport pour Livourne, où il n'ar-
riva qu'en avril 1792. Telle fut la fin
de toutes les excursions de Sestini
en Orient, dont nous avons donné la
liste et fixé les dates d'après lui-mô-
me. Mais ce ne fut pas la fin de tous
ses voyages ; il nous reste à parler de
ceux qu'il fil en Europe. En 1793, il
visita diverses parties de l'Italie et de
l'Allemagne, et de là il se rendit en
Prusse, séjourna assez long-temps à
Berlin et à Charlottenbourg : en 1810,
il vint à Paris , puis il retourna en-
core à Florence. En 1812, la grande-
duchesse de Toscane, la princesse
Élisa, le nomma son bibliothécaire et
son antiquaire. Le grand-duc Ferdi-
nand 111, en remontant sur le trône,
le confirma dans ces emplois et le
nomma en outre professeur hono-
raire de l'université de Pise. Il se
rendit en Hongrie, à Hydervar, près
de Vienne, où il s'occupa à classer
et à décrire le magnifique cabinet de
médailles du comte de Wiczay ; rc-
tounié ensuite dans sa ville natale, il
SES
168
ne la quiifa plus. Sestini a fait con-
naître un grand notnbre de monu-
ments numismatiques, et les ouvrages
qu'il a publiés sur cette science sont
très nombreux. Le plus important
est intitulé: Classes générales de la
géographie numismatique^ disposées
selon le système d'Eckhel, et parut à
Leipzick, en 1797, in-l"; il en fut pu-
blié une nouvelle édition en 1821. Le
but de ce livie est de donner la clas-
sification, avec des augmentations et
des rectifications. Ce tableau, ce sys-
tème général de la science , est cer-
tainement plus conjplet que celui
d'Eckhel, car un grand nombre de
nouvelles médailles avaient été dé-
couvertes depuis la publication de
l'ouvrage de cet auteur; mais Sestini
est loin d'égaler la profonde érudition
et la grande sagacité du savant jé-
suite. Beaucoup de déterminations
de lieux et d'époques que renferme
l'œuvre de Sestini ont besoin d'ê-
tre soumises à de nouvelles discus-
sions, et les progrès de la numis-
matique , depuis la publication de
son livre, font qu'il ne doit être
consulté qu'avec précaution. Des re-
cherches récentes paraissent sur-
tout avoir démontré les erreurs où il
est tondié, dans le travail important,
par son objet, qu'il a publié en 1818,
à Florence, sur les médailles hispa-
niques et celtibériennes du cabinet
d'Heden. Les premiers écrits de Ses-
tini sur la numismatique furent sa
Dissertation sur quelques monnaies
arméniennes du prince de Rupen, de
la collection d'Anslie, 1790 (le sys-
tème de l'auteur sur l'ère des Arsa-
cides qu'il fixe à l'an 300 n'a pas été
adopté); ses Lettres et dissertations
numismatiques sur les médailles ra-
res, qu'il fit paraître à Livourne en 9
petits cahiers in-4", et qui furent sui-
vies de la publication faite à Rome,
11.
164
SES
dans le même format, en 1794, de
ses Observations sur une me'daille
d'Eropus 1I[ , roi de Macédoine, et
sur une série de médailles de Plolé-
mée,lilsdeJuba,etc.Lesautresécrils
de Sestini sur la numismatique se
succédèrent ensuite rapidement ; en
1796 il lit paraître à Leipzick : Des-
cription des médailles anciennes des
Musées Ainslie, Bellini, Bcndacca ,
Borgia, etc. ; à Rome, Explication
d'une médaille antique de plomb ap-
partenantù Fei/e/n; à Berlin, in-f\
en 1805, Catalogue des médailles du
Musée arigonien; en 1808, Descrip-
tion d^un choix de médailles en
grand bronze du cabinet de l'abbé de
Camps; et en 1809, Description des
médailles grecques et romaines de
Benkowitz; à Milan, en 1813 et
1817, Dissertations numismatiques.
Deux autres volumes de cet ouvrage
ont paru à Pise et à Milan, et un
quatrième a Florence, en 1818 : on
remarque surtout dans ce dernier 50
médailles d'OIbiopolis et un grand
nombre de médailles de Penticapée
et de Chersounèse reproduites par la
gravure-, à Milan, encore en 1817,
Dissertation sur les médailles anti-
ques relatives à la confédération
des Achéens. Lettres à l'auteur de
l'exlrait du livre intitulé Catalogue
des médailles antiques du Musée du
roi de Danemark^ 1818. Descrip'
tion des médailles grecques du cabi-
net de M. Charles FontanaàTrieste^
Florence, 1822, in-40. Sestini a pu-
blié aussi quelques écrits archéolo-
giques sur des monuments anciens ;
savoir : Dissertation sur un vase
antique de Perse trouvé dans un
tombeau près de faixtique Populanie,
Florence, 1812. Cette dissertation a
été traduite par M. Grivaud de la
Vincelle, 1813, in-S^dans \eMaga-
sin encyclopédique, I8« année, 1813,
SES
in-S". Sestini donne dans cet ouvrage
d'intéressants détails sur le point
auquel les anciens avaient poussé
l'art de travailler le verre. Disserta-
tion sur les statues antiques expli-
quées par les médailles. Cet ouvrage
intéresse la connaissance des poids et
desmonnaiesdesanciensGrecs. Diss.
sur une ancienne patère étrusque ,
Rome, 1796, in-4°. Dans ses Opuscu-
les divers , imprimés en 1807, au
nombre de dix, outre les voyages que
nous avons mentionnés, on trouve
d'autres opuscules sur le murex des
anciens, sur l'usage des plombeaux
et des anneaux des anciens ; sur la
culture du sésame, sur quelques figu-
linœ chronologicœ du cabinet Bis-
cari ; puis le traité de Maurolyco De
Piscibus siculis; la lettre de Sadik cl
Tchelebi sur un colloque d'un iman
turc, avec des notes de Sestini, et
enlin l'intéressante notice sur les
Yezidis que Sestini avait reçue du
père Garzoni, qui a été traduite en
français par Silvcstre de Sacy et
insérée à la suite de la Description
dupaehalikde Bagdad, 1809, in-8",
p. 183. Sestini avait conçu le projet,
qu'il n'a point exécuté, de former un
corps complet de numismatique ; la
collection de ses notes relatives à
cet ouvrage se composait déjà, en
1805, de 12 vol. in-fol., et l'on croit
qu'il n'avait pas cessé de l'accroître
jnsqu'à sa mort. Ce laborieux sa-
vant, malgré son grand âge, conserva
jusqu'à la fin toutes ses facultés.
W— R.
SESTINI (BARTHÉr.EMij , poète et
improvisateur italien, né le li octo-
bre 1792, à Sauf Amato, dans le dio-
cèse de Pistoie, était (ils de l'intendant
de la famille Fabbroni. Après avoir
commencé ses éludes sous le curé de
son village, il fut, ù l'âge de neuf ans,
envoyé par son père à Pisloie, pour y
SES
cultiver le goût des arts du dessin,
qui déjà se montrait en lui avec celui
de la poésie. Joseph Yannacci, dit le
Pace, fut son premier maître. Sestini
partageait son temps entre l'atelier
de cet artiste et l'étude d'uD malhé-
maticien, afin d'obéir à la volonté de
sa famille, qui voulait faire de lui un
gromètre. Il resta quatre ans à Pis-
toie, puis il se rendit à Florence au-
près du Castaguoli, de Prato, qui lui
enseigna la perspective et l'art de
peindre en détrempe , tandis que
Ferroni le perfectionnait dans les ma-
thématiques et l'architecture. Mais
ces études artistiques ne suffisaient
déjà plus à l'âme do Sestini, qui se sen-
tait entraîné irrésistiblement vers la
poésie. Tous les instants qu'il pouvait
dérober à ses occupations ordinaires,
il les passait à la bibliothèque Maglia-
becchi, où il s'enivrait de la lecture
des meilleurs poètes. Une vocation si
prononcée lui fit promptement con-
tracter amitié avec Sgricci {voy. ce
nom ci-après) et avec Ugo Foscolo,
qui possédait une maison de cam-
pagne à Bellisguardo, près de Flo-
rence. Ce fut là qu'il commença à
improviser au milieu d'un auditoire
choisi et bienveillant 5 ce fut là aussi
qu'il composa plusieurs des poé-
sies qui devaient donner à son nom
une gloire plus durable. Sestini s'o:i-
bliait dans les délices de cette vie flo-
rentine si douce, si hospitalière,
et il n'aurait ^uère songé à rentrer
dans sa famille, dont il était séparé
depuis six ans, sans un ordre exprès
de son père qui voulait lui confier des
travaux conformes à ses connaissan-
ces en mathématiques. Le jeune poète
obéit et passa plusieurs années à le-
ver des plans et à mesurer des terres,
tout en se livrant à ses rêveries. Un
jour qu'il s'était laissé absorber plus
que de coutume dans la lecture d'un
SES
165
livre de poésies , il fut vivement ré-
primandé par son père, qui n'en re-
cevant aucune réponse et le voyant
pensif et les yeux fixés vers la terre,
s'écria : « Mais que fais -tu donc, que
penses-tu? — Je cherche, reprit le
jeune homme , à répondre en vers
à vos reproches. • Depuis ce mo-
ment Sestini trouva dans sa famille
moins de résistance à ses goûts, et il
put donner de fréquentes séances
d'improvisation tant sur le théâtre de
Pistoie que dans les maisons particu-
lières.Oncomprend qu'avec une ima-
gination aussi ardente il ne devait pas
rester étranger au senliment de l'a-
mour. Les deux femmes qu'il aima et
chanta appartiennent à cette classe de
villageoises qui, ne recevant qu'une
éducation des plus simples, conser-
vent par cela même dans toute leur
primitive ingénuité les qualités dont
la nature les a douées, et frappent
plus que toute autre le cœur naïf des
poètes. Malgré la modestie de ses
choix, Sestini n'en fut pas plus heu-
reux, non qu'il eût mal placé ses affec-
tions, mais parce que la destinée se
plut à les traverser. Les deux per-
sonnes qu'il aima furent toutes deux
enlevées dans la fleur de leur jeu-
nesse. Les circonstances qui accom-
pagnèrent la mort de la seconde
sont vraiment romanesques et de
nature à laisser des traces ineffaça-
bles dans les souvenirs d'un poète.
Un jour elle attendait sousun arbre, à
quelques pas de sa maison , la visite
quotidienne de son amant quand elle
fut frappée par la foudre, sans que
rien eût annoncé l'apparition d'un
orage. Sestini , qui se trouvait en
route, vit l'explosion et arriva, plein
d'un sinistre pressentiment, au pied
de l'arbre où les parents de la jeune
fille se pressaient, en jetant des cris
affreux , autour du corps inanimé.
166
SES
Ce tragique événement lui fit prendre
son pays en dégoût, aversion qui fut
encore augmentée par la mort de
son père qui cul lieu peu de temps
après. Rien ne le retenant plus sur
la terre natale, il arrangea ses affai-
res, confia à sa belle-mère le soin
de ses intérêts, puis se mit en route
de compagnie avec Baldinotti, autre
improvisateur de quelque talent. Il
parcourut la Toscane, la Romagne,
le royaume de Naples et la Sicile,
donnant partout des séances d'im-
provisalion. Sa tournée poétique
lui valait, comme d'ordinaire, plus
d'applaudissements que d'argent ;
mais, si préparé qu'il fût aux revers
de fortune, il était loin de s'atten-
dre à la péripétie du dénouement.
Déjà il avait visité sans encombre
plusieurs villes de la Sicile, quand,
arrivé à Palerme, il fut tout à coup
arrêté et jeté en prison, sans qu'il
pût seulement en soupçonner lemotif.
C'était en 1821, une de ces époques de
fermentation politique où les moin-
dres indices deviennent des crimes
aux yeux d'une police ombrageuse.
La qualité de Toscan et celle d'im-
provisateur, qui n'avait pas toujours
été fort scrupuleux dans le choix de
ses sujets, suffirent probablement aux
sbires palermitains pour se croire
obligés de douner au poète voyageur
un logement dans leur prison. 11
eut beau se récrier, on le laissa se
plaindre dans sa cellule tout à son
aise, et ce ne fut qu'après plusieurs
mois de cette retraite forcée qu'on lui
rendit la liberté, grâce à l'interven-
tion du gouvernement toscan. Cette
mésaventure le dégoûta des excur-
sions dans la péninsule italique et lui
fit tourner les yeux vers le pays
du continent où de tels abus de
pouvoir étaient alors le moins pos-
sibles. 11 s'embarqua pour la France,
SES
s'arrêta quelques jours à Marseille,
puis vint à Paris où il était déjà connu
de réputation. Les hommes les plus
distingués du monde littéraire se ren-
dirent avec empressement au petit
nombre de séances qu'il put don-
ner, car il sentait déjà les atteintes
du mal qui devait bientôt l'enlever à
la fleur de l'âge. Jamais cependant il
n'avait été si animé, si plein de feu
et d'enthousiasme, jamais il n'avait
triomphé avec moins d'efforts des su-
jets les plus difficiles. Tout le monde
admira la pièce sur Pyihagorc, où il
suppose que ce philosophe 1 rouva les
lois de l'harmonie en écoutant l'ac-
cord des coups de marteau d'une
forge. Telle était l'élégance de la ver-
sification, la beauté des images, l'en-
chaînement des idées, qu'on aurait pu
croire toute la pièce écrite à l'avance,
si plusieurs traits n'avaient été tirés
des circonstances du moment et du
lieu de l'improvisation.Toul le monde
fut ému jusqu'aux larmes par les stan-
ces ou le poète déplora sa fin pré-
maturée et prochaine sur nue terre
étrangère : c'était le chant du cygne.
11 mourut peu de jours après (11 nov.
1822) d'uue inflammation cérébrale.
On a de lui : I. Ode sur la bataille
d'Iéna. II. Amours champêtres. III.
La Pia, légende romantique en trois
chants, qui a eu six éditions (Rome,
1822 ; Milan, 1837) et qui a été tra-
duite en français par M, Cardini, Pa-
ris, 1822, in-8". Ce sont les derniers
vers du chaut V du Purgatoire, de
Dante, qui en ont fourni le sujet.
L'auteur en a tiré le meilleur parti
possible comme canevas d'une his-
toire triste et touchante. L'héroïne,
qui donne son nom au poème, est
une jeune femme qu'un amant dé-
daigné accuse d'adultère, et que son
mari jaloux conduit dans un châ-
teau situé au milieu des niaremmes
SET
de la Toscane, laissant ainsi à l'intem-
périe de l'air le soin de sa vengeance.
Bientôt Pia est en proie à la fièvre ,
et quand son mari désabusé revient
pour la soustraire à ce séjour mortel,
il ne trouve plus qu'un cadavre. Dou-
leur et désespoir du mari qui songe
d'abord à se faire moine, veut ensuite
consacrer sa vie au service de son
pays et meurt avant d'avoir pu mettre
à éxecution ni l'un ni l'autre de ces
projets; car, en quittant la demeure
inhospitalière, il emporte avec lui le
germe du même mal qui a tué la Pia,
et qui le conduit, lui aussi, rapide-
ment au tombeau, l^. Poésies éditées
et inédites {Vïsioie, 1840,2 y.), pu-
bliées par les soins de M. Alto Van-
nucci, qui les a enrichies de notes et
les a fait précéder d'une intéressante
notice biographique. A — Y.
SETH (Sihéon), écrivain grec,
né à Antioche, florissait dans le XI'
siècle. Il était médecin et il exerçait
en même temps les fonctions de pro-
tovestiaire, c'esi-a-dire de maître de
la garderobe à la cour impériale de
Constanlinople. S'étant trouvé com-
promis dans une de ces révolutions
de palais si fréquentes à l'époque du
Bas-Empire, il fut expulsé de Con-
slantinople par Michel le Paphlago-
nien , et se retira en Thrace , sur le
mont Olympe, dans un couvent où il
termina sa carrière. Il avait adressé
à l'empereur Michel Ducas un extrait
du traité de Psellus sur les aliments,
écrit d'autant plus intéressant que
l'original est perdu. Seth classe les
médicaments par ordre alphabétique
et en explique le mode d'action. C'est
lui qui, le premier, a donné la défi-
nition du succin et du camphre. Il
est crédule et manque de jugement ;
mais, en fait de botanique, de ma-
tière médicale, d'hygiène, il sait tout
ce que l'on savait de son temps, et à
SET
167
cet égard son livre mérite encore
un coup d'œil de la part d'un méde-
cin studieux. Il a été traduit en latin
par Lilio-Gregorio Giraldi {voy. ce
nom, XVII, 4il), sous le titre de
Syntagma^ per litterarum ordinem,
de cibariorum facultate, Bâie, 1538,
in-S»; ibid., 1561, in-S"; puis par
Martin Bogdanus (voy. ce nom, IV,
673) , sous celui de Yolumen de ali-
mentorum facultatibus, Paris, 1658,
in-S"). Le texte grec accompagne ces
traductions. Siméon Selh a traduit
lui-même de l'arabe en grec lesFa-
bles de Pil-Paï, sous le titre de Ste-
phanite et Ichnelate {voy. Pil-Paï,
LXXVII, 236). B— N-T.
SEÏIER (L.-P.), mort en 1835,
était imprimeur-libraire du consis-
toire central des Israélites à Paris,
et secrétaire de la loge maçonnique
de la Triple harmonie. Il s'est fait
connaître aussi par la traduction et
la composition de quelques ouvra-
ges. Outre des mémoires judiciaires,
divers écrits relatifs a la franc -ma-
çonnerie, etc., on a de lui : I. Gram-
maire hébraïque, ou Méthode facile
pour apprendre cette langue, Paris,
1814, in-8°. II. Observations sur la
liberté de la presse, et Réfutation
d'un écrit de M. Duchesne, de Gre-
noble, avocat, intitulé : • Observa-
tions sommaires sur le projet de loi
qui vient d'être présenté à la Cham-
bre des Députés, au sujet de la li-
berté de la presse,» Paris, 1814,
in-S". m. Réflexions sur les pas-
quinades débitées par un certain
journal^ intitulé: la Quotidienne,
contre la liberté de la presse, Pa-
ris, 1814, in-8°. IV. La censure dé-
clarée inconstitutionnelle par la
Chambre des Pairs, Paris, 1814,
in-S». V. Réflexions sur les articles
58, 59, 61 et 62 du projet de loi sur
le budget de 1816, Paris, 1816, in-8'.
168
SET
Ces articles concernaient l'impres-
sion, sur papier timbré, des aili-
ches, catalogues, prospectus, etc.
Vi. Plan du poème anglais de Lo-
thaire, Paris, 1826, petit in-i".
Vil. L'Athénienne, ou les Français
en Grèce^ nouvelle, Paris, 1826,
in-18. Cet opuscule, extrait du jour-
nal la Psyché, se vendait au protit
des Grecs. VllI. Résumé de l'his-
toire des révolutions des colonies
espagnoles de l'Amérique du 5ud,
Paris, 1826, in-18. L'auteur inséra
ce résumé dans l'ouvrage suivant :
IX. Relation historique et descrip-
tive dhm séjour de vingt ans dans
l'Amérique du Sud^ ou Voyage en
Araucanie, au Chili, au Pérou et
dans la Colombie; suivie d'un Pré-
cis des révolutions des colonies es-
pagnoles de l'Amérique du Sud,
traduit de l'anglais de W.-B. Ste-
venson , et augmentée de la suite
des révolutions de ces colonies, de-
puis 1823 jusqu'à ce jour, Paris,
1826, 3 vol. in-so, avec caries et
planches. Setier reproduisit sa tra-
duction sous le titre de Voyage en
Araucanie, au Chili et dans la Co-
lombie, ou Relation historique, etc.,
Paris, 1828, 3 vol. in-8''. X. Quel-
ques observations sur le point de
loi relatif aux crieurs publics, Pa-
ris, 1834,in-8°. Z.
SEÏTIGNANO (DÉSIRÉ De), scul-
pteur , naquit à Florence en 1457.
Frappé de la beauté des ouvrages du
Donatello, il se mit à les étudier avec
persévérance jusqu'à ce qu'il se mon-
trât capable de rivaliseravec cet habile
maître. Un des travaux qui com-
mencèrent à établir sa réputation
fut la décoration de la chapelle du
Saint-Sacrement dans l'église de
Saint-Laurent, où l'on admire par-
ticulièrement la figure en marbre
d'un enfant en ronde-bosse. On ne
SET
fait pas un moindre cas du tombeau
de la bienheureuse Villana, que l'on
voit dans l'église de Sainte-Marie-
Nouvelle. La statue de la bienheu-
reuse, qui semble dormir du som-
meil des justes , et plusieurs figures
de petits anges d'une grâce incom-
parable, sont une preuve des talents
supérieurs de Désiré. Parmi les au-
tres monuments remarquables que
l'on doit au ciseau de cet artiste,
il faut citer le mausolée de Charles
Marsupini d'Arezzo, placé dans l'é'
glise de Sainte-Croix ; le piédestal du
David de Donatello; les armes de
Florence, sculptées sur la façade du
palais Gianfigliazzi; VAnge de lois
que l'on conserve dans l'église des
Carmes, etc. Ses ouvrages en petit
ne sont pas moins nombreux; les
plus célèbres sont : le Buste de Mar-
cotta Strozzi^ deux têtes, l'une de
Jésus-Christ, l'autre de Saint Jean-
Baptiste enfant et une Madeleine pé-
nitente, qu'il ne fit qu'ébaucher, et
qu'après sa mort Benoît de Majano
termina. Ses premiers ouvrages le
signalaient déjà comme un grand
artiste; les progrès qu'il ne cessa de
faire l'auraient conduit au plus haut
terme de l'art , si une mort préma-
turée ne l'eût emporté à l'âge de 28
ans, en 1485. Aucun artiste de son
époque ne s'approcha autant que lui
de Donatello qu'il promettait même
de surpasser, s'il eût vécu plus long-
temps. On remarque dans ses statues
une simplicité pleine de grâce qui
n'exclut ni le mouvement ni l'expres-
sion, et il joint à ces qualités pré-
cieuses des titres où brillent une rare
beauté et une finesse d'exécution pres-
que incomparable. P— s.
SETTLE (Elranah), écrivain
anglais très-médiocre, né en 1648 à
Dunstable en Bedfordshire, acheva
ses études à l'université d'Oxford,
S£V
puis vint à Londres prendre part aux
débats élevés entre les divers partis
politiques ; mais, comme il n'avait pas
de principes arrêtés, il passa sans
pudeur des whigs aux torys et des
torys aux whigs , donnant tour à
tour sa prose et ses vers aux uns et
aux autres. En 1680, il s'était mon-
tré si dévoué aux whigs qu'il fut dé-
signé pour diriger la fameuse céré-
monie du brûlement du pape, le 17
novembre^ et plus tard , on le vit
servir dans l'armée du roi Jacques à
Hounslow Heath. Il (iuit par tomber
dans le plus grand discrédit et dans
une misère profonde, malgré la petite
pension que lui faisait, la Cité pour
prix d'un panégyrique annuel destiné
à la fête du lord-maire. Le dernier de
ces poèmes est de 1708. Ce pauvre
poète, dont la réputation, au rapport
de Samuel Johnson , balança pour
un temps celle deDryden,fut réduit
dans la dernière partie de sa vie à
subsisterdu produit de petites pièces
qu'il arrangeait pour un spectacle
forain, et dans lesquelles lui-même
jouait un rôle. Ayant enfin été admis
à la Chartreuse (maison de refuge),
il y mourut en 1724. On a complète-
ment oublié aujourd'hui dix-neuf tra-
gédies qu'il avait composées, et ses
autres poésies, au nombre desquelles
on cite, mais non pour le recom-
mander," un poème héroïque sur le
couronnementde Jacques II. L.
SEVELINGES ( Chakles-Louis
DE), littérateur et écrivain politique,
né à Amiens, le 28 déc. 1767, d'une
famillenobleoriginaire du Beaujolais,
où est située la terre dont elle porte
le nom, fut élevé au collège de Juilly,
d'où il sortit en 1782 pour entrer
comme aspirant h l'École royale d'ar-
tillerie de Melz. Lorsqu'il eut subi
ses examens de mathématiques, il
fut admis dans un corps de la maison
SEV
169
du roi (les gendarmes de la garde),
où il servit jusqu'à la suppression
de cetle troupe. Il suivit plus tard
les princes frères de Louis XVI dans
l'émigration, et fit dans leur armée
les campagnes de cette époque, con-
sacrant tous les loisirs que lui lais-
sait le service militaire à l'étude des
langues étrangères, surtout à celle
de l'allemand, qu'il parvint à sa-
voir très-bien. 11 quitta l'armée du
prince de Condé lorsqu'elle fut
envoyée en Russie, au commence-
ment de l'année 1800, et resta en Alle-
magne, où il se livra avec une nou-
velle ardeur à l'étude de la littérature
allemande. Rentré en France en
1802, sous les auspices de Regnaud
de Saint-Jean-d'Angelyetde Vincent
Arnault, dont il avait épousé la belle-
sœur, et qui avait été son condisciple
à Juilly, il se flatta d'obtenir du gou-
vernement consulaire des avantages
qui lui manquaient; mais il se brouilla
avec son beau-frère, et n'ayant ni
fortune ni emploi il se vit oblige de
vivre de ses travaux littéraires. Actif,
laborieux et doué d'une grande faci-
lité, il composa plusieurs ouvrages,
publia des traductions de l'alle-
mand, et travailla successivement à
divers journaux, entre autres au
Mercure, à la Gazette de France,
au Journal de Paris et au Publi'
ciste. A l'époque de la Restauration,
en 1814, il espérait comme beaucoup
d'autres recevoir quelque dédom-
magement de ses anciens services;
mais nous ne pensons pas qu'il ait
obtenu du gouvernement dece temps-
là autre chose que la croix de Saint-
Louis, à laquelle du reste il attachait
un grand prix. Obligé de vivre
encore du produit de sa plume, il con-
tinua de coopérer à divers journaux,
notamment à la Quotidienne, au
Drapeau blanc, à V Étoile \ et il
170
SEV
composa beaucoup de brochures
politiques, toujours dans les prin-
cipes du plus ardent royalisme,
travaillant en même temps à cette
Biographie universelle, où il a fait
un assez grand nombre d'articles
tirés pour la plupart des littératures
allemande, anglaise, et de la nôtre;
notamment ceux de madame de 5(06/
et dcJ.-/.iîou5seau.Ce dernier excita
de vives réclamations de la part des
admirateurs enthousiastes qui ne
veulent pas que le philosophe de
Genève ait mérité un reproche ni
qu'il ait commis une seule faute. Ce-
pendant c'est dans les Confessions
mêmes que Sevelinges a puisé la plus
grande partie de ses renseignements ;
et c'est peut-être là son seul tort, car
il y a des gens qui refusent d'en
croire J.-J. Rousseau lui-même,
lorsqu'il fait l'aveu de ses turpitu-
des. Dans la plupart de ses écrits,
et surtout dans ses articles bio-
graphiques, Sevelinges est un cri-
tique sévère, mais juste, judicieux
et spirituel. Cela ne plaisait pastou-
jours, et il se lit par là de nombreux
euuemis; mais nous pensons que
c'est ainsi que l'histoire doit être
écrite. Comme Sevelinges est resté
franchement royaliste, et qu'il n'a
jamais varié dans sa conduite ni
dans ses opinions, les écrivains du
parti révolutionnaire, entre autres
les rédacteurs du Nain jaune et du
Constitutionnel, l'ont souvent atta-
qué ; mais il leur a toujours répondu
avec beaucoup de force. 11 mourut à
Paris en 1832. Ses ouvrages publiés
sont : I. Histoire de la campagne de
iSOOenAllemagneetenltalicd'apves
Bulow, précédée d'une introduction
critique du traducteur {voy. Bulow,
VI, 261), 1804, in-8°. II. Histoires,
nouvelles et contes moraux, 1809,
in-12. Ce sont des morceaux détachés
SEV
qui avaient paru successivement dans
le Mercure. Ul. Mémoires secrets et
correspondance inédite du cardinal
Dubois, recueillis et augmentés d'un
précis de la paix d'Utrecht et de di-
verses notices historiques, 1814, 2
vol.in-8o. 1 V. Histoire de la captivité
de Louis XVI et de la famille royale,
1 vol. in-8o, avec /ac-sîmiie et gravu-
res, Paris, 1817, in-8". V. Le Rideau
levé, ou Petite revue de nos grands
théâtres, Paris, 1818, in-8o. Cet ou-
vrage fit beaucoup de bruit lors de sa
publication, et il eut deux éditions
dans la même année. Comme Seve-
linges n'y avait pas mis son nom, on
l'attribua, à cause de la sévérité des
critiques et d'une connaissance rare
des théâtres de la capitale, à Grimod
de la Reynière.' Sevelinges essuya
plusieurs critiques, entre autres une
de M. de Vallabrèque, directeur du
théâtre Italien, dont l'administration
avait été vivement censurée par l'au-
teur, qui lui répondit dans sa seconde
édition. VI. Mémoires de la maison
de Condé imprimés sur lesmanuscrits
autographes et d'après l'autorisa-
tion de S. A. R. le duc de Bourbon,
Paris, 1820, 2 vol. in-8». On croit
que Sevelinges fut l'auteur de la plus
grande partie de cet ouvrage (i).
(i) Ce» mémoires fort curieux se compo-
seut (le la seconde édition de la F<« du grand
Condè, par Louis-Josepb de Bourbon-Condé.
Le libruire Léopold Gullio l'avait d'abord
fuit imprimer en 1807 in-8° ; mais il ])arait
qu'elle fut saisie par la police impériale, aa
moment de sa publication. A la suite du
premier volume, on trouve la correspon-
dance inédile du grand Condé avec Louis
XIV, Anne d'Autricbe, Gaston, les ministres,
les généi'aux, etc., imprimée sur les lettre»
autographes ; un grand uombre de fat-
///n</« ajoutent à l'intérêt de ce recueil. Le
second volume comprend le précis d« la
vie de Louis-Joseph de Bourbon-Condé,
par Sevelinges, et la correspondance iné-
dite des princes arec Louis XVIII, les autres
louveruias de l'Europe, les princes et prio-
SEV
VII. Madame la comtesse de Genlis
en miniature, ou Abrégé critique de
ses mémoires, Paris, 1826, in-8°.
Cetlc critique des faits et des écrits
de madauie de Genlis est peut-être
ce quia éié publié de plus spirituel
et de plus vrai sur cette dame cé-
lèbre. VllI. Le duc de Rovigo en mi-
niature, ou Abrégé critique de ses
mémoires^ 1828, in- 8°. C'est encore
une critique sévère et grave des laits
du célèbre (iuc{voy. Sa vary, LXXXI,
213). IX. La Contemporaine en mi-
niature, ou Abrégé critique de ses
mémoires, 1828, in-8". C'est, comme
l'ouvrage précédent, une critique
spirituelle où sont parfaitement dé-
voilés les mystères de l'une des
plus grandes mystifications qui aient
été faites à la crédulité publique {voy.
Saint-Elme, LXXX, 309). X. La Bel-
gique redeviendra-t-elle française ?
lettre adressée à un ministre d'une
cour du Nord, 1830, in-8». Seve-
linges a encore publié beaucoup de
traductions de l'allemand, de l'anglais
et de l'italien, notamment une His-
toire de Schinderhanncs et autres
chefs de brigands{iSiO, 2 vol. in- 12),
une Histoire de la guerre dé Vindé'
pendancedes États-Unis d'Amérique,
de Ch. Botta (1812-13, 4 vol.in-8°) ;
plusieurs romans, entre autres les
Souffrances du jeune Werther, de
Goethe, traduction fort estimée pour
sa fidélité et son élégance. Sevelinges
avait composé une histoire de Marie
Stuart qui n'a pas paru. M — D j.
SEVEROLI (Antoine-Gabriel),
cardinal de la sainte Église romaine,
né à Faenza dans les États-Romains,
le 28 février 1757, suivit d'abord la
carrière administrative, puis la car-
rière politique. A l'époque des négo-
cesses de sa f.imille, atooinpagnée aussi d'un
graud nomjjre defat'Simi/e, L— M— x.
SEV
171
ciations pour le mariage de Napoléon
et de Marie- Louise, Sévéroli résidait,
comme nonce de Sa Sainteté, à Vienne.
Le pape était prisonnier à Savone,
et l'on voulait qu'il donnât son con-
sentement à ce mariage. Sévéroli eut
ordre de déclarer à Vienne que Pie
Vil ne donnait pas ce consentement.
Nous rappellerons à ce sujet des in-
formations contenues dans l'Histoire
de Pie Vil (l). Napoléon avait de-
mandé la main d'une archiduchesse
d'Autriche, après avoir fait délibérer
son conseil sur d'autres alliances. Il
s'agissait de faire casser le mariage
de Joséphine, à cause de plusieurs
nullités antérieures. Le mariage de
Napoléon avec Joséphine avait été
célébré en face de l'Église, avant la
cérémonie du sacre. Joséphine refu-
sait d'assister au couronnement
(1804) si on ne lui accordait pas la
demande qu'elle faisait d'être unie
de nouveau à Napoléon. Celui-ci
craignait que l'absence de Joséphine
ne déconcertât le cérémonial où elle
devait jouer un grand rôle. Aussi il se
vit obligé de satisfaire Joséphine et
consentit à ce que le mariage fût
béni, mais dans le plus grand secret.
Le cardinal Fesch seul devait être et
avait été présent. Cette réhabilita-
tion aurait été nulle si l'on n'avait
pas obtenu la dispense de la présence
du propre prêtre et de deux ou trois
témoins exigés par le concile de
Trente. Pour parer à cet inconvé-
nient, le cardinal Fesch, étant allé
trouver Pie Vil aux Tuileries (1804),
lui avait dit sans rien spécifier:
• Très -saint -père. Votre Sainteté
comprend que dans ma place de
grand-aumônier je puis avoir besoin
de pouvoirs étendus. . — « Je vous
donne tous mes pouvoirs.» , avait ré-
(i) Hist. de Pie Fil, 3« édition, III, 38g.
1T2
SEV
pondu le pape, à qui l'on ^exposait
d'ailleurs qu'il était bien, de toutes
manières, que le mariage fût réha-
bilite', puisque l'aulorité pontificale
allait prononcer, dans le fait, des
oraisons qui établissaient que José-
phine était l'épouse de Napoléon.
Muni de ces facultés générales, le
cardinal Fesch avait procédé à la cé-
lébration du mariage et croyait le
réhabiliter validement. En cela le car-
dinal Feschagitavec la plus religieuse
sincérité. Quand il fut question du
divorce, l'archevêque de Vienne de-
mandait à l'empereur François 1''
que le mariage (ùt cassé à Paris par
l'autorité de l'ordinaire. On créa
donc une officialité qui n'existait pas
auparavant, ou plutôt on en créa
trois : une, diocésaine ; une seconde,
métropolitaine; une troisième, pri-
matiale, où le mariage pourrait être
successivement porté. On avait créé
ces différents degrés de juridiction
contentieuse pour éviter le recours
au pape, que Napoléon déclinait po-
sitivement. Le mariage ne fut cepen-
dant.porté qu'aux premières ofticia-
Jités, où il ne manqua pas d'être
cassé. L'officialité diocésaine le cassa,
parce qu'il n'avait pas été fait avec
la présence du propre prêtre et des
témoins, conditions essentielles pour
sa validité, ce dont on ne put lui
produire de dispense. On ne parlait
pas des facultés demandées au pape.
11 parait néanmoins que Pie Vil
avait bien compris qu'il s'agissait de
dispenses relatives au mariage de
Napoléon -, et comme on s'entrete-
nait plus tard devant Sa Sainteté du
projet que l'empereur avait de di-
vorcer, elle dit : • Comment l'em-
pereur peut-il penser à faire casser
son mariage avec Joséphine, puisque
nous avons accordé toutes les dis-
penses nécessaires pour le réhabi-
SEV
liter ?» Mais les volontés despotiques
sollicitent quelquefois des privilèges
dont elles ne doivent pas larder à se
repentir. Quoi qu'il en soit, il est évi-
dent que si on ne produisit pas à l'ofli-
cialité des preuves certaines de dis-
pense, elle se trouva en droit de décla-
rer nulle la réhabilitation. Le mariage
porté à l'oflicialité métropolitaine
fut cassé, parce qu'il avait élé fait
sans consentement intérieur de Na-
poléon. Enfin une commission ecclé-
siastique, instituée par l'empereur,
déclara les deux officialités compé-
tentes, et l'on pensa à procéder au
nouveau mariage. Ces faits furent
connus à Vienne, et Sévéroli, nonce
de Sa Sainteté, n'eut pas la liberté
de manifester une opinion contraire
à celle du pape Pie Vil, qui, dans sa
prison de Savone, répétait tou-
jours ce qui s'était passé sous ses
yeux, en 1804, à Paris. Cependant
le nonce, qui était en général d'un
caractère doux, quoique ferme, con-
tinua de résider à Vienne. Quand le
pape, depuis prisonnier à Fontaine-
bleau, sollicitait en 1813 l'appui des
princes étrangers, et particulière-
ment celui de la cour de Vienne,
Sévéroh fut chargé de demander au
prince de Metternich qu'il voulût
bien montrer de l'intérêt pour la
position déplorable du saint-père, et
le nonce eut occasion de se louer des
bons procédés du premier ministre
d'Autriche. A la fin des malheurs du
pape, Sévéroli, devenu cardinal de-
puis 1816, résidait habituellement
dans son évêché de Viterbo. Là il
était honoré par la population en-
tière. 11 répandait d'abondantes au-
mônes ; il avait ordonné que l'on
réformât presque toiites les dépenses
de sa table pour avoir plus d'argent
à distribuer aux pauvres. En 1822,
nous l'avous vu venir en visite à
SEV
Bagnaia, villa délicieuse de la fa-
mille Lanté, où séjournait le duc
de Blacas. Sévéroii ne marchait
qu'au milieu des applaudissements
de la multitude, et déjà on le dési-
gnait comme le sujet le plus apte à
devenir un jour le successeur de
Pie Vil, alors âgé de plus de 80 ans.
Au mois d'août 1823, quand les car-
dinaux s'assemblèrent en conclave,
un parti considérable se prononçait
pour Sévéroii dès les premiers jours.
• C'était, disait-on, un homme Iran-
quille et à qui on faisait un peu lé-
gèrement une grande réputation de
sévérité opiniâtre (2). • Comme on
publie ordinairement à ces époques
des sortes de stances pour diriger
l'opinion publique, nous pouvons re-
marquer celle qui fut composée alors
en faveur de Sévéroii ;
Chi vuol c lie il papa
Ci racconsoli
I voti poi ga
Per Severoli.
Beaucoup d'autres écrits circulèrent
pour vanter le bien que le cardinal
ferait au saint-siège. Il est nécessaire
ici de rapporter quelques circon-
stances (3) des usages, des droits,
des prétentions que l'on signale sou-
vent dans les conclaves. La France,
l'Espagne et l'Autriche se reconnais-
sent un droit d'exclusion , c'est-à-
dire que, lorsque les voix paraissent
se diriger sur un candidat qui n'est
pas agréable à une de ces cours,
chacune d'elles se croit autorisée à
exercer le droit d'exclure ce candi-
dat, mais un seul, qui serait près
d'obtenir les deux tiers des voix
exigées, pourvu toutefois qu'il ne
fût pas encore élu. Cette exclusion
(a) nist.dt Léon Xll, t. I, p. 24.
(3) Hi:i.dt Uoi%Xll,l,6^.
SEV
173
se prononce sur une probabilité qui
semble fondée et redoutable, et non
pas sur une. certitude. L'exclusion
de cette sorte, qu'en général on ne
regarde pas à Rome comme un droit
positif, étant une fois employée par
une des trois puissances susnom-
mées, cette puissance est obligée
d'accepter le choix qu'on fait en-
suite, à moins qu'une des cours pri-
vilégiées ne donne une autre exclu-
sion ; mais cette exclusion peut
porter sur un sujet que les deux
autres cours ne repoussent pas. H
est rare que les motifs de répu-
gnance soient les mSmes pour les
trois cours, et bien qu'on puisse les
voir unies, il est facile de remar-
quer qu'elles se font la guerre dans
la paix. Le cardinal Albani, par suite,
dit-on, des démêléssurvenus en t810,
au sujet du mariage de Napoléon,
et détaillés plus haut, accrédité com-
me ambassadeur intérieur de l'Autri-
che au conclave dont il est question,
exerça ce droit contre le cardinal Sé-
véroii au profit du cardinal Castiglio-
ni. Le p'us grand nombre des Italiens,
comme on l'a dit , était favorable au
cardinal Sévéroii. Une note secrcle
déclarait qu'il connaissait des plans,
et surtout des faits plus ou moins
vrais, relatifs à un certain traité
mystérieux de partage conclu en
1790, entre la cour de Napics et
le cabinet d'Autriche ; on disait :
«Sévéroii déjouera les projets de
Vienne, s'il en connaît. » Ces bruits
agitaient violemment le conclave. Le
21 septembre 1823, l'Autriche don-
na l'exclusion à ce cardinal, parce
qu'il eut vingt-six voix le matin , et
qu'à l'élection du soir on avait lieu
de croire qu'il atteindrait le nombre
suffisant de voix qui , vu le nombre
des cardinaux alors présents, était
de trente-trois, formant les deux
174
SEV
tiers (les voix , sans y comprendre
celle du candidat qui ne peut comp-
ter pour lui. En effet, lorsqu'on re-
connaît qu'un candidat a obtenu les
deux tiers des voix, on ouvre les
bulletins pourvoir si ce candidat ne
se serait pas donné sa voix, ce qui
n'arrive jamais. Avant le scrutin
du 21 soir, il y eut une réunion
d'opposants où se trouvèrent les
cardinaux Albani, Fabrice Ruffo, So-
laro, Hoeffelin : ils pensaient qu'il
n'y avait pas un moment à perdre
pour déclarer l'exclusion au nom de
l'Autriche. Le cardinal Albani remit
une note au moment où l'on allait
commencer à signer les cédules. Cette
note était ainsi conçue (4) : «En ma
«qualité d'ambassadeur extraordinai-
«re d'Autriche près le sacré collège
«réuni en conclave, laquelle qualité
«a été notitiée à vos cminences et
«portée à leur connaissance, tant
«par le moyen de la lettre à elles
«adressée par S. M. I. et R. que par
«la déclaration faite à vos éminences
« par l'impérial et royal ambassadeur
« d'Autriche , et de plus en vertu des
• instructions qui m'ont été données,
«je remplis le devoir déplaisant pour
«moi de déclarer que l'impériale et
«royale cour de Vienne ne peut ac-
«cepter pour souverain pontife son
«éminence le cardinal Sévéroli, et
«lui donne une exclusion formelle.
« Au conclave, ce 21 septembre 1823.
«Signé le cardinal Joseph Albani.»
L'effet immédiat de cette exclusion
fut d'exaspérer presque tout le sacré
collège et surtout le parti italien.
Le cardinal Castiglioni , porté par
l'Autriche, s'en ressentit, et au lieu
de dix-sept voix qu'il avait eues le
m.itin, il n'en eut le soir que huit au
scrutin, et deux à Vaccesso, complé-
(4) Hùtoirt de livn Xll, I, 66.
SEV
n)ent du scrutin. En général plu-
sieurs cardinaux traitaient publique-
ment avec sévérité le cardinal Al-
bani. Peut-être dans la déclaration
les termes eussent-ils pu être plus
doux! On allait jusqu'à contester au
cardinal le droit personnel de pro-
noncer l'exclusion, droit qui ne pou-
vait, disait-on, être reconnu tout au
plus que dans son excellence M. Ap-
pony, ambassadeur résidant à Rome.
Celui-ci , qui ne pouvait douter de
l'authenticité des instructions don-
nées à Albani, jugea à propos d'adres-
ser au sacré collège, le 24 septem-
bre, la note suivante : « Le soussigné
• apprend qu'il circule dans Rome
«des bruits injurieux à son éminence
« M. le cardinal Albani : il a suffisam-
• ment été accrédité près le sacré
« collège, tant par des lettres de con-
«doléance de S. M. l'empereur d'An-
«triche, que par la lettre de créance
«que le soussigné a eu l'honneur de
«remettre à cette auguste assem-
«blée, qui elle-même a reconnu pu -
« bliquement le cardinal Albani, dans
• des qualités qjie Sa Majesté impé-
«riale et royale apostolique a cru
"devoir lui confier. D;ins ces circon-
« stances , il ne sera que plus facile
«de reconnaître l'inconsistance des
«bruits dont le but serait de faire
«supposer que M. le cardinal Al-
■ bani, dans des notifications et dé-
«clarations qu'il a (=té dans le cas
«de faire au sacré collège, eût agi
«contre ses instructions. Voulant
• prévenir les impressions sinistres
«que pourrait occasionner la circu-
• lation de bruits aussi mal fondés,
«le soussigné, qui a connaissance des
«instructions données à son érai-
«ncnce le cardinal Albani par la
• cour de Vienne (ces instructions
«lui étant même communes), croirait
«manquer à ses devoirs et à un col-
SEV
• lègue aussi respectable, à l'abri de
« toute exception , par le caraclère
«dont il est revêtu, s'il ne faisait
«connaître ici, à toute bonne fin, que
«les de'clarations et les notifications
«que M. le cardinal Albani a faites
• au nom de S. M, I. et R. au
«sacré collège sont conformes aux
• instructions de S. M., et qu'en con-
«se'quence le soussigné n'hésife pas
«d'y donner son entière et parfaite
«adhésion en sa qualité d'anibassa-
« deur extraordinaire de S. M. I. et
• R. auprès du saint-siège. Son émi-
• nence le cardinal dclla Somaglia
• appréciera aisément les motifs qui
• portent l'ambassadeur à avoir
«l'honneur d'entrer, vis-à-vis de son
«éminence, dans ces détails. Du
• reste, en priant I\I. le cardinal
• doyen de vouloir bien communi-
• quer le présent olfice au sacré col-
«lège , il a l'honneur d'offrir à son
«éminence les assurances de satrès-
• haute considération. Signé Appo-
.ny(5).» Cette notification ne di-
minua aucun des sentiments de mé-
contentement du parti italien. —
Dans ces circonstances , l'ambassa-
deur de France, le duc de Laval, re-
çut de Paris (M. le vicomte de Cha-
teaubriand était alors ministre des
atfuires éirangères) de nouvelles in-
structions à la date du 13 septembre.
On ne soupçonnait pas encore , en
France, la marche qu'avaient suivie
les affaires. M. de Chateaubriand
s'exprimait ainsi : « 11 puraît que
«l'Autriche voulait faire élire um
"pape dont la politique ressemblât
« à celle (lue le cardinal Consalvi a
• fait suivre au pape défunt; IcsZe-
« lanti et le parti italien sont trop
• italiens pour elle. C'est cela que
5^ C'est le même :iniba.ssadeur qui ré-
sidait à Paris au mois d'avril dernier.
SEV
.175
«rAutrielie redoute plus que la ri-
«gidité des principes dont il ne
«semble pas qu'elle ait rien à re-
• douter. Nous, au contraire, nous
• voulons un membre du parti ita-
« lien, du parti modéré, capable d'è-
• tre agréé par tous les partis. Tout
«ce que nous lui demandons , c'est
«de ne pas troubler nos affaires ec-
«clésiastiques; mais nous n'avons
« rien de politique à exiger de lui. Il
« nous importe peu que l'on conserve
«ou que l'on modifie l'administra-
«tion du cardinal Consalvi , pourvu
« toutefois que l'on ne cause pas,
a par un excès de rigidité , une ex-
= plosion qui fournirait à l'Autriche
«un prétexte de faire avancer des
• troupes et d'intervenir. Ainsi,
• monsieur le duc , vous connaissez
«à fond les vues du gouvernement
• du roi dans la grande affaire dont
• vous êtes chargé. 11 se repose avec
« confiance sur votre zèle et votre
« prudence. • Du 21 au 28 septembre
d'autres chefs des Italiens opposés à
l'Autriche parurent gouverner l'élec-
tion. Le cardinal Castiglioni, plus
tard pape sous le nom de Pie Vlll,
n'avait démérite de personne; mais
la faveur des étrangers, mal appré-
ciée apparemment, lui fit du tort. Le
soir du 21, comme nous l'avons dit,
il n'eut plus que huit voix au scru-
tin, et deux à Vaccesso. Vinclusive
italienne, c'est-à-dire le parti qui,
par sou nombre, avait le pape dans
son sein, usa d'habileté. Le 27 sep-
tembre, quoiqu'elle eût arrêté un
choix indique positivement par le
cardinal exclu (Sévéroli) à qui, par
un prudent compromis , elle avait
noblement déféré le droit de nom-
mer le cardinal qui le remplacerait
(il avait nommé délia Genga), elle ne
fit porter sur ce dernier cardinal que
douze voix le matin et treize le soir.
176
SEV
Vexcliiiive (le parti qui a assez do
voix pour empêcher l'élection) dor-
mit en paix, mais Vindusive ne se
livra pas au même repos : elle tra-
vailla la nuit, s'assura de trente-trois
voix, sollicita la voix du cardinal
de Clermoiit-Tonnerrequi se détacha
de Vexclusive^ et obtint le lende-
main à la majorité les trente-quatre
voix qui nommèrent le cardinal délia
Genga. Celui-ci refusa d'abord, mais
il accepta sur les instances de Sévé-
roli qui lui disait : «C'est moi seul,
par suite de circonstances extraor-
dinaires, qui vous ai nommé; vous êtes
un autre Sévéroli, seulement vous
portez un autre nom; et par vous,
comme par moi , les Zelanti ont
triomphé.» Tout le commencement du
règne de délia Genga (Léon XII) fut
en quelque sorte le règne de Sévéroli ;
il dirigea une partie des affaires, mais
en 1824 la santé de celte éminence
s'altérait tous les jours. Cette situa-
tion nouvelle, et Timpossibilité où se
trouvaitce cardinal d'adresser au pape
des remontrances, droit dont cette
éminence dirigée par de mauvaiscon-
seils hors de son caractère avait usé
parfois avec excès, laissait croire que
le gouvernement allait devenir plus
calme et plus conforme aux vieilles
maximes de temporisation convena-
bles. C'était un spectacle singulier
que celui de la reconnaissance con-
stante de Léon Xll,et de l'espèce d'a-
bus inintelligent qu'en faisait Sévé-
roli toujours malade, et suivant par
routine des principes austères, sans
en pouvoir désormais calculer l'im-
portance. La vente des biens natio-
naux avait été déclarée valide en
France, et Sévéroli prit part alors,
de tout le poids de son crédit, à un
projet de restriction que Léon XII ne
voulait pas adopter... Le père An-
fossi, maître du sacré palais, avait pu-
SEV
hlié des opinions dangereuses h ce
sujet; alors le pape Léon XII voulut
prévenir l'intervention présumée du
cardinal et lui écrivit lebil let suivant :
• Dans le cas où votre éminence au-
• rait accordé quelque attention et
• peut-être quelque appui aux ré-
• flexions du père Anfossi, qui n'a pas
• agi d'ailleurs dans l'exercice de
• ses fonctions de maître du sacré
• palais et qui n'a écrit que comme
• simple particulier , nous prions
• voire éminence de nous dire si elle-
• même se voyant pape, comme nous
• le sommes devenu par des circon-
• stances qu'elle ne peutignorer, elle
• aurait approuvé ces réflexions.
• Votre éminence, dans notre situa-
« tion, aurait dit et ordonné de dire
« ce que le secrétaire d'Éiat a répondu
« en notre nom aux diverses légations
• et ce que nous avons répété nous-
• même dans le but de laisser l'Eu-
• rope en paix, car toute l'Europe
• catholique et l'Europe protestante
• qui a acquis des sujets catholiques
• récriminaientalafois,etmaintenant
• personne ne se plaint plus de nous.
a L'Église a tant de maux ! Nous avons
• à porter nos regards ailleurs; l'c-
• poque du jubilé (1825) est un temps
• de concorde universelle. Nous vous
• sommes attaché detout notre cœur.
• Leo pp. XII. » La maladiede Sévéroli
empira; il succomba le 8 sept. 1 824 . Je
ne puis actuellement que répéter ici
ce j'ai dit à ce sujet dans l'histoire de
Léon XII (I, 336). « Ce cardinal avait
« d'abord été calomnié dans le con-
• clave; il appartenait au parti des Ze-
m lanti, mais ses opinions n'avaient
« alors rien d'exagéré; peut-êt reeutil
• la faiblesse de se laisser trop dire et
• de trop croire que le pape Léon XII
• lui avait d'immenses obligations
• et qu'il pouvait tout lui demander,
« et alors dans cet esprit d'ivresse,
SËY
« cardinal , il demanda plus qu'il
• n'aurait accordécommepapo; mais,
«avant de se prononcer froidement
« sur de (elles questions, il faut exa-
• miner les circonstances. Il dtait
• difficile que tout ce qui devait ar-
• river après le conclave ne prît pas
• la couleur que nous avons tâché de
« reproduire ; ce qui est certain, c'est
• que de telles incertiludes ne de-
• vaient avoir aucune durée, et que la
« haute autorité légitime et vrai-
• ment responsable devant Dieu ne
• tarda pas à se manifester, à se pla-
« cer sur son trône et à prendre une
« consistance qu'aucun obstacle ne
" viendrait détruire. » Résumons ces
fails: indubitablement Léon XII eut
de grandes obligations à Sévéroli qui
venait de le créer pape, et il fit bien
de lui en témoigner une sincère et
longue gratitude^ mais en définitive
cette gratitude devait avoir des bor-
nes. Léon XII pouvait appeler intime-
ment dans son conseil le cardinal
qu'on avait nommé Yunîque électeur,
mais toujours dans la sphère de con-
ccfigion que méritait le vrai et ancien
caractère de Sévéroli qui, encore une
fois, était auparavant doux et ferme
avec sagesse. Le lendemain de l'ex-
clusion, ce même caractère s'était ai-
gri, la douceur première avait un peu
disparu; à la fermeté sage avait suc-
cédé une fermeté décidément opi-
niâtre-, les flatteurs plus ou moins
nouveaux de cette puissance déchue
avant la jouissance du pouvoir n'a-
vaient rien fait pour Léon Xlf, et c'é-
taient eux qui voulaient le gouver-
ner. La résignation de Léon Xll fut
admirable, et son courage nele futpns
moins quand il crut à propos de tenir
fortement lui-même le sceptre qu'il
n'avait pu mettre en ses mains à des
conditions déshonorantes. On vit
bien,quand il eut saisi l'autorité, qu'il
LXXXII.
SEV
177
en était digne, d'autant plus que
l'exercice de son action intrépide
n'avait été interrompu que par des
qualités de cœur et d'àme fendre qui
s'alliaient si généreusement à des
qualités de gouvernement dans l'es-
prit de ce pontife, l'un des plus grands
génies d'ordre, de franchise, de vo-
lonté prudemment réformatrice qui
se soient assis, au commencement de
ce siècle,sur le siège de saint Pierre.
A-D.
SEVESTRE ( Joseph - Marie-
François), conventionnel, né à Ren-
nes le 18 janvier 1753, était employé
dans les bureaux des États de Bre-
tagne avant la révolution, dont il
embrassa la cause avec beaucoup de
chaleur. Nommé en 1792 l'un des
députés du département d'Ille-et-Vi-
laine à la Convention nationale, il y
siégea et vota dès le commencement
avec la faction de la Montagne. Dans
la discussion à laquelle donna lieu
l'acte d'accusation de Louis XVI, il
demanda qu'il ne fût pas permis à
ce prince de se choisir des conseils,
ce qui fut repoussé par l'assemblée.
Il vota ensuite pour la peine de mort,
contre l'appel au peuple et contre le
sursis. Ayant reçu aussitôt après,
avec Billaud-Varenne, une mission
pour les départements de l'Ouest, il se
trouva dans ces contrées au moment
des premiers soulèvements du parti
royaliste, et ces deux représentants
écrivirent de Rennes à la Convention
nationale des lettres très-alarmantes.
Revenu dans l'assemblée, Sevestre
continua d'y siéger à côté de Marat et
de Robespierre ; mais il ne prit que
peu de part aux discussions, si ce n'est
à l'époque de la révolution du 31
mai, où il dénonça sou compatriote
Guilbert, suppléant de Lanjuinais, et
le fit arrêter connne l'auteur du sou-
lèvement qui venait d'éclater en Bre-
12
178
SEV
lagne contre celte révolulion. Peu
de jours après il ilcfendit Garât qui
était accusé par Collot d'Herbois,
et il assura que ce ministre s'était
très-bien conduit dans les journées
des i" et 2 juin 1793. Le 30 septem-
bre suivant, il accusa un de ses col-
lègues en mission dans le Loiret
d'avoir imposé des taxes arbitraires.
Lors de la révolution du 9 thermi-
dor, il se déclara franchement con-
tre Robespierre et prit ensuite une
part assez vive au système de réac-
tion. Il fut membre de la commission
chargée d'instruire le procès de Car-
rier. Appelé au comité de siireté
générale en avril 1795, il concourut
à la répression des émeutes qui écla-
tèrent contre la Convention natio-
nale dans les journées de prairial,
où le député Féraud fut tué. Après
la victoire de la Convention Se-
vestre présenta le décret d'accusa-
tion contre les chefs de la révolte,
qui furent traduits devant un con-
seil de guerre, et il continua de
marcher ainsi dans le sens de la
réaction thermidorienne, poursui-
vant , persécutant ses anciens amis
du jacobinisme. Voulant cependant
se donner les apparences de l'impar-
tialité, et surtout ne pas paraître
pencher vers le royalisme, il se char-
gea, comme membre du comité de
sûreté générale, de la surveillance
des prisonniers du Temple, où res-
taient encore les enfants de Louis
XVI, qui seuls de toute la famille
avaient échappé à l'échafaud, et que
la police de ce teu)ps-là gardait et
surveillaitavec les mcmesprécautions
et d'une manière aussi lyrannique
qu'elle l'avait fait à l'égard de leurs
malheureux parents. Le comité de
sûreté générale qui remplaça dans
ces tristes fonctions l'affreuse com-
mune, immolée presque tout entière
SEV
jvec Robespierre dans la journée, du
9 thermidor, ne s'en acquittait p.as
avec moins de rigueur et de cruauté.
Quand le fils de Louis XVI eut à la
fin succombé, ce fut Sevestrequi se
chargea d'annoncer sa mort, et son
rapport à la Convention nationale fut
en tous points digne de cet'e épo-
que. « Depuis quelque temps, dit-il,
« le fils de Cnpet était incommodé
• par une enflure au genou droit et
« au poignet gauche Le 15 floréal les
« douleurs augmentèrent; le malade
« perdit l'appétit et la fièvre survint.
« Le fameux Desault, officier de
« santé, fut nommé pour le voir et
• pour le traiter. Ses talents et sa
' probité nous répondaient que rien
« ne manquerait aux soins qui sont
« dus à l'humanité. Cependant la
« maladie prenait des caractères très-
• graves; le 16 de ce mois Desault
« mourut ; le comité nomma pour le
« remplacer le citoyen Pelletan, of-
« ficier de santé très-connu, et le
■ citoyen Dumangin, premier méde-
« cin de l'hospice de santé, lui fut
«adjoint. Leur bulletin d'hier, Il
« heures du matin, annonçait des
« symptômes inquiétants pour la vie
• du malade, et à 2 heures et un
« quart après midi nous avons reçu
« des nouvelles de la mort du fils de
« Capet.Le comité de sûreté générale
« m'a chargé de vous en informer.
• Tout est constaté; voici les procès-
« verbaux qui demeureront déposés
• à vos archives. "On doit bien pen-
ser que peu de personnes crurent
aux soins humanitaires du comité ré-
gicide {voy. Louis XVil, XXV, 238).
Ce qu'il y eut de plus vrai dans ce
rapport, ce fut la mort de l'héri-
tier de tant de rois. Comme l'a
dit le poète Delille : iatomèe sait
le reste... Peu de jours après, voulant
éloigner de pi us en plus les souvenirs
SEV
(le la terreur, SeveslrelU changer la
dénomination de comités révolution-
naires en celle de comilés de sur-
veillance^ puis il proposa le rappel
de ])Insieiirs représeiilanls en mis-
sion, et sortit du comité de sûreté
générale (2 août 1795). Attaqué
dans plusieurs journaux pour sa con-
duite pendant la révolution, sur-
tout à l'occasion de son rapport sur
la mort de Louis XVII, il demanda
contre la presse des lois répressives
qu'il ne put obtenir, mais que plus
tard on a encore faites plus sé^'ères.
N'ayant pas été réélu après la session
conventionnelle, il fut nommé l'un
des mt-ssagers d'État au conseil des
Cinq-Cents, fonctions qu'il exerça
ensuite au corps législatif, sous le
gouvernement impérial, jusqu'à la
restauration de 1814. Exilé en 1816
par la loi contre les régicides, il ne
rentra dans sa patrie qu'après la ré-
volution de 1830. La Chambre des
députés lui fit alors payer son traite-
ment arriéré de tout le temps qu'a-
vait duré son exil, et elle lui accorda
une pension de 3,000 francs dont il
a joui jusqu'à sa mort.Cefutleôavril
1846 qu'il termina ses jours, au châ-
teau de Liverdy, près de Tournon
(Seine-et-Marne), à l'âge de quatre-
vingt-quatorze ans. Nous ignorons
si celte propriété lui appartenait.
M-D j.
SEVILLA Romero d'Escalante
(Jean de) , peintre , naquit à Séville
en 1027 et manifesta fort jeune en-
core ses dispositions pour la peinture.
il fut d'abord élève d'Alphonse Ar-
guello, peintre médiocre de Grenade,
puis de l'habile Pierre de Moya. Ce
dernier lui donna du goût pour les
ouvrages deVan Dyck, et Sevilla pro-
fita de l'étude de cet excellent mo-
dèle. Il eut le malheur de perdre son
maître au moment où ses conseils lui
SEY
179
auraient été nécessaires ; néanmoins
il trouva dans la vue des cartons et
des tableaux de Rubensune nouvelle
direction qui ne fut pas moins utile
à son talent, il parvint presque à s'i-
dentifier avec ce grand maître sous
le rapport de la couleur, et sa manière
le plaça à la tête de tons les peintres
que Grenade possédait à cette épo-
que. Il fut chargé de nombreux tra-
vaux, publics ou particuliers. Parmi
ses ouvrages, les plus dignes d'at-
tention sont ceux qu'il exécuta
pour les Carmes, les Augustins
chaussés, pour le couvent de Saint-
Jérôme de Grenade , et surtout la
Cène, qu'il peignit dans le réfec-
toire des Jésuites. On voit aussi
une grande partie de ses compositions
dans plusieurs églises de Xérès de
la Frontera, d'Aloala de Hénarès et
dans quelques autres monastères. Sa
manière est libre et hardie, sa cou-
leur se rapproche de celle de Rubens.
Douéd'une grande facilité d'exécution
et d'une conception vive et prompte,
c'était lui qu'on employait de préfé-
rence pour la décoration des autels
et des rues , lors des processions de
la Fête-Dieu et autres solennités; mais
la sévérité ou plutôt la dureté de son
caractère, secondée par la jalousie de
sa femme, l'empêcha d'avoir chez lui
une école qui eût propagé dans Gre-
nade sa bonne manière de peindre
qui s'éteignit aveclui. 11 mourut dans
cette ville le 23 août 1695. P— s.
SÉVILLE (Arbiaisd), littérateur,
mort en 1847, avait débuté par quel-
ques pièces de théâtre, composées
en société avec plusieurs auteurs;
il publia aussi un roman, des chan-
sons et d'autres écrits. Il se fit
maître de langues, et, en 1824, il
était rédacteur en chef du journal
le Mentor. On a de lui : Le Qua-
terne, vaudeville en un acte, eu
12.
180
SEY
SEX
prose, Paris, 1801, in-8\ Il (avec
M. Debarges). Le Café du YentrilO'
que, folie-vaudeville en un acte, en
prose, 1804, in-S". lli (avec M. De-
billy). Ressaie, monologue en prose,
mêlé de vaudevilles, 1805, in-8".
IV (avec le même). Un quart-
d'hetire dramatique, folie-vaudeville
en prose, 1805, in-8<'. V, Le Por-
tefeuille galant , recueil varié et
amusant, 1805, in-16. VI (avec
MM. L^opold et Darrodes de Lille-
bone). Le dernier Bulletin, ou la
Paix! impromptu en un acte et en
prose, mêlé de vaudevilles, 1800,
in-8o. Vil (avec M. Varez). Métusko,
ou les Polonais, mélodrame en trois
actes et eu prose , 1808 , in-8°.
VIII. Précis de l'histoire de France,
depuis V établis sèment de la monar-
chie jusqu'au règne de Napoléon /^',
1813, in- 12. IX. Le Chansonnier
joyeux, première année, 1813, in-18,
X (avec M. Varez). Laissez- moi
faire, ou la Soubrette officieuse,
1813, in-8°. XI. L'Habit de cour,
ou le Moraliste de nouvelle étoffe,
1815, 3 vol. in -12. XII (avec
MM. Benjamin Antié et Ponet). La
Liquidation, vaudeville en un acte
et en prose, 1826, in-8°. XIII (avec
MM. Ponet et Leroy de Bacre). La
Famùle Gérard, ou les Prisonniers
français, tableau militaire en un
acte, 1826, in-8". Armand Séville a
donné une édition de la Grammaire
française de Lhomond, revue et
augmentée, Langrcs, 1812 ; Neiifcliù-
teau, 1813, 1824, in-12; nouvelle
édition, à laquelle on a joint une
idée de la grammaire générale, Paris,
1812. in 12. Z.
SEVIN (PiERRu), moine de l'ordre
des Augustins, estauleur d'un de ces
opuscules que les amateurs d'impres-
sions gothiques ont rarement l'oc-
casion de rencoiilrer et qu'ils paient
fort cher. La Légende des onze mille
viergesavec plusieurs aultressaincts
et sainctes, Paris, sans date, 28 feuil-
lets : tel est le titre du livret en ques-
tion. La légende dont il cfTre le naïf
récit est une des plus célèbres du
moyen âge. Elle se trouve dans la
Légende dorée et dans les anciens ha-
giographes; elle est l'objet de plu-
sieurs écrits imprimés dès les débuts
de la typographie. Quant à son au-
thenticité, elle ne saurait plus trou-
ver aujourd'hui un seul défenseur.
On attribue l'étrange erreur des lé-
gendaires à la manière fautive dont
a été lue une inscription placée à Co-
logne et qui est devenue célèbre :
VRSVLA. ET. XI. M.M.V.V. Au lieu
ùeundecim martyres virgines , sens
réel des six dernières lettres, on a
conjecturé undecm millia virgines.
M. Didron a inséré dans le journal
VUnivers une notice sur la légende
de sainte Ursule et de ses compagnes.
Un auteur qui s'est amusé à traiter
avec un sérieux bizarre de singulières
questions, H. Kornmann, dans son
livre de virginitate^ discute (chap.
118) : An omnes fuerint virgines in
turba et societate S. Ursulœ.
B—N-T.
SEXTUS DE CHÉRONÉE, phi-
losophe grec dont la vie est demeurée
inconnue, vivait, suivant l'opinion
commune, vers la fin du second siècle
de notre ère; quelques savants l'ont
cru un peu plus ancien. Quoi qu'il en
soit, il nous est parvenu de lui cinq
traités de morale écrits en dialecte
dorien. Henri Eslienne les publiapour
la première fois à la suite de son édi-
tion de DiogèneLaërce (1570, iu-8°),
en y joignant une version latine. Ils
ont reparu dans les deux éditions des
Opuscula mythologica. recueillis par
Th. Gale (1670 et 1688). Fabricius les
a compris dans le douzième volume
SEY
de sa Bibliothèque grecque, et ré-
cemment un philologue distingué ,
M. Orelli, de Zurich, leur a donné
place danssacollecliondespetitsmo-
TiiUs\es[Opusc.vet.Grœcor. sentent.).
Ils ne contiennent rien de fort remar-
quable, et toutefois ils mériteraient
d'être un peu plus connus qu'ils ne
l'ont été jusqu'à présent. B— N— t.
SEYEIl (Samuel), savant anglais,
né à Bristol, oii son père était recteur
de la paroisse St-Michel, et fut long-
temps, avec réputation, à la tête d'une
école publique,achevases études dans
l'université d'Oxford, où il prit, en
1780, le degré de maître ès-arts. Il
entra également dans les ordres et
dans la carrière de l'enseignement,
et fut successivement curé d'Horfield,
près Bristol, et recteur de Felton, en
Glocestershire. Il était , à l'époque
de sa mort, en juin 1831, vice-prési-
dent de la Société bibliographique
{library society) de sa ville natale. On
a de lui plusieurs ouvrages : I. Sur la
Syntaxe du verbe latin, 1798, in-Ss
réimprimé plusieurs fois depuis. 11.
Principes du Christianisme, 1800,
in-12. 111. Latium redivivum ., ou
Traité sur l'usage moderne de la
langue latine et sur l'universalité
(prevalence) du français; suivi d'un
Spécimen du latin accommodé
à l'usage moderne, 1808, in-8°. IV.
Chartes et lettres-patentes accordéts
par les rois et reines à la ville et cité
de Bristol^ nouvelle traduction ac-
compagnée de l'original latin, 1812,
in-4". V. Mémoires historiques et to-
pographiques sur Bristol et ses en-
virons depuis les premiers temps jus-
qu'à nos jours , 1821 , i vol. iu-4°.
VI. Une traduction en vers anglais du
poème latin de Vida sur les Echecs.
Z.
SEYMOUR. V. SoftiEnsET,XUlI,
74,et Damer, LXll, 69.
SEZ
181
SEYNES (Alphonse de), archi-
tecte et dessinateur, mort à Nîmes en
1844, s'est beaucoup occupé des an-
tiquités que cette ville renferme en
si grand nombre. 11 a public sur ce
sujet des ouvrages estimés, savoir :
l. Monuments romains de Nîmes, des-
sinés d'aprèsnature etlithographiés ,
Paris, 1818, 5 liv. petit in-l'ol. H. Es-
sai sur les fouilles faites en 1821 et
en 1822 autour de la Maison carrée,
Nîmes, 1823, in-8", avec 3 p!,, dont
une coloriée; 2*édilion,Nîmes, (824,
uï-8° , avec 4 pi. Z.
SEZE (Ravmoind de) (1) , d'une
ancienne famille de lapetiie ville de
Saint-Émilion, était lils d'un avocat
célèbre du parlement de Bordeaux,
où il naquit le 26 septembre 1748.
Son père, conseil des jésuites de sa
province et ami de ces religieux, le
fit élever dans leur collège. Objet de
la tendre affection de ses maîtres, le
jeune de Seze dut à leurs soins de
prompts succès. Avocat à 19 ans, il
ne tarda pas à se faire remarquer
dans sa carrière. En 1775 il vit déjà
plusieurs de ses plaidoyers recueillis
des causes célèbres. Doué de ces qua-
lités extérieures sans lesquelles il est
rare d'obtenir grâce devant le pu-
blic, aussi aimable dans le monde
qu'habile en affaires, heureux en tout,
il eut encore l'avantage de se lier par
de vifs sentiments d'amitié avec le
président Dupaty, que des querelles
d'auiour-propre, avec son corps, bien
oubliées aujourd'hui, mais alors très-
animées et très-bruyantes, avaient
(i) Comme de Seze ét:iit le cinquitiae de
neuf fVèiej, il avilit porté dans sa famille et
dans sa province un nom distinctif. Il y était
couuu sous le nom de Romain, qu'i\ atJoDilé
à son fils aîné. Mais sou extrait de Ijaptéine,
levé en 1767, lois de sa ré(Ci)tion au bar-
reau de Bordeaux, ft<juc nous avons ei! Sous
les yeux, ue lui douu'e que le uora de Raj-
rnand.
182
SEZ
arraché à ses fondions. De Seze,
enveloppé dans la disgrâce de son
ami, vint le retrouver dans la ca-
pitale, où déjà plusieurs fois on avait
voulu l'attirer. Très-jeune encore,
il avait su se dérober aux bontés de
Gerbier qui l'appelait près de lui, et
il avait préféré la vie paisible d'un
barreau de province à l'éclat tou-
jours difficile à soutenir du barreau
de Paris. Deux hommes d'un grand
renom, liés avec le présidcntDupaty,
aplanirent à son ami l'accès dos af-
faires. Elle de Beaumont voulut
qu'en arrivant à Paris il n'eût pas
d'autre maison que la sienne. Target
se retira en quehpie sorte du bar-
reau pour l'y faire entrer. On ra-
conte même à cet égard une assez
piquante anecdote. A peine de Seze
était-il à Paris, avec le désir plutôt
(|ue le dessein de s'y lixer, que Tar-
get le choisit pour le remplacer dans
une cause d'un intérêt grave, li s'a-
gissait du partage de la fortune d'Hei-
vétius. La comtesse d'Andlaw, l'une
de ses tilles, avait chargé Target de
la défendre. Impossible de Irouverua
plus sûr appui. Quelle est la surprise
de la cliente lorsque, dans une visite
à son avocat, celui-ci lui déclare qu'il
ne fait plus que des vœux pour sa
cause, qu'un jeune homme, récem-
ment arrivé de Bordeaux, se char-
ge de la plaider. Elle ne peut croire
ce qu'elle entend. Le plus célèbre
orateur de Paris, l'émule de Ger-
bier, lui avait promis le secours
de son talent et de son nom, et le
sort d'une grande fortune va être
livré à un inconnu, à un jeune
homme, qui en est à son début. Ma-
dame d'Andlaw devait voir là un
abandon fort extraordinaire de ses
intérêts^ elle n'imagine pas qu'une
telle désertion se consomme. Elle
exprime avec chaleur son étonne-
SEZ
ment. Target, sans s'émouvoir, lui
dit : • Madame, vous ne connaissez
« pas mon ami 5 il demeure avec Élie
• de Beaumont, faites-vous conduire
« chez cet inconnu 5 causez avec lui,
a je m'en rapporte à ce que vous me
• ferez la grâce de m'en dire. » La
visite eut lieu, en effet. Plus tard ,
de Seze assurait qu'il se garda bien
de toucher un mot du procès à la
comtesse ; mais nprès une conver-
sation dans laquelle les interlocu-
teurs mirent sans doute tout leur
esprit , et ils en avaient tous deux
beaucoup , niadame d'Andlaw re-
tourna chez Target. « Je crois que
« vous avez raison, lui dit-elle, votre
a ami saura plaider mon affaire.»
Les mémoires de Bachaumont (1784)
nous peignent le succès qu'il y ob-
tint. Les juges, le public, l'avocat
du roi, le trop fameux Hérault de
Séchelles, rivalisèrent pour lui de
compliments ; le lendemain il avait
la vogue. Ou ne sera pas surpris
qu'un homme qui avait ainsi conquis
son rang dans l'opinion fixât les suf-
frages de ses concitoyens lorsque la
discussion des affaires publiques passa
de l'intérieur du parlement dans les
diverses assemblées parisiennes.
Électeur en 1789, président de dis-
trict aux premières réunions, il obéit
au mouvement qui entraînait pres-
que tous les Français vers les réu-
nions politiques ; mais à peine eut-il
passé le jeuil de ces assemblées,
qu'il les quitta sans retour. Par-
lementaire, comme s'il eût déjà
siégé sur les fleurs de lis, il ne pou-
vait pardonner aux événements l'at-
teinte portée aux grands corps de ma-
gistrature. La société lui paraissait
perdre sa tutelle, et l'éloquence judi-
ciaire son aiguillon. Aussi, dès les
preuiiers coups de la tempête, ses
principes le désignèrent, non moins
SEZ
que ses talents, pour la défense d'une
des premières victimes des préven-
tions de 1789. Depuis le 14 juillet,
Besenval, lieutenant-général inspec-
teur des troupes suisses, et rempla-
çant par événement le comte d'Affry
dans le couanandccnent supérieur de
Paris, était devenu l'objet de l'ani-
niad version de celte partie du public
qui, animée par des traîtres et des
perfides, ne rêvait de son côté que
trahison, perfidie, et traitait en en-
nemi tout dépositaire de l'autorilé.
Dans les attributions du baron de
Besenval se trouvait la Bastille. 11
semblait qu'au moindre signe de l'in-
surrection il eût du en ouvrir les por-
tes à l'empressement des Parisiens.
On sait que celle forteresse ne fut pas
prise, mais surprise. Les assaillants y
avaient trouvé ce qu'ils connaissaient
par avance , l'ordre de défendre le
fort que le major Dupiiget avait reçu
le matin même du 14 du comman-
dant-général. Une de ces dictatures
qui s'étaient arrogé dans Paris un
pouvoir de dénonciation presque
sans limites avait provoqué d'abord
l'arrestation, puis le jugement de Be-
senval. Le Châtelet fut investi de
cette affaire, que le baron résumait
lui-même en peu de mots : « J'avais
• reçu l'ordre de m'opposer à la sé-
a dition, et j'avais senti l'impossibi-
• lité de l'exécuter. » Telle est la
franchise de son aveu dans ses mé-
moires (2). En effet, si ce torrent de
(2) P.ige 432, tome 3". Pour apprécier
la conduite de Besenval dans cette circoc-
stance,il fautlirel'artidedeMaudar (LXXII,
460 ) et savoir que dans le moment ou il
se retirait aveu ses troupes, après avoir
abandonné son poste du Cliamp de Mars,
il rencontra sur le pont de Sèvres le mar-
quis d'Autichamp, alors major-général
de Tannée, qui lui adressa de vifs repro-
cbes sur ce qu'il avait ainsi quitté un poste
duquel dépendait le ealut de la monar-
chie. Kous avons entendu successive-
SEZ
183
1789 eût pu rencontrer quelque ob-
stacle, c'était au roi plus qu'au peu-
ple à exiger du général un compte
exact et fidèle. Mais l'erreur était
alors propagée avec tant d'audace ,
on se faisait une si fausse idée des
devoirs publics et des fonctions,
qu'il fallut du bonheur à Besenval
pour arriver vivant devant ses juges,
de l'énergie à sou défenseur pour l'y
suivre, et aux magistrats un senti-
ment bien prononcé de justice pour
l'acquitter. Heureux dans cette dé-
fense qui eut de l'éclat, de Seze res-
sentit vers le même temps une satis-
faction d'une nature assez piquante
dans sa vie. Les parlements venaient
d'être détruits ; on n'avait conservé
à titre de service provisoire que la
chambre des vacations destinée à ter-
miner quelques procès. Cette cham-
bre eut à juger une contestation pu-
rement d'intérêt pécuniaire entre les
héritiers d'un conseiller au parle-
ment de Paris et Monsieur, comte
de Provence, depuis Louis XVIII.
Chargé de la cause du prince, de Seze
en assura le succès, et il obtint, en fa-
veur du frère du roi, le dernier arrêt
qu'ait prononcé le parlement. Le len-
demain le scellé ferma la salle d'au-
dience et les greffes. A ces cours an-
tiques, on peut dire à ces augustes
aréopages, succédèrent de nouvelles
juridictions ; de Seze n'en voulut
pas reconnaître l'autorité. A quarante
et un ans, dans la force de l'âge et
4ans les jouissances d'un talent déjà
loin d'être méconnu, il renonça à une
profession qu'il idolâtrait, et ne re-
ment noos-même Mandai et le marquis
d'Autichamp raconter cet événement et s'ac-
corder sur toutes les circonstances. Nous
n'y avons rien vu qui puisse excuser Be-
senval d'avoir abandonuc sans ordre nn
poste aussi important. Cet événement n'a
d'ailleurs rien de commun avec le fait pour
lequel de Seze fut son défenseur. M— Dj.
184
SEZ
parut sur la scène publique que pour
lutter contre le plus douloureux et le
plus funeste des attentats. A peine U
constitution de 1791 avait-elle été
imposée à Louis XVI, que les hom-
mes des divers partis qui s'unissaient
pour changer la dynastie ou pour sup-
primer toute dynastie eurent bientôt
calculé et porté leurs coups. Le 20
juin avait fait évanouir jusqu'à l'idée
de la puissance royale; le 10 août
ouvrit au roi sa prison ; une fois que
les révolutionnaires furent les maî-
tres de donner à la France slupé-
hée le spectacle d'un souverain tra-
duit à la barre de ses sujets, il n'y
eut plus qu'à y conduire Louis XVI.
Le 11 décembre 1792, le roi parut
devant laCouvention ! Toujours plein
des souvenirs de Charles l^"", qui avait
refusé de reconnaître à ses sujets le
droit de l'interroger, il crut qu'il de-
vait au contraire, pour donner aux
hommes qui se constituaient ses ju-
ges le moyen de retrouver leur rai-
son, consentir à leur répondre. Une
fois engagé dans la voie judiciaire,
le roi songea à s'entourer de défen-
seurs. On l'accusait d'avoir enfreint
la constitution; il appela près de lui
plusieurs des députés qui l'avaient
faite. On sait quel étrange refus il
eut à subir, et avec quel noble dé-
vouement un de ses anciens ministres
se présenta pour le défendre; mais
l'âge avancé de cet homme immor-
tel, et l'inexptTience des luttes ora-
toires de l'habile jurisconsulte qui
obéit courageusement à l'appel de son
roi, ne leur permettaient pas de se
charger à l'improviste d'une tâche
aussi difficile. Malesherbes demanda
au roi la permission de s'adjoindre un
homme encore jeune, à peine sorti
de la lice du barreau, qui piit, devant
la Convention, être l'organe de la
défense. Mais, tandis que le noble
SEZ
vieillard sollicitait les ordres du roi,
la commune de Paris, qui s'était dé-
clarée responsable de la personne de
l'auguste captif, avait pris un arrêté
qui vouait aux investigations les
plus rigoureuses les citoyens qui se-
raient chargés de le défendre. Elle
ordonnait qu'ils fussent enfermés
dans la même prison et que leur in-
carcération eût autant de durée
que le procès. Ce fut dans la soi-
rée du jour où l'on publia cet ar-
rêté qt>c deux personnes à la fois ho-
norables et sûres, MM. Colin, mort
avocat à Paris, et de Merville, an-
cien conseiller au Chàteictet en der-
nier lieu conseiller àla cour de cassa-
tion, se présentèrent chez de Sezeau
nom du conseil et de la part du roi,
pour lui proposer sa défense et lui an-
noncer que Target n'était pas le seul
dont on eût essuyé un refus. « Il était
« plus de minuit, ont écrit les deux
• envoyés, lorsqu'on se présenta chez
« M. de Seze ; on l'éveilla, et on lui
• fit la proposition. Voici en propres
• termes sa réponse : Avant de me
• coucher, j'ai lu, dans le journal du
• soir, un arrêté du conseil-général
• de la commune, qui porte que les
" défenseurs du roi, une fuis entrés
« au Temple, n'en sortiront plus
« qu'avec Sa Majesté. Je regarde cet
• arrêté comme un acte de proscrip-
« tion contre lesdéfenseursdu roi. Je
• m'y voue de tout mon cœur. • Dès
le 15 décembre, sur la proposition
d'un des plus ardents révolution-
naires, Legendre, ou avait ordonné
que Louis XVI serait entendu le 20.
11 avait fallu écrire à la Convention
pour l'informer de la détermination
de de Seze. Un décret du 17, qui lui
fut signifié dans la journée , pro-
nonça son adjonction, etle soir même
ses deux collègues purent le présen-
ter. Di'jà la comhiission des vingt et
SEZ
undëputcs, nommée le6 pour rédiger
l'acte énonciatif de ce qu'on appelait
les crimes imputés à Louis XVI, avait
fait porter au Temple des monceaux
de papiers. La plupart de ces docu-
ments n'avaient aucun rapport à
l'exercice proprement dit de la puis-
sance royale. Comme on a pu s'en
convaincre lors de l'impression ,
un grand nombre de ces pièces, sai-
sies dans le pillage des Tuileries , ne
contenait que des projets, des vues
qu'adressaient au roi des hommes à
qui on ne pouvait contester le zèle,
mais sans mission, sans qualité. Ces
papiers n'en composaient pas moins
des liasses <?normes dans lesquelles
il fallait choisir, classer, pour sou-
mettre cette masse de pièces à un
système quelconque de travail. On
sent à quel point un espace de sept
à huit jours était circonscrit. Chaque
matin, chaque soir, les défenseurs
se rendaient à la prison, travaillaient
avec le roi, lui communiquaient l'exa-
men qu'ils avaient fait de toutes les
pièces, et, après les avoir séparées par
dossiers, donnaient son titre à cha-
cun de ces dossiers. Tantôt Tronche t
écrivait ces titres, et quelquefois Loui s
XVI les traçait lui-même. Souvent
dans ces intitulés, par une ligne, par
un mot, il donnait à ses défenseurs
une idée de cette habitude d'expres-
sion, de ce tact royal qui caractérisent
le rang suprême. Aussi le plan de la
défense discuté entre les conseils por-
te-t-il surtout la sanction du roi. 11 n'y
eut pas un point qu'il n'eût débattu,
pas un détail dont il n'eût donné la
mesure. Lesquatredernièresnuits, de
Seze improvisa en quelque sorte son
plaidoyer. Pendant qu'il le composait,
son secrétaire en préparait plusieurs
copies. Le jour l'auguste accusé et ses
deux autres conseils en entendaient
la lecture, et souvent en demandaient
SEZ
185
la modification. 11 est très vrai qu'une
péroraison des plus touchantes fut
supprimée par un ordre formel du
roi. Je ne veux pas les attendrir fut
l'expression de son âme royale (3).
(3) Cette noble pensée, cette admirable
résolotiou de ne rien faire, <le ne rien dire
pour attendrir ses juges, est peut-être le
plus beau Irait du sublime caractère que
Louis XVI déploya dans te procès, où
il fut si grand, si près de la Divinité ! C'est
par la raison qu'il veut combattre ses eune-
mis; c'est par la justice seule qu'il doit eu
triompher ; tous les autres moyens lui sem-
blent indignes de sa cause. Il sortait de
cette assemblée de juges-accusateurs, et il
y avait été iusulté, menacé ; sa voix y avait
été étouffée par des cris, des vociférations
de cannibales, comme ledit un d'eutrecux,
le seul qui eut le courage de parler ainsi (*).
Qu'ils lisent le récit de ces scandaleuses
séances, cenx qui osent encore aujourd'hui
glorifier cette horrible Convention natio-
nale, ceux qui disent que la majorité em fut
pure. !Nous les avons relus nous-méme,
ces récits, après uo demi-siècle d'efforts
pour les oublier; mais si nous y avons vu
des faits plus ignobles, plus odieux encore
que ce qui en était resté dans notre mé-
moire, nous avons aussi trouvé jjIus belles,
plus admirables les réponses improvisées
que le roi-martyr fit à des questions insi-
dieuses, outrageantes et préparées dès long-
temps. Tout, dans ces réponses, est mesuré,
précis et d'une admirable simplicité. Non,
il faut dire comme le bourreau {foj-. San-
•ON, LXXXI, 71), il n'y a que le tiel qui
ait ainsi pu l'inspirer dans une aussi cruelle
position. Celui qui naguère était assis sur le
premier trône de l'univers, celui que, dans
son euthousiasme, la France avait sur-
nommé le Reslauraltur dt let libtrlés, qui,
héritier de soixante rois, fut celui qui mé-
rita le mieux ce nom , celui qui se dé-
mit volontairement de sou pouvoir parce
qu'on lui dit que le bonheur de son peuple
était attache à ce sacrifice, ce malheureux
prince est aujourd'hui insulté, outragé par
les plus vils de ses sujets; il va être traîné
à l'échaf.iud par ce même peuple qu'il a
tant aimé, pour lequel il a tout cédé, tout
sacrifié ! Quelle leçon i)our les rois ! Ce-
pendant, quelle que soit notre admiration
pour la sublime résignation de Louis XVI
eu ce moment suprême, nous ne dissimule-
rons pas que, dans cette occasion comme
(*) I.e uoin de cel bomtne courageux n'a point été
recueilli par le Uonittur, où il n'tst désigné que par
un N. Si iitiui l'y atioin trouvé, uoui noua eeriou!
fait un daroir de le trau>metlre à U poitériti.
186
SEZ
SËZ
Ce qui n'esfpas moins vrai, c'est
que, dans le discours, les traits les
plus pénétrants furent éniousse's.
• Vous voulez donc nous faire niassa-
• crer à la barre ? » dit wn des écou-
dans beaucoup d'autres, il eut tort de ne
|)oiut voir qu'il ne s'agissait pas seulement
du saiiifii-e de sa vie, mais du Siilut de lu
France, de celui du inonde peut-être, dans
le présent et dans l'avenir, que les oljliga-
tious, les devoirs d'un roi sont autres que
ceux d'un simple citoyen . Si Louis XYI eût
mieux compris tout cela, il aurait vu que sa
condamnation serait le triomphe du ciiine,
que sa délivrance eût été celui de la vertu;
nu'eniln de cette délivrance dépendait le
salut des gens de bien ; qu'elle eût détourué
de la patrie tant de calamités qui l'ont si
long-temps affligée, qui l'affligent encore! Et
quand on songe que cette condamnation
tint à une majorité de cinq itoix, ou re-
grette plus vivement encore que les défen-
seurs n'aient pas employé, pour émouvoir
les juges, tous les moyens qui étaient en
leur pouvoir, que même, pour cela, ils
u'alent pas désobéi à leur roi. Nous ne dou-
tons pas que dans une assemblée aussi nom-
breuse, composée d'éléments si divers par
leurs i)a5sions et leurs Intérêts, il» n'eussent
entraiué au delà du nombre qui leur a
manqué. Ce n'est pas assurérnsnt que noui
pensions que dans cette grande circon-
stance de Seze soit resté au-dessous de sa
mission ; nous avons aussi relu sou discours,
et nous avons reconnu que tout y fut d'une
parfaite couTenance , que tous les faits de
l'accusation y furent lubilcraeut réfutés et
discutés, que même, dans plusieurs endroits,
l'orateur s'éleva à des mouvements de la
plus haute éloquence; mais nous avons
remarqué avec peine que dans d'autreS
passages les ordres de Louis XVI furent
trop présents a l'esprit de l'orateur, qu'ils
y gênèrent et affaiblirent sa j)ensée. Nous
aeutoDS bien qu'en s'en écartant il eût as-
sumé sur lui une grande responsabilité, que
peut-être il eût compromis la cause qu'il
avait à défendre. Mais de quelque moyen
qu'on se servît, il est évident qu'il y avait
de grands péril» à courir dans cette affaire,
et qu'il pouvait y eu avoir autant pour le»
avocats que pour le roi lui-même. Sans doute
qu'ils avaient fait comme lui le sacrifice de
leur vie, et sous ce rapport on ne saurait
trop admirer leur courageux dévouement ;
mais peut-être que le péril eût été moin»
grand pour le prince comme pour ses dé-
fenseur» s'ils se fussent livré» à des mou-
TCments oratoires plus hardi», plu» décisifs.
Pcar ceU il ne fallait pas seulement tou-
tants ; et quand on a connu de Seze ,
son culte pour la personne du roi , sa
haine contre la révolution, on sent
avec quelle rapidité ces Iraits élaient
partis, combien il lui en coûta de les
cher et attendrir ces juges audacieux, il
fallait encore les éclairer, les épouvanter
même eu leur montrant jusque dans la pos-
térité toutes les suites, toutes les consé-
quences de l'arrêt qu'ils allaient prononcer.
Ce n'est pas toutefois rjue nous enten-
dions par là qu'ils dussent leur montrer la
foudre vengeresse des rois prête à les frap-
per; nous pensons au contraire qu'il eût
fallu leur montrer dans toute leur nudité la
jalousie, la haine que ces rois portaient
depuis tant de siècles à la race des Bourl)ous;
il fallait leur faire connaître l'ambition,
la cupidité des puissances toujours prête»
à profiter de nos divisions pour envahir,
pour déchirer la patrie. De toutes les ac-
cusations qui furent alors portées contre
le malheureux Louis XVI, la plus injuste,
la plus fausse est sans nul doute celle de
s'être entendu avec les étrangers contre le»
intérêts de la France, d'avoir été soutenu
par leurs armes. Tout démontre au cou-
traire que le roi de Prusse n'avait paru
sur nos frontières à la tète d'une ar-
mée que pour y augmenter le désordre et
en profiter dans ses intérêts ; qu'après avoir
annoncé qu'il ne venait que pour rétablir
le trône de Louis XVI, il se retira quand il
fut bien assuré que ce rétablissement était
en son ]iouvoir, et que ]>our cela il reçut
des assassius de septembre et des voleurs
du garde-meuble tout l'argent qu'ils purent
lui envoyer. Ces faits soutdémontrés jusqu'à
l'évidence dans l'article Dumouries que
nous avons publié depuis dix ans, et que
tout le monde a In, qui a bien choqué quel-
ques prétention», blessé quelque» amourt-
propres, mais qui n'a pas reçu un démenti
ni rencontré un contradicteur. H est bien
vrai que Louis XVI avait écrit lui-même
•ou» les poignard» une lettre à ce prince
pour qu'il voulût bien se retirer, et nous
avons également donné à l'article BMaud-
Varennt {vof. ce nom, LVIII, 276-80) la
preuve de cette lettre qu'oo n'obtint du roi
qu'avec la garantie du salut de sa famille et
du sien. Les auteurs de cette espèce de
capitulation furent ensuite an nombre de
ses juges, et les défenseurs auraient peut-
être dû rappeler cet engagement, cette
promesse à ceux qui l'avaient faite. S'ils
omirent un pareil moyen, c'est probable-
ment aussi parce que le roi leur en donna
l'ordre ; et là il faut encore admirer son
courage, sa sublime résignation I M — nj.
SEZ
rompre. Mais Robespierre, Couthon,
Marat se nommaient des juges. On
ne doit pas être surpris que, dans le
conseil du roi, on mît quelque atten-
tion à ne pas les braver. Heureuse-
ment plusieurs morceaux, une phrase
entre autres, résistèrent à la pru-
dence, et en deux lignes cette phrase
peint tout à la fois la cause et le défen-
seur: « Je cherche parmi vous des ju
ges.etje n'y vois quedes accusateurs."
Malgré la fureur de tant d'hommes
à qui il tardait de commettre le plus
grand des crimes et la faiblesse de
tant d'autres qui osaient à peine lais-
ser échapper un souffle pour l'empê-
cher, il fallut de longs jours d'intri-
gue et sans doute bien des nuits pour
dompter la majorité et l'accoutumer
à l'idée du régicide. Depuis Ie26déc.
1792, où de Seze eut l'honneur de dé-
fendre son roi, jusqu'au 15 janvier
1793, date du premier appel no-
minal , il y eut un intervalle de
trois semaines. Les défenseurs pas-
sèrent ces vingt-et-un jours en con-
férence ou plutôt en perpétuelle al-
ternative de terreur et d'espoir. En-
lin, les manœuvres passionnées de
quelques conventionnels se signalè-
rent par le triomphe le plus aifreux.
Le prince au cœur si vrai, le roi le
plus sincèrement occupé du bonheur
de son peuple, ne put vaincre sa des-
tinée. Cinq voix, de Seze en a eu le
compte dans le procès - verbal du
dernier appel nominal signifié à
Louis XVI et à son conseil, cinq voix
disposèrent de la vie du successeur
de tant de mouarques. Aussitôt de
Seze et ses collègues portèrent à l'as-
semblée l'appel qu'il interjeta de-
vant la nation. Mais à peine leur
fut-il possible lie faire eotendre quel-
ques accents -, leurs paroles se per-
dirent dans les cris de réprobation
et de menace. Quand toute espé-
SEZ
187
rance fut perdue, que le crime se
défendit lui-même du repentir,
Malesherbes voulut se charger seul
des dernières communications qu'a-
vait à recevoir celui que, dans sa
lettre à la Convention, il avait eu
l'honneur d'appeler son maître. Tron-
chet alla cacher sa douleur et sa
consternation dans sa retraite de Pa-
laiscau. De Seze partit avec le gendre
de Malesherbes, le président de Ro-
sambo, son petit-gendre, le comte
de Chateaubriand, pour la terre de
famille. Le sacrifice accompli, l'il-
lustre vieillard vint les y joindre, et
de Seze y passa deux mois dans des
entretiens dont le souvenir, après
trente-cinq ans, faisait encore un
des intérêts de sa vie. Au printemps
de 1793, il quitta ses nobles arnis
pour se retirer dans une maison qu'il
possédait au hameau de Brevannes.
Ce fut là qu'il fut arrêté le 20 oct.
Comment put-il échapper, dans ce
temps affreux, à la hache qui s'abat-
tit sur tant de têtes vénérables?
Quelques personnes ont assuré que
Barère, qui s'est vanté, dans un de
ses écrits , d'avoir non-seulement
voté, mais influencé la condamna-
tion de Louis XVI, avait veillé sur
un de ses défenseurs. Des amis attri-
buent son salut aux soins d'une bien-
veillance moins extraordinaire. On
raconte, et c'est un des plus distin-
gués officiers-généraux de l'ancienne
garde royale qui est un des acteurs
et des historiens de l'anecdote, on
raconte qu'un M. Michel, employé
dans l'administration de la police,
en 1794, réunissait aux travaux de
sa place un modeste emploi de co-
piste, et venait, tous les jours, chez
un des plus fidèles anus de de Seze
(M. de Normandie), prendre et rap-
porter des écrits qu'il mettait au net.
Sans cesse il entendait parler du dé-
188
SEZ
fenseur du roi avec l'accent de la
plus vive admiration. Le général
Balliiazar, alors très-spirituel et très-
ardent jeune homme, animé des plus
tendres sentiments pour de Seze, se
faisait un bonheur de les communi-
quer à Michel. Tout naturellement
celui-ci finit par se prendre d'intérêt
pour l'objet de lant de sollicitude.
On avait conduit de Sezc à la Force;
Michel donna le conseil de demander
son déplacement, et servit même à le
faire transférer dans une autre pri-
son, le couvent des Miramiones, à
Picpus. C'était bien alors de tou-
tes les prisons la plus affreuse. On
y enterrait chaque soir, dans un es-
pace du jardin à peine défendu par
quelques planches , les victimes
qu'en venait d'immoler à la barrière
du Troue. Mais le crédit de Michel
s'exerçait plus facilement sur cette
maison; il trouvait d'ailleurs le moyen
d'égarer un dossier, de le rendre in-
visible. A l'aide de cette protection
et de ce manège, de Seze put atteindre
lejour de la délivrance générale. Trois
semaines après le 9 thermidor, il lui
fut permis de revoir sa retraite et
d'oublier, au milieu des siens, les
angoisses de la capti'Cité... Attaché,
plus que jamais, à une profession qui
venait de le rendre illustre, il en
reprit l'exercice, mais dans l'isole-
ment du cabinet et sans se mêler à
la vie publique. Le souvenir de ce
qu'il avait fait, de ce qu'il avait vu,
luiavait laissé une telle injpression de
tristesse, que , pendant plus de sept
ans, il parut à peine chez quelques
amis, et ne se dédommageait de la fati-
gue du travail que par le travail même.
Jusqu'au 1" janvier 1814, c'est-à-
dire pendant vingt ans, sa vie, quoi-
que si occupée, ne se révélait qu'à la
sincère amitié, lorsqu'une circon-
stance extraordinaire vint raviver
SEZ
l'éclat de son nom, en le rappelant
tout à coup à ses contemporains.
Après les gloires militaires de tant
d'années, les désastres, de 1812 et de
1813 causaient à tout le monde
une surprise mêlée de douleur. Les
corps constitués unissaient leurs
plaintes aux gémissements de la
France entière. Mais, avant de con-
sentir aux sacrifices indispensables
pour réparer tant de maux, ils récla-
maient les institutions qui semblaient
faites pour eii conjurer le retour. Le
rapporteur d'une commission célè-
bre, qui, au sein du corps législatif,
avait à s'occuper de l'état des négo-
ciations avec les puissances, Laine,
s'était rendu Porganedchi conscience
de ses collègues, et il avait étonné la
tribune de l'expression de ses sen-
timents. Le nouveau Jules-César ne
crut pas devoir tolérer une manifes-
tation si contraire à sa politique. Le
l*^''janvier 1811, au milieu des hom-
mages que multipliait la solen-
nité du jour, il aperçoit quelques
législateurs placés au nombre des
courtisans et les foudroie de ses
reproches. Dans la rudesse de son
despotisme, il attaque particulière-
ment le rapporteur de la commission
et le signale comme un conjuré.
• Laine, dit-il, est un méchant hom-
« me, qui correspond avec le prince-
« régent par l'entremise de l'avocat
" de Seze. • Certes, Laine n'était
pas plus un homme méchant que de
Seze n'était un correspondant an-
glais. De sa vie, peut-être, il n'avait
écrit en Angleterre. Mais on coi)n;iis-
sait i'esprit soupçonneux et l'hu-
meur passionnée du chef de l'État.
H semblait dillicile de calculer les
suites d'une telle explosion. Sur-
le-champ , l'un des plus anciens
amis de de Seze, le comte Lynch,
maire de Bordeaux , qui venait d'en-
SEZ
tendre le discours et la phrase , un
autre royaliste non moins zélé,
M, Piet, conseiller à la cour de cas»
sation, instruits de cotte sorte d'e-
vèiiement par des législateurs des
provinces belges qui sortaient du
châJeau, accourent pour avertir de
Seze du péril auquel on le croit
exposé. 11 n'était pas chez lui; on
l'attend ; il rentre, écoute ce qu'on
vient lui dire , et répond tranquille-
ment : « Je ne devine pas d'où part
« cet orage ; mais vous savez quel est
« l'homme. S'il y avait quelque chose
« de vrai dans ce qu'il a dit, j'aurais
« été jeté à Vincennes hier et fu-
• sillé ce matin : croyez-moi , il n'y
■ a rien à craindre. " Jamais on n'a
su par l'effet de quel mouvement
d'idées le nom du royaliste fidèle
s'était ainsi trouvé dans la bouche
de Napoléon. Mais le résultat de ce
caprice impérial eut un avantage
pour de Seze. Des fonctionnaires dé-
voués avaient fait imprimer et ré-
pandre le discours. Un des exemplai-
res fut recueilli par un ancien émi-
gré qui se disposait à rejoindre le
comte d'Artois en Lorraine. Le prince,
ayant eu communication de la haran-
gue, apprit par M. de Semallé que le
défenseur de son frère était à Paris.
Le lendemain de l'entrée du prince,
de Seze avait sa première audience
du lieutenant-général du royaume.
Des ce moment, la vie de de Seze
n'appartient plus qu'à la recon-
naissance affectueuse et au respect
que lui inspiraient les bontés du roi
et de la famille royale. Vers la lin
de l'année, Louis XVIll désira lui
décerner un prix digne de ses ser-
vices et de sfs talents, et il le dé-
signa pour chef de la première
cour de justice. On dit qu'un tel
honneur n'était pas l'objet de ses
vœux, qu'il eût voulu s'y soustraire;
SEZ
189
mais la politique, d'accord avec la
bonté, confirma le roi dans son des-
sein, et de Seze n'hésila plus. Tron-
chet avait été placé à la tête de la
cour de cassation par le premier
consul. Autour du roi , on crut que
Tronchet devait avoir de Seze pour
successeur. En 1815, dans la grande
promotion, il fut nommé pair comme
Tronchet avait été sénateur. Mais la
grâce à laquelle de Seze parut le plus
sensible fut celle qu'il dut à l'in-
fluence de la fille de Louis XVI ; c'est
à la demande de madame la duchesse
d'Angoulême qu'en février 1815 il
fut nommé grand -trésorier comman-
deur de l'ordre du Saint-Esprit. Plus
tard, le roi lui conféra le titre de
comte et, par un acte de bienveil-
lance aussi touchant qu'ingénieux,
lui permit de rappeler, dans son
écusson , la gloire de sa vie, en sub-
stituant aux trois tours qui se trou-
vaient dans les armes de sa famille
le château du Temple environné de
fleurs de lis. Au 20 mars 1815 , lors
du retour de Bonaparte, de Seze
suivit le roi à Gand. L'année d'après,
il devint membre de l'Académie. Le
poète Ducis n'avait pu que saluer la
restauration, et il venait d'être en-
levé aux lettres ; de Seze fut choisi
pour le remplacer. Cette ncimina-
tion lui causa un plaisir extrême. Des
couronnes de son âge avancé, c'était
celle qui le flattait davantage. Le
bonheur qui l'a rarement abandonné
voulut aussi qu'il trouvât, pour l'in-
troduire dans le sanctuaire des let-
tres, l'homme le plus fait pour le lui
ouvrir. Tout le monde admira la no-
blesse , la dignité que Fontanes mit
à lui répondre, surtout quand il en
vint au 21 janvier : « Je n'ai point
« rappelé, dit-il, tant d'autres titres
« qui vous recommandaient avant
• cette époque h l'estime de vos con-
190
SEZ
« citoyens. J'aurais pu dire que deux
« barreaux célèbres vous comptaient
• depuis long-temps au nombre de
« leurs premiers orateurs. J'aurais
« pu ajouter que, dès votre jeunesse,
• un juste enthousiasme vous con-
« duisit près du vieillard de Ferney,
« et que ce grand homme encoura-
• gea votre goiit éclairé pour les let-
' très et la poésie. Mais l'éclat des
« lettres s'efface devant celui de la
• vertu. Votre plus bel éloge est
« dans ce testament simple et su-
. blime où, déjà détaché de la terre
• et presque dans les cieux, Louis
« vous a légué ses bénédictions et sa
« reconnaissance. Plus auguste en ce
• moment que sur le trône même, il
• vous communiqua, de son lit de
• mort, je ne sais 'quoi de sacré.
« Votre souvenir désormais s'asso-
« ciera, dans les siècles les plus re-
• cnlés, à celui du meilleur et du
€ plus infortuné des rois. » Quoi-
que chargé d'années et de travaux,
de Seze ne porta pas moins dans les
diverses fonctions qu'il eut alors à
remplir toute l'activité de sa vie.
Souvent mêlé aux discussions de la
chambre des pairs, toujours occupé
de l'audience, il ne manqua jamais
volontairement à une séance de l'In-
stitut. Dans sa jeunesse , orateur vé-
hément, hardi, dialecticien plein d'a-
dresse et d'énergie, mais toujours de
bon goût, on eût pu croire qu'il était
dans le secret de son avenir et qu'il
écrivait comme sous le regard de
l'Académie. Deux ans après sa ré-
ception, il en fut le directeur et il
eut l'avantage d'y recevoir Cuvier.
Son discours fut aimable, facile,
plein de convenance et de mesure.
De Seze excellait dans ces morceaux
où l'esprit joue, pour ainsi dire, avec
lui-même. Ainsi dans les solennités
près des princes, aux Tuileries, ses
SFO
hommages avaient l'élégance,, la pa-
rure du lieu \ ses compliments aux
magistrats, lors de leur installation ,
se faisaient remarquer par l'aménité,
la politesse; ses allocutions aux
membres du barreau , par l'expres-
sion d'un intérêt sincère, affectueux.
Comme les hommes dont la tête est
forte et qui ont conduit eux-mêmes
leur destinée , de Seze a long-temps
vécu. Il touchait à quatre-vingts ans,
et rien dans ses facultés physiques
et morales ne faisait craindre une
fin prochaine , lorsqu'une maladie
aiguë , contre laquelle sa bonne con-
stilutiou lutta vivement, une fluxion
de poitrine, épuisa sa vigueur. Après
onze jours de souffrance, il mou-
rut le 2 mai 1828, entouré de sa fa-
mille (4) et adressant un mot d'affec-
tion à tous ceux qui le pleuraient.
Les honneurs qu'on lui rendit après
sa mort égalèrent ceux qu'on lui
avait décernés pendant sa vie. Le
plus ancien duc et pair, plusieurs
des chefs de la noblesse française
suivirent son cercueil. Dans plu-
sieurs tribunaux, à la rentrée, des
magistrats célébrèrent sa mémoire. A
la chambre des pairs, son éloge fut
prononcé par M. de Chateaubriand.
D— ZE.
SFOCARD. Foy. WiSHART, LI,72.
SFORZA(Bosio), comte de Santa-
Fiora dans l'État de Sienne, était fils
du premier mariage légitime de Gia-
comuzzo Sforza avec Antoinette Sa-
limbeni. Né en 1411 , il servit utile-
ment son frère naturel François que
ses talents élevèrent au commande-
ment des armées et à la souveraineté
de Milan. 11 hérita des biens qu'An
(4) Le comte de Seze a laisé trois enTants :
une fille mariée à M. le Ijaron Roliault de
Fleury, ofCiier-géuéral du génie, deas fils
mariés et plusieurs petits-enfiiuts.
SGR
loinel'p Salimbeni avait apportés
pour (loi à son père dans l'État de
Sienne; j] y joignit ceux de sa femme
ÉI»>'onore,dernièrehe'ritière des com-
tes de Santa-Fiora, anciens gibelins
toscans. Ses descendants prirent le
titre de ce comté qui relevait autre-
fois immédiatement de l'empire.
Cette famille a produit plusieurs
cardinaux distingués. Par le mariage
de Frédéric Sforza avec Lucie Césari-
ni en 1673, cetie maison a hérité du
duché de Césarini et en a pris le
litre. S. S-i.
SGRICCI (Thomas), le plus ex-
traordinaire des poèt-s improvisa-
teurs, né le 21 décembre 1788, à
Castiglion-Firentino, dans la vallée
de Chiana, était fils d'un chirur-
gien d'Ar. zzo. 11 reçut une éduca-
tion soignée et manifesta de bonne
heure un goût très-prononcé pour la
poésie. Les classiques latins surtout
faisaient ses délices. D'abord aduù-
rateur passionné de Virgile, il le dé-
laissa ensuite pour Stace et Lucain,
auxquels il trouvait plus d'imagina-
tion, bien qu'il ne se dissimulât point
leur infériorité sous le rapport de
l'élégance et de la pureté du style.
Comme un grand nombre d'antres
poètes, Sgricci était entré dans la
carrière qui semble le moins se prê-
ter aux élans de l'imagination; il
avait étudié le droit et travaillait
dans Tétudc d'un avocat de Flo-
rence, lors(|u'il lui prit la fantaisie,
p.ir une nuit de carnaval, de se dé-
guiser en pylhcnisse et de répondre
on vers à toutes les questions qu'on
lui adresserait. 11 montra dans son
rôle tant de présence d'esprit et
d'à-propos, tant de facilité, qu'il
mit en émoi toute l'assistance et
devint le héros de la soirée. De ce
moment sa réputation fut faite et
sa vocation arrêtée. Il ferma les co-
SGR
191
des à tout jamais pour se livrer
à l'improvisation. Mais une gloire
ordinaire ne lui suflisait pas. Au
lieu de déclamer comme la plu-
part de ses devanciers des stances,
des odes, des cantates, des poèmes
de courte haleine, il ne craignit pas
d'aborder celui de tous les genres
qui est peut-être le plus dilticile,
parce qu'il exige les qualités les plus
rares et les plus différentes. Dans la
tragédie, en elTet, il ne suffît pas
d'exprimer en beaux vers de belles
pensées, de faire des descriptions
pittoresques, de bien tracer des ca-
ractères, d'enchaîner les événements
de !a manière la plus intéressante,
il faut encore que tout cela se com-
bine avec les exigences du dialogue
et se distiihne avec une mesure
qu'avant Sgricci i'on ne croyait pou-
voir être que le résultat du travail et
de la réflexion. Aussi trouva-t- il d'a-
bord un grand nombre d'incrédules,
et il ne fallut rien moins qu'une
vingtaine d'épreuves répétées avec
toutes les garanties de sincérité pos-
sibles pour imposer silence aux con-
tradicteurs. La tournée poétiqi.e de
Sgricci, commencée en Toscane, fut
(ontinuée dans la Romagne et la
Lombardie, où il n'obtint pas d'a-
bord le même succès. On fit même
contre lui cette éfiigramme :
Sgriici, ulji fama tua est? quidam dicehat,
[ — et ilte :
Uaud mecum est, passiis prseveiiit iisqne
[meos.
Ces injustes préventions finirent ce-
pendant par s'évanouir devant l'e'-
clat toujours croissant de la réputa-
tion de Sgricci, et bientôt il n'y eut
plus d'un bout à l'autre de l'Italie
qu'une seule voix qui le saluait le pre-
mier poète improvisateur de tous les
temps et de tous les pays. A Rome, le
sujet de Lucrèce lui fut donné deux
192
SGR
fois, et deux fois il improvisa sur ce
sujetdifficile une tragédie qui ne res-
semble nullement à l'autre. L'Acadé-
mie des Arcades, après l'avoir enten-
du traiter leFœu de Jephléj hn donna.
le titre de Thcrpandre italique^ parce
que si ce Grec avait ajoute trois
cordes à la lyre, Sgricci avait réuni
l'invention tragique au talent d'im-
proviser. A Vérone, une médaille fut
frappée en son honneur. A Padoue,
le parterre invita un vieux chanoine
à donner un sujet à l'improvisateur ;
ce sujet était Bianca di Rossi, et fut
Irailé avec le même bonheur. A Pa-
vie, il traita im fait historique ap-
partenant aux fastes de cette ville
savante. A Turin, il improvisa une
tragédie CCHector ; à Milan, Médée et
Monlezuma ; à BoUgne, Samson; à
Venise, le Comte d'Essex; à Modène,
la Mort d'Astyanax et celle ûAnni-
tal; à Parme, Françoise de lUmini;
A Gênes, la reine de Sardaigne lui
donna le sujet ù' Aqamcmnon ; à Flo-
rence, l'empereur d'Autriche celui
de la Mort de Sapho. Un jour on
indiqua à Sgricci un sujet délicat et
diflicile. Déjà il se livrait à l'écart à
la méditation nécessaire, lorsque
quelques motifs de convenance dé-
terminèrent la réunion à retirer ce
sujet et à en proposer un autre.
Sgricci avait arrêté le plan dans sa
tête. Il fallait à l'instant rappeler
d'autres souvenirs, se livrer à d'au-
tres méditations, invoquer une in-
spiration nouvelle. Ce ne fut pas en
vain ^ son talent extraordinaire ne
lui fut pas inlidèle, et le nouveau su-
jet fut traité avec tout le succès que
l'autre aurait pu obtenir. La première
séance de Sgricci à Paris eut lieu
dans la grande salle de l'École royale
de chant et de déclamation, le 14
mars 1824. MM. Raynouard, Lemer-
cier, C. Delavigue, Lebrun, Briflaut,
SGR
Ancelot, le baron Guiraud et Talma
y assistaient. Ce dernier fit connaître
l'opération à laquelle on allait procé-
der, et comme elle était, parles noms
mêmes des personnes qui avaient
bien voulu y prendre part, la preuve
de la bonne foi qui y présidait, elle
parut obtenir l'assentiment unanime.
Talma recueillit tous les bulletins et
soumit successivement à la commis-
sion les titres qui y étaient inscrits.
Quelques sujets furent rejetés comme
n'offrant point la donnée d'une ac-
tion tragique ; les autres furent
déposés d.ms im vase, tous plies
d'une manière égale, et Talma, après
les avoir plusieurs fois remués, pré-
senta le vase à une dame. Le bulletin
amené par le sort portait ce titre :
La Mort de Stilicon, général des
armées d'Honorius. Ce sujet, traité
par Corneille , parut appartenir à
une époque trop peu connue, et une
voix unanime s'éleva pour en de-
mander un autre. Le bulletin sui-
vant portait Bianca Capello, et fut
accueilli avec joie soit par le public,
soit par l'improvisateur, qui s'estima
heureux d'être ainsi reporté au mi-
lieu des annales bien connues de sa
patrie. Après avoir exposé le sujet,
Sgricci indiqua, selon son habitude,
le nom et le caractère des personna-
ges, le lieu et jusqu'à la décoration
que le spectateur avait à se figurer,
et aussitôt, sans autre préparation
et sans la moindre hésitation , il
fournit l'étonnante carrière de l'in-
vention , de la disposition et de
l'improvisation d'une tragédie en
cinq actes, séparés par un chœur, à la
manière des anciens. 11 y avait 1,200
personnes à cette séance. Le 25 avril
suivant, Sgricci en donna une se-
conde. Le sujet, tiré au sort, était la
Mort de Charles I". La manière dont
l'improvisateur le traita frappa l'au-
SGR
SGR
19:
ditoirp d'admi talion. On était éton-
né que Sgricci pût conserver avec
tant de fidélité la couleur historique
et locale. Certains passages émurent
jusqu'aux larmes, celui surtout où
Henriette d'Angleterre raconte l'ap-
parition de Marie Stuart dans un
songe. Nous l'insérons ici en entier,
avec la traducliun française pour
ceux à qui il n'est pas donné de
pouvoir apprécier l'original :
Luug'ora egli è, che mi son fatle iuferno
Le notti: — i lumi non cliiudo una volta;
Clie spaventosi fantasmi di moite
Non mi assalgan la mente. — Oh! roapiù fîeri
Or (lianzi m'agitaro. — Jo qui tornata
StaïK-a, aoelante dal lungo laminino,
Vinta da teuerezza e da pietade,
elle dollo sposo mi desto la vista
A forza quasi diiusi le palpebre;
£ cliiuse dubbiamente erauo appena
Che le cortine si agiter del letto. —
Si agitaro, e si apersero, — e mi parve,
Mi parve o l'ù, che mi veuisse innanzi
Una donna real di maestoso
Mestissimo sembiaute; avea la froute
Avea gli occiii, ei capei sciolti sul collo
Tulti splendenti di un 'arcaua luce.—
Vedesti mai la luna, quando io cielo
È L'in^onfusa di bianca corona ?
Tal mi sembrava ;— ella guatommi, e rise
Tlii cotai riso di dolor ; scintilla
In questa guisa tra i nembi e la pioggia
Di sol pallido raggio; — e poichè presse
Kù del letto alla sponda, si fermo.
La man mi prese, la si striuse al petto
Gelido, immoto ;... a quel sno tocco il cuore
Seutii lialzar con ])alpiti di morte.
Ella cosi parlommi: « O donna, forse
<• Nell'alba dei tuoi di tu rai vedesti
« Nella tua corte, o almen fissasti il cigllo
« Non senza piauto suUa mesta imago
<< Di me, che appesa nelle régie sale
<• Si stà dei tuoi palagi.— Un di regina
« Di Scozia io m'era, e i)ellaiufra le belle
«Chiamomroiil mondo,enestupi; — peusiero,
•< Sospir divenni d'ogni correale,
« D'ogni alto s[)irto. — Di tre regni il serto
« In'sulla fronte balenar mi vidi,
•< E men compiarqui, e'I mio folle ardimeuto
<c Giovenilineute travioinrai ;— volsi
« A Dio le spalie, e jiel cammin del moudo
<■ Incauta vaneggiai. — Liinga stagione
<< Cosî m'uvvolsi d'aijisso iu aliisso : —
■■ Perdci del coi la pac?, di me stessa
« Perdei la sliina, — tutio iusomma, tufto —
« Fuorchè quella virlù, che si riserra
»< Nel core interne, e tempo e loco aspetta
LXXXII.
« Siii vinti sensi a ripigliar l'impero;
« Essa parlommi, e vinse; — e di sue voci
<• Fù la sciagura interprète, e foriera.
« Me questa terra sccUerala accolse
« Veuti anni. — Reggia un carcere profonde
<t M'era, e poi !» Disse, e con ambe le mani
Prese il bel capo, il toise dal bel collo
E sanguinoso in mau mel pose ,.
Ad ahbracctar quel tronco
Sporsi le mani iuorridite, — e l'ombra
Sparve, e si chiuser le coi tine. — Scossa
Dall'atra vision sorsi e fissai
Cli occhi sovra la immagin del consorte. —
Infino al bustoil sol la illuininava.
Ma il capo d'orabre era avvolto, e spiccato
Dagli omeri j)area.,. Me lassa !.,, Ho sempre
Questi oggelti presentij — ancor mi seml)ra
Tenermi ingrembo quel teschio reciso
Che vesti e man mi fa sanguigne, e pesa
Sull'attonita meute
" Il y a bien long-temps que les nuits sont
devenues un enfer pour moi. — Mes paupiè-
res ne se ferment jamais sans que je sois as-
saillie ])ar d'épouvantables fantômes. Mais,
hélas! jamais ils n'ont été plus terribles que
dans ces derniers moments. A peine étais-je
rentrée dans ce palais, haletante des fatigues
d'unlong voyage, épuisée par la tendre émo-
tion que m'avait causée lavue du roi mon
époux, que mes paupières s'appesantirent
malgré moi ; elles n'étaient pas encore bien
fermées quand les rideaux de mon lit s'agitè-
rent et s'ouvrirent tout à coup; il me sembla
(était-ce une illusion ou la vérité), que je
voyais auprès de moi une reine dont les traits
étaient à la fois majestueux et tristes; son
front, ses yeux, ses cheveux flottants sur ses
épaules, étaient éblouissants d'une lumière
mystérieuse. Sans doute tu as vu quelque-
fois une couronne éclatante environner le
disque de la lune. Telle elle parut à mes
yeux. Son regard se fixa sur moi, elle me
sourit, mais d'un sourire plein de tristesse.
C'est ainsi qu'au milieu d'un nuage descend
a travers la pluie un pâle rayon de soleil.
Lorsqu'elle fut près de mon lit, elle s'arrêta,
me prit la main, la serra contre son sein
glacé et immobile. — A ce toucher un
frisson mortel me parcourut les veines. Elle
me parla ainsi :<< Henriette, tu m'as vuepeut-
" être dans les •premiers jours de ta vie à la
« cour de tes aïeux, ou du moins tu as con-
« temple, non sans verser des larmes, mon
i< portrait suspendu aux murs de tes lojales
« demeures. Je fus jadis reiile d'Ecosse ;
" l'univers -admira mes chaimes et m'ap-
<• j)ela belle parmi les belles : je fis sou-
« pirer et rêver tous les princes et tous les
c< nobles cœurs; l'éclat de trois diadèmes
<< brilla sur mon front. Je me complus
<< dans ces avantages, mes folles pensées me
« jetèrent dans tons les désordres de la
13
1!
SGR
■ jeunesse; nn m'éloignant de Dieu, je m'é-
« garai d.ius les clieniiiis «lu inonde, et je
« roului long-temps d'aliîme ea idnme. Je
« perdis la paix de mon cœnr; l'eslime de
<r inoi-inème, tout enfin, tout, hors cette
<< vertu intérieure qui, dans le tumulte des
« passions, se retire au fond de notre âme et
« attend le moment de reprendre son e»-
>< pire sur les sens égarés. Le malheur ea
« lut l'interprète et l'avant-coureur. Cette
« terre maudite me retint pendant vingt
<< années. Un profond (•achot y fut mon pa-
« lais... » Elle se tut, puis de ses deux mains
elle prit sa belle tôle, la détacha de son
beau cou et la posa toute sanglante entre
mes mains... Glacée de terreur, je tendis
mes hras tremblants pour embrasser ce
tronc. — Le fantôme disparut elles rideaux
se fermèrent. Frappée de cette horrible vi»
• ion, je me lève, et mes yeux s'arrêtent inter-
dits sur le portrait de mon époux; le soleil
en éclairait une partie, mais la tèle était
cachée dans l'omijre et paraissait séparée
du corps. Ces ol)jets sout toujours présents
à ma pensée. Je crois encore tenir sur mes
genoux celte tête coupée qui souille de sang
mes mains et mes vêtements. Oh ! quel poid»
l)èse sur mon âme épouvantée! »
Sgricci quitta Paris dans l'dté de
1824, après avoir reçu les plus écla-
tants témoignages d'admiration et
avoir vu graver une médaille en son
honneur. Il se rendit à Genève, où il
improvisa, chez M. Pictet, un acte
de la tragédie A^ÊHsabeth d'Angle-
terre. Le moment donné était celui
oii cette reine va signer Tarrêt de
mort de l'infortunée reine d'Ecosse.
Sgricci rentra ensuite en Italie pour
n'en plus sortir. Le grand-duc de
Toscane , ayant désiré l'entendre
(1825), lui donna pour sujet la Mort
de Marie Sluurt, et lut si satisfait de
l'improvisateur qu'il lui envoya le
lendemain 2,000 fr., puis quelques
Jours après le brevet d'une pension
de 2,100 fr. et des lettres de no-
blesse. Sgricci se trouva ainsi dans
une honnête aisance, et l'on regrette
pour sa dignité qu'il ne se soit pas
abstenu depuis lors de donner des
séances pour de l'argent. Malheu-
reusement la moralité n'est pas tou-
SGR
jours en égale proportion avec le ta-
lent. Sgricci payait un large tribut
aux fdiblt'sscs humaines, et il en ré-
sultait de fréquents dérangeiiieuts
dans ses affaires. Fendant les onze
dernières années de sa vie, il ne s'é-
loigna de Florence que pour fdire un
court voyage à Rome, où il donna
ces séances payées qui l'ont peu
d'honneur à son caractère et lui va-
lurent maintes épigrammes. Revenu
dans ses foyers, il eut le malheur de
perdre sa mère, et en fut affecté au
point de tomber malade. Son imagi-
nation décuplait sa faculté de sentir,
et il ne put résister aux émolions
qu'il avait éprouvées au chevet du
lit de sa mère mourante. « Son râle,
disait-il à un ami, me sen;blait êlre
le bruit du char de la mort qui ve-
nait prendre deux victimes.» 11 mou-
rut en effet peu de temps apris, le
23 juillet 183G. Sgricci était d'une
taille moyenne et bien prise. Il avait
un très beau caractère de tête; une
teinte douce et mélancolique y ré-
gnait. Il y avait dans celte tête ce
que les artistes appellent du style et
tous les moyens propres à une grande
expression dramatique. Sa voix était
sonore et pure ; sa prononciation ad-
mirable. Ces qualités contribuaient
puissamment au succès du genre
qu'il avait choisi et où il n'excellait
pas moins comme acteur que coininc
poète. Bien qu'il boitât, il dissinni-
lait habilement cette infiriiiiiéet sa-
vait apporter dans ses mouvements
beaucoup de dignité et de noblesse.
Obligé de remplir dans une soirée
les cinq ou six rôles de S(S tragé-
dies, il prenait le ton et l'allure le
plus convenables à chacun d'eux
sans devenir jamais ridicule. Son
premier soin en entrant en scène
était d'indiquer le sujet, les noms
des personnages, les décorations
SGR
supposées, l'ordonnancp de la pièce;
puis il commençait sans hésitalion et
continuait de même, exjiclemenl
comme ferait un acteur qui aurait
étudié son rô'e d'avance. Celte pro-
digieuse facililé dut naturellement
trouver bien des incrédules. On sup-
posa d'abord que Sgricci avait des
compères, puis qu'il intercalait au
moins certains morceaux préparés de
longue main en se ménageant habile-
ment l'occasion de les introduire ;
mais ces deux suppositions Unirent
par élre tout-à-fait écartées, et l'on
dut croire entièrement à la bonne loi
(le Sgricci, quand il décbira ne pas sa-
voir, au moment de commencer, un
des vers qu'il allait débiter, et ne pas
se souvenir d'un seul après l'im-
provisation. Aussi la plupart de ses
pièces se sont-elles évanouies comme
un chant harmonieux; mais le petit
nombre qui reste suffira pour éter-
niser la mémoire de leur auteur. Un
grand seigneur napolitain, le duc
(le iMirnnda, chez qui Sgricci avait
improvisé plusieurs fois , conser-
vait quelques tragédies sténogra-
phiées, mais elles périrent dans un
incendie. Voici tout ce qui nous
reste de ce poète : I. Une scène
iVÀgamemnon, dans une feuille na-
politaine. II. Hector^ en cinq actes,
Turin, 1823, in-8% avec le portrait
(le Tauteur; T édition, Florence,
18-i5, in-8o. III. La Mort de Char-
les I"', en cinq actes, Paris, 182i,
in-8''. Cette pièce est précédée d'une
préface de l'éditeur et de deux lettres.
La première fut adressée par M. La-
cretelle à Sgricci, en témoignage de
son admiration. La seconde est de
Georges Cuvier, qui avait aussi as-
sisté à l'improvisation de cette
tragédie et en lut les épreuves pour
constater que rien n'avait été changé.
Une traduction française, assez mé-
SGR
195
diocre, termine le volume. Seconde
édition, Florence, même année, in-S",
avec une dédicace en vers au mar-
quis de la Maisonl'ort, envoyé extra-
ordinaire du roi de France auprès du
grand-duc de Toscane. IV. LaCfiute
de Missolonghij en cinq actes. V.
Le conmiencement (VÉkclre, dans
VÉtrenne de Vallardi , qui a pour
titre : JVe m'oubliez pas, Milan,
1834, in-12. Les poésies non impro-
visées de Sgricci sont: I. Canzune
à l'occasion de l'entrée solennelle du
prince Thomas Corsiiii au Capilole,
Rome, 1818, in-S». H. Canzonc pour
les noces de Ferdinand MI de Tos-
c-tne avec Marie-Ferdinande de Saxe,
Florence, 1821, in-8°. III. La Nuit
veillée, idylle à l'occasion du ma-
riage du marquis Tolomei avec une
filledii princeCoisini, Florence, 1823,
in-folio. C'est sans contredit la meil-
leure des pièces de Sgricci. Elle res-
pire une beauté toute antique à la-
quelle donne encore plus de relief
une légère teinte de celte mélancolie
propre à la poésie moderne. IV. Ode
sur la publication des poésies de
Laurent- le - Magnifique, Lucques,
1825, in-4o. V. Canzone adressée au
peintre Gérard. VI. Terceto eu l'hon-
neur du grand-duc Léopold II, qu i
venait de donner son nom au collège
d'Arezzo, Florence, 1827, in-8". VII.
Canzone à l'occasion du retour à
Florence du même prince, ibid.,
1830, in-8''. VllI. Chant sur la mort
de la'grande-duchesse Marie-Caro-
line de Saxe, ibid., 1832, in-S". IX.
Stances pour les noces du grand-duc
Léopold II avec Marie -Aniomette des
Deux-Siciles, ibid., 1833, in-8», X.
Canzone sur' la mort de Marie Maxi-
milienne, princesse de Toscane,
ibid., 1833, iii-8". XI. Canzone sur
la naissance d'une lilledu grand-duc,
ibid., 1834, in-8°. XII. Canzone sur
13.
196
SHA
la mort de l'empereur François l*"',
ibid., 1835, in-S». XIII. Canzone sur
la naissance de Ferdinand d'Aulriche,
prince de Toscane, ibid., 1836, in-4''.
A-Y.
SHAH-NAWAZ - KHAN -SAM-
SAM-AL-DOWLAK (1), ministre
mogol dont le premier nom était Abd-
al-Raz-zak. Son trisaïeul avait quitté
Khowafponr venir à la courd'Akbei;
son bisaïeul, An-Arat-Khan, avait
été, sous Alenigir, en très-grande
faveur; son aïeul était dewan de
Moiiltan ; son père se nommait Mir-
Hasan-Ali. Le siège de sa famille
était à Aurengabad ; cependant il na-
quit à Lahoreen 1700. Il se distingua
de bonne i.eure par ses talents et
fut chargé de fonctions importantes.
11 avait la confiance de Nizam-al-
Dowlak Nazir-Jeng quand celui-ci
osa se déclarer contre son père Asof-
Jah ; il avait essayé de le détourner
de cette entreprise et n'en fut pas
moins disgracié pendant cinq ans.
En 1747, il fut nommé dewan de
Biran , et quand Nizam-al-Dowlak
eut succédé à son père dans le gou-
vernement de l'empire, Samsam-al-
Dowlak fut appelé an dewani du Dé-
klian; puis, après la lin malheureuse
de Nizam-al-Dowlak, à la soiibobliie
d'Hydevabad. Il subit encore une
courte disgrilce que l'on attribue à
l'influence de M. de Bussy, et bientôt
(i) Cette notice sur uu personnage qui,
dans le dernier siècle, a joué un rôle remar-
quable au milieu des dernières convulsions
de Teinpire nicgol, est extiuite d'un diclion-
naire biographique qu'il avait composé lui-
même et qui a été continue par son lils.
Le critique qui l'a insérée dans le Quar-
terljr orierilat Magasine rcgrelle que les écri-
vains qui s'occupent de l'iiisîoire do l'Inde
n'aient pas ])lus souvent recours aux au-
teurs mêmes du pays, et que, s'attachant
presque il la seule autorité de Ferislileli,
ils négligent les sources où cet bistoiien a
puisé.
SHÉ
après il rentra en faveur auprès
d'Amir-al-Memalek, dont il fut le mi-
nistre. Il se distingua dansdifférentes
expéditions, et surtout dirigea toute
sa politique vers un seul but, qui
était de chasser les Français de Pon-
dichéry. Une révolte de l'armée d'A-
mir-al-Memalek entrava ses projets
et causa son malheur. H fut des-
titué, obligé de fuir et d'aller s'en-
fermer avec ses partisans dans Dow-
letabad. Cependant Nizam-al-Dowlak
II, sous le nom de Nizam-al-Mulk-
Asof-Jah, venait de succéder à Amir-
al-Memalck , et Samsam-al-Dowlak
recouvra une partie de son influence.
Mais trompé par un traître nommé
Hyder-Jeng, qui était dévoué aux
Français, il fut surpris avec ses trois
liis et confié à une garde étrangère.
Le perfide Hyder-Jeng avait encore
d'autres projets : Asof-Jah devait
être sa victime. Ayant osé se présen-
ter devant lui, il fut tué par l'ordre
de ce prince. A cette nouvelle, des
furieux se précipitèrent dans la tente
où était gardé Sumsam-al-Dowlak et
le massacrèrent avec le plus jeune
de ses fils. Cet événement eut lieu en
1785. A— T.
SHÉE (Henri), général et admi-
nistrateur français, était né à Lan-
drecies, le 25 janvier 1739, d'une
famille de noblesse irlandaise qui
s'était réfugiée en France par suite
de son attachement à la foi catholi-
que. Entré au service comme cadet
dans le régiment irlandais de Clarke,
le f^^mars 1755 , iN'ut nommé lieute-
nint en 1760, et l'année suivante
sons-aide major, en récompense de sa
belle conduite à l'affaire de Marbourg.
Créé chevalierdeSaint-Louis en 1781 ,
il fut ensuiie nommé capitaine cor-
nette blanche au régiment colonel-
général, puis C(>lonel en second du
régiment de Conflans (1784), et enfin
SHE
SHI
197
colonel du régiment colonel-gc'ue'ral
(1785). La révolution française le
trouva dans cette position, et, sans
en devenir un zélé admirateur, il
l'accepta pourtant avec une certaine
satisfaction. En 1791 il obtint sa
retraite pour cause de mauvaise san-
té, mais en 1795 il reprit une place
active dans l'armée et fut promu au
grade de général de brigade. C'est
en cette qualité qu'il fit partie du
corps expéditionnaire qui, sous Ho-
che et Bruix, essaya un débarque-
ment en Irlande. Au retour de celte
expédition qui ne réussit pas, il quit-
ta délinitivement le service militaire
pour la carrière administrative. Le
19 février 1797, on le nomma pré-
sident de la commission intermé-
diaire pour l'administration des pays
conquis sur le Rhin, et dansées fonc-
tions il sut acquérir l'estime des po-
pulations par une grande probité et
une extrême modération. Bonaparte,
après le 18 brumaire, l'envoya à la
préfecture du Mont-Tonnerre, qu'il
quitta presque aussitôt pour devenir
commissaire-général dans les quatre
départements de la rive gauche du
Rhin, nouvellement réunisà la Fran-
ce. Élevé au titre de conseiller d'É-
tat en 1801, il remplaça Lakanal, le
26 septembre suivant, connue pré-
fet du Bas-Rhin. Il se trouvait en
cette qualité à Strasbourg, au mois
de mars 1804, lors de l'enlèvement
du duc d'Eughien, et il fut en consé-
quence api)elé à y concourir, ou tout
au moins mis dans la confidence des
instructions de Caulaincourt et d'Or-
dener {voy. ce nom, LXXVI,94),
ainsi (jue le général Levai; il fut toute-
fois moins généreux et eut moins d'é-
gards que ce dernier pour la position
du malheureux prince ( voy. Leval,
LXXi, 441); on a même dit que ce fut
lui qui, par sa correspondance ad-
ministrative, donna lieuk l'arresta-
tion. Lors de l'institution de la Lé-
gion d'Honneur, il reçut la croix d'of-
ficier, puis celle de commandant de
cet ordre, en 1809 le titre de comte,
et enfin, le 5 février 1810, il fui
fait sénateur. Comme la plupart des
membres de cette muette assemblée,
il vola, sans hésitation, la déchéance,
parut un instant d'acc(jrd avtc sou
neveu le ministre Clarke, et se ral-
lia à la restauration. Louis XVlll le
créa pair de France eu juin 1814,
ce qui surprit un peu l'opinion roya-
liste. Dès lors il resta complètement
en dehors des affaires, et mourut le
3 mars 1820, dans un âge très-avan-
cé. Le maréchal Mortier prononça
son éloge funèbre à la chambre
haute. Sa fille unique avait épousé
Jacques Wulfran, baron d'Alton, au-
torisé pour lui et ses descendants,
par ordonnance royale du 11 décem-
bre 181. 5, à joindre son nom à celui
de Sliée , et c'est de cette union
qu'est né le comte d'Alton -Shée, hé-
ritier de la pairie de son aïeul par
droit de substitution. Madame d'Alton
est morte vers 1825. G — h — n.
