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Full text of "Biographie universelle ancienne et moderne, ou, Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes : Ouvrage entièrement neuf"

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University  of  Ottawa 


littp://ww,w.archive.org/details/biograpliieuniam82mich 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE 


SUPPLEMEN 


SE— SQ. 


1 


Impiimnie  d'F..  DU  VERGER,,  nu-  Hp  Vcrnenil,  0. 


BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 

ANCIENNE  ET  MODERNE. 
SUPPLEMENT, 

ou 

SUITE  DE  L'HISïOIBE  ,  l'AR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE  ,  DE  LA  VIE  PUBLIQUE 
ET  PRIVÉE  DE  TOUS  LES  HOMMES  QUI  SE  SONT  FAIT  REMARQUER  PAR 
LEURS  ÉCRITS  ,  LEURS  ACTIONS  ,  LEURS  TALENTS  ,  LEURS  VERTUS  OU 
LEURS    CRIMES. 

OUVRAGE   ENTIÈREMENT   MEVV, 

RÉDIGÉ  PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTRES  ET  DE  SAVANTS. 


Od  doit  des  égards  aux  vivants;  on  ne  doit  aux  moils 
que  la  vérité.  (Volt.,  première  Lettre  sur  OEdipe,) 


TOME  QUATRE-VINGT-DEUXIÈME. 


A  PARIS, 

AU  BUREAU  DE  LA  BIOGRAPHIE  UNIVERSELLE, 

RUEDUBOULOI,     8, 

ET  CHEZ   BECK,    LIBRAIRE, 

RUE  GIT-LE-CŒUR  ,   Vl. 

^   E.I3LIOTH6CA 


AVIS  DES  ÉDITEURS- 


Comme  toutes  les  branches  du  commerce,  l'entreprise  de  la  Biographie 
universelle  a  souffert  des  derniers  évènements.et  cette  première  édition, 
près  d'être  achevée,  a  éprouvé  des  retards  dont  les  souscripteurs  se  plai- 
gnent avec  raison ,  mais  d'une  manière  aussi  flatteuse  que  faite  pour 
nous  encourager.  Nous  allons  redoubler  nos  efforts  pour  qu'il  n'en  soit 
plus  ainsi,  et  nous  espérons  que,  les  effets  cessant  avec  les  causes,  les 
derniers  volumes  de  ce  grand  ouvrage  ne  seront  pas  indignes  des  pre- 
miers. Ils  ne  tarderont  pas  à  être  publiés. 

Quant  à  ce  quatre-vingt-deuxième  volume,  dont  l'impression  a  exigé 
un  si  long  temps,  on  verra  qu'il  y  a  du  moins  gagné  quelque  chose  sous 
le  rapport  de  la  perfection.  Indépendamment  des  détails  bibliographi- 
ques et  typographiques ,  auxquels  on  a  continué  de  donner  les  plus 
grands  soins,  il  s'y  trouve  des  notices  d'un  très -haut  intérêt  pour  l'his- 
toire contemporaine  qui  doit  nécessairement  former  la  plus  grande  partie 
de  ce  Supplément. 

Au  nombre  de  ces  notices,  il  faut  particulièrement  remarquer  celles 
du  comte  de  Ségur,  de  l'illustre  avocat  du  roi-martyr,  de  Sèze,  celle  de 
Sismondi,  par  M.  Parisot,  felle  de  cet  abbé  Sieyès,  auteur  de  tant  d'intri- 
gues et  de  constitutions  tant  de  fois  imitées,  parodiées,  et  qui  lui  ont  à 
peine  survécu.  Cette  notice,  composée  par  M.  Capefigue,  l'un  des  histo- 
riens les  plus  éclairés  de  notre  époque  ,  jette  une  grande  lumière  sur  les 
causes  de  nos  calamités.  Celle  de  l'amiral  anglais  Sidney  Smith,  dont 
l'histoire  est  aussi  liée  à  tant  de  faits  importants  de  la  guerre  et  de  la 


diplomatie,  n'offre  pas  moins  d'intérêt;' elle  est  composée  par  M.  de  la 
Roquette.  Les  articles  spéciaux  des  sciences,  tels  que  Sebizius,  Siebold^ 
Sœmmering  et  Sprengel,  ont  été  faits  par  les  docteursRenauldin  et  Le- 
roy-Dupré.  Ainsi,  de  même  que  dans  les  premiers  volumes,  chaque  sujet 
continue  à  être  traité  par  des  auteurs  spéciaux.  Nous  pourrions  en  citer 
beaucoup  d'autres;  mais  nous  nous  bornerons  à  Sémonville,  par  M.  Boul- 
lée,  Siméon,  Soulié,  par  M.  Champion,  Sestini,  par  M.  Walckenaer, 
Sgricci,  par  M.  Alby,  Solion,  par  M.  Blondeau,  et  enfin  Somaglia,  qui 
a  été  le  dernier  écrit  du  savant  Artaud  de  Montor.  Ce  fut  réellement  le 
chant  du  cygne  de  cet  homme  si  digne  de  nos  regrets.  lien  lisait  les 
dernières  épreuves  quand  la  mort  l'a  frappé  ;  ainsi  ont  succombé  les 
trois  quarts  de  nos  collaborateurs,  et  déjà  la  plupart  d'entre  eux  doivent 
être  le  sujet  d'un  ouvrage  dont  ils  n'ont  pu  voir  la  fin. 

Après  avoir  parcouru  toutes  les  branches  de  l'histoire  contemporaine, 
on  ne  doit  pas  oublier  le  volume  biographique  sur  l'ex-roi  Louis- 
Philippe,  qui  vient  d'être  publié  par  l'un  de  nous  et  qui  complète  le 
tableau  de  nos  révolutions.  Peu  de  livres  réunissent  dans  un  cadre 
étroit  des  faits  aussi  curieux  et  qui  expliquent  aussi  bien  le  passé ,  le 
présent  et  peut-être  l'avenir.  Si  quelques  jugements  en  ont  été  trouvés 
sévères,  il  doit  suffire  à  fauteur  de  dire  que  dans  cette  histoire,  comme 
dans  toutes  les  autres  parties  de  ce  grand  ouvrage,  on  n'a  cherché  qu'à 
être  vrai. 


SIGNATURES  DES  AUTEURS 

DU  QUATRE-VINGT-DEUXIÈME    VOLUME, 


MM. 

MM. 

A-D. 

Artaud  de  Montor- 

G— T— R. 

Gauthier. 

A— G— s. 

De  Angelts. 

G— y. 

Gley. 

A — N— I». 

ArnOid  aîné. 

J-is. 

JOUROAIN. 

A.  P. 

PÉRicAUD  aîné  (Ant.). 

L. 

Lefebvre-Cauchy. 

A -T. 

H.  AUDIFFRET. 

L — r— J. 

Lacatte-Jolïrois. 

A— Y. 

Alby  (René). 

L— D— É. 

Leroy-Dupré. 

B— D—E. 

Badiche. 

L — M~X 

J.  Lamoureux. 

B— ÉE. 

BOULLÉE. 

L— p— E. 

Hippolyte  de  la  Porte 

B— F— S. 

BONAFOUS. 

M-Dj. 

MiCHAUD  jeune. 

B— H— D. 

Bbrnhard. 

M-É. 

De  Monmerqué. 

B— IN. 

A. -G.  Ballin. 

M— le. 

Mentelle. 

B— L— U. 

Blondeau. 

M— N — 0. 

Anonyme. 

B.  M— ES 

.  Bigot  de  Morogues. 

M— ON. 

Marron. 

B— N— T. 

Bbunet  (Gustave). 

OZ— M, 

OZANAM. 

B— P. 

De  Beauchamp. 

P~OT. 

Parisot. 

B  — R-G. 

BOURGOING. 

P-RT. 

Philbert. 

B-u. 

Beaulieu. 

P-s. 

PÉRIÈS. 

C— F— E. 

Capefigle. 

B-D— N. 

Benauldin. 

C— H— N. 

Champion  (Maurice), 

S.    D.  S- 

y.  SiLVESTRB  DE  SACY. 

C-0. 

COiSSTANClO. 

S.  S-1. 

Simosde-Sismondi. 

D— Es 

Despbés. 

Sx -T. 

De  Stassart. 

D-G. 

Depping. 

T— D. 

Tabaraud. 

D  — ZE. 

De  Sèze. 

V-s-i. 

ViscoNTi  (Sigismond). 

D— z— s. 

Dezos  de  LA'R©0I)ETTE. 

V.  s.  L. 

V 1  ncens-Sai  nt-La  u  rent 

E-s. 

Eyriès. 

W— R. 

Walckenaer. 

F-A. 

FORTIA  d'USDAN. 

W-S. 

Weiss. 

F.      P— T. 

Fabien  Pii.i.et, 

Z. 

Anonyme. 

G~N. 

GuiLT.ON  (Mme). 

BIOGRAPHIE 

UNIVERSELLE, 
SUPPLÉMENT. 


S 


SEABURY  (  Samuel  )  ',  premier 
évêque  de  l'église  épiscopale  des 
États-Unis,  naquit  en  1728.  Fils 
d'un  ministre  évangélique  de  la  con- 
grégation à  Groton,  puis  à  New- 
London ,  il  Gt  de  bonnes  études ,  et 
après  avoir  pris  ses  degrés  au  col- 
lège d'Yale,  il  partit  pour  l'Ecosse, 
dans  le  but  d'y  étudier  la  médecine 
en  même  temps  que  la  théologie. 
Maiss'étant  décidé  pour  l'état  ecclé- 
siastique, il  se  voua  spécialement  à 
cette  dernière  science ,  et  se  rendit 
en  1753  à  Londres,  où  on  lui  conféra 
les  ordres.  De  retour  dans  sa  patrie, 
il  y  devint  ministre  de  la  religion,  et 
après  avoir  rempli  ces  fonctions  dans 
plusieurs  villes  il  remplaça  son  père 
à  New-London.  En  1784,  on  le  choisit 
pour  évêqiie  du  Connecticut,  charge 
qu'il  exerça  avec  autant  de  zèle  que 
de  piélé  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en 
1796. 11  a  publié  des  ouvrages  esti- 
més, savoir  A.  Le  devoir  de  consi- 
dérer les  routes  que  nous  suivons. 
II.  Discours  prononcé  à  Portsmoulh, 
à  l'ordination  de  Robert  Fowle, 
1791.  III.  Sermons^  2  vol.  in-8°.  En 
l'année  1798,  il  a  paru  un  volume  de 
supplément  aux  sermons  de  Samuel. 
Seabury.  r;__ii_K. 

LXXXII. 


SEADEDDIN  (Mohammed-ben- 
Hasandchan  ),  historien  musulman, 
né  en  1536  de  notre  ère,  avait  été  le 
chodscha  ou  précepteur  du  prince  qui 
monta  sur  le  trône  sous  ie  nom  de 
Mourad  ou  Amurat  III,  et  fut  pendant 
tout  le  règne  de  ce  sultan  son  conseil- 
ler politique,  ayant  par  conséquent 
une  grande  influence  dans  le  gouver- 
nement. Aussi  les  puissances  étran- 
gères s'adressaient-elles  à  lui  pour 
faire  réussir  leurs  négociations  à  la 
Porte-Ottomane.  C'est  ainsi  que  la 
France  avait  obtenu  par  son  entre- 
mise, à  ce  qu'il  paraît,  l'assentiment 
du  sultan  à  l'élection  du  duc  d'Anjou 
comme  roi  de  Pologne,  et  que  l'An- 
gleterre le  gagna  pour  faire  agir  la 
Turquie  dans  le  sens  de  la  politique 
anglaise  contre  l'Espagne.  L'histo- 
rien turc  Aali  nomme  Seadeddin  une 
des  quatre  colonnes  soutenant  la  cour 
du  sultan,  dont  l'une  était  le  renégat 
hongrois  Ghasnefer,  qui  devint  dans 
la  suite  grand-maître  de  la  maison 
impériale,  et  fut  toujours  uni  avec 
Seadeddin  contre  leurs  ennemis  com- 
muns, parmi  lesquels  était  le  célèbre 
poète  lyrique  Baki.  Du  reste,  le  pré- 
cepteur paraît  avoir  pris  peu  de 
souci  de  réducation  morale  de  son 
1 


2 


SEA 


élève ,  qui  est  cité  dans  la  sërie  des 
sultans  comme  un  des  plus  débau- 
ches, des  plus  efféminés,  et  qui  fut 
cent  deux  fois  père.  Sous  Mohamed 
ou  Mahomet.  111,  fils  de  Mourad,  Sea- 
deddin  conserva  d'abord  la  grande 
autorité  dont  il  avait  joui  sous  le 
règne  du  père.  L'histoire  ne  dit  pas 
s'il  eut  part  à  l'horrible  résolution 
qui  fut  prise  dans  le  sérail  de  faire 
étrangler  par  des  muets  les  dix- 
neuf  frères  du  nouveau  sultan ,  et  de 
noyer  sept  femmes  enceintes  pro- 
venant du  harem  de  son  père,  où 
il  y  avait  cinq  cenis  femmes  esclaves. 
Mahomet  désigna  Seadeddin  avec  le 
grand-visir  pour  raccompagner  dans 
la  guerre  de  Hongrie,  et  là,  le 
ci-devant  précepteur  montra  une 
énergie  qui  contribua  au  succès  des 
Turcs,  et  qui  Ta  fait  considérer 
comme  l'auteur  de  leur  victoire.  Eu 
effet,  quand  après  la  prise  de  la  ville 
d'Erlau  par  les  chrétiens  le  sultan, 
qui  n'était  pas  plus  brave  que  ne 
l'avait  été  son  père,  tint  un  conseil 
de  guerre,  pour  savoir  s'il  ne  conve- 
nait pas  de  s'occuper  de  la  retraite, 
Seadeddin  exposa  la  nécessité  de 
tenir  ferme  et  de  prendre  l'offensive 
contre  l'armée  ennemie ,  ajoutant 
qu'il  était  inouï  qu'un  padischa  des 
Ottomans  tournât  le  dos  aux  ennemis 
sans  y  être  contraint.  Mahomet  n'é- 
tait pas  encore  très-rassuré  ;  mais 
d'accord  avec  les  grands  fonction- 
naires ses  amis,  Seadeddin  obtint 
enfin  que  ce  prince  livrât  bataille  aux 
Allemands  et  aux  Hongrois  auprès 
des  marais  de  Keresztes.  A  la  tête 
des  juges  de  l'armée,  il  se  tint  à  la 
gauche  du  lâche  sultan,  qui  cher- 
chait son  salut  auprès  de  l'étendard 
du  prophète.  La  bataille  ne  fut  ga- 
gnée par  les  Turcs  que  parce  que 
leurs  ennemis,  vainqueurs  d'abord, 
se  jetèrent  en  confusion  sur  les  tré- 


SEA 

sors  pour  les  piller,  ce  qui  donna 
aux  musulmans  le  temps  de  les  sur- 
prendre et  de  les  tailler  en  pièces. 
Mais  le  grand-visir  Cicala  ayant  en- 
suite puni  cruellement  les  troupes 
turques  qui  n'avaient  pas  répondu  k 
l'appel  de  guerre  ou  qui  avaient  re- 
culé dans  les  combats  ,  souleva 
contre  lui  une  partie  de  l'armée.  Il 
fut  disgracié,  et  Seadeddin  ,  un  de 
ses  partisans ,  fut  enveloppé  dans  sa 
disgrâce  ;  toutefois  Mahomet ,  res- 
pectant en  lui  son  conseiller,  se 
borna  à  lui  enjoindre  de  se  retirer 
de  la  cour,  quoique  Baki  et  ses  au- 
tres ennemis  eussent  voulu  le  faire 
exiler  de  Constantinople.  Seadeddin 
avait  dans  le  harem  des  intelligences, 
grâce  auxquelles  il  conserva  la  bien- 
veillance de  son  maître.  En  1597,  le 
sultan  lui  conféra  même  la  charge 
vacante  de  moufti ,  que  Baki  avait 
aussi  sollicitée.  En  vain  le  grand- 
visir,  ennemi  de  Seadeddin,  avait  fait 
tous  ses  efforts  pour  empêcher  la 
nomination  de  celui-ci;  Mahomet 
demeura  ferme  dans  sa  résolution. 
Dès  lors  le  nouveau  moufti  intrigua 
avec  ses  amis  pour  faire  tomber  le. 
grand-visir  Hasan,  en  mettant  dans 
leurs  intérêts  la  sultane  Validé,  qui 
conservait  beaucoup  d'influence  sur 
le  sultan  son  fils,  et  que  le  grand- 
visir  avait  compromise  en  publiant 
qu'elle  avait  partagé  avec  lui  les 
exactions  qu'on  lui  imputait.  A  force 
d'intrigues,  ils  obtinrent  l'ordre  de 
faire  conduire  le  grand-visir  dans 
les  Sept-Tours  et  de  l'étrangler  ; 
après  quoi  ses  biens  lurent  confis- 
qués au  profit  du  sultan,  et  l'ancien 
grand-visir  Ibrahim ,  beau-frère  du 
monarque,  fut  rétabli  dans  cette  di- 
gnité. Seadeddin  continuad'intriguer 
avec  la  sultane  Validé  et  avec  son  ami 
Ghasnefer  pour  conférer  les  dignités 
importantes  de  l'empire  ;  ils  réussi- 


SEB 

rent  notamineut  à  Caire  réintégrer 
Cicala  dans  le  poste  de  capiian-pa- 
cha  ou  grand-amiral ,  et  ils  surent 
empêcher  rarniisticc  que  négociait 
l'Espagne  auprès  de  la  Porte.  L'âge 
n'avait  point  affail)li  dans  ce  courtisan 
le  goût  des  intrigues  politiques  ;  mais 
Je  2  octobre  1599, jour  anniversaire 
de  la  naissance  du  prophète  Maho- 
met, Seadeddin  mourut  subitement 
dans  la  jnosquée  Aja-Sofia,  oîi  il  se 
disposait  à  faire  ses  prières.  Quatre 
fils,  tous  occupant  des  postes  con- 
sidérables dans  l'ordre  des  ulémas, 
portèrent  son  corps  à  la  tombe  érigée 
à  Éjoub.  Baki,  son  rival  et  son  ad- 
versaire, lui  succéda  dans  le  poste  de 
rnoulti;  mais  il  ne  lui  survécut  que 
six  mois.  Seadeddin  a  traduit  du 
persan  en  turc  ['Histoire  univer- 
selle, de  Lari,  et  il  est  auteur  d'une 
Histoire  de  l'empire  Ottoman,  de- 
puis la  fondation  de  cet  empire  jus- 
qu'à la  mort  de  Sélim  F'',  ouvrage 
que  M.  de  Hammer  (1)  qualifie  de 
modèle  unique  de  l'historiographie 
osmane,  à  cause  de  la  pompe  asiatique 
du  style;  mais  il  ne  vaut  pas,  sous 
le  rapport  de  la  vérité,  l'histoire 
écrite  par  Aali,  contemporain  de  Sea- 
deddin, qui  ne  fut  pas  courtisan  et 
ambitieux  comme  lui.  La  biographie 
de  l'ancien  précepteur  de  Mourad  se 
trouve  parmi  celles  des  ulémas  qu'a 
rassemblées  son  compatriote  et  con- 
temporain Ataii.  D— G. 

SÉBA.  Voy.  David,  X,  592. 

SÉBASTIAN-LATRE  (don  Tho- 
mas) ,  littérateur  espagnol,  né  vers 
1740,  d'une  famille  noble,  eut  dès 
sa  jeunesse  les  titres  de  secrétaire 
du  roi  et  de  conseiller  d'État,  pure- 
ment honorifiques,  et  dont  il  ne 
remplit  point  les  fonctions.  Sa  vie 


(l)   Geschichte   des   Osmanischen  Btiches, 
2*  édit.,  Pesth,  i834,  t.  H,  liv.  41. 


SEB  3 

entière  fut  consacrée  aux  lettres,  et 
ses  premiers  essais  furent  des  traduc- 
tions de  Racine  en  vers  espagnols. 
11  conçut  pour  ce  poète  une  grande 
admiration,  qu'il  s'efforça  long- 
temps de  faire  partager  à  ses  com- 
patriotes, leur  attestant  qu'il  était  de 
beaucoup  supérieur  à  Calderon,  à 
Lope  de  Vega,k  Moreto ,  à  Solis, 
à  Roxas,  etc.,  ce  qui  déplut  singuliè- 
rement à  l'orgueil  national,  et  nuisit 
aux  succès  de  Sébastian-Latre.  Ce  fut 
en  vain  qu'il  essaya  de  démontrer  aux 
Espagnols  que  sous  le  rapport  du 
goût  et  de  l'invention  les  ouvrages 
de  Racine  ne  devaient  pas  être  com- 
parés aux  productions  romanesques 
de  ces  auteurs ,  et  surtout  à  celles 
de  Roxas.  Pour  le  prouver,  il  fit  lui- 
même  ,  d'une  mauvaise  comédie  de 
celui-ci ,  sous  le  titre  de  Progné  et 
Philomèle,  une  pièce  très -bonne 
et  qui  eut  beaucoup  de  vogue  ;  ce 
qui  n'empêcha  pas  le  docteur  Signo- 
relli ,  qui  a  publié  une  Histoire  du 
théâtre  ancien  et  moderne ,  de  dire 
que  Sébastian-Latre  aurait  mieux  fait 
de  composer  des  pièces  nouvelles 
que  de  refaire  les  anciennes.  Ce 
poète  mourut  en  1806.  Les  ouvrages 
qu'il  a  publiés  sont  :  LUne  traduction 
en  vers  espagnols  de  la  tragédie  de 
Britannicus.  II.  Essai  sur  le  théâtre 
espagnol,  1772,  in-4''.  III.  Disser-^ 
talion  sur  la  littérature  arahe,  1775, 
in-4°.  IV.  Dissertation  sur  l'élo- 
quence grecque  et  romaine,  1788, 
in-i".  V.  La  vie  des  trois  fameux 
poètes  espagnols,  Lope  de  Vega, 
Calderon ,  Moreto  ,  avec  un  juge- 
ment de  leurs  ouvrages,  1790,  in-é". 
VI.  Histoire  du  théâtre  grec  et  ro- 
main, Madrid,  1804,  3  vol.  in-4°. 
C— o. 
SÉBASTIAM  (Lazare),  peintre, 
né  à  Venise,  fut  élève  de  Carpaccio,  et 
et  non  son  fils,  comme Vasari  l'avance 
1. 


4  SEB 

par  erreur.  C'est  lui  qui  Jiitchargépar 
les  chevaliers  de  l'ordre  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem  de  peindre  dans  l'a- 
vant-salle de  leur  maison  ,  où  est  dé- 
posé le  morceau  de  la  vraie  croix,  qui 
leur  fut  donné  en  1369,  le  moment 
où  le  chevalier  Philippe  Mazeri  ap- 
porte  à  Venise  cette  sainte  relique. 
On  voit  aussi  dans  l'église  de  Saint- 
Sauveur  un  tableau  consacré  a  la 
Vierge,  et  placé  à  droite,  en  entrant 
dans  la  sacristie.  Ce  tableau  est  di- 
visé en  cinq  compartiments.  Celui 
du  milieu  représente  saint  Augus- 
tin entouré  d'un  grand  nombre  de 
religieux  à  genoux  et  le  bréviaire 
à  la  main;  dans  celui  du  haut,  on 
voit  le  Christ  mort  soutenu  par  des 
anges.  Il  existe,  dans  l'église  des  re- 
ligieuses du  Corpus  Domini,  un  ta- 
bleau représentant  sainte  Vénérande 
assise  dans  la  gloire  céleste  auprès 
de  J.-C.  De  chaque  côté  sont  plu- 
sieurs figures  de  saintes  et  un  ange 
qui  joue  du  luth  ;  le  fond  est  enrichi 
de  fabriques  d'un  excellent  style.  Cet 
artiste  a  encore  exécuté  pour  l'église 
de  St-Ântoine  un  tableau  d'autel  re- 
présentant une  Notre-Dame  de  Pitié, 
et  deux  autres  petits  tableaux,  dans 
l'un  desquels  il  a  peint  saiiU  Anas- 
/ase,  et  dans  l'autre  sam(/?oc/i.  P— s. 
SÉBASTIEN  de  Saint-Paul  (  le 
père),  dont  le  nom  de  famille  était 
Petyt,  né  en  1630  à  Enghien,  ville 
du  Hainaut,  entra  dans  l'ordre  des 
Carmes,  où  il  professa  long-temps  la 
philosophie,  la  théologie,  et  remplit 
des  fonctions  importantes.  Adniel- 
lant,  comme  un  grand  nombre  de  ses 
confrères,  la  haute  antiquité  de  leur 
institut  qu'ils  faisaient  remonter  jus- 
qu'au prophète  Élie,  il  prit  une  part 
active  aux  disputes  survenues  à  ce 
sujet  entre  les  Carmes  et  les  Bollan- 
distes.  11  publia  d'abord:  1.  Libellus 
^upplex  ad  beaiiss.  2^opam  Jnno- 


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centitim  XI,  pro  origine  et  antiqui- 
taie  nrd.  carme/.,  Francfort,  1683, 
in-4".  II.  Exhibitio  errorum  quos 
P.  Daniel  Papebrochius,  soc.  Jesu^ 
suis  in  notis  ad  Acta  Sanctorum 
commisit ,  ad  hinocentium  XJI , 
pontif.  max.  oblata,  Cologne,  1693, 
in-'i".  III.  Motivtim  juris  pro  libro 
cui  titulus  est  :  Exhibitio,  etc.,  An- 
vers, 1694,  in-4°.  TV.  Appendix  ad 
Motivum  juris,  Anvers,  1694,  in-4<'. 
Ces  divers  écrits  ne  restèrent  pas 
sans  réponse  de  la  part  des  Bollan- 
distes  Le  P.  Conrad  Janning  les  ré- 
futa tous  les  quatre  dans  le  tome  l^"" 
des  Acta  Sanct.  du  mois  de  juin.  Le 
P.  Papebroch,  attaqué  nominative- 
ment et  sous  le  poids  d'une  condam- 
nation prononcée  par  l'inquisition 
d'Espagne  contre  les  14  volumes  qui 
portaient  son  nom,  obtintnéanmoins 
la  permission  de  se  justifier  et  pu- 
blia: Responsio  ad  Exhibitionem  er- 
rorum, etc.,  Anvers,  1696-99,  3  vol. 
in-4<'  {voy.  Papebroch,  XXXII,  515). 
?.lais,  dès  1697,  le  tribunal  du  saint- 
office  avait  prohibé  tous  les  écrits 
relatifs  à  cette  querelle,  dans  la- 
quelle d'ailleurs  de  savants  religieux 
carmes  avaient  déclaré  ne  pas  vou- 
loir entrer.  Enfin  le  pape  Inno- 
cent XII,  pour  terminer  la  polémi- 
que, imposa  silence  aux  deux  partis, 
en  1698.  Le  P.  Sébastien  de  Saint- 
Paul  mourut  à  Bruxelles  le  2  août 
1706,  P— ET. 

SEBIZIUS,  en  allemand  Sebiz  ou 
Sebisch  (Melchior),  professeur  en 
médecine  k  Strasbourg,  naquit  en 
1539  à  Falkenberg,  ville  du  duché 
d'Oppelen  en  Silésie.  Son  père,  qui 
était  docteur  en  droit  et  conseiller 
du  duc  d'Olnilz,  lui  fit  d'abord  étu- 
dier les  lois  \  mais,  à  l'Age  de  24  ans, 
Melchior  abandonna  l'étude  de  la 
jurisprudence,  et  se  livra  à  celle  de 
la  médecine  pour  laquelle  il  se  sen- 


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(ait  une  vocation  décidée.  Il  consa- 
cra ensuite  plusieurs  années  à  des 
voyages  qui  devaient  augmenter  la 
somme  de  ses  connaissances.  C'est 
ainsi  qu'en  1566  il  suivit  les  cours  de 
l'e'cole  de  Montpellier,  et  qu'en  1569 
il  parcourut  les  universités  de  l'Ita- 
lie. En  repassant  par  la  France,   il 
se  fit  recevoir  docteur  à  Valence , 
le  25  août  1571.  De  retour  en  Alle- 
magne, Sebizius  devint  médecin  de 
la  ville  deHaguenau;  puis  se  fixa 
définitivement  à  Strasbourg,  où  ses 
talents  l'élevèrent  au  rang  de  pro- 
fesseur, et  lui  valurent  un  canonicat 
dans  le  chapitre  de  Saint-ThomaSi 
Déclaré  vétéraia,  en  1612,  il  fut  rem- 
placé dans  sa  chaire  par  son  fils,  dont 
l'article  suit,  et  mourut  à  Strasbourg 
le  19  juin  1625,  à  l'âge  de  86  ans.  11 
n'a  rien  publié  sur  la  médecine  pro- 
prement dite;  mais,  comme  il  avait 
cultivé  à  fond  l'histoire  naturelle, 
surtout  celle  des  plantes,  il  donna, 
sous  le  litre  de  Neu  Krceuter-buch, 
une  nouvelle  édition  de  la  botanique 
de  Tragus,  qui  est  la  meilleure  de 
ce  livre,  parce  que  Sebizius  l'a  non- 
seulement  corrigée,  mais  augmentée 
d'une  quatrième   partie,  qui  com- 
prend la  description  des  éléments,  la 
zoologie,  etc.  {voy.  Bock,  IV,  630). 
On  lui  doit  aussi  la  traduction  en  al- 
lemand de  la  Maison  rustique  d'Es- 
tienne  et  Liébault.         R— d— n. 

SEBIZIUS  (Melchior),  fils  du 
précédent,  vint  au  monde  à  Stras- 
bourg le  15  juillet  1578.  Après  avoir 
terminé  avec  succès  son  cours  de 
philosophie,  il  se  livra  avec  ardeur 
à  l'étude  de  la  médecine  sous  la  di- 
rection de  son  père  et  d'Israël  Spa- 
chius.  Il  suivit,  dii-on,  les  leçons  de 
vingt-sept  universités ,  mais  plus 
spécialement  de  celle  de  Bâle,  où  il 
reçut  le  bonnet  de  docteur  le  26  juin 
1610  \  il  avait  par  consé(juent  32  ans, 


tardive  réception  sans  doute  ,  mais 
qui   s'explique    par    les  nombreux 
cours  qu'il  suivit  dans  tant  d'univer- 
sités. Le  27  mars  1612,  après  la  re- 
traite de  son  père,  il  devint  profes- 
seur en  médecine,  puis  archiâtre  de 
Strasbourg  et  chanoine  du  chapitre 
de  Saint-Thomas.  Sa  haute  réputa- 
tion lui  mérita  la  bienveillance  de 
l'empereur  Ferdinand  II,  qui  lui  con- 
féra le  titre  de  comte  palatin  le  7  oc- 
tobre 1630.  En  cette  qualité,  Sebi- 
zius créa   lui-même   qUarante-sept 
notaires    impériaux.    Malgré     son 
grand  âge,  il  continua  de  remplir 
avec  assiduité  ses  fonctions  de  pro- 
fesseur jusqu'à  sa  mort,  qui  arriva  le 
25  janvier  1674  ,  à  l'âge  de  95  ans. 
Jusqu'à  la  maladie    dont  il  mourut 
sa  santé  n'avait  souffert  aucune  at- 
teinte ;  il  ne  s'était  jamais  servi  de 
lunettes,  et  n'eut  dans  son  extrême 
vieillesse  d'autre  incommoditéqu'une 
légère  surdité.  On  ne  doit  pas  s'é- 
tonner que,  pendant  une  si  longue 
carrière  d'enseignement,  il  ait  com- 
posé un  grand  nombre  de  disserta- 
tions académiques  roulant  pour  la 
plus  grande  partie  sur  les  ouvra- 
ges de  Galien,  et  qui  dénotent  une 
vaste  érudition  ;  aussi  doit-on  sou- 
scrire au  jugement  de  Boerhaave , 
lorsqu'il  dit  de  Sebizius  :  Egregius 
scriptor,  summœ  eruditionis.  {Me- 
thodus  stud.  med.,  t.  II ,  p.  693.) 
Boerhaave   ajoute  qu'on   trouverait 
à  peine  un  auteur  qui  eût  mis  autant 
de  distance  entre  ses  écrits,  dont  les 
uns  ont  commencé  avec  sa  vingtième 
année  et  dont  les  autres  se  sont  con- 
tinués sans  interruption  jusqu'à  sa 
quatre-vingt-quinzième.  Plusieurs 
biographes  ont  erré  en  attribuant  à 
Haller  ces  mots  sur  Sebizius:  Erudi- 
tus  vir,  parum  usus  propriis  experi- 
mentis.   Comme  il  serait  trop  long 
de  citer  les  nombreux  ouvrages  sor- 


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SEB 


tis  de  k  plume  de  Sebizius,  nous 
nous  bornerons   aux  principaux  :  I. 
IJissertatio  inauguralis  de  urinis, 
Bâie,  ICIO,  in-4°.  H.  Discursmme- 
dico-philosophicus  de  casu  adoles- 
centis   cujusdam ,    qui    anno    1617 
morluus  repcrlus  est ,  adjacente  ipsi 
serpente,  Strasbourg,    IfilT,  in- 4", 
1618,  lf)"24, 1660,  in-4°,  avec  un  Ap- 
pendix  de  quibusdam  serpentum  ge  • 
neribus.  L'auteur  croit  que  le  ser- 
pent avait  séjourne?  dans  le  corps  du 
jpnneliomme,  ci  l'avait  étranglé  en 
sortant    par   la   trachée-artère  :   sa 
conjecture  ne  nous  paraît  pas  ration- 
nelle.   III.  Exercilationes   medicœ 
triginta  sex,  ab  anno  1622  ad  1636 
propositte^  Strasbourg,  1636,  in-4°. 
IV.  Historia  fœminœ.  quœ  ventrem 
supra  modum  tumidum  geslavit  ul- 
tra decennium^  et  tum  hydrope  ute- 
rino  tum  molis  carnosis  76  fuit  con- 
flictata,  Strasbourg,  1627,  in-4''.  V. 
De  dysenteriœ  natura ,  causis,  dif- 
ferenliis,  signis  diagnosticis  et  pro- 
gncsticis,   Strasbourg,   1628,  in-8\ 
Vl.Miscellanearum  quœstionum  me- 
dicarum     fasciculi    quinquaginta 
très,  Strasbourg.  1630,  1638,  in-S". 
Vil.  Galeni  ars  parva  in  XXX  dis- 
putationes    resoluta,  ibid. ,   1633, 
1638,   in  8".    VIII.    Description  de 
quelques  abus  qui  ont  régné  jusqu'à 
présent  dans  les  bains  d'eaux  miné- 
rales et  -autres  (en  allemand),  Stras- 
bourg, 1647,  in-8°.  Après  avoir  parle 
de  quelques  eaux  acidulés  voisines 
de  l'Alsace,  l'auteur  recommande  de 
ne  pas  faire  un  usage  trop  abondant 
de  ces  eaux,  de  ne  pas  les  boire  trop 
précipitamment,   et   de  ne  pas  les 
faire  chauffer.  IX.  De  alimentorum 
facullatibus  libri  IV,  ibid.,  1650, 
in  4"  ;  ample  recueil  de  ce  que  les  an- 
ciens ont  écrit  de  plus  important  sur 
les  aliments  dans  leurs  rapports  avec 
la  médecine  et  l'histoire  naturelle. 