SUERBURNE. Voy. Shirburn,
XLI1,270.
SIIIELD (William), compositeur
anglais, né en 1749, ii Swalwell, dans
le comté de Durham , reçut de son
père , qui était maître de chant, les
premiers éléments de son art , et lit
des progrès si rapides que, dès l'âge
de huit ans, il jouait sur le violon
les morceaux les plus difliles de Co-
relli; malheureusement dès son jeu-
ne âge l'aiileiir de ses jours lui fut
enlevé, et celte circonstance sembla
le rejeter désormais dans l'exercice
d'une profession mécanique. Il fut
alors mis en apprentissage chez un
constructeur de bateaux à North-
shields, et il eût peut-être été à ja-
198
SHU
mais perdu pour la musique, si le
célèbre Avison , qui demeurait dans
le voisinage, nVût bien voulu l'aider
à continuer ses éludes artistiques
dans ses moments de loisir. William
sut prnliter de cet avantage, et son
apprentissage ne fut pas plutôt ter-
miné qu'il se voua pour toujours à
l'art vers lequel son penchant l'en-
traînait. Il ne tarda pas à devenir le
chef de l'orchestre d'un théâtre de
Durhaui, et étant allé à Londres il
fut employé par le directeur Cramer
dans l'orchestre de l'Opéra. Un sé-
jour fait en Italie, en 1792, étendit
ses connaissances et acheva d'épurer
son goût. Rentré dans sa patrie, il y
acquit une réputation méritée par
quelques ouvrages techniques, ainsi
que par ses opéras , et fut attaché à
la cour en qualité de musicien ordi-
naire du roi. Shield a su adapter le
goût italien à la langue anglaise, sans
contrarier le caractère de cette lan-
gue. Son style est simple, facile, cor-
rect; ses airs rendent toujours bien
les paroles, et sont agréables et va-
riés. On cite parmi ses productions :
I. Introduction à l'harmonie, 1800,
in-4°. 11. Rudiments de la basse con-
tinue (rough bass) pour les jeunes
harmonistes^ 1815, in-4o. m. plu-
sieurs opéras entre autres : Rosina,
le Fermier, Fontainebleau, l^Àmour
dans un camp , le Pauvre Soldat ,
la Caverne magique, etc. William
Shield mourut, âgé de 80 ans, le 28
janvier 1829. Z.
SU II CK FORD (Samuel), savant
anglais, acheva ses études au collège
Gains de l'université de Cambridge,
où il prit , en 1720 , le degré de maî-
tre ès-arts. Il fut ensuite curé de
Shelton ,- dans la province de Nor-
folk , prébendier de l'église de Can-
torbéry, et enliu pasteur d'All-Al-
lows, rue des Lombards, à Londres.
SHU
11 mourut en 1754. C'était un homme
très-érudit , mais assez mal partage
du côté du jugement et du goût. Son
principal ouvrage est une Histoire
du monde sacrée et profane, depuis
la création jusqu'à la destruction de
l'empire des Assyriens, à la mort de
Sardanapale , et jusqu'à la déca-
dencedesroyaumcsdeJudaet d'Israël,
3 volumes in-S", destinée à servir
d'introduction à V Histoire des Juifs ^
de Prideaux ; mais à cet égard même
elle est insuflisante, l'auteur n'ayant
pas assez vécu pour pouvoir la por-
ter jusqu'à l'an 747 avant J.-C. , où
Prideaux a commencé. Ce livre est
précieux par les détails qu'il ren-
ferme et que l'on ne rencontre que
rarement ailleurs ; on y trouve aussi
des réflexions judicieuses sur la lan-
gue hébraïque. Mais l'historien a
souvent échoué dans l'application de
son vaste savoir , et c'e.st avec jus-
tice que l'évêque Horne et William
Jones, dans les mémoires qu'il a
donnés sur ce prélat, ont reproché à
Shuckford d'avoir rendu son sujet
presque ridicule en illustrant l'his-
toire sainte de la création d'après
Ovide , Cicéron , et même d'après
VEssai sur l'homme, de Pope. Ce-
pendant VHistoire du monde a été
traduite en français par J.-P. Ber-
nard , prêtre de l'église anglicane,
conjointement avec Chaufepié («oy.
ce nom, VII, 292) et Toussaint;
Leyde, 1738, 2 vol. in-12; tome lli,
Paris, 1752, titres noirs et rouges,
avec cartes et figurt's. Indépendam-
ment de cet ouvrage , on a de
Shucklord quelques Sermons et un
traité sur la Création et la chute de
l'homme , devant servir de supplé-
ment à la préface de VHistoire du
jitoiide. L.
SliUTE. Voy. Barr^gton, III,
i21,etLVlI, 21 i.
SIB
SIBIIET (Georges), magistrat de
la révolution , né vers 1765 dans
la petite ville de Belley, était com-
patriote et condisciple de Récamier,
de Riclierand et de Brillât-Savarin.
Après avoir fait d'assez bonnes étu-
des dans cette ville, il vint fort jeune
à Bourg en Bresse où, par un phy-
sique agréable et des manières insi-
nuantes, il s'introduisit cliez l'avo-
cat Gauthier, donl il fut le secré-
taire. Celui-ci, nommé en 1789 dé-
puté aux États-Généraux, amena dans
la capitale sa femme et son jeune se-
crétaire, qui, pendant toute la ses-
sion de l'Assemblée constituante, fut
le commensal et l'ami de la famille.
Quand ce député retourna dans son
pays, a là tin de 1791, Sibuet entra
dans la carrière des emplois. Nommé
commissairenationaldanslaBelgique
lors de l'invasion de Dumouriez, en
1792, il fut un de ces agents dont le
général en chef se plaignit amère-
ment {voy. Chaussard, LX, 562).
Nous avons sous les yeux un rap-
port que Sibuet adressa au minis-
tre des affaires étrangères, sur l'é-
chec d'Aix-la-Chapelle, au mois de
mars 1793, et dans lequel il dit que
ce revers faisait lever la tête aux
anti-peuples. Après la retraite de
l'armée française, Sibuet revint au-
près de son protecteur Gauthier,
qu'il accompagna dans sa mission au
siège de Lyon. 11 ne revit qu'avec
lui la capitale , subit toutes ses vi-
cissituiles de succès et de revers ,
et en fut très-bien aidé et protégé
dans toutes les occasions. Après le
9 thermidor, il retourna en Bel-
gique et fut nommé l'un des ju-
ges du tribunal d'appel du départe-
ment de la Dyle, fonctions qu'il ne
conserva que peu de temps. Revenu
à Paris, il y fut, avec Poultier, le fon-
dateur de l'Ami des lois^ journal
SIB
199
consacré à la défense das opinions
révolutionnaires. C'est à cette épo-
que qu'il eut avec Benjamin Constant
une querelle qui dut se terminer par
un duel, mais qui, comme il arrive
souvent, finit moins périlleusement
chez un restaurateur. VÂmi des
lois ayant été suppriu>é , après le 18
brumaire, par un arrêté des consuls,
ainsi que tous les journaux indépen-
dants , Sibuet se renferma dans ses
fonctions de juge au tribunal de cas-
sation, où il avait été appelé sous le
Directoire; mais il les perdit bientôt,
alla vivre dans la retraite à Corbeil,
et parvint, au bout de quelques an-
nées, à être nommé président du tri-
bunal de cet arrondissement. H fit en
cette qualité, en 1814, toutes ses sou-
missions au gouvernement royal ;
mais lors du retour de Bonaparte, en
1815, il fut élu par l'arrondissement
de Corbeil membre de la chambre
des représentants, où il fit le 4 juin
une motion qui eut peu de succès
et qui avait pour objet de décréter
qu'on ne reconnût dans l'Assem-
blée d'autre titre que celui de repré-
sentant. « Il serait inconvenant , dit
Sibuet, que les représentants fussent
partagés en deux classes , celle des
ducs, des comtes, des barons, des
chevaliers, et celledes simples dépu-
tés. En demandant à quelques-uns
de nos collègues cette renonciation
momentanée et circonscrite au lieu
de nos séances, je n'entends rien pré-
juger sur le fond de la question : ce
sacrifice , si c'en est un , ils en ont
reçu l'exemple de leurs nobles pré-
décesseurs dans la fameuse nuit du
4 août 1789. Notre président ne peut
être que primus inler pares. C'est
ici que nous devons jouir non seule-
ment de la liberté politique , mais de
cette égalité qui seule fait le charme
de la société... Le privilège le plus
2 Ou
SIB
odieux est celui qui tend à humilier
le plus grand nombre au profit de
quelques-uns. " Ici des murmures in-
terrompirent l'orateur ; on s'était
aperçu qu'il tenait à la main un pa-
pier à moitié caché par son chapeau,
et on lui cria qu'aux termes du rè-
glement il ne devait pas apporter
de discours écrit. Sibuet essaya de
se juslilier, et il répéta qu'on ne
devait reconnaître d'autre noblesse
que celle des sentiments ; mais sa
voix se perdit dans le tumulte , et
l'ordre du jour fut adopté. Sibuet ne
reparut plus à la tribune, et après le
retour du roi il fut remplacé dans
ses fonctions de président du tribu-
nal de Corbeil, où il continua cepen-
dant de résider, jouissant de quelque
fortune, cultivant modestement sa
vigne, et buvant le vin du cru jusqu'à
sa mort, qui eut lieu le 14 janvier
1 828. Sibuet a publié : 1 . Opinion pro-
noncée à l'assemblée générale des
principaux actionnaires de la Ban-
que de France, Paris, 1821, in-8°. II.
Nouveau manuel du vigneron, ou
Méthode simple, facile et économique
pour faire du bon vin partout où le
7'aisin miirit, etc., 1822, in-8°. 111.
Observations à M. le comte de Pey-
ronnet, ministre de la justice, etc.,
sur son projet de loi concernant le»
successions et le rétablissement du
droit d'aînesse, 1826, in-8°. IV. Opi-
nion prononcée à l'assemblée géné-
rale des 208 plus forts actionnaires
de la Banque de France^ janvier
1826, in-8\ M— Dj-
SIBUTUS (Georges), surnommé
Daripinus, était, au commencement
du XVl^ siècle, médecin et professeur
derhétoriqueàCologne^ily publiaen
1504 (in-i"), sous le titre d'^lrs me-
morativa, un traité de mnémonique,
science dont on s'occupait alors avec
activité. Malheureusement ce traité
SIC
a les mêmes inconvénients que les
écrits de ce genre qui sont venus plus
tard ; les procédés qu'il indique sont
encore pluscompliqués, plus difficiles
que la chose qu'ils prétendent sim-
plifier et rendre aisée. En 1507, nous
retrouvons Sibutus donnant des le-
çons de belles-lettres à Wittemberg.
ConradCelteslui décerna la couronne
de poète lauréat, et dès l'année sui-
vante Sibutus fit paraître à Leipzig
une composition dramatique desti-
née à célébrer la ville de Wittemberg
et les beautés du pays dont elle oc-
cupe le centre. Le titre de cet ou-
vrage est fort long : Silvula in Al-
biorim illustratam, etc.; les person-
nages sont empruntés à la mytho-
logie : Mercure, Apollon, Bacchus,
Diane, Neptune, Chloris, Calliope,
Sylvain, le poète, le parasite. Le tout
fut joué devant l'empereur Frédéric.
Sibulus tenait à offrir aux grands de
la terre les résultats de son commerce
avec les muses; à l'occasion de l'ar-
rivée à Cologne d'un autre empereur,
il avait mis au jour, dès l'an 1500,
un volume intitulé : Panegyricus de
Maximiliani in Coloniam adventu
cum variis epigrammatibus. Il faut
bien avouer que rien de tout cela
ne mérite de passer à la postérité.
B— N — T.
SICARD, conseiller à la cour
royale de Montpellier, fut un des
magistrats les plus instruits et les
plus intègres de notre siècle. Ne
vers 1760, il mourut à Montpellier
dans le mois de décembre 1834. Il a
donné, dans cette Biographie univer-
selle, différents articles aussi remar-
quables par l'érudition que par un
style simple et précis, entre autres
ceux de Henri et d'Adrien de Valois.
On a encore de lui : Leçons sur la
poésie sacrée des Hébreux, traduites
pour la première fois du latin en
SIC
SIC
2(Jl
français-^ Lyon ef Paris, 1812, 2 vol.
in-8°. Cet ouvrage du savant Rob.
Lowth (voy. ce nom, XXV, 320-21)
a aussi été traduit par François Ro-
ger 5 mais la traduction de Sicard est
plus estime'e. II a encore traduit de
l'anglais un opuscule de Lowth, sous
le titre de Généalogie de Jésus-Christ,
représentée sur la fenêtre orientale
de la chapelle du collège de Win-
chester, qu'il a fait imprimer à la fin
du second volume des Leçons.
M-Dj
SICKIXGEX (François de), cé-
lèbre guerrier du XV^ siècle, naquit
le lu mars 1481, au château de Sic-
kingen , dans le cercle du moyen
Rhin (grand-duché de Bade). Il était
fils d'un Suivik, gentilhomme ob-
scur, décapité par ordre de Maximi-
lien, en punition des troubles qu'il
causait dans l'empire. Voué depuis sa
jeunesse au métier des armes, il ré-
solut de venger la mort de son père ;
ayant mis dans ses intérêts la plupart
des princes et des cumtes germani-
ques, il leva une petite armée et de-
vint un ennemi redoutable à l'em-
pereur. Dans ses courses aventuriè-
res, il soumit un grand nombre de
places ; on le voyait çà et là à la tête
de ses soudards déployer une activité
incroyable, faisant la guerre aux uns,
négociant avec les autres. Le duc de
Lorraine, les habitants de Metz, le
landgrave de Hesse eurent surtout à
souffrir de ses ravages, et furent
même forcés de lui payer tribut. Il
s'était proclamé le grand redresseur
de torts, et c'est au nom de la justice
qu'il cumuiettait ses plus grands ex-
cès ; il prenait la défense des oppri-
més, soutenait les faibles contre les
forts, et sa réputation s'étemlit bien-
tôt dans toute l'Allemagne. Ainsi,
quand un particulier avnit à se plain-
dre d'une ville impériale ou à récla-
mer une créance sur un homme puis-
sant qui refusaitdc la payer, Sickin-
gen se chargeait de l'y contraindre
par des moyens quelquefois un peu
brusques etsans s'inquiéter beaucoup
des formes. Ce rôle de chevalier er-
rant le fit craindre partout, et il dis-
posait à son gré de tous les seigneurs
allemands. Son but était en général
de s'opposer au despotisme et à l'or-
gueil des princes et du clergé. Il se
pourrait, néanmoins, que ses projets
allassent plus loin, et il n'est pas in-
vraisemblable qu'il méditât une ré-
volution politique en Allemagne
{voy. la Vie de Frédéric - le - Sage,
électeur de Saxe, par Spalalin, dans
la collection pour servir à l'histoire
de Saxe, vol. V, p. 139, en allemand).
Fleuranges, dans ses Mémoires, nous
apprend que Sickingen était très-lié
à la maison de La Marck, et qu'il le
présenta à François I" comme un
homme qui pouvait lui être très-utile
dans ses vues sur l'empire. Le roi
l'accueillit fort bien, le combla de
présents et le gratifia d'une pension
de mille écus. Lorsque Sickingen
quitta la France, il dit à Fleuranges :
« Je pars pénétré des bontés du roi ;
« assnrez-le qu'il n'aura jamais de
<i serviteur plus fidèle que moi et que
« j'observerai le serment que je lui ai
« fait de le servir contre tous. » Ce-
pendant Sickingen n'avait pas ob-
tenu tout ce qu'il désirait, car il dit
encore à Fleuranges : • Le roi me
• connaît bien mal s'il me croit plus
• sensible aux bienfaits qu'à la con-
" fiance. J'ai pénétré sesdesseins que
• vous et lui m'avez cachés; il en
« veut à l'empire; je lui ai demandé
« des troupes, il me les a refusées ; il
« il a cru que je les demandais pour
« moi, je ne les voulais que pour ntti-
" rera son i)arli un plus grand nom-
• brc de gtulilsliomnies alleuiands:
202
SIC
SIC
• avertissez-le qu'il ne sera jamais
• bien servi que par les simples gen-
« tilshommos tels que moi ; s'il traite
« avec les grands princes, les élec-
« teurs, il.> prendront son argent et le
« tromperont.» Cet te alliance de Sic-
kingen et de François 1" ne fut pas de
longue durée. Une querelle s'étatit
élevée entre des marchands alle-
mands et milanais, Sickingen saisit
pour 25,000 fr. d'effets à ces der-
niers ; le roi voulut les lui faire res-
tituer, il s'y refusa d'une manière
hautaine; la suppression de sa pen-
sion s'en étant suivie, il se crut libre
de tout engagement envers la France.
Il devint dès lors un des ennemis les
plus acharnés de François I", dont
sa haine ne contribua pas peu à faire
échouer les plans sur l'Allemagne. Il
fut compris dans le traité que Robert
de La Marck et l'évèque de Langres,
ses amis, conclurent avec Charles-
Quint, à l'effet de lui assurer le trône
impérial. Après l'élection de ce prin-
ce, Sickingen tendit toutes sortes
d'embû:;hes aux ambassadeurs fran-
çais, porteurs de fortes sommes; mais
l'arcbevèqite de Trêves les tit escor-
ter jusqu'en Lorraine. Lors-que Ro-
bert de La Marck se déclara pour la
France, Sickingen, malgré l'intimité
qui l'unissait à lui, accepta la triste
mission, de concert avec le comte de
Nassau et Emerics, de mettre tout à
feu et à sang dans les états de Sedan
et de Buiiillon. Robert ayant demandé
une trêve de six semaines, Sickingen
la lui accorda, mais bientôt la France
vint au secours de son allié, et alors
s'ouvrit la grande guerre de 1521.
Se trouvant au siège de Mézières, il
passa la Meuse avec quinze cents
hommes détachés de l'armée de Nas-
sau, et ptisa des batteries sur une
éminence (jui commandait la place ;
Bayard, connaissant la mésintelligen-
ce qui existait entre Sickingen et le
comte de Nassau, imagina alors l'heu-
reux stratagème qui le sauva. On sait
qu'il écrivit à Robert de La Marck
en s'arrangeant de manière que sa
lettre tombât dans les mains de Sic-
kingen ; il y disait : « Le comte de
Nassau m'a fait part du dessein qu'il
a pris de quitter le service de l'em-
pereur pour celui du roi; vous êtes
l'ami du comte de Nassau, vous ê!es
le mien; avertissez le de terminer
celte affaire avant l'affront qu'on lui
prépare; douze mille Suisses avec
huit cents hommes d'armes arrivent
ce soir à trois lieues du camp de Sic-
kingen; demain ils l'attaqueront et
sa perte est infaillible; en même
temps je dois fondre avec ma garni-
son sur la tête du comte de Nassau;
c'est cet affront qu'il faut qu'il pré-
vienne en consommant son ouvrage.»
Ceci amena effectivement la retraite
de Sickingen, qui repnssa la Meuse
pour observer la conduite du comte
de Nassau. Celui-ci, surpris de ce
mouvement rétrograde, voulut en
savoir la cause; Sickingen répondit
avec colère : « Il signifie que le con:te
de Nass;iu n'en est pas encore où il
pense; qu'il n'aura pas le plaisir de
me voir périr avec mon armée et que
peut-être sa trahison lui coûtera
cher. » Alors il tit ranger son corps
d'armée eu bataille, Nassau en fit au-
tant; au même instant, Bayard donna
le signal de l'attaque; après s'être
crus trahis tous deux, ils s'expliquè-
rent; mais l'artifice de Bayard avait
réussi ; Mézières put être ravitaillé,
tandis que François I" arrivait à
Reims pour livrer bataille aux Impé-
riaux. Siekingen aima les savants,
quoiqu'il ne pût nullement prétendre
lui-même à ce titre; il prit la dé-
fense de Reuchlin contre les moines
de Cologne, et offrit un asile dans son
SIC
château d'Ebernburg à beaucoup de
gens de mérite, persécutes pour leurs
opinions. Dès le commencement, il
se montra favorable à la réformation,
et rendit de grands services à cette
cause dans les environs du Rhin. Une
lutte qu'il entreprit contre les élec-
teurs de Trêves, du Palatinat, et le
landgrave de liesse, le fit mettre au
ban de l'empire; blessé au siège de
son château de Landstnhl, entre Lau-
tern et Zweibriicken (Deux-Ponts), il
mourut le 7 mai 1523. En 1773, ses
descendants furent élevés au rang de
comte de l'empire et se divisèrent en
plusieurs lignes, dont celle de Sic-
kingen posséda seule des biens im-
médiats dans la seigneurie de Land-
stnhl, droits qu'elle fut obligée de
résigner en 1803.— La vie de ce guer-
rier, écrite par Hubert Thomas de
Liégt', sous ce titre : De rébus gesiis
Fr. a Sickingen, se trouvent dans les
Scriptores rerum germanic.^de Mar-
quard Freher, T. II, p. 295. M. Er-
nest Miinch a publié en allemand :
Franz von Sickingen , etc. , avec
un Codex diplomaticus, Stuttgard,
1827-28, 2 vol. — Gœlhe a repré-
senté d'une manière ..dmirable le ca-
ractère de François de Sickingen et
celui du temps où il vécut, dans le
drame ou piulôt l'histoire dialoguée
àeGoetzde lierlichingen. C — h — n.
SICKLEIl (Jean-Valentin), agro-
nome allemand, né le 20 janvier 1742
à Gunthersleben près de Gotha, en-
tra dans la carrière ecclésiastique, et
devint pasteur de l'église de Kleinfah.
uer en Thuriuge. 11 consacrait les
loisirs que lui laissaient ses fonctions
à l'économie lurale, et publia, en al-
lemand, sur (Ptte matière, plusieurs
écrits estimés : 1. Le Pépiniériste al-
lemand^ ouvrage périodique, Wei-
mar, I79i et awii. suiv., in-8", avec
fig. noires et coloriées. 11 (en société
SID
203
avec divers collaborateurs). L'Agri-
culture allemande^ Erfurt , 1802-
1808, 9 vol. in-8», lig. HI. Le Pépi-
niériste saxon, Weimar, 1802, in-S»,
nouv. édit., auginentée de notes du
conseiller Laffert. IV. L'Éducation
des abeilles, Erfurt, 1808-1809, 2
vol. iu-8». On a encore de Sickler la
description de quelques machines et
différents mémoires insérés dans le
Magasin général des jardins, ainsi
que plusieurs articles fournisà la Ga-
zette littéraire d'Erlangen. 11 a tra-
duit du français en allemand : i°
Taille raisonnée des arbres frui-
tiers, par Butret {voy. ce nom, VI,
39(1), Weimar, 1797, in-8° ; 2° Ma-
nuel des plantations, par Calvel,
Prague, 1805, in-8°. J.-V. Sickler
mourut dans un âge avancé vers
1820. — Son fils, Frédéric-Charles-
Louis, directeur du gymnase d'Hild-
bnrghausen, s'est occupé aussi d'a-
gronomie, et a travaillé avec lui au
Pépiniériste et à V Agriculture alle-
mande; mais c'est surtout comme
archéologue qu'il est connu dans le
monde savant : il a publié plusieurs
ouvrages philologiques. Z,
SIDDONS (Sarah Kemble, mis-
triss), célèbre tragédienne anglaise,
née à Brecknock, dans le pays de
Galles, en 1755, était lille de Roger
Kemble, barbier d'abord et ensuite
directeur d'une troupe de comédiens
ambulants, et sœur des deu.x Kemble
si connus dans les fastes dramati-
ques de. l'Angleterre {voy. Kemble,
LXVIII, 474). Kemble père était pro-
testant j sa femme professait la re-
ligidii catholique. La jeune Kemble
débuta comme cantatrice sur un [JCtit
théâtre, mais elle renonça ensuite
au genre lyrique pour s'adonner ex-
clusivement à la trdgédie. Ayant
conçu pour le comédien Siddons une
passion violente, elle l'épousa contre
204
SID
le gré de ses parents , puis elle
abandonna la scène et entra en qua-
lité de femme de chambre chez mis-
tris Greathead. Bientôt fatiguée de
ce métier, elle s'engagea, ainsi que
son mari, dans la troupe de Joungcr,
et reparut sur les théâtres de Liver-
pool, de Birmingham, et enfin sur ce-
lui de Drury-Lane, alors dirigé par
le célèbre Garrick. Elle remplit, avec
un grand succès, les rôles de Made-
moiselle Épicène dans la Femme si-
lencieuse, et de la reine dans Ri-
chard m. Mais ayant échoué dans
d'autres rôles, le public ne l'accueillit
plus qu'avec défaveur, et elle réso-
lut d'aller k Bath , où elle lit de
grands progrès, aidée des leçons de
Prall, alors libraire et auteur du
poème de la Sympathie. Ses talents
lui acquirent la protection de la du-
chesse de Devoushire, qui lui pro-
cura un second engagement au théâ-
tre de Drury-Lane, où elle reparut
avec éclat le 10 octobre 1782, dans
le rôle d'Isabelle. Elle se rendit en-
suite à Dublin, où elle fut encore
très-applaudie, et à son retour à
Londres, en 1783, elle joua pour la
première fois devant la cour. Dans
une seconde tournée qu'elle fit en
Irlande et en Ecosse, elle fut partout
comblée d'honneurs et de présents.
Cependant une circonstance fâcheuse
vint en 1785 troubler sa félicité. Une
mendiante malade et ne marchant
qu'avec des béquilles déclara qu'elle
était sasœur, et publia dans les jour-
naux que l'actrice qui avait des lar-
mes pour toutes les infortunes avait
refusé à sa misère un léger secours.
Cette femme, dont la ressemblance
avec madame Siddons frappait tous
les yeux , [tersuada beaucoup de
monde, et l'actrice dont on connais-
sait du reste l'avarice fut pendant
quelque temps très - mal accueillie
SID
sur la scène. Ce fut en vain qu'elle
réclama dans les journaux et nia la
parenté; des murmures éclataient au
parterre toutes les fois que le public
pouvait faire une application à son
caractère connu. Toutes ces mortifica-
tions, jointes à des chagrins domesti-
ques, l'obligèrent enfin à se retirer
dans le pays de Galles, où elle com-
mença à s'exercer dans le dessin et
sculpta même un buste à'' Adam, que
les connaisseurs louaient beaucoup.
Les sollicitations de ses amis, et le
désir que le roi lui-même témoigna de
l'entendre, la ramenèrent dans la
capitale, où elle fut souvent appelée
à Buckingham-House et à Windsor,
pour déclamer devant la reine quel-
ques scènes de Shakspeare. Ayant
perdu, en 1799, une fille chérie, elle
abandonna définitivement la carrière
dramatique, et ne fit qu'une excep-
tion il ce vœu ; ce fut en faveur de
Charles Kemble, son frère cadet, qui
la pressa de paraître dans une soirée
qu'on lui avait accordée, et où l'on
admira pour la dernière fois cette cé-
lèbre actrice dans le rôle de Mac-
beth, qui était son triomphe. Elle ne
brillait pas moins dans celui de Ca-
therine d'Aragon, et surtout dans ma-
dame Beverley; beaucoup de specta-
teurs étaient alors obligés de quitter
le théâtre pour ne pas y expirer de
douleur. Mislriss Siddons avait amas-
sé une fortune considérable, qui la
mettait non - seulement au - dessus
du besoin, mais qui la plaçait dans
un état d'aisance. Malgré cela elle
était d'une avarice extrême, et c'est
peut-être le seul défaut qu'on eût à
lui reprocher. Ses mœurs ont été
toute sa vie irréprochables, et l'on
raconte qu'un jour le roi Georges III,
qui était épris de ses charmes, lui
adressa une déclaration par écrit,
qu'elle eut l'iuiprudence d'envoyer à
SID
la reine. Elle avait reçu de la nature
tout ce qu'il faut pour briller sur le
Iheatre : une taille majestueuse, un
air noble et un organe admirable.
Jamais aucune actrice ne l'a surpassée
dans l'art des inflexions. La mobilité
de sa physionomie, l'expression de
ses regards, la grâce de ses mouve-
ments e'taient au-dessus de tout éloge
et la rendaient même supérieure à
Garrick dans les grands rôles tragi-
ques. Mistriss Siddons mourut à
Londres le 18 juin 1831, dans un âge
avancé. Dès 1826, M. James Boaden
avait publié les Mémoires de madame
Siddons^ 2 vol. in-8°. C'est une apo-
logie où se trouvent peu de détails
biographiques. — Son mari était mort
en 1808. Doué de quelque talenl pour
la poésie légère, il a publié sans se
faire connaître plusieurs chanis pa-
triotiques assez remarquables.
A— G — s.
SIDOTf , missionnaire, né en Ita-
lie d'une famille ignorée, se hasarda,
en 1709, à pénétrer secrètement
dans l'intérieur du Japon, quoi-
qu'il connût les dangers auxquels
sa témérité l'exposait. On apprit à
Canton, sept ans après, qu'il avait
été découvert et conduit devant l'em-
pereur, qui avait voulu le question-
ner lui-même. Connue il n'enten-
dait pas la langue japonaise , le
monarque le fit mettre aux ar-
rêts jusqu'à ce qu'il l'eût apprise;
mais soit maladie, soit mauvais trai-
tements, il mourut dans sa prison
sans avoir rien révélé aux Européens
de ce qu'il avait pu découvrir dans
cette mystérieuse contrée. L'auteur
de cet article a omis de mentionner
le voyage de Sidoti dans son intro-
duction à l'ouvrage de Morikouni
sous le titre de Yo san firoli,{VArt
d'élever les vers à soie au Japon)^
traduit du japonais par le docteur
SJE
205
J. Hoffmann (de Leyde), ouvrage an-
noté et publié par Matthieu Bonafous,
Paris, 1848. B— F— s.
SIEBOLD (CuAnLEs-GASPARD),
célèbre chirurgien allemand, naquit
le i nov. 1736 à INidecken, petite
ville du duché de Juliers, sur la
Roer. Son père, qui était lui-même
un habile chirurgien, voulant qu'il
se distinguât dans la même carrière,
lui donna d'abord une éducation con-
venable, puis l'iiiitiadans la pratique
de son art. La guerre de Sept-Ans
fournit au jeune Siebold l'occasion
de prendre du service dans les hôpi-
taux de l'armée française et de met-
tre à profit les nombreux faits chi-
rurgicaux dont il fut témoin. Après
y avoir passé trois années, se trou-
vant à Wurtzbourg en 1760, il quitta
le service militaire pour entrer dans
l'hôpital civil de cette cité en qualité
d'aide chirurgien, place qui lui per-
mit de se livrer à l'étude de l'anato-
mie et des autres branches scientiK-
ques indispensables à l'obtention du
grade de docteur. Toutefois il voulut,
avant sa réception, faire une excur-
sion hors de l'Allemagne: il visita
la France, l'Angleterre et la Hoilauilo;
puis, à son retour, il soutint honora-
blement sa thèse inaugurale , fut
nommé chirurgien du prince-évêque,
et obtint le titre de professeur d'ana-
tomie, de chirurgie et d'accuuche-
ments. Le prince, ayant conçu le
dessein de réformer l'université de
Wurtzbourg et de l'élever à un haut
degré de splendeur, lit part de ses
vues à Siebold et le chargea de le se-
conder dans cette entreprise. Ce n'é-
tait pas chose facile : il fallait, en
effet, vaincre bien des obstacles,
suscités par îa routine, l'ignorance et
l'entêtenient. Siebold parvint néan-
moins il en triompher à l'aide de ses
talents, de son activité, de sa perse-
206
SIE
vérance, et, il faut l'avouer aussi, en
mettant à contribution la faveur des
grands, parfaitement justifiée cette
fois. L'estinip générale el les distinc-
tions les plus flatteuses furent la
récompense de son zèle et de ses
succès. On peut dire qu'il devint le
principal ornement de cette univer-
sité qu'il avait régénérée et vers
laquelle afflua désormais un grand
concours d'auditeurs, attirés par ia
science et l'habileté de ce maître,
soit comme professeur, soit comme
opérateur. Il vécut ainsi, entouré de
la considération universelle, jusqu'au
3 avril 1807, qu'il termina sa labo-
rieuse carrière, dans sa 71' année,
laissant trois fils, qui tous trois em-
l»rasscrent la même profession que
leur père. On peut considérer Sie-
bold comme l'auteur d'une sorte de
révolution dans la chirurgie alle-
niatide, où il introduisit cette sévé-
rité de principes dont la cliirurgie
française avait donné l'exemple. Il
s'éleva vivement et avec raison con-
tre la doctrine de lîrown qui, malgré
ses erreurs évidentes, avait conquis
un certain nombre de partisans pen-
dant quelques années. Les ouvrages
de Siebold peuvent être consultés
avec fruit, parce qu'ils sont fondés
sur l'expérience et l'observation, et
qu'ils s'éloignent en tous points des
spéculations purement théoriques.
En voici les titres : I. Colleclio ob-
servationummedicochirurgicarum,
Bamberg, 1769,111-4". W.Historia
morbi inteslini recti. Wurizbourg,
1772, iii-40. III. Dissertatio de inso-
lito maxiltœsuper loris tumore aliis-
que ejusdein morbis , ibid., 1776,
in-40. IV. Historia litholomiœ in
todem homine bisfacive cum ejusres-
ttimionc, ibid. , 1778, in-4o. V.
Comparatio inter sectionem cœsa-
reani el dissectionem cartilaginis et
SIE
ligamentornm pubix in partu, ob
pelvidanguftiam, impossibili, ibid.,
1779, in-i". VI. Dissertatio de am-
putalione femoris, cum relictis duo-
bus carnis segmentis, ibid., 1782,
in-4'*. VU. Dissertatio de vesicœ uri-
nariœ ealculo^ ibid., 1785, in-4".
Vlll. Discours sur les avantages que
l'État obtient par la publicité des
institutions anatomiques , Nurem-
berg, 1788, in-4°, en allemanri. IX.
Historia tumoris et hœmorrhagiœ
alveolaris chronicœ, féliciter sana-
tœ, Wurtzbourg, 1788, in-40. X.
Journal de chirurgie, ibid., 1792,
in-8", en allemand. C'est un choix
des faits les plus intéressants parmi
ceux que l'auteur avait rassemblés
en grand nombre. XI. Dissertatio
de scirrho parotidis ejusque cura^
ibid., 1793, in-4". XII. Dissertatio
de intussusceptione membranœ ma^
tricis internœ et prolapsu ejusdem^
ibid., 1795, in-40. XIII. Observa-
tions pratiques sur la castration ,
Francfort, 1802, in-8°, en allemand.
R — D — N. '
SIEBOLD (Georges-Christophe),
(ils du prétédenî, naquit à Wurtz-
bourg le 30 juin 17f)7. Après avoir
reçu de son père l'éducation la plus
soignée, il se décida à suivre la même
carrière, et il alla terminer ses étu-
des médicaies à Altdoif, puis à Gœt-
tingue, où les leçons de l'habile pro-
fesseur Fischer, qui dirigeait l'hos-
pice de la maternité, lui inspirèrent
un goût particulier pour l'art des
accouchements En 1789, il concou-
rut pour le prix proposé par l'aca-
démie de Gœllingue, et dont le sujet
était l'action que l'opium exerce sur
l'homme dans l'état de santé. Son
mémoire fut couronné. La même an-
née, il soutint, pour obtenir le grade
de ducteur, une fort bonne thèse sur
les avantages respectifs des différents
SIE
SIE
30'
lils eî fauteuils qui sont mis on us.ige
dans l'art obstétrique. Quelque temps
après, il fut nomme' professeur de
|)alholuf;;ie générale et de diététique
à Wurtzbotirg. En 1792, il lit un
voyage à Vienne et en Italie, et en
1795 il fut appelé à la chaire d'ac-
couchements, à laquelle il réunit
l'année suivante celle de physiologie,
en même temps qu'il exerçait les
fonctions de directeur du vaste hô-
pital de sa ville natale. C'est dans
cette honorable position que l'envie
et l'intrigue vinrent l'attaquer sour-
dement : il ne put pas leur résister
et s'y montra trop sensible; aussi sa
santé, naturellement délicate à cause
de la faiblesse de sa poitrine, en re-
çut-elle une profonde atteinte. Une
|)hlhisie pulmonaire se déclara, et il
y succomba, le 15 janvier I7U8, dans
sa 31' année. Siebold avait acquis
comme accoucheur une réputation
fondée sur de nombreux succès, dus
à son habileté et à sa prudence, et
il ne s'était pas moins distingué par
les ouvrages sortis de sa plume.
Parmi les mémoires qu'il a insérés
dans plusieurs recueils périodiques
de l'Allemagne, on peut citer ceux
qui sont relatifs au déchirement de
la fourchette, à l'ophthalmie des nou-
veau-nés et à l'emploi du goudron
dans la phthisie pulmonaire. Il a
publié en outre : I. Commentaiio de
effeclibus opii in corpus animale sa-
num, maxime respictu habito ad
ejus unalogiam cum vino, Gœttin-
gue, 1789, in-4°. C'est cet ouvrage
(jui remporta la palme académique.
il. Commentât io de cubilibus sedili-
busque usui obsletricio inservienii-
bus, ibid., 1790, in-i°. III. Supe)'
recentiorum quorumdam sententia,
qua fieri neonati a matribus siphi-
lilici dicuntur, cogitata quœdam ac
dubia proponit, Wurtzbourg, 1791,
in -4°. IV. Exposition sysfématique
de l'accouchement manuel et instru-
mental, ibid., 1791, in-8% en alle-
mand. V. Mémoire mr la disposition
présente de la clinique à l'hôpital
Julius., ibid., 1795, in-8°, en alle-
mand. VI. De inslituti clinici ra-
tione ad tirones sermo academicus,
ibid., 1795, in-8°. VII. Doloris fa-
cici, morbi rarioris aique alrocis,
observât ionibus illuslrata adum-
bratio, ibid., 1795-1797, in-4^ VIH.
Sur la prétendue diminution du
poids du fœtus dans le ventre de la
mère, causée par le liquide amniO'
tique, ibid., 1796, in-4°, en alle-
mand. R — D — N.
SIEBOLD (Adam-Élie), frère du
précédent, vint au monde à Wurtz-
bourg le 5 mars 1775, reçut ime ex-
cellente éducation, et s'adonna aussi
à l'ait des accouchements, qu'il pro-
fessa avec le plus grand succès à
l'université do Wurtzbourg. Il mou-
rut en 1828. Les ouvrages qu'il a
publiés sont tous relatifs à la sciince
obstétrique. I. Commentatio medico-
obstetricia de diagnon concepfionis
et graviditatis sœpe dubia^ Wurtz-
bourg, 1793, in-4". C'est sa thèse
inaugurale. II. Deux mots sur quel-
ques objets qui concernent l'accou-
chement, ibid., 1799, in 8", en alle-
mand, m. Lucina : feuille périodi-
que pour le perfectionnement de l'art
des accouchement s, Ltipzick, 1802, et
ann. suiv., in-8°,en allem. IV. Sur
l'enseignement pratique des accou-
chements, Nuremberg, 1803, in-8",
en allem. V. Instruction théoré-
tico-pratique sur l'art obstétrical,
Leipzick, 1803-180i, in-b', en alle-
mand. VI. Dissertation sur un nou-
veau fauteuil (i l'usage dts accou-
chements, Weiiiiar, 1804, in-4% en
allemaui). Vil. Sur le but et l'orga-
nisation de la clinique dans un éta-
208
SIE
SIE
blissement d'accouchements , Bani-
berg, 1806, in-4% en allemand.
R— D— N.
SIENNE (MiNO de), ou par dimi-
nuX\\ Minuccio , pour ne pas le con-
fondre avec le frère Mino de Turrita,
fut un des peintres les plus disliiigue's
de la lin duXIll* siècle. C'est lui qui
peignit, en 1289, la Vierge et les
Saints dans la salle du conseil du
palais de la commune à Sienne. Cette
graiule composition représente la
Vierge et l'Enfant Jésus entourés de
petits anges et assis sous un balda-
quin, dont les soutiens sont tenus par
les apôtres et les saints protecteurs de
la cité. Le grandiose des figures, l'in-
vention du sujet, sont une chose tout
à fait extraordinaire pour le temps
où cette peinture a été exécutée, à
moins qu'on ne veuille en attribuer
toutes les beautés à Simon Memmi,
dans les retouches duquel on recon-
naît visiblement quelques beaux airs
de tète et certains jets heureux de
draperies qui lui étaient particuliers.
Quoi qu'il en soit, Miniiccio n'a pu
être élève de Giotto, comme l'ont
prétendu plusieurs auteurs, puisque,
lorsqu'il peignit le tableau ci-dessus,
dont la diile est authentique, le
Giotto n'avait que treize ans. Mais,
bien que ce dernier soit postérieur,
Minuccio , dans quelques parties , a
poussé l'art peut-être pliis loin que
lui. — SlE^NE {Ange et Augustin de),
sculpteurs, descendants des archi-
Itctesqui, en 1190, furent chargés
de terminer, à Sienne, la fontaine
célèbre connue sous le nom de Fou-
tebranda, d'élever le palais de la
douane et quelques autres édifices
publics, florissaient en 13.i8 lis
étaient frères et furent élèves de
Niccolo Pisano. En 1308, Augustin
construisit ii Malborghetto le palais
des Neuf (jui gouvernaient alors l'étal
de Sienne, et, conjointement avec
son frère Ange, il exécuta la façade
de l'église du Dôme. Tous deux com-
mencèrent, en 1321 , la porte ro-
maine qui fut terminée en 1325, Ils
furent encore chargés de quelques
autres constructions. Tandis qu'ils
résidaient à Bologne, il survint un
débordement du Pô si considérable
qu'une partie de la ville fut submer-
gée et qu'il périt plus de deux mille
personnes. Ange et Augustin dé-
ployèrent en cette occasion tout leur
génie, et parvinrent à faire rentrer le
fleuve dans son lit. De retour à
Sienne, en 1 338, ils élevèrent la nou-
velle église de Sainte-Marie près de
l'ancienne cathédrale, et furent char-
gés de la construction de la fontaine
située sur la place publique en face
du palaîs de la Seigneurie. Ce fut
Augustin qui éleva le magnifique pa-
lais Sansedoni , l'un des plus beaux
ornements de la ville de Sienne.
Mais les deux frères ne se bornèrent
pas à l'architecture, ils furent des
premiers, en Italie, qui donnèrent
un nouvel essor à l'art du statuaire
et qui commencèrent ii s'écarter
du style gothique. Ils exécutèrent
sur les dessins du Giotto le tom-
beau de Guido, évêque d'Arezzo.
Aujourd'hui même, on ne peut voir
sans admiration les nombreuses pe-
tites statues et les seize bas-re-
liefs représentant la vie du prélat,
dont ce mausolée est orné; et si
toute cette composition est une nou-
velle preuve du savoir et de l'imagi-
nation de Giotto, elle l'est aussi de
l'habilt'té d'Ange et d'Augustin dans
l'exécution. Ce mausolée a eu beau-
coup à souffrir de la part des trou-
pes françaises du duc d'Anjou, lors-
que ce prince vint prenelrc posses-
sion du royaume de Naples, et que
ses soldats, pour se venger des inju-
SIE
res qu'ils avaient! reçues des habi-
tants d'Arezzo, ravagèrent une par-
tie de la ville. Sienne, Orvietto et
plusieurs cités de la Lonibardie pos-
sèdent aussi quelques ouvrages des
deux frères. Ils formèrent un grand
nombre d'élèves habiles qui propa-
gèrent dans toute l'Italie les amélio-
rations qu'ils avaient apportées dans
l'art. — Sienne {Berna ou Bernard
de), peintre, florissait vers l'an 1370.
Vasari dit de cet artiste qu'il fut le
premier parmi les modernes qui sut
bien représenter les animaux. Il
donne de plus grands éloges encore
à ses figures, particulièrement en ce
qui concerne l'expression. L'église
paroissiale d'Arezzo possède de lui
une figure où l'on voit , en effet ,
combien il surpassait tous les pein-
tres de son temps par la manière
dont il rendait les extrémités; mais
il est inférieur à quelques-uns de
ses contemporains dans les draperies
et les couleurs. Il existe à Venise un
beau tableau d'église de Berna, où il
a mis son nom. Il avait exécuté plu-
sieurs peintures, tant àCortonequ'à
Sienne. On admirait surtout la
fres^iue qu'il avait peinte dans cette
dernière ville pour une des cha-
jielles de l'église de Saint-Auguslin,
el dans laquelle il avait représenté
un jeune homme condamné à mort,
conduit au supplice par des religieux
qui l'encouragent. Sa réputation le
lit appeler à Florence, etonluicon-
lia les peintures de la chapelle de
Saint-INicolas dans l'église du Saint-
Esprit. Elles furent détruites lors de
l'incendie de cette église qui eut lieu
à l'occasion d'une représentation de
la fête de la Pentecôte que la ville
de Florence voulut donner au duc
de Milan, Galéaz Visconli, lurs(iue
ce prince vint rendre visite à Lau-
nnt-le-Magnifique. On n réuni chez
tXXXII.
SIL
206
les chanoines de Sienne une collec-
tion précieuse de petits tableaux de
Berna. Il s'y montre beaucoup meil-
leur coloriste que dans ses peintures
sur muraille. Il mourut, jeune en-
core, en 1380, à San-Geminiano, où
il avait commencé dans l'église pa-
roissiale une série de tableaux tirés
de rÉvangile. Comme il travail-
lait à ees peintures, il tomba du
haut d'un échafaudage et mourut
deux jours après, des suites de sa
chute. Cette grande entreprise fut
achevée par son élève Jean d'Asca-
nio, avec un coloris plus satisfaisant,
mais avec moins de perfection dans
le dessin. Les tableaux terminés par
Ascanio sont au nombre de 13 ou 14
et subsistent encore. — Sienne (^n-
sano ou Sano de) florissait depuis
1422 jusqu'en 1449. Lorsque Pie II,
né à Corsignano, fut monté sur le
trône poniilical, il voulut embellir
la ville qui l'avait vu naître et qui
a reçu de lui le nom de Pienza.
11 y appela les artistes les plus re-
nommés de Sienne, et entre autres
Sano. C'est lui qui peignit au-dessus
de la porte romaine la célèbre fres-
que qu'on y voit encore, et qui re-
présente le Couronnement de la
Vierge. Ce tableau, dont le style rap-
pelle celui de Simon Memmi, et qui
lui est supérieur dans quelques par-
ties , offre une manière très -soi-
gnée, quoique un peu minutieuse. Il
existe dans l'église de Pienza un au-
tre tableau de ce maître, mais dont
la beauté est moins remarquable. —
Sienne {Jean de) , Ois de Paul de
Sienne , fut aussi un des peintres
siennois chargés par Pie II de l'em-
bellissement de Pienza. lia travaillé
de 1427 à 1462. Les ouvrages qu'il a
exécutés dénotent un des meilleurs
artistes de son temps. 11 s'est mon-
tré supérieur dans une Déposition
14
210
SIE
de Croix qu'il peignit six ans après
pour l'Observance de Sienne. Les
défauts de son temps y sont rache-
tés par des qualités bien rares à
cette époque, particulièrement dans
ce qui tient à l'observation et à la
science du nu. Mais il fut surpassé
en tout par son fils Mathieu qui ,
jeune encore, en 1462, commença
dès- lors à se faire la réputation du
meilleur peintre de son pays, et qui
obtint dans Sienne le surnom de
•Masaccio de son école. On aperçoit
sans peine les progrès de son nouveau
style dans un des deux tableaux qu'il
a exécutés à l'église du DOme. Il le
perfectionna encore dans les autres
peintures qu'il fit à Sienne pour les
églises de Saint-Dominique, de Notre-
Dame délia ISeve et autres. Il fut
aussi un des premiers qui améliora
le style de l'école napolitaine. Ayant
appris la peinture à l'huile, il répan-
dit dans ses figures une morbidesse
inconnue jusqu'à lui, et, instruitpar
les leçons de François de Giorgio,
architecte célèbre et sculpteur ha-
bile, il parvint à dessiner parfaite-
ment les fabriques qu'il enrichit
d'ornements et de bas-reliefs de bon
goût. Il sut dégrader avec intelli-
gence les différents plans de ses ta-
bleaux ei donner à ses draperies des
plis plus naturels et moins multi-
pliés qu'on ne les voit dans les pro-
ductions de ses contemporains. Ses
têtes offrent , sinon une grande
beauté idéale, du moins de la vérité
et de l'expression; enfin il indique
d'une manière raisonnable les mus-
cles et les veines. H ne se piquait pas
d'une grande nouveauté d'invention.
Ainsi, il se contenta de répéter le
Massacre des Innocents, qui est sa
composilion la plus remarquable. 11
la reproduisit plusieurs fojs, soit à
Sienne, soit à Naples, mais y apportant
SIE
à chaque répétition quelque change-
mo!it heureux. Celle qu'il peignit k
Naples dans l'église de Sainte-Cathe-
rine in Formello existe encore, et
l'on en a la gravure dans le tome 111
des Lettres siennoises. Sa répétition
la plus étudiée est celle qu'il fit, en
1491 , dans l'église des Servîtes de
Sienne, et qui est un de ses derniers
ouvrages. Il avait coutume d'ajouter
au-dessus de ses grands tableaux quel-
ques petites compositions histori-
ques différentes du sujet principal, et
dont les figures sont extrêmement
vantées. S'il ne s'est point élevé au
niveau des Bellini, des Francia, des
André del Sarto, il a surpassé infini-
ment tous ses contemporains. Il fut
aussi un des plus habiles artistes
en mosaïque, et il se distingua sur-
tout par les parties qu'il a exécutées
dans le magnifique pavé de la cathé-
drale de Sienne, dans lequel il a ré-
pété son sujet favori du Massacre
des Innocents. Avec le mélange de
marbres de diverses couleurs, il est
parvenu le premier à fdire ce qu'on
peut appeler un clair-obscur eu
marbre, et c'est ainsi qu'il apprit au
Beccafumi à porter cet art à la per-
fection.— Sienne {Marc de), connu
aussi sous le nom de Marco da Pino,
passe ordinairement pour être l'élève
de Beccafumi et même dePeruzzi.
Mais en examinant avec attention son
style et sa manière, ce qui n'est pas
l'iiiduction la moins forle , on est
porté à croire qu'il eut pour maître
le Sodoma. C'est à Rome qu'il per-
fectionna son talent. 11 y travailla
d'abord d'après les cartons de Danitîl
de Volterra et de Perino del Vaga ,
et Qnit, si l'on en croit Lomazzo,
par y recevoir les instructions de Mi-
chel-Ange. Parmi tous les peintres
florentins de cette époque, il n'en est
aucun qui se soit approché autant
SIË
que lui de ce grand maître , sans af-
fecter jamais l'imitation. C'est son
style qu'il s'efforce d'atteindre, mais
il ne s'e'gare point en voulant déployer
la même science. Sa touche est gran-
de, libre et pleine de pompe. Lo-
mazzo le donne comme un exemple
pour la forme de ses figures et pour
la juste dégradation de la lumière sur
les objets. Sous ce rapport, il suit
les traces de Léonard de Vinci , du
Titien, du Tintoret et du Baroclie.
Il a peu travaillé dans sa patrie. On
ne voit à Rome qu'un petit nombre
de ses ouvrages, tels que la Notre-
Dame- de-Pitié, placée sur un des
autels de l'église d'Ara-Cœli, et quel-
ques fresques qu'il a peintes dans l'é-
glise du Gonfalon. Naples fut le théâ-
tre de sa gloire. Ce fut vers l'an 1560
qu'il vint dans cette ville. Il y reçut
l'accueil le plus flatteur et fut même
honoré du droit de cité. Sa qualité
d'él ranger, loin de lui attirer l'envie
ÛQs, habitants, ne fit que lui concilier
leur bienveillance, que fortifia la
bonté de sou caractère. II passait
généralement pour un homme franc,
sincère, affable et modeste. Marc de
Sienne acquit bientôt la réputation
du premier peintre de Naples, et fut
chargé des travaux les plus impor-
tants qui furent exécutés, soit dans
les églises de la capitale, soit dans les
autres villes du royaume. 11 répéta
plusieurs fois sa Déposition de la
Croix^ qu'il avait peinte primitive-
ment à Rome; mais il y introduisit cha-
que fois de nouveaux changements.
On fait le plus grand cas de celle
qu'il exécuta et plaça dans l'église de
Saint-Jean-des-Floréntins, en 1577.
La Circoncision que l'on voit dans
l'église de Gesii Vecchio, et où le Par-
rino croit trouver le portrait de l'ar-
tiste et de sa femme, l'Adoration des
Mages à Saint-Severin, ainsi que plu-
SIE
211
sieurs autres de ses tableaux, renfer-
ment des morceaux d'architecture
digues de son talent comme peintre;
car, à l'exemple des plus grands artis-
tes de ce temps, il se montra habile en
architecture, et il a composé sur cet
art des ouvrages qui jouissent d'une
estime méritée. On ne se trompe pas
en disant que, de tous les imitateurs
de Michel-Ange, aucun n'eut moins
d'exagération dans le dessin ni plus
de vigueur dans le coloris. Toutefois,
il n'est pas toujours égal à lui-même.
Dans l'église de Saint-Severin, où il a
peint quatre tableaux, celui de la
Nativité de la Vierge semble infé-
rieur aux autres. L'u«age de peindre
de pratique était si général à cette
époque que peu d'artistes ne sont
exemptés de cette funeste méthode.
Marc forma dans Naples un grand
nombre d'élèves , parmi lesquels
nul n'atteignit à la célébrité de
Jean -Ange Criscuolo. Quoique ce
dernier exerçât l'office de notaire, il
avait cultivé la miniature dès son
enfante; jaloux d'imiter son frère
Jean-Philippe, qui avait la réputa-
tion d'un des bons peintres du temps,
il voulut embrasser un genre plus re-
levé, et, profitant avec succès des le-
çons de Marc, il devint un de ses
meilleurs imitateurs. En 1568, les
Giuntes imprimèrent, à Florence, la
seconde édition des Œuvres de Va-
sari. Cet historien, dans la vie de Da-
niel de Volterre, en parlant de Marc
de Sienne, se bornait à dire qu'il
avait beaucoup profité sous ce dernier
maître, qu'ensuite il avait choisi Na-
ples pour son séjour, qu'il y demeu-
rait et qu'il y travaillait continuelle-
ment. Soit que Marc ne se contentât
pas d'un si mince éloge, soit qu'il
vît avec peine le silence que gardait
Vasari sur un grand nombre de pein-
tres de Sienne et sur presque tous
14.
212
SIE
ceux de Naples, il se mit dans l'i-
dée d'écrire sur le même sujet. Il
emprunta l'aide de son élève le no-
taire Criscuolo, qui lui fournit les
notes concernant les artistes napoli-
tains, puisées dans les archives et
dans la tradition , et Marc en fit la
matière d'un Discours composé, à ce
qu'il paraît, vers 1569, c'est à-dire
un an après l'édition de Vasari, et ce
fut le premier essai d'histoiie des
beaux-arts dans le royaume de Na-
ples. Cependant cet ouvrage ne vil pas
alors le jour; il n'a été publié qu'en
1742 par le Dominici , qui y ajouta
les notices écrites par Criscuolo,
et celles que cou)posèrent dans la
suite deux habiles peintres, Ma-
rine Stanzioni et Paul de Matteis,
ainsi que plusieurs autres écrites
par lui-même. Marc mourut à Naples
vers 1587. — SiE^TiE {François- An-
toine de), peintre, florissait en 1614
suivant la date d'un tableau repré-
sentant une Cène, que l'on conserve
dans le couvent des Anges, à Assise.
Le style, qui tient un peu de la ma-
nière du Baroche, peut donner lieu
de croire qu'il fut élève de Vanni ou
de Salimbeni, et l'on peut le mettre
au rang des plus habiles artistes de
cette école, si l'on considère la su-
périorité avec laquelle il a su rendre
l'expression des sentiments de l'àme.
La figure de Judas qui s'éloigne est
le véritable type du désespoir, et il
n'y aurait rien à reprendre dans ce
beau tableau si l'artiste, par une bi-
zarrerie dont il est difficile de se ren-
dre compte, n'avait donné à son Judas
des pattes de chauve-souris. — Sien-
ne [Mathitu de), surnommé dans sa
patrie MaUeino, pour ne pas le con-
fondre avec le Mathieu dont il a été
fait mention précédemment, se ren-
dit jeune encore à Rome pour se per-
fectionner dans son ;irt. 11 peignit la
SIE
fresque avec un talent remarqua-
ble; le Circignani et d'autres pein-
tres l'employèrent souvent pour lui
faire peindre les fonds d'architecture
et de paysages de leurs tableaux. Il a
travaillé de cette manière aux 32 ta-
bleaux d'histoire de martyrs que le
Circignani a peints dans l'église de
Saint-Etienne de la Rotonde, et qui
sont gravées parle Cavalieri. La ga-
lerie du Vatican renferme un grand
nombre de beaux paysages peints par
Matteino, et, quoique dans l'ancienne
manière, ils offrent des beautés de
premier ordre. Cet artiste mourut à
Rome , où il s'était établi, à l'âge de
55 ans, sous le pontificat de Sixte-
Quint. P-s.
SIESTRZENCEVVICZ deBohusz
(Stanislas) , archevêque catholique
de Mohilow, et métropolitain de
Russie, était né de parents protes-
tants le 4 septembre 1731, à Zabla-
dow, diocèse de Wilna. Après avoir
suivi quelque temps la carrière mi-
litaire et obtenu un grade dans un
régiment prussien, il se trouva en
relation avec le prince Massalski,
évêque de Wilna, qui le convertit à
la religion catholique et l'engagea
même à entrer dans les ordres. Il lui
donna d'abord un caïKmicat de sa ca-
thédrale, puis, en 1762, lui conféra
la prêtrise. A l'époque du premier
partage de la Pologne (1773) entre
l'Autriche, la Prusse et la Russie,
Catherine II voulant soustraire à
l'autorité des évêques polonais les
provinces incorporées à sou empire,
demanda au saiiit-siége qu'elles fus-
sent administrées par uu vicaire
apostolique. En conséquence Sies-
trzencewicz reçut ce titre, après avoir
été sacré évêque de Mallo in parli-
bus. Dans le même temps le pape
Clément XIV, par son bref du 21
juillet 1773, prononça la suppressioQ
SIE
de la compagnie de Jésus. Cette me-
sure, exécutée dans tous les pays
catholiques, resta sans effet dans les
états du roi de Prusse. 11 en fut de
même pour la partie du royaume de
Pologne qui avait passé sous la do-
mination de la Russie : les jésuites
continuèrent d'y résilier comme au-
paravant; seulement ils s'abstinrent
de recevoir des novices, et n'en ad-
mirent qu'en 1779 d'après la permis-
sion que leur en accorda, le 28 juin,
Siestrzencewicz. On assure qu'il y
avait été autorisé par des pouvoirs
particuliers que le pape Pie VI lui
avait donnés, l'année précédente.
Quoi qu'il en soit, les ennemis de la
Société s'alarmèrent de voir qu'elle
eût conservé un asile dans un coin
de l'Europe, et tremblaient de lavoir
déjà revenir dans les pays d'où on
l'avait chassée. Ils se plaignirent vi-
vement au pape de l'inexécution du
bref de son prédécesseur. Ces plain-
tes, appuyées d'intercessions puis-
santes et réitérées, obligèrent le
souverain pontife à faire savoir au
nonce apostolique de Varsovie e1 à
ceux des autres cours que le pré-
lat russe avait excédé ses pou-
voirs; le premier eut même ordre
d'en écrire à cetévêque, mais ces dé-
marches, auxquelles Pie VI ne s'était
prêté, dit-on, qu'avec répugnance,
n'eurent pas l'effet qwe les ennemis
des jésuites en avaient attendu.
L'impératrice. de Russie témoigna le
désir de conserver le petit nombre
de Pères qui étaient dans ses étals ;
fit représenter au pape qu'en les
supprimant on priverait les sujets
catholiques des secours qu'ils rece-
vaient de ces religieux, surtout pour
l'éducation , d'autant plus qu'il se-
rait difficile de les remplacer à cet
égard dans un jiays où l'instruction
était si peu répandue. Les jésuites
SIE
21;
furent donc conservés ; bien plus,
sur un ordre de l'impératrice et sur
l'autorisation du même évêque de
Mallo, ils s'assembleront en congré-
gation générale au collège de Polotsk,
et élurent, le 17 oct. 1782, le père
Czerniewicz pour leur vicaire-gé-
néral. Ce religieux mourut en 1785
et eut des successeurs. A cette épo-
que, les jésuites avaient dans la
Pologne russe six maisons où l'on
comptait 172 pères. Siestrzencewicz
fut nommé par le pape, en 1783, ar-
chevêque de Mohiiow. L'impératrice
Catherine ayant demandé qu'il y eût
un siège métropolitain dans cette vil-
le, Pie VI envoya à cet effet à Saint-
Pétersbourg le nonce Archetti, qui fit
la promotion du nouveau prélat et lui
donna un coadjuteur ; il avait aussi
deux évêques suffragants, l'un à Po-
lotsk, l'autre à Kiow (1). L'impéra-
trice sanctionna, par un édit, ces
différents actes. Siestrzencewicz fit
beaucoup de bien dans son diocèse
et accueillit avec des soins parti-
culiers de malheureux religieux obli-
gés de quitter l'Autriche par la sup-
pression d'un grand nombre de
couvents. Il consacrait toute sa for-
tune au soulagement des pauvres.
Après le dernier partage de la Polo-
gne, une portion de la Lithuanie étant
devenue province russe, Siestrzen-
cewicz fut chargé de l'administra-
tion du vaste diocèse de Wilna, du-
quel relevaient quatre évêques suf-
fragants. En 1799, l'empereur Paul
lui adressa un rescrit où, déclarant
qu'il n'admettrait aucune sorte de
nonciature, il coniia la direction de
toutes les affaires religieuses de ses
sujets catholiques ii l'archevêque de
(i) Le Recueil des pièces sur l'archevêché
de Mohitoiv, Varh, 1791, iu-80, publié par
l'aljljé Boisard, coutieiit tous les dctiiils le-
latils a l'éifcliou de teUe métfopult.
914
SIE
Mohilow, comme à l'unique métro-
politain de l'Église catholique en
Russie. Le prélat donna connaissance
de ce rescrit aux archevêques et
évêques placés sous son autorité, et
leur communiqua en même temps
l'extrait d'un bref de Pie VI, du 19
septembre 1795 , par lequel , pré-
voyant déjà le refus d'un nonce en
Russie, le souverain pontife en con-
terait tous les pouvoirs à l'archevê-
que de Mohilow. Devenu ainsi le mi-
nistre du culte catholique pour tout
l'empire, Siestrzencewicz faisait sa
résidence ordinaire à Saint-Péters-
bourg. Il mourut dans cette ville le
13 décembre 1826, âgé de 95 ans, et
universellement regretté. II était dé-
coré de divers ordres, membre de
plusieurs sociétés savantes, cullivait
lui-même la littérature, les sciences
et les arts. Il a laissé les ouvrages
suivants : I. Recherches historiques
sur Vorigine des Sarmates, des Es-
clavons et des Slaves, et sur les
époques de la conversion de ces peu-
ples au christianisme, Saint-Péters-
bourg, 1812, 4 vol. in-S»; ibid.,
1833, i vol. in-8°, avec tableaux
et cartes. L'auteur en envoya un
exemplaire à Grégoire, ancien évê-
que constitutionnel de Biois, qui,
comme on sait, cherchait à nouer,
dans tous les pays, des relations
religieuses ou scientifiques. Il avait
adressé à Siestrzencewicz un mé-
moire sur la réunion des Églises,
auquel l'archevêque répondit en
1817 et 1819 que l'initiative et
l'intervention du saint-siége étaient
indispensables dans une telle œu-
vre^ il envoya aussi à Grégoire une
copie des Recherches sur Vorigine
de la Russie, traduites en russe et
lues à l'Académie russe, Saint-Pé-
tersbourg, 1818 ^ ce qui ferait croire
que Siestrzencewicz avait d'abord
SIE
composé ces Recherches en français.
II. Précis des Recherches historiques
sur l'origine des Slaves ou Escla-
vons et des Sarmates, etc., 2^ édit.,
Saint-Pétersbourg, 1824, in-4°, avec
une planche et trois cartes. III. His-
toire du royaume de la Chersonèse
taurique{\3i Crimée), 2'^ édit., Saint-
Pétersbourg, 1824, in -4°, avec une
planche ei trois cartes. Oz — m.
SIEYÈS (Emmanuel-Joseph) na-
quit le 3 mai 1748 à Fréjus, où son
père , qui jouissait d'une certaine
aisance, occupait un modeste em-
ploi. Il commença ses études au col-
lège des jésuites de cette ville et
alla les achever chez les doctrinaires
de Draguignan. Si l'on en croit la
Notice qui lui est attribuée, il eut
alors le désir d'entrer , comme la
plupart de ses condisciples, dans la
carrière militaire. Mais sa famille, le
destinant à l'état ecclésiastique ,
l'envoya au séminaire de Saint-Sul-
pice à P.iris; et, après avoir suivi
les cours de théologie et de philoso-
phie à l'Université, il prit le degré
de licencié en Sorbonne. Déjà il était
engagé dans les ordres. Pendant la
durée de ses études, Sieyès avait cul-
tivé avec ardeur, mais sans mé-
thode, la littérature et les arts, no-
tamment la musique , les sciences
mathématiques et physiques. Cepen-
dant il recherchait de préférence les
ouvrages des métaphysiciens et des
économistes. H a dit qu'aucun livre
ne lui avait procuré une satisfaction
plus vive que ceux de Locke, de
Condillac , de Bonnet. Ses supé-
rieurs, ajoute-t-il , avaient inscrit
cette note sur leur registre : «Sieyès
« montre d'assez fortes dispositions
«pour les sciences*, mais il est à
" craindre que ses lectures particu-
« lières ne lui donnent du goût pour
« les nouveaux principes philoso-
SIE
« phiques. » Ils écrivaient un jour à
son évéque : Vous pourrez en faire
« un chanoine honnête homme et
• instruit ; du reste , nous devons
" vous prévenir qu'il n'est nulle-
" ment propre au ministère ecclé-
" siastique. » Ils avaient raison ,
dit-il Uù-mème {Notice déjà citée).
Toutefois, acceptant le premier para-
graphe de la lettre, il alla en Bre-
tagne (1775) pour y prendre pos-
session d'un canonicat; il siégea
même comme député aux États de
cette province. De retour à Paris,
où, sans être astreint à la résidence,
il n'en touchait pas moins les reve-
nus de son béuélice, il se fit remar-
(luer par ses talents, et contracta
des liaisons utiles. En 1784 il se dé-
mit de sou canonicat de Bretagne,
lorsque Al. de Lubersac, évéque de
Chartres, le nomma vicaire-général
et chanoine de son église, dont il
devint aussi chancelier. Le clergé
aimait les hommes de réflexion et
d'étude, et il y avait de l'éclat dans
la manière de s'exprimer du jeune
abbé, évidemment supérieur à ce qui
l'entourait. Le ton dogmatique , les
paroles brèves ont toujours une cer-
taine puissance sur les esprits; ceux
qui tranchent et décident de tout
gouvernent bientôt tout. Comme le
clergé seul, parmi tous les autres
corps, avait conservé une organisa-
tion par assemblée, Sieyès prit place
dans cette représentation solennelle.
Il fut élu, en 1787, par le diocèse de
Chartres, conseiller-commissaire à
la chambre souveraine du clergé;
et, quoiqu'il allât passer une partie
de l'année à la campagne, chez son
évéque, les fonctions dont il était
investi l'obligeaient de demeurer à
Paris. D'ailleurs, d'après son aveu,
« il a fui toutes les occasions qui eus-
sent pu le mettre en évidence clé-
SIE
215
ricale ; jamais il n'a prêché, jamais il
n'a confessé.» Mais au contraire il
fréquentait beaucoup le parti philo-
sophique, le seul brillant, le seul
qui pût donner un certain orgueil,
car à lui seul venaient les éloges,
les acclamations. En matière de
gouvernement, on était alors entre
trois écoles : celle de la démocra-
tie naturelle , la souveraineté de
l'homme primitif , exprimée par
Rousseau ; l'école anglaise que re-
présentaient Montesquieu et De-
lolme; enfin l'école négative, rail-
leuse, dont Voltaire était le chef si
spirituel. C'est par la comjiaraison
et l'étude de ces trois écoles que
l'abbé Sieyès forma sa théorie dog-
matique. Chacun avait son plan de
réforme, tous avec un ardent désir
de renverser l'ancien édifice poli-
tique, les uns par la patience, les
autres avec brutalité. Il apporta
dans cette œuvre une sorte de
simplicité réfléchie et convaincue ,
mais qui n'excluait pas toujours les
moyens violents; le trait suivant
dont il se glorifie en fournit la
preuve. Il s'était lié à Paris avec
quelques membres du Parlement. Le
jour où les Chambres furent exi-
lées à Troyes pour avoir refusé l'en-
registrement d'un nouvel impôt ,
Sieyès donna le conseil de se rendre
sur-le-champ au Palais, de faire ar-
rêter et pendre le ministre signa-
taire de cet ordre. Selon lui, le suc-
cès de celte mesure était infaillible ;
elle eût entraîné, dit-il, les applau-
dissements de toute la France; mais
son avis ne prévalut point. Cepen-
dant ses connaissances administrati-
ves lui avaient acquis une certaine
réputation, et dans la même année
1787 il fut appelé à l'assemblée pro-
vinciale d'Orléans , où il montra
quelque capacité pour les affaires.
216
SIt
Cette assemblée et plusieurs autres
du même genre, tenues vers cette
époque, furent le prélude des États-
Généraux du royaume, dont !a con-
vocation était demandée non-seule-
ment par les publicistes, mais en-
core par les parlements qui, sans
doute, ne croyaient pas que leur dis-
solution dût en être une des consé-
quences. Lorsque Louis XVI se fut
décidé à celte grande mesure, ses
ministres, sans en excepter Necker,
malgré l'assertion contraire de ma-
dame de Staël, invitèrent les écri-
vains de la France et même des pays
étrangers à faire connaître leurs
vues sur ces États-Généraux et sur
les éléments dont ils devaient être
formés. Cette invitation n'eut pas
plutôt paru que le royaume fut
inondé de factums et d'écrits ; de
toute espèce qui furent lus avec une
incroyable avidité. Chacun voulut
expriuier ses idées, les gentilshom-
mes, les bourgeois, les avocats, les
abbés ; Sieyès ne fut pas le dernier
à donner son avis. Parmi diverses
brochures qu'il publia, la plus cé-
lèbre est intitulée : Qu'est-ce que le
tiers-état? Tout. Qu'a-t-il été jus-
qu'à présent dans l'ordre politique ?
Rien. Que demande-t-il ? Devenir
quelque chose. Le titre seul de cet
écrit en indique suffisamment le
but*, tiré à trente mille exemplaires,
il produisit un effet prodigieux sur
l'opinion du peuple que l'on vit
s'exalter outre mesure , et former
contre les deux premiers ordres une
ligue à laquelle il leur fut impossible
de résister. Les places, les lieux pu-
blics étaient couverts d'attroupe-
ments où l'on ne parlait que des
droits du tiers-état et où l'on se de-
mandait sans cesse : Êles-vous ou
es-tu du tiers-état? Le long des
routes, les voyageurs se faisaient la
SIE
même question, et la négative eût
été une réponse fort dangereuse. Le
pamphlet de l'abbé Sieyès fut ainsi
la torche qui alluma immédiatement
l'incendie révolutionnaire; ceux qui
le précédèrent en avaient rassemblé
les éléments , ceux qui vinrent après
servirent à en développer les désas-
tres. Cependant, malgré son exces-
sive popularité , l'auteur ne fut
nommé député aux États-Généraux
que par une sorte d'escobarderie.
On avait appelé dès le commence-
ment sur lui l'attention de l'assem-
blée électorale du tiers-état de Paris,
mais, dans un arrêté spécial, la plu-
ralité des électeurs s'était imposé
l'obligation de ne porter les choix
que sur des membres de son ordre.
Dix-neuf élections avaient été faites
conformément à cet arrêté ; il n'en
restait plus qu'une à faire, et l'on
était embarrassé de trouver un can-
didat, lorsque quelqu'un proposa de
nommer l'abbé Sieyès en vantant ses
talents, son patriotisme et surtout
son dernier écrit. Une partie de l'as-
semblée le repoussa encore avec
chaleur, et rappela l'arrêté qui ex-
cluait tout individu appartenant à
l'un des deux premiers ordres. On
demanda même qu'il en fiât donné
lecture ; mais on s'aperçut alors que
le secrétaire de l'assemblée n'en
avait fait aucune mention dans la
rédaction du procès-verbal. Ce se-
crétaire, qui était le malheureux
Bailly, a avoué lui-même dans ses
Mémoires que c'était un oubli de sa
part et que, peu accoutumé aux déli-
bérations de ce genre , il n'avait
point mis d'importance à cette déci-
sion. On considéra donc l'arrêté
comme non avenu, et l'abbé Sieyès
fut nommé député. Dès les premiè-
res séances et avant que les Élats-
Gt^ncraux se fussent formés en as-
SIE
SIE
217
semblo'e nationale, il développa ses
principes dans la chambre du tiers.
Son collègue Malonet ayant lu en sa
présence un projet d'adresse dans
laquelle, cherchant à rapprocher les
trois ordres, il faisait dire au tiers,
au nom duquel il voulait parler, que
les propriétés et les privilèges hono-
rifiques des deux autres ordres se-
raient respectés, l'abbé Sieyès trouva
qu'il était juste de garantir les pro-
priétés de ces ordres; mais il (it ob-
server qu'il fallait se taire sur les
prérogatives honorifiques. " Quoi !
« lui dit Malouet, auriez-vous des-
« sein de détruire la noblesse? —
a Sûrement. — Quels sont vos
«moyens? — Nous en trouverons :
• il faut placer des jalons; ce que
« nous ne pourrons faire, nos suc-
« cesseurs l'exécuteront. » Aussitôt
après la vérification des pouvoirs du
tiers-étal, l'abbé Sieyès déclara que
l'assemblée devait sortir de son
inertie, et il lui proposa de se con-
stituer sous la dénomination d'^s-
semblée des représentants connus et
vérifiés. Ainsi, ce ne fut pas lui qui
imagina le titre A''Assemblée natio-
nale, comme on l'a prétendu; cette
invention appartient à un député
du Berry, nommé Legrand. L'abbé
Sieyès rédigea ensuite, d'après les
vues et les instructions de l'assem-
blée, la fameuse délibération du
17 juin, dont on admira l'adresse et
la précision. Le gouvernement la
laissa exécuter, ainsi que tous les
actes qui en furent le résultat ; et ce
fut ainsi que les antiques États-Gé-
néraux tombèrent en dissolution à la
voix d'un chanoine. Le lendemain de
la séance royale {2'i juin 1789),
Sieyès, qui était devenu une puis-
sance dans l'assemblée, la compli-
menta sur son énergie, et complé-
tant en quelque sorte les paroles de
Mirabeau {voy. ce nom, XXIX, 98,
et DnEUx-BnÉzÉ, LXII, 582), il dit
aux députés : « Nous sommes aujour-
« d'hui ce que nous étions hier; dé-
« libérons. » Et l'assemblée délibéra
sans tenir compte des ordres du roi.
Cependant, après la réunion des or-
dres, il eut moins de succès que sa ré-
putationnesemblaitlui en promettre.
Sa manière de discuter, sèche, méta-
physique, souvent obscure et inin-
telligible , fatiguait l'attention , et
l'on préferait à ses doctrines idéolo-
giques l'éloquence brillante deCaza-
lès, de Barnave, de l'abbé Manry et
surtout de Mirabeau. Ce fut même
en raillant que ce dernier dit un jour
à la tribune « que le silence de Sieyès
était une calamité publique. " Cette
ridicule exagération, dans laquelle
beaucoup de personnes ne virent
qu'un sarcasme piquant, ne donna
pas plus de prépondérance au cha-
noine, et il devint de plus en plus
silencieux. Voici à peu près à quoi
se bornèrent ses discours et ses tra-
vaux dans cette grande assemblée.
Le 8 juillet 1789, il insista pour le
renvoi des troupes réunies autour de
Paris et de Versailles, et il insinua
que le roi voulait, par l'emploi de
cette force, gêner les opérations de
l'assemblée. Ce fut lui qui suggéra à
Mirabeau l'idée de provoquer un ar-
mement général, qui s'effectua sous
la dénomination de garde nationale.
On ne peut pas douter au reste qu'il
ne fit dès lors partie, avec Mirabeau,
de la faction d'Orléans dont le prin-
cipal comité, établi à Montrouge,
donnait l'impulsion à tout le mouve-
ment révolutionnaire. Le 10 août sui-
vant, il combattit la suppression des
dîmes ecclésiastiques, et s'écria au
milieu de la discussion : Ils veulent
être libres , et m savent pas être
justes! il lit voir que cette suppres-
218
SIE
«ion était un don gratuit qu'on fe-
rait aux propriétaires qui n'avaient
acheté qu'à la charge de la dîme, et
que d'ailleurs une telle opération
n'était d'aucune utilité ; mais il ne
prévoyait probablement pas que l'on
saurait bien p'ir la suite imposer
d'autres charges aux propriétaires;
qu'il s'agissait dans ce premier mo-
ment de les séduire par de falla-
cieuses illusions. L'argument de
l'abbé Sieyès sur les dîmes fut re-
produit peu de temps après au nom
du roi; on n'eut pas plus d'égard aux
représentations du monarque qu'aux
opinions du député. Celui-ci écri-
vit beaucoup sur cette matière , mais
se fut sans autre résultat que la perte
de sa popularité. On sembla croire
que c'était moins la conscience du
député que l'intérêt du gros décima-
teur qui dictait ses écrits. Lorsqu'il
fut question de publier une déclara-
tion des droits de l'homme, il en
proposa une que son obscurité méta-
physique fit rejeter. Au mois de sep-
tembre, il repoussa comme une ab-
surdité le veto absolu que Mirabeau
lui-même voulait accorder au roi,
prétendit que la question ne valait
pas la peine d'être discutée, et pro-
posa un système de constitution dont
voici les bases. Le corps législatif de-
vait être élu pour trois ans, le tiers de
ses membres sortir chaque année, et
n'avoir la faculté d'y rentrer qu'a-
près un temps déterminé ; trois bu-
reaux, ayant l'initiative l'un sur
l'autre, devaient diviser ce corps
dont la pluralité des membres, au-
raient fait la loi, sans aucune inter-
vention du prince qui n'aurait eu
d'autre fonction que de la faire exé-
cuter. Sieyès voulait que , dans le
cas où quelqu'un des départements
du pouvoir exécutif eût estimé que
la constitution était attaquée, une
SIE
convention nationale, expressément
convoquée, jugeât la difficulté; que
cette convention fut réunie sans
délibération du peuple, qui aurait
seulement délégué des constituants
sans mandats impératifs. Ce projet
n'eut l'assentiment de personne et
ne fut pas même soumis à la discus-
sion. Son auteur eut plus de succès
dans le projet qu'il proposa pour la
division de la France en départements
et en districts. On sait que l'exécu-
tion de ce plan n'a pas peu contribué
à consolider la révolution. Dès les
premiers troubles , l'abbé Sieyès
avait passé, comme nous l'avons dit,
pour un des chefs de la faction d'Or-
léans; et dans les dépositions faites
au Châtelet, sur les événements des
5 et 6 octobre, qu'on a constam-
ment attribués aux intrigues de
cette faction, le comte de La Châtre
certifia avoir entendu cet abbé ré-
pondre à quelqu'un qui annonçait un
mouvement dans Paris : « Je le sais;
« mais je n'y comprends rien : cela
« marche en sens contraire. » Ap-
pelé lui-même en témoignage, il dé-
posa avoir été indigné comme tous
les bons citoyens des scènes du 6 oc-
tobre, et déclara en ignorer les cau-
ses. En 1790, il travailla beaucoup
dans les comités, et particulière-
ment au comité de constitution où,
malgré l'opinion qu'on avait de ses
hautes conceptions, son avis fut ra-
rement adopté. Au commencement
de 1790, il présenta, sur la répres-
sion des délits de la presse, un pro-
jet rédigé avec beaucoup de soin,
dans lequel il établit qu'il ne s'agis-
sait pas d'instituer la liberté d'é-
crire qui était un droit, mais seule-
ment d'indiquer les limites au delà
desquelles ce droit devenait licence.
On avait besoin de cette licence jus-
qu'à nouvel ordre, et le projet, quoi-
SIE
que applaudi, ne fut pas mis en dëli-
bération. Lors des débats sur les
institutions judiciaires, l'abbé Sieyès
vola pour l'établissement des jurés
au civil et au criminel. Au mois de
juin, il fut élu président, en recon-
naissance de sa conduite à pareille
époque de l'année précédente , et
s'excusa sans succès d'accepter celte
honorable fonction. Peu de temps
après, on lui déféra une espèce d'o-
vation populaire au Palais- Royal ,
dans le club dit de 1789, où plusieurs
députés célébrèrent le jour auquel ils
s'étaient constitués en assemblée
nationale. Au mois de février 1791,
Sieyès fut élu membre de l'adminis-
tration du département de Paris; et
apprenant que, par suite de la con-
stitution civile du clergé, on allait le
nommer évêque de cette ville, il
écrivit à l'assemblée électorale que
son intention était de refuser cette
dignité, qui tomba entre les mains de
Gobel {voy. ce nom, XVll , 535).
Vers les premiers jours de mai, il
défendit, avec une énergie qu'il n'a-
vait pas encore montrée, un arrêté
que le département avait pris en fa-
veur de la liberté des cultes, pour
réprimer les désordres qui avaient
lieu aux portes des églises desser-
vies par des prêtres insermentés.
Quand, après le voyage de Varennes,
quelques factieux entreprirent de
faire juger le roi et d'établir une ré-
publique, l'anglais Thomas Payne,
qui s'était mis en avant pour faire
exécuter ce projet, publia dans le
Moniteur différents articles en fa-
veur de cette forme de gouverne-
ment, et invita plusieurs fois l'abbé
Sieyès, qu'il présumait républicain,
à manifester sa pensée. Voici la ré-
ponse de celui-ci : «On répand
« beaucoup que je profite, dans ce
«moment, de notre position pour
SIE
319
« tourner au républicanisme. Jus-
« qu'à présent on ne s'était pas avisé
« de m'accuser de trop de flexibilité
« dans mes principes, ni de changer
« facilement d'opinion au gré du
« temps. Pour les hommes de bonne
« foi, les seuls auxquels je puisse
« m'adresser , il n'y a que trois
« moyens de juger des sentiments
- de quelqu'un, ses actions, ses pa-
« rôles et ses écrits; j'offre ces trois
« sortes de preuves. Ce n'est ni pour
« caresser d'anciennes habitudes, ni
« par aucun sentiment superstitieux
« de royalisme que je préfère la mo-
« narchie; je la préfère, parce qu'il
« m'est démontré qu'il y a plus de
« liberté pour le citoyen dans la mo-
« narchie que dans la république;
« tout autre motif déterminant me
« paraît puéril. Le meilleur régime
<• social, à mon avis, est celui où non
« pas un, non pas quelques-uns seu-
«lement, mais où tous jouissent
« tranquillement de la plus grande
« latitude de liberté possible. Si j'a-
« perçois ce caractère dans l'état
«monarchique, il est clair que je
• dois le vouloir par- dessus tout
« autre. Voilà tout le secret de mes
« principes, et ma profession bien
« faite. J'aurai peut-être bientôt le
« temps de développer cette ques-
« tion, et j'espère prouver, non que
« la monarchie est préférable dans
« telle ou telle position, mais que,
« dans toutes les hypothèses, on y
« est plus libre que dans la répu-
«blique. . Après une telle déclara-
tion, il était naturel de croire que
celui qui l'avait faite emploierait
tous ses moyens et toute son in-
fluence à défendre la royauté, au
moins constitutionnelle. Il n'en fut
pas ainsi : l'abbé Sieyès ne se pré-
senta pas même aux Feuillants qui
en étaient alors les seuls défenseurs
220
Slt
en possession du terrain ; il lit au
contraire acte de comparution aux
Jacobins; mais, effrayé des attaques
qui furent ensuite dirigées contre
lui, il garda le silence, disant à ses
amis pour se justifier du mutisme
auquel il se condamnait : " Que vou-
« lez-vous? si je prononce : deux et
« deux font quatre, les coquins font
« accroire au public que j'ai dit :
« deux et deux font trois. Quand on
« en est là, quel espoir d'utilité? il
■ ne reste qu'à se taire. » Après la
session de l'assemblée constituante,
il se démit de ses fonctions d'admi-
nistrateur du département de Paris,
se retira à la campagne, et l'on n'en-
tendit plus parler de lui sous l'as-
semblée législative, où d'ailleurs,
suivant la loi, aucun constituant ne
pouvait être appelé. Ce n'est qu'a-
près le 10 août 1792 qu'il fut élu
député à la Convention nationale
par les départements de la Sartlie,
de l'Orne et de la Gironde; il opta
pour la Sarthe. Arrivé dans cette as-
semblée, il en fut bientôt nommé
président, puis membre de plusieurs
comités. Le 13 janvier 1793, il pré-
senta sur l'organisation du minis-
tère de la guerre un projet qui fut
rejeté. Dans le procès de Louis XVI,
il dit non sur la question de l'appel
au peuple, n'articula que les mots la
mort sur la seconde question, et non
sur la demande du sursis. Tandis
que la plupart des députés accom-
pagnaient leur vote de motifs plus
ou moins odieux, Sieyès vota, il est
vrai, la mort, sans phrase, mais ne
prononça pas ces mots comme on
l'a dit. Ayant rédigé un plan sur
l'instruction publique, il chargea
Lakanal, son collègue au comité de
ce nom, de lire le projet à la tribune
(juin 1793); mais Robespierre en re-
connut l'auteur, l'attaqua, Ht rejeter
SIE
la proposition, et Sieyès fut même
expulsé du comité. Toutes ces con-
tradictions lui inspirèrent des crain-
tes,etit se tut jusqu'au 10 novembre.
On célébrait alors la fêle de la Raison ,
et on lui demanda ses lettres de prê-
trise comme aux autres ecclésiasti-
ques qui siégeaient dans l'assemblée ;
il répondit : « Mes vœux appelaient
" depuis long-temps le triomphe de
« la raison sur la superstition et le
« fanatisme. Ce jour est arrivé; je
« m'en réjouis comme d'un des plus
« grands bienfaits de la république
. française. Quoique j'aie déposé, de-
« puis un grand nombre d'années,
« tout caractère ecclésiastique, et
« qu'à cet égard ma profession de foi
« soit ancienne et bien connue, qu'il
« me soit permis de profiter de la
« nouvelle occasion qui se présente
« pour déclarer encore, et cent fois s'il
- le faut, que je ne reconnais d'autre
« culte que celui de la liberté et de
a l'égalité, d'autre religion que l'a-
u mourdel'humanitéet de lapatrie...
« Au moment où ma raison se déga-
. gea saine des tristes préjugés dont
« on l'avait entourée, l'énergie de
« l'insurrection entradans mon cœur.
« Depuis ce temps, si j'ai été retenu
' par les chaînes sacerdotales, c'est
« par la même force qui comprimait
« les hommes libres dans les chaînes
. royales...» Après une profession de
principes si différents de ceux qu'il
avait naguère publiés, l'abbé Sieyès
rappela ses travaux patriotiques, fit
abandon d'une rente viagère de mille
francs dont il jouissait encore comme
ancien bénéficier, et dit que depuis
long-lemps il n'avait plus de lettres
de prêtrise. Ou n'en demanda pas da-
vantage, et il en fut quitte pour la
peur qui, seule, sans doute, avait
dicté sa déclaration, et qui fut tou-
jours le premier mobile de sa cou-
SIK
SIE
221
(liiitp. 11 n'avait ni les opinions ar-
dentes et généreuses des Girondins,
ni le conrage de'mocratique de Dan-
ton et des Montagnards, ni resi)rit
de dictature et de triumvirat de Ro-
bespierre, de Couihon et de Saint-
Just. Il vota ne'anmoins tontes les me-
sures de proscription aussi bien pour
les uns que pour les autres ; et, lors-
que plus tard on lui demanda ce qu'il
avait fait dans ces temps de terreur,
il répondit froidement : J^aivécu, pa-
roles qui expriment à la fuis l'égoïs-
me et la lâcheté. Oui, sans doute, il
avait vécu, mais en s'associanl à tous
les crimes, en devenant le complice
de tous les excès. Jamais il ne parut
à la tribune pour défendre une vic-
time ou arracher une tète à l'écha-
faud \ il s'enfonça dans ce qu'on appe-
lait le marais, c'est-à-dire la fraction
muette de cette Convention qui fut un
pouvoir sanglant, mais énergique.
On remarquera que chaque fois qu'il
apparaît un gouvernement fort, soit
une assemblée, suit un consul ou un
empereur, tous ces hommes à théo-
ries, tons ces faiseurs de projets se
taisent, se cachent et s'effacent dans
la plus profonde obscurité. Tel fut
Sieyès à la Convention. Il se tint à
l'écart pendant la grande lutte du 9
thermidor, et ce n'est même que long-
temps après, quand il put parler sans
danger, qu'il attaqua vivement les
partisans de Robespierre, demanda
le rappel des Girundins proscrits, et
entra au nouveau comité de salut pu-
blic. Le 12 germinal an 111 (i" avril
1795) une insurrection populaire con-
tre laConvention ayant été réprimée,
Sieyès prolita de cette circonstance
pour fjire rendre son décret de gran-
de police, qui était à peu de chose
près la loi martiale décrétée par l'As-
semblée constituante. 11 établit dans
son rapport qu'une assemblée repré-
sentative, privée parviolencedeqnel-
ques-uns de ses membres, cessait d'ê-
tre légale, et que tous ses actes étaient
nuls. Malheureu<cnicnt il oublia plus
tard de rester lidèle à ce principe. En-
fin il demanda que, si la Convention
nationale était encore sérieusement
menacée par l'émeute, elle pût se re-
tirer non pas à Orléans ou derrière
la Loire, ni dans le centre du pays,
mais à Cliùlons-sur-Manie, vers la
frontière d'Allemagne. Ce ne fut pas
seulement la peur qui lui dicta cette
proposition; il y avait en lui une ar-
rière-pensée sur laquelle nous revien-
drons. Élu président lie l'assemblée,
Sieyès n'accepta pas ces fonctions, et
fut envoyé en Hollande avec Rtwbell,
pour conclure un traité entre ce pays
et la France. A son retour il parut
diriger la diplomatie de cette époque
et concourut activement aux négocia-
tions qui amenèrent les traités de
Bâle avec la Prusse et avec l'Espagne.
Appelé au comité chargé de préparer
la constitution de l'an 111, il y eut
aussi peu d'influence que dans celui
de l'Assemblée constituante; son ya-
ry conslitutionnaire, auquel il tenait
beaucoup, fut rejeté, et il cessa de
s'occuper de ce grand travail. Les
journaux du temps l'accusèrent d'a-
voir été l'nn des principaux auteurs
de l'arrêt de mort, envoyé par le co-
mité de salut public, contre les émi-
grés français débarqués à Quiberon,
et qui avaient déposé les armes. On
a dit aussi qu'au 1.3 vendémiaire (i
octobre 1795), ce fut lui qui, du pa-
villon de Flore aux Tuileries, donna le
signal du combat entre les troupes
conventionnelles et les sectionnaircs
insurgés. Quoi qu'il en soit, lors de
la formation du Directoire, il en fut
nommé membre; mais il préféra res-
ter au conseil des Cinq-Cents où il
était entré par la voie du sort. Ou
222
SIE
SIE
l'appela aux principaux comités et il
y fut chargé des travaux les plus iin-
portanls. Le 12 avril 1797, un de
ses compatriotes nommé Poulie, an-
cien moine augustin, se présenta chez
lui pour demander un léger secours,
et, n'ayant obtenu qu'un refus très-
dur, fut poussé par le désespoir à lui
tirer un coup de pistolet; mais les
blessures que Sieyès reçut n'eurent
pas de suites. Lorsqu'il vint faire sa
déposition devant le tribunal, croyant
que lesjuges étaient favorablesàl'ac-
cusé,ildit en rentrant à son portier:
« Si Poulie revient, vous lui direz
» que je n'y suis pas. » Cependant le
prévenu fut condamné à vingt ans de
fers. Le nouveau tiers du corps lé-
gislatif ayant pris séance et imprimé
un autre mouvement aux affaires pu-
bliques, Sieyès sembla attendre les
événements pour régler la conduite
qu'il devait tenir. Après le trionrphe
du Directoire au 18 fructidor (4 sept.
1797), il suivit encore le parti vain-
queur, et il fut chargé avec quatre
autres députés de rédiger le décret
de déportation qui frappa cinquante-
trois de ses collègues. Suivant ses
propres principes, c'était dissoudre
l'assemblée, dont il continua néan-
moins de faire partie, et dont il fut
même le président. Sorti de ce corps,
il y fut réélu en 1798, puis bienlôten-
voyécomme ministre plénipotentiaire
à Berlin. On se rappelle que la Con-
vention avait déclaré, en 1795, qu'elle
se retirerait à Châlons-sur-Marne, si
elle était menacée par l'émeute. Cette
désignation d'une ville rapprochée
de la frontière avait été faite par
Sieyès, et couvrait des desseins se-
crets qu'il est essentiel de dévelop-
per eu remontant au commencement
de sa carrière diplomatique. De-
puis l'origine du mouvement révolu-
tionnaire, le parti des philosophes.
des théoriciens avait repoussé l'idée de
la république. Un système de monar-
chie représentative lui paraissait la
meilleure solution de la tempête sou-
levée en 1789. Il y avait haine contre
la branche aînée de la maison de
Bourbon ; il y avait un parti pour le
duc d'Orléans, celui-ci considérable,
puis enfin une dernière fraction qui
soutenait qu'une certaine forme mo-
narchique devait se couronner par
le choix d'un prince étranger, comme
avaient fait les États-Généraux de
Hollande pour la maison d'Orange,
et ce partis'était tourné verslaPrusse
et le choix d'un prince de la maison
de Brunswick. Cette première cir-
constance , bien arrêtée, doit expli-
quer une foule d'événements de la
révolution française. Lors des traités
de Bàle avec l'Espagne et la Prusse;
si facilement obtenus , on faisait
croire à Madrid qu'on placerait un
infant à la tête du nouveau gouver-
nement; on faisait croire à Berlin
que ce serait un prince de la maison
de Brunswick. Et voilà comment
Sieyès fut désigné pour cette légation;
on lui avait fait une réputation de
philosophe, de penseur, d'esprit cou-
rageux et résigné. Le sang-froid qu'il
avait montré lors de l'attentat com-
mis sur lui par l'abj)é Poulie l'avait
mis en grande renommée. Tant d'im-
passibilité, tant de grandeur d'âme
le firent partir pour Berlin avec le
titre d'ambassadeur de la républi-
que française. Ici il faut bien définir
la situation de la cour de Berlin elles
personnages qui vont agir. On con-
naissait l'abbé Sieyès en Allemagne
par ses négociations pour constituer
la république batave; il n'avait point
été éloigné à cette époque d'établir sa
théorie d'un stathouder pris parmi
les princes étrangers , et ces négo-
ciations avaient percé jusqu'à Berlin.
SIE
Le roi Frédéric-Guillaume, dès le
commencement de son règne, avait
montré deux tendances, la philoso-
phie et la neutralité ; sous l'influence
du parti des réfugiés de l'édit de
Nantes, plus tard dominé par Ancil-
lon , il n'avait aucune répugnance
pour la révolution française; il avait
traité avec ses agents en Belgique.
Les républicains eux-mêmes parlaient
de la Prusse avec considération ; eux
et les réfugiés s'entendaient dans
leurs théories, dans leurs doctrines.
On attendait donc l'abhé Sieyès à
Berlin pour le pressentir et l'entou-
rer. H faut se rappeler que c'était le
moment de la grande crise ; une nou-
velle coalition se formait entre la
Russie, la Prusse et l'Angleterre. Si la
Prusse prenait loyalement part à
cette coalition , c'en était fait de l'é-
phén.ère république et du Directoire,
qui en était alors la tête. A cet effet,
le prince Repnin était arrivé à Ber-
lin avec le comte de Cobentzl pour
l'Autriche, et lord Elgin pour l'An-
gleterre. Le moment était décisif :
tout dépendait d'une solution de la
Prusse. Et c'est dans ces circonstau'
ce que l'abbé Sieyès arrivait à Ber-
lin. Les paroles qu'il adressa au roi,
en lui remettant ses lettres de créan-
ce, témoignent de son ancienne pré-
dilection pour ce pays : " Sire, dit-il,
« j'ai accepté la mission qui m'a été
« confiée , parce que je me suis con-
» siammentprononcédans ma patrie,
« et au milieu de toutes les fonctions
« auxquelles j'ai été appelé, en fa-
« veur du système qui tend à unir
« p.ir des liens intimes les intérêts
« de la Fnmceet de la Prusse*, parce
« que les instructions que j'ai reeues
• étant conformes à mon opinion po-
" litique, mon ministère doit être
• franc, loyal, amical, convenable en
• tout à la moralité de mon carac-
SIË
223
« tère; parce que ce système d'union,
« d'oùdépendent la bonne position de
« l'Europe et le salut peut-être d'une
« partie de l'Allemagne, eûtétécelui
«do Frédéric M, grand parmi les
" rois, immortel parmi les hommes;
« parce que ce système, enlin, est
« digue de la raison judicieuse et des
« bonnes intentions qui signalent
« le commencement de votre règne.»
Pendant son séjour à Berlin, qui dura
près d'une année , Sieyès employa
tour à tour des moyens de corrup-
tion pour les hommes et pour
les idées. L'austérité républicaine
ne dédaignait pas ces moyens dans
les négociations ; nous ne parlons pas
des corruptions d'argent, l'Angle-
terre les employait égalen)ent , et
c'était au plus riche, au plus géné-
reux que restait l'avantage. Mais les
corruptions d'idées sont quelquefois
plus décisives, et voici quelle fut la
tactique de Sieyès. Il parla avec le
plus profond mépris de la constitu-
tion de l'an 111 et du Directoire qu'il
n'aimait pas; c'étaierit des gens et
des formes sans avenir; toute la
France voulait modifier cet ordre de
choses. Sieyès, qui déjà avait une
constitution en poche, présentait sa
théorie pbilusophifiue à l'école phi-
sophique de Berlin. On la trouvait
d'autant plus admirable que pour
couronnement de l'édifice il propo-
sait un prince de la maison de Bruns-
wick comme protecteur, on bien avec
un titre tel (jue celui de grand-élec-
teur, et qu'on remarque bien ce mot
(jui est tout germanique. Il est cer-
tain que la cour de Prusse fut très-
frappée de cette idée; si elle n'osa
se prononcer pour l'alliance offen-
sive et défensive que proposait l'abbé
Sieyès, elle garda au moins la neu-
tralité, système véritablemen t sans vi-
gueur, sans côté décisif, et qui plaça
224
SIE
la Prusse dans la situation la plus
malheureuse. A Berlin, tout le parti
militaire, tous les hommes de quel-
que force d'esprit se moquèrent de
Sieyès; mais le parti philosophique,
celui des réfugiés de l'éditde Nantes,
le considéra comme un homme très-
sérieux, en lit un pompeux éloge. Il
assistait à un bal donné par la reine
de Prusse quand il reçut la nouvelle
de sa nomination au Directoire exé-
cutif en remplacement de Rewbell,
exclu par le sort. Le roi le félicita
publiquement de cette promotion et
lui Ut présent de son portrait enrichi
de diamants. Au moment de quitter
Berlin , l'ambassadeur eut avec ce
monarque un long entretien, et de
grands honneurs lui furent rendus
sur sa route. Arrivé à Paris, il fut
installé solennellement le 20 prairial
an VII (8 juin 1799) au palais direc-
torial (le Luxembourg), d'où il vit
presque aussitôt surlir Treilhard,
dont la nomination fut annulée et
que Gohier remplaça; Merlin et La
Révellière-Lépaux, forcés de donner
leur démission et remplacés par Ro-
ger-Ducos et Moulins. Ainsi, de la
première composition du Directoire,
en 1795, auquel Sieyès avait été ap-
pelé,mais dont il rt'fusaalorsde Idire
partie, il ne restait plus que Barras.
On avait cru que, s'il n'était pas fa-
yurable aux proscrits, Sieyès necher-
cherait pas du moins à aggraver leur
sort; il était naturel de penser que
l'ancien partisan de la royauté ne
voudrait point paraître aussi publi-
quement l'ennemi de ses défenseurs.
Mais l'ancien abbé royaliste éiait de-
venu régicide, et par là s'expliquent
toutes les contradictions de sa vie. Le
nouveau directeur se n:ontra fort
acharné à la poursuite des royalistes
fruclidorisés^ et ht inscrire encore
d'autres noms sur leur liste. Devenu
SI F:
président du Directoire, il prononça
en cette qualité les discours commé-
moratifsdu 14 juillet, du 9 thermidor
et du 10 août. 11 dit en rappelant
cette dernière journée: «Je voussalue
" au nom de tous les Français, jour de
« justice et de gloire, que les desti-
« nées de la France avaient marqué
« pour asseoir enfin l'indépendance
« nationale sur la chute du trône!
« ^u 10 aoîU la roy mité fut renversée
« en France; elle ne se relèvera ja-
" mais. Citoyens, tel est le serment
" que vous gravâtes sur les murs de
« ce palais au moment même où vous
a en chassiez le dernier de nos ty-
« rans. » 11 eut aussi à célébrer l'an-
niversaire du 1 8 fructidor. Prévoyant
alors quelquecatastrophe prochaine,
il chercha, soit dans son discours
officiel, soit dans le message du Di-
rectoire au corps législatif, et dans
l'adresse aux Français, à effrayer le
pays du retour de la royauté, et n'y
vit que sang répandu, que vengean-
ces exercées, que spoliations ordon-
nées de toutes parts. Mais, malgré la
formule de haine à la royauté, mal-
gré la protestation d'un dévouement
sans bornes à la république, Sieyès
prenait des mesures pour donner au
gouvernement une nouvelle forme.
C'est à quoi il avait travaillé à Ber-
lin et ce dont il s'occupait depuis
son arrivée à Paris. D'un seul jet, il
a apprécié la position du Directoire ;
il y a long-temj^s qu'il le méprise;
mais, dans l'état d'anarchie où le
pays est plongé, il a peur de toutes
choses, desjacobinset des royalistes,
du peuple et des derniers débris de
l'arisîocratie. Ce qu'il lui faut, c'est
la France qu'il a rêvée, des pouvoirs
qui s'annulent entre eux, des auto-
rités qui se surveillent et s'absor-
bent mutuellement; un pouvoir qui
ait une tête, mais une tête impuis-
SIË
SIE
22o
santé \ des bases, mais qui ne repo-
sent sur rien. Il est une remarque à
faire dans l'histoire des révolutions,
c'est que, après avoir renversé le
pouvoir monarchique, elles tendent
toutes à le reconstituer; elles ont
honte d'avouer le mot, mais il leur
faut la chose; elles prennent mille
biais pour y arriver sans se donner
à elles-mêmes un démenti ; et c'était
là précisément la position dans la-
quelle se trouvait Sieyès ; il voulait
la monarchie sans roi. Chez lui, la
vanité lutte avec la pensée; il croit
n'avoir pas été suffisamment honoré
à Berlin pour remettre la France en-
tre les mains d'un sfathonder de la
maison de Brunswick. Alors il cher-
che un nouveau chef dans les armées
françaises; car, suivant son expres-
sion, il lui faut une épée, mais une
épée bien sage; il lui faut un géné-
ral, mais se plaçant sous la soutane
de l'abbé; enfin il veut pour lui-
même uncanonicat, c'est-à-dire une
position douce, avantageuse, in-
fluente, parce que, égoïste profond,
il songe avant tout à son intérêt per-
sonnel. Avec un instinct assez sûr
des nullités, il choisit d'abord Jou-
bert, jeune guerrier plein de bra-
voure, sans importance politique, et
dont il se servira comme d'un in-
strument docile; mais Joubert est tué
à la balaille de Novi (16 août 1799).
Cependant Bonaparte, informé de la
révolution qui se prépare en France
et comptant bien en recueillir les
fruits, quitte l'Egypte et débarque
inopinément à Fréjus. On prétend
qu'en apprenant cette nouvelle ,
Sieyès ne put s'empêcher de s'écrier :
La pairie est sauvée! Mais la saga-
cité de l'abbé est ici en défaut ,
s'il espère dominer le général et di-
riger son épée. Dès son arrivée à Pa-
ris, Bonaparte a jugé la position. Se
LXXXII.
placera-t-il au sein du Directoire,
dont il concentrera toute l'autorité
dans sa personne ? 11 en a eu d'abord
quelque velléité ; mais on lui objecte
qu'il n'a pas l'âge de 40 ans exigé
par la constitution, et il se décide à
la briser. D'ailleurs le Directoire est
usé; la constitution de l'an III a fait
son temps, il ne peut plus en être
question; il faut donc un système
nouveau, un ordre de choses qui pré-
sente de l'avenir. Pour atteindre ce
but, il a déjà rallié autour de lui les
chefs militaires; il s'est assuré la coo-
pération de Talleyrand, Fouché, Rœ-
derer, Berlier , Regnaud de Saint-
Jean- d'Angely et des principaux
membres des deux conseils. Dans le
Directoire, Barras, Moulins etGohier
se défient de lui ; il peut compter sur
Roger-Ducos. Quant à Sieyès, Bona-
parte le méprise, le traite d'fdéofog'ue
et lui témoigne même publiquement
son dédain; une rupture entre eux est
imminente, mais on fait comprendre
au général que le concours de Sieyès
est nécessaire. Alors il se rapproche
de l'abbé, caresse ses radotages, lui
parle de constitution, de l'omnipoten-
ce du pouvoir civil ; l'un et l'autre
conviennent d'agir de concert, et
c'est avec ces éléments que Bona-
parte prépare le 18 brumaire. Au mo-
ment de l'exécution, Sieyès, toujours
prudent, quitta avec Roger-Ducos le
Luxembourg, où il laissa ses trois
autres collègues; et pendant la lutte
qui précéda, àSaint-Cloud, la disso-
lution des deux conseils, il resta dans
sa voiture à la porte du palais, at-
tendant l'événement et prêt à partir si
le coup d'État ne réussissait pas; mais
la victoire étanl demeurée aux con-
jurés, le Directoire fut remplacé par
trois consuls provisoires: Bonaparte,
Sieyès et Roger-Ducos. L'abbé eut
alors l'incroyable bonhomie de s'i-
15
22G
SIE
inaginer qu'il allait marcher l'égal
(Ip Bonaparte, ef qu'il aurait au civil
la puissance qui était dévolue à sou
collègue sur le militaire; mais le rusé
clianoiue fui, dans cette circonstance,
complètement dupe du général.
Quand la commission consulaire vint
s'installer au Luxembourg ; «Qui de
« nous présidera?» demanda Sieyès. —
« Vous voyez bien , répondit mali-
« gnement Roger-Ducos, que c'est le
« général qui préside.» On rapporte
que Sieyès dit alors à ses amis : « Main-
ci tenant vous avez un iriaître. il sait
" tout, il peut tout, il fait tout. » Ce-
pendant, lorsqu'il fut question d'éla-
borer la nouvelle constitution au sein
des commissions intermédiaires des
deux conseils, Sieyès se fl;itta de faire
prévaloir ses idées; mais il n'avait
pas encore bien compris le caractère
de Bonaparte. Ce n'est pas un soldat
sans intelligence, sans esprit de gou-
vernement , comme Joubert, Jour-
dan, Augereau et tant d'autres géné-
raux de la république. Bonaparte est
plus que cela : c'est une tête des plus
positives, un hommequi, envisageant
les cboses de haut, veut en finir
avec la révolution en se servant de
ses instruments mêmes, il connaît le
caractère lâche et fatigué de la plu-
part de ces réfonii.iteurs; il sait que
si Louis X'VI s'est laissé détrôner par
ces parleurs , de tribune , c'est qu'il
n'avait ni le courage d'oser ni la fer-
meté indispensable pour gouverner
un peuple. Il existe un travail de
Berlier qui cunlieiit des révélations
assez curieuses sur cette dernière
lutte de l'esprit métaphysique et par-
leur de l'abbé Sieyès avec le carac-
tère décisif et gouvernemental de
Bonaparte. L'abbé Sieyès avait pré-
senté sa couslilution favorite, le
non-sens le plus bizarre, le plus vide
qui pût exister (bien entendu que ce
SIE
non-sens excite l'admiration de Ber-
lier) Le principe générateur de celte
constitution était que tout devait
émaner de la nation, mais émaner de
telle sorte que le choix dos fonction-
naires ne fût pas le résultat de l'é-
lection. Son plan consistait à absor-
ber (terme convenu) tous les pou-
voirs les uns par les autres. On y
voyait figurer un grand-électeur,
c'est-à-dire un roi qui n'était pas roi,
richement logé dans le château de
Versailles, avec une liste civile de
cinq millions, et dont l'unique fonc-
tion était de nommer \c pouvoir exé-
cutif composé de deux consuls, l'un
pour l'extérieur, l'autre pour l'inté-
rieur, assistés chacun d'un conseil
d'État et de ministres; une assem-
blée immobile qui, sous le nom de
collège des conservateurs, veillait au
maintien de la constitution et pa-
raissait principalement instituée pour
absorber et oslraciser dans son sein
tout citoyen qui portait ombrage;
deux autres assemblées , nommées
par le collège, la première muette
{le jury législatif), la seconde ba-
varde {le tribunal)^ qui venait dis-
cuter devant celle là ; des listes com-
munales et départementales , dans
lesquelles on choisissait les fonction-
naires publics. Nous passons sous
silence une foule de rouages , de.
conire- poids destinés à tenir eu
équilibre un système si confus.
Nous ne connaissons rien de plus
bizarrement compliqué que le ta-
bleau synoptique de celte consti-
tution qui a été publié par l'histo-
rien secrétaire de l'Académie des
sciences morales et politiiiues. Tout
est réglé comme une table mathéma-
tique, avec des ronds, des étoiles,
des lettres. La distinction des pou-
voirs est indiquée par des signes ca-
balistiques; et c'est avec celte régu-
SIE
larité minutieuse que Sioyès voulait
re'gir un peuple , sans égard à ses
mœurs antiques, à ses besoins de
chaque jour ! Ces Lycurgues préten-
daient façonner une société comme
si elle existait d'hier et qu'elle dût
adopter bénévolement leurs idées
creuses. Bonaparte vit d'un coup
d'œil l'incohérence et la bizarrerie
de celte constitution ; il eut à ce su-
jet plusieurs conférences avec Sieyès,
Talleyrand et les sections des com-
missions législatives. Dans une lon-
gue entrevue entre Sieyès et le gé-
néral, il s'éleva une dispute Irès-vive
relativement surtout à la base de
cette constitution: le grand-élec-
teur, qui devait résider à Versailles.
Bonaparte avait réfléchi sur les attri-
butions de cette autorité. Que vou-
lait Sieyès? Était-ce pour lui-même
qu'il réservait ce grand canonicat
dans le palais de Louis XIV? Alors
c'était le comble du ridicule. Sieyès,
sorte de roi fainéant! La France, en
être réduite là! C'était trop fort.
Etait-ce pour lui, Bonaparte, qu'on
réservait ce rôle? Ici le consul exa-
mina et la position et lui-même 5 lui,
Bonaparte, annulé, sans action sur le
gouvernement , cela ne pouvait lui
convenir. Ce rôle était stupide; et
c'était pour le compromettre qu'on le
lui offrait. La dispute devint très-ani-
me'e , et comme Bonaparte avait tou-
jours l'expression viveet pittoresque,
il s'écria: « Citoyen Sieyès, que vou-
« lez-vous que l'on fasse de ce cochon
« à l'engrais dans le château royal
«de Versailles?» ils se séparèrent
donc très-mécontents l'un de l'au-
tre, mais des amis communs inter-
vinrent et l'on chercha à s'entendre.
Bonaparte avait besoin de l'abbé
Sieyès encore quelques jours, alin de
ne pas mettre immédiatement contre
lui ce qu'on appelait le parti de 89j
SIE
22T
en général, le rôle de l'épée ne com-
mence que lorsqu'il y a un principe
de droit civil et de légitimité légale.
La différence qui séparait Bonaparte
de Sieyès était celle-ci : le général
voulait un gouvernement qui eût de
l'action, de la vie, de la prépondé-
rance. Sieyès voulait, au contraire,
un pouvoir qui s'absorbât en lui-
même, de manière à ce que sa force
vînt précisément de son inertie; la
constitution telle queBonaparte l'en-
tendait résultait d'un caractère de
courage; la constitution de Sieyès
était le résultat de !a peur, qui fut
toujours le caractère dominant de sa
vie. Au reste, après avoir subi de
graves modifications, le système de
Sieyès servit de base à la constitu-
tion de l'an VIII (22 frim. , déc. 1799),
et l'on y retrouve presque les mêmes
expressions. Ainsi, il y eut des listes
communales et départementales, un
sénat conservateur, un corps légis-
latif, un tribunal, un conseil d'État.
Ces divers pouvoirs, comme le vou-
lait Sieyès, s'entravaient réciproque-
ment dans leur marche, et cela ne
déplaisait pas à Bonaparte, qui se ré-
servait l'omnipotence pour lui seul.
Aussi, au grand -électeur oisif et aux
deux consuls égaux on substitua un
premier consul , chef suprême et
réel de l'État, qui fut Bonaparte, au-
quel on adjoignit, pour ménager un
peu les formes républicaines, un se-
cond et un troisième consul (Camba-
cérès et Lebrun), mais n'ayant que
voix consultative. Sieyès et Roger-Du-
cos cessèrent leurs fonctions de con-
suls provisoires et entrèrent au sénat.
Plus l'abbé avait été blessé dans l'or-
gueil de ses idées, plus Bonaparte
voulut le satisfaire dans la partie de
ses intérêts; Sieyès y était fort sensi-
ble ; c'était sa préoccupation depuis
sa jeunesse. Ici se présente une ques-
15.
2?8
SI£
tien plutôt de vie privj^e que de car-
rière publique, à savoir si la caisse
secrète du Directoire fut partagée
entre Sieyès et Roger-Ducos, à titre
de gratification que leur fit Bona-
parte. Les mémoires du premier con-
sul l'affirment, c'est raconté par-
tout^ cependant on attache un grand hommes comme les institutions n'é-
SIE
une certaine puissance pour la con-
fection des premières listes sénato-
riales. Sur ces choses-là, le consul se
montrait généralement facile, et l'on
s'explique très-bien cette sorte d'a-
bandon dans le choix des noms pro-
pres. Sous sa main, il savait que les
prix à le démentir, et notre impar
tialité nous oblige de dire que nous
avons sous les yeux des pièces qui
prouvent en effet que l'argent de la
caisse du Directoire fut déposé dans
celle de la trésorerie; mais dans ces
talent rien. Ce sénat que Sieyès avait
voulu faire si considérable, si absor-
bant, Bonaparte vit bien qu'il ne se-
rait rien tant que lui-même res-
terait heureux et puissant, et que,
grâce à son épée, Dieu aidant, ce
temps d'arbitraire et de volonté ab- sénat deviendrait un auxiliaire, un
solue, nous sommes convaincu que, si
Bonaparte eut réellement l'intention
de récompenser l'abbé Sieyès et son
collègue, il put le faire librement,
parce que la trésorerie était à sa dis-
position et qu'un simple ordre du
consul dut suffire pour lever tous les
scrupules. H fit donner ensuite à
Sieyès, au nom de la nation, la belle
terre de Crosne, comme un témoi-
instrument de sa puissance, une aris-
tocratie abaissée sous sa main. Il lais-
sa donc Sieyès agir avec liberté dans
la confection de ces listes 5 celui-pi y
plaça tous les hommes fatigués, vieux
généraux , vieux conventionnels ,
quelques noms d'aristocratie ralliée
au système de 1789, de sorte que ce
sénat devint l'expression réelle de
ce que sera toujours le parti révolu-
gnage de la reconnaissance publique; tionnaire, lorsqu'il y aura pour le
mais quelques difficultés s'étant pré
sentées, celui-ci n'en prit pas pos-
session, et fut dédommagé par des
dotations d'une valeur encore plus
considérable. Au demeurant, par le
18 brumaire, Sieyès fut entièrement
annulé \ il le fut en tant que pouvoir.
comprimer une volonté ferme, un es-
prit de génie et de grandeur, c'est- à-
dire que le sénat offrit la réunion de
quelques esprits d'affaires à côté des
passions les plus amorties, des inté-
rêts les plus sordides. On eut une
commission pour la liberté indivi-
puisque, membre du Directoire et de duelle lorsque la France se couvrait
la commission consulaire, il cessa de
l'être; il le fut au moral, parce qu'on
vit bien qu'il s'était laissé jouer, do-
miner par le génie du consul, et que
tout homme joué est ridicule; il le
fut enfin parce que, à côté du rôle
qu'il avait rempli, il eut sa récom-
pense ; on le vit là servir le grossier
instinct de ses intérêts ; il n'y eut ni
désintéressement ni grandeur. Tou-
tefois Bonaparte, qui voulait encore
ménager les hommes de 89 pour les
balayer ensuite, donna à l'abbé Sieyès
de prisons d'Etat; une commission
pour lalibertéde la presse lorsqu'une
police tracassière faisait cartonner
les livres et mettre au pilon une édi-
tion entière. Ce sénat conservateur,
qui n'avait pas su conserver la con-
stitution et qui avait transformé
l'ombre au moins d'une république
en empire, ce sénat, plus abaissé que
celui de Tibère, volait par acclama-
lion des levées de conscrits, des té-
moignages d'adoration pour Auguste,
César, et l'encens brûlait incessam-
SIE
ment aux genoux du consul devenu
empereur. Sieyès prit part à toutes
ces mesures, à toutes ces adulations
se'natoriales, et Bonaparte lui témoi-
gna publiquement beaucoup d'e'-
gards. Toutefois dans le sein de ce
corps scrvile se formait, mais bien
silencieuse, une toute petite opposi-
tion; quelques re'publicains, quel-
ques régicides qui avaient accepté le
titre de comte et qui s'étaient accom-
modés parfaitement des dotations im-
périales, le comte Lambrechts, le
comte Grégoire, le coinle Roger-Du-
cos, le comte Sieyès, rêvaient, nous
ne disons pas le renversement, mais
• l'espérance de graves embarras dans
lé système impérial. Tant que l'em-
pereur fut puissant et qu'il eut l'Eu-
rope à ses pieds, celte opposition
toule prétentieuse se courba sous la
toge sénatoriale. Mais quand de nou-
veaux mécontentements se manifes-
tèrent, Sieyès, se plaçant derrière
Talleyrand , vit le commencement
de la fin. 11 est important de bien
faire connaître le concours du parti
républicain, vaincu au 18 brumaire,
dans le renversement de l'empire et
la chute de Napoléon en 1814. Dans
cette circonstance les mauvais in-
stincts de Sieyès et du parti républi-
cain furent admirablement mis en
œuvre par Talleyrand au profit de la
maison de Bourbon. Lorsque les al-
liés s'approchaient de Paris, à l'épo-
que de la première invasion, trois
partis s'étaient formés parmi les
hommes politiques. Le premier, diri-
gé par Talleyrand, trouvait qu'il
n'y avait possibilité d'ordre euro-
péen qu'avec le rétablissement de
la maison de Bourbon ; le second, que
dirigeait de loin Fouché, était pour la
régence de Marie-Louise ; le troisiè-
me enfin, fidèle à ses convictions im-
périales, plaçait dans Napoléon toute
SIE
229
sa confiance. Talleyrand, voulant
assurer le triomphe de son idée, vit
bien qu'il fallait faire jouer les vieux
sentiments républicains contre Bo-
naparte, s'emparer de la béatitude
de Sieyès, des opinions enfantines et
cruelles de l'abbé Grégoire, de la
médiocrité de Lambrechts , et arri-
ver par ce moyen à la destruction
complète du parti impérialiste. On
n'a jamais peut-être lu attenti-
vement l'acte de déchéance que
le sénat prononça contre Napoléon.
C'est, selon nous, l'œuvre la plus
niaise de toute l'école historique con-
temporaine ; ce fut l'œuvre combinée
de Grégoire, de Sieyès, de Rogcr-Du-
cos et de Lambrechts qui la rédigea;
en un mot, de tout le parti vaincu au
18 brumaire et qui faisait S9 réaction.
N'était-il pas profondément risible
de voir le sénat, muet pendant li ans,
déclarer aux jours des malheurs de
l'empereur que celui-ci avait violé la
constitution? Pourquoi ne l'avoir pas
dit quand Bonaparte saisissait leglai-
ve et prenait la couronne? Pourquoi
ce réveil quand les alliés étaient dans
la capitale? C'était un acte odieux;
et le coup d'habileté de Talleyrand,
la plus grande simplesse du parti
républicain, ce fut de faire parler
Louis XVIII, ou, comme on le disait
alors, Louis- Stanislas-Xavier de
France, par Sieyès et ses amis. Il fal-
lait que ces gens -là eussent une
bien petite portée d'esprit pour s'ima-
giner que les Bourbons restaurés
allaient conserver le sénat avec ses
prérogatives et ses privilèges. Sans
doute la question aurait pu être
ainsi posée, si le sénat, à cette épo-
que, avait été une autorité popu-
laire; mais son rôle sous l'empire
l'avait complètement déshonoré. Ja-
mais on ne l'avait vu agir que pour
la levée des conscrits ou bien la sup-
no
SIE
pression de quelques libertés publi-
ques. Ce qui acheva de flétrir le sé-
nat, ce fut l'insertion dans sa nou-
velle constitution d'un article por-
tant que le traitement des sénateurs
serait conservé ainsi que la dotation,
condition assez bizarre inscrite dans
un acte qu'on disait tout populaire,
Nous croyons que l'abbé Sieyès ne
fut pas le dernier à faire insérer
cette clause 5 sa nature intéressée
l'y portait, et on lut sa signature au
bas de l'acte constitutionnel du 6
avril qui rappelait les Bourbons.
Alors ses craintes étaient dissipées^
mais au fort de la crise, quand le sé-
nat décrétait la formation d'un gou-
vernement provisoire et la déchéance
de Napoléon, Sieyès, fidèle aux habi-
tudes de toute sa vie, n'assista point
aux séances et envoya seulement son
adhésion le 4 avril , motivant son
absence et son retard sur une indis-
position. La constitution sénatoriale
fut mise de côté par Louis XVIII
dans les conférences et la déclaration
de Saint-Ouen. La Charte en em-
prunta bien quelques articles, mais
elle s'en sépara dans tout le reste.
Elle institua la Chambre des députés ;
puis elle créa la Chambre des pairs,
où aucun régicide ne fut compris.
L'abbé Sieyès rentra ainsi dans la
vie privée ; néanmoins la clause
principale qu'il avait désirée fut
exactement tenue ; Talleyrand avait
fait assurer par le roi que la dota-
tion sénatoriale serait conservée.
L'abbé Sieyès continua donc de re-
cevoir ses 40,000 fr. du trésor com-
me par le passé. On le vit, d'ailleurs,
fort content de cette première Res-
tauration ; il était très-fatigué de
secousses et de violences; s'il prit
part à quelque trame contre la mai -
son de Bourbon, ce fut à cette sorte
de conspiration morale qui prépara
m
un nouvel ordre de choses, et dans
laquelle on pouvait compter Fouché,
Rœderer, Roger -Ducos, Quinette,
qui ayant appartenu corpset âme à la
révolution, s'étant enrichis par elle,
craignaient toujours que la maison de
Bourbon ne prît quelques mesures
énergiques. Jamais les révolution-
naires n'auraient été tranquilles; ils
se sentaient vaincus; un grand nom-
bre d'entre eux étaient acquéreurs de
biens nationaux ; ils possédaient des
fortunes considérables ; le drapeau
blanc et les trois fleurs de lis leur
faisaient peur; c'était une menaœ
continue; c'est par un tel état de
choses qui, grâce à Dieu, n'est plus;
c'est par cette conséquence du régi-
cide et de tous les autres crimes de
la révolution que le rétablissement
de la monarchie fut long-temps re-
tardé. Aussi, Sieyès dut voir dans
les Cent-Jours de 1815 une ancre de
salut, et il s'y rattacha parce que c'é-
tait la fusion des révolutionnairesavec
les hommes de l'empire. On recom-
mençait le champ-de-mai, les consti-
tutions, les actes additionnels, toutes
ces niaiseries qui allaient parfaite-
ment aux desseins de ceux qui trom-
paient le peuple à leur profit. Cepen-
dant ces hommes qui disaient tant de
mal de la Restauration en adop-
taient tous les symboles, notam-
ment la pairie; car les gens qui
parlent le plus contre les privilè-
ges aristocratiques sont ordinaire-
ment ceux qui les recherchent da-
vantage. Pendant les Cent-Jours on
fut très-honoré, même parmi les ré-
gicides, d'être pair de France. Le
comte Sieyès se laissa donc conférer
la pairie; mais, peu confiant dans les
nouvelles institutions, il ne signa
pus l'acte additionnel et il évita de
paraître au champ-de-mai et à l'ou-
verture des Chambres. Quand les
SIE
alliés s'approchèrent de Paris et qu'il
fallut compter avec les impérialistes
ellesjacobins, il s'effaça tant qu'il put
et ne (it partie ni de la commission
de gouvernement, ni de ces commis-
sions chargées de traiter avec les al-
liés. C'est qu'alors il avait peur, les
événements marchaient si vite ! Les
Bourbons étant restaurés une se-
conde fois, les Chambres rendirent,
maigre Louis XVIII et ses ministres,
une loi de bannissement contre les
régicides qui av;iient accepté, des
fondions sons Bonaparte (12 janvier
1816). Sieyès, compris dans cette ca-
tégori'', n'avait pas attendu l'exécu-
tion de la mesure; dès la fin de 1815
il s'était retiré à Bruxelles. On n'a
jamais écrit l'histoire de cci! exil des
réfugiés en Belgique , la plus cu-
rieuse, parce qu'elle fait vraiment
connaître l'esprit révolutionnaire.
On s'imagine sans doute que les ré-
fugiés songeaient à la nationalité de
leur pays, à la grandeur du patrio-
tisme; non, rien de tout cela. Bruxel-
les devint le foyer de nombreu-
ses intrigues , à la tête desquelles
se trouvait l'avocat Teste, celui-là
même que nous avons vu ministre,
puis si étrangement compromis dans
une affaire de corruption. De ce cen-
tre partaient une foule de mémoires,
non pas adressés au parti libéral en
France, ce qui était permis, parce
que la conspiration fût reslée fran-
çaise, mais spécialement destinés aux
cours étrangères, à la Russie, à la
Suisse. La conspiration tendait à
mettre un prince d'Orange sur le
trône de France en 1817 et 1818,
comme Sieyès avait voulu mettre un
prince de Brunswick en 1794 et en
1798. Quand on ira au fond du cœur
de tous ces agitateurs, on trou-
vera les sentiments intéressés qui les
dominent , et avec cela une prédi-
SIE
231
lection particulière pour l'étranger;
pourvu qu'on ne leur parle p;is des
Bourbons, ils accepteraient la botte
d'un prince allemand, moyennant
une constitution rédigée à la façon
métaphysique de l'abbé Sieyès. Cette
colonie révolutionnaire rentra pour-
tant successivement en France, tou-
jours conduite et dirigée par M. Teste,
et c'est ce passé qui fit sa fortune
après la révolution de 1830. Sieyès
revint seulement à cette époque;
mais alors ce qui lui restait de fa-
cultés intellectuelles s'était évanoui
à ce point qu'il n'avait plus d'idées
ni de souvenirs. Jamais il n'avait
brillé ni par l'esprit ni par la parole;
sa force principale consistait dans le
pédantisme de ses phrases , et lors-
que l'esprit s'affaiblit avec le corps,
il ne demeura plus en lui que ce sen-
timent de béatitude niaise qui se
reflétait tant sur sa physionomie.
Il végéta donc plus qu'il ne vécut
depuis 1830 jusqu'à sa mort arrivée
à Paris le 20 juui 1836. Il était âgé
de 88 ans. Dès la création de l'Insti-
tut, en 1795, il avait fait partie de la
classe des sciences morales et poli-
tiques, et en 1804, lorsqu'elle fut
supprimée , il passa à l'Académie
française, dont il fut exclu en 1816.
Enfin, l'Académie des sciences mo-
rales ayant été rétablie en 1832, il y
rentra de nouveau. Le secrétaire per-
pétuel de cette compagnie prononça
l'éloge funèbre de Sieyès, et l'appela
un génie puissant et de premier or-
dre. Moins enlhousiaste, voici le ju-
gement qu'on pourrait porter sur
cet homme. C'était un de ces remar-
quables abbés de l'ancien régime,
ayant beaucoup lu et étudié. Quel-
que pratique des affaires lui avait
donné la connaissance des faits et
des événements, et en 1789 il avait
vu qu'il pouvait trouver place dans
232
SIE
SIE
ce mouvement du tiers-état; il s'y
était jeté. Nul caraclère \ la peur sur-
tout le dominait ; puis le besoin d'une
position lucrative, l'orgueil de ses
propres idées ; admiré par les uns,
raillé par les autres, il obtenait pour-
tant cette certaine puissance que tout
esprit plein de soi acquiert dans les
temps agités. Veut-on savoir pour-
quoi on a tant exalté l'abbé Sieyès?
c'est qu'en lui on a vu un symbole,
l'expression de la révolution de 1789.
Chacun sait que cette révolution,
qui a tué la France diplomatique et
introduit tant d'anarchie dans les
idées; qui ne nous a rien donné que
la confusioa des pouvoirs, le matéria-
lisme des cœurs, la corruption publi-
que et avouée; celte révolution, qui
a mis un terme aux projets d'agran-
dissement et de conquête de la mai-
son de Bourbon; cette révolution de
1789, qui n'a été qu'un plagiat de
la Ligue du XVI^ siècle et qui ne
finira qu'avec un Richelieu et une
dictature à la Louis XIV, elle est au-
jourd'hui glorifiée comme le plus
beau résultat de l'esprit humain. Or,
Sieyès en est en quelque sorte le
symbole; il l'a favorisée par son
pamphlet sur le tiers-état; il a été
le père de ces constitutionalismes
qui nous rongent parce qu'ils créent
nos gouvernements d'avocats, et
alors rien d'étonnant qu'on le pro-
clame grand homme, qu'on lui élève
des statues. Le temps est ainsi fait;
il est si diflicile de combattre les
tendances des générations, alors
même qu'elles seraient des folies ou
des erreurs ! Quand on suit le torrent
des idées, tant d'épreuves et de se-
cousses vous agitent si l'on veut
y résister! Que voulez-vous? il est
très-naturel que chacuu de nous,
comme notre abbé, cherche un peu
son canouicat. — On a de Sieyès:
1. Essai mr les privilèges^ nss ^
1789, in -8». II. Qu'est-ce que
le Tiers-État? 1789, in-8o; 3« édi-
tion , très- augmentée , même an-
née. Cet écrit, dont nous avons déjà
parlé et qui eut un si grand retentis-
sement, parut, ainsi que le précédent,
sous le voile de l'anonyme. On y fit
une réponse aussi anonyme, intitu-
lée : Qu'est-ce que l'Assemblée natio-
nale? Grande thèse en présence de
l'auteur anonyme de Qu'est-ce que le
Tiers ? 1791 , in - 8°. Il a été publié
une nouvelle édition de l'écrit de
Sieyès : Qu'est-ce que le Tiers-Étal?
précédé de l'Essai sur les privilèges,
avec vingt-trois notes de l'abbé Mo-
rellet, Paris, 1822, in-S». IlL Vues
sur les moyens d'exécution dont les
représentants de la France pourront
disposer {anonyme)^ 1789, in-8°, deux
éditions. IV. Instruction donnée par
S. A. S. Mg' le duc d'Orléans à ses
représentants aux bailliages, suivie
de Délibérations à prendre dans ces
assemblées , 1789 , in-S", trois édi-
tions. Les Délibérations sont bien
l'ouvrage de Sieyès. Quant à l'In-
struction, il déclare n'y avoir aucu-
nement travaillé, quoiqu'on l'en eût
prié; on l'attribue au marquis de
Limon [voy. ce nom, XXIV, 503),
alors intendant des finances du duc
d'Orléans. V. Quelques idées de con-
stitution applicables à la ville de
Paris, nS9,\n-&''.\\. Préliminaires
de la constitution, Reconnaissance
et exposition raisonnée des droits
de l'homme et du citoyen, Versailles,
1789, in-8°. VII. Observations som-
maires sur les biens ecclésiastiques y
1789,10-8°. C'est le développement
de ce que l'abbé Sieyès avait dit dans
la séance du 10 août 1789 , contre la
suppression des dîmes. Guffroy {voy.
ce nom, XIX , 43) publia une Lettre
en réponse a ces Observations, etScr*
SIE
MïiVâhiéi^voy.XLil, m), mie Réfu-
tation de l'ouvrage de l'abbé Sicyès.
Vlll. Dire de Sieyés sur la question
du veto royal, 1789, in -8". C'est l'o-
pinion qu'il prononça dans la séance
du 7 septembre 1789, où il repoussa
le v«<o , même suspensif, à concéder
au roi. 11 proposa aussi un plan de
constitution qui ne fut pas appuyé. IX.
Observations sur le rapport du comi-
té de constitution concernant la nou-
velle organisationdelaVrance,i789,
in-8o. X. Rapport du nouveau comité
de constitution sur l'établissement
des bases de la représentation pro-
portionnelle, et sur rétablissement
des assemblées administratives et des
nouvelles municipalités, 1789, in-8°.
Ce rapport, lu par Thouret à l'Assem-
blée nationale le 29 sept. 1789, est,
comme on le voit, divisé en deux par-
ties ; la première, attribuée à Sieyès,
fut imprimée à Paris; la seconde, dont
Thouret paraît être l'auteur, fut im-
primée à Versailles. XI. Projet de loi
contre les délits qui peuvent se com-
mettre par la voie de Vimpression et
par la publication des écrits et des
gravures, 1790, in-8°. XII. Projet
d'un décret provisoire sur le clergé,
1790, in- 8». XIII. Aperçu d'une nou-
velle organisation de la justice et de
la police en France ^ 1790, in -8°.
Sieyès proposait d'appliquer un jury
à la procédure civile et à la procédure
criminelle. Ce projet, lu à l'Assem-
blée par le marquis de Bonnay, n'eut
aucun résultat. Garât l'aîné {voy. ce
nom, LXV, 103) publia une Opinion
contrelesplans présentés par MM. Du-
port et Sieyès pour l'organisation du
pouvoir judiciaire. XI V.Dt5C0Mr« sur
la liberté des cultes, 1791, in-8''. XV.