X.  Galeni  libri  quinque  priores  de 
simplicium  medicamentorum  facul- 
latibus in  iC}  dissertât,  resoluti  cum 
corollariis  183,  Strasbourg,  1651  , 
in-S",  XI.  De  marasmo  et  graciles- 
centia  sanorum  et  œgrotantium, 
crassitie  et  obesitate  naturali  et 
morbosa.  ibid.,  1658,  m-i".  XII.  Ma- 
nuale,  seu  Spéculum  m,edicinœ  prac- 
tictim  in  usus  tyronum,  ihid.^  1659, 
in  8°,  1661,  in-S».  Tomus  posterior, 
ibid.,  1661,  in-80.  XIII.  JFa^amenîJuZ- 
nerum  singularum  corporis  par- 
tium,  quatenus  vel  lethalia  sunt,  vel 
incurabilia,  vel  ratione  eventus  sa- 
lutaria  et  sanabilia,    Strasbourg , 

1638,  in-i»;    ibid.,    1639,    in-4». 

R— D— N. 
SEBIZIUS  (Jean-Albert),  fils 
de  celui  qui  fait  le  sujet  de  l'article 
précédent,  vit  le  jour  à  Strasbourg 
le  22  octobre  1615.  Adonné  de  bonne 
heure  à  l'élude  de  la  médecine,  il  y 
fit  de  grands  progrès  sous  les  yeux 
de  son  père;  puis,  suivant  la  cou- 
tume de  cette  époque,  qui  consistait 
à  quitter  le  pays  natal  pour  voyager 
et  se  perfectionner  en  visitant  les 
universités  étrangères,  il  se  rendit  à 
BâIe,  à  Montpellier  et  à  Paris.  Après 
avoir  suivi  pendant  quelque  temps 
les  leçons  des  professeurs  de  ces  fa- 
cultés, il  revint  à  Strasbourg  en 

1639,  et  y  reçut  le  bonnet  de  doc- 
teur l'année  suivante.  Comme  il 
avait  cultivé  spécialement  l'anato- 
mie,  il  fut  choisi  en  1652  pour  en- 
seigner cette  science,  et  il  s'acquitta 
de  .ses  fonctions  avec  une  assiduité 
exemplaire.  Il  devint  aussi,  comme 
son  père  et  son  aïeul,  chanoine  de 
Saint-Thomas  et  médecin  de  la  ville 
de  Strasbourg.  Il  avait  acquis  l'es- 
time de  ses  collègues  au  point  qu'ils 
le  nommèrent  leur  doyen  jusqu'à 
vingt-une  fois,  et  qu'il  emporta  tous 
leurs  regrets  lorsque  la  mort  vint  le 


frapper,  le  8  février  1685  ,  dans  la 
soixante-dixième  année  de  son  âge. 
lia  publié;  I.  Anatomîcœ  these-^  mis- 
cellaneœ,  Strasbourg,  1653,  in-^", 
II.  Problemata  anatomica  quœ- 
dam,  ibid.,  1662,  in-io.  111.  DeJEs- 
culapio  inventore  medicinœ,  ibid., 
1669,  m-i".  IV.  Exercitationes  pa- 
thologicœ,  ibid.,  16691682,  in-4". 
C'est  un  recueil  de  vingt-cinq  dis- 
sertations sur  la  pathologie.  Il  en  a 
publié  d'autres  encore  sur  différents 
sujets,  teis  que  la  syncope,  la  rate, 
l'estomac,  l'inanition,  la  phthisie, 
la  cachexie  ,  la  colique ,  le  ver- 
tige, etc.  (l).  R— D— N. 

SEBIZIUS  (Melchior),  fils  de 
Jean-Albert,  était  aussi  de  Stras- 
bourg, 011  il  prit  naissance  le  18  jan- 
vier 1664.  Voulant  soutenir  digne- 
ment l'honneur  de  son  nom,  il  étu- 
dia les  principes  de  l'art  de  guérir, 
d'abord  dans  la  ville  où  il  était  né, 
ensuite  à  Paris,  dont  il  fréquenta  as- 
sidûment les  écoles  pour  perfection- 
ner son  éducation  médicale.  Revenu 
à  Strasbourg ,  il  s'y  fit  recevoir  doc- 
teur en  1688  ;  puis,  en  1701,  il  obtint 
une  chaire  de  médecine  ;  mais  il  y 
avait  à  peine  trois  ans  qu'il  était 
installé,  lorsqu'il  mourut  le  13  no- 
vembre 170i,  pendant  qu'il  occupait 
en  même  temps  la  charge  de  recteur 
de  l'université.  Il  a  publiée  1.  Dis- 


(l)  La  plupart  desdissertatioDS  attribuées 
a  ce  inédeciu  n'étaient  que  des  tbèses  dout 
il  arrêtait  sans  doute  le  programme,  mais 
qui  étaient  soutenues  par  des  étudiants  de 
l'université  de  Strasbourg.  Nous  avoiis  sous 
les  yeux  i.-elle  qui  a  |)aru  sous  oe  titre  :  Dis- 
seitatio  phitologico-medica  de  JEsculapio  in- 
venfort  raet^j'c/na',  Strasbourg,  1660,  in-4o,de 
VIII  et  7'2  pag.  Elle  est  lerininée  |)ar  un  co- 
rollaire ou  série  de  questions  relatives  à 
l'art  médical,  i)armi  lesquelles  on  remarque 
celle-ci  ;  Un  vieux  médecin  doit-il  e'tre  préféré 
à  un  jeune?  Les  quatre  Sebizius  n'ont  point 
d'articles  dans  le  Dictionnaire  historique  de 
la  médecine,  de  M.  Dezeimeris.      L — m — x. 


SEC  7 

seriaiio  de  risu  et  fletu,  Strasbourg, 
1684,  in-40.  II.  Dïsser^  de  sudore, 
ibid.,  1688,  in-i";  c'est  sa  thèse 
inaugurale.  III.  Dissert,  de  origine 
fontium  et  fluviorum,  ibid.»  1699, 
in -4°.  IV.  Dissert,  de  urina toribus 
et  arle  urinandi,  ibid.,  1700,  in-4''. 
Il  est  digne  de  remarque  que  les 
quatre  médecins  dont  nous  venons 
d'esquisser  la  vie ,  tous  les  quatre 
de  la  même  famille  et  portant  le 
même  nom,  ont  exercé  avec  succès 
le  professorat  en  médecine  dans  la 
ville  de  Strasbourg  pendant  cent 
trente  ans  sans  interruption. 

R— D— N. 
SECANO  (Jérôme)  ,  peintre  et 
sculpteur,  naquit  en  1638  à  Sarra- 
gosse  où  il  apprit  les  premiers  élé- 
ments de  la  peinture.  Venu  à  Ma- 
drid pour  perfectionner  son  talent, 
il  y  étudia  avec  fruit  les  beaux  ta- 
bleaux que  renferment  les  palais  de 
cette  ville,  el  son  assiduité  au  tra- 
vail seconda  les  heureuses  disposi- 
tions qu'il  avait  reçues  delà  nature. 
Il  suivit  avec  la  même  régularité 
les  divers  cours  que  faisaient  les 
meilleurs  professeurs,  soit  en  pu- 
blic, soit  en  particulier.  Devenu  ca- 
pable de  travailler  sans  aide  ni  con- 
seil, il  retourna  à  Sarragosse  où  l'on 
s'empressa  de  l'employer  à  l'exécu- 
tion de  plusieurs  tableaux  pour  l'é- 
glise de  Saint -Paul.  Il  s'en  tira  avec 
honneur  et  l'on  crut  alors  devoir  lui 
confier  les  peintures  de  la  chapelle 
de  Saint -Michel  et  la  fresque  de 
la  coupole.  Dessinateur  correct  et 
coloriste  habile,  il  donna  dans  ses 
diverses  compositions,  tant  à  l'huile 
qu'à  fresque,  des  preuves  manifes- 
tes de  ce  double  talent.  L'hôtel-de- 
ville  le  chargea  d'exécuter  quatre 
tableaux  pour  la  saile  des  députés. 
Jusqu'à  cinquante  ans  il  n'avait 
fait  que  peindre  ;  il  tenta  à  cet  âge 


s 


SEC 


de  cultiver  la  sculpture  et  fit  voir 
qu'il  n'avait  pas  de  moins  rares 
dispositions  pour  cet  art  que  pour 
la  peinture.  11  avait  ouvert  une  e'cole 
dans  laquelle  il  professa  ces  deux 
arts  avec  succès,  et  d'où  sont  sor- 
tis d'habiles  élèves  dans  les  deux 
genres.  Secano  mourut  à  Sarragosse 
en  1710.  P— s. 

SECCAKTE  (Sébastien),  peintre, 
natif  d'Udine,  fut  élève  de  Pompo- 
nio  Amalteo.  Il  se  fit  connaître  dans 
sa  patrie  par  deux  grands  tableaux 
oii  l'on  admire  de  beaux  portraits 
frappants  de  ressemblance,  et  que 
l'on  voit  dans^  une  des  salles  du 
château  de  la  ville,  et  surtout  par 
quelques  tableaux  d'autel  dans  les- 
quels il  déploya  un  talent  peut-être 
plus  original  encore.  On  cite,  entre 
autres,  un  Christ  succombant  sons 
le  poids  de  sa  croix,  entouré  d'anges 
qui  tiennent  les  autres  instruments 
de  la  passion,  et  qui  est  le  plus  bel 
ornement  de  l'église  de  Saint-Geor- 
ges. On  ne  peut  rien  voir  de  plus 
gracieux  que  les  figures  d'anges  qui 
environnent  le  Sauveur  dont  l'ex- 
pression n'est  pas  moins  remarqua- 
ble ;  on  y  reconnaît  l'excellence  des 
principesqu'il  avait  reçus  d'Amalteo. 
Ce  dernier  maître  avait  pour  le  ta- 
lent de  son  élève  une  si  grande  es- 
time, qu'il  lui  donna  une  de  ses 
filles  en  mariage.  Sébastien  est  re- 
gardé comme  le  dernier  soutien  de 
la  belle  école  fondée  par  Amalteo. 
Il  mourut  vers  1576.  —  Seccante 
(  Jacques  ),  frère  du  précédent,  com- 
mença à  cultiver  la  peinture  à  l'âge 
de  50  ans  seulement.  Il  travaillait 
encore  en  1571. —  Seccante,  le  jeune 
{Sébastien),  fils  du  précédent,  naquit 
vers  1550  et  s'appliqua  à  la  peinture 
dès  sa  plus  tendre  jeunesse  ;  mais, 
malgré  tous  ses  efforts,  il  ne  put 
même  s'élever  à  la  hauteur  de  son 


SEC 

père  dont  le  talent  était  déjà  bien 
inférieur  à  celui  du  premier  Sébas- 
tien. Il  mourut  vers  1629.—  Sécante 
de'  Seccanti ,  autre  peintre  de  la 
même  famille,  et  disciple  de  la  même 
école,  travaillait  encore  en  1621 ,  mais 
il  ne  s'est  pas  élevé  au-dessus  du  mé- 
diocre. P — s. 

SECILE  ou  SICILE  (Jean),  hé- 
raut d'armes  d'Alphonse  V,  roi  d'Ara- 
gon, est  un  des  premiers  écrivains 
qui  aient  composé  des  livres  sur  le 
blason.  Ses  connaissances  approfon- 
dies dans  l'art  héraldique  le  firent 
nommer  maréchal  d'armes  du  pays 
de  Hainaut.  11  est  resté  de  lui  deux 
ouvrages  en  prose  :  Le  Blazon  de 
toutes  armes  et  escutz ,  très-néces- 
saire, utile  et prouffitable  à  tousno- 
blés  et  seigneurs  pour  icelles  bla- 
zonner  en  sept  sortes  de  manières  , 
Paris,  1495,  in-8o  5  Lyon,  1503,  in-S»; 
sans  lieu  ni  date,  in-8°. —  Le  Blazon 
des  couleurs  ou  armes,  livrées  et  de- 
vises très-utile  et  subtil  pour  sça- 
voir  et  cognoistre  d'une  chacune 
couleur  la  vertu  et  propriété,  m-80, 
sans  lieu  ni  date.  Devenus  fort  rares, 
ces  ouvrages  sont  recherchés  des  cu- 
rieux. La  bibliothèque  du  roi  pos- 
sède de  Secile  un  traité  des  armoiries 
ou  du  comportement  des  armes, 
resté  inédit,  et  sur  lequel  M.  Pau- 
lin Parisa  donné  quelques  détails  dans 
le  savant  ouvrage  qu'il  consacre  à 
la  description  des  Manuscrits  fran- 
çais de  la  bibliothèque  du  roi,  t.  III, 
p.  281.  B— N— T. 

SECK.ER  (  Thomas  ) ,  prélat  an- 
glican, naquit  en  1693, à  Sibthorp, 
dans  le  comté  de  Nottingham.  Fils 
d'un  protestant  dissenter,  il  fut  d'a- 
bord destiné  à  exercer  le  ministère 
évangélique  dans  cette  communion 
et  s'y  prépara  par  de  bonnes  études  ; 
mais  ayant  été  à  même  d'observer 
les  divisions  qui  existaient  parmi  ses 


SEC 


SEC 


co-religionnaires ,  il  tourna ,  pour  le 
choix  d'une  carrière,  ses  vues  d'un 
autre  côte'.  La  médecine  alors  lui 
parut  être  sa  vocation ,  et  deux  ans 
d'assiduité  aux  divers  cours  faits  à 
Londres,  suivis  de  quelque  séjour 
à  Paris,  où  il  étendit  ses  études  mé- 
dicales à  la  chirurgie  et  à  l'art  des 
accouchements,  semblaient  l'atta- 
cher pour  toujours  à  cette  profes- 
sion, lorsqu'une  autre  perspective 
s'ouvrit  à  ses  yeux.  Un  condisciple 
et  un  ami  qu'il  avait  laissé  en  Angle- 
terre ,  et  avec  lequel  il  était  en  cor- 
respondance ,  lui  fit  entrevoir  une 
position  très-avantageuse  s'il  se  ré- 
solvait à  entrer  dans  le  sein  de  l'é- 
glise établie.  Secker  y  ayant  con- 
senti ,  Talbot ,  récemment  promu  à 
l'évêché  de  Durham  ,  lui  conféra  les 
ordres ,  et  le  choisit  pour  être  un  de 
ses  chapelains.  Dès  lors ,  pourvu 
d'un  riche  rectorat,  il  épousa,  en 
1725,  la  sœur  de  l'évêque  Benson. 
Devenu  depuis  un  des  chapelains  du 
roi  et  pasteur  de  Saint-James ,  il  alla 
prendre  à  Oxford  le  degré  de  doc- 
teur ès-lois  ,  et  à  cette  occasion  pro- 
nonça un  discours  sur  les  avantages 
et  les  devoirs  de  l'éducation  acadé- 
mique ,  discours  qui  fut  très-goûté , 
imprimé  sur  la  demande  des  chefs 
d'institution,  et  fréquemment  re- 
produit. On  peut  présumer  que  le 
mérite  de  cette  composition  contri- 
bua pour  beaucoup  à  faire  arriver 
(1734)  son  auteur  au  siège  épiscopal 
de  Bristol.  C'est  dans  l'exercice  de 
ces  fonctions  qu'il  prononça  la  plu- 
part de  ses  sermons,  plus  recom- 
mandables  par  leur  solidité  et  par 
une  profonde  connaissance  du  cœur 
humain  que  remarquables  par  l'éclat 
du  style.  Secker  fut  transféré  ,  en 
1737,  à  l'évêché  d'Oxford.  H  échan- 
gea, en  1750,  sa  prébende  de  ia  ca- 
thédrale de  Durham  et  la  cure  de 


Saint-James  contre  le  doyenné  de 
Saint-Paul  ;  et,  ayant  regagné  par  là 
du  loisir,  il  put  s'adonner  davantage 
à  ses  occupations  de  cabinet.  Ainsi 
le  docteur  Church  et  l'archidiacre 
Sharp  trouvèrent  en  lui  un  coopé- 
rateur  zélé  dans  leur  lutte  contre 
Middleton  et  Bolingbroke ,  et  contre 
les  partisans  d'Hutchinson.  11  attei- 
gnit, en  1758,  le  plus  haut  degré  de 
son  élévation  ,  étant  appelé  au  siège 
archiépiscopal  de  Cantorbéry.  Tho- 
mas Secker  était  très-attaché  aux 
principes  politiques  qui  avaient  mis 
la  maison  de  Hanovre  sur  le  trône,  et 
il  avait  manifesté  son  dévouement 
pour  cette  dynastie  lors  de  la  rébel- 
lion de  1745;  du  reste  il  était  fort 
enclin  à  la  modération,  et  il  ht  no- 
tamment preuve  de  cette  heureuse 
disposition  a  l'égard  des  méthodistes 
qui  se  multiplièrent  étonnamment 
durant  son  épiscopat.  On  admirait 
sa  capacité  administrative,  la  dignité 
de  ses  manières ,  et  surtout  sa  cha- 
rité. L'archevêque  Secker  mourut  le 
3  août  17G8,  âgé  de  soixante-quinze 
ans.  11  léguapar  testament  une  somme 
d'argent  considérable  destinée  à  des 
actes  de  bienfaisance,  et  sa  riche 
bibliothèque  à  l'archevêché  de  Lam- 
beth.  Ses  Leçons  (lectures)  sur  le 
catéchisme  de  Véglise  d'Angleterre: 
huit  Mandements  adressés  au  clergé 
des  diocèses  d'Oœford  et  de  Cantor- 
béry ,  avec  des  Instructions  aux 
candidats  pour  les  ordres  ;  qua- 
torze Sermons  prêches  en  différentes 
occasions  ;  Sermons  sur  divers  su- 
jets, et  quelques  autres  écrits  furent 
confiés  par  lui  à  ses  chapelains  Por- 
tens  et  Simton,  qui  les  publièrent 
après  sa  mort,  en  1770.  Portens, 
devenu  évêque  de  Londres,  les  re- 
cueillit de  nouveau  et  les  fit  impri- 
mer en  1811 ,  6  vol.  in-S",  précédés 
d'une  notice  biographique.        L. 


10 


SEC 


SECONDS  (Jean -Louis  ) ,  député 
de  rAvoyron  à  la  Convention  natio- 
nale, né  dans  le  Rouergue,  en  1742  , 
occupait  avant  la  révolution  une 
(les  places  les  plus  avantageuses 
de  l'administration  de  cette  pro- 
vince, celle  d'employé  supérieur 
des  eanx  et  forêts  à  Rodez.  Natu- 
rellenieu!  enthousiaste  et  partisan 
sans  beaucoup  «rexamen  de  toutes 
les  idées  nouvelles  ,  on  le  vit ,  à  l'é- 
poque d»;  la  découverte  des  ballons, 
courir  les  rues  en  s'écriant,  comme 
Archimède  :  Je  Vai  troucé  ^  je  Vai 
trouvé!  C'était  le  moyen  de  diriger 
les  aérostats  dans  les  airs,  que  certes 
il  était  loin  d'avoir  découvert,  puis- 
qu'on l'ignore  encore.  Il  ne  re- 
nonça jamais  complètement  k  cette 
idée.  Ay.int  embrassé  avec  transport 
les  innovations  de  la  révolution  en 
1789,  il  l'ut  nommé  député  extraor- 
dinaire de  sa  province  à  l'Assem- 
blée constituante,  puis  député  à  la 
Convention ,  où  il  sicgea  avec  les 
plus  fongueux  révolutionnaires,  et 
votaainsidansleprocèsdeLouisXVJ: 
«Comme  homme,  comme  citoyen, 

•  comuje  juge,  comme  législateur, 

•  pour  le  salut  de  ma  patrie,  pour  la 
«  liberté  du  monde  et  le  bonheur  des 
"  hommes  ,  je  vote  pour  la  mort,  la 
"  mort  la  plus  prompte  de  Louis.  Il 
«  est  ridicule ,  il  est  absurde  de  vou- 
-  loir  être  libre ,  d'oser  seulement  en 
''  concevoir  la  pensée,  quand  on  ne 
«  sait  pas,  quand  on  ne  veut  pas  pu- 
■  nir  les  tyrans.  Je  n'en  dirai  pas 
«  davantage  ;  le  surplus  de  mes  mo- 
«  tifs  est  imprimé  dans  mçn  cœur, 

•  pour  répondre  à  la  nation,  à  l'Eu- 

•  rope,  à  l'univers  de  mon  ju- 
"gement.  1-  Seconds  vota  ensuite 
contre  l'appel  au  peuple,  contre  te 
sursis ,  cl  il  fit  imprimer  son  vote 
sous  ce  titre  :  Mon  opinion  politi- 
que. Du  reste,  il  parut  rarement  à  la 


SEC 

tribune  dans  le  cours  de  la  session , 
se  bornant  à  siéger  et  à  voter  avec 
les  plus  ardents   montagnards.  Le 
sort  ne  l'ayant  pas  favorisé  après  la 
session  pour  être  député,  il  fut,  ainsi 
que  la  plupart  de  ses  collègues,  qui 
se  trouvaient   dans   le  même   cas, 
nommé   par   le  Directoire  exécutif 
commissaire  près  l'administration  de 
son  département.  Mais  ces  fonctions 
ne  convinrent   pas  long-temps  à  la 
mobilité  de  son  caractère  ;  il  donna 
sa  démission  et  ne  reparut  plus  dans 
les  fonctions  publiques,  ce  qui  le 
sauva  de   l'exil   auquel  il  ntût  pu 
échapper  en  1816   comme  régicide. 
Il  mourut  paisiblement  à  Paris,  le 
6  décembre  1819.  Ses  ouvrages  pu- 
bliés sont  :  I.   Essai  sur  les  droits 
des  hommes ,  des  citoyens  et  des  na- 
tions,   ou  Adresse  au  roi  sur  les 
États  généraux  et  les  principes  d'une 
bonne   constitution^    1789,  in-S". 
Cette  brochure  parut  avant  la  con- 
vocation,  pour  répondre  k  l'appel 
que  Necker  avait  fait  sur  cette  ques- 
tion k  tous  les  pnblicistes,  à  tous  les 
rêveurs  qui  se  trouvaient  en  si  grand 
nombre  dans  tous  les  coins  de  la 
France.  Seconds  ,  qui  savait  k  peine 
écrire,  se  prétendait  un  des  penseurs 
les  plus  profonds,  un  des  premiers 
publicistes  de  l'univers;  et  c'est  dans 
cette  conviction  qu'il  a  publié  l'un 
des  ouvrages  les  plus  ridicules  qui 
aient  paru  sur  cette  matière  où  tant 
de  sottises  ont  été  dites,  savoir  :  II. 
L'Art  social,  ou  les  Vrais  principes 
de  la  société  politique,  1792-1793, 
in-S".  III.  Le  Sensitismey  ou  la  Pen- 
sée et  la  connaissance  des  choses, 
remplacées  dans  les  sens,  traitées 
historiquement  dans  V ordre  des  sen- 
sations ,  et  réduites  à  l'histoire  na- 
turelle de  l'homme    sentant    et  de 
l'homme  sensible ,  Paris,  1815,in-8°. 
M— D  j. 


SEC 

SECRETAIX  (Philippe),  l'un  des 
directeurs  de  réphémère  république 
helvétique  érigée  en  1798  et  qui 
tomba  en  1801,  était  né  eu  Suisse  et 
déjà  connu  comme  écrivain  politique 
lorsque  cette  révolution  éclata  et 
qu'une  nouvelle  constitution,  plagiat 
de  celle  qui  existait  en  France,  fut 
promulguée.  L'ardeur  avec  laquelle 
il  se  prononça  pour  cette  innovation 
le  fit  nomnitr  député  au  corps  légis- 
latif helvéïique;  ses  principes  dans 
cette  assemblée  turbulente  le  pla- 
cèrent au  premier  rang  de  la  fac- 
tion républicaine  qui  voulait  tout 
changer.  Grand  faiseur  de  propo- 
sitions ,  il  en  formula  sur  toutes 
choses ,  et  c'est  de  lui  qu'émane 
celle  qui  tendait  à  rendre  aux  juifs 
les  droits  de  citoyen  dont  ils  avaient 
joui  autrefois.  Véritable  stoïcien,  il 
demanda  qu'aucun  théâtre  ne  îàt 
établi  à  Lucerne,  "  pour  éviter,  s'é- 
cria-t-il,  que  la  publication  oflicielle 
de  la  mort  des  défenseurs  de  la  pa- 
trie se  trouvât  placée  à  côté  d'une 
affiche  de  spectacle.  »  En  171)9,  Se- 
creian  fut  nommé  membre  du  di- 
rectoire exécutif,  où  il  eut  pour  col- 
lègues Laharpe  et  Oberlin  {ooy.  La- 
harpe,  LXIX,  43^),  Mais  ce  triumvi- 
rat tint  peu  de  temps  le  pouvoir; 
après  la  tentative  infructueuse  de 
Berne ,  dont  le  but  était  d'accomplir 
un  18  brumaire  à  leur  profit,  les  di- 
recteurs furent  renversés.  Secretan 
eutalorsàsubir  la  vengeance  du  parti 
triomphant  qui  se  borna  à  le  placer 
souslasurveillancede  lahaute  police. 
Dans  cette  retraite  forcée,  en  pré- 
sence des  événements,  ses  idées  ré- 
publicaines se  modifièrent  beaucoup  ; 
comme  la  plupart  des  révolutionnai- 
res, il  passa  de  l'exaltation  à  une  mo- 
dération timide.  Bientôt  on  oublia  le 
rôle  qu'il  avait  joué,  et  il  put  rentrer 
dans  les  aflfaires.  En  1803,  il  fît  par- 


SEC 


11 


tie  de  la  consulte  des  cantons  suisses 
convoquée  à  Paris,  puis,  l'ii  1809,  il 
alla  siéger  à  la  diète  de  Fribourg,  en 
qualité  de  député  du  canton  de  Vaud. 
Lui,  qu'on  avait  vu  à  la  tête  du  parti 
patriotique,  en  était  arrivé  à  ce  point 
de  se  montrer  approbateur,  sinon  ad- 
mirateur, de  la  puissance  de  Napo- 
léon,    qui  se   constitua  médiateur 
de    la    confédération    suisse.     Les 
événements  de  1814  et  de  1815,  aux- 
quels il  assista  presque  sans  y  pren- 
dre part,  ne  changèrent  rien  à  sa  po- 
sition ;  il  continua  longtemps  encore 
de  représenter  le  canton  de  Vaud  à 
la  diète.  H  était  membre  et  vice- 
président  de  la  cour  des  appellations 
suprêmes  de  ce  canton.  Nous  igno- 
rons la  date  précise  de  sa  mort.  On 
a  de  lui  :  1.  Réflexions  sur  les  gou- 
vernements, pour  servir  de  suite  à 
l'ouvrage  deîSurke[sur  larévolution 
en  France^  et  à  ccluilde  Payne  sur  les 
droits  de  l'homme,   Londres,  1792, 
ia-80.  U.Observatio7is;,sur  la  con- 
stitution helvétique^  Lausanne, 1798, 
iii-S».  lll.Eîémoires  de  M.  Fatckens- 
kiold,  suivis  de  considérations  sur 
l'état  miiitairp  du  Danemark^  avec 
une  notice  préliminaire  sur  la  vie  de 
l'auteur  deces  Mémoires,  Paris,  1826, 
in-8".— S£CKETAN(Z>ao«</)i!P''<>fesseur 
de  philosophie  à  l'académieJdc^Lau- 
sanne,  a  publié  :  1.  Les  Amis  désor- 
dre et  de  lapaix  à  tous  ceux  qui  veu- 
lent sincèrement  le  bien  de  ce  pays 
(pays  de  Vaud),  1 798,  in-8";  cet  écrit 
est  suivi  d'un  Hymne  aux  habitants 
du  pays  de  Vaud.  11.  Le  philosophis- 
me démasqué,  ou  la  philosophie  cen- 
sée, ou  vrage  de  Kant,  traduit  de  l'alle- 
mand,  Berne,   1800,  in-8''.  IH.  Des 
progrès  de  Véducation  et  de  l'instruc- 
tion publique  dans  la  deuxième  moi- 
tié du  XVI IL  siècle,  opuscule  in- 
séré dans  les  Notices  d'utilité publi 
que  (Lausanne,  1805-1807,  2  vol. 


12 


S£D 


ia'8'').l\ .Dissertation  sur  le  divorce 
selon  la  loi  de  Moïse  et  selon  l'Évan- 
gile, prësentée  au  concours  pour  la 
chaire  destinée  àl'interpre'talion  des 
livres  saints,  3  octobre  1808  (impri- 
mée dans  le  premier  volume  des  piè- 
ces pre'sente'es  au  concours  pour  les 
chairesdans  l'académie  deLausanne). 
—  Plusieurs  autres  membres  de  la  fa- 
mille Secretan  ont  rempli  des  fonc- 
tions publiques  comme  magistrats , 
professeurs  et  pasteurs,  et  ont  publié 
quelques  ouvrages.  C— H — N. 

SEDEXXO  (Juan  de),  littérateur 
espagnol,  n'est  cité  que  par  Nicolas 
ki\tonw,doiii\d  BibliothecaHispana 
Nova  (t.  1",  p.  596)  mentionne  une 
tragi-comedia  de  Calixto  y  Melibea, 
en  vers,  comme  ayant  été  imprimée  k 
Salamanque  en  1540,  in-4".  Ce  vo- 
lume contient  une  transformation 
poétique  de  l'ouvrage  célèbre  connu 
sous  le  nom  de  la  comedia  Celestina. 
Sa  rareté  est  extrême;  le  savant  au- 
teur du  Manuel  du  libraire.^  les  bi- 
bliographes et  les  écrivains  qui  se 
sont  occupés  de  l'ancien  théâtre  es- 
pagnol, n'en  ont  fait  aucune  men- 
tion; on  le  chercherait  en  vain  sur 
les  plus  riches  catalogues,  notam- 
ment sur  celui  de  Soleinne  ,  qui  avait 
réuni,  dans  sa  bibliothèque  drama- 
tique ,  une  collection  très-curieuse 
d'éditions  et  d'imitations  de  la  Cèles- 
Une.  Profitons  de  cette  occasion  pour 
dire  quelques  mots  de  cette  composi- 
tion qui  a  contribué  plus  qu'aucun  au- 
tre livre  à  fixer  la  langue  espagnole;  il 
n'est  guère  d'écrits  qui  aient  joui 
auprès  des  contemporains  d'une  vo- 
gue plus  générale  et  plus  populaire. 
Sa  prose,  claire,  sententieuse,  logi- 
que, est  proche  parente,  sinon  de 
l'esprit,  du  moins  de  l'idiome  ner- 
veux et  sain  du  Don  Quichotte. 
Avouons-le  aussi,  làCélestine  livre  à 
la  moquerie  tout  ce  que  l'Espagne 


SED 

avait  jusqu'alors  de  plus  sacré,  le 
clergé,  la  noblesse  et  les  femmes.  Dans 
l'ignorance  où  l'on  était  sur  le  véri- 
table auteur  d'une  production  aussi 
extraordinaire,  ou  a  cru  pouvoir 
désigner  Fernando  de  Roxas,  Juan 
de  Menu,  Rodrigue  de  Cota,  et  l'on 
a  pensé  que  le  premier  acte  (beau- 
coup plus  long  que  les  autres)  n'é- 
tait pas  de  la  même  main  que  les 
vingt  actes  suivants  ;  le  fait  est  que 
le  problème  reste  insoluble, puisque 
toutes  les  données  un  peu  positives 
manquent.  La  Célestine  n'a  point 
été  jouée  ;  c'est  une  histoire  d'a- 
mour dialoguée,  une  nouvelle  sous 
forme  dramatique,  mais  une  diction 
élégante,  des  portraits  tracés  de 
verve,  des  conversations  animées, 
semées  de  proverbes,  un  rare  talent 
d'observation  en  font  une  oeuvre  très- 
remarquable.  Dans  un  feuilleton  du 
Journal  des  Débats,  M.  Philarète 
Chasles  l'a  appréciée  avec  beaucoup 
de  justesse  :  «  C'est  un  roman  de 
mœurs  partagé  en  vingt -un  cha- 
pitres inégaux  qu'il  a  plu  à  l'au- 
teur de  transformer  en  actes  ;  c'est 
un  calque  des  mœurs  intérieures 
de  l'Espagne  au  commencement  du 
XVI^  siècle  ;  une  suite  de  leçons  à 
l'usage  de  la  jeunesse  démontrant  les 
périls  de  l'amour,  les  funestes  con- 
séquences de  la  passion,  les  intri- 
gues des  entremetteuses,  les  perfi- 
dies des  valets  ;  enfin,  une  espèce  de 
cours  expérimental  dans  lequel  sont 
exposées  les  traverses,  les  sottises, 
les  joies,  les  douleurs  d'un  beau  jeune 
homme  très-amoureux,  qui  se  ruine, 
se  fait  aider  dans  cette  œuvre  facile 
par  tout  ce  qui  l'environne,  et  finit 
par  causer  la  mort  de  sa  maîtresse. 
La  lenteur  du  développement,  la  fi- 
nesse de  l'analyse,  la  longueur  des 
discours  rejettent  cette  œuvre  sin- " 
gulièreau  nombre  des  narrations  ro 


SM) 


SED 


13 


manesqiies  et,  il  faut  le  dire,  parmi 
les  meilleures.  La  Célestine  a  remué 
tout  son  siècle,  ce  qui  n'arrive  ja- 
mais aux  ouvrages  sans  valeur.  » 
M.  Chasies  est  moins  dans  le  vrai 
lorsqu'il  ajoute  que  le  XVIe  siècle 
réimprima  la  Célestine  dix-neuf  fois; 
elle  obtint  au  moins  trente  e'ditions 
successives.  Elle  fut  traduite  en  ita- 
lien et  même  en  allemand.  «  On  peut 
ajouter  en  flamand  et  même  en  latin, 
grâce  au  soin  d'un  laborieux  philo- 
logue, C.  Barthius,  qui  paraît  avoir 
eu  du  goût  pour  les  ouvrages  en- 
joués. Dès  1529,  il  avait  été  publié  à 
Paris,  chez  Galiot  du  Pré,  une  tra- 
duction que  recommande  encore  la 
naïve  fidélité  du  langage.  J.  de  La- 
vardin  et  deux  autres  traducteurs 
plus  modernes  affaiblirent  le  texte 
original  en  l'adoucissant.  De  nos 
jours,  M.  Germond  de  Lavergne  a 
donné  de  la  Célestine  une  version 
hardiment  exacte  qu'il  a  fait  précé- 
der d'une  notice  fort  intéressante 
(Paris,  1842,  in-12).  Nous  y  ren- 
voyons les  curieux  qui  seront  bien 
aises  de  connaître  cet  étrange  ro- 
man ;  ils  verront  comment  le  jeune 
Calixte,  épris  de  Mélibée ,  emploie, 
pour  réussir  dans  ses  amours,  l'ap- 
pui d'une  femme  âgée,  experte, 
quelque  peu  sorcière,  et  comment, 
troublé  dans  un  de  ses  rendez- 
vous  ,  il  descend  avec  précipita- 
tion par  une  échelle,  tombe  et  se 
tue.  Sa  maîtresse,  folle  de  désespoir, 
se  précipite  du  sommet  d'une  tour. 
«Cet  honnête  sujet,  ajoute  le  cri- 
tique que  nous  venons  de  citer, 
n'a  pour  ressort  que  la  déprava- 
tion d'une  vieille  et  la  passion  d'un 
jeune  homme  ;  il  occupe  le  volume 
tout  entier.  Les  détails  sauvent  l'au- 
teur. Il  est  difficile  d'avoir  plus  d'es- 
prit dans  la  satire ,  de  mettre  plus 
de  vérité  dans  les  portraits,  d'être 


plus  fin  et  plus  coloré,  de  mieux  dis- 
simuler par  l'habileté  du  travail  la 
laideur  et  le  vice  de  la  vieille  et  les 
redites  éternelles  d'un  amour  poussé 
jusqu'à  l'extravagance.  "  Les  ancien- 
nes éditions  espagnoles  de  la  Céles- 
tine sont  extrêmement  rares  ;  celle 
de  1499,  dont  on  ne  connaît  qu'un 
ou  deux  exemplaires,  s'est  payée  jus- 
qu'à 499  fr.  à  la  vente  Soleinne,  en 
1844.  On  rencontre  plus  facilement 
les  éditions  faites  à  Anvers  au  XVI® 
siècle.  Dès  le  règne  de  Philippe  II,  la 
Célestine  cessa  d'être  mise  sous 
presse  en  Espagne;  l'inquisition,  de 
plus  en  plus  sévère,  ne  pouvait  to- 
lérer un  écrit  aussi  médiocrement 
édifiant.  Plus  tard,  la  presse  moins 
gênée  reproduisit  l'œuvre  attribuée 
à  Roxas  et  à  Cota;  l'édition  de  Ma- 
drid, 1822,  petit  in- 8»,  accompagnée 
d'une  introduction  savante,  de  notes 
qui  discutent  toutes  les  variantes  du 
texte,  est  jusqu'à  présent  la  meil- 
leure {voy.  Roxxs  ,  LXXX,  97,  et 
SiLVA,  dans  ce  vol.).       B— n— t. 

SÉDILLEZ  (  Mathurin  -  Louis- 
Étienne),  inspecteur-général  desétu- 
des, était  né  à  Nemours  le  19  octobre 
1745.  Après  avoir  fait  son  droit  à  Or- 
léans, il  remplaça  son  père  dans  la 
charge  d'avocat  et  de  procureur  du 
roi  en  la  maîtrise  des  eaux  et  forêts. 
Comme  la  plupart  des  membres  du 
barreau,  et  bien  qu'il  occupât  une 
place  assez  lucrative,  il  embrassâtes 
principes  de  la  révolution  de  France, 
et  devint  administrateur  du  district 
de  Nemours,  puis  membre  du  tribunal 
de  cassation  (mars  1792).  Au  mois  de 
septembre  suivant  il  fut  élu  député 
à  l'assemblée  législative  parle  dépar- 
tement de  Seine-et-Marne.  Si  l'on 
compare  sa  conduite  à  celle  des  ar- 
dents révolutionnaires ,  elle  pourra 
paraître  d'une  modération  extrême  ; 
mais  si  l'on  consulte  le  Moniteur,  on 


u 


SED 


verra  qu'il  ne'se  sépara  pas  toujours 
(les  njcsures  rigoureuses  de  cette  épo- 
que Ainsi  dans  la  séance  du  9  lévrier 
1 792,  il  proposa,  en  qualité  de  rappro- 
teur  du  comité  de  législation,  d'or- 
donner aux  émigrés  de  rentrer  sous 
peine  d'une  triple  contribution  ;  dans 
celle  du  27  juillet,  il  lit  décréter  qu'il 
ne  serait  plus  délivré  de  passe-ports 
qu'aux  envoyés  du  gouvernement  et 
■lux  négociants  tant  que  la  patrie  se- 
rait en  danger.  Le  12  septembre,  il 
prononça  un  discours  sur  l'utilité  et 
la   nécessité  d'une  loi  [relative  au 
divorce.  Il  ne  fut  point  réélu  à  la  Con- 
vention, et  sous  le  régime  de  la  ter- 
reur il  ne/  parvint  à  sauver  sa  vie 
qu'en  se  tenant  caché.  En  1798,  le 
département  de  Seine-et  Marne  l'en- 
voya au  conseil  des  Anciens,  où  il 
prit  plusieurs  fois  la  parole,  notam- 
ment contre  la  liberté  de  la  presse 
et  contre  l'emprunt  forcé  dont  il  dé- 
montra les  inconvénients,  puis  pour 
s'opposer  à  ce  qu'on  interdît  aux 
fonctionnaires  publics  de  s'intéresser 
dans  les  fournitures  ^  enfin  pour  com- 
battre la  proposition  de  la  peine  de 
mort  contre  ceux  qui   traiteraient 
avec  l'étranger.  C'était  de  la  part  de 
Sédiliez  une  idée  lixe  que  l'abolition 
de  la  peine  de  mort.  L'abus  qu'on  en 
avait  fait  et  surtout  la  pensée  d'avoir 
manqué  d'en  devenir  la  victime  stimu- 
laient peut-être  beaucoup  ce  philan- 
thropisme.  S'étant  montré  favorable 
au  18  brumaire,  il  fut  appelé  à  faire 
partie  de  la  commission  intermédiaire 
du  conseil  et  entra  ensuite  au  tribu- 
nal. On  doit  reconnaître  que  dans 
celte  assemblée,  il  osa  quelquefois 
manifester  de  l'opposition.  Ainsi, dans 
le  mois  de  février  1800,  il  réfuta  les 
orateurs  du  gouvernement,  sur  la  di- 
vision territoriale  et  l'organisation 
administrative.  Le  4  aoiit  suivant, 
toujours  poursiiivi   par  son  utopie 


SED 

humanitaire,  il  demanda  l'aboUtion 
de  la  peine  de  mort,  et,  chose  cu- 
rieuse, au  moment  où  le  consulat 
allait  en  faire  un  usage  iipmodéré  et 
inutile.  «Pour  la  répression  des  délits, 
s'écria-t-il,  elle  est  dangereuse,  eq  ce 
qu'elle  accoutume  le  peuple  à  la  fé- 
rocité. »  Sa  conclusion  était  que  l'on 
s'occupât  d'un  système  pénal  analo- 
gue à  nos  institutions  et  à  la  fois  hu- 
main et  répressif.  En  1801,  il  pro- 
posa d'organiser  les  travaux  prépa- 
ratoires du  tribunal"  de  manière  à 
placer  cette  autorité  dans  un  juste 
rapport  avec  le  gouvernement  et  le 
corps  législatif.  Après  avoir  repoussé 
le  projetdu  Code  civil, il  déclara  quç, 
subordonnant  son  avis  au  bien  pu- 
blic, il  envolait  l'approbation,  bien 
qu'il  en  désapprouvât  les  bases.  Sé- 
dillez  continua  de  siéger  dans  le  tri- 
bunal jusqu'en  1804;  il  y  remplit  les 
fonctions  de  secrétaire,  et  s'y  occu- 
pa spécialement  d'administration  et 
d'ordre  judiciaire.  Au  commencement 
de  l'empire,  il  fut  nommé  inspecteur- 
général  des  écoles  de  droit  d'Aix,  de 
Grenoble  et  de  Turin  ;  puis  en  1811 
candidat  au  corps  législatif.  Durant 
les  Cent-Jours ,  il    lit  partie  de  la 
chambre  des  représentants,  et  reçut 
le  titre  d'inspecteur-général  des  étu- 
des, nomination  qui  fut  annulée  par 
la  seconde  Restauration  sous  laquelle 
il  ne   remplit   aucune   fonction.  U 
mourut  vers  1830.  On  a  de  lui  un 
écrit  intitulé  :  De  l\inilé  enpolitique 
et  en  législation,  ou  Développement 
d'un  principe  naturel  applicable  à  la 
législation  de  tous  les  temps  elde  tous 
les  peuples,  dont  la  connaissance  est 
utile  à  ceux  qui  font  la  loi  et  à  ceux 
qui  l'exécutent  ;  suivi   d'un  Essai 
sur  le  droit  de  propriété  considéré 
comme  fondement  de  tout  gouverne- 
ment et  de  toute  législation,  Paris, 
1802,  in-8".  C— H— N. 


SF.D 

SÉDILLOT  (Joseph),  né  à  Vire 
(Calvados)  en  1745 ,  appartenait  à 
une  famille  de  médecins,  et  suivit  la 
même  carrière.  Venu  de  bonne  heure 
à   Paris  ,  il  obtint  an   concours  la 
place  de  chef  du  service  médical  et 
chirurgical  à  l'hospice  de  la  Salpê- 
trière,  où  il  enseigna  l'anatomie  et  la 
chirurgie.  Lié  avec  Vicq-d'Azyr,  il 
improvisa  un  jour  pour  lui  une  leçon 
que  le  savant  professeur  n'avait  pas 
eu  le  temps  de   préparer.  Sédillot 
prit  le  grade  de  docteur  en  médecine 
à  la  faculté  de  Reims,  devint  mem- 
bre du  collège  et  de  l'Académie  royale 
de  chirurgie  de  Paris  et  autres  so- 
ciétés savantes,  et  s'adonna  spéciale- 
ment à  l'art  des  accouchements.  Il 
mourut  le  15  février  1825. 11  a  inséré 
dans  le  premier  volume  du  Journal 
général  de  médecine^  rédigé  par  son 
frère  (uoy.  l'art,  suivant),  deux  ob- 
servations intéressantes  :  l'une  sur 
un  coma  convulsif,  avec  une  gourme 
répercutée,  suivi    de  mort  ;  l'autre 
sur  une  crevasse  du  vagin  et  du  col 
de  la  vessie,  suite  de  ga^igrène,  gué- 
rie sans  fistule.  —  Sédillot  (Jean), 
docteur  en  médecine,  frère  du  pré- 
cédent, naquit  le  13  janvier  1757  à 
Veaux  de  Cernay,  commune  voisine 
de  Rambouillet.  Après  avoir  perdu 
son  père,  il  vint  à  Paris  et  fit  de  bon- 
nes études  au  collège  du  cardinal  Le- 
moine.  Sa  vocation  l'entraînant  vers 
l'étude  de  la  médecine  et  de  la  chi- 
rurgie, il  suivit  les  cours  des  pro- 
fesseurs les  plus  célèbres  de  l'époque, 
devint  élève  des  hospices  de  la  Sal- 
pêtrièreet  de  la  Pitié,  puis  entra  à 
l'Hôtel  des  Invalides,  dont  l'illustre 
Sabatier  était  le  chirurgien  en  chef. 
Au  mois  d'août  1784,  Sédillot  se  ht 
recevoir    docteur   en    médecine    à 
Reims,  et  choisit  pour  sujet  de  sa 
thèse  la  question  suivante  :  An  sit 
cerebro   peculiaris  motus  ?  Bien- 


8ED 


li 


tôt  il  devint  médecin  de  la  maison 
de  Condé.    Après  avoir  fourni  quel- 
ques articles  a  l'ancien  Journal  de 
médecine,  il   publia,    en   1791,  des 
Réflexions  sur  l'état  présent  de  la 
chirurgie  dans  la  capitale  et  sur  ses 
rapports  militaires  ,    suivies  d'un 
plan  pour  le  traitement  des  mala- 
dies de  la  milice  nationale,  iii-S"  ; 
puis,  en  1795,  des  Réflexions  histo- 
riques et  physiologiques  sur  le  sup- 
plice de  la  guillotine,  in-8",  où  il 
combat  les  idées  de  survie  et  d'ar- 
rière-douleur dans  la  tête  après  la 
décapitation,  assertions  avancées  par 
quelques  auteurs  et  aflligcintes  pour 
les  parentsdes  condaninesqui  avaient 
péri  sous  le  couteau  de  la  guillotine. 
Il  s'élève  avec  force  contre  l'inven- 
tion de  cet  instrument  de  supplice, 
dont  il  croit  que  l'application  facile 
a  prodigieusement  multiplié  le  nom- 
bre des  victimes.  Malheureusement 
les  bourreaux  de  cette  époque  avaient 
trouvé  des  moyens  plus  expéditifs 
encore  dans  les  fusillades  et  les  mi- 
traillades de  Toulon,  de  Lyon,  les 
noyades  de  Nantes...  L'affreux  ré- 
gime de  1793  avait  supprimé  toutes 
les  sociétés  savantes  sans  leur  avoir 
rien  substitué,   menaçant  ainsi    de 
plonger  dans  la  barbarie  une  nation 
si  distinguée  par  les  grands  hom- 
mes qu'elle  a  produits  dans  tous  les 
genres.   Sédillot   conçut  l'heureuse 
idée  de  remédier  à  la  suppression  de 
l'Académie  de  chirurgie  et  de  la  So- 
ciété royale  de  médecine,  pour  cou- 
server  les  bonnes  traditions  et  con- 
courir   aux    progrès   des    sciences 
médico-chirurgicales.  Il  éprouva  d'a- 
bord des  obstacles  à  la  réalisation 
de  son  projet  ;  mais,  à  force  de  soins 
et  de  démarches  actives,  il  parvint  à 
son  but  en  constituant  une  société, 
qui  tint  ses  assemblées  à  l'Hôtel-de- 
Ville  de  Paris,  sous  le  nom  de  So- 


16 


SED 


ciété  de  médecine  du  département  de 
la  Seim.  Il  en  fut  nommé  secrétaire- 
général,  et  fit  servir  ces  hautes  fonc- 
tions à  la  création  d'un  journal  de 
médecine  (1797),  qu'il  rédigea  pen- 
dant vingt- cinq  ans  et  dont  il  fit  pa- 
raître soixante-trois  volumes  in-8". 
En  établissant  ce  moyen  de  commu- 
nication entre  les  médecins  de  la 
capitale  et  ceux  des  départements,  et 
même  de  l'étranger,  Sédillot  rendit 
à  la  science  un  service  d'autant  plus 
signalé  qu'il  n'existait  en  France  à 
cette  époque  aucun  journal  de  méde- 
cine, et  que  le  sien  régna  seul  pen- 
dant cinq  ou  six  années.  Malgré  ses 
nombreuses  occupations ,  Sédillot 
trouva  le  temps  de  publier  des  mé- 
moires sur  des  sujets  variés,  tels  que 
l'emploi  de  l'éther  acétique,  les  poids 
et  mesures  dans  leur  application  à 
l'usage  médical,  la  patente  de  mé- 
decin, l'éloge  du  professeur  Sabatier, 
un  mémoire  intéressant  sur  la  rup- 
ture musculaire,  dont  il  lut  la  pre- 
mière partie  à  l'Académie  des  scien- 
ces, des  observations  sur  l'emploi  du 
phosphore  et  du  muriate  de  baryte 
dans  la  paralysie  et  les  affections 
cancéreuses,  plusieurs  opuscules  sur 
la  fièvre  jaune,  différents  articles 
dans  le  grand  Dictionnaire  des  scien- 
ces médicales,  des  notes  sur  la  vac- 
cine et  le  virus  vaccin,  et,  en  der- 
nier lieu,  un  mémoire  sur  les  revac- 
cinations, qui  a  été  imprimé  parmi 
ceux  de  l'Académie  royale  de  méde- 
cine, dont  il  était  membre  depuis  sa 
fondation.  11  a  publié ,  en  société 
avec  M.  Ch.  Pelletier  fils,  les  Mé- 
moires et  obsercations  de  chimie  de 
Bertrand  Pelletier^  Paris,  1798, 
2  vol.  in-S",  édition  à  laquelle  il  a 
joint  un  éloge  de  l'auteur,  son  beau- 
frère  {voy.  Pelletier  {Bertrand), 
XXXIll,  289),  Sédillot  était  médecin 
consultant  des  maisons  royales  de  la 


SED 

Légion -d'Honneur,  chevalier  de  cet 
ordre,  associé  ou  correspondant  d'un 
grand  nombre  de  sociétés  nationales 
et  étrangères,  administrateur  du  bu- 
reau de  bienfaisance  du  deuxième  ar- 
rondissement de  Paris.  Arrivé  à  un 
âge  avancé,  il  dut  renoncer  à  la  pra- 
tique, et  il  termina  doucement  sa 
carrière  le  5  août  1840,  dans  sa 
84e  année,  laissant  deux  fils  qui  exer- 
cent aujourd'hui  l'art  de  guérir,  l'un 
à  Paris,  l'autre  à  Dijon.  R — d— n. 
SÉDILLOT  (Jean -Jacques-Em- 
manuel) ,  frère  puîné  des  ptécé- 
dents,  orientaliste,  né  le  26  avril 
1777  à  Enghien-Montmorency,  fut 
un  des  premiers  élèves  de  l'école 
instituée  en  l'an  III  (1795)  pour  l'en- 
seignement des  langues  orientales 
vivantes,  école  dont  la  création  a 
donné  une  impulsion  si  grande  à  la 
culture  des  langues  de  l'Asie,  et  de  la- 
quelle sont  sortis  tant  d'hommes  dis- 
tingués. Il  se  livra  avec  zèle  à  l'élude 
de  l'arabe,  du  persan  et  du  turc,  et 
fut  bientôt  attaché  à  cette  école  pour 
aider  les  professeurs  dans  leurs  tra- 
vaux scientifiques.  Dans  la  suite,  il 
devint  à  la  même  école  professeur- 
adjoint  pour  la  langue  turque,  place 
que  des  motifs  d'économie  firent 
supprimer  en  1816.  Deux  ans  aupa- 
ravant, le  bureau  des  longitudes 
avait  senti  la  nécessité  de  puiser 
dans  les  écrivains  de  l'Orient  la  con- 
naissance des  faits  relatifs  à  l'his- 
toire et  aux  progrès  des  sciences 
mathématiques  et  de  l'astronomie 
chez  les  peuples  de  l'Asie,  et  parti- 
culièrement chez  les  Arabes  et  les 
Persans.  Ce  fut  pour  satisfaire  à  ce 
besoin  de  la  science  qu'une  place 
d'adjoint  à  ce  bureau  pour  l'histoire 
de  l'astronomie  chez  les  Orientaux 
fut  créée  en  1814,  sous  le  minis- 
tère de  l'abbé  de  Montesquiou,  en 
même  temps  que    deux   nouvelles 


SED 


SEE 


17 


chaires  «étaient  ajout<^es  an  Collège 
royal  de  France  pour  l'enseignement 
des  langues  sanscrite,  chinoise  et 
tartare-mantchou.  Sédillot,   ancien 
élève  de  l'École  polytechnique,  qui 
s'e'tait    livre'    d'une    manière    spé- 
ciale à  l'étude  des  mathématiques  et 
de   leurs  applications,  fut   nommé 
astronome-adjoint  :  ses  travaux  fu- 
rent   appréciés  par   les  Delambre , 
les  Laplace,  etc.,  et  contribuèrent 
au  succès  de  leurs  recherches.  Un 
travail  important  de  Sédillot,  mais 
entrepris  pour  concourir  aux  prix 
décennaux,  avait  été  jugé  digne  d'ob- 
tenir un  de   ces  prix  ;  c'est  sa  tra- 
duction  de  la  première  partie  du 
Traité   d'astronomie   d^Aboul-Ha- 
çan  {voy.  ce  nom,    I,  96),  partie 
qui  a   pour  objet    la   construction 
des  instruments  astronomiques.  Oq 
sait  quel  a  été  le  sort  de  cet  acte 
de  munificence  annoncé  avec  tant 
de  pompe  et  resté  sans  résultat,  sans 
doute  parce  qu'il  ne   tendait  qu'à 
produire   une  diversion   en  faveur 
d'une  politique  ombrageuse  autant 
qu'ambitieuse.  Si  la   traduction  de 
l'ouvrage  d'Aboul-Haçan  eût  été  of- 
ferte au  comité  de  traductions  de  la 
Société    asiatique    d'Angleterre,  il 
n'est  pas  douteux  qu'il   ne  se  fût 
chargé  avec  empressement  de  sa  pu- 
blication i  mais  Sédillot,  savant  mo- 
deste, sans  énergie  quand  il  s'agis- 
sait de  ses  intérêts,  aimant  l'étude 
pour  elle-même,  et  d'ailleurs  grave- 
ment infirme   depuis  bien  des  an- 
nées, était  précisément  l'opposé  de 
tant  de  jeunes  écrivains  qui  croi- 
raient avoir  perdu  leur  temps  si  le 
public  ne  jouissait  aussitôt  qu'eux 
du  fruit  de  leurs  études.  C'est  ainsi 
qu'en   toutes  choses   les   extrêmes 
manquent  toujours  le  but.  Sédillot 
mourut  à  Paris  le  9  août  1832,  lais- 
sant une  veuve  et  des  enfants  sans 
LXXXII. 


fortune.  Le  second  de  ses  fils  a  pu- 
blié en  1834-35  la  traduction  de 
l'ouvrage  arabe  cité  plus  haut  (2  vol. 
in-80).  On  trouve  aussi  de  Sédillot 
quelques  articles  scientifiques  dans 
les  Recherches  asiatiques,  dansUMu' 
gasin  encyclopédique  et  le  Moniteur. 
Ces  opuscules ,  notamment  une  No- 
tice de  la  partie  littéraire  des  Recher- 
ches asiatiques ,  ont  été  tirés  à  part 
in-8°.  S.  D.  S— Y. 

SEEBECK  (Jean-Thomas),  l'un 
des  plus  illustres  physiciens  de  l'Al- 
lemagne, naquit  à  Réval  le  9  avril 
1770.  Sa  jeunesse  s'écoula  sans  bruit; 
ce  qu'on  pourrait  y   remarquer  de 
moins  ordinaire,  c'est  qu'il  fut  assez 
heureux  pour  échapper  à  ces  angois- 
ses et  à  ces  épreuves  pénibles  aux- 
quelles la  plupart  des  hommes  de 
talent  sont  fatalement  condamnés,  et 
qui,  tantôt  devenues  un  puissant  ai- 
guillon, forcent  le  génie  à  prendre 
un  glorieux  élan,  tantôt  Fétouffent  ou 
l'empoisonnent  tristement  dans  son 
germe.  Le  père  de  Seebeck  était  un  ri- 
che négociant  qui  lui  fit  donner  toute 
l'instruction  qu'il  pouvait  recevoir 
dans  sa  ville  natale;  il  le  perdit  à 
seize  ans;  sa  mère  était    morte  de- 
puis   plusieurs    années.     L'enfance 
de  Seebeck  ne  se  présente  sous  au- 
cun   de   ces   traits  caractéristiques 
qui  signalent  un  esprit  inventif;  rien 
ne  le  désignait  à  l'avance  comme 
destiné  à  reculer  un  jour  les  limites 
des  connaissances  humaines.  Nous 
savons  seulement  que  l'amour  des 
sciences  naturelles  s'éveilla  de  bonne 
heure  en  lui,  et  qu'il  se  faisait  le 
spectateur  caché  des  séances  d'ex- 
périences physiques  qui  réunissaient 
les  élèves  les  plus  avancés  en  âge. 
Cet  attrait  le  décida  à  quitter  à  17 
ans  le  gymnase  de  Réval  pour  suivre 
les  cours  de  l'université  et  se  livrer 
à  l'étude  de  la  médecine.  H  allad'a- 
2 


18 


SEE 


bord  à  Berlin  et  suivit  les  cours  du 
collège  chirurgico-me'dical  \  bientôt 
il  partit  pour  Gœttingue,  entraîné  par 
la  réputation  des  professeurs  qui 
avaient  rendu  cette  académie  célèbre 
entre  toutes  les  autres,  Richter, 
Blufuenbach,  Licbtemberg,  etc.  Peu 
d'années  après,  il  prit  le  degré  de 
docteur ,  et  pendant  les  derniers 
mois  de  son  séjour  <î  Gœttingue  il  fit 
une  étude  approfondie  des  mala- 
dies de  l'oreille,  qu'il  se  proposait 
de  traiter  dans  un  ouvrage  spécial. 
H  avait  d'abord  songé  à  se  consa- 
crer tout  entier  à  l'exercice  de  la 
médecine;  mais  le  goût  des  recher- 
ches expérimentales  le  captiva  cha- 
que jour  de  plus  en  plus,  et  il  avait 
trop  la  conscience  de  l'indépen- 
dance de  son  caractère  pour  croire 
qu'il  pût  jamais  se  plier  à  ces  exi- 
gences incessantes  qui  font  de  la  vie 
du  médecin  un  glorieux  mais  réel 
esclavage.  Il  renonça  donc  à  la  méde- 
cine et  résolut  de  faire  des  sciences 
physiques  l'unique  occupation  de  sa 
vie.  Il  tint  parole  :  libre  de  toute 
sollicitude,  étranger  à  tout  emploi 
public  et  même  à  toute  affaire  exté- 
rieure, renfermé  seulement  dans  le 
cercle  étroit  de  la  famille,  en  rela- 
tion seulement  avec  les  hommes 
d'esprit  qui  l'entouraient,  il  étudia, 
il  expérimenta  jusqu'au  dernier  sou- 
pir. 11  épousa  en  1795  la  fille  du  con- 
seiller aulique  Boye,et  passa  les  pre- 
mières années  de  son  mariage  kBay- 
reuth,  étroitement  lié  avec  le  con- 
seiller d'État  Langermann,  qui  plus 
tard  devint  à  Berlin  son  meilleur  ami. 
Il  vécut  aussi  dans  une  grandeintimité 
avec  l'illustre  voyageur  Akxandre  de 
Humboldt,  qu'il  avait  connu  à  Gœt- 
tingue. Au  commencement  de  ce  siè- 
cle, la  ville  d'Iéna  était  comme  le  ren- 
dez-vous d'une  foule  d'hommes  illus- 
tres :  Knebel,  Griess,  Schelliug,  He- 


SEE 

gel,  Schelfer,  Griesbach,  Nellahm- 
mer,  Thibaud,  Riter,  Oken,  etc.,  etc. 
l'habitaient  à  la  fois.  Seebeck  ne  put 
résister  à  une  si  puissante  attrac- 
tion ;  il  quitta  Bayreulh  et  vint  ré- 
sider à  léna.  Il  y  rencontra  aussi 
l'immortel  Gœthe ,  et  trouva  en 
lui  un  ami.  Plus  tard  ,  Seebeck  alla 
souvent  à  Weimar  passer  des  jours, 
des  semaines,  des  mois  entiers  dans 
la  maison  du  grand  poète  :  ils  tra- 
vaillaient et  expérimentaient  ensem- 
ble; les  phénomènes  des  couleurs 
les  occupèrent  spécialement,  et  le  ré- 
sultat de  leurs  études  communes  fui 
l'ouvrage  trop  vanté  que  Gœthe  pu- 
blia sous  le  titre  de  Farben-lehre 
[Traité  des  couleurs)  :  c'est  un  roman 
plutôt  qu'un  traité  scientifique; 
parmi  une  foule  d'inexactitudes  on 
y  trouve  cependant  quelques  heu- 
reuses idées  sur  la  nature  des  cou- 
leurs. Disons-le  hautement,  Gœthe 
fut  surtout  et  presque  exclusive- 
ment poète  et  romancier;  si  des  ad- 
mirateurs enthousiastes  l'ont  pro- 
clamé penseur  profond,  physicien 
habile,  naturaliste  consommé,  ce  fut, 
hélas!  par  esprit  de  coterie  ou  de 
système  :  Gcethe  était  panthéiste; 
le  génie  du  poète  n'aurait  pas  assez 
recommandé  les  doctrines  chéries; 
il  fallait  le  transformer  eu  philosophe 
éminent.  Les  relations  de  Seebeck 
avec  Gœthe  et  ses  apparitions  à  Wei- 
mar le  mirent  en  contact  avec  le 
grand-duc,  qui  voulut  être  initié,  par 
ses  entreliens  et  ses  expériences,  aux 
progrès  récents  des  sciences  physi- 
ques. Seebeck  avait  quitté  léna  en 
1810.  Après  deux  années  de  voyages 
et  de  séjour  à  Bayreuth,  il  se  tixaà  N u- 
renberg  pour  y  passer  les  plus  belles 
années  de  sa  vie.  Rien  enfin  ne  man- 
quait à  son  bonheur  :  sa  femme  et 
ses  enfants  l'entouraient  de  soins  et 
de  tendresse  -,  il  était  riche;  un  petit 


SEE 

cercle  d'amis  savants  et  dévoués 
ajoutaient  à  tant  de  jouissances  l'a- 
grément d'une  conversation  parfai- 
tement en  rapport  avec  ses  goûts. 
La  plupart  de  ces  amis  sont  devenus 
à  leur  tour  célèbres  :  c'étaient  Hegel, 
le  père  des  Hégéliens;  Merckel,  le 
citoyen  le  plus  considéré  et  le  glo- 
rieux représentant  de  Nurenberg; 
Schweigger,  l'inventeur  du  galva- 
nomètre; Pfaff,  le  mathématicien 
profond;  Erhardt,  Schubert,  Wer- 
ner,  le  grand  minéralogiste  ;Sulpice 
Boisseré ,  directeur  de  l'Académie 
des  beaux-arts  de  Munich  ;  Œrsted, 
le  créateur  de  l'électro-magnétisme  ; 
Erman,  Fr.-Aug.  Wolff,  etc..  etc. 
L'année  1818  amena  un  change- 
ment notable  dans  les  habitudes  de 
Seebeck  :  l'honneur  qu'on  lui  fit  de 
le  nommer  membre  ordinaire  de 
l'Académie  royale  de  Berlin  l'arra- 
cha, non  sans  regret,  au  calme  de  la 
solitude  et  aux  douceurs  d'une  vie 
tout  intérieure.  Mis  en  évidence,  il 
devenait  malgré  lui  presque  un  hom- 
me public,  et  il  fallait  quitter  sa  dé- 
licieuse résidence  de  Nurenberg  pour 
habiter  l'enceinte  plus  bruyante  de 
la  capitale  de  la  Prusse.  A  Berlin, 
toutefois,  il  resta  ce  qu'il  avait  tou- 
jours été;  il  sut  se  défendre  des  dis- 
sipations extérieures  pour  se  livrer 
tout  entier  à  ses  savantes  recher- 
ches et  aux  joies  de  la  famille. 
U  fut  atteint  en  1803  d'une  infir- 
mité redoutable  qui  lui  préparait  et 
de  cruelles  douleurs  et  de  longues 
insomnies  :  c'était  une  hypertro- 
phie du  cœur ,  maladie  organique 
rare  autrefois,  trop  commune  au- 
jourd'hui, qui  l'enleva  eu  1831,  et 
qui  depuis  a  moissonné  tant  d'illus- 
tres victimes.  Il  était  âgé  de  52  ans, 
et  mourut  regretté  de  l'Allemagne 
entière,  des  siens  surtout,  qui  per- 
daient en  lui  plus  qu'un  père  plein 


SEE 


19 


de  tendresse.  Il  a  été  assez  heureux 
pour  revivre  dans  un  de  ses  fils, 
qui  porte  glorieusement  son  nom  et 
que  l'Allemagne  compte  au  nombre 
de  ses  plus  savants  physiciens.  Di- 
recteur de  l'école  polytechnique  à 
Dresde,  M.  Seebeck  fils  a  déjà  pu- 
blié un  grand  nombre  de  mémoires  ; 
il  a  enrichi  l'acoustique  d'expériences 
et  de  théories  nouvelles.  Un  amour 
ardent  pour  la  science  que  toutes  les 
académies  de  l'Europe  surent  appré- 
cier et  récompenser,  un  caractère  no- 
ble et  doux,  un  extérieur  affable  et 
plein  de  dignité,  telles  furent  surtout 
les  qualités  naturelles  qui  distinguè- 
rent le  savant  dont  nous  venons  d'es- 
quisser l'histoire  et  lui  concilièrent 
l'estime  et  l'amitié  de  tous  ceux  qui 
le  connurent.  Son  nom  n'a  pas  joui 
d'une  grande  popularité ,  parce  qu'il 
ne  fut  ni  écrivain  ni  professeur, 
n  nous  reste  à  passer  en  revue  les 
travaux  qui  l'ont  immortalisé.  See- 
beck commença  sa  carrière  scientifi- 
que à  une  époque  mémorable  :  les 
premiers  jours  du  XIX«  siècle  ont 
été  pour  la  science  l'ère  de  la  re- 
naissance. Après  un  trop  long  repos, 
le  génie  de  l'observation  et  de  l'ex- 
périence se  réveillait  tout  à  coup  et 
prenait  un  glorieux  élan.  Sur  les 
fondements  posés  par  Newton,  Huy- 
gens,  ^pinus.  Coulomb,  un  ma- 
gnifique édifice  allait  s'élever  :  Volta, 
à  Pavie,  découvrait  la  pile,  instru- 
ment de  tant  de  merveilles,  source 
de  tant  de  progrès;  et  Thomas 
Young  formulait  en  Angleterre  le 
principe  si  fécond  des  interférences; 
le  champ  était  ouvert  aux  plus  bril- 
lantes découvertes.  Cédant  à  l'en- 
thousiasme universel,  Seebeck  étudia 
d'abord  les  phénomènes  encore  obs- 
curs de  l'électricité  galvanique. 
Humphry  Davy  avait  à  peine  trans- 
formé les  alcalis  et  les  terres  en  mé- 

2. 