Rapport du comité de défense géné-
ralerelatifau ministère de la guerre,
1793, in-8o. XVI. Opinion sur la con-
stitution de 1 795, prononcée à laCon-
SIE 2S3
vention le 2 tliernndor an IH (20 juil-
let 1795) , in-8o. XVII. Opinion sur
le jury constilutionnaire, prononcée
le 18 tliermidor an III (5 aoiit 1795),
in-8°. Le jury que Sieyès proposait
d'établir devait veiller au maintien
de laconstitution.Cette institution fut
alors rejetée; mais elle reparut plus
tard avec de grands changements ,
sous le nom de Sénat conservateur,
dans la constitution de l'an VIII, ré-
digée en partie d'après les plans de
Sieyès. Oulre les écrits que nous
venons de citer, il a fait beaucoup
de discours et de rapports insérés
dans les journaux, mais qui ne pa-
raissent pas avoir été imprimés sé-
parémentï Ch.-Fréd. Cramer avait
entrepris une Collection des écrits
d'Emm. Sieyès ; il n'en donna que
le premier volume, 1796, in -8°.
ŒIsner [voy. ce nom, LXXVI, 41)
a traduit en allemand les OEuvres
politiques d'Emm. Sieyès, Paris,
1796, 2 vol. in-8°; il a publié en
français : Des opinions politiques du
citoyen Sieyès , et de sa vie comme
homme public, Paris, an VIII (1800),
in-8°. On lui attribue aussi la. Notice
sur la vie de Sieyès, en Suisse et à
Paris , 1795 , in-8° (anonyme) ; mais
beaucoup de personnes, et nous som-
mes de ce nombre , pensent que
Sieyès lui-même en fut l'auteur. On
trouve dans les Lettres de Laura-
guais {voy. ce nom , LXX, 386) à
il/""*** (Paris, 1802, in-8°), une Con-
versation de Chamfort sur Vabbé
Sieyès. Bertrand - Moleville parle
aussi beaucoup dans ses Mémoires
des rapports de Sieyès avec le parti
d'Orléans. Nous citerons encore sur
ce personnage : Théorie consti-
tulionnelle de Sieyès, Constitution
de l'an VIII (extraits des mémoires
inédits deBoulay de la Meurthe), Pa-
ris, 1836, iu-8^ B~uetC-F-E.
334
SIG
SIGALON (Xavier), peintre d'his-
toire, naquit en 1790 à Uzès , clans
l'ancienne province de Languedoc.
Le peu d'aisance de sa famille l'o-
bligea de mettre à profit les dispo-
sitions qui l'entraînaient Vf>rs la pein-
ture, et ce fut à Nîmes qu'il commença
l'élude de cet art où i! lit des progrès
rapides. Bientôt il exe'cuta quelques
tableaux, dont le plus remarquable
est placé dans l'église d'Aigucs-Mor-
tes. Il désirait vivement aller à Pa-
ris, qui offre aux talents de tous les
genres tant de ressources, tant de fa-
cilités de se perfectionner ; mais les
moyens p('cuniaires lui avaient man-
qué jusque-là pour réaliser son projet.
Lefaibleproduitqu'il retira deses pre-
miers travaux encore bien peu rému-
nérés lui permit enfin d'entreprendre
ce voyage. Arrivé dans la capitale, il
se mit sous la direction de Guérin
et ne tarda pas à se distinguer
parmi les élèves de ce maître. Déjà
sa manière hardie faisait pressentir
qu'il allait abandonner les sentiers
batius, et s'élancer dans une car-
rière nouvelle. On a même remarqué
que la plupart des peintres réforma-
teurs de l'école française, à cette épo-
que, sont sortis de l'atelier deGuérin,
qui pourtant n'était pas un novateur
(roi/.GÉKiCAULT,LXV,296).Enl822,
Sigalon exposa au musée du Louvre
la Courtisane, charmant tableau qui
participe de l'école vénitienne et de
l'école es()aguole , et dont le gouver-
nement fit l'acquisition pour la ga-
lerie du Luxembourg. La Locuste, ex-
posée au Salon de 1824, donna lieu à
une controverse animée, mais n'en
reste pas moins u ne des compositions
les plus originales de son auteur.
Acheté par J. Lai'litte, ce tableau
appartient maimcuanl au musée de
Nîmes. Le même musée possède un
autre tableau de grande dimension ,
SIG
que Sigalon avait exposé au Louvre
en 1827, et qui représente Athalie
faisant égorger les enfants du sang
royal Cette production , où l'artiste
a donné un libre essor à son génie au
dacieux, reçut des éloges, essuya des
critiques (1) , ce qui n'arrive qu'aux
ouvrages remarquables, il exposa
encore deux tableaux religieux, dont
l'un représente une Vision de saint
Jérôme et l'autre un Calvaire. Le
premier, acheté pour la galerie du
Luxembourg, parut offrir quelque
similitude avec celui du Guerchin, et
le second quelques traits empruntés
à Daniel de Volterre; mais ces rémi-
niscences n'empêchent pas d'y recon-
naître le cachet particulier de Sigalon.
Enfin il envoya au Salon de 1833 un
tableau sur un sujet anacréontique,
qui fut encore acheté par Laflitte. A
cette époque, notre artiste vivait re-
tiré à Nîmes, après avoir demeuré
vingt ans à Paris , ce sanctuaire des
sciences, des lettres et des arts, mais
qui n'est pas toujours pour ceux qui
les cultivent le temple de la fortune.
Sigalon en fit la triste expérience. Ses
travaux, plus admirés que rétribués,
lui procuraient à peine une existence
précai re; souvent même les prix qu'on
lui en donnait ne couvraient pas ses
frais : ainsi son tableau iV Athalie,
qui lui avait coûté plus de 7,000 fr.,
lui fut payé 3,000. Déçu dans les es-
pérances brillantes et légitimes qu'il
avait pu concevoir pendant un si long
séjour à Paris , il le quitta sans bruit
(i) Tout en faisant preuve de talent et
.«nitout de verve énergique, Sigiilou n'altei-
guit jias à toute la hauteur de son art. Il ne
jjossédait ni le sentiment des belles formes,
ni celui de la couleur vraie. Il n'entend. lit
lien à la perspective, et dans son étrange
talleau d'.-ilhalie, follement ordonné, le»
plans sont si mal sentis que tous les per-
sonnages semblent tomber hors du cadre.
F, P— T.
SI6
SIG
«35
et sans murmure, et s'achemina vers
Nîmes où il se fixa, bornant désor-
mais toute son ambition à être pein-
tre de portraits et maître de dessin,
ressource bien faible et bien éven-
tuelle en province. Telle était pour-
tant sa position lorsqu'une circon-
stance inattendue vint l'en tirer et
le replacer au rang qu'il méritait.
M. Thiers, qui le connaissait, étant
devenu ministre de l'intérieur, le
lit envoyer à Rome, afin d'y copier,
dans des proportions identiques, les
belles fresques de Michel- Ange qui
ornent la chapelle Sixtine,notamment
le fameux tableau du Jugement der-
nier, dont la dégradation progres-
sive fait craindre l'anéantissement.
Après quatre ans d'un travail as-
sidu , après avoir surmonté les dif-
ficultés nombreuses que présentait
cette œuvre immense, Sigalon en-
voya sa copie du Jugement dernier
à Paris, où elle arriva en mars 1837.
Cette toile ftit merveilleusement pla-
cée sur un mur d'une surface égale à
celle de la fresque originale , dans
l'ancienne église des Petits -Au-
guslins ( aujourd'hui l'École des
Beaux-Arts), qui, par une heureuse
coïncidence, est construite à peu près
dans les mêmes proportions que la
chapelle Sixtine à Bome. Cette co-
pie est jusqu'à présent le seul et
deviendra peut-être dans la suite
l'unique spécimen du chef-d'œu-
vre de Michel - Ange. Nous cite-
rons ici quelques fragments d'une
lettre que, peu d** jours avant sa mort,
Sigalon écrivait à un de ses amis :
« Maintenant , disait-il , que je con-
« temple plus à l'aise et sans la pré-
« occupation de mDU propre travail
• l'immense tableau de Michel-Ange,
« je sens mieux que jamais qu'il porte
« un caractère frappant de hâte , et
«pour ainsi dire d'improvisation...
• Beaucoup de figures du dernier plan
• ne sont que des ébauches, et pour
« se distraire et s'exciter à finir, le
« peintre a eu recours à la fantaisie.
« La fresque de la chapelle Sixtine
« est moitié une œuvre d'art, moitié
• une caricature. Il est évident que
« ces emblèmes, qui dépassent quel-
« quefois les limites du ridicule , ces
« poses grotesques ou obscènes, in-
« diquent clairement la lassitude du
« sujet et la nécessité de rentrer dans
«l'actualité, pour achever l'œuvre
» au moyen d'une inspiration factice.
« Ces hommes qui grimacent, ces fi-
• gures (jui se tordent, ce sont des
« ennemis, des critiques, des envieux
« auxquels Michel Ange a imposé la
« vengeance de ses pinceaux, comme
• autrefois Dante leur avait imposé
« celledesa plume. Michel-Ange avait
« commencé un tableau; il a signé un
« pamphlet. » Ce jugement paraîtra
bien hardi et peut - être même trop
sévère ; mais il faut se rappeler que
c'était une opinion confidentielle ,
dont l'artiste français eût sans doute
adouci les termes s'il eût dû la pro-
duire en public. Sigalon était venu à
Paris pour surveiller la pose de son
tableau , et il y fut accueilli par de
nombreuses félicitations. Cependant
il n'avait pas encore achevé les co-
pies, qu'on lui avait également com-
mandées, des douze figures colossa-
les de prophètes etde sibylles, peintes
par Michel -Ange sur les pendentifs
de la voûte de la chapelle Sixtine. Il
repartit donc au mois de mai pour
Rome, où il croyait rester encore un
an. A peine arrivé, il reprit ses pin-
ceaux avec une activité nouvelle. Mal-
heureusement le choléra ne tarda pas
à se déclarer dans la ville, et Sigalon
en fut bientôt atteint. Un matin, qu'il
en avait ressenti les premiers symp-
tômes, il ne voulut pas en parler à
236
SIG
SIG
l'ami chez lequel il demeurait, dans
la crainte qu'on ne l'obligeât de sus-
pendre son travail ; mais dès le soir
même il fut contraint de s'aliter, et
soixante heures après, malgré tous
les soins que l'on s'empressa de lui
prodiguer, il expira le 10 août 1837.
Bien qu'éloigné de sa patrie, il eut la
consolation d'être assisté dans ses
derniers moments par un prêtre fran-
çais qui lui administra les secours de
la religion. Ce prêtre était M. Lacor-
daire , déjà célèbre comme prédica-
teur et venu à Rome pour y embras-
ser la règle de saint Dominique. La
mort de Sigalon , enlevé dans la vi-
gueur de l'âge et du talent , fut un
sujet de deuil, non-seulement pour
ses amis, mais pour tous les amis des
arts. Un de ses compagnons d'enfance,
M. J. Reboul (2) qui, dans son humble
profession de boulanger à Nîmes , se
livrait avec bonheur aux inspirations
de la poésie , lui a consacré des stan-
ces pleines de sensibilité, dont nous
citerons les deux suivantes :
Lorsque fendanl los flots de la mer de Ty-
rliRune],
Tou vaisseau t'emportait vers la pliigc ro-
maine],
La lyre eu main, debout sur les dalles du
port],
Ma muse à ses adieux mêla la poésie;
Et cruyait, dans l'espoir dout elle était saisie,
T'eovoyer au triomphe, et aonpasà la moi t!
L'équitable avenir pour toi déjà i-oramence :
Ton |>ays, s'éveillant de son indifférence,
Cherche quel monument il pourra t'ériger ;
Ta mort fait rendre enfin justice à ta mé-
moire].
Et Nîmes maintenant se souvient de ta gloire,
Lui qui te recevait en obscur étranger.
En effet, le buste de Sigalon, dû au
ciseau de M. Briant, fut inauguré so-
lennellement le 26 mai 1839 au mu-
sée de Nîmes, établi dans l'antique
monument romain appelé la Maison
(2) 11 a été élu représentant du peuple à
l'Assemblée nationale, en 1848.
carrée. Le directeur prononça l'éloge
de l'illuslre défunt , et le chant funè-
bre d'une touchante élégie, écrite par
M. Reboul et mise en musique par un
compositeur uîmois, termina cette
cérémonie. Z.
SIGEBRAND, évêque de Paris,
dut son élévation sur le siège de cette
ville à la protection de sainte Batilde,
reine de France et régente du royau-
me après la mort dé Clovis II, son
époux {voy. Batilde, III, 518). Ce
prélat, rempli de lumières pour l'é-
poque où il vivait, ne l'était pas
moins d'ambition et de vanité. Ho-
noré de la confiance de la reine, qui
le consultait souvent, il laissait pla-
ner sur ces relations des soupçons
injurieux à la vertu de cette prin-
cesse. L'arrogance avec laquelle il
traitait les seigneurs de la cour lui
devint fatale. Plusieurs se liguèrent
contre lui et le (irent assassiner (664).
Ayant appris les calomnies aux-
quelles l'orgueil de Sigebrand l'avait
exposée, Batilde en fut indignée et
affligée. Elle remit les rênes du gou-
vernement entre les mains de Clo-
taire 111, son fils, puis se retira dans
l'abbaye de Chelles qu'elle avait fon-
dée, et y termina sa carrière. Z.
SIGNOL (Alphonse), homme de
lettres, fut tué en duel le 27 juin 1830,
par un officier de la garde royale,
avec qui il s'était pris de querelle la
veille au Théâtre-Italien. Au reste,
le combat singulier s'accordait avec
ses principes; car, en 1829, il avait
publié une Apologie du Duel, lorsque
Ton discutait aux chambres un pro-
jet de loi sur cette uintière. Outre
quelques brochures politiques, Si-
gnol a coujposé, seul ou eu société,
plusieurs romans et pièces de théâ-
tre. Voici la liste de ses ouvrages :
L De la Maçonnerie considérée dans
quelques-uns de ses rapports avec la
SIG
'politique, Paris, 1826, in-8*, opus-
cule vendu au profit des Grecs. II
(avec M. Dartois). Le Caporal et le
Paysan^ comédie en un acte, mêlée
de couplets, Paris, 1828, in-8». III
(avec MM. Charles de Livry et Adol-
phe de Leuven). L'École de nata-
tion, tableau-vaudeville en un acte,
1828, in-8<». IV (avec M.Théaulon).
Jean, pièce en quatre parties, mêle'e
de couplets, 1828, in-8o. V. Le Duel,
drame en deux actes et en prose,
1828, in-8». VI. Apologie du Duel, ou
Quelques mots sur le nouveau projet
de loi, 1829, in-8o. VII. Le Pacha
et la Vivandière, ou Un petit Épi-
sode de la petite campagne de Morée,
folie-vaudeville en trois tableaux ,
1829, in-80. VIII (avec M. Léon Vi-
dal). Mémorial de sir Hudson Lotvc,
relatif à la captivité de Napoléon à
Sainte Hélène, 1830, in-8°, fig. IX
(avPcM. S.Macaire). LaLingère,l830,
5 V. in-12.X(avec!e même). Le Chif-
fonnier, 1831, 5 vol. in-12. XI. te
Commissionnaire^ mœurs du XIX<i
siècle^ 1831, 4 vol. in-12. Z.
SIGAOUINUS ou SiGNOROLLUS
(HoMODEUs), jurisconsulte italien en
grande renommée au XIV' siècle,
naquit à Milan, et après avoir pro-
fessé avec éclat la science du droit
à Padoue, Plaisance, Turin ei Pavie,
prit une part active, en 1351, à la
rédaction des lois municipales de sa
patrie. Il a laissé des Repetitiones
insérées dans de vieux recueils, et
un volume de Consilia et Quœstio-
nes, qui fut imprimé à Lyon, en 1549,
in fol. En 1340 , il avait soutenu,
à Verceil, une conférence publique
sur les droits respectifs d'un docteur
ou d'un militaire à la prééminence
(utrum sit prœferendus Doctor an
Miles); cette disputatio, accompa-
gnée d'additions de Louis Bolo-
gnini, a été comprise dans une énor-
SIG 237
me collection , Oceanus juridicus ,
tom. XXIV, p. 23, où elle est, tout
aussi bien engloutie que si elle était
descendue au fond d'un autre Océan.
Signorinus, revêtu des titres de che-
valier et de comte palatin, mourut
en 1362. B— N— T.
SIGNOT (Jacques) n'est connu
que par un ouvrage qu'il a composé
sur la Description des passages par
lesquels on peut aller des Gaules en
Italie, ouvrage qui fut imprimé pour
la première fois du vivant de l'au-
teur, Paris, 1515, in-4'', et réimprimé
après sa mort, Lyon, 1590, petit
in-12. Les noms y sont souvent défi-
gurés; mais il serait aisé de les cor-
riger avec une bonne carte, et les dé-
tails que donne cet auteur méritent
d'être connus. C'est lui-même qui
nous apprend son nom, et qui nous
dit qu'il est resté qiielque temps au-
près d'Hercule d'Esté, duc de Ferrare.
Il ajoute qu'il s'y trouvait le 6 juillet
1495, lors de la bataille de Fornoue,
gagnée par Charles VIII sur les Vé-
nitiens et leurs alliés. Ce fut lui qui
instruisit de cette victoire les Fran-
çais restés à Naples, et il se félicite
d'avoir donné deux avis utiles au duc
de Ferrare. F— a.
SIGUENZA (Joseph de), écrivain
espagnol des phis distingués , était
né, vers 1545 , dans la ville dont il
portait le nom. Il entra dans l'ordre
des hiéronymites ou ermites de Saint-
Jérôme, qui avaient un couvent dans
cette même ville; mais il vint habi-
ter celui de l'Escurial, oii il continua
de se livrer à l'étude de l'histoire et
des langues orientales dans lesquel-
les il se rendit Irès-habile. Il devint
aussi un excellent prédicateur, et le
roi Philippe H se plaisait à l'entendre,
ce qui excita la jalousie des autres
moines dont les sermons n'étaient
pas si bien reçus du roi et du pu-
238
SIL
blic. Ils le dénoncèrent à l'inquisi-
tion (le Tolède comme suspect de
luthéranisme. Siguenza, dit LIorente,
resta près d'un an en réclusion dans
le monastère de La Sisia, apparte-
nant à son ordre, et on l'obligea de
se présenter devant le tribunal tou-
tes les fois qu'il serait appelé. Il se
justiQ.1, fut acquitté, et mourut, en
IGOO, supérieur du couvent de Saint-
Laurent de l'Escurial (voy. Hist. de
V Inquisition d'Espagne, traduction
d'Alexis Pellier, 1" édit., II, 474).
On a de Siguenza : La Vida de san
Geronimo, doctor de la santaiglesia^
Madrid, Th. Junti, 1595, pet. in-4«.
— Secunda y tercera parte de laHis-
toria de la orden de san Geronimo,
Madrid, 1600 et 1G05, 2 vol. pet. in-
fo!. Cet ouvrage, tiès-bien écrit (1),
est fort recherché et se trouve rare-
ment complet. Il paraît que François
de Los Santos (2), aulre religieux
hiéronymite, y a contribué pour quel-
(|uc chose. Herménégilde de San-
l'ablo, du même ordre, en a donné
une suite sous ce titre : Origen y
continuacion de el Instituto y Reli-
gion hieronimiana , Madrid, 1G69,
in -fol. B-L— u.
SILLA (Antoine), historien et pu-
bliciste italien, naquit le 15 mars
1737, à Scanno , dans les Âbiuzzes.
Issu d'une famille de Foggia, qui se
livrait depuis long-temps au com-
(i) Dans son exceWeute Histoire comparée
des Ulléralures espagnole et française ( t. I ,
j>. 3/0 ), M. Ad. de Piiibiisriiic a dit de Si-
guenza : I Talent supérieur, qui a su énire
« l'histoiie de son ordre de manière à faire
" regretter qu'on ne lui ait pas confié l'his-
<• toile générale de la l'éuinsule. >.
(">.) Ce religieux, ou du moins un auteur
du même nom, a publié une desirijitiou
«•Il rieuse de son couvent, sous ce litre :
Dcscripcion Ineve del monasterio de S.-Lo-
renzo del Esccrial, fabrica del lej Phi-
lippo II, etc., Madrid, irapr. royale, 1637,
jictii in-fol., Cg. ; réimprimée en 1681 et en
1(198, même format.
SIL
nierce et qui le destinait à la même
profession, il n'obtint qu'après des
instances souvent renouvelées la per-
mission de se rendre à Chieti pour y
faire ses études dans le collège des
Jésuites. On sait que la méthode de
ces religieux, assez bonne sous le
rapport de la morale et de la littéra-
ture proprement dite, laisse beau-
coup à désirer en fait d'histoire et de
philosophie. Aussi le jeuneSilla,dont
l'intelligence inclinait déjà vers les
hautes questions sociales, était peu
satisfait des leçons de ses maîtres, et
il cherchait dès lors à les compléter
par !a lecture des meilleurs publicis-
tes. Ces dispositions l'amenèrent na-
turellement à étudier le droit, et ce
fui pour cela qu'il se rendit à Naples,
en 1757. Différents ouvrages qui se
succédèrent rapidement lui valurent
assez de réputation pour qu'il fût
nommé membre de l'acidém-ie royale
des sciences de Naples; mais, son père
étant niart, il retourna à Foggia, et,
laissant de côté la liltérature et la
philosophie, il se consacra tout en-
tier au commerce. Au bout de quel-
ques années, il ne se trouvait pas
trop mal du changement, el il écri-
vait à ses amis de Naples que la .so-
ciété d'Homère eld'Horace ne l'aurait
jamais rendu plus heureux. Sitia
mourut au commencement de ce
siècle. On a de hii, en italien : La
Fondation de Parthénope, JNaples,
17C9, in-8". L'auteur fait preuve de
beaucoup d'érudition et de critique
dans ses dissertations sur l'origine,
la religion et le gouvernement de
cette antique cité. II. La Théogonie
commentée , où l'on propose aux sa-
vants un nouveau système sur la ma-
nière d'interpréter l'histoire ancien-
ne, Naples, 1770, in-S'J. Cet écrit ne
porte que les initiales de l'auteur et
sert d'introduction à l'ouvrage sui-
SIL
vant : Hf. Histoire sacrée des païens,
depuis lu création du monde jusqu'au
•règne de Numa Pompilius, Naples,
1771, i vol. in-80. IV. Le droit
de punir, ou Réponse au Traité des
délits et des peines de Beccaria, Na-
ples, 1772, in-8». A— \,
SILVA (Feliciano de), écrivain
espagnol du XVi* siècle, était origi-
naire de Ciudad Rodrigo, et fut his-
toriographe de Chailes-Quint; c'est
à ce peu de détails que se réduit
tout ce que l'on saiî de lui. Il est
auteur d'une composition remarqua-
ble et peu connue qui se présente
sous une forme dramatique, quoi-
qu'elle n'ait probablement jamais été
jouée en public ; elle a pour titre :
La seconde comédie de la fameuse Ce
lestine dans laquelle il se traile de
la résurrection de ladite Cékstine et
des amours d'un cavalier nommé
Fidèle et d'une damoiselle de sang
noble nommée Polandrie. La premiè-
re édition porte sur le frontispice :
Venecia , reimpresso por maestro Ste-
phano de Sabio, 15.36, petit in-8";
elle fait donc supposer l'cxisten'-e
d'une édition plus ancienne, jusqu'à
présent restée ignorée de tous les bi-
bliographes. Une autre édition parut
à Anvers,sans date (vers 1550), in-16.
Ni l'une ni l'autre ne mentionnent sur
le litre le nom de l'auteur, mais Pe-
dro de Mercado, qui fut le correcteur
de celle d'Anvers, nous apprend dans
des vers de sa composition, placés au
commeiuement du livre, que cet au -
teur est F. de Silva. On comprend ce
silence, la rareté de ces deux éditions,
la disparition de la première de tou-
tes, fiite peut-être en espagnol, lors-
qu'on songe que la seconde Célestine
renchérit sur la hardiesse de la pre-
mière {loy. RuxAs, LXXX,y7, et Si>
DENo dans ce vol.). Indépendamment
des images et des expressions peu
SIL
239
décentes qui s'y rencontrent, indé-
pendammen! du lieu où se passe une
partie de l'action et de la très-mau-
vaise société qui rst mise en scène,
on trouve de vives attaques contre
le clergé. Célestine raconte de la part
d'un religieux de l'ordre de la Trini-
té, nommé Echa-ciiervos (Chasse-
corbeaux), une atiecilote lout-à-fait
dans le genre des contes de Boccace
ou de La Fontaine. L'inquisition ne
pouvait plus tolérer des libertés de
ce genre. La Seconde Célestine est di-
visée en quarantescènes, elle est écri-
te en prose; il y a des longueurs, un
grand appareil d'érudition mytholo-
gique, mais elle n'en est pas moins
digne de l'attention des explorateurs
des origines du théâtre moderne. On
chercherait vainement la moindre
mention de cette pièce dans les écrits
de Bouterweck et de Sismoiidi sur la
litléraîure espagnole, et même dans
la savante Histoire (en allemand) de
l'art dramatique en Espagne, par Fr.
de Schulk (Berlin, 1845, in-8"), ainsi
quedansles deux volumesdeiVl. A. de
Piiibus(jue,C(mronnésen l835parl'A-
cadémie française. L'autenr de cet ar-
ticle est le premier (ce lui teinble)
qui ait fait connaître de la Seconde
Célestine autre chose que le titre ; il
en a donné une analyse dans le Bul-
letin du bibliophile belge (Bruxelles,
1845, t II, p. 92-95), d'après l'exem-
plaire qui a apparienii à M. de So-
leinne. Le dernier traducteur fran-
çais de la Première Célestine^ M. Gcr-
niond de Lavigne, dans VEssai his-
torique mis en léie de son travail,
d'ailleurs fort remarquable, a fait er-
reur en prenant les deux éditions ci-
dessus mentionnées d'Anvers et de
Venise pour deux ouvrages distincts,
la Seconde Célestine et la Résurrec-
tion deCélesline qu'il attribue l'une
à F. de Silva, l'autre à Domingo de
240
SIL
Gaztela, lequel n'a fait que corregir
y emendar le texte primitif. Il est à
regretter que M de Lavigne n'ait pas
eu sous les yeux cette comédie; il y
aurait trouvé les matériaux d'un ap-
pendice intéressant à ses recherches
sur la première Célestine; elles sont
l'une et l'autre un recueil de conver-
sations épicuriennes et de traits har-
dis qui contrastent de la façon la plus
frappante avec ce que devint plus
tard le drame castillan, lorsque, sous
la plume des Lope de Vega,desCal-
deron , des IMoreto et de tant d'autres,
il ne donna asile qu'aux plus pures
traditions de chevalerie, de religion
et d'amour désintéressé. F. de Silva
a laissé un autre ouvrage fort en-
nuyeux et fott oublié qui contient
l'histoire d'une des branches de la
nombreuse race des Amadis. Ce roman
de chevalerie est divisé en quatre
tomes et en deux parties ; la première
est intitulée : Chronique des vail-
lants chevalier^s don F loriael de Nicée
et le valeureux Anaxarte, fils du très-
excellent prince Amadis de Grèce{Sé'
ville, 1546; Lisbonne, 156G-, Sara-
gosse, 1568; Taragone, 1584 ; Sara-
gosse, 1584); la seconde a pour titre :
Suite de la Chronique de don Florisel
de Nicée, oii il se traite des grands
exploits de son fils don Roger de Grè-
ce, et d'Agésilas,fils de don Falangès
d'Astra (Séville, 1546, infol.;Evora,
sans date). Il y eut enfin une conti-
nualionconsacrée surtout aurécit des
amours du prince Boger et de la belle
Archisidée(Salamanque,lô51,in-fol.)
D'après l'usage du temps, Silva se
borne à se donner pour le traducteur
des textes écrits en grec par la reine
Ciifée ou par la reine Zinla, ou bien
encore par le sage Galersis. Les nom-
breuses réimpressions de ces écrils
démontrent de quelle vogue jouis-
saient alors en Espagne ces longues
SIL
histoires pleines de grands coups
d'épée et d'enchanteurs, ces merveil-
leux récits qui devaient tourner la
tête du héros de Cervantes. Ils fran-
chirent les Pyrénées; Claude Colet,
JacquesGohorry et Guillaume Aubert
traduisirent successivement les di-
verses portions de l'histoire de Flo-
risel et de sa famille (Paris, 1553,
1556, 1559, in-fol.); mais en France
ces volumineuses compositionsfurent
froidement accueillies. Il existe une
traduction italienne ou plutôt un
abrégé de l'ouviage de F. de Silva,
abrégé qui a été souvent réimprimé
depuis 1551 jusqu'à 1620, mais qui
aujourd'hui ne saurait plus prétendre
à obtenir un seul lecteur. B — n — t.
SILYESTRE DE SACY. Voy.
Sacy, LXXX, 241.
SILVESTRI (le comte Camille),
littérateur italien, né, en 1645, à
Rovigo(l), montra dès sa jeunesse un
goût très- prononcé pour l'étude des
antiquités. Il mit tout son plaisir à
former un riche cabinet de curiosi-
tés, qui faisait l'admiration de ses
compatriotes et des étrangers. Les
autres circonstances de sa vie nous
sont inconnues. Il mourut en 1719,
laissant l'ouvrage suivant qui lui a
mérité, à juste titre, la réputation
d'antiquaire très-distingué : Giuve-
nale e Persio spiegati con la dovuta
modestia, ed illustrati con varie an-
notazioni, Padoue , imprimerie du
séminaire, 1711, in-4o de 910 pa-
ges, avec quelques gravures dans le
texte et à part; réimprimé à Ve-
nise, 1758, 3 vol. in-80; et aussi
dans le Corpus omnium veter. poet.
latinor. cum versione italica, Milan,
(i) Le continuateur de Ginguené, Salfi
( Hist. liltér. d'Italie, XIII, 344), f^'it naître
Silvestri à Padoue. C'est sans doute par er-
reur, car le comte, sur le titre de sa traduc-
tion de JiivfD.il, etc., se dit da Boi'igo.
SIL
SiL
241
1739, in-<o. Comme on le voit par le
mot spiegati i\a {'lire, l'intention du
comte Silvestri n'a pas élé tle donner
une simple traduction, mais une in-
terprétation ou une sorte de paraphra-
se de ses auteurs. Celle de Juve'nal
est en terza rima. Dans celle de Perse
le comte s'est affranchi de la rime,
dont les entraves, dit-il, l'empê-
chaient d'arriver à son but (2). Les
Italiens estiment beaucoup cette ver-
sion interprétative des deux princi-
paux satiriques latins -, mais ce qu'ils
estiment bien plus encore, ce sunt les
notes et les dissertations très-savan-
tes qui l'accompagnent. En effet, elles
contiennent une foule de remarques
curieuses et intéressantes, une mul-
tituded'éclaircissements sur des usa-
ges anciens(3), l'explication d'un
grand nombre d'inscriptions, dont
plusieurs étaient publiées pour la
première fois, etc. En un mol, c'est
une mine de science et d'érudition,
où les archéologues surtout ont pu
et peuvent encore abondamment
puiser. A l'occasion de l'édition de
1758, le Journal étranger, dans son
numéro de juin 1760, a consacré près
de trente pages à l'analyse de l'œuvre
du comte Silvestri. Nous y renvoyons
le lecteur. B — L-u.
SILVIO (Dominique), doge de Ve-
nise de 1071 à 1084, et successeur
(le Dominique Consarini, fut un des
bienfaiteurs de l'Église patriarcale de
Grado. Il donna des secoursaux Grecs
contre Robert Guiscard ; mais sa flotte
ayant été défaite, en 1084, il fut dé-
posé par les intrigues de Vital Fale-
dro qui lui fut substitué. S. S — l.
(2) Voyez su Prefaxiont allt satire di
Persio : elle est en vers, comme celle qu'il
a mise à la tète de JuTéaaI.
(3) Les usages antiques, expliqués par
Silvestri, sont au uomijre de plus de r-o;
les Indice, très-bien faits, en donnent la
nomenclature, etc.
LXXXII.
SILVIO (Jean), peintre, né à Ve-
nise au commencement du XVP siè-
c'e, doit être regardé comme un des
meilleurs artistes de l'école vénitien-
ne. L'inspection de ses ouvrages fait
supposer qu'il fut élève du Titien. Oq
reconnaît surtout le caractère, le style
et la couleur de ce maître dans la
composition pleine d'élégance qu'il
a peinte pour l'église de Piove di Sac-
co, dans la podesterie du Padouan.
Elle représente 5amf Martin sur le
siège épiscopal, ayant à ses côtés les
apôtres saint Pierre et saint Paul.
Trois anges les accompagnent, deux
soutiennent la crosse du prélat; le
troisième, sur les degrés du trône,
joue de la lyre. Il est impossible de
voir une figure plus gracieuse, et le
Titien lui-même n'a rien de plus par-
fait que les deux autres pour le na-
turel et le goût. Ce tableau a été peint
en 1532. Il existe un assez grand
nombre de peintures du Silvio dans
tout le Trévi.san. P — s.
SILVY (Louis), qu'on pourrait
appeler le dernier solitaire de Port-
Royal, naquit à Paris le 27 novem-
bre 1760, d'une famille de magis-
trature, vouée probablement depuis
long-temps aux opinions et aux tra-
ditions jansénistes. Son père était
conseiller du roi et auditeur à la
chambre des comptes; il lui suc-
céda dans cette charge. Plusieurs
familles de la capitale avaient jadis
une affection particulière pour les
religieux de la congrégation de
Saint-Maur, moins encore par véné-
ration pour la science qu'on voyait
fleurir dans cette corporation que
par sympathie pour les opinions re-
ligieuses qui y dominaient. Ce fut,
nous en sommes persuadé, ce mo-
tif qui détermina les parents du
jeune Silvy à mettre son instruction
sous lu direction de Dom Deforis
16
5/»2
SiL
bénédictin des Blancs -Manteaux,
savant laborieux, régulier, mais en-
taché malheureusement des idées
nouvelles. Quand même Silvy n'au-
rait pas puisé à la mais ni paternelle
les idées jansénistes dont il devint
si chaud partisan, le commerce du
bénédictin vénéré eût suffi pour y
porter son âme ardente (1). Il prit,
sous la conduite de D. Deforis, des
sentiments chrétiens, reçut une édu-
cation austère et une instruction
remarquable sous le rapport des
connaissances religieuses. Il aida
mêaie son maître pour l'édition sys-
tématique des œuvres de Bossuet,
que Lequeux avait commencée.
Peut-être dut-il à l'exemple et aux
leçons de D. Deforis l'avantage de
ne pas donner dans les principes et
dans les erreurs de la révolution,
où ses idées jansénistes devaient
pourtant nalunllement et logique-
ment l'entraîner. Nous croyons qu'il
fut tout-à-fait opposé à l'église con-
stitutionnelle. Les changements arri-
vés dans l'État le privèrent de sa
charge; il eut sa part des dangers
que couraient dans ce temps tous
les honnêtes gens et surtout ceux
qui possédaient quelque fortune.
Alors, en homme religieux et rési-
(l) Oa sait que M. Silveslre de Sacy
puisn aussi dans la fréquentation de Saint-
Gennain-des-Prés et la conversation de dom
BertLfieau uu attacbement au jansénisme
dont il ne se défit jamais entièieraeut. Puis-
que nous rappelons *on nom dans cette cir-
constance, nous émettrons i<i une opinion
qui u'a pas d'autre poids qu'une coujectui e,
mais que nous croyons fondée. On a écrit
que le célèbre solitaire Isaac Le Maistre,
traducteur de la Bible, etc., avait reçu le
surnom de Saci , qui le distinguait de ses
frères, de la décom[)Oiition de sou prénom
Isaac. Nous croyons que les parents du
jeune Sylvestre (Antoine-Isaac) lui donnè-
rent aussi le surnom de Sacy (Saci) de l'a-
nagramme de son préuom Isaac, en souve-
nir du (ameux solitaire de Port-Royal.
SIL
gne aux décrets de la Providence,
Silvy, comme il le fit toujours
depuis, consacra son temps à l'é-
tude de la religion et aux œuvres
de la charité. Il était secondé et
devancé dans cette pratique de la
bienfaisance par une femme qui
partageait tous ses sentiments, et
qui l'autorisa même à vendre ses
bijoux pour soulager les pauvres.
Cette femme , qu'il avait épousée
avant le temps de la Terreur, était
Rosalie-Thérèse Boudet, d'une fa-
mille bourgeoise, engagée aussi dans
la magistrature et également dans
les opinions janséniennes. Elle était
be.iucoup plus jeune que lui, et ce-
pendant il la perdit au bout de quel-
ques années d'une union heureuse;
elle mourut en 1809, à peine âgée
de trente-deux ans. Membre et se-
crétaire de la fabrique de Notre-
Dame-des-B!ancs - Manteaux , Silvy
ne se bornait pas à celte fonction
pieuse et charitable; il était en même
temps commissaire des pauvres; il
se livrait aussi a des études et à des
lectures sérieuses, ayant spéciale-
ment pour objet les matières ecclé-
siastiques. Plus conséquent à ses
principes que d'autres laïques, qu'on
a vus, en petit nombre, se passion-
ner, par esprit de parti, en ces
derniers temps, pour des études du
même genre, Silvy menait la vie
d'un pénitent et d'un solitaire, réci-
tait tous les jours l'office de l'Église,
jeûnait tous les vendredis, et, jus-
que dans ses dernières années, cou-
chait sur une simple paillasse. Nous
l'avons vu presque octogénaire se
rendre à la métropole, en hiver, pour
assister aux matines des chanoines,
qui se célébraient à sept heures
du matin, avant que l'arcliuvcque,
M. Affre, eût supprimé une partie
de l'office canonial, au grand d('plai-
. SÎL
sir des chanoines les plus réguliers et
des pieuxcalholiques.Comuie tous les
jansénistes, il gémissait sur ce qu'ils
appellent les maux de i'Église. Dans
ses principes de rigorisme il s';if-
fligeaii aussi, et avec plus de raison,
sur les maux réels, sur le peu de
discernement que le très-grand nom-
bre des prêtres apporte dans l'ad-
mission aux sacrements; du peu de
foi manifestée dans leur adixiinislra-
lion, faite, trop souvent, sans gra-
vité; de la précipitation et de la
routine dans la célébration de la
sainte messe. Port-Royal lui arra-
chait des soupirs moins légitimes;
le souvenir de cette maison était vi-
vement gravé dans son âme. Au mois
d'octobre de l'année 1809, année
centenaire de la dispersion des reli-
gieuses, Silvy, en compagnie de
nombreux pèlerins, alla visiter les
ruines de ce monastère , et là , il
aura sans doute donné cours à sa
verve et à sa douleur. Une autre
époque, celle du 8 septembre 1813,
centième anniversaire de la bulle
Unigenilus, donnée par Clément XI
contre les erreurs du livre de Ques-
nel, anima le zèle de Silvy, partisan
et apologiste des appelants, et lui
fournit l'occasion d'une scène fana-
tique et ri licule. Dans une réunion
d'amis jansénistes il prononça trois
discours ; dans les deux premiers, il
dévuila à sa façon les moyens à l'aide
desquels ce décret avait obtenu ce
qu'il appelait une apparence d'ap-
probation générale. Il avait, après
cent autres depuis un siècle, un ta-
bleau bien pathétique à faire sur les
infortunes de tant de récalcitrants,
qui avaient préféré une vie errante
à l'obéissance à l'Église. Ce n'est pas
que tous, dans cette existence no-
made, aient été trop malheureux
chez leurs adeptes; mais que de
SIL
243
belles phrases a faire! Dans son
troisième discours, qui a été im-
primé depuis, il saluait, comme tous
les fanatiques de son bord, l'entrée
prochaine des enfants d'Israël dans
le sein de l'Église. Une des folies de
Bonaparte avait été d'amener à Pa-
ris les archives du Vatican; Silvy
obtint de les consulter, et ses soins
furent d'y chercher quelque chose
contre les jésuites. Avec quelle
sainte indignation vit-il que ces re-
ligieux, et le doucereux Fénelon
avec eux, avaient soufflé le feu de
la persécution contre les prétendus
jansénistes! Que de belles choses
n'y trouva-t-il pas contre l'odieuse
bulle Unigenitus! Il puisa, copia,
collationna, dit-on, quelques pièces
dont ses co-religionnaires promet-
tent ou menacent d'enrichir un jour
la littérature, la diplomatie et l'his-
toire. Peu de temps après il com-
mença pourtant à écrire, à publier
quelques opuscules, toujours dans
le sens de ses affections et de ses
préoccupations. Ainsi, on le vit
prendre le parti de quelques jansé-
nistes du diocèse de Lyon , à qui
leurs actes de schisme attiraient des
désagréments; attaquer, comme
nous l'avons dit nous-même à l'ar-
ticle Picot, les mémoires ecclésias-
tiques de cet auteur. Silvy faisait un
plus juste et plus digne usage de ses
bons désirs et de son zèle en cher-
chant à combattre l'incrédulité par
d'énergiques protestations contre les
nouvelles éditions des œuvres de
Voltaire et de Rousseau, et au sujet
du nouveau fronton de l'ancienne
église Sainte-Geneviève. Mais ce qui
souleva surtout son indignation fut
le rétablissement des jésuites en
France. Quel alfreux spectacle pour
Silvy qui tant de fois avait béni leur
suppression et les regardait comme
16.
24i
SIL
SIL
anéantis pour toujours! H mit tout
en œuvre pour offrir aux yeux de la
géue'ration actuelle les couleurs dont
on les peignait jadis. Le fameux
Martin {voy. ce nom, LXXllI, 246)
vint dans les premiers temps de la
Restauration donner un supplément
d'espérance à tous ceux qui se nour-
rissaient de chimères. Silvy fut une
des premières et des principales du-
pes de ce fuurbe; il le reçut chez
lui, et, voyant l'œuvre de Dieu dans
les prétendues révélations de cet
homme (2), il se donna le mérite de
les publier; peu s'en fallut, à cette
occasion, qu'il n'encourût la peine
de la prison en police correction-
nelle, où il avait été traduit. Bien
entendu qu'en publiant les révéla-
tions de Martin, Silvy chercha en-
core à servir son parti de prédilec-
tion, au moins d'une manière indi-
recte, et l'on put soupçonner que le
jansénisme était le mobile de cette
œuvre. Nous donnons en note une
preuve de ce fait peu important,
mais qui mérite d'être connue. Ce
genre avait d'ailleurs une sorte d'at-
(v.) Silvy est resté persuadé jusqu'à la fia
<lu suruaturel des coniniuuications dont se
liaUail Martin, et il nous dit un jour à Fort-
Royal que cet homme avait fait comme
Jeauiie d'Arc, et avait dépassé sa mission.
Quand la publication des Révélations excita
les couversutions et les commentaires, nous,
tres-jeune alors, basions notre incrédulité
sur quelques points dont l'uu était les com-
munions peu fréquentes de cet homme pré-
féré de Dieu. Un prêtre émigré, et qui n'est
rentré eu France que depuis cette époque,
nous dit qu'eu Auglcterre les catholiques
avaient soupçonné, eu voyant le coutenu de
ce recueil, qu'il était une invention et une
tactique des jauséuistes. Assurément, ce
prêtre et ceux qui avec lui portaient ce ju-
gement plus ou moins fondé ne savaient
pas que Silvy en était l'éditeur. Martin sen-
rit plus tard le tort que ferait à son affaire
cette alliauce avec les jansénistes, et osa
nier qu'il eût eu des rapports avec eux.
Martin meutait, et Silvy nous a dit à nous-
même que Martin avait logé chez lui.
trait pour Silvy, et son œuvre la plus
volumineuse, celle qu'il a intitulée :
Eatraits des discours de piété et
donnée en cinq volumes (1822),
n'est que le fruit des improvisations
d'une dévote du parti, nommée ma-
demoiselle Fronteau. Il pensait que
c'était peut-être la partie la plus
merveilleuse de cette série de mi-
racles qui, suivant lui, ont signalé
plus de la moitié du dix huitième
siècle. Les instruments de celte œu-
vre étaient tous réunis dans une
pensée principale, qui était d'exhor-
ter les fidèles de ce dernier temps
à la pénitence (idée toujours excel-
lente), et d'appeler à grands cris l'a-
vénement du prophète Élie, dont on
peut dire qu'ils furent les hérauts.
Les pauvres jansénistes n'ont plus
d'autre espérance, et Silvy, pendant
les vingt-cinq dernières années de
sa vie, faisait de cette œuvre l'un
des principaux objets de son atten-
tion; il y attachait une grande im-
portance et allait jusqu'à se faire un
mérite devant Dieu de la publication
de ces volumes pleins de discours
fanatiques. Son bon sens naturel lui
faisait pourtant voir, comme il l'a-
vait découvert à quelques autres de
son parti, que le phénomène de cet
avènement d'Élie était bien nua-
geux. Héroïquement généreux dans
ses actes de chariié, Silvy, le jour
même, où, en l'année 1824, il perdit
sa uière presque centenaire, disposa
par testament, en faveur des pau-
vres, d'une portion notable de la
fortune qu'elle lui laissait. Peu après
il se désista de l'usufruit des biens
de sa femme. Nous voulons signaler
aussi dans Silvy une disposition
trop rare et trop louable pour u'ctre
pas connue. 11 portait la délicatesse
de conscience jusqu'à rechercher
l'origine des biens qui lui étaient
SIL
SIL
245
échus par succession , dans la
crainte qu'ils ne fussent pas tous
des fruits de justice, et tâchait de
réparer par des dons et des offran-
des les fautes dont certains mem-
bres de sa famille avaient pu, sui-
vant lui , se charger devant Dieu
dans des circonstances à lui con-
nues. Il eut notamment la pensée de
faire quelques legs à la paroisse
Saint-Eustache, oii trois de ses pa-
rents s'étaient succédé comme cu-
rés, craignant, disait-il, qu'il n'y eût
dans cette succession à une même
charge ecclésiastique de trois hom-
mes d'une même famille et du même
nom quelque chose de contraire
aux règles canoniques. Néanmoins, il
n'en est point fait mention dans son
testament ; peut être a-t-il rempli
cette intention de son vivant, car il
voulait, comme il le répétait sou-
vent, se dépouiller de ses biens de
son vivant, et ne pas attendre que la
mort l'y forçât. Il avait à cœur une
chose qui, étant réalisée, lui fut
fort agréable, ainsi qu'à tout le parti.
En 1826, il devint locataire des rui-
nes de l'abbaye de Port-Royal-des-
Champs; peu de temps après il s'em-
pressa d'acquérir cette propriété et
quelques dépendances. Il se félici-
tait de cette acquisition, car, «sans
cela, disait-il à l'un de nos amis, la
maison serait tombée en de bien
mauvaises mains! — Et quelles
mains donc? — Celle de M. l'évê-
que de ***. • Il chercha bientôt un
moyen de perpétuer dans la contrée
les principes qui lui étaient si chers,
en établissant des écoles pour les
enfants. Ainsi, en 1829, il fonda une
école de garçons en la paroisse
Saint -Lambert, et la donna aux
frères dits de Saint-Antoine. Il fit la
même chose, en 1835, à Magny, com-
mune sur laquelle se trouvent si-
tuées les ruines de Port-Royal. Dans
ces deux localités, il établit aussi
des écoles distinctes pour les jeunes
filles. 11 ne borna pas là ses œu-
vres de bienfaisance; il concourut
à payer la pension de quelques en-
fants pauvres et orphelins, secourut
des vieillards et aida à orner les
églises. Par suite d'une heureuse
habitude dans les fauulles chré-
tiennes qui ont gardé les mœurs
patriarcales, habitude trop rare de
nos jours, Silvy, à Port-Royal, réu-
nissait près de lui, matin et soir, les
ouvriers et les domestiques qu'il
employait , et faisait avec eux la
prière et des lectures de piété. Il leur
prêchait aussi la nécessité, pour les
chrétiens de toutes les classes, de
cesser les travaux manuels les diman-
ches et fêtes. Il passait la belle sai-
son à son cher Port Royal, et y avait
commencé des travaux de réparation
et d'assainissement. Pour perpétuer
le souvenir topographique de l'église
de l'abbaye, dont au reste il existe
plusieurs gravures, il fit construire
un oratoire à la place qu'avait oc-
cupée l'autel principal et le chœur
du chapelain. Dans cet oratoire sim-
ple et modeste, on voit le portrait
du grand Arnauld et des vers à sa
louange, etc.,- le chœur des religieu-
ses et les subdivisions de la nef en
bas-côtés sont tracés par des peu-
pliers plantés en ordre (3). Ces lieux,
ravivés par Silvy, étaient et sont en-
core visités par les dévots zélés du
(3) Depuis que ceci est écrit, les Frères de
Saint- Antoine, dits aussi Tabourins, héritiers
de Port-Royal, que Silvy avait cédé moyen-
Dant un viager, ont fait transporter ailleuis
les t;il)leaux de l'oratoire et restaurer large-
ment la maison de Silvy. Le duc de Lnynes
a fait aussi pratiquer des fouilles dans le
chœur des religieuses, ce qui a changé ce
que nous disuus duus cet article de la dis
position des lieux.
246
SIL
parti qui y vont en pèlerinage (il y
a même un volume publié ad hoc par
l'abbé Gazagne). Les frères de Saint-
Antoine, à l'époque de leurs vacan-
ces, y raniment leur piété en récitant
l'office des saintes reliques; les ar-
dents d'Argcnteuil y viennent prier
avec plus de simplicité et de cou-
rage. Un des ouvriers du lieu nous
répétait ce qu'il- avait entendu dire à
Siivy, édifié du zèle et de la péni-
tence de ces bonnes gens : Eh bien !
le curé d'Argenteuil prêche-t-H tou-
jours contre les jansénistes? Les
souvenirsde Port-Royal attirent aussi
dans ces lieux et aux Granges des
pèlerinsd'un autre genre. Nous avons
nous-même visité plusieurs fois ces
ruines célèbres, et, lors de notre pre-
mier voyage, nous fûmes reçu par
Silvy, qui nous témoigna une poli-
tesse mêlée de méfiance et de curio-
sité, méfiance ou réserve que notre
caractère de prêtre semlîla aug-
menter quau'l il le connut. Nous vî-
mes, d;ins la maison qu'il a fait con-
struire, la chambre principale toute
pleine de souvenirs jansénistes, au
pointqu'on eût pu deviner et l'homme
et le lieu (4). Dans un coin de cette
chambre en désordre on voyait dans
une cliâsseun busteen cire, représen-
tant la mèreAngéliqueaveclecostume
de son ordre; sur la table et les meu-
bles, de petits imprimés, contenant
des extraits de gémissements ou dis-
cours sur Port-Royal, et surtout des
(4) A Paris, Silvy avait aussi donné uue
preuve saillante de son adaiiration fanati-
que pour tout i-e qui tenait, de près ou de
loin, à Port-Royal et à son parii. De concert
avec M. J-ivry, avocat, qui est possesseur ou
locataire de la maison qu'liabitait le diiicre
Paris, rue des Bourguignon;, au f^iuboiirg
Saint-Marceau, il a établi dans cette maison
un musée composé d'objets qui ont élé à
Port-Royal, ou qui ont ajipartenu aux célè-
Incs amis de la vérité, etc., et des reliques
des saints jauséuistes.
SIL
gémissements d'une demoiselle de
compagnie, qui n'est peut-être autre
que cette demoiselle Fronteau, dont
nous avons parlé ci-dessus. A l'entrée
de la cour, à droite, ou voit encore
la maison habitée, dit-on, par S.
Thibault, qui a été directeur des re-
ligieuses, primitivement dépendantes
de l'abbaye de Savigni ; puis une au-
tre maison habitée parle fermier. Le
reste de l'enclos n'avait pas encore
excité le zèle de Silvy, et nous eûmes
un jour quelque peine à retrouver
dans la prairie la fontaine de la mère
Angélique, cachée par l'herbe. Cette
description et ces détails minutieux,
que nous donnons à dessein, auront
leur genre d'intérêt pour une cer-
taine classe de lecteurs. Silvy nous
dit qu'il avait pris ses précautions
pour qu'à sa mort Port-Royal appar-
tînt à des gens qui pussent l'appré-
cier. Nous soupçonnions, en faisant
notre question, la disposition qu'en
effet il a prise. Il habitait, h Paris,
place Dauphine; mais depuis deux
ans sa maison de Paris était riieCha-
noinesse, et il était retenu à Port-
Royal par ses infirmités et gardait la
chambre; de là il jetait les yeux sur
la croix qu'il avait fait relever dans
l'ancien cimetière des religieuses (le
préau du cloître) et demandait à Dieu
quelque part des dons répandus, di-
sait-il, avec tant de profusion dans le
désertdonl il contemplait les ruines.
Parvenu à l'âge de quatre-vingt-six
ans, Silvy mourut à Port-Royal le 12
juin I8n, et fut, suivant son dé-
sir exprimé par testament, inhumé
dans le cimetière de Saint-Lambert,
près des restes des anciens solitaires
de Port-Royal. Une affiiience consi-
dérable de jansénistes et de pau-
vres, etc. assistait à son convoi. Ou-
tre les cinq volumes dont nous avons
parlé et qui sont le plus étendu de
SIL
SIL
247
ses ouvrages, Silvy en a publié plu-
sieurs autres. Nous connaissons les
suivants : l. La vérité de l'histoire
ecclésiastique rétablie par les monu-
ments authentiques, contre le système
d'un livre intitulé : Mémoires pour
servir à I histoire ecclésiastique pen-
dant le XV11I« siècle, par M. S***,
ancien magistrat , Paris, décembre
1814, in-S". Il faut que Silvy ait eu
fort à cœur de répondre, car sa bro-
chure ne devait plus avoir le charme
de la nouveauté contre des mémoires
que Picot avait publiés en 1806; ce
ne fut qu'en 1816 que ."parut la se-
conde édition. 11. Première lettre à
l'auteur des Mémoires pour servira
l'histoire ecclésiastique pendant le
XVIII^ siècle. Cette lettre peut servir
d'avis aux souscripteurs de cet ou-
vrage et aux abonnés du journal
du même auteur. On y a jointe etc.,
parM.S**\ancienmagislrat,?iiir'\s,
1815, br., in-8°. C'est un manifeste
contre la 2® édition et contre VAmi
de la religion. III. Les véritables
Sfntiments de Bossuet rétablis par les
manuscrits originaux et atitres té-
moignages irrécusables, en ce qui
concerne un point historique très-
important dont traite M de Uausset,
auteur de la vie de ce grand écêque;
Paris, 1815, in-S^. IV. Les jésuites
tels qu'ils ont été dans l'ordre poli-
tique, religieux et moral, Paris, 1815,
in-8°. V. Du rétablissement des jé-
suites en France, Paris, 1816, in-8°.
\l. Éclaircissement au sujetdes dépê-
ches du prince-régent de Portugal,
concernant les jésuites, envoyées à
son ministre à Rome, Paris, 1816,
in-S" .\ II. Les fidèles catholiques aux
évêques et aux pasteurs de l'Église
de France, au sujet des nouvelles
éditions des œuvres de Voltaire et
Rousseau., Paris, 1817, iu-8". VIII.
Relation concernant les événements
qui sont arrivés à un laboureur de
la Beauce dans les premiers mois de
1816,Paris,18l7,in-8''. W.HenrilV
et les jésuites, suivi d'une Disserta-
tion sur la foi qui est due au témoi-
gnage de Pascal dans ses Lettre»
provinciales, Paris, 1818, in-8". X.
Avis important sur les nouveaux
écrits des modernes ultramontains et
des apologistes d'une société renais-
sante, Paris, 1818. XI. Difficulté capi-
tale, proposée à M. l'abbé Frayssi-
nous au sujet de son livre intitulé :
Les vrais principes de l'église galli-
cane, Paris, 1818, in-8°. XII. Plainte
en calomnie et diffamation contre un
journaliste qui se qualifie l'Ami de
la Religion et du Roi, oii l^on éclair-
cil un point historique concernant
le pape Grégoire VII et nos libertés
gallicanes, avec une Observation
sur l'importance et le fondement des
quatre articles du clergé de 1082
contre le système des gallicans d'opi-
nion, par M. Silvy, ancien magistrat,
Paris, 1818, in-8°. XUI. Discours sur
les promesses renfermées dans les
Écritures et qui concernent le peuple
d'Israël, Paris, 1818, in-8''. XIV.
Quelques réflexions d'un vieux
croyant catholique sur le change-
ment des sculptures, emblèmes et fi-
gures faits au frontispice du Pan-
théon, ci-devant l'église de Sainte-
Geneviève, 1818. XV. Articles rela-
tifs à lu religion, extraits du Jour-
nal du Commerce, dans les premiers
mois del'an 181 8(du 4 janvier au 4 no-
vembre), Paris, 1818, in-8''. On lit, à
la lin de cette brochure: « Je certilie
que les articles ci-dessus sont tidè-
leinent extraits du Journal du Com-
merce. Le cardinal de la Luzerne. •
On voit combien la plume de Silvy
fut féconde en cette année ^ il est
vrai que ses publications n'étaient
(iiie dos brochures, XVi. Doléances et
248
SIL
pétitions des (idèles persécutés dans
le diocèse de Lyon aux honorables
membres de la chambre des pairs et
de celle des députés, où l'on fait voir
une foule d'actes de schisme qui
s'exercent depuis quinze ans dans un
grand noaibre de paroisses du dio •
cèse de Lyon, etc., Paris, 1819, in-S".
XVII. Réponse à l'Ami de la religion
des jésuites, où l'on expose les cau-
ses véritables de leur suppression,
d'après le bref de Clément XIV,
qui les a abolis, et d'après une
lettre officielle du cardinal de Ber-
nis, que l'on oppose à la bulle de
Pie Vil qui les a rétablis, par M.
S***, ancien magistrat, Paris, 1819,
in-8". XVIII. Réponse à Vapolo-
giste des ultramontains,qui se dit
VAmi de la religion et du roi, où
l'on démontre, par des pièces authen-
tiques, que l'on n'a pas cessé de main-
tenir au delà des monts la doctrine
contraire au premier de nos quatre
articles, rempart de nos libertés gal-
licanes, par M. S***, ancien magis-
trat, Paris, 1819, in-8''. XIX. Eclair-
cissements de plusieurs faits relatifs
à la persécution qui a lieu dans une
partie du diocèse de Lyon , extrait
de la Chronique religieuse, Paris,
1820, in-S». XX. Relation des faits
miraculeux concernant la révérende
mère Emmerich, religieuse du cou-
vent des Augustines de Dulmen en
Westphaiie, avec les témoignages qui
constatent ces faits, subsistants de-
puis plusieurs années, Paris, 1820,
in-8°. XXI. M. S**', ancien magis-
trat, à l'auteur de l'écrit intilulé :
Lepasséet V avenir expliqués par des
événements extraordinaires arrivés
à Thomas Martin, laboureur de la
Beauce, in-8°. C'est une suite et dé-
fense des opinions insérées dans l'ou-
vrage cité ci-dessus sous le numéro
VIII, etdontSilvy donna une nouvelle
édition en novembre 1830, puis une
troisième en janvier 1831. Dans cette
suite, Silvy se justifie mal du repro-
che qu'on lui avait fait d'avoir publié
cette Relation, malgré sa promesse de
ne pas le faire. Presque tous ces ou-
vrages ontétéimprimés par A.Égron,
qui semblait être l'imprimcurdu parti
et qui en professait les opinions. On
peut encore attribuer à Silvy d'au-
tres publications de ce genre, par
exemple les Observations sur les ca-
lomnies que l'on arépandues et qu'on
renouvelle encore de nos jours contre
lemonastère et l'écolede Port-Royal,
oii l'on répond, etc., brochure in-12
de 18 pages, imprimée aussi par A.
Egron ; Remède unique aux maux
de l'Eglise et de l'État, par un curé
de campagne, Paris, 1816; 4^ édit.,
1817, in-12. Suivant B.irbier {Dict.
des anonymes), cet écrit aurait pour
auteur un M. Jacquemont, et Silvy
n'en serait que l'é liteur. On a encore
de lui lÊlogedeM. l'abbé Uautefage,
ancien chanoine d'Auxerre, prononcé
dans une réunion de ses amis et de
ses élèves, Paris, 1816, in-8». Ainsi
que nous l'avons dit ci-dessus, il
avait aidé D. Deforis dans son tra-
vail pour l'édition des OEuvres de
Bossuet, commencée par Lequeux,
et que ce bénédictin était chargé de
continuer. Les tables du 13^ et du U®
volume avaient été dressées par
Silvy; elles n'ont point été impri-
mées. Silvy chérissait fort la société
des instituteurs dite des frères de
Saint-Antoine, et qui s'appelait elle-
même des écoles chrétiennes {jj). 11 lui
(5) Cette société de frères, établie pour
l'enseignement primaire, est peu connue.
L'auteur de cet Jirtiile leur consacrera un
chapitre dans le supj)lémeiit à VHisioire det
ordres nwiiasltques, par le V. Hélyot, dont il
donne une nouvelle édition augmentée, et
dont les premiers volumes viennent de pa-
raître.
SIM
SIM
249
a laissé le domaine de Port-Royal, ce
qui aidera à soutenir le parti et cette
société enseignante, car nous croyons
les fonds de la boite à Péretle si bas
actuellement, que nous attribuons au
manque de ressources la vente de la
bibliothèque que fit cette association
il y a peu d'années (6). Par reconnais-
sance et par sympathie, le frère *** a
consacré un éloge historique à Silvy
dans la Revue ecclésiastique, iotirnail
mensuel auquel il donnait, ainsi qu'un
ou deux de ses confrères, sou con-
cours sous la direction de M. R***,
etc., et dont il était principal rédac-
teur (7). Silvy prenait grand inté-
rêt à cette Revue, et gémissait sans
doute de ce que son grand âge le pri-
vait d'y travailler, quoique nous
croyions qu'il y a eu part dans les
commencements Ses forces ne lui
laissaient plus, depuis quelques an-
nées, la consolation de se rendre
avec les jansénistes à la procession
en mémoire de la guérison de ma-
dame Lafosse. qui se fait encore, le
croirait-on, tous les ans, à Sainte-
Marguerite! S'il était possible de sup-
poser les jansénistes de bonne foi,
on mettrait à leur tête Silvy, dont
les vertus privées, le zèle, les bons
sentiments chrétiens étaient dignes
d'une meilleure cause. B— d— e.
SIMÉOiV(JosEPH-SEXTius), juris-
consulte, naquit à Aix, en Provence,
les mai 1717, d'une famille du bar-
reau, fut reçu avocat au parlement
le 17 juin 1737, et ne tarda pas à se
faire remarquer par de nombreux
(6) Les f: ires de Saiut-Autoine ou Ta-
bourins ont étJthli un petit pensionoat d'in-
stiiicliou primaire a Port-Roval, en mal
18/,.). ^
(7) Celte Revue, qui av;iit peu iJ'ahonnés
et qui ii'rtait qu'un apostolat jan^(■•^iste, a
cessé de paraître a la révolutiou de février
1S48.
succès, qui lui valurent, en 1748, la
chaire de droit à l'université d'Aix.
11 fut ensuite nommé, en 1754, syndic
de la noblesse. En 1764 et 1765, il
remplit la charge d'assesseur d'Aix
et procureur du pays de Provence, et
le 8 janvier 1782 il fut reçu secré-
taire du roi en la chancellerie pour
le parlement de Provence, fonction
dans laquelleil montra autant de zèle
que de capacité, tout en continuant
d'exercer la profession d'avocat, où
il se créa une grande renommée ,
grâce à un beau talent oratoire e1 k
une connaissance approfondie des
lois. D'une probité , d'une aménité
parfaites, il jouissait de l'estime pu-
blique, lorsque la mort le frappa le
6 avril 1788. L'avocat Aiphéran et
M. de Montineyan prononcèrent à
cette occasion de touchantes paroles
au parlement. Sa fille aînée avait
épousé M. Portalis. Son second fils,
Pierre-Antoine Siniéon , mourut ca-
pitaine du génie, le 20 septembre
1790. C-H— N.
SIMÉON (Joseph Jérôme), légis-
lateur et ministre d'État, fils aîné du
précédent, né à Aix, le 30 sept. 1749,
commença ses études dans sa ville
natale, au collège des jésuites, et les
termina à Paris, à celui du Plessis,
où il eut pour professeur l'abbé Ma-
rie, depuis sous-précepteur des ducs
d'Angoulême et de Berry. Destiné à
suivre la même carrière que son père,
il revint à Aix faire son droit, et à
vingt ans il fut reçu avocat. Son
début fut brillant et il devint, en
quelque façon, l'émule de son père,
auquel on l'adjoignit, avec survivan-
ce, dans sa chaire de droit. Assesseur
et procureur de 1782 à 1784, il se
distingua par une rare capacité. Son
administration fut ce qu'avaient été
celles de sou père et de son beau-
frère Portalis, pleine d'habileté et
250
SIM
SIM
de prudence. Lorsque la révolution
e'clata, sans s'en déclarer l'adversai-
re, il ne s'en montra pas le partisan;
mais quand la constitution civile du
clergé fut décrétée, il refusa d'y prê-
ter serment en sa qualité de profes-
seur de droit. Les journées du 31 mai
et du 2 juin 1793 et les excès des ter-
roristes du Midi, eii amenant la coa-
lition de plusieurs déparlonient«, le
forcèrent à sortir de la rciraile où
il s'étaitcondné. Élu membre de l'as-
semblée féiléralistc que les provinces
insurgées voulurent opposer au des-
potisme conventionnel, il ne crut
pas devoir accepter. Ses concitoyens
l'ayant nommé plus tard procureur-
syndic du département, il comprit
qu'il ne lui était plus permis de se
soustraire à cette marque de con-
fiance. Tous ses efforts tendirent à
tempérer les passions exaltées, à
maintenir l'ordre au milieu du dés-
ordre. Dans une proclamation adres-
sée aux Français, il disait : • Le peu-
ple des Bouches-du Rbône, ausi-i in-
digné de Tanarchie qu'il l'avait été
du despotisme, veut rendre à la Ré-
publique son unité, à la Convention
son indépendance, à la nation le bon-
heur qu'elle est encore réduite à dé-
sirer après quatre ans de travaux ,
de sacrifices et d'épuisements. Si la
souveraineté du peuple est sou pre-
mier dogme, la nécessité et l'obser-
vance de la loi doivent être le second.
Le respect des personnes et des pro-
priétés est la base de sa foi politique;
car, tout comme il n'y a pas de sou-
veraineté sans obéissance, il n'y a
point de pacte social sans garantie.»
L'insurrection des départements du
Midi ayant succombé , Siméon fut
mis hors la loi. Il quitta Marseille la
veille de l'entrée des troupes conven-
tionnelles et se réfugia en Italie. Il
habita Pise, Livuurne, et après le 9
thermidor, amnistié par les décrets,
il put rentrer en France. A peine ar-
rivé à Marseille, les commissaires de
la Convention , Isnard , Cadroy et
Chambon , lui enjoignirent de re-
prendre les fonctions de procureur-
syndic, sous peine d'être réputé mau-
vais citoyen. C'était une tâche bien
diflicile ; il fallait arrêter !a réaction,
mettre un frein aux vengeances, cal-
mer les esprits. Sa conduite, dans
cette circonstajice, suffirait pour ho-
norer sa vie. Il y déploya une fermeté
conrageuse et parvint à arrêter de
sanglantes représailles en dénonçant
à l'indignation publique 'Ces actes
atroces de vengeance que la loi con-
damne, » en reprochant « aux enne-
mis et aux victimes du terrorisme
d'imiter ce qu'ils avaient voulu pu-
nir et d'avoir aussi leurs massacres
de septei^bre.' Lors de la constitu-
tion de l'an III (1795) , il fut élu
député au conseil des Cinq -Cents.
H y avait dans le corps législatif
deux partis fort distincts : le premier,
composé d'esprits ardents, débris de
la Convention , et qui avaient pris
p irt à tous les excès, à tous les cri-
mes de cotte assemblée, voulait, à
tout prix, la conservation de la Ré-
publique, dût-on y arriver par la vio-
lence et les massacres; le second était
celui des homuies sages qui désiraient
le rétablissement de l'ordre, lors mô-
me qu'un gouvernement monarchi-
que en deviendrait la conséquence.
Cette opiniun compta naturellement
Siméon pour un de ses défenseurs,
avec Portails, Pastoret , Miirairc,
Boissy d'Anglas, Barbé-Marbois, etc.
Dans la lutte animée qui s'enga-
gea au milieu des conseils, Siméon
parut toujours en première ligne
sans tenir compte des périls aux-
quels pouvaient l'exposer ses prin-
cipes nj'idérés. Le. 9 nov. 179j, il parla
SIM
SIM
251
sur les assassinats qui se commet-
taient dans le Midi, et accusa Fre'ron,
commissaire du Directoire, d'y entre-
tenir l'agitation par des mesures
acerbes. Son discours fit sensation,
et dès ce moment il devint l'objet des
attaquesde la presse révolutionnaire.
Dans une adresse des jacobins de
Toulon, on l'accusa de complicité
dans la reddition de cette ville, puis
d'émigration. Lors de la consi)ira-
tion royaliste de La Viileurnoy, on
trouva dans ses papiers une lisle de
futurs ministres de Louis XVIII où
Siméon était désigné pour le mi-
nistère de la justice. Il lui fut aisé
de prouver qu'il n'avait eu aucune
part à la formation de cette liste,
et que son nom y avait été porté à
son insu, comme ceux de plusieurs
autres membres des conseils. Ce fut
dans ce temps qu'il s'occupa de l'or-
ginisation judiciaire, où l'on peut
dire qu'il apporta de grandes lumiè-
res, principalement sur la contrainte
par corps, sur les successions, le ju-
ry, la liberté de la presse, le droit
criminel, etc. Nous devons dire ce-
pendant que ce fut sur son rapport
(26 oct. 1796) que le conseil des
Cinq-Cents passa à l'ordre du jour,
relativement au message du Direc-
toire en faveur de l'infortuné Lesur-
ques {voy. ce nom, LXXI, 420). Le
discours que Siméon prononça con-
tre le divorce, ce mortel et terrible
remède des mauvais mariages,
ainsi qu'il l'appelle, fut pour lui
un véritable triomphe ; Chéiiier et
de Maistre l'ont luué d'un com-
mun accord, comme un des plus
beaux morceaux de l'éloquence par-
lementaire. Aux élections de l'an V
(1797), le Directoire, pour écar-
ter les électeurs royalistes , ayant
proposé de leur faire prêter serment
de haine à la royauté. Siméon s'y op-
posa vivement. Ainsi qu'on l'avait
prévu, les élections furent partout
faites sous l'influence desidées contre-
révolutionnaires. Les deux cent cirt-
quante députés nouveaux, tous ani-
més de sentiments plus ou moins
opposés aux principes de la révolu-
tion, furent de puissants auxiliaires
pour le parti royaliste, déjà très-
nombreux. On remarquait parmi eux
les généraux Willot , Pichegru , et
même plusieurs agents du Préten-
dant. Dès ce moment on ne garda
plus de mesure, et chaque jour la
tribune retentit d'attaques violentes
contre le Directoire. Les conseils,
surtout celui des Cinq-Cents, mar-
chaient ouvertement dans ce sens.
Dès le premier jour, Pichegru avait
été élevé à la présidence, et Siméon
nommé secrétaire. Un choix non
moins significatif fut celui de Bar-
thélémy comme meuibre du Direc-
toire. La lutte devint très-vive; mais
tandis que les conventionnels, der-
nier appui du système révolution-
naire, de concert avec les directeurs,
se préparaient à tous les moyens de
violence, leurs adversaires se bor-
naient à de stériles discours, k des
phrases menaçantes et qui ne pou-
vaient qu'irriter et porter à la ven-
geance les cruels héritiers de Ro-
bespierre. Le 1®"^ fructidor (15 août
1797), Siméon fut nommé prési'Ient,
et le 18 éclatait le fameux coup d'c-
tatqui devait rejeter la France dans
toutes les calamités de la révolution.
La conduite du président dans cette
journée mémorable fut digne et cou-
rageuse. Sans se laisser intimider
par les baïonnettes , il somme les
soldats d'Augereau (voy. ce nom,
LVI, 550) de se retirer, puis il pro-
teste par d'énergiques paroles contre
cet odieux abus de la force. « La
« constitution, s'écrie-t il, est vio-
262 SIM
• lép, la représentation nationale in-
« dignement outragée; je déclare que
• rassemblée est dissoute jusqu'à ce
• que les auteurs d'aussi criminels a1-
« Icnlals soietil punis. » A l'heure ac-
coiitiimée des séances, il se présenta
accoin|>agné de quelques-uns de ses
collègues 5 mais une charge de ca-
valerie Icseinpêi'ha de pénétrer dans
la salle. Alors il prolesia de nouveau
avec une admirable vigiieur. Et s'é-
tant retirés , lui et ses confrères
n'eurent plus qu'à se soustraire aux
lois d'exil et de déportation qui
furent prononcées contre les plus
fidèles représentants , contre les
journalistes les plus courageux. Si-
méon réussit d'abord à se tenir ca-
ché; mais au commencement de 1799
un arrêté du Directoire ayant enjoint
aux proscrits de se rendre à Oléron,
sous pei ne de confiscation et même de
mort, il voulut sauver sa famille de
la ruine et se rendit dans cette lie,
ainsi que Boissy d'Anglas, Villaret-
Joyeuse, Muraire, etc. Il y passa plus
d'un an, s'occupant de travaux po-
litiques et littéraires. Il y traduisit
les Odes d'Horace et les Nuits ro-
maines de Verri. La révolution du
18 brumaire, qui renversa une se-
conde fois la constitution qu'il avait
si vaineuient essayé de soutenir, mit
lin à cette proscription, et les dépor-
tés furent délivrés par un coup d'é
lat à peu près pareil à celui qui les
avait perdus. Le nouveau consul
proposa à Siméou la préfecture de la
Marne, qu'il refusa, sous prétexte de
santé, mais en réalité pour ne pas
exercer un pouvoir éuianaut de chan-
gements qu'il n'approuvait pas. Il
consentit néanmoins peu de temps
après a remplir les fonctions de
substitut à la cour de cassation,
qu'il quilta bientôt pour entrer
au Tribunal, où il se sépara tout à
SIM
fait de l'opposition, et devint le
défenseur le plus zélé de tous les
projets de lois consulaires. C'est
ainsi qu'il fut le rapporteur du
concordat. Le travail qu'il fit sur
cette grave question fut considéré
comme un chef-d'œuvre de raison
et de savoir. Siméon prit encore
beaucoup de part à l'éiablissement
du Code civil , tant en qualité de
membre de la section législative
qu'en celle de rapporteur sur plu-
sieurs titres. Ce fut lui qui fut en
quelque sorte l'intermédiaire entre
le conseil d'État et le Tribunal, où
il dirigea les discussions avec une
habileté peu commune. Délégué en-
suite pour le Soutenir devant le
corps législatif, il eut plus qu'aucun
autre l'honneur d'associer son nom
à ce monument. Lorsque enfin le pre-
mier consul voulut monter sur le
trône impérial , Siméon fut encore
celui qui porta la parole. On lui a
reproché avec raison, en cette occa-
sion, de n'avoir pas gardé assez de
mesure envers la famille royale dont
Bonaparte prenait la place. « Les ca-
tastrophes qui frappent les rois,
dit-il, sont communes à leur famille,
ainsi que l'étaient leur puissance et
leur bonheur. L'incapacité qui aban-
donne leurs têtes à la foudre des ré-
volutions s'étend sur leurs proches
et ne permet pas de leur rendre ce
timon échappé à des mains trop dé-
biles. Il fallut qu'après les avoir re-
pris, la Grande-Bretagne chassât les
enfants de Charles I". Le retour
d'une dynastie détrônée, abattue par
le malheur moins encore que par
ses fautes, ne saurait convenir à une
nation qui s'estime; il ne saurait y
avoir de transaction sur une querelle
aussi violemment débattue. » Malgré
ces preuves de dévouement, le nou-
vel empereur lui préféra Fabre de
SIM
l'Aude, lorsque peu de temps après
il fut porté comme candidat pour la
piésidence du Tribunat. Appelé en-
suite au conseil d'État, Siniéon y
trouva encore beaucoup d'occasions
(le se distinguer. Napoléon, qui fut
souvent à même de juger de sa capa-
cité administrative, le choisit, en
1807, lorsqu'il créa le royaume de
Westphalie, pour l'un des trois
membres du conseil de régence,
et quand Jérôme vint en prendre
possession, il trouva tout fort bien
établi. Siméon devint alors ministre
de la justice et de l'intérieur. Il ne
garda ce dernier portefeuille que
quelques mois et fut en même temps
président du conseil d'État. L'or-
ganisation civile et judiciaire de ce
pays fut sou ouvrage. Sans bles-
ser les susceptibilités d'un peuple
conquis, il se concilia l'estime de
la population, malgré les exigences
de Napoléon qui rendirent souvent
sa position diflicile {voy. Pigault-
Lebrun, LXXVII, 19i). Le frêle
édilice de cette royauté ayant été
renversé par les revers de 1813, Si-
méon revint en France, et sur sa de-
mande il fut mis à la retraite. 11 as-
sista ainsi dans le silence à la chute
de l'Empire. La Restauration ne pou-
vait le trouver indifléreiit, lui l'an-
cien partisan des principes monar-
cliiques. Nommé d'abord préfet du
département du Nord, il se rendit à
Lille, et, dix uiois après, il y recevait
Louis XVIII en fugitif, Sa déuiission,
qu'il adressa immédiaiemeut à Na-
poléon, se croisa avec sa destitution.
Envoyé par les Bouches-du-Rhôue à
la Chambre des représentants, il y
siégea muet et passif durant les Cent-
Jours. Après la seconde restauration,
il fut fait conseiller d'État, et nom-
mé député par le département du
Var. Dans la chambre dite introuva-
SIM
253
ble, Sinu'on se rangea du côté de la
minorité, c'est-à-dire parmi les par-
tisans du ministère. En conséquence
il se fit le défenseur des régicides et
des conspirateurs du 20 mars dans la
discussion sur la loi d'amnisiie. «Ce
• n'est pas de sang que la France a
• soif, s'écria-t-il, c'est de trancjuil-
« lité, de pardon, de sécurité.» Kéélu
après l'ordonnance du 5 septiuibre
qui rendit le pouvoir au parti révo-
lutionnaire, il joua un grand rôle
dans la session de 1817, où il se mon-
tra un des plus chauds partisans du
ministère Decazes. Lorsque M. Pas-
quier quitta la justice, vn lui olfrit
ce portefeuille qu'il refusa. Le 7 mai
1819 il fut nommé inspecteur-géné-
ral des écoles de droit, puis sous-
secrétaire de la justice. Chargé des
sceaux par intérim, quelques jours
après, eu l'absence de de Serre, à la
formation du second ministère Ri-
chelieu, il accepta le département de
l'intérieur à la place de M. Decazes.
En présence des dillicultés alors si
compliquées, Siméon n'était certes
pas l'homme qu'il fallait dans un tel
poste, et l'on doit reconnaître qu'il
ne s'y montra pas à la hauteur de la
situation. Orcikur froid et métho-
dique, impassible comme un magis-
iral, il ne se trouvait point à Taise
au milieu des bruyantes interrup-
tions lie l'opposition. Doué d'un in-
contestable talent, il manquait de
celte vivacité d'esprit qui répond à
tout par des réparties improvisées.
ExC( lient pour rédiger un long rap-
port , pour prépdrer un beau dis-
cours, il ne comprenait pas une lutte
parlementaire. Le cabinet Richelieu
s'étaut retiré le 11 décembre 1821,
Siméun fut créé comte et uiinistre
d'État, avec une dotation de 12,000
fr., selon l'usage de ce temps-là
pour tous ceux qui sortaient des af-
254
SIM
faires. Il vint alors prendre place à
la Chambre des pairs, dont le roi l'a-
vait l'ait membre. Malgré son âge
avancé, il participa encore d'une
nianiire fort active aux travaux de
cette assemblée, où il fit partie de
plusieurs commissions et parla sur
beaucoup de projets de lois. Très-as-
sidii aux séances, il votait habituel-
lement avec les appuis du ministère
Pasquicr, Portails, etc. Il fut le ré-
dacteur de la dernière adresse par
laquelle la chambre haute désap-
prouva, dans des termes fort durs,
la marche du gouvernement de
Charles X. Après la révolution de
juillet, il prêta sans difficulté le ser-
ment exigé de la pairie, et continua
de prendre part à ses délibérations
avec la même exactitude. Le 29 dé-
cembre 1832, il lut élu membre de
l'académie des sciences morales.
L'année suivante, bien qu'âgé de 88
ans, il reçut la première prési-
dence de la cour des comptes , et
il en remplit les fonctions avec
une verdeur vraiment juvénile,
A la morldeBarbé-i^larbois, en 1838,
il fit son oraison funèbre, et ce lut le
dernier discours qu'il prononça à la
tribune. Siméon mourut le 19 jan-
vier 1842 dans sa quatre-vingt-trei-
zième année. M. Mignet fit son
éloge à l'Académie. Ce discours a élé
imprimé sous le titre de Notice his-
torique sur la vie et les travaux de
M. le comte Siméon, lue à la séance
publique annuelle de V Académie des
sciences morales et politiques, le 25
mai 1844. On a encore sur Siméon
un discours prononcé par M. le comte
Portails^ à la Chambre des pairs,
le 10 mars 1843. Siméon était
grand-cordon de la Légion- d'Hon-
ueur et de l'ordre de Saint-Hu-
bert de Bavière. 11 a laissé un fils
dont l'article suit, et une fille ma-
SIM
riée au général de Launay, puis, eu
secondes noces, au général Lecki.
— On a de lui :1. Éluge deHenri IV,
discours qui a concouru pour le
prix de V Académie de La Rochelle en
1768, Aix, 1709, in-S» (il avait eu
pour concurrcnis Laharpe et Gail-
lard; ce dernier obtint le prix). H.
Choix de discours et d'opinions ,
Paris, 1824, in-8°. Ce recueil ren-
ferme trente-huit opinions et dis-
cours prononcés de 1795 à 1814,
aux diverses législatures dont Si-
méon a fait partie. 111. Mémoire
sur V omnipotence du jury^ Paris ,
1829,in-8''. (Extrait de la /{et; Me /ran-
çaise.j IV. Mémoire tur le régime
dotal et le régime en communauté
dans le mariage, lu à l'Académie
des sciences morales et j)olitiques,
dans les séances des 9 juillet et 20
août 1835, inséré dans le tome l^""
du recueil des ménjoires de cette
académie, 1837. V. Discours pro-
noncé à l'occasion du décès de M. le
marquis de Uarbé-Marbois, Cham-
bre des pairs, séance du 17 janvier \
Paris, 1838, in-8°. C-h-n.
SI3IÉOX (Joseph-Balthazar),
fils du précédent, naquit à Aix le 6jan-
vier 1781. Il était au collège de cette
ville lorsque son père fut forcé de
s'expatrier en 1793. il reçut sa bé-
nédiction par une lettre d'adieu fort
touchante et qui fit sur lui une
vive impression. Ses études, inter-
rompues par le système de ter-
reur et de vandalisme où la France
se trouva plongée, ne furent repri-
ses qu'après la chute de Robespierre.
Il les termina à Paris lorsque son
père y fut appelé par ses fonctions
législatives, et aussitôt après il entra
dans la carrière diplomatique. En
janvier 1800, admis comme élève
aux affaires étrangères, il fut attaché
à la mission de Joseph Bonaparte au
SIM
congrès de Lnnéville. Au mois d'août
1801 il accompagna le g('ndral Ciarke
en Toscane, comme secrétaire de
légation, <t y resta quinze mois
en qualité de chargé d'allaires, pen-
dant toute la durée de la fièvre
jaune à Livourne. Au commence-
ment de l'empire il fut nommé pre-
mier secrétaire d'ambassade à Rome
sous le cardinal Fesch, puis envoyé
à Stuttgard avec le titre de chargé
d'affaires. Lorsque son père devint
un des régents du royaume deWest-
phalie, il passa au service de ce nou-
vel État et alla représenter Jérôme
Bonaparte à Berlin; la nullité de son
influence vint alors plus de sa posi-
tion que de lui-même. D.insce poste
comme dans ceux qu'il remplitsucces-
sivement à Francfort, à Darmstadt et à
Dresde, ses instructions se bornèrent
à soutenir la politique impériale et à
n'agir à la remorque, pour ainsi dire,
que des agents de Napoléon, ce qui
réduisait son rôle à une affaire de
forme et d'étiquette. Néanmoins il
sut, malgré la nullité de ses fonctions,
se faire remarquer et estimer dans
les différentes cours où il résida.
Il se trouvait à Dresde depuis 1810
lorsque les revers de l'armée fran-
çaise amenèrent les alliés jusque sous
les murs de cette ville. Il y resta en-
fermé durant le siège et n'en sortit
qu'a[)rès la capitulation- il revint
alors en France, et depuis ce mo-
ment jusqu'à la seconde rentrée des
Bourbons il vécut dans la retraite,
En juillet 1815 il fut appelé k la pré-
fecture du Var. Son administration,
e» présence de l'occupation étran-
gère, fut empreinte d'une grande di-
gnité 5 on le vit résister aux exi-
gences des Autrichiens, et par sa fer-
meté contribuer à la courageuse ré-
solution des habitants d'Aniibes; il
se refusa constamment, malgré les
SIM
255
menaces et les garnisaires, k four-
nir aux étrangers des approvision-
nements et de l'argent. Les pas-
sions politiques, si ardentes dans ce
pays, trouvèrent en lui un concilia-
teur d'un caractère aussi doux que
calme, se prêtant à tous les devoirs
de cette position difficile 5 et il fut
assez heureux pour maintenir une
parfailetranquillité. Pendant les trois
années qu'il passa à Draguignan, il
s'occupa d'une manière toute parti-
culière d'objets d'utilité publique.
Nommé préfet du Doubs en mai 1818,
il venait à peine d'arriver à Besan-
çon lorsqu'une nouvelle ordonnance
le désigna pour la préfecture du Pas-
de-Calais. Il demeura six ans à Ar-
ras. En 1620 il reçut le litre hono-
rifique de gentilhomme de la cham-
bre du roi. Révoqué le l-" septembre
1824 par M. Corbière, comme n'ap-
partenant pas assez par ses opinions
au système de la nouvelle adminis-
tration, il eut la satisfaction de voir
sa retraite entourée d'unanimes re-
grets. Pendant quatre ans il resta
tout à fait en dehors des affaires pu-
bliques, se livrant entièrement à sa
passion pour les arts. Il peignait et
gravait très-bien à l'eau-forte. Lié
depuis son enfance avec le peintre
Granet et le comte de Forbin, il ai-
mait à se rappeler qu'ils avaient sui-
vi tous trois les leçons d'un même
maître. Il compléta alors des collec-
tions remarquables de tableaux, de
gravures, de médriilles et une belle
bibliothèque. A l'avènementdu minis-
tère Marlignac (janvier 1828), Siméon
reçut la direction des beaux-arts au
ministère de l'intérieur. Aucune place
ne pouvait mieux lui convenir; il
était là dans son élément. Sa bien-
veillance pour les artistes ne laissa
échapper aucune occasion de leur
être utile. Il fut alors élu membre de
356
SIM
TAcailémie des beaiu-arts, t<^moi-
gnage des sympathies qu'il s'était
acquises-, il était déjà membre de la
Société des antiquaires de France.
Cependant il faut reconnaître que
ses rapports avec les gens de lettres
furent loin d'avoir un caractère aussi
bienveillant \ il fut souvent en dissi-
dence avec les écrivains dont l'esprit
politiq'ie était peu favorable à la
Restauration. Maître des requêtes de-
puis 1821, il fut nommé conseiller
d'État en service extraordinaire. Il
quitta cette direction lorsque le mi-
nistère qni la lui avait confiée fit
place à celui du prince de Polignac
(août 1829)-, mais il resta au conseil
d'Élat et continua d'en faire partie
après la révolution de juillet, à la-
quelle il n'hésita pas à donner son
adht^sion. En sept. 1835 il fut ap-
pelé à la Chambre des pairs, où il
prit une part active aux discussions.
il remplit plusieurs fois les fonctions
de rapporteur, notamment sur la loi
de la propriété littéraire. En 1842 sa
santé l'obligea de demander sa re-
traite de conseiller d'État. Les mé-
decins lui ayant prescrit d'aller pas-
ser une année en Italie, il partit
au milieu de l'été de 1845 et ne
revint qu'en juin 1846. Deux mois
après, à la fin d'août, il se rendit
h. Dieppe pour prendre les bains
de mer, et il y mourut le 14 sept.
Il était commandeur de la Légion-
d'Honneur ainsi que des ordres de
Hesse-Darmstadt et des Guelphes de
Hanovre. Son fils , le comte Henri
Siméon, était député et directeur-gé-
néral des tabacs avant la révolution
de lévrier 1848^ sa fille a épousé le
baron Rivière, ancien receveur des
finances à Lyon. On a du comte Jos.-
Balth. Siméon : 1 Notice sur les usa-
ges et le langage des habitants du
Haul-Pont, faubourg de Saint-Omer,
SIM
Paris, 1821, in-S" (extraite du t. III
des Mémoires de la Société des an-
ti(jtiaires de France). H. Rapport
fait à la Chambre des pairs dans la
séance du 25 avril 1836, au nom
d'une commission spéciale,chargée de
l'examen du projet de loi relatif à
l'ouverture d'un crédit de 4,620,000
fr.. pour subvention aux fonds de re-
traite du département des finances.
Paris, 1836, in-8''. Ul. Rapport fait
à la Chambre des pairs dans la séance
du 10 juin 1836, etc., sur le projet
de loi relatif à l'ouverture d'un cré-
dit pour l'achèvement de cinq mo-
numents de la capitale, Paris, 1836,
m-S°. On aencore de Siméon VÉloge
du baron de Morogues, prononcé à
la Chambre des pairs, et une Notice
sur le comte de Forbin, lue à l'Aca-
démie des beaux -arts. C— h— N.
SIMMËR (François-Martin-Va-
LENTiN), général français, était né le
7 août 1774. A dix-sept ans, il s'en-
rôla comme volontaire, et fit dans les
armées du Nord la première guerre
de la Révolution sous Dumouriez et
Pichf'gru. En 1795, il prit part à la
conquête de la Hollande, et devint
capitaine Après la bataille d'EyIau,
(14 février 1807), il fut fait chef d'es-
cadron en récompense de sa coura-
geuse conduite ; puis, le 7 juillet sui-
vant, officier de la Légion d'Hon-
neur. Dans la même année, il rem-
plit auprès du général Sébastiani, à
Constantinople, une mission de con-
fiance, afin de hâter la résistance des
Turcs, qui devait amener une heu-
reuse diversion. Il servit ensuite en
Portugal, où il s'élança le premier à
l'assaut d'Évora. Désigné pour faire
partie de la fatale expédition de
Russie, il y gagna le grade de géné-
ral de brigade et le titre de baron.
Le 4 mai 1813, il fut fait comman-
dant de la Légion -d'Honneur. D.ns
SIM
la malheureuse campagne de France,
il protégea la Champagne à la tète
de la gendarmerie des départements
envahis. Après la Restauration, il
reçut le commandement du de'par-
tementdu Puy-de-Dôme et la croix
de Saint-Louis, ce qui ne l'empê-
cha pas, lorsqu'il apprit le débar-
quement de Napoléon, de se rendre
à Lyon, avec les troupes qu'il com-
mandait, pour se ranger sous ses
drapeaux. Il fut bientôt récompensé
de cette défection par un brevet de
général de division, daté du 21 avril
1815. il assista eu cette qualité à la
bataille de Waterloo, et eut sous ses
ordres, à la ûa de cette courte cam-
pagne, le deuxième corps d'armée,
qu'il ramena sur la rive gauche de
la Loire, et établit son quartier-gé-
néral à Tours. Naturellement com-
pris dans le licenciement, une or-
donnance du roi du 1" août 1815
annula sa récente promotion. Mis à
la demi solde, il se retira alors dans
le Puy-de-Dôme; une décision mi-
nistérielle du 2G février 1816 lui en-
joignit de se rendre au Mans pour y
résider sous la surveillance des au-
torités. Cette rigueur fut de courte
durée, et Simmer put revenir dans
son pays. En 1828, il fut député
par le Puy-de-Dôme en remplace-
ment de l'abbé de Pradt, et se ran-
gea du côté de l'extrême gauche,
qu'il abandonna après la révolution
de, juillet pour se faire l'un des sou-
tiens du ministère du 13 mars. Ce-
pendant les engagements qu'il prit
dans sa profession de foi, aux élec-
tions de 1831, se ressentaient en-
core de Fesprit libéral ; il est vrai
qu'une fois à la Chambre il n'eu
remplit peut-être pas toutes les pro-
me^ses; car il se jeta tout entier
dans le juste-milieu. Aussi, en 1832,
lui donna-t-on, à son arrivée à Cler-
LXXXII.
SIM
257
mont, un charivari très-remarqua-
ble. Plus tard, il se gloriliii, dans
une lettre adressée aux journaux
(28 mars 183i), d'avoir volé pour
les lois d'association. Non réélu celte
année, il le fut aux élections sui-
vantes, et devint dès lors un des
membres les plus passifs du centre,
tout dévoué aux volontés ministé-
rielles. Appelé au conseil-général de
son département, il continua d'en
faire partie jusqu'à sa mort, qui eut
lieu à Varennes-sur-Morges, près de
Riom, le 28 juillet 1847. L'académi-
cien Etienne, ancien député, était
son neveu. C— h— n.
SIMON, enfant chrétien, né à
Trente, n'était âgé que de deux ans
et quelques mois, quand il fut cruel-
lement assassiné par des Juifs de
cette ville, en 1474. Un médecin hé-
breu, nommé Tobie, l'ayant rencon-
tré le soir, l'enleva et le conduisit
dans une maison attenante à la sy-
nagogue. Là, on lui fit des incisions
et on en tira le sang dont on se ser-
vit, dit-on, pour pétrir la pâte du
pain azyme destiné à la pâque des
Israélites. (Voy. le Dictionnaire de
Moréri, dernière édition.) Le crime
ayant été découvert, Tobie et ses
complices furent tenaillés, déchique-,
tés, brûlés, et la synagogue fut dé-
truite (1). On honora depuis l'enfant
comme un saint; on inscrivit son
nom au martyrologe, et, en 1508, sa
(i) Pour quelques autres détails, consul-
tez le Nouiieau Vojrag* d'Italie, par Misson,
t. V, p. i5i, édit. de lySt, La Haye, etc.
Misson place l'eulèvement et le meurtre de
Simon en 1276. C'est évidcmmeut une er-
reur ou une faute d'impression, puisqu'il
dit un peu plus loin que Sixte IV était pape
alors. On a vu, à l'ait, de l'e pontife, que
son exaltation n'eut lieu qu'en 1471. Tout
ce que le voyageur rapporte de l'enfant
niassairé à Trente se retrouve dans le Dic-
tionnaire critique des reliques, ete., pur Col-
lin de l'iancy, IH, igr.
17
258
SIM
fèlc fut fixée au 24 mars par l'auto-
ritci (lu saint-siége. Joan-Malhias
Tyltnriniis (en italien Tiberini), nfé-
(Jcciii de Brescia, qui exerçait sa
profession à Trente, ou du moins s'y
trouvait lors du funeste événement,
en écrivit la relation en forme de
lettre adressée au sénat et au peuple
de sa ville natale, et la fit impriuier
sous ce tilre : Passio S. pueri Sy-
monis, in-i» goth. On lit à la fin :
Valete. Tridenti, secundo nouas
aprilis MCCCC.LXXV. On peut
voir dans le Manuel du libraire
les détails intéressants que donne
M. Brunet sur huit éditions de cet
opuscule curieux, qui suivirent la
première dans un court espace de
temps. Celle de Trévise, per Gerar-
dum de Lisa, de Flandria, contient
une traduction en vers italiens. La
plus complète fut imprimée à Trente,
en 1476, par Hermann Schindeleyp.
Elle est intitulée : Historia com-
pléta... de passione et obitu beati
pueri Simonis, innocentis martyris
Tridentini, in-é"^ goth. dellieuillets.
(La première n'en avait que 4.) Le
livre connu sous le nom de Chroni-
que de Nuremberg, publié en 1483
(par Hartmann Schedel), parle du
massacre de saint Simon, et l'on as-
sure que la scène de son martyre
était peinte dans une des salles de
l'hôtel de ville de Francfort-sur-le-
Mein. Jean Calphurnius {voy. ce
nom, VI, 568), savant et poète de
Brescia, décrivit ce martyre dans
une pièce de vers latins jointe à l'é-
dition de Catulle, Tibulle, etc., qu'il
fit paraître à Vicence, en 1481. Le
cardinal Quirini a fait réimprimer
cette pièce dans le second volume
de son Spécimen variœ litteraturœ
Brixianœ, Pusculus(2),autre poète,
(a) Ea italien Pasculo ou plutôt Poscoio.
SIM
contemporain du précédent et,
comme lui, né à Brescia, composa
encore un poème héroïque sur le
même sujet et sous le titre suivant :
Ubertini Pusculi lirixiensis Simo-
nidos libri duo, sive poema heroi-
cum de Simonis, pueri Tridentini a
Judœis crudeliter necati, marlyrio,
Augsbourg, 1511, in-l». Il y a, au
commencement du volume, des hen-
décasyllabes d'Olbmar Luscinius.
Des poètes plus modernes ont aussi
lancé des imprécations contre les
meurtriers de saint Simon. Nous ne
citerons que le P. Jacques Balde,
jésuite {voy. son Êpode intitulée
Dirœ). Henschenius, continuateur
de Bollandus, a inséré dans les Acla
Sanctorum du mois de mars tout ce
qui concerne le martyr de Trente.
Wagenseil et Jacques Basnage de
Beauval ont nié l'assassinat de cet
enfant; mais un anonyme les a réfu-
tés dans un ouvrage que Feller dit
vraiment démonstratif, et qui a
pour titre : De cultu sancti Simonis.,
pueri Tridentini et martyris, apud
Venetos. Il .se trouve dans le
tome XLVllI de la Raccolta d'opus-
coli scientifici du P. Calogera. Fel-
ler y renvoie le lecteur ainsi qu'au
tome II de Y Amplissima Colleclio
de dom IVJartène, et au livre P' du
Traité de la béatification et de la
canonisation, par Benoît XIV. Tout
le monde sait qu'à tort ou à raison
les Juifs ont été accusés de plusieurs
Suivant Feller, il était né vers 1440, et il
mourut vers i542. D'après ces dates, il au-
rait vécu plus d'uu siècle. Cela n'est pas
impossible, mais cela n'est guère probable.
Feller .ajoute que Pusculo cuteiidait fort
bien les affaires, et qu'il fut employé par la
répuljlique vénitienne dans ]>liisieurs mis-
sions importantes. Bon Leliénii^te, excellent
latiniste, outre le poème dont nous parlons,
il en avait c()In|lo^é un autre sur la chute dt
ConstanUnople, lequel n'a jamais vu le jour,
n'ayant pas été terminé par l'auteur.
SIM
SIM
269
crimes du genre de celui dont il est
question dans cet arliclc.La Table
des Saints de France mentionne
trois enfants sacrifiés p.ir des Hé-
breux : Guillaume, massacré à Pa-
ris ; Ricliard, crucifié à Pontoise, et
un, dont elle ne dit pas le nom, éga-
lement crucifié à Blois. En 1670,
Raphaël Lévy, juif de Boulay, fut
brûlé vif à Metz pour avoir immolé
un enfant de Irois ans du village de
Glatigny. Quelques personnes ont
soutenu que ce juif était mort inno-
cent (3). Dans la savante Histoire
du parlement de Metz, M. Michel,
conseiller à la Cour d'appel de cette
ville, a fait une analyse impartiale
du procès de Raphaël Lévy. A cette
occasion , il rapporte les faits que
L nous avons cités et un certain nom-
f bre d'autres, accompagnant le tout
des réflexions les plus sensées et les
plus judicieuses. Terminons en di-
sant qu'il faut bien se garder d'ad-
mettre comme prouvés tous les
attentats à la vie des enfants chré-
l tiens, imputés aux Juifs dans diffé-
rents siècles et chez différents peu-
ples. Ceux qui, après un mûr exa-
men, pourraient être reconnus vrais,
ne devraient encore, à notre avis,
être considérés que comme des actes
d'un fanatisme individuel, que ré-
prouvent les Israélites en général, et
dont sans doute ils ont autant
(3) Après l'exécution de Lévy, on publia
à l'.ii is un Abix-gi du procès, etc. Cet Abrège,
tout à f;iil liostile aux Juifs, a été attribué à
Araelot de ly Houssaye [voj-. ce nom, II, 37).
Il fut aus^ilôL réfuté par un Factum servant
de répome, etc., que l'on a cru du célèbre
Richard Simon ; mais un bibliographe in-
struit, M. Duputel, prétend, d'après Os-
mont, que c'est au contraire Amelot qui est
l'auteur du Factum, et que Simon n'a fait
que le réimprimer dans sa Bibliothèque cri-
tique. Eu ce cas, l'auteur de V Abrégé reste-
rait inconnu. {J'ojr. le Bulletin du bibliophile,
5^ série, p. 28.)
d'horreur que nous, puisque ces
actes sont entièrement contraires à
leurs lois et aux principes de leur
religion. b— l— u.
SiaiON DE CoRDO, natif de Gênes,
fut médecin du pape Nicolas IV et
chapelain de Boniface VIII \ il rendit
de véritables services à la matière
médicale en cherchant à faire dispa-
raître la confusion qu'avaient intro-
duite l'incertitude et la variation de
la nomenclature des Arabes. Il par-
courut la Grèce et l'Orient pour
examiner sur les lieux mêmes les
plantes décrites par les auteurs ;
malheureusement la connaissance
des langues étrangères lui man-
quait ; il se borna à indiquer des
ressemblances extérieures, et il
tomba dans les rêveries les plus dé-
nuées de sens, en s'efforçant d'éta-
blir les vertus pharmaceutiques des
végétaux d'après de prétendues qua-
lités élémentaires. L'écrit où il con-
signa de pareilles doctrines parut à
Venise, 1507, in-folio; il fut réim-
primé à Lyon, en 1534, et descendit
promptement dans un oubli d'où il
ne mérite pas de sortir. B — n— T.
SIMON de la Vierge (le Père), né
en Touraine vers 1638, entra dans
l'ordre des Carmes où il remplit, à
la satisfaction de ses supérieurs, di-
verses fonctions importantes. Doue
de talents oratoires, il se fit de la
réputation comme prédicateur. Ses
sermons, remarquables par la piété
et la doctrine, ne le sont pas moins
par leurs divisions méthodiques, la
clarté et la pureté du style ; mais oa
y trouve rarement une haute élo-
quence. Le P. Simon mourut à Paris,
dans le couvent du Saint-Sacrement,
le 26 décembre 1728, âgé de 90 ans.
Il avait publié : 1. Éloge funèbre de
madame Charlotte-Françoise-Rade-
gonde de Montaiilt de Navailles,
17.
260
SIM
SIM
abbesse du monastère de Sainte-
Croix de Poitiers, Paris, 1670, in-4'>.
H. Actions chrétiennes^ ou Discours
de panégyriques et de morale sur
divers sujets^ Paris, 1693, in-12. lil.
Actions chrétiennes, ou Discours de
morale pour le temps de l'Avent,
Paris, 1703 ; Lyon, 1718, 2 vol. in-12.
IV. —pour tous les jours de Carême^
Lyon, 1719, 6 vol. in-12. Tous les
sermons du P. Simon furent re'unis
plus tard,- sous le titre d^Actions
chrétiennes, ou Discours, etc., Liège,
1755, 15 vol. in-12. — SiwoiH (I abbd),
né dans le Vendômoisvers 1712, em-
brassa l'état ecclésiastique et obtint
un canonicat au chapitre de l'église
collégiale de Saint-Georges à Ven-
dôme, où il mourut le 7 mars 1781.
Il avait laissé en manuscrit une
Histoire de Vendôme et de ses envi-
rons, qui dans ces derniers temps a
été publiée par MM. Beaussier-Bou-
chardière, Benier, Cottereau et de la
Porte, notre collaborateur, Paris,
1834-35, 3 vol. in-8°. Celte histoire
n'est pas méthodiquement faite ;
mais elle contient beaucoup de pièces
intéressantes et de détails curieux
qui la rendent fort instructive. On
trouve dans le troisième volume
vingt-une notices biographiques sur
des hommes célèbres du Vendômois.
P — RT.
SIMON (Jean-François), né à
Paris en 1654, était fils d'un habile
chirurgien qui lui donna une éduca-
tion soignée. Destiné à l'état ecclé-
siastique, il joignit à l'étude des hu-
manités celle (le la théologie et prit
le grade de docteur en droit canon.
Il entra, en 1681, dans la maison de
Le Peletier de Sousi (:voy. ce nom,
XXXIII, 273), conseiller d'État, com-
me précepteur de son fils. Nommé
plus tard directeur-général des for-
tiUcations, et voulant récompenser
Simon qui était derenu son secré-
taire. Le Peletier de Sousi lui pro-
cura l'emploi de contrôleur des for-
tifications. C'était lui qui était ordi-
nairement chargé de rédiger les in-
scriptions que l'on plaçait sur les
portes de villes, sur les citadelles et
autres édifices de ce genre, tant en
France que dans les colonies, et de
composer les devises pour les jetons
de l'administration de la guerre. En
1701, Louis XIV le fit admettre à
l'Académie des inscriptions et belles-
lellres, dont il fut d'abord élève,
puis associé et ensuite pensionnaire.
L'abbé de Louvois, bibliothécaire du
roi, le nomma garde du cabinet des
médailles en 1712, après la mort du
savant numismate Oudinet {voy. ce
nom, XXXII, 262). Ces fonctions, qui
jusqu'alors n'avaient été confiées
qu'à des laïques, obligèrent Simon
de quitter le petit collet, et en même
temps de résider à Versailles. Sur la
fin de sa vie, il fut attaquédela pierre;
étant venti à Paris pour consulter les
gens de l'art, il y mourut des suites
de cette maladie le 10 décembre 1719.
De Boze, qui le remplaça comme garde
des médailles, inséra son Éloge dans
le tome V des Mémoires de l'Acadé-
mie des inscriptions dont il était se-
crétaire perpétuel. Le même recueil
contient plusieurs dissertations que
Simon avait lues dans les séances de
cette compagnie : tome I". Des pré-
sages ; De la politesse des Romains;
Des acclamations; Des jeux de ha-
sard en usage parmi les Romains;
Des temples de l'ancienne Rome,- Sur
les lémures ou les âmes des morts;
l'auteur y examine l'opinion des
pyïens sur l'état de l'àme après la
mort. Tome III : Des asiles ; De l'hos-
pitalité. Tome IV : Des dévouements
des Romains pour la patrie. Simon
lut encore à l'Académie quelques au-
sm
très opuscules , tels qu'une disser-
tation Sur la musique des anciens ;
plusieurs morceaux de l'Histoire de
Louis XIV, par ine'dailles, qu'il avait
traduits en latin d'une manière fort
élégante; le Cantique de Dèbora, en
vers latins et français, car il ne man-
quait pas de talent pour la poe'sie, et
lestravaux d'érudition ne lui faisaient
pas négliger la culture dés lettres.
P— RT.
SIMON (l'abbé Louis-Benoît), né
vers le commencement du XVI1[« siè-
cle, fut aumônier, bibliothécaire du
comte de Clermont et censeur royal.
Il a publié une série de Lettres sur la
littérature et les arls : 1° Lettres sur
nos orateurs chrétiens, 1754, in-12.
2° Sur Véloquence de la chaire en
général, et en particulier sur celle
de Bourdaloue et de Massillon, 1755.
3" Sur Corneille et Racine, 1758.
4° Sur l'éducation par rapport aux
langues, 1759. 5° Aux amateurs sur
un dessin proposé pour une chapelle
àSaint-Roch, 1760. G» Sur l'utilité
des sciences, 17G3. 7" Sur l'édiication
des femmes, 1764. — Simon {Jean-
Baptiste ) , avocat au parlement de
Paris, fut aussi censeur royal. On a
de lui : I. Le gouvernement admira-
ble, ou La république des abeilles, et
les moyens d'en tirer une grande uti-
lité, La Haye, 1740, iu-125 Paris,
1742 et 1758, avec fig. II. Moyens de
conserver le gibier par la destruc-
tion des oiseaux de rapine et instruc-
tionpour y parvenir, suivis duTraité
de la pipée; augmentés de plusieurs
c/ifl**esomusan<es, Paris, 1738, 1743,
in-i2. III. Traité cosmographique,
servant d'introduction à la géogra-
phie, Paris, 1756, in-12. C'est à tort
qu'on a quelquefois attribué k cet
avocat une traduction française du
5eicc/œepro/anî5, qui parut en 1752;
elle est de Charles Simon, maître de
SIM
261
pension {voy. Heuzeï, LXVII, 179)-
— Simon (Jean-François), mort le
21 octobre 1770, fut professeur royal
du collège de chirurgie de Paris, chi-
rurgien-major des chevau-légers do,
la garde du roi, et premier chirur-
gien de l'électeur de Bavière. On lui
doit ; I, Abrégé des maladies des os,
in-12. II. Abrégé de pathologie et do
thérapeutique, 1753, in-12. 111. Re-
cherches sur l'opération césarienne.
IV. Collection de différentes pièces
concernant la chirurgie, Vanatomie,
etc., extraites des ouvrages étran-
gers, Paris, 1761, 4 vol. in-12. V.
Cours de pathologie et de thérapeu-
tique chirurgicales, Paris, 1780,
in-8°. C'est un ouvrage posthume,
rédigé d'après les manuscrits de Si-
mon par son confrère et son ami ,
Prudent Hévin , professeur de chi-
rurgie, qui le mit au jour; mais plus
tard l'ayant considérablement aug-
menté, il en publia la seconde édition
sous son nom seul, Paris, 1 784, 2 vol.
iii-S", réimprimés en 1793 {voy. He-
VlN, XX, 345). Z.
SIMON (Claude-François), im-
primeur-libraire, né à Paris en 1713,
dans une famille vouée à la typogra-
phie, se distingua lui-même dans
l'exercice de cet art par ses talents et
par ses travaux. Le prince de Coudé
et la reine Marie Leckzinska lui con-
férèrent le titre de leur imprimeur
ordinaire, et Christophe de Beau-
mont le choisit pour imprimeur de
l'archevêché de Paris. En 1740, le
comte de Voyer d'Argenson lui re-
mit, de la part du roi , une médaille
d'or en récompense des soins qu'il
avait donnés non-seulement à l'im-
pression, mais encore à la rédaction
dts Mémoires de Duguay • Trouin
(l vol. in-l'*). En 1744, Simon com-
plimenta LouisXV au Louvre, à l'oc-
casion de sa convalescence après sa
262
SIM
SIM
maladie de Metz. Admis en 1757 à
l'Académie des Arcades de Rome , il
reçut l'armée suivante, du pape Be-
noît XIV, le diplôme de chevalier de
l'ordre du Christ. Ces honneurs et
ces encouragements ne servirent qu'à
stimuler son zèle et à lui faire mé-
riter de plus en plus la confiance et
l'estime des savants avec lesquels il
était en relation, mais sa carrière ne
fut pas très-longue; il mourut à Pa-
ris le 19 juillet 1767, âgé de 54 ans.
Parmi les éditions sorties de ses pres-
ses, outre celles de Virgile, de Té-
rence, de Cornélius Nepos et autres
auteurs classiques, on estime surtout
celle de la Bible hébraïque du P. Hou-
bigant [voy. ce nom, XX, 600), en 4
vol. in-fol., dont l'exécution typo-
graphique est regardée comme un
chef-d'œuvre. Au reste, Simon n'é-
tait pas seulement un habile impri-
meur; il consacrait à la culture des
lettres les loisirs que lui laissait
l'exercice de sa profession. Il publia
un Projet de V établissement d'une
imprimerie royale à Berlin, Paris,
1741, in-fol.; il réimprima, corrigea
et auguienta la Connaissance de la
mythologie, du P. Rigord {voy. ce
nom, XXXVIII, 114), Paris, 1743,
in-12. Le Journal de Trévoux (avril
1746) reprocha à l'éditeur de cet ou-
vrage d'y avoir ajouté des détails
dangereux pour la jeunesse; ils ont
été supprimés dans les éditions sub-
séquentes. Simon rédigea pour VEn-
cycloj}édie tous les arlicles relatifs à
l'imprimerie, et ilse proposait dedon-
ner une nouvelle édition, entière-
ment refondue, de l'ouvragedeFertel
{voy. XIV, 447), inliuilé: La Science
pratique de l'imprimerie; mais la
mort l'empêcha de mettre la dernière
main à ce travail qui élait déjà fort
avancé. Enfin ou a de Simon quel-
ques compositions littéraires. L Dis-
cours présenté à l'Académie française
pour le prix d'éloquence, 1737, Pa-
ris, 1738, in-12 ; — Discours pour le
prix d'éloquence, 1739, Paris, in-12.
II. Mémoire de la comtesse d' Home-
ville, Paris, 1739-40, 2 vol. in-12 ;
Amsterdam, 1740, 2 vol. in-S" (ano-
nyme), roman sans intérêt et d'un
stylenégligé. m. ilfmos, ou rJBmptre
«ou/errai»}, comédie en un acte et en
scènes épisodiques, en prose, Paris
(1741), in-12 (anonyme). IV. Les
Confidences réciproques, comédie en
un acte et en vers libres (1747), qui
ne paraît pas avoir été imprimée. Ki
celte pièce ni la précédente n'ont
été représentées. P— rt.
SIMON (Antoine), né à Troycs
en 1736, fut envoyé jeune à Paris, oii
il apprit et exerça l'éfat de cordon-
nier. Dès que la Révohiiion éclata, il
s'y jeta avec toute la fureur de ses
instincts grossiers et féroces ; et, mal-
gré son ignorance, il fut nommé of-
licier municipal de la commune. En
cette qualité , il fut souvent de ser-
vice au Temple où étaient détenus
Louis XVI et sa famille, et l'on pense
bien qu'il n'épargna pas les insultes
aux infortunés prisonniers. Le 3 juil-
let 1793, le dauphin (Louis XVII)
fut arraché des bras de sa mère pour
être remis entre les mains de Simon
et de sa femme, qui vinrent s'établir
au Temple comme instituteurs du
malheureux enfant. Ces misérables
s'appliquèrent à le torturer physi-
quement et moralement ; ils le con-
traignaient, par d'horribles menaces,
à répéter des chansons révolution-
naires et impies ; ils prenaient
plaisir à l'enivrer en lui don-
nant à boire des liqueurs fortes, et
dans cet état lui faisaient proférer
des pro|ios infâmes el des impréca-
tions contre ses parents. Souvent
mênic l'innocente victime fut frap-
SIM
pée par son abominable geôiier. Un
jour, la tenant par les cheveux , il
s'écria avec fureur : « Mise'rable vi-
père, il me prend envie de t'e'craser
contre la muraille!" En janvier 1794,
Simon, ainsi que sa femme, quitta le
Temple et retourna au conseil de la
commune ; mais nous devons dire
que la position du jeune martyr fut
encore aggravée après leur départ ;
et lorsque, en 1795, des commissai-
res de la Convention voulurent ap-
porter 'quelques adoucissements à
son sort, tout espoir était perdu ^ il
succomba à ses souffrances {voy.
Louis XVII, XXV, 237). Quant à Si-
mou, entraîné dans la chute de Ro-
bespierre, il fut mis hors la loi avec
tous les membres deUa municipalité
de Paris, et exécuté le 10 thermidor
an II (28 juillet 1794). — Un homme
du même nom que Simon, et qu'on
disait être son parent, exerçait aussi,
à Remiremont, la profession de cor-
donnier. Lorsque la duchesse d'An-
goulème passa dans cette ville, en
ISlfi, on s'empressa défaire dispa-
raître l'enseigne placée au-dessus de
la boutique qui se trouvait sur son
chemin, afin d'épargner à cette prin-
cesse l'émotion qu'aurait pu lui cau-
ser la coïncidence de ces mots : 5/-
mon, cordonnier. Z.
SIMON (Jean-Frédéric), gram-
mairien allemand, d'abord profes-
seur au collège appelé Philanlhro-
pinon que Basedow {voy. ce nom, III,
473) avait fondé à Dessau, fut ensuite
instituteur à Neuwied. Étant venu se
iixer en France, il obtint, vers 1800,
la place de professeur de langue al-
lemande au prytanée de Saint-Cyr,
et quelques années après il fut en-
voyé comme secrétaire de légation à
Cassel. Sous la Restauration, le duc
d'Orléans, qui fut depuis roi des
Français , le choisit pour enseigner
SIM
263
l'allemand au duc de Chartres, son
fils aîné. Simon mourut à Paris en
1829. C'était un homme instruit et
laborieux. On a de lui : I. Quelques
pensées sur les principes les plus im-
portants de l'éducation, etc., par
d'anciens professeurs duPhilanthro-
pinon de Dessau (en allemand), Leip-
zig, 1799, in-8o. Il composa cet ou-
vrage en société avec Jean Schwei-
ghaeuser {voy. ce nom, LXXXI, 447),
qui avait été son collègue au Philan-
thropinon. II. Sur l'organisation des
premiers degrés de Vinslruction pu-
blique.,iSOi, in-8«. 111. Notions élé-
mentaires de grammaire allemande,
à l'usage des élèves du prytanée de
Saint-Cyr, Paris, 1802, in-12;2'^édit,,
à l'usage des Français qui ont fait
quelques études et qui veulent ap-
prendre l'allemand, Strasbourg et
Paris, 1807, in-12. IV. Cours de lit-
térature allemande, trad. de l'alle-
mand, 1807, in -8». V. Précis de
grammaire générale, servant de base
à l'analyse de chaque langue parti-
culière et d'introduction à une gram-
maire allemande, Paris, 1819, in-8".
VI. Grammaire allemande, où l'au-
teur s'efforce de développer le mé-
canisme de cette langue dans son
ensemble, à l'usage de S. A. S. Mgr
leduc de Chartres, Paris, 1819, in-8«.
VU. Grammaire allemande élémen-
taire pour les Français, contenant
les règles nécessaires pour faire avec
succès les exercices nommés thèmes
et versions^ extraite de la Grammaire
allemande complète, précédée d'un
Précis de grammaire générale du
même auteur, et approuvée par l'a-
cadémie germanique de Berlin, Paris,
1821, in-8o. Simon a donné une édi-
tion allemande des Fables deLessing,
avec des notes, Paris, 1814, in-12.
— Simon , savant physiologiste de
Berlin, mort vers 1844, avait envoyé
264
SIM
SIM
à l'Acatléinie des sciences de Paris un
mémoire sur la découverte d'un in-
secte particulier, siégeant dans les
follicules sébacés de la peau de l'hom-
me, et qu'il regardait comme la
cause de la maladie cutanée appelée
acné sebacea. Cette découverte a été
confirmée par les expériences de
M,M. Érasme Wilson de Londres,
Vogl de Munich , Henle et autres
anatomistes. Un zoologiste distingué,
M. Gruby, a fait de semblables expé-
riences, non-seulement sur la peau
de l'homme, mais aussi sur celle du
cliien, et il y a également reconnu
l'existence de ces animalcules. 11 a
inséré quelques-uns des résultats de
son travail dans VEcho du monde
savant (IG mars 18i5). Z.
SI3IOX (Henri), général français,
né le 7 avril 176i, embrassa très-
jeune la carrière des armes et fit les
premières campagnes de la révolution
dans les armées du nord, où il parvint
au grade de général de brigade le
28 novembre 1793. Employé à l'ar-
mée de la Moselle, puis à celle de
Sambre- et -Meuse, il se distingua
à la bataille de Fleurus , à Neuwied
(8 octobre 1796), et conclut le lende-
main avec le baron de Brady, géné-
ral autrichien , le traité qui déclara
Neuwied ville neutre. Il servit en-
core dans toutes les guerres de la
république et de l'empire, soit à l'ex-
térieur, soit à l'intérieur. Nommé
commandant de la Légion -d'Hon-
neur lors de sa création, ce fut, avec
le titre de baron, la seule faveur
qu'il dût à Napoléon, et, chose re-
marquable, il n'obtint aucun avance-
ment de 1793 à 1814. 11- comptait
21 ans de service actif clans le même
grade lorsque la Restauration arriva ;
aussi s'en montra-t-il le partisan. 11
fut alors nommé commandant à Dijon
etreçut bientôt après la croix deSaint-
Louis. Étant resté fidèle aux Bourbons
durant les Cent-Jours, Louis XVIII
l'en récompensa par la confirmation de
son commandement et le brevet de
lieutenant- général (1818). Il mourut
dans la retraite, en 1827. —Simon
{Edouard- François), général fran-
çais, fils de Simon de Troyes, savant
bibliothécaire [voy. ce nom, XLII,
388), était né en 1769. 11 s'engagea
le 20 mai 1792 dans un régiment de
cavalerie et franchit en très-peu de
temps tous les grades jusqu'à celui
de général de brigade, auquel il fut
promu le 27 juillet 1799. Après avoir
pris une part active aux événements
militaires depuis le consulat, il fut
désigné en 1808 pour faire partie de
l'armée d'Espagne , où il déploya
autant de talent que de bravoure,
notamment au siège de Ciudad-Ro-
drigo. Fait prisonnier au combat de
Busaco (27 septembre 1810), il fut
conduit en Angleterre d'où il tenta
de s'évader; mais, repris à un mille
de Londres, et accusé d'entretenir une
correspondance avec d'autres Fran-
çais, dans le but de faire opérer un
débarquement sur les côtes de Corn-
wall pour délivrer ses compagnons
de captivité, il fut traduit devant
les magistrats et envoyé sur les pon-
tons de Chatam. Après la chute de
l'empire il put revenir en France; le
roi lui donna la croix de Saint-Louis
le 19 juillet et celle de commandeur
de la Légiond'Honneur le 17 janv.
1815. Toutefois il ne fut pas em-
ployé, et Napoléon, à son retour, le
nomma général de division, grade
que l'ordonnance royale du 1" août
annula. Mis à la demi-solde de ma-
réchaî-de-camp, il resta dans cette
position, obtint sa retraite et mourut
vers 1828. C-ii— N.
SIMON (Victor), homme de let-
tres, né à Paris le 18 septembre 1789,
SIM
et mort le 4 juillet 1831, a publié les
écrits suivants : l. Observations sur
l'attraction, Paris, 1819, in-8o. 11.
Considérations sur quelques points
d'économie publique et politique ,
d'après les mémoires inédits de feu
M. Gasseau, mis en ordre et publiés
par Vict. Simon, Paris, 1824, in 8".
111, Les Présents du dey d'Alger, ou
l'Usurier, comédie en un acte et en
prose, Dunkerque, 1825, in-8°, IV.
Examen du projet formé par une
société de capitalistes de joindre Pa-
ris à l'Océan par un canal maritime
à même de porter les navires du plus
fort tonnage, Paris, 1826, in-8°. Les
OEuvres de Victor Simon ont été
imprimées à Dunkerque, 1834,in-18,
précédées d'une Notice sur l'auteur.
Ce volume contient, outre des opus-
cules en prose, plusieurs morceaux
de poésie, notamment deux traduc-
tions d'Horace et une de Martial ;
mais on n'y a pas inséré la comédie
des Présents du dey d'Alger. — Il
ne faut pas confondre cet écrivain
avec un autre Victor Simon, auteur
dramatique et musicien, dont l'arti-
cle se trouve dans cette Biographie,
lom. XLII, page 390. Z.
SiaiOND (Louis), voyageur fran-
çais , né en 1767, quitta la France
vers 1792, passa aux États-Unis et
visita diverses contrées de l'Amé-
rique septentrionale. Il alla plus tard
dans la Grande-Bretagne, rentra dans
sa patrie au commencement de la
Restauration, et publia son Voyage
en Angleterre, dont il présenta un
exemplaire à Louis XVUI en 1817.
Quoique les événements de la révo-
lution lui eussent fait éprouver des
pertes, il était encore dans un état
de fortune qui lui permit de satis-
faire son goût pour les voyages. De
1817 à 1819 il parcourut avec sa fa-
mille la Suisse et l'Italie, notant sur
SIM
265
ses tablettes ce qu'il voyait ou appre-
nait de curieux. Toutefois ce ne fut
qu'après plusieurs années qu'il donna
les relations complètes de ces deux
excursions. Dans les derniers temps
de sa vie, Simond se relira à Genève
et mourut en cette ville au mois de
juillet 1831. On a de lui : I. Voyage
d'un Français en Angleterre, pen-
dant les années 1810 et 1811, avec
des Observations sur l'état politique
et moral, les arts et la littérature de
ce pays, et sur les moeurs et les usages
des habitants, Paris, 1816, 2 vol.
in-8°; 2* édit,, corrigée et augmen-
tée, Paris, 1817, 2 vol. in-8% avec
15 pi. et 13 vignettes. La première
édition était anonyme. Malgré quel-
ques inexactitudes reprochées à l'au-
teur, son ouvrage fut accueilli favo-
rablement et lui mérita des éloges.
Le public était alors avide de ren-
seignements sur l'Angleterre dont
une longue guerre avait interrompu
les communications avec la France.
H. Voyage en Suisse, fait dans les
années 1817, 1818, 1819, suivi d'un
Essai historique sur les mœurs et
coutumes de l'Helvétie ancienne et
moderne, dans lequel se trouvent
retracés les événements de nos jours
avec les causes qui les ont amenés ,
Paris, 1822, 1823, 2 vol. in-8% fig.
lU.Voyageen Italie et en Sicile,?ar\s,
1827, 2 vol. in-8°; 2" édition, 1828.
Ces deux voyages, comme le précé-
dent, obtinrent un succès mérité.
L'auteur s'est moins attaché aux des-
criptions topographiques qu'à l'état
social des pays qu'il a explorés.
Leurs constitutions, l'économie pu-
blique , l'administration judiciaire
ont particulièrement fixé son atten-
tion; il raisonne avec beaucoup de
franchise sur ces différentes ma-
tières, et relève sans ménagement
les abus et les vices qu'il croit
266
SIM
apercevoir. Il est vrai qu'à l'époque
où ses relations furent publiées, les
instiiiitioiis dont il parle avaient
déjà subi quelques modilications, et
(|ue de plus grandes encore ont eu
lieu depuis ; mais ses remarques
restent ccimme des documents qui
peuvent servir à constater les pro-
grès (le la civilisation. Le Voyage en
Italie et en Sicile parait écrit avec
plus de précipitation que le Voyage
en Suisse, et cependant il a été im-
primé pins tard. Bien que l'auteur
cultivât lui-même la peinture en
amateur distingue , les jugements
qu'il porte sur les monuments, sur
les cbefs-d'œuvrc artistiques de la
Péninsule ne seraient pas toujours
sanctionnés par les honmies compé-
tents. Plusieurs faits historiques y
sont racontés d'une manière inexacte
et mal appréciés; des erreurs de
dates annulent quelquefois les consé-
quences qu'il prélend tirer de leur
rapprochement. Malgré ces défauts,
de Iréijuentes incorrections de style
et une certaine teinte de philoso-
phisme, les voyages de Simond se
recommandent par des observations
judicieuses, des aperçus ingénieux ,
entremêlés d'anccdoles intéressan-
tes. On y trouve à la fois de l'in-
struction et de l'agrément. F— et.
SIMONELLI (Joseph), peintre ,
naquit à Naples en 1C19. Il avait d'a-
bord été laquais du Giordono-, en
voyant les ouvrages de son maître ,
le goût de la peinture s'empara de
lui, il étudia ceux qu'il trouva sous
sa main, et il devint en peu de temps
un copiste exact de ses compositions
et un excellent imitateur de son co-
loris. U ne fut pas aussi habile dans
la partie du dessin; cependant on
vanle comme une production des
plus étudiées et des plus correctes,
comme une de celles qui approchent
SIM
de très-près les meilleurs ouvrages
du Giordono, le tableau qu'il a peint
dans l'église de Montesanto et qui
représente saint Nicolas de Tolen-
tino. Simonelli mourut à Naples
en 1713. P— s.
SIMOiNNEAU (Jacques- Henri) ,
riche tanneur d'Étampcs, était maire
de cette ville en 1792, lorsqu'il de-
vint victime d'une émeute qui éclata
au sujet de la cherté des subsistances.
Le 3 mars, jour de marché, des ban-
des de gens sans aveu se dirigèrent
des campagnes environnantes sur
Étampes et s'y livrèrent à des dé-
monstrations bruyantes. Elles enva-
hirent la place et voulurent imposer
par la force une diminution dans le
prix des grains ; le désordre était à
son comble, lorsque Simonneau in-
tervint pour tâcher de calmer l'irri-
tation populaire devenue très-inquié-
tante. Le maire parle le langage de
la raison; on ne l'écoute pas; des
menaces de mort sont même profé-
rées contre lui ; loin de s'en laisser
intimider, ce digne magistrat, n'écou-
tant que son devoir, répond aux cris
par ces fermes et sublimes paroles :
• Ma vie est à vous, vous pouvez me
« tuer ; mais je ne manquerai pas à
« mon devoir ; la loi me défend ce
« que vous exigez de moi. » Aussitôt
un coup de feu vient l'atteindre , et
à l'assassinat succède le massacre.
Simonneau était âgé de 42 ans. Cet
événement produisit une grande sen-
sation; on peut eu lire les détails
dans le Moniteur des 7, 8 et 9 mars
1792. L'Assemblée législative, pour
honorer la mémoire de ce courageux
citoyen, lit célébrer au Champ -de-
Mars, le 3 juin suivant, une fête fu-
nèbre où elle envoya une députation ;
elle avait décrété qu'un monument
lui serait érigé sur la place du mar-
ché d'Étampes ; mais ce projet n'a
SIM
pas été mis à exécution. A la même
époque Grégoire, cvêque couslitu-
tionuel de Loir-et-Cher, célébra aussi
dans la cathédrale de Blois un ser-
vice en l'honneur de Simonneau, et
prononça en chaire, à cette occasion,
un discours remarquable par son
exagération révolutionnaire ( voy.
Grégoire, LXVI, 67). C— h— n.
SIMONNET (Maurice), né à Lyon
le 19 juillet 1785, montra très-jeune
encore beaucoup de dispositions
pour la poésie et le dessin. Condis-
ciple d'Aimé Martin, leurs premiers
travaux littéraires furent communs,
et lorsque celui-ci iit paraître, en
1811, la première édition des Lettres
à Sophie, on lut dans sa préface :
« Je dois beaucoup à M. Mau-
« rice S , mon compatriote et
• mon ami, jeune artiste plein de
« goût et d'instruction ; il n'a rien
■ épargné pour rendre mon ouvrage
« digne du public, et je lui suis re-
« devable d'une foule d'heureuses
« corrections... » Cette mention ne
parut point suftisante k Simonne!,
qui dès lors n'eut plus aucune es-
pèce de relations avec son ancien
camarade, et qui se borna à faire part
à ses amis, dans des lettres qu'ils
conservent encore, des motifs de sa
rupture. Quelques pièces fugitives
de Simonnet ont été insérées dans
les Almanachs des Muses de Lyon
et dans d'autres recueils. En 181G, il
publia le Combat de la Drôme^
poème à la louange du duc d'Angou-
lêrae (Paris et Lyon, in-S»). Nommé
plus tard professeur de dessin au
collège de Romans (Isère), il y mou-
rut le 3 mars 1820. — Guy Patin cite
avec éloge, dans ses Lettres, un cé-
lèbre joaillier nnirjiné Simonnet;
M. Bregh"! du Lut (mi a aussi parlé,
p. Vil de ses Nouveaux Mélanges.
A. P.
SIN
267
SIMPSON (CuRiSTOPHE), Anglais,
un des plus grands musiciens de son
temps, bon compositeur et excellent
violon, vivait dans le XYll^ siècle.
On ne sait rien de sa vie, si ce n'est
qu'il servit dans l'armée de Char-
les V' contre le parlement, et qu'il
fut proiégé pendant ce temps par sir
Robert BoUes et ensuite par John
Bolles. Simpson a publié différents
ouvrages relatifs à son art, I. 11 lit
paraître en 1665 un petit in-folio,
Chelys Minuritionum, qu'il dédia à
John Bolles. Cet ouvrage est sur
deux colonnes; la première contient
le texte anglais, et la seconde en est
la traduction latine; cette traduc-
tion appartient à William Marsh,
ainsi que Siuipson nous l'apprend
dans sa dédicace. L'auteur divisa
cette espèce de traité en trois parties:
la première contient la méthode de
jouer du violon ; la seconde, la théo-
rie des accords, et la troisième, celle
des cadences. 11. 11 publia en 1667
son Compendium de musique pra-
tique en cinq parties : la première
renferme les principes de cette
science qui se trouvent dans tous les
livres élémentaires de ce genre; la
seconde truite de la théorie de la
composition du contre-point, des
intervalles, des accords, des clefs ou
tons, etc. ; la troisième est consacrée
à l'harmonie : l'auteur y parle des
trois genres de musique, de la diato-
nique, de la chromatique et de l'har-
monique; la quatrième traite de mu-
sique vocale, et la derrîière, de l'art
de composer les canons. Ces deux ou-
vrages sont très-estimes. Le portrait
de Simpson se trouve dans V Histoire
de la musique de H iw kins. Z.
SINA (Ibn). Voy. Avicen.mî, III,
115.
SINCEIIUS (JoDocus). Voy. ZiN-
ZERLING, LU, .370.
568
SIN
SIN
SINCLAIR (sir Jonh), agronome
anglais, naquit en 1754, à UUster,
dans le comté de Caithness en Ecosse.
Après avoir commence ses études à
l'école supérieure d'Edimbourg, il
alla les achever à l'université de
Glascow, puis h celle d'Oxford. Be-
venu en Ecosse, il fut admis dans
l'ordre des avocats, mais il ne suivit
pas le barreau. 11 entra de bonne
heure au parlement, s'atfacha pen-
dant quelque temps à Pitt, et aban-
donna ensuite son parti pour se join-
dre à l'opposition, quoiqu'il fût con-
traire à l'abolition de la traite des
nègres. On attribua ce changement
au refus qu'avait fait Pitt de l'élever
à la pairie. Sinclair avait e'té créé
baronnet en 1780. L'économie poli-
tique et surtout l'agriculture fixèrent
spécialement son attention : il forma
d'abord, à Edimbourg, une société
pour l'amélioration des laines, puis
il fonda un bureau d'agriculture, dont
il fut le président perpétuel. L'utilité
de cette institution a été fort con-
troversée : on a prétendu que les
avantages qu'elle a procurés étaient
loin de balancer les dépenses qu'elle
a occasionnées. Quoi qu'il en soit, sir
John Sinclair seconda de tous ses
lîioyens les progrès de l'industrie
agricole. Sous ce rapport, il a rendu à
sa patrie des services incontestables.
Pendant la dernière guerre entre
l'Angleterre et la France, il leva et
commanda en qualité de colonel deux
bataillons appelés les fencibles de
Rothsay et de Caithness. Jusqu'à la
fin de sa longue carrière, il continua
de se livrer à ses occupations favo-
rites, et mourut en décembre 1835,
âgé de 82 ans. Outre un grand nom-
bre d'articles insérés dans différents
recueils, on a de lui : I. Productions
pendant une courte retraite^ 1782,
in-S". II. Observations sur le dia-
lecte écossais, 1782, IIL Pensées sur
la force navale de Vempire britan-
nique, 1782. IV, La crise de l'Eu-
rope, 1783, in-S", traduite en français
la même année, in-12 (anonyme). V.
Avis adressé au public pour dissiper
les idées nébuleuses qni, récemment,
ont été données de l'état de nos finan-
ces, 1783,in-8°. VI. Histoire dure-
venu public de Vempire britannique,
1785, in-4<>; 3« édif., 1805, 3 vol.
in-8°. VII. État des changements qui
peuvent être proposés aux lois pour
régulariser l'élection des membres
du parlement pour les comtés d'E-
cosse, 1787, in-g". Vlll. Rapport sur
la laine de Shetland, 1790. IX.