20 


SEE 


taux  doués,  entre  autres  propriétés 
imprévues,  de  l'étonnante  faculté  de 
s'enflammer  et  de  brûler  dans  l'eau, 
que  Seebeck,   le  devançant,  conçut 
l'heureuse  idée  d'obtenir  d'abord  à 
l'état  d'amalgame  les  plus  irréduc- 
tibles de  ces  bases,  pour  les  séparer 
ensuite  et  les  obtenir  à  l'état  de  pu- 
reté par  une  simple  distillation.  Il 
réussit  par  ce  moyen  à  se  procurer 
des  quanfités  plus  considérables  de 
potassium,  de  barium,  de  calcium. 
Le  premier  aussi  il  obtint,  combiné 
arec  le  mercure,  ce  métal  probléma- 
tique et  composé,  base  de  l'ammo- 
niaque, et  que  l'on  a  désigné  sous 
.e  nom  d'ammoniacum  ;  ce  fut  dans 
le  printemps  de  1808.  Il  avait  alors 
presque  abandonné  l'électricté  pour 
se  livrer  exclusivement  à  des  recher- 
ches d'optique.  Ses  relations  avec 
Gœthe  contribuèrent  sans  doute  à 
l'entraîner  dans  cette  nouvelle  di- 
rection, et  ce  fut  un  bonheur,  car 
les  découvertes  optiques  de  Seebeck 
sont  le  plus  beau  fleuron  de  sa  cou- 
ronne. Il  étudia  d'abord  l'influence 
des  divers  rayons  colorés  sur  les  com- 
posés chimiques   et   les  substances 
phosphorescentes.  Zanotti,  en  éclai- 
rant le  phosphore  de  Bologne  avec 
les   diverses    couleurs   du  prisme , 
était  arrivé  à  ce  résultat  singulier, 
que  toutes,  ainsi  que  la  lumière  blan- 
che, elles  faisaient  briller  le  phos- 
phore d'une   même  couleur   jaune 
rouge.  Beccario  voulait,  au  contraire, 
que  chaque  rayon  communiquât  sa 
couleur  à  la  substance  phosphores- 
cente ;  il  est  vrai  qu'il  se  rétracta 
plus  tard;  mais  sa  rétractation  fut 
comme  non  avenue,  parce  que  son 
assertion    première   souriait  beau- 
coup aux  partisans  trop  nombreux 
alors   de  la  théorie  de  l'émission. 
Comment  concevoir,  en  effet,  si  la 
lumière  est  une  substance  matérielle, 


SEE 

que  l'intussusceplion  du  fluide  lumi- 
neux bleu,  par  exemple ,  colore  en 
jaune  rouge,  sans  cependant  le  dé- 
composer, le  phosphore  de  Bologne? 
Il  fallait  donc  que  dans  sou  expé- 
rience Zanotti  se  fiît  trompé.  Mais 
il  n'en  était  rien ,  et  Seebeck  le 
prouva  jusqu'à  l'évidence  en  la  ré- 
pétant sous  toutes  les  formes  imagi- 
nables. Il  y  ajouta  un  fait  plus  cu- 
rieux encore  et  qui  démontre  non 
moins  invinciblement  le  système  des 
ondulations  :  la  quantité  de  lumière 
émise  par  le  phosphore  résultant 
d'un  mélange  calciné  de  chaux  et 
de  baryte  dépend  de  la  couleur  des 
rayons  par  lesquels  on  l'éclairé;  le 
maximum  d'intensité  correspond  aux 
rayons  violets ,  le  minimum  aux 
rayons  rouges.  Il  y  a  plus  :  quand 
la  phosphorescence  a  été  excitée  par 
une  première  lumière,  l'action  des 
rayons  rouges  la  fait  cesser  tout  à 
coup.  On  conçoit  qu'un  mouvement 
en  éteigne  un  autre  ;  mais  il  serait 
impossible  d'admettre  que  l'addition 
d'une  matière  lumineuse  amène  l'ob- 
scurité. Cette  propriété  négative  des 
rayons  rouges  est  un  fait  d'une 
grande  portée  et  dont  on  n'a  com- 
pris l'importance  que  lorsque,  trente 
ans  après ,  un  physicien  français 
crut  l'avoir  découvert  pour  la  pre- 
mière fois.  Seebeck  constata  encore 
que,  dans  des  circonstances  conve- 
nablement choisies,  le  chlorure  d'ar- 
gent prend  la  couleur  du  rayon  qui 
l'éclairé  ;  il  remarqua  que  l'action 
chimique  n'est  pas  instantanée  et 
qu'elle  se  continue  comme  la  phos- 
phorescence pendant  un  temps  ap- 
préciable. En  1819,  il  reprit  la  ques- 
tion difficile  de  la  distribution  de  la 
chaleur  dans  le  spectre  solaire.  Lan- 
dreani  plaçait  le  maximum  de  tem- 
pérature dans  le  jaune,  Rochon  en- 
tre le  jaune  et  le  rouge,  Senebier 


S£E 


S£E 


21 


dans  le  rouge,  Herschel  enfin  en  de- 
hors du  rouge.  Seebeck  vida  le  dif- 
férend en  démontrant  que  la  posi- 
lion  du  maximum  dépend  de  la  na- 
ture du  prisme  employé.  M.  Mel- 
loui,  depuis,  a  reconnu  qu'il  fallait 
de  pliis  tenir  compte  de  l'épaisseur 
du  prisme,  ce  que  Seebeck  n'avait 
pas  pu  observer  avec  les  instruments 
imparfaits  mis  à  sa  disposition.  S'il 
avait  été  mieux  pourvu,  il  est  très- 
probable  qu'il  aurait  l'ait  la  décou- 
verte capitale  des  différences  existant 
entre  les  rayons  calorifiques  prove- 
nant de  diverses  sources,  découverte 
qui  suffirait  à  immortaliser  M.  Mel- 
loni.  M.  Arago  découvrit  en  1811  la 
propriété  remarquable  dout  jouis- 
sent toutes  les  substances  double- 
ment réfringentes  de  dépolariser  le 
rayon  lumineux  qui  les  traverse;  il 
observa  que  quelques  substances  non 
cristallisées,  certains  sucres,  par 
exemple,  jouissaient  de  la  même  pro- 
priété, mais  que  l'action  exercée  par 
eux  était  différente  dans  divers  points 
de  leur  masse.  En  répétant  ces  belles 
expériences  avec  un  appareil  qui 
augmentait  le  champ  de  la  vision  et 
permettait  d'embrasser  d'un  seul 
coup  d'œil  tout  l'ensemble  du  phéno- 
mène, Seebeck  aperçut,  non  sans 
étonnement,  ces  belles  figures  diver- 
sement colorées  qu'il  a  désignées  sous 
le  nom  à.''entopUques.  Distribuées 
dans  toute  l'étendue  de  la  plaque  ; 
quadrangulaires  dans  les  plaques 
carrées,  circulaires  dans  les  plaques 
rondes,  trigones  dans  les  plaques 
triangulaires,  etc.,  elles  varient  d'ar- 
rangement comme  aussi  de  cou- 
leur quand  on  tourne  les  plaques  dans 
leur  propre  plan ,  et  subissent  des 
mutations  soudaines  et  générales  de 
teinte  et  de  configuration  quand  on 
enlève  par  fracture  une  portion  des 
plaques.   Seebeck  comprit  sur-le- 


champ  que  ces  phénomènes  résul- 
taient d'une  tension  inégale  des  dif- 
férentes parties  des  plaques  où  on  lés 
observe,  et  il  le  prouva  en  modifiant 
les  figures  entoptiques  déjà  formées 
ou  les  faisant  naître  par  l'application 
d'une  pression  artificielle,  par  le 
refroidissement  subit  des  plaques 
chauffées  et  la  trempe,  etc.,  etc. 
Seebeck  avait  donc  à  la  fois  et  décou- 
vert un  brillant  phénomène  et  trouvé 
son  explication  :  l'Académie  royale 
des  Sciences  de  Paris  couronna  ses 
belles  recherches  en  lui  faisant  par- 
tager avec  le  docteur  Brewster  un 
prix  de  3,000  francs,  et,  mieux  en- 
core, en  lui  ouvrant  son  sein  en  qua- 
lité de  membre  correspondant.  Parmi 
les  phénomènes lumiueuxdécouverts 
en  si  grand  nombre,  de  1811  k  1815, 
il  n'en  est  aucun,  ou  presque  aucun, 
que  Seebeck  n'ait  observé  de  son 
côté  ]  de  sorte  qu'avec  plus  d'ambi- 
tion ou  d'empressement,  avec  moins 
de  modestie  ou  d'abandon,  il  aurait 
beaucoup  ajouté  à  ses  titres  de  gloire. 
Citons  quelques  exemples:  11  con- 
stata la  polarisation  du  ciel  bleu, 
il  reconnut  la  propriété  dont  jouit 
une  plaque  de  tourmaline  taillée  pa- 
rallèlement à  l'axe  de  ne  laisser 
passer  que  le  rayon  polarisé  perpen- 
diculairement à  ce  même  axe  ;  il  vit 
les  anneaux  colorés  des  plaques  de 
spath  d'Islande  perpendiculaires  à 
l'axe  ;  il  pressentit  la  rotation  du 
plan  de  polarisation  par  le  passage 
à  travers  certaines  substances  soli- 
des ou  liquides,  plusieurs  mois  avant 
d'apprendre  que  ces  phénomèmes 
avaient  été  remarqués  avant  lui  par 
MM.  Arago,  WoUaston  et  Biot,  et 
que  dans  l'histoire  de  la  science  ils 
se  rattacheraient  à  ces  noms  glo- 
rieux. Pour  donner  une  idée  de  la 
patience  avec  laquelle  Seebeck  ob- 
servait, pour  montrer  à  quel  point 


2Î 


SEE 


il  multipliait  les  expériences,  nous 
citerons  un  passage  d'une  lettre  qu'il 
écrivit  à  M.  Biot  et  qui  est  datée  de 
Nuremberg,  26  février  1816.  «  Le 
sucre  dissous  dans  l'eau  rétablit  la 
transparence  entre  les  piles  croisées 
(ou,  ce  qui  revient  au  même,  dépola- 
rise le  rayon  polarisé  par  son  pas- 
sage à  travers  une  première  pile  de 
lames  parallèles),  et  cela  d'autant 
mieux  qu'il  y  a  plus  de  sucre  dans 
la  dissolution  :  il  diminue  la  transpa- 
rence des  piles  dans  leur  position  pa- 
rallèle. Si  l'on  place  une  dissolution 
de  sucre  au-devant  d'un  verre  rempli 
d'essence  de  térébenthine,  l'ensemble 
des  deux  liquides  n'est  pas  transpa- 
rent eutre  les  piles  croisées...  J'ai  in- 
diqué dans  une  de  mes  précédentes 
lettres  (1)  plusieurs  huiles  qui  réta- 

(i)  Ces  mots  ex[)iiitient  uettemeut  que 
Seebecli  avait  déjà  entretenu  M.  Biot 
de  la  propriété  dout  jouisseut  certains 
fluides  de  dépolariser  la  lumière  ou  de  faire 
tourner  sou  plan  de  jiolarisation.  Quelle 
était  la  date  de  la  lettre  à  laquelle  Seeiieck 
rcuvoie,  nous  ne  le  savons  pas.  M.  Biot, 
qui  a  gardé  précieusement  et  public  les 
trois  autres,  dit  en  parlant  de  celle-ci  : 
<<  M.  Seebeckm'avait  adressé  une  quatrième 
lettre  sur  les  mêmes  objets  à  une  époque 
intermédiaire  entre  celle-ci.  Mais  je  l'avais 
donnée  à  une  personne  qui  n'est  plus  et 
on  ne  l'a  pas  retrouvée  dans  ses  papiers,  de 
sorte  qu'elle  l'a  vraisemblablement  échan- 
gée pour  quelques  autres  autographes.» 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences, 
tom.  XV,  pag.  <j5.  Nous  avons  de  la  peiue 
à  croire  qu'eu  l'absence  de  cette  lettre 
M.  Biot  ait  cru  pouvoir  résoudre  d'une 
manière  pleinement  satisfaisante  la  contro- 
verse de  la  découverte  du  beau  phénomène 
de  la  rotatiou  des  liquides.  Hersçliel  et 
après  lui  beaucoup  de  physiciens  avaient 
dit  en  parlant  de  ce  fait  :  «  M,  Binl  et  M. 
Seebeck  paraissent  avoir  fait  reltc  singu- 
lière et  intéressante  découverte  à  jieu  i)rès 
dan.s  le  même  temps.  »  M.  Biot  affirme  que 
dans  ce  passage  on  a  fait  au  physicien  alle- 
mand une  trop  belle  part;  il  veut  que  la 
première  observation  de  Seebeck  soit  pos- 
térieure de  quatre  mois  aux  conimuuica- 
tioDS  qu'il  fit  a  l'Académie  vers  la  fin  d'oc- 
tobre i8i5.  Mais  si  la  lettre  perdue  avait 
précédé  de  quatre  ou  cinq  mois  celle  dont 


SEE 

blissent  la  transparence ,  si  l'on  fait 
agir  l'une  de  ces  huiles ,  par  exem- 
ple celle  de  menthe  poivrée,  con- 
jointement avec  de  l'essence  de  téré- 
benthine ;  ces  deux  huiles  étant  ren- 
fermées dans  des  vases  particuliers, 
les  objets  paraissent  beaucoup  plus 
nets  qu'avec  une  seule  des  deux  hui- 
les. L'huile  de  cèdre  combinée  de 
même  avec  l'essence  de  térébenthine 
produit  un  effet  pareil.  Ces  huiles 
existent  donc  de  la  même  manière 
que  l'essence  de  térébenthine,  car 
cette  dernière  éclaircit  le  champ  pro- 
portionnellement à  son  épaisseur. 
Plusieurs  autres  huiles  exercent  des 
actions  semblables,  d'autres  ne  ré- 
tablissent pas  la  transparence  :  ce 
sont  celles  d'hysope ,  d'origan ,  de 
cerfeuil,  de  camomille,  d'oeillet,  d'a- 
nis,  de  thym,  de  mille-fleurs,  de  cu- 
min, de  cajeput,  de  marjolaine,  de 
bergamotle,  de  lavande,  de  cassis, 
d'aneth,  de  valériane,  etc....»  11 
résulte  au  moins  de  cette  lettre  que 
Seebeck  a  constaté  le  premier  l'ac- 
tion dépolarisante  et  par  conséquent 
le  pouvoir  rotatoire  du  sucre;  c'est 
un  fait  ordinaire  en  apparence,  c'é- 
tait en  même  temps  le  germe  d'une  des 
plus  belles  applications  de  la  science 
à  l'industrie.  Aujourd'hui,  avec  lesac- 
carimètre  si  ingénieux  de  M.  Soleil  et 
en  s'aidant  des  principes  posés  par 
M.  Biot,  des  tables  calculées  par' 
M.  Clerget,  on  peut,  en  portant  la 
propriété  caractéiistique  mise  en 
évidence  par  Seebeck,  déterminer 
avec  la  plus  grande  facilité,  à  un  ou 
deux    centièmes   près,  la    quantité 


n<»us  iiVdU-i  i:itc  un  fragment,  et  qui  est  du 
a6  féviicr  i8i6,  la  question  de  ])riorité  res- 
terait trcs-douteuse.  Il  est  vraiment  fâcheux 
que  la  plus  importante  des  lettres  soit  pré- 
cisémuDt  celle  qui  s'est  perdue.  Dans  tous 
les  cas,  c'est  bien  M.  Bioi  qui  le  premier  a 
montré  et  mesuré  la  rolaMon  ii  droite  ou  à 
gauche. 


SËË 


SEH 


S3 


l'celle  de  sucre  contenue  dans  un  mé- 
lange ou  dans  une  dissolution  don- 
née. Une  simple  expérience  faite  il 
y  a  trente  ans,  dans  un  des  labora- 
toires d'une  humble  cité  allemande, 
aura  eu  pour  résultat  d'établir  sur 
ses  seules  bases  raisonnables  un  im- 
pôt qui  rapporte  au  Tre'sor  français 
de  nombreux  millions.  Tant  de  dés- 
intéressement,  une  si  noble  répu- 
gnance à  défendre  ses  droits  méri- 
taient une  éclatante  compensation: 
elle  ne  se  fit  pas  long-temps  attendre, 
et,  en  1821,  Seebeck  attachait  son 
nom  à  l'une  des  magnifiques  décou- 
vertes qui  ouvrent  un  horizon  nou- 
veau et  seront  célébrées  à  jamais 
d'âge  en  âge.  Seebeck  ,  un  jour  in- 
spiré par  un  bon  génie,  voulut  étu- 
dier les  modifications  électriques 
(ju'une élévation  de  température  de- 
vait produire  au  contact  de  deux  mé- 
taux hétérogènes.  11  prit  un  cylindre 
de  bismuth,  et  souda  à  ses  deux  ba- 
ses les  extrémités  pliées  rectangulai- 
rement  d'une  lame  de  cuivre.  Il  avait 
ainsi  construit  un  rectangle  dont  un 
des  côtés  était  formé  de  bismuth  uni 
au  cuivre  par  une  double  soudure.  Au 
sein  de  ce  rectangle  il  suspendit  une 
aiguille  aimantée  ,  puis  il  chauffa 
l'une  des  soudures,  en  maintenant 
l'autre  à  la  température  de  l'air  am- 
biant ;  aussitôt  l'aiguille  dévia  et  de- 
vint perpendiculaire  à  sa  première 
direction  :  l'élévation  de  tempéra- 
t  ure  de  l'une  des  soudures  avait  donc 
donné  naissance  à  un  courant  élec- 
trique intense:  les  phénomènes  ther- 
mo-électriques étaient  découverts  et 
une  pile  nouvelle  venait  s'ajouter  à 
celle  de  Volta.  Son  apparition  fut  sa- 
luée par  des  transports  d'enthou- 
siasme faciles  à  expliquer ,  parce 
que  l'on  comprit  sur-le-champ  qu'elle 
rendrait  possibles  des  recherches  in- 
abordables jusqu'alors.  Et,  en  effet. 


la  pile  thermo-électrique,  ou  le  ther- 
mo-multiplicateur, a  reçu  mille  ap- 
plications fécondes  et  imprévues. 
M.  Peltier ,  physicien  français,  la 
transforma  en  pince  thermoscopi- 
que  et  constata,  au  grand  étonne- 
ment  du  monde  savant  tout  entier, 
l'existence  d'un  courant  électrique 
produisant  dn  froid  :  l'électricité  vol- 
taïque,  qui  jusque-là  ne  s'était  révé- 
lée que  par  une  chaleur  intense  et 
ses  effets  terribles  de  combustion, 
se  montra  froide  tout  à  coup  5  au  lieu 
d'étincelles  brillantes,  elle  donna  des 
glaçons.  Entre  les  mains  de  MM.  No- 
voli  etMelloni  celte  même  pile,  unie 
au  galvanomètre,  devint  un  thermo- 
mètre d'une  sensibilité  en  quelque 
sorte  infinie:  aucune  chaleur,  quel- 
que peu  intense  qu'on  la  suppose, 
n'échappera  désormais  aux  investi- 
gations de  la  science  :  la  température 
des  insectes ,  la  chaleur  dégagée 
dans  ta  combustion  lente  des  sub- 
stances phosphorescentes,  celle  des 
rayons  lunaires,  ont  été  non-seule- 
ment constatées  ,  mais  mesurées;  on 
a  exploré  tout  à  la  fois  avec  le  mer- 
veilleux instrument  et  la  tempéra- 
ture des  parties  les  plus  intimes  du 
corps  de  l'homme  et  des  animaux, 
et  celle  des  fourneaux  les  plus  em- 
brasés, la  température  des  mers  les 
plus  profondes  et  celle  des  hauteurs 
de  l'atmosphère,  etc.,  etc.  Avec  cette 
pile,  enfin,  M  Melîoni  nous  a  révélé 
la  nature  inconnue  de  la  chaleur 
rayonnante,  il  a  constaté  des  diffé- 
rences énormes  entre  des  rayons  ca- 
lorifiques que  l'on  avait  identifiés  jus- 
qu'à lui.  Six  grands  phénomènes 
dominent  la  science  aujourd'hui  si 
vaste  de  l'électricité  :  1"  la  décou- 
verte du  courant  électrique  et  de  la 
pile  ;  2"  l'action  des  courants  sur  l'ai- 
guille aimantée  ;  3"  l'action  des  cou- 
rants s»ir   les  courants;  4"  la  pile 


21 


SEE 


theimo-electrique;  r.o  l'aimantation 
produite  par  les  courants  i  6"  l'action 
sur  l'aiguille  aimantée  des  corps  en 
mouvement,  et  plus  généralement 
l'induclion  voltaïque  et  magnétique. 
Un  de  ces  phénomènes  appartient 
à  Seebeck ,  et ,  par  conséquent , 
son  nom  resplendira  dans  tous  les 
siècles  à  côté  de  ceux  des  Volta  , 
des  Œrsted,  des  Ampère,  des  Ârago 
et  des  Faraday.  Arrêtons-nous,  en 
rappelant  toutefois  que  Seebeck , 
dans  sa  note  sur  le  magnétisme 
transversal,  avait  depuis  long-temps 
devancé  M.  Faraday  dans  sa  dis- 
tinction tant  exallée  des  substan- 
ces magnétiques  etdia-magnétiques. 
L'illustre  physicien  de  Berlin  avait 
réellement  reconnu  que,  placées  sous 
la  forme  allongée  entre  les  pôles  d'un 
aimant,  les  diverses  substances  sent 
diversement  influencées.  Les  unes, 
simplement  magnétiques,  étaient  al- 
térées et  se  dirigeaient  suivant  la  li- 
gne des  piles  ;  les  autres,  repoussées, 
prenaient  une  direction  transversale; 
les  troisièmes,  enlin,  n'étaient  ni  at- 
tirées ni  repoussées,  elles  restaient 
indifférentes  ou  neutres.  Nous  avons 
prouvé  surabondamment  que  See- 
beck doit  être  placé  au  premier  rang 
des  physiciens  qui  se  sont  tiait  un 
nom  célèbre  par  leurs  expériences 
et  leurs  observations  ;  sous  le  rap- 
port de  la  théorie  il  fut  beaucoup 
moins  heureux;  il  a  partagé  avec 
Gœthe  le  triste  privilège  de  substi- 
tuer des  systèmes  vagues  et  incohé- 
rents aux  idées  universellement  ad- 
mises. Lui  aussi  voulait  que  le 
rayon  de  lumière  blanche  fût  simple 
et  un  ;  il  se  refusait  à  reconnaître  que 
le  magnétisme  eiit  des  rapports  inti- 
mes avec  l'électricité,  etc.  Il  est  donc 
vrai  que  l'homme  le  plus  heureuse- 
ment pourvu  des  dons  de  la  nature 
Rsl  encore  incomplet  et  que  la  per- 


SEE 

fection  n'est  pas  dans  la  condition 
humaine.  M— n— o. 

SEEGER  (  Christophe  -  Denis  , 
baron  de  ) ,  général  wurtembergeois, 
naquit  en  1740 ,  à  Schockingen  ,  où 
son  père  était  pasteur.  Ses  parents 
l'ayant  destiné  à  l'état  ecclésiastique, 
il  fréquenta  pendant  quatre  ans  les 
écoles  de  Blaubeuren  et  Babenhau- 
sen  ;  mais  au  moment  où  il  devait  se 
rendre  à  Tubingen  pour  y  continuer 
ses  études ,  il  changea  de  plan  et  en- 
tra comme  cornette  dans  le  régiment 
des  cuirassiers  de  Phull,  nouvelle- 
ment organisé.  H  fit  la  guerre  dans 
la  même  année  contre  la  Prusse,  et 
se  trouva  à  la  malheureuse  affaire  de 
Fulde.  Il  devint  l'année  suivante 
lieutenant  d'un  bataillon  de  grena- 
diers, et  fit  plus  tard  le  service 
d'aide-de-camp.  On  voit  par  un  petit 
traitéïqu'il  publia  en  1762,  à  Tu- 
bingen, De  l'influence  des  arts  et  des 
sciences  stir  l'art  militaire,  qu'il  ne 
négligea  point  la  littérature  et  tout 
ce  qui  pouvait  orner  son  esprit.  Le 
duc  Charles  l'employa  dans  diffé- 
rentes occasions  comme  inspecteur 
des  travaux  publics,  des  bâtiments, 
etc.,  et  lui  conféra,  en  176S,  le  grade 
de  capitaine.  En  1770  ,  il  fut  chargé 
par  ce  prince  de  lui  présenter  le  plan 
d'un  établissement  destiné  à  l'éduca- 
tion des  jeunes  jardiniers.  Ce  fut  le 
premier  germe  de  l'établissement  qui 
acquit  plus  tard  une  si  grande  ré- 
putation sous  les  noms  d'Académie 
de  Charles ,  de  Maison  des  orphelins 
militaires  ,  de  Pépinière  militaire , 
et  enfin  d'Académie  militaire.  Seeger 
en  fut  nommé  l'intendant  en  1773, 
et  dès  lors  la  plus  grande  partie  de 
ce  qui  s'y  lit  de  brillant  et  d'utile 
fut  son  ouvrage.  Lorsque  après  la 
mort  du  duc  Charles  rétablissement 
fut  supprimé,  Seeger  quitta  la  car- 
rière de  l'éducation  et  rentra  au  scr  • 


SEG 

vice  militaire.  Nommé  précédemment 
par  les  états  de  Souabe  colonel  et 
adjudant-général ,  il  reçut,  en  1795, 
le  brevet  de  major-général  des  trou- 
pes du  cercle  de  Souabe ,  et  quand 
les  Français  entrèrent,  en  1799,  dans 
les  bailliages  septentrionaux  du  Wur- 
temberg ,  Seeger  marcha  contre  eux 
avec  le  corps  du  général  de  Phull, 
et  se  distingua  à  Bieligheim  et  à 
Lochgau  ;  il  contribua  encore,  par 
son  activité  et  ses  talents ,  au  succès 
des  combats  de  Sinzheim  et  de  Wis- 
lock.  Dans  la  campagne  de  1800, on 
lui  donna  le  commandement  du  con- 
tingent wurtembergeois,  et  ce  fut  à 
la  tête  de  ce  corps  qu'il  soutint  plu- 
sieurs combats  dans  la  Haute-Souabe, 
qu'il  empêcha  le  18  juin  les  ennemis 
dépasser  leDanube  près  de  Dillingen, 
et  qu'il  protégea  au-delà  de  l'Inn  la 
retraite  des  Autrichiens.  L'empereur 
d'Allemagne  lui  donna  alors  le  titre 
de  baron.  Eti,1805,  lorsque  le  Wur- 
temberg s'allia  avec  la  France  contre 
l'Autriche,  Seeger  fut  nommé  lieu- 
tenant-général et  commandant  du 
corps  destiné  à  agir  sous  les  ordres 
de  Napoléon.  Depuis,  en  1806,  il  fut 
mis  à  la  retraite  et  mourut  à  Blaubeu- 
ren,  le  26  juin  1808.       B— h— d. 

SEGA  (  Philippe  ),  né  à  Bolo- 
gne, fut  promu,  en  1578,  au  siège 
épiscopal  de  Plaisance,  et  remplit, 
sous  Grégoire  Xlll,  les  fonctions  de 
légat  en  Belgique ,  en  Espagne  et  en 
Portugal.  Il  exerça,  sous  Sixte- 
Quint,  les  mêmes  fonctions  en  Alle- 
magne ,  et  fut  à  cette  occasion  décoré 
des  ordres  impériaux.  C'était,  dit 
l'Estoile ,  un  homme  de  peu  de  sa- 
voir, mais  de  beaucoup  d'esprit  et 
de  jugement.  De  retour  en  Italie,  il 
publia  des  ordonnances  synodales 
pour  son  diocèse;  puis  il  accompa- 
gna en  France  le  cardmal  Cajetan 
(i)oy.  ce  nom,  VI,  490),  légat  de 


SliG 


3S 


Sixte -Qumt  auprès  de  la  Ligue,  et, 
lorsque  ce  légat  fut  rappelé,  Sega 
resta  à  Paris  et  le  remplaça.  Il  re- 
çut, le  20  janvier  1591,  du  nouveau 
pape  Grégoire  XIV ,  un  bref  dans 
lequel  le  pontife  rappelait  tous  les 
ettorts    que   le    saint  -  siège    avait 
faits   pour  combattre  l'hérésie ,  et 
promettait  de  nouveaux  secours  en 
argent  et  en  troupes,  s'ils  étaient 
nécessaires   pour  assurer  l'élection 
d'un  roi  catholique ,  seul  parti  pro- 
pre à  pacifier  les  discordes  civiles 
auxquelles  la  France  était  en  proie. 
Philippe  Sega  publia  ce  bref  le  20 
février ,  en   l'accompagnant    d'une 
lettre  où  il  disait  que  sa  lecture  con- 
firmerait les  gens  de  bien  dans  leurs 
résolutions ,  réchaufferait  les  tièdes 
et  confondrait  ceux  que  leur  obsti- 
nation  ou  plutôt  un  fatal  enchante- 
ment avait  enchaînés  à  la  suite  des 
hérétiques.  Le  15  janvier  1593,  au 
moment  de  la  réunion  des  États  de 
la  Ligue,  Philippe  Sega  adressa  une 
nouvelle  exhortation   aux  catholi- 
ques, dans  laquelle  il  reproduisit  les 
mêmes  sentiments  avec  plus  de  force 
et  de  développement.  Il  se  présenta 
aussi  dans  cette  assemblée  et  joignit 
inutilement  ses  efforts  a  ceux  de 
l'ambassadeur  d'Espagne  pour  faire 
décerner  par  les  États  la  couronne  de 
France  à  l'infante  Isabelle,  nonob- 
stant la  loi  salique.  Enfin,  il  menaça 
d'excommunication   les    ecclésiasti- 
ques qui  se  rendraient  à  Saint-Denis 
pour  assister  à  l'abjuration  de  Henri 
IV,  déclarant  que  ce  prince  ne  pou- 
vait être  absous  que  par  le  pape  (Clé- 
ment VllI).  Malgré  la  vive  et  longue 
opposition  du  légat,  le  roi,  lors  de 
son  entrée  à  Paris ,  le  traita  avec 
égard  ;   il    lui    envoya    Duperron  , 
évéque  d'Évreux,  pour  lui  annoncer 
qu'il    le    recevrait  convenablement 
s'il  jugeait  à  propos  de  venir  le  voir 


26 


SEG 


et  que,  dans  le  cas  contraire,  il 
pouvait  en  tonte  sûreté  se  i  otirer  où 
il  voudrait.  Sega  n'osa  point  paraî- 
tre ,  et  quitta  Paris  accompagné  de 
DuperroUjOui  veilla  à  ce  qu'il  fût 
traite'  d'une  manière  conforme  à  sa 
dignité'.  Ce  prélat  mourut  à  Rome  le 
29  mai  1596,  et  fut  enterré  dans  l'é- 
glise de  Saint-Oiiuphre  ,  qui  était 
celle  de  son  titre  de  cardinal,  qne  lui 
avait  conféré  Innocent  IX  en  1591. 
Jérôme  Agiiccio,  son  neveu,  lui  fit 
élever  un  tombeau  de  marbre  clans 
l'église  de  Plaisance,  sur  lequel  une 
épitaphe  latine  rappela  les  emplois 
éminenls  qu'il  avait  occupés  et  les 
vertus  évangéliques  dont  il  avait 
donné  l'exemple.  B— ée. 

SEGAKRA  (Jayme),  peintre 
d'histoire,  naquit  vers  les  dernières 
années  du  XV®  siècle,  dans  le 
royaume  dePortugal.  Il  était  déjà  re- 
nommé par  plusieurs  ouvrage*  exé- 
cutés dans  l'ancien  style  ,  lorsque  la 
ville  de  Reus  le  chargea,  en  1530,  de 
peindre  le  maître-autel  de  l'antique 
ermitage  de  Notre-Dame-de-Be!em, 
aujourd'hui  de  la  Miséricorde.  Il  y 
représenta  avec  un  talent  remarqua- 
ble plusieurs  sujets  de  Vhistoire  de  la 
Vierge.  L'ermitage  qu'il  avait  ainsi 
décore  ayant  par  la  suite  été  réparé, 
on  fut  obligé  d'en  enlever  les  pein- 
tures de  Segarra  ;  mais  on  les  plaça 
dans  un  local  particulier,  où  elles 
sont  conservées  avec  soin,  comme 
un  monument  précieux  de  l'art  à  l'é- 
poque oii  ce  peintre  vivait.  Ce  fut 
aux  Juncosa  que  l'on  confia  l'exécu- 
tion des  peintures  qui  ont  remplacé 
celles  de  Segarra.  P— s. 

SEGATO  (Jérôme),  naturaliste 
et  voyageur,  né  vers  1792,  à  Vedana, 
près  de  Bellune ,  fit  ses  études  dans 
cette  dernière  ville,  et  montra  de 
bonne  heure  un  goût  prononcé  ponr 
les  sciences  naturelles,  La  chimie. 