Adresse à la société pour l'amélio-
ration de la laine d'Angleterre, éta-
blie à Edimbourg, 3 janvier 1791,
in-8°. X. Adresse aux propriétaires
sur le bill des grains, 1791. XI. No-
tice statistique s^ir l'Ecosse, extraite
des communications des ministres
des différentes paroisses, Éilimbourg,
1792 et années suiv.,in-8°. Le pros-
pectus de ce volumineux recueil pa-
rut à Londres, en 1792, en français;
l'ouvrage forme plus de 20 vol., et
probablement il n'existe aucun pays
en Europe dont on ait imprimé une
statistique aussi détaillée. XII. No-
tice sur Vorigine du bureau d'agri-
culture et ses progrès dans les trois
années qui ont suivi son établisse-
ment, 179G, in-4°. XIII. Communi-
cations au bureau d'agriculture sur
le labourage et les améliorations in-
térieures, 1797, in-r. X\y. Lettres
aux directeurs et gouverneurs de la
banque d'Angleterre, sur la détresse
pécuniaire du pays, et les moyens
de la prévenir, 1797, in - 8°. XV.
Alarme aux fermiers, ou Consé-
quence du bill pour le rachat de la
taxe sur les propriétés, 1798, in-8".
XVI. Discours sur le bill pour im-
SÎN
poser, une taxe sur le revenu, 1798,
in-S". XVH. Histoire de V origine et
des progrès de la Notice statisti-
que de l'Ecosse, 1798. XVIII. Pro-
position d'établir une tontine pour
lixer les principes de i'anicliora-
tiop. agricole, 1799, in - 8°. XIX.
Projet d'un plan pour établir des
fermes expérimentales et pour fixer
les principes des progrès de l'agri-
culture, avec le Rapport sur ce pro-
jet, lu à l'Institut, le l^"" thermidor
an VIII, par Cels et Tessier, Paris,
an IX (1801), in-4», avec 3 pi. Cet
ouvrage, rédige' en français et envoyé
par l'auteur à l'Institut national, a
été inse'ré dans le l*^"" volume des Mé-
moires des savants étrangers, publié
par cette compagnie en 1805. XX.
Essais sur différents sujets^ 1802,
in-S**. XXI. Pensées sur la longévité^
1802, in-40. XXII. Lettre à M. L.
Ballots sur l'agriculture, les finan-
ces, la statistique de longévité, suivie
d'unApeiou (en forme de tableau
synoptique) sur les sources du revenu
public, Paris, 1803, in-S" (en fran-
çais.) Cette £e//re fut publiée par Bal-
lois lui-même, fondaîeur et rédacteur
des Atmales de statistique, recueil
où l'on trouve quelques autres écrits
de sir John Sinclair {voy. Ballois,
LVII, 92). XXIU. Code de santé et
de longévité^ ou Vues concises des
principes calculés pour la conserva-
tion de la santé, et pour atteindre
une longue vie, 1807, 4 vol. iii-8'.
Louis Odier {voy. ce nom, XXXI,
502), professeur de médecine à Ge-
nève, en a donné une traduction
abrégée, sous le titre de Principes
d'hygiène, extraits du Code de santé
et de longévité de sir John Sinclair,
traduit de l'anglais, seconde édition,
revue et augmentée, Genève et Paris,
1823, in-8". La fc édition avait paru
par fragments dons la Bibliothèque
SIN
2G9
britannique ; c'est par erreur qu'on
a quelquefois attribué cette traduc-
tion à Pictet. XXIV. Recherches sur
la nature et les causes de la brouis-
sure, de la rouille et de la nielle^
1809, in-S». XXV. Observations sur
le rapport du comité des matières
d'or et d'argent {hiûWon committee),
1810, in-8''. XXVI. Remarques sur
le pamphlet concernant la déprécia-
tion du cours., par William HusUs-
son., 1810. Wy\\. Notice sur le sys-
tème d'agriculture adopté dans les
districts les mieux cultivés d'Ecosse,
1813. XXVIII. Notice sur la Société
de la Haute-Écosse (Highland So-
ciety ) à Londres, 1813. Mathieu de
Dombasie a traduit de l'anglais de
sir John Sinclair : L'Agriculture
pratique et raisonnée, Paris et Metz,
1825, 2 vol. in-8% avec 9 plan-
ches. D— z-s.
SINETY de Puylon (Jean-Bap-
tiste-Ignace-Elzéar de), littéra-
teur, d'une ancienne et illustre fa-
mille de la Provence, naquit à Apt
en 1703, fut d'abord page du duc
d'Orléans, régent, puis gentilhomme
de la duchesse de Berry, sa fille.
Nommé en 1723 capitaine au régi-
ment d'Orléans, cavalerie, il passa
en 1733 au service des galères, et
plus lard fut appelé aux fonctions de
commissaire-général de la marine à
Marseille, oii il mourut le 14 avril
1779. il était membre de l'académie
de celte ville, chevalier de Saint-
Louis, et mérita l'esliuie des savants
et des gens de lettres. Fontenelle
l'appelait son fils 5 M"'^ de Sinjiane,
avec laquelle il fut en relation, en
parle avec éloge dans ses Lettres, et
Voltaire, dans sa correspondance,
loue son talent pour la poésie. Les
mémoires imprimés de l'académie
de Marseille contiennent plusieurs
Discours de Sinety de Puylon, et
270
STN
une pièce de vers de sa composition
a été insérée dans le recueil des fa-
bles d'Ardène. Il a laissé manuscrits
des poésies et d'autrps ouvrages. —
SiNETY (le comte André- Louis-Es-
prit de), fils du précédent, naquit à
Marseille, et commença par être
page à la grande écurie en 1755.
Pendant la guerre de sept ans, à la-
quelle il prit part, il obtint le grade
de capitaine des cuirassiers du roi ;
puis il Fut nommé major du régi-
ment Royal-Navarre, cavalerie, en
1773, chevalier de Saint-Louis en
1776, et quitta le service en 1778.
Élu député de la noblesse de Mar-
seille aux États-Généraux de 1789,
il se montra d'abord, mais avec mo-
dération, favorable aux innovations.
Selon son mandat, il vota pour l'opi-
nion par tête. En 1790, il fit une
motion tendant à ce que les mein-
l)res du corps législatif fussent dé-
clarés incapables de toute espèce
d'éligibilité; il vota pour la suppres-
sion du privilège de la compagnie
d( s Indes, et pour que l'on conférât
au roi le droit de paix et de guerre;
demanda qu'on attendît de nouveaux
détails avant de prendre un parti sur
la démolition des forts de Marseille;
combattit en faveur des ports de la
Méditerranée l'établissement d'un
port unique pour le retour du com-
merce de l'Inde; parla sur l'organi-
sation de l'armée, s'éleva contre le
système de l'incorporation, et s'op-
posa à une nouvelle émission d'assi-
gnats pour l'acquittement de la dette
publique. En 1791, son nom ayant
été inscrit sur une liste des mem-
bres du club monarchique, il déclara,
par une lettre insérée dans le Moni-
teur du 6 février, qu'il n'appartenait
à aucune association politique. Le
22 jiiin, après la fuite du roi à Va-
rennes, Sinety fut nommé par l'As-
SIN
semblée nationale l'un des commis-
saires chargés d'alUîr recevoir le
serment des troupes, et de lui ren-
dre compte de l'état des départe-
ments qu'ils auraient visités. Il prêta
le serment dans la même séance, et
fit une proposition pour accélérer le
recouvrement des contributions ar-
riérées. L'Assemblée constituante
ayant terminé ses travaux, Sinety
rentra dans la vie privée; et, dans
des temps plus tranquilles, il devint
membre du conseil d'agriculture et
de la chambre de commerce de Mar-
seille. Les nombreux rapports qu'il
rédigea attestent les connaissances
spéciales de l'auteur sur ces matières
et sont encore consultés aujourd'hui.
Il mourut dans cette ville en janvier
1811. On a de lui : I. L' Agricullure
du Midi, ou Traité d'agriculture
propre aux départements méridio-
naux,'Marseille et Paris, 1803, 2 vol.
iri 12; ouvrage d'une grande utilité
pour les propriétaires de ces con-
trées, il. L'Hommage de Phocée
(Marseille), ou l'Europe sauvée,
drame héroïque en l'honneur de
Napoléon-le-Grand, 180G, in-S". On
a encore de Sinety, dans les Mé-
moires de l'académie de Marseille,
dont il était secrétaire perpétuel,
des rapports, des dissertations, des
éloges, etc. — Son fils (Antoine),
entré fort jeune dans la marine,
quitta le service au bout de sept
ans. Il vivait retiré à Aix en Pro-
vence, lors du retour ûc Bonajjarte
en 1815, et montra dans ces circon-
stances un grand dévouement à la
cause royale, pour laquelle il leva
d'abord et recomposa de nouveau un
bataillon de volontaires royalistes.
Il est auteur de quelques écrits sur
l'économie rurale. — Ou a souvent
confondu le comte André- Louis-Es-
prit de Sinety avec son cousin le
SIN
SIO
271
marquis André-Marie de Sinety,
né à Paris le 14 janvier 1758, che-
valier de Saint-Louis, ancien colonel
en second du re'giment d'Angoumois,
et premier maîlre-d'hôtel du comte
de Provence, depuis Louis XVlll. Il
fut nomme' maréchal-de-camp hono-
raire le 11 janvier 1815. Z.
SINSART (dom Benoît), reli-
gieux bénédictin de la congrégation
de Saint-Vanne, naquit à Sedan en
1C96, et, après avoir terminé ses
études, entra dans la carrière des
armes et servit pendant quelques
années comme ingénieur. Jeune en-
core, il abandonna l'élat militaire
pour embrasser la vie monastique,
et, le 7 sept. 1716, il fit profession
dans l'abbaye dt^Senoncs on Lor-
raine, ordre de Sainl-Benoît, où il
enseigna la philosophie et la théolo-
gie. Il donna son approbation au
Traité théologique sur Vautorité et
rinfaillibilité du pape, par dom
Petit-Didier (Luxembom-g, 1724),
ouvrage qui n'en fut pas moins sup-
primé par arrêts des parlements de
Paris, de Dijon, de Metz. Envoyé à
l'abbaye de Saint-Grégoire de Muns-
ter en Alsace, Sinsart en devint
prieur, fut en 1743 coadjuteur de
dom Rutau, puis abbé en 1745. Plein
de piété et de savoir, il partagea son
temps entre l'accomplissement de
ses devoirs et la culture des scien-
ces, des lettres et même des beaux-
arts ; car il était non-seulement
versé dans les matières de théologie
et dans les mathématiques, mais il
connaissait aussi la peinture, l'ar-
chitecture, la musique, etc. Un de
ses confrères, le P. Céiestin Harts,
lui dédia un recueil de différentes
pièces de clavecin (Schelesladt ,
1725). Dom Sinsart mourut octogé-
naire a l'abbaye de Munster le
22 juin 1770, On a de lui : I. Les
vrais principes de saint Augustin
sur la grdce, et son accord avec ia
liberté, ouvrage dans lequel on ré-
fute le sysfèmo de Jansénius, Rouen
(Bâie), 1739, in-8". 11. La vérité de
la religion catholique démontrée
contre les prolestants, mise à la
portée de tout le monde; avec une
réfutation de la Réponse de M. Pf.dî
{voy. ce nom, XXXllI, 570) à la se-
conde lettre du R. P. Scheffmacher
h un gentilhomme protestant, et des
remarques sur un sermon de M. Ib-
bas, docteur anglais, Strasbourg,
1746, in-S". III. Défense du dogme
catholique sur l'éternité des peines,
où l'on réfute les erreurs de quel-
ques modernes, et principalement
celles d'un auteur anglais, Stra.s-
bourg, 1748, in-8o, dédié au cardi-
nal de Rohan. IV. Essai sur Vac-
cord de la fol et de la raison tou-
chant VEucharistie, Cologne, 1748,
in- 8". V. Recueil de pensées diverses
sur l'immatérialité de l'âme, son im-
mortalité, sa liberté, et sa distinc-
tion d'avec le corps ; ou Réfutation
du matérialisme, avec une réponse
aux objections de M. Cuentz et de
Lucrèce le philosophe, Co!mar,impr.
royale, 1756, in-S". D'après Barbier
(Dict. des anonymes), on attribue à
dpm Sinsart l'ouvrage intitulé :
Chrétiens anciens et modernes^ on
Abrégé des points les plus intéres-
sants de l'histoire ecclésiastique,
Londres, 1754, in-12. Il travailla
aussi au Rituel du diocèse de Bàle,
par ordre du prince-évêque. P— rt.
SIOx\i\ESï (Claude), natura-
liste, né à Lyon en 1749, appartenait
à une famille qui, depuis deux siè-
cles, exerce dans cette ville le com-
merce de l'cpicerie pharmaceutique,
auquel il fut destiné lui-même. Ce-
pendant l'effervescence de la jeu-
nesse l'entraîna momentanément
272
SIO
SIO
vers la carrière militaire, et dès
l'âge de seize ans il s'eniôla dans
im régiment d'infanterie ; mais,
après y avoir servi pendant quatre
années, il revint dans ses foyers
avec la ferme résolution de consa-
crer le reste de sa vie à l'étude de
l'histoire naturelle; et afin qu'aucun
obstacle, que nulle préoccupation
étrangère ne le détournassent de
ses travaux, il s'affranchit, par dos
arrangements de famille, de tout
soin domestique, et demeura céliba-
taire. Plein de désintéressement,
sans ambition, ce n'était pas même
le désir de la gloire qui le stimulait;
Tamour de la science fut son unique
mobile. Livré ainsi exclusivement à
l'exploration de la nature, il acquit
des connaissances profondes et va-
riées dans la botanique, l'entomolo-
gie, la conchyliologie, la minéralo-
gie. Ce fut dans cette paisible et
heureuse position que la révolution
le trouva. La garde nationale ayant
été organisée à Lyon, Sionnest fut
élu chef de bataillon et concourut à
maintenir l'ordre dans cette ville,
surtout pendant le siège mémorable
qu'elle soutint, en 1793, contre l'ar-
mée conventionnelle. Obligé de fuir
après la reddition, il resta caché
tant que dura le régime de la ter-
reur. Le 9 thermidor lui permit en-
fin de reparaître; alors il devint
membre «le la municipalité lyon-
naise, et fut spécialement chargé de
la police urbaine ; mais il se démit
bientôt de ces fonctions pour re-
tourner à ses études favorites. En
1798, il fut admis comme physicien
entomologiste à la Société de santé
qui s'était formée à Lyon, et deux
ans plus tard il devint membre de la
Société d'agriculture du Rhône, nou-
vellement réorganisée, et en fut
même nonu>^é trésorier, fondions
qu'il exerça pendant dix ans. Dans
les derniers temps de sa vie, il se re-
tira à la campagne, avec le titre de
correspondant, y continua paisible-
ment ses travaux, et mourut le
31 janvier 1820. Il avait composé un
herbier de 50 vol. in-fol., distribué
suivant le système sexuel de Linné,
avec de savantes observations sur les
plantes cryptogames, où il examine
ce qu'en ont dit Hedwig, Palisot de
Beauvois et autres botanistes. Il
avait rassemblé aussi une collection
d'insectes et de papillons ; une autre
de minéraux, classés d'après le sys-
tème d'Haiiy ; deux* collections con-
chyliologiques, l'une de coquilles
microscopiques marines, vivantes et
fossiles, contenantjplus de mille es-
pèces, non compris les variétés,
l'autre de coquilles terrestres et
fluviatiles, en plus grand nombre
que celles qui sont décrites dans
l'ouvrage de Draparnaud sur les
mollusques de France, et pour le
classement desquelles Sionnest n'a
pas cru devoir adopter la méthode
de ce naturaliste. Il possédait une
coquille extrêmement rare; c'est la
variété scalaris de Vhelix pomatia^
décrite par Draparnaud (page 88,
tab. VI, fig. 21 et 22), qui manque
aux plus riches collections d'Eu-
rope, et dont il ne voulut jamais se
dessaisir à quelque prix que ce fût.
Outre plusieurs mémoires qu'il a
présentés à la Société d'agriculture
du Rhône, sur les insectes nuisibles
aux récoltes et des statistiques an-
nuelles des dommages qu'ils occa-
sionnent, il a laissé en manuscrit
des concordances systématiques ,
dressées d'après les descriptions des
naturalistes, de coquilles vivantes;
de coquilles fossiles; de productions
marines vivantes, telles que madré-
pores, coraux, polypiers, etc. ; une
SIR
autre concordance entre les an-
ciennes et les modernes dénomina-
tions des minéraux ; beaucoup de
notes sur le système d'Haiiy, el l'es-
quisse d'une description minerdlo-
gique du déparlement du Rhône.
M. Groguier a donné une Notice sur
Sionnest dans le Comple-rendu des
travaux de la Société d'agriculture
de Lyon, 1820, in-8°. P— rt.
SIOUTI. Yoy. SoYOUTHi, XLIII,
222.
SIRET ( Pierre-Hubert-Chris-
tophe), ancien chanoine régulier de
la congrégation de Sainte-Geneviève,
naquit à Reims le 3 août 1754, et
mourut à Paris, curé de la paroisse
de Saint-Séverin, le 19 mai 1834.
Élève du collège de Reims, il alla à
Paris et entra dans l'abbaye de Sainte-
Geneviève. II y professa la rhéto-
rique et se dévoua ensuite à la pré-
dication. Doué d'une grande mé-
moire et de beaucoup de facilité
d'clocution, il remplit ce ministère
avec succès pendant plusieurs an-
nées. Sa nomination au prieuré de la
cure du Val-des-Écoiiers l'éloigna
de la capitale, et il se trouvait prieur-
curé de Sourdun quand la révolu-
tion éclata. Comme presque tous les
génovéfains, l'abbé Siret en adopta
les principes. L'archevêque de Sens,
M. de Brienne, dens le diocèse du-
quel il était, lui en avait d'ailleurs
donné l'exemple, et il prêta en 1791
le serment à la constitution civile
du clergé. En 1793 il cessa les fonc-
tions du ministère. Sans aucun
moyen d'existence, il entra dans les
bureaux de M. de Normandie, liqui-
dateur-général de la dette des émi-
grés, et il y resta jusqu'en 1797. Dès
lors, atîaché comme simple vicaire
au clergé de Saint- Merri, il prêcha
dans toutes les églises de Paris et s'y
lit entendre avec intérêt. Nommé à
LXXXII.
SIR
27:
la cure de Saint-Séverin en 1820, il
s'y concilia les esprits qui pouvaient
lui être opposés, se fit estimer des
personnes judicieuses, et par son
crédit auprès des autorités et par ses
largesses il parvint à restaurer son
église, que le vandalisme révolution-
naire avait mise dans un déi»lorable
état. Sa conversation était nou-seu»
lemeut intéressante, mais encore at-
trayante par le ton d'aménité dont
il savait l'accompagner. On a de lui :
I. Éloge funèbre de M^' le cardinal
de Belloy ^archevêque de Paris, I808,
in-8o.U. Èlogefunèbre de Louis JVl,
1814 , in-8°. in. Panégyrique de
saint Patrice, prononcé au collège
des Irlandais, in-8». IV. Discours
prononcé pour la profession de deux
religieuses à l'Hôtel-Dieu de Paris^
1817, in -8°. V. Mémorial de la
chaire, ou Manuel du jeune prédica-
teur^ contenant des sujets variée,
des textes, prônes et discours à dé-
velopper pour les dimanches et fêtes,
ouvrage très-utile aux jeunes ecclé-
siastiques, Paris, 1824, un vol. in-12.
Il est de plus éditeur des sermons de
M. Cochin, curé de Saint-Jacques-
du- Haut-Pas, à la tin desquels il y en
a deux de lui, L— c — j.
SIRET (Charles-Joseph-Chris-
tophe), frère du précédent, maître
ès-arts de l'ancienne Université de
Paris, docteur es -lettres, corres-
pondant de plusieurs sociétés d'a-
griculture, ancien censeur du col-
lège royal et bibliothécaire de Reims,
naquitdans cette ville le 4 nov. 1760,
et y mourut le 28 mai 1838, âgé de
près de 78 ans, dont plus de 40 lurent
passés dans l'instruction publique.
Protégé par Me' de Talleyrand -Pé-
rigord , coadjutcur et plus tard ar-
chevêque de Reims, il fut placé dès
l'âge de 11 ans au collège de Louis-
le-Grand, à Paris, en qualité de bour-
18
274
SIR
sier, s'y distingua par son applica-
tion et par des succès qui le firent
toujours marcher de front avec les
ujrilleurs sujets de cet établisse-
ment. Entré ensuite au séminaire de
Saint-Sulpice où il fit sa théologie,
tout ce qui se passait en lui faisait
croire qu'il était destiné à l'état
ecclésiastique , quand des raisons
particulières vinrent le détourner
des dispositions qu'il paraissait
avoir. Dès ce moment le choix d'un
état ne fut plus incertain pour lui;
ses succès classiques et ses grades
dans l'Université étaient de sûrs ga-
rants qu'il pouvait sans crainte se
livrer à l'enseignement. S'étant ma-
rié peu de temps après son retour à
Reims, il y ouvrit un pensionnat
pour enseigner les premiers éléments
de la langue latine, de manière que
ses élèves pouvaient, en sortant de
SAS mains, onlrer dans les classes de
sixième , cinquième et quatrième du
collège de l'Université. Son pension-
nat, monté en 1783, subsista jus-
qu'en 1805, époque de l'établisse-
ment du lycée. La ville de Reims se
trouvant en 1791 sans collège, par la
suppression de l'Université, le direc-
toire du département de la Marne et
l'évêque constitutionnel Nicolas Diot
{voy. ce nom, LXll, 499), s'empres-
sèrent d'en créer un nouveau et d'y
appeler Siret pour y professer la rhé-
torique. Il ne crut pas devoir ac-
cepter cette place. Peu de temps
après ils le nommèrent principal du
même collège. Les raisons qui lui
avaient fait refuser la chaire de rhé-
torique s'opposaient encore à ce
qu'il pût accepter cette nouvelle
place; et comme un refus préci-
pité aurait incontestablemont mé-
contenté l'autorité , il voulut bien
provisoirement consentir à en exer-
cer les fonctions pendant quelques
SIR
mois; mais on ne put le détermi-
ner à lui en faire prendre possession
et à s'y laisser installer. Il fallait
avoir du courage pour en agir ainsi
à une époque si voisine de la terreur.
Cependant rien ne l'arrêta , ni les
sollicitations, ni la crainte de perdre
son pensionnat, sa seule et unique
ressource qu'il voyait augmenter
tous les jours; rien ne put l'engager
à y rester. Cette démarche devait le
mettre en butte aux tracasseries et
aux vexations de ceux dont il ne par-
tageait pas les opinions ; néanmoins
il sut par sa prudence, par son esprit
et par sa fermeté, se préserver de
toute atteinte, conserver son éta-
blissement, y agrandir les études et
en faire une espèce de collège où l'on
enseignait la grammaire, les huma-
nités, la rhétorique, le dessin, les
mathématiques et quelques arts d'a-
grément. Son caractère ferme, son
maintien imposant et ses maniè-
res honnêtes le firent respecter des
plus exaltés et lui acquirent l'es-
time et la confiance, non-seulement
des pères et mères qui avaient à
cœur de donner ïi leurs enfants une
éducation à la fois solide et chré-
tienne, maisencorecellesde plusieurs
farouches républicains (jui lui con-
fièrent les leurs. Un d'eux, en lui
amenant son neveu, lui dit: Je veux
que cet enfant, ù qui je prends inté-
rêt, apprenne chez toi à connaître
sa religion. Ce n'était pas un piège
que cet homme puissant alors lui
tendait: les parents de cet enfant
qu'il consulta l'assurèrent qu'il pou-
vait en toute sûreté le recevoir au
nombre de ses élèves et qu'il n'avait
rien à craindre de leur frère. Com-
me beaucoup d'hommes de méiile
qui se livraient à l'enseignement,
Siret s'était aperçu qu'un livre man-
quait à l'instruction. Pour y reiné-
SIR
(lier, il composa son Epilome hislo-
riœgrœcœ, livre utile, el, coniine on
l'a dit, le plus populaire etpeut-êlre
le seul de ces temps qui soit resté
classique; il en fit hcmmage en 1798
à l'administration du département,
qui en ordonna le dëpôt dans l'école
centrale établie à Cliâlons.Tout alors
lui était prospère: il en fut de même
les années suivantes-, mais la maison
d'éducation établie en octobre 1802
dans l'ancienne abbaye de Saint-
Denis, par l'abbé Legros , dernier
principal du collège de l'Université,
et la formation du lycée de Reims en
1805, vinrent porter un coup mortel
à son pensionnat, qui avait été, par
un arrêté des consuls en date du
3 frimaire an IX (24 nov. 1802), érigé
en maison d'éducation secondaire.
Cependant, mettant de côté le tort
qu'il devait en éprouver, il se fit
inscrire au nombre de ses souscrip-
teurs. Reconmiandé, il est vrai, à
Fontanes , grand - maître de l'U-
niversité de France , et lié avec
plusieurs hauts dignitaires , Siret
pouvait espérer une place hono-
rable dans l'instruction publique.
Il n'y aurait, sans aucun doute,
été déplacé; mais peu courtisan, et
par cela même peu capable de solli-
citer auprès des grands, il n'obtint
que de brillantes promesses qui se
réduisirent à la place de professeur
de sixième au lycée de Reims. De la
sixièuie, Siret passa successivement
à la (juatrième, à la troisième et à la
chaire de rhétorique. Nommé en 1822
par le conseil royal censeur du même
collège, il tn exerça les fonctions jus-
qu'en novembre de l'année suivante,
époquede son admission à la retraite.
Libre alors de tout son temps, il le
consacra à la bibliothèque qu'il ai-
mait autant que lui-même. Il y avait
été appelé dès 1800 en qualité de
SIR
275
conservateur du dépôt des livres qui
se trouvaient entassés dans la belle
bibliothèque et autres pièces de l'an-
cienne abbaye de Saint-Rémi. De ce
dépôt, composé de 63,929 volumes
imprimés et de plus de mille ma-
nuscrits, provenant des bibliothè-
ques du chapitre métropolitain, des
monastères, maisons religieuses et
de celles de quelques émigrés , la
ville composa, d'après le triage opéré
par le chevalier Coquebert de Tai-
sy, l'avocat Havé ( voy, ce nom,
LXVI , 567 ) , et au moyen d'ac-
quisitions et d'échanges, sa biblio-
thèque qu'on peut évaluer à plus de
30,000 volumes. Le séminaire de
Meaux n'a pas oublié qu'il doit à
Siret une partie de sa bibliothèque,
composée de livres doubles que l'au-
torité municipale permit de lui en-
voyer. Des chagrins domestiques, les
événements de 1830, la crainte de
perdre sa place ayant altéré sa santé,
la mairie lui adjoignit M. Louis Paris
jeune, homme savant et lettré, très-
capable de le remplacer, et nous
sommes fondé à croire qu'il a plu-
sieurs fois souri à l'idée que la bi-
bliothèque serait fort bien entre ses
mains. 11 lui devenait d'ailleurs né-
cessaire; sa sauté s'affaiblissait de
jour en jour et annonçait une fin
prochaine. Après deux mois de mala-
die, il termina sa laborieuse carrière,
muni des secours de la religion qu'il
n'avait jamais cessé de pratiquer, qui
le fortifia dans ses peines et lui pro-
cura pendant sa vie des moyens de
consolation. Par sa mort la ville de
Reims perdit un citoyen probe et
désintéressé. Aussi l'autorité muni-
cipale, voulant lui payer son tribut
de reconnaissance, fit-elle prier la
famille de retarder d'un jour ses
obsèques, afin d'y assister en corps
et d'honorer par cette démarche la
18.
276
SIR
nii^moire d'un homme qui toute la
vie avait été utile à sou pays. En
donnant au public son Epitome his-
toriée grœcœ, qui lui rapportait an-
nuellement 8 à 900 fr. et que des
besoins lui firent abandonner pour
quelques mille, Siret couiptailbien,
après l'avoir traduit et fait imprimer
sous le titre iVAbrégé de Vhistoire
grecque, depuis Vorigine des Grecs
jusqu'à la fin du règne d'Alexandre,
le faire suivre d'autres ouvrages im-
portants 5 mais des chagrins Tem-
pêchèrent de réaliser les projets
qu'il avait constamment manifestés.
Parmi ces projets, celui qu'il avait le
plus à cœur, c'était de continuer les
Essais historiques sur la ville de
Reims^ commencés par la commission
des archives de celte ville créée par
un arrêté de la mairie, en date du
22 février 1822; il était un des mem-
bres les plusdistinguésde cettecom-
mission qui l'avait choisi pour la ré-
duction des lY' 3 et suiv. jusqu'au
n" te inclusivement, tous imprimés
à Reims, de 1822 à 1825,in-8o. H ré-
digea , d'après les notes de celte
commission , le Précis historique
du sacre de S. M. Charles X, im-
primé in 4° sur la fin de 1825.
En 1809, le 15 novembre, il s'était
engagé avec M. Alphonse de Beau-
champ, alors exilé à Reims, de faire
en commun VHistoire de la con-
qucle de l'Espagne par les Romains
jusqu'au règne d'Auguste. En 1810
il traduisit de l'italien et fit impri-
mer à Reims des Méditations et
prières pour servir de préparation
à la fête de la B. M. sainte Thérèse
de Jésus, in- 12. Nous avons trouvé
dans ses papiers un commencement
d'un Epitome historiœ romance et
le plan de la conquête de l'Espagne.
Ce dernier élait écrit de la main d'Al-
phonse de Boauchamp. L— c— J.
SIR
SIKEULDE (Jacques), versifica-
teur, ou, si l'on veut, poète nor-
mand , était vers 1555 huissier au
parlement de Rouen. Voilà tout ce
que Du Verdier et l'abbé Goujel
nous apprennent de lui. Il a donné
au public : Le Thrésor immortel
trouvé et tiré de VEscripture saincte..
à la fin duquel sont adjoustés plu-
sieurs chants royaux, ballades et
rondeaux faicts et composés par au-
cuns poètes françois et présentez au
Puy-desPauvres de Rouen, à Rouen ,
chez Martin leMégissier, 1556, in-8°.
Ce poème de 28 feuillets, en vers de
dix syllabes, dédié à Louis Pétrémol,
conseiller, etc., est une exhortation
à la charité. Sireuide y prouve, dit
Goujet , par les témoignages des
livres saints, la nécessité et les avan-
tages de l'aumône, et il montre com-
ment on la doit faire. Quinze à dix-
huit poètes contemporains, plus ou
moins connus, ont fourni les pièces
qui précèdent et qui suivent le
poème. Le Thrésor immortel, livre
très-édifiant qu'on croyait l'unique
progéniture de Sireuide, n'avait pas
fait grande fortune au Parnasse. Les
bibliographes ne le citaient guère;
il ne figurait que dans d'obscurs ca-
talogues, et il n'était que fort peu
couru des bibliophiles et des biblio-
manes.Mais depuis quelques années
on lui a découvert un frère cadet qui
a eu une toute autre destinée. Il a
aussitôt obtenu un sort si brillant
que les mânes du bon huissier, son
père, ont dû en tressaillir d'allé-
gresse. Consistant seulement en 16
feuillets, ce second livre est inntulé:
Les abus et superfluitez du monde
(en vers)..., avec une pronosticalion
véritable pour celte année (en prose),
Rouen, Abraham Cousturier (sans
date), petit in-8». Acheté d'abord
80 fr. en 1811 chez le libraire Cro-
SIR
sm
277
zet {voy. le Manuel de M. Brunet),
il se repre'senta en 1844 dans la Des-
cription raisonnée de la collection
de livres qui avaient appartenu à
Charles Nodier. Là, se trouvant placé
dans la division îles Poésies gail-
lardes et burlesques, entre le Passe-
partout des Ponts bretons et la
Mode qui court au temps présent, le
livret, relié en maroquin rouge,
filets, par Bauzonnet , était encore
annoncé comme un «volume inconnu
et d'une grande rareté.» On ajoutait
qu'il renfermait « des particularités
singulières et curieuses pour l'his-
toire intérieure de Rouen.» Aussi,
livré à la chaleur des enchères, le
bienheureux livret a été porté à
112 fr. C'est bien le cas de dire, avec
Terentianus Maurus : Habent sua
fata libella B— l— u.
SIIIEY (Jean-Baptiste), labo-
rieux et habile jurisconsulie, né à
Sarlat dans lePérigord (Dordogne),
le 25 septembre 1762, embrassa d'a-
bord l'état ecclésiastique, et reçut
les ordres sacrés avant la révolution^
mais ensuite, ayant reconnu que
ce n'était pas là sa vocation, il sol-
licita et obtint d'être relevé de ses
vœux, puis épousa une nièce de Mi-
rabeau. A l'étude de la théologie il
avait fait succéder celle de la juris-
prudence. Quoiqu'il eût adopté les
principes de la révolution, il n'en
approuva pas les excès, et en fut
même victime; car, accusé tantôt de
royalisme, tantôt de fédéralisme, il
resta long-temps incarcéré, mais il
eut le bonheur d'échapper à la mort.
Son acquittement fut prononcé par
le tribunal révolutionnaire dans la
même salle où siège actuellement la
chambre civile de la cour de cassation,
devant laquelle Sirey plaida si sou-
vent depuis, pendant trente-six ans.
Rendu à la liberté, il publia en
l'an 111, contre le tribunal révolu-
tionnaire encore existant, un écrit
où il attaqua avec autant de force
que de solidité cette sanglante juri-
diction exceptionnelle. Bientôt il fut
appelé, comme employé supérieur,
au comité de législation de la Con ■
vention, d'où il passa au ministère
de la justice en qualité d'adjoint en
chef de la division criminelle. Après
le 18 brumaire (1799), il fut nomuié
l'un des cinquante défenseurs appe-
lés alors avoués, puis avocats à la
cour de cassation, titre auquel il
joignit plus tard celui d'avocat aux
conseils du roi; il résigna son office en
1836. Depuis 1800 il travailla avec
une ardeur infatigable à la rédaction
de nombreux ouvrages qui l'ont placé
au rang des plus savants juriscon-
sultes de notre époque, La fin de sa
carrière fnt abreuvée d'amertume.
Dès procès ruineux, des chagrins de
famille, la perte de .sa femme, celle
(l'une de ses filles, la mort finieste
de son fils {voy. ci-dessous) vinrent
attrister ses dernières années; un
coup terrible les termina. Depuis
quelque temps il résidait à Ohjat
(Corrèze), auprès de la veuve de son
fils, lorsqu'une de ses filles, M"" Jean-
ron et son mari, peintre d'histoire,
formèrent contre lui une demande
en interdiction, qui fut repoussée à
l'unanimité par le conseil de famille.
Mais Sirey n'en fut pas moins obligé
de comparaître devant le président
du tribunal civil de Limoges pour
subir un interrogatoire. Taudis que
le malheureux vieillard exprimait
la profonde douleur qu'im sembla-
ble procès devait lui causer, il fut
frappé d'une apoplexie foudroyante,
et mourut à l'mstant même, le
4 déciMubre 1843, âgé de 83 ans.
On a de lui :I. Du tribunal révo-
luiionnaire, considéré à ses dif-
278
SIR
férentes époques, Paris, 1795, 1797,
in-8". II. Recueil général des lois et
des arrêts en matière civile, crimi-
nelle, commerciale et de droit pu-
blic depuis 1800, Paris, 1802-30,
30 vol. in-4°, journal qui parut d'a-
bord sous le titre de Jurisprudence
du tribunal de cassation. M. Le-
moine de Villeneuve, avocat à la cour
d'appel et gendre de Sirey, en a pu-
blié en 1834 une table tricennale
in-4", où se trouvent fondues la ta-
ble de'cennale (1812) et la table vi-
cennale (1821). Cet immense recueil
est continué par M. de Villeneuve et
par M. Carette , avocat à la cour de
cassation et successeur de Sirey.
III. Jurisprudence du XIX" siècle,
ou Collection alphabétique des ar-
rêts rendus par la cour de cassation
et par les cours royales depuis 1800
jusqu'à l'année courante, avec ren-
voi à tous les recueils du temps, et
principalement au Recueil général
des lois et arrêts, Paris, 1821, 1826,
in-8''. Cette seconde édition du Re-
cueil général, sous forme alphabé-
tique, devait avoir 25 vol. 5 mais il
n'eu a paru qu'un demi-vol. En 1823
on publia à Bruxelles, sous le litre
de Jurisprudence du XIX^ siècle, un
recueil judiciaire en24 vol.in-4°, ap-
proprié aux Pays-Bas, mais où le tra-
vail deSireyétaitinséré. H s'enfaisait
aussi une continuation annuelle, que
Sirey et ses continuateurs, afin de
déjouer cette espèce de contrefa-
çon, ont fait et font encore impri-
mer à Paris , sous la rubrique de
Bruxelles , pour être répandue en
Belgique. IV. Lois civiles intermé-
diaires^ ou Collection i\es lois sur
l'état des personnes et les tninsniis-
sions des biens , depuis le 4 août
1789 jusqu'au 30 ventôse an XII
(mars 1804), époque du Code civil,
Paris, 1800,4 vol. in-S". V. Ducon-
SIR
sêil d'État selon la charte constitu-
tionnelle, ou Notions sur la justice
d'ordre politique et administratif,
Paris, 1818, in-4° VI. Jurispru-
dence du conseil d'État, depuis 1806,
époque de l'institution de la com-
mission du contentieux , jusqu'en
1823, Paris, 1818-23, 5 vol. in-4°.
VII. Code civil annoté des disposi-
tions et décisions ultérieures de la
législation et de la jurisprudence,
avec renvoi pour l'indication des
matière^ aux principaux recueils de
jurisprudence, Paris, 1813, 1817,
1819, 1821, in-V. — Supplémetit au
Code civil annoté, 1818, in-4".
VIII. Code d'instruction criminelle
et Code pénal annotés, 1815, 1817,
2 vol. in-4'' et in-8''. IX. Code de
procédure civile annoté, etc., 18 16,
1817, 1819, in-4° et in-8°. X. Code
de commerce annoté., etc., 18 10,
in-8»-, 1820, in-4°. XI. Les cinq
Codes, avec notes et traités pour
servir à un cours complet de droit
français, à l'usage des étudiants en
droit et de toutes les classes de ci-
toyens, 1817, 1819, in-8°. XII (avec
M. Lemoine de Villeneuve). Les cinq
Codes annotés de toutes les décisions
et dispositions interprétatives, mo-
dificatives et explicatives, avec ren-
voi aux principaux recueils de juris-
prudence, 1824, 1825, 1827, in-4».
XIII. Code forestier annoté, etc. ,
1828, in-4°. XIV (avec M. Lemoine
de Villeneuve). Les six Codes anno-
tés, etc., avec les suppléments,
1829, in.4"; 1832, in-8°. On a encore
de Sirey divers articles dans les An-
nales de législation et de jurispru-
dence. — Sirey (Marie-Jeanne-Ca-
therine-Joséphine de Lasieyrie du
Saillant, dame), femme du précé-
dent, née au Biguan (Loiret] en 1776,
était nièce de Mirabeau qu'elle avait
connu dans son enfance et qui lui
SIR
témoignait une vive affection. Elle
consacra sa plume à la composi-
tion d'ouvrages moraux et d'é-
ducation. Outre différents articles
qu'elle a fournis au Journal des fem-
mes et à d'autres recueils , cette
dame a publié, sous le voile de l'a-
nonyme : I. Marie de Courtenay,
Paris, 1818, in-i2, roman de mœurs,
ainsi que le suivant. II. Louise et
Cécile, Paris, 1822, 2 vol. in-12.
III. La mère de famille, journal mo-
ral, religieux, littéraire, d'économie
et d'hygiène domestique, destiné à
l'instruction et à l'amélioration des
femmes, Paris, septembre 1833 à
septembre 183 i, in-8°; il n'en a paru
que douze numéros. IV. Conseils
d'une grand'mère aux jeunes fem-
mes. Angers et Paris, 1838, in-12.
^{me Sirey mourut à Chaton le 27
septembre 1843. — Sirey (Aimé),
fils des précédents, fut tué à Bruxel-
les, le 19 nov. 1842, dans le salon
de M"» Catinka Heinefeter, célèbre
cantatrice, où il se prit de querelle
avec M. Caumartin. Cette affaire, por-
tée devant la cour d'assises de Bruxel-
les, eut un grand retentissement.
M. Caumartin, défendu parM.Chaix-
d'Est-Ange, fut acquitté. Z.
SIKIÈS (ViOLANTE-BÉATRix) na-
quit à Florence en 1700 et apprit la
peinture de Jeanne Fratellini, qui
jouissait dans cette ville d'une haute
réputation. A l'âge de 16 ans elle
était déjà habile dans la peinture à
l'aquarelle et au pastel. Son père,
qui exerçait la profession d'orfèvre,
ayant été appelé en France pour y
être orfèvre du roi, elle le suivit à
Paris et profita de son séjour dans
cette ville pour apprendre la peinture
à l'huile d'un habile paysagiste fla-
mand. Pendant cinq années qu'elle
habita Paris, elle se perfectionna
dans la peinture à l'huile, et les per-
SIR
279
sonnages les plus distingués, séduits
par l'éclat et le charme de son colo-
ris, lui firent faire leurs portraits^ en-
fin elle fut choisie pour peindre la
famille royale; mais elle ne put pro-
fiter de cet honneur. Son père
ayant été rappelé à Florence par le
grand-duc, elle se vit forcée de le
suivre. Malgré les connaissances
qu'elle possédait dans son art et la
réputation qu'elle s'était acquise,
elle voulut encore se perfectionner,
et , dès son arrivée à Florence, elle
engagea François Conti, peintre d'un
rare mérite, à mettre la dernière
main à son éducation. C'est de lui
qu'elle apprit à dessiner avec une
correction, une élégance et un goût
remarquables , et à posséder tous
les secrets de la belle couleur. Le
grand -duc, pour témoigner l'esti-
me qu'il faisait des talents de Béa-
trix, lui demanda son propre por
trait, qui fut placé dans le cabinet
des peintres célèbres dépendant de
la galerie de Florence. Elle se pei-
gnit ayant son père à côté d'elle,
donnant ainsi un double exemple
d'amour filial et de talent pittores-
que. Ses peintures à l'huile ne le
cèdent en rien à ses pastels ; son
pinceau est brillant, délicat et libre ;
son coloris est naturel , plein de
chaleur et de vie. Comme elle en-
tendait parfaitement l'architecture
et la perspective, dont elle avait fait
une étude particulière, elle a tiré un
heureux parti de ces connaissïinces
dans les accessoires et les fonds de
ses tableaux. Ses draperies sont en
général d'un beau choix, pleines de
vérité et remarquables par une sim-
plicité noble. Son ouvrage capital
est un tableau représentant tous les
membres de la famille impériale.
Les personnages sont au nombre de
quatorze, dans un salon décoré de la
280
SIR
plus riche architecture. Toute la
composition brille par le goût du
dessin, la disposition des figures, le
charme de la couleur, et la manière
dont les figures sont habillées répond
k la grandeur et à la dignité des per-
sonnages. Outre plusieurs autres ta-
bleaux d'histoire, h l'huile, on pos-
sède encore d'elle quelques tableaux
de fleurs et de fruits, exécutés avec
un goût, une vérité et une délica-
tesse extraordinaires. P— s.
SIRIEYS de Mayrinhac (Jean-
Jacquks) fut l'un des hommes les
plus distingués de cette, chambre
des députés que Louis XVIII avait
crue introuvable, qu'il admira d'a-
bord très-sincèrement et qu'il ren-
voya ensuite si maladroitement par
son ordonnance du 5 septembre
181 fi. Né en 1777 au château de
ses ancêtres, Sirieys achevait ses
études lorsque la révolution com-
mença, et il fut dès lors en butte à
toutes les persécutions de cette
époiiue. La plupart de ses parents
émigrcrent, furent incarcérés ou pé-
rirent sur l'échafaud. Lui-même, à
peine âgé de quinze ans, subit une
longue détention et fut dépouillé
d'une partie de sa fortune. H ne re-
couvra la liberté qu'après la chute
de Robespierre, et resta dans la re-
traite jusqu'à la destruction du gou-
vernement républicain. Bonaparte le
nomma alors maire de son village;
et il vécut ainsi paisiblement au mi-
lieu des siens jusqu'au retour des
Bourbons en 1814. On conçoit avec
quelle joie il vit ce retour. Son zèle
pour la cause monarchique le fit des-
tituer de ses fonctions de maire après
le retour de Napoléon, ce qui concou-
rut beaucoup sans doute à le faire
nommer député du département du
Lot en 1815. Dès les premières séances
de cette session, il s'y fit remarquer
SIR
par un véritable talent, et surtout
par une grande énergie. Après le li-
cenciement de l'armée, il pressa avec
force l'organisation des légions dé-
partementales, qui devaient rempla-
cer les régiments. Il appuya ensuite
très-vivement toutes les allocations
proposées en faveur du clergé, et
demanda, le 7 février 1816, par un
discours fort éloquent, que ses biens
non vendus lui fussent restitués. Il
parla encore sur le règlement, sur
les contributions indirectes ; de-
manda la suppression de l'exercice
pour 1817 et voulut faire rétablir les
maîtrises et les jurandes. Toutes ces
opinions, fort opposées au système
révolutionnaire que s'efforçaient
alors d'établir Louis XVIII et ses
ministres, ne mirent pas en faveur
auprès d'eux le député du Lot ; et
lorsque, par l'ordonnance de sep-
tembre, ils eurent dissous cette
chambre, tous les moyens furent mis
en usage pour que Sirieys ne fût pas
réélu. Son collègue LachèzeMurel ,
qui était aussi l'un des membres les
plus honorables de la chambre in-
trouvable, et qui, comme lui, n'avait
manqué aucune occasion d'y faire
triompher les principes de la monar-
chie, partagea sa disgrâce (1). Tous
les efforts du ministère Decazes, qui
avait entraîné le faible monarque à
cette absurde mesure de dissolu-
tion, tendirent à exclure des réélec-
tions du département du Lot ces deux
excellents royalistes. Ce fut le sys-
tème invariablement suivi dans toute
la France par ce gouvernement qu'on
(i) M. Laclièze, l'un des plus Lonorables
miigistrats de ces contrées, avait cîé député
luix Ktatc-Génér.iux, où il avait coiistam-
incut voté avec la minorité contre les inno-
vations lévoliitionuaiies. Pour cela il avait
obtenu du roi, en 1S14, des letlres de no-
blesse et le litre de maître des requêtes.
SIR
SIR
281
a'si improprement nommé celui de
la restauration. Partout les assem-
blées électorales furent recrutées de
clubisles, de gens de police, et l'on
conçoit qu'il en résulta des choix
fort opposés à la monarchie. A Ca-
hors, le scandale fut tel que qua-
rante-neuf des électeurs les plus dis-
tingués signèrent une protestation
qu'ils envoyèrent à la chambre des
députés. Cette protestation, particu-
lièrement dirigée contre l'éleclion
du préfet Lezay-Marne^i-i, pour la-
quelle on avait dépassé toutes les li-
mites de la fraude et de la corrup-
tion, fut néanmoins repoussée par la
chambre qui n'était plus celle de
1815; et les tribunaux de Figeac et
de Cahors repoussèrent aussi les dé-
nonciations qui leur furent faites
des fraudes exercées par plusieurs
magistrats et par le préfet lui-même
pour assurer son élection. On alla
plus loin encore, on rendit plainte
en calomnie contre MM. de Lachèze
et Sirieys qui avaient fait partie des
quarante-neuf électeurs opposants,
et ces deux ex-députés durent com-
paraître devant la police correction-
nelle de Paris, qui les condamna à
cent francs d'amende, non pour ca-
lomnie (les faits étaient trop évi-
dents), mais pour avoir dépassé les
limites du droit de pétition. Sirieys
vécut dans la retraite jusqu'en 1821.
Lorsque les royalistes revinrent au
pouvoir, après la mort du duc de
Berri,il fut nommé de nouveau dé-
puté dans le département du Lot.
Toujours zélé royaliste, il appuya
toutes les mesures du ministère qui
n'était plus celui du 5 septembre, et
qui par une ordonnance du 26 août
1824 le fit conseiller d'État, puis di-
recteur-général de l'agriculture, des
haras et manufactures. Dans la ses-
sion de 1825 il appuya les lois sur le
sacrilège, sur l'indemnité des émi-
grés, sur le droit d'aînesse, etc.
Réélu député en 1828, il se montra
dans plusieurs occasions opposé au
ministère Martignac et perdit sa
place de directeur des haras , la
chambre ayant supprimé du budget
les 40,000 francs attribués à cet em-
ploi. Suus le ministère Poliguac , il
fut nommé officier de la Légion -
d'Honneur et directeur du personnel
au département de l'intérieur. La
révolution de 1830 le fit disparaître
encore une fois de la scène politique,
et il mourut au château de Mayrin-
hac, près de Figeac, le 27 novembre
1831. Outre un grand nombre de
discours prononcés pendant les ses-
sions législatives et imprimés dans
les journaux, on a de lui : I (avec
Lachèze-Murel). Mémoire sur les
élections du département du Lot
à la Chambre des députés, Paris,
1816, in-8°. Il (avec le même). Ob-
servations sur ce qui a été inséré
dans le Moniteur, relativement aux
élections du département du Lot,
Paris, 1816, in-8°. C'est une réponse
à la Lettre que M. de Lezay-Marnesia
avait adressée au Moniteur, le 11
novembre 1816, sur les accusations
dirigées contre lui dans le Mémoire
déjà indiqué, lli. Observations sur
V administration générale des haras,
de V agriculture, etc., suppriméepar
l'ordonnance royale du 13 novem-
bre 1828, Paris, 1829, in-8''. Sirieys
de Mayrinhac a encore laissé quel-
ques écrits inédils, entre autres une
Histoire de Vagricullure des temps
anciens et modernes dans le Quercy.
M-Dj.
SIROT (Claude Létolf, baron
de ), oflicier général peu connu, a
laissé des Mémoires curieux, mais
très -rares. Il passa ses premières
années dans les troupes étrangères.
282 SIS
Deux ans après la mort de Gustave-
Adolphe, roi de Suède, il revint en
France et servit d'abord sous le ma-
réchal do l'Hùpital. Use fit ensuite re-
marquer aux sièges d'Arras, de Cour-
trai, d'Armrntières, à la bataille de
Rocrdi. Nouimd marèchal-de-camp
en 1643 et lieutenant- général en
1649, il mourut en 1652. Ses Mé-
moires ont éié imprimés en 1683,
Paris, Barbin, in-12. D-s.
Sls:?20XDl (Jean-Charles LÉO-
NARD SiMONDE de), historien, na-
quit le 9 mai 1773 à Genève, oîi son
père et ;it ministre de l'Évangile. Sa
famille était origin;iire de !a Tos-
cane, et un de ses ancêtres .ivail été
anobli par Oiton-le-Roux. Patriciens
et gibelins, les Sismondi quittèrent
Pise à la chute de son indépendance,
et allèrent s'établir dans le Dauphi-
né, où, peu de temps après la ré-
forme de Calvin, ils embrassèrent la
doctrine nouvelle. Un siècle et demi
se passa, et la révocation de l'édit
de Nantes leur lit quitter leur se-
conde patrie pour la Suisse : ils al-
lèrent s'établir à Genève. Chemin
faisant, ils avaient francisé leur nom,
et non-seulement Ve muet français
s'était substitué à Vi final italien,
mais la deuxième s était restée sur
la route de Pise à Grenoble. Tel est
du moins le récit que vint faire à ses
compatriotes, entre 1803 et 1807,
Jean-Charles Simonde, en ajoutant
que, désormais et sans autre autori-
sation, il'jnindrait à ses noms con-
nus celui de De Sismondi : on rit,
mais nul ne s'y opposa. Ce qu'il y a
de certain,, c'est que les Simonde,
sous leur nom plébéien, apparte-
naient à l'aristocratie genevoise, et
qu'ils jouissaient d'une belle for-
tune. La révolution française vint y
porter la perturbation. Confiants
dans l'étoile de Necker, leur conci-
SIS
toyen,ils avaient placé des capitaux
importants dans les fonds français :
la tourmente emporta tout. Jean-
Charles, en achevant ses études com-
mencées au collège et complétées à
l'auditoire de Genève, avait été placé
dans la maison de commerce Eynard
de Lyon. Ses parents crurent à pro-
pos de lui faire quitter la France, et
tous ensemble allèrent passer dix-
huit mois en Angleterre (1793 et 94.)
Le jeune homme profita de ce séjour
pour s'initier aux mystères de la lé-
gislation et au mécanisme politique-
et commercial à l'aide duquel fonc-
tionne si merveil leusement la Grande-
Bretagne. Il apprit aussi "la laiigue.
C'était pour lui l'étude la moins ar-
due. L'impossibilité de vivre long-
temps de l'autre côté de la Manche
sans d'amples ressources pécuniaires
ne tarda point à ramener les Simonde
sur le continent : ils revirent Ge-
nève, mais pour peu de temps : le's
circonstances politiques leur étaient
plus défavorables que jamais; les
passions en Suisse étaient au com-
ble. On arracha de leur maison, pour
le fusiller, un émigré français qu'ils
voulaient sauver : le père et le fils
eurent même un instant de détention
à subir. Le premier ne pensa plus
dès lors qu'à vendre ses biens de
Genève pour passer dans cette Tos-
cane, le pays de ses ancêtres; et une
fois l'opération terminée, il alla se
fixer à Pescia, où il acheta un mo-
deste domaine. Un beau ciel, un sol
fertile, une bonne administration,
partout l'aisance et le bonheur, tel
fut le spectacle qui frappa d'abord
les yeux du jeune homme, et il put
à loisir en étudier les causes pen-
dant un an et demi de repos dont il
fut encore permis à ce pays de jouir
sous Ferdinand III, sans que le con-
tre-coup des victoires de la France
SIS
SIS
28Î
en Italie y développât des ferments
de révolution. Au milieu des com-
motions qui, là aussi, se succédèrent
à partir de la fin de 1797, les Si-
monde trouvèrent, fort en petit, heu-
reusement, rimage de ce qui se pas-
sait alors en France et en Suisse.
Trois l'ois Jean-Charles fut jeté en
prison, et même sa mère eut à trem-
bler pour ses jours. Elle n'était d'ail-
leurs pas coinpiétement d'accord
aveclui. Franchement aristocratique
et autrichienne, elle n'admettait pas
• de nuances; elle exécrait lout sim-
plement et en masse ce qui venait de
la France, ce qui tenait même de
loin .-à la" démocratie. Plus éclairé,
plus impartial, le jeune homme blâ-
mait également toutes les violences,
et ne goûtait pas plus les réactions
des monarchistes aveugles que la
furie démagogique. H en résultait
que les Français et leurs amis le
trouvaient trop Autrichien, et que
les Autrichiens le traitaient de Fran-
çais et de Jacobin. Les clubistes de
93 avaient envoyé à la place de la
Concorde des modérés moins pro-
noncés. « Blasphémerez -vous eu-
• core,» écrivait-il de sa prison à
sa mère, « contre la noble liberté
« des Anglais, Vhabeas corpus, le
• jugement par jurés et des lois
« claires et précises? La pauvre co-
« pie même que les Français ont
• adoptée nous mettrait à l'abri, si
« nous étions en France, des injus-
• tices que nous essuyons. » Enfin
l'horizon redevint serein après Ma-
rengo. Cette même année, les Si-
monde regagnèrent Genève avec les
débris de leur fortune, qui ne se
montait plus qu'à etiviron 4,000 fr.
de. revenu. Jean-Charlos prit bientôt
r.ii'g paruii les écrivains distingués
de son pays par son Tableau de l'a-
griculture de laToscane, 1801, et par
2 vol. intitulés De la richesse com-
merciale, 1803. Il y faisait preuve en
même temps de connaissances posi-
tives et de raisonnement ; il se mon-
trait également familier avec le com-
merce et l'agriculture et avec les
théories de l'économie politique.
Mais c'était surtout pour l'histoire
qu'il se sentait une voc.ilion ; et dès
ce moment il s'appliquait à recueillir
et à mettre en ordre les matériaux
du grand travail dont le l'^'' volume
parut en 1807, sous lej titre iV His-
toire des republiques italiennes.
Peu d'événements accidentèrent la
vie de Simonde depuis son retour
dans sa patrie. L'empereur Alexan-
dre lui offrit une chaire à l'univer-
sité de Vilna; il la refusa. Mais il
accepta la position de secrétaire de
la chambre de commerce du départe-
ment du Léman , et il y rendit des
services par son activité, par ses lu-
mières, par son indépendance. Il ne
craignit pas de réclamer dans l'inté-
rêt de Genève contre le blocus con-
tinental, et cela dans de nombreux
mémoires adressés au gouvernement
même. Lié intimement avec les Pic-
tet, les De Candolle, les Bonstetten,
les Dumont, les Rossi, les Saussure,
il était aussi de la société de Coppet;
il visitait souvent cette résidence, et
deux fois il lit avec M""' de Staël le
voyage de l'Italie. Il se partageait
d'ailleurs entre le séjour de Genève
et celui de Pescia. Toutefois, il im-
prouva les actes du congrès de
Vienne; et, après le retour de l'île
d'Elbe, il écrivit en faveur de la
constitution de 1815, et eut avec
Bonaparte une entrevue curieuse,
dont une lettre à sa mère nous a con-
servé les détails. On remarqua dans
le temps que c'étaient deux étran-
gers, deux Suisses, qui s'étaient le
plus énergiquement prononcés par
284
SIS
SIS
écrit pour ce programme qui devait
durer si peu, Benjamin Constant et
Simonde de Sismondi. Nous avons vu
que, vers 1805, il avait annoncé la
découverte qu'il avait faite de l'anti-
quité de sa niJiison. Environ vingt-
quatre ans après, le hasard voulut
qu'un autre Genevois, historien
aussi, M. Grenus, auteur des Frag-
ments historiques et biographiques
extraits du conseil d'État de Genève
(Genève, 1815 ei 1823), déclarât à
son tour qu'il était membre du saint-
empire romain. M. de Sismondi en
fut outré. Peu de temps après parut
dans un journal de Paris une diatribe
violente contre le nouveau noble.
Quelle main l'avait écrite ou quelle
inspiration l'avait dictée? C'est ce
qui ne fut point mis nettement en
lumière. Mais l'auteur des Frag~
ments' àWa. demander à l'auteur des
Républiques ilalienneê unp explica-
tion justificative, que ce dernier re-
fusa", et les journaux helvétiques
retentirent bientôt du bruit d'un
duel au pistolet qui eut lieu le
29 mars 1829, h peu de distance de
Genève, entre les deux gentilshom-
mes. On échangea de chaque côté un
coup de feu ; mais la république des
lettres n'eut aucun des champions à
pleurer, et M. de Sismondi put con-
tinuer à loisir son Histoire des
Français, dont la publication, com-
mencée depuis huit ans, en i5tait
alors aux 10^ et 11^ volumes. Il s'y
montrait, comme on le sait, fort peu
enthousiaste de la France. L'année
suivante, 1830,1e réconcilia un peu,
il le dit lui-même vingt fois dans sa
conversation , avec notre pauvre
pays : la branche aînée avait été
détrônée pour faire place à un prince
selon son cœur. Mais, hélas! les évé-
nements ont leur logique, et presque
toujours leur logique impitoyable.
La révolution de 1830 avait été pa-
ralysée en Fr.ince presque dès son
origine par l'astuce du souverain
qu'elle s'était donné; mais, hors de
la France, elle poursuivait sourde-
ment son œuvre en commençant
par les cantons ses plus proches
voisins. Avant de faire à Paris sa
formidable explosion de. 1848, elle
défaisait le vieil édifice des aristocra-
ties suisses. La constitution de Ge-
nève fut renversée le 22 novem-
bre 1841, non pas, il est vrai, sans
irrégularités, sans violences, mais
enfin pour laisser l'accès ouvert à un
meilleur avenir. Déjà fort peu de
temps après juillet 1830, la peur
avait décidé le conseil d'État de Ge-
nève à subir une modification, et
d'inamovibles e! à vie qu'ils étaient,
les conseillers s'étaient réduits à dix
ans; mais, au fond, rien d'essentiel
n'était changé : les mêmes familles,
au nombre de vingt-huit, étaient
seules eu possession de fournir les
conseillers, et le conseil se recrutait
non par une élection vraie, mais par
la cooptation, dételle sorte que les
vides étaient toujours comblés par
les mêmes noms ou par ceux de
quelque famille apparentée : organi-
sation digne de l'an 1000 et qui rap-
pelle trait pour trait les alberghi de
Gênes Aux yeux de M. de Sismondi,
conseiller, c'était là la constitution
modèle; et son libéralisme ne rêvait
rien de plus profond, de plus utile
aux nations que ce partage de la
souveraineté entre à peu près deux
douzaines de familles marquantes de
la cité; et l'on se plaint après cela
que les rois portent quelquefois à
l'excès le désir de maintenir leur
prérogative! M. de Sismondi n'eut
pas le bonheur de voir debout la
sienne et celle de ses amis jusqu'à
son dernier moment. Mais il ne sur-
STS
vécut que de sept mois à peine à
cette révolution qui renversait le
patriciat de Genève. Malgré l'état de
soufFrauce et de dépérissement où il
était alors (car depuis long-temps un
sqiiirrhe à Teslomac minait sa san-
té), il déploya la plus vive énergie
contre ses antagonistes politiques ••
membre de la nouvelle assemblée
constituante, il prononça le 30 avril
1842 un discours de l'opposition la
plus tranchée; il ne cessait de pro-
tester contre la légalité de tout ce
qui s'était fait. Ses amis mêmes n'o»
saient voter avec lui. Finalement,
son médecin lui prescrivit le silence;
cl peut-être cette prohibition ne
fut-elle pas simplement affaire d'hy-
giène. Au reste, Sismondi poussait
avec activité la fin de son Histoire
des Français ^^X\\ relisait encore les
éprcuvesduSO*^ volume le 14 juin. Dix
jours après, on préparait ses funé-
railles.S'étant marié un peu tard avec
une Anglaise, il tie laissa pas d'en-
fants. Voici la liste de ses ouvrages,
d'après celle qu'il avait dressée lui-
même peu de temps avant sa mort :
I . Tableau de l'agricullure de la Tos-
cane, Genève, 1801, in-8u. II. De la
richesse commerciale, Genève et Fa-
ris, 1803, 2 vol. in-8°. III. Histoire
des républiques italiennes du moyen-
âge^ Zurich et Paris, 1807-1818,
16 vol. in-80 ; réimpr. à Paris,
1825-26. L'auteur en donna un Pré-
cis, en anglais, sous ce titre : Italian
republic of the middle âges, 1832:,
in-8°. Ce précis a été inséré dans
la Lardner's Encyclopœdia; il en a
paru une traduction espagnole, faite
par Fr. Facio, Paris, 1837, 2 vol.
in-12. Un illustre écrivain d'Italie,
M. Manzoni, a publié sur l'ouvrage
de Sismondi des observations criti-
ques qui ont été traduites en français
par M. l'abbé Delacouture, sous ce
SIS
m
titre : Défense de la morale catholi-
que contre ^'Histoire des répubiitiues
italiennes, de M. Sismondi., Paris,
1835, in-12. IV. Littérature du midi
de l'Europe, cours donné à Genève
dans l'hiver de 1811 à 1812, Paris,
1813, 4 vol. in-8" ; 3« édition, Pans,
1819. V Nouveaux principes d'éco-
nomie politique, ou De la richesse
dans ses rapports avec la popula-
tion, Paris, 1819, 2 vol. in-8'' ;
2« édit., fort augmentée, 1826. Dans
cet ouvrage, Sismondi avait attaqué
les théories de Malthus, de Ricardo
et de J.-B. Say {coy. ce nom, LXXXF,
229); et il eut à soutenir une vive
polémique contre ces trois adver-
saires. Vi. Histoire des Français,
Paris, 1821-42, 29 vol. in-8°. Vil.
Julia Severa, ou Uan 492 (tableau
des mœurs et des usages lors de l'é-
tablissement de Clovis dans les Gau-
les), Paris, 1822, 3 vol. in-12. VIII.
Histoire de la renaissance de la li-
berté en Italie, de ses progrès, de sa
décadence et de sa chute, Paris, 1832,
2 vol. it\-H°. IX. Histoire de la chute
de l'empire romain et du déclin de la
civilisation de l'an 250 à l'an looo,
Paris, 18.H5, 2 vol. in-8°. Cet ouvrage
parut en même temps en Angleterre
dans la Lardner's Encyclopœdia. X.
Études sur les constitutions des peu-
ples libres, ou Des sciences sociales,
Paris, 1836-38, 3 vol. in 8'\ Les to-
mes 2 et 3 sont aussi intitulés premier
et second des Études sur l'économie
politique. XI. Précis de l'histoire
des Français, Paris, 1839, 2 vol.
in-8°. Outre les ouvrages que nous
venons de mentionner, Sismondi a
publié 73 opuscules qu'il a classés
lui-même sous les titres suivants :
Politique et Études sur les consti-
tutions, 16 opuscules; Économie
politique.^ 11 ; Esclavage, 5 ; Alger,
2 ; Inde anglaise, 3; Amérique, 2;
286 SIV
Grèce, 7-, Critique historique, 18;
Critique littéraire, 1 ; Philosophie,
3; Biographie, 5. Plusieurs de ces
opuscules ont été publiés séparé-
ment, mais le plus grand nombre a
paru dans différents recueils, savoir:
Annales de législation et d'écono-
mie politique, publiées à Genève en
1822 ; Revue encyclopédique, à Pa-
ris ; Revue mensuelle d'économie
politique, à Paris ; Mémorial des
séances du conseil représentatif, de
l'asseuiblée constituante et du grand-
conseil de Genève; la Pallas, à We-
mar; Aiti deW Academia ilaliana ;
Bibliothèque universelle^ à Genève;
Encyclopédie des gens du monde, à
Paris; le Protestant de Genève. Sis-
»nion(li a été dès l'origine un des
collaborateurs de celte Biographie
universelle, k laquelle il a fourni un
grand nombre d'articles relatifs à
rhistoire d'Italie au moyen-âge.
P— OT.
SIVARD de Beaulieu (Pierre-
Louis-Antoine), né le l'^'- sept. 1767
à Valognes, était jeune encore quand
la révolution éclata. Il en embrassa
les principes, mais avec modération;
aussi fut-il incarcéré pendant la ter-
reur, ainsi que son père, qui avait
occupé une des premières charges
de magistrature de la ville, ei ils ne
recouvrèrent la liberté qu'après le
9 thermidor. En l'an V (1797), Si-
vard fut élu député au corps légis-
latif par le département de la Man-
che, mais il en sortit bientôt, les
élections de ce département ayant
été annulées par suite des événe-
ments du 18 fructidor. Au commen-
cement du consulat, il fut nommé
l'un des administrateurs-généraux
des monnaies, fonctions qu'il a con-
servées sous les divers régimes qui
se sont succédé jusqu'à sa mort.
Envoyé a la chambre des députés en
SKO
1818, il y siégea jusqu'en 1823, et fit
partie de plusieurs commissions.
Lors des troubles qui agitèrent Paris
en 1820, à l'occasion de la loi électo-
rale du double vote, il parla, dans la
séance du 5 juin, des actes de vio-
lence qu'il avait vu commettre en-
vers Casimir Périer et Benjamin
Constant, déclaration qu'il renou-
vela, le 8 janvier 1821, devant la
cour d'assises de la Seine qui avait
évoqué l'affaire. 11 était chevalier de
la Légion-d'Honneur, et avait épousé
une nièce de Lebrun, qui fut troi-
sième consul de la république, archi-
trésorier de l'empire, puis duc de
Plaisance. Sivard s'occupait beau-
coup de travaux agricoles sur les
propriétés qu'il ppssédaità Valognes,
et il devint correspondant du conseil
d'agriculture près le ministère de
l'intérieur. L'un des fondateurs de
la Société pour l'amélioration des
prisons, il était membre des Sociétés
d'encouragement pour l'industrie
nationale, de l'enseignement élé-
mentaire, etc. Il mourut soudaine-
ment à Paris, le 26 mars 1826, d'une
rupture au foie, accident terrible,
imprévu et presque sans exemple
dans les annales de la médecine.
P— RT.
SKORNIAROW - SISSAREW
(Grégoire), directeur de l'académie
de marine de Siiiit-Pélersbourg,
était issu d'une ancienne famille
russe, et fut, comme plusieurs autres
jeunes nobles, envoyé par Pierre-Ie-
Grand dans les pays étrangers pour
y étudier les lettres et les sciences.
En 1715, étant de retour dans sa pa-
trie, il servit comme lieutenant dans
le régiment de Przeobrajenski ; il
enseignait en même temps la science
de l'artillerie à l'académie de marine.
Ayant été nommé directeur de l'aca-
démie, il publia en 1719 sa Pratique
SLU
de l'art statique et mécanique. En
1723, il céda la direclion-générale de
l'académie de marine pour diriger la
construction du canal du Ladoga.
Grand parlisan de MentschikofF
(voy. ce nom, XXVIII, 329), il avait
contribué à la perte de Schafirof. En
1727, ayant trempé dans une conspi-
ration contre le favori du czar, il fut
privé de ses dignités, de ses biens et
exilé en Sibérie. Il fut bientôt rap-
pelé, et, en 1731, il était comman-
dant du pori d'Okhotsk. Accusé de
malversation, il fut relégué à Yakou-
tok, puis rétabli en 1745, et mourut
peu de temps après. G— y.
SLUYS (Jacques Vander), pein-
tre, naquit à Leyde en 1G60. Élevé
par charité dans l'hospice des orphe-
lins de la ville, son caractère aima-
ble et les rares dispositions qu'il
annonçait pour les arts lui attirè-
rent l'affection et les faveurs des di-
recteurs de cet établissement, et les
décidèrent à lui faire apprendre la
peinture. On le plaça d'abord chez
Ary de Voys, qu'il quitta bientôt
pour entrer dans l'école de Slinge-
landt, dont la manière avait plus de
rapports avec son génie. La copie
des œuvres de ce maître perfectionna
rapidement son talent, et le rendit
capable de peindre d'après ses pro-
pres idées. Par la suite, il ne s'érarta
plus, dans ses diverses compositions,
de la manière ni du style de son der-
nier maître. Son goût particulier
était de représenter des assemblées^
des conversations, des fêtes confor-
mes aux usages et aux modes de son
temps. Les personnages des deux
sexes qu'il introduit dans ses com-
positions sont remarquables par l'air
degaîté et de joie qu'il sait répandre
sur leurs physionomies, et qui ne
tombe jamais dans la bassesse et le
trivial. Son travail est d'un fini pré
SMA
287
cieux , sa couleur harmonieuse et
brillante, et, comme son maîtr«\
c'est dans le dessin seulenu ni qu'il
laisse quelque chose à désirer. Vali-
der Sluys ne quitta jamais Leyde, et y
mourut en 1736. P— s.
SMALZ (Valemin), Smalcius,
l'un des plus fameux sociniens et
des plus hardis controversistes de
son temps, naquit le 12 mars 1572
à Gotha, ville qui faisait alors par-
tie de l'ancien pays de Thuringe.
Après avoir été recteur d'une école
de sa secte, il fut nommé ministre à
Racovie (Rachow), remplit ensuite
les mêmes fonctions à Lublin, puis
revint les exercer de nouveau à Ra-
covie, jusqu'à sa mort arrivée dans
les premiers jours de décembre 1G22.
La petite ville de Pologne dans la-
quelle il passa une partie de sa vie
est aujourd'hui presque entièrement
ruinée; mais alors elle était assez
florissante, et les sociniens y avaient
établi une espèce d'université. Ils y
possédaient une ou plusieurs impri-
meries , d'où sortirent, outre leur
catéchisme, une foule d'écrits polé-
miques de leurs principaux chefs et
pîrticulièrement ceux de Smalz. Il
en a composé un grand nombre,
mais nous ne cilcruns que ceux qui
peuvent donner lieu à quelques ob-
servations, renvoyant pour les autres,
tant latins qu'allemands et polonais,
à la Biblioth. anti-trinitariorum i\e
Chr. Sand, 99-105. I. De Divinitate
J.C., 1G08, in-4"; traduit en polo-
nais (par Smaiz lui-même), même
année, même format; en flamand,
1623, aussi in-i", et en allemand,
1627, in-8", sous ce titre: Von der
gottlichen hoheit J.-C. C'est l'ou-
vrage le plus connu de Smalz. 11 y
attaque sans ménagement la divi-
nité du Sauveur des hommes, et
développe à ce sujet toute la doc-
288
SMA
irine des unitaires. Il fut solidement
réfuté par des catholiques, des lu-
thériens et des calvinistes. Parmi
ces derniers se distingua Jean Clop-
penburg {voy. ce nom, IX, 121), qui
fit paraître VAnti-Smalcius, de Di-
vmi?afeJ.-C.,Franeker,1652,in-i°,
qu'en réimprima, en 1684, dans le
recueil de ses œuvres. II. Refutatio
disputationum Graioeri de Spiritu
Sancto, 1613, in-4% ainsi que tous
les suivants. III. Refutatio thesium
Frantzii, 1614. Les thèses ou dis-
cussions théologiques de Wolfgand
Frautz roulaient [sur la confession
d'Augsbourg. L'auteur répondit par
des Vindiciœ .. pro Auguslana Con-
fessione, adversus Valent. Smal-
Cîum, etc. IV. Refutatio Thesiiim de
SS. Unitate divinœessentiœ et Per-
sonarum Trinitate, etc., 1614. Les
thèses réfutées ici étaient de Jacques
Schopper, professeur à l'université
d'Allorf. Un jeune aspirant au mi-
nistère luthérien, Jean Sauber», né
en 1592 à Altorf, et peut-être disci-
ple de Schopper, prit la défense de
celui-ci et publia VAnti Smalcius,
seu Vindiciœ pro Thesibus, etc.,
Giessen, 1615, in-4o. s^r ce livre et
sur celui de J. Cloppenburg, men-
tionné ci-devant, voy. les Anti de
Baillet. V- Responsio ad librum Ra-
venspergeri, 1614. Hermann Ravens-
perger, docteur en théologie et pre-
mier professeur de cette science à
Groningue, fut un adversaire zélé
des sociniens, et il s'est élevé contre
leurs sophismes dans plusieurs de
ses productions. VI. Parœnesù ad
Isaacutn Casaiibonum, etc. Pour le
développement du titre, voy. le
n" 19643 des Anonymes de Barbier.
Smalz donna ce petit ouvrage sous
le masque d'André (d'autres disent
Antoine) Reuchlin. Il y est question
de la condamnation au feu, par le
SMA
roi Jacques, du célèbre Tractatus
théologiens de Deo , de Vorstius
(Conrad Von-Dem Vorst; voy. ce
nom, XLIX, 527, et la Biblioth.
choisie de Colomiès, p. 168, édit. de
1731). VU. Refutatio disputationum
Graweri de persona Christi, 1615.
Albert Grawer, à qui s'adressent
cette réfutation et celle qui est in-
diquée au n" 11, professait la théo-
logie à l'université d'Iéna. C'était un
ardent ennemi des calvinistes; il ne
haïssait pas moins les sociniens
(nous ne parlons pas des catholiques,
cela va sans dire); il a écrit avec
beaucoup de liel et d'emportement
contre les uns et les autres. On l'ap-
pelait le bouclier et Vèpée des lu-
thériens. Consultez la notice que
Bayle lui a consacrée dans son Dic-
tionnaire. Lisez encore Baillet, aux
Art'ichs Anti-Parœus et Anti-Lubin.
VIII. Examinatio centum errorum,
etc. , 1615. Smalz avait découvert
ces cent prétendues erreurs dans un
ouvrage (1) où les véritables erreurs
que lui, Smalz, professait, avaient
été entièrement dévoilées par Mar-
tin Smiglecius, jésuite polonais, qui
enseignait la philosophie à Wilna, et
qui ne cessa de combattre les sec-
tateurs de Socin en même temps que
ceux de Calvm. Ce jésuite opposa
bientôt à VExaminatio une Respon-
sio ad refutationem centum errorum
Smalcio objectorum, qu'il joignit à
un second ouvrage (2), dans lequel
il poussait encore plus vivement le
sectaire. Un autre jésuite polonais,
Pierre Scarga, recteur du collège de
Wilna, et prédicateur aulique de Si-
(i) De erroribus novorum Jn'anoium
lib. Il, comra Valent. Smalcium , Craiovie,
i6l5, in-4o.
(2) De Chriilo ^ero et nalurali filio Dei,
ejusque pro nobit satis/aclione, adversus fa-
lent. Smalcium Arianum , lib, II, Àstesiit
Respçnsio, t\c.,ih\i,, i6i5, in-4'''
SMA
SMA
289
gismond III, lutta aussi avec succès
contre Smalz. IX. Homiliœ decem
super initium Evangelii Johannis^
1615. On se doute bien que le mi-
nistre de Racovie explique saint
Jean d'après les ide'eset les principes
des nouveaux ariens. X. liefutatio
orationum Vogelii, etc., 1617. XI.
Versio Novi Testamenti e grœco in
polonicum, 1620, in- 12. Le traduc-
teur avait fait, sur tout le Nouveau
Testament, moins l'Apocalypse, des
notes par lui réunies en 3 vol. in-4°,
mais elles n'ont pas été imprimées.
En mettant au jour, en 1612, la dé-
fense d'un traité de Fauste Socin, et
un autre opuscule, en 1614, Smalz
s'est caché sous le pseudonyme Theo-
philus Nicolaïdes. Presque tous les
livres cités dans cet article sont au-
jourd'hui ensevelis dans le plus pro-
fond oubli. S'il y avait quelque inté-
rêt à en rappeler le souvenir, ce n'é-
tait que par rapport à l'histoire des
sectes religieuses et à l'histoire lit-
téraire. B — L— u.
SMARAGDE, quatrième abbé de
Saint-Mihiel ou Saint-Michel , au dio-
cèse de Verdun, succéda, vers l'an
805, à Ermingaud dans le gouverne-
ment de cette abbaye. Elle était déjà
célèbre, mais la considération dont
jouissait le nouvel abbé contribua
beaucoup à lui donner l'éclat et l'im-
portance qu'elle conserva long-temps
entre tous lesétablissemens religieux
de la Lorraine. L'annaliste naïf et
charmant de St-Mihiel (voy. Chroni-
con S.-Michaelis Verdunensis, t. II
ûes Analect. de Mabillon), qui vivait
au commencement du Xl'^ siècle, du
temps de l'abbé Nanterre, assure que
Smaragde, réalisant l'heureux pré-
sage de son nom, brilla au milieu
des hommes illustres de son siècle
comme une émeraude. « Il est super-
« flu, ajoute-t-il, d'essayer de bé-
LXXXII.
• gayer les lou.inges d'un si grand
• homme 5 les livres qu'il a composés
« témoignent de ses mérites beau-
« coup mieux que nous ne saurions
«le faire, et ils prouvent avec quel
« heureux génie il comprenait les
«. choses de la religion et de la
«politique*, ils proclament aussi
« quelles furent la sainteté et la mor-
« tification de sa vie. Comment , en
« eifet , aurait-il pu enseigner une
" doctrine si relevée et si simple
■ sur chacune des vertus, et n'en
• avoir pas découvert les mystères
• par une pratique constante? On
« retrouve dans le miroir de sadoc-
« trine tous les traits de son émi-
« nente sainteté , et il faut croire
• qu'il n'a pas vécu autrement qu'il
« n'a enseigné. » Avant d'être investi
de la dignité que lui méritèrent sa
science et ses vertus, il présida à
l'enseignement dans l'abbaye de
Saint-Mihiel, et prit une part fort
active à la renaissance des lettres
que le génie de Charlemagne évo-
qua et protégea. On sait qu'en
787 et 789 ce prince écrivit de lon-
gues lettres aux archevêques, évo-
ques et abbés pour les exhorter à
former des écoles dans leurs églises
et dans leurs monastères. Smaragde
s'acquitta de ses fonctions d'écolàtre
avec un grand éclat. Ses disciples
écrivaient sur des tablettes les doctes
leçons de leur maître, et ils essayè-
rent même de rédiger et de transcrire
sur parchemin ce qu'ils avaient re-
cueilli. Ne pouvant satisfaire à leurs
désirs aussi bien qu'ils l'eussent
voulu, ils s'adressèrent au maître lui-
même, et le supplièrent de composer
un livre où il réunirait et résumerait
toutes les leçons qu'ils avaient en-
tendues, alin qu'ils pussent, en le
consultant à leur aise , se pénétrer
davantage de ses précieux cnseigue-
19
290
SMA
SMA
ments. Smaiagde accéda à leur dc-
inandp, etil rédigea son Commentaire
siirla grammaire de Douât. Un des ma-
nuscrits de l'abbaye de Corbie l'inti-
tulait le Mirifique traité du gram-
mairien Smaragde. Ce Traité, que
Mabillon avait consulté {Analecl., t.
II), n'a jamais étéimprimé. Il se com-
pose de quinze livres, dont le dernier
traite de l'orthographe et offre une
foule de passages remarquables. Nous
ne pouvons résister au plaisir de citer
le suivant : « Je n'ai pas appuyé ce li-
« vre, disait-il, de l'autorité deVir-
« gile, de Cicéron ou de quelque au-
'< tre païen ; mais je l'ai orné des
« sentences des livres sacrés , afin
« d'abreuver également mon lecteur
« aux sources rafraîchissantes des
« arts libéraux et de celles plusdé-
« licieuses des divines Écritures, et
« de lui découvrir en même temps le
« génie de la grammaire et le sens
« des saintes lettres... J'ai agi ainsi,
« parce qu'il y en a beaucoup qui,
« soit par simplicité naturelle, soit
• par prétention à une rigide sain-
« leté, soit même par un lâche aban-
« don à la paresse, disent qu'il n'est
« jamais question de Dieu dans l'en-
« seignement de la grammaire, qu'on
« n'y cite que les noms et les exem-
• pies de païens, et qu'ainsi ils ont
« raison de dédaigner cette frivole
« étude. Ignorants qui ne savent
« point faire de distinction entre
« traiter des arts libéraux et parler
• de Dieu ! Pour nous, qui savonsque
« le peuple d'Israël, en sortant d'É-
« gypte, emporta avec lui des vast-s
« d'or et d'argent, et que,s'pnricliis-
« sant de la sorte en dépouillant 1 É-
« gyplien, il consacra au service de
« Dieu ce qu'il avait arraché au culte
« absurde des idoles, nous qui avons
« à accomplir les mêmes choses, non
" plus comme Israël , symbolique-
« ment et sous le voile des ligures,
« mais d;ins toute la rigueur de l'es-
« prit et de la vérité, nous recevons
« et nous apprenons les poésies des
« païens, cei art savant et bien réglé
• de la grammaire, et, de tout notre
« cœur et avec amour, nous l'olfrons
« à Dieu et le consacrons à son ser-
• vice. » Voilà comment cet esprit
supérieur savait trouver un but
noble et élevé aux études les
plus élémentaires et les plus stériles,
et comment il mêlait dans un art
charmant sa profonde science théo-
logique avec toute la finesse d'un es-
prit exercé; car si Smaragde était un
grammairien habile, un professeur
éloquent, c'était auïsi un théologien
profond , un esprit solide et capable
de conduire les affaires les plus dé-
licates. Sa réputation |)arvint bien-
tôt jusqu'à l'empereur Charlemagne.
En novembre 809, ce prince appela
Smaragde au concile qu'il tint à
Aix-la-Chapelle, où l'on agita la
question de savoir si le Saint-Esprit
procède du Fils comme du Père, et
si l'on devait conserver dans le Sym-
bole et les chauler à l'ufhce les mots
filiuque, ajoutés par les églises de
France et d'Espagne, adoptés par
toutes les églises d'Occident (excepté
celle d'Italie), mais repoussés par les
églises grecques. L'assemblée ne dé-
cida rien. Elle prit simplement la
résolution d'en référer au pape, et
elle chargea Smaragde de iédiger,au
nom de l'empereur, une lettre apolo-
gétique de la doctrine de l'église
gallicane. Une députalion, composée
de révêquede W'orms, deceiui d'A-
miens, de l'abbé de Corbie et de
l'abbé de Saint-Mihiei, porta cette
lettre à Léon 111. Les députés eurent
avec le pt)nlifc une coiilérence où
brilla Smaragde, et dont il rendit un
compte exact et circonstancié dans
SMA
une relation adressée à Charlemi
gne.« Quiconque, dit Hpge\visch(l),
« voudra se former une idée de la
« prudence avec laquelle le succès -
« seur de saint Pierre traita la ques-
« tion proposée, ne lira pas cette re-
« lation sans intérêt. Le pape déclara
« qu'il croyait à la vérité lui-même
« que le Saint-Esprit procédait du
« Fils; ([u'ainsi il approuvait l'addi-
« tion de ces mots : et du fils; que
« cependant, comme elle n'avait pas
« encore été autorisée par aucun con-
« cile général, il conseillait de ne pas
^ provoquer, par une innovation ap-
« parenle, les Grecs déjà disposés à
• un schisme. » On sait que ce con-
seil ne fut point suivi. Après la mort
de Charlemagne, Louis -le- Débon-
naire n'eut pas moins d'estime que
son père pour l'abbé de Saint-Mihiel.
En 817, il le manda, avec un grand
nombre d'autres abbés, à une assem-
blée, tenue encore à Aix-la-Chapelle,
où l'on discuta tous les points de la
règle de saint Benoît, et où l'on
dressa des statuts pour rappeler l'or-
dre entier à l'ancienne discipline.
Vivement sollicité par ses confrères,
Smaragde écrivit un commentaire de
la règle et des nouveaux statuts,
commentaire que dans la suite on
attribua faussement à Raban Maur
et à d'autres. Le crédit qu'avait no-
tre abbé auprès de Louis-le- Débon-
naire fut très-profitable aux religieux
deSaint-Mihifl. Outre les privilèges,
franchises, immunités qu'il leur ac
corda par différents diplômes, il leur
donna encore le beau prieuré de Sa-
lone (près de Chàteau-Salins), dont
au commencement du XVII siècle ils
furent dépouillés assez arbitraire-
ment pour en doter la primatiale de
(l) Voyez son Histoire rf? Charleinagne,
traductioa attribuée à J.-F. de Bourgoing,
p. 43 J.
SMA
291
Nancy. Le dernier acte de la vie de
Smaragde fut aussi consacré au bien-
être de ces religieux. Le fondateur
de l'abbaye (2) l'avait placée sur un
lieu fort élevé de ses domaines, nom-
mé Castellio (Châtillon ou le Châte-
let). Cette situation en rendait les
abords difficiles et exposait ceux qui
l'habitaient à manquer souvent d'eau.
L'abbé fit donc construire une autre
maison, à une assez grande distance
de la montagne, dans la riante vallée
de la Meuse, sur le ruisseau de Mar-
soupe et près du village ou hameau
de Godinécourt, qui devint ainsi, par
succession de temps, la ville de
Saint-Mihiel (3). Smaragde ne détrui-
sit point entièrement l'ancien mo-
nastère. 11 en conserva une partie,
avec une église et la chapelle qui
renfermait le tombeau du fondateur
et de sa femme; il y laissa quelques
religieux , statua que le Vieux-
Moutler (comme on l'appela depuis)
servirait de cimetière à la nouvelle
abbaye, et voulut lui-même y être
enterré. Sa mort arriva vers l'an 823.
Dans sa belle Histoire de la civili-
sation en France, M. Guizot n'a pas
oublié Smaragde (première partie,
23*^ leçon). 11 le place sur la même
ligne que Leidrade, archevêque de
Lyon, etThéodulfe,évêque d'Orléans
{voy. ces noms, XXIV, 2, et XLV,
318), ses célèbres contemporains
et employés, comme lui, par Charle-
magne et Louis-le-Débonnaire. Voici
maintenant quelques renseignements
sur les ouvrages de l'abbé de Saint-
(2) L'abbaye de Saiut-Miliiel, ordre de
Saint-Benoît, fut fondée, en 709 ou 710, par
le comte Wulfoade et Adalsinde, sa femme.
C'est à tort que V Annuaire historique, publié
par la Société de ihtstoire de Frunce (année
l83S, p. 96), place cette fondation en 667.
(3) Ce nom est venu par corruption de
celui de saint Michel, l'un des patrons de
V,i\)\).iye.
19.
292
SMA
SMA
Mihiel. 1. Comment arius {nm Pos-
tula)^ in Evangilia et Epistolas in
divinis officiis per anni circulum le-
genda, ex SS. Patribus collectus,
Strasbourg, 153G, in-fol. « C'est un
• recueil abrégé de ce que les Pères
« ont dit do. meilleur sur le texte
« que Smaragde entreprend d'expli-
• quer. » (D. Jos. de l'Isle.) Il an-
nonce beaucoup d'érudition, et le
nombre des auteurs cités prouve que
la bibliothèque de l'abbaye était déjà
riche en bons livres. (Voy. VHhtoire
de la célèbre et ancienne abbaye de
Saint-Mihiel , par Dom Joseph de
i'Isle,Nancy,1757,in-i°.) 11. i)/adema
monachorum ex sententiis palrum
contextum, Paris, 1532, in- 8"; Pa-
ris, 1640, in-12;et dans le tome XVI
de \ixMaxima liiblioih. vet. Patrum,
Lyon, 1677, in-fol. Ce fut le plus cé-
lèbre et sans contredit le plus char-
mant de ses écrits. Le Diadème des
moines se compose de cent chapitres,
et non de cinq, comme le dit par er-
reur domCalmeI,danssaB^6i^■offt. de
Lorraine. L'auteur y examine tour
à tour toutes les vertus et tous les
devoirs monastiques : ille fait avec
une grande douceur, une suavité
exquise de paroles et une sagesse
puisée dans les saintes lettres, et par
conséquent pleine d'onction et de
grâce. Il rappelle toute l'austérilé de
vie que doivent mener ceux qui ont
embrassé généreusement la pratique
des conseils évangéliqnes ; mais en
même temps il se garde bien de les
décourager par des exigences exces-
sives. Il vanle surtout cette aimable
vertu de discrétion qui fait chaque
chose en son temps et avec mesure.
Il ordonna que, dans son abbaye, on
on brait fous les soirs quelques cha-
pitres en communiuté, connue on y
lisait tous les malins quelques arti-
cles de la règle de saint BenoiV. Beau-
coup d'autres maisons religieuses
s'emiuessèreut d'adopter le biadC'
ma., et les copies s'en multiplièrent
à l'infini. 111. Commentarius in Regu-
lam sancti Benedicti, imprimé dans
l'édition de la Règle de saint Benoît,
Cologne, 1575, avec les commentaires
du cardinal Jean de Turrecremala
et d'autres auteurs. Après la préface,
se trouve un petit poème, en soixante-
quatorze vers élégiaques, consacré à
relever les mérites de la règle. Ces
vers et quelques autres qui précèdent
les Pastilles montrent que Smaragde
cultivait avec un certain succès la
poésie latine. IV. Via regia. Cette
production, la plus importante de
l'abbé de Saint-Mihiel, se compose
de trente-deux chapitres. Elle est
dédiée à un roi, que l'auteur ne
nomme point, mais que l'on croit
être Louis-le-Débonnaire. On sup-
pose qu'elle lui a été adressée lors-
qu'il n'était encore que roi d'Aqui-
taine. D'un usage moins général que
le Diadème des moines, la Foî'eroî/a/e
dut beaucoup moins se répandre;
aussi les manuscrits en étaient très-
rares. Le savant Émeri Bigot {voy.
ce nom, IV, 486), en ayant découvert
un extrêmement ancien, à Rome,
dans la bibliothèque de la reine
Christine de Suède, en donna avis à
Luc d'Achery, et celui-ci, par l'en-
tremise de D. Boisserie, le ht trans-
crire, le publia en tête du V<= volume
de la première édition de son Spici-
lége, et put dire, avec raison, qu'il
en formait le plus bel ornement.
L'auteur y examine chacune des prin-
cipales vertus chrétiennes et excite à
les pratiquer. Son procédé est assez
uniforme; et quoique ce traité rap-
pelle quelques-unes des qualités lit-
téraires du Diadema, on n'y trouve
pas la même abondance de douces
paroles et d'images gracieuses. Soit
SMA
SMA
293
que le disciple auquel il s'adressait
lui inspirât quelque contrainte, soit
que le sentiment des devoirs sévères
et difliciles de la royauté' imposât à
son imagination un effort que n'exi-
geaient pas de lui la simplicité etsur-
tout sa longue expérience des devoirs
monastiques, il n'a plus, en par-
lant au monarque, la même expansion
de cœur qu'avec ses chers moines.
C'est cependant toujours le même
homme, la même sagesse, la même
sûreté de doctrine. Comme, du reste,
les devoirs que la religion prescrit
aux honnnes , quoique divers dans
leur application , ont tous un fond
commun, quelques chapitres du Dia-
dema monachorum ont trouvé place
dans (a Via regia; seulement, Sma-
ragde les a pour la plupart abrégés ;
il a eu le tact de resserrer et de ren-
dre court ce livre consacré à la direc-
tion d'un homme dont les loisirs de-
vaient être rares. Il s'en est tenu à
l'essentiel, et il faudrait peu de mo-
dilications , peut-être, pour que ce
traité, destiné à un empereur, ne con-
tînt plus que des conseils applicables
au commun dos hommes. Il ne serait
môme pas nécessaire de retrancher
en entier le chnpitre où Smaragde
engage le roi à veiller à ce ((ue la ser-
vitude n'ai! point lieu dans ses États.
Il y rajjpelle que la charité ne souffre
pas cote distinction de libres et d'es-
claves; il énumèrc les malédictions
que les livres saints contiennent con-
tre ceux qui réduisent leurs frères
en servitude; il enseigne que c'est
le péché qui a mis cette différence
entre les hommes que leur nature
rend égaux, et il l'exhorte à penser
toujours qu'il lui sera remis selon
qu'il aura remis aux autres, et que
c'est là le joug que Dieu lui a im-
posé et la servitude à la(|uellc il
Ta souuiis. « Le caractère de cet ou-
" vrage est beaucoup plus moral que
« religieux, dit M. Guizot. L'Église y
« tient peu de place, e(, sauf quel-
" ques recommandations générales,
« l'auteur n'en parle qu'en passant,
« et pour exhorter le prince à la
« surveiller (4). Si ce livre fut adressé
« à Louis-le-Débonnaire, l'empereur
«était beaucoup plus moine que
« l'abbé de Saint-Mihiel. » V et VI.
La relation de la conférence tenue
au Vatican relativement à la proces-
sion du Saint-Esprit a ?té insérée
par le P. Jacq. Sirmond dans le
tome II (lèses Concilia antiqua Gal-
liœ, et la lettre qui avait provoque
cette conférence, dans le Supplément
auxdits Concilia, par le P. de la
Lande, neveu du P. Sirmond. Ces
deux pièces ont reparu dans la grande
collection du P. Labbe et ailleurs.
Deux ou trois autres productions de
Sujariigde, moins connues que les
précédentes, n'ont pas été impri-
mées. Dom d'Yépez {voy. ce nom,
LI,472), dans ses Chroniques de
Vordrede saint Benoit, parle avan-
tageusement d'un Commentaire sur
les Prophètes^ qu'il avait vu en ma-
nuscrit dans la bibliothèque de Saint-
Sauveur d'Onia. Le P. de Montfau-
con (p. i\20 i\e sa. Bibliotheca Bi-
b liât lie carum), mentionne un autre
U)anuscrit de la bibliothèque de
Sairit-Germain-des-Prés, qui conte-
nait des Homélies de l'abbé de Saint-
Mihiel , réunies à celles de plu-
sieurs autres personnages; D. Calmet
préicnd même qu'il avait fait des
sermons pour toute l'année, lilnlin,
railleur anonyme de la Chroiiique
de Saint-Mihiel insinue que Sma-
ragde avait écrit l'histoire de son
abbaye et la vie de ses trois prédé-
('v) Ces exhortutidus se lisent tlaus 1^
llliip. XiVIIt.
294
SMA
cesseurs. — Trois autres Smaragde
ont été quelquefois confondus avec
l'abbé de Saint-Mihiel, et on leur a
attribué quelques-uns de ses écrits.
— Le premier était un simple reli-
gieux de l'abbaye d'Aniane. Il s'ap-
pelait Ardon-Smaragde, et il mourut
vers 843, en odeur de sainteté. Il a
laissé une Vie de saint Benoît (dit
d'Aniane, parce qu'il avait fondé
ce monastère). Cette vie a été pu-
bliée par D. Nic.-Hiig. Menard {voy.
ce nom, XXV1I1,2G4), entête d'unou-
vrage de ce saint, et reproduitedans la
collection des Bollandistes. On trouve
dans le Dictionnaire de Moréri une
intéressante notice sur Ardon-Sma-
ragde. Le cardinal Bona , en fai-
sant remarquer qu'il ne fallait pas
confondre ce religieux avec l'abbé de
Sainl-Mihiel, a dit de ce dernier qu'il
était divinœ scientiœ lumine imbu-
tus. Voy. la Notifia auclorum, qui
précède son beau traite De divina
Psalmodia, etc. — Le second S.MxV-
RAGDE, prêtre et religieux de l'ab-
baye de Saint- Maximin, à Trêves,
dans le IX' siècle, avait écrit un
Commentaire sur les Psaumes., dont
la préface a été insérée par les PP.
MartèneetPurand,dansIe tomeF''de
leur Amplissima Collectio. — Le
troisième Smaragde était abbé du
monastère de Lunebourg, en Saxe,
fondé seulement vers le milieu du
X« siècle. On ne connaît aucun écrit
de lui. — Un quatrième Smaragde,
qui vivait du temps de Diocléiien et
de Maximien, souffrit le martyre à
Rome, avec le diacre Cyriaque et plu-
sieurs autres, pendant la persécution
suscitée aux chrétiens par ces empe-
reurs (voy. le Martyrologe romain,
16 mars et 8 aovit). — Quelques au-
teurs prétendent que le nom des per-
sonnages précédents a été aussi porté
par une sainte du IV*^ ou du V siè-
SMI
cle, née à Alexandrie , et que l'Église
honore le premier jour de janvier.
Elle senommait d'abord Euphrosine.
Paphnuce, son père, ayant voulu la
mariei, elle s'enfuit, à l'âge de dix-
huit ans, déguisée en homme, dans
un couvent, où elle se présenta sous
le nom de Smaragde. P>eçue comme
religieux, elle vécut trente-huit ans
sans sortir de sa cellule. Plusieurs
critiques, particulièrement Baillât,
rejettent de la vie de sainte Euphro-
sine ces particularités, et quel-
ques autres qui semblent romanes-
ques. A — YetB— L — u.
S3IITH ou SMYTIIE (Jean),
voyageur et homme d'État, était fils
de sir Clément Smith et d'une sœur
de Jeanne Seyinour, troisième femme
de Henri VlIF. Nous ne connaissons
pas l'époque précise de sa naissance ;
on sait seulement qu'il fut élevé à
Oxford, et Wood nous apprend qu'il
se distingua comme soldat et comme
littérateur. Sous le règne d'Edouard
VI, son cousin, il se rendit eu Franco,
sans doute pour y suivre quelques
négociations^ et l'on voit dans la
préface de son livre des Instructions
qu'il passa successivement au ser-
vice de plusieurs princes étrangers.
En 1576 les Pays-Bas ayant pris les
armes pour défendre leur liberté
contre les empiétements du gouver-
nement espagnol, et se trouvant sans
argent, sollicitèrent un emprunt au-
près de la reine Elisabeth, qui re-
fusa d'agréer leur demande pour ne
passe brouiller avec le roi d'Espagne.
Elle envoya cependant Jean Smith
à Madrid, afin de rétablir la bonne
intelligence entre ce souverain et ses
sujets. Smith , qui avait été créé-
chevalier avant de partir pour l'Es-
pagne , fut très-gracieusement ac-
cueilli par Philippe II; mais il eut
de violentes discussions avec Gas-
SMI
SMI
295
par Quiroga, archevêque de Tolède,
et avec les inquisiteurs de Séville
qui refusaient d'ajouter aux titres de
la reine celui de défenseur de la foi,
que le roi d'Espagne lui (it néan-
moins donner. Nous n'avons aucun
autre renseignement sur les actions
de Jean Smith qui vivait encore en
1595,juuissantde l'estime des savants
et des militaires. Ou a de lui : \. Dis-
cours sur les formes et les effets de
différentes armes, etc., Londres,! 589,
réimprimés en 1590, in-4°. il. Cer-
taines inslruciions, obscrvaiions et
ordres militaires nécessaires pour
les chefs, capitaines, officiers supé-
rieurs et subalternes, Londres, 1594-
1595, in-4o. On y a ajouté des In-
structions pour les enrôlements et les
revues. Il existe deux manuscrits re-
latifs aux négociations de Jean Smith
en Espagne dans la bibliothèque Co-
tonienne; il s'en trouve un autre
dans celle de Lambeth. D — z— s.
SMITH (Sir James - Edward ),
médecin et savant naturaliste an-
glais, né à Norwich vers 17G0, alla
prenilre le grade de docteur à l'uni-
versité de Leyde, puis revint se fixer
dans sa patrie. Tout en exerçant son
art, il se livra avec une ardeur infa-
tigable à l'étude de la botanique,
sans négliger les autres branches
de rhistoiie naturelle. La Société
royale de Londres l'admit dans son
sein, et lui-même fonda la Société
linnéenne dont il fut le premier pré-
sident. Il avait acquis et fait trans-
porter en Angleterre les herbiers et
les manuscrits de Linné, et i! publia,
avec des annotations, quelques ou-
vrages de te grand naturaliste; ce
qui lui valut le surnom de Linnéen.
Smith mourut à Norwich le 17 mars
1828. La Société linnéenne était
réunie quand elle reçut la nouvelle
de la mort de son président; aussi-
tôt elle leva la séance en signe de
deuil et de respect. Outre un grand
nombre de mémoires insérés dans
les Transactions de cette Société,
Smith en a fourni aussi aux Trans-
actions philosophiques de la Société
royale de Londres, au Journal de
Nicholson et à d'autres recueils
scientifiques. Ce laborieux écrivain
a publié séparément : I. Dissertatio
quœdam de generalione complec-
tens, 1780, in-8». C'est la thèse mé-
dicale qu'il soutint à Leyde en pre-
nant le degré de docteur. II. Plan-
tarum icônes hactenus inedilœ,
plerumque ad plantas in herbario
Hnnœano conservatas delineatœ,
Londres, 1789'-91, 3 fascicules in-fol.
m. Icônes pictœ plantarum ra~
riorum descriptionibus illustratœ,
Londres, 1790-93, 3 fascic. gr. in-fol.,
fig. color. IV. Botanique anglaise
(en anglais), Londres, 1790 et années
suiv., 21 vol. in-8", lig. color. V.
Spicilegium botanicum, Londres,
1792, in-fol. VI. Dissertation sur
les sexes des plantes d'après Linné
(en anglais), 1792, in-S". VU. Essai
sur la botanique de la Nouvelle-
Hollande, Londres, 1793, in-i", fig.
color. VIII. Esquisse d'un voyage
sur le continent, 1793, 3 vol. in-8";
2" édit., 1807. IX. Syllabaire d'un
cours de leçons sur la botanique,
1795, in-8\ X. Histoire naturelle
des lépidoptères les plus rares de
Géorgie, avec les plantes qui leur
servent d'aliment, composée d'après
les observations de J. Abbot, en an-
glais et en français (la traduction
française est de Romet), Londres,
1797, 2 vol. in-fol. « Cet ouvrage,
dit M. Brunet {Manuel du libraire),
imprimé magnifiquement et orné de
104 planches coloriées avec soin,
n'est cependant pas fort estimé,
parce que les figures manquent de
296
SMI
SMI
vérité. C'est sans aucun fondement
que Peignot annonce, dans son Ré-
pertoire de bibliographies spéciales,
(liie ces deux volumes n'ont été tirés
(jii'à CO exemplaires. » XI. Traités
relatifs d l'histoire naturelle, Lon-
dres, 1798, in-8". XII. Flora bri-
tannica, Londres, 1800-1804, 3 vol.
iu-8'J. Cet ouvrage esiimé a été ré-
imprimé à Zurich en 1804, 3 vol.
in-8", par les soins et avec des notes
de J.-J. Roemer. XIII Compendium
llorœ britannicœ, Londres, 1800,
iii-8". XIV. In usum Florœ germa-
nicœ, 1801, in-8'i. XV. Botanique
exotique, Londres, 1804-1806, 2 vol.
gr. in-t", fig. color. XVI. Intro-
duction à la botanique physiologi-
que et systématique, Londres, 1807,
in-8", fig.; 4« édit., 1819. XVII.
Voyage à Hafod, dans le Cardigan-
shire, château de Thomas Johnes,
membre du parlement, Londres,
1810, gr. in-fol. Cet ouvrage, orne
de 15 vues gravées et coloriées, n'a
é!é tiré (ju'à 100 exemplaires. Smith
ayant acquis, comme nous l'avons
dit, le cabinet de Linné, y trouva
35 planches appartenant au l'^Mivre,
extrêmement rare, des Champs ély-
siens de Rudbeck,et les publia, avec
dos additions, sous ce titre : Reli-
quiœ Rudbecliianœ, sive Campo-
rumElysiorum libri primi quœ su-
jyersunt, Londres, 1789, in-fol. {voy.
RUDBFXK, XXXIX, 258). Il publia
aussi deux ouvrages de Linné : Flo-
ra lapponica cum notis, Londres,
1792, in-8", lig. ; Lachesis lapponi-
ca, ou Voyage en Lnponie, extrait
du Journal manuscrit de Linné,
Londres, 1811, 2 vol. in-S", fig. Le
célèbre botaniste Sibthorp {voy. ce
nom, XLII, 286). après plusieurs
voyages en Grèce, se proposait de
donner une Flore de cette contrée,
en 10 vol. in-loL, ornés chacun de
tOO gravures coloriées, avec un vo-
lume d'introduction; mais sa mort
prématurée l'empêcha de mettre ce
projet k exécution. Ayant légué à
l'université d'Oxford une rente des-
tinée à publier cet ouvrage, ses exé-
cuteurs testamentaires en confièrent
la rédaction à Smilh, et lui remirent
les manuscrits, les dessins et autres
matériaux laissés par Sibthorp. Il fit
paraître l'introduction, dont l'auteur
n'avait tracé que le plan, sous ce ti-
tre : Florœ grœcœ Prodromus, sive
Ptantarum omnium enumeratio
quas in provinciis aut insulis Grœ-
cioB invenit J. Sibthorp^ Londres,
1808, 1 vol. iu-8". Il y ajouta la
description, l'indication et les carac-
tères distinctil's des espèces, avec de
savantes remarques; puis il com-
mença la publication intitulée :
F'iora grœca, sive Plantarum ra-
riorum historia quas in provinciis
aut insulis Grœciœ legit, investiga-
vit et depingi curavit Johannes
Sibthorp... Characteres omnium^
descriptiones et synonyma elabora-
vil Jac.-Edv. Smith, Londres, 1808
et aiin. suiv., in-ful. avec fig. color.
Ce magnifique ouvrage n'a été tiré
qu'à un petit nombre d'exemplaires.
D'après la Biographie médicale,
• Cette Flore a beaucoup contribue
à faire connaître les plantes dont
parle Dioscoride; mais beaucoup de
plantes déjà trouvées par Tourne-
fort y sont omises ; et il eût été fa-
cile de rendre l'ouvrage moins dis-
pendieux en n'y faisant point entrer
une foule de végétaux très-connus. »
P — RT.
SMSTH (Sir William SiorsEv),
amiral anglais, était fils de sir John
Smith (1), ancien aide-de-camp de
(i) Siiiv.Tut la Notice fiii/oiiq ue sur }.-Siiea-
(cr SiiMtli, frère dt; l';iiiiiriil, rcdigce par
M Djlliu, et insérée daus la Hefue dt Rouer
SMI
SMI
297
lord George Sackville pendant la
guerre de 1756, devenu depuis
gentleman usher de la reine Char-
Idtte, et de Marie Pinkeney-Wilkin-
son, dont le père était un riche
marchand de Londres. Il naquit à
Westminster vers la fin de 1764.
Entré de bonne heure dans la ma-
rine royale, car il n'avait que 12 ans
lorsqu'il s'embarqua en qualité de
midshipman sur le Sandivich^ qui
Taisait partie de la flotte de lord
Rodney, il servit successivement
sur plusieurs navires, et obtint le
22 mai 1781 une commission de
lieutenant à bord de VAlcide, de 74,
commandé par le capitaine E. Thomp-
son. Lejcune officier prit part au com-
bat soutenu par l'amiral Graves à la
hauteur de la Chesapeake, ainsi qu'à
la bataille du 12 avril 1782 {voy. Rod-
NEV, XXXVllI, 3GI), à la suite de la-
quelle il fut nommé commander le
2 mai. Il fut élevé l'année suivante au
grade depo5fccfp/«m,quoique à peine
âgé de 19 ans, et obtint le comman-
dement de la frégafe VAtcmène^ de
28 canons. La rapidité de l'avance-
ment d'un si jeune marin doit être
attribuée, non pas seulement à son
mérite personnel, mais aussi à la fa-
et de la Normandie (Sept. iS^S), la famille
Smith , originaire du comté de Wil ts, alla s'éta-
blir au XVI« siècle dans le comté de Kent, et
l'on voit encore près de Folkstone les ruines
du cliâteau fortde Westenlianger où résid.iit
sir Thomas Smith. — Son troisième fils Ed-
ward, ué à Douvres, était cajiitaine de vais-
seau, lorsqu'il fut hlessé mortellement à
l'attaque de la Giiira, dans les Indes orien-
tales, où il sei vait sons les ordres de l'ami-
ral Knowles. Edward laissa un lils, John, né
aussi à Douvres, et qui fut père de l'amiral
Sidney Smith. Le nom de cette famille s'é-
crivait aucieuii émeut Smjlhc, orthographe
qui a été conservée jiar une branche dont le
chef actuel est lord Percy-Clinton-Sidriey
Sinythe> vicomte de Strangford et pair d'Ir-
lande. Uu de ses aiuèlrcs fut coutumier,
c'est-à-dire reccvcur-géuéral des douanes,
6UUS le règne de la rcioc Elisaljeth.
veur dont son père jouissait à la
cour; c'est ce que reconnaît au sur-
plus son biographe anglais, (jui se
montre toujours l'ardent panégy-
riste de celui qu'il n'appelle jamais
que le héros. A la piix, Sidney
Smilh rentra dans le sein de sa fa-
mille, qu'il ne quitta qu'en 1788,
lors de la rupture entre la Russie et
la Suède. Il passa alors au service de
cette dernière puissance, et il parai-
trait qu'il s'y distingua assez pour
obtenir, lorsqu'il le quitta à la paixde
Wereke (août 1790), la granir-croix
de l'ordre de l'Épée. Son propre sou-
verain lui conftira à peu près à la
même époque l'honneur de la che-
valerie. L'Angleterre n'ayant aucun
ennemi à combattre, Sidney Smith,
ne pouvant supporter le repos, voya-
gea sur le continent avec son frèr-e
John-Spencer Smith {voy. ce nom,
ci-après); ils visitèrent le collège
militaire et l'école d'équilation de
Caen; enfin ils s'embarquèrent pour
Constantinople, où Spencer demeura.
Sidney Smith entra en 1792 comme
volontaire au service de la Turquie,
mais il y resta peu de temps. Il se
trouvait encore à Smyrne quaiul la
guerre fut déclarée entre la France
et l'Angleterre, et qu'il fut rappelé
par une proclamation de son souve-
rain. Il réunit immédiatement plu-
sieurs marins anglais restés sans
emploi en Turquie, arme un petit
navire, vient rejoindre devant Tou-
lon la flotte anglaise commandée par
lord Hood, et offre ses services, qui
sont gracieusement acceptés. Devenu
maître, le 28 aoiit 1793, par suite de
nos discordes civiles, du plus impor-
tant port (le ia France, de la rade et
de son arsenal (2), sans avoir eu h.
(2) Ils coutenaient alors, tant armés qu'en
annimcnt ou dés.inués, viugl-iicu f vaisseaux
298
SMI
SMI
brûler une amorce (3) {voy. Trogoff
aiiSupp.), lord Hood eut bieulôt
à les défendre contre les attaques
de Taruiee républicaine, dont l'ar-
tillerie étuil dirigée par un jeiftie
officier, parvenu depuis à l'empire
sous le nom de Napcdéon, et ne tiirda
pas à s'apercevoir qu'il ne lui restait
que le temps nécessaire pour éviter
une perte à peu près certaine. Sidiiey
Smith, dont le caractère était aussi
audacieux qu'avide de se signaler,
se proposa pour incendier la flotte
française restée dans le port, ainsi
que les magasins et les immenses ap-
provisionnements qui s'y trouvaient.
Quoique lord Hood se fût engagé,
lorsque le port de Toulon lui fut ou-
vert, à conserver comme un dépôt
sacré la flotte qu'il renfermait, il
n'en accepta pas moins avec empres-
sement l'offre qui lui était faite de la
détruire. Ce fut dans la nuit du 17 au
18 décembre que Sidney Smith exé-
cuta sa funeste mission (4). Suivant
de ligue, iiu viiis»e.iu en ^OIlstl'u<;tioD, viugt-
iiu autres bâtiments, et deux fiég:it<'S sur
les chantiers.
(3) C'est SHDS laisoi) qu'en s'a jiuyantsur
le rapport partial et mensonger du repré-
eenlaiit du peuple Jean-Bou Saiut-Audré,
M. Tliiers fait un si grand éloge de Saiut-
Julieu, et accuse Trogolf, qu'il appelle eu
outre un étranger (jue la Framre avait com-
blé de faveurs, taudis qu'il était né en Bre-
tagne et n'avait reçu, ainsi que le dit juste-
ment M. Léon Guérin, eu s'appuyantde do-
cuments officiels, que très-strictemeut le
prix de ses services.
(4) Ou a vu dans le (;oinmencemeDt de
cette notice que Sidney Smith, après avoir
débuté dans la marine royale, comme mi'rf-
shipman en 1776, était /)Oii-ca/j(ain depuis
1783 et avait servi honurablement dans la
marine royale de Suède et dans la flotte
turque pendant les intervalles de paix dont
jouissait sa pjitrie. C'est donc avec regret
que nous avons lu dans l'excellente Histoire
de la MARINE rONTKMPORAINE DE I784 A
1848, par M. Léon Guériu, que le mariu
iiBg\d\s -.lYuit/ail jusqu en 1793 plutôt le mé-
tier d' piiale que c^lui d' officier de mer, et que
c'était un aventurier ayant tour à tour vendu
le rapport qu'il adressa lui-même, le
18, à lord Hood, les galériens, au
nombre de plus de 600, après avoir
rompu leurs fers par la connivence
des Anglais, loin de s'unir à ces in-
sulaires, voulurent au contraire s'op-
poser à leur dessein 5 mais des ca-
nons pointés contre eux et la pro-
messe de ne leur faire aucun mal,
s'ils se tenaient tranquilles, les dé-
terminèrent à demeurer neutres. Sui-
vant le même rapport, des nombreux
vaisseaux de ligue que renfermait
la rade, l'inceuttie allumé par les
brûlots anglais eu eut bientôt dévoré
au moins dix, ainsi que le magasin
général; deux frégates chargées de
plusieurs milliers de tonneaux de
poudre sautèrent en l'air avec un
épouvantable fracas; et la quantité
de poudre à canon, de poix, de gou-
dron, de mâts, de cordages, etc.,
devenus la proie des flammes, fut tel-
lement considérable, que l'auteur de
ce désastre ne douta pas de la presque
impossibilité où se trouveraient les
Français d'étjuiper ceux des navires
qui n'auraient pas été détruits. Tels
furent, d'après Sidney Suiitb, les ré-
sultats de la mission qui lui avait été
confiée. Cet exposé ne diffère pas ex-
trêmement, en ce qui concerne le nom-
bre des vaisseaux incendiés (5) du
ses services à toutes les nations, même aux
Tuncs CONTRE LES cubÉtiens. » Celte der-
nière accusation surtout est vraiment singu-
lière, car M. Léon Guériu sait aussi l)ien que
qui que ce soit qu'en maintes et maintes
circonstances des marins chrétiens ont com-
battu dans les rangs des sectateurs de Ma-
homet, et que des puissances chiétiennes
ont joint leurs vaisseaux a ceux des Turcs
pour combattre des chrétiens. L'amour de
la patrie ne nous autorise pas à être injuste
euvers ses ennemis.
(5} L'auteur des Mémoires de Sidnex Smith,
t. l, pag. 62, 65, annou<,e qu'outre les dix
vaisseaux de ligne, plusieurs frégates, le ma-
gasin des mâts, te grand magasin général et
plusieurs autres bâtiments furent détruits
SMI
SMI
299
moins, du récit de Napoléon. «Le ton j^
• billon de flainmesqiii sortait, dit en
« effet celui-ci, ressemblait à i'érup-
« tiond'iin volcan, et les treize vais-
<■ seaux{(î)qui brûlaient dans la rade,
« à treize njagnifiques feux d'arli-
« fice(7).» Les pertes de laFrancedans
cette triste occurren'e furent sans
doute bien grandes, miis pas autant,
néanmoins, qu'on aurait pu le crain-
dre et que Sidiiey Smith semble le sup-
poser, puisque, comme leditErentmi,
son compatriote, les magasins de
Toulon étaient encore debout en 1795
el avaient souffert peu de domma-
ges, et que plusieurs des vaisseaux
de ce port purent être complète-
ment armés et combattirent au Nil
et ailleurs (8). A son arrivée en An-
gleterre, où il avait été chargé de
porter la nouvelle de cet événement,
Sidney Smith obtint (1794) le com-
mandement de la frégate Diamond^
de 38 canons, qui faisiiit partie de la
station de la Manche. Le 27 octobre,
il coopéra à la prise de la Révolu-
tionnaire, frégate française de 44 ca-
nons. Détaché le 2 janvier 1795 par
sir John Warren pour reconnaître
le port de Brest, il eut l'aurlace d'y
pénétrer el, après s'être assuré que
la flotte française avait pris la mer,
la chance encore plus extraordinaire
de sortir du port sans être reconnu,
quoiqu'il y fût resté toute une nuit.
arec fout ce qu'ils toiiteniiieiit, et que le dé-
sastre eût été bien plus considérable sans
les Espagnols qu'il accuse injustement de
trahison ou de lâcheté {the treacherjr or the
coivaidtce of ihe Spaniards), parce qu'ils refu-
sèren; démettre le feu aux vaisseaux |)lacés
dans le l)a^sin devant la ville.
(6) Si l'on compare ce récit avec le rap-
jiort des représent.mts qui prirent posses-
sion du port api es l'évaiuatiou, on y trou-
vera de l'exagération.
(7) Méinoi'es de Napo/éon, parlieécrite et
publiée par le général Gourgaud.
. (8) Brentou, t. I, p. u3.
La même année, il occupa les petites
îles Saint-Marcouf, situées dans îa
Manche au milieu de la rade de la
Hogue, qui sont d'une assez grande
importance pour défendre cette rade
et assurer le cabotage du Havre à
Cherbourg, et fournissaient en outre
les moyens d'établir une correspon-
dance régulière avec les royalistes
de l'intérieur de la France. Le 17
mars 1796, un événement fâcheux,
qui ne peut être attribué qu'à l'ex-
cessive témérité de Sîdnev Smith,
l'arrêta dans sa carrière. Éf;:nt on
station devant le Havre et faisant
une reconnaissaiice avec ses bateaux,
il pénétra dans la Seine, et osa y
attaquer un corsaire français qu'il
força de se rendre, mais qu'un calme
plat l'empêcha d'emuiener. Un ma-
telot de la prise ayant trouvé moyen
de couper secrètement le câble, la
marée montante entraîna le navire
amariné et le fit remonter dans le
fleiivc. Attaqué ii la pointe du jour
par des chaloupes canonnières et
par les batteries de la côte, Sidney
Smith fut obligé de se rendre après
s'être défendu quelques instants.
Cette entreprise parut tellement au-
dacieuse, qu'on soupçonna le Com-
modore d'avoir été chargé de favo-
riser une tentative des royalistes
et de diriger un dangereux espion-
nage. Aussi fut-il traité avec si peu
de ménagement qu'il crut devoir s'en
plaindre et en appeler au bon sens et
à la générosité du général Bonaparte,
à cette époque, de retour de l'Italie.
Mais les préjugés existant contre le ma-
rin anglais avaientfait tant de progrès
dans tous les esprits. et la manière dont
la capture s'était opérée présentait tant
d'anibiguïié,queBon:i|iart£ refusa d'in-
tervenir. Le Directoire le lit conduire
à Paris, et il fut enfermé d'abord dans
la prison de l'Abbaye, ensuite dans
SuO
SMI
SMl
celle (lu Temple, où il resta deux ans
sans pouvoir être échangé. Lorsque
Sidiipy Smith fut capturé il avait avec
lui son secrétaire et un émigré fran-
çais appelé Tromelin, qui l'accompa-
gnait depuis quelque ten)ps, dans
l'espoir d'être utile à la cause royale.
D'après les lois qui régissaient alors
la France, ce dernier, s'il eût été
reconnu,ilevait être sur-le-champ mis
à mort 5 mais le commodore le fit pas-
ser pour son domestique, e! il parlait si
l>ien l'anglais qu'on ne conçut aucun
soupçon, Malgré la vigilance de la
police, des dames françaises essayè-
rent,àdiverses reprises, de faire éva-
der les prisonniers, mais toujours
quelque obstacle impre'vu vint déran-
ger leurs plans. Madame de Tromelin,
informée de la détention de son mari,
vint à Paris, loua une maison près du
Temple, et intéressa dans le complot
qu'elle se proposait d'entreprendre
une jeune personne pleine de cou rage.
Un maçon, gagné par elles, pratiqua
une comnninication par les caves, et
tout semblait assurer le succès quand
le bruit occasionné par la chute de
quelques pierres répandit l'alarme.
Les prisonniers furent resserrés plus
étroitement, et la surveillance aug-
menta. Un échange de prisonniers
devant avoir lieu, ce fut vainement
que le gouvernement anglais de-
manda qu'on y comprît sir Sidney
Smith, qui eut cependant le bonheur
d'obtenir cet avantage pour Trome-
lin. Après la journée du 18 fruc-
tidor (4 sept. 1797), Sidney Smith
fut traité avec encore plus de ri-
gueur; néanmoins le moment de sa
délivrance approchait. Un ofticier
français, nommé Phélippeaux, que
l'on vit plus tard figurer au siège de
Saint Jean-d'Acre, Charles Loiseau,
et d'autres royalistes, entreprirent de
déhvrer le commodore. Au moyen des
intelligences qu'ils avaient établies
avec l'extérieur et d'un faux ordre du
ministre de la guerre que présenta au
geôlier un danseur de l'Opéra, nommé
Boisgirard,qui s'était déguisé en gé-
néral , les portes de la prison furent
ouvertes, et Sidney Smith monta sur-
le champ dans une voiture qui le
transporta à Rouen, d'où il se rendit
immédiatement au Havre. Là, s'em-
barquant sur un petit bateau, il put
gagner le navire anglais VArgo^ ca-
pitaine Bower, qui le débarqua à
Portsmouth (9). Il se rendit ensuite
à Londres où il arriva avec M, de
Phélippeaux et son secrétaire dans
les premiers jours du mois de mai
1798. Accueilli avec de grandes accla-
mations par le peuple, il obtint im-
médiatement une audience particu-
lière du roi , qui le reçut de la ma-
nière la plus affectueuse. Pour té-
moigner combien il attachait de prix
à sa délivrance et pour donner eu
même temps une leçon de générosité
au Directoire, ce prince accorda la li-
berté, sans condition, à M. Bergeret,
capitaine de la frégate française la
Virginie, qu'il avait proposé de re-
mettre en échange de Sidney Smith;
ce que le Directoire avait obstiné-
ment refusé. Nommé le 2 juillet 1798
au commandement du vaisseau de
guerre le Tigre, de 80 canons, Sid-
ney Smith fut envoyé à Constanti-
nople en qualité de plénipotentiaire
adjoint pour conclure un traité d'al-
liance entre la Turquie et la Grande-
^ (q) Le ciipitjiine anglais Drenton assure,
d:iii"s sou Bisioiie de la Marine, iju'il sait de
bonne souice <|iie trois mille livres sterling,
données par le g^iverneinent hritannifiue
an ministre des relations extérieures Cliarles
Delacroix, avaient ouvert les portes du
Temple à Sidney Smith et aplani les oljsta-
iles jusqu'à la cote. II ajoute que lord Saint-
Vincent (Jervis) lui a tcrtilié qu'il avait vu
l'ordre du tiésor.
SMÏ
SMI
301
Bretagne. Le 5 janvier 1799, il fut
présenté au reis-effendi par son frère,
sir SpencerSiuith, alors ambassadeur
d'Angleterre auprès de la Sublime-
Porte, et eut ensuite quelques confé-
rences avec les ministres turcs. A l'is-
sue de l'une de ces conférences (19
février), il quitta la capitale de l'em-
pire ottoman pour se rendre avec le
Tigre sur les côtes de l'Egypte, en-
vahie par les Français , qui venaient
de pénétrer en Syrie, où ils faisaient
le siège de Saint-Jean-d'Acre. Après
s'être concerté avec Hassan-Bey, gou-
verneur de l'île de Rhodes, Sidney
Smith arriva le 3 mars à la hauteur
d'Alexandrie. Il y trouva le capitaine
Trowbridge qu'il remplaça dans le
commandement de l'escadre et en-
voya ensuite le lieutenant Wright,
son ami et son second lieutenant, pour
prendre les mesures nécessaires à la
défense de la forteresse de Saint-Jean-
d'Acre, alors vivement pressée par le
général Bonaparte, Quant à lui, après
avoir bombardé pendant quelque
temps Alexandrie, dans le vain espoir
d'arrêter la marche des Français, il
lit voile pour les côtes de Syrie et se
dirigea sur Saint-Jean-d'Acre , où il
jeta l'ancre le 15 mars. Il débarqua
immédiatement, et visita lesfortilica-
tions qu'il irouva dans le plus mau-
vais état. Djezzar-pacha, qui com-
mandait la ville, se croyait si peu en
siàreté,qu'il était au moment de l'aban-
donner pour sauver ses femmes et ses
trésors. L'arrivée des Anglais chan-
gea sa détermination et le disposa à
la résistance. Sidney Smith fit bien-
tôt entrer dans la place des munitions
de guerre de toute espèce, des canon-
niers et des ingénieurs au nombre
desquels se trouvait Fhélippeaux, le
même qui avait contribué a faire éva-
der le Commodore de la prison du
Temple. Cet oflicier, aussi distingué
par ses talents que par sa bravoure,
était animé d'une haine personnelle
contre le général en chef de l'armée
française, avec lequel il avait été élevé
à l'École militai re.Un convoi chargé de
l'arli llcrie de siège qui devaitvenir par
mer d'Alexandrie.ayant été intercepté
par les croiseurs anglais, Saint-Jean-
d'Acre fut complètement pourvu ,
tandis qu'il ne restait plus aux assié-
geants qu'une caronade de 32, quatre
pièces de 12, huit obusiers et quel-
ques pièces de bataillon. Bonaparte
n'en persista pas moins dans ses pro-
jets, il multiplia les assauts et sou-
tint, pendant deux mois, des combats
meurtriers. Mais convaincu enfin de
l'impossibilité de réussir, il leva le
siège dans la nuit du 20 au 21 mai ,
ayant perdu plus de 4,000 de ses plus
braves soldats, 11 emmenait avec lui
1,200 blessés et laissait au pouvoir de
l'ennemi ses ambulances, la majeure
partie de son artillerie et de ses ba-
gages (10). Dans les confidences qu'il
fit au docteur O'Méara, pendant son
séjour à Sainte-Hélène, Napoléon pré -
tend que Sidney Smith ayant cherché
à séduire les soldats français par des
proclamations qu'il faisait répan Ire
dans leurs rangs, il se borna à publier
un ordre du jour pour déclarer que le
Commodore anglais était un fuu , et
pour interdire toute communication
avec lui. Il ajoute qu'à cette occasion
Sidney S.nitli lui proposa un duel et
(lo)Dufriche-Y;il;izé,daus l'arlicle Assaut
de {^Encyclopédie moderne, j)rétend que ce qui
fit miioquer aux Frauçuis la prise de Saiiit-
Jeaii-d'Acre, ce fut que la colonne qui péiic-
tia dans la ville sous les ordres du général
Lannes ne fut point soutenue; les deux cô-
tés de la brèche restèreut au pouvoir de
l'ennenii ; cette colonne, accaliice par le feu
des maisons, des barricades et même des
remp.irls, fut olillgée de se retirer, surtout
lorsque les Turcs, arrivant par le fossé, vin-
rent prendre la brèclic a revers.
302
SMT
qu'il sfi contenta tle rire de cette pro-
vocation , on répondant qu'il accep-
terait volontiers le cartel si on vou-
lait lui donner Marlborough pour
adversaire. A la nouvelle du mémo-
rable succès de Sidney Smith, le
sultan lui envoya, par un Tartare.une
aigrette en diamants et une fourrure
de ujurle zibeline estimée à 25,000
piastres et lui conféra en même temps
les insignes de l'ordre du Croissant.
Ses services ne furent pas moins bien
appréciés en Angleterre. A l'ouverture
du parlement (21 sept. 1799) le roi
parla avec éloge de ses exploits et des
avantages qui en résulteraient pour
l'Angleterre, et les chambres lui vo-
tèrent des remercîinents. Ce qui a dû
le plus flatter le connnodore anglais,
c'est le propos, s'il a |iu parvenir
jusqu'à lui, atlribué à Napoléon, qui
a souvent répété en parlant de Sidney
Smith : «Cet homme m'a fait manquer
ma fortune (i 1). » A peine le siège de
Saint-Jean-d' Acre eut-il été levé que
Sidiiey Smith fit voile pour les îles
de l'Archipel, afin d'y réparer ses
vaisseaux et de rétablir la santé des
équipages. 11 se rendit ensuite à
Constantinople, et lorsqu'il se fut
concerté avec le gouvernement ot-
toman sur les mesures à prendre
pour expulser l'ennemi commun de
l'Egypte, il retourna sur les côtes
de ce dernier pays et n'arriva dans
la baie d'Aboukir, dit l'auteur an-
glais de ses Mémoires, que pour être
témoin, le 25 juillet, de la défaite
des Turcs par l'armée française, sans
pouvoir prêter assistance aux alliés
de son pays. Suivant les Mémoires
(il) M. Tliieis i;ite, dans son Histoire de
la icvolution, ce témoignage rendu a Sidney
Sniitli, qui moiitr;! Iieiiuroii]) d'iiurnanilé à
S;iint- Jeun-d'Acre, en fiiisiint accorder par
les Turcs à des soldats français, au moment
d'être égorgés par«ux, une capitulation qui
leur sauva la vie.
SMI
de Napoléon, au contraire, copiés
par M. Thiers, Sidney Smith, avec
deux vaisseaux de ligne anglais,
quelques frégates , plusieurs vais-
seaux de guerre turcs et cent vingt
bâtiments de tran;- port, vint mouiller
le 12 juillet au soir dans la rade d'A-
boukir, et non seulement il prêta as-
sistance aux Ottomans, mais il rem-
plissait dans leur armée les fonctions
de niHjor-général de Mustapha-Tacha.
Selon les mêmes témoignages, c'était
le^commodore anglais qui avait choisi
les positions occu pées par l'armée tur-
que, et il eût été pris, s'il ne fût
parvenu, avec peine , h. rejoindre sa
chaloupe. Une particularité assez re-
marquable, c'est que ce furent les
journaux remis, avec un malin plai-
sir, par Sidney Smith à un parle-
mentaire envoyé par Bonaparte à la
flotte ttirque, et qui, sous le prétexte
de négorier un échange de prison-
niers, (levait tâcher d'obtenir quel-
ques nouvelles, qui apprirent au gé-
néral français la désastreuse situa-
tion de son pays, et le déterminèrent
à s'embarquer secrètement pour l'Eu-
rope. Sidney Smith ne fut pas plus
heureux dans son attaque contre le
Bogaz de Damiette, de concert avec
la flotte turque et les troupes de dé-
barquement, qu'il l'avait été k Abou-
kir; carie général Verdier, à la tête
d'un corps de mille hommes seule-
ment, mit dans une déroute com-
plète, malgré le feu de l'artillerie
anglaise placée sur nue vieille tour
et celui de leurs chaloupes canon-
nières, les quatre mille janissaires
qui étaient parvenusà débarquer. Sur
ce nombre, trois mille se noyèrent
ou furent passés au fil de l'épée, et
les autres se rendirent prison-
niers (12). Malgré cet échec, Sidney
(12) L'auteur des Mémoires de 5. Sidney
SMI
Smith n'en continua pas moins sa
Intte contre les Français, et le 29
décembre un détachement de soldats
de marine, commandé par le colonel
Douglas et réuni par ses ordres à un
corps avancé de l'armée du grand-
vizir, contribua avec lui à la prise
(30 décembre) du fort El-Arisch que
le général Bonaparte appelait l'une
des clefs de l'Egypte (13). Quelques
jours avant cet événement, le géné-
ral Kléber, auquel avait été confié le
commandement en chef, après le dé-
part de Bonaparte, craignant de ne
pouvoir .se maintenir en Egypte ,
avait pris la résolution de traiter
avec les Anglais et les Turcs. Deux
négociateurs désignés par lui, le gé-
néral Dosaix et l'administrateur Pous-
sielgue, parvinrent à bord du Tigre,
le 22 décembre , au moment même
où Bonaparte venait de s'emparer du
pouvoir en France. Sidney Smith
leur fit l'accueil le plus flatteur, et,
après plus de quinze jours de pour-
parlers, se rendit avec eux au camp
du grand-vizir où ils arrivèrent le
13 janvier 1800. Des conférences
commencèrent immédiatement et se
terminèrent le 24 par la convention
conclue à El-Arisch entre ces pléni-
potenliaires et les délégués du grand-
vizir (14). Il fut stipulé par cette coii-
Smilh prétend au contrnire (t. I, p. 217)
que la force des Français s'élevaif à plus
du (!oul)lfi <ie la première (livisioii qui
avait opéré le (lébar(]ueinent, que les Turcs
furent d'aiiord vainqueurs , le qui paraît
difficile à croire, et que leurs ennemis se
seraient trouvés dans la po-ilion la plus
critique sans rim[)éluosité wn|iiudeute
d'Osmau-Aga.
(i3) Klélier prétend au contraire, dans
son Rapport au Directoire, qu'EI-Ai isch n'e.<t
qu'un méchant fort à l'entrée du désert.
(r4) M. Tliiers dit, dans fon Uisl. de ta
Revolulion française, que cette couveulion
ne fut signée par le général Desaix que le
28 janvier. La co])ie que nous avons sous les
yeux porte la date du 2.',. M. Thiers recoii-
SMI
303
vention que l'armée française éva-
cuerait l'Egypte et qu'elle serait
transportée en France avec armes et
bagages, tant au moyen des vaisseaux
de guerre et des transports qu'elle
avait à Alexandrie qu'avec ceux que
la Porte devrait lui fournir; que tous
les forts et places qu'elle occupait
seraient livrés au.x Turcs, et qu'il y
aurait, en attendant, entre les deux
armées un armistice de trois mois à
partir du jour de la signature de la
convention, qui devait être ratifiée
par le général Kléber et par le grand-
vizir. Sidney Smith ne signa point
cette convention, quoiqu'elle fut en
grande partie son ouvrage, et que
dans l'un des articles on s'en remît
à sa décision sur les différends qui
pourraient s'élever relativement au
transport de l'armée française (15).
Dans l'intervalle le gouvernement
anglais, qui avait eu avis des ouver-
tures faites par le général Kléber au
grand-vizir et à Sidney Smith, ayant
intercepté des correspondances an-
nonçant que l'armée française en
Egypte était fort affaiblie et dans un
grand dénuement, se hâta d'envoyer
naît que Sidney Smith prit toutes les pré-
cautions nécessaires pour garantir de tout
accident, de la part des hordes sauvagi s
co/ujiosant l'armée du grand-vizir, les pléni-
potentiaires français confiés à sa foi.
(r5) On a souvent mis en question en Aii-
gletene, tant dans le parlement qu'ailleurs,
le droit de Sidney Smith de prendre part
au traité d'EI-Arisch. Ses partisans, et entre
antres raut<'ur de ses Mémoires, préten-
dent que ce droit i ésultait de la teneur des
lettres patentes qui lui furent délivrées le
j septembre 1798 au nom de son souverain
(leorge lit. M.iis il nous semole qu'on donne
trop d'extension aux pouvoirs conférés à
Sidney Smith dans «^es lettres patentes que
nous avons pu consulter, puisqu'elle» char-
gent seule. nent cet officier et son frère,
John-Spen<'er Smith, de négocier et de con-
clure un traité d'alliance avec le sultan
Sélim, soit conjointement, soit séparément,
eu leur qualité de ministres plénipoten-
tiaires de la flrande-Tîretagne.
304
SMI
ror(lr(i formel de ne lui accorder au-
cune capilulatiou, à moins qu'elle ne
se rendit prisonnière, ta noiilication
que lord Keith, commandant en chef
des forces navales de l'Angleterre
dans la Méditeirane'e, en fit à Sidney
Smith placé sous ses ordres, ne i)ar-
vint à celui-ci ciue le 22 février,
c'est-à-dire un mois environ après
la signature de la convention d'EI-
Arisch. Il agit eu cette circonstance
avec une extrême loyauté, à laquelle
Napoléon rend hommage (16);setrou-
vant alors sur les côtes de Chypre, le
Commodore se rendit sur-le-champ à
Alexandrie d'où il envoya immédia-
tement ii Kl éher par un ex près la lettre
que lord Keith l'avait chargé de trans-
meltre à ce sujet au général fran-
çais. Déjà celui-ci avait fait évacuer
et remettre au grand vizir plusieurs
positions retranchées et se disposait
à sortir du Caire. Cette place eût
été certainement livrée aux Turcs,
et l'armée française très-compromise
et peut-être obligée de se rendre, si
Sidney Smith eût tenu la nouvelle
secrète pendant sept à huit jours
seulement. On sait quelle fut la con-
duite de Kléber dans cette circon-
stance critique; il n'hésita pas un
seul instant, lit mettre à l'ordre du
jour de l'armée la lettre de Keith,
accompagnée de cette hère et courte
réponse. » Soldats, on ne répond à
de telles insolences que par des vic-
toires ; préparez-vous à combattre."
Et le 20 mars il avait mis les Turcs
dans une déroute complète auprès
d'Héliopolis(t7). Après l'assassinat de
(i6) Mémorial de Sainte-hélme, t. VI,
p. IÇ,-20.
(17) Diins lesobservalionséciitesfiii marge
du Mcpioire adressé par Klélier au Direc-
tt)ire, le 26 septembre 1 799, Napoléon SLinLIe
attribuer l'iieroique détermination de <e gé-
néral aux dépêches apportées de Franie par
le.roloiirl Latoiir-Maubourg, et dans les-
SMI
cet illustre guerrier (14 juin 1800)
{voy. Klébeb, XXII, 46i), Sidney
Smith , qui avait appris que le
gouvernement anglais, appréciant
mieux la difficulté d'arracher l'E-
gypte à l'armée française, avait
ratifié la convention d'EI-Arisch,
renoua les négociations avec le géné-
ral Menou, qui venait de succéder à
Kléber. Mais il était trop tard ; Menou
refusa positivement d'exécuter cette
convention. Sidney Smith était oc-
cupé à croiser sur les côtes d'Egypte,
lorsqu'une flotte anglaise, chargée
de troupes commandées par le gé-
néral Abercromby, vint se placer
(6 mars 1801) dans la rade d'Aboukir
et opéra un débarquement. Le com.-
modore prit part, à la tête d'un corps
de soldats de marine, aux affaires drs
8, 13 et 21 mars, et continua sa coo-
pération jusqu'au 25 août, qu'Alexan-
drie se rendit aux Anglais (IS); événe-
ment qui fut suivi de l'évacuation
de l'Egypte par l'armée française aux
mêmes termes que ceux qui avaient
quelles on lui annonçait les événements qni
venaient de se passer à l'aris , etc., etc.
« Kléber, dit Bonaparte, comprit qu'il fallait
vaincre ou mourir; il nV-ut qu'à marcher.»
Or comme Lati.ui-Maubonrg n'arriva au
Caire que le 4 '«<" et que, le 20 mars j)récé-
dent, Kléber, sans attendre des instructions
et des ordres dont il n'avait aucunement lie-
soiu, avait attaqué et battu les Turcs, on
voit que la venue de Latour-Maubourg ne
put influer en rien sur sa conduite.
M. Tbiers, en ne donnant pas la date pré-
cise de l'arrivée du colonel Latour-^lau-
bourg, et en disant que « Kléber a])j)rit la
révolution du i8 brumaire, et la non-exé-
cution de la convention d'EI-Arisch, au
moment où il venait de se dessaisir des posi-
tions fortifiées, » veut confirmer indirecte-
ment la supposition gr.i tuile de JN'apoléon.
[Hist. du Consul, et de l'Emp., t. H, pag. .i(j.)
(18) Ce fut le 3o août, selon M. Tbiers
{Histoire du Consulat et de l'Empire, t. 111,
T). iS'i). La nouvelle en parvint à Londres
quelques heures seulemeiU après la signa-
ture des ])réliminaires de paix entre la
France et l'Ansleterre.
SMI
étt^ précédemment arrêtés dans la
convention d'EI-Arisch. Après cette
évacuation, Sidney Smith visita Jéru-
salem, et fut, dit son historien, le
premier Européen qui, par une favejir
spéciale, obtint la permission d'y en-
trer sans déposer ses armes. Le 5 sep-
tembre il s'embarqua à Alexandrie
sur la frégate le Carmen, avec le co-
lonel Abercromby, chargé de porter
ainsi que lui au gouvernement des
dépêches relatives aux derniers évé-
nements. L'accueil qui l'attendait en
Angleterre 'dut singulièrement le
flatter; toute la population se préci-
pitait sur ses pas ; le lord-maire, réuni
au chambellan et à la majeure partie
des aldermen de la ville de Londres,
le reçut en grande cérémonie et lui
offrit au nom de la corporation une
magnilique épée ; et à l'élection de
18021a ville de Rochester le choisit
pour son représentant à la chambre
des communes, où il siégea pour la
première fois le 16 novembre. On doit
faire remarquer que dans cette occa-
sion le gouvernement ne lui accorda
aucune faveur, quoique Pitt, qui
avait critiqué vivement sa conduite
lors de la convention d'EI-Arisch,
ne fût plus ministre. Au renouvelle-
ment des hostilités avec la France,
il obtint (12 mars 1803) le comman-
dement d'une escadre chargée de
croiser sur les côtes de ce pays, et
hissa son pavillon à bord de VAnte-
îope de cinquante canons. Pendant
qu'il occupait cette station, il eut
quelques engagements avec la flot-
tille française mouillée près d'Os-
tende (mars 1804) ; mais il reconnaît
lui-même dans son rapport à lord
Keith que ce fut sams succès, et qu'il
Ha put empêcher la jonction de la
flottille de Flessingue avec celle d'Os-
tende. A l'expiration de son comman-
dement, on lui accorda le poste aussi
LXXXII.
SMI
30-
honorable que lucratif de colonel des
soldats de marine, et le 9 nov. 1805
il fut nommé contre-amiral. Envoyé
dans la Méditerranée au commence-
ment de l'année suivante (1806) avec
une escadre de six vaisseaux de ligne,
quelques frégates et canonnières
pour surveiller les côtes du royaume
deNaples dont les Français venaient
de s'emparer, et pour défendre la
Sicile contre leurs attaques, i! arriva
à Palerme vers le milieu d'avril sur
le Pompée df. quatre-vingts canons. H
commença par ravitailler Gaëte, où
il laissa une flottille de canonnières
sous la protection d'une frégate, ce
qui n'empêcha pas cette place de se
rendre aux Français le 13 juillet, et
entra dans la baie de Naples au mo-
ment où l'on célébrait, des fêtes à
l'occasion du couronnement du nou-
veau roi Joseph Bonaparte. Par un
sentiment d'humanité, Sidney Smith
ne crut pas devoir bombarder cette
capitale, et se borna à s'emparer,
après un siège de quelques heures,
de l'ile de Caprée, position impor-
tante qui permettait d'intercepter les
communications de l'ennemi. Ce fut
pendant sa croisière sur les côtes de
Naples (1805-1806) que, dans des dé-
bats qui eurent lieu en Angleterre
durant son absence, il se trouva gra-
vement compromis dans une affaire
fort délicate qui intéressait l'hon-
neur de la princesse Caroline, femme
du prince régent {voy. Caroline,
LX, 205). Il était accusé, ainsi que le
capitaine Manby et quelques autres,
d'avoir eu avec elle des familiarités
coupables. Tout en cherchant à le
disculper, l'auteur de ses Mémoires
reconnaît que lors de son séjour
en Angleterre (1802), après l'aflaire
de Saint-Jean-d'Acre, la renommée
que Sidney Smith venait d'acquérir
lui ouvrit hs portes du palais de la
20
306
SMI
princesse, qui semblait prendre un vif
intérêt à sa conversation aussi spi-
rituelle qu'originale, et il ajoute qu'il
fréquentait assidûment la sociélé de
cette princesse à laquelle ses atten-
tions plaisaient singulièrement (19).
Cette princesse expliqua dans une
lettre au roi Georges III les relations
qu'elle avait eues avec sir Sidney
Smith, et réfuta, tant bien que mai,
les accusations portées contre elle à
ce sujet. Lui-même à son retour en
Angleterre, ayant eu une audience du
prince de Galles, affirma que tout ce
qu'on lui avait imputé était une im-
posture, et on ne poussa pas les cho-
ses plus loin ; mais Sidney Smith
resta éloigné de la cour tant que vécut
le roi Georges IV. Aucun événement
remarquable n'avait signalé sa croi-
sière, lorsque, au mois de janvier
1807, il fut invité à se réunir avec
les navires qu'il commandait à l'es-
cadre du contre-amiral sir Thomas
Louis pour être placés tous les deux
sous les ordres du vice-amiral sir
John Duckworth. Après s'être con-
certé avec M. Arbuthnot, ambassa-
deur d'Angleterre à Constantinopie,
qui avait vainement réclamé du sul-
tan une déclaration de guerre contre
la France et la remise de la flotte
turque complètement équipée comme
gage de sa sincérité (20), sir John
Duckworth prescrivit à sir Sidney
Smith de forcer le passage des Dar-
danelles. Le 19 février cet ordre fut
exécuté sans perte sensible, malgré
la terrible canonnade que l'escadre
(lû) En i8oa la priucesse de Galles était
âgée de 34 ans et Sidney Smitli de 35.
("ao) C'est ce que le vice-amiral Duckworth
appelle termsofequalitj- andjuilice, tellement
les Anglais s'étaient habitués à considérer
comme équital>Ies leurs prétentions et leurs
exigen( es les plus iutolérables. Ce sont les
mêmes qu'ils s'étaient efforcés de faire pré-
valoir devant Copenhague.
SMI
anglaise eut à essuyer en passant
le détroit resserré entre les châteaux
de Sestos et d'Abydos. Parvenu dans
la mer de Marmara, Sidney Smith
attaqua et n'eut pas de peine à dé-
truire le même jour une division
turque composée d'un vaisseau de
64, de quatre petites frégates et de
cinq corvettes ou bricks stationnés
près du cap de Nagara, dont les équi-
pages se trouvaient pour la plupart
à terre. Il jeta l'ancre le lendemain
20 février auprès de l'ile des Princes,
à environ 8 millesaiiglais au sud-est
deConslautinople. Pendant les pour-
parlers, adroitement traînés en lon-
gueur parles Turcs, qui eurent lieu
enire M. Arbuthnot et le ministère
ottoman, les premiers, excités par le
général Sébastiani, ambassadeur de
France, et par les officiers d'artille-
rie que le maréchal Marmont avait
envoyés de l'armée de Dalmatie, pré-
paraient rapidement des moyens de
défense. Lorsqu'ils furent terminés,
la Porte témoigna peu de désir de
continuer les négociations, et le 3
mars, après une démonstration sans
résultat contre la ville de Constan-
tinopie et après avoir passé douze
jours dans la mer de Marmara, la
flotte anglaise mit à la voile et re-
passa les Dardanelles. Cette expédi-
tion malheureuse avait coûté aux
Anglais, suivant leur propre évalua-
tion, 42 à 46 hommes tues et 235
blessés, ainsi qu'un vaisseau de ligne,
l'Ajax, qui fut brûlé, par accident,
dii-on. Sir Sidney Smith, qui s'était
rendu à Alexandrie avec son escadre,
en^fut alors rappelé, et il arriva en
Angleterre au mois de juin suivant.
Il y fut, comme d'habitude, par-
faitement accueilli par le peuple, et
l'amirauté lui confia au mois d'oc-
tobre le commandement en chef
d'une escadre avec laquelle il fit
SMI
SMI
307
voile pour les côtes du Portugal. Ce
royaume était à cette époque sérieu-
sement menacé par Napoléon dont
les exigences devenaient chaque
jour plus intolérables. Le puissant
empereur venait d'enjoindre en der-
nier lieu au prince régent (depuis
Jean VI) de fermer tous ses ports
aux Anglais, d'arrêter tous les sujets
britanniques résidant dans ses États,
et de confisquer enfin toutes les pro-
priétés anglaises. Le mécontente-
ment qu'excitèrent de telles préten-
tions s'accrut encore lorsque la cour
de Lisbonne apprit que le souverain
des Français avait osé déclarer pu-
bliquement que la maison de Bra-
gance avait cessé de régner. Il n'était
plus dès lors possible d'hésiter, et le
prince régent se décida à mettre à
exécution un projet auquel il- avait
songé depuis quelque temps, celui
de quitter définitivement le Portu-
gal pour chercher un refuge au Bré-
sil. Après s'être concerté avec lord
Strangford , ambassadeur d'Angle-
terre à Lisbonne, il fit sortir du Tage,
le 29 novembre (1807), toute la flotte
portugaise, ainsi que 25 navires mar-
chands, et s'embarquant avec le
prince de Brésil, toute la famille de
Bragance et un grand nombre de
serviteurs fidèles, il se joignit à l'es-
cadre anglaise qui croisait à l'em-
bouchure du fleuve. Sidney Smith
accueillit avec les plus grands hon-
neurs les illustres fugitifs, et déta-
cha de son escadre quatre vaisseaux
de ligne pour leur servir d'escorte
jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à
leur destination. Il continua, avec les
cinq vaisseaux de ligne qui lui res-
taient, le blocus du port de Lisbonne
et des côtes du Portugal jusqu'au
15 janvier 1808 qu'il fut remplacé
par sir Charles Cotton. Le 13 mars
suivant, ayant hissé son pavillon à
bord du Foudroyant de 80 canons,
il mit à la voile pour l'Amérique mé-
ridionale dont il devait commander
la station. Arrivé à Rio-Janeiro le 17
mars, à la suite d'un dîner d'apparat
qu'il donna le 4 juin, en commémo-
ration du jour de naissance du roi
d'Angleterre, à la famille royale de
Bragance sur le vaisseau amiral, il
eut l'insolence de faire couvrir le
pont de drapeaux français (21) pour
flatter ses hôtes. Le prince régent fit
observera cette occasion qu'il devait
à son fidèle allié et à ses braves su-
jets d'avoir pu fouler aux pieds les
couleurs de la nation française (22) ;
et pour témoigner sa reconnaissance
à Sidney Smiîh, il lui fit présent de
l'étendard de Portugal hissé à côté
du pavillon anglais , et lui permit
d'écarteler les armes de la maison de
Bragance avec les siennes comme un
témoignage de sa reconnais.cance
pour l'avoir empêché de tomber dans
les embûches que lui avaient tendues
Bonaparte. Cédant aux conseils de
Sidney Smith, le prince régent fit di-
riger contre la Guyane française un
corps de troupes, soutenu par un dé-
tachement de la flotte anglaise, et la
colonie fut forcée de se rendre. Pen-
dant son séjour au Brésil, Sidney
Smith eut quelques difficultés avec
les autorités du pays, et l'on doit
reconnaître qu'il abusa parfois de
sa position. On lui reproche aussi
d'avoir pris une part trop active aux
affaires de la politique intérieure de
l'Espagne et du Brésil en Amérique.
La cour du Brésil était divisée en
(ai) «In honour of the royal visitors, thê
deck (vas covered wiih freneh flags. » Me-
MOiRS.., t. II, p. 128.
(22) « He was indebled to hit faithful ally
and his brave subjecti , vho enabled him to
trample under hisfeetthecolourt o/thêfreneh
nation, a MsMoiRS, t. Il, p. 129.
20.
308
SMl
deux partis distincts, celui ih\prince
et celui de \a princesse-^ il était con-
sidéré comme le chef du second, dont
le principal but politique était de
placer la princesse du Brésil à la tète
d'un gouvernement indépendant sous
le nom de son frère Ferdinand Vil
qui se serait établi dans les provinces
de la Plata. Ce projet ne fut pas ap-
prouvé par le gouvernement an-
glais (23), et comme il avait fortement
déplu au prince du Brésil, la posi-
tion de Sidney Smith à la cour de Rio-
Janeiro cessa d'être aussi agréable
pour lui qu'elle l'avait été dans les
premiers temps. Antérieurement, et
le 17 décembre 1808, à l'occasion de
l'anniversaire du jour de naissance
de la reine de Portugal, le prince ré-
gent l'avait nommé chevalier grand-
croix de l'ordre de la Tour et l'Épée,
institué en 1459 par Alphonse V, sur-
nommé l'Africain, et qu'il venait de
faire revivre-, et joignant l'utile à
l'honorifique, il lui avait fait don
d'une jolie maison de plaisance et de
terres considérables sur les bords de
la rivière. Néanmoins ce même
prince, mécontent des idées politi-
ques émises et soutenues par Sid-
ney Smith, crut devoir écrire vers
la fin de 1808 une lettre confiden-
tielle à Georges III, pour demander
que cet amiral reçût une autre des-
tination ; et cet appel fut d'autant
mieux entendu que lord Slrangford,
ministre d'Angleterre à Rio-Janeiro,
et M. Canning, à cette époque secré-
(23^ Lesautorités de Cadix étaient persua-
dées que le gouvernement anglais agissait
dans cette circonstance sans lionne loi, et
qu'il jouait un double jeu en affectant de
soutenir les droits de Ferdinand VII en
Europe, tandis que ses agents intriguaient
secrètement en Amériqr.e pour transférer
les colonies de l'Espagne dans cette partie
du monde à ses anciens et naturels ennemis
les Portugais, sur l'oljéissance desquels il
comptait davantage.
SMI
taired'Etat, partageaient les opinions
du régent; Sidney Smith fut rn con-
séquence rappelé. Le 21 juin 1809
il quitta le Brésil sur la frégate la
Diane, et le 7 août suivant il arriva
en Angleterre, où le comité des mar-
chands de Londres en relations de
commerce avec l'Amérique méri-
dionale lui adressa, le 17 du même
mois, ses félicitations sur son heu-
reux retour et des remercîments
pour la protection éclairée qu'il avait
accordée, pendant son séjour au
Brésil, aux intérêts du commerce et
de la navigation de la Grande-Breta-
gne. Avant la fin de la même année
(11 octobre) , Sidney Smith épousa
la veuve de sir Georges Bernman
Rumboldt qui avait exercé à Ham-
bourg les fonctions de consul de la
Grande-Bretagne , et traita avec la
tendresse d'un père les enfants que
ce dernier avait laissés. En 1810 et le
31 juillet il fut élevé au rang de vice-
amiral , et vers cette époque l'uni-
versité d'Oxford lui conféra la dis-
tinction purement honorifique de
docteur en droit. Pendant son séjour
à Liverpool au mois de septembre
1810, le maire et les aldermeu l'ac-
cueillirentavec distinction et le corps
des marchands lui donna un grand
dîner oii l'on prononça plusieurs
discours en son honneur. Au mois
d'août précédent, le lord-prévotetles
magistrats d'Edimbourg lui votèrent
à l'unanimité les libertés de la cité,
et l'université de Cambridge l'in-
vestit du degré de maître ès-arts ,
le plus élevé qu'elle peut accorder
(honoris causa . Depuis son rappel
du Brésil en 1809, Sidney Smilh n'a-
vait pas été employé activement,
lorsqu'il fut nommé , dans l'été de
1812, commandant en second de la
station de la Méditerranée sous les
ordres de .sir Edward Peiew, appelé
SMl
SMl
309
plus tard lord Exmouth. Il se rendit
immédiatement à son poste et hissa
son pavillon à bord du vaisseau de
haut bord VHibernia, mais il n'eut
aucune occasion de se faire remar-
quer pendant celle espèce de croi-
sière. Au commencement de 1814
Sidney Smith, qui n'était pas en de
bons termes avec sir E. Pelew, fut
détaché de la flotte et envoyé à Ca-
gliari, probablement pour aider au
mouvement politique qui s'y prépa-
rait, et ne tarda pas à retourner en An •
gleterre.Ce fut à la même époque que
la corporation de Plymouth lui vota
les libertés de la cité, qu'il conçut
l'idée d'une société destinée àmettre
un terme à l'esclavage des blancs, et
qu'il se rendit à Paris avec sa famille.
Pendant son séjour dans cette capi-
tale, Sidney Smith, qui prenait le titre
de président des chevaliers libéra-
teurs des esclaves blancs e» Afrique,
chercha à donner à l'association phi-
lanthropique dont il était le créateur
une grande extension, en y faisant
admettre les principaux personnages
des différents États de l'Europe. Il
entretenait avec eux, ainsi qu'avec
les consuls de toutes les nations près
des régences barbaresques, une cor-
respondance des plus étendues, mais
les résultats ne répondirent pas à ses
efforts. L'expédition de lord Ex-
mouth contre le dey d'Alger, loin de
favoriser les progrès de son entre-
prise, sembla l'annihiler, et elle s'é-
teignit enfin sans laisser de traces
sérieuses. Créé à la fin de 1815
chevalier commandeur de l'ordre
du Bain,, il obtint, le 19 juillet
1821 , le rang d'amiral, et mourut le
26 mai 1840 à Paris, où on lui fit de
superbes funérailles. Sidney Smith a
été diverse menl jugé ; tandis que ses
amis et ses partisans relèvent jus-
îju'auilt nues et 16 leprësenli-nt comme
un héros presque parfait, ses ad-
versaires au contraire, au témoi-
gnage même de l'auteur de ses Mé-
moires, en font un charlatan heu-
reux, brave, mais sans conduite,
rusé (cunning), arrogant et présomp-
tueux dans sa jeunesse, et plongé
plus tard dans les vapeurs d'une in-
tolérable vanité; ij poussait aussi à
l'excès, suivant eux, la u)anie de se
présenter partout la poitrine entiè-
rement couverte de rubans et de cra-
chats. Si ses propres compatriotes
ont justement reproché à Sidney
Smith et des ridicules et une exces-
sive présomption, il faut reconnaître,
pour être impartial, qu'il était doué
de réelles et éminentes qualités;
marin habile, audacieux et intrépide,
quoique souvent téméraire, il a fait
preuve, en plusieurs circonstances,
d'un caractère chevaleresque et d'une
grande loyauté, et ce n'est pas une
petite gloire pour lui d'avoir mérité
que son nom fût cité avec éloge dans
les écrits laissés par Napoléon. L'au-
teur semi-anonyme de Raltling the
Reefer a publié les Mémoires de Sid-
ney Smith sous le titre deMemoirs of
admirai sir Sidney Smith, Londres,
1839, 2 vol. in-8«. — L'amiral avait
deux frères: l'un, colonel dans l'ar-
mée anglaise, était, en 1818, gou-
verneur de l'île d'Edouard, autrefois
île Saint-Jean, située k l'embouchure
du fleuve Saint-Laurent et auprès du
cap Breton ; l'autre, John-Spencer
Smith, s'était fixé en France {voy.
l'art, suiv.) D — z— s.
SMITH (John-Spencer), frère du
précédent et troisième fils de John
Smith, naquit à Londres le 11 sept.
1769. Il avait passé quelque temps à
l'université d'Oxford lorsque, encore
entant, il entra dans les pages de la
reine Charlotte. Sa première jeunesse
fut partagée entre les rivages de DoU
310
SMI
vres, où il était presque devenu ma-
rin, l'université, où commencèrent
ses éludes, et la cour, où il fit son
entrée dans le monde et où il sut se
concilier la. faveur de la reine, qui le
fit nommer, très-jeune, lieutenant en
second dans le 3® régiment des gardes
à pied. Son zèle et son intelligence
lui valurent bientôt le grade d'adju-
dant de son bataillon; mais il n'eut
pas assez de raison pour mettre des
bornes à ses prodigalités. Trois ou
quatre années s'étaient à peine é-
coulées qu'il se vit forcé, par des
embarras pécuniaires, de passer dans
un régiment de ligne, et il ne tarda
pas à quitter l'état militaire, avec le
projet, qu'il n'accomplit jamais, d'y
rentrer par la suite. Bientôt, à l'exem-
ple de beaucoup de ses jeunes com-
patriotes, il vint, avec son frère
Sidney, passer quelque temps au col-
lège militaire de Caen, auquel était
annexée alors une célèbre école d'é-
quitation. Les deux frères voyagèrent
ensuite dans l'Est, s'embarquèrent
sur la mer Noire et se rendirent en
Turquie; mais la guerre ayant éclaté
entre la France et l'Angletterre, Sid-
ney s'empressa de rentrer dans sa
patrie, tandis que Spencer, resté à
Constantinople, s'occupait de faire
une espèce de Revue militaire de l'em-
pireOttoman, lorsque, dans ledessein
de profiter des connaissances qu'il
avait acquises sur ce pays, sir Robert
Liston, ambassadeur d'Angleterre,
lechoisit pour son attaché. C'estainsi
qu'il entra dans la carrière diploma-
tique. Bientôt, et précisément à l'é-
poque de l'invasion de l'Egypte par
l'armée française sous les ordres de
Bonaparte, sir Robert Liston sollicita
sa retraite pour cause de santé, et
laissa Spencer Smith à la tête de l'am-
bassade anglaise à Constantinople.
Cependant Sidney avait été nommé
SMI
capitaine du Tigre^ vaisseau de guerre
de 80 canons, et le gouvernement,
sur la réputation qu'ils s'étaient ac-
quise en Orient, voulant utiliser les
talents des deux frères, les nomma
ensemble ministres plénipotentiaires
près la Porte-Ottomane. Ils furent
autorisés à agir, conjointement ou
séparément, aux termes des pleins
pouvoirs qui leur furent délivrés,
sous la date du 30 sept. 1798, faveur
inouïe, eu égard à leur position pré-
sente. Peu de temps après son arrivée
à Constantinople, Spencer Smith
épousa lafillederinternonce impérial
près la Porte-Ottomane, le baron de
Herbert-Rathkeale, un des hommes
les plus distingués de l'Autriche. C'est
pendant son séjour en Turquie que
Spencer se lia avec le baron de Ham-
mer. Ce prince des orientalistes de
l'Europe depuis la mort de Silvestre
de Sacy remplissait alors, auprès de
l'internonce impérial, les fonctions
d'interprète, et fit ensuite la campagne
d'Egypte avec Sidney, comme secré-
taire et interprète. Le 5 janvier 1799,
les deux frères signèrent , en leur
qualité de plénipotentiaires, le pre-
mier et même le seul traité d'alliance
de l'Angleterre avec la Porte. Nous
avons sous les yeux un cahier de
V Ambigu, espèce de Revue publiée à
Londres, par Peltier (N" 89 du 20 sep-
tembre 1805) j nousy trouvons quel-
ques documents d'où il semble résul-
ter que le docteur Pouqueville, dans
son Voyage en Morée, à Constanti-
nople, etc. , pendant les années 1798
à 1801, a calomnié la conduite des
frères Smith envers les malheureux
Français fiiits prisonniers par les
Anglais à la bataille d'Aboukir, et que
les hasards de la guerre avaient en-
tassés dans l'horrible bagne de Con-
stantinople, tandis qu'ils se sont au
contraireefforcésjconjointementavec
SMI
SMI
311
le baron de Herbert, non-seulement
d'adoucir leur position, mais encore
de les faire rendre à ia liberté ; qu'ils
les accueillirent honorablement au
palais d'Angleterre et s'occupèrent
de les faire transporter à Toulon, sur
un navire impérial parlementaire, le
San-Nicolo^ sous la conduite d'un
officier anglais du bord de sir Sidney.
Ces prisonniers en ont témoigné leur
reconnaissance aux deux frères avant
leur départ et depuis leur retour
en France, par diverses lettres.
C'est ici le lieu de dire que Fauvel,
qui, pendant très-longtemps, fut em-
ployé à Athènes à recueillir des ma-
tériaux de toute espèce pour l'ouvrage
de Choiseul-Goudier sur le Levant,
jeté en prison, craignant d'être dé-
pouillé de son immense colleclion de
dessins et d'objets précieux, fruit de
dix-huit années de voyages, de tra-
vaux, eut recours, dans ce pressant
danger, à la protection de Spencer, qui
s'empressa de faire rendre à la liberté
cet artiste distingué, bien connu des
antiquaires, qui sauva tous ses pa-
piers ainsi que tous les matériaux
qu'il avait si laborieusement re-
cueillis,et dont le docteur Pouque-
ville a été heureux de profiter ensuite,
pour la description des Vestiges d'O-
lympie et la topographie des Ther-
mopyles, que lui a donnés Fauvel,
et qui font la meilleure partie de son
ouvrage. D'autres Français, gémis-
sant dans les fers à Constantinople,
notamment l'artiste Binet, éprouvè-
rent les effets de la protection anglaise.
Après le déjjart de son frère Sidney
Smith (1799), Spencer resta seul am-
bassadeur en titre dans le Levant, jus-
qu'à ce qu'il fût remplacé par lord El-
gin, et envoyé, en la même qualité, au
mois de février 180i, à Stuttgard,
qu'ilquittaprécipitamment,le3 avril,
après avoir brûlé tous ses papiers,
par suite de l'arrivée de l'armée
française. Le gouvernement consu-
laire l'accusa d'avoir reçu alors une
mission relative à la conspiration de
Georges {voy. les Mémoires tirés des
papiers d'un homme d'État, t. VI,
p. 29S-3I0, et t. VIII, p. 344). Spen-
cer Smith ne fut pas plutôt de retour
dans sa patrie que la ville de Douvres
l'élut membre du parlenient, et ce fut
sa dernière fonction publique. Dési-
rant jouir enfin d'une doucetranquilli-
té,il se rappela le beau pays de France,
et vint, en 1817, après laseconde Res-
tauration, se fixer à Caen, où il con-
sacra le reste de sa carrière à ses goûts
pour les études littéraires, auxquelles
il se livra avec un zèle constant, et
publiadivers ouvrages qui, sans être
dépourvus d'un mérite réel, sont ce-
pendant loin dedonner une juste idée
de la valeur de son esprit. Il avait
beaucoup vu, beaucoup observé et
beaucoup retenu. Sa conversation
était fort intéressante, et parfois
captivait vivement. Spencer, quoique
dans une situation moins émi-
nemment remarquable que son frère,
ne sefitpas raoinsaimeretdistinguer
parlesqualitésducœuretde l'esprit,
par sa fidélité à remplir ses devoirs
et à veiller aux intérêts particuliers
de son pays sans négliger les intérêts
généraux de l'humanité; par son
habileté à discerner les hommes de
mérite; enfin, par sa constance à
semer des bienfaits, avec la presque
certitude de n'obliger que des ingrats,
et, danssesderniers temps, il encou-
rageait les amateurs des lettres avec
une rare libéralité, en souscrivant à
la plupart des publications nor-
mandes. C'est le 5 juin 1845 qu'il
termina une longue carrière, hono-
rablement remplie. Il était docteur
en droit civil, et membre de l'uni -
versiléd'Oxford,de la Société Royale,
312
SMl
SMI
de la Société des Antiquaires et de
la Société pour l'Encouragement des
arts, manufactures et commerce de
Londres ; de la Société des Anti-
quaires de France ; de la Société
géologique et de la Société asiatique
de Paris ; de iaSociétédes Antiquaires
et delaSociéléLinnéennedeNorman-
die; des Académies royales de Caen
tt de Rouen, elc. Outre plusieurs
Diémoircs insérés dans les recueils
de ces compagnies, on a de J. -Spen-
cer Smith : I. Le jeu du whist^ traité
élémentaire des lois, règles, maximes
et calculs de ce jeu, appuyé d'exem-
ples tirés des meilleures autori-
tés, etc., trad. de l'anglais et rédigé
de nouveau à l'usage des sociétés
françaises, Caen, 1819-1825, in-12.
II. Description d'unmonument arabe
du moyen-âge, existant en Norman-
die, Caen, 1820, in-S». lil. Précis
d'un mémoire sur une cassette orien-
tale à Bayeux, qui sert à conserver
les vêtements sacerdotaux de saint
Regnobert,évéque de ce diocèse dans
le Vi*' siècle lu à l'académie de Caen,
1 820, i n-8°, avec gravures. IW. Notice
nécrologique sur Bruguière deSor-
sum, lue à l'académie de Caen, 1823,
in-S". Spencer Smith fit réimprimer
cet le iVo/ice dans l'édition qu'il donna
du Voyageur, discours en vers fran-
çais par feu Bruguière de Sorsum,
avec une traduction en vers anglais
en regard , par Edward - Herbert
Smith fils, Caen, 1827, in-S». {Voy.
Bbuguière, LIX, 351.) V. Examen
d'une note ajoutée par le traducteur
français (A. - L. Léchaudé) aux Anti-
quités anglo-normandes, Caen, 1824,
in-8°. VI et VII. Mémoire sur la
culture de la musique dans la ville
de Caen et dans l'ancienne Basse-
Normandie, lu à l'académie de Caen
etè la séance fondulrice de la Société
€^cUienne de Normandie, !e 10 et k
22 nov. 1826, Caen et Paris, 1827,
in -8°. — - Cantate pour le jour de
sainte Cécile, patronne de la musi-
que, traduction libre en vers fran-
çais de l'ode anglaise de Dryden, in-
titulée : le Banquet d'Alexandre,
par madame Spencer Smith, lue dans
les mêmes séances académiques ; se-
conde édition, avec le texte anglais
en regard, et augmentée de notes
critiques sur la vie et les actes de
sainte Cécile, tirées des plus célèbres
hagiographes, par l'éditeur, Caen,
1827, in-8«. L'éditeur était le mari
de la traductrice, et c'est aussi par
les soins de Spencer Smith que la
V^ édition de cette Cantate avait
paru en 1826. VIII. Coup d'œil sur
l'histoire d'Angleterre, depuis 1485
jusqu'en 1509, discours apologétique
sur le règne de Henri VII, roi d'Angle-
terre, trad. de l'anglais de John Twed-
del {voy. ce nom. XLVII, 118), lu à
l'académie de Caen, le 28 avril 1826,
Paris, 1831, in-S». IX. Discours pro-
noncé à l'académie de Caen, le 25
mai 1832, par John-Spencer Smith,
en présentant de la part de l'auteur
(M. de Hammer) une nouvelle édi-
tion grecque des écrits de Marc-Au-
rèle-Antonin, avec une version per-
sanne en regard, Paris, 1832, in-8°.
X. Souvenirs de l'assemblée géné-
rale tenue par la Société linnéenne de
normandie, à Bayeux, le 4 juin 1835.
XI. Collectanea gersoniana, ou Re-
cueil d'études, de recherches et de cor-
respondances littéraires ayant Irait
au problème bibliographiquede l'ori-
gine de V Imitation de Jésus-Christ,
Caen, 1842. Dès 1840 Smith avait
publié un opuscule attribuéliGerson:
Qvedam rcgvle de modo tiivlandi
sev apificandi pro novellis icripto^
ribvs copvlate. C'est le fac-similé
d'un Iragineuî manuscrit du XV^ sic*
tic, iaisùîii partie Us u bibUythi(iUt*i
SMI
et qu'il croyait avoir appartenu à
Gerson. Il le regardait non-seulement
comme une rareté bibliographique,
mais conmie un manuel et un spéci-
men de pale'ographie. L'année sui-
vante, il réunit cet opuscule à un au-
tre éérit de Gerson, et les fit paraître
sous ce titre : Johannis Carlerii
dicti de Gersono de lavde scriptorvm
tractâtes accedvnt eivsdem qvedam
regvle, etc., Rouen, 1841.11 a publié,
en y ajoutent des notes : Mithriaca^
ou les Mithriaques, mémoire aca-
démique sur le culte solaire de Mi-
Ihra , par Joseph de Hammer, Paris,
1833, avec gravures au trait. Tous
ces écrits ont été tirés à un petit
nombre d'exemplaires. Avant de ve-
nir se fixer en France, Spencer Smith
avait donné à Londres, en 1815, une
nouvelle édition de Robinson Crusoé
en anglais, revu et corrigé, dans le but
de servir à l'instruction des marins,
et enrichi de notes techniques et
géographiques, avec cartes, mappe-
monde et index. Cette publication est
peut-être celle qui a eu le plus de
succès et lui a fait le plus d'hon-
neur. B — IN.
SMITH (Constance Spencer),
épouse du précédent, née àConstan-
tinople, était fille du baron de Her-
bert - Ralhkeale, internonce autri-
chien près la Porte-Ottomane, et tut
mariée à Spencer Smith, ^qui -rési-
dait alors dans la même ville. Cette
dame témoigna un généreux inté-
rêt aux prisonniers français déte-
nus dans lebagnede Constantinople
{voy. l'art, précédent), et contribua
beaucoup à leur faire rendre la li-
berté. Aussi le colonel du. génie Pas-
cal Vallongue, en son nom et on
celui de 46 autres Français, sortis
de captivité le 15 janvier 1799, lui
adressa une pièce de vers,doîit nouj!
ciîeron? le pasrago juivant i
SiMI
313
Partout il sera répété.
Par la voix de la gloire et de rbumanité,
Cet hommage inspiré par la reconnaissauce :
Des Français dans les/ers gémissaient à liy-
Spencer les entendit, accueillit leur malheurj
Leur sort toucha la belle et sensible Constance,
Sidney vint, et Sidney fut leur libérateur.
Lorsque Sidney Smilh quitta Con-
stantinople, en 1799, à bord du vais-
seau de guerre ^e Tigre, Sà belle-sœur
Constance lui remit, sur le pont même,
un étendard qu'elle avait travaillé
de ses propres mains, et qui devait,
quelques semaines plus tard, flotter
sur les murs de Saint-Jean d'Acre.
C'est à ce fait que se rapporte une
strophe du poème intitulé : la Déli-
vrance d'Acre, par M. de Hammer, et
qui parut la même année 1799, sans
nom d'auteur ni indication du lieu
d'impression. Madame Smii h se t rou-
vait à Venise en 1806, lorsque les
Français se rendirent maîtresde cette
ville ; elle fut arrêtée comme femme
d'un ministre anglais, d'après un
ordre envoyé directement de Paris
à Milan pour la faire conduire en
France ; mais à Brescia elle trompa
la vigilance de ses gardes, et parvint,
avec beaucoup de peine et à l'aide
de déguisements, à se soustraire aux
poursuites et à regagner l'Angleterre
l'année suivante. En traversant l'O-
céan pour se rendre de nouveau d'An-
gleterre près de ses parents, en Al-
lemagne, elle fit naufrage sur les
côtes de l'Espagne. Comme ce pays
était alors en guerre avec les Anglais
et qu'elle se trouvait à bord d'un na-
vire de cette nation, on la conduisit
prisonnière à Cadix; mais le consul
d'Autriche lui fit obtenir la permis-
sion de se rendre à Gibraltar, d'où
elle alla rejoindre son beau-frère,
qt:i avait alors un commandement
«iatis la Méditerranée, Pendant c«3
314
SMI
voyage, elle séjourna quelque lemps
en Sicile et à Malle (1809), où elle vit
lord Byrnn, qui lui adressa une des
plus jolies pièces de vers qu'il ait
composées pdur des dames, et lui
consacra quatre strophes de Childe
Harold (chap. II, 30 33); dans une
lettre à sa mère, le noble poète en
parle aussi avec les plus grands élo-
ges. Madame Spencer Smith était
d'autant plus di^ne de l'hommage
du barde anglais qu'elle était elle-
même douée d'un talent poétique
très-distingué. Elle a composé sur-
tout des vers français dont le charme
et l'élégance remplissent de surprise,
lorsqu'on songe qu'ils sont l'œuvre
d'une femme qui avait à peine passé
quelques semaines en France. Née
sur les rives du Bosphore, madame
Smith avait toujours conservé pour
la mer un amour plein d'enthou-
siasme. Sentant approcher le terme
de ses jours, elle voulut revoir encore
une fois l'élément qui lui était si
chéri et, inspirée de sa présence,
elle retraça, dans uu poème en trois
chants, intitulé : Derniers adieux à
la mer, toutes les émotions qui rem-
plissaient son âme. Celte production,
empreinte d'une vraie sensibilité, as-
sure à son auteur l'un des premiers
rangs parmi les dames étrangères
qui ont cultivé la poésie française.
Le passage suivant suffira pour jus-
tifier cet éloge :
• Il faut donc, sans espoir, que je le quitte encore,
0 iner que j'iilolàlre, û miroir de l'aurore I
Et ces tristes regjrcis que l'adresscnl mes yeux
Sont li-ur dernirrliomniagc el mes derniers adieui !
Le premier de mes jours naquit sur ton rivage t
Tu »is mes piiemiers pas s'cs>ajur sur ta plag» ;
Et ces jeux innocents, el ces petits courroux,
£t ce rire enfuulin dunl le charme est si doux I
Ainsi mes jeunes ans près de toi s'écoulèrent;
Ainsi mes premiers pleurs à tes flots se mêlèrent.
Si le sort sur ta rire a placé mon berceau,
Pourquoi rcfuse-l-il d'y creuser mon tombeau ?
Elle traduisit librement de l'anglais
SMI
en vers français l'ode de Dryden,
pour le jour de Sainte-Cécile, in-
titulée : Le Banquet d'Alexandre, ou
le Pouvoir de la musique, cantate
qui fut lue par son mari dans des
st^ances académiciues et imprimée à
Caen. Madame Constance Spencer
Smith mourut à Vienne le 21 oct.
1829, laissant deux fils : M. William
Smith, capitaine de vaisseau, et le
révérend Edward - Herbert Smith,
membre de l'université de Cambridge
et de la Société des antiquaires de
Normandie, dont nous avons parlé à
l'article de son père. M. G. -S. Tré-
butien a rédigé sur cette dame une
Notice nécrologique (Caen, 1829),
d'où nous avons extrait les détails
qu'on vient de lire. Z.
SMITH (SiDNEY), écrivain anglais
peu connu en France et remarquable
à plus d'un titre. H ne fut guère au
dessous de Paul-Louis Courier, et
sous quelques rapports ses contem-
porains l'ont rapproché de l'immor-
tel auteur des Provinciales. Nous
avons donc le droit d'en parler avec
détail. Il naquit en 1768 à Wood-
ford dans le comté d'Essex. Après
avoir commencé ses études à l'école
de "Winchester, il alla les terminer
à l'université d'Oxford, et il embrassa
la carrière ecclésiastique. Privé de
fortune, dépourvu de l'appui de
quelque protecteur influent, il se
trouva heureux d'accepter le pre-
mier bénéfice qui lui fut offert ; il
obtint la cure de Neiherhaven ; elle
donnait un modique revenu de 50 liv.
sterl. par an. Douze cents francs de
rente en Angleterre, c'est une con-
damnation à mourirde faim. Le jeune
ecclésiastique eut l'avantage de se
lier avec un opulent personnage
dont les propriétés se trouvaient
voisines de l'église de Neiherhaven.
M. Hicks-Beach, membre du parle-
SMI
menl, charmé de l'intelligence et de
l'instruction de Sidney Smith , le
donna pour précepteur à son fils.
L'élève dut partir pour aller, sous la
direction de son maître, achever ses
études dans une université d'Alle-
magne. Mais c'était en 1797 ; une
guerre acharnée rendait peu agréa-
ble et peu sûr le séjour du continent ;
les deux voyageurs, au lieu de s'ins-
taller à Gœttingueouà léna, se fixè-
rent à Edimbourg. Sidney passa cinq
années dans cette ville savante et un
peu pédante qui se décerne à elle-
même le titre pompeux de l'Athènes
du nord. Il se lia promptement avec
des hommes qui se livraient avec
ardeur à l'étude et dont les noms,
jusqu'alors inconnus, étaient destinés
à une haute célébrité. Il fut l'ami de
Brougham, de JefFreys, de^Mackin-
tosh. Ce fut dans une de ces réunions
que Smith émit l'idée de fonder une
revue; cette proposition fut accueil-
lie avec empressement et il en ré-
sulta la publication de la fameuse
Edinburg Review, qui poursuit en-
core sa robuste carrière et qui, dé-
fendant avec constance les doctrines
du parti whig, a exercé sur l'esprit
public des trois-royaumes une in-
fluence immense , un peu diminuée
aujourd'hui. Sidney Smith inséra
dans les premiers cahiers du nouveau
journal quelques ariicles qui furent
très- goûtés. On y trouva de l'esprit,
de l'originalité, de Vhumour. Bien-
tôt il quitta Edimbourg pour aller
essayer ses forces sur un plus vaste
théâtre; en 1803 il arriva à Londres
et il se lit promptement connaître
comme prédicateur. Ses sermons,
chaleureux, éluquents, offraient,
sans blesser en rien les convenances,
un cachet spécial qui les mettait à
part des autres discours prononcés
en chaire. Ils devinrent à la mode,
SMI
315
ils firent fureur ; tout le beau monde
se porta en foule dans les deux cha-
pelles où Smith prêchait alternati-
vement ; la Royal Institution se l'at-
tacha pour un cours public de litté-
rature. Au milieu de ces succès, les
whigs, en 1806, arrivèrent pour un
court instant au pouvoir; ils récom-
pensèrent l'écrivain aimé du public,
et qui continuait de défendre dans
la Revue d'Edimbourg leurs dogmes
politiques, en lui faisant oblenir un
bénéfice de 500 liv. sterl. de revenu
dans le Yoikshire. Sidney venait de
se marier; il se félicita d'avoir une
position assurée et de n'être plus
soumis aux chances incertaines de la
carrière littéraire. 11 se retira en
province et y remplit d'une manière
exemplaire les droits que lui impo-
sait sa charge d'âmes. Il faisait d'ail-
leurs d'assez fréquents voyages à
Londres, il observait attentivement
la marche des alfaires publiques et il
ne se contentait pas du rôle de spec-
tateur bénévole. En 1808 il fut gran-
dement question de l'émancipation
des catholiques irlandais; l'intolé-
rance des anglicans nourris dans
la haine de Rome repoussait avec
fureur cette mesure; Sidney donna
le noble exemple d'un brahmine pre-
nant en main la cause des parias; il
écrivit ses célèbres Lettres de Pierre
Plimley à son frère Abraham. Elles
obtinrent coup sur coup les hon-
neurs de plusieurs éditions; il en
fut vendu plusde 30,000 exemplaires.
Sous le rapport de la vivacité du
style et du bonheur de la forme, les
Anglais mettent cet écrit à côté de
la terrible correspondance que Pas-
cal dirigea contre les jésuites. Le
défenseur d'Arnauld et l'avocat des
Irlandais réussirent également à li-
vrer leurs adversaires à la risée du
public. Sidney Smith se garda bien
316
SMI
d'avouer sou identité avec Pierre
Pliinley, il eût attiré sur lui l'impla-
cable courroux de ses confrères et
des torys qu'il vouait au ridicule.
Il fut cependant véhémentement
soupçonné, et les divers ministres
qui se succédèrent au pouvoir, Per-
ceval, Castlereagh , Liverpool, se
souvinrent si bien de lui qu'il resta
oublié durant trente-cinq ans au fond
du Yorkshire. Il fallut qu'une révo-
lution véritable eût lieu dans la
constitution politique de l'Angleterre
pour qu'il obtînt enfin de l'avance-
ment. En 1831 il fut appelé à un ca-
nonicat de la cathédrale de Saint-
Paul, opulente sinécure qui lui per-
mit de fixer dereclief son domicile
dans la capitale. Il était devenu
vieux et riche; il se montra à certains
égards partisan d'abus qu'il aurait
jadis attaqués. Un projet fut soumis
au parlea)ent, afin de modifier la ré-
partition des immenses revenus de
l'église anglicane: on voulait dimi-
nuer les magnifi({ues traitements
des hauts dignitaires et augmenter
d'autant les modestes salaires du bas
clergé. Sidney Smith se montra fort
opposé à cette innovation ', il la com-
battit avec vivacité dans diverses
lettres qu'il adressa à un correspon-
dant imaginaire, l'archidiacre Sin-
gleton. Peu de temps après, parvenu
à sa soixante - dix -septième an-
née, il expira le 22 février 1845. Ses
œuvres avaient été réunies en 1812
encinq volumesin-8°. Les pamphlets,
les articles de la Revue d'Edimbourg
dont elles se composent en grande
partie, ne sauraient offrir de l'intérêt
pour un Français; mais la verve du
style, l'originalité de la pensée les
font toujours lire avec délices de
l'autre tôté de la Manche. Nul tra-
ducteur ne saurait donner une idée
éjjdcîe de cciie diction énuuiiéc de
SMI
mots forgés à plaisir, d'épithètes
étranges; à chaque instant revien-
nentdes rapprochements inattendus,
des allusions à des hommes et à des
choses qu'un long commentaire pour-
rait seul nous faire comprendre.
Cherchons toutefois à donner une
faible idée de cette intarissable hu-
mour. Sidney Smith veut-il dépein-
dre les bizarreries zoologiques de la
Nouvelle-Hollande, il s'exprimera
ainsi: «Pour le reste de l'univers, la
« nature a fait des chevaux , des
« bœufs, des canards, des oies, des
" chênes, des ormes, toutes sortes
« enfin de productions utiles et bien
« réglées; mais là elle s'est donné
« le plaisir de s'amuser à sa fantaisie
« et de pétrir du neuf, sans tirer à
" conséquence. Elle y fait venir des
cerise^ont le noyau est en dehors;
elle crée un monstrueux animal
d'aussi haute taille qu'un grenadier,
avccune tète de lapin et une queue
hétéroclite; un animal qui bondit
sur le sol, franchit en quatre ou
cinq sauts la distance d'un mille
et porte dans une poche qu'il a
sous le ventre quatre ou cinq jeunes
kangarous, allongeant la tête afin
de voir ce qui se passe. Vient en-
suite un quaihupède, circonspect
et rusé connue un gros chat; il a
les yeux, la couleur et la peau
d'une taupe ; il a le bec et les pattes
palmées dun canard ; il jette les
naturalistes dans d'inextricables
embarras; il les désespère, car ils
ne savent s'ils ont devant eux un
oiseau ou un mammifère. Joignez
à tout cela des perroquets à pattes
de mouette, des amphibies dont
le talon est armé d'un ergot véné-
neux, et une foule d'autres créatu-
res qui causent des insomnies à sir
Joseph Banks, qui lui font ressen-
tir k la fois lescniulioîisiîu plaisir
SMI
SMI
31T
« et celles d'un embarras peu éloigné
« du (le'sespoir. " S'agit-il de gour-
mander les prodigalités de Pilt et de
ses successeurs toujours prêts à
donner des deux mains et sans comp-
ter des millions sterling à des
coalitions nouvelles: « Il n'est pas
« un rocher de l'Océan où puisse
« percher un albatros qui ne soit
« couvert de nos troupes, qui n'ait
" un gouverneur, un sous-gouver-
« neur, un garde-magasin, un sous-
« garde- magasin et qui ne doive
« avoir prochainement un archidia-
« cre et un évêque. Nous possédons
« des collèges militaires où Irente-
« quatre professeurs, à raison d'un
« demi-élève chaque, élèvent dix-
« sept enseignes. Nous ne pouvons
• soutenir une guerre qui ne nous
• coûte cent livres sterling par mi-
« nute. Quinze mille livres sterling
« de cordes pour les fouets qui main-
« tiennent la discipline, sept mille
• livres sterling de cire à cacheter,
« dix-neuf mille livres pour les ga-
« Ions des uniformes des tambours
« et des fifres 5 une pension pour un
« homme qui s'est cassé la tcle au-
« près du pôle, une autre pension
« pour un autre personnage qui s'est
« brisé la jambe sous la ligne 5 des
« subsides à la Prusse, des fonds se-
• crets accordés un Thibet , une
« rente à la veuve et aux huit filles
« de sir George Quelqu'un tué à l'at-
« taque d'une ville dont jamais nos
«soldats n'auraient dû approcher;
« mais sir George était frère d'un
« lord , lequel dispose de quatre
• bourgs -pourris. • Ailleurs, il in-
siste sur l'absurdité qu'il y a pour
l'Angleterre à se priver de la sympa-
thie et de l'appui de plusieurs mil-
lions d'Irlandais, et tout cela parce
qu'on n'est pas d'accord sur le véri-
table sens d'un passage d'une des
épîlres de saint Paul à Timothée.
Dans un des premiers numéros de la
Revue d'Édimbourg\\ven(h\icom\){G
d'un volume de Discours; après
avoir donné quelques extraits du vo-
lume qu'il voulait faire connaître, il
s'interrompait pour dire que la no-
tice commencée restait inachevée par
suite d'un grave accident survenu au
critique. On l'avait trouvé la tête
penchée sur ce malheureux volume
et plongé dans une léthargie qui
avait long-temps résisté k tous les
remèdes; il avait fallu l'entourer de
flanelle chauffée, le frictionner avec
force et surtout emporter très-loin
ces terribles discours, pour le faire
revenir d'un sommeil dont il était à
craindre qu'il ne se réveillât jamais.
Ou remarqua beaucoup un autre ar-
ticle dans lequel, en rendant compte
d'un lourd et pédantesque écrit du
docteur Parr, le malin reviewer s'é-
gayait sur l'immense et somptueuse
perruque de ce haut fonctionnaire
ecclésiastique, sur la boundless coti-
vexily of frizz de cette chevelure
artificielle -, les uniformes des élèves
du collège militaire ne purent tenir
contre la raillerie qu'il dirigea vers
ce nonsense sartorial and plumiçc-
roiis. Sidney Smith était fort loin
d'appartenir à la classe assez nom-
breuse de gens de lettres qui n'ont
d'esprit que la plume à la main. Sa
conversation était semée de bous
mots réellemeni improvisés, de sail-
lies qui faisuierit le charme des cer-
cles brillants où il était accueilli avec
le plus vif empressement. Mais ces
mots spirituels se rapportent à des
individus et à des circonstances que
le public français ne connaît guère;
ils résultt^nt souvent des rapproche-
ments des syllabes, de la similitude
des sons ; il faut les laisser dans les
Mémoires iUi temps, dans les recueils
318
SMI
SMI
d'anecdotes. Sidney Smith était un
homme d'infiniment d'esprit, vn
pamphlétaire red'm'able qui avait
rendu de ve'ritables services. II prit
avec chaleur la défense des catho-
liques irlandais, et l'émancipation
triompha d'une résistance acharnée.
11 exposa tous les abus de ces game-
laws destinées à préserver le gibier
de toute atteinte, à le conserver pour
servir aux distractions d'une aristo-
cratie ennuyée ; les dispositions les
plus vexatoires des game-laws fu-
rent abolies. II signala les inconvé-
nients des colonies pénales, et, à cet
égard , l'opinion est devenue una-
nime; il insista sur les souffrances
des jeunes ramoneurs, et des mesures
furent prises pour venir au secours
de ces petits malheureux. B — n— t.
S3IITII (John -Thomas), né à
Londres vers 1770, se livra de bonne
heure à l'étude de l'archéologie et
de l'histoire de l'art, devint conser-
vateur des estampes du Musée bri-
tannique, et mourut le 8 mars 1833.
On a de lui : I. Illustrations des
antiquités de Londres et de ses en-
virons, ouvrage qu'il entreprit fort
jeune et qu'il publia par livraisons,
de 1791 à 1800. II. Antiquités de la
cité de Westminster, l'ancien palais,
la chapelle Saint-Étienne, avec un
Supplément par J.-Th. Smith et
J. -Sidney Hawkins, Londres, 1807
et 1809, 2 vol. gr. in-4°. III. An-
cienne topographie de Londres ,
1810, contenant un grand nombre
de spécimens d'architecture domes-
tique. IV. Vagabondage, ou Es-
quisses des mendiants les plus fa-
meux et les plus remarquables de
Londres et de ses environs. V. Nolle-
Tiens et son siècle {voy. Nollfkens,
LXXV, 462;. On reproche à l'auteur
de s'être quelquefois laissé entraîner
à une censure trop amère. Z.
SMITH (Chrétien), botaniste et
voyageur, né le 17 oct. 1785 dans
les environs de Drammen en Nor-
vège, commença ses études à l'école
de Kongsberg, et alla les terminer à
l'université de Copenhague, où le
professeur Vahl (voy. ce nom, XLVII,
2.51) lui inspira le goût de la bota-
nique. Il étudia aussi la médecine,
reçut le doctorat et, quoique bien
jeune encore, fut nommé médecin
du grand hôpital Frédéric. Après
des excursions nombreuses dans les
montagnes de la Norvège en 1806,
1807 et 1812, dont il publia la rela-
tion en langue danoise, la Société
patriotique le chargea d'un nouveau
voyage scientifique, en 1813, dans
l'intérieur des montagnes., d'oii il
rapporta une foule de plantes in-
connues jusiiu'alors. A son retour,
il fut nommé professeur de botanique
à l'université de Christiania. Mais le
désir de pei fectionnuer ses connais-
sances et d'enrichir le jardin bota-
nique confié à ses soins le détermina
à passer en Angleterre; il explora
successivement les montagnes d'E-
cosse, du pays de Galles et d'Irlande.
En 1815, il accompagna M. Leopold
de Buch dans son voyage à l'île de
Madère et aux Canaries, dont ils vi-
sitèrent les montagnes et les vol-
cans. Us revinrent en Angleterre à
la fin de l'année Smilh voulait aller
à Paris, puis retourner dans sa pa-
trie ; mais Jos. Bancks lui ayant
proposé de faire partie de l'expédi-
tion pour le Congo, en qualité de
botaniste, il accepta, malgré les re-
présentations de sa famille et de ses
amis, cette mission si en rapport
avec ses goûts et ses études favo-
rites. Il s'embarqua, le 24 fév. 1816,
sur la Dorothée, vaisseau commandé
par le capitaine Tuckey. Après une
halte au Cap- Vert, on arriva enfin à
SMI
SMI
319
l'embouchure du Congo, que l'on re-
monta; mais bientôt il fut impos-
sible, même avec des bateaux, de
franchir les détroits et les courants
que le fleuve traverse. Alors le capi-
taine descendit à terre, et, emme-
nant avec lui les officiers et les na-
turalistes de l'expédition, il entreprit
un voyage daus rinlérieur du pays;
mais, après quinze jours de marche,
la fatigue, le manque de vivres, les
difficultés imprévues que l'on ren-
contra, obligèrent la caravane de
rétrograder et de regagner les na-
vires , au grand regret de Smith qui,
pendant cette excursion pédestre,
avait fait de nombreuses observa-
tions. Pour comble de malheur, une
fièvre languissante se déclara parmi
les voyageurs; Tudor, naturaliste,
Crauch, zoologiste, le capitaine Tiic-
key et beaucoup d'autres y succom-
bèrent. Smith, après avoir encou-
ragé ses compagnons jusqu'au der-
nier moment, expira lui-même, le
2t septembre 1816, à bord de la Do-
rothée, qui levait l'ancre pour re-
tourner en Angleterre, où ses col-
lections botaniques ont été trans-
portées. M. Robert Brown les a fait
connaître dans un Mémoire sur les
plantes équinoxiales de l'Afrique,
inséré, avec le journal de Smiih,
dans la Relation de l'eccpédition du
Congo, publiée par ordre du gouver-
nement i)rilannique. Z.
SMITII (John), missionnaire pro-
testant, naquit à Rothwell, dans le
comté de Northampton, le 27 juin
1790. Il était fort jeune lorsque son
père, qui servait dans l'armée an-
glaise, fut tué en Egypte. Sa tnère,
réduite à l'indigence, ne put même
pas lui procurer l'instruction la plus
élémentaire, et le plaça chez un fa-
bricant de biscuit. Cet homme, tou-
ché de compassion pour le pauvre
enfant, lui laissa le temps d'appren-
dre à lire et à écrire. Plus tard, les
prédications qu'il entendit dans les
assemblées religieuses lui inspirèrent
le désir de suivre la carrière ecclé-
siastique. Admis dans une commu-
nion méthodiste, et après avoir fait
des études théologiques et littérai-
res, il remplit d'abord à Tunbridge
l'emploi de catéchiste, puis fut nom-
mé, par la Société des missions de
Londres, missionnaire à Demerari,
dans la Guiane anglaise, où il arriva
au commencement de 1817. Cette
mission, établie depuis dix ans, avait
rencontré beaucoup d'obstacles de
la part des chefs d'habitations qui
craignaient que l'instruction morale
et religieuse des esclaves ne fiât un
acheminement à leur émancipation.
Smith, assez mal accueilli par les
colons, parvint cependant à sur-
monter les difficultés et commença
l'exercice de son ministère. Il con-
vertit au christianisme un grand
nombre de nègres, les baptisa, les
maria et leur prêcha l'obéissance en-
vers les maîtres, ce qui n'empêcha
pas ceux-ci de prendre le mission-
naire en aversion. ;En 1823, les es-
claves ayant su que des dépêches
venues d'Angleterre, et relatives à
l'administration coloniale, n'avaient
pas été publiées, s'imaginèrent que
c'était l'ordre de leur aiFranchisse-
ment qu'on ne voulait pas exécuter.
Dans le même temps, il leur fut dé-
fenilu lie se réunir à l'église. Cette
mesure, qui avait pour but de com-
primer l'agitation, ne lit au con-
traire que l'augmenter, et au mois
d'août la révolte se déclara dans cin-
quante hibitations; mais il faut dire
que les esclaves n'attenièreni à la vie
d'aucun des blancs tombés en leur
pouvoir. Du reste, cette insurrection
fut bientôt réprimée par les troupes,
320
SMY
qui tuèrent plus de deux cents nè-
gres. Alors Smith fut arrêté et tra-
duit devant une cour martiale comme
instigateur de la révoitc. Malgré les
nombreux témoignages rendus à son
innocence, entre autres celui d'un
ecclésiastique anglican, le malheu-
reux missionnaire méthodiste n'en
fut pas moins condamné à être pen-
du; mais les juges le reconiniauflè-
rent à la clémence royale en en-
voyant la sentence en Angleterre
pour y être ratifiée. Plusieurs mem-
bres du parlement prirent chaleu-
reusement la défense du condamné,
et le ministère manda au gouverneur
de la colonie de le mettre immédia-
tement en liberté (juin 1824). Déjà
il était trop tard. Smith avait suc
combé à ses souffrances, le G février,
dans la prison où il languissait de-
puis six mois. On a publié sur cette
triste affaire : I. Proceedings of a
gênerai court martial, etc. — Procé-
dures d'une cour martiale générale
tenue à la maison de la colonie, à
George-Town, le lundi 13 octobre
1823, en vertu d'un warrant et par
ordre de S. E. le major-général John
Murray, lieutenant - gouverneur et
commandant en chef des colonies
réunies de Demerari et d'Essequi-
bo, etc. ; Londres, 1824, in-8". 11.
Substance of the débute, etc. — Ana-
lyse des débals qui ont eu lieu dans
la chambre des communes, le 1"'' et
le 11 juin 1824, sur le jugement de
mort du m.ssionnaire Smith, pro-
noncé à Demerari par une cour mar-
tiale 5 Londres, 1824, in-8°, imprimé
avec l'approbation de la Société des
missions de Londres. P — rt.
SMYTH (James-Cahmicuael), cé-
lèbre médecin anglais, membre de la
Société royale, fut chargé, en 1780,
de la direction de la prison et de
l'hôpital de Winchester où régnait
SMY
alors une fièvre pestilentielle, qui
lui donna occasion de montrer ses
talents. Pour détruire la contagion,
il eut recours aux trois acides miné-
raux, et obtint le succès qu'il en
avait espéré. Il demanda en 1802 au
parlement une récompense à cause
de cette découverte*, elle lui fut ac-
cordée, malgré la vive opposition
du docteur John Johnstone qui pré-
tendait que son père en était le pre-
mier inventeur, et que Smyth n'avait
fait que l'appliquer. Les ouvrages
publiés par le docteur Smyth sont :
1. Effets du brandillement employé
comme un remède dans la consom-
ption pulmonaire, 1787, in-S". II.
OEuvres de feu le docteur William
Stark, 1788, in-4°. 111. Description
de la 7naladie de prison, qui parut
parmi les prisonniers espagnols en-
fermés à Winchester en 1780, avec
une A^oiacesur les moyens employés
pour guérir la contagion qui en était
résultée, 1795,iu-8°. IV. Effets de
la vapeur niireuse pour prévenir et
détruire la contagion des prisons,
etc., in- 8°. V. Lettre àWilliamWil-
berforce sur un pamphlet du doc-
teur Johnston, 1805, in-8° VI. Re-
marques sur un rapport deM.Chap-
tal , avec u/i examen de la récla-
mation de M. Gnyton de Morveau,
à la découverte du pouvoir du gaz
acide minéral sur les contagions ,
in 8». VII. Traité sur V hydrocéphale
ou Vhydropisie du cerveau, 1814,
in-80. Louis Odier, professeur de mé-
decine à Genève, a publié : Obser-
vations sur la fièvre des prifons ,
sur les moyens de la prévenir en ar-
rêtant les progrès de la contagion, à
l'aide des fumigations du gaz nitri-
que, etc., trad. de Panglais du doc-
teur James-Carmichael Smyth, etc.,
Genève et Paris, 1802, in-8o. Ou a
encore de Smyth plusieurs articles
SNI
SNI
321
insérés dans des recueils de méde-
cine. II mourut vers 1825. Z.
S\ELLEKCK (Hans ou Jean),
peintre, né à Malines en 1544, mérita
la réputation de premier peintre de
batailles de son temps. Les archi-
ducs Albert et Isabelle lui accordè-
rent le titre de leur peintre, et il fut
chargé par eux de peindre plusieurs
des batailles livrées en Flandre à
cette époque. Il excellait à peindre
les chevaux, et savait donner à ces
nobles animaux des mouvements na-
turels et gracieux, et une aliure vraie
qu'accompagnait une grande correc-
tion de dessin. Toutes les figures
de ses compositions formaient des
groupes disposés avec une rare intel-
ligence : il exprimait le tumulte de
la mêlée et la confusion d'un engage-
ment avec beaucoup de jugement et
de vérité, et il rendait parfaitement
la différence de la fumée de l'artille-
rie avec la poussière et la vapeur de
l'atmosphère. Van-Dyck, qui estimait
cet artiste, fit son portrait pour le
placer parmi ceux des peintres les
plus distingués des Pays-Bas. Ce por-
trait, après la mortde Snellenck, ar-
rivée le 1''' octobre 1638, fut mis
sur le tombeau qui lui fut élevé dans
l'église paroissiale de Saint- Jacques,
à Anvers. P— s.
SNiADECKI (Jean Baptiste), sa-
vant polonais, né le 21 août 1756,
dans le palatinat de Gnesne, fit d'ex-
cellentes études et prit le grade de
docteur en philosophie. Il visita l'An-
gleterre et la France en 1787, et pro-
fessa pendant long-temps les mathé-
matiques et Tastroiiomie à l'univer-
sité de Craco vie, puis à celle de Vilna.
11 devint plus tard conseiller d'État,
chevalier de divers ordres de Russie,
et mourut verâ 1830. Membre des
sociétés littéraires de Cracovic et de
Varsovie, il était correspondant de
LXXXII.
l'académie impériale des sciences de
Saint-Pétersbourg, et il a fourni au
recueil de cette compagnie, tom. II,
IV, VII et IX, une série (VObserva-
tions astronomiques faites à l'obser-
vatoire de Vilna, de 1809 à 1821. Il
inséra aussi un grand nombre d'Ob
servatiovs dans les Éphémérides as-
tronomiques de Vienne, et d^ns la
Correspondance mensuelle ihi baron
Zach (de 1798 à 1805); puis dans les
Annales astronomiques de Berlin
(de 1813 à 1828). En 1802, il publia,
à Varsovie, en langue polonaise, un
Discours sur Nicolas Kopcrnik, su-
jet proposé par la société littéraire
de cette ville, et dans lequel il donne
une histoire assez étendue de l'as-
tronomie. Il s'attache avec un zèle
patriotique à démontrer que Ko-
pernik n'était pas Prussien, vt que
la Pologne a le droit de le reg^ir-
der comme un de ses enfants. « Je
« ne sais, dit-il, ce qui a fait com-
• mettre aux écrivains allemands, et
• à quelques auteurs français, luie
« erreur grossière dans la géographie
« politique, lorsqu'ils se sont avi-
• ses de transformer Kopernik en un
• Allemand, tandis que son origine
« polonaise est incontestable. > Il
avait paru, dès 1803, une traduction
française du Discours de Sniadecki,
mais elle était si défectueuse que
l'auteur la désavoua; elle fut réim-
primée avec de nombreuses cor-
rections à Varsovie, en 1818, et à
Paris, par les soins de M. Vincent
Karezewski, 1820, in-S^. Pendant un
voyage qu'il lit dans cette capitale,
Sniadecki publia des Réflexions sur
les passages relatifs â l'histoire et
aur affaires de Pologne, insérés dans
Vouvrage de M. Villcrs, qui a rem-
porté le prix de l'Institut national
de France, le 23 mars 1804, Paris, 8
niai 1804, in-S». C'est une réfutation
21
322
8N0
(le quelques assertions erronées et
injurieuses à la Pologne, émises par
Ch. Villers {voy. ce nom, XL[X,
78 ) dans son Essai sur l'esprit et
l'influence de la réformation de Lu-
ther, couronné par la seconde classe
de l'Institut. Il a paru un Extrait
des écrits divers de Jean SniadecM,
trad. par J.Flaget, Paris, 1823, in-S».
— Sniadecki {4ndré), frère du pré-
cédent, est auteur d'une Théorie des
êtres organisés, qui a été traduite
du polonais, par J.-J. Balard et Des-
saix, médecins des armées françaises
à la campagne de Russie, Paris, 1 825,
in-8». Z.
SXOUCKAERT. Voy- Zenocabe,
LU, 251.
SNOY (Renier), né en 1477 à
Gouda en Hollande, montra dans son
enfance peu de dispositions pour
l'étude, et ce fut tardivement que
son intelligence se développa; mais,
parvenu à l'adolescence, il fit de tels
progrès dans les lettres et dans les
sciences qu'il surpassa bientôt tous
ses condisciples. H avait commencé
ses humanités à Gouda, et, après
avoir terminé sa philosophie à Lou-
vain, il se rendit en Italie, où il sui-
vit des cours de médecine à l'univer-
sité de Bologne, et prit le grade de
docteur. De retour dans son pays, il
s'y concilia l'estime et la protection
d'illustres personnages, entre autres
d'Adolphe de Bourgogne, gouver-
neur de Veere en Zélande, et fut
chargé de missions diplomatiques
auprès de Christian II, roi de Dane-
mark, réfugié dans cette contrée, et
auprès de Jacques IV, roi dÉcosse.
Il passa ensuite en Angleterre, où il
exerça la médecine pendant quelques
années. Revenu dans sa ville natale,
il en fut nommé bourgmestre, fonc-
tions dont il finit par se démet-
tre pour se livrer entièrement à l'é-
SNO
tude. Il mourut à Gouda le 1" août
1537. Érasme l'appelait une des gloi-
res de la littérature hollandaise, et
Alard de Rotterdam, professeur à
l'université de Louvain, lui consacra
une épitaphe latine fort honorable,
qui se trouve dans la Bibliotheca
Belgica de Foppens. On a de Snoy :
I. De libertale christiana, 1550,
in-8°. II. Une histoire de Hollande,
intitulée: De reôMS batavias libri
XIII. Cette histoire, qui s'arrête à
l'an 1519, époque de l'élection de
l'empereur Charles-Quint, ne con-
tient guère que des récits de soulè-
vements, de batailles et de sièges.
Elle a été insérée, avec la vie de
Snoy, composée par Brassica, son
neveu, dans les Rerum belgicarum
annales, de Fr. Sweert (voy. ce nom,
XLIV, 163), Francfort, 1G20, in-fol.
III. Paraphrasi$ perspicua in omnes
Davidis psalmos.Qi\o\q\ie cette pa-
raphrase ait été souvent imprimée
(à Cologne, à Paris, à Anvers), tra-
duite en allemand et en d'autres lan-
gues, on y trouve peu de critique,
et l'auteur ne paraît pas très-versé
dans la connaissance des antiquités
sacrées. Hubert Raellen, curé de
Saint-Quentin, à Louvain, en donna
dans cette ville, en 1705, une édition,
avec la paraphrase de sept cantiques
des heures canoniales. On a encore
de Snoy divers écrits de médecine,
d'histoire, de philosophie, de théolo-
gie et même de poésie. Nous cite-
rons entre autres : Praxis medica,
2 vol.; De arte alchimislica; Scru-
tinium historicœ veritatis; De es-
sentia-i potentiis et passionibus ani-
mœ; Anti-Lulherus ; Deartepoelica;
Parœneticon ad Carolum Y Augus-
tuni, carminé elegiaco ; Laus Dei-
parœ virginis, carminé sapphico;
Poemata sacra., etc.— Sîsoy ( Lam-
bert), né à iMalines en 1574, s'appli-
SOA
SOA
323
qiia spécialement à riiisloire gt^nen-
logique des Pays-Bas, Biilkcns {voy.
ce nom, VI, 388 ), dans ses Trophées
du Brabant, a beaucoup profité du
travail de cet auteur, qui mourut
vers 1638. P— RT.
SOARDI (le comte Jean -Bap-
tiste), malho'malieien, né à Brescia
le 9 janvier 1711, étudia dans sa pa-
irie les belles-lettres et la philoso-
phie, puis il se rendit à l'université
de Padoue pour y suivre des cours
de jurisprudence, et prit en. même
temps des leçons de mathématiques
sous le célèbre Poleni {voy. ce nom,
XXXV, 173). Revenu à Brescia, il
continua de s'appliquer à cette
science et mérita par ses travaux
la considération non-seulement de
ses compatriotes, mais encore des
savants étrangers- Il inventa de
nouveaux instruments de mathé-
matiques et fit plusieurs autres dé-
couvertes dont il publia la descrip-
tion. Soardi, profond géomètre, était
aussi un écrivain distingué, s'expri-
mant avec élégance en italien et en
latin. Quoique marié, sa piété l'avait
porté à étudier la théologie et la lit-
térature sacrée. Il mourut à Brescia
le 2 mars 1767. On a de lui en ita-
lien : I. Nouveaux instruments pour
décrire diverses courbes anciennes
et modernes et beaucoup d'autres qui
peuvent servir à la géométrie spé-
culative et pratique, avec un projet
de deux nouvelles machines pour la
science nautique et d'une autre pour
la mécanique, Brescia, 1752, in-4°,
lig. H. Quelques opuscules sous le
titre (^Entretiens {Trattenimenti),
Brescia, 1761. Ces écrits sont consa-
crés à l'explication des découvertes
faites par l'auteur. P — RT.
SOARDI (VicTOR-AiviÉnÉE), théo-
logien, né à Turin, d'une famille
noble, fit ses études dans celte ville,
où il prit le grade de docteur en
droit civil et canonique à l'Univer-
sité. Étant venu à Paris en 1735, il
entra dans la congrégation de Saint-
Lazare et professa pendant quelque
temps la théologie au séminaire de
Saint-Firmin, Plus tard, il fut appelé
en qualité de recteur au collège pon-
tifical d'Avignon, et mourut dans
cette ville en 1752. On a de lui : 1.
De suprema romani pontîficis auc-
torilate hodierna ecdesiœ gallicanœ
doctrina, Avignon,1747,2vol. in-4°.
L'auteur y inséra un extrait de la
préface que l'alibé Lenglet-Dufres-
noy avait mise en tête du Commen-
taire de Dupuy sur le Traité des li-
bertés de l'Église gallicane, préface
qui fut supprimée dans le temps {voy.
LeNGLET- DUFRESNOY, XXIV, 89).
Soardi soutient que la doctrine ac-
tuelle du clergé de France n'est nul-
lement oppf)sée, mais qu'elle est
même très-favorable à l'autorité lé-
gitime du pape, et que, dans la pra-
ti(jue, ce clergé semble regarder la
Déclaration de 1682 comme non ave-
nue. Le parlement de Paris, ayant
trouvé dans cet ouvrage des asser-
tions contraires à la jurisprudence du
royaume, le supprima par arrêt du
25 juin 1748. Il a été réimprimé à
Heidelberg en 1793. II. Auctoritas
pontificia notissimo Cypriani facto a
JSeotericis impugnata, sed a Qalliœ
thcologicis vindicata, dissertatio
hist. dogmatica, Avignon, 1749,
in-4*. Il s'agit du différend qui s'éle-
va entre le pape saint Etienne et
saint Cyprien, au sujet du baptême
administré par les hérétiques. Con-
trairement à l'opinion de saint Cy-
prien, je pape affirmait que le bap-
tême était valide, ainsi que l'Église
l'a décidé depuis dans plusieurs
conciles, {voy. Cyprien, X, 399-
400). P— RT.
21.
824
SOB
SOAREZ (LoPFz) d'Albergaria,
amiral portugais, no peut guère êlre
compté au rang des voyageurs, puis-
que sa mission n'avait pour objet
que des conquêtes et que nous ne
connaissons de lui que quelques ex-
péditions militaires. Il succéda dans
les Indes, en 1515, par des intrigues
de cour, au grand Alphonse d'Al-
buquerque (voy. ce nom, I, 449),
mais il n'y soutint pas la gloire de
son nom. Le théâtre de ses plus
grands exploits fut la mer Rouge, où
il eut à combattre Soliman , qui y
commandait une armée pour Sélim,
empereur des Turcs, et depuis maî-
tre de rÉgypte conquise par lui sur
les Mameluks ; encore eut-il souvent
du désavantage. Les Portugais, pen-
dant le temps de sa vice-royauté, ne
furent pas plus heureux dans les au-
tres parties de l'Inde. Au bout de
cinq ans Soarez eut pour successeur
Diego Lopez de Sequeira. M — le.
SOBECHI, ou SoDCHi {Tadjeddin
Abdalvahab), fils d'Ali, est autçur
de différents ouvrages, dont le prin-
cipal est une Histoire des grands
hommes choféites, qu'il finit à Da-
mas en 754 de l'hégire (1353 de
J.-C). On la trouve manuscrite en
deux portefeuilles de la bibliothèque
Bodleienne, cotés 667 et 727, et en
trois de la bibliothèque nationale de
Paris, n"' 737, 860 et 861. Herbelot
dit, p. 815 de sa Bibliothèque orien-
tale^ que Sobechi mourut en 756 de
l'hégire (1355), et les auteurs du
Catalogue de la bibliotlièque de Pa-
ris fixçut l'époque de sa mort à 850
(1446). Golius ciîe cette histoire
dans son Dictionnaire, d'après un ma-
nuscrit de la bibliolhèque de Leyde.
Ce manuscrit, le 1860''(iu catalogue,
rapporte cet ouvrage sous le titre
plus général d'Histoire et classes
des sectes orthodoxes. J — n.
SOC
SOCQUET (Joseph-Marie), chi-
miste, né à iNlégève dans le duché de
Savciie en J771,etnonen 1769 selon
Grillet {Dictionnaire historique des
départements du Mont-Blanc et du
Léman), lit ses humanités au collège
de Chambéry sous les yeux de son
père, qui était un habile latiniste.
Envoyé ensuite à l'université de Tu-
rin, non moins florissante alors que
de nos jours, il y obtint à l'âge de
vingt ans le grade de docteur en mé-
decine. Peu d'années après, nommé
médecin de l'armée du roi de Sardai-
gne, il servit son souverain (Victor-
Amédée 111) jusqu'au traité de Cam-
po-Formio (1797), et exerça un peu
plus tard les mêmes fonctions sous
le drapeau de l'armée française, qui
était devenu celui de sa patrie. La
chimie, pendant ce temps, subissait
une paisible révolution \ Socquet en
embrassa avec ardeur les brillantes
doctrines. Dans les camps, dans les
garnisons , il expérimentait sans
cesse et exerçait sans relâche sa
propagande scientifique. Il donna
des cours publies de chimie à Chieri,
à Vérone, ainsi qu'à Venise, où il
remplit pendant deux années la
chaire de chimie expérimentale du
collège de pharmacie. Attiré en
France par le désir irrésistible de
fréquenter les écoles et les académies
de sa savante capitale, il fut nommé
par le premier consul professeur de
physique et de chimie à l'école cen-
trale du Puy-de-Dôme. Trois ans
après, il quitta l'Auvergne pour oc-
cuper la même place dans celle du
département du Mont-Blanc, où il
résida huit années consécutives. Ces
trois premiers lustres de sa carrière
chimique furent l'ère de ses travaux
les plus mémorables. Socquet publia
à Venise divers mémoires d'un haut
intérêt ; à Paris, des essais sur le ca-
soc
lorique et sur les affinités; à Chain-
béry, des thèses de chimie, en de-
vançant sur plusieurs points les
théories que Berthollct niédilait en
Egypte. Chaque fois que ces deux
Savoisiens se trouvaient en contact,
ils débattaient ensemble les ques-
tions les plus difficiles de la science.
En 1809, à l'organisation des facultés
des sciences, Socquet fut désigné par
Bertholîet pour la chaire de chimie
indiislriclle de la ville de Lyon. Il
l'occnpa avec éclat jusqu'à ce qu'en
1815 le gouvernement français sup-
primât par voie de réforme iinancière
la plupart des facultés, et entre au-
tres celle de la première ville manu-
facturière du royaume. Une chaire
de chimie générale vint à vaquer dans
l'université de Turin, Sncquet fut ap-
pelé pour la remplir; mais relenu à
Lyon par une clientèle médicale qui
lui était vivement attachée, et par
l'affection que lui méritèrent les ser-
vices divers qu'il avait rendus à l'in-
dustrie lyonnaise, il y accepta en
1818 sa pension de retraite univer-
sitaire. Plusieurs années après, pour
jouir d'un climat plus favorable à sa
santé et vivre avec moins de dé-
penses, il prit le parti de se retirer à
Turin. Socquet y entreprit quelques
recherches sur les tourbières, sur la
fabrication du sucre indigène, et s'y
livra charitablement à la médecine
qu'il n'avait jamais négligé de pra-
tiquer. Il y mourut au sein de sa fa-
mille le 17 juin 1839, dans des sen-
timents de foi chrétienne que l'étude
approfondie des phénomènes de la
nature n'avait cessé d'alimenter et
d'accroître. On doit à Socquet les
écrits suivants : I. Essai sur la fa-
trique d'alun iiahirel de Souvi-
gnano en Istrie et sur les procédés
employés pour son extraction et sa
puissance, (Opuscoli sceiti di Mila-
SOC
32i
no, t. XIV.) 11. Mémoire et précis
d'expériences sur l'extraction du
cuivre pur du mêlai des cloches,
ibid., et dans le t. XIV des Annales
des aris et manufactures. IIL Expé-
rience et résultats de plusieurs opé-
rations en grand, faites à Venise, sur
différents objets d'art, et notamment
sur la séparation de la soude du sel
marin. (Opuscoli sceiti di Milano,
t. XX.) IV. Essai sur le calorique,
ou Recherches sur les causes physi-
ques et chimiques des phénomènes
que présentent les corps soumis à
l'action du fluide igné, avec des ap-
plications )iouvelles relatives à la
théorie de la respiration, de la cha-
leur animale, de l'origine des feux
volcaniques ; suivi d'un Essai parti-
culier sur les anomalies d'affinités
chimiques, d'expériences, d'obser-
vations sur le métal des cloches ;
enfin d'une Description de la fameuse
aluminièrc de Souvignano en Istrie
et des procédés employés pour l'ex-
traction et la purification de l'alun
naturel, Paris, 1801. V. Analyse des
eaux d'Aix en Savoie, Chambéry,
1803; ib., 1805. VI. Analyse des
eaux de la source minérale froide
de Puisard, dite de Bois-Pian, dans
la vallée de Saint-Baldoph, près de
Chambéry. (Annuaire du départe-
ment du Mont-Blanc, an XIII.) VII.
Manuel de vaccination, Chambéry,
1807. VIII. Trois thèses de chimie,
ibid., 1808. IX. Traité du plâtrage
employé comme engrais sur les prai-
ries artificielles, Lyon, 1820. Cet
opuscule avait été imprimé en 1818
par la Société royale d'agriculture
de Lyon, sous le titre de Théorie du
plâtrage en agriculture. X. Essai
analytique, médical et topographi-
que sur les eaux minérales, gazeu-
ses-acidulés et thermo- sulfureuses
de la Perrière, près Mouticrs en Sa*
326
SOD
SOD
voie, Lyon, 1824. XI. Observations
pratiques sur le choléra- morbus^
Turin, 1835. Cet écrit, rédigé d'a-
près les faits observés par l'auteur
au sein uiênie de ce fléau, sans aulre
mission que celle de son dévouement
personnel à la cause de l'humanité,
précéda les publications des Clot-
Bey, des Bu lard et des Sociétés for-
mées en Alleuiagne dans le but d'é-
clairer l'hygiène publique et la po-
lice sanitaire. B— f— s.
SODEN (le comte Fkédéric-Jules-
Henbi de), publicisle et littérateur
allemand, naquit à Anspach en 1754.
Appelé au conseil privé de régence,
puis nommé conseiller intime de la
maison de Brandebourg, il obtint le
titre de comte de l'empire en 1790.
La cour de Prusse l'envoya comme
ambassadeur à Nuremberg, où il
ctmtinua de résider après qu'il se fut
retiré des affaires publiques en 1796,
Cette ville ayant été plus tard incor-
porée au royaume de Bavière, Soden
fut élu, vers 1825, député à la se-
conde chambre législative. Il mourut
à Nuremberg le 13 juillet 1832, âgé
de 77 ans. On lui doit plusieurs ou-
vrages importants, écrits en langue
allemande, sur la législation et l'éco-
nomie politique, tels que VEsprit
des lois pénales, en 3 vol. ; le Traité
sur les finances de Nuremberg ; la
Loi agraire; VEsquisse de la poli-
tique administrative des États; VÊ-
conomie politique nationale , en
8 vol. Soden cultivait aussi la litté-
rature et affeciionnait l'art drama-
tique. 11 avait établi à Wurtzbourg,
eu 1784, un théâtre à ses frais, et prit
ensuite la direction de celui de Bam-
berg. il composa même un grand
nombre de pièces qui ont été impri-
mées, et dont plusieurs sont encore
jouées sur les théâtres d'Allemagne,
notamment Inès de Castro^ CUo-
pâtre, la Mère dé famille allemande.
Quelques-unes ont été imitées en
français : 1° Aurore, ou la Fille de
Venfer^ comédie en trois actes, imi-
tée de l'allemand du comte de Saau-
den (Soden); représentée pour la
première fois, sur le théâtre des Va-
riétés-Étrangères, le 26 fév. 1807,
Paris, in-8°, 1807. 2° Célestine^ eu
Amour et Innocence, comédie eu
quatre actes. Paris, 1807. 3" Vlllu-
miné, ou le Nouveau Cagiiostro, co-
médie en quatre actes, iuiitée de l'al-
lemand, Paris, 1807, in-8°,Ces trois
pièces ont été insérées dans le tome
second du Théâtre des Variétés-
Étrangères. M. Duperche a traduit
en français un roman de Soden, in-
titulé : Aurora, ou l'Amante mys'
térieuse., Paris, 1802, 2 vol. in-12
avec fig. P — KT.
SODI (Pierre), habile chorégra-
phe, était né à Rome dans les'pre-
mières années du XVIll" siècle. 11
vint à Paris vers la fin de 1743, et
eu 1744, à la rentrée de Pâques, il
fut engagé à l'Académie royale de
musique comme danseur et compo-
siteur de ballets. Généralement goûté
à ce théâtre, il le quitta pourtant au
bout de deux ou trois ans et se ren-
dit en Angleterre; mais, en 1748, il
revint en France et reparut à l'Opé-
ra, à la grande satisfaction des ama-
teurs. Il le quitta de nouveau en
1753, pour occuper l'emploi de maî-
tre de ballets à la Coinédie-Francaise,
emploi qu'il résigna encore pour te-
nir l'école de danse à la Comédie-
Italienne. On croit qu'il mourut en
17G0. Outre ses compositions choré-
graphiques pour les deux principales
scènes auxquelles il fut attaché, il en
donna plusieurs autres au Théâtre-
Italien, dans la seule vue d'obliger
ses compatriotes, et en 1752, pour
rendre service à deux jeunes artistes
SOD
de son pays, Bettina Bugiani et Co-
siino Maranesi, qui dansèrent à TO-
péra-Comique pendant la foire Saint-
Laurent, il lit tout exprès pour eux
un ballet-pantomime, dans lequel il
voulut figurer lui-même. Voici la
liste de ses ouvrages les plus con-
nus. A l'Acade'mie royale de musi-
que: 1" la Cornemuse; 2° les Jardi-
niers, ou les Ciseaux ; ces deux pan-
tomiuies furent aussi dansées à la
cour, avec beaucoup de succès, dans
les spectacles qu'on y donna à l'oc-
casion da mariage du Dauphin avec
la princesse Marie-Josèphe de Saxe-,
3" les Fous; 4" les Mandolines; 5°
le Bouquet, très -applaudi le jour
que le corps de ville vint en cérémo-
nie à l'Opéra, après avoir obtenu le
privilège de ce spectacle. Au Théâ-
tre-Italien : 6o Les Cors de chasse;
7" le Dormeur; 8° V Allemande; 9°
les Enfants vendangeurs, ballet exé-
cuté par la demoiselle Véronèse ca-
dette et le jeune Du Bois, élève de
Sodi. L'un des tableaux que présente
ce ballet a été gravé (1), et l'estampe
offre les portraits des deux exécu-
tants. Ou lit au bas :
Ce» deux danseurs, presque eu uaiisaul,
Piir leur dame ingéuue embellisseut la scène,
£l dans l'âge où l'on «ent à peine,
Us cipriment loul c» qu'on sent.
10" Les nouveaux Caractères de la
Danse ^ morceau ingénieusement
imaginé et qui eut un succès prodi-
gieux, surtout le Caractère de l'A-
gnès. A la Comédie- Française : 11"
La Noce, ballet dans lequel Sodi
dansait le Pas de l'Ivrogne d'une
façon inimitable; \2° les Amusements
champêtres (le jeu de la main-
chaude y élait représenté); 13» la
Chasse; 14" le Ballet turc, à la suite
(i) Par Horreolli, jeune graveur dauois,
sur un dessin de Marvie.
SOE
327
du Port de mer, comédie de Boin-
din ; 15" le Ballet de îa comédie des
Hommes (de Saint-Foix); 16° celui
des Adieux du goût (de Portelance
et Patu), termiué par la pantomime
des Enfants bûcherons. A l'Opéra-
Comique : 17» Le Jardin des Fées,
etc. — Sodi {Charles)., frère aîné du
précédent et, comme lui, né à Rome,
était un excellent musicien et un
compositeur distingué. En 1749, il
vint retrouver son frère à Paris, et il
s'y fit long-temps applaudir du public,
en figurant sur la scène, où il exé-
cutait des solos sur la mandoline,
instrument dont il jouait à mer-
veille. Ce fut pour faire briller ce
talent de Charles que Pierre compo-
sa le ballet n* 4, mentionné ci-des-
sus. A son tour, Charles fit la mu-
sique de ce même ballet et de plu-
sieurs autres de son frère. Il fit aussi
celle de quelques pièces de théâtre,
comme parodies, divertissements,
etc., et d'un certain nombre d'a-
riettes italiennes très^bien reçues
des connaisseurs. Ses leçons pour le
goût du chant italien étaient tort re-
cherchées. 11 en donna, entre autres,
à Rosalie Astrodi, actrice alors en
vogue, et à la célèbre M'"» Favart,
qu'il eut bien des fois l'avantage
d'accompagner de sa mandoline.
Nous ignorons l'époque de la mort
de Charles Sodi. Pour plus de détails
sur lui et sur son frère, consultez le
Dictionnaire des théâtres de Paris,
par les frères Parfaict et d'Abguer-
be; voy. également l'ouvrage de
M. Castil-Blaze, intitulé ; La Danse
et les Ballets, p. 201. B-l— u.
SOEFYE (Lucien), mort doyen
des avocats, k Paris sa patrie, en 1695,
âgé de 78 ans, a laissé, en 2 vol. in-fol.,
sous le titre de Questions notables,
un recueil de huit cents arrêts ren-
dus au parlement de Paris, depuis
328
SOE
16i0 juscju'à 1681. On y trouve les
moyens employés, de part et d'autre,
par les avocats, et reproduits avec as-
sez de clarté et dç pre'cision. T — d.
SŒMMEKIiVG (Samuel-Thomas),
l'un des anatomistes les plus distiu-
gués de l'Allemagne, naquit le 25
janvier 1755 à Thorn, enWestprus-
se, patrie du grand Copernic. Fils
d'un médecin qui avait suivi les le-
rons de Boerhaave et d'Albinus de
Leyde, il fut destiné à la même pro-
fession, et suça, pour ainsi dire, le
lait de la science qui devint pour lui
comme uneseconde mère. Il travailla,
(lès sa tendre jeunesse, à acquérir les
notions indispensables pour étudier
la médecine avec fruit, et réaliser
un des vœux de son père mourant.
A l'ùge de 19 ans, il se rendit à Gœt-
lingue où il suivit lesleçonsde Wris-
berg, Boldingcr et Richter. 11 y resta
jusqu'au 7 avril 1778. De cette épo-
que date l'étroite amitié qui l'unit à
Dlunienbach et à Lichtenberg. Reçu
docteur, il fut bientôt après nommé
professeur d'anatomie àCarolinum,
dans leCassel, où il rencontra Fors -
1er qui , jeune encore et débutant
comme lui dans la carrière, lui olfrit
son amitié. En 1784, il fut nommé
professeur de médecine à la faculté
de Mayence,une des plus florissantes
d'Allemagne. C'est là qu'il passa les
plus beaux jours de sa vie, c'est là
qu'il acquit ce vaste savoir qui de-
vait le rendr-e un des médecins les
plus renommés de l'Europe. Il pré-
parait déjà les documents qui lui ser-
virent plus tard à publier ses travaux
anatomiques. Parmi les premiers mé-
decins qu'il forma, l'histoire a con-
servé le nom des frères Wenzel. Les
occupations auxquelles il se livra et
l'affection que lui portait Jean de Mul-
ler ne furent pas les seuls motifs qui
lui firent toujours considérer la ville
SOE
deMayence avec une sorte de prédi-
lection ; des souvenirs plus tendres,
plus chers à son cœur se rattachent
à cette époque si heureuse de sa vie:
c'est dans cette ville qu'il connut
Margueriie-Élisabeth Grunelius avec
laquelle il se maria en 1792. La vie de
presque tous les hommes de science
se ressentit plus ou moins des trou-
bles politiques qui agitaient alors
l'Europe. Mayence ayant été pris par
les Français, l'ancienne école fut dis-
soute, et Sœmmering, abandonnant
cette ville à regret, se rendit à Franc-
fort, patrie de sa femme, et y exerça
la médecine. Les loisirs de sa nou-
velle position lui permirent de pu-
blier son ouvrage qui a pour titre :
De corporis humant fabrica. 11 est
à remarquer que ce livre existe en
allemand et en latin. Sœmmering l'é-
crivit concurremment dans ces deux
langues. Ce traité d'anatomie est l'œu-
vre capitale de ce grand médecin.
Comme tous les auteurs, Sœmmering
commence son ouvrage par l'étude de
l'ostéologie , conspectus osteologiœ ,
parce que c'est la base de toute élude
anatomique, les os formant les points
de départ et d'arrivée des muscles
qui eux-mêmes recouvrent ou accom-
pagnent les autres parties du corps
humain. Sœmmering démontre la
composition des os, en trace l'ana-
lyse comme on le fait de nos jours
au moyen des acides pour apprécier
la gélatine, et du calorique pour en
démontrer l'élément calcaire. 11 les
considère comme formés de gélatine,
d'acide phosphorique fixe et de par-
celles de îer , particulis fcrreis. 11
les divise en os longs ou cylindriques,
en os larges, enfln en os mixtes. Il fait
connaître que les os se teignent par
la garance (1). Nous insistons sur ce
(i) " liubiB, tinc-(orum vtl galium aparint
SOE
SOE
329
sujet parce que les auteurs que uous
vouons de citer ont sans doute con-
tribué à mettre sur la voie des belles
recherches qui ouf eu lieu de nos
jours. On sait que des pigeons et
d'autres animaux d'un âge tendre
ont e'te' nourris avec des aliments
teints par la garance. Tués plusieurs
mois après avoir subi un pareil ré-
gime, on a remarqué avec surprise
que le squelette s'élait emparé de la
couleur si vive de celle substance.
Sur d'autres, nourris alternativement
pendant un certain temps avec des
aliments ordinaires et des aliments
mélangés avec le rubia tinctorum,
ou a vu que les os présentaient al-
ternativement une couche blanche
et une couche rouge, et on en a tiré
d'ingénieuses couclusions sur l'ab-
sorption sans cesse continue dans le
tissu osseux , conclusions fécondes
en aperçus physiologiques mais qu'il
serait trop long de rapporter ici.
Sœmmering divise les cartilages en
temporaires et en permanents. Les
preuiiers sont destinés à se changer
plus tard en os. Le cartilage a des
artères, des veines et des vaisseaux
absorbants, mais il manque de nerfs,
partant de sensibilité. Le cartilage
se métamorphose en os au moyen des
artères qui charrient dans son épais-
seur l'élément calcaire. Il indique
la formation du cal dont la manifes-
tation commence par une matière
molle et agglutinative au milieu de
laquelle les vaisseaux aflluent. 11 ter-
mine ses généralités sur les os en
montrant les différences qui existent
coccinto colore ossa tingunt. »> Il s'appuie,
pour produire une pareille assertion, sur
l'autorité de J.-D. Boehmer : De callo os-
siiim e rubiœ linctoium radicis païUt injecto-
rum, Leij)z., 1702; et sur celle de Pierre
Detlilel, Diss. de ossium calU iidtura ptr
fracta in anima/ibus rubiœ ladice pasiis ona
demonslrata, Gcetting,, 1753.
à cet égard entre les hommes des cinq
parties du monde ; et, s'appuyant sur
l'autorité de Daubenton, de Camper
et de Blumcnbach dout il a étudié les
collections, il donne des détails cu-
rieux, surtout pour ceux qui s'occu-
pent des formes extérieures de l'hom-
me. Comme beaucoup de médecins
de son temps, il était amateur de col-
lections analomiques', aussi était-il
parvenu à réunir un assez gr.ind nom-
bre de crânes humains qui lui pernii-
rent de faire ses judicieuses observa-
tions. Il s'étend sur les dilférences
que présentent les os d'après le genre
de vie des individus, leurs habitudes,
les médicaments dont ils ont fait usa-
ge, les maladies qu'ils ont contrac-
tées. D'après Sœmmering, non-seu-
lement le rachitisme ramollit les os,
mais augmente encore les épiphyses
dans leur circonférence; il les com-
pare avec justesse h des os récem-
ment trempés dans les acides, spon-
gieux, durs au toucher etcomme ron-
gés par les vers. Les os du front se
gonllent et les sutures sont prêtes à
se disjoindre. Les dents, uon-seule-
ment sortent tardivement de leurs
alvéoles, mais perdent leur couleur
et tombent par petits morceaux. La
poitrine se forme en carène , les
gibbosités de toute sorte prennent
naissance , les os se courbent ;
bien plus, le bassin est déformé, et,
quand l'affection est parvenue à son
maximum d'intensité, les membres
inférieurs eux-mêmes s'énervent.
Sœmmering cite à cette occasion
Struck qui avait observé un cas de
rachitisme où le fémur avait acquis
la mollesse du lard. Comme on le
voit dans ce passage que nous avons
traduit textuellement, ceci n'est plus
de l'anatomie ordinaire, c'est de l'a-
natomie pathologique. Les détails
que l'auteur donne sont précieux ;
330
SOE
cependant il a le tort, selon nous, de
faire débuter le rachitisme toujours
par la partie supérieure pour Unir
par les exlrémilés inférieures. Cette
élude se rattachant aux plus hautes
questions d'hygiène morale, il est
utile de voir en quoi Sœmniering
s'est trompé. Les recherches des aaa-
toniistes de nos jours, et en particu-
lier celles de M. Jules Guérin, ten-
dent à prouver que le rachitisme
non-seulement déforme les os, mais
qu'il arrête surtout leur développe-
ment; bien plus, et ceci est très-re-
marquable, le rachitisme suit, dans
son action sur le système osseux,
une marche toujours ascendante;
ainsi il atteint et ramollit les tibias,
passe au fémur, déforme le bassin
avant d'arriver à la colonne verté-
brale : ces considérations sont ex-
trêmement importantes. En effet ,
une jeune tille aitligée d'une ou de
plusieurs gibbosités est soumise à
l'examen de la science. 11 esi néces-
saire de savoir si elle peut ou ne
peut pas contracter mariage. Eh
bien , c'est ce que l'art obstétrical
de nos jours est parvenu à décider.
Si la déformation des membres infé-
rieurs s'est montrée la première et
dans le jeune âge, alors que la char -
pente osseuseétait loin d'avoir acquis
tout son développement; si le ra-
chitisme, après un certain laps de
temps, a occasionné des courbures
irrégulières de la colonne vertébrale,
il est presque certain que les os du
bassin ont subi une altération quel-
conque dans leur forme ou dans leur
développement. Il est donc sage, en
pareille circonstance, de désapprou-
ver le mariage. Si, au contraire, les
gibbosités se sont montrées après la
puberté , si elles ont précédé les
courbures des membres inférieurs,
il est très-probable que les os du bas-
SOE
sin n'auront subi aucun arrêt dans
leur développement. Dans le pre-
mier cas on aurait à apprécier les
tristes résultats du rachitisme, qui
n'attaque en général que les enfants
en bas-âge; dans le second cas on
aurait probablement affaire à l'ostco-
malacie qui est une affection de l'âge
adulte. Ainsi le mariage, qui devrait
être formellement interdit dans la
première circonstance, pourrait à la
rigueur être toléré dans la seconde.
Après quelques mots sur la confor-
mation osseuse dos crétins, Sœmme-
ring aborde la question du virus sy-
philitique, son aciion sur le tissu
osseux. 11 termine par la préparation
et la conservation des dilféreutes
pièces du squelette. Les dents, qu'il
n'assimile pas touî-à fait aux os, en
difièrent par leur subsiance propre,
leur ligure, leur nutrition, leur chan-
gement et leur usage. Elles sont plus
denses et recouvertes extérieure-
ment d'une matière vitrée qu'il com-
pare à la porcelaine. Sœmmering,
après avoir décrit les os en général,
les étudie chacun en particulier. Sa
méthode donne quelque prise à la
critique. 11 commence par décrire
les os du crâne et de la face, puis les
vertèbres du cou et du dos, passe à
l'étude des côtes et du sternum, re-
vient aux vertèbres des lombes et du
sacrum, et termine enfin par le bas-
sin et les membres supérieurs et in-
férieurs. Cette manière de diviser
rétude des os est défectueuse; en
elfet, puisque la colonne vertébrale
est composée d'un grand nombre de
pièces sinon exactement semblables,
présentant du moins une grande
analogie de structure, il était logique
d'en étudier successivement chaque
partie, et de ne pas séparer dans une
description les vertèbres du cou et
du dos des vertèbres loinbaires. De
SOE
nos jours, où les études anatomiques
ont été aussi l'objet d'Une prédilec-
tion toute particulière, à l'école de
Paris surtout, on commence la des-
cription totale du squelette par celle
de toute la colonne vertébrale. N'est-
ce pas à elle que s'attachent les dif-
férentes pièces de l'édilice humain?
Le crâne lui-même n'est-il pas une
vertèbre, la plus importante de tou-
tes, s'élargissant avec une harmonie
merveilleuse pour recueillir et pro-
téger l'épanouissement encéphalique?
Les ligaments et les muscles sont
étudiés avec une égale importance.
Nous appelons fibre musculaire, dit-
il, un til oblong, humide, mou, un
peu transparent, s'entrelaçant pour
former une trame, composée de vei-
nes, d'artères, de vaisseaux absor-
bants et de filets nerveux , lâche
dans le repos et acqu^ant de la mo-
tilité sous l'influence des nerfs et du
cerveau. Sœmmering consacre le
quatrième volume de son traité à
l'étude de l'encéphale et des nerfs. Il
divise le cerveau en quatre portions :
la cendrée, la moelleuse, la portion
intermédiaire qui est un pen jaune,
et enfin la portion noire. Il décrit
les cinq ventticules du cerveau ,
fait remarquer que la glande pi-
néale est plus grosse chez la femme
que chez l'homme, sans toutefois
en tirer aucune conséquence. On sait
que beaucoup d'anatomistes du siè-
cle dernier en ont fait le siège de
l'âme. Sœmmering, dans un ouvrage
qu'il publia plus tard spécialement
sur le cerveau, assigna pour place
à cette partie immatérielle de notre
être l'humeur aqueuse qui baigne la
surface des ventricules. Quoi qu'il
en soit, l'auteur observe que la pres-
sion exercée sur le cerveau produit
le sommeil. N'est-ce pas là un grand
jour jeté sur la pathologie et les
SOE
331
épanchements cérébraux ? Seule-
ment il faut penser que Sœmmering
n'a pas voulu, par le mot obdormit,
désigner un véritable sonuneil, mais
bien l'assoupissement, le coma qui
est la conséquence nécessaire des
épanchements au cerveau. Un peu
plus loin il fait remarquer qu'une
partie du cerveau se trouvant forte-
ment comprimée, la résolution des
membres se montre lians le côté
opposé du corps 5 il a en outre le
soin d'ajouter « que la lésion d'un
« côté de la moelle épinière entraîne
« le plus souvent celle du même
u côté du corps. » 11 prétend avec
raison que le cerveau n'est pas ri-
goureusement nécessaire pour la
conservation de la vie; il l'appelle
cependant le sensorium commun ou
organe de l'âme, parce que c'est à
lui qu'aboutissent toutes les sensa-
tions, qu'il les coordonne et qu'il est
le moteur de la pensée. Le cinquième
volume, consacré à l'étude des ar-
tères, des veines et des vaisseaux
absorbants, témoigue de la même
érudition. Enfin, en 1801, Sœmme-
ring termina cet ouvrage par un
sixième volume. Les poumons sont,
d'après lui, les agents de la chaleur
animale; il leur attribue le rôle de
débarrasser le sang des matières qui
pourraient lui nuire, en un mot de le
purger. ïi fait remarquer l'accord des
mouvements respiratoires avec le
pouls, et dit même quelques mots de
plusieurs phénomènes qui sont du
domaine essentiel de la physiologie,
tels que le soupir, le rire, le chant,
les larnies, etc. Nous nous sonmies
assez longuement étendu sur cet
ouvrage, parce qu'il est sans contre-
dit le plus remarquable de l'auteur.
Sœmmering était surtout anatomiste;
c'est vers cette partie de la science
qu'il dirigea les études de toute sa
332
sot:
SOE
vie. L'anatoinJe n'est-elle pas la base
esseiitiellede toutes les conséquences
chirurgicales? n'est-ce pas elle qui
donne au chirurgien ce courage tran-
quille qui lui permet d'entreprendre
les opérations les plus laborieuses, et
guiiie d'une manière certaine son
instrumenta travers les chairs pal-
pitantes pour y porter la guérison et
la vie? Pendant que Sœmmering
écrivait son grand ouvrage sur l'a-
natomie, il composait des mémoires
sur ce qui fixait momentanément
l'attention. Une lettre qu'il écrivit à
ŒIsner, à la lin du siècle dernier,
mérite d'être signalée, parce qu'elle
se rattache à une question fort grave
et qui préoccupait vivement tous les
esprits en France : nous voulons
parler de la peine de mort. Dans cet
écrit, daté de Francfort, 20 mai 1795,
l'auteur combat l'invention de la
guillotine, et, il faut l'avouer, quoi
(|u'on en ait dit, ses raisons sont
bonnes. Il fait observer que cet hor-
rible instrument a été adopté dans
l'hypothèse qu'il termine la vie de
la manière la plus sûre, la plus ra-
pide et la moins douloureuse. Sœm-
mering dit que le siège du sentiment
et de son aperception étant dans le
cerveau, que les opérations de cette
conscience des sentiments pouvant
se faire quoique la circulation du
sang par le cerveau soit suspendue,
ou faible, ou partielle, il s'ensuit que
la guillotine doit être un genre de
mort humble. Dans la tête séparée
du Corps par ce supplice, le senti-
ment ^Idperscnnalité, lemoi, restent
vivants pendant quelque temps et
ressentent V arrière-douleur dont le
col est affecté. Sœmmering s'attache
à démonirer que le siège de la fa-
culté de sentir est dans le cerveau,
puisqu'il n'est pas d'organe qui
puisse être détruit sans que ni le
sentiment, ni la faculté de penser,
ni la volonté, ni la mémoire en
souffrent; que la moelle elle-même
peut être lésée ou comprimée sans
nuire en rien aux facultés cérébra-
les, qu'un amputé se plaint de dou-
leurs qu'il croit ressentir dans un
membre qui n'existe plus. Ainsi
donc, admettant que le cerveau soit
le siège delà faculté de sentir, aussi
long-temps, dit-il, que le cerveau
conserve sa force vitale, le supplicie
a le sentiment de son existence. Il
cite, d'après Weicart, médecin alle-
mand, un homme dont les lèvres se
mouvaient après que sa tête eut été
séparée. Sœmmering est si convaiucu
de la prolongation momentanée de
la vie chez les suppliciés, qu'il avance
que, si les organes respiratoires pou-
vaient amener l'air d'une manière
normale dans labouche, ces /e/e^par-
leraient. Comme le cerveau a encore
la force de mouvoir les muscles du vi-
Siige,le savant aiialomiste en conclut
que la sensibilité peut durerun quart
d'heure. Il ajoute que la faculté de
penser persiste encore, après que
celle de produire du mouvement a
cessé. Le col contenant une grande
quantité de nerfs, la douleur doit
être excessive ; • par conséquent, la
• douleur de la séparation, et selon
« la manière dont j'ai vu agir la guil-
« lotine, je dirai, la douleur du bri-
• sèment ou de l'écrasement du col
« doit être la plus violente, la plus
« sensible, la plus déchirante qu'il
• soit possible d'éprouver.' » (Maga-
sin encyclopédique, 1795, tome III,
page 473.) Sœmmering propose de
remplacer la guillotine par la pen-
daison. Les gens qui se sont pendus
eux-mêmes ou qui ont été pendus
par d'autres, mais qui sont revenus
à la vie, et " j'ea ai connu plusieurs,
• dit-il, prétendent qu'on peut se
SOE
SOE
333
« figurer le sentiment que fait éprou-
• ver ce genre de mort comme un
■ doux sommeil. Dans le moment de
• l'étranglement, le -sommeil mor-
• tel s'était emparé d'eux sans dou»
• leur particulière, sans le sentiment
■ d'une angoisse quelconque, et ils
• en sont sortis comme d'une fai-
• blesse délicieuse. » D'après Sœm-
mering, le pendu s'endormirait sous
l'influence de la compression du cer-
veau, causée par la grande quantité
de sang affluant sur cet organe. Les
artères vertébrales étant incompres-
sibles laissent arriver au cerve.iu le
sang que les veines jugulaires com-
primées retiennent au-dessus du col.
Soemmering termine sa lettre par ces
lignes: « Des spectacles aussi abo-
« minables ne devaient pas avoir lieu
« parmi des sauvages, et ce sont des
• républicains qui les donnent et qui
• y assistent. «Francfort, 20mai 1795.
Concurremment avec son ouvrage d'a-
natomie,Sœmmering s'occupa de re-
cherches spéciales sur les vaisseaux
lymphatiques, et publia un livre qui
mérita le prix d'une société savnnte
d'Allemagne. Cet ouvrage a pour ti-
tre: De morbis vasorum absorben-
tium corporis humani. Sœmmering
divise son travail en 80 chapitres,
étudiant tour à tour le rôle que jouent
les vaisseaux absorbants dans les
maladies les plus diverses, telles que
l'érysipèle et les iiévres intermit-
tentes, la petite vérole et le choléra,
la plique polonaise et la phthisie pul-
monaire, la cataracte et la fièvre
puerpérale. Le sujel est vaste; Sœm-
mering en profite avec avantage;
toutefois il n'entre jamais dans de
longues discussions pour faire par-
tager au lecuur ses opinions, et la
masse de connaissances qu'il pré-
sente est renfermée dans d'étroites
limites. Dès le début, il signale ces
engorgements ganglionaires de la ra-
cine des membres inférieurs, qu'il ne
faut pas confondre avec les bubons
vénériens et qui arrivent par une
compressionou une blessure du pied.
Passant ensuite à l'histoire des vais-
seaux absorbants dans l'érysipèle, il
fait connaîire une théorie professée
par Burserius de Kanilfeld (2). Cette
théorie a été enseignée dans ces der-
niers temps par M. Blandin, et tous
les médecins français la connaissent
pour l'avoir adoptée ou combattue.
Celte opinion, tirée de l'oubli et ra-
jeunie de nos jours, admet que, dans
toute affection érysipélateuse, la ma-
ladie commence par se développer
dans les chapelets ganglionaires de
lapartie^de là seulement, et comme
point de départ, Tinflammation s'é
tend le long des vaisseaux lympha-
tiques. Il dii en outre que les glandes
inguinales s'engorgent après avoir
absorbé le pus des abcès du pied, ou
d'une plaie qui est la conséquence
des amputations pratiquées aux mem-
bres inférieurs. Il montre le pusdans
les ganglions bronchiques des phthi-
siques, et regarde à tort ou à raison
ce pus comme venant directement
de l'excavation pulmonaire. Il avan-
ce, au sujet des fièvres intermit-
tentes, cette grande vérité: «< que le
" miasme fébrifère est absorbé par
« les lymphatiques. » Le ramollisse-
ment des os aurait lieu par suite de
l'absorption de la matière calcaire qui
passerait dans le sang pour être en-
(2) Liceat loqueiitem introducere Binse-
rmin de K:iiiilfeld; illud etiarn, iiiquit, lenrii-
dum est, fjiiod cieijiis ex observatiouiluis
(.'onstitit, si erysipelas artubiis iufeiinrihiis
iiiL'uliitui ma sit, inguiiiis et feinoris gl.iudii-
l:iâ congloliiita.s, vasis cruralilius ad^ila', att'
tcqiinm t-e exseiat, levitcr dolere atque inlu-
meseere cousiievisse ; axillares vero ae r;er-
vicales, si Lracliiis aut siiperioribuslocis im-
iniiieat. P^e. 5.
334
SOE
SOE
suite rejelocpar fcs urines. Sœinmo-
ring, après avoir fait jouerun grand
rôle aux absorbants dans la métas-
tase, ajoute que la fièvre puerpérale
est causée par l'absorption de la ma-
tière fournie par l'utérus. Enfin,
comme si son livre était insuffisant
pour étudier tout ce qui se ratta-
che à c<t intéressant sujet, l'au-
teur cite trois cent treize ouvrages
où l'on pourra trouver des détails
plus étendus sur l'histoire des vais-
seaux absorbants. Ces vasies travaux
étaient loin de consumer tous les loi-
sirs de l'illustre chirurgien, car il
publia vers la même époque un livre
sur l'embryon humain, dans le-
quel il fait également preuve d'une
grandf érudition. En 1804, Sœnmie-
ring fut nommé membre des aca-
démies de Saint-Pétersbourg et de
Munich. Appelé dès 1803 à l'univer-
sité d'Htidelberg, il se lia d'une
étroite amitié avec Jacobi, Schelling,
Jacobs, Schlichtegroll, Fischer et
d'iiutres hommes que la science n'a
point oubliés. Dans cet^te nouvelle
position il aurait pu se reposer de
ses longs travaux et jouir sans fa-
tigue des faveurs de la fortune et du
prestige de sa renommée; mais l'a-
niour de l'étude l'emporta, et il fit
paraîire un nouvel ouvrage sous
le titre d'/cones oculi humani. Les
tables anatomiques sont faites avec
un soin et une minutie qui éton-
nent. L'auteur décrit surtout l'artère
ophthalmique d'une manière supé-
rieure, en donne plusieurs figures où
elle est représentée dans toutes ses
ramifications, et fournit à cet égard
des détails inconruis avant lui. 11
montre très-bien comment les filets
artériels que l'on voit pendant la vie
dans Talbuginée de l'œil» naissentde
' petits rameaux de l'artère ophthal-
• mique , qui percent les faisceaux
«charnus et tendineux des muscles
« droits, etarrivent àhcornéecomme
« (le quatre points différents. » Il fait
remarquer que « le système veineux
• n'accompagne point autour de l'œil
« le systènie artériel, comme cela a
« lien dans les autres parties du corps
« humain ; mais chacun de ces sys-
« tèmes aune marche qui lui est pro-
« pre. » Il a soin également de mon-
trer les différentes parties de l'œil
sous un grossissement convenable,
afin de faire apprécier les ramifica-
tions les plus délicates; mais ce qui
est surtout digne d'attention, c'est
une planche représentant la coupe
de l'œil, de manière à ce que le cône
de l'orbite, le sourcil et le globe avec
ses dépendances soient divisés en
deux partieségalfsrSœmmering mon-
tre la partie interne. Cette coupe, que
personne n'avait faite avant lui, per-
met de saisir en un instant les rap-
ports des organes du globe oculaire
et leur intéressante distribution. En
1808, Sœmmering mit au jour des
planches in-folio représentantla lan-
gue. Il divise les i)apilles en quatre
classes et indique la distribution des
trois ordres de nerfs de cet important
organe. Ses publications sur les sens
de l'ouïe, du goût el de l'odorat peu-
vent être Considérées comme le com-
plément des ouvrages précédents.
En 1807, l'académie Joséphine de
méilecine et de chirurgie de Vienne
proposa un prix pour la question
suivante : « Quelles sont les maladies
« promptement ou tardivement mor-
' teilesde lavessieetde l'urèthre,ab-
« straetion faite de la lithiase, anx-
« quelles les vieillards sont exposés?
« Quels sont les phénomènes qui ac-
a cumpagnent ces malailies, et com-
« ment peuvent-elles èlre distinguées
« les unes des autres, mais surtout
« des affections calculeuses? » Ce su-
SOE
jet avait (léjîi été proposé en 1806,
mais aucun des mémoires présentés
n'avait été jugé digne d'obtenir le
prix. Sœmmeriiig s'en occupa, et son
travail fut couronné. Il est divisé en
trois parties : 1° maladies de la ves-
sie; 2' de la prostate •, 3° de l'urètre.
Il commença par faire ressortir cette
particularité bien connue de la pré-
dominance de certaines maladies,
selon les âges, et par conséquent de
la fréquence des affections des orga-
nes génito-urinaires cbez les vieil-
lards. Il croit à la dialhèse cancé-
reuse, et, sans nier le squirrhe de la
vessie, il prétend ne l'avoir observé
que conjointement avec celui de
l'utérus •, aussi ne l'a-t-il jamais vu
chez l'homme. Cependant deux cas
de cette funeste mai.idie ont été ob-
servés chez l'homme. Le premier a
été l'objet de l'attention particulière
de Desault. Le cancer prenait nais-
sance près du col de la vessie et
présentait le volume des deux poings.
Chopart cite un fait à peu près ana-
logue dans son Traité des voies uri-
naires^ tome II, page 160. Sœmme-
ring considère la cystiie comme étant
souvent symptomatique d'une affec-
tion goutteuse, et s'étonne que Bar-
thez, dans l'ouvrage qu'il publia en
1802 sur les -maladies goutteuses,
ne parle pas des inflammations de la
vessie. 11 croit au virus gontleux et
à la gangrène de la vessie dont mou-
rut Bailliez. La syniplomatologie est
très-bien faite ; quant au diagnostic
diiréreuliel, il est, dans ceit;iins cas,
tonl-à-fait in.suflisant. Ainsi Sœmme-
ring dit que le catarrhe de la vessie
se distingue du diabètes» par l'ab-
« sence de l'odeur mielleuse qui se
« remarque dans celui-ci, par une
« émacialion beaucoup moindre du
« corps ; parce (lue la faim et la soif
« ne sont pas à beaucoup près aussi
SOE
385
« remarquable';. » (Page 36.) On est
plus précis de nos jours. Grâce aux
ressources de la chimie, on trouve le
sucre dans l'urine des diabètes, on
indique sa nature et ses justes pro-
portions. Mettant à profit les idées
d'Hoffmann, il trace une bonne défi-
nition de ce qu'on doit entendre par
spasme de la ve.ssie, et le distingue
avec netteté de la cystite; compa-
rant ensuite les deux méthodes de
ponction hypogastrique et recto-vé-
sicale, il donne la préférence à la
première, parce qu'il craint, en pra-
tiquant la méthode recto-vésicale, de
blesser la prostate, les vésicules sé-
minales, le péritoine, et d'établir
une fistule recto-vésicale ; ce n'est
pas sans succès qu'il combat l'opi-
nion de Murray contraire à la sienne.
L'ouvrage se termine par des consi-
dérations sur les rétrécissements de
l'urèthre qui ne sont pas sans intérêt.
L'auteur regarde la blennorrhagie
cordée comme la cause presque con-
stante des rétrécissements dans l'en-
droit du canal où a lieu la courbure.
« Quoique, dit-il, je n'aie jamais
« rencontré d'ulcération sur l'urè-
« thre des sujets qui étaient morls
« avec des blennorrhagies, la usa-
« nière dont plusieurs malades me
« décrivaient ce qu'ils éprouvaient
« dans ce canal me porterait à croire
a qu'il y existait quelques petits ul-
« cères. • Ne serait-il pas permis de
penser, en lisant ces lignes, que
Sœ.nmering avait entrevu sans le
savoir le chancre de l'urètre que M.
Ricord devait plus tard annoncer
comme un fait certain? Cette ques-
tion, qui a tant agité dans ces der-
nières années le monle savant, mé-
rite une attention particulière, puis-
que l'on base la virulence ou l'inno-
cuité de la blennorrhagie sur la
présence ou l'absence d'un chancre
336
SOE
(Lins le canal, et que M. Ricord re-
fn«e absolument une origine syphi-
litique à foute blennorrliagie simple,
c'psl-à-dire sans la complication du
chancre, du virus proprement dit.
Sœmmering nie que les injections
astringentes soient la cause des ré-
trécissements de l'urèthre-, il rejette
dans cette maladie la cautérisation
par l'azotate d'argent proposée par
Hunter, montre une prédilection bien
marquée pour les bougies, et regarde
comme un adjuvant précieux les fric-
tions merciirielles sur le lieu du ré-
trécissement, même quand ou ne
pourrait pas attribuer à la maladie
une origine syphilitique. On voit,
dans son Traité des maladies de la
vessie et de l'urèthre, que. Sœmmn'm^
avilit immensément lu, car son ou-
vrage est rempli d'érudition. Son
principal mérite est la bonne expo-
sition, la saine méthode avec laquelle
tout s'enchaîne et se déduit, l'auto-
rité des auteurs dent il parle, les
observations qu'il rapporte, et la
science anatomique répandue k
chaque p;ige de cet écrit. Cependant
les années s'étaient écoulées; les
événements politiquesqui avaient en-
sanglanté l'Allemagne commençaient
à s'oublier dans le calme de la paix
européenne. Sœmmering était resté
jusqu'en 1820 à Munich; sa femme
venait de mourir, et il avait hâte de
quitter cette ville où il avait été si
heureux. La perte de sa digne épouse
l'attrista profundément, car elle par-
tageait sa passion pour l'étude, et de-
puis son mariage elle s'était toujours
beaucoup occupée de ladirection des
différentes publications de son époux.
Sœmmering se rendit à Francfort
dans sa l'umille, puis à Haag auprès
du grand anatomiste Pierre Camper.
Quelque temps après il s'embarqua
pour l'Angleterre, iit la connaissance
SOE
des deux Hunter, alla à Éilimbonrg
et y resta une année. Il exerça la mé-
decine dans cette ville, et s'occupa
d'une manière spéciale de recherches
sur les animaux fossiles, sur la phy-
sique et la chimie. Il quitta Edim-
bourg et revint eu Allemagne; mais,
ne pouvant cesser de travailler, il en-
tretenait une correspondance avec
les i)rincipaux savants de lEurope.
Dans une lettre que M. Larrey fils a
bien voulu nous communiquer et que
Sœmmering écrivait en 1822 au ba-
ron Larrey, son illustre ami, le grand
chirurgien allemand fait mention des
changements pathologiques que peu-
vent éprouver les os du crâne. Ces
faits sont en rapport avec ceux qu'a
publiés le grand chirurgien fran-
çais. Sœmmering insiste sur le res-
serrement, le rapprochement des os
du crâne, après les pertes de sub-
stance. Voici comme il s'exprime:
a L'accroissement morbilique du crà-
« ne, occasioné par une circulation
«ai/norme« anormale,» entretenu par
• une inflammation chronique, ou, si
a on veut, par une congestion du sang
. vers la tète, produit 1° ramollisse-
• meut, 2° une exténuation » atnin-
«cissement, « 3° une expansion en
«largeur périphérique des os du crâne
• disproportionnée à leur épaisseur
« et excédant la largeur ordinaire de
« ces mêmes os. L'accroissement na-
. turel du crâne, au contraire, ac-
« compagne d'une circulation régii-
« lière, naturellement accélérée ou
« ralentie selon les circonstances, et
« en un mot saine, produit 1° l'in-
• duration ou fermeté, 2° l'ép.iissenr
« en quelques endroits plus aiigmen-
« tée que dans les autres, 3° l'ex-
« pausion en largeur des os du crâne
« proportionnée à la largeur des os
« de la face. » Quelle belle appré-
ciation de la différence de circiilalion
SOE
SOE
337
et de son influence ne'cessaire, soit
que l'on considère celte circulation
à l'état pathologique ou à l'élat nor-
mal ! Qtii ne reconnaît immédiate-
ment dans les résultats de la circu-
lation anormale indiquée par Sœni-
niering, à propos des os du crâne,
l'affreuse affection désignée sous le
îiom d'hydrocéphilie, et dans la-
quelle les os s'élargissent d'une ma-
nière irrégulière, comme au hasard et
sans rapport avec les os de la face!
Croirait-on qiieSœmmering est l'in-
venteur du télégraphe électrique?
Voici cependant ce qu'en dit l'illus-
Ire Larreydans le tome 1", page 36,
de sa Clinique chirurgicale : « Ce
" télégraphe, qu(^ j'avais reçu à mon
« passage à Munich, des mains mê-
« mes de l'auteur, fut présenté à
" l'Institut de France au cou)mence-
" meut de l'année 1810 5 mais cette
' académie n'ayant pas porté de ju-
« gemcnt sur cet instrument, je le
« renvoyai à son inventeur, ayant eu
« néanmoins la précaution de le faire
« dessiucr. » Larrey compare avec
justesse le télégraphe électrique de
Sœmmering aux iiiets nerveux de la
vie de relation, chargés de transmet-
Ire dans toutes les parties du corps
les ordres du moi. Ce phénomène
vital aurait lieu au moyen d'uu lluide
appelé nerveux, et dont les nerfs
seraient les conducteurs. « Nousal-
- Ions d'abord, continue Larrey,
- décrire le plus brièvement possi-
« ble cet instrument, et nous passe-
« rons ensuite au parallèle que nous
• en avons fait avec l'origine, la
« marche et la distribution des uei fs
• (le la vie de relation. Un nombre
« déterminé de liis métalliques (on
• en ouiptc 3j) établit une com-
« municaiion entre les deux princi-
« pales pièces de ce télégraphe, que
« l'on peut distinguer sous les noms
LXXXII.
• d'interrogateur et de répondant.
« On remarque à l'interrogateur une
« série de traverses métalliques, pla-
« cées horizontalement et à des dis-
« tances égales; elles sont en rap-
« port avec des signes particuliers
"(les lettres de l'alphabet). Cha-
« cune de ces traverses offre à l'une
« de ses extrémités une ouverture
« assez grande pour recevoir les che-
•^villes de deux conducteurs électri-
« ques, et une autre inliuiment plus
« petite pour le passage du (il métal-
« lique. Ces fils, séparés d'abord au
« point de leur insertion et isolés
« dans toute leur étendue par un fila-
• ment de soie, sont rapprochés cn-
« suite ou juxta-posés de manière à
« former un cordon commun et si
« serré qu'on le croirait sim[)Ie ou
■ unique. Ces fils sont parallèles ou
« s'entre-croisent dans leur marche,
« et éprouvent des inflexions diver-
« ses. Après avoir parcouru un es-
« pacf- plus ou moins long, ils se sé-
« parent de nouveau, divergent, et
« vont s'anastomoser ou s'articuler
« avec des pointes d'or placées ver-
« ticalement dans un vase de verre
• d'un carré allongé, formant la plus
• grande partie du répondant. Les
« signes que nous avons vus à l'in-
« sertion des fils sont répétés vis-a-vis
« les pointes d'or. Le vase doit être
« plein d'une eau pure et limpide.
« Lorsqu'on transmet le fluide élec-
« trique produit par un électro-mo-
« teur ou la pile de Volfa, au moyen
« des conducteurs provenant des
«deux pôles de cette colonne, le
« fluide électrique parcourt sans obs-
« tacle tout le trajet de chaque fil
« méfallique, et sans passer dans
« ceux qui lui sont contigus, quoi-
« que entrelacés ou entre-croisés les
" uns sur les autres. Ce fluide va se
« rendre dans la pointe d'or corres-
22
338
SOE
< ponJanlc. L'électrique qui émane
« du pôle négatif produit à l'inslant
• dégagement d'hydrogène, et celui
« qui provient du pôle positif dégage
" l'oxygène. Ici ces gaz deviennent
• sensibles par l'accumulatioa des
« bulles aériformes que Ton voit
• ramper sur les pointes d'or et s'é-
• lever en gerbes, sans ntdle inter-
• ruption,jusqu'klasurfacede l'eau,
« où l'on peut les recevoir avec des
a gazomèires; de sorte qu'il est fa-
« cile de déterminer la quantité et la
• nature des gaz dégagés dans un
« espace de temps fixe. Tels sont à
• peu près les principaux résultats
« du télégraphe électrique du doc-
« teur Sœnimering. » Maintenant
TEurope enlière est sillonnée par
(les milliers de comiucteurs élec-
triques. La pensée humaine par-
court les distances avec une vi-
tesse bien supérieure au înouvement
de rotation du globe terrestre, avec
une vitesse qui surpasse l'imagina-
tion. Cette découverte, qui peut ame-
ner dans la suite des résultats incal-
cnlabUs, est sortie du cabinet d'un
médecin d'Allemagne, dont on ne
prononce pas même le nom aujour-
d'hui :
Sic vos non vobis...
Comme la plupart des grandes dé-
couvertes utiles à l'humanité, elle
a été méconnue dès son principe, et
si l'auteur n'avait pas été un grand
médecin, un savant illustre, son nom
serait entièrement oublié. Cependant
si Sœmmering avait pu voir de son
temps la réalisation et l'utilité de son
œuvre, il aurait pu, lui aussi, s'écrier
comme Horace :
Excgi inonumentuin acre perennius.
Chose étonnante! celui de tous ses
ouvrages qui le fit connaître le plus
en France est . uu mémoire qu'il
SŒ
écrivit sur l'usage pernicieux des
corsets, et, comme il arrive souvent
dans notre pays, la mode, cette grande
ordonnatrice des vanités humaines,
contribua plus à sa g'oire que ses
découvertes scientifiques. Il est d'u-
sage en Allemagne de célébrer le 50»
anniversaire du doctorat des méde-
cins distingués par des fêles, des
dédicaces, des ouvrages sur les su-
jets que l'auteur lui-même a traités
avec prédilection. On se réunit et
l'on se rend avec pompe vers la de-
meure de celui qu'on veut ainsi ho-
norer. Cette cérémonie touchante ,
qui avait eu lieu quelques années au-
paravant pour Goethe et Blumem-
bach, se fit encore avec une grande
solennité le 7 avril 1S28, jour du 00'
anniversaire du doctoral en médecine
de Sœmmering. Les savants Dœllin-
ger et Mariius, au nom de l'académie
de Munich; Mekel au nom de celle
de Halle; Bacr et Burdach pour celle
de Kœnigsberg, Tiedmann représen-
tant celle de Heidelberg, offrirent à
Sœmmering une dissertation prépa-
rée pour lui. Plus tard les admira-
teurs de Sœmmering ûrtnt frapper
une médaille en son honneur, et la
ville de Francfort fonda un prix an-
nuel, dit prix de Sœmmering. Le sa-
vant naturaliste Huppel, qui décou-
vrit en Afrique une noiivci.e espèce
d'antilope, lui donna le nom d'An-
tilope Sœmmeringié. Sœmmering
était membre de dix académies et de
vingt-cinq sociétés savantes; il ter-
minait sa vie dans rintimité des
grands hommes, particulièrement de
Gœthe et Cuvier. Sœmmering est un
de CCS hommes dont raulorité médi-
cale domine en Allemagne, ce pays
de consciencieux travaux et de la-
borieuses recherches. Contemporain
de Camper en Hollande, de Mekel en
Prusse, de Scarpa en Italie, il diri-
SOE
gea surtout ses travaux vers lose'fii-
des anatomiques ; coinnie le (hinir-
gion de Pavie el presque à la même
e'poqiie, il allait mourir au terme
d'une longue carrière vouée tout
entière au culte de la science, et après
avoir mis la dernière main à ses tra-
vaux. Il se prit dans sa vieillesse
d'une vraie passion pour l'astrono-
mie, au point de consacrer plusieurs
heures par jour à l'étude des mou-
vements des astres. Il observait avec
une sorte de prédilection les taches
qu'on remarque sur le soleil, et sem-
blait vouloir ainsi diriger ses der-
nières pensées vers ce ciel d'où
viennent l'intelligence ei le génie.
Pressentant pour ainsi dire sa fin
prochaine, il dit à un de ses amis :
« Bientôt je ne pourrai plus regarder
le soleil 5 » paroles pleines de mélan-
colie et de regrets, et qui laissent
entrevoir les mystérieuses inquiétu-
des de l'homme près de mourir;
adieux touchants du médecin qui voit
arriver le moment de quitter pour
toujours cette belle nature qu'il a
tant aimée. Sœmmering s'éleigriit à
Francfort, le 2 mars 1830. Parmi ses
nondireux ouvrages, écrits tant en
lalin qu'en allemand, nous citerons:
I. Dissertatio de basi cncephali et
originibus nervorum, cranio egre-
d/e»(/ium, Gœltingue, 1778,in-4o. 11.
Programma de cognilionis subtUio-
ris systematis lymphatici in medi-
cina usu, Cassei, 1779. in-4**. lîl.
Traité de la différence physique en-
tre le nègre et l'Européen (en alle-
mand), iMiiyence, 1784, Francfort,
1785, in 8°. IV. Dissertatio de la-
pillis velprope^vel intra glandulam
pinealem sîtis^ site de accrvulo ce-
rebri^ Mayence, 1785, in-4«. V. Dis-
sertatio de decussatione nervorum
opticorum, Mayence, 1786, in-8°. VI.