SEG 

la  minéralogie  et  la  géologie  avaient 
surtout  pour  lui  un  charme  particu- 
lier; et,  comme  sa  fortune  n'était  rien 
moins  que  brillante,  il  s'imposait 
souvent  les  plus  dures  privations 
afin  de  pouvoir  se  procurer  quel- 
ques instruments  et  faire  des  expé- 
riences. Le  temps  qu'il  ne  donnait 
pas  à  l'étude  du  cabinet,  il  le  consa- 
crait à  des  excursions  dans  la  vallée 
d'Agondo  et  dans  les  montagnes  du 
pays  de  Feltre ,  qui ,  comme  on  Je 
sait,  ont  un  intérêt  spécial  pour  le 
géologue,  et  sont  riches  en  objets 
d'histoire  naturelle.  Segato  explora 
avec  soin  cette  curieuse  contrée  ,  et 
il  eut  bientôt  formé  un  petit  musée 
avec  les  coquillages  et  les  minéraux 
dont  il  revenait  chargé  à  chaque 
voyage.  Mais  l'horizon  du  pays  na- 
tal lui  sembla  trop  étroit,  et  la  pas- 
sion de  la  science  lui  fit  tourner 
ses  regards  vers  l'O rient,  vers  ces 
contrées  où  la  civilisation  est  morte 
aujourd'hui,  mais  d'où  elle  nous  est 
venue,  et  qui  gardent  encore  une 
foule  de  monuments  et  de  secrets. 
Voilà  pourquoi  les  savants  de  l'Eu- 
rope se  répandent  maintenant  de 
préférence  dans  la  Syrie  et  l'Egypte , 
et  voilà  aussi  pourquoi  Segato  dé- 
sirait si  vivement  les  connaître  au- 
trement que  par  les  relations  et  les 
descriptions  des  voyageurs.  Léger 
d'argent ,  mais  plein  d'ardeur  et  de 
courage,  il  se  rendit  à  Venise,  bien 
décidé  à  saisir  la  première  occasion 
qui  s'offrirait  à  lui  de  s'embarquer, 
n'importe  pour  quel  pays,  pourvn 
que  le  vaisseau  se  dirigeât  vers  le 
Levant.  Ce  fut  avec  ces  dispositions 
qu'il  arriva  à  Venise  ;  et  au  bout  de 
quelques  jours  il  faisait  voile  vers 
Alexandrie.  En  mai  1820 ,  il  était  au 
Caire,  où  il  se  joignit  à  l'armée  que 
le  vice-roi  envoyait  à  la  conquête  du 
Sennaar.  Parvenu  à  la  seconde  cata- 


SÊG 


SEG 


2t 


raoîe  du  Nil ,  il  se  jeta  dans  le  grand 
désert  avec  un  domestique,  deux 
chameaux,  et  n'ayant  d'autres  pro- 
visions que  du  pain,  des  dattes  et 
quelques  outres  d'eau.  Ce  fut  avec 
d'aussi  faibles  ressources  qu'il  osa 
s'aventurer  pendant  quatre-vingts 
jours  dans  cette  mer  de  sable ,  où  les 
caravanes  les  plus  nombreuses  ,  les 
plus  aguerries  au  climat  et  les  mieux 
pourvues  restent  souvent  ensevelies 
à  jamais.  Mais  ces  terribles  exemples 
n'effrayèrent  point  Segato,  et  au  lieu 
de  fuir  le  danger ,  il  allait  au-de- 
vant, puisque  c'était  dans  le  dan- 
ger même  qu'il  pouvait  trouver  le 
germe  de  quelque  découverte  et  l'ex- 
plication encore  inconnue  de  cer- 
tains phénomènes.  La  trombe  ter- 
restre lui  en  fournit  l'occasion.  Un 
jour  que  ce  redoutable  phénomène 
s'était  montré,  Segato  voulut  exami- 
ner les  traces  qu'il  avait  laissées,  et 
trouva  entre  autres  une  excavation 
ou  le  tourbillon  avait  découvert  des 
corps  momifiés  d'hommes  et  d'ani- 
maux. En  examinant  attentivement 
ces  restes,  Segato  conçut  l'idée  de  la 
découverte  qu'il  réalisa  pins  tard  ,  et 
qui  consistait  à  donner  aux  parties 
animales  la  solidité  de  la  pierre  , 
tout  eu  en  conservant  la  forme,  la 
couleur  et  même  le  volume.  A  force 
d'essais,  le  succès  dépassa  ses  espé- 
rances ,  et  il  put  soumettre  aux  mé- 
decins et  aux  chimistes  les  plus  dis- 
tingués de  l'Italie  des  pièces  prépa- 
rées à  tous  les  degrés,  depuis  la 
flexibilité  ordinaire  jusqu'à  la  pétri- 
fication la  plus  complète.  Son  pro- 
cédé agissait  sur  les  corps  entiers 
comme  sur  les  parties  détachées ,  et 
il  avait  fait. une  table  composée  de 
deux  cent  quatorze  pièces  prises 
dans  différentes  parties  du  corps ,  et 
qui  présentaient  l'aspect  d'autant  de 
morceaux  de  marbre  de  différentes 


couleurs  et  nuances.  Mais  revenons 
à  l'Egypte.  En  quittant  le  désert, 
Segato  se  dirigea  vers  le  Nil,  pénétra 
dans  la  pyrami-le  d'Abu-Sir,  où  il 
resta  pendant  six  jours,  et  contracta 
une  maladie  qui  faillit  le  conduire 
au  tombeau.  11  revint  au  Caire  ma- 
lade, brisé,  méconnaissable,  et  ce 
ne  fut  qu'à  grand'peine  qu'il  put 
regagner  Alexandrie  et  s'embarquer 
pour  Livourne.  Déjà  plein  de  l'idée 
de  sa  découverte,  il  crut  qu'il  trou- 
verait plus  facilement  en  Toscane 
que  dans  l'Italie  autrichienne  les 
moyens  de  la  réaliser  et  de  l'ex- 
ploiter ',  mais ,  faut-il  le  dire?  ses  es- 
pérances, sous  ce  dernier  rapport, 
furent  complètement  trompées.  On 
admira  sa  découverte ,  on  lui  décerna 
les  plus  grands  éloges-,  des  méde- 
cins et  des  chimistes ,  tels  que Tai- 
gioni-Tozzetti,  Gazzeri,  Betti,  Za- 
netti ,  constatèrent  les  résultats  ob- 
tenus; mais  personne  n'offrit  les 
trente  mille  francs  que  Segato  de- 
mandait pour  rendre  public  son  pro- 
cédé ;  si  bien  que  le  pauvre  inven- 
teur fut  obligé,  pour  vivre,  de  s'a- 
donner à  la  calcographie.  Ce  fut  lui 
(pu  grava  la  fameuse  carte  de  l'Afri- 
que septentrionale,  publiée  à  Flo- 
rence, et  celle  de  la  Toscane,  du 
père  Inghirami ,  qu'il  améliora  en- 
core dans  les  détails.  C'est  aussi  sous 
sa  direction  que  fut  publié  VAtlas  de 
la  Haute  et  Basse- Egypte^  illustré 
par  le  professeur  Dominique  Vale- 
riani,  d'après  les  dessins  de  Denon  et 
le  grand  ouvrage  de  l'expédition 
scientifique  faite  en  Egypte  eu  1827- 
28  par  des  savants  français  et  tos- 
cans sous  les  auspices  de  leurs  gou- 
vernements respectifs.  Cet  Atlas, ^pu- 
blié par  livraisons,  se  compose  de  135 
planches  auxquelles  sont  joints  deux 
volumes  de  texte, Florence,  18o.j-37, 
in-folio.  Ce  fut  au  milieu  de  ces  tra- 


28 


SEG 


SEG 


vaux  que  la  mort  le  surprit,  le  3  fé- 
vrier 1836,  sans  lui  laisser  le  temps 
de  confier  à  un  ami  le  secret  de  sa 
découverte.  On  trouve  cependant  de 
curieux  détails  sur  cet  objet  dans 
l'opuscuJe  italien  qui  a  pour  ti- 
tre :  De  l'Art  de  rendre  aussi  durs 
que  la  pierre  et  inaltérables  les  corps 
des  animaux  ;  Relation  de  la  décou- 
verte de  J.  Segato^  par  M.  Joseph 
Pellegrini,  avocat,  Florence,  1835, 
in-8°.  Plusieurs  savants  italiens  se 
sont  efforcés  de  marcher  sur  les  tra- 
ces de  Segato,  et  de  faire  revivre 
son  procédé  avec  le  petit  nombre  de 
données  qu'il  avait  laissées  échapper. 
Celui  qui  semble  avoir  eu  le  plus  de 
succès  dans  cette  tentative  est  M.  Ange 
Comi,  jeune  médecin  romain,  qui,  à 
force  d'essais  et  de  patience,  est  par- 
venu, il  va  peu  d'années,  à  pétrifier 
des  fleurs,  des  poissons,  et  même  le 
corps  entier  d'une  jeune  fille.  Mais 
ces  préparations  étaient  loin  d'éga- 
ler sous  tous  les  rapports  celles  de 
Segato.  A— Y. 

SEG  AUD  (  Pierre  -  DoiMINique  ) , 
né  en  1784,  à  Montluel  en  Bresse, 
vint  de  bonne  heure  à  Paris,  où  il 
étudia  la  jurisprudence  dans  l'insti- 
tution nommée  Académie  de  législa- 
tion ;  puis  il  se  rendit  à  Lyon  et  fut 
inscrit,  en  1806,  au  nombre  des 
avocats  à  la  Cour  royale  de  cette 
ville.  Quoiqu'il  écrivît  presque  tou- 
jours ses  plaidoyers,  il  les  débitait 
avec  autant  de  chaleur  et  d'énergie 
que  s'il  les  eût  improvisés.  Les  fonc- 
tions du  barreau  ne  l'empêchaient 
pas  de  cultiver  la  littérature-,  il  y 
consacrait  ses  loisirs  ,  et  il  concou- 
rut, en  1807,  à  la  fondation  du  cercle 
littéraire  de  Lyon.  Après  la  Restau- 
ration ,  il  se  rangea  dans  l'opposition 
libérale.  11  espérait  d'être  élu  dé- 
puté ,  lorsque  la  mort  le  frappa  pré 
maturément  le  27  septembre  1821. 


Un  discours  funèbre ,  prononcé  sur 
sa  tombe  par  M.  Passet,  bâtonnier 
de  l'ordre  des  avocats ,  a  été  inséré 
dans  la  Gazette  universelle  de  Lyon, 
2  octobre  1822,  qui  contient  aussi , 
dans  le  numéro  du  28  septembre, 
une  Notice  sur  Segaiid.  On  a  de  lui  : 
1°  Des  mémoires  judiciaires,  dont 
plusieurs  sont  imprimés,  un  entre 
autres  pour  les  enfants  Basset ,  sur 
les  effets  civils  d'une  double  biga- 
mie, et  un  pour  le  président  Mi- 
chily,  sur  la  restitution  des  biens 
d'un  proscrit,  en  vertu  de  l'édit  ré- 
vocatoire  de  celui  de  Nantes  \  2°  L'A- 
cadémie de  Lyon  en  1809 ,  précédée 
d'une  épître  à  S.  A.  S.  le  prince  Le- 
brun; Lyon,  1810,  in-8°  (anonyme). 
C'est  une  parodie  du  compte-rendu 
des  travaux  de  cette  société.  Segaud 
a  laissé  manuscrits  :  1"  une  corné- 
die  en  trois  actes  et  en  prose,  dans 
le  goût  latin,  intitulée  Les  trois 
Sabines]  2°  un  Voyagea  Chantilly 
et  à  Ermenonville;  3°  le  Temple  de 
la  nature,  imité  du  Temple  de 
Gnide  de  Montesquieu  ;  i"  des  Con- 
sidérations sur  l'état  actuel  du 
commerce  de  Lyon:,  en  réponse  aux 
assertions  émises  à  la  tribune  par 
M.  Pavy,  député  du  Rhône,  sur  la 
dégénération  de  l'industrie  en  France 
depuis  la  Révolution.  Segaud  s'occu- 
pait aussi  d'un  ouvrage  Sur  le  prêt 
à  intérêt.  P— rt. 

SEGOVIA  (Jean  de)  ,  peintre  de 
marines,  né  dans  les  premières  années 
du  XVll^  siècle,  se  rendit  à  Madrid 
vers  1650.  Il  déploya  un  rare  talent 
artistique,  et  ses  ouvrages  se  firent 
distinguer  par  une  facilité  prodigieu- 
se, et  surtout  par  leur  élégance.  Peu 
de  peintres  ont  porté  k  un  degré  aussi 
éminent  la  fidélité  à  rendre  tout  ce 
qui  tient  à  la  forme  des  vaisseaux  et 
de  leurs  agrès  ;  mais  le  dessin  de  ses 
figures  est  loin  de  n-pondre  aux  au- 


SÈG 


SÎ^G 


S9 


très  parties  de  «es  ouvrages  et  à  sa 
couleur,  qui  est  belle  et  vigoureuse. 
Les  amateurs  espagnols  font  le  plus 
grand  cas  des  charmants  ouvrages 
de  ce  peintre.  P — s. 

SÉGUENOT  (Claude),  oratorien 
fameux ,  qui  a  largement  contribué 
à  nourrir  et  justifier  les  préventions 
contrela  congrégation  à  laquelle  il  ap- 
partenait, était  fils  de  Jean  Séguenot, 
conseiller  du  roi  aux  bailliage,  chan- 
cellerie et  prévôté  d'Avallon ,  en  Bour- 
gogne, et  naquit  dans  cette  ville  le  6 
(Papillon  met  le  7)  du  mois  de  mai 
1596.  Après  avoir  fait  ses  études  de 
théologie  en  Sorbonne  ,  il  fréquenta 
le  barreau  k  Dijon  et  à  Paris,  où  il 
plaida  quelques  causes.  Il  fut  ensuite 
pourvu  d'une  charge  de  judicature 
qu'il  abandonna  pour  entrer,  en 
1624  ,  dans  la  congrégation  de  l'O- 
ratoire, qui  ne  comptait  encore  que 
treize  ans  d'existence.  Dans  ce  nou- 
veau régime,  Séguenot  s'appliqua 
d'une  manière  particulière  à  l'étude 
des  œuvres  de  saint  Augustin,  et  se  lia 
dès  ce  temps-là  avec  l'abbé  de  Saint- 
Cyran,  que  la  congrégation  naissante 
avait  encouragé  dans  ses  projets  de 
travaux  sur  saint  Augustin;  circon- 
stance ignorée  du  plus  grand  nombre 
et  que  nous  tenons  à  faire  connaître. 
Séguenot  fut  un  des  douze  pères  qui 
accompagnèreni  Bérulle  en  Angle- 
terre, à  la  suite  de  la  reine  Henriette, 
sœur  de  Louis  XIH,  épouse  de  Char- 
les ^^  De  retour  à  Paris  en  1626,  il  fut, 
cette  année-là ,  ordonné  prêtre  par 
Jean-François  de  Gondi ,  évêque  de 
Paris,  et  dès  l'âge  de  33  ans  il  fut,  en 
1629,  nommé  supérieur  de  la  maison 
de  Nancy,  puis  successivement  des 
maisons  de  Dijon,  de  Rouen  et  de  Sau- 
mur.  Cependant,  d'après  le  Gallia 
Christiana,  t.  XII,  il  aurait  vécu 
quelque  temps  hors  de  sa  congréga- 
tion ,    sans    l'abandonner.    Claude 


Le  Mnet ,  doyen  de  la  cathédrale 
d'Auxerre  ,  ayant  été  nommé  doyen 
de  Vézelay  ,  eut  pour  successeur  le 
P.  Séguenot,  qui  résigna  en  faveur 
d'Edmond  d'Amyot,  de  Sens,  qui 
prit  possession  en  1632.  Peut-être, 
d'ailIeurs,Séguenotnerésida-t-ilpas. 
Il  n'avait,  dit-on,  aucun  goût  pour  la 
théologie  scolastique,  partageant  tou- 
tes les  préventions  semi- prolestan- 
tes et  janséniennes  qu'on  a  mani- 
festées contre  elle  depuis  deux  siè- 
cles. Il  aurait  voulu  qu'on  trouvât 
moyen  de  rendre  saint  Augustin  fa- 
milier, et  que  chacun  eût  été  excité 
à  étudier  les  ouvrages  de  ce  père; 
chose  excellente,  pourvu  qu'on  y 
apporte  les  dispositions  nécessaires. 
Ce  fut  ce  goût  qui  le  lia  intimement 
avec  l'abbé  Duvergier  de  Hauranue 
(Saint-Cyran) ,  Arnauld  et  presque 
tous  les  amis  de  l'un  et  de  l'autre. 
Cette  liaison,  qui  ne  contrariait  pas 
vraisemblablement  les  opinions  de 
l'Oratoire ,  l'égara  et  troubla  son  re- 
pos pendant  quelques  années.  Ayant 
fait ,  en  1638 ,  une  traduction  fran- 
çaise du  livre  de  la  Virginité^  par 
saint  Augustin,  avec  d'amples  notes 
théologiques,  il  vit  s'élever  contre 
son  ouvrage  les  religieux  et  tous  les 
catholiques ,  scandalisés  des  senti- 
ments étranges  et  nouveaux  qu'il  y 
établissait.  Le  P.  Séguenot  était  pour 
lors  supérieur  de  la  maison  de  N.-D. 
des  Ardilliers,  àSaumur,  où  la  troi- 
sième assemblée  générale  de  l'Ora- 
toire, à  laquelle  il  était  député,  se 
réunit  cette  année-là,  et  s'ouvrit  le  6 
mai.  Dès  le  lendemain,  le  cardinal  de 
Richelieu,  qui  montrait  des  disposi- 
tions énergiques  pour  prévenir  les 
troubles  arrivés  au  siècle  précédent 
en  Allemagne  et  étouffer  l'hérésie 
naissante,  fit  enlever  le  P.  Séguenot, 
le  fit  constituer  prisonnier  au  châ- 
teau de  Saumur,  d'où,  le  24  du  même 


30 


SEG 


mois,  il  fut  transféré  à  la  Bastille.  On 
conçoit  la  sensation  que  cet  enlève- 
ment dut  produire  sur  l'assemblée. 
Elle  était  présidée  par  l'excellent  P. 
de  Condren,  qui,  sachant  qu'on  ré- 
pandait déjà  des  bruits  sur  les  maxi- 
mes et  la  doctrine  de  la  congréga- 
tion, parla,  à  l'ouverture  d'une 
séance ,  sur  les  vœux  de  l'état  reli- 
gieux avec  une  grande  vénération. 
Ce  pieux  général  crut  devoir  y  ajou- 
ter une  déclaration  fidèle  des  senti- 
ments de  l'Oratoire,  pour  servira 
ses  membres  et  de  règle  au  dedans , 
ei  d'apologie  au  dehors.  L'assem- 
blée parut  entrer  dans  ses  vues,  et 
.ijouta  il  son  discours  qu'elle  sou- 
mettait sa  doctrine  aux  évoques  et 
même  aux  docteurs ,  particulière- 
ment de  la  faculté  de  Paris.  Cela 
avait  rapport  à  l'examen  que  faisait 
cette  faculté  du  livre  du  P.  Ségue- 
not,  examen  commencé  le  3  mars  de 
cette  année  1638.  La  censure  de  la 
Sorbonne,  contre  ce  livre  déjà  oublié, 
parut  au  prima  mensis  de  juin.  Le 
P.  de  Condren  fit  faire,  en  dat.edu 
13  juin,  une  nouvelle  déclaration  des 
PP.de  la  maison  de  Saint-Honoré, 
en  opposition  aux  sentiments  de  Sé- 
guenot  ;  elle  est  rédigée  en  latin.  Il 
est  fort  douteux  que  la  congrégation 
ait  agi  dans  ces  manifestations  avec 
autant  de  droiture  que  le  R.  P.  gé- 
néral. La  suite  prouvera  qu'elle  n'a- 
vait pas  grande  animosité  contre  les 
doctrines  de  Séguenot.  Celui-ci,  qui 
craignait  de  rester  à  la  Bastille  jus- 
qu'à la  mort  de  Richelieu,  donna 
lui-même  une  rétractation  de  son  li- 
vre, fort  humble  dans  les  termes, 
mais  au  fond  très-péu  sincère.  Cette 
condescendance,  au  reste,  ne  servit 
à  rien,  et,  jusqu'à  la  mort  de  Riche- 
lieu, il  resta  à  la  Bastille.  La  Vie  du 
P.  Joseph ,  par  l'abbé  Richard ,  at- 
tribue à  la  vengeance  du  capucin  les 


SEG 

vexations  éprouvées  par  '  Séguenot  ; 
on  sait  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  as- 
sertions de  Richard.  La  véritable 
cause  des  disgrâces  de  l'oratorien  se 
trouve  dans  ses  propositions  erro- 
nées et  dans  sa  liaison  avec  Saint- 
Cyran.  Le  Dictionnaire  de  Moréri , 
qui  recule  au  18  et  au  23  juin  les  dé- 
bats  de  la  faculté  de  théologie  sur 
cette  allai re  et  l'apparition  de  sa 
censure  au  1*^''  juillet,  nous  paraît 
dans  l'erreur.  Richelieu  étant  mort 
en  1642,  Séguenot  sortit  de  la  Bas- 
tille et  rentra  dans  la  congrégation 
de  l'Oratoire  sans  flétrissure  :  ce  sont 
les  termes  de  Richard  Simon.  11  avait, 
dit  celui-ci ,  plusieurs  petits  oiseaux 
dans  sa  chambre  quand  on  vint  lui 
annoncer  sa  mise  en  liberté  ;  il  est 
juste,  dit-il,  delà  donner  aussi  à 
ceux  qui  m'ont  fait  une  si  agréable 
compagnie  dans  ma  solitude.  En 
même  temps  il  ouvrit  leur  volière,  et 
ces  oiseaux  allèrent  se  réjouir  dans 
les  airs  de  la  liberté  de  leur  maître. 
Les  annales  manuscrites  de  l'Oratoi- 
re, écrites  dans  un  tel  esprit  que  nous 
nous  croyons  fondé  à  les  attribuer 
à  Adry  ,  quoiqu'il  les  cite  comme 
n'étant  pas  de  lui,  disent  que  Riche- 
lieu ayant  demandé  au  P.  de  Con- 
dren d'exclure  Séguenot  de  l'Ora- 
toire ,  le  P.  de  Condren  s'y  refusa 
absolument  et  répondit  avec  généro- 
sité qu'on  n'avait  qu'à  le  punir  lui- 
même  si  on  le  croyait  coupable,  mais 
qu'il  ne  pouvait  condamner  un  sujet 
de  l'innocence  duquel  il  était  per- 
suadé. Séguenot  trouva  dans  la  plu- 
part de  ses  confrères  de  bonnes  dis- 
positions pour  lui.  En  1661 ,  dans 
l'état  d'impuissance  où  les  infirmités 
réduisaient  le  P.  Bourgoing,  zélé  à 
combattre  le  jansénisme  dans  sa 
congrégation,  l'assemblée  générale, 
pour  la  faire  jouir  déplus  de  latitude, 
en  contre-balançant  un  zèle  qui  ne 


SEG 


SEG 


31 


lui  convenait  guère ,  choisit  trois  as- 
sistants d'opinions  opposées  à  celle 
du  supérieur,  et  l'un  des  trois  fut  le 
P.  Séguenot.  La  joie  que  causa  aux 
amis  des  idées  nouvelles  un  choix  de 
cette  sorte  fut  de  peu  de  durée.  En 

1662,  sur  une  dénonciation  de  jan- 
sénisme suscitée,  dit  une  relation  de 
Pontchâteau  ,  par  ie  P.  Amelotte  (ce 
qui  lui  faisait  honneur),  trois  lettres 
(le  cachet  furent  accordées,  à  la  prière 
du  légat,  pour  exiler  deux  visiteurs 
et  un  assistant,  le  P.  Segiienot,  qui 
fut  envoyé  à  Boulogne  (1).  Les  exilés 
ne  revinrent,  quelque  temps  après, 

1663,  que  sur  le  vu  d'une  déclaration 
qu'ils  avaient  signée.  Séguenot  avait 
déjà  signé  le  formulaire  en  1658.  Il 
était,  ainsi  que  les  deux  visiteurs, 
élargi  à  la  condition  qu'il  n'aurait 
voix  ni  active  ni  passive.  Cette  dé- 
fense fut  révoquée;  à  l'assemblée  de 
1668,  il  fut  fait  assistant,  et  conti- 
nué dans  la  même  charge  à,  l'assem- 
blée suivante.  Les  annales  manus- 
crites de  l'Oratoire  veulent  que  son 
esprit  ait  été  droit,  noble,  élevé  ; 
elles  ajoutent  qu'il  saisissait  d'abord 
le  vrai  et  cherchait  en  tout  le  solide. 
Le  P.  Séguenot  fut  supérieur  de  la 
maison  de  Saint-Honoré  depuis  1667 
jusqu'en  1673,  après  l'avoir  été  suc- 
cessivement des  maisons  de  Dijon , 
Nancy,  Rouen  et  Saumur,  où  il  fut 
arrêté.  Depuis  sa  sortie  de  la  Bas- 


(i)  L'abbé  deRaiicé,  qui  faisait  alors  une 
retraite  à  Vinsdtution  de  l'Oratoire,  donua, 
par  un  procédé  peu  excusable,  un  témoi- 
gniige  écrit,  favorable  à  la  doctrine  des  PP. 
compromis.  Nous  rappellerons  à  ce  propos 
un  fait  peu  connu.  C'est  a  Tours  et  sous  la 
direction  du  P.  Séguenot  que  l'abbé  de 
Rancéfit  sa  retraite  spirituelle  à  l'époque  de 
sa  conversion.  Or,  à  cette  époque,  les  senti- 
ments du  P.  Séguenot  étaient  bien  connus, 
et  son  influence  était  si  redoutée  que  le  pieux 
Olivier,  fondateur  de  Saint-Sulpice,  avait 
employé  son  zèle  pour  empêcher  le  retour 
du  fameux  oratorien  k  Paris, 


tille ,  il  gouverna  les  maisons  de  La 
Rochelle,  de  Clermont,  de  Rouen 
(pour  la  deuxième  fois),  et  de  Troyes. 
Attaqué  d'une  fluxion  de  poitrine,  il 
souffrit  ses  maux  avec  une  grande 
tranquillité,  et  succomba  le  11  mai 
1676,  et  non  le  7  mars,  comme  le 
dit  le  Dictionnaire  deMoréri.  Le  P. 
Séguenot  avait  composé  plusieurs 
ouvrages  :  L  Conduite  de  l'Oraison 
pour  les  dmea  qui  n'y  ont  pas  de 
facilité^  Paris,  1633,  in-12;  Lyon, 
1634;  Paris,  1635;  nouvelle  édition 
en  1674 ,  donnée  et  augmentée  par 
le  P.  Quesnel.  On  prétend,  disent 
Dupin  et  Richard  Simon,  que  Sé- 
guenot copia  le  P.  de  Condren,  en  y 
mêlant  beaucoup  de  choses  de  sa 
composition  pour  ne  pas  paraître 
plagiaire.  H.  Traité  de  la  sainte 
Virginilé.,  discours  prononcé  par 
saint  Augustin ,  avec  quelques  re- 
marques  pour  la  clarté  de  sa  doc- 
trine ,  Paris,  1638,  in-S»  de  201 
pages  pour  la  traduction ,  et  de  192 
pour  les  notes.  C'est  cet  ouvrage  qui 
a  causé  les  premiers  désagréments 
au  P.  Séguenot.  «  Le  livre  fut  sup- 
primé ,  et  la  seule  raison  qu'on  en 
donna  fut  que  les  notes  n'avaient  été 
vues  avant  l'impression  par  aucun 
père  de  l'Oratoire.  En  effet ,  il  n'est 
fait  mention  d'aucune  approhatimi, 
et  l'on  n'y  trouve  qu'un  simple  pri- 
vilège du  roi.  L'auteur  avait  fait 
passer  ses  notes ,  ajoute  R.  Simon, 
sous  la  simple  permission  de  traduire 
le  traité  de  saint  Augustin  de  la  Vir- 
ginité, et  de  faire  imprimer  cette 
traduction.  Il  dit  que  les  proposi- 
tions contenues  en  ces  remarques, 
etqui  furent  communément blâuiées, 
n'avaient  jamais  été  avancées  ni  en- 
tendues auparavant  dans  la  congré- 
gation de  l'Oratoire.  »  Ainsi  s'ex- 
prime le  P.  Adry  dans  son  manuscrit. 
La  véritable  cause  des  disgrâces  du 


32 


SEC 


livre  et  de  Taiiteur  fut  celle  que  nous 
avons  indiquée  dans  cet  article.  Au 
sortir  de  la  Basiille,  Séguennt  entre- 
prit dedéfentlre  son  ouvrage  contre 
la  censure  de  la  faculté  (du  1"  juin 
1638) ,  mais  sa  défense  n'a  point  été 
imprimée.  On  a  depuis  long-temps 
montré  que  c'était  à  tort  que  plusieurs 
écrivains  avaient  fait  l'abbé  de  Saint- 
Cyran  auteur  des  notes  qui  accom- 
pagnent la  traduction  du  livre  de  la 
sainte  Virginité.  III.  Pratique  de 
vertu  et  de  dévotion  pour  les  âmes 
qui  ont  à.  vivre  dans  Ze  monde,  Paris, 
vol.  in-12  de  209  pages.  IV.  Remar- 
que de  Claude  Séguenot  sur  le  livre 
de  saint  Augustin ,  de  la  Virginité, 
Paris,  1638,  in-8°.  V.  Élévations  à 
J.-C.  notre  sauveur  au  très-Saint- 
Sacrement  ,  contenant  divers  usages 
de  grâces  sur  ses  perfections  divines. 
Il  était  dressé  par  articles  et  sous  les 
mêmes  titres  que  le  Chapelet  secret 
du  Saint-Sacrement  ^  donné  sous  le 
nom  de  la  mère  Agnès  de  Saint- 
Paul-Arnauld.  Séguenot  a  laissé  plu- 
sieurs ouvrages  manuscrits  :  I.  Une 
traduction  latine  des  Grandeurs, etc.  : 
Magnalia  Domini  Jesu ,  autore 
Card.  Beralli,  a  pâtre  Seg^ienot pa- 
tine conversa. \[.  Un  traité  particulier 
de  la  contrition  pour  servir  d'apolo- 
gie.à  ses  notes  (c'est  peut-être  la  dé- 
fense mentionnée  ci-dessus).  M.  de 
Neercassel ,  évêque  de  Castorie,  en  a 
employé  presque  tous  les  passages 
dans  son  Amorpœnitens^  ouvragejan- 
séniste.  Ant.  Arnauld  parle  de  cet 
ouvrage  du  P.  Séguenot  dans  la  let- 
tre 56®,  tome  VIM  du  Recueil  de  ses 
lettres.  Un  autre  Séguenot,  neveu  de 
l'auteur,  possédait  en  manuscrit  une 
Retraite  de  dix  jours  et  d'autres  ou- 
vrages du  P.  Séguenot.  Le  mannscrit 
àes Magnalia DominiJesu se  conser- 
vait dans  la  bibliothèque  de  l'Oratoire 
St-Honoré.  On  peut  consulter  sur  le 


SEG 

P.  Séguenot  et  le  bruit  que  causa  son 
livre  la  Bibliothèque  critique,  de 
Richard  Simon  ,  les  Mémoires  pour 
servir  à  Vhistoire  ecclésiastique,  du 
P.  d'Avrigny,  etc.  B— d — e. 

SÉGITIER  (Abmand-Louis -Mau- 
rice, baron),  fils  puîné  d'Antoine- 
Louis  Séguier,  avocat  -  général  au 
parlement  de  Paris  (voy.  Séguier, 
XLI,  465),  naquit  à  Paris  le  3  mars 
1770.  Reçu  aux  pages  delà  grande 
écurie  du  roi  le  24  mars  1783,  il  en- 
tra en  1787  dans  les  dragons  de  Lor- 
raine. Ayant  émigré  avec  sa  famille, 
il  servit  dans  l'armée  de  Coudé  jus- 
qu'à sa  dissolution;  il  fut  même  choisi 
pour  accompagner  le  prétendant  jus- 
qu'au lieu  de  sa  retraite.  Rentré  en 
France,  il  fut  nommé,  en  1802,  chef 
de  comptoir  à  Patna,  sur  le  Gange. 
Il  se  rendait  à  cette  lointaine  desti- 
natiou  lors  de  la  rupture  de  la  paix 
d'Amiens,  et  fatigué  de  la  longueur 
du  voyage  il  était  descendu  à  Pondi- 
chéry,  pour  prendre  quelque  repos, 
quand  il  apprit  à  son  réveil  que,  la 
nouvelle  de  la  reprise  des  hostilités 
étant  arrivée  durant  la  nuit,  l'esca- 
dre aA'ait  en  même  temps  reçu  Tor- 
dre de  quitter  les  mers  des  Indes  et 
d'appareiller.  Ainsi  Maurice  Séguier, 
jeté  à  6,000  lieues  de  sa  patrie,  se 
vit  prisonnier  des  Anglais.  Ramené 
lentement  en  Europe,  il  ne  fut  échan- 
gé que  long -temps  après.  Il  fut 
nommé  en  1806  consul  à  Trieste , 
puis  aux  îles  lonniennes  en  1814, 
enfin  consul -général  à  Londres  en 
1816.  Dans  ce  dernier  poste  et  sous 
sa  direction,  les  fonctions  consulai- 
res prirent  une  importance  qu'elles 
n'avaient  pas  obtenue  jusqu'alors. 
Pendant  l'ambassade  du  comte  d'Os- 
mont,  la  correspondance  de  la  léga- 
tion ayant  éprouvé  des  retards,  et 
peut-être  même  quelque  insuffisance, 
le  baron  Maurice  y  suppléa  avec  une 


grande  distinction,  et  il  adressa  au 
ministre  des  affaires  étrangères  des 
mémoires  aussi  étendus  qu'appro- 
fondis qui,  sortant  de  la  sphère  des 
intérêts  commerciaux,  traitaient  de 
la  situation  intérieure  de  l'Angleterre 
et  de  questions  politiques  devenues 
si  importantes  entre  deux  nations, 
dont  l'influence  peut  entraîner  la 
paix  ou  la  guerre  européenne.  Le 
consul  -  général  apportait  d'autant 
plus  de  soins  dans  sa  correspondance 
qu'il  savait  qu'elle  devait  cire  mise 
sous  les  yeux  du  roi  Louis  XVlil, 
qui  la  lisait  avec  intérêt.  Ce  fut  à 
l'aide  des  observations  recueillies  par 
le  baron  Séguier  que  le  comte  d'Hau- 
terive  composa  un  mémoire  remar- 
quable, trouvé  après  sa  mort  dans 
ses  papiers,  et  analysé  dans  l'ou- 
vrage que  notre  honoré  confrère  et 
ami  M.  le  chevalier  Artaud  de  Mon- 
tor  lui  a  consacré  (t).  L'auteur  y 
rend  une  entière  justice  au  consul- 
général,  reconnaissant  tout  ce  qu'il 
doit  à  ses  veilles.  Les  travaux  (jne 
Séguier  s'était  imposés  étaient  im- 
menses, et  d'autant  plus  pénibles 
que  personne  n'en  partageait  le  poids 
avec  lui.  Il  écrivait  lui-même,  sans 
employer  de  secrétaire,  el  souvent 
avec  des  encres  de  couleurs  diftéren- 
les,  afin  que  d'un  seul  coup  d'oeil  on 
pût  en  saisir  les  résultats.  On  nous  a 
même  assuré  qu'atin  que  le  caractère 
de  l'écriture  du  consul  demeurât  tou- 
jours le  même,  Mordan,  habile  ingé- 
nieur anglais,  avait  inventé  la  plume 
sans  (in,  à  bec  de  rubis,  que  n'é- 
mousse  pas  l'usage  le  plus  prolongé. 
Ce  fut  aussi  pour  lui  que  le  célèbre 
ingénieur  Brunel  perfectionna  la 
presse  à  copier,  imaginée  par  Watt, 


(l)  Histoire  de  la  vie  et  des  travaux  poli- 
tiques du  comte  d^Hauterive,  Paris,  tSBq,  in- 
8»,  p.  452. 

LXXXH. 


SFG  1^3 

l'auteur  du  c<)]ideii^<^iir  séparé  de  là 
machine  à  vapeur.  Des  travaux  aussi 
opiniâtres  avaient  altéré  la  sanlé  du 
baron;  il  s'affaiblissait  visiblement, 
et  il  tomba  dans  un  état  de  langueur 
qui  ne  tarda  pas  à  donner  les  plus  gra- 
ves inquiétudes.  M.  Armand  Séguier, 
son  neveu,  membre  de  la  Cour  royale 
et  de  l'Académie  des  sciences,  de  qui 
nous  tenons  plusieurs  de  ces  détails, 
se  rendit  h  Londres,  et  il  ramena  son 
oncle  il  Paris,  oij,  rempli  des  senti- 
ments les  pliais  religieux,  il  est  mort 
le  14  mai  1831,  dans  les  bras  de 
M.  et  madame  Séguier,  de  son  neveu 
et  de  madame  la  baronne  de  Bran- 
dois,  sa  nièce.  Transportés  à  Haute- 
feuille,  ses  restes  ont  été  inhumés  à 
Malicorne,  paroisse  de  la  terre  de 
M.  le  premier  président  Séguier,  qui 
lui  a  fait  élever  un  monument  sur 
lequel  l'épitaphe  suivante  est  gravée  : 

ARMAND-LOUIS  MAURICE 

SÉGUIER, 

PAGE  DU  ROI,    0FFIC1I.R  SUPÉRIEUR 

DE  CAVALERIE, 

CONSUL-GÉNÉRAL  DE  FRANCK 

DANS  l'inDE,   EN  ILLVRIE , 

EN  ANGLETERRE, 

ÉCRIVAIN  FAVORI  DE  THALIE, 

CHANTRE  GRACIEUX   DE  LA  BIODE, 

OBSERVATEUR  PROFOND 

DES  INTÉRÊTS  ET  DES  DROITS 

DES  NATIONS  , 

MORT  A  PARIS  LE  H  MAI  1831, 

ÂGÉ  DE  01  ANS  2  MOIS  11  JOURS, 

REPOSE  ICI, 

PAR  LES  SOINS  PIEUX 

DE  CELUI  QUI  AURAIT  DU  LE  PRÉCÉDER 

ET  QUI  CONSACRE  UN  REGRET  DURABLE 

A  SON  FRICRE. 

On  lit  au  revers  de  la  pierre  tom- 
bale ces  touchantes  paroles,  extraites 
du  testament  du  baron  Maurice  : 

<<  O  mon  Dieu  I  qui  m'as  créé,  je  me  con- 
«  fie  en  ta  Ijonté  paternelle,  ne  vois  à   ma 


34  SEG 

«  deroière  heote  que  ma  faiblesse ,  inota 
a  ignorance  et  mes  bonnes  intentions  !  Je  lue 
«  prosterne  devant  toi  et  j'implore  ta  misé- 
•■  ricqrde  !  » 

Le  baron  Maurice  était  chevalier 
de  Saint -Louis  et  de  la  Légion - 
d'Honneur.  II  avait  cultivé  les  lettres 
avec  succès,  et  il  a  donné  au  théâtre 
du  Vaudeville  divers  petits  ouvrages 
qui  furent  goûtés  :  I"  Le  Maréchal 
ferrant  de  la  ville  d'Anvers,  Paris, 
au  Vil,  in-8°.  '2"  La  Girouette  de 
5aMi<-CioHrf,fn  prose,  en  société  avec 
Barré ,  P.adt'i ,  Desfontaines ,  Bour- 
gucil  et  Diipaty  ,  Paris ,  an  VU! , 
in -80.  3°  L'Entrevue  et  le  Rendez- 
vous,  Paris,  an  Vlll.  i "  Les  Hasards 
de  la  guerre,  coméiiie  en  un  acte, 
Paris,  madame  Mas^on,  1802,  in-8». 
5"  L'un  pour  l'autre,  comédie  en  un 
acte,  avec  Thésigny,  Paris,  madame 
Masson,  1802.  6"  La  Parisienne  à 
Madrid,  en  un  acte,  Paris,  Léopoid 
Collin,  1805,  in-8°.  7"  Le  lendemain 
de  la  Pièce  tombée,  en  un  acte,  avec 
Dupaty  et  Dubois,  Paris,  Barba,  1805. 
8'  Isaure ,  ou  l'Inconstance  dans 
V embarras,  en  un  acte,  Paris,  ma- 
dame Masson,  1806,  in-8°.  9°  Lava- 
ter,  en  un  acte,  Paris,  Pages,  1809, 
in-S".  Maurice  Séguier  a  encore  don- 
né avec  Dupaty  les  Otages,  le  procès 
de  Scudéry  et  le  S  luvage  de  VA- 
veyron,  que  nous  ne  pouvons  indi- 
quer avec  plus  de  précision,  n'en 
ayant  pas  d'exemplaires  sous  les 
yeux.  L'œuvre  littéraire  du  baron 
Maurice  Ségnier  qui  est  surtout  des- 
tinée à  lui  survivre  est  le  poème 
intitulé  la  Naissance  de  la  Mode, 
Paris,  Firmin  Didot,  1819,  in~8°.  Ce 
petit  poème,  écrit  en  vers  de  dix  syl- 
labes,place  son  auteur  sur  le  P.irnasse 
français  au-dessus  de  Senecéet  non 
loin  deGresset  -,  la  versification  en  est 
brillante  et  facile.  La  Mode,  cette 
reine  du  monde  élégant ,   née  des 


SEG 

amours  de  Vénus  et  de  Protée,  em- 
pruntant à  l'une  et  aux  Grâces  qui 
l'accompagnent  le  charme  qui  séduit, 
et  à  Protée  cette  variété  fantastique 
qui  change,  se  renouvelle  et  n'est 
jamais  la  même.  L'unique  édition  de 
cet  ouvrage,  tirée  à  petit  nombre, 
est  si  rare,  que  l'on  croit  faire  plai- 
sir aux  lecteurs  en  en  citant  quel- 
ques vers  dans  lesquels  le  poète  a 
décrit  le  palais  mobile  de  la  déesse  à 
qui  chacim  de  son  côté  obéit  plus  ou 
moins. 

Entre  la  teiTt'  et  i.i  voûte  étliérée 

Près  de  cette  île,  où  luaintenant  Paris 

S'offre  aux  regards  de  l'étranger  surpris, 

Est  uu  palais  de  forme  si  légère 

Qu'il  se  soutient  porté  sur  l'atiuosphère. 

Ses  tnurs  d'appui  sout  un  simple  réseau, 

Tissu  fragile,  épiiémère  édifice 

Qu'à  chaque  iustant  reconstruit  le  Caprice; 

C'est  tous  les  jours  uu  bâtiment  nouveau, ,. 

Tel  est  le  lieu  que  la  brillante  Mode 

Dès  sa  naissance  a  choisi  pour  sa  cour. 

L'Invention,  son  ministre  «ommode  , 

A  ses  côtés  s'assit  le  premier  jour. 

Et  l'Inconstance  est  su  d.ime  d'atour. 

Mille  ouvriers,  vieux  enfants  du  Caprice, 

Y  font  revoir  maint  ouvrage  fini, 

Qui  semble  neuf  et  n'est  que  rajeuni. 

Chaque  pays  a  là  sou  intendance, 

Ses  pourvoyeurs,  ses  fournisseurs  exprès  ; 

Le  Goût  préside  à  nos  envois  de  Frame, 

C'est  l'art  tout  seul  que  consulte  l'Anglaiâ; 

L'ordre  et  le  soin  servent  le  Hollandais; 

L'antique  usage  est  chargé  de  l'Espagne, 

Et  les  rebuts,  les  ouvrages  mal  faits. 

Tous  les  six  mois  partent  pour  l'Allemagne. 

Ces  jolis  vers  ne  perdront  rien  à 
être  rapprochés  de  ceux  de  Delille, 
sur  nn  sujet  qui  se  confond  presque 
avec  l'objet  des  chants  de  Maurice 
Séguier,  et  la  Biographie  universelle 
nous  pardonnera  ces  citaiions,  quoi- 
qu'elles sortent  uu  peu  de  sa  ligne. 

La  Nouveauté  paraît,  et  son  brillant  ]>inceau 
Vient  du  vieil  univers  rajeunir  le  tableau... 
La  baguette  à  la  main,  voyez-la  dans  Paris, 
Arbitre  des  succès,  des  mœurs  et  des  écrits. 
Exercer  son  empire  élégamment  futile; 
Et  tandis  qu'oubliant  leur  rudesse  indocile. 
Les  métaux  I  es  pi  us  durs,racier,ror  et  l'argent 
Sous  mille  aspect*  divers  suivent  son  goût 

[changeant^ 


SEG 

Et  la  gaze  et  le  Ho,  plas  fragile  merveille, 
DédaigDenxaojonrd'huiUes  formes  delaveille. 
Inconstants  comme  l'air  et  comme  lui  légers, 
Vont  mêler  notre  luxe  aux  luxes  étrangers, 
Ainsi,  de  la  parure  aimable  souveraine, 
Par  la  Mode,  du  moins,  la  France  est  encor 

[  reine. 
Et,  jusqu'au  fond  du  Nord  portant  nos  goûts 

[divers, 
Le  mannequin  despote  asservit  l'univers  (2). 

Nous  n'hésitons  pas  à  placer  la 
Naissance  de  la  Mode  au  rang  des 
modèles  du  genre  gracieux,  décent 
et  badin  •,  cet  hommage  lui  a  déjà  été 
rendu  par  MM.  Noël  et  Delaplace, 
qui  en  ont  inséré  des  fragments  dans 
leurs  Leçons  de  littérature  fran- 
çaise (3).  Il  serait  à  désirer  qu'une 
édition  nouvelle  de  cet  opuscule 
permît  aux  amateurs  de  notre  litté- 
rature de  se  le  procurer.     M— É. 

SÉGUIEil  DE  Saint-Brisson  ,  écri- 
vain moraliste  du  XVIII*  siècle,  des- 
cendait de  Nicolas  Séguier  ,  frère  de 
Pierre  Séguier  I",  seigneur  de  Saint- 
Cyr  et  de  Saint- Brisson.  Destiné  par 
sa  famille  à  l'état  militaire,  il  devint 
capitaine  au  régiment  de  Limousin. 
11  mit  à  profit  les  loisirs  qu'une  lon- 
gue paix  et  le  désœuvrement  des 
garnisons  lui  laissèrent  pour  se  li- 
vrer à  l'étude  des  philosophes  an- 
ciens et  modernes.  Il  se  passionna 
surtout  pour  les  doctrines  de  J.-J. 
Rousseau,  et  voulut  même  les  mettre 
en  pratique  en  quittant  le  service 
pour  apprendre  l'état  de  menuisier. 
«  Il  avait  un  frère  aîné,  capitaine 
"  dans  le  même  régiment,  pour  le- 
«  quel  était  toute  la  prédilection  de 
'  sa  mère  qui,  dévote  outrée  et  diri- 
«  gée  par  je  ne  sais  quel  abbé  tartufe, 
«  en  usait  très-mal  avec  Je  cadet 
«  qu'elle  accusait  d'irréligion  et  mê- 
«  me  du  crime  irrémissible  d'avoir 

(2)  Delille,  Imagination,  chant  III. 

(3)  Leçons  de  littérature  de  Noé'l  et  Dela- 
place, iS"  édit.,Paris,  1826,  t.  II,  p.  342. 


SEG 


35 


«  des  liaisons  avec  moi.  Voilà  les 
«  griefs  sur  lesquels  il  voulut  rom- 
«  pre  avec  sa  mère  et  prendre  le 
«  parti  dont  je  viens  de  parler,  le 
«  tout  pour  faire  le  petit  Emile. 
«  Alarmé  de  cette  pétulance,  je  mé- 
»  ditai  de  lui  écrire  pour  le  faire 
«  changer  de  résolution,  et  je  mis  à 
«  mes  exhortations  toute  la  force 
«  dont  j'étais  capable.  Elles  furent 
«  écoutées  ;  il  rentra  dans  son  de- 
"  voir  vis-à-vis  de  sa  mère,  et  il  re- 
«  tira  des  mains  de  son  colonel  sa 
•  démission  qu'il  lui  avait  donnée... 
«  Saint-Brisson,  revenu  de  ses  folies, 
'  en  fit  une  un  peu  moins  choquante, 
«  mais  qui  n'était  guère  plus  de  mon 
"  goût  ;  ce  fut  de  se  faire  auteur.  Il 
«  donna  coup  sur  coup  deux  ou  trois 
«  brochures  qui  n'annonçaient  pas 
«  un  homme  sans  talents,  mais  sur 
«  lesquelles  je  n'aurai  pas  à  me  re- 
«  procher  de  lui  avoir  donné  des 
«  éloges  bien  encourageants,  pour 
«  poursuivre  cette  carrière.  »  C'est 
ainsi  que  J.-J.  Rousseau  lui-même 
rend  compte  de  ses  liaisons  avec  Sé- 
guier de  Saint-Brisson.  On  peut  con- 
sulter pour  plus  de  détails  le  livre 
douzième  de  ses  Confessions,  et  sur- 
tout la  lettre  si  remarquable  qu'il 
écrivit  à  son  disciple,  le  22  juillet 
1766,  et  dans  laquelle  il  semble  qu'il 
se  soit  attaché  à  déaienlir  par  des 
conseils  fort  judicieux  l'interpréta- 
tion exagérée  que  l'on  pouvait  don- 
ner à  des  principes  émis  dans  plu- 
sieurs de  ses  ouvrages.  «  Si  vous 
«  croyez  avoir  suivi  mes  principes, 
«  vous  vous  trompez.  A  quoi  bon 
«  aller  effaroucher  la  conscience 
«c  tranquille  d'une  mère,  en  lui  mon- 
«  trant,  sans  nécessité,  des  senti- 
0  jnents  différents  des  siens  ?  Votre 
-  brouillerie  avec  elle  me  navre. 
«  J'avais  dans  mes  malheurs  la 
«  consolation    de    croire   que  mes 


16 


SRO 


•  écrits  u*'  pouvaient  faire  que  du 
»  bien.  Voulez-vous  m'ôter  encore 
«  cette  consolation?  Je  sais  que,  s'ils 

•  font  du  mal ,  ce  n'est  que  faute 
«  d'être  entendus  ^  mais  j'ai  toujours 
'  le  regret  de  n'avoir  pu  me  faire 
«  entendre  (1).  »  Séguier  de  Saint- 
Brisson ,  à  la  fois  philosophe  et 
homme  du  monde,  avait  peine  à 
concilier  les  devoirs  que  ce  double 
litre  lui  imposait.  Il  faut  reconnaître 
à  sa  louange  que,  malgré  une  cer- 
taine effervescence  d'esprit  et  de  ca- 
ractère, il  ne  s'abandonna  jamais  k 
toute  la  fougue  de  ses  passions.  Lui- 
même  nousapprend  (2)  qu'il  conserva 
la  même  maîtresse  pendant  cinq  an- 
nées, ce  qui,  pour  un  officier  fran- 
çais, devait  paraître  à  cette  époque 
tout-à-fait  exemplaire.'  Il  contracta 
plus  tard  une  union  plus  sérieuse,  de 
laquelle  est  issu  M.  Séguier  de  Saint- 
Brisson,  aujourd'hui  académicien  li- 
bre de  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres  et  savant  helléniste. 
Mais  il  ne  jouit  pas  long-temps  des 
douceurs  de  la  vie  conjugale,  ayant 
cessé  de  vivre  en  1773.  On  doit  à  sa 
plume  peu  exercée,  quoique  facile,  les 
ouvrages  suivants  :  1.  Ariste,  ou  les 
Charmes  de  l'honnêteté,  Paris,  Panc- 
koucke,  1705,  in-8°.  C'est  une  es- 
pèce de  roman  pastoral,  en  prose 
poétique,  comme  on  le  disait  alors, 
mais  dont  le  défaut  principal  est  de 
manquer  d'intérêt.  «  J'ai  communi- 
«  que  cet  ouvrage,  dit  l'auteur,  à 
«  l'illustre  J.-J.  Rousseau ,  et  il  ne 
«  l'a  pas  jugé  indigne  des  gens  de 

•  bien.  »  Rémoud  de  Saint-Albine , 
approbateur  du  livre ,  pense  que 
la  vertu   y  est  présentée  sous    les 

{i)  Œuvres  de  J,-J.  Rousseau,  éditibl^ 
donnée  par  Musset  Patbay,  t.  XX,  pages 
178-181. 

(a)  Préface  d'Aristt,  ou  les  Charmes  d( 
l'honnêteté,  yuan  xxvi. 


SEG 

couleurs  les  plus  propres  à  la  rendre 
aimable.  Mais  Grimm ,  dans  sa  Cor- 
respondance littéraire  (  tome  IV , 
p.  477,  édit.  de  1829),  traite  l'ouvrage 
et  l'auteur  avec  un  mépris  qu'ils 
ne  méritaient  ni  l'un  ni  l'autre  (3). 
II.  Philopénès ,  ou  le  Régime  des 
pauvres,  1764,  in-12.  111.  Lettre  à 
Philopénès,  ou  Réflexions  sur  le 
régime  des  pauvres,  1764,  in-12.  IV. 
Traité  des  droits  du  gènie^  dans  le- 
quel on  examine  si  la  connaissance 
de  la  vérité  est  avantageuse  aux 
hommes  et  aux  philosophes ,  Carls- 
ruhe,  1769,  in-8».  L— M— x. 

SÉGUIER  (Guillaume),  domini- 
cain. Voy.  Thomas  de  Cantimpré, 
XLV,  450,  note  1. 

SÉGL'IIV  (  Philippe- Charles - 
François),  évêque  du  département 
du  Doubs  et  conventionnel,  naquit  à 
Besançon  en  1741.  Disgracié  de  la 
nature  et  d'une  taille  peu  avanta- 
geuse (ii  était  petit  et  bossu),  peut- 
être  entra-t-il  sans  vocation  dans 
une  carrière  pour  laquelle  il  ne  sem- 
blait point  né.  Parvenu  au  sacer- 
doce, il  fut  nommé  chanoine  de  la 
cathédrale  de  sa  ville  natale.  Ayant 
embrassé  avec  ardeur  le  parti  de  la 
révolution,  il  prêta  serment  à  la  con- 
stitution civile  du  clergé,  décrétée 
par  l'Assemblée  nationale,  et  fut  sa- 
cré évêque  métropolitain  le  27  mars 
1791,  puis  nommé  député  à  la  Con- 
vention nationale  (1792),  où  seu!  de 
sa  députalion  il  eut  le  courage,  dans 
le  procès  de  Louis  XVI,  de  voler 
pour  la  détention,  le  bannissement  à 
la  paix,  l'appel  au  peuple  et  le  sur- 
sis à  l'exécution.  •  Obligé,  dit-il,  le 
«  16  janvier  1793,  de  répondre  à  la 
«  question  :  Quelle  est  la  peine  que 


(3)  L'aoDOtateur  de  Grimm  s'est  trompé 
eu  avaDçant  que  Séguier  de  Saiut-Brissoa 
n'était  pas  de  la  famille  du  fliancelier 


SEG 

s  Louis  doit  subir,  je  réponds  d'a- 
«  bord  que  je  ne  partage  point  l'o- 
«  pinion  de  ceux  qui  croient  devoir 
"  le  condamner  à  la  mort.  Je  sais  que 
•  c'est  la  peine  prononcée  par  la  loi 
«  contre  les  conspirateurs,  et  que  de 
a  bien  moins  coupables  que  Louis  y 
"  ont  été  condamnés  5  mais  cette  loi 
«  est-elle  applicable  à  Louis,  et  de- 
«  vons-nous  ici,  pouvg^s-nous  même 
«  prononcer  comme  juges?  Je  ne  le 
«  pense  pas.  ■>    Par  une  exception 
plus  rare  encore  ,  Séguin  accompa- 
gna son  vote  d'une  opinion  extrême- 
ment courageuse.  «  Si  vous  condam- 
«  nez  Louis  à  la  mort,  dit-il,  ma 
»  crainte  est  que,  loin  de  servir  la 
«  nation  trançaise  par  ce  grand  acte 
«  de  vengeance,  vous  ne  serviez  au 
<(  contraire  contre  elle  tous  les  des- 
«  potes  de  l'Europe,  en  leur  donnant 
«  un  nouveau  prétexte   de  s'armer 
«  d'une  manière  plus  terrible  contre 
«  notre  liberté...  Cette  crainte  peut- 
«  elle  ne  pas  être  fondée  quand  nous 
a  nous  voyons  environnés  d'hommes 
o  achetés  pour  influencer,  par  leurs 
«  menaces  surtout ,  le  jugement  à 
«  porter  sur  le  ci-devant  roi?  »  Ces 
dernières  paroles  méritent  d'autant 
plus  d'être  recueillies  par  l'histoire 
que  Séguin  fut  le  seul  qui  osa  s'ex- 
primer ainsi,  et  qu'elles  révèlent  bien 
l'état  d'oppression,  les  menaces  qui 
dans  ce  mémorable  procès  influen- 
cèrent la  Convention  nationale.  Dans 
la  suite  de  la  session  conventionnelle 
Séguin  fut  loin  de  soutenir  ce  noble 
caractère.  Le  fameux  évêque  Gobel 
étant  venu,  le  7  novembre  1793,  à  la 
barre,  accompagné  de  treize  de  ses 
vicaires  ,  pour    y  faire  abjuration  , 
Séguin  monta  le  lendemain  à  la  tri- 
bune pour  y  déclarer  qu'il  n'avait 
accepté  les  fonctions  épiscopales  qu'a- 
vec répugnance ,  qu'il    ne    voulait 
plus  prêcher  que  la  morale,  l'amour 


SEG 


37 


de  la  liberté  et  la  soumission  aux 
lois.  Il  est  bien  permis  de  croire  que 
d«ns  cette  circonstance  il  céda  beau- 
coup plus  à  la  peur  qu'à  la  convic- 
tion. Pendant  tout  le  reste  de  la  ses- 
sion il  garda  le  silence,  et  n'ayant 
pas  été  favorisé  par  le  sort  pour  faire 
partie  des  conseils  en  1795,  il  ren- 
tra dans  l'obscurité.  En  1797  il  re- 
nonça publiquement  encore  une  fois 
aux  fonctions  épiscopales,  pour  le 
bien  de  la  paix^  dit-il,  et  pour  céder 
à  la  nécessité.  Il  eut  pour  successeur 
sur  le  siège  épiscopal  de  Besançon 
l'abbé  Demandre,  prêtre  assermenté 
et  constitutionnel  {voy.  Demandriï, 
LXII,  305).  Ayant  abjuré  les  fonctions 
ecclésiastiques,  il  n'eut  point  à  don- 
ner la  démission  qui  fut  demandée  à 
tous  les  évêques,  lors  du  concordat, 
en  1802,  et  il  mourut  peu  de  temps 
après.  B— D — e. 

SEGUIN  (Armand),  célèbre  four- 
nisseur de  la  république,  fut  un  de 
ceux  qui  gagnèrent  le  plus  d'argent 
dans  ce  facile  métier.  Né  vers  1765 
à  Paris,  où  son  père  était  inten- 
dant-trésorier du  duc  d'Orléans  (1), 
il  se  livra  de  bonne  heure  à  l'étude 
des  sciences  naturelles,  se  lia  avec 
plusieurs  savants ,  surtout  avec 
ceux  qui  embrassèrent  le  plus  chau- 
dement la  cause  de  la  révolution, 
entre  autres  Fourcroy  et  Berthol- 


(i)  On  raconte  que  ce  prince  ayant  ap- 
pris que  son  trésorier,  qui  avait  toujours  à 
sa  disposition  de  très-fortes  sommes,  en 
abusait,  et  qu'il  avait  fait  de  grandes  pertes 
au  jeu,  le  prévint  un  jour  que  le  lendemain 
il  voulait  vérifier  sa  caisse.  Comme  cette 
caisse  présentait  réellement  alors  un  grand 
déficit,  Séguin,  dans  l'embarras  où  le  jeta 
cet  ordre  imprévu,  courut  à  la  liâte  chez 
ses  amis  et  parvint  à  se  inetlie  au  niveau, 
de  manière  que  le  prim  e  trouva  tout  en 
règle  et  que  le  caissier  se  crut  sauvéj  mais  le 
rusé  duc,  qui  avait  ainsi  donné  du  temps 
pour  ne  rien  pcrdic,  giiida  la  clef  de  son 
trésor  quand  il  fut  bien  a'ïsuré  qu'il  u'-v 
ajauquiiit  jien,  et  Séguin  tut  remercié. 


38 


SEG 


SEG 


let.  L'excessive  consomnialion  de 
souliers  que  les  arme'es  françai- 
ses firent  dans  les  années  1793  et 
1794  ayant  épuisé  tous  les  moyens 
ordinaires,  le  comité  de  salut  public 
fit  un  appel  à  tous  les  industriels,  à 
tous  les  hommes  de  science  dans 
cette  partie.  Berthollet  désigna  alors 
son  ami  Séguin  qui  depuis  long- 
temps s'occupait  d'une  nouvelle 
méthode  de  tanner  le  cuir,  et  cette 
méthode  fut  aussitôt  soumise  à  des 
expériences  qui  eurent  un  plein 
succès,  et  d'où  il  résulta  qu'il  y  avait 
économie  pour  la  main-d'œuvre, 
pour  un  plus  long  usage,  et  surtout 
pour  le  temps  de  la  préparation, 
ce  qui  était  d'un  avantage  immense 
à  cause  de  l'urgence  des  besoins. 
Dès  lors  tout  fut  mis  à  la  disposi- 
tion de  l'heureux  inventeur  ou  se 
disant  tel  ;  car  on  lui  a  contesté 
non-seulement  l'invention,  mais  le 
perfectionnement  de  cette  méthode 
qui  consiste  principalement  dans 
l'emploi  de  la  chaux  ;  ce  qui  était 
depuis  long-lemps  connu,  mais  ra- 
rement usité,  à  cause  de  la  cherté  et 
d'autres  causes  qui  ont  empêché  de 
l'adopter  généralement.  Séguin  n'eut 
donc  que  le  mérite  de  l'avoir  indi- 
quée dans  un  moment  d'urgence,  et 
ce  service  lui  fut  assez  bien  payé. 
Son  ami  ou  plutôt  son  compère  Four- 
croy  fit,  dans  la  séance  de  la  Conven- 
tion nationale  du  14  nivôse  an  III 
(janvier  1795),  un  rapport  très-em- 
phatique et  fort  étendu  dont  toutes 
les  conclusions  furent  en  fjveur  de 
la  grande  découverte  qui  devait 
opérer  une  révolution  dans  la  chaus- 
sure des  nations,  et  qu'il  fallait 
même  craindre,  dit-il,  de  faire  con- 
naître trop  tôt  à  nos  ennemis.  Pour 
assurer  d'aussi  importants  résultats, 
le  rapporteur  proposa  de  céder  à 
l'instant  même  à  Séguin  l'île  de  Sè- 


vres tout  entière,  ainsi  qu'une  au- 
tre propriété  non  moins  considérable 
près  de  Nemours,  afin' qu'il  pût  y 
former  aussitôt  deux  établissements 
de  tannerie.  On  lui  fit  même  encore 
d'autres  avances  pour  ses  outils  et 
le  paiement  de  ses  ouvriers  ;  enfin 
on  lui  assura  la  fourniture  générale 
et  exclusive  de  toutes  les  armées 
de  la  république,  à  peu  près  comme 
dans  UB  autre  temps  on  a  donné  k 
d'autres  fournisseurs  des  forêts,  des 
canaux,  des  chemins  et  tant  d'au- 
tres propriétés  nationales.  On  con- 
çoit que  dans  une  telle  position 
la  fortune  de  Séguin  soit  devenue 
considérable,  rapide  ,  et  qu'elle  dut 
aller  toujours  croissant,  tant  que 
dura  la  république.  Mais  il  n'en 
fut  point  ainsi  lorsque  Napoléon 
devint  lé  maître.  On  sait  la  guerre 
qu'il  fit  aux  traitants  de  toute  es- 
pèce, et  comment,  aidé  par  le^  con- 
seiller Defermon  ,  il  trouva  des 
moyens  de  leur  faire  rendre  gorge 
par  des  taxes  arbitraires  ou  des  ava- 
nies souvent  réitérées.  On  sent  que 
dans  ce  système  Séguin  ne  pouvait 
pas  être  oublié.  Soumis  l'un  des  pre- 
miers à  d'énormes  restitutions,  il 
les  paya  d'abord  ;  mais  il  s'en  lassa 
bientôt  et  se  laissa  traîner  en  pri- 
son sans  qu'on  pût  lui  en  faire  payer 
d'autres.  Persuadé  que  s'il  conti- 
nuait à  donner  tout  ce  qu'on  lui 
demanderait,  sa  fortune  n'y  suffi- 
rait pas,  il  prit  le  parti  de  rester  sous 
les  verrous  jusqu'à  ce  que  la  Pro- 
vidence l'en  délivrât.  Il  s'était  fait 
arranger  dans  la  prison  un  appar- 
tement où  il  recevait  beaucoup  de 
monde  et  où,  avec  un  peu  de  philo- 
sophie et  de  gaîté  naturelle,  il  était 
aussi  heureux  qu'on  peut  l'être  en 
prison.  Cette  captivité  ne  finit 
qu'à  la  chute  de  l'empire.  Alors 
Séguin  alla  habiter  son  beau  chà- 


teau  de  (Jouy,  et  n'ayant  plus  à  faire 
autre  chose  que  de  jouir  de  ses  im- 
menses revenus,  il  s'y  livra  à  toute 
l'expansion  de  son  caractère  original 
et  bizarre.  Sans  parler  de  sa  manie 
d'écrire  k  tout  propos  de  petites 
brochures,  principalement  sur  les 
matières  de  finances,  il  avait  encore 
la  manie  d'acheter  de  très-beaux  che- 
vaux qu'il  lâchait  dans  sou  parc,  où 
ces  animaux  vivaient  et  paissaient  à 
leur  gre'.  Il  donnait  aussi  quelquefois 
dans  ce  même  parc  de  grandes  fètts 
<jîi  il  se  plaisait  à  admettre  pêle-mêle 
sans  distinction  tous  les  curieux  de 
la  ville  et  de  la  campagne.  Un  jour 
il  voulut  qu'une  de  ces  fêtes  fiitter- 
niinée  par  un  feu  d'artifice,  et  il  en 
lit  arranger  les  fusées  de  telle  sorte 
que,  couchées  horizontalement,  elles 
vinrent  frapper  au  visage^lous  les 
assistants,  en  blessèrent  plusieurs 
et  mirent  en  fuite  tous  l,s  autres, 
(jui  tombaient  dans  des  chausses- 
trapes  perhdement  couvertes  de 
fleurs.  On  a  dit  qu'en  ce  moment 
Séguin,  caché  dans  un  bosquet,  d'où 
il  voyait  tout,  riait  tout  haut  de  sa 
malice.  Nous  avons  de  la  peine  à 
croire  à  ce  dernier  trait,  d'abord 
parce  que  le  rieur,  s'il  eiit  été  dé- 
couvert, aurait  pu  payer  bien  cher  sa 
plaisanterie,  ensuite  parce  que  dans 
le  fond  il  n'était  pas  méchant;  ce  n'é- 
laitqu'uu  original,  persuadé,  comme 
beaucoup  d'autres  d^ns  la  même  po- 
sition, que  sa  fortune  devait  lui  faire 
tout  pardonner.  On  cite  de  lui  quel- 
ques traits  de  bienfaisance.  En  l'an 
Vlll  (1800),  il  offrit  au  ministrede  l'in- 
térieur, pour  ies  pauvres,  cinquante 
mille  mottes  à  brûler  qui  provenaient 
probablement  de  ses  tanneries.  Il  fai- 
sait des  pensions  à  plusieurs  artistes, 
entreautres  àCambini(i30i[/.  ce  nom, 
LX,23),  dont  la  musique  l'avait  quel- 
quefois amusé;  car  c'était  un  de  nos 


SEG 


39 


dilettanti  les  plus  prononcés.  Pour 
satisfaire  ce  goût,  il  ne  se  refusait  au- 
cune dépense,  et  il  en  était  de  même 
de  sa  manie  des  chevaux  et  de  quel- 
ques autres  objets.  Sous  ce  rapport, 
du  moins,  on  ne  peut  pas  dire  qu'il 
fût  avare.  Ce  n'était  pas  non  plus 
par  avarice,  niais  par  l'excès  de  son 
originalité,  (ju'il  laissait  son  bel  hô- 
tel de  la  rue  de  Vavennes,  son  île  de 
Sèvres  et  même  son  château  de  Jouy 
dans  un  état  complet  de  délabrement 
et  de  désordre.  On  l'y  voyait  sou- 
vent au  milieu  de  ses  fioles  et  de  ses 
appareils  de  chimie,  à  peu  près 
comme  un  de.  ces  nécromanciensque 
Rembrandt  a  si  bien  représentés 
cherchant  la  pierre  philosophale. 
Pour  lui ,  il  l'avait  trouvée  dans  ses 
cuirs,  ei  ne  la  cherchait  plus  ;  mais 
doué  de  beaucoup  d'imagination  et 
n'ayant  rien  à  faire ,  il  ne  pouvait  at- 
tirer Pattenlion  que  par  son  excen- 
tricité et  ses  bizarreries.  On  a  encore 
cité  de  lui  un  trait  assez  remarquable, 
mais  que  nous  ne  croyons  pas  entière- 
ment, parce  qu'il  eût  dépassé  toutes 
les  bornes  et  touché  de  près  à  la  dé- 
mence;qae  c'eût  éîé  d'ailleiirs  une  in- 
sulte que  Napoléon  n'aurait  pas  laissée 
impunie.  Ayantappris  que  Séguin  pos 
sédait  quatre  magnifiques  chevaux, 
l'empereur  les  lui  fit  demander  plu- 
sieurs fois,  et  enfin  lui  envoya  30,000 
fr.  pour  les  payer.  Séguin,  ayant  re- 
fusé cette  somme ,  descendit  dans  l.i 
cour  où  les  chevaux  se  trouvaient,  et. 
les  ayant  tués  de  sa  propre  niain,i|  |Bt 
venir  l'officier  chargé  de  la  commis- 
sion impériale,  ei  lui  montra  les  qua- 
tre  cadavres  gisant  sur  le  pavé,  disant 
qu'il  pouvait  les  emmener.  Il  est  bien 
sûr  que,  tant  que  dura  le  règne  de 
Napoléon,  Séguin  éprouva  plus  d'une 
contrariété ,  et  que  son  repos  et  sa 
fortune  ne  furent  jamais  bien  assurés. 
On  doit  croire  que  dans  cette  position 