Diss. de perlurbatione critica et
SOE
3S9
crisi, Mayence, 1786, in-80. VII. De
l'effet nuisible des corsets (en alle-
mand), Leipzig, 1788; ibid., 1793^
in-8°, VIII. Figures et description
de quelques monstres qui se trouvent
au théâtre anatomique de Cassei,
actuellement à Marbourg (en ail.),
Mayence, 1791, in-i". IX. Program-
ma de curatione calculi, Mayence,
1791, in-4". X. De la structure du
corps humain (en allemand), trad.
en latin par l'auteur lui-même, sous
ce titre : De corporis humani fabri-
ca, Francfort, 1794-1801, 6vol. in-8°,
ouvrage capital, dont nous avons
donné plus haut l'analyse. XI. De
morbis vasorum absorbentium cor-
poris humani, Francfort, 1795, in-
8'. XII. Sur le supplice de la guillo-
tine^ Leipzig, 1796. Celle disserta-
tion, écrite en français eu forme de
lettre adressée à M. Œlsner {voy. ce
nom, LXXVI, 40), parut d'abord
dans le Moniteur du 9 nov. 1795, et
dans le Magasin encyclopédique,
t. III, ann. 1795. L'auteur, comme
nous l'avons déjà dit, soutient que
la pensée et le sentiment subsistent
encore dans la tête après la décapi-
tation, opinion partagée par le pro-
fesseur Jean-Joseph Sue, et qui a été
combattue pur Cabanis et Jean Se-
dillot {voy. ces noms, VI, 431, et
LXXXII, 15). XIII. De l'organe de
l'âme (en allemand), Kœnigsberg,
1796, in-4", avec planches. XIV. l>e
la cause et du traitement des hernies
ombilicales et inguinales (en alle-
mand), Francfort, 1797, in-8°. Sœm-
mering rédigea cet écrit d'après un
programme de la société de Gcettin-
gue. Ce qu'il dit sur les effets des
culottes hautes et des boissons chau-
des, comme le café, etc., trouva des
contradicteurs. Un anonyme publia
à Reutlingeu, en 1797, une critique
inconvenante de ce mémoire; mais
22.
340
SOE
elle est tombée dans i'oubli. XV. ï'a-
bula sceleti feminitii, jnncta des-
criplione^' Francfoil, 1797, iii-fol.
XVI. Icônes embryonum humano-
rum, Francl'ort, 1798, in-fol. XVIF,
Tabulœ baseos encephali, Francfort,
1799, in-fol. XV! 11. Icônes hernia-
rum, Francfort, 1801, in loi. XIX.
Icônes oculihumani, Francfort, 1804,
in-fol.; trad. en français, par A.- P.
Demouis,sons le titre de Description
figurée de l'œil humain, Paris, 1818,
in-4°, avec lig- Celte traduclion a
aussi été imprimée à la suite du
Traité des maladies des yeux de
Demours {voy. ce nom, LXîl, 325).
XX. Icônes organi auditûs humani,
Berlin, 1806, in-fol.; tr.id. en fran-
çais, par le docteur Rivaillé, sous ce
titre : Iconologie de l'organe de
TouVe, Paris, 1825, in-8'', avec planch.
XXI. Icônes organorwn humancrum
olfactûs; Icônes organorum huma-
norum gustûs et vocis, 1808. Les
cinq derniers écrits de Sœmmering
que nous venons de citer ont été
réunis et publiés en allemand par
l'auteur lui-niéine, sous le titre de
Figures des organes des sens, Berlin,
1809, in-fol. XXII. Traité des mala-
dies de la vessie et de l'urètre, con-
sidérées particulièrement chez les
vieillards, Francfort, 1809, in-io;
ibid., 1822, iii-8o. Cet ouvrage, cou-
ronné par Facadémie Joséphine de
Vienne, a été traduit en français, sur
la secoiule édition allemande, avec
des notes, par M. Hollard, Paris,
1824, in-8". — Sœmmering a laissé
un fils, Guillaume, qui s'est distin-
gué aussi dans la science anatomi-
que. On lui doit un écrit important,
intitulé: De oculormn hominis ani-
maliumque seclione horizonlali ,
1819, in-fol. L-D— É.
SOENS (Jean ou Hans), peintre,
né à Bar-le-Duc, en 1547, vint fort
SOF
jeune h Anvers, où il reçut les leçons
successives de Jacques de Bnan cl de
Mostacrt. C'est à acquérir la manière
de ce dernier qu'il s'appliqua parti-
culièrement ; elle perce dans tous ses
ouvrages, mais cette imitation n'a
point nui, chez lui, à l'originalité, et
il est mis au rang des premiers pein-
tres de la Flandre. Ses premiers ou-
vrages furent estimés à l'égal de ceux
des plus grands maîtres. H peignait
avec la même perfection en grand et
en petit 5 cependant on préfère les
petits tableaux qu'il a peints sur
cuivre et qui sont du plus beau fini.
Le désir de voir Rome le conduisit
en Italie. Ses productions y obtin-
rent la même vogue que dans son
pays, et il fut employé au palais du
pape pour peindre dans les frises de
très-grands paysages à fresque, où il
montra une exécution prompte, har-
die et pleine de feu, une entente de
la couleur et de la perspective aé-
rienne qui lui (irent le plus grand
honneur, et qui effacent toutes les
peintures du même genre qui se trou-
vent placées à côté des siennes. Le
grand-duc de Parme, Ranuccio, qui
rassemblait à sa cour les artistes les
plus célèbres de son temps, tels que
Leonello Spada, le Schedone et sur-
tout les Carraches, crut devoir leur
adjoindre Soens et le chargea de
plusieurs travaux dans lesquels il se
montra aussi habile peintre de li-
gures que de paysage. On ne peut rien
voir en effet de plus spirituel et de
mieux touché que les petites figures
dont ses tableaux sont ornés. Cet
artiste travaillait encore à Parme
en 1607. P—s.
SOFIA (Nicolas di Sama) , fa-
meux médecin , né k Padoue d'une
famille noble qui se prétendait ori-
ginaire de Constantinoi)le, étudia
sons Pierre d'Abano, auquel il suc-
SOF
SOF
Ut
céda en 1311, et il occupa sa chaire
dans l'iiniversilé de Parloiie jus-
qu'en 1350, année de sa mort. Les
écrivains italiens parientde plusieurs
ouvrages qu'il laissa manuscrits et
qui n'ont jamais été. imprimés. Ce-
pendant il est pliilôt connu comme
le chef d'une famille qui s'est dis-
tinguée dans la médecine pendant le
XIV« et le XV siècle.— Sofia {Mar-
silio di Santa)^ fils du précéilent, né
à Padoue, fut surnommé le divin et
le prince de la médecine. 11 professa
d'abord la logique et ensuite la mé-
decine dans sa patrie, depuis 1370
jusqu'en 1380. Appelé à remplir la
même chaire à Bologne, il y pro-
fessa encore avec distinction jusqu'à
sa mort, arrivée eu H03. Il fut en-
terré dans l'église de SaiiitP'rançois,
où l'on mit une lojigue épitaphe sur
£a tombe. Sa réputation était si
grande qu'on ne craignait pas de le
comparer à Pierre d'Abano, honneur
qu'il semble avoir mérité. H a laissé
plusieurs ouvrages de thérapeutique,
entre autres un Traité sur la fièvre,
Venise, 1514; Lyon, 1517. — Sofia
(Jean di Santa), frère aîné du pré-
cédent, se distingua aussi dans la
médecine, quoiiju'il n'atteignît pas à
la haute réputation de Marsilio. II
mourut à Padoue vers 1410; on
l'enterra dans le tombeau de ses
pères, et l'on plaça également sur sa
tombe ime magnilique épitaphe en
vers latins. On lui doit un Traité
pratique de médecine, divisé en 180
chnpilres. 11 existait à cette époque
un autre médecin célèbre qui portait
le même nom, Galeazzo di Santa
Sofia. On croit qu'il était frère des
précédents ; les doutes que l'on a sur
cette parenté proviennent de ce qu'il
passa très-jeune k runiversilc de
Vienne, où il professa la médecine
pendant plusieurs années, et où il fut
attaché à la famille des archiducs
d'Autriche avec de très-forts ap-
pointements. Dtns sa vieillesse il
revint dans sa patrie et il professa
encore la médecine conjointement
avec Jacopo de Forli.On ignore l'an-
née de sa mort; on sait seulement
qu'il fnt enterré dans l'église des
Augnstins. 11 a laissé un Traité sur
les fièvres, Venise, 1514, Haguc-
neaii, 1533, qui pourrait bien n'être
que celui de Marsilio; car la pre-
mière date est la même pour ces
deux ouvrages, qui portent le même
nom d'auteur et qiii traitent de la
même matière. Les fils de Jean et
(le Marsilio soutinrent dans le siè-
cle suivant la réputation qu'avaient
acqinse leurs parents. — Sofia (fiar-
ihélemi di Santa), iils de Jenn, fut
professeur de philosophie et île mé-
decine, et passa pour un des pre-
miers médecins de sou temps; il
mourut vers 1448 et fut enterré dans
le tombeau de ses ancêtres. On lui
doit: I. De sulphure et nitro. 11. De
qualitate et indicatione excremen-
torum, et d'autres ouvrages moins
estimés, même dansMe temps où ils
parurent. — Sofia {Guillaume et
Daniel di Santa ), tous deux fils de
Marsilio. Le premier fnt dès sa jeu-
nesse nommé médecin de l'empereur
Sigismond ; il vécut toute sa vie à
la cour et y mourut on ne sait en
quelle année. Le second remplaça
son père dans la chaire de médecine
à Bologne et fut médecin des pnpes
Alexandre V et Jean XXIII, qui
riiouorcrent d'une distinction toute
pai ticulière. On connaît encore un
écrivain napolitain qui porta le nom
de Sofia {Pierre-Antoine), ei pu-
blia dans le XVl*^ siècle un ouvrage
intitulé: // regno di Napoli divisa
in 12 provincie con descrizione délie
cose piii notabili. Oz — m.
342
SOG
SOGLIAXI (Jean-Antoine), pein-
tre florentin, fut élève de Lorenzo di
Credi, avec lequel il demeura 24 ans
et qu'il parvint à surpasser en ori-
ginalité. A l'exemple de son maître
il ne chercha point, comme ses con-
temporains , à travailler heaucoup ;
il s'efforça de faire mieux qu'eux. Il
tenta parfois d'imiter la manière
grande et noble du Porta; mais sou
talent le portait moins vers le gran-
diose de ce peintre que vers le style
simple et aimable de son niiiître. On
peut faire entrer en parallèle avec
lui bien peu d'artistes de son école
pour le naturel de ses nus et de ses
draperies, et pour l'idée de ces airs
de tête honnêtes, faciles, doux et gra-
cieux que Vasari vante particulière-
ment en lui. Il excellait à exprimer
sur la figure de ses saints l'image de
la vertu, et dans ses pécheurs celle
du vice , qualité que Léonard de
Vinci ne possédait pas à un plus haut
degré. C'est ce qui dislingue la pein-
ture qu'il a faite dans l'église du
Dôme de Pise, et dont le sujet est
Caïn et Abel. Le fond représente un
paysage qui suffirait pour faire la
répuiaiion d'un artiste. C'est avec la
même perfection qu'il a peint la fi-
gure et le paysage de Saint Arcadius
sur la croix^ qui a été transporté de
notre temps, de l'église où il se trou-
vait, dans celle de Saint-Laurent de
Florence. Il peignit à Pise, en con-
currence avec Permo del Vaga, le
Mecherini, André del Sarto-, et, si on
lui reproche une exécution un peu
lente, il se fit admirer par cette sim-
plicité et cette élégance qu'il s'atta-
cha précisément à conserver. Dans
quelques-unes de ses compositions,
il se montre un imitateur habile de
Raphaël et, dans d'autres, de Léo-
nard de Vinci. Il eut plusieurs élèves
qui suivirent une manière dilfércnie
SOG
de la sienne, à l'exception du seul
Zanobi de' Poggini de Florence. So-
gliani, qui florisisait en 1530, mourut
à l'âge de 52 ans. P — s.
SOGUAFI (Antoine-Simon), fils
et frère de deux habiles chirurgiens,
naquit à Padoup en 1700. Après avoir
achevé ses premières études chez les
jésuites, il fut reçu bachelier et
passa à Venise, où il se perfectionna
dans la carrière du barreau. Mais un
penchant irrésistible pour le théâtre
interrompit le cours de ses brillants
succès. Il quitta peu à peu les codes,
les digestes et les harangues pour se
rapprocher de ces arts d'imitation
inventés pour le soulagement de l'es-
prit humain. La société fondée à Ve-
nise par les Alexandre Pepoli, les
Jean Pindemonte, les François Al-
bergati , les Jean Greppi et autres
illustres auteurs s'empressa de se
l'associer en le nommant son acadé-
micien honoraire. Depuis lors So-
grali ne songea plus qu'à composer
des comédies qui lui valurent beau-
coup d'honneurs et de louanges. On
contpte parmi elles : Olive et Pascal,
Werther, Laurette de Gonzalès, les
Femmes avocats, l'Américaine de
Nièces, Tom-Jones, la Fête de la
Rose; parmi ses spettacoli, Emma,
Camoëns. Alexandre et Appelle, ei
Hortense, celle de ses pièces qu'il
affectionnait le plus et qu'il a tra-
duite lui-même en latin et publiée
dans les deux langues. Dans le nom-
bre de ses drames destinés à être mis
en umsique ou opéras, on remarque
les Horaces et les Curiaces, et les
Danatdes romaines. 11 n'y a per-
sonne qui ne connaisse le premier
de ces deux ouvrages, immortalisé
par le divin Cimarosa. Il est aussi
auteur de plusieurs petites comédies,
en un et en deux actes, appelées
coniniunément farces. Celle qui a
SOG
pour titre le Inconvenienze tealrali
est un clief-d'œuvre en ce genre.
Sografi élait profondément versé
dans l'étude de l'hist-are romaine et
dans la connaissance des usages des
anciens peuples. Il était peut-être
aussi sans égal pour la mise en scène
de ses comédies. Après la chute de
l'antique république , Sografi re-
tourna à Padotie au sèin de sa fa-
mille. C'est là qu'il fit construire,
dans le jiirdin de la maison dont il
était pro[>riétaire, un théâtre cham-
pêtre. On dit que la distribution des
arbres, des statues et des décorations
qui le forniiiient , était telle qu'on
aurait cru, en le voyant, être trans-
porté au Sein de la Grèce. Il composa
à cette occasion une petite comédie,
qui fut représentée plusieurs fois
pendant les soirées de l'été de 1817,
et qui lut honorée d'un concours
extraordinaire de spectateurs. So-
grati était d'un caractère mélanco-
lique et doué d'un cœur tendre et
affectueux. Chéri de ses concitoyens,
il mourut en 1825. La réputation
dont jouit la pièce intitulée Olive et
Pascal est si bien établie, que nous
croyons devoir en dire un mot avant
de terminer cet article. C'est la pre-
mière publiée par notre auteur, qui
en avait déjà écrit plusieurs autres.
Composée expressément pour la
troupe du théâtre de Saint -Jean-
Chrysoslôme, elle fut jouée pour la
première fois, vers la tin de l'automne
de 1794. Le succès qu'elle obtint
noQ-seuKinent à Venise, mais aussi
dans toutes les villes par où passa
cette troupe, justiha pleinement l'at-
tente du public. Elle est restée au
répertoire et on la voit toujours
avec un nouveau plaisir. Le naturel
du style, la vivacité du dialogue, les
jeux continuels de théâtre, l'ont d'O-
iive et Pascal une production très-
SOH
343
remarquable ; le manège adroit et
fin de Méthilde, le principal person-
nage de la pièce , les situations co-
miques auxquelles il donne lieu, la
plaisante équivoque de Columelle, ii
qui Méthilde persuade qu'il est l'ob-
jet du violent amour d'Isabelle et qui
s'abandonne aux projets les plus sé-
duisants avec une confiance très-ori-
ginale, la bonhomie de Pascal , le
frère d'Olive, la naïve fermeté de la
jeune' Isabelle, le sang-froid de Jo-
séphine sont du meilleur comique.
Cette pièce a été traduite en français
par l'auteur de cet article pour la
collection des Chefs-d'œuvre des
tlicdtres étrangers. V— s— i.
SOHET (Dominique), juriscon-
sulte, né le 2 aoiit 1728 à Chooz,
près de Givet, fit ses premières étu-
des au collège des jésuites de Dinant,
et sa philosophie à Louvain. Il se
destinait d'abord à l'état ecclésiasti-
que; mais plus tard il tourna ses
vues du côté de la jurisprudence,
suivit des cours de droit, et prit le
grade de licencié à Douai, puis alla
s'établir à Givet, où il exerça la pro-
fession d'avocat. Les lois, les coutu-
mes de sa province et celles des
pays environnants fixèrent spéciale-
ment son attention et devinrent le
but de ses travaux. En 1790, il fut
nommé juge de paix, et par son es-
prit de conciliation, son équité, sa
droiture, il s'attira l'estime générale
dans l'accompiissement de ses fonc-
tions. Il mourut à Chooz, le 2 mai
181 1, âgé de 83 ans. On a de lui :
Instituts de droit, ou Sommaire de
jurisprudence canonique, civile, féo-
dale et criminelle pour les pays de
Liège, de Luxembotirg et de Namur,
Namur, 1770, 3 vol. in-i"; Bouillon,
1770-72, 5 vol. in-é»; Namur et
Liège, 1770-81, 5 part, en à vol. in-4°.
Cet ouvrage, d'une utilité locale, eut
34 -i
SOR
SOK
beaucoup de succès dans ces divers
pays. C'est un résumé des coutumes
qu'on y suivait et de leurs meilleurs
commentaires. 11 est rempli de re-
ciierches, de détails curieux, et an-
nonce chez l'auteur une vaste lecture
et une connaissance approfondie des
matières qu'il traite. Quoique cette
jurisprudence ait subi de grands
changements depuis l'époque où il
écrivait, son livre peut être consulté
dans certains cas. B — l — u.
SOKOLXICKI (Michel), général
polonais au service de France, était
né, dans le palatinat de Poznanie, le
28 sept 1700. Admis en 1777 à re-
cule militaire de Varsovie, il s'y ap-
pliqua particulièrement à l'étude des
sciences exactes. 11 fut chargé, en
1789, de seconder Jasinski dans l'é-
tablissement de l'école du génie de
^^'lIua, et il en dirigea pendant
quelque temps les travaux. Il reçut
ensuite une mission dans le nord de
l'Allemagne en qualité d'ingénieur
hydrographe, et à son retour, en
1792, il fut envoyé à l'armée de Li-
thuanie, où il remplit successive-
ment les fcmctions de commandant
militaire, de conducteur des travaux
et d'ingénieur. En moins de cinq
jours, il jeta sur le Niémen un ])ont
de radeaux, construit en forme d'arc
flottant, qu'on put enlever en quel-
ques heures, sans en laisser trace,
après avoir livré passage à l'armée
entière avec son artillerie. L'insur-
rection de 1791 le compta parmi ses
plus chauds partisans, et il y déploya
un ardent patriotisme , notamment
dans la Grande-Pologne, où il forma
un régiment de chasseurs, dont Kos-
ciusko lui donna le commandement
qu'il échangea bientôt contre celui
d'une légion de 0,000 hommes, des-
tinée à former l'avant-garde de Dom-
browski dans la Prusse occidentale.
Sokolnicki, à la tète de ce petit
corps, fit des prodiges de valeur, et
le grade de général-major en fut la
récompense. Les armes polonaises
ayant succombé, il partagea le sort de
Zakrewski, président du grand-con-
seil, son parent et son ami, et resta
détenu avec lui à Saint-Pétersbourg,
jusqu'à l'avènement de Paul I", qui
rendit la liberté aux prisonniers po-
lonais. 11 vint alors à Paris, et pro-
posa au Directoire la formation, sur
le Rhin, d'un bureau de recrutement
pour les logions polonaises au service
de la république cisalpine. Il alla en-
suite rejoindre en Italie, avec le
grade de colonel, ses compatriotes
qui combattaient dans les rangs de
l'armée française; comme eux tous,
il s'y montra bon et brave soldat.
Dans les campagnes de 1800 et 1801,
en Allemagne, il commanda l'infan-
terie de la légion polonaise, et fut
chef d'état-major du général Knia-
ziewicz, qui eut tant de part dans la
victoire de Huhenlinden. Le premier
consul ayant désigné ce corps, passé
au service de France, pour faire par-
tie de l'armée de Saint-Domingue,
Sokolnicki concourut de tous ses ef-
forts à calmer les murmures que cet
ordre suscita parmi ses soldats et par-
vint non sans peine à les décider à s'y
conformer. Au retour de celte fatale
expédition, il reçut le grade de géné-
ral de brigade, et fit les campagnes de
1806 et 1807. Dans celle de 1809, il
prit d'assaut la ville de Sandomir, et
y soutint un siège pendant plusieurs
semaines contre des forces supérieu-
res. Après l'évacuation de la Gallicie
par les Autrichiens, Napoléon le
nornnn gouverneur de Cracovie, puis
générai de division. Pendant la cam-
pagne de Russie, il fut attaché au
quarlicr-général, et adhéra, le 14 juil-
let, à la confédération de Wilna. En
SOK
1813, il eut le commandement de la
7" division de cavalerie légère polo-
naise sous les ordres du prince Po-
niatowski. Rentré en France avec
l'armée en 1814, on le vit combattre
jusqu'au dernier moment, et ce fui k
lui que les élèves de l'École polytech-
nique, ne pouvant plus tenir les re-
tranchements qu'ils défendaient, sous
les murs de Paris, à la butte Saint-
Chaumont, durent leur salut. Cette
même année, Sokolnicki retourna
dans sa patrie, et accompagna à Var-
sovie le corps de Poniatowski re-
trouvé dans l'EIster. Il était encore
en activité lorsqu'il mourut, le 23
sept. 1816, d'une chute de cheval.
On lui doit diverses publications
scientifiques : I. Notice historique
sur le canal de Richemont, exécuté
en Pologne en 1780, Paris, an XII
(1804), in-4° avec fig., lue à la So-
ciété d'encouragement en 1804; ré-
imprimée en 1812 à la suite de la
lettre à M. le sénateur Fossombroni.
H. Lettre {du 11 août 1811) au sé-
nateur Fossombroni sur une trombe
hydraulique propre à Vépuisement
des grands marais^ Paris, 1811,
in-4'' avec fig. III. Lettres sur quel-
ques points de Vhydrodynamique^
Paris, 1811, in-4°. IV. Lettre sur un
pont exécuté à Grodno sur le Nié-
men en (mai) 1792 (insérée dans le
Journal militaire de Milan et dans
le n» 200 de la Bibliothèque britan-
nique), in-4% fig. Ces quatre opus-
cules ont été réunis et réimprimés
en un vol. in 4°, Paris, 1811. V. Let-
tre à M. le sénateur Fossombroni^
relativement au dessèchement des
Marais-Pontins, 1812, in-i" avec
2 pi. VI. Discours prononcé lors du
service célébré dans l'église de Bon-
Secours de Nancy, en l'honneur de
Stanislas, par les cadres des armées
polonaises, le 11 juin 18H, Nancy,
SOL
345
1814, in-4». VII. Recherches sur les
lieux où périt Yarus avec ses lé-
gions, Paris, in-S^*. VIII. Coup d'œil
sur le canton d'Elberfeld dans le
grand-duché de Bcrg^ 1814, in-8°
(inséré dans les ^«na/es des voyages,
t. XV, p. 214). On lui attribue l'ou-
vrage suivant, publié sous le voile
de l'anonyme : Journal historique
des opérations militaires de la 7« di-
vision de cavalerie légère polonaise,
faisant partie du 4" corps de la cava-
lerie de réserve, sous les ordres de
M. le général de division Sokolnicki,
depuis la reprise des hostilités au
mois d'août 1813, jusqu'au passage
du Rhin au mois de novembre de la
même année, rédigé sur les minutes
autographes, par un témoin ocu-
laire, Paris, 1814, in-8°. C— H— N.
SOLANO (don Francisco), mar-
quis del Scorro de la Solann; né en
1770 de l'une des plus anciennes et
des pins illustres familles de la Pé-
ninsule ibérique, fut, dès sajeunes.'^e,
voué à la profession des armes, et fit,
avec distinction, sous les ordres du
comte de la Union, les campagnes de
1793, 1794 et 1795 contre la France
révolutionnaire. Il était parvenu au
grade de colonel et destiné au plus
brillant avenir lorsque la paix de
Bàle vint le contraindre au repos.
Devenu admirateur enthousiaste des
Français après les avoir long-temps
combattus, il demanda à son souve-
rain la permission d'aller achever
parmi eux son éducation militaire,
et se rendit à l'armée du Rhin que
commandait Morcau. Il fit sous ses
ordres, comme simple volontaire, les
brillantes campagnes de 179G, 1797,
et ne revint dans sa patrie qu'après
la disgrâce de ce général qui suivit
la journée du 18 friictidor(septembre
1797). Très-uien accueilli par son
souverain, quoicju'on le considérât
346
SOL
dès lors comme imbu de quelques
opinions révolutionnaires, il parvint
bientôt au grade de lieutenant-géné-
ral et fut ni'Uiiné cipitaine-général
de l'Aufialousie, puis gouverut-ur de
Cadix. S'étant trouvé dans cette place
lorsque Mureau y passa en 1804,
après sa condamnation, pour se ren-
dre en Amérique, il raccueillil avec
beaucoup d'empressement. Dans tou-
tes les occasions il montra ainsi
une grande sympathie pour les mi-
litaires français; mais ce qui prouve
qu'en cela il n'y avait que de la no-
blesse et de la générosité, c'est que
l'année suivante il se montra égale-
ment généreux envers les Anglais,
dont la flotte, après la victoire de
Tr..falgar, fut battue par une hor-
rible lempêle en face de Cadix.
Aussitôt Solano envoya un aviso à
l'amiral anglais, pour lui faire dire
que ses blt-ssés devant avoir beau-
coup à souffrir de l'agitation de la
mer, il i»ftVait de les recevoir dans
sus hôpitaux, où l'on en aurait autant
de soin que des soldats espagnols.
Cette proposition ne fut pas accep-
tée, mais elle prouve à quel point le
brave Solano portail la générosité.
Il était dans la même position en
1808, lorsque l'invasion de Bonaparte
causa dans toutes les parties de l'Es-
pagne une si subite explosion. Les
habitants de Cadix ne furent pas
les moins ardents ni les moins
prnmpts à se soulever, et ies pre-
mières émeutes se dirigèrent contre
le marquis de Solano, qui, à cause
des témoignages d'affection qu'il
avait donnés aux Français, fut soup-
çonné d'inlelligence avec eux. Ce-
pendant il restait parfaitement sou-
mis aux ordres de son souverain
Charles IV, et c'était afin d'assurer
son départ pour l'Amérique qu'il
avait quille Séville pour se rendre
SOL
à Cadix. Ne reconnaissant d'autre
maître que son roi, il ne pouvait
concevoir qu'une assemblée sponta-
nément réunie et dont il connaissait
et méprisait quelques membres pût
ainsi usurper le pouvoir. Il convoqua
tous les généraux qui se trouvaient
à Cadix, et publia, d'après leur avis,
une proclamation rédigie par lé gé-
néral Morla et dans laquelle, après
avoir dit combien une guerre contre
la France était périlleuse, il déclarait
que, si cependant le peuple se décidait
à la faire, il fallait se préparer à
de grands sacrifices; et il ajouta:
■ qu'il en résulterait la plus funeste
a désorganisation, que l'escadre an-
« glaise qui était en vue pourrait en
• profiter afin de s'emparer de Ca-
• dix \ que ces réflexions étaient
. adressées au peuple par onze gé-
« néraux, pour qu'il prononçât sur
« ce qu'il était convenable de faire
a et n'accusât personne de l'avoir
« trompé ; qu'en ce cas tous ces gé-
« néraux étaient prêts, et qu'ils ne
« déposeraient les armes que par ses
<■ ordres... » il était difficile de mon-
trer plus de soumission aux volontés
d'une méprisable populace; mais on
sait assez que de pareilles conces-
sions ne firent jamais que l'encoura-
ger dans ses excès, et qu'elles eurent
toujours les plus déplorables résul-
tats. Excitée par des brouillons
ambitieux, cette populace se porta
à la demeure du consul de France,
qu'elle démolit entièrement à la
manière anglaise, puis elle alla en-
core une fois menacer celle du
gouverneur; elle y amena même de
l'artillerie et fit plusieurs décharges
contre la troupe qui resta impas-
sible. Toujours brave et fidèle à ses
devoirs, Solano fil bonne contenance,
et plusieurs fois il parut sur son bal-
con haranguant la^ multitude avec
SOL
SOL
347
beaucoup de courage et de présence
d'esprit. Mais ce fut en vain, la fu-
reur et ravengiement augmentèrent
par la résistance. Enfin le palais fut
envaiii, et le gouverneur, obligé de
prendre la fuite, fut alteint p;ir ces
furieux qui l'égorgèrenliinpitoyablp-
mcnt. Ainsi périt l'un des chefs les
plus distingués des armées de l'Es-
pagne. Il fut la première victime de
cette guerre, de ces révolulions qui
devaient être si longue^, si funestes
pour la France comme pour l'Es-
pagne ! M — D j.
SOLARI (Benoit), né à Gènes en
1742, lit profession dans l'ordre des
dominicains, et, après y avoir en-
seigné la théologie pendant plusieurs
années, il fut élevé, en 1778, sur le
siège épiscopal de Noii. Il publia à
Gênes, en 1789, une dissertation la-
tine, dans laquelle il soutient, con-
Irairemenf à l'opinion ordinaire des
théologiens, que le mariage contracté
entre des infidèles n'est pas rompu
lor-sque l'un des époux reçoit If bap-
tême. Partisan des innovations reli-
gieuses que le grand-duc Léopold
tentait d'introduire en Toscane, So-
lari dénonça au sénat de Gênes, le 8
octobre 1794, la bulle de Pie VF, Auc-
torem fidei, qui condamnait les actes
du synode de Pistoie {voy. Ricci (Sci-
pion), XXXVn, 523), et rédigea un
mémoire contre cette bulle. Lorsque
le gouvernement aristocratique fut
renversé à Gêties, en 1797, il donna
plusieurs mandements en faveur de
cette révolution, et fut nommé mem-
brede lacommission législative. Dans
le même temps il fit paraître une
lettre à l'avocat Giusti, où il défend
les principes des jatiséuisles. On
pense bien qu'il approuva la consti-
tution civile du clergé, décrétée, en
1790, par TAssemblée nationale de
France. Plus tard même (1798) il si-
gna, avec l'abbé Eustache Degola
ivoy. ce nom, I.XII, 225), et quel-
ques autres ecclésiastiques italiens,
une lettre d'adhésion à l'ancien cler-
gé constitutionnel français. Solari
fut invité k venir à Paris pour assis-
ter au second concile dit national,
qui devait s'ouvrir dans cette ville
au mois de juin 1801 ; mais il s'ex-
cusa, par sa réponse du 23 mai, de
ne pouvoir s'y rendre. Le cardinal
Geidd {voy. ce nom, XVII, 195),
ayant composé en italien un Exa-
men des motifs de l'opposition de
l'évêque de Noli à la publication de
la bulle Auctorem fidei, et des Ob-
servations sur la réponse de cet
évêque aux constitutionnels, qui fu-
rent imprimés de 1800 à 1802, Solari
publia, aussi en italien, une Apologie
de ses principes et de sa conduite.
L'abbé Désola, son ami, en a donné
une analyse, en français, sous ce ti-
tre : L'ancien clergé constitutionnel
jugé par un évêque d^ Italie; abrégé
analytique de t'Apologie du savant
évêque de Noli en Ligurie, avec des
notes historiques et critiques, Lau-
sanne, 1804, in-8''. Solari mourut le
13 avril 1814. F— rt.
SOLDO (Christophe de), chroni-
queur italien du XV® siècle, était né
k Brescia d'une noble famille. On n'a
d'autres détails sur sa vie que ceux
qu'il donne lui-même dans l'ouvrage
dont il est auteur. Il nous apprend
qu'il avait embrassé la profession des
armes, et qu'en 1438 il commandait
un corps de troupes qui veillaient k
lasûretéetkla défense de sa vil le na-
tale. Efi 1447 il posa, avec révê(|ue
de Brescia, la première pierre d'un
hôpital. En 1453, ses concitoyens
l'adjoignirent à sept notables char-
gés de fortifier la ville menacée d'un
siège et, en 1466, le sénat de Venise
ayant ordonné qu'elle serait envi-
348
SOL
ronnc'e de nouvelles murailles, Soido
fut pre'posé à leur garde et à leur
conservation. On ignore l'epoque^le
sa mort. La chronique qu'il a laissée
offre l'histoire anecdotique abrégée
de Brescia et de toute la province
pendant un intervalle de plus de
trente années. Elle commence en
septeuihre 1437 et finit en octobre
1408. Le dernier événement qu'elle
enregistre, et qu'elle place au 19 de
ce mois, est la mort de Blanche Vis-
cnnti (1), veuve de François Sforza,
duc de Milan. Dans le 2l« vol. de ses
Scriptores 1-erum italicarum, le sa-
vant Muratori a publié cette chroni-
que curieu.^e et fort estimée. On en
conserve à la Bibliothèque nationale
un manuscrit que Ton croit du siècle
de l'auteur, et sur lequel une main
contemporaine a écrit ce titre: Cro-
nica veridica exposta per Christo-
falo da Soldo citadino de Dressa.
Déjà signalé en quelques mots, mais
peu exactement, par le P. de Mont-
faucon, ce beau manuscrit de 180
pages grand in-4", en caractères
ronds, avec une miniature, etc., a
été soigneusement décrit par le doc-
teur Ant. Marsand (voy. Manoscritti
italiani, 1, 416). \.t Dictionnaire de
Moréri, dern. édit., au mot Soldi, a
consacré au chroniqueur de Brescia
un article dont nous avons fait usage
pour la rédaction de celui-ci.
B— L— u.
SOLKIMAX el-Kaleby, assassin
du général Kléber, était né en Syrie,
à Alep, où son père exerçait la pro-
fession d'écrivain. Élevé par des
prêtres musulmans dans les idées d'un
fanatisme stupide, il avait fait deux
fois le pèlerinage de Mtidine et de la
([) A l'article de son fils, Galeaz-Marie
Sforza (XLII, 2o8), on ne fait mourir
BloucLe que le a3 octobre.
SOL
Mecque; toutes ses études se bor-
naient à la lecture du Coran. L'expé-
dition des l'rançais en Egypte vint
l'arracher à celte obscure destinée
pour en faire un as.'^assin célèbre. Il
avait à peine 24 ans lorsqu'il commit
ce crime, à l'instigation des muphlis
et des chefs militaires, principale-
ment de l'agha des janissaires, ainsi
qu'il en lit l'aveu dans son interro-
gatoire. Le général en chef Kléber
venait de gagner la bataille d'Hélio-
polis et de réprimer vigoureusement
une révolte au Caire, où il avait fixé
sa résidence, lorsque, le 2.5 prairial
an VIII (1 1 juin 1800), il fut tué par
Soléiman, qui depuis trcnfe-un jours
attendait dans la grande mosquée un
moment favorable pour frapper sa
viciime. Il était venu de Gaza, avec
cct'e idée fixe, en six jours sur un
dromadaire, et voici comment il exé-
cuta son funeste projet. Kléber, après
avoir passé en revue la légion grec-
que dans l'île de Roiidah, s'était
rendu chez le chef d'état-major qui
réuni.ssait à de'jcuiier plusieurs offi-
ciers généraux. Pendant le repas il
se montra fort g;.i, et vers deux
heures il sortit avec l'ingénieur Pro-
tain pour retourner à son palais, où
tous deux devaient examiner quel-
ques réparations. La distance était
Irès-rapprochée, et ils suivaient à pe-
tits pas nue ti-rr.TSse couverte de vi-
gne, dépendant du palais, et dominant
la place El-Bekich, quand un jeune
musulman s'approche du général, le
salue à l'orientale et lui prend la main
pour la porter à ses lèvres. Kléber
s'arrête, attendant qu'il lui parle;
alors Soléii.an tire un poignard re-
courbé de SI ceinture et le plonge
jusfju'à la poignée dans le côté gau-
che du général, qui, s'appuyani sur la
balustrade, s'écrie : • A moi, guides,
je suis assassiné! » Protain s'élance
SOL
SOL
349
sur l'assassin, mais celui-ci le frappe
de plusieurs coups de l'arme san-
glante, s'enfuit rapidement et se
réfugie dans une citerne. Quelques
minutes après, KIcber expirait. On
de'couvrit Soleinian caclié dans le
jardin des bains français, et le poi-
gnard enfoui à ses pieds, dans le
sable. Traduit aussitôt devant une
commission , il nia obstinément ;
mais après avoir subi la baston-
nade, suivant l'usage du pays, i! finit
par re'pondre aux questions qui lui
furent posées et avoua son crime.
Le jugement rendu séance tenante
porte : « Que SoIéiman-cl-Kaieby,
convaincu d'avoir assassiné le gé-
néral en chef Kléber, est condamné
à avoir la main droite brûlée, à être
empalé, à mourir sur le pal et à y
rester jusqu'à ce que son cadavre soit
dévoré par les oiseaux de proie. »
Cette sentence fut exécutée après
l'inhumation du général, sur la butte
de l'Institut, en présence de l'armée
et de la population. S iléiman endura
ce douloureux supplice sans profé-
rer une plainte, avec le calme et le
sang-froid d'un martyr, récitant des
versets du Coran. Sou cadavre resta
exposé pendant un mois et son sque-
lette, apporté en France, en même
temps que le corps du général Klé-
ber, fut déposé au Jardin des Plantes,
dans la | rcmière salle d'anatomie, à
gauche de la porte d'entrée, où l'on
peut le ïoir encore aujourd'hui. C'est
celui d'un homme de petite taille;
les os du poignet droit sont brûlés,
et deux vertèbres dorsales, brisées
par le pal, ont été remplacées par
deux vertèbres en bois. Soléiinan fut
une de ces imaginations fanatisées
pour l'islamisme, dont l'Orient offre
tant d'exemples et qui accomplis-
sent les plus grands crimes eu s'é-
criant: Dieu le veut! C— h— x.
SOLEMY (Jean Baptiste-Simon),
général français , né à Verdun eu
Lorraine le 30 octobre 1746, d'une
famille noble originaire de Pro-
vence, entra dès l'âge de onze ans
comme sous- lieutenant dans le ré-
giment de Conti avec une dispense
d'âge accordée en raison des ser-
vices rendus par ses ancêtres (1). Il
fit les campagnes de la guerre de
sept ans sur les côtes, et fut nommé
capitaine en 1 761 , chevalier de Saint-
Louis dix ans plus tard, passa dans
le régiment de l'Ile-de-France avec
le grade de major en 1783, et dans
celui de Brie comme lieutenant-colo-
nel le 29 octobre 1785. Il était ainsi
parvenu à l'un des premiers grades
de l'armée, et il en était considéré
comme l'un des meilleurs ofliciers,
lorsque la révolution éclata, fort
opposé dès le couimencement aux
innovations, il émigra en septembre
1791 et se rendit à Ath dans les
Pays-Bas où il eut le commandement
d'une compagnie d'ofliciers qui ve-
nait de s'y former. L'année suivante
il lit partie de l'armée des princes,
en qualité de major d'une brigade
de chasseurs nobles de la malheu-
reuse expédition de Champagne, sous
les ordres du duc de Brunswick, et
après le licenciement qui en fut la
suite, il passa, en qualité de fourier-
major, à l'armée du prince de Condé,
qui combattait sur le Haut-Rhin. Le
19 juillet 1793 il eut une grande part
à la brillante affaire de Berckeim, où
(x) Le père de Soleray, capitaine au
régiment de Conti, avait été blessé à l'af-
faire de PivoreloDgue, et sou aïeul, lieule.
uant-colonel du luème régiment, puis bri-
gadier des années, avoir élé tué en 1744 a
la l>ataille de Madoua, après avoir fait tou-
tes les campagnes d'Ilalie et d'Espagne de-
puis 1703, ft avait donné des preuves d'une
grande valeur dans quiiizu sièges et quatre
batailles.
350
SOL
quatre-vingts ('migres royalistes sVm-
parèrent d'une redoute défendue par
trois ceuls soldais républicains qui
étant restés prisonniers, pour la plus
grande partie, s'attendaient à de
cruelles représailles. Solemy fut
chargé de calmer leurs inquiétudes.
« Vous nous égorgez quand nous
« avons le malheur de tomber entre
• vos mains, leur dit- il; niais, iidèle
« aux principes de religion et d'hu-
« nianité que nous professons , le
« prince qui nous commande m'a
o ordonné de vous faire donner tous
« les secours qui vous sont néces-
« saires. » Solemy se trouva ensuite
aux affaires des 20 et 21 août, 12 sep-
tembre et 13 octobre, puis à la glo-
rieuse journée de Berstheim, le 2
déc 171)3. Le 27 du même mois il lut
nommé major-général ; fit tn cette
qualité les campagnes de 1794, 1795
et 1790, ei fut blessé grièvement au
combat d'Oberkamlack où il com-
mandait la colonne de droite. Créé
marechai-de-camp en 1797, il conti-
nua de servir dans cette armée jus-
qu'au licenciement en 1801. Lors-
qu'elle revint de Russie en 1798
pour prendre part aux opérations de
la nouvelle coalition, il la rejoignit
en Volhinie et fut chargé, après la
malheureuse affaire de Constance, de
conduire la retraite où il déploya une
grande valeur. Enfin, selon un certi-
ficat qui lui fut donné par le prince
de Coudé, « il déploya dans toutes
« ces guerres toutes les qualités qui
« constituent l'excellent oflicier, une
« grande intelligence unie à beau-
« coup de valeur, et la plus grande
• activité dans TeXécutiou. » Le roi
Louis XVill, dont on ne peut contes-
ter le talent, au moins sous ce rap-
port, lui avait écrit di' Blaiikeubourg,
lo .5 janvier 1797, d'une manière non
irioins flatteuse, après la bataille d'O-
SOL
berkamiach. <• Je suis trop satisfait
« de vos services, monsieur, pour ne
« pas vous l'exprimer moi-même, et
« vous parler en même temps de tout
« l'intérêt que j'ai pris à votre bles-
« sure. J'espère qu'elle n'aura au-
« cune suite fâcheuse. Votre zèle
• pourrait vous faire regarder la
• perte d'un bras comme indiffé-
« rente ; miis je ne pense pas de
• même, et je sens combien il m'est
• nécessaire que vous les conserviez
« tous les deux. Soyez persuadé de
« mes sentiments pour vous, etc. »
Depuis le licenciement de 1801 , le gé-
néral Solemy vécut assez tristement
dans la retraite. En 1814, après le
rétablissement de la monarchie, il
fut nommé commandeur de Saint-
Louis ; nous n'avons pas appris qu'il
ait reçu d'autre récompense de ses
longs services. Il fut mis à la retraite
en 1816 et mourut quelques années
plus tard. M — D j.
SOLSERS (Jules- Raimond de),
historien, était né vers 1530, h. Per-
tuis en Provence, de parents protes-
tants. Après avoir fait ses études, à
Paris, sous Adrien Turnèbe etOronce
Fine, il cultiva la jurispnuience. Ses
talents le placèrent jeune encore à
la tête du barreau d'Aix; mais, sàr
chant concilier ses devoirs avec te
goût des recherches historiques, il
composa, dans ses loisirs, une His-
toire de Provence, dont il eut l'hon-
neur de présenter une copie au roi
Charles IX, à son passage à Aix, en
1564. Les persécutions auxquelles
Soliers se trouva bientôt en butte
comme protestant l'ayant forcé d'a-
bandonner son cabinet, il revint à
Ptrtuis, et profita de cet le retraite
involontaire pour refoudre sou his-
toire, « occupation, dit-il, qui servit
beaucoup à charmer s <u ennui. » Il
en offrit la dédicace au roi Henri III,
SOL
par une épître datée de 1577; mais
le malheur des temps ne lui permit
pas de la faire imprimer. De nou-
veaux troubles l'ayant obligé d'ac-
cepter l'asile que le seigneur de
Motilfuroii lui avait offert dans son
château, il y conduisit sa famille, et
mourut de chagrin en 1595, VHis-
toirede Provence est écrite en latin.
Le manuscrit autographe, après avoir
appartenu successivement à Scipion
Duperrier, à Pitton, l'historien rie la
ville d'Aix, à de Haitze et aux Sain'-
Viucetis, se trouve maintenant dans
la bibliothèque Menjane, k Aix. C'est
l'ouvrage le plus consulté par tous
ceux qui ont écritsur les antiquités et
l'histoire naturelle de la Provence.
Ch.-Anuib. Fabrot, funeux juriscon-
suite, en a extrait et traduit en fran-
çais Les Antiquités de la ville de
Marseille, où il est traité de l'an-
cieniie république des Marseillais et
des choses les plus remarquables de
leur état, Marseille, 1615, ou Lyon,
1C32, in-8°. La dédicace de ce volume,
rare et recherché, est signée d'Hector
Soliers, l'un des his de l'auteur ; mais
c'est à tort que quelques bibliogra-
phes, trompés par cet artifice, lui ont
fait honneur de la traduction. Une F/e
détaillée de Jules-Raimond de So-
liers par de Haitze est reste'e ma-
nuscrite. W — s.
SOLMEZANE (Boniface Pasto-
ret, C()-seigneur de Seillans, baron
de), né en 1576, fut un des magis-
trats et des négociateurs les plus
distingués d'un temps fertile en
hommes célèbres de tout genre. Ar-
rière-petit-lils des deux présidents
qui avaient illustré son nom, dans le
XlVe siècle, il est plus connu sous le
titre du lief qui fut créé pour lui,
dans le Muntferrat, en récompense
de ses services. Après avoir passé
vingt ans dans le parlement de Pro-
SOL
351
vence, où il s'était lié d'une amitié
étroite avec Duvair, Peiresc, Gas-
sendi, M.izaurgue, il se trouva , par
suite de la conliance qu'il avait inspi-
rée, chargé de fréquentes négocia-
tions auprès des ducs de Savoie. Les
ducs de Parme et de Manloue lui té-
moignèrent une estime égale et l'em-
ployèrent également dans de nom-
breuses missions. Bouiface Pastoret
donna pour lors sa démission de sa
charge de conseiller au parlement de
Provence, et se dévoua en entier à la
carrière diplomatique; mais, sur le
déclin de l'âge, des intrigues, aux-
quelles Mazarin ne fut pas étranger,
amenèrent sa disgrâce. Il quitta la
cour de Turin et se retira dans sa
terre, où il mourut vers 1600. Il a
laissé des mémoires assez curieux
sur les affaires du midi de la France
pendant le règne de Louis XI 11 et
la régence qui suivit. — Antoine,
baron de Solmezane, suu lils aîné,
fut tué à l'expédition de Candie, et
son lief ne fut jamais rendu a son
frère. — Pierre, second fils de Bo-
nil'acejS'éiabiil à Seillans où il vécut
obscurément, el où il mourut en
1680. Pierre de Pastoret était le tri-
saïeul du chancelier de France de
ce nom. Z.
SOLWINIAC (Alain de), évêqi.'e
de Cahors, naquit en 159.3, d'une an-
cienne lamille du Périgor.l. Ses pa-
rents l'avaient destiné à l'état mili-
taire, mais son goût le porta vers
l'état ecclésiastique. H fut pourvu,
eu 1(525, de l'abbaye de Chancelade,
et aussitôt après avoir reçu ses bul-
les il prit l'habit religieux, et s'oc-
cupa sérieusement d'y établir la ré-
forme. De tous ceux de .ses cou li ères
qui l'habitaient, un seul entra dans
ses vues. A ïnesure que les novices
qu'il y attira se formaient dans l'exer-
cice des règles nionasllLiues, il les
352
SOL
envoyait dans les différentes maisons
de l'ordre, pour y remettre en vi-
gueur la discipliné régulière. Nom-
mé, en 1636, à révêchc de dhors, il
amena avec lui une colonie de ses
disciples, qui se répandirent dans les
differenies missions, pour réparer les
désordres causés par les guerres ci-
viles. Il prit saint Charles Borrumée
pour modèle, et mit en vigueur les
statuts du saint archevêque de Milan.
A son exemple, il se livra sans ré-
serve au service de ceux qui étaient
atteints de la peste dont son diocèse
fut aftligé dans les années 1652 et
lG53,lurnia un hôpital et divers éta-
blissemenis de charité. Ce fut au mi-
lieu de ces travaux qu'il («rmiiia sa
carrière le 31 déc. 1659. On ace urul
de toutes parts à son tombeau pour
implorer son intercession auprès de
Dieu. Plusieurs assemblées du clergé
cm fait des démarches pour obtenir
sa canonisation. Sulminiac avait, à
l'exemple de quelques-uns de ses col-
lègues,publié une censure contre IM-
pologie des Casuisles, qui lui attira
des tracasseries. Sa vie a été compo-
sée en français par Léonard Chaste-
net, ettraduiteen latin parBisset, l'un
et l'autre de l'ordre de Chancelade.
Le premier avait été son secrétaire
et son confesseur. La dépouille mor-
telle de ce pieux évèque lut transfé-
rée, le 7 août 1791, de l'abbaye de
Chancelade, où il avait été enterré,
dans la cathédrale de Cahors avec
la plus grande solennité. T — d.
SOLOADICUS, Espagnol entre-
prenant et rusé, chef des Ceitibé-
riens, les excita à la révolte contre
Rome en faisant briller à jeuis yeux
une lance d'argent, et eu se disant
envoyé des dieux pour les rélablir
dans leur ancienne liberté. Solondi-
cus par ces impostures entraîna ses
compatriotes qui prirent les armes.
SOL
s'attachèrent à lui et le proclamèrent
général en chef. 11 marcha aussitôt à
leur tctc au-devant du prétour ro-
main qui s'était déjà mis en cam-
pagne pour faire rentrer les rebelles
dans le devoir ; et, voulant connaître
par lui-mcme la position du camp
des Romaiqs, il se déguisa et tenta
de pénétrer de nuit dans leurs re-
tranchements ; mais, ayant été soup-
çonné ou reconnu par un légion-
naire de garde, il fut tué d'un coup
de lance, l'an 163 avant J.-C. B — p.
SOLTYK (Stamslas), l'un des
plus ardents et des plus puissants
soutiens de l'indépt^ndance polo-
naise, était le fils du castellan de
Varsovie et le neveu de l'évêque de
Cracovie. Il naquit en 1751 àKrysk,
dans le palatinat de Plock en Mazo-
vie, où sa famille possédait de grands
biens. A la diète constituante de
1788-1792, il se lit particulièrement
remarquer et contribua à la consti-
tution du 3 mai 1791. Enhardi par la
faiblesse du roi Stanislas-Auguste, il
lui adressa, dans la séance du 29 mai
1792, ces paroles audacieuses: -Sire,
• le temps est arrivé où tout Polo-
• nais va, sous vos auspices, se ran-
« ger sous les drapeaux de la liberté
• et défendre cette terre qufl'a vu
• naître, cette terre chérie où il est
• heureux, parce qu'il est devenu
• libre. Je passe sous silence les
« vingt premières années de votre
• règne; mais vous, sire, souvenez-
« vous de ce que vous étiez, de ce
« qu'était cette nation qui, de bonne
• foi, vous abandonne ses destinées,
• et vous y verrez alors la règle de
« voire conduite. Quelle différence
• de la seconde époque de votre règne
• avec celle de la diète actuelle où
« la nation recouvre sa libeité et où
«vous gagnez sa coniiance! Dans
» celte diète, les limites entre la na-
SOL
SOL
« lion et le roi sont à jamais posées.
« La soiivcrainefé reste à la nation
« et le pouvoir executif au roi. Sire,
« vous approchez des moments les
• plus critiques de votre vie : ils vont
« l'aire voir si vous méritez d'être
« mis au rang des plus célèbres mo-
« narques,ou si avec vous doit périr
« la mémoire de votre règne, etc. »
Stanislas était incapable de répondre
comme il convenait à un pareil lan-
gage. Lorsque le moment critique
fut arrivé, Soltyk lit les plus grands
sacrifices pour le triomphe de ses
opinions. 11 livra les armes et les
canons qui se trouvaient dans ses
châteaux, équipa et paya un nombre
considérable de soldats i mais tous
ces efforts furent inutiles. Après
le dernier démembrement de la
Pologne, Solîyk se réfugia à Ve-
nise (t79j) où, réuni à plusieurs
antres patriotes, il chercha à inté-
resser les cabinets allies à la cause
de la Pologne 5 mais il ne réussit
dans aucune de ses tentatives près
des cours de France, de Turquie et
de Suède. A la suite d'une amnistie
qui lui fut accordée, il rentra en Po-
logne et fut surveillé sévèrement
par la police. Lorsque la paix de
Campo-Formio eut enlevé aux Polo-
nais toute la confiance qu'ils avaient
mise dans la France, Soltyk, Dmo-
cliowski etThadéeOzacki établirent
(1800) une société des amis des
sciences à Varsovie, qui, avec le but
de cultiver et de conserver la langue
polonaise , renfermait évidemment
l'idée générale d'entretenir et de
propager partout l'esprit révolu-
tionnaire. En 1802, Soltyk forma
encore avec le même Ozacki, Michel
Walicki et Joseph Drzewiecki un
nouveau moyen de propagandisme ,
■ sous prétexte d'une association com-
merciale qui eut pcii de succès. Eu
LXX.MI.
1811, étant nonce de la noblesse à la
diète, il en fut nommé maréchal par
le roi de Saxe. Le royaume de Po-
logne fut proclamé par la grande
confédération de Varsovie réunie à
celle du grand-duché de Lithuanie,
et Soltyk fut élu par ses concitoyens
pour porter à Wilna, avec une dé-
putàtion solennelle , cette grande
nouvelle à l'empereur Napoléon. 11
se retira ensuite dans ses terres.
Affaibli par l'âge , les fatigues de
l'exil, il s'était soumis franchement
au gouvernement paternel d'Alexan-
dre, lorsqu'une nouvelle conjuration
fut découverte dans la journée du
26 décembre 1825. Les arrestations
qui en furent la suite révélèrent à
la police russe l'existence d'une so-
ciété patriotique. Les prisons de
Varsovie, de Wilna, de Kaminieck-
Podoloki, de Kiow et autres, furent
aussitôt remplies. Après une année
d'instruction faite par une commis-
sion de Russes et de Polonais, huit
d'entre les principaux accusés, parmi
lesquels était Soltyk, furent livrés
au tribunal de la diète par le décret
impérial et royal du 19 avril 1827.
Tous ses complices furent admis à
se défendre; quant à lui, son âge,
ses infirmités, les horreurs de sa pri-
son , l'empêchèrent d'assister aux
débals. Il eut la satisfaction d'ap-
prendre qu'il avait été absous, juge-
ment que le sénat polonais prononça
à l'unanimité, moins une voix. L'au-
torité executive arrêta la publication
du décret. L'infortuné SoUyk resta
long-temps détenu, et la mort seule
put mettre fin à ses malheurs. — Le
comte Roman Solt\k, général d'ar-
tillerie polonais, passa au service de
France sous Napoléon, et fut employé
k son état-major. On a de lui : 1. Na-
poléon en 1812. Mémoires histo-
riques et militaires sur la campagne
23
354
SOL
de Russie^, Paris, 1836, in-8«, avec
carte. II. La Pologne, précis histo-
rique, politique et mililaire de la
révolution, précédé d'une esquisse
de Vhisloire de la Pologne, depuis
sonorigine jusqu'à \8i0, Paris, 1833,
2 vol. iii-8°, avec cartes. G— Y.
SOLVET (P.-Louis), libraire à
Paris, naquit vers 1770, et fit d'assez
bonnes études. Destiné à entrer dans
l'état ecclésiastique, il en fut empê-
ché par la révolution, et se voua au
commerce des livres, qui ne lui réus-
sit point. On a dit que dans ce temps
de progrès et d'industrie il avait
trop de probité et de franchise pour
faire fortune. Il resta donc dans la
gêne jusqu'à ce qu'un modique em-
ploi dans l'administration de la ma-
rine l'eût mis à même de satisfaire
ses besoins et ses goûts qui, d'ail-
leurs, étaient fort simples et fort mo-
destes. Ce fut surtout vers la biblio-
graphie qu'il dirigea ses études, et il
avait recueilli dans ce genre des ma-
tériaux précieux, dont nous avons
fait quelquefois usage dans cette
Biographie. Cet homme de bien mou-
rut en 18i6, fort regretté de tous
ceux qui l'ont connu. Il a édité et
enrichi de fort bonnes notes et com-
mentaires un grand nombre d'ou-
vrages, parmi lesquels nous cite-
rons : I. Éludes sur La Fontaine,
ou Notes et excursions littéraires
sur ses fables, précédées ùe son Éloge
inédit, par feu M. Gaillard, avec une
gravure représentant la maison de
La Fontaine à Château-Thierry, Pa-
ris, 1812, in -8°. H. Coup d'œil
sur Vienne, par le professeur Oliva-
rius, avec des augmentations par
l'éditeur, 1805, in-8°. III. Voyage à
Montbard, par Hérault deSécheiles,
1801 , in-80. IV. Le petit magasin des
dames, recueilli par Solvel, 1803 à
1810, 8 vol. in-12. M— Dj.
SOM
SOMAGLIA (Julbs-Marie délia),
cardinal célèbre, qui a long-temps
honoré la sainte Église romaine, né
ù Plaisance le 9 juillet 1714, fut élevé
avec un grand soin par sa noble fa-
mille, et destiné de bonne heure à
embrasser l'état ecclésiastique. 11
avait été tenu sur les fonts de bap-
tême par le cardinal Albéroni, Plai-
santin comme lui, et qui en 1744 se
trouvait momentanément à Plaisan-
ce, alors âgé de 80 ans, et cherchant
encore à agiter un petit pays à dé-
faut de PEspagne qu'il avait assuré-
ment mal gouvernée. Albéioni s'ap-
pelait Jules, et il donna ce nom
à son filleul, en ajoutant celui
de César; mais quand le jeune La
Somaglia entra en prélaturc à Rome,
il reconnut une sorte d'inconvenance
dans l'union de ces deux noms, et
il substitua au second celui de
Marie ( nous tenons ce fait du car-
dinal lui-même). Les heureuses dis-
positions du jeune gentilhomme de
Plaisance furent bientôt appréciées
par ses maîtres, et il devint rapide-
ment un habile latiniste; il étudia
aussi le grec, mais avec moins de
passion, et il s'appliqua à parler la
langue italienne avec la plus élé-
gante correction. Don Philippe, frère
germain de don Carlos qui avait été
premier duc de Parme et depuis fut
roi de Naples et successivement roi
d'Espagne, don Philippe témoignait
de l'estime et de la bienveillance à la
famille de Somaglia, et recommanda
Jules à des cardinaux en crédit à
Rome. Don Ferdinand-Marie-Philippe-
Louis, duc de Parme, continua la
même protection.Jules délia Somaglia
vit les dernières années du règne de
Benoît XIV et il se pénétra de bonne
heure de ce sentiment de vénéra-
lion pour Rome dont sont animés
ceux qui se vouent au service de cette
SOM
cour aussi expérimenféo que sage,
aussi habile que fidèle à ses anciennes
traditions, ce qui lui assure de si
grands succès dans les négociations
où elle se trouve mêle'e par suite des
e've'nements politiques de l'Europe, et
où en définitive elle obtient toujours
l'avantage. Lorsque Albéroni avait été
contraint de quitter l'Espagne, il
s'était vu arrêté par ordre d'Inno-
cent XIII; on l'enferma dans le cou-
vent des Jésuites de Rome, où ces
pères l'avaient traité avec beaucoup
de distinction et des égards singu-
lièrement bienveillants. La famille
d'Albéroni et celle de La Somaglia
ne parlaient donc de la compagnie
de Jésus qu'avec la plus haute ad-
miration. Alors il fut facile de re-
conunander Jules à Clément XIII
qiuind il monta sur le trône. On sait
qu'il s'était déclaré le protecteur in-
variable de cet ordre. C'était le mo-
ment où commençaient les persécu-
tions qui accablèrent ces religieux, et
la tendresse que leur montrait Clé-
ment XIII était naturellement en rai-
son de l'injustice avec laquelle des
agitateurs, des hommes avides et des
princes imprévoyants voulaient que
l'on traitât la compagnie. Jules ob-
tint de l'avancement dans les em-
plois subalternes où l'on tient quel-
que temps les jeunes seigneurs avant
de leur confier des emplois impor-
tants. En 17G9 sous Clément XIV,
il fut traité avec un peu de froi-
deur; en 1775 il s'attacha avec zèle,
avec chaleur, au char de Pie VL Ce
pontife, homme de caractère, travail-
leur qui ne se fatiguait jamais, ai-
mait les hommes d'une prestance no-
ble, parce qu'ilétaitbeaului-même^ il
donna des preuves de protection à La
Somaglia qui jouissait d'une grande
considéraîion et dont ou vantait les
qualités, les talents et les vertus.
90U
355
Le pape désirait que le plus grand
ordre régnât dans les cérémonies. La
Somaglia, d'une assez haute taille,
d'une figure agréable et noblement
romaine, était chargé en second du
cérémonial, et il prit un tel goût à
ce genre de travaux, qui est en hon-
neur à Rome où rien ne doit jamais
changer, qu'il chercha plus lard à
devenir préfet du cérémonial^ et
qu'il s'acquitta de cette charge avec
un plaisir toujours renouvelé, jus-
qu'aux derniers jours de sa vie.
Pie VI savait cependant bien que
Jules pouvait être employé d'une
manière encore plus avantageuse aux
intérêts de Rome, et il lui confiait la
rédaction des bulles dogmatiques, des
brefs à Louis XVI (1). Ce fut lui par-
ticulièrement qui fut chargé de rédi-
ger les premiers éléments de la célè-
bre allocution où Pie VI, en 1793,
annonça au sacré collège la mort de
Louis XVI. Tant de services rendus
par un homme courageux, désinté-
ressé, fidèle, qui avait embrassé avec
ardeur les sentiments et la politique
de Braschi déterminèrent le pontife à
ne pas différer la récompense due à
une collaboration si utile, et Jules-
Marie dellaSomaglia fut créé cardinal
le l" juin 1795. Lors de l'émeute san-
glante qui affligea Rome en 1797, le
cardinal dellaSomaglia, par ordre de
Pie VI, parcourut Rome et chercha à
contenirlesfurieuxqui voulaient ani-
mer Joseph Bonaparte, l'ambassa-
deur du Directoire, contre le sacré col-
lège et les amis de la papauté. Mais
les efforts du cardinal furent à peu
près vains. Il obtint bien quelques
applaudissements donnés à son élo-
quence, à sa modération. Il empêcha
qu'on ne frappât quelques prêtres que
(i) Voyez VHitloire des souverains pon^
lifts, toin. VIII, années 1 790-1 795.
23.
25G
SOM
l'un poursuivait avec ach.irneniPnl ,
mais il fut obligé (rallcr direàPie VI
qu'une de ces e'po(]ues indéfinissables
où Rome méconnaît ses maîtres était
arrivée, et qu'il lallail céder à la vo-
lonté de Dieu, qui sans doufe ne per-
mettrait que pour un temps de si
cruelles violences. Quand l'ie VI eut
été enlevé pour être transporté à
Sienne, le nouveau pouvoir se sou-
vint des efforts faits par le cardinal
délia Somaglia pour ramener les ré-
voltés à l'obéissance ; on voulut l'en
punir et on le jeta en prison. C'é-
tait en effet lui seul qui avait rétabli
une sorte de tranquillité dont un
avait profité pour relever l'émeute.
En prison La Somaglia fut traité
avec rigueur; car tout est crime
dans les révolutions, souvent jus-
(ju'aux services qu'on rend à ceux
(|iii ont irrité le peuple (2). Un Ro-
main que La Somaglia avait obi igé au-
trefois, et qui prenait part au tu-
multe, se lit cependant ouvrir le ca-
chot où le cardinal était détenu, et
persuada qu'il fallait le déporter à
Cività-Vecchia.Son émineuce, aver-
tie qu'elle devait changer d'habits,
s'y refusa. DeCività-Vecchia, le car-
dinal s'embarqua sur une frêle bar-
que mal pontée, et put atteindre un
petit port de Toscane. Là, trouvant
une population peu riche, mais
accoutumée à donner le denier du
pauvre, il amassa une petite somme
et il la distribua entre plusieurs de
ses collègues qui dans d'autres en-
droits étaient réduits à une extrême
misère. L'année 1798 et l'année 1799
furent accompagnées de souffrances
(jui compromirent la santé du cardi-
nal, et les traces de cette maladie ne
s'effacèrent que bien rarement, sans
(2) Histoire des souverains pontifes, tome
VIII, pag. 410.
SOM
cependant altérer d'une manière
trop ('angcreuse un lempéramcnt
fort et robuste qui permit au cardi -
nal une Ircs-longue vie, ainsi que
nous le verrons plus tard. Pie VI
était mort comme un héros, comme
un martyr, à Valence. On parlait
d'un conclave; le cardinal reçutdans
sa modeste retraite une lettre de
l'empereur d'Allemagne François II,
qui offrait au sacré collège dispersé
de lui donner l'hospitalité dans la
ville de Venise. Il fallut demander de
nouvelles aumônes pour entrepren-
dre le voyage. Enfin La Somaglia se
trouva réuni à ses collègues, dans
Venise, le 1"^'' déc. 1799. Le conclave
se composait de 35 cardinaux. Les
opérations de cette assemblée ont été
décrites dans le plus grand détail au
l" volume de l'histoire de Pie VII (3).
D'après les affinités que l'on connais-
sait à La Somaglia, on a lieu de penser
qu'il faisait partie de la petite réunion
de cardinaux qui, au nombre de cinfj,
votaient avec le cardinal Maury. On
lit, dans l'histoire du conclave pré-
cité, ce qui se passa entre Maury et
Consalvi, secrétaire du sacré col-
lège (i) 5 il fut convenu qu'en même
temps qu'on adresserait la notifica-
tion de l'élection à tous les souve-
rains de l'Europe, on n'oublierait pas
de l'adresser à Louis XVIll, roi de
Franceet de Navarre. Le pape Pie VII,
élu en 1800, confia le soin de quel-
ques affaires importantes au cardinal
délia Somaglia, et, rendant justice à
son esprit d'ordre, à ses vertus et à
ses talents, il le nomma bientôt car-
dinal-vicaire. Cette charge donne
l'inspection absolue sur les niœurs.
On a toujours élevé à cette dignité
(3) Histoire de Pie VU, 3* édition, tome T,
piige 7'2.
(4) /'"</•, page ;)'•
SOM
SOiVI
357
uii homme d'un caractère Cfilmc,
d'une probité éprouvée. La Soniaglia
remplit cette charge à la satisfaction
générale, ne se montrant ni exigeant
avec minutie, ni préoccupé de senti-
ments orgueilleux, pour étendre cet te
juridiction qu'il n'est pas aisé de
délinir. Souvent on eut à s'applau-
dir de ce choix, surtout lorsqu'il
s'agit de poursuites délicates qui
lurent adoucies par le caractère pru-
dent de ce magistrat suprême. Pen-
dant le voyage de Pie Vil à Paris,
en 1804 et en 1805, le cardinal délia
Somaglia vécut en intelligence par-
faite avec Consaivi qui tenait direc-
tement les renés du gouvernement.
Quand les discordes et les malen-
tendus siins nomb.e à la suite du
sacre vinrent tijurmenler violem-
ment le repos de sa Sainteté, La Suma-
glia accepta les commissions les plus
difficiles; mais Pie Vil était toujours
coupable pour la P'rance, il ne devait
accueillir dans Rome ni un Anglais,
ni un Sarde, ni un Russe, ni un Sué-
dois. Enfin des gendarmes furent
chargésde l'enlever et les cardinaux
se virent en même temps condam-
nés à l'exil. On lit ensortequ'enlSlO
ils fussent à peu près tous résidents
à Paris sous une surveillance qui ce-
pendant leur laissait assez de liberté.
Près de procéder au mariage de Na-
poléon avec Marie -Louise, on parla
d'abord du mariage civil. Les car-
dinaux italiens s'assemblèrent à la
fin de mars et consultèrent surtout
La Somaglia ; il expliqua nettement
la position dans laquelle les mem-
bres du sacré collège allaient se
trouver ; il dit que, pour son compte
et comme cardinal revêtu du titre
élevé de vicaire de Sa Sainteté, il ne
ferait aucune difficulté d'assister au
mariage civil, qui pour lui n'avait
aucune impottancc, mais que sous
aucun prétexte il n'assisterait au
mariage religieux, parce qu'il était
à sa connaissance que Pie VII, en
personne, à la fin de 180î, avait cé-
lébré ou confirmé le mariage entre
Napoléon et Joséphine dans la cha-
pelle des Tuileries; finalement, que
lui, La Somaglia, avait reçu et gardé
l'acte qui était déposé au Vicariat
h Rome. Tous les cardinaux approu-
vèrent ce qu'il avait dit relativement
au mariage civil. Quelques-uns dé-
clarèrent qu'ils se réservaient de ré-
fléchir sur ce qu'il y aurait à faire
pour eux relativement au mariage
religieux. Le 1*"" avril eut lieu le ma-
riage civil; tous les cardinaux rési-
dant à Paris, oii ils avaient été ap-
pelés nominativement, et auxquels
leur santé permettait de sortir, se
trouvaient présents dans la galerie
de Saint -Cloud au nombre de 20.
Mais il n'en fut pas ainsi à la céré-
monie religieuse le 2 avril, dans la
grande salle du Louvre convertie en
chapelle. On lit dans l'hisloire de
Pie VII le désappointement de ceux
qui présidaient à la cérémonie quand
ils ne virent que treize cardinaux ; il
en manquait un nombre pareil. Bi-
got de Préameneu eut ordre de veil-
ler à ce que ces derniers ne fussent
plus invités à la cour; mais il se
trompa en indiquant ces cardinaux;
il n'en désigna que douze : Mattei,
Pignatelli, di Pietro, Saluzzo, Bran-
cadoro , Galeffi , Opizzoni , Litta ,
Scotti, Giibrielli, Consaivi et Louis
Ruffo. Dans le temps il fut dit qu'on
avait fait exprès de ne pas spécifier le
nom de La Somaglia parce qu'il pou-
vait revenir sur son refus, le réparer
par quelque excuse et ramener ainsi
à la cour une partie des opposants.
Mais La Somaglia déclara qu'il n'a-
vait pas assisté au mariage religieux
et qu'il se soumettrait au sort des
358
SOM
SOM
absents. On ne sait pas encore à pré-
sent qui donna le conseil de partager
le sacré collège en cardinaux qui
conserveraient le droit de porter la
pourpre et les bas rouges, et en car-
dinaux auxquels la pourpre serait
interdite et qui ne pourraient porter
que des ;bas noirs et le manteau noir,
sans liseré rouge. Le public appela les
premiers les cardinaux rouges et les
autres les cardinaux noirs. LaSoma-
glia fut regardé comme le chef des car-
dinaux noirs (Pacca était emprisonné
àrénestre!le).Tous ces derniers fu-
rent exilés dans diverses villes de
France ; La Somaglia fut envoyé à Mé-
zières où l'on conserve encore le sou-
venir de ses manières nobles, de sa
politesse de seigneur et de sa con-
versation élégante. Lorsqu'en 1814
Pie VU put consulter ses cardinaux
qu'on lui, avait rendus, rouges et
noirs, La Somaglia fut moins employé
dans les négociations que Pacca, Con-
salvi et di Pietro; mais il ne les con-
traria jamais, et toujours il ajouta ou-
vertement son approbation à celle
que le bon Pie VII demandait à tout le
sacré collège. L'heure de la liberté
du pape était venue; La Somaglia,
comme vicaire, reprenait une grande
influence. Au mois d'août 1814, de
concert avec le cardinal Pacca, il
contribua courageusement au réta-
blissement de la compagnie de Jésus.
Dans ce moment même, La Somaglia
rappela à tous les souvenirs la part
qu'il avait eue sous Pie VI à ces men-
tions si honorables pour Louis XVI
que contenait l'allocution de 1793,
dont nous avons déjà parlé et oii il
était question, en termes clairs, de la
canonisation de ce prince martyr, si
injustement persécuté par une par-
tie de ce peuple qu'il aimait et qu'il
voulait rendre heureux. L'ambas-
sade française fut invitée à aller voir
un tableau magnilique, d'une hau-
teur colossale, représentant la ca-
nonisation de Louis XVI. Ce prince,
couronne en tête et revêtu du man-
teau royal, était enlevé par des anges
qui le portaient au ciel. La Somaglia
se déclarait le protecteur de l'artiste,
et son éminence permettait qu'on lui
fit compliment à elle-même sur la
pensée et l'ordonnance du tableau,
qui avait été composé en 1794. Il
s'éleva d'injustes critiques, et les
témoignages de zèle, de reconnais-
sance et d'amour d'un (iilèle sujet de
la maison de Parme, n'obti nrent pas le
succès qu'il avait mérité, et que des
jalousies de famille cherchèrent à
faire oublier. La sœur de Louis XVI,
la reine Clotilde, qui pour d'autres
vertus aurait mérité le même hon-
neur, n'avait pas été la dernière, en
1801, à montrer sa vive satisfaction ;
mais les tableaux comme les livres
ont leurs destinées. En 1820, après la
mort du cardinal Mattei, La Soma-
glia, déjà archi-prctre de Saint-Jean-
de-Latran, basilique dont le roi
de France est le premier chanoine,
devint évêque d'Ostie et de Velletri
et cardinal doyen. On put à l'instant
même connaître ce qu'il serait dans
un poste aussi considérable. Le sacré
collège ne se meut que sur l'invita-
tion de son doyen ; chaque cardinal
peut être appelé à part, en vertu d'un
ordre du pape, mais le sacré collège
en corps n'est convoqué absolument
que sur un billet écrit par le doyen
qui a été averti seul des intentions
du pape pour une cérémonie publi-
que, un consistoire secret et autres
réunions. Chaque ambassadeur, après
avoir vu le pape et le secrétaire d'É-
tat, doit faire une visite d'étiquette,
le premier, au doyen du sacré col-
lège. La Somaglia, déjà préfet du cé-
rémonial dont il avait recherché, re-
SOM
SOM
359
trouvé, agrandi les privilèges, devint
un personnage encore plus vénérable
quand il put appliquer à la situation
de doyen, des avantages, des droits
par bulles, des préséances, des actes,
peut-être même, mais rarement, des
remontrances tombées en désuétude.
Cette existence nouvelle, fortiliée
par la parole la plus digne et la plus
brillante, donnait à ce cardinal une
attitude qu'en arrivant à cette cour
il fallait remarquer. Pie Vil ayant
rendu sa noble àme à Dieu, le doyen
s'éleva encore à un degré de puis-
sance qui n'était balancé que par le
crédit du camerlingue. Le conclave
est toujours présidé par le doyen ;
on voit dans l'histoire de Léon XII
quelles furent les agitations du con-
clave de 1823. Nous en rapporterons
quelques-unes succinctement (5).
Les poésies que l'on publie ordinai-
rement avant et pendant le conclave
annoncèrent que La Somaglia avait
un parti qui le portait à la papauté.
Voici les vers qui furent faits à son
sujet et répandus avec d'autres qui
indiquaient des choix différents ou
qui repoussaient des candidats.
Les amis du doyen s'exprimaient
ainsi :
Chi vuol che lolgasi tanta gramaglia
Clie cuoprc il sempio, see/ga Somaglia,
Ceux fjui veulent qu'on se débarrasse de
lugubres misères choisiront Soin;iglij.
On reconnut bientôt que ce parti se
composait de sept, souvent dix car-
dinaux ; il neponvaitdonner la tiare,
mais il fallait compter avec lui pour
l'assurer à un autre. Le conclave
avait commencé ses opérations le
3 septembre 1823. Le premier jour,
La Somaglia obtint le matin i voix au
(5) Voyer, pour plus de détails, VHisl, de
Léon XII, au commeuceiucut du tome l,
iii-8, Paris, 1843.
scrutin, et le soir, à Vaccesso, qui est
comme un scrutin supplémentaire,
2 voix, en tout 6. Le 4 il obtint le
matin 5 voix, et le soir 5, en tout 10.
En général, il n'eut pas plus de 12
voix. Ses amis cherchèrent alors à
voir quel serait le choix définitif.
Pendant ce temps-là Severoli obte-
nait jusqu'à 26 voix ; mais il eut l'.ex-
clusion de l'Autriche, et il fut con-
venu que La Somaglia abandonnerait
ses prétentions et que les voix des
zelanti se porteraient sur Ann. délia
Genga qui prit le nom de Léon XII.
Quand il eut accepté, il déclara qu'il
nonunait secrétaire d'Élat le cardinal
délia Somaglia, alors entré dans sa
80e année. En appelant un ministre
recommandable par ses connaissan-
ces dans les affaires administratives
du pays, Léon XII n'avait pas en-
tendu se donner un tuteur. Loin de
là, il voulut s'appliquer lui-même
à la direction des négociations, voir
assidimient les dépêches des non-
ces, rédiger souvent les réponses,
commencer ce que l'on nomme des
tratlative, se les réserver à lui
seul et n'en entretenir son ministre
que vaguement et avec circonspec-
tion. Le reste des correspondances
était laissé à La Somaglia, et les bu-
reaux de la secrétairerie, composés
d'hommes habiles formés par Con-
salvi, suffisaient pour que les travaux
importants ne souffrissent pas d'in-
terruption Quels que fussent le res-
pect de La Somaglia pour son maî-
tre et les courtoisies du souverain
pour celui qui aurait dû être son
aller ego (son autre lui-même),^ une
sorte de mésintelligence régna bien-
tôt entre ces deux personnages. Ce-
pendant le corps diplomatique était
satisfait en général de ses rapports
avec le doyen. H essayait, plus que
Léon XII, qui du reste n'était pas
360
SOM
trcs-répreliensible dans son allure
sévère, dont il se tirait très-bien,
La Somaglia essayait de cacher le
défaut d'accord, et il s'attachait très-
sagement à servir autrement l'inté-
rêt de Rome, à le définir avec sim-
plicité, à excuser la marche lente
des relations habituelles. On a dit,
d'après la correspondance du duc de
Laval, qu'il y eut un jour, dans un
entretien, un exposé de la poliliqup-
de Rome depuis les premiers temps
de Louis XIV. L'ambassadeur attri-
bue ce qui fut dit alors à des cardi-
naux sans les nommer. Le cardinal
qui prononça ces paroles était La
Somaglia. Les voici : -Onparle beau-
coup de Rome. Mon devoir était
â'étiidicr ses actes: je Vax fait pen-
dant long-temps et avec un désir com-
plet de rencontrer la vérité. Citez
une grave faute de la cour romaine
dans les deux derniers siècles, une
faute qui atteste sa tyrannie et son
ambition: il n'y en a pas. Il y a eu
une faute qui démontre sa faiblesse ;
Clément A IV en rend compte. » Voilà
comment cet observateur exact, im-
partial, qui, il faut l'avouer, désirait
être pape, avait appris à expliquer
les rouages de l'action de sa cour.
Il y a dans ce jugement qu'on ne
demandait pas à son éminence et
qu'elle offrait avec une sorte de can-
deur,il y a vérité pour l'observation,
étude réfléchie des faits de l'histoire,
louange méritée par tous les agents
et surtout par les nonces. Rome n'a
été coupable ni de tyrannie, ni d'am-
bition, ni d'aucun système de per-
sécution, et les ennemis, les calom-
niateurs ne lui ont pas manqué. Le
défenseur avoue une faute qui atteste
une faiblesse; l'inculpé rend compte
a Dieu; un des plus salutaires dog-
mes de la religion est jeté là eu pas-
sant pour devenir l'objet de k vé-
SOM
néralion unirerselle, car il rappelle
clairement que Dieu punit aussi la
faiblesse dans les plus grands. L'am-
bassadeur qui, le premier, a révélé
ces faits, ajoute ensuite dans sa dé-
pêche quelques mots dont on pour-
rait profiter aujourd'hui^ « La cour
"de Rome, la prudente cour de
« Rome qui n'a pas que vous seuls
" (Français) à contenter et qui est
« surveillée par mille autres résis-
« tances, s'impose à elle-même les
« bornesqu'on ne lui aurait pas pres-
« criies, et je puis dire que depuis
" que je suis dans cette capitale, je
« n'ai entendu personne manifester
' à cet égard d'autres sentiments
«que ceux que je regarde comme
«l'expression la plus habituelle des
«vues du gouvernement pontifical
« avant, pendant et après Léon XI I. »
( rien n'empêche de dire aujour-
d'hui avant et pendant Pie IX ). En
1824 le cardinal délia Somaglia, fidèle
à ses principes d'attachement aux
Bourbons, demandait avec empres-
sement la nuit et le jour, surtout
quand il arrivait quelque courrier,
demandait des nouvelles du frère de
Louis XVI, du frère de ce glorieux
martyr dont il avait ordonné l'apo-
théose en 1791 dans le tableau dorit
nous avons parlé. Louis XVIII était
dangereusement malade et la France
le perdit au moisde septembre. Alors
La Somaglia, à une note du chargé
d'affaires de France, en date du 23,
qui annonçait ce triste événement,
répond par les mots suivants où
brillent à la fois les sentiments qu'il
professait pour l'dugustu maison qui
se voyait rétablie à la fois sur les
trônes de France, d'Espagne et de
Naples, et qui n'avait jierdu dans ces
grandes guerres (pie l'État de l'arir.e
et Plaisance, patrie de Somaglia, resté
ami quand tous les liens étaient
SOM
rompus. Voici cette note : « Monsieur ,
« vous ne pouviez donner au cardi-
«nal secrétaire d'État une nouvelle
«plus douloureuse que celle de la
" uiort de sa majesté Irès-chrétienne
• Louis XVIII, roi de France. Les
• vertus qui ornaient l'auguste nio-
« narque, la modération et la sagesse
« avec lesquelles il a gouverné son
« royaume dans des temps si difli-
«ciles sont bien raisonnablement
• pleurées par la France qui, après
• les vicissitudes de tant de luslros,
«est remontée à son ancien état où
« elle florissait avec splendeur. Celte
«mort a excité vivement la sensibi-
« lité de Sa Sainteté, qui connaissait
"bien et admirait la profonde reli-
" gion du roi très-chrétien, et qui se
« réconforte en pensant au sentiment
«de lumineuse piété par lequel se
• distingua toujours son auguste
« frère qui lui a succédé sous le nom
• de Charles X. Le soussigné, en ex-
• primant sa vive peine pour cette
«affligeante nouvelle en réponse à
« votre note du 23 courant, vous re-
« nouvelle les assurances de sa vraie
«estime. G. -M., cardinal della So-
« MAGUA.» Il est rare de rencontrer
dans le minisire d'un souverain étran-
ger un attachement si dévoué, une
tendresse si expansive pour le roi
d'un autre pays. Mais c'est un des
attributs de Rome: tout catholique
de l'Europe, s'il a une naissance
honnête, des talents et de la per-
sévérance, peut parvenir aux plus
hauts emplois de la cour romaine.
LaSomaglia ne faisait que suivre en
cela les premières impressions de
son enfance. Malheureusement dans
une autre affaire il se souvint trop
de son parrain le cardinal Albéroni.
Légat à Ravcnne sous Clément XII,
ce cardinal, sous divers prétextes,
'hcrchait à envahir le sol de la ré-
SOM
361
publique de Saint-Marin, pour le
réunir aux États du saint-siége-, mais
Clément XII, guidé par un esprit de
droiture et de piété (6), avait cassé
les actes d'Albéroni. Dans la même
année 1824, des malintentionnés
sans doute publièrent que le cardi-
nal della Somaglia voulait reprendre
l'œuvre manquée et détruire la ré-
publique de Saint-Marin. Ce n'était
pas assurénient à un vieillard comme
lui qu'il convenait de se mettre à
la tète d'une pareille entreprise que
Léon XII ne pouvait approuver. La
Somaglia d'ailleurs avait de la sa-
gesse, de la mesure dans l'esprit,
et la situation de l'Europe ne per-
mettait pas un seul ébranlement,
même celui de la république de
Saint-Marin. Les brouillons, quels
qii'ils aient été, ne réussirent pas
dans leur projets^ le marquis Ono-
frio, sujet direct de la république,
nouvellement député parce gouver-
nement, obtint d'être admis auprès
du saint père, pour le féliciter sur
son avènement. M. Onofrio était pa-
rent de Joseph Onofrio; qui dans le
temps appuyait le capitaine de la
république Giangi, lorsque, appelé
par les agents d'Albéroni pour prê-
ter serment entre leurs mains, ce
capitaine parla ainsi : « Le premier
octobre, j'ai prêté serment à mon
légitime prince, la république de
Saint-Marin; je contirme aujourd'hui
et je renouvelle ce premier serment.»
Enliu il fut reconnu, d'après les ex-
plications de La Somaglia, que l'on
n'avait jamais entendu offenser l'in-
dépendance de Saint-Marin, et toutes
les (liKicultés sur ce point furent apla-
nies à la satisfaction du gouvernement
pontilical et de celui de la républiquu.
11 demeura prouvé ([ue Clément XII
(6) Htit, dt Lion Xll, l, 255.
362
SOM
SOM
en 1739 et Léon XII en 1824, les deux
vrais maîtres dans ces circonstances,
n'imaginèrent ni ne soutinrent une si
injuste prétention. Les fautes des
ministres romains ne sont pas les
fiiutes des papes, surtout lorsque
ces papes, prévenus àtemps,ont dés-
avoué leurs ministres. La Somaglia
qui venge si bien les pontifes, s'il est
imprudent lui-même, au moins ne
leur attribue pas des erreurs qu'ils
n'ont pas commises. Il est impossi-
ble que nous ne rendions pas compte
de ce qui se passa à Rome, lors du
voyage que fit l'abbé de Lamennais
avec M. Vuarin, curé de Genève. Ils
furent tous les deux logés au col-
lège romain, dans la maison des
pères de la compagnie de Jésus. Le
cardinal avait l'intention de propo-
ser à M. de Lamennais une place
élevée dans l'administration de la
bibliothèque de la Propagande. Il
allait même jusqu'à dire qu'il serait
possible de penser pour lui à un
évéchë in partibus. Le chargé d'af-
faires du roi rendit compte de celte
ouverture, et il arriva un ordre por-
tant que M. de Lamennais ne devait
pas être évêque, même in partibus.
Ce ne fut pas le ministre des affaires
étrangères qui transmit cet ordre au
chargé d'affaires. Lorsque le cardinal
apprit celte décision, il s'écria :
« Messieurs, vous faites làune faute.
Vous craignez une opposition, une
polémique; vous êtes dans Verreur.»
Là-dessus ce savant cardinal, qui
n'était cependant point préparé à
une pareille discussion, parcourut les
différentes phases où le saint-siége
avait éprouvé des contradictions.
« Monsieur, dites à Paris que toutes
« les oppositions des évêques ne sont
« pas à craindre, tant l'esprit épisco-
" pal est bon, surtout en France ; il
• n'y a pas de danger de ce côté. Je
• vais plus loin ; dans tout l'univers
• un évêque bien rarement est près
<■ d'entrer sur le chemin de l'hérésie ;
«quelquefois un prêtre, chez noiis
• Frà Paolo, chez vous Quesnel ,
« franchit les contins. M. de Lamen-
« nais a un talent immense, surtout
« pour le style; la guerre que fut un
« évêque n'est pas celU' que ferait et
« quesoutieiit un prêtre en mauvaise
• voie. Ne me parlez pas de Ricci de
« Pistoie. Du vivant Uiêmede Léopold,
« nous avions les demandes en récon-
• cilidtion de ce prélat. C'est nous qui
« avons choisi le jour, l'heure du
« raccommodement. J'ai bien étudié
« ces affaires-là, monsieur, vous vous
« repentirez de votre inutile sévérité.
« Laissez parler mon âge. Je serais
« capable de vous nommer les jaiisé-
« nistes prêtres, un à un, et si le ser-
« vice de mon maître Léon XII , et du
« vôtre Charles X le permettait, je
« n'aurais pas sitôt fini de vous in-
«struire tous de votre imprudence,
« dont l'Église et vous à Paris vous au-
" rez à vous repentir. On est si heu-
« reux, monsieur, d'adopter, même à
«Rome, %ine hygiène préventive. • Le
cardinal délia Somaglia était, conmie
le cardinal Pacca, un homme à bons
mots. Ce genre de grâce a toujours été
familier aux personnes qui ont prin-
cipalement vécu dans les cours. On
présentait à La Somaglia Mrle cheva-
lier Liston , ministre d'Angleterre, qui
voulait visiter Rome en détail ; le car-
dinal lui dit : « Monsieur le cheva-
lier, nous qui lisons les gazettes de
tous les pays, nous avons beaucoup
entendu parler de vous. Mais y-a-t-il
eu une légation de votre pays oii
vous n'ayez pas résidé? — M. Liston
répondit :« Éminence, au nom de
mes souverains j'ai rempli dix-sept
missions diplomatiques. J'ai résidé à
Stockholm, à Copenhague, à Berlin,
SOM
à Constantinople, à Madrid, à Lis-
bonne, aux États-Unis, à La Haye,
et souvent à plusieurs reprises. Mil-
heureusement on m'a soufflé Paris,
et il m'était défendu par les lois
de la Grande-Bretagne de penser
à Rome. Aujourd'fiui sa majesté me
donne ma retraite sur ma demande,
et veut que je conserve mon dernier
traitement jusqu'à la fin de ma vie.
— Mais, monsieur, vous avez donc de-
mandé votre retraite? Pardon : quel
àgeavez-vous? — Éminence, j'ai qua-
tre-vingts ans, il me semble que j'ai
droit de me retirer des affaires. —Com-
ment, répondit vivement La Soma-
glia, quatre-vingts ans, quatre-vingis
ans! Mais, monsieur, c'est l'âge où
moi je suis entré dans les affaires;
ma vie a été occupée d'abord à d'au-
tres choses. Véritablement je ne suis
devenu diplomate qu'à 80 ans. Croyez-
moi, envoyez au roi Georges, qui,
pour le dire en passant, était l'ami
de Pie Vil et de mon prédécesseur
Consalvi, envoyez la démission de vo-
tre retraite que vous avez donnée
trop tôt. » On rit à Londres de cette
réponse, et véritablement il y avait
encore dans M. Liston quelque chose
de si vert, de si net, des traditions
si exHctes, des souvenirs si présents
et ce quelque chose de poli, d'im-
prévu el d'abondant enmezzo termine
qui reste toujours aux vieux hommes
d'affaires, enfin une étude comparée
si complète de la politique générale
du continent, qu'on le regrettait à
Windsor. Mais le judicieux diplomate
tint bon et lit bien. Quant à La So-
magliu, quatre ans après, il donnait
encore audience, et il fallait qu'il
apprît, comme tous les ministres di
rigeants, les réponses à donner, les
refus, les aterujoiemeuts, les consen-
temeuls , les promesses raisonna-
bles, les promesses qui ne devaient
SOM
363
pas avoir de suites, enfin ce bagage
de mots qu'il faut rapidement loger
dans sa tête, pour n'être pas grondé
plus tard par le chef de chancellerie
à qui il faut rendre compte de sa
vice-royauté d'une ou deux heures. La
Somaglia ne périt pas tout à fait par
l'âge. Ce fut le souverain, le maître
qui voulut régler lui-même encore
plus absolument ses plans, ses ré-
formes, ses pardons, et ces châti-
ments délicats (pie dans une telle si-
tuation il faut quelquefois infliger k
l'erreur qui va manquer de respect,
ou par lesquels il faut poursuivre
cette sorte de perversité irréligieuse,
peu rare aujourd'hui, qui amène ou
peut amener un jour tant de douleurs
au saint-siége. Ne trouvons pas si
étrange la carrière de La Som.iglia;
chez nous, le cardinal de Fleury a
été un exemple vivant de la possi-
bilité d'une longévité politique utile
au pays. Ce cardinal, né le 22 juin
1653 et placé à la tête du ministère,
fit prospérer la France à laquelle il
donna la Lorraine, par un traité si -
gué à Vienne le 30 octobre 1735,
lorsqu'il avait 82 ans. Nos malheurs
ne counnencèrent qu'en 1740 (il
avait 87 ans) par une guerre entre-
prise contre son avis. 11 la soutint
cependant avec fermeté jusqu'à sa
mort, arrivée en 1743, dans sa 90e an-
née. Quoi qu'il en soit, il y aunâgeoii
le repos est indispensable. La Soma-
glia pensa, indépendamment de quel-
ques autres raisons de palais, (jue
ses fondions de doyen du sacré collè-
ge et de bibliothécaire du Vatican oc-
cuperaient encore assez sa vieillesse.
Pour aucun trésor il n'aurait donné
sa démission de ces deux places.
L'une était le prix d'une vie que les
infirmités n'avaient pasabatlue, l'au-
tre la récompense la plus honorable
de publications savantes, de recher-
864
SOM
SON
clies laborieuses, d'une éloquence
1)611 commune, de la belle parole ita-
lienne et latine; enfin il pria par
écrit le saint-père de le remplacer
dans ses fonctions de secrétaire d'É-
tit. Léon XII, ayant égard à la de-
mande de ce noble serviteur, nomma
pour lui succéder M. le cardinal Ber-
netO, légat de Ravenne, encore au-
jourd'hui l'un des plus courageux,
des plus habiles, des plus honora-
bles membres du sacré collège. Le
nouveau secrétaire d'Etat enira en
fonctions le 17 juin 1828. On peut
dire que le cardinal délia Somaglia
mourut à la tête du sacré collège,
qu'il gouvernait toujours avec la
même vigilance, toutes les fois qu'il
ne siégeait pas sur son brillant fau-
teuil de bibliothécaire du Vatican,
où on le voyait encore donner des
ordres, dans les derniers jours de sa
vie. En mourant, il recommanda,
comme un sujet qui devait rendre
de grands servic;^s au saint-siége,
le nonce qu'il avait envoyé à Paris,
l'archevêque de Gênes, monseigneur
Lambruschini, qui obtint le minis-
tère suprême, comme on le verra
dans l'histoire de Grégoire XVI iiiie
nous allons publier incessamment.
Le cardinal délia Somaglia mourut
le 2 avril 1830. Il faut se rappeler
qu'il vit Benoît XIV, Clément XIII,
Clément XIV, Pie VI, Pie VII, Léon
XII et Pie VIII. S'il ne fut pas pape,
il fut sur le point de le devenir, et il
aida de ses lumières les sept pontifes
que nous venons de nommer. Il est
un des cardinaux qui ont le plus
mérité de la religion, de la cour ro-
maine, de l'érudition et de la belle
littérature italienne. Ce cardinal, su-
jet de la maison de Bourbon, eut le
bonheur de ne pas être témoin des
malheurs inunérilés de Charles X et
de sa fumille, A— d,
SOMAGLIA (Madame BiancaUg-
GERi, Capece della) uaquit à Plai-
sance, en 1713, du comte Charles-
Marie della Somaglia et de la com-
tesse Marguerite Fcnaroli, fut élevée
à Mantoue et y reçut une instruc-
tion variée dans la littérature et dans
les arts. Toutes les langues moder-
nes lui étaient familières. Mariée en
1704 avec Vincenzo Uggeri, de Bres-
cia, elle n'interrompit jamais ses élu-
des, vécut dans la société des savants
et des littérateurs les plus distingués,
et brilla dans l'art de la déclamation.
Elle jouait avec beaucoup d'inttlli-
gence VOlympie de Voltaire, traduite
d'après ses conseils par Brugnoli.
On assure qu'à cette occasion elle lit
plusieurs changements dans cette
pièce, qui furent ensuite approuvés
et adoptés par l'auteur lui-même.
Plusieurs écrivains aimaient à sou-
mettre leurs productions à son juge-
ment. Elle mérita surtout les éloges
du savant biographe J.-B. Comiani,
qui lui adressa un petit poème et un
mémoire épistolaire sur les plaisirs
de l'esprit réduits en système. Le
comte Roncalli et OrazioColiini l'ont
célébrée dans leurs vers. Elle fut en
correspondance avec les célèbres
Frisi,Bettinelli, Lorenzi,Pindemon;c
et d'autres savants qui rendaient
hommage à son goût et à son juge-
ment. Les qualités de son cœur ajou-
taient à celles de son e.^prit. Elle
mourut à Brescia le 13 mars 1822. Le
comte Gauibara a publié VÉlogc de
cette illustre danic, ([u'il a dédié à
ses [\eux lllles, Paola Calini cl Dorolea
Luzzago. A— G— s.
SOXr.IS (iXicoLAS Map.ie de), gé-
néral français, né en 1761, d'une fa-
mille noble, dans un village de la
Champagne, suivit dès sa jeunesse
la carrière des armes. H était lieute-
nant d'artillerie eu 1780. Dès 1«
SON
première année do la révolution il
lui nommé Ccipilniiio et bienlût lieu-
tenant-colonel. Il fit en cette qua-
lité la première campagne sous La-
fayette et Diimouriez, et après la re-
traite (le ce dernier, dans le mois
d'avril 1793, il était un des chefs de
l'artillerie au camp de Maulde. Quand
ce général en chef eut complété sa
défection et qu'il se fut réfugié au-
près des Autrichiens, Songis fut un
des officiers qui concoururent le plus
efficacement à mettre au pouvoir de
la Convention le parc d'artillerie en
le conduisant à Valenciennes. Il fit
les campagnes de I79i, 1795 aux ar-
mées du Nord, et passa en 1797 à
celle d'Italie, où il gagna le grade
(le chef de brigade d'artillerie -, par-
ticulièrement distingué par le géné-
ral Bonaparte, il le suivit en Egypte.
Sa conduite dans l'expédition de Sy-
rie et au siège de Saint-Jean-d'Acre
lui mérita le brevet de général de
hiigade. Après le départ de Bona-
parte, il eut le connnandemenl en
chef de l'artillerie de l'armée d'O-
rient, et le premier consul, en ré-
compense des services qu'il y rendit,
le créa à son retour en France géné-
ral de division. En 1801, il fut nom-
mé conservateur des forêts à Caen,
et l'année suivante général d'artil-
lerie de la garde. Il présida en 1803
le collège électoral du département
de l'Aube. Après la formation de
l'empire, il devint inspecteHr-géné-
ral de l'artillerie, grand officier de la
Légion-d'Honneur, puis reçut le til re
de comte. Atteint d'une maladie
grave à la suite des campagnes d'Al-
lemagne et de Pologne, où il s'était
distingué, il mourut au milieu de la
gloire et des honneurs, le 27 décem-
bre 1809. M— D j.
SONXIUS (François), au lieu de
porter le nom de son père, Vandeti'
SON
365
velde, prit celui du village de Son ou
Zon près de Bois-le-Duc où il était
né, d'une famille de pauvres agri
culteurs, l'an 1506. Reçu docteur en
théologie à l'université de Louvain,
en 1539, il choisit pour armes un so-
leil rayonnant d'or sur un champ
d'azur, et pour devise Sine opère
nihil Ses talents, que mirenten évi-
dence les discussions scholastiques
fort en vogue à cette époque, et sa
connaissance approfondie des saints
pères le firent considérer comme une
des lumières de l'Église belgique, et
lui valurent un canonicat d'Utrecht.
Le zèle qu'il déploya dans les que-
relles religieuses lui servit de le-
commandation auprès de Charles-
Quint et de Philippe II. Inquisiteur
de la foi, il se rendit au concile de
Trente, puis, en 1557, au colloque de
Worms. Philippe II le chargea de né-
gocier, à Rome, la création des nou-
veaux évêchés aux Pays-Bas. Cette
affaire terminée, Sonnius devint évé-
que d'abord de Bois-le-Duc en 15G2,
et, huit ans après, d'Anvers. Son
installation se fit avec la plus grande
pompe. Il se montra, dans ce nou-
veau poste, ce qu'il avait toujours
été, d'un caractère inflexible et d'une
activité sans égale. Il organisa, pour
son diocèse, des missions nombreu-
ses dont lui-même rédigea les statuts.
On le voyait aussi parcourir fré-
quemment les villes et les villages,
prêchant et catéchisant partout avec
une vivacité juvénile. Il mourut le
29 juin 1570, et fit, par son testa-
ment, plusieurs fondations pieuses.
Il avait publié : I. Christianœ insii-
lutionis formulée, Anvers, Plantin,
1571, petit in-S". II. Un catéchisme
en flamand, Anvers, 15G2, in-8". III.
Le même ouvrage, tradu.t en latin
sons ce titre : Dcmonslrationum re-
ligionis christianœ libri III, Au-
366
SOP
SOP
vers, 1564, in-8„; réimpriin*^ l'année,
qui suivit la mort de l'auteur (1577),
avec un quatrième livre sur les sa-
crements. St— T.
SOPAÏER, dit le jeune, rhé-
teur grec, vivait durant le iV® siècle
de notre ère ; on le regarde comme
l'auteur de prolégomènes mis en têle
des discours d'Aristide, et il a laissé
un traité étendu intitulé : Tractatio
caussarum; le texte grec a été publié
pour la première fois dans la collec-
tion des Rhelores grœci, imprimé
peu correctement à Venise par
Aide Manuce, 1508, in-fol. (t. l", p.
287-455); il a été reproduit dans les
Rhetores grœci, de Walz (1832-1836,
9 vol. in-8% t. VIII, p. 1 385). A tra-
vers bien des longiieurs, bien des
détails minutieux, cet ouvrage con-
tient des particularités dignes de l'at-
tenlion des érudits (lui explorent
dans les moindres recoins la littéra-
ture de l'antique Hellénie. Photius a
parlé de Sopater ( liiblioth. cod.
CXLI), et Eunape en a fait mention
dans ses Vies des sophistes, biogra-
phies curieuses, dont un de nos col-
laborateurs, M. Boissonade, a publié
en 1822, à Amsterdam, une édition
excellente. B— n— t.
SOPATIIOS, auteur comique
grec, dont il ne nous est parvenu
que quelques fragments qui font re-
gretter que cet écrivain ait été, lui
aussi, victime de ce grand naufrage
où s'est engloutie presque en entier
la littérature antique. Il était natif
de Paphos, et sa longue carrière se
prolongea jusqu'au règne de Ptolé-
niéePhiladelphe.Élien etStobée font
mention d'un Supatros qui présenta
à Alexandre les cornes d'un une des
Indes \ il est impossible de savoir si
ce trait conct'rne notre auteur. Dans
ses Di-iptiosophistes, ouvrage si pré-
cieux pour la connaissance d'une
foule de petits détails relatifs aux
événements et aux mœurs de la Grèce,
Athénée nous a conservé quelques
vers empruntés aux différentes pièces
de Sopatros, pièces dont les sujets
nous échappent presque complète-
ment. Un ou deux vers isolés pris au
hasaril dans les Iniliés, dans le Phy-
siolngue, dans les Galates, ne per-
mettent aucune conjecture. Sa Fille
de Gnide roulait sur un sujet que
Ménandre el Alexis mirent aussi sur
la scène. Nous ne connaissons guère
que de titre : Bacchis, V Affranchis-
sement de Bacchis, les Noces de Bac-
chis, \' Eubulotheombrotos, la Porte
{Pylai). Il parodia nombre de tragé-
dies attiques; on a cité en ce genre
un Oresle et un Hlppolyte. Les cita-
tions éparses dans Athénée ne peu-
vent faire apprécier le mérite d'un
auteur dont la fécondité fut grande,
et qui paraît avoir été goiité de ses
contemporains. « Arrête! car le son
mélodieux d'une telline (coquille où
soufflaient les enfants) vient subite-
ment frapper mon oreille. » — ■ « Il
faut que tu manges une tranche
bouillie de la partie la plus délicate
d'une truie en la trempant dans une
sauce amère et piquante. » Trois ou
quatre passages du même genre, d'uu
(les plus enjoués des comiques grecs,
voilà ce qui nous reste. B — n— t.
SOPHIE, épouse du tzar Iwan 111,
était fille dcThomas Paléologue. Con-
stantin,dernier empereur de Constan-
tinople, avait deux frères, Démétrius
et Thomas, qui possédaient la Morée
à titre de fiefs. Au lieu de se réunir
contre l'ennemi commun, ils se fai-
saient la guerre et par leurs dissen-
sions ils ouvrirent à Mahomet II les
portes du Péloponèse. Démétrius en-
voya sa fille au sérail du vainqueur,
et obtint pour prix de sa lâcheté la
ville d'Énos dans laThrace. Thomas
SOP
SOP
367
se réfugia avec sa femme, ses en-
fants et plusieurs Grecs du Pélopo-
nèse, h Rome, où il mourut en 1465,
laissant deux iiis, André, Manuel et
une (iile Sophie, qui réunissait à la
plus grande beauté tous les dons de
l'esprit et du cœur. Le pape Paul 11
lui chercha un époux qui lut digne
d'elle et qui pût servira défendre la
chrétienté contre les musulmans.
D'après l'avis du cardinal Bessarion,
un Grec appelé Youri se rendit à
Moscou en 1469, avec une lettre dans
laquelle on proposait au grand-duc
Iwan III la main de Sophie, en fai-
sant entrevoir au prince que cette
alliance lui donnerait des droits sur
la Morée. Ces ouvertures plurent à
Iwan qui envoya à Rome, en qualité
d'ambassadeur, Jean Friazin, Véni-
tien qu'il avait attire à sa cour
{voy. Friazin, LXIV, 512). L'envoyé
revint comblé des bontés de Paul II
et de Bessarion; il fil à Iwan une
peinture séduisante de la princesse
Sophie, dont il lui remit le por-
trait avec les lettres du pape qui au-
torisaient les ambassudeiirs russes a
entrer en Italie. Iwan renvoya à Rome
(17 janvier 1472) Friazin avec une
suite nombreuse, alin d'aller cher-
cher Sophie. Le 22 mai, Sixte IV,
qui avait succédé à Paul II, annonça
ce grand événement au conclave, et
le 10 juin la princesse fut fiancée
dans la basilique de Saint-Pierre
avec Iwan, représenté par Friazin.
Le pape donna une riche dot à
Sophie , qu'il fit accompagner en
Russie par un légat et par plusieurs
Romains de h.iute distinction. Le 12
novend)re, !a princes-e fit son entrée
dans Moscou, où se cé.ébra le ma-
ringe avec Iwhu. Elle enmiena avec
elle plusieurs Grecs qui enrichirent
les bibliothèques de livres échappés
à la barbarie des Turcs, en même
temps qu'ils contribuaient à civili-
ser la cour du izur. On vit aussi ar-
river à Moscou (les Grecs illustres
qui (juiltèrent Constantinople pour
chercher un asile en Russie, sous la
protection de la princesse leur com-
patriote. Alin d'attester son alliance
avec les empereurs grecs, Iwan
adopta leurs armes, c'est-à-dire l'ai-
gle à deux têtes, qu'il ajouta aux ar-
mes de Moscou. Son beau-frère An-
dré fit deux voyages dans cette capi-
tale. I! paraît cependant qu'il fut
peu content d'Iwun; car, avant sa
mort qui arriva à Rome en 1502, il
légua par testament ses droits au
trône de Constantinople à Ferd;-
nand-le-Catholique et à Isabelle de
Castille, droits qu'Iwan croyait avoir
acquis en épousant la sœur d'André.
Sophie contribua à assurer l'indé-
pendance de la Russie; elle ne ces-
sait de dire à son époux : «Je suis
née libre et princesse; serai-je donc
encore long-temps condamnée à être
l'esclave du khan desTartares?» Les
kbans s'étaient réservé dans le Krem-
lin une maison destinée au logement
de leurs ambassadeurs et des mar-
chands mogols. Sophie, ne pouvant
soutïrir la vue de ces étrangers
qu'elle appelait des espions, dit à
son époux qu'à la suite d'une vision
elle avait fait vœu de bâtir une église
sur l'emplacement même qu'occupait
l'hôtel des Tartares; qu'elle le de-
mandait, s'offrant de leur assigner
ailleurs une demeure convenable.
L'Iiôtel fut détruit et il ne fut plus
permis aux Tartares d'entrer dans le
Kremlin. Lorsque les députés du
khan arrivaient à Moscou, le grand-
duc sortait ordinairement à pied jus-
que hors de la ville, et faisant étendre
une peau de martre sous les pieds de
celui qui lisait les lettres du khan, il
en écoutait la lecture ii genoux. D'à-
368
SOP
près les roprc^sontations delà grando-
diichcFse, Iwan refusa de se prêter à
cette cérémonie ignotninieuse, et à
J'endroit où elle avait eu lieu, il fit
construire, en l'honneur du saint
Sauveur, une église que l'on y voit
encore aujourd'hui. En 1498, après
une longue et heureuse union avec
ce prince, à qui Sophie donna cinq
fils, dont l'aîné, Vassili IV, succéda
à son père, la princesse tomba en
disgrâce. Le vieux Iwan, trompé par
de perfides insinuations, crut que
Sophie et son fils aîné voulaient le
détrôner. On arrêta ceux que l'on
soupçonnait de favoriser leurs des-
seins. La plupart furent mis à mort ;
Sophie et son fils furent gardes à
vue. Les dames russes qui voyaient
la tzarine furent, sous le vain pré-
texte qu'elles exerçaient la magie,
arrêtées et jetées pendant la nuit
dans la Moskowa. A peine Iwan eut-
il reconnu pour son successeur le
jeune Dmitri son petit fils par un
premier mariage, qu'il commença à
ressentir vivement l'affection qu'il
portait à Sophie sa seconde épouse.
Il se rappelait le bonheur dont il
avait joui avec elle pendant pins de
vingt années, les avis sages qu'elle
lui avait donnés et auxquels il attri-
buait les succès obtenus dans ses
cm reprises. I! lutta pendant une an-
née; enfin il rendit toute sa tendresse
à Sophieel à Vassili (1499), et, d'après
ce penchant qui le portait vers les
mesures cruelles, il lit mourir ceux
qui l'avaient indisposé contre son
épouse. Iwan l'ayant perdue en 1503,
sa santé s'affaiblit et il ne lui survé-
cut que de deux ans. G— Y.
SOPHIE- CIIAULOTTE, reine
d'Angleterre, née princesse de Meck-
lembonrg-Strelitz le 17 mai 1744,
épousa le roi Georges 111, un an après
son avènement au trône, le 8 sep-
SOP
tembre 1761. Ce prince était alors
âgé de 2.3 ans et elle-même n'en avait
que dix-sept. Tons les deux, élevés
avec beaucoup de soins, n'avaient
que des goûts très simples et des
mœurs de la plus extrême pureté.
L'histoire offre peu d'exemples d'une
union aussi longue et aussi constam-
ment heureuse. Sa durée fut de 57
ans, et ses fruits de onze enfants qui,
ions fortement constitués, parvinrent
à un âge assez avancé, mais qui, par
une singidière bizarrerie de la nature
humaine , laissèrent à peine une
postérité. 11 paraît que les goûts
de la reine Sophie -Charlotte ac-
crurent encore l'éloignement du roi
pour le faste et la représentation.
Passant la plus grande partie de l'an-
née au château de Windsor, ces deux
époux se complaisaient à y vivre en
simples particuliers, au sein de leur
famille. Les ministres étaient rare-
ment admis dans cette retraite. La
paix en fut cependant troublée par
des événements où la reine dut in-
tervenir comme épouse et comme
mère. Ces événements furent surtout
les époques où l'aliénation mentale
de Georges 111 lit agiter par le par-
lement la question de la régence. La
reine sortit alors de la nullité poli-
tique à laquelle elle semblait s'être
vouée, pour défendre la personne et
l'autorité de son malheureux époux.
Elle trouva un puissant appui dans
les rares talents du ministre PitI; et
sincèrement reconnaissante des émi-
nents services qu'il lui avait rendus,
elle ne négligea aucun moyen de vain-
cre les préventions personnelles de
Georges 111 contre ce grand homme
d'État. L'opinion générale reprocha
cependant à cette princesse de n'a-
voir pas fait usage de toute son in-
fluence pour maintenir Pitt <i la tête
du ministère, lorsque le roi prit la
SOP
résolution de l'éloigner de ses con-
seils, plutôt que de consentir à l'c-
mancipation des catholiques romains,
qui leur avait été formellement pro-
mise par ce ministre. On a prétendu
même que la reine Sophie-Charlotte
partageait les préventions de son
royal époux contre les principes et
la fidélité des catholiques romains.
Mais, au mois de décembre 1811, le
prince de Galles se vit investir de la
plénitude de la puissance royale, que
l'aliénation mentale de son père ne
lui permettait plus d'exercer. Depuis
ce jour, la reine fut chargée par le
parlement de la garde et du soin de
la personne de Georges 111; elle sut
encore verser des consolations sur
l'existence de l'auguste vieillard ; et
ce qui prouve qu'il n'y était pas in-
sensible, c'est que depuis que cette
princesse était retenue au château de
Kew, par sa maladie, il se plaignit
plusieurs fois de son absence. L'ex-
trcnie économie que la reine avait
établie dans toutes les parties des
dépenses de la maison royale servit
long- temps de prétexte à la malveil-
lance pour répandre le bruit que
d'immenses trésors, fruits de ses
épargnes sur la liste civile, étaient
eu fouis dans les caves du château de
Windsor. Plusieurs fois, pendant la
maladie de cette princesse, cette as-
sertion se renouvela , et autant de
fois elle fut repoussée comme une
odieuse calomnie. Les faits la démen-
tirent plus victorieusement encore
quand il fut bien connu que la plus
grande partie des revenus de la
reine était employée en aumô-
nes et actes de bienfaisance. Elle
mourut dans le mois de novembre
1818, plus de deux ans avant son
époux, dont la maladie avait fait
de si grands progrès qu'il ne sut ja-
mais la perte qu'il Avait faite. M— Dj.
LXXXII.
SOP
369
SOPHILOS de Sycione on de Thè-
bes, poète dramatique, vivait au mi-
lieu du quatrième siècle avant l'ère
chrétienne. Athénée nous apprend
qu'il avait composé deux pièces inti-
iuléesAndroclès et Philarque,écntes
toutes deux dans des vues politiques,
l'une destinée à retracer les excès de
la turbulence démocratique, l'autre à
peindre un ambitieux avide de s'em-
parer du pouvoir à tont prix. Les ti-
tres de trois de ses comédies se trou-
vent épars dans Athénée, le Poîg'nar^i,
le Gage confié.^ les Compagnons de
course. Suidas mentionne encore trois
autres compositions : Délie , Tyn-
dare et Léda et les Joueurs de cy-
thare. Il ne reste pas un vers, pas
même un hémistiche, de tous ses
écrits. De plus de douze cents pièces
de théâtre, composées aux brillantes
époques de la littérature grecque et
dont l'existence estconstatée, de plu-
sieurs milliers de comédies dont les
titres même ont disparu, n'est-il pas
douloureux de songer qu'à l'excep-
tion de onze comédies d'Aristophane,
rien ne nous est parvenu en entier?
D'ailleurs, ne nous faisons pas illu-
sion ; tous les dépôts de manuscrits
en Europe et dans l'Orient ont trop
bien été explorés pour qu'on puisse
se bercer de l'espoir d'arriver encore
à quelque découverte d'un intérêt
réel. Les écrivains grecs qui restent
aujourd'hui inédits méritent de ne
jamais sortir de l'état de manuscrit.
B— N— T.
SOPHRON de Syracuse, poète
grec,contemporaindeXercesetd'Eu-
ripide, fut, l'un des premiers et des
plus célèbres écrivains qui s'avisè-
rent de composer des mimes^ petites
compositions dramatiques enjouées,
destinées à la lecture plutôt qu'à la
représentation, et d'un genre un peu
plus relevé que le spectacle saty-
24
370
SOP
riqiie e( que l'improvisation. Il serait
d'ailliHirs difficile d'apprécier le mc-
rile de cet aiileur, puisqu'il ne reste
de ses écrits que quelques fragments
d'une bien faible étendue. Un hellé-
niste distingué, Bloumtield, les a re-
cueillis, comuientés et publiés dans
le Classical journal, 1811, t. IV^ il
les a insérés derechef avec de nou-
veaux développements dans le Mu-
séum criticum de. Cambridge, 1821,
1. 11, n"'7et8. Athénée et Quintilien
nous apprennent que la lecture des
écrits de Sophron faisait les délices de
Platon ; il les avait sans cesse sous la
main; il les rapporta de Sicile et les
lit connaître aux Athéniens. Cette
circonstance doit nous inspirer les
plus vifs regrets de ce que l'immense
naufrage qui a détruit presque toutes
les productions intellectuelles de la
Grèce nous prive à jamais de com-
positions dont la lecture serait de
l'intérêt le plus vif. Un fils de So-
phron, Xénarque, se distingua dans
le même genre. B — n— t.
SOPHROiVE, auteur ecclésias-
tique du IV^ siècle, composa un Pa-
négyrique de laville de Belhléemelmi
écrit sur la destruction de la statue
de Sérapis. Il traduisit du latin en
grec quelques ouvrages de saint Jé-
rûaie, dont il était contemporain ,
entre autres IdVie desaint Hilarion^
et le livre de la Virginité, adressé à
Eustoquie. Érasme lit imprimer à
Bàle en 1526, sous le nom de So-
phrone, une traduction grecque des
Écrivains ecclésiastiques de saint
JérGaie \ mais Isaac Vossius affirme
que cette traduction, d'ailleurs peu
lidèle, est bien postérieure à So-
phrone. — Sophronf. (iainl), né à
Damas en Syrie, se rendit habile dans
les lettres liiviues et humaines; et,
sans embrasser la vie monastique, il
resta vingt ans auprès d'un pieux cé-
SOP
nobite, nommé Jean Moschus (voy.
ce nom, XXX, 232), avec lequel il
voyagea en Egypte et en Italie. Re-
venu en Orient après la mort de son
maître, Sophrone se montra un des
plus zélés défenseurs de la foi catho-
lique, attaquée alors par l'hérésie
des monothélites. Sa science et ses
vertus l'ayant fait élever, en 634, sur
le siège patriarcal de Jérusalem, il
assembla dans cette ville un concile
où l'erreur fut anathématisée, et il
écrivit une lettre synodale au pape
Honorius, ainsi qu'à Sergius (voy.
ce nom, ci- dessus, page 119), pa-
triarche (le Conslantiuople et l'un
des chefs de l'hérésie. Cette lettre
fut approuvée par le sixième concile
général, tenu à Constanlinople en
680. Sophrone eut la douleur de voir
la prise de Jérusalem, dont le ca-
life Omar, successeur de Mahomet,
s'empara en 638, et dans ces funes-
tes circonstances le saint évéque si-
gnala sa charité ardente envers son
troupeau, qu'il s'efforça de secourir
et de consoler. Ce fut au milieu de
ces t ravaux|et de ces tribulations qu'il
termina sa carrière en 639 ou 644,
le 11 mars, jour où l'Église honore
sa mémoire. Outre quelques sermons
qu'on trouve dans la Bibliothèque
des Pères, on lui attribue la Vie de
sainte Marie Égyptienne, citée avec
éloge par le septième concile géné-
ral, assemblé à Nicée en 787, et où
fut condamnée l'hérésie des icono-
clastes qui rejetaient le culte des
images. P— rt.
SOPRANSI ( Fidèle) , avocat et
liiléraleur de Milan, devint membre
de la municipalité de cette ville lors-
que les Français s'en furent emparés
en 1796, et se rendit aussitôt îi Paris
pour féliciter le Directoire sur le suc-
cès de ses armes, et pour presser son
consentement à l'érection d'une repu-
SOP
blique en Lombardie. En décembre
1797, il fut nommé minisire de la
police de la république cisalpine.
L'ambassadeurTrouvé ayant été char-
gé quelque temps après, par le Di-
rectoire français, d'exécuter des chan-
gements dans le gouvernement, So-
pransi fut choisi pour entrer au Di-
rectoire; mais Fouché, étant venu
ensuite avec des instructions con-
traires, détruisit l'ouvrage de son
prédécesseur et expulsa les trois di-
recteurs Adelasio, Liiosi et Sopransi.
Ce dernier fut le seul qui protesta
contre cette violence et n'abandonna
son poste que qiiand un piquet de
soldats français eut reçu l'ordre de
l'enlever de son appartement. Le Di-
rectoire envoya ensuite Rivaud, qui
réinstalla le Directoire cisalpin. Lors
de la conquête de l'Italie par les Aus-
tro-Russes, en 1799, Sopransi se ré-
fugia en France, ainsi que tous ses
compatriotes qui s'étaient compro-
mis envers l'Autriche. Il résidait à
Paris et s'y occupait de présenter au
Directoire ses vues sur la restaura-
tion de la liberté de son pays, lors-
que la révolution du 18 brumaire
an VIII (9 novembre 1799) vint inter-
rompre ses relations. Il n'eut point
d'influence dans la formation du nou-
veau gouvernement, quela consulta de
Lyon donna à la république italienne.
Bonaparte ne l'estimait pas, à cause
de l'exagération de ses opinions révo-
lutionnaires. Il permit cependant
qu'on le nommât préfet de l'un des
nouveaux départements de la Lom-
bardie. C'est dans cette position
qu'il est mort quelques années plus
tard. Sopransi , irès-versé dans la
littérature italienne, latine et fran-
çaise, passait pour un des meilleurs
poètes latins modernes 5 il a fait pa-
raître dans celte langue des mor-
ceaux estimés sur la révolution, sur
SOR
371
les conquêtes de Bonaparte et la
bataille de Marengo. Une traduction
de son poème latin sur la paix a été
faite par le citoyen More, Toulon,
1801, in-i». G— N.
SOPRANZI (l'abbé ), né à Man-
toue, entra chez les Carmes déchaus-
sés de Parme et fut connu sous le
nom de père Victor de Sainte-Marie;
mais, ayant adopté les innovations
religieuses que l'empereur Léopold,
alors grand-duc de Toscane, tentait
d'introduire dans ce pays, il fut obligé
de quitter son couvent. Sopranzi pu-
blia en italien quelques écrits ano-
nymes sur les contestations de l'É-
glise, entre autres des Réflexions
pour la défense de Scipion Ricci,
évêque de Pistoie, et de son synode,
condamné par Pie VI, 179G, in-8°;
des Réflexions sur les homélies du
frère Turchi, évêque de Parme^ 2 vol.
in-8*^ imprimés à Asti, quoique por-
tant la rubrique de Bielle et Casai
[voy. Turchi, XLVII, 40). Dans ces
ouvrages, Sopranzi prend la défense
de l'église janséniste d'Utrecht et de
l'église constitutionnelle de France.
Il mourut à Padoue en 1803. Z.
SOIIANUS d'Ephèse, médecin
grec. Suidas désigne deux hommes
de ce nom qui ont eu de la célébrité
dans la science médicale, et dit que
le plus ancien était fils de Ménandre
et de Phœbe; qu'il exerça d'abord la
médecine à Alexandrie et allaj en-
suite s'établir à Rome, sous les règnes
de Trajan et d'Adrien. Mais comme
les deux Soranus étaient pareillement
nés à Éphèse, comme ils suivirent
tous deux la secte des méthodistes
et ne vécurent pas à une bien grande
distance l'un de l'autre, il est diffi-
cile aujourd'hui de les distinguer.
Soranus l'ancien peut être regardé
comme le plus savant médecin de la
secte méthodique. Il avait composé
372
SOR
un frailé des maladies chroniques et
plusieurs autres écrits. Caelius Aure-
Jianus ( voy. ce nom , VI , 458 ) cite
très-fréquemment ses ouvrages etdit,
dans plusieurs endroits, qu'il ne fait
que le traduire. Soranus jouit d'une
grande considération pendant sa vie.
Galien, qui ne partageait cependant
pas ses opinions, en parle avanta-
geusement. Le professeur Hecker, de
Berlin, dit qu'il a le premier donné
les préceptes de diagnostic, dans le
sens que les modernes attachent à ce
mot. Soranus le jeune paraît avoir
vécu après Galien ; Suidas ne donne
aucun détail sur sa vie, il ne fait
qu'indiquer ses écrits. Les ouvrages
qui nous sont parvenus sous le nom
de Soranus semblent être de lui. Ce
sont : 1° un traité des signes de frac-
tures. 11 se trouve dans la collection
intitulée: Grœcorum chirurgici li-
bri. ex collectione Nicetœ, Florence,
17ô4,in4'ol. Sprengel dit que ce livre
ne contient rien de remarquable, si
ce n'est l'indication des formes qu'of-
frent les diverses fractures. Peyrilhe
en a donné l'analyse dans son His-
toire de la chirurgie. 2" Un petit
traité sur les parties génitales de la
femme, de utero etpudendo muliebri,
imprimé par Turnèbe en 1554, à
la suite de Rufus d'Éphèse. On y
trouve des connaissances anatomi-
ques étendues. Nous verrons plus
loin qu'il fait partie d'un autre ou-
vrage. 3" Une vie d'Hippocrate, qu'on
lit dans la plupart des éditions de ses
œuvres. Soranus le jeune avait écrit,
au rapport de Suidas, un livre sur les
vies et les sectes des médecins ; il est
probable que cette biographie d'Hip-
pocrate en faisait partie. L'auteur y
cite un Soranus de Cos différent de
celuid'Épbèse, qui avait, dit-il, fouillé
les bibliothèques de l'île de Cos, pour
y recueillir des renseignements sur
SOR
le père de la médecine. 4o Un traité
des malndies des femmes, imprimé
pour la première fois en 1838, avec
le titre suivant : Sorani Ephesii
de arte obstetrica morbisque mulie-
rum quœ supersunt ; ex apographo
Fr.-R. Dietz nuper fato defancti
primum édita a Chr.-Aug. Lobeck,
Kœnigsberg, 1838, in-S» de 300 pag.
Ce volume contient le texte grec,
sans version latine, avec des va-
riantes. Il a été imprimé sur une co-
pie faite par le docteur Dietz, d'a-
près un manuscrit de Paris et un
autre de Rome. Cet ouvrage se com-
pose de 164 chapitres, dont il ne
reste que 127 et les titres des autres.
Le petit traité De utero et pudendo
muliebri, imprimé séparément par
Turnèbe en 1554, et dont nous avons
parlé plus haut, faisait partie de ce
livre et en formait les chaptires 4
et 5. Ce traité des accouchements et
des maladies des femmes était desti-
né à l'instruction des sages-femmes.
Il a quelques rapports avec celui de
Moschion {voy. ce nom, LXXIV,
447), qui paraît avoir été disciple de
Soranus. Nous possédions déjà plu-
sieurs fragments de cet ouvrage dans
le 16* livre des collections de méde-
cine d'Aétius. Le nouvel éditeur les
a comparés avec le livre qu'il a pu-
blié : on voit d'assez nombreuses
différences dans les deux textes. Sou-
vent Aétius abrégeait Soranus ; d'au-
tres fois aussi il y faisait des addi-
tions. La lecture de ce traité prouve
que l'auteur a exercé la médecine à
Rome. En effet, on y trouve un cha-
pitre sur les causes de la courbure
des membres dont sont atteints un
grand nombre d'enfants dans cette
capitale du Rionde. Il pense que la
raison principale est que les femmes
romaines avaient beaucoup moins de
soins pour surveiller les mouvements
SOR
de leurs enfants, dans le premier âge
de la vie, que les femmes grecques.
Si Suidas n'attribuait pas l'ouvrage
qui nous occupe à Soranus le jeune,
ou pourrait croire qu'il est de Tan-
cien. L'auteur a demeuré à Rome,
comme ce dernier; il méprise l'ana-
tomie ainsi que le faisaient les pre-
miers méthodistes. Il décrit la ma-
trice bien mieux qu'on ne l'avait fait
avant lui , et avant de la décrire il
déclare que l'anatomie est inutile.
Il existe sur cet ouvrage une dis-
sertation de H. Hœser , intitulée:
Programma de Sorano Ephesio,
cjusque de morbis mulicrum libro
miper repérto , léna, 1840, in-4°. Sui-
das attribue encore à Soranus le
jeune un traité des métlicanienls en
dix livres qui est perdu. On trouve
dans la collection de Thorinus, im-
primée en 1528, et dans celle d'Aide
( Medici antiqui omnes, etc., Venise,
1547), un traité attribué à Soranus
d"E|)hèsc, qui a pour titre : In artcm
medicam isagogc; mais il est d'un
écrivain bien plus moderne, qui est
d'ailleurs un faussaire, vu qu'il s'a-
dresse à Mécène, pour faire croire à
ses lecteurs qu'il est contemporain
de ce favori d'Auguste. Il a encore
existé un Soranus de Mallus en Cili-
cie, sur lequel on a très-peu de ren-
seignements ; il était beaucoup plus
ancien que ceux d'Éphèse(l).
G— T — B.
SOUDAIT (Paul), natif du Hai-
naut, se livra dès sa jeunesse aux
études médicales, et, après avoir
(i) Nous n'avons pas besoin de dire ici
que les trois lettres, attribuées à Soranus,
adressées à Marc Antoine et à la reine Cléo-
pâtre, que l'on trouve à la suite desPriapeia et
dans quelques autres recueils, ne sont poiut
des médecins auxquels cet article est consa-
cré, mais oot pour auteur uu maladroit
faussaire, probablement Gaspar Scioppius,
t]ui parait en iUv Iv prc.*nier éditeur.
SOR
373
reçu le doctorat à l'imiversité de
Vienne en Autriche, il se fixa dans
cette ville, oii il devint, en 1655,
premier professeur de médecine,
fonctions qu'il exerça avec succès
pendant vingt-quatre ans. Il se dé-
mit de sa chaire en 1C79, lorsque
l'impératrice douairière, Éléonore,
troisième femme de Ferdinand II!,
l'eut nommé son médecin ordinaire.
Sorbait mourut, dans un âge avancé,
le 28 avril 1G91. Il était membre de
l'Académie des Curieux de la nature
sous le nom de Machaon II. Outre
un grand nombre d'observations
médicales qu'il a fournies aux Êphé-
méridcs de cette Société, on a de lui :
1. Universa medicina, tani theorica
quam practica, nempe isagoge in-
stitutionum medicarum et anatomi-
carum, methodus medendi cum con-
troversiis, annexa sylva medici,
Nuremberg, 1672, in-fol.; Vienne,
1680 et 1701, in-fol. C'est un ou-
vrage capital; et, malgré quelques
opinions singulières qu'on y rencon-
tre, il est encore estimé. II. Isagoge
instifutionum medicarum, Vienne,
1678, in-4°. III. Consilium medicum
de peste, Vienne, 1679, in-S". Ce li-
vre fut composé à l'occasion de la
peste qui, en 1679, ravagea la ville
de Vienne, où elle enleva près de
soixante-dix-sept mille personnes.
IV. Dialogue sur la contagion de
Vienne (en allemand), Vienne, 1679,
in-80; réimprimé à Gotha, 1681,
in-12. V. Règles d'hygiène pour les
temps de peste^ tirées des manuscrits
de J.-G. Manageta (en allemand),
Vienne, 1680,in-4°. VI. Commenta-
ria et controversice in omnes libros
AphorismorumHippocratiSjWienne.,
1701, in-i°. Z.
SORBIER (Jean Barthelemot),
général d'artillerie, naquit à Paris le
6 sept. 1762. Son père était chirur-
374
SOR
gien des gendarmes de la maison du
roi. Élève de l'École militaire de
Brienne, il fut nommé, en 1783, lieu-
tenant au régiment de La Fère, de
la même promotion et dans le même
re'giment que Napoléon Bonaparte,
qui conserva toujours de lui un très-
bon souvenir. Capitaine en 1791, il
commandait, l'année suivante, à Val-
my la compagnie d'artillerie le'gère
qui eut le plus de part à cette canon-
nade , fut nommé chef, d'escadron
aussitôt après, puis colonel d'artil-
lerie. Le 9 juin 1793, la bataille d'Ar-
lon lui fournit une occasion de dé-
ployer sa valeur. Un carré de grena-
diers hongrois avait résisté à des
attaques réitérées , Sorbier se lance
sur cette muraille vivante avec ses
canonniers, ses pièces, les rompt et
les disperse; la bataille est gagnée,
et Sorbier, blessé d'un coup de
baïonnette, reçoit le grade d'adju-
dant-général. H assista ensuite à
toutes les batailles sous la républi-
que et l'empire, et y fut constam-
ment distingué par son sang-froid et
son énergie. En 1796, sous les ordres
de Jourdan, avec quatre mille hom-
mes dont il avait le commandement,
il ramena des frontières de la Bo-
hême une immense colonne d'artil-
lerie sans qu'elle fût entamée. Le
2 juillet de la même année, au pas-
sage du Rhin, il reçut le grade de
général de brigade. Il seconda en-
suite puissamment Masséna dans sa
campagne des Grisons et aux com-
bats de Zurich. Lorsque Bonaparte
se fut emparé du pouvoir, on doit
bien penser qu'il n'oublia pas son
ancien compagnon d'études. Alors
Sorbier combattit à Aiist^rlitz, puis
en Italie, sous les ordres d'Eugène,
dont il fut souvent le conseil et le
maître. Il commandait en chef son
artillerie en 1809, lorsque, après
SOR
avoir éprouvé quelques revers à Sa-
cile et à Villanova, l'armée franco-
italienne rejoignit la grande armée
de Napoléon. Sorbier concourut très-
efficacement à la bataille de Raab,
puis à la prise de cette place, et en-
fin à la victoire de Wagram que dé-
cida si complètement l'artillerie. Le
soir de cette mémorable affaire. Na-
poléon dit au prince Eugène qui lui
faisait le rapport de ses opérations :
« Eh quoi ! n'avez-vous donc rien à
demander pour Sorbier ? Ne l'avez-
vous pas vu dans ces deux joiir-
nées? » Eugène ayant alors demandé
pour lui la croix de la Couronne de
Fer : «IC'est votre grand-cordon qu'il
faut lui envoyer immédiatement; il
recevra de moi le tilre de comte. »
Sa fermeté avait ce jour-là même
empêché Napoléon de commettre
une injustice. Sur des rapports in-
exacts, Sorbier fut mandé par l'em-
pereur, qui d'une voix émue lui dit:
« Voilà comme vous faites les répu-
tations : Digeon, qui couunande l'ar-
tillerie d'un corps d'armée, n'a pas
cent coups à tirer! » Puis, s'adres-
sant à un secrétaire : « Écrivez l'or-
dre au général Digeon de rentrer en
France : il a besoin de repos !...
— Sire, répond Sorbier, le général
Digeon a le malheur d'encourir la
disgrâce de votre majesté. Il partira
emportant l'estime méritée de l'ar-
mée. » L'empereur déchira la lettre
que lui présentait son secrétaire.
Les approvisionnements du général
Digeon étaient au complet. Sorbier
ayant été nommé, en 1810, colonel
de l'artillerie de la garde impériale,
organisa si bien cette troupe , que
tous les hommes de guerre en ad-
mirèrent la belle tenue. L'armée
française avait passé le Niémen, le
23 juin 1812, et s'enfonçait dans
l'intérieur de la Russie, suivant les
SOR
pas de Napoléon, Mohilow, Oslrow-
no, Witepsk, Smolensk, Valontina,
offrirent aux différents corps l'occa-
sion de faire e'clater leur valeur ;
mais ces chocs n'avaient été que par-
tiels : les deux armées ne s'étaient
point encore heurtées de front avec
leurs masses innombrables et leurs
onze cents bouches à feu. C'était à
Borodino, près de la Moskowa, que
devait avoir lieu, le 7 sept. 1812,
cette bataille, la plus grande, la plus
meurtrière qui ait été livrée chez les
modernes. Sorbier y eut encore une
très-grande part, ainsi que l'atteste
l'historien Chambray. A six heures
du matin, le général Sorbier, qui
était à la grande batterie de droite,
donna le signai du combat en com-
mençant le feu. Alors la bataille
s'étend sur trois lieues de terrain.