40 


SEG 


SEG 


ce  fut  avec  beaucoup  de  satisfaction 
qu'il  le  vit  tomber,  et  qu'il  salua  de 
bon  cœur  Louis  XVIII.  Le  gouverne- 
ment de  ce  prince  lui  fut  d'autant 
plus  agréable,  qu'ainsi  que  d'autres 
fournisseurs  il  avait  encore  à  régler 
avec  l'État  quelques  comptes  arriérés 
qu'il  s'était  bien  gardé  de  demander 
à  Bonaparte,  et  qu'il  eut  le  bonheur 
(le  se  voir  payer  intégralement  par 
le  gouvernement  de  la  Restauration. 
Ainsi  le  fournisseur  de  la  républi- 
que, Seguin,  fut  un  des  hommes  qui 
durent  le  plus  au  retour  des  Bour- 
bons. Plus  reconnaissant  que  tant 
d'autres,  qui  jouirent  des  mêmes 
avantages,  il  ne  manqua  aucune  oc- 
casion de  leur  témoigner  son  dé- 
vouement ,  et  dans  chaque  brochure 
qu'il  publia  dès  lors ,  il  leur  exprima 
son  zèle.  Quant  à  lui,  il  ne  payait 
pas  tout  à  fait  aussi  bien  ses  créan- 
ciers ,  et  l'on  sait  que  souvent  il  ne 
s'acquitta  que  quand  il  y  fut  con- 
traint par  les  huissiers.  Décidé  à  ne 
jamais  donner  un  écu  qu'en  cédant  à 
la  force,  il  ne  voulait  pas  que  les 
agents  du  fisc  entrassent  jamais  chez 
lui  sans  rompre  une  chaîne  qu'il  fai- 
sait placer  en  travers  de  la  porte,  et 
que  ces  messieurs  brisaient  sans 
peine,  étant  prévenus  d'avance.  Us  en 
dressaient  procès-verbal,  et  faisaient 
même  encore  d'autres  frais  que  Sé- 
guin payait  sur-le-champ.  C'était  à 
peu  près  ainsi  qu'en  agissait  Ou- 
vrard,  qui  était  son  confrère  et  son 
ami,  mais,  comme  l'on  sait,  moins 
original  et  beaucoup  plus  rusé  que  lui 
{voy.  OuvRARD,  au  second  Supp.). 
Cependant  il  ne  fut  point  sa  dupe  ,  et 
l'on  cite  de  celui-ci  un  trait  qui  les  ca- 
ractérise assez  bien  l'un  et  l'autre.  Ce 
fut  chez  lui,  dans  son  propre  hôtel, 
que  Séguin,  après  avoir  engagé  Ou- 
vrardà  dîner  sous  prétexte  de  causer 
d'affaires,  le  fit  arrêter  par  des  gardes 


du  commerce  déguisés,  qui  le  ser- 
virent à  table,  Ouvrard,  se  voyant 
pris  au  dessert ,  dit  froidement  : 
Voilà  tin  tour  bien  joué,  et  se  laissa 
conduire  en  prison,  oii,  de  même 
que  Séguin,  il  resta  plusieurs  années 
pour  ne  pas  payer  ses  dettes.  Armand 
Séguin  mourut  en  1835,  laissant  à 
des  Collatéraux  une  succession  con- 
sidér.ibU",  et  qui  a  donné  lieu  à  plu- 
sieurs procès.  Il  était  membre  cor- 
respondant de  l'Institut  à  la  résidence 
de  Sèvres ,  depuis  sa  création ,  en 
1795,  et  il  y  avait  fait  plusieurs  lec- 
tures, entre  autres  sur  le  quina  et 
sur  le  cinabre.  Outre  différents  Mé- 
moires insérés  dans  des  recueils 
scientifiques,  notamment  dans  le 
Journal  de  physique,  ainsi  que  dans 
les  Annales  de  chimie^  dont  il  était 
un  des  rédacteurs  depuis  1800,  ou  a 
de  lui  :  l.  Mémoire  su/-  la  com- 
bustion du  gaz  hydrogène  dans 
les  vaisseaux  clus^  lu  à  l'Aca- 
démie royale  des  sciences,  le  21 
mai  1791 ,  par  MM.  Fourcroy,  Vau- 
quelin  et  Séguin,  1791  ,  in-8°.  II. 
Rapport  à  l'Institut  sur  la  manière 
de  tanner  les  cuirs,  1796.  III.  Aux 
créanciers  compris  dans  V arriéré^ 
Paris,  1816,  in-S".  IV.  Observa- 
tions succinctes  sur  quelques  points 
definances,  Paris,  1816.  V.  Observa- 
tions sur  les  emprunts  ,  sur  l'amor- 
tissement et  sur  les  compagnies  fi- 
nancières, Paris,  1817.  Vl.  Nouvelles 
o6serraa"ow5,etc.,ibid.,l8l7.\lI.2)e5 
finances  de  la  France,  1818,  ni-i°. 
\ll[.  Observations  sur  le  mode  de  li- 
bération de  la  France,  1818,  in-8°. 
IX.  Observations  sur  quelques  propo- 
sitions du  discours  à  la  chambre  des 
députés  par  M.  Laffitle,  le  31  mars 
1818,  Paris,  1818.  X.  Observations 
sur  un  ouvrage  de  M.  F.  D.  B.,  ayant 
pour  titre;  Quelle  sera  notre  posi- 
tion financière  en  18'il  ?  Pans,  1818: 


SEG 

XI.  Observations  sur  un  ouvrage 
de  M.  le  duc  de  Gaëte,  ayant  pour 
titre  :  Aperçu  théorique  sur  les  em- 
prunts,Vaiis,iS\  8. XU.  Observations 
sur  im  plan  de  tinances  proposé  par 
M.  Laffitte,  ISlS.in-i".  Xllf.  Projet 
de  l'emprunt  qui  doit  achever  la  libé- 
ration de  la  France,  1818,  in-S". 
XIV.  Aperçu  sur  la  situation  finan- 
cière de  la  France,  1819,  XV.  Observa- 
tions sur  les  comptes  par  exercice  et 
sur  les  comptes  de  gestion,  1819. XVI. 
Oôservfl^iowssur  un  moyen  donné  par 
la  loi  de  réduire  les  impositions,  1819. 

XVII.  Observations  sur  un  ouvrage 
de  M.  Bricogne,  ayant  pour  titre  : 
Situation  des  finances,  etc.,  1819. 

XVIII.  Observations  sur  les  courses 
de  chevaux  eu  France,  1820  ;  2«  édit., 
1821.  XIX.  Observations  sur  les  ré- 
sultats possibles  flu  projet  de  loi  re- 
latif au  mode  de  paiement  du  pre- 
mier cinquième  des  reconnaissances 
de  liquidation,  1821.  XX.  Observa- 
tions sur  les  courses  du  Champ-de- 
Mars,  1822.  XXI.  Fragments  d'un 
nouvel  écrit  sur  les  finances,  relatifs 
à  l'amélioration  du  taux  vénal  des 
propriétés  particulières  dites  natio- 
nales, 1823.  XXII.  Observations  sur 
la  vente  des  23, 1 14,  5 1 6  fr.  de  rentes 
qui  appartiennent  au  trésor  royal, 
1823, 8  éditions. —  Nouvelles  obser- 
vations, 1823. — Dernières  observa- 
tions, 1824.  XXIII.  Barème  des  con- 
tribuables, 182i.  XXIV.  Des  consé- 
quences du  projet  de  réduction  rela- 
tivement à  de  nouvelles  négociations 
de  rentes,  1824.  XXV.  Du  projet  de 
remboursement  ou  de  réductions  de 
rentes,  1824,  3  éditions. —  Observa- 
tions additionnelles,  1824.  —  Der- 
nières observations,  1824.  XWl.lIn 
mot  sur  l'importante  question  du  ca- 
pital nominal,  etc.,  1824.  XXVII. 
Causes  de  la  dernière  erreur  de  M.  le 
président  du  conseil,  1825,  XXVllI. 


SEG 


il 


Considérations  sur  les  systèmes  sui- 
vis en  France  dans  l'administration 
des  finances,  etc.,  1825, 2  vol.  in-8<». 
XXIX.  Moyens  d'acquitter  intégra- 
lement le  milliard  des  indemnités, 

1825.  XXX.  Observations  sur  la  nou- 
velle conception  financière  présentée 
à  la  Chambre  des  dépiités  par  M.  le 
président  du  conseil,  1825.  XXXI.  Ré- 
gulateur  des  rentiers,  1825.  XXXII. 
Résumé  des  discussions  sur  la  réduc- 
tion des  rentes,  1825.  XXXIII.  Ré- 
sultats inévitables  de  l'adoption  du 
projet  de  loi  sur  la  réduction  des 
rentes,  etc.,  1825.  XXXIV.  Moyens 
d'obtenir  le  bien  que  désirent  le  roi, 
le  dauphin  et  les  chambres ,  etc. , 

1826.  XXXV.  Moj/ens  d'obtenir  le 
bien  voulu  par  le  roi,  et  de  parer 
aux  maux  produits  par  M.  de  Vil- 
lèle,  1827.  XXXVI.  Redressement  de 
l'aspect  sous  lequel  se  présente  le 
dernier  rapport  fait  aux  chambres 
par  la  commission  de  surveillance 
de  la  caisse  d'amortissement,  1827. 
XXXVII.  Le  Régulateur  de  la  direc- 
tion qu'on  doit  donnera  l'emploi  de 
notre  puissance  amortissante,  1827, 
3  éditions.  Cet  opuscule  s'est  vendu 
au  profit  des  pauvres,  ainsi  que  le 
précédent.  XXXVIll.  Observations 
sur  l'amendement  de  M.  Odier  rela- 
tivement au  projet  de  l'emprunt  de 
80  millions,  1828.  XXXIX.  Obser- 
vations sur  quelques  assertions  de 
M.  Laflitte,  relatives  au  projet  d'em- 
prunt de  80  millions,  1828.  XL.  Ob- 
servations sur  les  proposilions  de 
M.  Laffitte,  relatives  au  même  sujet, 

1828.  XLI.  Rêve  d'améliorations  ad- 
ministratives  et  financières,  1828. 
XLII.  Moyens  de  supprimer  la  moi- 
tié de  l'impôt  des  boissons  et  la  to- 
talité des  impôts  du  sel  et  de  la  lo- 
terie,  1829.  XLIII.  Observations, 
1'^  sur  les  courses  qui  ont  eu  lieu,  etc.. 

1829,  XLIV,  Delà  réduction fh  Vtn- 


42 


S£G 


térêt  de  notre  dette  5  p.  100, 182'.». 
XLV.  Le  Régulateur  des  classemeni-s 
de  vitesse  des  chevaux  de  course, 

1829.  XLVI.  Application  du  Régu- 
lateur des  classements,  etc.,  1829. — 
Observations  sur  l'application  du 
Rdgulateur,  etc.,  1829.  XLVII.  Ré- 
sultat et  conséquences  du  choix  des 
directions  possibles  de  notre  puis- 
sance amortissante,  1829.  XLVllI. 
Projet  d'un  nouvel  aménagement 
financier,  1829.  XLIX.  Combinaisons 
administratives  et  financières,  etc., 

1830.  L.  Le  Fiat  lux  du  ministère 
français  et  des  rentiers,  1830.— Con- 
séquences  du  prix  de  l'adjudication 
de  l'emprunt  de  80  millions  (pre- 
mière suite),  1830.  —  Motif  excep- 
tionnel d'apologie,  etc.  (deuxième 
suite),  1830.  Ll.  Observations  suc- 
cinctes sur  une  communication  offi- 
cielle relative  à  la  réduction  des  4 
pour  100  anglais,  18.30.  LU.  Des  per- 
tes qu'occasionnerait  à  l'État  la  con- 
tinuation de  l'application  actuelle  de 
notre  puissance  amortissante,  etc., 

1830.  LUI.  Plan  de  suppression  de 
l'impôt  sur  les  boissons,  1830.  — 
Suite  au  Plan  de  suppression,  iH3i. 
LIV.  Le  Régulateur  des  choix  de 
placements  en  rentes,  1830.  LV.  Des 
surcharges  et  des  pertes  absolues 
qu'occasionnerait  aux  contribuables 
la  réduction  de  notre  dette  ren- 
tière, etc.,  1830.  LVl.  Combinaison 
financière  ayant  pour  but  de  dimi- 
nuer de  moitié  l'impôt  sur  le  sel, 

1831.  LVII.  Des  dommages  qu'oc- 
casionnerait à  i'Éîat,  et  conséquem- 
ment  aux  contribuables,  l'adoption 
sans  rectification  de  la  nouvelle  loi 
sur  l'amortissement,  1831.  LVlll. 
Des  emprunts  comme  voies  de  res- 
sources ouvertes  par  la  loi  au  gou- 
vernement» etc.,  1831.  LIX.  Essai 
sur  les  causes  réelles  du  malaise 
qu'éprouvent  aujourd'hui  générale- 


SEG 

meut  en  France  toutes  les  fortiines 
individuelles,  1831.  LX.  Évalua- 
tion comparative  du  nombre  d'élec- 
teurs qui  ressortirait  du  chiffre  du 
cens  électoral  proposé,  etc.,  1831. 
LXl.  Des  pertes  qu'occasionnera  à 
l'État  l'emprunt  de  120  millions, 
1831.  LXIf.  Plan  de  suppression  de 
l'impôt  sur  le  sel,  1831.  LXMl.  Pro- 
positions de  nouveaux  cadres  des 
budgets  de  la  France,  1831.  LXIV. 
Redressement  des  assertions  de  M.  le 
comte  de  Mosbourg,  1831.  LXV.  Ré- 
sultats de  l'emprunt  de  120  mil- 
lions, 1831.  LXVl.  Des  Résultats  si- 
non assurés,  au  moins  extrèuiement 
probables,  des  dispositions  de  M.  le 
ministre  des  finances  relatives  au 
nouvel  emprunt  de  120  millions, 
1831.  —  Suite  de  l'écrit  précédent, 
1831.LXVII.  De  Vavenir  des  con- 
tribuables, 1832.  LXVIII.  Barème 
des  placements  dans  l'emprunt  de  40 
millions  de  la  ville  de  Paris,  1832. 
LXIX.  Coup  d'ceil  sur  l'emprunt  pro- 
jeté, 1832.  LXX.  Des  éléments  et  des 
résultats  de  Tempruni  de  150  mil- 
lions, 1832.  LXXI.Dw  bilan  finan- 
cier de  la  France,  1833.  LXXIl 
(avec  MM.  Vergés  et  Bayard  de  la 
Vingtrie).  Observations  sur  deux 
projets  de  loi  présentés  par  M.  le  mi- 
nistre de  l'intérieur,  le  3  avril  1835. 
Paris,  1835,  in-4°.  LXXlll.  Idées  sur 
l'état  actuel  des  finances,  in-4''  sans 
date.  Les  écrits  d'Armand  Séguin, 
dont  nous  venons  de  donner  la  lon- 
gue nomenclature,  ne  sont  pour  la 
plupart  que  des  brochures  de  quel- 
ques pages  ,  inspirées  par  les  cir- 
constances financières  de  l'époque,  et 
n'ayant  guère  d'autre  but  que  de  met- 
tre l'auteur  en  évidence.  Il  est  proba- 
ble que  de  tout  cela,  et  même  de  ses 
inventions  de  chimie,  rien  n'est  des- 
tiné à  parvenir  k  la  postérité. 

M— Bj, 


SEG 


SËG 


43 


SÉGUR  (le  comte  Louis-Philippe 

de),  diplomate  et  historien,  aussi  dis- 
tingué par  sa  naissance  que  par  son 
savoir  et  les  hautes  fonctions  qu'il  a 
remplies,  était  le  fils  aîné  du  maré- 
chal de  ce  nom  {voy.  Ségur,  XLI, 
475).  11  naquit  à  Paris,  le  10  déc. 
1753,  et  reçut  dans  la  maison  pa- 
ternelle une  éducation  plus  soignée 
qu'on  n'en  donnait  alors  aux  en- 
tants de  la  haute  noblesse.  Il  l'a- 
cheva à  Strasbourg,  où  il  suivit  un 
cours  de  droit  public  sous  le  célèbre 
Koch.  A  l'âge  de  14  ans,  en  1767, 
il  fit  le  service  d'aide-de-camp  de 
son  père  qui  commandait  le  camp  de 
Compiègne,  et  il  le  remplaça  dans  celle 
de  ses  fonctions  qui,  sans  paraître  la 
plus  importante,  était  cependant  une 
des  plus  enviées  et  des  plus  recher- 
chées, ce  fut  de  servir  à  table  le  roi 
Louis  XV,  ce  qui  lui  valut  des  paro- 
les très-gracieuses  de  la  part  du  mo- 
narque. Quatre  ans  plus  tard ,  il 
p<irul  à  la  cour  au  milieu  de  cette  jeu- 
nesse alors  si  imprévoyante,  et  dont 
il  a  fait  dans  ses  Mémoires  un  ta- 
bleau si  vrai  :  «  Sans  regrets  pour  le 
"  passé,  dit-il,  sans  inquiétude  pour 

•  l'avenir,  nous  marchions  gaîment 
«  sur  un  tapis  de  fleurs  qui  cachait  un 
a  abîme.  Frondeur  des  modes  ancien- 
«  nés,  de  l'orgueil  féodal  de  nos  pères 
«  et  de  leurs  graves  étiquettes,  tout  ce 
«  qui  était  antique  nous  paraissait  gê- 
«  nantet  ridicule.  La  gravité  des  an- 
«  ciennes  doctrines  nous  pesait;  la 
"  philosophie  riante  de  Voltaire  nous 

•  entraînait  en  nous  amusant.  Nous 
-  l'admirions    surtout   comme  em- 

•  preinte  de  courage  et  de  résistance 
«au  pouvoir  arbitraire.  Revenant 
«  dans  nos  châteaux  avec  nos  paysans, 
«  nos gardes,nos baillis, quelques ves- 
«  tiges  de  notre  ancien  pouvoir  féodal, 
»  jouissant  à  la  cour  et  à  la  ville  des 
"  distiuctioDs  de  la  naissance,  élevés 


par  notre  nom  seul  aux  grades  su- 
périeurs dans  les  camps,  et  libres 
de  nous  mêler  à  tous  nos  conci- 
toyens pour  goiîier  les  douceurs 
de  la  vie  plébéienne,  nous  voyions 
s'écouler  ces  courtes  années  de  no- 
tre printemps  dans  un  cercle  d'il- 
lusions et  une  sorte  de  bonheur 
qui,  je  crois,  dans  aucun  temps, 

n'avait  été  destiné  qu'à  nous 

Entravés  dans  cette  marche  légère 
par  l'ancienne  morgue  de  la  vieille 
cour,  par  les  ennuyeuses  étiquettes 
du  vieux  régime,  par  la  sévérité 
de  l'ancien  clergé ,  par  l'éloigne- 
■■  ment  de  nos  pères  pour  nos  modes 

■  nouvelles,  pour  nos  costumes  favo- 
rables à  l'égalité,  nous  nous  sen- 

'  lions  disposés  à  suivre   avec  en- 

■  thousiasme  les  doctrines  philoso- 
:  phiques  que  professaient  deslitté- 
'  rateurs spirituels ethardis. Voltaire 
■■  entraînait  nos  esprits  ;  Rousseau 
'  touchait  nos  cœurs  ;  nous  sentions 

un  secret  plaisir  à  les  voir  atta- 
'  quer  un  vieil  échafaudage  qui  nous 
'  semblait  gothique  et  ridicule. 
'  Ainsi ,  quoique  ce  fussent  nos 
'  rangs ,  nos  privilèges  ,  les  débris 

■  de  notre  ancienne  puissance  qu'on 

■  minât  sous  nos  pas,  cette  petite 

■  guerre  nous  plaisait;  nous  n'en 
.  éprouvions  pas  les  atteintes  ;  nous 

■  n'en  avions  que  le  spectacle  ;  ce 
'  n'était  que  des  combats  de  plume 
'  et  de  paroles,  qui  ne  nous  parais- 

■  saient  pouvoir  faire  aucun  dom- 

■  muge  à  la  supériorité  d'existence 

>  dont   nous  jouissions   et   qu'une 

■  possession  de  plusieurs  siècles  nous 
i  faisait  croire  inébranlable.  Les  for- 

■  mes  de  l'édifice  restant  intactes, 

>  nous  ne  voyions  pas  qu'on  le  minait 

■  eu  dedans,  nous  riions  des  graves 
«  alarmes  de  la  vieille  cour  et  du 
«  clergé  qui  tonnaient  contre  cet  es- 
•  prit  d'innovations.  Kuus  applau- 


u 


SEG 


u  dissions  les  scènes  républicaines 
.  de  nos  théâtres ,  les  discours  phi- 
»  losophiques  de  nos  académies,  les 
«  ouvrages  hardis  de  nos  littéra- 
«  teurs,  et  nous  nous  sentions  en- 

•  courages  dans  ce  penchant  par  la 
a  disposition  des  parlements  à  fron- 
«  der   l'autorité,  et  par  les  nobles 

•  écrits  d'hommes  tels  que  Turgot 

•  et  Malesherbes,  qui  ne  voulaient 

•  que  de  salutaires,  d'indispensables 

•  réformes ,  mais  dont  nous  confon- 

■  dions  la  sagesse  réparatrice  avec 

■  la  témérité  de  ceux  qui  voulaient 

•  plutôt  tout  changer  que  tout  cor- 

•  riger.  La  liberté,  quelque  fût  son 

•  langage,  nous  plaisait  par  son  cou- 

•  rage,  l'égalité  par  sa  commodité. 

-  Sans  prévoyance  ,    nous  goûtions 

-  tout  à  la  fois   les  avantages   du 

•  patriciat   et   les   douceurs  d'une 

•  philosophie  plébéienne...  A   peu 

•  près  dans  ce  temps ,   le    hasard 

•  m'avait  admis  dans  la  société  in- 

•  time  de  la  comtesse  Jules  de  Poli- 
a  gnac.  Rien  ne  semblait  devoir  être 

•  plus  étranger  à  ma  jeune  ambition 
«  que  cette  douce  liaison  avec  une 

•  famille  illustre  par  sa   naissance, 

•  mais  alors  éloignée  de  toutes  les 
«grandeurs.  Madame  la  comtesse  Ju- 
«  les  et  son  mari,  ainsi  que  la  com- 

■  tesse  Diane  de  Polignac,  sa  belle- 

•  sœur,  vivaient  modestement  loin 

•  delà  cour,  où  ils  allaient  rarement. 

•  Leur  goût,  leur  caractère  les  por- 

•  talent  à  préférer  les  douceurs  de 
«  la  vie  privée  aux  orages  de  la  vie 
«  publique.  11  était  impossible   de 

•  trouver  une  personne  qui  réunît 
«  plus  d'agrément  dans  la  figure , 
«  plus  de  douceur  dans  les  regards, 

•  plus  de  charmes  dans  la  voix,  plus 
«  d'aimables  qualités    de   cœur   et 

•  d'esprit.  Les  comtesses  de  Châlons 

•  etd'AudIaw,  ses  parentes,  le  comte 

•  de  Vaudri'uil,  le  duc  de  Coigny, 


SEG 

•  un  homme  distingué  pan  l'origina- 
«  lité  de  son  esprit,  Delille,  le  ba- 
«  ron  de  Besenval,  dont  la  légèreté 
«  touie  française  faisait  oublier  qu'il 
«  était  Suisse,  formaient  des  réu- 
«  nions  charmantes,  où  les  heures 
«  passaient  comme  des  minutes...  » 
C'est  dans  un  état  de  choses  présenté 
avec  tant  de  franchise  par  l'un  des 
principaux  acteurs,  autant  que  dans 
la  faiblesse  et  Timpéritiedu  pouvoir, 
qu'il  faut  voir  la  décadence,  la  chute 
de  notre  antique  monarchie  et  toutes 
les  calamités  qui  en  ont  été  la  suite. 
Et  ce  qui  caractérise  encore  très-bien 
cette  époque  d'illusions  et  d'impré- 
voyance, c'est  qu'au  milieu  de  tou- 
tes ces  décevantes  félicités  le  jeune 
comte  de  Ségur  obtenait,  sans  beau- 
coup de  peine,  et  sans  y  être  en  au- 
cune façon  préparé,  un  avancement 
militaire  assez  rapide.  A  peine  âgé  de 
quinze  ans  il  fut  nommé  sous-lieute- 
nant dans  le  régiment  de  cavalerie 
mestre-de-camp  dont  M.  de  Castries, 
ami  de  son  père,  était  colonel,  et 
deux  ans  plus  tard,  capitaine  dans  le 
même  corps.  En  1776,surlademande 
du  duc  d'Orléans,  le  roi  le  fil  colo- 
nel en  second  des  dragons  de  ce  nom. 
Pour  toutes  ces  promotions  il  n'eut 
guère  qu'à   passer    quelques   mois 
dans  les   garnisons  de  Metz  et  de 
Strasbourg  où,  faute  de  pouvoir  se 
distinguer  par  des  exploits  plus  glo- 
rieux, il    eut  du   succès  dans  des 
duels  qui  firent  quelque  bruit  et  re- 
tentirent jusqu'à  la  cour,  où  il  fut 
d'autant  mieux  reçu  lorsqu'il  y  re- 
parut. Ce  n'était  pas  encore  le  temps 
où  la  moindre  participation  à  de  pa- 
reils faits  devait  être  punie  par  de  sé- 
vères lois.  Ce  qui  doit  étonner,  c'est 
que  le  jeune  comte  de  Ségur,  tout  en 
cédant  comm&ses  amis  à  ce  préjugé 
funeste   et  justement  réprouvé  par 
la  philosophie  niodernt\  se  montrait 


SEG 

un  des  partisans  les  plus  eiiihousias- 
les  de  celle  philosophie,  et  se  liait 
intimement  avec  quelques-uns  de 
ses  chefs,  entre  autres  Condorcet , 
Rayna!,  d'Alembert,  Diderot,  etc. 
Admirateur  passionné  de  Voltaire,  il 
eut  enfin  le  bonheur  de  voir  et  d'en- 
tendre ce  grand  maître  des  philoso- 
phes, dans  son  dernier  voyage  à  Pa- 
ris, en  1778.  La  capitale  offrit  alors 
un  spectacle  véritablement  curieux 
et  que  l'histoire  doit  reproduire. 
C'est  d'ailleurs  une  circonstance  im- 
portante de  la  vie  du  comte  de  Ségur, 
et  nous  aurons  plus  d'une  fois  occa- 
sion d'en  remarquer  l'influence  sur 
sa  destinée.  «  Le  prince  des  poètes, 

•  dit-il  dans  ses  Mémoires ,  le  pa- 

•  triarche  des  philosophes,  la  gloire 
«  de  son  siècle  et  de  la  France ,  se 
«  trouvait  depuis  un  grand  nombre 
«  d'années  exilé  de  sa  patrie!  Tous 
«  les  Français  lisaient  avec  délice 
«ses  ouvrages,  et  presque  aucun 
«  d'eux  ne  l'avait  vu.  L'admiration 
<^  pour  son  génie  universel  était  dans 
«  beaucoup  d'esprits  une  espèce  de 
«  culte  et  d'adoration.  Ses  écrits  or- 
«  naient  toutes  les  bibliothèques: 
«  son  nom  était  présent  à  toutes  les 
«  pensées,  et  ses  traits  absents  de 
«  tous  les  regards.  Son  esprit  domi- 
«  nait ,  dirigeait  tous  les  esprits; 
«  mais  ,  excepté  un  petit  nombre 
«  d'hommes  qui  avaient  été  admis  à 
«  Ferney  dans  son  sanctuaire  philo- 
«  sciphique,  il  régnait  pour  le  reste 
«  de  ses  concitoyens  comme  une 
«  puissance  invisible.  Jamais  peut- 
"  être  aucun  mortel  n'opéra  d'aussi 

a  grands  changements Profitant 

«  de  quelques  imprudences,  de  quel- 
«  ques  écrits  contraires  aux  mœurs, 
«  de  quelques  taches  qui  ternissaient 
«  légèrement  le  disque  de  cet  astre 
«■  brillant,  le  clergé  par  son  influence, 
•  quelques  vieux  parlementaires  en- 


-  fiins  k  la  sévérité,  un  petit  nombre 
•  d'anciens  courtisans,  partisans  des 
«  antiques  abus  du  pouvoir,  avaient 
«  obtenu  contre  lui,  non  une  con- 
«  damnation  ou  un  ordre  de  bannis- 
"  sèment,  mais  des  insinuations  assez 
«  efficaces  pour  l'obliger  à  chercher 
«  un  repos  et  sa  sûreté  dans  l'exil. 
«  Son  retour  fut,  comme  sa  disgrâce, 
•<  une  preuve  de  la  faiblesse  de  l'au- 
«  torité.  L'opinion  philosophique 
«  l'emportait  tellement  alors  dan» 
"  les  esprits,  et  intimidait  à  tel  point 

-  le  pouvoir,  qu'on  le  laissa  revenir 
«  dans  son  pays  sans  le  lui  permet- 
a  tre.  La  cour  refusa  de  le  recevoir, 
«  et  la  ville  entière  sembla  voler  au- 
"  devant  de  lui.  On  ne  voulut  point 
«  lui  accorder  une  légère  grâce,  et 
«  on  le  laissa  jouir  d'un  triomphe 
«  éclatant.  La  reine,  entraînée  par 
"  le  tourbillon,  fit  de  vaines  tentati- 
«  ves  pour  obtenir  du  roi  la  permis- 
«  sion  d'admettre  chez  elle  cet 
«  homme  célèbre.  Louis  XVI,  par 
«  scrupule  de  conscience,  crut  qu'il 
"  ne  devait  point  laisser  appro- 
«  cher  de  lui  un  écrivain  dont  les 
«  coups  téméraires  avaient  souvent 
«  porté  atteinte  à  des  doctrines  vé- 
«  nérées.  L'enceinte  du  trône  resta 
«  donc  fermée  à  celui  auquel  la  na- 

-  tion  rendait  une  sorte  de  culte.  Les 
«  rivaux  de  ce  grand  homme  furent 
«consternés;  le  clergé  s'indigna, 
«  mais  se  tut  ;  les  parlements  gar- 
"  dèrent  le  silence,  et  la  puissance  des 
«  philosophes  s'accrut  par  la  puis- 
«  sance  et  le  triomphe  de  leur  chef. 
«  Il  faut  avoir  vu  la  joie  publique, 
«  l'impatience ,  l'empressement  lu- 
«  multueux  de  la  foule  pour  entendre 
«  ce  vieillard  contemporain  de  deux 
«  siècles,  qui  avait  hérité  de  l'un  et 
«  fait  la  gloire  de  l'autre.  C'était  l'a- 
•  pothéose  d'un  demi-dieu  encore 
«  vivant.  Aussi  avide  d'admirer  de 


46 


SEG 


«c  près  cet  homme  illustre,  mais  plus 
■  heureux  que  les  autres,  j'eus  le 
«  bonheur  de  le  voir  à  mon  aise  deux 
"  ou  trois  fois  chez  mes  parents 
«  avec  lesquels,  dans  sa  jeunesse,  il 
«  avait  eu  des  liaisons  assez  intimes. 
«  Ma  mère  était  alors  attaquéed'une 
«maladie   grave;    elle    ne  pouvait 

•  plus  sortir   de  son  lit;  nn  mois 

•  après  elle  rendit  le  dernier  sou- 

•  pir  (1).  Elle  avait  toujours  été  con- 

•  sidérée  comme  une  des  femmes  les 
«  plus  distinguées  par  la  finesse,  la 
«  justesse  de  son  goût  et  de  sonesprit, 

•  par  l'élégance  de  son  langage  et  de 

•  ses  manières.  Remarquable  dans  sa 
«jeunesse  par  les  agréments  de  sa 
"  figure ,  elle  passait  pour  un  mo- 
«  dèle  du  meilleur  ton.  Voltaire  ne 
«  l'avait  point  oubliée:  il  demanda 
«  à  la  voir,  et.  quoiqu'elle  fût  à  peine 
«  en  état  de  l'entendre,  elle  le  reçut, 
a  Sa  maigreur  nous  retraçait  ses  longs 
«travaux:  son  costume  antique  et 
«  singulier  rappelait  le  dernier  témoin 
.  du  siècle  de  Louis  XIV ,  l'historien 
-de  ce  siècle  et  le  peintre  immortel 
«  de  Henri  IV.  Son  œil  perçant  étin- 
«  celait  de  génie  et  de  malice  ;  on  y 
.  voyait  à  la  fois  le  poète  tragique, 
X  l'auteur  (VOEdipe  ,  de  Mahomet , 
»  le  philosophe  profond,  le  conteur 
«  fnalin  et  ingénieux,  l'esprit  obser- 
.  vateur  et  satirique  du  genre  hu- 

-  main.  Son  corps  mince  et  voûté  n'é- 
e  tait  pins  qu'une  enveloppe  légère, 
»  presque  transparente  et  au  travers 
«  de  laquelle  il  semblait  qu'on  vît 
«  apparaître  son  âme  et  son  génie. 

-  J'étais  saisi  de  plaisir  et  d'admira- 


(i)  Lh  mère  du  comte  deSégur  était  ane 
demoiselle  de  Vernon  ,  riche  créole  de 
.Saint-Domingue,  qui  avait  apporta  en  dot 
à  son  mari  une  des  habitations  les  plus  con- 
sidérables de  cette  colonie,  dont  le  filshérita 
après  sa  mort ,  mais  qu'il  perdit  par  la  ré- 
vol  il  tien. 