Après neuf heures de combats achar-
nés, dans lesquels les deux armées
déployèrent une valeur héroïque, le
.sort de la journée était encore incer-
tain. Ce fut à trois heures du soir
que Koutousof tenta sur le centre de
l'armée française, avec une masse
immense d'infanterie, un effort qui
devait être décisif. Cette manœuvre
s'exécutait de manière à être vue de
plusieurs points du champ de ba-
taille. Sorbier, commandant l'artil-
lerie de la garde, qui servait à elle
seule cent quatre bouches à feu, s'a-
perçoit de ce mouvement, en instruit
Napoléon, et fait en même temps
avancer vingt-quatre pièces de douze
placées en réserve. Davoust et Murât,
avertis par ses soins, portent leur
artillerie sur le même point. Dans
cet intervalle, l'empereur envoie à
Sorbier l'ordre de venir lui rendre
compte; mais la colonne russe s'a-
vance, et Sorbier répond qu'il ne
peut dans un pareil moment quitter
ses batteries. A son commandement,
SOR
375
elles vomissent la mort et foudroient
les Russes accablés par le feu d'artil-
lerie le plus terrible que jamais au-
cune troupe ait peut-être essuyé (1).
Les batteries de Sorbier sont char-
gées avec fureur par la cavalerie
russe ; quelques-unes tombent entre
ses mains; mais, soutenues par la
cavalerie française, elles sont re-
prises immédiatement. L'auteur de
cet article a entendu raconter au
général Sorbier que cette masse pro-
fonde d'infanterie se succéda pendant
trois heures sans avancer, tant était
grande parmi elle le ravage des bou-
lets et de la mitraille. Les Russes en-
fin-s'arrêtent et se retirent couverts
parleur cavalerie et leur artillerie.
Celte dernière arme joua un grand
rôle dans cette bataille, la plus san-
glante qui eût encore été livrée de-
puis l'invention de la poudre, et à
laquelle Sorbier prit une part si glo-
rieuse. Soixante-dix mille hommes
y furent tués ou blessés. Krasnoï,la
Bérésina, tous les champs de bataille
de Russie le virent combattre comme
à la Moskowa, C'était avec une pro-
fonde émotion qu'il rappelait dans
les conversations intimes le dévoue-
ment des canonniers pour sauver
leurs pièces, qui, dans cette désas-
treuse retraite, jonchaient cette terre
glacée avec les débris de notre ar-
mée. En 1812, à la mort du général
Éblé, il fut nommé premier inspec-
teur-général de l'artillerie de l'em-
pire, réorganisa cette arme après la
retraite de Russie, et y introduisit
plusieurs réformes et améliorations
importantes. H assista encore aux
batailles de Lutzen, Bautzen, Dresde,
Leipzig, Hanau, à tous les combats
(i) Les Français réuDirentpluà de quatre
cents pièces contre la gauche de la position.
(Boutourlin)
376
SOR
qui se livrèrent dans les campagnes
de 1813 et 1814. Lorsque la France,
épuisée d'hommes, fit tant d'efforts
pour maintenir la virginité de son
territoire. Sorbier eut le courage de
reprocher à Napoléon son amour
pour la guerre et de lui conseiller
d'accepter la paix qui lui était pro-
posée. Dans la campagne de France,
Napoléon redoublait d'activité, nos
troupes de valeur. Attaché au quar-
tier-général de l'empereur, après la
bataille de Montereau, livrée le 18
fév. 1814, entouré d'officiers-géné-
raux, enivré de succès, penché sur
ses cartes de guerre, Napoléon s'é-
cria : « Nous sommes plus près de
Vienne que de Paris ! » Sorbier, pla-
çant le pouce de sa main droite sur
Montereau, traça avec un de ses
doigts un cercle étroit en désignant.
Paris, et, agrandissant celte espèce
de compas, indiqua l'immense dis-
tance qui le séparait de Vienne.
« Sire, ici Paris, et là-bas Vienne ! »
montrant par ce geste expressif qu'il
n'ajoutait point foi à une aussi in-
concevable présomption. Ensuite, il
engagea vivement Napoléon à écou-
ter les propositions qui eussent fait
cesser la guerre. Comme le maréchal
de Chabannes, qui, la veille de la
bataille de Pavie, disait à Fran-
çois 1*'' : " Sire, faisons la paix, »
Sorbier, de même, conseillait la paix,
la veille d'un désastre. Au retour
des Bourbons, Sorbier fut accueilli
de la manière la plus flatteuse par
Louis XVIIl, des mains duquel il
reçut la croix de commandeur de
Saint-Louis. 11 conserva les fonc-
tions de premier inspecteur-général
de l'artillerie. Lors du retour de
Napoléon de l'île d'Elbe, il attendit
vainement les ordres du roi. Com-
bien d'hommes n'eussent point chan-
celé dans leur conduite politique, si
SOR
le pouvoir eût été fort et eût tracé à
chacun avec énergie la ligne de ses
devoirs ! Mais l'irrésolution domi-
nait les conseils de Louis XVIII ,
qui abandonna , sans résister, Paris
et la France. Quoique conservant
son titre et ses fonctions pendant
les Cent- Jours, Sorbier ne fit point
la campagne de Waterloo. 11 fut nom-
mé, par la ville de Nevers, membre
de la chambre des représentants,
où il se fit peu remarquer. II se
retira ensuite dans une terre qu'il
possédait à quelques lieues de Ne-
vers, et s'y livra aux travaux d'agri-
culture qu'il aimait 5 mais il en fut
éloigné par un exil de dix-huit mois
qu'il passa à Cognac. Quand il lui fut
permis de revenir au milieu de sa
famille, il refusa constamment de se
mêler à aucun débat politique, mal-
gré les sollicitations du parti qui
l'avait poussé à la Chambre des re-
présentants. Sa résignation , son
calme, la douceur et l'égalité de son
caractère lui avaient conquis l'es-
time de ceux même qui avaient été
ses adversaires politiques. Nommé
maire de la commune de Saint-Sul-
pice (Nièvre), il apporta dans ses
fonctions une sollicitude toute pa-
ternelle, et contribua puissamment
aux progrès de l'industrie agricole.
Sorbier passa ainsi dix années, res-
pecté et aimé de ceux qui l'entou-
raient. Une maladie douloureuse lui
fournit l'occasion de déployer en-
core l'énergie de son caractère : en
proie à d'atroces souffrances, jamais
sa physionomie ne dévoila l'étendue
de ses douleurs. Il s'était fait con-
duire à Nevers, où les soins qu'on
lui prodigua furent inutiles. Huit
jours avant son décès, il voulut re-
voir ses foyers domestiques, et les
habitants de sa couununc. s'échclon-
ucrent sur lu roule pour le transpor-
SOR
ter. Sorbier, qui avait si souvent af-
fronté la mort, la vit s'approcher
avec un calme parfait. Il sollicita et
reçut avec une pieté exemplaire les
secours de la religion. Après avoir
dit adieu à ses parents, à ses amis, à
tous ses voisins, il mourut comme
Bayard, en baisant le signe sacré de
la rédemption. Ce fut dans son châ-
teau de La Motte, commune de Saint-
Sulpice, près de Nevers, qu'il expira,
le 25 juillet 1827, âgé de 65 ans.
Sorbier avait des qualités qui faisaient
le charme de la vie privée. Il avait
épousé, eu 1801, madame la baronne
de Bruc, née de Givry, dont il n'eut
point d'enfants. B — r— g.
SORE (Nicolas de), peintre et
graveur de mérite, naquit à Reims
sur la fin du XV1° siècle, et mourut
à la fleur de son Age après avoir
donné, on 1023, le frontispice de l'é-
glise abbatiale de Saint-Nicaise, et
en 1G24 le beau portail de l'église
cathédrale de Reims, deux excel-
lentes gravures à Teau-forte de ii
centimètres de hauteur sur 32 centi-
mètres de largeur. On a encore de
cet artiste, qui promettait beaucoup,
une foire de village et plusieurs au-
tres sujets d'après le célèbre Callot.
L— c— J.
SORET ( Nicolas ) , prêtre et
poète, né dans !e diocèse de Reims ,
était, au commencement du XVIl"
siècle, maître de grammaire des en-
fants de chœur de la cathédrale de
Paris. Voilà tout ce qu'on sait de
lui. 11 a publié : I. La Céciliade, ou
le Martyre sanglant de sainte Cé-
cile, pairone des musiciens^ Paris ,
P. Rezé, 1606, in-8°. Cette tragédie
rare est en 5 actes et en vers. On
peut en voir l'analyse dans la Bi-
bliothèque du théâtre français. A la
suite, et avec un titre particulier,
so tro^uvent les chœurs, etc., mis eu
SOR
377
musique à quatre parties, par Abra-
ham Blondet, chanoine et maître de
la musique de l'Église de Paris. II.
Èglogues royales sur l'heiirmse
naissance de V Achille français d'Or-
léans (le second fils de Henri IV et
de Marie de Médicis), Paris, 1607,
in-l2. Outre les èglogues, au nombre
de cinq, dédiées à la reine, le vo-
lume contient plusieurs autres piè-
ces, tant latines que françaises, de
Soret et de ses amis, parmi lesquels
on distingue le célèbre poète latin
Jean Morel, principal du collège de
Reims, dans l'Université de Paris.
III. L'Élection divine de saint Nico-
las à l'archevêché de Myre, avec un
sommaire de sa vie en poème dra-
matique sententieux et moral ,
Reims, Nie. Constant, 1624, in-8».
Cette pièce, plus rare encore que la
précédente (t), ne porte sur le titre
que les initiales du nom de l'auteur.
Il la dédia à son parent, M. Coquil-
lart, vice-lieutenant du conseil po-
litique des habitants de Reims. Elle
fut publiquement représentée dans
l'église de Saint^Anloine de cette
ville, le 9 mai 1621, par des jeunes
gens dont les noms se lisent à la lin
du volume. Cette pièce singulière
n'entre dans les compositions dra-
matiques que parce qu'elle est k
plusieurs personnages. C'est une his-
toire de saint Nicolas en dialogues
et sans distinction d'actes, mais à
grand spectacle, et dont la représen-
tation a dû coûter fort cher. «On y
voit, dit M, Sainte-Beuve {Tableau
de la poésie franc, et du théâtre
franc, au XVP siècle), les évéques
rassemblés en conclave et cherchant
(l) Les deux pièces «le Soret ont ctc
vendues 80 IV. cliez M. de Soleiiioc : la Ce-
ciliade, 4y fr. ; l Élcclion di^iine, 3l fr. Il en
coûte beiiucouj) moins pour avoir Coiueillc»
Raiiue et Molicic, Ijicii tOuil>lcts I
J78
SOR
SOR
vainement sur qui fixer leur choix.
Un ange descend, qui les avertit, par
l'ordre de Dieu, de choisir le pre-
n)ier homtne du nom de Nicolas qui
enireia le lendemain matin dans l'é-
glise : cei homme est notre saint.
Ou le sacre malgré son relus, et il
donne en finissant sa bénédiction à
tous les assistants. » Suivant l'abbé
Bon\\\o\ (Biogr. ardennaise), la pièce
est précédée de jeux de mots à l'ar-
chevêque de Reims, aux Rémois, et
d'une oraison jaculatoire. Le biblio-
phile Jacob (M. Paul Lacroix) dit
que Soret écrivait avec assez de
pureté, sinon d'élégance. Voici com-
ment il parlait de Henri IV dans des
vers adressés à ce monarque :
D'AIexandre-le-Grand il a l'iieiir favorable;
De Cé.sHr la valeur, d'Auguste la bonté;
De Tliéodose c'est la tnêine piété,
Et de Trajan aussi c'est la douceur aimable.
On a encore de Soret des stances et
le Reminiscaris des Rochelois, dédié
au roi Louis XIII, Reims, 1628; un
poème champêtre sur la naissance
du dauphin, etc. B— L— u.
SOIîliT (Jean) , écrivain mora-
liste très-estimable, s'est surtout dis-
tingué en combattant, soit en prose,
soit en vers, l'incrédulité el les fu-
nestes doctrines de quelques philo-
sophes du XVIII' siècle. On connaît
peu les détails de sa vie. Tout ce
qu'on sait, c'est qu'il était né à Pa-
ris, qu'il fut avocat au parlement de
cette ville et membre de l'Académie
de Nancy. Il mourut probablement
vers l'époque de la révolution. Trois
fois il remporta le prix d'éloquence
à l'Académie française, par des dis-
cours sur les sujets suivants : 1° (en
1718) Les hommes ne sentent point
assez combien il leur serait avan-
tageux de concourir au bien et au
bonheur les uns des autres, imprimé
à Paris, en 1749, in-12, avec plu-
sieurs pièces de poésies dédiées à
M"" la daiiphine (Marie-Josèphe de
Saxe); 2" (en 1702) De l'indulgence
pour les défauts d' autrui.,. 3* (en
1758) Il n'y a point de paix pour le
méchant... Deux autres de ses dis-
cours, dont nous ignorons les sujets,
obtinrent, en 1750, le jiremier, Vac-
cessit à l'Académie française , le se-
cond, un prix à l'Académie des bclles-
leltres de Montauban. Ils furent pu-
bliés la même année dans le format
in-4°. Comme on l'a déjà dit dans
cette Biographie, Soret fut le princi-
pal collaborateur du père Hayer, ré-
collet {voy. ce nom, XIX, 522), pour
la rédaction de La Religion vengée,
ou Réfutation des auteurs impies,
etc., en 21 vol. in 12 (1). Il travailla
aussi, avec Boudier de Villemert, au
journal intitulé : La Feuille néces-
saire, contenant divers détails sur
les sciences et les arts, Paris, 1759,
in-8° (continué sous le titre d^Avant-
Coureur, etc.). Voici l'indication de
(i) L'a|)paritioD, au commencerneut de
l'année 1757, du ler vbl. de cet écrit pério-
dique, consacré à la défense des piiucipes
religieux, courrouça fort les chefs du parti
])liilosopbique. Dès le 16 janvier, Voltaire
écrivait à D'Alembert pour lui demander le
nom du mauvais citoyen, du coquin qui pu-
bliait ce pieux libelle contra les pauvres
déistes t il le croyait, disait-il, garent de Da-
miens, etc. D'Alembert répondait, le 23 du
même mois, que La Religion vengée était
l'ouvrage des anciens maitres de François
Damiens, des précepteurs de Châtel et de Ra-
vaillac, des confrères du martjrr Guignard, du
martjr Oldecorne, du martyr Campian, etc.;
puis il ajoutait qu'il ne connaissait cette
rapsodie que par le litre, ce qui n'était que
trop évident. Voy. OEuvres de Voltaire, édit.
de M. Beuchot, t. LVII, 206 et 212. non 3«>6
et 3i2, ainsi qu'on le lit au mot Soret, de
la Table alphabétique et analytique, rédigée,
pour cette édition, par feu Miger. Nous ne
relevons une faute d'impression si peu im-
portante que comme une rareté dans cette
Table, très-bien exécutée sous tous les rap-
ports.
SOR
SOR
379
ses autres ouvrages : I. Prédictions
de Momus, 1752, in-8°. II. Lettre à
une jeune dame sur l'inoculation
(anonyme), 1755 ou 1756, in-12. III.
Essai sur les mœurs, BruxcWes, 1756,
in-12. L'auteur ne mit point non
plus son nom à cette première édi-
tion (le ce livre qui fut jugé très- fa-
vorablement par plusieurs critiques,
notamment par l'iibbé Sabatier de
Castres (voy. ses Trois siècles de la
littérature française, f® édit.) (2).
IV. Discours de réception à l'Acadé-
mie de Nancy, 1756, in-4". V. Ode
sur le mariage de monseigneur le
dauphin (depuis Louis XVI), Paris,
1770, in-12. VI. Odes (deux) à la
philosophie, Paris, 1782, in-8°. Le
style de ces odes, dirigées contre les
incrédules, est un peu froid et pres-
que dépourvu d'images poétiques ,
mais il ne manque pas d'une cer-
taine énergie. Citons-en une strophe :
Est-ce donc qu'une nuit profonde
Avant eux couvrait l'univers.
Et que, nés pour guider le moude,
Eux seuls marchent les yeux ouverls ?
Mais, quoi! dévoués au mensonge
Où leur aveuglement les plonge.
Et qu'ils n'ont pas même inveuté,
Leur doctrine n'est qu'un mélange
D'erreurs éparses dans la fange
De l'antique incrédulité.
VII. OEuvres, etc., Paris, 178i, 2
vol. in-12. «Ces deux volumes' ne
contiennent rien autre qu'une nou-
velle édition considérablement aug-
mentée de VEssai sur les mœurs et
quatre Lettres y relatives. » {France
fî7<ér., IX, 216,) Quelques personnes,
entre autres Desessarts {Siècles lit-
(a) N'ayant sous la maiu que cette pre-
mière cditiou, nous u? pouvons dire si l'art.
SoRET se reti ouve dans les suivantes. M. Col-
liu de Plancy l'a entièrement exclu de VA-
brégi des (rois siicles, qu'il i donné au pujjlic
eu 1821.
/ér.), ont attribué à Soret l'opuscule
qui a pour titre : L'Inoculation du
bon sens, Londres, 1761, petit in-12
de 62 pages encadrées dans un double
filet; mais les savants bibliographes
'Barbier et Quérard assurent que cet
opuscule, assez piquant et qu'on peut
encore lire avec plaisir, est de Sélis.
B— L— u.
SORIA (Jean-Baptiste) , archi-
tecte, naquit à Rome en 1581, el fit
la façade de l'église de la Victoire sur
la mêaie idée que celle de Sainte-
Susanne, c'est-a-dire avec les mêmes
défauts. C'est sur un semblable prin-
cipe qu'il éleva aussi la façade de
Saint-Charles de' Catenari. Le prin-
cipal mérite de cet édifice est la
grandeur et la richesse des entable-
ments et des sculptures. Le corps de
l'église, qui a la forme d'une croix
grecque, avec une seule nef, une
coupole et la branche du maître au-
tel plus longue que les trois autres,
est dû à Rosato Rosati, sculpteur et
architecte de Macerata, qui fit élever
à ses frais dans sa ville natale l'église
des jésuites. Le cardinal Borghèse,
protecteur de Soria, lui fit faire les
portiques et la façade de Sainl-Gni-
goire. Les portiques n'ont rien de
bien remarquable; la façade, quoi-
que composée de deux ordres et pré-
sentant tous les défauts de l'époque,
est cependant svelte et élégante,
avantage qu'elle doit à la vaste place
qui est au devant, à sa position au
sommet du mont Géiio et à son élé-
vation au hautd'uu escalier immense,
mais incommode; et cependant cette
construction n'est encore que la fa-
çade feinte de l'église. Après l'avoir
passée, on entre dans une cour en-
tourée d'arcades au fond de laquelle
se trouve la véritable façade. Ainsi
l'artiste a perdu tous les avantages
qu'il pouvait tirer de l'espace qui
380
SOR
SOR
était à sa disposition. Le même dé-
f lut de génie se fait remarquer dans
deux autres monuments de Soria, le
portique de Saint - Chrysogone et
l'église de Sainte-Catherine de Sienne
sur le Monte- Magnanapoli. Cet ar-
chitecte mourut en 1651. P— s.
SOUIAXO (Michel), diplomate
vénitien du XVI" siècle, représenta
dignement sa république dans plu-
sieurs cours, notamment en Alle-
magne, près de Ferdinand, roi des
Romains, depuis empereur; en An-
gleterre, près de la reine Marie, fiilc
de Henri Vill; en Espagne, à Tavé-
nement de Philippe II -, à Rome, sous
deux ou trois papes, et en France, au
commencement du règne de Charles
IX. Esprit fin, observateur judicieux,
très-instruit de l'histoire des peu-
ples etconn.iissantparfaitemontleurs
divers intérêts, Michel avait tout ce
qu'il fallait pour bien remplir les
missions qui lui étaient coniiées. On
a la preuve de son habileté en af-
faires dans les relations très-remar-
quables qu'il a laissées de ses am-
bassades et dans quelques mémoires
diplomatiques échappés à sa plume,
sinon élégante, du moins facile et
exercée. Ces écrits , qui auraient
mérité de voir le jour, sont demeurés
inédits, mais notre Bibliothèque na-
tionale en possède des copies dont
le docteur Marsand a donné la des-
cription dans l'excellent ouvrage qu'il
a consacré aux nombreux manuscrits
italiens de ce magnifique dépôt lit-
téraire et des autres bibliothèques
publiques de la capitale. La plus im-
portante production de Soriano et la
plus intéressante pour nous est in-
titulée : Commentarii del regno di
Francia nel principio délia Seîta
L'gonoUa, etc. (1561). « C'est, dit le
'■ savant que nous venons de citer,
- un chct -d'œuvre de politique, dé
«prudence, de franchise -et de
" loyauté (1). » M""" Tbiroux d'Ar-
conville, qui a publié en 1783 une
bonne histoire de François 11, ayant
eu connaissance des Commentarii^ et
trouvant avec raison qu'ils jetaient
un grand jour sur l'époque orageuse
dont elle retraçait le tableau, les
traduisit en français et fit de cette
traduction une sorte d'appendice à
son livre. Feu Ed. Mennechet, à qui
l'on doit une réimpression dcl'flis-
ioire de Vestat de la France^ sous
lerègne de François II, par Régnier
delà Planche {voy. cenom,XXXVlI,
250), Paris, Techener, 1836, 1 vol.
in-fol. ou 2 vol. in-80, a aussi placé
à la suite de cette histoire curieuse,
mais souvent dictée par l'esprit de
parti, une traduction des Commen-
taires ^e Soriano, " pour servir, dit-il,
• de contre-poids à la sévérité des ju-
- gements de Régnier contre les Gui-
• ses et à la partialité de ses asser-
• tions en faveur des protestants...»
Il ajoute : " Ce discours d'un étran-
« ger catholique, témoin des faits
«qu'il raconle et des hommes dont
«il parle, nous a paru un doctuncnt,
«sinon entièrement digne de fui, du
• moins fort précieux pour l'histoire
' de cette époque. Nous avons pensé
«que c'était là un complément né-
« cessaire à l'histoire de François II. "
11 est assez singulier que Mennechet
n'ait pas dit un mot de M'"'^ d'Arcou
ville qui, long-temps auparavant,
avait eu la même pensée que lui. Des
autres pièces laisséi'S par Soriano,
nous ne mentionnerons particuliè-
rement que les deux suivantes; elles
nous semblent être celles qui doi-
(£) Yoy. / inanoscrita italiani délia legia
biblioteca parisina, p. 700. Pour les autres
miiiHisc rits de Soriano, vof. son nom à la
table de «e vol., et k celle du sctoud vol.
ajouté par Marsuud, etc.
SOR
SOS
381
vent offrir Ip pins d'intérêt : 1" le
coinpte-rendii <ie son ambassade en
Espagne près de Pliilippe II. II l'a
accompagné d'un sommario di tulle
Ventrale e spese pariicolari di sua
maestà catolica; 2° le morceau qui
a pour titre: Relazione dello stato
délia cita di Roma al tempo dipapa
Pio V° fatta alla republica di Ve-
nezia, l'anno 1571. Michel composa
cette relation pendant son séjour à
Rome, en qualité de plénipotentiaire
de Venise au congrès ouvert pour la
négociation d'une ligue générale
contre les Turcs. La part très-active
qu'il prit à ce congrès (dont il fut
aussi l'historien) paraît avoir été le
dernier service rendu par lui à sa
patrie. — SoRiANo {Marc - Antoine)
était, en 1535, ambassadeur de Ve-
nise près du pape Paul III. On trouve
deux pièces manuscrites de ce né-
gociateur à la Bibliothèque natio-
nale (Marsand, Manoscritti, H, 74
et 370). — SoRiANO (Nicolas) fut, en
1583, provéditeur de l'armée véni-
tienne. La Bibholhcque conserve le
rapport qu'il lit au sénat de la répu-
blique touchant l'état de cette ar-
mée {Manoscritti, I, 677). Ces deux
personnages étaient sans doute de la
même famille que Michel. B — l— u.
SORIN ou SoRiNus (Tanneguy),
savant jurisconsulte, était né dans
le XV!*" siècle à Lessay, village du
Cotentin. En terminant ses études,
il prit le doctorat dans la double fa-
culté de droit, et quelque temps
après il fut pourvu de la chaire de
droit civil à l'Université de Caen.
Le présidial de cette ville ayant été
rétabli en 1552, il en fut nommé le
premier conseiller. Il vivait encore
eu 1574, mais on ignore la date de
sa mort. Une épigramme latine de
Sorin est imprimée à la tête de la
trad. de Darès par Charl. de Bour-
gneville. Cette pièce, la seule qui
nous reste de lui, fait connaître, dit
Huet, le succès qu'il aurait eu dans
la poésie s'il l'eût cultivée (Origi^
nés de Caen, T éd., 415). Les traités
de droit de Sorin sont rares et peu-
vent encore être consultés utile-
ment. Ce sont : I. De jurisdictione
commentarii, via, arte et ratione do-
cendi discendique confecti , Caen,
1567, in-4° de 143 pag. Cet ouvrage
est dédié au chancelier de l'Hôpi-
tal. II. De Normaniœ quiritatione
quam Haro appellunt liber, ibid.,
1567, in-40 de 63 pag. III. De con-
suetudine Normaniœ gall. et lat.,
diligenter visa, castigata et com-
mentariis aucta, ibid., 1568-74,
2 vol. in-4°. W — s.
SOSILE d'Ilion, historien grec,
fut précepteur d'Annibal, et il écri-
vit en sept livres l'histoire de son
élève. Polybe forme des doutes très-
sérieux contre la sincérité de cet
auteur 5 Diodore l'a cependant pris
quelquefois pour guide. Il ne nous
est rien parvenu de ses travaux.
C'est dommage, car nous ne con-
naissons les détails de la grande
lutte entre Rome et Carthage que
d'après les récits des vainqueurs;
il serait à désirer que la voix du
parti qui succomba n'eût pas été
tout à fait étouffée. B— N — t.
SOSTEGNO (le marquis Char-
les-Emmanuel Alfieri), fils de Ro-
bert-Jérôme, premier écuyer du roi
Charles-Emmanuel III et de Louise
Âsinari de Saint - Marsan , naquit
à Turin le 19 février 1764. Après
avoir fait ses premières études dans
la maison paternelle, il suivit les
cours de l'Université de Turin et fut
reçu licencié en droit en 1782. Vers
la fin de cette année, il entra au ser-
vice comme sous-lieutenant dans les
dragons du roi. En 1786, il passa
382
SOS
SOS
lieutenant dans le régiment de Siize.
En 1787, il fut nommé éciiyer de la
princesse de Piémont, la sainte Ma-
rie-Ciotilde de France, qui monta
ensuite sur le trône en 1796. En
1790 et 1791, il voyagea dans les
Pays-Bas, en Allemagne et dans la
Basse-Italie. A son retour à Turin il
fut fait capitaine, et , en septem-
bre 1791, il épousa la demoiselle
Charlotte-Mélanie Duchi, fille du
comte Duchi. Au printemps de 1792,
la guerre ayant éclaté entre la Sar-
daigne et la France, il dut se sépa-
rer de sa jeune épouse pour suivre
son régiment appelé à garder la li-
gne des Alpes. Il fut ensuite destiné
à servir d'aide-de-camp à son père,
nommé commandant - général de
Chambéry. Us venaient, l'un et l'au-
tre, d'arriver dans cette ville lors-
que le duché de Savoie fut envahi
par les troupes de la République
française, le 28 septembre 1792. Le
roi de Sardaigne n'ayant pas alors
des forces suffisantes pour défendre
la frontière de la Savoie, du côté de
la France, dut se résigner à aban-
donner ce pays et se borner à garder
le sommet des Alpes. La guerre des
Alpes dura trois ans, pendant les-
quels les troupes piémontaises, vic-
torieuses ou vaincues, se signalèrent
toujours par leur bravoure et leur
bonne discipline. Le marquis de Sos-
tegno, son père, major-gonéral, son
oncle paternel, colonel de cavale-
rie, etc., ses deux frères cadets,
payaient tous de leur personne pour
la défense de la patrie. Il se trou-
vait, le 8 septembre 1793, avec ses
deux frères et deux beaux - frères
Duchi, à un fait d'armes près Lan-
losca, lorsque le comte Aliieri fut
blessé à mort et le comte Duchi
iiiorlcUoment frappé. Ce dernier
mourut (le ses blessures peu de jours
après. Au printemps de l'année 1796,
Bonaparte, nommé général en chef
de l'armée républicaine des Alpes,
violant la neutralité du territoire
génois, pénétra dans les plaines du
Piémont. Le jeune général, prélu-
dant aux grandes victoires qu'il rem-
porta ensuite, réussit à séparer l'ar-
mée autrichienne de l'armée sarde,
gagna les batailles de Montenotte et
de Mondovi, et poussa son avant-
garde jusqu'à Cherasco, où se conclut
un armistice qui fut suivi du mal-
heureuï traité de paix de Paris.
Après cette paix désastreuse, le mar-
quis Alfieri se retira du service mi-
litaire et rentra dans la vie privée.
En 1798, les menées du général Jou-
bert,qui commandait en chef l'armée
française en Italie, contraignirent le
roi de Sardaigne, Charles-Emma-
nuel IV, d'abdiquer la couronne et
de quitter les États que ses aïeux
avaient gouvernés avec gloire. On
créa en Piémont un gouvernement
provisoire, et l'on y proclama la Ré-
publique! En 1799, l'armée austro-
russe, commandée par Souwarow,
gagna la bataille de Novi et força
les troupes françaises à évacuer le
Piémont. Les membres du gouver-
nement provisoire, à l'approche des
troupes austro-russes victorieuses,
firent arrêter, le 2 mai 1799, et
conduire en France, comme otages,
plusieurs gentilshommes de Turin.
Le marquis Alfieri et son père étaient
au nombre de ces otages. Us furent
d'abord conduits à Grenoble, puis à
Dijon. Le marquis Alfieri a toujours
gardé un souvenir reconnaissant du
bienveillant accueil qu'il reçut dans
ces deux villes, notamment des fa-
mil les Perrier et de Cordoue. Au mois
de janvier 1800, il obtint la permis-
sion de se rendre de Dijon à Paris;
il y alla dans le but de solliciter la
SOS
niisft en liberté de ses compagnons
de captivité. Mais ce ne fut que quel-
que temps après la bataille de Ma-
rengo que cette grâce leur fut ac-
cordée. Le Piémont étant retombé
sous la domination française, le mar-
quis Allieri fut envoyé, en mai 1801,
comme notable, à Paris, où devait
être décidé le sort de ce pays. Il
plaida avec une franchise chaleu-
reuse auprès du premier consul la
cause du roi de Sardaigne ; mais Bo-
naparte, meilleur général que pro-
phète, lui répondit que la maison
de Savoie avait à jamais lini de ré-
gner. Au mois d'octobre de la même
année, il retourna à Turin sans avoir
pu obtenir que le Piémonl restât
séparé de la France. Le 18 août 180.5,
il eut l'immense malheur de perdre
son épouse, à peine âgée de 32 ans.
En 1808, l'empereur Napoléon en-
voya comme gouverneur-général au
delà des Alpes le prince Camille
Borghèse, son beau-frère, et lui créa
une cour. Le marquis Allieri fut
nommé grand-maître des cérémonies.
Comme il avait déjà obter.u, (juelqiies
années auparavant, de ne pas aller
siéger an conseil d'État à Paris, et
fait dispenser son lils d'entrer dans
les pages, il ne crut pas devoir re-
fuser celte charge qui lui permet-
tait de continuer à vivre au sein de
sa famille. En 1813, il maria sa lille
aînée au marquis Robert Tapparelli
d'Azeglio, auditeur au conseil d'É-
tat. Mais au printemps de 1814, peu
de jours avant la Restauration, il
eut la douleur de perdre son père
octogénaire, homme de forte et no-
ble trempe, « ti qui l'i.n aimait à re-
t.ouver un dernier rcllet du règne
glorieux et. bienfaisant du roi Cliar-
les-Eiiinianuel lll, dont le peuple a
gardé la mémoire. Au retour du roi
en Piémont, en 1814, le marquis Al-
SOS
383
fieri fut destiné au poste d'ambass.;-
deur à la cour de France, Il insista
pour se faire dispenser de cette ho-
norable charge, parce que les affaires
de sa famille réclamaient sa pré-
sence en Piémont-, mais il dut obéir
aux ordres de Sa Majesté. Il quitta
Paris pendant les Cent-Jours, et il y
retourna en janvier 1816.11 fut nom-
mé, en 1815, brigadier-général et che-
valier grand'croix de l'ordre de Saint-
Maurice et de Saint-Lazare. En 1807,
le marquis Allieri avait acheté, h l'en-
chère, et au prix de 36 mille francs,
le magnifique château de Gouvon,
pour le soustraire au marteau de la
bande noire, et dans l'espoir de le
rendre un jour à ses anciens posses-
seurs, les princes de Savoie. Ce châ-
teau avait appartenu à l'illuslre fa-
mille de Solar de Govone, (jui s'est
éteinte. Une partie de ses biens avait
été dévolue, par succession, à la fa-
mille Allieri; le château avait été
vendu au roi Victor-Amédée IlI. Les
vœux du marquis Alfieri se réalisè-
rent. Il fut heureux de pouvoir ren-
dre ce château, au même prix qu'il
l'avait acheté, à S. A. R. le duc de
Genevois, depuis Charles-Félix, qui
lui a toujours su le plus grand gré
d'avoir pensé à lui conserver cette
belle résidence royale où il avait
passé les années de son enfance. En
1822, le chevalier de Radicati, secré-
taire du cabinet du roi Charles-Félix,
lui annonça confidentiellement que
S. M. avait l'intention de le nommer
ministre des affaires étrangères. Le
marquis Alfieri, modeste et saus am-
bition , représenta vivement qu'il
trahirait sa conscience s'il acceptait,
dans des circonstances aussi diffi-
ciles , un fardeau qu'il réputait au-
dessus de ses forces , et insista pour
que son dévouement ne fût pas mis
à pareille épreuve. Le roi Charles-
?M
SOS
Friiv, tout en regardant comme ex-
cessive cette défiance de lui-même,
qui portait son ambassadeur à refu-
ser une place à laquelle ses services
diplomatiques lui donnaient le droit
d'aspirer, respecta ses scrupules,
dont la sincérité n'était pas .dou-
teuse, sans pouvoir s'empêcher toute-
fuisde lui en vouloir un peu. Personne
plus sincèrement que M. de Sostegno
n'applaudit au choix qui fut fait de
S. E. M. le comte de la Tour, pour
remplir la place qui lui avait été of-
ferte. En 1823, le marquis eut le
bonheur de recevoir, à Paris, de re-
tour de la guerre d'Espagne, S. A. R.
le prince deCarignan, qui régna de-
puis sous le nom de Charles-Albert.
Pendant le séjour de prés de trois
mois qu'il fit dans cette capitale,
ce prince apprit à mieux connaî-
tre encore les rares qualités de ce
diplomate. Le marquis, dès son arri-
vée à Paris, en 1814, avait voué à la
famille de Savoie-Carignan , qui y
était établie, un vif et profond inté-
rêt qui ne s'est jamais démenti un
seul instant, et dont le prince
Eugène de Savoie-Carignan a tou-
jours daigné lui conserver le plus
louchant et le plus flatteur souvenir.
En 1826, il eut la consolation de voir
se réaliser une de ses plus chères es-
pérances par l'union de son hls avec
M''-^ Louise-Irène Costa de la Trinité,
issue d'une de ces familles auxquelles
des vertus ^héréditaires concilient
l'estime et les sympathies de leurs
concitoyens, qui leur savent gré de
porter noblement un nom illustre et
de faire un honorable usage de leurs
richesses. Un tils, Charles -Albert
Allieri, est né de cette union, et son
grand-père mit dans cet eiifanl, qui
représentait tout l'avenir de sa mai-
son, ses plus douces complaisances.
Depuis quelques années le marquis
SOS
Alfieri souhaitait de pouvoir vivre au
milieu de sa famille et ne cessait de
solliciter son rappel de l'ambassade.
Le roi, cédant enfin à ses inslances,
lui donna pour successeur, à Paris,
le comte de Sales, et le nomma son
grand-chambellan en remplacement
du marquis de Saint -Marsan, son
cousin germain et ami intime, qui
venait de mourir. Il quitta l'ambas-
sade dans les premiers jours de dé-
cembre 1828, emportant les regrets
de tous les membres du corps di-
plomatique, dont il était devenu le
doyen, et dont, par ses belles ma-
nières et par son noble caractère, il
avait su gagner l'estime et l'affec-
tion. Le marquis Alfieri prit part aux
négociations qui firent rendre au roi
la partie de la Savoie que le traité de
Paris de 1814 avait laissée sous la do-
mination française, et qui procurè-
rent à l'université de Turin le re-
couvrement de sept millions et plus,
montant d'une rente et d'arrérages
qu'elle avait sur le grand-livre de
France, et que le gouvernement fran-
çais lui contestait. Le roi Louis XVIII
et le roi Charles X, auprès desquels
il avait été successivement accrédité,
lui avaient accordé la plus grande
confiance, et le duc et la duchesse
d'Orléans, devenus, en 1830, roi et
reine des Français, admettaient, avec
une bienveillance toute particulière,
dans leur intimité, le représentant
du roi de Sardaigne, leur beau-frère.
En partant pour son ambassade, en
1814, le marquis Alfieri était chargé,
par ses instructions, de faire valoir
les motifs qui n'avaient pas permis
au roi de Sardaigne d'admettre dans
ses États la Légion-d'Honnéur. Le
roi avait créé l'ordre militaire de Sa-
voie, et décidé que cette décoration
serait donnée de droit en échange
aux militaires, redevenus ses sujets,
SOS
SOS
38j
qui avaifnt fait. les guerres de l'Em-
pire et avaient obtenu celle de la
Légion-d'Honneiir. Le gouvernement
français n'avait jamais cessé de récla-
mer contre cettedéfense et avait, par
représailles, interdit en France l'or-
dre de Saint-Maurice et de Saint-
Lazare. Sur ce point les deux cours
avaient été dans un fâcheux désac-
cord. Lorsque, à la (in de son ambas-
sade, le roi de France lui fit offrir le
cordon bleu, le marquis Alfiéri ne
jugea pas à propos de l'accepter. S'é-
tant opposé à l'admission de la Lé-
gion d'Honneur dans les États du roi,
il crut devoir faire sentir qu'il dési-
rait n'être pas dans le cas de refuser
une si honorable ilisiinction. Peu de
temps après son avènement au trône,
le roi Charles-Albert, n'ayant plus
les mêmes raisons qui avaient porté
ses augustes prédécesseurs à prendre
cette mesure, la révoqua. Au com-
mencement de l'année 1831, le mar-
quis de Sostegno fut créé chevalier
de l'ordre suprême de l'Annonciade
et lieutenant-général. En février de
la même année, à l'occasion du ma-
riage de la princesse Marianne de
Savoie avec le prince Ferdinand
d'Autriche, qui a été depuis empe-
reur, il reçut la grand'croix de l'or-
dre de Saint- Etienne de Hongrie.
Lorsque le conseil d'État fut créé
par édit royal du 18 août 1831, il
fut nommé conseiller d'État adjoint
permanent, et en 1832 décoré du
grand-cordon de Saint -Maurice et
de Saint-Lazare. En sa qualité de
grand- chambellan , il était prési-
dent et directeur en chef de l'aca-
démie royale des beaux-arts. Assisté
de M. le marquis d'Azeglio, son
gendre, membre do différentes aca-
démies, aujourd'hui directeur-gé-
néral des galeries royales, et pro-
fondément versé dans !a connais-
LXXXII.
sance des beaux-arts, le marquis de
Sostegno fit restaurer le palais de
l'académie, et introduisit dans ce
royal établissement des réformes qui
avaient pour but de favoriser les
études et d'améliorer le S(irt des
professeurs, des artistes, etc. Ces
reformes furent couronnées d'un
plein succès. H ne bornait pas là les
soins qu'il donnait à l'dcadémie
royale. H encourageait encore, par
ses conseils et de ses propres de-
niers, les artistes qui avaient du ta-
lent, mais qui manquaient de moyens
pour le cultiver. Doué d'une infati-
gable activité et d'une santé des
plus robustes, il descendait lui-même
pour toute chose dans les plus pe-
tits détails et entretenait une vasie
correspondance. Il s'occupait depuis
long-temps d'embellir son magnifique
château de Saint-Martin, et il fit cons-
truire à ses frais dans ce pays une
très-belle église. En 1839 il reçut
un coup terrible dans ses plus chères
affections; il eut le malheur de per-
dre sa fille cadette, M"'^^ Louise, com-
tesse de Pavria, chanoinessc de l'or-
dre de Sainte-Anne de Bavière. En
1841, parvenu à l'âge de 77 ans,
voulant, comme on dit, mettre un
intervalle entre le monde et la mort,
il sollicita et obtint du roi sa reiraite
des affaires. Au mois de mai 1844 il
fut atteint d'une grave maladie qui
fut d'abord jugée mortelle. H voyait
arriver sa fin prochaine avec un
courage imperturbable et avec ce
calme que donnent seulement, une
conscience toujours droite et une vie
chrétienne remplie de vertus et de
bonnes œuvres. Peu de jours avant
sa mort, sou fils ayant été placé à la
tête de l'instruction publi(iue, la sol-
licitude patcrticile s'alarma de la
responsabilité qui allait peser sur
lui. Craignant que les travaux et les
25
386
SOT
préoccupations propres aux carri^-
rcs qu'il .ivail préccilemniciif par-
courues ne lui eussent pas permis de
se préparer à remplir dignement les
importantes fonctions auxquelles il
se trouvait appelé d'une manière si
imprévue, il ne le voyait pas sans
quelque inquiétude exposé il devoir
lutler contre des exigences et des
préventions contradictoires, qui,
dans un pays voisin, avaient ré-
cemment fait Siirgir un conflit d'o-
pinions dont la violence était de na-
ture k troubler les consciences plus
délicates et timorées. Mais ayant
bieiilôt appris que le public, qui est
presque toujours un assez bon juge,
avait fort applaudi au choix que
S. M. venait de faire, le marquis Al-
lieri de Sosteguo se montra plus ras-
suré et plus flatté de la marque de
haute conliaiice que le roi avait don-
née à son fils. A l'approche de l'hiver
la maladie prit un caractère très-
grave. La faculté redoubla , pour
ainsi dire, tons ses efforts, mais inu-
tilement, pour prolonger encore une
existeiHe si précieuse. Le malade re-
çut tous les secours de la religion
avec cette foi si vive qu'il avait
constamment professée dans sa lon-
gue carrière et avec la plus édifiante
résignation. Il conserva toutes ses
facultés in.elleciuel'.es jusqu'aux
derniers instants de sa vie , et le
8 décembre il expira entouré de sa
famille qui lui avait toujours prodi-
gué les soins les plus affectueux et
qu'il laissa dans la plus grande dé-
solation. H emporta les regrets de
tons ceux qui l'avaient connu. Sa dé-
pouille mortelle fut transportée à
Saint-Martin et placée dans un ca-
veau de la belle église qu'il y avait
fait construire. Z.
SOTIOX on SociON est le nom de
plusieurs pcrsoïiiiages anciens qui
SOT
ont en une certaine célébrité. Nous
ne nous occuperons que des trois
suivants: — Sotion d'Alexandrie, dit
l'Aîné, philosophe, tlorissait sous le
règne de Ptolémée VI Philométor,
vers l'an 170 avant J.-C. Çomnift il
ne nous reste de lui aucun ouvrage
philosophique, on ne sait à quelle
secle il appartenait. Le premier il a
écrit en grec une sorte d'histoire de
ses prédécesseurs, sous le titre de
Succession des philosophes. Ce re-
cueil biographique et littéraire, qui
n'est point parvenu jusqu'à nous, est
souvent cité par Diogèiie-Lai'rce, au-
quel, dit Schœll, il paraît avoir servi
de modèle. Il fallait que l'ouvrage fût
considérable, puisque Héraclide, fils
de Sérapion, crut devoir en donner
un abrégc(l). Sotion écrivit aussi un
traité, également perdu , intitulé :
Des silles de Timon, dans lequel il
commentait ces poésies satiriques, et
cherchait sans doute à venger les
philosophes des épigrammes lancées
contre eux par le malin sillographe
de Phlionte {voy. Timon, XLVI, 86).
— Sotion d'Alexandrie, dit le Jeune,
philosophe pythagoricien, a vécu
sous Auguste et Tibère. Il tenait à
Rome une école que Sénèqne fré-
quenta dans sa jeunesse, ainsi qu'il
nous l'apprend lui-même dans sa -il)"
lettre à Liicilius. Dans la 108*^, il ra-
conte comment Sotion lui expliqua
la doctrine de Pythagore et le déter-
mina à s'abstenir de la chair des
animaux, régimequ'il suivit pendant
plus d'une année, et dont il se trouva
bien tant pour la santé du corps que
pour celle de lAine. Il n'y renonça
qu'à la prière de son père et pour
des raisons qu'on peut voir dans la
(i) Diogène-LHerce cite aussi plusieurs
fois cet iijjicgé, aotammeiit dans la vie de
Pytliagorc et dans celle il'Épicure.
SOT
lettre même. L'inappr(^ciablp collec-
tion d'extraits ou de fragiiiriits d'au-
teurs anciens, formée par Stobt^e
pour servir à l'instruction de son
fils, en contient un ccrlain nombre
mis sous le nom de Sotion, sans au-
cune autre désignation. Quelques-
uns .«ont lires d'un traité qui avait
pour titre : De la colère. On attribue
généralement ce traité au maître de
Sénèque ( le disciple, comme on sait,
a composé trois livres sur le même
sujet). Quant aux autres fragments,
on ne peut dire s'ils sont de notre
pythagoricien, ou du Sotion son com-
patriote et son aîné mentionné pré-
cédemment, ou enfin d'un troisième
Sotion, dont il va être question.
— A l'art. Chardon de la Rochette
(LX, i53), on a vu que la partie iné-
dite des Mélanges de ce célèbre phi-
lologue renferme une notice sur l'un
des Sotion : c'est précisément celui
dont nous avons encore à parler.
Voici ce que M. Bréghot du Lut dit
de cette notice : c Tout ce que les
« anciens nous ont appris de celui
« des auteurs de ce nom qui vivait
« sous Tibère et qui fut un des his-
" toriens d'Alexandre s'y trouve
« réuni, et y est suivi du texte et de
« la traduction française des frag-
« uients qiii nous restent de son ou-
« vrage, Des faits incroyables sur les
« fleuces, les fontaines et les lacs,
" le tout accompagné, suivant l'usage
« de notre habile helléniste, d'une
« loule d'annotations curieuses et
0 sàMinies. >' {Mélanges biogr. et
lillér., p. 312.) Si celte intéressante
notice avait cle publiée, nous n'au-
rions qu'à en faire ici l'analyse; mais
comme elle n'a pas vu le jour, nous
nous bornerons à répéter ce que dit
Schœll, en y ajoutant les quelques
parlic.dlnrités que nous avons pu dé-
couvrir. !.►• Solion dont il ^'Hglt était
SOT
387
un philosophe poripatéticien qui vi-
vait effectivement sous Tibère, mais
un peu postérieurement au pythago-
ricien. On ignore quelle était sa pa-
trie, et l'on n'a point de détails sur
les événements qui ont pu marquer
sa carrière. Plutarque le cite dans la
Vie d'Alexandre, à l'occasion d'un
chien favori que perdit ce conqué-
rant, et en l'honneur duquel il fit,
dit-on, bâtir une ville. S'il n'y a que
cette raison pour mettre Sotion au
nombre des historiens du grand roi,
il f;jut avouer qu'elle n'est pas très-
concluante. Cassianus Bassus cite
aussi, dans ses Géoponiques, un écri-
vain du nom de Sotion, et il donne
quelques passages de ses écrits. Ils
proviennent probablement de l'ou-
vrage sur les phénomènes extraor-
dinaires des fleuves, etc., signalé ci-
dessus. C'est probablement encore à
cet ouvrage que Théophylacte Simo~
calta fait allusion, en nommant So-
tion parmi les savants et les natura-
listesdont il avait compulsé les écrits
pour la composition de son Dialogue,
contenant divers problèmes de phy-
sique avec leurs solutions (i^dî/. Théo-
phylacte, XLV, 348) (2). Sous le n"
CLXXXIX de sa Bibliothèque, Pho-
tius dit quelques mots de l'ouvrage
de Sotion, qu'il avait lu tout entier,
mais que le temps a détruit en grande
(2) Depuis l'impression de cet art. (en
1826), M. J.-F. Buissonnade a donné une
bonne édition critique du Dialogue on
Questions physique* et des Lettres de Théo-
phylacte, avec la version hitine de Kime-
doucius, et un gr;ind nomlire de uotes (Pa-
ris, Mercktein, i835, in-So). A la fin de sa
préface, le savant heliéuiste avertit se» lec-
teurs qu'il existe une traduction Irançaiie
du Dialogue, par Frédéiic More!, etc.
M. Brunet la mentionne comme assez rare,
au mot Theophylactus, dern. édit. du
Manuel. C'est un petit in-8° de 4" P^g^s,
imprimé h P.iris, l'u ifîo'J, p;ir Mord lui-
même.
25.
388
SOT
SOU
partie. Ce qu'il en a ('pnrgné fi été
publié, par Henri Estienne, h la suite
du volume intitulé: Aristotelis et
Theophrasti schpta quœdam, grœce,
quœvel nunqiiam antca, vel miiuis
emendata quam 7iunc, edila fuerunl,
Paris, 1557, ia-S", et par Ficd. Syl-
burg, dans son édilion des OEuires
d'Aristote. Schœll croit que Sotion
est encore auteur de \a. Corne d' Amal-
thée, espèce de recueil d'histoires
variées, dont ou doit vivement re-
gretter la perle. Il devait être fort
curieux, à en juger par la piquante
anecdote sur Lyïs et Demosihciies
qu'Aulu-Geile y a piiise'e (Noct. at-
tic, lib. /, cap. VJII). — Dans sou
petit traité de \' Amour fraternel, ?in-
tarque a e'crit ces lignes : « Entre les
• philosophes mo.lerncs, Apollonius
" le péripate'ticieu a montré la f;uis-
« seté de cette opinion, que la gloire
« ne souffrait point de partage, car
• il éleva la réputation de son jeune
<■ Il ère Sotion au - dessus de la
« sienne. » Ce jeune frère d'Apollo-
nius est -il le même que le So-
tion qui termine notre article?
B— L-II.
SOTOMAYOll (Louis de), peiu-
Iro, naquit à Valence, en 1635, et fut
élève du célèbre peintre de batailles
Etienne March. Rebuté par les ca-
prices et la dureté de son maître, il
se vit contraint de l'abandonner, se
rendit à Madrid, et entra dans l'i'cole
de Jean C.nreno. Après avoir su met-
tre à profit les leçons de son nouveau
maître, il revint à Valence et exécuta
un grand nombre d'ouvrages, tous
remarquables par la pureté du goût,
la beauté de la couleur, et surtout
par le talent de la composition. M
avait choisi pour censeur des ou-
vrages votifs qui lui étaient com-
mandés don Etienne de Espndana,
membre de l'inquisition de Valence,
amateur des arts qu'il cultivait lui-
même avec succès, et qui, par son
inlluence et son exemple, soutenait
l'académie de dessin établie dans
cette ville. Parmi les tableaux qui
contribuèrent ii la réputation de So-
tomayor dans sa patrie, on cite le
Saint Augustin au milieu de laVierge
et de Jésus -Christ, qu'il fit pour le
couvent des Augustines de Saint-
Christophe, ainsi que les deux grands
tableaux représentant la Découverte
d'une sainte Vierge, qu'il exécuta
pour les Carmes chaussés. Il revint
de nouveau à Madrid, et y mourut
en 1G73, à l'âge de 38 ans, regretté
de tous les professeurs qui voyaient
s'éteindre en lui les espérances qu'il
donnait de devenir un des plus ha-
biles peintres de l'Espagne. P— s.
SOUBEIIlAi\-Samt-Pna; (Hec-
tor), conventionnel, était homme de
loi à Saint-Peray quand la révolu-
tion commença. Il en adopta les prin-
cipes avec beaucoup de calme et fut
nommé en 1790 l'un des adminis-
trateurs du département de l'Ar-
dèche,puis l'année suivante député à
l'Assemblée législative où il se fit peu
remarquer, et à la Convention na-
tionale 011 il vota la mort de Louis
XVI, mais avec sursis à l'exécution
jusqu'à l'expulsion de tous les Bour-
bons. H avait auparavant voté l'ap-
pel au peuple, ce qui n'a pas em-
pêché qu'il n'ait été compris, en
1816, au nombre des régicides. Ce
terrible procès avait cependant com-
mencé de lui ouvrir les yeux, et il
s'était séparé dès-lors de la faction
de la Montagne. Proscrit par la ré-
volution du 31 mai 1793, à laquelle
il s'était opposé, il fut un des soixante-
treize députés que l'on mit en ar-
restation et qui ne furent rendus à
leurs fonctions qu'après la chute de
Robespierre, Il devint par le sort
sou
sou
389
membre du conseil des CiiKi-Cents,
d'où il sorlil en 1798. Rdeiu l'aimoe
suivante, il en fut exclu de nou-
veau par la re'vohitiou un 18 bru-
maire. Il fut alors nommé juge au
tribunal criminel de l'Ardèche et
remplit ces fonctions jusqu'en 1816
où la loi contre les re'gicidcs le força
de quitter la France. Il se réfugia en
Suisse d'où il fut rappelé, en 1818,
par une faveur ministérielle. Re-
venu dans sa patrie, il y mourut
quelques années plus tard. — Deux
frères de ce nom étaient grenadiers
dans le bataillon des Filles-Saiut-
Tliomas, qui montra un si grand dé-
vouement à Louis XVI dans les jour-
nées du 20 juin et du 10 août 1792.
L'un des deux fut aide -de -camp
de Lafayette et éiuigra avec lui. li
était revenu à Paris en 1795 et y
figura encore avec beaucoup de dis-
tinction parmi les sectionnaires qui
soutinrent la lutte du 13 vendém.
contre la Convention nationale. L'un
et l'autre sont morts depuis plusieurs
années, après avoir vécu dans une
union tout-à-fait exemplaire. M-Dj.
SOUBERIÎIELLE (le docteur),
chirurgien à Paris, fut un des plus
zélés détracteurs do la mélhodc in
veillée par le frère Corne en 1779
pour l'opération de la pierre, et se
montra en conséquence fort oppose
à la lilhotritie inventée par le doc-
teur Giviale. Très-lie avec les prin-
cipaux meneurs de notre première
révolution et surtout avec Robes-
pierre, il se montra fidèle à ces prin-
cipes jusqu'aux derniers temps de sa
vie, et nous l'avons alors entendu
dire encore que Maximilien avait été
calomnié. Souberbielle est mort à Pa-
ris en 1848. 11 avait éié, en 1793, l'un
des jurésdu tribunal révolutionnaire,
et l'on eut à lui reprocher la mort de
beaucoup de victimes de celte hor-
rible époque, entre autres celle de la
reine jMirie-Antoinetle. On a de lui :
1. Recueil de pièces sur la lilhotomie
el la lilhotritie, 1828-1835, in-8». II.
Observations sur l'épidémie dyssen-
térique qui a régné à l'école de Mars,
au camp des 5ff6Zon.ç, dans l'an 11 de
la république (1793), avec l'indica-
tion des moyens employés pour la
combattre, 1832, in- 8°. 111. Quel-
ques remarques sur tes deux derniers
écrits de M, Civ ia le, intitulés : 1" Con-
sidérations pratiques sur la vic-
thode suspubienne ; 2' Quatrième
lettre sur la lithotritie^ octobre 1833.
— Lettre de M. Souberbielle à l'A-
cadémie des sciences, sur la statis-
tiquii des affections calculmses pré-
sentée par M. Civiale dans la séance
du 2G août 1833. — Renseignements
adressés à V Académie des sciences
sur quelques points de la statistique
des affectionscalculeuses,iH3S, in-8".
— Encore les chiffres de M. Civiale,
Paris, 1834, in-8°. IV. Académie de
médecine, candidature de M- Souber-
bielle dans la section opératoire,
1835, in-8o. Z.
S OU CHU. Yoy. RE^NEFORï,
XXXVll, S56.
SOUHAIT (José ni), député par
le département des Vosges à la Con-
vention nitionale en 1792, y vota
en ces termes la mort de Louis XVI :
"Je vote pour la mort en qiuilité de
«juge; c'est l'application de la loi.
« Comme mandataire du peuple, je
" demande le sursis jusqu'à l'époque
" prochaine de la ratilication de la
«Constitution par le peuple, obser-
• vantque cette volonté comme man-
« dataireest une invitation à la Con-
• vention d'ouvrir la discussion sur
• cette question de sursis qui, par
« conséquent, est indépendante du
« vote comme juge. » Après ce ter-
rible procès, le député Souhait parut
390
SOU
ne s'occuper que très-peu des grandes
questions politiques, et siégeant ha-
ijituellen)ent au centre, parmi ceux
que l'on appelait les crapauds du
marais^ il ne parut occupé que de
questions de finances et d'adminis-
tration. Devenu membre du conseil
des Cinq-Cents par le sort, en 1795,
après la dissolution de la Convention
nationale, il y combattit successive-
ment les impôts aux barrières, sur
le sel et sur le droit de passe. Le 8
septembre 1796 il fit une sortie vio-
lente contre Larivière et le parti
clichien qu'il accusa de royalisme.
Sorti du corps^législatif en 1798, il
fut nommé un des receveurs des
contributions directes du départe-
ment du Nord. Il en exerçait encore
les fonctions en 1816 lorsque la loi
contre les régicides le força de quit-
ter la France. Il se réfugia chez son
beau-frère qui demeurait en Suisse,
et n'en revint qu'après la révolution
de 1830. Il mourut en 1843, laissant
un testament assez bizarre, dans le-
quel on remarque les dispositions
suivantes: «Je donne et lègue 400 fr.
« de rente à chacun de mes anciens
" collègues à la très-haute, très-illus-
« tre et invincible Cotivention na-
« tionale^{\\x\ n'ont^pas un revenu de
• 600 francs, et je donne et lègue
« 300 francs de rente à chaque dame
■ veuve d'un ancien conventionnel
« qui n'aurait pas un revenu de 400
« francs. » H existait encore alors
quelques veuves de conventionnels
dans la détresse. Plusieurs reçurent
des secours de la liste civile, dans les
premières années qui ont suivi la ré-
volution de 1830; et l'on doit convenir
que tant que régna Louis- Philippe
les conventionnels régicides et leurs
héritiers furent toujours très -bien
traités. Il fit à plusieurs de bonnes
pensions qu'il paya fort exactement
SOU
jusqu'à la fin de son règne. (Foy.
Sergent dans ce vol.) M — d j.
SOrHAITTY (le père), religieux
franciscain, publia, en 1677, un ou-
vrage intitulé : Nouveaux éléments
du chant, où il propose de remplacer
les notes de plain-chant par des chif-
fres. En 1743, J. J. Rousseau proposa
aussi de substituer des chiffres aux
notes musicales, méthode qu'il a rap-
pelée dans son Dictionnaire de mu-
sique, au mot Notes. Cette analogie
donna lien plus tard à une polémi-
que assezvive.Benjamindela Borde,
dans son Essai sur la musique
(1788), accusa Jean-Jacques de pla-
giat pour s'être approprié un système
dont il n'était pas l'inventeur. Ma-
dame de La Tour de Franqneville,
ou plutôt le célèbre violoniste Ga-
viniés {voy. ce nom, XVI, 612,
note), prit la défense de Rousseau
dans un écrit anonyme, intitulé :
Errata de l'Essai sur la m,usique.
La Borde disait que les deux sys-
tèmes n'en font qu'un. On lui ré-
pondit que celui du P. Souhaitty ne
s'applique qu'au plain-chant, tandis
que la méthode de Rousseau, dont
les signes d'ailleurs sont bien plus
simples, se rapporte à la musique. Le
citoyen de Genève, prévoyant sans
doute les attaques qui seraient di-
rigées contre lui, avait déjà dit :
« C'est bien moins le genre des si-
« gnes que la manière de les em-
« ployer qui constitue la différence
« en fait de systèmes; autrement il
« faudrait dire, par exempre, que l'al-
« gèbre et la langue française ne sont
« que la même chose, parce qu'on s'y
« sert également des lettres de l'al-
' phabet. » Cette comparaison n'est
pas fort exacte; car il y a certaine-
ment plus de différence entre l'algè-
bre et la grammaire, qui sont deux
sciences distinctes, qu'entre le plain-
sou
chaut et la musique, qui ne sont (|iie
deux branches du même arl. Il ré-
sulterait de toute cette dispute que
Jean -Jacques aurait perfectionné,
étendu la méthode de Souhaitty, si
toutefois elle lui a suggéré un projet
analogue; car l'idée d'employer en
musique des chiffres au lieu de notes
est-elle, assez extraordinaire, assez
transcendante pour qu'une fois émise
on ne puisse plus la reproduire sous
une autre forme et avec des déve-
loppements nouveaux, sans être ac-
cusé de plagiat? P — RT.
SOUHAM (Joseph), général fran-
(•ais, né le 31 avril 1760, à Lubersac,
dans le Limousin, de l'une des pre-
mières familles de la bourgeoisie, eut
une jeunesse très-dissipée et, à peine
sorti du collège, s'engagea dans le
régiment de Royal-cavalerie. D'une
force,d'une taille prodigieuse (,il avait
plus de six pieds) et d'une valeur à
toute épreuve, il réunissait tous les
avantages qui font réussir à la guerre.
Cependant il ne servit pas long-temps
dans ce corps où les lois du temps
lui promettaient peu d'avancement.
il en était sorti lorsque la révolution
commença. Séduit par toutes les il-
lusions de cette époque, il s'enrôla
dans un bataillon de volonlaires na-
tionaux du département de la Cor-
rèze,qui le nouirtsasonconimandant.
Ce fut à la tête de cette troupe qu'il
fit, sous Lafayette et sous Dumouriez,
les premières campagnes de cette
guerre qui devait être si longue.
11 se distingua particulièrement à
Jemmapes, puis k Montassel , k Cour-
tray et à Nimègue , dont il s'em-
para de la manière la plus glorieuse
dans le terrible hiver de I79j. U
était alors général de division et lié
intimement avec les chefs de celle
armée, Pichegru et Moreau ; mais,
d'un caractère entier et difficile, il
SOU
391
eut plusieurs altercations avec les
représentants que la Convention na-
tionale envoyait à toutes les armées
avec des pouvoirs souverains. C'est
par suite de ces différends qu'il fut en-
voyé dans la Belgique pendant quel-
ques mois avec un commandement
qu'il quitta en 179G, pour être mis
à la tête d'une division de l'armée
du Rhin, sous Pichegru, puis sons
Moreau. La disgrâce de ces deux gé-
néraux lui devint bientôt funeste, et
il cessa d'être employé sous le gou-
vernement directorial, jusqu'à ce que
Bonaparte, s'étant emparé du pou-
voir, le remît en activité- mais il
tomba de nouveau en disgrâce lors
de la conspiration de Georges Ca-
doudal, où il se trouva compromis.
Renfermé dans la prison de l'Abbaye,
il fut tenu long-t*'mps au secret.
N'ayant pu le faire condamner sans
preuves, Napoléon le destitua de son
grade, et il ne consentit à le réinté-
grer qu'en 1808, pour lui donner le
commaiulemeut d'un corps d'aru)ée
en Catalogne. Souham y battit d'abord
Us Espagnols à Olot, puis à Valse, et
défendit bravement la place de Vich
contre O'Donnell, qui conuuandait un
corps beaucoup plus nombreux que
le sien. Marchant ensuite en tête de
ses colonnes, il fut percé an-dessous
de l'œil d'une balle qu'il fit extraire
à l'instant sur le champ de baiaille,
et lorsque les soldats, frappés d'épou-
vante, le croyaient mort et commen-
çaient à se retirer, il parut soudai-
nement au milieu d'eux, et les con-
duisit à l'ennemi, qui fut repoussé et
mis dans une déroule complète. Ce-
pendant il la fin de cette glorieuse
journée, Souham s'aperçut de l'irri-
tation que tant de mouvements cau-
saient à sa blessure; il s'arrêta enfin
et se fit sérieusement panser ; mais
elle était à peine cicatrisée qu'il re-
âD2
SOU
eut l'orilre d'aller rallier les débris
du luaréchal Soult, qui venait d'es-
suyer un grave échec en Portugal.
11 lit d'abord lever le siège de Burgos,
puis, ayant marché contre le duc de
Wellington, il le battit dans plu-
sieurs occasions, particulièrement
à Torquemada, et à la célèbre po-
sition des Aropiles, où le brave Don-
iiadieu se couvrit de gloire à la tète
de son régiment. Si Souham eût été
secondé dans ses brillantes attaques,
c'en était fait de l'armée anglaise;
mais le roi Joseph, qui devait le sou-
tenir, resta immobile à Madrid. A la
suite d'une discussion très-vive avec
ce prince, Souham partit pour la
France.C'élaitàlalin de 1812; Napo-
léon le chargea aussitôt d'organiser,
à Mayence, un corps d'armée qui,
bien que composé de conscrits pour
la plus grande partie, obtint à Lutzen
et sur les rives de l'Elbe, contre l'em-
pereur Alexandre et le roi de Pruss-c
en personne, un succès si complet que
Napoléon dit que depuis vingt ans
qu'il commandait des armées, il n'a-
vait pas encore vu autant de bra-
voure et de dévouetncnt. Quand il de-
manda à Souham ce qu'il désirait pour
récompense d'un si bel exploit, ce
brave général ne voulut pas autre
chose que la délivrance du général
Dupont, son compatriote et son ami,
qui, depuis trois ans, était prisonnier
au château de Ham. Cette grâce lui fut
accordée avec le titre de grand-offi-
cier de la Légion-d'Honneur. H avait
reçu depuis plusieurs années celui
de comte. Dans la campagne de
France qu'amena l'invasion des al-
liés en 1814, Soubam commanda en-
core une division, et il se distingua
particulièrement à Nogent et à Mon-
lereau où il couvrit la retraite. 11
faisait partie du corps d'armée de
Marmont à Essone, lorsque ce maré-
sou
chai effectua sa défection pour se
rendre à Versailles. Nous ignorons si
Souham ût quelques efforts pour
le détourner de cette résolution ; ou
si, couune l'ont dit ses détracteurs,
ce fut lui qui donna le premier l'or-
dre et l'exemple de cette défection.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que, arri-
vées à Versailles, les troupes, ayant
reconnu qu'elles avaient été trom-
pées, s'insurgèrent spontanément, et
que plusieurs coups de fusil furent
tirés sur le général Souham, qui se
vit oblige de prendre la fuite. H se
soumit aussitôt après le rétablisse-
ment des Bourbons ; fut créé cheva-
lier de Saint-Louis et nommé com-
mandant de la 20® division militaire.
N'ayant pas été employé dans les
Cent-Jours de 1815 par Napoléon,
qui sans doute ne lui pardonnait pas
sa conduite à Essone, il fut employé,
au retour du roi, comme iiispec-
teur-général d'infanterie, puis comme
gouverneur de la 5® division. Ayant
obtenu sa retraite quelques années
plus tard, il mourut dans son pays au
milieu de sa famille, en 1837. C'était
sans contredit un des meilleurs gé-
néraux de notre époque; mais il
n'avait pas servi sous Bonaparte en
Italie ou en Egypte, et il avait, en
outre, le tort d'avoir été l'ami de
Pichegru, de Moreau et de Dupout.
On conçoit qu'il dut en souffrir pour
son avancement. M— d j.
SOULANGE-BODL\ ( Etienne),
horticulteur célèbre, était né à Tours
en 1774. Destiné à la médecine, que
son père exerçait avec distinction, il
fit de très-bonnes études au collège
de sa ville natale, et montra une vive
prédilection pour l'histoire naturelle
et la botanique. En 1794 il entra dans
la diplomatie et accompagna le gé-
néral Auberl-Dubayet dans son am-
bassidc de Constantinople en qua-
sou
lité de secrétaire. On lui confia en-
suite quelques missions importantes
el, après avoir rempli plusieurs em-
ploisaduiiuistralirs, il devint enl807
chef du cabinet d'Eugène Beauhar-
nais, vice-roi d'Italie, qu'il suivit dans
ses premières campagnes jusqu'à la
chute de l'empire. Revenu en France,
il y vécut dans la vie privée, s'adou-
nant à l'étude de la nature, et chargé
de surveiller les beaux jardins de la
Maîmaison. Il acheta ensuite le châ-
teau de Fromont, à Ris (Seine-et-
Oise), et s'y retira, ne s'occupant
plus que de culture et de jardin.ige.
11 fit de cette magnifique terre un vé-
ritable Jardin des Plantes, où toutes
les familles de fleurs et d'arbustes
étaient représentées, où s'étalaient
les plus rares collections d'arbres fo-
restiers indigènes et exotiques. Les
serres renfermaient les plus précieux
végétaux. Dans le but d'être utile à
la propagation des connaissances hor-
ticoles et agricoles et pour en faci-
liter l'étude, il conçut l'idée de créer
à Fromont une sorte d'école d'horti-
culture théorique et pratique. Cet
établissement s'ouvrit en 1829 sous
le titre ù^Institut royal horticole,
avec l'autorisation de Charles X. qui
l'honora d'une visite et lui lit al-
louer par le ministère une somme
assez forte pour l'entretien de quel-
ques élèves. De savants professeurs
y furent attachés et un recueil men-
suel rendit compte des cours et des
travaux; mais cette belle et utile
fondation dura peu ; elle fut renver-
sée par la révolution de 1830. Secré-
taire perpétuel de la Société centrale
d'Agriculture de la Seine, Soulange
fut un des fondateurs de celle iV Hor-
ticulture de Paris , et il y remplit
pendant quinze ans les fonctions de
secrétaire-général avec autant de
zèle que d'activité. Sans cesse occupé
SOU
393
de mesures utiles, il prop"sa un prix
sur les moyens de parvenir à la des-
truction du ver blanc, et c'est à ses
efforts que l'on doit la première ex-
position florale au Louvre en 1832.
En 1839 il fut nommé membre du
conseil-général d'agriculture. Il mou-
rut le 23 juillet 18i6 à la suite d'une
longue et douloureuse maladie. Na-
poléon l'avait décoré de la Légion-
d'Honneur et de la Couronne de Fer. H
était membre de la Société Linnéennc
de Paris et aililié à toutes les sociétés
agricoles de la France et de l'Europe.
Ses principales publications sont : I.
Catalogue des dahliasnains d^origi-
ne anglaise, pour l'année 1 822, in-8».
II. Notice sur une nouvelle espèce de
magnolia, Paris, 1826, in-8o. III.
Discours sur l'importance de l'agri-
culture et sur les avantages de son
union avec les sciences physiques^
Paris, t827, in-8°. ( Extrait des An-
nales delà SociétéLinnéenné)\N .An-
nales de l'Institut royal horticole
de Fromont, Paris, avril 1 829-183 i,
6 vol. Ce recueil parut tous les mois
par cahier avec planches, sous la di-
rection de Soulange, un des princi-
paux rédacteurs ; on trouve les noms
des auteurs en tête de chaque vo-
lume. V. Rapport lu à la séance
de la Société royale et centrale d'A-
griculture du 10 avril 1836, Paris,
in-8''. ( Extrait de l'Agronome. ) VI.
Rapport fait à Société d'Encoura-
gement pour l'Industrie Nationale au
nomdu Comité d" Agriculture, sur une
éducation de vers à soie faite en 1835
par M. Camille Beauvais dans le do-
maine des bergeries de Senart, près
Montgeron, Paris, 1836, in-8". Il a
revuetanno'.éle Traité delà compo-
sition et de l'exécution des jardins
d'ornement , extrait de Loudon, par
Chopin ( 1830 ). Il a donné des ar-
ticles à beaucoup de publications
394
SOU
scientifiques, entre autres au Mémo-
rial Encyclopédique , au Diction-
naire de l'industrie manufacturière,
à V Encyclopédie d'Agriculture pra
tiqua et à celle d'Horticulture ; \c
recueil de ïa. Société centrale d'A-
griculture de la Seî'ne renferme de
lui un {^raïul nombre de dissertations
et de mémoires, ainsi que le compte
rendu des séances de cette Société.
Un de ses lils suit la carrière diplo-
matique. C— H— N.
SOULIÉ (Mëlchior), père de
Frédéric Soulié, dont l'article suit,
était né en 1770; il professait la
philosophie à l'université de Tou-
louse, lorsqu'il s'enrôla en 1792 dans
un bataillon de volontaires natio-
naux. Devenu adjudant-général, il
fut forcé d'abandonner la carrière
militaire pour cause de santé et en-
tra dans l'administration des finan-
ces. En 1808 il fut nommé à un em-
ploi supérieur dans les droits-réuuis
à Nantes, et passa ensuite à Poitiers.
Destitué à la Restauration connue
partisan de Napoléon, il fut réinté-
gré bientôt après, et reçut la direc-
tion des contributions directes delà
Mayenne qu'il occupa jusqu'à sa
mise à la retraite en 1824. Alors il
vint se fixer à Paris avec son fils qui
ne tarda pas à s'y faire une brillante
renommée. Après avoir eu la dou-
leur d'assister à sa mort prématu-
rée, il le suivit dans la tombe quel-
ques mois plus tard, le 10 février
1848. ^ Z.
SOULIÉ (Melchior-Frédéric),
l'un des auteurs dramaiiques et ro-
manciers les plus célèbres de notre
époque, était né à Foix (Ariége), le
23 décembre 1800. 11 commença ses
études à Nantes et fit sa rhétorique
au collège de Poiliers, qu'il quitta
à la suite d'une discussion avec son
professeur. Ayant accompagné son
SOU
père dans un voyage qu'il fit à Paris
pour réclauier contre sa destitution,
il yconunençi un cours de droit. Dans
les désordres qui agitèrent alors la
jeunesse des écoles, il ne fut pas un
des derniers à figuier dans réiiieuie
et à signer des pétillons contre le
gouvernement royal, ce qui le fil
comprendre au nombre des étu-
diants qui furiut envoyés à Ren-
nes pour y terminer leurs études
sous la surveillance de la police. Il
continua néanmoins de s'occuper de
politique; et, allilié au carbona-
risme, il établit une correspondance
entre les ventes de Renues et celles
de Paris. Ayant achevé son droit, il
vint rejoindre son père à Laval, et
entra dans ses bureaux. Lorsqu'il fut
mis à la retraite, Frédéric profita de
cette circonstance pour dunnersadé-
mission, ne se sentant aucun gc.ût pour
la carrière administrative. 11 avait
consacré ses loisirs à la composition
de quelques essais poétiques, qu'il
publia à Paris sous le titre d'Amours
françaises. On a remarqué que ce
volume portait le nom de F. Soulié
de Lavclanet^ ce qui indiquait de la
part de l'auteur le désir de se donner
une apparence de noblesse , et de
faire accueillir ses vers dans les sa-
lons de l'aristocratie toujours très-
puissante et restée l'arbitre des suc-
cès littéraires, quand la monarchie
et la religion n'étaient pas atta-
quées. Ce qui le prouve , c'est que
la plupart des poètes devenus cé-
lèbres, tels que Victor Hugo, La-
martine, Alfred de Vigny, débu-
tèrent sous ses auspices. Si le véri-
table public prêta peu d'attention à
cette première œuvre de Soulié, il
n'en fut pas de même du monde lit-
téraire, qui, à cette époque, était à
l'affût des moindres publications
poétiques. Une simple pièce de vers,
sou
sou
395
une élëgie, un sonnet, faisaient re-
marquer l'auteur, et il était admis
partout. Dès ce moment Soiilié fut
connu; il se mit en rapport avec
quelques renommées déjà établies ,
en même temps qu'il se lia d'inti-
mité avec de jeunes poètes comme
lui. Casimir Delavigne lui lëmoijîna
beaucoup de bienveillance et l'en-
couragea à persévérer. C'était son
plus ardent désir, mais avant tout il
fallait vivre, et pour cela il devint di-
recteur d'une scierie mécanique. Au
milieu de ses travaux matériels, il
n'avait qu'une idée fixe. Ses moments
perdus, ses soirées, il les occupait à
la lecture des grands auteurs dra-
matiques; il sentait que là était sa
vocation, son irrésistible destinée.
11 aimait surtout Shakspeare , et
son admiration le porta à entrepren-
dre, pour 1^ scène française, la tra-
duction d'une des plus belles pièces
de l'illustre tragique, Roméo et Ju-
liette. Ce fut sa première pensée;
nidiss'étant mis à l'œuvre, il se laissa
entraîner par sa propre imagina-
tion, et, au lieu de traduire fidèle-
ment, il composa, effaça, ajouta de
nouveaux détails, de manière qu'il
n'y eut plus que l'action qui au fond
resta la même. On l'a beaucoup
blâmé de cette licence, sans songer
qu'une véritable tragédie peut bien
valoir une sèche traduction. Quoi
qu'il en soit, elle fut reçue à l'una-
nimité au Théâtre-Français , mais
Soulië n'eut pas la patience d'at-
tendre son tour, et il la retira pour
la porter à l'Ocléon oii elle fut re-
présentée le 10 juin 1828. Un succès
un peu contesté couronna ce pre-
mier essai; néanmoins par Roméo et
Juliette Soulié se pl;içait d'emblée
au premier rang, et un brillant ave-
nir s'ouvrit devant lui. Un an après,
il donna à l'Odcon son drame de
Christine à Fontainebleau. Cette
pièce était de l'école dite roma«<igue,
qui commençait; elle tomba d'une
manière si complète que l'auteur
sembla dégoûté du théâtre et se fit
journaliste. C'est alors qu'il rédigea
le Mercure et travailla au Figaro,
sans toutefois abandonner entière-
ment la carrière dramatique vers
laquelle il se sentit toujours un pen-
chant invincible. Le 17 juin 1830
il fit rt'présenter au Vaudeville une
comédie en deux actes intittilée :
Une nuit du duc de Montfort. Toute
médiocre qu'elle était, cette {;ièce
obtint quelque succès et rapporta à
l'auteur plus d'argent que ses deux
tragédies. Toujours fort lié avec le
parti libéral, Soulié combattit à la
révolution de 1830 le fusil sur l'é-
paule, ce qui lui valut la croix de
juillet que bientôt, comme tous ses
confrères, il cessa de porter. Conti-
nuant d'écrire çà et là dans les pe-
tits journaux, tels que la Mode et le
Voleur, avec MM. de Balzac et Eu-
gène Sue , on vit encore son nom
figurer dans tous les recueils ou re-
vues littéraires ; \â Pandore, le Cor-
saire, VArtiste, le comptèrent au
nombre de leur.s rédacteurs. A cette
époque, il fit, en collaboration avec
M. Cave, une comédie en cinq actes,
intitulée Nobles et Bourgeois, (lui
tomba d'une façon désespérante. Il
ne se rebuta pas, et la Famille de
Lusigny (en société avec M. A. Bos-
sange), drame en trois actes, joué
aux Français le 15 octobre 1831, dont
le sujet était pris dans le roman de
Lacretelle, le Fils Naturel, réussit
assez bien. Soulié voulut alors ten-
ter un coup d'éclat, et il se mit à
écrire un roman et un drame. Le 11
septembre 1832 eut lieu la première
représentation de Clolilde au Théâ-
tre-Français; l'action, tirée dnFazio
396
SOU
sou
du poêle anglais Milman, élait dc^
plus dramaljqiirs; grâce à la cha-
IciiiTiise passion qu'y déployait
M"" Mars, le triomphe fut complet,
et, malgré les vives attaques de la
critique, celle pièce reçiit du public
des applaudissements véritablement
enthousiastes. Le roman des Deux
Cadavres^qui parut en mêmetem|)s,
est un tissu d'horreurs, de meurtres
et de scènes de sang, dénué de me-
sure, tout à fait dans le goût du jour,
mais très-rnergi(|uemeuî écrit. Il eut
beaucoup de vogue. Immédiatement
après, Soulié publia le Port de ire-
Icil, recueil de nouvelles détachées ;
puis fonda un journal intitulé Napo-
léon, qu'il céda presque aussitôt à
M. Marco de Saint-Hilaire. Deux piè-
ces qu'il lit alors représenter aux bou-
levards, IHommc â la Blouse et le
Roi de Sicile, eurent le même sort ;
elles tombèrent sans laisser aucune
trace. Mais ce fut surtout dans les
deux années qui suivirent que Sou-
lié déploya la plus féconde activité.
D'abord parut le Vicomte de Véziers,
puis le Magnétiseur, romans bien
différents de genres, l'un historique,
l'autre tout d'invention , et qui
eurent nu égal relenlissement. Une
aventure sous Charles IX, comédie
(en société avec M. Badon) , repré-
sentée aux Français le 21 mai 1834,
les avail précédés. Vinrent ensuite le
Comte de Toulouse^ puis le Conseiller
d'État, qui obtint un succès aussi
grand que celui des Deux Cadavres.
C'était une peinture de mœurs pleine
de vérité et d'imagination, avec des
caractères parfaitement tracés , des
situations très-attachantes, mais tou-
jours écrit selon le goût de l'époque
en style coloré et dramatique. Ce
fut peu de temps avant qu'il donna
(eu société avec M . Arnoult) les Deux
Keiius il rOpéra-Comique (6 août
1835), dont la musique d'Hippolytc
Moupou eut tous ieshonnenrs. f/n/vfe
à Meudon, Deux Séjours: Province
et Paris, Sathanicl, romans, datent
de 1836. Ce dernier ouvrage et les
Quatre Époques (les Celtes, les Gau-
lois, les Romains, les Chrétiens), qui
parurent un peu plus tard, forment,
avec le Vicomte de Béziers et le
Comte de Toulouse, les Romans his-
toriques du Languedoc. Malgré tou-
tes ces publications et le bon accueil
qu'on leur lit, Soulié demeurait dans
un étal de fortune assez précairi-, et
le maréchal Clauzel, son oncle, en
devenant une seconde fois gouver-
neur de l'Algérie, lui réitéra l'offre
qu'il lui avait faite, en 1831, d'un
emploi dans l'administration de la
colonie. 11 refusa obstinément. l'our
lui, la littérature était une vocation; il
n'accepta pas non plus la proposition
que lui fi! M. Mole (1837) d'entrer au
conseil d'État ii condition d'abandon-
ner la carrière littéraire. Ce fut vers
le même temps qu'il conçut l'idée
des Mémoires du Diable, oeuvre gi-
gantesque et bizarre, imitée du
Diable Boiteux de Lesage. Cet ou-
vrage commença h paraître en feuille-
tons dans le Journal des Débats vers
le milieu de 1837, et ne fut terminé
qu'en mars 1838. C'est le tableau de
la société dans ce qu'elle a de plus
hideux, de plus atroce; l'inceste,
l'adultère, tous les crimes, toutes
les mauvaises passions y sont repré-
sentés sous les ap|)arences de la
vertu et du bien. Satan vous fait
pénétrer dans les plis les plus se-
crets des cœurs ^ tel homme jouis-
sant de la considération de tous,
d'une haute réputatiun de probité,
n'est au fond que vices inlàines;
telle femme, citée pour sa vertn ,
n'est qu'hypocrisie et débauche.
L'inimeuse renommée que fit à Sou-
sou
sou
307
lie cette nouvelle publication le
plaça an faîle de l'étlifice littëiMJre.
Au mêiiie inonient on reprit à TO-
lîeon sa tragédie de Roméo et Ju-
liette, et cette fois elle fut accueillie
par {['unanimes bravos. Durant l'an-
née 1839, il fit repre'sentcr trois
pièces au iheàlrede la Renaissance:
Diane de Chivry (9 février), d'après
une de ses nouvelles ; le Fils de la
Folle (Il juillet), lire de son roman
le Maître d'École; enlin le Proscrit
(7 novembre), en société avec M. De-
hay. Comme délassement d'esprit et
pour faire contraste à ses grands ou-
vrages, il donnait de temps à autre
des bluettes littéraires sans impor-
tance, telles que Contes pour les en-
fants, la Lanterne magique, histoire
de Napoléon , racontée par deux
soldats, Petits Contes militaires, la
Physiologie du Bas-bleu, où tous
les ridicules des femmes auteurs
étaient spirituelleuient dévoilés, le
Tombeau de Napoléon, à l'occasion
de la translation des cendres de l'em-
pereur. A la suite de son grand suc-
cès des Mémoires du Diable qu i fu rent
réimprimés sous plusieurs formes et
eiireatles honneurs derillustrution,
il se reuiità l'œuvre avec une nou-
velle fécondité. On compte que de
3838 à 1847 il publia vingt-trois
romans et lit représenter sept dra-
mes, qui obtinrent plus ou moins de
vogue, mais qui tous sont empreints
d'un talent incontestable et de la
plus fertile imagination. VHomme
de lettres^ Six mois de correspon-
dance: Diane et Louise, le Maître
d'École parurent en 1839; un Rêve
d'amour^ Confession générale, la
Chambrière en 1840; 5/ Jeunesse sa-
vait et si Vieillesse pouvait^ les
Quatre Sœurs en 1841; puis vinrent
Eulaiie Pontois^ Marguerite et le
Château des Pyrénées; les Préten-
dus, le Bananier , Huit jours au
château, Maison de campagne à
vendre sont de 1843. Dans les quatre
années qui suivirent, il fit paraître
successivement le Château de Wals-
tein^ Au jour le jour ; les Aventures
d'un cadet de famille^ les Amours de
Victor Bonsenne et Olivier Duhu-
mel (qui forment une série de romans
sous le titre des Drames inconnus),
la Comtesse de Monrion^ le duc de
Guise, et enfin Saturnin Fichet.
Tous ces derniers ouvrages parurent
d'abord en feuilletons , dans la
Presse, les Débats ou le Siècle, puis
en volumes. En même temps qu'il
publiait ces nombreux romans,
Soulié faisait représenter à l'Am-
bigu-Comique des drames pleins
d'inti'rèt et d'éuiolions : V Ouvrier,
le 18 jinvier 18i0; Gaétan il Mam-
monf, le 12 novembre 1842; Eulaiie
Pontois, le 18 mai 1843; les Amants
de Murcie, le 9 mars 1844; les Ta-
lismans (fe'erie), le 30 janvier 1845;
les Étudiants, le 24 mai suivant.
La dernière œuvre dramatique de
Soulié, la Closeriedes Genêts, jouée
à l'Ambigu le 14 octobre 184G,
mit le comble à sa popularité.
Atteint bientôt d"une douloureuse
maladie de cœur, il supporta de
cruelles souffrances durant plus de
trois mois, et mourut le 23 septembre
1847, après avoir reçu les sacrements
du curé de Bièvre, qui en a laissé le
lémoiguage en ces termes : «M. Fré-
« déric Soulié est uiort en bon chré-
" tien, en bon catholique romain,
« muni des secours de la religion,
« dans toute la plénilude de sa rai-
« son. Après lui avoir administré les
« sacrements, je lui ai demandé s'il
« rétractiiit avec un esprit soumis à
« riîglise tout ce que ses écrits ponr-
• raient renfermer de contraire à la
« loi et an.x mœurs; il a répondu
398
SOU
sou
• d'un ton ferme : « Oui ; ol si. dans
« mes ouvrages, j'ai pu blesser, je ne
« dis pas le dogme, que j'ai toujours
• respecté, mais la morale, je ne l'ai
« fait que par légèreté. » Six heures
« avant sa mort, M. Soulié me disait
« qu'il ne regrettait point la crise
• qu'il avait éprouvée, parce qu'elle
« lui avait fait prendre un grand
« parti qui le rendait très-heureux,
« celui de revenir à Dieu et de s'y
« attacher pour toujours. Il n'est pas
« possible de recevoir les secours de
• la religion d'une manière plusédi-
" liante que \ne l'a fait M. Frédéric
• Soulié. Depuis, toutes ses paroles
« ont été en harmonie avec l'acte re-
« ligieux qu'il avait accompli , et
« qu'il a voulu accomplir sous les
- yeux de quelques amis et d'autres
« personnes pour leur donner uq
« exemple d'édification. • Ses ob-
sèques eurent lieu à l'église Sainte-
Élisaheth-du-Temple, au milieu d'un
immense concours de peuple; jour-
nalistes, littérateurs, artistes, grands
et petits, accompagnèrent son con-
voi au Père-Lachaise -, MM Victor
Hugo, Paul Lacroix et Antony Bé-
raud prononcèrent des discours sur
sa tombe. Il ét.iit membre de la So-
ciété des gens de lettres, de celle
des auteurs dramati(iues, et cheva-
lier de la Légion-d'Hunueur. — On a
joué à l'Ambigu (15 janvier 1848) un
drame posthume de Soulié, Hortense
de Hlangie^ mais il eut peu de suc-
ces, et l'on a douté que cette pièce fût
réellement de lui. H a participé à la
rédaction de presque tous les recueils
de ce temps, tels que Paris moderne,
le Musée des familles ou le Journal
des enfants, l'Europe littéraire, la
Mode, la Rtcue de Paris, la Chroni-
que de Paris, etc. 11 a donné des
articles aux Cmt et un, aux Cent et
une nouvcllei, au Livre des conteurs,
aux Français peints par eux-mê-
mes. Dans le moment oii nous écri-
vons, on annonce un roman pos-
thume de Soulié, la Queue des Mé-
moires du Diable M. Maurice Cham-
pion a publié Frédéric Soulié, sa vie
et ses ouvrages, Paris, 1847, in-S".
SOULIÉ (Jean-Baptiste-Augus-
tin), littérateur et journaliste, né à
Castres en 1780, fit ses humanités au
collège de cette ville, dirigé par les
Oraloriens. Pendant la tourmente ré-
volutionnaire il suivit la carrière
commerciale ; mais plus tard il com-
pléta ses études, et se livra à l'en-
seignement. Fixé à Bordeaux, il prit
part au mouvement royaliste qui s'y
manifesta le 12 m^rs 1814. Il y avait
fondé trois journaux : le Mémorial
bordelais, la Ruche d'Aquitaine et
la Ruche politique. Vers 1820, il .se
rendit à Paris, où il coopéra à la ré-
daction de la Quotidienne, et quel-
ques années après il fut nommé con-
servateur à la bibliothèque de l'Ar-
senal, par la protection de Martignac
et de M. de Peyronnet , fonctions
qu'il continua de remplir après la ré-
volution de 1830. Soulié mourut h
Paris, dans la maison des frères de
Saint-Jean-de-Dieu, le 19 mars 1845.
Il était membre de l'académie de Be-
sancon, où Nodier, son ami, l'avait
fait admettre. Doué de beaucoup de
goût et d'une instruction variée, il
n'a cependant laissé aucun ouvrage
important. Ses productions origi-
nales sont des poésies fugitives,
insérées dans les Almanachs des
Muses et dans les Annales roman-
tiques; un grand nombre d'articles
politiques et littéraires dans les qua-
tre journaux dont nous avons parlé,
et un opuscule intitulé: la Mission
de Bordeaux en 1817, Bordeaux,
1817, in-8"; réimprimé à Lyon, la
même année, sous ce titre : Erection
sou
de la croix de la mission à Bordeaux^
le 25 avril 1817. Ha fourni quel-
ques notices, entre autres celle de
JDcs/jase, au Supplément de celte J?îO-
graphie universelle. Il a traduit de
l'anglais en vers français le Cimetière
de campa(;ne, de Th. Gray, 1812,1810',
des Poésies de Roberts, Charlotte
Smith et James Montgomery, Paris,
1827; et en prose le second chant du
A/e'ncsfrei de Bcattie, imprimé, avecla
traduction du premier chant par
Chaleaiibriatid, dans le volume inti-
tulé Poésies anglaises, 1830, iu-18,
faisant partie de la Bibliothèque
choisie publiée par le libraire Bel hu-
ne. Soulié a été l'éditeur des Êtren-
nes royales de la ville de Bordeaux,
de 1814 à 1817, 4 vol. in -18, et du
Keepsake français, ou Souvenirs de
littérature contemporaine^ première
année, 1830, in-S". Enfin on lui doit
la publicîition, en 2 vol. in-8'', des
Poé?ies de Charles d'Orléans^ père
de Louis XII, avec une noiice sur ce
prince et des noies sur les manus-
crits consultés-, édition complète et
bien supérieure à celle qu'avait don-
née Chalvct. ( Voy. Charles d'Or-
léans, VIII, 149.) P— RT.
SOUMET (Alexandre), l'un des
poète.*: les plus disfingués de notre
époque, était né àCasteinaudari dans
une contrée où les poètes altondèrent
toujours. Il fit ses études à Toulouse
sons un neveu de dom Calmet, se
livra d'abord aux sciences mathéma-
tiques et subit un premier examen
pour entrer ii l'Ecole polytechnique;
mais son goiit inné pour les vers
l'entraîna bientôt vers une autre
carrière, et un prix qu'il obtint à
l'acadéuiie des Jeux-Floraux acheva
sa vocation: Il se rendit en 1808 dans
la capitale, où le bc^^oinde se faire
un nom et des protecteurs lui inspira
uti premier éloge de Napoléon qu'il
SOU
399
publia sous le litre mensonger de Di-
thyrambe au conquérant de la paix:
puis un poème itilitulé Le Fanatisme,
qu'il ne faut pas croire écrit dans le
sens que l'on donne vulgairement à ce
mot. Le poème intitulé L7ncrec/uiî7é,
qu'il publia en 1810, prouve assez
qu'il fut toujours attaché aux prin-
cipes religieux et monarchiques.
C'i'st un de ses meilleurs ouvrages
et il fut loué dans tous les journaux.
Le jeune poète, alors plein de feu et
d'ardeur poétique, ne mettait pas
moins de zèle à composer ses écrits
qu'à en assurer le succès. Fort lié
avec son confrère et son compatriote
Treneuil qui lui ressemblait sous
beaucoup de rapports, ils visitaient
souvent de concert les hommes puis-
sants , et surtout les journalistes
qu'ils flattaient et caressaient de leur
mieux pour en obtenir des louanges;
et, il faut le dire à la honte des let-
tres, ces moyens réussissaient plus
(jne leur talents qui cependant étaient
incontestables. Il était difficile qu'a-
vec ce caractère de vanité et de
souplesse Soumet ne se pro.^ternât
pas devant l'idole de répo(|ue, de-
vant le puissant empereur qui dis-
pensait à son gré tous les honneurs
et .toutes les richesses. Il paya donc
successivement son tribut par une
Ode à Napoléon et à Marie-Louise
à l'occasion de leur mariage, et
il en reçut une bonne somme d'ar-
gent. Il fut également bien payé de
l'ode intitulée: La Naissance durai
de Rome, qu'il publia l'année sui-
vante (1811), et que l'académie des
Jeux Floraux honora en outre d'un
prix extraordinaire. Dans le même
temps on le nomma auditeur au con-
seil d'État; enfin la plus brillante
carrière s'ouvrait devant lui quand
la chute de Napoléon vint tout à
coup renverser ses espérances. Il eu
400
SOU
fiit extrêmement affligt?, el nous l'a-
vons vu à cette époque très-inqiiiet
de son avenir. Mais il connaissait
bien peu le gouvernement qui allait
succéder à Tempire, et l'on doit con-
venir qu'il était dans une grande
erreur lorsqu'il pensait que quel-
(jucs hémistiches composés pour le
gouvernement impérial pourraient
lui nuire dans l'esprit de Louis XVill.
Il se lia alors assez inîimement avec
la baronne de Staël qui, traitée par
ce prince avec une extrême bienveil-
lance, offrait une des nombreuses
preuves que les opinions les plus
contraires à la monarchie ne lui
étaietit point désagréables. Ce fut
sans doute pour plaire à cette dame
qu'il publia une longue dissertation
sur les Scrupules littéraires de ma-
dame de Stacl, ou Réflexions sur
quelques chapitres du livre De l'Alle-
magne (1814, in-S"). Les amis de la
baronne ont dit de cet ouvrage qu'il
était plein de justesse dans les a-
perçns et très-piquant par la forme.
Voulant se réhabiliter complètement
dans le parti monarchique, Soumet
publia ensuite une Oraison funèbre
de Louis XYI, écrite en prose avec
beaucoup de chaleur et toute l'é-
loquence de la conviction. Il s'oc-
cupa en même temps de son poème
épique sur Jeatiue d'Arc, dont il fit
paraître des fragments remplis des
éloges de l'ancienne France. Cet ou-
vrage, qui n'a juiru qu'après sa mort,
est loin sans doute de la perfection
qn'il lui eût donnée, s'il (ût vécu
plus long-temps; mais, tel qu'il est,
on ne peut nier qu'il n'ait une grande
supériorité sur tout ce qui a été pu-
blié dans le même genre. La tragé-
die de Jeanne d'Arc qu'il donna en
1827 n'en est qu'une faible ébauche.
Elle eut cependant beaucoup de
vogue, et nous la croyons bien snpc-
sou
rienre à celle de d'Avrigny. Les an-
tres pièces (le théâtre qu'a publiées
Soumet ne sont pas moins remar-
quables. Nous cWerons Clytemnestre,
1822 5 Elisabeth qui eut un grand
succès et qui contribua beaucoup à
le porter sur le fauteuil académique,
où il parvint en 1824 à la place
d'Aignan. il avait été nommé par le
gouvernement de la Restauration bi-
bliothécaire de Saint-Clond, puis de
Rambouillet, et il le fut de Compiè-
gne en 1832 par Louis Philippe au-
quel il s'était rallié, comme on di-
sait alors. Il était ainsi dans une fort
belle position lorsqu'il mourut le
30 mars 1845. Son poème épique sur
Jeanne d'Arc, a été publié en 1846,
par les soins de madame d'Alien-
heim, sa fille, à qui il l'avait recom-
mandé en mourant. Le volume est
précédé d'un Éloge historique par
M. Deumier. La plupart des jour-
naux en parlèrent d'une manière fa-
vorable, surtout M. Muret qui lui
consacra plusieurs articles dans la
Quotidienne. "Cet ouvrage, a-t-il
« dit, est digne du plus profond exa-
« men par la nature du sujet, par
« l'iinportiince de l'œuvre et par le
« mérite comme par la renommée de
« l'auteur.... Un prologue précède le
« poème • c'est un double portrait
« des deux éternelles rivales, de la
« France et de l'Angleterre person-
« nifiées-, portrait étincelant de co-
« loris et d'images, et brûlant du
«plus énergique sentiment de na-
« lionalité. Certes, les vieilles haines
« sans motif sont absurdes et déplo-
. râbles; mais à force de nous prê-
• cher la confraternité de tontes les
« nations, certains docteurs abdi-
« qut raient volontiers leur propre
« patrie. L'histoire a des leçons trop
« souvent tracées en caractères de
. sang et de fou qu'il est bon de ne
sou
sou
401
<■ pis oublier. Honorons cette con-
« vicli >n (le patriolisine qui bi-ille au
« plus haut degré chez Soumet, et
« qui se traduit avec tant d'éclat. Le
« premier chant s'ouvre par une (ic-
« tion dont le merveilleux est tout à
" fait dans l'esprit de l'épopée et
«dans le caractère du sujet
Outre les ouvrages de Soumet que
nous avons cités, on a de lui : T. Ma-
dame de La Vallière, hymne à la
Vierge, qui a remporté le prix à
r Académie des Jeux-Floraux, dédiée
à madame Barbier, Paris, 1811,
in-8°. II. Les embellissements de
Paris^ pièce qui a obtenu un acces-
sit au concours de l'Institut. Ce fut
Millevoye qui obtint le prix, Paris,
1812, in-80. III. La Pauvre Fille,
élégie, 1814, in-8°. IV. La Décou-
verte de la Vaccine, poème cou-
ronné par la seconde classe de l'Ins-
titut, le 5 avril 1815. V. Les derniers
moments de Bayard^ poème égale-
ment couronné par l'Institut, dans
la même séance que le précédent.
VI. Saul, tragédie, Paris, 1822. VII.
La guerre d'Espagne, ode à S. A. R.
Monseig. le duc d'AngouIême, Paris,
1824, in-4°. VIII. Cléopdtre, tragé
(lie, 1825, \n-8\ IX. Pharamond,
opéra (en société avec MM. Ancelot
et Guiraudl, 1825, in-S." X. Ode à
Pierre- Paul Riquet^ baron de Bon-
Repos, aiittur du Canal du Langue-
doc, à ^occasion de V obélisque qui
lui est élevé par ses descendants,
Paris, 1825, in- 8°. XI. Le Siège de
Corinthe, tragédie lyrique (avec M.
Ballochi ), Paris, 1826, in-8°. XII.
Êlisabetfi de France, tragédie en
cinq actes et en vers, 1828. XIII. Une
fêle de Néron, tragédie en cinq actes
(avec M. Belmoutet), 1830, in-8o.
XIV. Norma, (ragédie en cinq actes,
1831, in-8". Soumet avait concouru
à la rédaction du Conservateur lilté-
LXXXII.
raire, 3 v()l.in-8", et à un autre re-
cueil littéraire, intitulé A.aMi/se/ran-
çaise^ aucjuel iravailiaicut aussi MM.
Deschamps et Victor Hugo. M— d j.
SOUQUE (Joseph - François) ,
auteur dramatique, né le 2 septem-
bre 1767, adopta les principes de la
révolution et s'attacha au parti de
la Gironde. Lorsque ce parti fut pro-
sent, le 31 mai 1793, il accompagna
Brissot {voy. ce nom , V, 625), qui
eu était un des chefs , et qui ten-
tait de passer en Suisse. Arrêtés tous
deux à Moulins, ils furent amenés à
Paris où Brissot périt sur l'échafaud.
Souque ne recouvra la liberté qu'a-
près le 9 thermidor. Le Directoire le
nomma secrétaire d'ambassade en
Hollande, et, sous l'empire, il devint
secrétaire-général de la préfecture
du Loiret, puis du gouvernement de
Catalogne. Le département du Loiret
l'élut deux fois député au corps lé-
gislatif; il y siégeait en 1814, adhéra
à la déchéance de Napoléon, et resta
membre de la chambre des députés.
Dans la séance du 9 août, il parla en
faveur de la liberté de la presse et
contre la censure. «Si l'on n'imprime
« pas en France, dit-il, on imprimera
• dans les pays voisins. Ley censeurs
• de Bonaparte étaient des hommes
«éclairés, honnêtes; cependant ils
« allèrent plus loin que la Sorbonne
« elle-même. Il le leur reprocha pu-
« bliquement; mais ils savaient in-
« terpréter sa pensée, et suivirent
« toujours la même marche. Vous
« craignez les brochures! Le Cabinet
« de Saint-Cloud, le pkis odieux des
« libelles, n'est- il pas en deux volu-
« mes?» Dans la séance du 22 octo-
bre, lors de la discussion du projet
de loi concernant les biens non ven-
dus des émigrés, il défendit le rap-
porteur de la commission, M. Bcduch,
contre les attaques dont il était l'ob-
26
402
SOU
jet pour avoir fait au projet minislé-
riol (ies inodilications iniportaiilos.
A l\'|)oqiit' (les Cenf-Joiirs de 18l5,
Souque fut encore envoyé par sou
département à la chambre des re-
présenlauts qui fut dissoute, ainsi
que l'ancienne chambre des députés,
après le second retour de Louis X V III
N'ayant pas été réélu, il rentra dans
la vie privée et s'occupa de travaux
littéraires, particulièrement de com-
positions dramatiques. 11 mourut à
Paris le 14 septembre 1820. On a de
lui : 1. Le Chevalier de Canolle, ou
Un Épisode de la Fronde, comédie en
cinq actes et en prose, Paris, 181fi,
in-8°. Celte pièce, représentée le 27
mai 1816 sur le théâtre de l'Odéon,
et sous le pseudonyme de i(/. de Saint-
Georges, obtint un immense succès.
Les agitations et les intrigues de la
Fronde y sont caractérisées avec au-
tant de finesse que d'exactitude.
II. Orgueil et vanité, comédie en
cinq actes et en prose, représentée
sur le Théâtre-Français le V avril
1819, Paris, 1819, in-8". Il y a de
l'intérêt dans cette pièce, le style en
est vif et spirituel , mais elle eut
moins de succès que la précédente.
Souque a composé uuf* autre comé-
die intitulée François II, qui n'a été
ni représentée ni imprimée. P— rt.
SOL'RDAT ( F.-NicoLAS ) , zélé
royaliste, né à Troyes, en juillet 1745,
suivit d'abord le barreau au parle-
ment de Paris, alla ensuite exercer
cette profession dans sa ville natale,
et y fut successivement contrôleur
de la monnaie, avocat du roi au
bailliage, et enfin lieutenant de po-
lice. 11 occuiiait cette dernière place
à l'époque de la révolution dont il
se montra dès le commencement
l'adveisairc. Venu à Paris en 1792,
le décret du 11 décembre, qui invi
tait ceux qui voudraient défendre
SOU
Louis XVI à se présenter, lui four-
nit une occasion de témoigner son
altachciiient à ce prince. Il écrivit
en conséquence à la Convention na-
tionale, qui ordonna que sa lettre
serait remise à Louis XVi , avec
toutes celles du même Gjenre. Sour-
dat, n'ayant point été choisi par le
roi, ne continua pas moins à s'occu-
per de sa défense, et publia, à la de-
mande de Malesherbes , deux mé-
moires sur cet objet : le premier, in-
titulé Vues générales sur le procès
de Louis XVI , fut envoyé le 24 dé-
cembre k la Convention ; et le deu-
xième, ayant pour objet la défense
particulière de ce prince au sujet de
la journée du 10 août, fut remis
aussi à l'assemblée , le 12 janvier
1793. Sourdat avait publié, eu 1790,
un pampblet qui fut inséré dans les
Actes des Apôtres, intitulé : Les
Champenois au roi, contenant le
parallèle des événements de 1557 et
de 1789. .On a encore de lui un autre
ouvrage, intitulé : Les véritables au-
teurs de la révolution de 1789,
NeufLhâtel, 1797, \n-H°. On trouve
dans tous ces écrits des renseigne-
ments très- curieux et fort utiles
pour l'histoire. Il fut mis sur la liste
des émigrés en 1793 et rayé en
avril 1800, Sa femme et ses deux fil-
les furent incarcérées pendant onze
mois, comme suspectes, en 1794.
Nicolas de Sourdat mourut vers
1810. — Son frère (Charles) fut,
comme lui, un zélé royaliste, et ser-
vit longtemps dans les armées ven-
déennes où il était connu sous le
nom de Carlos. Venu à Paris en
1796, il y fut attaché aux agences
royales. Ayant été chargé de porter
des dépèches, il lut arrêté à Calais
et comparut dans l'affaire deLaville-
heurnoy. Traduit au conseil de
guerre avtc ce dernier, il se défen-
sou
sou
403
(lit avec beaucoup de pr(^«ence cVes-
prit et fut acquitté. Il se rendit alors
en Angleterre, puis reiomua dans
la Vendée où il servit encore sous
les ordres de Bourmont. Lorsque ce
général prit du service sous le gou-
vernement impérial , Charles de
Sourdat continua de lui rester atta-
ché , et le suivit en Italie. Doué
d'une grande valeur, il se distingua
dans plusieurs occasions et parvint
au grade de lieutenant-colonel avec
le titre d'officier de la Légion-
d'Honneur. On doit penser avec
quelle joie il vit le retour des Bour-
bons. Il était employé à l'état-major
de la place de Paris en 1817, et il
faisait partie du cortège du roi lors-
qu'il tomba de cheval et se cassa la
jambe. Quinze jours après cet acci-
dent, il fut mis à la retraite, et au
milieu du triomphe de cette monar-
chie des Bourbons, que lui et les
siens avaient si bien servie, il mou-
rut dans l'oubli et peut-être dans le
besoin, oblitus cunclGrum^ oblivis-
cendus et illis. M— Dj.
SOUIiDÉAC ( Alexandue de
RiEUX, marquis de), fils de Guy de
Rieux, premier écuyer de Marie de
Médicis , fut , avec l'abbé Perrin
{voy. ce nom, XXXIII, 424), l'un des
fondateurs de l'opéra en France. Son
père, ayant suivi à Bruxelles la reine-
mère exilée, vit tous ses biens sai-
sis; mais le cardinal de Richelieu
les fit ensuite rendre au marquis.
Nous trouvons dans les mémoires de
Tallemant des Réuux, qui sont une
mine ini'puisable pour l'histoire
anecdoiique du temps, quelques do-
cuments curieux sur le caractère
et les occupalions du marquis de
Soiirdéac : « 11 demeure au château
" de Neufbourg en Normandie (pro-
« venant de la succession de sa mère).
<• C'est un original ; il se fait courir
« par ses paysans, comme on court
« un cerf, et dit que c'est pour faire
« exercice. Il a de l'inclinaison aux
« mécaniques ; il travaille de la main
«admirablement; il n'y a pas un
« meilleur serrurier au monde. Il lui
« a pris une fantaisie de faire jouer
« chez lui une comédie en musique,
« et pour cela il a fait faire une salle
«qui lui coûte au moins dix mille
« écus. Tout ce qu'il a fait pour le
« théâtre, pour les sièges et les ga-
« leries, s'il n'y travaillait lui-même
" lui reviendrait, dit-on, à plus de
« deux fois autant. Il avait fait faire
« pour cela une pièce par Corneille,
« elle s'appelle les Amours de Médée;
• mais ils n'ont pu convenir de prix.
« C'est un homme riche et qui n'a
« pas d'enfants (1). » Tallemant écri-
vait ceci en 1G58 ou 1659; mais le
marquis ma-hiniste et le poète se
rapprochèrent depuis lors , et la
Toison d'Or de Corneille, représen-
tée avec beaucoup de pompe au châ-
teau de Neufliourg par la troupe du
Marais, en 1660, fut ensuite jouée à
Paris, en présence du roi et de toute
la cour. Le savant éditeur de Talle-
mant des Réaux observe avec raison
que celte tragédie à machines , à
scènes entremêlées de chants, n'était
pas encore l'opéra, mais un genre
intermédiaire. S'il faut s'en rappor-
ter à ce que dit Voltaire (2), le mar-
quis de Sourdéac se ruina entière-
ment pour l'établissement de l'opéra,
et mourut pauvre et malheureux
pour avoir trop aimé les arts. Talle-
mant des Réaux était dans l'erreur
lorsqu'il dit que le marquis de Sonr-
(i) Historiettes de Tallemant des Réaux,
deuxième édilion, Paris, 184.0, in-ia, tome
IX, pHges igS et 194.
(2) Commentaires sur Corneille, Pré/ace de
la Toison d'Or t m. IJ, p. 220, de l'éditiou
de Kel.l,
26.
404
SOU
ileac n'avait pas dVnfaiits. De son
mariage avec Hélène f!c Clère, il eut
deux fils et deux filles qui furent
chanoinesses de Reruiremonf. Le
marquis de Sourdeac mourut le 7
mai 1695. L— m-x.
SOrilDEVAL (Andp.é de), d'une
famille de Normandie, naquit au cliâ-
teau deSourdeval, prèsMortiiiu, dans
les premières années du XVl'^ siècle;
il fit la plupart des guerres du règne
de François 1^'', et s'y acquit une ré-
putation de bravoure et de talent
telle que l'empereur Charles-Quint
lui fit faire des oiïres brillantes pour
l'attacher à son service, mais ces of-
fres furent repoussées avec iudigm-
tion. Après la mort de François l^"" ,
il devint gouverneur de Belle-Isle-
«■n-Mer. Sa correspondance avec le
duc d'Estampes, gouverneur de Bre-
tagne, a été conservée en partie aux
archives de Penthièvre, et publiée par
dom Morice, en ses Preuves de l'His-
toire de Bretagne. Elle témoigne des
tribulations i\u gouverneur et des
ressources qu'il lui fallait trouver
dans son esprit, à défaut de mo\ens
maiérifls-, sans cesse assailli par les
Anglais qui se présentaient quelque-
fois avec [des forces imposantes, il
les contraignit toujours de se rem-
barquer et leur brûla nombre de
vaisseaux ] cependant la garnison
sous ses ordres était insullisanle,
mal entretenue et mal payée; il sem-
blait même que l'on spéculât sur sa
bravoure et son intelligence pour
suppléer k la solde: • J'ai baillé
comptant 1732 livres tournois, écri-
vait au duc d'Estampes le trésorier
]V!allef ; j'ai tant de fimce en M. de
Sourdevdl,qu'il engagera ses barque-
busiers à se contenter <le cette som-
me, et qu'il les aiiaisera. » Pemlatit
. qu'AndrédeSourdeval était ainsi aux
prises avec des diflicultés de loute
SOU
sorte, avec les Anglais qui l'alfa-
quaient sans relâche, avec ses soldats
qui se révoltaient faute de paie, et
avec les bourgeois de Belle-lsie qui
refusaient d'héberger et nourrir 1rs
soldats sans argent, on répondait de la
cour à toutes ses plaintes, en lui re-
connnandani de faire ramasser sur
le rivage des corneilles à bec rouge,
et de les envoyer à Paris, pour « l'a-
musement de madame la royne-mère.»
AndrédeSourdeval reçut lecollierde
l'ordre de Saint-Michel; il fut dé-
puté de la noblesse de Normandie
aux États de Blois, en 1576, et il
mourut peu d'années après dans son
gouvernement de Belle-Isle. Le scel
apposé à ses lettres, conservées aux
archives de Penthièvre, a servi de
base pour établir, au musée histori-
que de Versailles, l'écussondeRobert
de Sourdeval, croisé en 1096. Z.
SOURE (D. Juan da Costa, comte
de) , général portugais, né en 1610,
dans le Portugal, à l'époque où les
Espagnols y (lominaient , emijrassa
la profession des armes et s'y fit re-
marquer par son habileté et son cou-
rage. Lorsque l'on conspira, pour
soustraire ce pays à la domination
castillane et replacer les rois légi-
times sur le trône, l'un des princi-
paux conjurés, Dom Antoine d'Al-
mada, lui fit part du complot qui se
tramait , et l'engagea à y entrer.
Costa repoussa d'abord cette propo-
sition. «Votre entreprise, dit-il, est
« la plus dangereuse qu'on puisse
« tenter. Vous n'avez pour la soute-
. nir ni armée de mer, ni armée de
• terre. Au moindre mouvement que
« vous ferez , vous serez écrasés de
« troupes castillanes; le peuple, sur
• (|ui vous comptez, vous abaudon-
" nera lâchement. Le duc de Bragan-
«ce lui même trouvera le moyen de se
. réconcilier avec la cour de Castille;
sou
sou
iOi
« et notis, nous demniircrons les vic-
«tiines qu'elle sacrifiera à sa ven-
« geance sous prétexe d'assurer le
« repos (le i'Élat. Je regarde doue
• votre entreprise comme un preci-
" pice que vous creusez, et dans le-
« quel vous allez vous j)crdre infail-
« liblement. » A ces mots, d'Almada,
transporté de fureur, traita Costa de
lâche, d'indigne Portugais. «Ta fausse
• probité, lui dit-il, m'a séiluil; uiais
«si elle m'a arrache mou secret, il
• faut que ma main t'arrache la vie.-»
Dom Juan, effrayé de ces menaces,
promit de faire partie de la coujura-
tion, et jura qu'il lui garderait un
inviolable secret. D'Almada s'apaisa.
Toutefois il lui resta des craintes
qu'il uanifesta aux conjures, et qui
pensèrent faire ajourner l'explosion
du complot. Ces craintes étaieut chi-
mériques-, on ne larda pas à le re-
connaître ; car Juan da Costa , fidèle
à la voix de la patrie , fut un de
ceux qui uioutrèrent le plus d'ar-
deur. Quand les coujurés se rendi -
rcnt chez la vice-reine du Portugal
pour lui annoncer la révolution qui
éclatait , il se joignit à eux, et ccm-
tiibua de tout son pouvoir au succès
de cette révolution. Aussitôt qu'il fut
monté sur le trône de ses ancêtres
(I()iO), le duc de Bragance (Jean IV)
se hâta de récompenser les auteurs
de sa fortune. Costa de Soure fut
créé mestre-de-camp. Le roi d'Espa-
gne (Philippe IV), ayant appris le
soulèvement du Portugal, essaya de
le réprimer ; mais il était trop tard ;
il n'avait rien su prévoir. Les Castil-
lans commencèrent les hostilités lors-
que déjà le légitime roi du Portugal
avait préparé tous les moyens de dé-
fense. Les Espagnols, après avoir été
forcés de lever honteusement le siège
d'Olivença,veuaient de commettre de
moHSti'ueuses cruaMtés sur les habi-
tants de Sainte-Eulalie. Le lendemain,
Juan da Costa, réuni à Alvarès Bar-
buda , alla les attendre en embus-
cade. L'enneuii , lier de sa honteuse
victoire, chantait et dansait aux sons
des flûtes et des guitares. Costa le
chargea, le tailla eu [lièces et le mil
en fuite. Ce succès cull.jmma le cou-
rage des Portugais. Quelques jours
après les Espagnols, en nombre su-
périeur,voulant se venger de l'affront
qu'ils avaient reçu, leur tendirent
un piège aux environs d'Elvas ; mais
le prudent Costa sut éviter ce piège
et s'empara des hauteurs environ-
nantes, d'où il força l'ennemi à se
jeter, pour sa sûreté, dans la place
de Badujoz. Devenu général d'artil-
lerii*, il montra, au siège du château
d'Alconchel, une rare hab leté. Du-
rant plusieurs jours de suite, il (it
tirer contre ce château, non qu'il se
flattât d'y faire brèche, mais parce
qu'il espérait effrayer les femmes
et les enfants. Son espoir ne fui pas
trompé. Par le moyen d'iuie mine, il
fit sauter une tour qui incommodait
fort les Portugais, et qui détermina
les défenseurs du châteauà capituler.
En 1650 il commandait dans la pro-
vince d'Alentéjo. A cette époque de
la guerre que les Portugais soute-
naient glorieusement contre les Es-
pagnols, il n'y avait aucun général
qui ne cherchât journellement à si-
gnaler son dévouement à la cause de
la patrie et du roi. Costa, voulant
témoigner le sien par quelque action
d'éclat, se mit en campagne à la tète
de deux mille hommes d'infanterie
et de deux cents chevaux. S'étant
avancé vers deux collines nommées
les Deux-Soleils, lesquelles étaient
également éloignées d'Albuquerque
et de Badajoz, il fit piller et incen-
dier les bourgs d'Arrojo et de Mal-
partida. Comme il s'y attendait, ses
406
SOU
troupes fiircnl poursuivies. Toutd'un
coup il sortit d'une embuscade, fon-
dit sur les Espagnols et les mit en
déroute. Il les poursuivit ensuite
jusque sous le canon d'Albuquerque
et ne s'en retourna qu'après avoir
coinmisquelques dégâts aux environs
de cette ville. Il n'avait pu attirer
l'ennemi au combat. Cependant ,
après tant d'honorables succès, Costa
parut voir, l'iinnée suivante, avec
une inexplicable indifférence, les ra-
vages de la province même où il
commandait. Cette conduite honteuse
ternit sa réputation ; mais il sut bien-
tôt la reconquérir. Sorti de sa lé-
thargie, il rassembla à la hfile mille
cavaliers et trois cents fantassins,
qu'il envoya, sous la conduite de l'un
de ses meilleurs lieutenants, contre
Salvîilerra. La place fut emportée
d'assaut, toute la garnison faite pri-
sonnière et le château démoli. Les
troupes de Costa revinrent à Oli-
vença chargées de butin. Ce fut en
1652 que Jean da Costa fut honoré
parle roi du titre decomtede Suure.
Il sut justilier cclt-' récompense par
un nouveau service rendu à son
prince ; il dirigea jusque sous le ca-
non de Badajoz une troupe de 1,500
chevaux à laquelle il ordonna d'at-
taquer l'ennemi. Après quelques ins-
tants de combat les Portugais recu-
lèrent; mais d'autres troupes arri-
vèrent bientôt qui rétablirent le
combat. L'ennemi fut complètement
battu. Le général donna des éloges
à ceux de ses soldats qui avaient
fait leur devoir, et punit avec sévé-
rité ceux qui s'étaient lâchement
conduits. Il ne cessa plus de donner
des preuves de vigilance, de courage
et d'habileté, et souvent encore il se
distingua dans d'importantes affai-
res. Cependant la guerre contre l'Es-
pagne avançait peu. Le roi de Por-
sou
tugal, souhaitant de voir enfin la
paix s'établir, défendit à ses troupes
d'insulter davantage le territoire es-
pagnol^ dans l'espoir que l'ennemi
imiterait cette modération. Il résulta
de cette mesure des inconvénients
que Jean IV s'obstinait à ne point
voir. L'armée se débatida, les liens
de la discipline se relâchèrent ; les
soldats, ne trouvant plus où piller
chez l'ennemi, pillèrent dans leur
propre patrie. Ils massacraient les
paysans et furent massacrés à leur
tour. Le comte de Soure vit avec
effroi cet état de choses ; il en lit au
roi un tableau plein de franchise et
de vivacité, et il eut la gloire de le
déterminer à révoquer ses funestes
ordres. Ainsi Costa savait servir sa
patrie par ses conseils comme par sa
valeur. Il fut incontestablement l'un
des généraux les plus célèbres et
les plus utiles du roi Jean IV. Il lui
arriva une fois d'oublier les devoirs
de général •, mais il répara sa faute
en homme de cœur et de Icte. En
1659 il fut envoyé en ambassade à la
cour de France. Comme la guerre
continuait entre le Portugal et l'Es-
pagne, et que le premier de ces
États, malgré d'assez brillants suc-
cès, se trouvait épuisé d'hommes et
d'argent, Costa était chargé de de-
mander au cabinet français un se-
cours de quatre mille soldats et de
mille chevaux, et de lui rappeler la
promesse qu'il avait si souvent faite
de se liguer avec le Portugal contre
l'Espagne. Parti de Lisbonne le 13
avril, il arriva le 4 juin suivant à
Paris. C'était le temps où le cardinal
Mazarin suivait avec l'Espagne une
négociation relative au .mariage de
son maître (Louis XIV) avec l'in-
fante doua Marie-Thérèse, fille de
Philippe IV^ Costa se présentait
dans une circonstance peu favorable.
sou
sou
407
II eut néanmoins avec le cardinal
une enlroviie dans laquelle il lui re-
pre'senta qu'il était de l'intérêt de la
France que le Portugal ne fiit pas
uni à riîspagne, appuyant cette as-
sertion de tous les raisonnements
propres à ébranler le ministre. Ce-
lui-ci, après l'avoir écouté attenti-
vement, lui répondit qu'il était de
la dernière importance pour la Fran-
ce de traiter avec l'Espagne; qu'elle
avait besoin de la paix pour le réta-
blissement de son commerce, qu'en
tout temps elle s'était intéressée au
Portugal, et qu'elle lui en donnerait
la preuve en tâchant de lui envoyer
le secours demandé, mais de ma-
nière à ne se point compromettre.
L'ambassadeur, augurant mal de
cette réponse, publia, peu de jours
après, un manifeste où il s'efforçait
de démontrer que la France ne devait
point traiter avec l'Espagne sans le
Portugal. Ce manifeste, écrit avec
véhémence, circula dans le public et
obtint des applaudissements. Mazarin
en lit exprimer son mécontentement
au comte de Soure et le menaça de
se plaindre à la cour de Portugal.
L'ambassadeur répondît énergique-
ment qu'en soutenant les droits fin
roi, son maître, il n'avait pas cru
compromettre le repos public. Le
cardinal, peu satisfait de cette ré-
ponse, adressa d'inuUles plaintes à
lu reine de Portugal (Louise de Guz-
man, régeiite pendant la minorité
d'Alphonse VI). Celte princesse ap-
prouva la conduite de son ambas-
sadeur. Cependant le comte de Soure
suivit AJazarin à Saint-Jean-de-Luz
où on allait traiter de la paix avec
l'Espagne, pour tâcher d'y laiie
comprendre le Portugal. Dans une
nouvelle entrevue qu'il eut avec le
cardinal , il put aisément se con-
vaincre que tous ses efforts seraient
vains pour obtenir l'important objet
de sa demande. Il fut transporté
d'indignation quand il eut connais-
sance des conditions ignominieuses
auxquelles sa patrie jouirait de la
paix dont elle avait tant besoin.
Elles portaient que le Portugal se-
rait remis dans la situation où il se
trouvait en 1640, (jue la maison de
Bragance serait maintenue dans
tous ses honneurs, et que la France
interposerait ses bons oflices pour
procurer aux ducs de cette maison
la vice-royauté perpétuelle du Por-
tugal. Le comte de Soure alla trou-
ver le ministre et lui assura que son
maître n'accepterait jamais de pa-
reilles conditions. Mazarin lui fit
observer qu'on serait peut-être
moins difficile à Lisbonne qu'il ne
l'était à Saint-Jean de-Luz, attendu
que le Portugal n'avait de secours à
espérer d'aucun côté. Telle fut la
triste issue de l'ambassade du comte
de Soure. Que pouvait-il attendre
d'un ministre qui, ii l'exemple de
tant d'hommes d'État, sacrifiait tout
aux intérêts de son ambition? Ce-
pendant le cabinet de Versailles per-
mit que six cents officiers accompa-
gnassent en Portugal le comte de
Scliomberg {votj. ce nom, LXXXI,
3G9) pour y prendre du service. Le
comte de Soure revint à Paris pour
régler cette affaire; puis il retourna
dans sa patrie après avoir reçu des
présents du roi et même du cardinal
comme un témoignage de leur es-
time pour sa personne. A son retour
il Lisbonne, il fut nommé l'un des
gentilshommes de la chambre de
l'infant, frère du roi (don Pedro qui
régna par la suite sous le nom de
Pierre II ). Il exerça cette charge
pendant deux ans, et mourut à Lis-
bonne en lG()î,âgé de 57 ans. Peu
de temps avant sa mort, il avait
4u8
SOU
siil)i lin oxil à Loulé, victime des in-
trigues (le quelques lâches courti-
sans qui avaient trompé la reine-
régente sur son compte. Don Juan
di Costa, comte de Soure, laissa en
mourant la réputation d'un homme
plein d'amour pour son prince et sa
pairie, de fidélité dans ses amitiés,
de probité, de désintéressement et
de religion. 11 joignait à ces qualités
précieuses une rare vivacité d'esprit,
des manières nobles et une élocution
facile On a vu quel courage et quelle
intelligence il déployait dans les
combats. Ce qui achève de l'honorer
aux yeux de la postérité, c'est qu'à
l'époque de son ambassade en France
il inspira une haute opinion de son
mérite à des personnages illustres,
parmi lesquels était le grand Tu-
renne. F— A.
SOURIGUIÈHES de Saint-Marc
(J.-M.), auteur dramatique, né vers
1767, dans les environs de Bordeaux,
vint fort jeune à Paris, où il fré-
quenta fort assidûment les specta-
cles. Le 29 septembre 1791 il lit re-
présenter une tragédie sur le théâtre
du Marais, où jouaient alors dans des
rôles subalternes deux hommes de-
venus plus tard célèbres (le duc De-
cazes et le maréchal Gouvion-Saint-
Cyr). Cette tragédie, en cinq actes et
en vers, était intitulée : Artémidore,
on le Roi fi7o?/cîi (1); mais elle eut
peu de succès, quoiqu'elle fût écrite
dans les idées du jour. Souriguicres
était d'ailleurs bien loin d'approuver
les excès et les crimes de la révolu-
tion. Après la chute de Robespierre,
il composa, sous le titre de Réveil
(i) Elle iivait d'abord été annoncée sous
le tili c iï/irlémiiiore, on la Révolution de Sj--
racuse ; mais elle fut représentée sous celui
que nous indiquons ici Celle pièce n'a pas
élc iniprixnce; l.i jnemiiie S'ène reniement
a été in^érce dnni le recueil de la Société
Qatioaale des neuf sœurs (1792.)
SOU
du peuple, des strophes que Gaveaux
{voy. ce nom, LXV, 184) mit en mu-
sique, et qui retentirent sur tous les
points de la France. On les chantait
dans les rues, sur les théâtres, et à
ces paroles :
Mânes plaintifs de l'innocmce,
Apaisez-Tous diius vos tombeaux,
les spectateurs s'agenouillaient en
versant des larmes au souvenir de
tant de victimes immolées sons la
hache de la terreur ; et ce fut souvent
par opposition aux vers saiiguinain s
de la Marseillaise que le parti de la
réaction se livra aux mêmes excès,
en prononçant ces deux autres vers :
Et que le cri de la vengeance
Fasse eufla pâlir vos bourreaux.
C'est à cette production bien plus
qu'à ses autres ouvrages que Souri-
guières a dû sa réputation. En 1796
il donna, au théâtre Feydeau, Myr-
rha, tragédie en 3 actes, en vers, et
Céliane, comédie en 1 acte, en prose,
mêlée d'ariettes; mais ces deux piè-
ces réussirent peu. Il fut plus heu-
reux au théâtre Louvois, où une
comédie en 1 acte, en vers, imitée
de l'allemand, qu'il y fit représenter
en 1797, obtint un succès mérité;
elhe est intitulée : Cécile, on la Re-
connaissance, et a e'té imprimée ,
Paris, an V (1797), in-8°. Dans le
même temps il coopérait, avec Beau-
lieu {voy. ce nom, LVll, 397), à la
rédaction du Miroir, journal d'op-
position royaliste, qui fut supprimé
le 18 fructidor, et dont les rédacteurs
furent condamnés à la déportation,
mais parvinrent à s'y soustraire.
Après le 18 brumaire, Souriguicres
put reparaître sans danger et continua
de travailler pour la scène avec des
chances diverses. Il donna au théâtre
Feydeau : Avis au public, ou le Phy-
sionomiste en défaut, opéra comique
an 2 actes (composé avec Dc-saugiers),
sou
Paris, 1807, iti-.S"; VEnfant prodi-
gue, en 3 actes el en vers (avec Ri-
boutté), Paris, 1811, in-8°. Ces deux
pièces furent bien accueillies. Il n'en
fut pas de même de ses tragédies
CCOctavie et de Yitdlie, représentées
au Théâtre-Français en 1806 et en
1809, et qui tombèrent l'une et l'au-
tre. Octavie pourtant est assez bien
écrite, et Saint-Prix y jouait admi-
rableuient le rôle de Sénèque ; elle a
élc impriuiée, Paris, 180G, in-S"; Fi-
teliie est restée inédite. Outre des
Chansons patriotiques, insérées dans
plusieurs recueils, on a encore de
Souriguières le Second Réveil du
peuple^ qu'il composa en 1814, après
la chute de l'empire (in-S** de 8 pa-
ges), mais qui n'eut pas le succès du
premier; les circonstances étaient
toutes différentes. Depuis lors il ne
publia plus rien. Les fréquents échecs
littéraires qu'il essuya donnèrent
lieu à ce jeu de mots épigrammati-
que :
ïu suuris à tes vers, mon pauvre Souii-
[ guièies,
Mais qiiuud tu leur souris on ne leur sourit
guères.
Chénier décocha aussi contre lui
quelques traits de satire, et proba-
blement la dissidence d'opinions po-
litiques ne fut pas étrangère à ces
attaques. Souriguières, lié avec les
premiers acteurs du Théâtre-Fran-
çais, qu'il fréquentait assidûment,
avait acquis une grande expérience
dans l'art de la déclamation, et il
donnait de bons conseils aux élèves.
D'heureuses opérations linancières,
entreprises avec son ami Riboutté
( voy.ce nom, LXXIX, 45), lui avaient
procuré une certaine aisance; mais
il était presque oublié comme homme
de lettres, et lui-nicme ne s'occupait
plus de littérature, lorsqu'il mourut
à Paris en mars 1837, M— u j..
SOU
409
SOUTHEY (Robert), poète lau-
réat, historien et littérateur anglais,
naquit le 12 août 1774 ii Rrislol, où
son père faisait le commerce des
toiles. Sa tante maternelle, miss Ty-
1er, prit un soin particulier de son
éducation, et lui lit lire de bonne
heure les auteurs classiques. Ces
lectures lui inspirèrent un goût très-
vif pour les belles-lettres et surtout
pour la poésie. H composa dès Tà^c
de 14 ans d'assez bons vers anglais,
mais il réussit mal dans la poésie
laliiie. Après avoir commencé ses
études sous un savant ministre ana-
baptiste (M. Foote) et passé deux
ans à l'école de Carston, il entra en
1787 à celle de Westminster ; mais
d'un caractère insoumis et turbu-
lent, il prit part, en 1792, à l'insu-
bordination des élèves contre le doc-
teur Vincent, leur maître, et fut cen-
suré par les directeurs de l'école.
Cependant sa famille, le destinant à
l'état ecclésiastique, l'envoya, dans
la même année, au collège de Baliol
à Oxford. Comme la fortiuie de sim
père était dérangée, son oncle, le
révérend Hill, et sa tante, miss Ty-
1er, pourvurent à son entretien. Ils
avaient l'espoir que Robert Southey
deviendrait ce qu'on appelle en an-
glais un bon scholar et l'ornement
de l'université ; mais il en fut tout
autrement. Les principes de la ré-
volution française s'étaient répan-
dus en Angleterre. De graves per-
sonnages furent séduits par celte
perspective d'égalité, de fraternité,
de liberté qu'on leur montrait. Est-il
étonnant que déjeunes tètes fussent
tournées par cette brillante clii-
mère? Southey et quelques-uns de
ses camarades perdirent le goût des
études et ne révèrent que révolu-
lion. Le jeune poète sentit le besoin
de jeter sur le pajjier les nouvelles
410
SOU
idées qui avaient embrase^ son ima-
gination et composa le poème dra-
matique de Wat-Tyler, dans lequel
il célèbre des insurges anglais du
XIV siècle, qui parlent et agissent
comme des démagogues de 1793. Le
r.iit est historique, mais la mise en
scène appartient à Fauteur. Le roi et
un archevêque y jouent des rôles
odieux, conune on doit s'y attendre.
Cette cifusion d'utie verve exaltée ne
fut point alors rendue publique ;
mais vingt ans plus tard, à une épo-
que où Southey professait des opi-
nions toutes différentes, on imprima
ce poème à l'insu de l'auteur qui en
éprouva un vif déplaisir. Du reste,
cette composition ne fut pas le seul
effet de son ardeur pour les sysièuies
révolutionnaires. H se lia étroite-
ment avec deux de ses condisciples,
Coleridge [voy. ce nom, LXI, 193)
et Lovell, qui étaient animés des
mêmes sentiments que lui ; tous
trois se jurèrent fraternité jusqu'à
la mort, et résolurent de laisser lix
le collège et les études et d'aller fon-
der une colonie sur les bords du Sus-
quehannali,dans l'Amérique septen-
trionale. D'autres camarades de-
vaient les accompagner pour vivre
sous cette heureuse république, qui
s'apiiellcrait une Pantisocratie ,
c'est-à-dire le règne de l'égalité
universelle. Cependant ces utopistes
de 18 ou 19 ans pensèrent qu'il fal-
lait aussi emmener des femmes d'An-
gleterre. Southey, ayant fdit con-
naissance avec la famille Tricker, où
il y avait trois filles à marii-r, en de-
manda une, et ses compagnons Cole-
ridge et Lovell obtinrent la main
des deux autres. Mais les parents de
Southey, ainsi que M'""' Tricker, ju--
gèrent le projet d'émigration trop
insensé pour ne pas s'opposer à son
exécution. Le docteur Hili, chapelain
SOU
de la factorerie à Lisbonne, afin de
donner d'autres idéi's à son neveu,
s'offrit de reiniiieiu'r en Portugal.
Southey céda, mais à condition «iii'il
épouserait d'abord miss Tncker.
Toutes les objections (lu'on lui lit à
ce sujet furent inutiles, et le mariage
eut lieu en 1795, le JDur même où il
s'embarqua avec son oncle à Bristol.
Il promit de revenir au bout de six
mois, et en ellèt, les six mois étant
écoulés, il se retrouva auprès de sa
femme. Dans l'intervalle, ses deux
amis étaient devenus ses beaux-
frères. Il avait publié avec Lovell un
recueil de poésies sous les noms de
Moschus et Bion. A son retour, Suu-
they fit paraître le poème de Jeanne
d'Arc. Son premier voyage lui ayant
laissé des souvenirs agréables, il en
entreprit un second avec sa femme
dans le midi de lEurope, et parcou-
rut pendant seize mois le Portugal
et l'Espagne, voyage dont il donna
ensuite la relation. Revenu en An-
gleterre, il fut nommé en 1801 se-
crétaire d'Isaac Corry, chancelier de
l'échiquier d'Irlande. Son enthou-
siasme républicain s'était enlière-
iiient refroidi, et déjà il était per-
suadé qu'on peut vivre tout aussi
tranquille sous une monarchie con-
stitutionnelle que dans une républi-
que. Les devoirs de sa place ne l'em-
pêchaient pas de se livrer à son goût
pour la poésie et la littérature; les
circonstances lui permirent bientôt
d'y consacrer tout son temps. ïsaac
Corry ayant quitté ses fonctions,
Southey quitta aussi les siennes, et
alla s'établir, en 1803, dans une
maison de campagne près de Kes-
wick, comté de Cumberland, où il se
trouva à la tête d'une colonie bien
plus agréable que celle dont il avait
voulu jeter les fondements sur les
ri «es du Susquehaunah. Lui, sa
sou
sou
411
femme et les deux sœurs de celle-ci,
l'une veuve de Lovell et l'autre ma-
riée avec Coieridge, ainsi que leurs
enfants, y vivaient cnsenibie dans
une parfaite union. Au milieu de
celte charmante famille, Soutliey
composa sans relâche*, il ne prenait,
dit -on, jamais son déjeuner sans
avoir fait une quarantaine de vers.
Le changement qui s'était opéré dans
ses idées politiques lui mérita la fa-
veur du ministère, dont il était de-
venu un des pins ardents défenseurs,
et en 1813, après la mort de Pye, il
lui nommé à la place assez inutile
de poète lauréat, que la cour d'An-
gleterre a conservée comme tant
d'autres vieilles coutumes. Ses tra-
vaux historiques sur l'Espagne et le
Portugal, sur leur littérature qu'il
contribua beaucoup par ses traduc-
tions à faire connaître dans son pays,
ne restèrent pas non plus sans ré-
compense. L'académie espagnole et
l'académie royale d'histoire de Ma-
drid l'admirent au nombre de leurs
membres. Sonthey fut un des princi-
paux collaborateurs du Quarterly
Revieiv, recueil où il défendit cha-
leureusement le système ministériel
contre les rédacteurs de VEdinburgh
Review^qm ne montraient pas moins
de véhémence à l'attaquer. Dès qu'il
se fut mis au service du gouverne-
ment, il demeura constamment en
butte aux critiques du parti de l'op-
position, qui lui reprocha non-seule-
ment son apostasie politique, mais
les sorties violentes qu'il faisait
contre ses anciens amis restés fidèles
à leurs convictions. Southey conti-
nua cette polémique avec persévé-
rance. Il mourut dans son habitation
de Keswick le 21 mars 1843. Depuis
quelques années il ne jouissait plus
de ses facultés inlellecluelles. On a
(le lui ; I, Jeanne d'Arc, poème épi-
que, 1796, in-4o; 4eédit., 1812,2 vol.
in-12.Ce poème, fruit de la jeunesse de
l'auteur, fut, dit-on, composé en six
semaines, vitesse dont le plan et le
style paraissent se ressentir. Cepen-
dant on y trouve de grandes beau-
tés, et il eut beaucoup de succès en
Angleterre, malgré les éloges que
Southey y donne à l'héroïne fran-
çaise; mais il avait eu le soin d'y
semer les idées républicaines que la
révolution française avait propagées
dans son pays, et dont lui-même était
alors imbu {voy. Jeanne d'Arc, XXI,
518). 11 a suivi dans cette épopée le
mode de versification de Milton ;
mais dans ses autres ouvrages poé-
tiques il adopta un système métrique
dilférent. II. Poèmes divers, 1797,
in-S-; 4« édit., 1809. 111. Lettres
Écrites pendant une courte résidence
en Espagne et en Portugal, 1797,
in 8°. Elles sont piquantes, instruc-
tives, et obtinrent un succès mérité.
L'auteur y a inséré des fragments de
poètes espagnols et portugais tra-
duits en vers anglais. IV. Antholo-
gie annuelle, ou Collection de poé-
sies diverses, 1799-1800, 2 vol. in-8*>.
Southey a composé la plupart des
pièces que renferme ce recueil dont
il fut l'éditeur. V. Amadis des Gau-
les, trad. de l'espagnol, 1803, i vol.
in-12. VI. OEuvns de Chatterton,
1803, 3 vol. 111-8°, publiées au piolit
de M^'« Newton, sa sœur {voy. Chat-
terton, VUl, 286) Vil. Thalaba le
destructeur, roman en vers, 1803,
2 vol. in-8° ; 2^ édit., 1809. Cet ou-
vrage, écrit dans le goût oriental,
peint assez bien les mœurs des Ara-
bes. Vlli. Contes en vers et autres
poèmes, 1804, in-S». IX. Madoc,
poème, 1805, in-l"; 2'^ édit., 1809.
L'auteur a puisé son sujet dans une
tradition populaire du pays de Galles,
suivant laquelle un pnncc de celte
412
SOU
sou
contrée, forcé de s'expatrier, aiir.iit
découvert l'Amérique au XIF siècle.
Ce poème, dont la Revue d'Edim-
bourg a l'ait une criliquo amère, n'est
cependant pas sans mérite. X. Mor-
ceaux choisis de poêles anglais mo-
dernes, avec des notices prélimi-
naires, 1807, 3 vol. in-8°. XI. Pal-
merin d'Angleterre, roman traduit
du poituj^ais, 1807, i vo!.in-8». XII.
Lettres écrites d'Angleterre, 1807,
'•i vol. in-12, publiées sous le pseu-
donyme de doni Maïuiel Velasqiiez
Espriella. XIU. Les restes de Henri
Kirkc White^ avec une notice sur sa
vie^ 1807, 2 vol. in-S" ^ G' édit., 1815;
un troisième volume a paru en 1822
{voy. White, L, 456). XIV. La
chronique du Cid Rodrigo Diaz de
Bivar, trad. de l'espagnol, 1808,
in-4». XV. Histoire du Brésil^ t. 1*^»',
1810, t. Il, 1817, t. 111, 1819, in-4o.
C'est la première histoire complète
d'un pays qui, ayant toujours clè
subjugu(5 par les Européens, n'a ja-
mais pu se distinguer par ses pro-
pres efforts. L'ouvrage de Southey
est un précis élégant de la conquête
et de la domination des Européens
dans celte belle colonie. Le séjour
de l'auteur en Portugal l'a mis à
même de profiter d'une foule de ma-
tériaux peu connus. XVI. La malé-
diction de Kehama, poème, 1811,
in-4"-, 3"= édit., 1813, 2 vol. in-12.
Le sujet de ce poème est tiré de la
mythologie des Hindous. XVII. Om-
niatia, 1812, 2 vol. in-8", recueil
d'anecdotes pour la plupart bien
choisies. XVlll. Vie deNelson, 1813,
2 vol. petit in-S". Elle est estimée et
a été réimprimée plusieurs fois. Une
traduction française, faite sur la
3c édition, a paru sous ce titre : Vie
d'Horace Nelson, commandant en
chef des flottes britanniques^ baron
du iVi7, etc., traduite de l'anglais par
M'** F*'* R*'*, Paris, 1820, in 8°
{voy. Nelson, XXXI, 55). XIX. Car-
men triumphale, 1814, in-4o, poème
sur la chute du despotisme militaire
en Europe. XX. Odes au prince ré-
gent, à l'empereur de Russie et au
roi de Prusse, 1814, in-4''. XXI. lio-
derick, le dernier des Goths^ poème,
1814, in-4°; 2e édit., 1815, 2 vol.
in-12. L'invasion de l'Espagne par
les Maures au VIII' siècle est le su-
jet de ce poème. L'auteur, pour y
jeter du merveilleux et de l'iuléiêt,
adopte les causes à peu près fabu-
leuses que les vieilles romances et
chroniques espagnoles ont i'ssignées
à cet événement {voy. Roderic,
XXXVIII, 357). 11 y a sans doute
beaucoup à reprendre dans l'ou-
vrage, mais on y trouve aussi de
grandes beautés, des caractères bien
dessinés, des pensées nobles, des
élans poétiques, qui justifient l'ac-
cueil et les éloges qu'il reçut en An-
gleterre. Ce poème a été traduit eu
français par Bruguière de Sorsuni
{voy. Bruguièbe, LIX, 352), Paris,
1820-21 , 3 vol. in-12, et par M. Amil-
let de Sagrie, Paris, 1821, in-8".
XXII. Le lai du latiréat, 1810, in-4°
et in-12. C'est un épithalame à l'oc-
casion du mariage de la princesse
Charlotte, fille du régent, depuis
Georges IV, avec le prince Léopold
de Saxe-Cobourg, aujourd'hui roi
des Belges. XXIII. L'Angleterre et
les Anglais, ou Petit Portrait d'une
grande famille, 1817, 3 vol. in-S";
trad. en français, Paris, 1817, 2 vol.
in-S". Cet ouvrage renferme une
foule d'anecdotes et de traits sati-
riques cnnlrc les mœurs et les cou-
tumes anglaises. XXIV. Wat-Tyler,
poème, 1817. Nous avons déjà parlé
de cette composition démagogique,
dont un célèbre chef de révolte est
le héros (voy. Wat-Tyleb, L, 288).
sou
sou
413
Elle ('tait resli-c im-ilito dans le por-
itffuilU' de l'iuitour; mais une copie
o'Iant tomitée entre les mains de ses
adversaires politiques, ils se hâtèrent
de la faire imprimer an moment on
Sonthey, devenn !c poète de la conr
et lont dévoue au gouvernement,
s'était constitué le champion du mi-
ni ^tère dans le Quarterly Revietv.
La publication inattendue de cette
œuvre révolutionnaire cansa une
vive sensation; il en fut question
dans les débats du parlement, et
Southey crut devoir exposer lui-
même an public, dans une Lettre à
M. Smith (1817), l'histoire exacte
de cette malheureuse production de
sa jeunesse. XXV. Histoire de la
guerre de la Péninsule^ 1823, 2 vol.
in^''; trad. en français par M. Lar-
dier, Paris, 1828, 2 vol. in-8'. Ce
récit très-louangeur des exploits de
l'année britannique, pendant les
campagnes de Portugal et d'Espa-
gne, et où les Français ne sont pas
ménagés, fut fort bien accueilli du
public anglais. Walter Scott, pour
cette partie de son Histoire de Napo-
léon, a puisé beaucoup de détails
daus l'ouvrage de Southey. On a dit,
en comparant la manière d'écrire de
ces deux auteurs, que Walter Scott
faisait des romans historiques, et
rio!)ert Southey de l'histoire roma-
ne-^que. Outre un grand noinbre
d'articles insérés dans le Quarterly
lievieiv, on a encore de lui : le Livre
de l'Église, 2 vol. in-8", et les Vin-
dicia ecclesiastica anglicana, publi-
cations par lesquelles il se concilia
la bienveillance du clergé anglican ;
une Vie de Ch. Wesley, tondati'ur
du méthodisme ; plusieurs opuscules
en vers, entre antres le Pèlerinage
à Waterloo, le Conte du Paraguay,
Tout pour l'amour et le Pèliria à
Composlellc, Ces deux derniers ont
et é réu n is et publiés en anglais à Pari.s,
chez Galignani, 1829, in-32. Le même
libraire a donné, aussi en anglais,
les OEuvres poétiques complètes de
Robert Southey\ en un volume, Pa-
ris, 18-29, in-S% avec portrait. Le re-
cueil intitulé Poésies anglaises, im-
primé en 1830, contient différentes
pièces de cet auteur traduites en
français. On voit, par celte longue
liste d'onvrages, que Southey fut,
sinon un des premiers, du moins un
des plus féconds écrivains de la
Grande-Bretagne. Historien, poète,
romancier, traducteur, il descendit
même au modeste rôle de compila-
teur, et acquit en ces genres divers
une assez haute célébrité. Sun style
en général est agréable, quelquefois
sublime, et ses connaissances sont
fort étendues. Il est vrai que l'ima-
gination, qualité si nécessaire à un
disciple des Muses, ne brille guère
dans ses poésies, dont les traits les
plus frappants sont empruntés aux
littératures étrangères dans lesquel-
les il était profondément versé; mais
il n'a pas su s'approprier ces beautés
exotiques en donnant à l'imitation
un caractère d'originalité. Ce n'est
souvent qu'une traduction littérale
qui laisse trop à découvert la source
où il a puisé et qu'un lecteur instruit
reconnaît aisément. Les critiques de
Southey, guidés surtout par l'esprit
de parti, ont relevé ses défauts avec
aigreur; mais, en dépréciant son
mérite littéraire, ils n'ont pas tou-
jours rendu justice k ses talents
réels. C'était un écrivain distingué,
un versificateur élégant, doué de
beaucoup de goût, composant avec
une grande facilité; et s'il ne se
place pas, sur le Parnasse britanni-
que, à ( ôté de Byrou, de Shelicy, de
Wiltir Scott, il occupe honor.ible-
ment le second rang. Z.
41
SOU
SOUVERAIN, né dans \o Bas-
Languedoc, fut pendant qncujue
temps ministre calviniste en Poitou ;
mais son altachemeiit à l'arniinia-
nisme le lit de'poser par ses conlrères
dans un synode. Il continua cepen-
dant de résider en France, et n'en
sortit qu'après la révocation de l'é-
dit de Nanles (1G85) pour se retirer
en Hollande. Les ministres français
réfugiés s'étant rassemblés à Rotter-
dam, afin de régler quelques points
de controverse, Souverain refusa de
se soumettre aux décisions du synode
de Dordrecht qui avait condamné la
doctrine d'Arminius, et fut en con-
séquence obligé de quitter le pays.
Il passa en Angleterre, avec cinq
autres ministres qui partageaient ses
opinions, et se lit agréger à l'église
anglicane, quoique fortement soup-
çonné de socinianisuie. Il mourut à
Londres vers la lin du XV1II'= siècle.
On a de lui un ouvrage posthume,
qui fut publié sous !e voile de l'ano-
nyme, et qu'on a quelquefois attri-
bué faussement à Aubert de Versé
{voy. Versé, XLVIII, 289). Il est in-
titulé : Le Platonisme dévoilé^ ou
Essai touchant le verbe platonicien,
Cologne, 1700, in-S", et traduit,
dit-on, en atiglois et en allemand.
Le livre est divisé eu deux parties et
devait en avoir une troisième, que
la mort empêcha l'auteur de donner.
Au reste, Souverain prétend que les
preuiieis docteurs chrétiens ont
puisé le dogme de la Trinité dans les
éciits de Platon. Ce système absurde,
(pie les sociuiens accueillirent avec
faveur, fut réfuté à la fois par des
ihéoldgiens protestants et catho-
liques, entre autres par Baltns, jé-
suite, auteur de la Défense des saints
pi)\s accusés de plalonisinc (Paris,
1711, iii-i°). Souverain laissa encore
une Dissertation sur l'évangile de
SOU
saint Jean ; mais elle n'a pas été im-
primée. Jean Vogt, dans son Cala-
logiis libr. rariorum, la meiifionne
à tort sous ce titre latin : Générales
quœdam super initium sancti Jo-
hannis evangelii reflexiones ; car
cette dissertation, d'après l'avertis-
sement de l'éditeur du Platonisme
dévoilé^ était écrite en français.
P — RT.
SOrZA (Adèle Filleul, d'abord
comtesse de Flahaijt, puis baronne
de), naquit en 1760, à Paris, d'une
famille de bourgeoisie très - hono-
rable et dont Marmontel parle avec
éloge dans ses Mémoires. Remarquée
dès sa jeunesse par sa beauté et les
charmes de son esprit, elle épousa à
l'âge de vingt-quatre ans le comte
de Flahaut, lieutenant-général des
armées du roi, dont elle eut en 1785
un fils qui fut aide-de-camp de Na-
poléon, puis de Louis-Philippe. II
paraît que cette union ne fut point
heureuse. M"'« de Flahaut voyageait
en Allemagne ei en Angleterre, lors-
que son premier époux mourut sur
l'échafaud révolutionnaire en 1793.
Elle ne revint en France qu'après
la chute de Robespierre, et elle y
vécut long-temps dans une grande
intimité avec M""'^ Tallien, Beauhar-
nais (depuis impératrice) et autres
dames qui, à cette époque, tenaient
le premier rang dans les salons de la
capitale. Bientôt distinguée par le cé-
lèbre Talleyrand, ce fut dans sa so-
ciété (iii'elle connut lé di|)loniate
portugais Souza, qu'elle épousa en
1802 {voy. Souza Botelho, XLIII,
220). Comme les suites de la révolu-
tion et la perte de son premier mari
l'avaient laissée sans fortune , elle
composa des romans dont la publi-
cation lui valut quelques bénéfices.
C'était alors le siul genre de lecture
auquel se livrât le public, et l'on se
sou
rappelle la foule de ces lugubres
productions anglaises qui affluèrent
à Paris. Les romans de M""^ de Souza
ne sont pas de ce genre sans doute.
ils dirent au contraire une peinture
vraie, quoique un peu embellie, des
uiœurs et des usages de la haute
société française du XVIII*' siècle. Il
n'est guère possible qu'on les appré-
cie, ni même qu'on les comprenne
aujourd'hui, au milieu de tant d'ob-
scénités et de livres de mauvais goût,
dont les feuilletons de journaux se
disputent la publication et qui, avec
la politique, fixent exclusivement
l'attention de toutes les classes de
lecteurs. M""= de Souza, dont le ca-
ractère était si plein de bonté et de
douceur, s'est peinte elle-même sou-
vent dans ses éciits, et nn l'y recon-
naît toujours avec iin extrême plai-
sir. La plupart des journaux et des
écrivains de ce temps-là, entre autres
Chéiiier et Legouvé, en parlèrent
avec de grands éloges; et il faut re-
marquer que ce n'était pas encore le
temps des réclames à tant la ligne.
Le second mariage de M"-" de Souza
lui très- heureux. Les goûts et les
hiibitudes littéraires des deux époux
étaient dans une parf.ule liarmunie.
Elle devint veuve une seconde fois
en IS'iJ, et dès lors elle v('cut dans
une retraite absolue jusqu'à sa
mort , arrivée en 183G. Dans une
notice public'e à Cf^tte époque par
M. Casimir Bonjour se trouvent quel-
ques détails (jui font asstz coaipren-
(Ire ce que furent les derniers temps
lie sa vie : « La ReslauraticiU, y est-il
« dit, fut marquée pour M'^" de Souza
« par un tiisie événement: son fils,
« aidc-iie camp de l'empereur, fut
« exile et long-temps séparé d'elle!
« Depuis cette époque, elle se voua à
« la retraite, et vécut uniquement
« pour sa famille et pour un petit
SOU
415
« nombre d'amis distingués qu'elle
« charmait par ses spirituelles cau-
« séries. .. Ce fut alors que je la con-
«nus..." ajoute M. Bonjour. Les
ouvrages publiés de M'""* de Souza
sont : I. Adèle de Sénange^ ou Lettres
de lord Sydenham, avec une préface
par le marquis de Montesquiou, Lon-
dres, 1794, in-8°, l'" édition ; Ham-
bourg, 1790,2 vol. iii-SO; Paris, 1798,
1805,ia08,2 vol.in-12; ibid., 1827,
2 vol. in-i8. «Cet ouvrage, dit Le-
«gouvé, commença et lit la réputa-
« tion de son auteur. H parut dans
« un temps où l'on était inondé des
« sombres productions des roman-
« ciers anglais qui croient plaire
« avec des spectres et des horreurs,
« et cumme il n'a rien d'un si lu-
" gubre appareil , comme tous les
u ressorts en sont simples, il reposa
" agréablement de ces compositions
<« tristes et convulsives. Il ne dut
• pas le grand succès qu'il obtint à
« ce seul contraste, il le dut surtout
« à l'intérêt de l'action, à l'ingénuité
«des caractères, à la légèielé du
« style, à l'art des développi-ments et
« aux seiJliments délicats dont il est
« orné. • H. Emilie et Alphonse, ou
le Danger de se livnr à ses premières
impressions, Paris, 1799, 1803, 1823,
3 vol. in 12. 111. Charles et Marie,
Paris, 1802, 1 vol.in-12; il y en a une
traduction espagnole, Paris, 1831,
in-18. IV. Eugène de Rothelin, Paris,
1808 et 1811, 2 vol. in-12. V. Eugé-
nie et Malhilde, ou Mémoires de la
famille du comte de Hevel, Paris,
1811, 3 vol. in-12. M'"'^ deBleseiiski
a publié, sous le titre de Ladislas,
une suite à ce roman. VI. Mademoi-
selle de Tournon, Paris, lh20, 2 vol.
in 12. Charles Cotolendi avait pu-
bl.é, eu 1078, une nouvelle histori-
que sous le litre de Mademoiselle de
Tournon, qui a au moins donné à
41G
sot
HI'"<- (le Souza l'idée de son roman.
[m comtesse de Fargy, Taris, 1822,
4 vol. in- 12. Vlil. La ducheitse de
Guise, ou intérieur d'une famille il-
lustre dans le temps de la Ligue,
drame en 3 actes, Paris, 1831, in-S".
Les OEuvres complètes de celte dame,
revues, corrigées et augmen'ces,
ont été publiées par l'auteur eu
6 vol. iu-S" ou 12 vol. in-12, Paris,
1821-22. M— Dj.
SOWERBY (James), artiste et
naturaliste anglais, fut d'abord maî-
tre de dessin, et, s'élant appliqué
particulièrement à dessiner des
plantes, il se lit connaifre des prin-
cipaux botanistes anglais , surtout
du docteur Smith, président de laSc-
ciété Linnéenue, qui l'euipluya à eiii-
bellir ses ouvrages et le lit admettre
dans celte Société. Ainsi encouragé,
Sowerby acquit une conuaissauLe
étendue de l'histoire naturelle, et
il réunit une superbe collecliou
qu'il communiquait avec beaucoup
de libéralité aux personnes qui dé-
siraient l'étudier. Dans cette collec-
tion se trouvaient divers météoro-
litlies tombés de l'atmosphère en
différentes parties du globe. Il avait
fait faire avec l'un de ces aérolilhes,
tombé à environ 200 milles du cap
de Bonne-Espérance, un sabre très-
élégamment monté, dont la lame
avait deux pieds de long sur deux
pouces de laigf, el qu'il ollrit à l'em-
pereur Alexandre, lorsque ce prince
se rendit à Londres en 18i5; le czar
lui envoya une bague d'une ri-
che émeraude, entourée de diamants.
Sowerby a publié : I. Livre de des-
sin pour la botanique, ou Jnlrodtic-
iiun facile à l'art de dessiner les
fleurs d'après nature, 1789, in-4";
li-^^ éd., 17 91. 11. Les délices du fleu-
riste, contenant six figures coloriées,
avec des descriptions botaniques,
SOU
1791, in -fol. III. Les champignons
anglais, avec des planches, 1790,
in-fol. IV. Minéralogie anglaise^ou
figures coloriées, avec des descrip-
tions pour éclaircir la minéralogie
de la Grande-Bretagne, 1803, in-S».
V. Description de modèles pour ex-
pliquer la cryslallographie, 1805,
in-S". Sowerby a encore donné quel-
ques morceaux dans les Mémoires
de la Société Linnénne. Z.
SOYER (Pené-Françgis), né en
17G9 à Thouarcé dans l'Anjou, était
l'aîné d'une famille qui se voua tout
entière à la défense de la religion et
de la monarchie. Destiné dès l'en-
fance à l'état ecclésiastique, il ve-
nait d'entrer dans les ordres lors-
que la guerre civile éclata dans ces
contrées en 1793. Tous ses frères en-
trèrent dans les armées royales, et
lui-même les suivit avec un dévoue-
ment et un courage admirables,
remplissant les fonctions du saint
ministère et secourant les malheu-
reux dans toutes les occasions où i
cela fut en son pouvoir. Après la pa- j
cilication en 1801, il fut un modeste
desservant de la cure de Vihiers,puis
grand-vicaire de Poitiers. Cependant,
à l'époque de la Restauration, ses
services ne furent point méconnus ;
il devint évêqiie de Luçon, en 1817,
lors du nouveau concordat, fui sa-
cré à Paris, le 21 octobre 1821, et
mourut à Luçon le 5 mai 1845, après
vingt-quatre ans d'un pontificat plein
de fruits et aussi pieusement terminé
que l'avaient été les premières an-
nées de sa carrière. Trois de ses
frères étaient devenus officiers et
généraux dans les armées royales de
la Vendée. Voici comment ont été
racontés, dans la Biographie des
hommes vivants^ en 1^19, les prodi-
ges de valeur et de dévoueuient de
celte famille héroïque. Le frère
SOY
puîné du prélat {Jean-Aîmé). était
comme lui né à Thouarcé. Enfermé
en 1792 au château d'Angers, il s'é-
chappa au moment où il allait être
jugé et probablement mis à mort; il
alla joindre les troupes royales. On
le nomma d'abord lieutenant d'une
compagnie de cavalerie, où figurait
la célèbre Bordereau, dite Langcvin,
qui ne cessa pas de combattre à
la tête de l'armée royale. Henri de
La Rochejaquelein l'éleva au grade
de capitaine sur le champ de bataille.
Il devint, après de nombreux ex-
ploits, aide-de-camp, colonel, chef de
division et major-général. A la ba-
taille de Dol, il fut chargé d'enfoncer
une des divisions ennemies, et la mit
en fuite après un combat sanglant. Il
était déjà couvert de cicatrices quand
il fut atteint de trois balles à Cha-
vagne, où il commandait l'aile gau-
che de l'armée royale. Lorsque les
Vendéens, usant de représailles, ces-
sèrent de faire quartier aux prison-
niers, le sort de la guerre ayant fait
tomber entre ses mains quarante de
ceux qui l'avaient persécuté, arrêté,
et avaient incendié sa maison, il leur
accorda la vie et la liberté, unique-
ment parce qu'ils avaient été ses en-
nemis personnels. Le roi lui envoya
la croix de Saint-Louis le l^"" janvier
1796, et le confirma dans le grade de
major-général. Il reçut de S. A. R.
Monsieur des ordres datés de Lon-
dres le 10 mai 1800, qui le chargeaient
de commander en second toutes les
divisions de l'armée royale. Le prince
joignit àses instructions les marques
les plus honorables de sa satisfaction
des services de cet officier et de ses
deux frères. — SoYER (Frcoipoîs), co-
lonel, chevalier de Saint-Louis, frère
du précédent, a commandé, depuis
1793, une division dans l'armée
royale. Brave jusqu'à la témérité, il
LXX.XII.
SOZ
417
a souvent affronté la mort. En 1815
il servit encore sous les ordres du gé-
néral d'Autichamp.— Soyer {Louis)y
chevalier de Saint-Louis, frère des
précédents, a été aidc-de-camp de
plusieurs généraux, et lieutenant-
colonel dans l'armée royale. On cite
de lui des traits de la plus rare bra-
voure. Fait prisonnier à l'affaire de
Savenay, il fut conduit au château
d'Angers. Pour se soustraire à une
mort certaine, il se laissa tomber du
faîte de la tour, où il était renfermé,
dans les fossés du château, après
avoir attaché le drapeau blanc au haut
de celte tour; ayant eu le bonheur
de ne se faire aucun mal, il alla re-
joindre l'armée royale, et, comme ses
frères, il ne cessa pas d'y combattre
jusqu'à la pacification... Nous igno-
rons ce que fut sous la Restauration
et sous Louis-Philippe le sort de ces
hommes généreux. M — Dj.
SOZZI (Louis-Francois de), ju-
risconsulte et littérateur, naquit à
Paris le i octobre 1706. Fils d'An-
gelo Sozzi, de Pistoie, en Toscane,
et de Geneviève-Françoise Lecomte,
il était par sa grand'mère mater-
nelle petit-neveu de Pierre-Daniel
Huet, évêque d'Avranches.Dès l'âge
de neuf ans il fit avec son père un
voyage en Espagne. A son retour il
termina ses humanités, puis il étu-
dia la jurisprudence sous le célèbre
Alexis Normant, et fut nommé bailli-
général du grand-prieuré de France,
dont la juridiction s'étendait sur
l'enclos du Temple à Paris. H mon-
tra dans ces fonctions un talent su-
périeur, et les mémoires qu'il eut
occasion de publier attestent une
connaissance profonde des matières
de droit. Reçu avocat au parlement
de Paris, il alla plus tard exercer sa
profession à Lyon, où l'Académie
des beaiix-arts l'admit au nombre de
27
418
SOZ
ses membres en 1755. L'anneV siii-
vaii!e, lors de la réunion des deux
académies de celte ville, il fut placé
sur le tableau des académiciens or-
dinaires et se lit remarquer par ses
productiuns scientifiques et litté-
ra-res. Il appartenait aussi aux aca-
démies de Villefranche, de Nancy,
de Berlin et à celle des Arcades de
Rome.Sozzi mourut le 11 mars 1780.
Parmi ses ouvrjges imprimés, dont
la plupart sont anonymes, nous ci-
terons: I. Mémoire où l'on établit
Vusage des teitaments olographes,
1743, in-4».Ce mémoire fut accueilli
et recherché avec tant d'emp ressè-
ment par les jurisconsultes que,
trois ans après Taffaire qui avait
donné lieu à sa publication, il fut
réimprimé, ce qui est assez rare pour
les écrits de ce genre. II. Mémoire
où Von établit qu'il n^est dû aucun
droit de consignations pour les sai-
sies réelles des biens situés dans la
vallée de Barcelonnette, 1745, in-4°.
111. Consultations sur la mouvance
des pairies de France, 1752, in-4».
Celle disserlalioUjUîile à l'époque où
elle parut, obtint beaucoup de succès;
elle contient d'ailleurs, ainsi que les
autres mémoires île Sozzi, des dé-
tails historiques fort curieux. IV.
Avertissement sur l'hiène qui aparu
dans le Lyonnais en 1750, in-12. V.
Discours de réception à l'académie
de Nancy, 1762, in-8». VI. Lettre
aux auteurs du Journal encyclo-
pédique, au sujet de l'urne antique
de plomb trouvée chez les jésuites de
Lyon, 17(13, in-i2. VU. Recueil de
mémoires et dissertations qui éta-
blissent que c'est par erreur et un
mauvais usage que l'on nonuue l'au-
guste maison (jui règne en France
la maison de Uourbon, ol que son
nom est de France, Amsterdam et
Paris, 1709, in 12. Ce recueil, ré-
SPA
digé par Sallo, Réa! et Sozzi, fut pu-
blié par ce dernier, qui donna en-
suite des Additions au Recueil des
mémoires concernant le nom patro-
nymique de la maison de France,
Paris, 1770, in-12. On doit k Suzzi
une traduction française des Olym-
piques de Pindare, avec des remar-
ques historiques, Paris et Lyon,
1754, in-12. L'académie de Lyon
conserve dans ses cartons une dou-
zaine d'opuscules de cet auteur, dont
la bibliothèque de la ville possède
aussi plusieurs pièces manuscrites,
entre autns une Vie littéraire de
Sozzi^ écrite par lui-même et con-
tenant sa correspondance avec l'im-
pératrice de Russie Catherine II,
sur le nouveau Code de cette sou-
veraine. A. P.
SPAAN (Jean Van), ecclésias-
tique hollandais, qui, après avoirdéjk
desservi trois cures rurales, fut suc-
cessivement pasteur à Dordrecht
(1752), à Leyde (1755), et à La Haye
(1702), et mourut dans celte dernière
résidence, vers 1780. Il cultiva avec
succès la poésie hollandaise, témoin
le recueil de la société poétique de
La Haye, sous la rubrique : Kunst-
liefde spaart geen vlyt
(L'amour de l'art ne connaît point de peine),
qu'il contribua à fonder en 1772 el
qu'il enrichit de ses productions. Il
fui un des commissaires nommés par
les États-Généraux des Provinces-
Unies pour la rédaction d'un nou-
veau psautier à Tiisage du culte pu-
blic, et eut une part notable à ce
travail publié en 1773. La société de
langue et de littérature hollandaises,
fondée à Leyde en 1760 , l'avait
égnleinent agrégé au nombre de ses
niembres. — Son fils Rerre van
Spaan avait publié et soutenu avec
beaucoup de distinction une savante
thèse de Aniiphonte, oratore altico,
sous David Ruhrikenius, à Leyde,
en 1765. Il fut moissonné à la flenr
de son âge. M— on.
SPAETH ( le chanoine Baltha-
sar), né en 1764, dans un village
de la Bavière, fut dès son enfance
destiné à l'état ecclésiastique, et fit
en conséquence de très-bonnes étu-
des. Entraîné par son goût pour
la science archéologique , il eut à
peine assuré son existence par un
canonicat dans la cathédrale de Mu-
nich qu'il entreprit de longs voyages
en Grèce el en Italie. Il y forma de
nombreuses et riches collections
d'antiquités, et, revenu dans sa pa-
trie, il en fit la description dans de
très-bons ouvrages qu'il a publiés.
Il légua par sou testament au gou-
vernement bavarois, qui en disposa
en faveur de l'école royale des beaux-
arts et autres établissements publics
de Munich , toutes ses collections
d'antiquités et sa riche bibliothèque.
Ce digne et savant ecclésiastique
mourut à Munich dans le mois de
juin 1846. Z.
SPAGNA (Juan de Espagna on
le), peintre, connu plus pariiculière-
ment en Italie sous le nom de Gio-
vanni Spagnuolo, quitta de bonne
heure l'Espagne, sa patrie, pour aller
étudier sous la d rectioji de Pierre
Pérugin. La plupart des disciples
étrangers de ce maître repassèrent
les monts et allèrent répandre sa ma-
nière dans les différentes contrft-s de
l'Europe. Le Spagna ne voulut pas
quitter l'Italie, et il avait formé le
projet de se fixer à Pérouse; mais les
tracasseries que lui suscitèrent plu-
sieurs de ses compatriotes, jaloux de
sa réputation, le décidèrent à aller
s'établira Spolète oîi ses talents et
surtout sa conduite lui firent obtenir
le droit de cité. Il a laissi' dans cette
SPA
419
ville, ainsi que dans Assise, des preu-
ves nombrnjses de sa capacité. II a
su, mieux qu'aucun des élèves du Pé-
rugin, rappeler la eoul<^ur aimajble de
son maître. On voit encore dans la
chapelle des Anges, près d'Assise, où
mourut saint François , le tableau
dans lequel il a peint les portfô'itsde
quelques-uns des compagnons *<le ce
saint. Aucun autre élève du PérUikTin»
non plus , excepté Raphaè'l auq uel
personne ne peut être comparé, n 'a
peint le portrait avec autant de st\-
périorité que le Spagna qui tra -
vaillait encore en 1524. P— s.
SPALDING (Charles-Auguste-
Guillaume), historien, né le 10 fé-
vrier 1760, en Poméranie , fit ses
premières études et son droit à
Greifswald et fut nommé référendaire,
puis conseiller de justice à Berlin.
Il obtint sa retraite avec une bonne
pension en 1823, après quarante ans
de service, et se livra dès-lors tout
entier à ses travaux littéraires qui
lui ont fait en Allemagne une grande
réputation. Il mourut le 5 septembre
1830. Ses ouvrages publiés sont:
I. Précis historique sur Pierre-le-
Grand, roideCastille, Berlin, 1797.
II. Histoire des rois chrétiens de>
Jérusalem^ 1803, 2 vol. in-S". III.
Guerre du Canada^ 1821. IV. CoH'
quête de Naplespar Conradin. Z.
SPANHEIiM (Georges, comte de)
naquit sur la lin du IX'' siècle, et fut
rétabli par l'empereur Otton , en
938, dans le comté de Spanheim, que
ses ancêtres avaient possédé à titre
de souveraineté. Cette illustre mai-
son étendit sa domination pendant
plusieurs sièces sur cette partie de
l'Allemagne qui avoisine la rive gau-
che du Rhin, et posséda à diverses
époques, et dans ses difierentes bran-
ches, les comtés et duchés de Span-
heim, Heinsberg, Vianden, Veldenz,
27.
420
SPE
SPE
Chini, etc. Un grand nombre d'au-
tres terres et seigneuries, parmi les-
quelles celle d'Ariraont, lut le partage
d'une branche cadette, transplantée
en France en 1640, et connue de nos
jours sous le nom de comte de Scho-
nendall ou plutôt Schontlial d'Ari-
mont. On pre'sume que les comtes
de Berlaimont et les princes et ducs
de Loss-Corswarem, aux Pays-Bas,
soCit I issus des Spanheim par les
fer.nmes; mais la plupart des biens
considérables de cette maison sont
passes par succession dans celles de
^^assau-Saarbrllck , Nassau-Dillen-
Jjourg ; celles d'Autriche, de Bade,
de Bavière et deBirkenfeld, comtes
palatins du Rhin. Sainte Ilildegarde,
née en 1098, était de la maison de
Spanheim. Le comte de Spanheim
mourut en 952, et lut inhumé dans
l'église paroissiale de Malmédi, au
tombeau de ses ancêtres. Z.
SPELTA (Antoine-Marie), litté-
rateur italien, qui prenait le titre
d'historiographe du roi d'Espagne,
était né à Pavie le 19 mai 1559, sui-
vant Baillet [Jug. des Sav., V, 138,
édit. in-4»), et six ans plus tôt, c'est-
à-dire en 1553, suivant Moréri. Ces
deux écrivains ajoutent qu'il mourut
dans sa ville natale en mars 1C32.
Tout ce qu'ils nous apprennent de
lui , sur le témoignage du Ghilini
{Teatro d'uom. letter.), c'est qu'il cul-
tivait, avec un certain succès, la poé-
sie latine (1), mais qu'il ne réussis-
sait pas aussi bien dans la poésie
italienne. Du reste, ils ne disent point
si les vers de Spelta, dans l'une et
l'autre langue, ont jamais vu le jour.
Ils se taisent également sur ses au-
tres ouvrages en prose. Voici les ti-
tres abrégés de quatre de ces derniers,
(i) "On Irouvaît dans ses vers latins de
la douceur et de la gravité tout à la fois.»
qui ont élé imprimés: f. V^te de' Vef-
covi di Pavia, Pavie, 1597, in l''.
II. Aggiunia alla Sloria di Pavia
dcl Unvcntano, Pavie, 1002, in-i"
{voy. Breventano, V, 565). III. His
ioria de' falti notabili occorsi nell'
universo, ed in particolare del regno
de' Goti, de' Longobardi, de' Duchi
di Milano, etc., Pavie, 1603, in-4".
C'est la seconde édition de cette his-
toire estimée et peu commune. La pre-
mière avait été aussi imprimée à Pa-
vie, en 1597, in-i", et l'auteur avait
publié, en 1602, un Supplément, mê-
me ville, même format. IV. LaSag-
gia pazzia, etc., Pavie, 1606, in-4";
espèce de facétie assez curieuse, plu-
sieurs fois réimprimée, et traduilc
en français par L. Garon {voy. ce
nom , LXV, 157), et par J. Marcel
(consultez le Manuel du libraire ,
art. Spelta, et n» 25267 de la table
méthodique;. On cite encore les ou-
vrages suivants de Spelta écrits en
latin, mais nous ne savons pas s'ils
ont été imprimés : Epistolœ,Decon-
texendis epislolis, Enchiridon de
primordiis dicendi , Lucubrationes
in obitum Benedictœ Benlivolœ uxo-
ris suœ, Encomium de Jacobo Mai-
noldo senatus prœside, Gratulatio
de reditu Joannis Fernandi.
B— L— u.
SPENCE (John), célèbre philan-
thrope anglais. On a dit avec raison
que, depuis plus d'un demi-siècle,
tous nos essais de démocratie et de
philanthropie ne sont qu'une imita-
tion des Anglais. L'histoire de Spence
en est une nouvelle preuve. Né vers
1740, dans une classe obscure, et
n'ayant reçu qu'une éducation mé-
diocre, cet homme commença à ré-
pandre ses doctrines à Londres en
1775. Sans bien et sans industrie, ii
imagina de compi^scr des brochures,
el il les publia sous le nom de Ikspu-
SPE
Mica spcncionea, située dans lemonde
des féeries, enlre Utopia et Océana.
Dans ce rêve politique, Spence éta-
blit exactement le principe de la
coiistitiuioa française de 1793 , et
ceux qui n'en furent plus récem-
ment qu'une vainc imitation. « L'u-
• niversalité des citoyens forme, dit-
«ii, le peuple souverain.» Il y a,
comme on le voit, identité non-seule-
ment dans le sens, mais dans les ter-
mes. Spence, pins franc que nos
niveleurs, manifesta hautement des
principes que ses imitateurs n'ont pas
eu le temps de proclamer «Toute pro-
«priéto' foncière particulière, disait-
• il, est un abus qu'il faut abolir pour
« toujours. Le sol ne peut appartenir
• qu'au peuple souverain, à la répu-
«blique. Personne ne peut posséder
• en propre un seul pouce de terrain.
• Toutes les terres doivent être affer-
" niées par baux temporaires d'un
« an à vingt ; le produit doit être dis-
« tribué également à toutes les fa-
« milles." Spence admettait le droit
de propriété particulière pour les
meubles , l'argent, etc. , mais il se
flattait que sa loi agraire maintien-
drait toutes les fortunes dans une
extrême médiocrité. «La force des
« riches, disait-il, est dans les grands
• domaines fonciers, comme celle de
« Samson était dans ses cheveux. Si
« les Philistins, au lieu de se borner
«à couper les cheveux à Samson,
« l'avaient scalpé h la manière in-
« dicnné, ses cheveux n'auraient pas
a repoussé, ses forces ne seraient
• pas revenues. Ne commettons pas
« la même faute des Philistins, scal-
- pons les riches î » Cette expression
et quelques autres de la même force
valurent à Spence une poursuite ju-
diciaire. Le vertueux lord Kengon,
touché d'une fausse pitié, ne le con-
damna qu'à un au d'emprisonncmcut
SPE
i2i
et à une amende de 20 liv. sterling.
Sorti de prison, Spence se vit en-
touré d'une foule de fanatiques de
la plus basse populace, et se mit à
rédiger, pour cette classe de lecteurs,
un pamphlet périodique auquel il
donna le titre âePig's méat, c'est-à-
dire nourriture des cochons, proba-
blement par allusion à une expres-
sion échappée à Burke, qui avait qua-
lilié le bas peuple de multitude co-
chonne {swinish multitude). Pour
colporter cet écrit, il acheta une voi-
ture d'osier, semblable à celle dans
laquelle nous avons vu, en 1814, col-
porter le fameux Mémoire de Car-
not. Monté sur ce char, Spence par-
courut l'Angleterre pendant deux
ans ; mais, ne trouvant de soutien
que parmi des mendiants comme lui,
il finit ses jours dans une extrême
misère. Il avait semé les dents du
dragon, disait-il. En effet, la graine
lève aujourd'hui, chez nous et en An-
gleterre; plusieurs milliers de pe-
titsartisansrelisentencore ces écrits,
et on les réimprime, on les colporte.
L'auteur y conserve encore des admi-
rateurs. La secte spencenienne existe
en Angleterre, elle a même des rap-
l'Orls dans les pays étrangers, et l'on
ne peut pas douter qu'elle n'aiteude
l'influence sur ce qui s'est passé ré-
cemment chez nous. —Spence [Wil-
liam), président de la Société d'agri-
culture d'Holderness, possédait près
de HuU de vastes domaines sur les-
quels il résidait. 11 s'est beaucoup
occupé d'histoire naturelle, d'éco-
nomie politique, et il a essayé de
combattre , dans quelques brochu-
res, les préjugés qui existent en fa-
veur du commerce et des manufac-
tures au préjudice de l'agriculture.
Quoique ses opinions fussent déve-
loppées avec beaucoup d'art, elles ne
firent pas une grande impression. Il
422
SPE
a publié : I. La Grande-Bretagne
indépendante du commerce^ 1807,
iii-8°. II. Cause radicale de li dé-
tresse actuelle des planteurs des In-
des Occidentales , 1807, in-S". III.
L^ Agriculture, source de la richesse
delà Grande-Bretagne, 1808, in-8*'.
IV. Les objections au hill sur les
grains réfutées, 1815, in-8°. M — d j.
SPEXCE (Miss ELISABETH -Isa-
belle), romancière anglaise, ne'e
vers 1768, était la fille unique d'un
médecin de Durham, grand ami de la
littérature et très-proche parent de
Spence, l'auteur du Polymétis. Sa
mère elle-même devait le jour au
célèbre docteur Fordyce et parta-
geait le goût de son époux pourjles
lettres. Tous deux se réunirent pour
donner à leur fille une éducation
très-soignée; mais tous deux mou-
rurent quand à peine elle entrait
dans l'adolescence. Heiireusement
elle trouva un refuge à Londres chez
un oncle et une lanîe qui n'avaient
eux-mêmes que peu de fortune, mais
chez lesquels elle put achever son
éducation à peu près sans maîtres,
grâce à des études opiniâtres et bien
dirigées, grâce aussi à la conversa-
tion des personnes instruites et dis-
tinguées qui formaient la société de
son oncle. Elle acquit ainsi des con-
naissances très-variées et de la faci-
lité à écrire, et diverses petites com-
positions où elle essaya son talent
trouvèrent entrée dans des recueils
dont les éditeurs la payèrent assez
bien pour une débutante. Elle y prit
goût; elle avait de cette façon réalisé
des économies de quelque valeur
quand la mort des deux parents
avec lesquels s'étaient passées les
années de sa jeunesse vint lui faire
une nécessité de celte ressource.
Elle entra en relations suivies avec
une des plus fortes librairies de
SPE
Londres et publia successivement,
à partir de 1799, di'S romans, des
nouvelles, des impressions de voya-
ges. Tuuies ces productions furent
favorablement reçues du public, et
quelques-unes eurent un véritabie
succès d'estime. Miss Spence pou-
vait d'ailleurs préfendre à la consi-
dération par la solidité de son carac-
tère et l'aménité de ses manières. Le
produit de ses ouvrages et la sagesse
avec laquelle elle administrait ses
finances la mettaient à même de
vivre à Londres (dans une des rues
retirées du West-End) et de voir la
meilleure compagnie de la capitale,
tant sous le rapport du rang et de la
naissance que sous celrn de l'esprit.
Parmi les personnes qu'elle voyait
fréquemment élaieivt les Benlham,
les Fordyce, l'alderiiian Birch, lady
Marguerite Blaud Burges et sa sœur
lady Aune Barnard, missBenger, les
deux miss Porter. Cet attrait qu'elle
exerçait sur ce qui l'environnait se
prolongea en dépit de l'âge, et, joint
au renom paisible et pur que lui
avaient conquis ses productions,
faisait toujours désirer sa société,
notamuient par les jeunes femmes,
qui elles aussi visaient à se faire une
position et un nom parmi les nota-
bilités littéraires: ainsi, par exem-
ple, on vit la brillante improvisa-
trice miss Landon rechercher sa
conversation et son suffrage. Miss
Spence fut enlevée en 1832 à la suite
d'une violeiite attaque de paralysie
qui n'avait point altéré ses facultés,
mais qui, dès lecommencement, avait
agi si fortement sur son physique
qu'elle avait quitté Londres pour
aller respirer un air meilleur à
Chelsea; rien ne put lui rendre la
santé, et sa mort eut lieu le 27 juil-
let. Voici la liste des ouvrages qu'on
lui doit: i. Hélène Saint-Clair, ro-
SPE
man, Londres, 1799, 2 vol. iii-l2.
II. Noblesse de cœur, roman, Lond.,
1804, 3 vol. in-12. III. Le jour de la
noce, ou les effets de lu jalousie,
Londres, 1807, 3 vol. in-12 (trad. en
français par M'"" Périn). IV. Voyage
d'été {Summer Excursions) dans une
partie de l'Angleterre et du pays de
Galles, Londres, 1809, 2 vol. in-S».
V. Esquisse des mœurs et coutumes
actuelles de l'Ecosse et des sites de
ce pays, Londres, 1811, 2 vol. in-12.
VI. Impressions et souvenirs (Com-
memorativefeelings), Londres,! 812,
in 8». VII Le curé et sa fille ^ nou-
velle cornonaillietine, Londres, 1813,
3 vol. in-12. VIII. La guitare espa-
gnole^ nouvelle, Londres, 1815, in-
12. IX. Récit de voyageur, Londres,
3 vol. in-12. X. Lettres des Highlands
du nord, Londres, in-8». C'est un de
ses ouvrages les plus estimés. XI.
Récits gallois [Taies ofwelsh society
and scenery)^ Londres, 2 vol. in-12.
XII. Vieilles histoires, 2 vol. in-12.
XIII. Comment on se débarrasse
d'une femme, Londres, 2 vol. in-12
XIV. Dame Rebecca Bernes, Londres,
3 vol. in-12. P-OT.
SPEXCER (Georges -John, vi-
comte Allhorp, comte), appartenait
à la branche cadetle d'une famille
dont l'aînee prend le titre de duc
de Marlborough, et remonte, quoi-
que l'orthographe du nom soit un
peu différente, jusqu'à Hugues Spen-
ser ou Le Despenser, favori d'E-
douard Il {voy. EDOUARD, XII, .504).
Né le l^"" septembre 1758, il com-
mença ses études à l'école de Harrow
et alla les terminer au collège de la
Trinité dans l'université de Cam-
bridge. Il voyagea ensuite sur le
continent, et, revenu en Angleterre,
il fut député à la chambre des com-
munes par le comté de Northampton.
II était alors connu sous le nom de
SPE
423
vicomte Althorp. Après la mort de
son père (1789), il hérita du titre de
comte Spencer et entra à la chambre
des pairs, oîi il professa les doctrines
des whigs dans lesquelles il avait
été élevé. Mais lorsque les principes
de la révolution française parurent
se propager en Angleterre, lord Spen-
cer, à la sollicitation de W. Pitt,
quitta les rangs de l'opposition, en
1794, et fut nommé président de l'a-
mirauté. C'est pendant son adminis-
tration que l'amiral Jervis, comte de
Saint- Vincent, battit la flotte espa-
gnole en 1797; que la même année
buncan captura celle des Hollandais,
et que Nel.son gagna la bataille d'A-
boiikir (1798). Partageant les idées
de Pitt, qui ne voulait pas que l'on
fît la paix avec la France, il sortit en
même temps que lui du ministère
en 1801. Il y rentra aveclui en 1805,
et obtint le portefeuille de l'inté-
rieur; mais, après la mort du pre-
mier ministre, il donna sa démission.
A celte époque lord Spencer fut un
des Commissaires choisis par Geor-
ges 111 pour examiner la conduite de
la princesse de Galles, sa bru, et
leur rapport lui fut favorable {voy,
Caroline, LX, 205). Devenu grand-
maître des postes et inspecteur-gé-
néral des forêts, il fut nommé plus
tard conseiller privé, l'un des gar-
diens du Musée britannique et gou-
verneur des archives. Lord Spencer
mourut en 1834. Il était chevalier de
l'ordre de la Jarretière, membre de
la Sociéié royale de Londres et de
celle des Antiquaires. Il était revenu,
dans le parlement, sur les bancs de
l'opposition. La littérature et surtout
la bibliographie occupaient ses loi-
sirs. Possesseur de deux belles bi-
bliothèques d'une valeur immense et
où les savants avaient toujours un
libre accès » Spencer ne reculait de-
424
SPE
SPE
vaut aucun sacrifice pour les euri-
chir de livres rares et pre'cieux. Il
avait passé deux ans en Italie, afin
de se procurer les plus anciennes
éditions des auteurs célèbres de ce
pays. C'est ainsi qu'il acheta, pour
des sommes considérables, une édi-
tion de Dante de 1472, une de Boc-
cace de 1473, etc. M. T. F. Dibdin a
publié, sous le titre de Bibliotheca
spenceriana,, or a descriptive, etc.
(Londres, 1814-15, 4 vol. in-S») , le
catalogue raisonné des livres de lord
Spencer, qui lui-même avait rédigé
un recueil des variantes qui se trou-
vent dans les meilleures éditions des
classiques grecs, latins et italiens.
Sa collection était la plus riche peut-
être qu'aucun particulier ait jamais
formée. — Jean- Charles Spencer,
son fils aîné, fut envoyé à la cham-
bre des communes par le comté de
Norlhampton. En 1815 il demanda
qu'on examinât l'emploi des cent
mille livres sterling accordées au
prince-régent pour payer ses dettes ;
mais cette motion fut rejetée. Z.
SPENCER (sir Brent), général
anglais, naquit au comté d'Amtrim,
en Irlande, vers 1761, d'une des
meilleures familles du pays. Il entra
au service comme enseigne en 1778,
eut part en 1782 comme lieutenant
à l'énergique et pourtant inutile dé-
fense du fort de Brimston-hill dans
Saint - Christophe attaqué par les
Français, et se trouva, au commen-
cement de la guerre contre la révo-
lution française, chargé, en qualité de
major, du commandement du 13^ de
ligne à la Jamaïque. Il y déploya in-
finiment de bravoure, de sang-froid
et de coup-d'ceil dans les opérations
qui se succédèrent sur les côtes de
Saint-Domingue, et principalement
dans l'attaque dirigée par Whilc sur
Port-au-Prince. On le vit, au milieu
d'un des plus épouvantables ora-
ges qui jamais aient sévi aux An-
tilles, s'emparer, par une charge à
la baïonnette, d'une des positions
les plus importantes. Toutefois l'ar-
mée anglaise dans ces parages n'é-
tait pas de force à l'emporter sur
l'exaltation des noirs, alors arrivée
au plus fiévreux paroxisme, et bien-
tôt il fallut se résigner à la retraite
et se borner à conserver les postes
de la côte. Les services de Brent
Spencer n'en furent pas moins ré-
compensés par le grade de lieutenant-
colonel au 40= en 1794, et peu après
il revint en Angleterre, où Geor-
ges III non-seulement le fit colonel,
mais le nomma un de ses aides-de-
camp et le comprit parmi ceux qu'il
honorait d'une faveur toute particu-
lière. Il suivit en 1799 le duc d'York
dans sa malencontreuse campagne
de Hollande, et l'on ranta sa dé-
fense du village de Saint-Martin et
sa belle conduite à l'assaut d'Oude-
capel, le 21 septembre. Dix-huit mois
après il prenait part à l'expédition
d'Egypte, et à peine avait-il mis le
pied sur la plage , que le général
Moore lui communiquant la nécessité
de déposter, pour que le débarque-
ment réussît, les formidables batte-
ries françaises assises sur un monti-
cule de sable voisin de la côte, le
chargeait de s'emparer de ce poste.
C'était là une de ces opérations sui-
vant le cœur de Spencer : la baïon-
nette était son arme favorite ; se pla-
çant à la tête du 23' de ligne et de
quatre compagnies du 40% il .s'élança
sur les retranchements français, tan-
dis que ious les débarqués avaient
les yeux sur cette attaque dont dé-
pendait en quelque sorte le succès
de l'entreprise. Ce fut vraiment un
instant dramatique que celui où les
deux armées pouvaient se deman-
SPE
SPE
425
der qui l'emporterait. Finalement
l'impétuosité dos assaillants triom-
pha, et il n'y a pas d'exagération à
dire que dès ce moment tout devint
comparativement facile. On vit en-
suite Brent Spencer combattre, les
13 et 21 mars, avec les troupes bri-
tanniques, attaquer et prendre Ro-
sette, et repousser ( le 5 septembre )
devant Alexandrie, à la têle de 200
hommes seulement, une colonne de
600 hommes que Menou envoyait
pour le déloger de sa position. La
paix d'Amiens suivit bientôt-, Spencer
ne fut nommé major-général qu'en
1805, et ne reparut sur les champs
de bataille qu'en 1807. Ce fut lors
de l'expédition de Copenhague, sous
lord Cathcart. Le réembaripiement
des troupes anglaises, après le per-
fide bombardement de la capitale
danoise, offrait surtout des dinicul-
tés, et l'on craignait une insurrec-
tion de la population au désespoir.
Brent Spencer eut une part essen-
tielle aux mesures qui furent prises
alors pour prévenir toute collision,
et telles furent la discipline et l'atti-
tude des troupes que rien ne fut
tenté. L'année suivante vit Napoléon
ravir la couronne d'Espagne à son
posesseur légitime pour la mettre
sur le front de Joseph. Le cabinet
de Saint-James prépara aussitôt une
expédition, probablement pour faire
main-basse sur Ceuta, et Spencer fut
désigné pour commander une armée
de 0,000 hommes. Mais à peine ar-
rivait-il à Gibraltar que déjà l'Es-
pagne s'était levée contre l'usurpa-
tion. La destination de l'armement
britannique fut soudain changée, et
Spencer offrit ses secours à ceux con-
tre lesquels, s'ils eussent accepté la do-
mination étrangère, il n'eût pas man-
qué d'agir. Mais les Espagnols décli-
nèrent ses offres; et après avoir un
moment, d'accord avec l'escadre, se-
condé, par diverses évolutions le
long de la côte, les premières opé-
rations des insurgeuts, il alla en Por-
tugal se mettre, lui et son corps,
sous les ordres de sir Arthur W'el-
lesley. La jonction de toutes les for-
ces anglaises permit alors à ce géné-
ral de conunencer énergiquemeiit
les hostilités contre les Français que
commandait Junol. Brent Spencer
joua un rôle important dans les jour-
nées de Vimieira et de Roleia, si fu-
nestes à la suprématie napoléo-
nienne, et dans la capitulation de
Cintra qui suivit. On sait pourtant
avec combien de force l'opinion s'é-
leva en Angleterre contre la facilité
prétendue avec laquelle, disait-on, le
général vainqueur avait abandonné
une partie de ses avantages. Brent
Spencer, pendant le séjour qu'il fit
ensuite dans sa terre natale, fut ap-
pelé en témoignage sur ces événe-
ments. Sa déposition servit beaucoup
a faire apprécier plus sainement ce
qui s'était passé. Wellcsley, devenu
lord Wellington, ne tarda pas à être
mis à la têle d'une nouvelle armée
britannique, destinée à contrarier, ù
faire cesser l'occupation du Portugal
par les armées françaises, et Spencer
lui fut donné conune commandant
en second (1810). La tâche était loin
d'être facile. Numériquement les
Français l'emportaient de beaucoup,
et Masséna les commandait. Les deux
généraux n'en acceptèrent pas moins
la rude charge que leur confiait le
ministère. Leur réapparition anima
singulièrement les troupes, qui les
appréciaient et les aimaient. Jugeant
bien vite ce qu'ils pouvaient et ce
qu'ils ne pouvaient pas, ils s'appli-
quèrent surtout à n'entreprendre rien
qui excédât leurs forces ; et d'abord
ils ne visèrent qu'à deux choses, se
426
SPE
maintenir et relever les Portugais
par leur exemple. De là les lignes de
Torres Veilras que les Français ne
purent jamais forcer ; de là la bataille
de Busaco que Wellington ne pou-
vait avoir l'espoir de gagner, si ga-
gner la bataille c'est rester le maître
du terrain sur lequel on la livre,
mais qui pouvait passer pour une
victoire dès qu'elle assurait aux An-
glais la possibilité de retourner à
leurs retranchemeuts. Spencer fut,
après Wellington, l'âme de toute
cette stratégie, dont le résultat fui
l'évacuation du Portugal par h sFran-
çais l'année suivante. De retour en
Angleterre à l'issue de cette campa-
gne, il n'en sortit plus D'ailleurs la
paix générale ne se fit pas long-
temps attendre; et dès lors il partagea
ses heures entre les délices de la vie
rurale et la société d'amis choisis. Sa
mort eut lieu le 29 déc. 1828. P— ot.
SPENCER (sir Robert). Voy. Ca-
VENDISH, LX, 331.
SPERCiES (Jean, baron de) et de
Palentz, chevalier de Saint-Etienne,
néàlnspruck en 1720, appartenait
à une famille noble du Tyrol. Après
avoir fait ses études de philosophie
et de jurisprudence à Saitzbourg, il
fut nommé procureur fiscal à Trente
et à Roveredo, et acquit une pro-
fonde connaissance de la littérature
italienne. Les hommes lettrés du Ty-
rol , comme ceux de la Lombardie
autrichienne, ressentirent les effets
de sa bienveillance. Il obtint, par son
mérite, la place de conseiller impé-
rial et royal de la chancellerie pri-
vée d'État et celle de référendaire
des affaires d'Italie à la cour impé-
riale. L'académie des Riches, à Vien-
ne, lui dut sa fondation, et celle des
Beaux- Arts trouva en lui un géné-
reux protecteur. Les diverses fonc-
tions politiques qu'il remplit ne ra-
SPE
lentirent point son zèle et son amour
passionné pour les belles-lettres. En
correspondance avec les grands sei-
gneurs et les .savant.s, il s'attira l'es-
time et l'affection des uns et des au-
tres ; l'abbé Bettinelli [voy. ce non),
IV, 413) lui dédia son livre Délie let-
tere e deW arli manlovane, Mantoue,
1774. Le baron de Sperges mourut à
Vienne le 26 octobre 1791. Les let-
tres, les poésies et les inscriptions
qu'il a laissées témoignent que l'au-
teur s'était formé sur les meilleurs
modèles. Ces différents écrits ont été
réunis et publiés sous ce titre: Jo/ian-
nis Spergesii Patentini cenluria
litterarum ad halos, cum appendice
trium decadum ad varias, carmina
juvenilia et inscriptiones, Vienne,
1792, in-S". Dans le recueil intitulé :
De monetis veronensibus, prœsertim
sub Ezdino conflatis, Epistolœ (Vé-
rone, 1779), on trouve une lettre
curieuse de Sperges sur une mon-
naie de Vérone, avec une lettre de
J.-B. Verci et deux autres de J.-J Dio-
nisi («oy ces noms, XLVill, 163, et
LXII, 498) sur le même sujet. Toutes
sont écrites en latin; elles ont été
réimprimées, avec une traduction
italienne en regard , dans le recueil
de Guido Zanetti : Délie monde e
zecche d'Italia {voy Zanetti, LU,
111). P— ET.
SPEULET on Sperlette (Jean),
professeur de philosophie, naquit à
Mouzon-sur-Meuse, suivant dom Cal-
met, qui ne dit pas en quelle année.
11 entra dans la congrégation de
Saint-Vannes, en 1676, et y fit pro-
fession le 28 mai 1679, en changeant,
selon l'usage, son prénom en celui
de Romuald. On ne sait trop par quels
motifs, en 1687, il quitta ses con-
frères et se retira en Hollande, où il
demeura deux ans, entièrement ap-
plique a l'étude des ouvrages de Des-
SPE
carfes, dont il était grand admira-
teur. En 1089, il fut appelé en Prusse
par l'électeur de Brandebourg, de-
puis roi sous le nom de Frédéric 1*"'.
Ce prince chargea Sperletle d'en-
seigner la philosophie aux fils des
réfugiés, en grand nombre alors à
Berlin. L'ancien bénédictin remplit
avec distinction cet honorable em
ploi et se fit généralement aimer de
ses disciples. Il rédigea pour eux un
C()urs complet et très-méthodique lie
philosophie, en quatre parties, qu'il
fit imprimer, chacune séparément ,
en 169G. Il les revit ensuite, les com-
pléta, et les publia, réunies, sous ce
litre :Operaphilosophica inqualuor
partes, logicam , physicam, meta-
physicam et morakm , nunc con-
junctim éditas, distributa; edilio
altéra emendatior , Berlin, 1703,
in-4°. Dans son Recueil de littéra-
ture , de philosophie et d'histoire ,
Ch.-Él. Jordan {voy. ce nom, XXIl,
5) dit, page (il : «La philosophie
" que M. Sperlette a donnée au pu-
• blic est toute pillée. Sa logique est
• presque traduite mot à mot de
« VArt dépenser, et je sais de bonne
« part que le reste n'est autre chose
« que ce que dictait à ses écoliers
• doin Robert Desgabets, de la con-
« grégation de Saint-Vannes.» VArt
de penser, dont parle Jordan, est sans
doute la Logique de I>ort-Royal. En
ce cas, il faut convenir que Sperlette
pouvait plus mal choisir. Quant à
dom Desgabets, si ses ouvrages, res-
tés à peu près inédits, ont éié mis à
profit par l'auteur du cours de piii-
losophie, il n'a fait en cela qu'imiter
le célèbre Régis et plusieurs autres.
On a encore de Sperlette les deux
écrits suivants, qui paraissent avoir
été incotiniis ii dom C ilinet : De hy-
pothesibus astronomorum disserta-
tio, Halle (eu Saxe), 1697, iu-4% et
SPI
427
Dissertatio physico - asironomica
de natura comelarum et eorum in-
fluentiis, ibid , 1701, in 4" {voy. la
Bibliog. astron. de Lalande). Bayle,
au rapport de Jordan lui-même, esti-
mait beaucoup Sperlette. Nous ne
conniissons pas l'époque de la mort
de ce dernier. B — l— u.
SPJEL (Georges-Henri), littéra-
teur allemand, naquit k Nordheiin
dans l'électoral de Hanovre en 1786,
et fit de très-bonnes études. Il
occupa ensuite plusieurs places im-
portantes et jouit d'une grande con-
sidération ; mais ce qui fixa prin-
cipalement les regards sur lui, ce fut
un recueil périodiijue intitulé : Vater
landischcz Archive (les Archives de
la patrie) pour servir à la con-
naissance du royaume de Hanovre,
qu'il publia depuis 1819 jusqu'à sa
mort. Spiel était encore un des col-
laborateurs de Gruberpoursa grande
Encyclopédie II mourut à Hanovre
en 1822. B— H— D.
SPIELMAN (le baron de), diplo-
mate autrichien, éiève et confrère
de Thugut, concourut comme lui à
donner à la politique du cabinet de
Vienne ce caractère d'ambition et de
duplicité qui dans les guerres de la
révolution eut des résultats si fu-
nestes Après avoir été auprès de
différentes cours secret h ire et con-
seiller d'ambassade, il devint mi-
nistre de cour et d'État, avec le titre
de référendaire privé. Ce fut en
cette qualité qu'il accompagna en
1791 l'empereur Léopold aux confé-
rences de Pilnitz, où il contribua
beaucoup à faire adopter le système
de temporisation qui fut d'abord re-
poussé par le roi de Prusse. Ce prince
voulait que l'on déclaiàtsur-le-cbamp
la guerre k la France, afin, disait-il,
de ne pas donner au parti révolu-
tionnaire le temps de se préparer à
428
SPI
lu résistance. Mais ce système ne fui
point admis par le circonspect em -
perenr, qui s'était déjà mis en rap-
port avec le parti constitutionnel de
France. Ce fut Spielman qui rédigea
la déclaration vague et insignifiante
que signèrent les deux souverains
et qui termina les conférences. On
voit dans le tome F"", page 377, des
Mémoires tirés des papiers d'un
homme d'État, oii se trouvent expli-
quées les causes et les conséquences
de ce mémorable événement, que ce
fiit encore le baron de Spieiman qui,
lorsque la guerre fut décidée, lit
écarter les princes français de la di-
rection des opérations militaires que
le roi de Prusse avait d'abord con-
senti à leur accorder, sur la de-
mande de ces princes assistés du
marquis de Bouille. Les princes de Col-
loredo et de Hulienlohe, conseillers
autrichiens eux-mêmes, y avaient
accédé, mais le baron de Spielman
fit changer cette partie du plan, en
soutenant que les opérations des émi-
grés devaient dépendre du mouve-
ment des armées combinées, et qu'il
fallait les soumettre au plan général.
Malheureusement ce système avait
été suggéré au cabinet autrichien
par le baron de Breteuil, envoyé se-
cret de Louis XVI, à qui l'on avait
inspiré de la défiance sur les inten-
tions de ses frères. Ainsi les royalistes
français furent divisés en trois corps
séparés et qui restèrent en réserve
sur les derrières, ce qui eut une
grande influence sur les événements,
comme on peut le voir à l'article Du-
MOURIEZ ILXIII, 15i), et rendit im-
possible l'invasion qui devait être
tentée par le duc de Brunswick avec
de si grands moyens de succès. Ce
qui prouve d'ailleurs que ce n'était
ni dans les intérêts de Louis XVI ni
dans ceux des émigrés royalistes
SPI
que l'Autriche s'était réunie à la
coalition, c'est qu'au moment où
l'armée coalisée se mit en mouve-
ment, le baron de Spielmarij Tbugut
et Merci -d'Argentean furent en-
voyés à sa suite, et qu'ils vinrent
en Lorraine jusqu'à Verdun comme
commissaires autrichiens chargés de
procéder au partage des provinces
qui devaient échoir^ à l'Autriche
dans le démembrement de la France.
Nous avons vu la preuve de ce fait
dans un mémoire du prince deNas-
sau-Siegen, alors envoyé de l'impé-
ratrice Catherine auprès des armées
coalisées. On peut juger de ce que fut
le désappointement des commissaires
impériaux lorsque la retraite du duc
de Brunswick vint déjouer tous leurs
plans de partage. Ils comprirent sans
peine qu'ils avaient été joués par
la Prusse ; mais l'Autriche sut bien
prendre sa revanche l'année sui-
vante dans la campagne des Pays-
Bas. Quant au baron de Spielman, sa
haute faveur dura peu , et quoique
l'Autriche ne cessât point de suivre
son système, il fut sacrifié au com-
mencement de l'année suivante à
l'ambition de Thugut, qui réussit à
se faire nommer directeur -général
du bureau des affaires étrangères.
Voulant écarter du pouvoir le baron,
on lui offrit une modeste place d'ad-
joint au ministre d'Autriche à la
diète de Rutisbonne; mais vivement
piqué d'une telle proposition, il de-
manda sa retraite qui lui fut accor-
dée avec une bonne pension ; et il
alla dans ses terres où peu de temps
après il mourut oublié et fort mé-
content. M — Dj.
SPIERA ou Spera ( François),
jurisconsulte du XVI® siècle, ne doit
une sorte de célébrité qu'à la fai-
blesse de son caractère et à la mobi-
lité de ses sentiments religieux. Né
SPI
SPI
429
à Ciltadella, vi.lo du trrritoire de
Venise, il paraît (lu'il enseigna laju-
risprudenceà Pacloiie. D'abord Ubs-
boii cathdliqoe , il se laissa peu à
peu séduire par les idées nouvelles
que la Réforme répandait clandesti-
nement eu Italie, et il embrassaavcc
ardeur le protestantisme ; mais bien-
tôt, soit par suite de remords véri-
tables, soit par crainte des dangers
qu'il courait, etsurto\it parla frayeur
que lui causait rinquisition, il se
rendit à Venise près de Jean Délia
Casa, légat du saint-siége, lui avoua
sa faute et rétracta ses errtiurs. Le
b'gat ne se contenta point de cette
abjuration secrète, il exigea un dés-
aveu public. Spiera le fit, mais il
en conçut tant de chagrin , qu'il
tomba dangereusement malade. Ra-
mené à Padoue, une horrible agita-
tion s'empara de son esprit; les se-
cours de la médecine lui furent inu-
tiles, il mourut presque désespéré et
doutant de la miséricorde divine.
Cependant le fameux Pierre - Paul
Vergerio, évêque apostat, qui était
venu tout exprès de Venise pour as-
sister et consoler le moribond, se
vante, dans une espèce de relation
apostolique, qu'il publia, en italien,
de la vie et de la mort de Spiera, se
vante, disons-nous, d'être parvenu à
ranimer le courage de ce malheureux
dans les derniers moments. Trois
autres écrivains, Mathieu Gribaldi
{voy. ce nom, XVlll, 472) , Sigis-
morid Gélcnius et Henri Scrimger
( dit Scotus, par ce qu'il était né en
Ecosse ), composèrent, en latin,
des notices en forme de lettres, sur
le jurisconsulte de Cittadella. Elles
parurent séparément, puis on les
réunit à une version latine, faite par
François Negro ( coy, cenom, XXXl,
39), de la relation de Vergerio, pour
en former le recueil intitulé; Fran-
ciscîSpierœqui, qaod suscepicesemd
Evangelicœ verilatis professionem
abnegasset damnassetque , in hor-
rendam incidit despcradonem, his-
ioria, à quatuor summis viris sum-
ma fide conscripta, Bàle, ISâO. in-8°.
Ce recueil, dont Calvin fit la préface,
eut pour éditeur Cael.-Secund. Cu-
rion, et fut traduit et imprimé en
anglais la même année. Les auteurs
que nous avons cités et les proles-
tants en général présentent Spierra
comme un illustre pénitent, attri-
buant les orages qui troublèrent sa
fin à un regret profond d'avoir re-
nié leur foi ; mais ces orages ne s'ex-
pliqueraient-ils pas tout aussi bien
par la honte qu'il devait éprouver de
sa double apostasie? Un zélé calvi-
niste, qui ne s'est désigné que par
les initiales J. D. C. G., a mis au
jour la pièce suivante : François
Spera, ou le Désespoir, tragédie ( en
5 actes, en vers, sans distinction de
scènes, et avec des chœurs, un son-
net et un argument ), dédiée à Claude
Boucart, ci- devant professeur de
philosophie à Lausanne. Cette pièce,
fort mauvaise, mais très-injurieuse
à la cour de Rome, est de la plus
grande rareté. M. de Soleinne n'en
possédait qu'une copie manuscrite.
B— L— u.
SPIERS ( Albert Van ), peintre,
né à Amsterdam en 1666, fut élève
de Van Ingen. Il passait pour le meil-
leur élève de ce maître, et avait déjà
la réputation d'un artiste habile,
lorsqu'il se rendit en Italie pour y
étudier les ouvrages des grands maî-
tres et notamment ceux de Raphaël,
de Jules Romain et du Dominiquin.
Il s'appliqua à copier leurs tableaux,
et lit, de tous ceux qu'il ne put pein-
dre, des dessins très-soignés et Unis.
Après avoir étudié à Rome la science
du dessin, il se rendit à Venise poiu-
^30
SPO
SPO
se faire initier au secret de la cou ■
leur. Paul Véroiièse fut l'objet de son
admiration, et les conseils de Carlo
Lofli ne furent pas lion plus sans
influence sur son talent. Il eut de
fréquentes occasions de se faire con-
naître, et il aurait pu trouver à Ve-
nise un emploi avantageux de son
pinceau, si l'amour de la patrie ne
l'eût rap[)elé eu Hollande où il re-
tourna en 1697. A son arrivée, il fut
chargé de peindre plusieurs grands
plafonds et tableaux d'histoire, où il
déploya la correction de dessin et la
sagesse de composition des grands
maîtres d'Italie, qu'il n'imita jamais
cependant d'une manière servile. Les
nombreux travaux qu'il fut chargé
d'exécuter et l'excès i\u travail lui
occasionnèrent une maladie de poi-
trine à laquelle il succomba en 1718.
P-s. ,
SPORR (Jean, comte de), général
de cavalerie au service d'Autriche,
naquit, en 1597, à Dalbourg, dans le
duché de Paderborn. Son père était
gentilhomme, mais très-pauvre. Les
moyens de sa famille et son humeur
inquiète, guerrière, ne lui permirent
de recevoir aucune instruction ^ il ne
savait ni lire ni écrire, ce qui accré-
dita un bruit .issez coinumn de son
temps, qu'il était Dis d'un [)aysan
wes(phalien. Aussilôl qu'il put por-
ter les armes, il s'engagea dans un
régiment de cavalerie, au service de
I\laximilie», électeur de Bavière, qui,
pendant la guerre de 1 rente ans, se
mit à la tête du parti catholique en
Allemagne. A l'âge de 23 ans, Spork
se trouvait à la bataille de la Monta-
gne-Blanche, près de Prague, et, à
l'âge de 40 ans, il s'était, par sa bra-
voure, élevé jusqu'au rang de colo-
nt I. Un lit (iaus les chroniques du
temps, a l'année 1639, que <• Spork
et ses partisans étaient des hôtes à
l'approche desquels tout le monde
tremblait. » Les soldats lui étaient
dévoués peur la vie et la mort. Voyant
qu'il était sorti de leurs rangs, qu'il
ne s'était élevé au-dessus d'eux que
par sa bravoure et la justesse de son
coup d'œil, ils avaient une entière
conliance en lui. Il était partout avec
eux et tombait comme l'éclair sur
ceux qui le croyaient bien éloigné.
Un de ses exploits les plus hardis et
les plus heureux fut celui qu'il exé-
cuta, en 16i3, près de Tuitelingen.
L'iirme'e française avait prisRothwei!
d'assaut; le maréchal de Guébriant
avait été dangereusement blessé. Le
jour même où il mourut (2i novem-
bre 1643), Spi-rk, se glissant à tra-
vers les buis et les redoutes, recon-
nut les cantonnements de l'armée
française et prévint les alliés com-
mandés par le général Mercy. Tom-
bant lui-même sur le quartier-géné-
ral établi dans le village de Geissen-
gen, il ht prisonniers 120 officiers
supérieurs avec 7,000 hommes, et
s'empara du parc d'artillerie. Le gé-
néral Piantzau, (iiii avait succédé à
Guébriant, n'eut que le temps de
monter à cheval et de se sauver
{voy. Guébriant, XIX, 7, et RA^T-
ZAU, XXXVH, 85). Le 6 mars 1645,
Spork se trouva dans les plaines de
Jankowitz, eu Bohème, en présence
de Torstenson, un des grands ca-
pitaines suédois élevés à l'école de
Gustave- Adolphe (voy. Torsten-
son, XLVI, 294). Spork était par-
tout, et, par ses clforls, il balança
long-temps les succès; mais ayant
élo dangereusement blessé et les
autres généraux n'étant point d'ac-
cord entre eux , Torstenson rem-
porta la victoire. Après sa guérison,
Spork se trouva dans une position
difficile, et la conduite qu'il crut de-
voir tenir a laissé des taches sur sa
SPO
raémoire. L'cleefeur ùo Bavière,
Maximiiieii, qui jusque-là avait été
à la tèle du parti catholique en Alle-
uiagne, dëcour.igé par 'fs défaites
que ses armes venaient d'éprouver,
pensa que les circonstances l'autori-
saient à rompre les traités qu'il avait
conclus avec l'empereur; il lit avec
les ennemis de l'empire un armistice
qui comprenait sa personne , ses
États et sou armée. Spork, Jran de
Wert, son fidèle compagnon d'ar-
mes {voy. Webt, L, 386), et d'autres
chefs prirent la résolution de séduire
leurs soldats et de passer avec eux
au service de Tempereur Ferdi-
nand m. Le projet fut découvert ;
les soldats bavarois restèrent fidèles
à leur prince, et les chefs eurent à
peine le temps de gagner le camp
des impériaux. Ferdinand, pressé de
tous côtés, reçut ces tj-ansluges à
bras ouverts. L'électeur avait mis
leurs tètes à prix; maiss'élant bien-
tôt repenti des engagements pris si
légèrement avec les Suédois, il dé-
nonça l'armistice qu'il avait conclu.
Spork, que Ferdinand avait nommé
général et baron de l'empire, con-
tribua puissamment à chasser les
Suédois de la Bavière, et les services
qu'il rendit le réconcilièrent avec
l'électeur. Le traité de Westphalie
(1648) mil lin à la guerre de trente
ans, et Spork fui forcé de jiasser
quelques années dans le repos. Il en
sortit pour aoooinpagiier le curps de
troupes qu'en 1658 l'empereur Léo-
puM envoya contre les Suédois au
secours de Frédéric 111, roi de Da-
nemark. Il [irit purt à la victoire
que les alliés remportèrent le 24 no-
vembre 1650; la paix signée à Oliva
en KîGO termina la ciim|iagne. Peu
après éclata la guerre contre les
Turcs. Spork, nommé fekl-maréchal-
lieulcuant, commandait uiie division.
SPO
431
Les commencements de la campagne
ne furent point heureux; l'armée au-
trichienne ayant |)erdu, le 7 août
1663, la bataille de Barkan, on fut
contraint de céder aux vainqueurs
Neubausel, Neulra, Nnvigrade, Frei-
stadtl et d'autres places de la Hon-
grie. Montecnccoli {voy. ce nom,
XXIX, 479) re|(rii sa revanche à la
bataille de Saint-Gotthardt, le I"
août 1664. Au premier choc, les
troupes de l'empire, composées de
nou»ell<s levées, lâchèrent pied, et
ce ne fut qu'avec la plus grande
peine que le général en cht-f rétablit
l'ordre. Kiuperli (XXII, 542)ne cessait
de jeter de nouvelles hordes par un
gué que la Raab lui offrait. Ne pou-
vant enfoncer le centre de l'armée
chrétienne, il donna ordre de la
tourner et de l'envelopper. Il fallait
déiourner le coup; de là dépendait
le sort de la bataille. Le général en
chef charge Spork de tomber sur les
spahis qui conuiiençaient à inonder
son flanc droit et de les rejeter dans
l:i Raab. Le général se met à la tête
des deux régiments de cavalerie,
Spork et Montecnccoli; levant son
sabre plein de sang, il leur crie : La
victoire ou la morll Après un choc
meurtrier, les spahis qui échappè-
rent au sabre de ces braves se reje-
tèrent en désordre dans la Raab; ne
trouvant point légué, ils furent em-
portés par les Ilots et très-peu rega-
gnèrent l'autre rive. Le combat dura
sejit heures et la victoire fut décidé-
ment du côté des Autrichiens. Kiu-
pcrli humilié, ayant montré le désir
de traiter, on négocia, et le 10 aoiit,
peu de jours après la bataille, la
piix lut signée à Temeswar. La moi-
tié (lu royaume de Hongrie avec la
ville d OtVn étaient demeurées au
pouvoir des Turcs, et les magnats
étaient insurgés. Spork, nommé
^32
SPO
comte et gt'ndral de cavalerie, resta
en Hongrie pour commander l'ar-
mée. Parmi les généraux qui ser-
vaient alors sous ses ordres, on en
remarque deux qui s'illustrèrent
dans la suite par leurs exploits, le
prince Charles de Lorraine et le
prince Louis de Bade. Les m.ignals
n'étant point d'accord, il les attaqua
séparément; la plupart furent pris
les armes à la main et décapités. La
Hongrie étant paciliée en apparence,
l'empereur Léopold I" donna au gé-
néral Spork une autre destination.
Le comte de Souches, qui comman-
dait l'armée aulrichienne dans les
Pays-Bas, ayant perdu, le 11 août
1674, la bataille de Senef, et, par
suite de cet échec, levé le siège
d'Oiidenarde, l'empereur le rappela
et envoya à sa place Spork, qui, par
la prise de Dinan, jusiilia le choix
du monarque. Il fut ensuite att;iché
à l'armée de Montecuccoli qui, en
1675, tâchait d'arrêter Turenne sur
les bords du Rhin. Quoique Agé de
78 ans, Spork observait avec la plus
grande attention tous les mouve-
ments de ces deux grands capitaines.
La campagne fut, selon lui, une des
plus remarquables et des plus in-
structives que présente l'histoire de
la guerre. Turenne étant tombé,
Montecuccoli et son vieux compa-
gnon d'armes quittèrent l'armée.
Spork se retira dans ses domaines
en Bohème où il mourut, le 6 août
1679, laissant deux fils et deux filles.
L'aîné, François-Antoine, fut un des
hommes les plus remarquables de
son siècle {voy. Spork, XLIlI, 3i3).
Le père fut placé dans la grotte où
est le tombeau de la famile. A côté
de lui repose un nain qui, attaché
au service de sa personne, lui était
extrêmement dévoué. Pendant la
guerre de Hongrie, les magnats, qui
SPO
détestaient Spork, avaient pris la ré-
solution de l'assassiner. Le nain ,
ayant eu connaissance du projet pour
lequel on avait voulu probablement
le corrompre, en instruisit son maî-
tre. Spork ordonna!», en mourant, que
celui à qui il devait la vie eût la pre-
mière place d'honneur à côté de lui
dans le tombeau. On va visiter ce
monument dans le couvent de Ku-
kus, comté de Kraulitz, dans le cer-
cle de Konigsgratz, à une lieue de
Josephsladt. Le fil.s aîné fonda dans
ce couvent, sous l'administration des
Frèreslde la Miséricorde, 100 places
pour les pauvres de ses domaines;
les soldats revenus de la guerre mu-
tilés y ont les premiers droits. Lors-
que l'hôtel des Invalides à Prague
fut établi, une partie des revenus
destinés à la fondation de Kukus fu-
rent joints à ceux de l'hôtel. Le
général Spork n'avait rien appris; il
ne connaissait que le service de la
cavalerie. Comme il avait toujours
été heureux, il méprisait les autres
armes. Un jour, il dit sérieusement
à l'empereur Léopold : « Défaites-
«vous de votre infanterie, de votre
«artillerie; employez votre argent
« à lever de beaux régiments de ca-
« valerie, et vous aurez bientôt (ini
• toutes vos guerres. • Au moment
où la bataille de Saint-Gotthardt al lait
s'engagerait descendit de cheval, se
mit à genoux, à la tête de ses braves;
ôtant son casque et levant les mains
vers le ciel, il s'écria : «Très-puis-
« saut généralissime qui demeures
n là-haut, si tu ne veux pas nous
« aider, nous chrétiens, qui sommes
« tes fidèles enfants, au moins ne
« donne aucun secours à ces chiens
. de Turcs; alors tu verras comme
«je les arrangerai, tu en seras cou-
« tent. • — Après cette prière, il re-
monte à cheval, tire son sabre et fuit
SPR
SPR
433
sonner la charge. Quand il eut été
élevé à la dignité' de comte et nommé
général de cavalerie, étant obligé de
signer au moins les actes les plus im-
portants, il s'impatientait. « Qu'est-
ce qu'on a besoin de voir mon nom?»
disait-il avec humeur. Il lui fallut ap-
prendre à écrire les lettres de son
nom, et il signait: Spork graf{le.
comte). Un de ses adjudants lui ayant
fait remarquer qu'il devait, selon l'u-
sage, écrire graf, ou comte de Spork:
«Tais-toi, lui dit-il, j'ai été Spork
« avant d'être comte; mon nom vaut
» mieux que celui d'un comté, » et il
continua à griffonner Spork graf.
G— Y.
SPRENGEL (KURT-POLYCARPE-
Toachim) naquit le ;i août 17C6, à Bol-
dekow, près d'Anklam, petite ville de
la Poméranie. Cet homme, quelanié-
decine compte parmi les savants les
plus distingués, eut pour père un
ecclésiastique, membre de l'académie
des sciences de Gœttingue. Ce digne
curé possédait de grandes connais-
sancesen histoire naturelle etsurtout
en botanique; aussi voulut-il ensei-
gner de bonne heure à son lils les
premiers éléments de ces sciences.
Le jeune enfant se plaisait à écouter
les leçons paternelles; d'ailleurs de
nobles exemples de famille l'encou-
rageaient dans la voie de l'érudition
et du travail. Deux de ses oncles
jouissaient en Allemagne d'une gran-
de réputation. L'un d'eux, Conrad
Sprengel, avait fait d'importantes
découvertes en agriculture et en bo-
tanique; l'autre, appelé Jean-Chré-
tien Adelung, était un des littéra-
teurs les plus érudits. Tous deux
devaient être surpassés par leur
jeune neveu qui manifestait déjà
une prédilection toute particulière
pour les langues orientales. 11 tra-
duisait sous les yeux de son père les
LXXXII.
auteurs grecs en hébreu. Sans le-
çons préalabl<îs, et muni seulement
d'un dictionnaire et d'une gram-
maire, il était parvenu en six mois à
comprendre la langue arabe. Cepen-
dant l'étude de la botanique était sa
plus chère occupation. Accompagné
par une de ses sœurs cadettes, il pre-
nait plaisir à rechercher à travers
les champs ou dans les bois des
fleurs inconnues pour lui. Plus tard,
parvenu à la vieillesse, il ne put se
rappeler sans une douce et profonde
mélancolie ces pérégrinations enfan-
tines et la douceur de ces premières
émotions. 11 n'avait alors que 14 ans.
Son zèle, sa persévérance dans le
travail, secondèrent sa merveilleuse
facilité, et il devint précepteur à un
âge où généralement on ne pense pas
encore à quitter les bancs de l'école.
Sa I6« année venait de s'accomplir
lorsqu'il reçut des propositions d'une
noble famille qui habitait près Greif-
swald. 11 se chargea de l'édiication
du jeune homme qui lui fut présenté
et dont il aurait pu être le camarade.
Cette nouvelle position lui permit de
se perfectionner dans l'étude des
sciences dont son père lui avait don-
né lespremiers principes. Aprèsdeux
années entièrement écoulées au sein
d'une existence si paisible, il quitta
son élève pour suivre des cours pu-
blics. Le but de ses travaux était
alors le professorat. La théologie et
la médecine entrèrent dans le cadre
de ses études. Ses progrès furent si
rapides, qu'à la suite d'un examen
passé devant le consistoire de Greif-
swald il reçut l'autorisation de par-
ler en public. Bientôt il abandonna
la théologie pour embrasser exclu-
sivement la médecine vers laquelle
le portaient les premières études de
sou enfance. Il devint un des étu-
diants les plus laborieux de l'acadé-
434
SPR
ïùie de Halle, où il assista pendant
deux ans aux leçons de Meckel, de
Goldhagea et de Kemme. Deux an-
ne'es plus tard, Kurt Sprengel se
pre'sentait devant ses maîtres et
soutenait une thèse pour obtenir le
titre de docteur. Ce travail, intitulé
Rudimentorum nosologiœ dynami-
corum prolegomena, est une étude
consciencieuse et savante du vita-
lisme. Sprengel s'y distingue par la
vaste érudition et l'éiendue des re-
cherches qui caractérisent la plupart
de ses ouvrages. Deveuu docteur, il vi-
sita pendant quclijiie t^^uips les mala-
des de son confrère Daniel,- il essaya
lui-même de faire tie la médecine
pratique, mais sa clientèle fut tou-
jours fort peu nombreuse; ses goiîts
le portaient préiVrablement vers les
études du cabinet 5 aussi le vit-on
b.entôt mettre au jour la traduction
des Aphorismes d'Hippocrate. Il lit
des cours publics de médecine légale
et commença des recherches afin d'é-
crire V Histoire de la médecine. En
1789, il fut jugé digne du professo-
rat ; mais, conime on sortait des rè-
gles ordinaires pour la création de
celte nouvelle place, on décida que
le jeune professeur n'aurait pas d'ap-
pointements. Sprengel était pau-
vre et sans clientèle; aussi n'avait-
il pour vivre que les modestes bé-
néfices que lui créaient ses publica-
tions. En 1792 il lit paraître le pre-
mier volume de VHistoire de la mé-
decine. Le succès de cet ouvrage nou-
veau contribua beaucoup à faire
nommer Sprengel, en 1795, profes-
seur ordinaire à l'université de Halle,
avec 500 thalers d'appointements. Le
Manuel de pathologie générale qu'il
publia vers la même époque ne l'em-
pêcha pas de poursuivre ses recher-
ches sur la botanique, son étude fa-
vorite. La place de directeur du jar-
SPR
din botanique de Halle étant devenue
vacante, Kurt Sprengel fut désigné
pour la remplir. Cette nouvelle po-
sition, qui devait seulement luidon-
der chaque année la modique somme
de 40 thalers, devint pour Sprengel
la réalisation de tout ce qu'il avait
rêvé. Maître de l'administration du
vaste jardin placé sous sa surveil-
lance tutelaire, il put se livrer en-
tièrement à cette branche de la mé-
decine qui avait été l'étude de toute
sa vie. Ainsi s'explique le refus qu'il
opposa aux offres brillantes du roi de
Prusse et de l'empereur de Russie
qui lui avaient proposé dans leurs
Etats une position beaucoup plus lu-
crative. Le voyage qu'il fit en 1812
à Berlin ne put lui fane oublier sa
chère université de Halle, où il re-
vint bientôt. Depuis 1817, Sprengel
professa plus pariiculièreuieiit la bo-
tani(iue , ht des découvfrtes qui lui
valurent ladmiration des savants de
son époque et des distinctions hono-
rifiques dont il ne tira jamais vanité.
Noujmé chevalier de l'Aigle-Rouge
de Prusse, de l'Étoile-Pol.iire de
Suède et du Lion de Hollande, il
était en outre membre correspondant
ou titulaire de presque toutes les
académies et les sociétés savantes de
l'Europe. De tous les ouvrages qu'il
publia, le plus remarquable .sans
Contredit est VHistoire de la méde-
cine^ dont les premières éditions fu-
rent épuisées eu peu de temps. Ce
beau travail est un des plus conscien-
cieux du siècle dernier ; c'est celui
qui contribua davantage à l'immense
réputation de son auteur. Sprengel
divise son grand ouvrage en huit
parties bien di.-^tincies : r Expédi-
tion des Argonautes, 1263 avant J .-C.
Premières traces de la médecine grec-
que. 2' Guerre du Péloponèse, 404
avant J,-C, Médecine d'Hippocrate.
SPR
8» Établissement de la religion chré-
tienne, 30 ans après J.-C. Écoles des
méthodistes, i' Émigration des hor-
des de barbares, 430-530. Décadence
de la science. 5° Croisades, 109C
1230. La médecine arabe au plus
haut point de splendeur. 6"" Réforme
de Luther, 1517-1530. Rétablissement
delà médecine grecque et de l'ana-
tomie. 7° Guerre de trente ans, 1618-
1648. Découverte de la circulation et
réforme de Van Helmont. 8°. Rè-
gne de Frédéric-le-Grand , 1740-
1786. Haller. L'origine de la méde-
cine remonte au berceau du monde,
sa première histoire se perd dans les
récits des temps antiques. Les ma-
ladies furent considérées d'abord
comuje un châtiment des dieux. Les
hommes, pour voir la fin de leurs
soiiifrances, allaient dans les temples
offrir les prémi'Cs de leurs trou-
peaux. Les dieux visitaient les ma-
lades pendant leur sommeil et leur
indiquaient les remèdes propres à
les guérir. Les prêtres furfiit hono-
rés comme médecins ; leurs étu-
des, les recueils de quelques prati-
ques médicales, le récit rie certaines
cures merveilleuses déposés dans les
temples par la pieté des fidèles en
firent des hommes que la supersti-
tion populaire se plut à consulter.
Le malade guérissait par les res-
sources d'une nature vierge et que
n'avaient pas encore affaiblie la cor-
ruption des mœurs et le désir effréné
du luxe ; s'il ne guérissait pas, c'est
parce qu'il n'avait pas exactement
rempli toutes les conditions du trai-
tement, ou parce que, châtié par la
colère du ciel, il était maudit. L'appli-
cation première des médicaments fut
l'effet du hasard ou de cet instinct
qui porte l'homme et les animaux
Vers ce qui peut leur être ulile. La
chirurgie précéda la médecine pro-
SPR
43J
preinent dite, et les premiers peuples
s'attachèrent à soulager les souf-
frances qui se trahissaient à leur
vue par un défaut d'ensemble dans
l'harmonie du corps humain, avant
d'apercevoir et de suivre avec les
yeux de l'esprit la marche des mala-
dies internes. Après la découverte
de récriture sur les feuilles du pa-
pyrus, les Égyptiens dressèrent une
espèce de code médical auquel les
prêtres-médecins étaient obligés de
se conformer sous peine de mort.
Dans ce livre se trouvaient les prin-
cipaux signes des maladies; c'est là
le rudiment de la séméiologie. Apis
était vénéré par les Égy [(tiens comme
le dieu de la médecine, et les prêtres
se chargeaient du soin d'apaiser la
colère de la divinité et de fournir les
remèdes mystérieux qui donnaient
la guérisou il existait un médecin
pour chaque maladie. L'art de gué-
rir chez les Hébreux remonte au
temps de Moïse ; tout le monde con-
naii les malheurs ipii assaillirent sa
naissance et la iiiiiiièu; miraculeuse
dont il fut sauvé. Confié au soin des
prêtres par la fille de Pharaon, il
apprit d'eux la médecine. Plus tard,
cegran»! législateur des Hébrtux tra-
ça les signes du diagnostic de la lè-
pre, donna des préceptes d'hygiène
à Son peuple et transmit comme hé-
ritage ses connaissances médicales
aux nombreux lévites qui devaient
en perpétuer la religieuse tradition.
Le roi Saloinoa connaissait toutes
les plantes de son temps et on lui
attribue même un traité sur les ma-
ladies. Apres ce grand homme, les
prophètes Élie, Elisée se distinguè-
rent également par leurs connais-
sances des plantes. Aux Indes, la
médecine, remontant à une haute an-
tiquité, était prati([uce par les bra-
mes, hommes d'une sobriété incroya-
28.
436
SPR
l)ie et (iienant une vie contemplative.
Des magistrats étaient chargés de
surveiller les malades et de présider
à la sépulture des morts; toutefois
il n'existait ni traités ni livres, et
tous les préceptes se transmettaient
par tradition. Au milieu d'un assem-
blage de cérémonies bizarres, on
trouve dans l'esprit de ces peuples la
croyance d'un Dieu en trois person-
nes, la révolte des auges déchus, la
distinction de l'âme et du corps. Les
maladies sont causées par les mau-
vais génies; on ne peut donc les
guérir que par les purifications et
les paroles magiques: tel lut le prin-
cipe de la médecine théurgique qui,
après avoir régné en Perse et en Sy-
rie, devait rayonner plus tard d'une
immense splendeur sur l'école d'A-
lexandrie.Les brames avaient des con-
naissances étendues en botanique,
ordonnaient le riz dans le choléra-
niorbus, qui moissonnait déjà tant
de nos semblables il y a 50U0 ans.
Leur médcciue consistait surtout
dans le régime et la diète; ils sai-
gnaient peu, exploraient le pouls, et
traitaient avec quelque succès la va-
riole et les maladies vénériennes. En
Grèce on adorait le médecin Esculape,
et Orphée, qui ressuscita Eurydice.
Le dieu de la médecine était Apullon,
fils du Soleil, et Diane, la sœur d'A-
pollon, avait son culte comme déesse
de la médecine et de la chasse. Le cen-
taure Chiron, le sage Nestor, Hercule
lui-même pratiquaient l'art de guérir.
Plus tard, aux bords des fontaines
d'eaux minérales, on éleva des statues
aux dieux médecins. On faisait des
sacrifices, on immolait un coq ou un
bélier . Une pratique pieuse consistait
à graver sur des tables ou des co-
lonnes d'airain le nom et les carac-
tères de l'atfection qui avait été gué-
rie. Souvent l'exercice de la méde-
SPR
cine était un héritage de famille
comme dans celle des Asclépiades.
Rome, cette fille des conquêtes, rrçut
les premières notions médicales des
Étrusques. Les livres sibyllins et le
culte d'Apollon étaient confiés aux
vestales qui invoquaient le dieu en
disant : Apollo medice. Dans la suite
lesGrecs,devenus esclaves, furent les
médecins des vainqueurs et s'établi-
rent dans des boutiques appelées
medicinœ^où ils vendaient des médi-
caments et donnaient des consulta-
tions. Les sages-femmes elles-mêmes
venaient de la Grèce. La médecine
des Chinois, basée sur l'observation
du pouls et la pratique de l'acupunc-
ture, se montre à peu près telle qu'elle
était il y 3000 ans. Mais voici que
tout à coup surgit de l'antiquité la
plus belle réputation médicale et la
plus méritée. Hippocrate vient de
naître; membre d'une famille qui
cultivait la méileciue, il recueillit les
tablettes votives du temple d'Escu-
lape, arrêta la peste d'Athènes, et
refusa les présents d'Artaxercc Lon-
gue-Main. C'est lui qui dépouilla la
médecine de toutes les pratiques su-
perstitieuses de l'antiquité. 11 traça
les premières notions d'hygiène pu-
blique, qui font encore l'admiration
des savants de nos jours. Ses des-
cendants pratiquèrent la médecine
avec succès. Alexandre-le-Grand, par
ses voyages, par la protection spé-
ciale qu'il accorda à Aristote et les
curiosités qu'il lui envoyait sans
cesse, fournit à ce philosophe les
moyens d'étudier avec succès l'ana-
tomie comparée et l'histoire natu-
relle. Après la mort d'Alexandre,
la médecine, protégée par Ptolémée,
brilla d'un vif éclat dans Alexandrie ;
c'est alors qu'eut lieu la division en
médecine, chirurgie et pharmacie.
Philoxène, le premier chirurgien ce-
SPR
lèbrc'eut pour successeurs des hom-
mes habiles qui, sous le nom de H-
thotomistes, pratiquaient l'opération
delatailleavecun rare bonheur. L'un
d'eux, nommé Ammonius, brisait
dans la vessie les calculs d'un trop
gros volume. Les ouvrages de ces
hommes illustres furent perdus dans
l'incendie de la fameuse bibiiothè'iue
d'Alexandrie, où brûli'rent 400,000
volumes. Vers la lin de la republique
romaine, une école fameuse prit n.'iis-
sance à Rome; son foiidatejir fut
Asclépiadede Pruse, en Bithynie; il
fut le chef de l'école des asclépiades,
qui, avec l'école éclectique, précéda
celle de Galien. Cet homme, le plus
grand médecin après Hippocrate,
avait étudié à Alexandrie l'anatomie,
sa science favorite, mais n'avait pu
observer qu'un squelette de voleur;
il fit la découverte des muscles, écri-
vit sur les fonctions des sens et se
vit de son vivant presque révéré
comme un dieu. Dans les premiers
siècles qui suivirent la murt de Jé-
sus-Christ, la médecine fut pratiquée
par les chrétiens, et l'Église, qui sou-
lage tout ce qui souffre, sortit peu k
peu des catacombes, et vint dans la
personne de ses ministres s'asseoir
au chevet des malades. Les princi-
paux médecins d'une ville étaient
chargés de la surveillance de leurs
confrères. Les premiers hôpitaux da-
tent du VI® siècle; ils étaient desser-
vis par des moines qui espéraient,
par un pénible service, y f;)ire leur
salut. Du VI^ au X® siècle, en Grèce,
et au milieu des disputes tbéologi-
ques, des guerres et des épidémies,
la médecine poursuit sa marche, re-
présentée par Alexandre de Tralles,
partisan de Galien. Mais après lui
la médecine semble disparaître et
s'éteindre avec la puissance de l'em-
pire d'Orieul. Le peu d'habileté des
SPR
437
médecins grecs était passé en pro-
verbe et a été immortalisé par la
verve satirique de Pétrarque. Aux
médecins grecs succédèrent les mé-
decins arabes. Avant la prise de Con-
stantinople, l'imagination de l'Arabe,
la soumission à la volonté de Dieu,
les punitions infligées dans l'autre
monde aux philosophes retardèrent
la pratique do. la médecine qui n'était
qu'un empirisme accompagné de
beaucoup de superstition. Après la
conquête, les chrétiens vaincus tra-
duisirent les onvr.iges de médecine
en arabe. Il y eut un collège de mé-
decine à Bagdad ; on créa des hôpi-
taux etdes pharmacies publiques. Les
califes protégèrent les sciences, l'a-
cadémie deCordoue fut fondée; tou-
tefois l'amour du merveilleux s'em-
para de beaucoup de médecins ara-
bes qui en imposèrent au public par
mille jongleries. Des noms plus re-
commandables, tel que Rliazès, le
plus célèbre professeur de Bagdad,
Avicenne, qui écrivit le premier sur
le camphre, Averrhoës, le botaniste,
jetèrent un certain éclat sur la re-
nommée scientifique du peuple ma-
hométan. —Exercice de la médecine
par les moines. — Depuis le VP siè-
cle les moines exerçaient la méde-
cine comme une pratique pieuse; ils
avaient recours aux prières, à l'eau
bénite, aux reliques des martyrs. S'ils
ne furent pas de véritables méde-
cins, ils eurent néanmoitis le mérite
d'entretenir le tlambeuude la science.
La médecine, sous le nom de physi-
que, fut enseignée dans plusieurs ca-
thédrales. On trouve dans les lois de
Théodoric, roi des Visigoths, que
• lorsqu'un médecin est appelé pour
• traiter une maladie ou panser une
" plaie, il faut qu'aussitôt après avoir
• vu le malade, il fournisse une eau-
« tien et convienne du prix dont oa
438
SPR
SPR
«paiera ses soins, mais (jii'il ne
« pourra rien exiger dans le cas où
« le malade viendrait à mourir. Si
• un médecin vient à blesser un gen-
« tilhoinme, il paiera une amende de
• cent sous, et si le gentilhomme
« meurt des suites de l'opération, il
« sera livrtf aux parents du mort, qui
« pourront le traiter comme bon
• leur semblera. Lorsqu'un médecin
" se charge d'un élève, celui-ci doit
• lui donner douze sous pour son ap
« prenlissage. » Deux écoles de mé-
decine brillèrent d'un grand éclat
au moyen âge. La première, l'ondée
par les bénédictins sur le mont Cas-
sin, reçut ses premiers règlements
de saint Benoît; la seconde, plus
célèbre encore, est celle de Salerne.
Le c'iuiat de celle ville, favorable-
menl située, soulagea beaucoup de
malades qui venaient invoquer saint
Mathieu, patroii du couvent, et ob-=
tenaient laguéiison par Sf s reliques
et la science des moines. Les croisa-
des eurent celte influence en Europe
qu'elles y répandirent la lèpre avec
une telle intensité qu'il y avait en
France 2000 b-proseries, et en Eu-
rope 19,000. Cette maladie, si connue
au XUI*^ siècle, disparu! peu à peu
au XV^. et donna lieu par sa dégéné-
rescence, dit Spreiigel, à la maladie
syphililiqtie. Le XVl^ siècle est re-
marquable par sa tendance générale
vers les sciences. Depuis que la voix
mélodi«Mise de Dante et de Pétrarque
avait cessé de se faire entendre, l'Ita-
lie était resiée presque silencieuse,
m^is au XVT siècle elle brilla d'un
nouvel éclat. Kl le eut pour protec-
leurs des lettres les papes Léon X et
Clément Vil, héritiers du nom des
Médicis. On revint aux idées d'Hip-
pocrale , on remit ses œuvres en
honneur-, André Vésale cultiva et
enseigna l'anatomie avec succès;
Ambroise Paré venait de naître. Pa-
racelse donna à la syphilis le nom
de m;tl de Vénus et lui appli'|iia le
traitement mercuriel; Forestus, Pros-
per Alpini,Fernel concouraient éga-
lement aux progrès de l'art de gué-
rir. Les temps étaient venus où la
médecine allait prendre une ticiivelle
direction. Botal déclara qu'il f.illait
saigner souvent et dans beaucoup de
maladies. Cette opération était très-
raiement pratiquée avant lui, aussi
la Faculté de Paris déclara-t-elle sa
méthode hérétique et fort dange-
reuse. L'alchimie, la magie, l'astro-
logie et toutes les sciences réputées
démoniaques préparèrent et tirent ac-
cueillir l;i méthode de Paracelse. qui
attribuait aux astres une grande in-
fluence sur la production des mala-
dies. C'est l'époque où on se I i vra avec
le plus de patience à la recherche de
la pierre philosophale.. Luther, ainsi
que beaucoup d'autres , regardait
les maladies comme les funestes pré-
sents (lu diable, qui lui apparaissait
Souvent sons la forme d'un moine, et
dont les membres se terminaient par
des griffes. Ce moine lui posait des
sillogismes. Les médecins eux-mê-
mes y croyaient, et Ambroise Paré
n'en était pas exempt. Paracelse n'est
pas digne de sa réputation : il fit dé-
river les maladies des combinaisons
chimiques mal faites dans notre or-
ganisme, mais il eut le mérite de
donner une bonne direction à l'em-
ploi des médicaments. Au XVi®
siècle vivait, en Italie, Jean de
Vigo, contemporain d'Ambroise Paré.
Le chirurgien français est le premier
qui soutint que les plaies d'armes
à feu n'étaient point envenimées et
qu'on ne devait point les traiter
comme des gangrènes. Il pratiqua la
ligature des artères inconnue avant
lui. Fallope (Gabriel), célèbre accou-
SPR
cheiir de l'Hôtel-Dieu, Philippe In-
grassias, professeur à Padoue, for-
ment «ne cliaîne qui lie le XV® avec
Je XVII^ siècle. Nous touchons aux
temps modernes de la médecine; c'est
l'epoqui' des grandes découvertes;
Sprengei y consacre les six derniers
voluuies de son Histoire. Nous ne
pouvons entrer dans des détails que
ne couiporfe pas la nature de cet ou-
vrage, et nous passerons rapidement
sur ces choses si dignes cependant
de l'admiration des savants. Nous
voyons un irrésislible penchant pour
l'anatomie caractérisé dans Vésale,
Eustache, Gabriel Fallope, Constan-
tin Varoie, et surtout l'immortel
Harvey, qui annonce une des plus
importantes découvertes, la circula-
tion du sang. Les travaux de Harvey,
combattus et adoptés tour à tour,
engigèrent les médecins célèbres de
son époque à s'occuper particulière-
ment de la circulation, et furent
cause d'une suite non interrompue
d'expériences qui devaient, deux siè-
cles plus tard, faire tant d'honneur
à l'école de Paris. Descartes, Kiolan,
Winslow et enfin Haller sont les
hommes qui s'occupent avec le plus
de succès de l'étude de la physiolo-
gie. Bientôt les meilleurs ouvrages
abondent, les plus habiles médecins
travaillent de concert, et la médecine
devient pour ainsi dire un art nou-
veau. Dans les derniers volumes,
Sprengei examine différents systèmes
ou opinions médicales remarquables,
tels (pie les système de Sthal ei d'Hoff-
mann, l'irritabilité dcHaller; il passe
en revue l'état de la médecine dans
ses dill'éientes branches, trace l'his-
toire des grandes découvertes, com-
me la vaccine; apprécie, en remon-
tant à leur naissance, les différentes
opérations chirurgicales, telles que le
trépan, la taille, l'opération césarieii-
SPR
439
ne, et enfin il termine son neuvième
volume par une table analytique de
l'histoire de la médecine, pour facili-
ter les recherches des savants. L'ou-
vrage de Sprengei est d'une lecture
agréable : il présente surtout une mul-
titude de renseignements sur la phy-
siologie, mais il contient trop de dé-
tails sur un grand nombre de person-
nages qui ne se recommandent au sou-
venir de la science par aucune œuvre
sérieuse et queSprengel a fort inutile-
ment tirés de l'oubli. Si nous nous
sommes étendus sur cette iiistoire
de la médecine, c'est qu'elle est
sans contredit l'œuvre capitale de
l'auteur qiii passa 14 ans à l'écrire,
ei qu'elle suffirait toute seule à con-
sacrer d'une manière ineffaçable la
réputation scientifique d'un écrivain.
L'existence de Sprengei fut modeste.
Savant consciencieux, il s'était créé
un monde peuplé par les médecins de
tous les temps. Ce monde c est celui
où il a véritablement vécu. 11 ne faut
donc pas demander à la vie de Spren-
gei un intérêt qu'elle ne peut fournir
par elle-même, mais il faut suivre
avec l'auteur, à travers les siècles,
l'histoire scientifique des peuples
éteints et des royaumes disparus.
Sprengei avait une taille petite, une
mémoire étonnante et une facilité de
travail incomparable. L'exercice per-
pétuel et la tension permanente de
l'organe encéphalique brisèrent l'in-
strument chélifqui fonctionnait de-
puis tant d'années. Le 15 mars 1833,
Sprengei mourut d'une apoplexie cé-
rébrale. Il était âgé de 67 ans. Ses
ouvrages sont noiiibreux; voici la
liste des principuix : I. Mémoire sur
Vhisloire du pouls (en alleai.), Leip-
zig, 1787, in-8". II. Pyrétologie de
Galien (allem.), Breslau et Leipzig,
1788, iii-8". C'est une traduction du
traité des différences des fièvres, de
440
SPR
SPR
Galiei), avec des notes. 111. Apologie
d'Hippocrate et de sa doctrine (al-
lem.), Leipzig, 1789, 2 vol. in-8\ Cet
ouvragecoiitient, outre une introduc-
tion, une traduction des Aphorismes
d'Hippocrate, de son traité du rc'gime
dans les maladies aiguës, ci de celui
des airs, des eaux et des lieuï, avec
des explications très -étendues. IV.
Essai d'tine hisloirepragmalique de
la médecine (alleiii.), Huile, 1792-
1799, 4 vol. in-8"; 2^ édition. Halle,
1800-1803, 5 vol. in-80; .3-^ édition,
1821-1828, 5 vol. in-8°. Le docteur
Bosenbauin a commencé en 1844 la
publication d'une nouvelle édition de
cet ouvrage, avec des notes étendues
et une partie bibliographique. Le
docteur Geiger a donné en 1809 et
1810 une traduction française des
deux premiers volumes. Elle est
inexacte et pleine de fautes et n'a pas
été continuée. Le docteur Jourdan
en publia une bonne traduction com-
plète, Paris, 1815-1822, 9 volumes
in-S"; celte traduction est faite sur
la 2« édition. Il serait à souhaiter
qu'on en publiât une nouvelle, faite
sur la 3*^^ édition , à l.iquelle on ajou-
terait les additions très-importantes
de M. Rosenbaum. L'histoire de la
médecine de Sprengel a été traduite
en italien par Arrigioni, Venise,
1812-1816, 11 vol. in-8°. Il en a paru
une nouvelle édition, accompagnée
de notes et d'une continuation jus-
qu'à l'époque actuelle, par François
Freschi, Florence, 1839-1842, G vol.
in-8°. Sprengel n'a donné l'histoire
de la médecine que jusqu'en 1800.
Le docteur Burkard Ebble, de Vienne,
l'a continuée jusqu'en 1825. Cette
continuation a paru à Vienne, de
1837 à 1840, 2 vol. in-S". V. Mé-
moires sur l'histoire de la médecine
(allem.), Halle, 179M796, 3 parties,
in-8". Cet ouvrage contient un grand
nombre de dissertations très-savantes
sur divers points de l'histoire de la
médecine dans l'antiquité et au
moyen âge. Quelques unes de ces dis-
sertations ne Sont pas de Sprengel,
mais de Bœttiger, de Harles et de
quelques autres savants. VI. Manuel
de pa(/ioio5fze(allem.), Leipzig, 1795-
1797, 3 vol. in-8''. Le 1" volume de
cet ouvrage contient la pathologie
générale, les deux autres renferment
la pathologie spéciale; il en a paru
une 4' édition en 1814. VII. Anti-
quitatum botanicarum spécimen 1.
Leipzig, 1798, in-r, fig. VIII. Ma-
nuel de séméiotique (allem.), Halle,
1801, in-8°. IX. Aperçu critique de
l'état de la médecine dans les der-
nières années^ Halle, 1801, in- 8°. Ce
volume se joint à l'histoire de la
médecine de l'auteur; il forme le
tome VI de la traduction française de
cet ouvrage par Jourdan. X. Gui-
de pour l'élude de la botanique,
écrit en forme de lettres (allem.),
Halle, 1802-1804, 3 vol. in-8''i2« éd.,
Halle, 1817, 3 vol. in-8». La 3* par-
tie de cet ouvrage, qui contient les
plantes cryptogames, a été traduite
en anglais en 1807. Xi. Abrégé de
VUistoire de la médecine (allem.),
Halle, 1801, tom.I", in-8». Ce volume
contient les trois premiers volumes
du grand ouvriige de l'auteur. Le
tome H de cet Abrège n'a pas paru.
XII. Histoire des principales opé-
rations en chirurgie, Halle, 1805-
1819, 2 vol. in-8". Le tome II de cet
ouvrage est de Guillaume Sprengel,
iilô de l'auteur. On le joint à l'His-
toire de la médecine, et il forme les
tomes VII, Vm et IX de la traduc-
tion de Jourdan. Xlil. Florœ ha-
lensis tenta mennovum, Halle, 180G,
iu 8", fig. Il en a paru une nouvelle
édition eu 1832. XIV. Historia ni
herbariœ. Amsterdam, 1807-180S,
SPR
SPR
441
2 vol. in-S". Cette histoire de la bo-
tanique fait beaucoup d'honneur à
rerudition de Sprengel ; il en a donné
lui-même une traduction allemande,
Leipzig, 1817, 2 vol. in-8". XV. Jn-
slituliones medicce , Amsterdam ,
1808-1810, 6 vol. in-S"^ réimprimé
à Milan, en 1816, 11 vol, in-8". Cet
ouvrage contient des traités de phy-
siologie, de pathologie générale, de
pathologie spéciale, de pharmacolo-
gie, de thérapeutique gonérale et de
médecine légale. 11 n'a pas eu le
même succès que l'Histoire de la mé-
decine; la plupart des traités qui le
composent ont vieilli. XVI. Gazette
d'horticulture (allem.), Halle, I80i-
1806,4 vol. in-8°. XVU. Traité sur
la structure et la nature des plantes
(allem.), Halle, 1811, 1 vol. in-8°.
XVIII. De germants rci herbariœ
partibus, Munich, 1813, in- 8". XIX.
Plantarum minus cognitarum pu-
gillus primus. Halle, 1813, in-8°;
Pugillus alter. Halle, 1815, in-8°.
XX. Species umbelli fer arum minus
cognifœ, Halle, 1818, in-4°. XXI. Jn-
nales de la botanique (allem.), Ber-
lin, 1818-1820, in-8% publié de con-
cert avec Sclirader et Link. XXII.
Nouvelles découvertes en botanique
(allem.), Leipzig, 1819-1822, i vol.
iu-S". XXIil. Histoire des plantes
de Théophraste, traduite du grec en
allemand, avec des notes, Altona ,
1822, 2 vol. iu-8°. XWY.Dioscoridis
Anazarbei de materia medica libri
quinque, emcndavit et commentario
illustravit K. Sprengel^ Leipzig,
1829-1830, 2 vol. in-8°. Cette édi-
tion de Dioscorides fait partie de la
collection des médecins grecs publiée
parKuhn. XXV. Littcratura medica
cxterna reccntior, seu enumeralio
librorum plerorumque et commen-
tationum singularimn ad doctrinas
medicas faciendum qui extra Ger-
maniam ab anno inde 1750 impressi
sunt, Leipzig, 1829, in-S" de 630
pages à 2 colonnes. Cette bibliogra-
phie médicale des ouvrages publiés
hors de l'Alhuiagne avait été com-
posée par le docteur Louis Hain;
elle a éié revue, augmentée et mise
en ordre par Sprengel. Elle est très-
incomplète, remplie d'erreurs, et
tout à f.iit indigne du savant pro-
fesseur qui y a attaché son nom.
XXVI. Opusculaacademica,collegit,
edidit, vitamque auctoris breviter
enarravit, J. Hosenbaum, Leipzig,
1844, in-8". Le docteur Rosenbaum
a réuni dans ce volume 25 disserta-
tions académiques de Sprengel ; nous
n'avons pas donné les litres de quel-
ques-unes dans cette notice; plu-
sieurs de ces dissertations ont pour
objet d'éclaircir dilïërcnts points de
l'histoire de la médecine ou des su-
jets d'érudition. Sprengel a traduit
en allemand un grand nombre d'ou-
vrages français anglais , italiens ,
suédois et hollandais. Ainsi il a tra-
duit du français la Nouvelle méca-
nique des mouvements de Ihomme
et des animaux, de Bnthez ; de
l'anglais, la Médecine domestique,
de Buclian ; le traité des Fièvres de
la Jamaïque, de Jackson ; le Code
de santé et de longue vie, de Sin-
clair; la Vie de Laurent de Médicis,
par Roscoe; de l'italien, le traité Des
maladies du cœur, de Testa, et celui
des Maladies vénériennes^ de Pere-
noti di Cigliano, auquel il a joint
des additions importantes; du sué-
dois, le Voyage au Japon, do. Thun-
berg; du hollandais, \a Description
de l'Archipel, de l'amiral Kinsber-
gcn {voy. ce nom, LXVIII, ;',26). Il
lit celle traduction conjointement
avec J.-R. Forster, professeur à l'u-
niversité de Halle, (]ui mourut en
1798 et dont Sprengel prononça i'é-
442
SPR
loge (voy. FoRSTER, XV, 285), Il a
traduit de l'allemand en latin la Mé-
decine clinique, de Selle. Il a aussi
ajoiilé des préfaces et des notes à
plusieurs traductions ou autres ou-
vrages dont il nVlait p;is l'auteur.
Enfin il a publié dilférents articles
ou dissertations dans divers jour-
naux. — SpRENGEr, {Guillaume), fils
aîné du précédent, naquit à Halle, le
14 janvier 1792, servit d'abord en
qualité de chirurgien dans les ar-
mées prussiennes, publia eu 1812
une traduction allemande des mé-
moires de Loiiis Sacco sur la vaccine,
fut reçu en 1816 docteur en méde-
cine à l'université de Halle, et y sou-
tint une thèse intitulée : Ânimad-
versiones castrenses. En 1818 il fut
nouiiiié professeur ordinaire de chi-
rurgie à l'université de Greifswald,
et lit paraître l'année suivante la
continuation de VHisloire def prin-
cipales opérations de chirurgie,
commencée par son père. Il mourut
en 1828; il venait alors d'entrepren-
dre la publication d'un grand traité
de chirurgie dont il n'a paru que le
premier volume. Il a encore traduit
de l'anglais en allemand les ObseV'
valions pratiques sur le traitement
des maladies de la glande prostate
d'Év, Home, et les Remarques de
Henner sur les principaux sujets qui
ont rapport à la chirurgie militaire.
L— D~É.
SPRENGTPORTEN(JoRAM-
Magnus , baron de) , général sué-
dois, né en Finlande vers le mi-
lieu du XVIII«siècle, entra fort jeune
au service et parvint rapidement
aux premiers grades de l'armée sué-
doise. Particulièrement distingué
par le roi Gustave III et naturelle-
ment porté à se mêler d'intrigues
politiques, il concourut activement
au rétablissement dece prince dans le
SPR
pouvoir dont le sénat s'était emparé ;
mais, se croyant trop peu récompensé
de tels services, il entra bientôt dans
d'autres intrigues contre ce monar-
que lui-uiêuie, et l'on a dit qu'il|lit
partie d'une conspiration où il ne s'a-
gissait de rien moins que de le livrer
à la czarineCalherinell. Cette trame
ayant été découverte, Sprengtporten
fut obligé de s'enfuir. I! se réfugia
d'abord en Hollande, puis en Russie
011 il dirigea encore plusieurs com-
plots pour soulever la Finlande et
livrer à la Russie cette province
qu'elle convoitait depuis si long-
temps. Excités par lui , les Finlan-
dais envoyèrent à Saint-Pétersbourg
une députation en tête de laquelle
était un gentilhomme nommé Jager-
horn, qui demanda follement pour
souverain le jeune prince Constan-
tin Paulowitz. Mais ces projets d'en-
vahissement étaient encore loin de
leur maturité, et ce n'est que plus
tard qu'ils furent repris. Tombé en
disgrâce dans les dernières années du
règne de Catherine II, Sprengtporten
resta cependant au service de Rus-
sie, et s'y trouvait encore à l'avéne-
nient de Paul l". Ce prince, connais-
sant toute sa dextérité en diploma-
tie, l'envoya à Paris auprès du pre-
mier consul Bonaparte. Il eut une
grande part aux conventions secrètes
qui furent alors arrêtées entre le
czar et Napoléon, et que la mort
de Paul 1" ne tarda pas à rompre.
Ce général était encore au service
de Russie en 1809 lors de la révolu-
tion qui renversa de son trône le
jeune roi Gustave IV {voy. ce nom,
LX, 310), et il est bien sûr que par
les relations qu'il avait conservées
dans sa patrie il ne manqua pas de
concourir à cette révolution, que ce
fut même à ses machinations que
bientôt après la Russiedut la conquête
SPU
SPU
443
(le la Finlande, dont il fut nomniô
gouvernpur-ge'néral. Depuis on n\i
plus parlé de Sprengtporten, et il est
mort dans l'oubli et peut-être le re-
mords de ses trahisons. M— D j.
SPITRIKNA. Voy. VESTnicius ,
XLVin,323.
SP11RZHHI3I (Gaspard), méde-
cin, associé aux travaux du docteur
Gall {voy. ce nom, LXV, 47), naquit à
Longwich, près de Trêves, le 31 dé-
cembre 1776; éludia la médecine à
Vienne, et partit en 1805 de cette
ville avec son ancien maître pour
parcourir l'Allemagne. A Paris, où
ils se rendirent en 1807, ils com-
mencèrent de concert la publication
de leur grand ouvrage : Anatomie
et physiologie du système nerveux
en général et du cerveau en par-
ticulier. Les premiers volumes
sont annoncés sous les deux noms ;
mais les deux collaborateurs se
brouillèrent en 1813 par un excès
de susceptibilité trop commune par-
mi les savants, ils se séparèrent, et
Spurzheim se rendit en Angleterre,
puis en Irlande et en Ecosse, on ses
leçons de phrénologie trouvèrent de
nombreux auditeurs. En Angleterre,
il publia en anglais, en 1815, l'ou-
vrage intitulé : Système physiogno-
monique des docteurs Gall et Spur-
zheim; puis un abrégé du même
ouvrage; son Traité sur la folie et
ses Principes élémentaires de l'édu-
cation, etc. De retour à Paris , en
1817, il n'y revit pas son ancien maî-
tre, et ce fut en vain que des amis
communs cherchèrent aies réconci-
lier. Spiirzbeim composa et publia
seul de nouvelles Observations sur
la folie ^ sur la phrénologie, et un
Essai philosophique sur la nature
morale sf intellectuelle de Vhomme ;
enfin ses ouvrages sur Vanalomie,
la physiologie et la pathologie du
cerveau, et sa thèse soutenue en
1821 , intitulée : Du cerveau sous
le rapport anatomique ^ lui avaient
fait conférer le grade de doi'teur
de la faculté de Paris. Il y avait
peu de mois qu'il était passé en
Amérique, et qu'il professait à Bos-
ton avec le plus grand succès les
doctrines de Gall, lorsqu'il mourut
du typhus, après quinze jours de
maladie, le 10 novembre 1832. Voici
comment un écrivain judicieux ,
après avoj r étudié ce nouveau système
en a parié à l'occasion des derniers
écrits de Spurzheim : « La manière
• dont Gall dé.signait d'abord les ca-
• racières a fait beaucoup rire et
• crier; il y avait en effet de quoi.
« Comment s'abstenir de railleries
« ou de plaintes sur une science qui
« désignait un homme pour un vo-
<• leur ou pour un libertin, parce que
« tout le monde lui voyait la protu-
« bérance du vol ou du libertinage?
» Le penchant le plus insignifiant
" avait sa petite protubérance, et
« l'on ne voyait pas où celte suite
« d'éminences Unirait. Bref la crâ-
« niologie avait atteint un degré de
« ridicule qui touchait à la niaise-
• rie. Il nous semble que Spurzheim
« a rendu a cette science le service
« de l'avoir relevée en considérant
• les organes du cerveau, découverts
• par son maître, sous un point de
« vue plus élevé, et d'une manière
« plus philosophique. Il établit d'a-
« bord une nouvelle division des
« facultés de l'âme auxquelles il as-
« signe des organes dans le cerveau ;
« il les partage en fiicultés aftecti-
« ves , qui comprennent les pen-
« chants et les sentiments, et en fa-
« cultes intellectuelles. Toutes ces
« facultés, au nombre de trente-cinq,
« ont chacune un organe particulier.
« Pour les penchants, il a cru de-
444
SPU
SPU
« voir créer de nouveaux mots qui,
"nous l'avouerons, auront de. la
« peine à obtenir le droit d'adiuis-
« sion dans le dictionnaire de l'Aca-
« demie. Le penclmnt à de'truire est
• devenu la dcslruclivité; le désir
«d'avoir, hi conv oit ivilé; le pen-
" chant à cacher, la secrétivité. etc.
« Ces mots sont destines à couvrir de
« leur élrangeté ce que les objets
" qu'ils expriment peuvent avoir de
« fâcheux. Le docteur Gall admet,
" par exemple, un organe du vol.
« Mais Spurzbeiui, en généralisant
« l'idée, pense que cet organe indi-
« que la convoilivilé ou le désir
« d'avoir ; ce penchant n'a rien de
« repréhensible en soi : il ne le de-
« vient que par l'abus. C'est, comme
« on voit, une modilication impor-
« tante du système crâniologique.
« Spurzheim en a fait autant pour
« l'organe que Gall a appelé celui
« de l'ambition. Son disciple n'y re-
■■ connaît que l'amour de l'approba-
« tion, penchant qui également ne
• devient blâmable que par l'excès:
- en sorte que là où le maître voyait
" des organes de vices et de vertus,
« l'élève voit des dispositions qui,
« selon l'application qu'on en fait,
• conduisent aux uns ou aux autres.
« H observe au reste, pour discul-
« per son maître, que la découverte
u de l'organe d'un vice ne prouve-
. rait rien contre la moralité d'un
. homme, puisque sa conduite est le
- résultat non pas d'une seule fa-
rt culte, mais de toutes ses facultés
u combinées, en sorte qu'un mau-
. vais penchant, à côté d'autres pen-
« chants qui sont louables , peut
« produire de bonnes actions^ à peu
" près comme une substance , qui
p seule est un poison, devient un re-
« mede lorsque son virus est neu-
«tralisé par le mélange de substan-
« ces salutaires. A l'égard des facul-
« tés perspectives ,S\)urzhe\m a suivi
■ à peu près la division et les déno-
" minations de son maîire,mais il
• appuie lie nouveaux exemples
« ceux qui se sont présentés au doc-
« teur Gall et à lui-même, dans le
« cours de leurs [observations com-
« munes. On sait qu'ils se sont livrés
• tous deux à une étude assidue du
• cerveau, et que la crâniologie n'est
• qu'une partie de leurs découver- .
" les. Il serait possible que cetie
« nouvelle science subît encore ,
• dans la suite, de plus grandes mo-
« dilications que celles auxquelles
« Spurzheim vientde l'assujettir dans
• son ouvrage. jMais il restera tou-
« jours à ces deîix savants l'honneur
" d'avoir frayé une route inconnue,
• pourvu que cette roule conduise à
« un but utile. » Les ouvrages que
Spurzheim a composés et publiés
sans le concours de Gall sont : 1. Ob-
servations sur la folie ou sur le
dérangement des fonctions morales
et intellectuelles de Vhomme , Paris,
1818, publié eu anglais à Londres
l'année précédente. W. Observations
sur la phrénologie ou la connais-
sance de l'homme moral et intellec-
tuel fondées sur les fonctions du sys-
tème nerveux , Paris, 1818 , in-8°.
ill. Essai philosophique sur la na-
ture morale et intellecluelle de
l'homme , Paris, 1820, in-S". IV. Du
cerveau sous le rapport anatomi-
que, Paris, 1821, in-8°. C'était une
thèse de l'auteur pour son doctorat.
V. Essai sur les principes élémen-
taires de Véducation , Paris, 1822,
in-S". VI. Précis de phrénologie
contenant l'explication du buste.
Paris, 1825, vol. in-12, avec !c buste
en plâtre. Vil. Manuel de phréno-
logie, Paris, 1832, in-12, avec une
lithographie. Z- j
SQil
SQUARCIALUPI (Antonio), cé-
lèbre musicien italien, florissait dans
la seconde moitié du XV siècle. On ne
connaît ni le lieu ni la date de sa nais-
sance, non plus que de sa mort. 11 sur-
passa, dit-on, tous ses prédécesseurs
dans la théorie et dans la pratique
de son art. Laurent de Médicis, à la
cour de qui il brilla long-temps, avait
composé un poème à sa louange. Va-
lori rapporte qu'un jour on criii-
quait, en présence de Laurent, le ta-
lent d'Antonio > Si vous saviez, ré-
pondit-il aux censeurs, combien il
est difficile d'exceller dans quelque
art que ce soif, vous parleriez de lui
avec plus de respect. » (Voy. Vie de
Laurent de Médicis, par Roscoe, 11,
139,trad. deThurot.) — SguAnciALUPi
(Marcei), savant du XVP siècle, a pu-
blié : DeComefa in universiim, atque
deillo qui visus est anno 1577, in-4**,
dissertation réimprimée dans des re-
cueils sur les comètes {voy. la lii-
bliogr. fls/ron. de Lalande.plOî, 110
et 20 i). Ce savant est probablement
le même que le docteur Marcello
Squarcialupi de Piombino {Plumbi-
nevsis), à qui l'on attribue une vio-
lente satire contre un médecin soci-
nien , de Lucques, satire que Pei-
gnot qualifie de chef-d'œuvre de la
licence la plus effrénée, et qui est
devenue presque introuvable, soit
qu'elle ait été exacteuicHt supprimée,
soit, comme le pense M. Bruuet, que,
SQU
445
vu son peu d'étendue et le lieti de
l'impression, elle ait dû naturelle-
ment rester fsrt rare dans le midi
de l'Europe. Elle est intitulée : Simo-
nis Simonii lucensis,primum roma-
ni, tum calviniani^ deinde luthcria-
ni , denuo romani , semper aulem
athei, summa religio ; authoreH. M.
S. P., Cracovic, Alex. Roderic, 1588,
in- 1°. Pour plus de détails sur cette
satire et sur celui contre qui elle est
dirigée (1), voy. le Dict. deBayle,
art. SiMONius ; ri/jsf. litt. de Genève,
par Senebier, II, 107; h Bibliogr.
instruct., de Debure, n° 789 ; le Dict.
des livres condamnés au feu, par
Peignot, t. Il, p. 127, et le Manuel
du libraire, dern. édit., IV, 292. Le
nom du docteur de Piombino se trou-
ve encore sur le titre de l'ouvrage
suivant, cité par Haym {Bibliot. ita-
liana, Milan, 1803, IV, 292: Difesa
contro la Peste, di Marcello Squar-
cialupi medico, etc., coretta da Ghe~
rardo Borgogni^ Milano pel Tint,
l.>76, sans indication de format.
B-L-U,
(i) Simon Siraoni, qui changea plusieurs
l'ois de religion, se retira en Pologne aj)rès
avoir eiiseigiié la médecine et la philosophie
à Genève, a Heidclherg, à Leipzig et même
à l'aii-, si l'on en croit Gui Palin [Leltrts,
t. H, p 337, de l'excellente édition publiée
par M. Reveillé-l'arise}. Siraoni est autrur
de j.lusieurs ouvrages de médecine et de
coulroverse tout-à-fait oubliés.
FIN DU QUATP.E-VIISGT-DEUXIRMF VOf.llMF»
On trouve au même Bureau les Notices suivantes, extraites de là
Biographie universelle, et qui se vendent séparément.
YIE PUBLIQUE ET PRITÉE DE .lîAPOLÉO^ BOX.APARTE, par L.-G.
MicflAUD, ancien capitaine d'éial-major, principal rédacteur de la Bio-
graphie universelle ; seconde édition, revue, corrige'e et augmentée d'une
Notice historique sur le génér.d Rogiiiat. Un vol. in-8°, grand papier,
avec deux portraits. Prix : 5 fr. et 6 fr. franc de port.
HISTOIRE DU SAIXT - SIllOXISME ET DE Ii.% FAMILLE DE
ROTHSCHILD, OU Biographie de Saint-Simon et de Bazard; par
RIM. MicHAUD et ViLLENAVE, suivic de la biographie de Mayer-Ànselme
RoTUscHiLD et de Nathan, son fils. (Extrait de la Biographie univer-
selle, tom. LVii et Lxxx.) Vol. in-8°, grand papier, avec portraits. Prix :
2 fr. et 2 fr. 50 c. franc de port.
BIOGRAPHIE', OU Vie publique et privée de louis - PHILIPPE
d'orléa.'vs, ex-roi des Français, depuis sa naissance jusqu'à la fin
de son régne, par L.-G. Michald, l'i n des auteurs et éditeur de la Bio-
graphie universelle. Vol. in-8° de 550 pages, avec cartes et gravures,
destiné à former un complément à la Biographie universelle, et im-
primé dans le même forniat. Prix ; 7 fr. et 8 fr. franc de port.
Bien qu'il ait écrit dans des circonstances récentes, et pour l'explication
de ces circonstances, l'auteur de ce volume ne s'est en aucune façon écarté
de l'exactitude, de l'impartialité dont la Biographie universelle a fait
preuve à toutes les époques. Aucun livre ne jette plus de clarté sur l'his-
toire contemporaine. Rien n'y est exagéré ni dissimulé, quoi qu'on en puisse
dire; et l'auteur porte à tous les détracteurs le déli le plus formel d'en
démentir un seul fait, d'en riier une seule assertion. C'est l'histoire telle
qu'elle sera écrite dans un siicle, telle que la postérité doit la connaître.
«^^^ ^*^^ ^
CF
333 00 3 00698 SO 7 0b
BZOCRPPHZE UNIVERSELLE
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41
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