SEG 

«  tien  comme  quelqu'un  à  qui  il  se- 
«  rail  permis  de  se  transporter  dans 
«  les  temps  reculés,  et  de  voir  face  à 
«  face  Homère,  Platon  ,  Virgile  ou 

•  Cicéron.Pour  concevoir  ce  que  j'é- 
«  prouvais  alors,  il  faudrait  être  dans 
«  l'atmosphère  oîi  je  vivais  ;  c'était 

•  celle  de  l'exaltation.  Nous  ne  con- 
«  naissions  pas  ces  tristes  fruits  des 
«  longs  orages  et  des  discordes  poli- 

•  tiques,  reuvie,régoïsme,  le  besoin 

•  du  repos,  l'insouciance  produite  par 
«  lassitude ,  la  froideur  qui  suit  le 
«  triste  réveil  des  illusions  déçues. 
«  Nous  étions  éblouis  par  le  prisme 
■  des  idées  et  des  doctrines  nouvel  les, 
«  rayonnants  d'espérance,  brillants 
«  d'ardeur  pour  toutes  les  gloires, 
"  d'enthousiasme  pour  tous  les  ta- 

•  lents  et  bercés  par  les  rêves  sédui- 
«  sants  d'une  philosophie  qui  voulait 
«  assurer  le  bonheur  du  genre  hu- 
«  main  en  chassant  avec  son  flam- 
«  beau  les  tristes  et  longues  ténèbres 

•  qui,  depuis  tant  de  siècles,  l'avaient 
«  retenu  dans  les  chaînes  de  la  su- 
-  perstition  et  du  despotisme.  Loin 
«  de  prévoir  des  malheurs,  des  excès, 
«  des  crimes,  des  renversements  de 
«  trônes,  nous  ne  voyions  dans  l'ave- 
«  nir  que  tous  les  biens  qui  pouvaient 
«  être  assurés  à  l'humanité  par  le 
«  règne  de  la  raison.  Jugez ,  d'après 

•  ces  dispositions  ,  quel  devait  être 
«  sur  notre  esprit  l'effet  de  l'homme 
«  illustre  que  nos  plus  grands  écri- 
«  vains,  nos  plus  célèbres  philoso- 
«  phes  regardaient  comme  leur  mo- 
«  dèleel  leur  maître!  J'étaistoutyeux, 
«  tout  oreilles  en  approchant  de  Vol- 
«  taire,  comme  si  j'attendais  à  cha- 
«  que  instant  qu'il  sortît  de  sa  bouche 
«  quelque  oracle.  Cependant  ce  u'é- 
«  tait  le  temps  ni  le  lieu  d'en  pro- 

•  noncer,  quand  il  eût  été  Apollon 
»  lui-même,  car  il  se  trouvait  près  du 
«  lit  d'une  mourante  dont  l'aspect  ne 


S£G 

«  pouvait  inspirer  que  des  idées  tris- 
«  les.  Le  désir  de  voir  cet  homme 
«  extraordinaire  avait  attiré  chez  ma 
"  mère  plus  de  cinquante  personnes 

•  qui  faisaient  foule  dans  sou  salon, 
«  s'entassant  en  plusieurs  rangs  près 
«  de  son  lit, allongeant  le  cou,  se  le- 
«  vaut  sur  la  pointe  des  pieds  et  prê- 
"  tant  Torei  lie.  La  je  vis  à  quel  point 
«  la  prévention  et  l'enthousiasme, 
'  même  pai  mi  la  classe  la  plus  éclai- 
«  rée,  ressemblent  à  la  superstition 
"  et  s'approchent  du  ridicule.  Ma 
«  mère  ayant  dit  à  Voltaire  que  sa  plus 
«  grande  souffrance  venait  de  la  fai- 
«  blesse  de  son  estomac ,  il  lui  dit 

•  qu'ayant  éprouvé  le  même  mal ,  il 
«  s'en  était  tiré  par  un  remède  bien 
<■  simple,  des  jaunes  d'œufs  délayés 
«  avec  des  pommes  de  terre.  Quel 
«  homme  !  dit  alors  en  me  prenant 
«  vivement  le  bras  un  de  mes  voi- 
«  sins  connu  par  son  excessive  dis- 

•  position  à  l'engoûment  et  la  mé- 

•  diocrité  de  son  esprit,  pas  un  mot 
«  sans  un  trait!  Jusque-là  je  m'étais 
«  tenu  modestement  comme  je  le  de- 

•  vais,  au  dernier  rang  de  ceux  qui 

•  contemplaient  Voltaire  ;  mais  à  la 
«  fin  de  sa  seconde  visite  ,  je  lui  fus 

•  présenté.  Plusieurs  de  ses  amis,  le 
a  comte  d'Argental,  Chastellux,  Ni- 
«  vern.iis,  Guibert,  Marmontel,  d'A- 
«  lembert,  qui  méjugeaient  trop  fa- 
«  vorablement,  lui  avaient  parlé  de 
-  moi  avec  des  éloges  que  je  ne  de- 
«  vais  qu'à  une  extrême  bienveil- 
«  lance,  puisque  je  n'étais  connu  que 
«  par  quelques  productions  légères, 
«  quelques  contes,  quelques  roman- 

•  ces  dont  le  succès  dans  la  société 
«  dépend  du  caprice  de  la  mode  et  n'a 
«  souvent  pas  plus  de  durée  qu'elle. 

•  Dans  le  fond  je  ne  m'étais  rendu 
«  digne  de  leur  affection  que  par 
a  l'empressementavec  lequeljecher- 
«  chais  à  former  mon  goût  et  mon 


SEG 


47 


•  esprit  dans  leurs  entretiens  et  à  m'é- 
«  ciairer  par  leurs  lumières  :  ainsi 
.  c'était  plutôt  le  zèle  d'un  disciple 
«  que  le  talent  d'un  écrivain  qu'ils 
«  louaient  en  moi.  Quoiqu'il  en  soif, 
«  Voltaire  charma  mon  amour-pro- 
«  pre  en  me  parlant  avec  grâce  et  fi- 
«  nesse  de  ma  passion  pour  les  lettres 
«  et  de  mes  premiers  essais.  «  N'ou- 
«  bliez  pas,  me  dit-il ,  que  vous  avez 
«  mérité  le  bien  qu'on  dit  de  vous, 
«  mêlant  dans  les  plus  légers  mor- 
«  ceaux  de  poésie  quelques  réalités 
«  aux  images,  un  peu  de  morale  aux 
«  sentiments ,  quelques  grains  de 
«  philosophie  à  la  gaîté.  Méfiez-vous 
«  cependant  de  votre  penchant  pour 
<•  la  poésie;  vous  pouvez  le  suivre, 

•  mais  non  vous  y  laisser  entraîner. 
«  Vous  êtes  destiné  à  de  plus  hautes 
«  occupations.  Vous  avez  bien  fait  de 
«  commencer  en  composant  des  vers, 

•  car  il  est  difficile  de  bien  écrire  en 
«  prose  si  on  ne  les  a  point  aimés 
«  et  si  l'on  n'en  connaît  ni  l'art  ni  Je 
«  charme.  Allez,  jeune  homme,  rece- 

•  vez  les  vœux  d'un  vieillard  qui 
«  vous  prédit  d'heureux  deslins.  »  — 
«  Je  le  remerciai  de  la  bénédiction 

•  littéraire  qu'il  me  donnait,  me  res- 
«  souvenant,  lui  dis-je,  qu'autrefois 
«  les  mots  de  grand  poète  et  de  p:o- 
«  phète  (vates)  étaient  synonym.'s, 
«  Depuis  ce  moment  je  ne  revis  jilus 
«  Voltaire  qu'au  théâtre,  le  jour  de  la 
«  représentation  d'Irène  ,  jour  de 
«  triomphe  qui  prouva,  par  les  ap- 
«  plaudissements  donnés  à  la  plus 
«  médiocre  tragédie  ,  l'excès  de 
«  l'enthousiasme  que  l'auteur  inspi- 
«  rait.On  pouvait  dire  qu'alors  il  y 
«  avait  deux  cours  en  France  :  celle 
«  du  roiàVersaillesetcelle  de  Voltaire 
€  à  Paris.  La  première,  où  le  bon  roi 
«  Louis XVI,  sans  faste,  vivait  avec 
«  simplicité,  ne  rêvant  qu'à  la  ré- 
«  forme  des  abus  et  au  bonheur  d'un 


X8 


SEG 


«  peuple  trop  sensible  k  IVclat  pour 
«  bien  apprécier  ses  modestes  ver- 

•  tus,  la  première,  dis-je ,  paraissait 
«  l'asile  paisible  d'un  sage,  en  com- 
«  paraison  de  cet  hôtel  du  quai  des 
■  Théatins,  où  toute  la  journée  l'on 
"  entendait  les  cris,  les  acclamations 
«  d'une  foule  idolâtre  qui  rendait  ses 
«  hommages  au  plus  grand  génie  de 
f<  l'Europe.  Jusque-là  on  avait  vu 
«  destriomphes  décernés  avec  justice 
«  aux  grands  hommes  par  le  gou- 

•  verneinent  de  leur  pays;  le  triom- 

-  phe  de  Voltaire  était  d'un  nouveau 

-  genre,  il  était  décerné  par  l'opinion 
«  publique  qui  bravait  pour  ainsi  dire 
«  le  pouvoir  des  magistrats,  les  fou- 
«  dres  de  l'église  et  l'autorité  du 
a  monarque...  ••  Ces  dernières  ré- 
flexions prouvent  que  le  jeune  comte 
de  Ségur  comprenait  fort  bien  la  por- 
tée de  cette  espèce  d'insurrection  po- 
pulaire en  faveur  du  patriarche  de  la 
philosophie  moderne,  du  chef  de  l'op- 
position la  plus  redoutable  que  pût 
alors  rencontrer  le  pouvoir  royal  ; 
mais  il  n'est  pas  probable  qu'il  en 
vît  toutes  les  conséquences  pour 
sa  famille  et  pour  lui-même.  Comme 
dans  son  enthousiasme  voltairien  il 
ne  prononce  pas  une  seule  fois  le 
nom  de  son  père,  on  ne  peut  douter 
que  celui-ci,  homme  grave  et  plein 
de  sens,  ne  fût  pas  contraire  à  de  pa- 
reilles idées,  et  que,  fort  estimé  et 
considéré  des  gens  les  plus  sages  de 
la  cour  de  Versailles,  s'il  n'empêcha 
point  aux  siens  de  se  rendre  à  celle 
du  quai  des  Théatins,  il  s'abstint  du 
moins  d'y  paraître  lui-même,  tandis 
que  son  fils  aîné,  après  s'être  enivré 
des  séduisantes  flatteries  de  Voltaire, 
venait  se  prosterner  devant  le  roi 
dont  il  vénérait  les  vertus,  mais  dont 
lui  et  ses  amis  combattaient  ouver- 
tement le  pouvoir  et  les  vues  bienfai- 
santes; ce  qui  ne  les  empêchait  pas 


SEG 

d'en  obtenir  les  plus  hautes  faveurs. 
Colonel  à  vingt-cinq  ans,  le  comte  de, 
Ségur  brûlait  de  s'élever  encore,  et 
pour  cela,  ainsi  que  ses  jeunes  amis, 
Lafayette,  Lameth,  Lauzun,  etc.,  il 
était  impatient  de  se  distinguer  les 
armes  à  la  main,  lorsque  survint  la 
guerre  d'Amérique.  Quelles  qu'aient 
été  les  causes  et  les  conséquences  de 
cette  guerre,  on  ne  peut  nier  que 
ce  ne  fût  politiquement  une  grande 
et  utile  entreprise.  11  fallait  rendre  à 
la  France  le  rang  que  des  traités  hu- 
miliants lui  avaient  fait  perdre,  il 
fallait  donner  au  dehors  à  l'ardeur 
belliqueuse  de  cette  turbulente  jeu- 
nesse un  aliment  qui  pût  la  détour- 
ner des  agitations  de  l'intérieur. 
Ainsi,  loin  de  penser  que  Louis  XVI 
eut  tort  de  soutenir  contre  l'Angle- 
terre la  cause  de  ses  colonies  révol- 
tées, nous  sommes  au  contraire  per- 
suadé que,  cédant  trop  tôt,  selon  sa 
coutume,  à  un  aveugle  désir  de  paix  et 
d'humanité,  il  y  mit  lin  plus  promp- 
teraent  qu'il  n'aurait  dû  le  faire. 
Une  guerre  continentale  en  eût  peut- 
être,  il  est  vrai,  été  la  conséquence; 
mais,  après  avoir  vaincu  l'Angle- 
terre sur  terre  et  sur  mer,  la  France 
aurait  certainement  lutté  avec  le 
même  avantage  contre  ses  rivaux  du 
continent,  et  sans  nul  doute  elle  eût 
par  là  empêché  le  dernier  partage  de 
la  Pologne,  que  la  révolution  a  con- 
sommé. Pour  elle,  ce  qu'il  y  avait  de 
pire  dans  de  pareilles  circonstances, 
c'étaitde  rester  immobile  en  présence 
de  cette  grande  spoliation  ,  comme 
l'a  très-bien  démontré  dans  ses  cu- 
rieux Mémoires  le  comte  de  Sé- 
gur, que  ses  fonctions  mirent  à 
même  d'apprécier  sous  tous  les  rap- 
ports ces  grandes  questions.  A  l'épo- 
que où  commença  la  guerre  d'Améri- 
que, comme  la  plupart  des  gentils- 
hommes ses  amis,  jeune  et  sans  ex- 


périerioe,  il  brûlait  de  sp  sighaifr 
par  quelques  exploits  ;  mais  le 
régiment  des  dragons  d'Orl(^ans , 
dont  il  était  le  second  colonel,  ne  de- 
vait pas  combattre  au  delà  des  mers. 
Ce  fut  en  vain  que  long-temps  il  sol- 
licita la  faveur  de  passer  dans  un 
autre  corps;  il  fallut  que  son  père 
devînt  ministre  de  la  guerre  (1781) 
pour  qu'il  reçût  un  brevet  de  colonel 
en  second  dans  le  régiment  de  Sois- 
sonnais,  alors  employé  en  Amérique. 
Il  s'embarqua  au  mois  d'avril  de  r;ctte 
année  à  Brest,  sur  la  frégate  la 
Gloire,  avec  ses  amis  Lametb,  Bro- 
glie  et  Lauznn,  dont  la  destination 
était  la  même.  Leur  traversée,  un 
peu  longue,  lut  mêlée  de  beaucoup 
de  vicissitudes,  de  coujbats,  de  nau- 
frages et  même  de  quelques  aven- 
tures un  peu  romanesques  et  qu'il 
raconte  d'une  manière  assez  pi- 
quante. Enfin  il  aborda  aux  rives  de 
la  Delawarre,  et,  après  un  long 
voyage  de  terre  où  il  courut  encore 
quelques  dangers  et  essuya  de  grandes 
fatigues,  il  eut  le  bonheur  de  re- 
joindre son  régiment,  et  de  remettre 
ses  dépêches  au  général  en  chef  Ro- 
chambeau.  Ou  sent  avec  quel  em- 
pressement dut  être  accueilli  le  fils 
du  ministre  de  la  guerre.  Il  était  au 
comble  de  la  joie  ;  mais  déjà  les  gran- 
des opérations  touchaient  a  leur  (iu,  et 
le  jeune  colonel  eutà  peine  l'occasion 
d'assister  à  deux  ou  trois  combats  de 
peu  d'importance  ;  de  sorte  que  dans 
ses  Mémoires,  où  quelquefois  il  rend 
compte  avec  beaucoup  de  détails  de 
faits  très-minutieux,  on  ne  trouve 
guère  sur  cette  époque  que  des  des- 
criptions de  fêtes  données  aux  Fran- 
çais par  la  reconnaissance  améri- 
caine, après  la  conclusion  de  la  paix. 
Avant  de  quitter  le  Nouveau-Monde 
il  fit,  dans  les  possessions  espagnoles 
du  Mexique  et  du  Pérou,  une  excur- 

F.XXXII. 


SÊG  49 

sion  dont  il  a  donné  une  relaliou 
assez  curieuse;  puis  il  visita  la  co- 
lonie de  Saint-Domingue,  alors  si  ri- 
che, si  florissante,  où  il  possédait 
une  très- belle  habitation  que  lui 
avait  laissée  sa  mère,  et  qu'il  de- 
vait bientôt  perdre  par  une  révo- 
lution qu'il  appelait  de  tous  ses 
vœux.  Enfin,  après  une  nouvelle  tra 
versée  non  moins  orageuse  que  la 
première,  il  aborda  au  port  de  Brest, 
d'où  il  était  parti  deux  ans  aupara- 
vant. Son  grade  était  encore  le 
même:  mais  son  goût  pour  la  liberté 
et  les  révolutions  était  fort  augmenté 
Comme  tous  ses  camarades,  il  ap- 
portait la  décoration  deCincinnatus, 
sans  être  tenté  toutefois  d'aller, 
comme  le  héros  de  Rome,  se  mettre 
à  la  charrue.  Il  se  rendit,  dès  les  pre- 
miers jours,  il  Versailles,  où  il  revit 
d'abord  son  ])ère,  qui  vt-nait  d'être 
nommé  maréchal  de  France,  et  sa 
femme,  la  petite-fille  du  chancelier 
d'Aguesseau,  qu'il  avait  épousée  en 
1777.  Il  se  présenta  ensuite  au  roi  et 
à  la  reine,  qui  l'avait,  toujours  par- 
ticulièrement di.stingué,  et  qui  l'en- 
tretint, a-t-il  dit,  du  succès  de  nos 
armées  sur  terre  et  sur  mer  avec 
la  fierté  et  le  sentiment  d'une  reine, 
et  d'une  reine  française.  C'est  ainsi 
qu'il  a  toujours  parlé  de  cette  admi- 
rable princesse,  qui  avait  alors  la 
bonté  de  le  recevoir  dans  sa  société 
intime,  dont  par  conséquent  il  était 
fort  à  même  d'apprécier  le  noble 
caractère.  H  ne  s'exprime  pas  avec 
moins  d'estime  et  d'admiration  sur 
les  vertus  de  Louis  XVI  ;  mais,  par 
une  de  ces  contradictions  très-diffi- 
ciles il  expliquer,  et  qui  pourtant  n'a- 
vaient alors  que  trop  d'exemples,  il 
n'hésita  point  à  se  ranger  parmi 
les  novateurs  dont  le  but  évident 
était  la  ruine  d'une  monarchie  et  le 
renversemeni  d'un  trône  qu'ils  sem- 

4 


so 


SÉG 


SÉG 


blaient  aimer  et  qui  les  comblait  de 
biens.  Son  goût  pour  les  nouveautés 
était  tel  à  cette  époque,  qu'on  le  vit 
un  des  plus  enthousiastes  parmi  les 
partisans  de  Mesmer  ,  lorsque  déjà 
ce  charlatan  était  voué  au  ridicule 
par  tous  les  hommes  de  sens  et  de 
savoir  {voy.  Mesmeb,  XXVIII,  409). 
Les  illusions  de  Ségur  à  cet  égard 
se  sont  tellement  prolongées  que, 
dans   ses   Mémoires ,   il    se  vante 
encore   d'avoir   figuré  au  fantasti- 
que baquet,  à  côté  de  Chastellux, 
de    Choiseul-Gonffier,  de  D'Espré- 
menil,  etc.  Il  aurait  pu  ajouter  à 
cette    liste    son   parent  Lafayette, 
dont  il  ne  cessa  jamais  d'être  l'ami, 
l'admirateur,  et  qui,  à  cette  épo- 
que, contribua  beaucoup  à  l'entraî- 
ner dans  le  torrent  des  révolutions. 
Cependant  son  père,  homme  sage  et 
prévoyant,  faisait   tous  ses  efforts 
pour  l'en  éloigner.  C'est  avec  cette 
intention    sans   doute   qu'il   l'em- 
ploya pendant  quelques  mois  dans 
son  ministère,  et  qu'ensuite  il  ob- 
tint pour  lui  de  Vergennes,  son  col- 
lègue, un  des  postes  les  plus  éle- 
vés de  la   diplomatie,  celui  d'am- 
bassadeur à  la  cour  de  Saint-Péters- 
bourg, dont  la  France  avait  depuis 
trop  long-temps  négligé  les  rapports, 
ce  qui  ajoutait  beaucoup  aux   dif- 
ficultés  de    cette    mission.  Ce   fut 
dans  les   premiers  jours   de   1785 
qu'il    partit    pour    sa  destination, 
passant  d'abord  par  Deux-Ponts,  où 
il  vit  le  duc,  qu'il  avait  connu  en 
Amérique  et  à  Versailles,  et  qui  lui 
fit   part  d'un  projet  d'échange  de 
la  Bavière  avec  la  Belgique,  dont 
il ,  était    inquiet ,   mais  qui    n'eut 
pas   de  suite.   A  Berlin  il  eut  avec 
le    grand   Frédéric,    un    entretien 
dans  lequel  ce  monarque  lui  nt  des 
confidences  assez  curieuses  sur  l'im- 
pératrice Catherine  ei   sur  la  part 


qu'elle  avait  prise  à  la  mort  de  son 
époux.  11  lui  révéla  des  choses  non 
moins  importantes  sur  la  politique 
générale  de  l'Europe,  et  particuliè- 
rement sur  le  partage  de  la  Pologne, 
dont  le  prince  Henri,  son  frère,  se 
vantait  d'avoir  fait  à  Catherine  la 
première  ouverture.  Les  détails  de  ces 
entretiens,  que  Ségur  a  rapportés  dans 
ses  Mémoires,  sont  du  plus  haut  in- 
térêt. Nous  ne  pensons  pas  cepen- 
dant qu'il  y  ait  dit  toute  la  vérité  ; 
pour  cela  il  était  trop  diplomate.  Ce 
qu'il  a  raconté  de  son  entrevue 
avec  le  roi  Stanislas  à  Varsovie 
n'est  pas  moins  intéressant.  Enfin  il 
arriva  à  Saint-Pétersbourg,  et,  après 
quelques  jours  d'attente,  il  fut  reçu 
par  l'impératrice.  Son  embarras  et 
son  trouble  furent  tels  dans  cette 
première  audience,  que,  ne -pouvant 
se  rappeler  le  discours  que,  selon 
l'usage,  il  avait  fait  remettre  la 
veille,  il  en  improvisa  un  autre  que 
Catherine  trouva  fort  bon,  quelque 
étonnée  que  cette  princesse  fiit  de  ne 
point  y  reconnaître  celui  qu'elle  ve- 
nait de  lire.  Tous  les  rapports,  toutes 
les  négociations  que  le  nouvel  am- 
bassadeur eut  à  suivre  auprès  de  la 
czarine  furent  les  conséquences  de  ce 
premier  succès.  Personnellement  il 
lui  avait  plu,  et  l'on  crut  générale- 
ment qu'il  allait  être  le  successeur, 
le  rival  des  Orloff,  des  Poniatowski, 
des  Potemkin,  etc.  ;  mais  on  doit  re- 
connaître que ,  tout  en  répondant 
avec  une  extrême  politesse  aux  sé- 
ductions de  l'impératrice,  le  comte 
de  Ségur  n'oublia  pas  qu'il  était 
l'ambassadeur  du  roi  de  France, 
qu'il  lui  résista,  au  moins  sous  le 
rapport  politique,  avec  autant  de 
fermeté  que  de  patriotisme.  11  com- 
battit surtout  avec  beaucoup  de  force 
ses  projets  sur  Gonstantinople,  aux- 
quels elle  revenait  sans  cesse.  •  Vous 


SEG 

ne  savez  donc  pas  ce  que  c'est  que 
ces  Turcs  que  vous  prott^gezPhii  di- 
sait-elle souvent ,  ce  sont  des  bar- 
bares, les  descendants  de  Scythes. 
—  Cela  est  vrai ,  répondait  Ségur, 
mais  ces  barbares  sont  nos  plus  an- 
ciens alliés  ;  !a  chute  de  leur  empire 
romprait  tout  équilibre  en  Europe.  » 
Un  jour  qu'elle  dit  les  mêmes  cho- 
ses en  présence  de  Joseph  II ,  ce 
prince,  qui  n'était  pas  encore  entré 
dans  ses  projets  de  conquêtes  ,  ne 
contesta  point  la  barbarie  des  Otto- 
mans, mais  déclara  franchement  que, 
tout  bien  considéré,  il  aimait  mieux 
voir  à  Constantinople  des  turbans 
que  des  chapeaux.  Potemkin,  avec 
qui  Ségur  s'était  assez  intimement  lié, 
revint  aussi  plusieurs  fois  sur  ce  su- 
jet, mais  toujours  il  reçut  de  lui  des 
réponses  aussi  fermes  que  convena' 
blés;  let  il  faut  remarquer  que  cette 
fermeté,  qui  ne  se  montra  jamais  au 
reste  que  sous  des  formes  extrême- 
ment polies,  ne  déplaisait  point  à 
l'impératrice;  que  l'ambassadeur  du 
roi  de  France  jouit  constamment  au- 
près d'elle  d,'une  faveur  que  n'obtin- 
rent jamais  les  envoyés  de  l'Angle- 
terre, ni  ceux  d'aucune  autre  puis- 
sance. Admis  dans  l'intimité,  à  tou- 
tes les  fêtes  de  la  cour,  il  composait 
des  pièces  pour  le  théâtre  de  l'Her- 
mitage,  et  fut  comblé  de  présents  par 
la  czarine,  qui,  à  sa  demande,  si- 
gna en  1787  un  traité  de  commerce 
plus  avantageux  que  celui  de  l'An- 
gleterre. Le  cabinet  de  Londres  en 
fut  très-piqué  et  se  lia  dès  lors  avec 
la  Prusse  contre  la  France  et  la  Rus- 
sie.Ce  fut  pour  combattre  cette  li- 
gue que  Ségur ,  d'accord  avec  les 
cours  de  Vienne,  d'Espagne  et  de  St- 
Pétersbourg ,  conçut  la  pensée  d'une 
quadruple  alliance,  qui  eût  consacré, 
il  est  vrai,  la  chute  de  la  Turquie  et 
de  la  Pologne,  mais  qui,  si  nous  ne 


SÊ6 


51 


pouvions  empêcher  l'une  et  l'autre, 
nous  eût  du  moins  offert  un  moyen 
d'être  admis  au  partage  ou  d'ob- 
tenir de  justes  compensations.  Com- 
me nous  l'avons  dit,  ce  qui  pouvait 
arriver  de  pire  à  la  France,  et  ce 
qui  malheusement  est  arrivé,  c'était 
de  rester  immobile  et  impassible  en 
présence  de  cette  grande  spoliation. 
Ségur  fit  de  vains  efforts  pour  l'em- 
pêcher; le  faible  et  timide  Louis  XVI, 
qu'épouvantait  la  moindre  pensée  de 
guerre,  repoussa  toutes  les  proposi- 
tions qu'on  lui  soumit  à  cet  égard,  et 
son  ambassadeur  fut  obligé  d'y  renon- 
cer, ce  qui  déplut  fort  à  Catherine,  et 
sembla  quelquefois  affaiblir  le  crédit 
de  M.  de  Ségur  auprès  d'elle.  Ils  ces- 
saient de  se  voir  pendant  quelques 
jours,  et  ne  correspondaient  plus 
que  par  intermédiaire,  ce  qui  res- 
semblait un  peu  à  la  bouderie  de 
deux  amants.  L'ambassadeur  tenait 
ferme ,  et  c'était  souvent  l'impé- 
ratrice qui  revenait  la  première. 
En  1786,  elle  l'invita  à  l'accompa- 
gner presque  seul  dans  un  voyage 
à  l'intérieur  de  ses  États,  sous  pré- 
texte d'établir  des  moyens  de  na- 
vigation sur  le  Volga  et  d'autres 
fleuves.  Mais  une  faveur  plus  grande 
encore,  ce  fut  de  lui  donner  la  pre- 
mière place  de  son  cortège  dans  un 
autre  voyage  plus  célèbre  etqui  devait 
être  beaucoup  plus  long, puisqu'il  s'a- 
gissait d'aller  jusqu'en  Crimée,  cette 
nouvelle  conquête  à  laquelle  il  est 
bien  sûr  qu'elle  brûlait  d'en  ajou- 
ter d'autres,  comme  elle  le  fit  assez 
voir  en  inscrivant  fastueusement  sur 
un  arc  de  triomphe  où  elle  devait 
passer  :  C'est  là  le  chemin  de  By- 
zance.  Le  comte  de  Ségur  fut  le  té- 
moin discret  de  cette  audacieuse  dé- 
monstration ;  et,  s'il  ne  protesta  pas 
ouvertement,  on  doit  au  moins  re- 
connaître que  rien  dans  ses  discours 
4. 


53 


8ÉG 


et  ses  actions  ne  parut  conlrair<?  aux 
intérêts  et  à  l'honneur  de  la  France. 
Les    détails   qu'il  a  donnés  sur  ce 
voyage  de  3,000   lieues  ,  qui  dura 
six  mois,  sont  d'un   très-haut  in- 
térêt. Tout  ce  qu'il  dit  de  ses  con- 
versations avec  la  czarine,  avec  Po- 
tenikin  et  Joseph  II,  est  réellement 
très-curieux.  Le  long  séjour  de  cette 
cour  magnifique  à  Kiew,  cette  vieille 
capitale,  qui  vit  encore  une  fois  dans 
ses  murs  les  maîtres  du  monde,  n'est 
pas  moins   remarquable  !    Et    cette 
majestueuse  navigation  sur  le  Bo- 
rysthi'ue  !  Ces  villes,  ces  palais,  créés 
lu  veille  pour  disparaître  ie  lende- 
main !  Cette  longue  haie  de  peuples 
accourus  de  toutes  les  contrées  pour 
voir  la  nouvelle  Sémiramis!    Tout 
cela  a  quelque  chose  de  grand,  de  fée- 
rique, et  Ségur  l'a  très-bien  repré- 
senté  dans    un  style  simple,   mais 
clair  et  facile,  comme  tout   ce  qu'il 
écrit.  Ce  qu'il  dit  des  grands  person- 
nages ({ui  vinrent  se  ranger  dans  le 
cortège  impérial  li'est  pas  moins  in- 
téressant. Le  premier  est  le  spirituel 
Joseph  II,  accouru  évidemment,  non 
pour  empêcher  la  conquête  de  By- 
x-ance,  mais   pour  y  prendre  part. 
Après  ce  grand  empereur  apparaît  le 
roi  Slanislas,  venu  pour  mettre  ses 
hommages  respectueux  aux  pieds  de 
l'impératrice,  à  laquelle  naguère  il 
avait  fait  agréer  d'autres  sentiments, 
et  qui  en  ce  moment  daignait  à  peine 
le  regarder  du  haut  de  son  char  de 
triomphe  !  Il  en  obtint  cependant  la 
permission  de  porter  encore  pendant 
quelques  années  le  titre  de  roi.  Dans 
sa  relation,  Ségur  parle  beaucoup  du 
prince  de  Ligne  qu'il  avait  connu  à 
Versailles  et  qu'il  retrouva  avec  tant 
de  plaisir  en  Russie.  Il  dit  aussi  quel- 
que chose  d'unautrepersonnage  non 
naoins  célèbre,  le  prince  de  Nassau , 
avec  qui  il  avait  eu  à  Paris  un  duel 


SÉG 

acharné,  mais  heureusement  terminé 
par  un  serment  d'amitié  auquel  les 
deux  champions  se  montrèrent  tidè- 
les.  Ségur  présenta  sou  ami  à  l'impéra» 
trice  qui  lui  donna  le  commandement 
(le  ses  flottes  sur  le  Borysthèiie  et  dans 
k  Baltique,  où  il  remporta  d'éclatan- 
tes victoires.  Enfin,  une  apparition 
plus  étonnante,  ce  fut  celle  d'Alexan- 
dre Lameîh  qui  se  trouvait  dans  ces 
contrées  sans  que  l'on  sache  pour- 
quoi ,  et   que   son  ami  présenta  à 
Catherine  qui    le   reçut  très- bien, 
comme  aussi   le  Péruvien  Miranda 
qui  déjà  avait  commencé  ses  péré- 
griiialions    révolutionnaires.    Reve- 
nu à  St-Pétersbourg  vers  le  com- 
mencement de  1788,  le  comte  de  Sé- 
gur, il  la  prière  de  l'impératrice,  et 
d'accord  avec  l'ambassadeur  d'Autri- 
che Cobentzl,  fit  de  nouveaux  efforts 
pour  que  la  France  entrât  dans  une 
quadruple  alliance;    mais   déjà  des 
symptômes  de    révolution    avaient 
ajouté  aux  perplexités,  aux  faiblesses 
de  Louis  XVI.  Dès  lors,  ce  prince 
avait  perdu  toute  influence  en  Eu- 
rope,   et  toutes   les  puissances,   le 
cabinet  de  Saint-Pétersbourg  com- 
me  les   autres,   ne   doutaient  plus 
qu'il  n'eût  trop  à  faire  de  se  défen- 
dre contre   ses   ennemis  de   l'inté- 
rieur, pour  entrer  dans  une  alliance 
dont   une  guerre  continentale    eût 
été  la  conséquence.  Quelques  mois 
plus  lot,  cette  guerre  l'eut  sauvé  ;  il  ne 
l'avait  pas  osée,  l'occasion  était  inan- 
quée.  A  présent  elle  pouvait  le  perdre, 
ei  d'ailleurs  il  lui  était  impossible  de 
la  faire.  L'ambassade  deRussie, com- 
me toutes  les  autres,  devint  à  peu 
près  inutile.  Ségur  le  sentit,  ou  peut- 
être  lui  vint-il  à  la  pensée  d'aller  se 
mêler  au  mouvement  révolutionnaire. 
Se  rappelant  un  congé  qui  lui  avait 
été  précédemment  accordé,  il  an- 
nonça subitement  son  départ  à  l'ini- 


SÉG 


SEG 


63 


pëidtrice.  C'était  à  la  fin  de  l'au- 
iiec  178'J.  Les  événements  de  Ver- 
sailles étaient  déjà  connus,  et  l'on 
savait  que  Louis  XVI  avait  été  en- 
traîné captif  dans  sa  capitale  en  pré- 
sence de  l'Assemblée  nationale  pro- 
tégeant la  révolte  ;  enfin,  on  ne  dou- 
tait pas  qu'en  France  le  pouvoir 
royal  ne  fût  anéanti.  Catherine  sur- 
tout avait  parfaitement  compris  la 
portée  de  ces  événements,  et,  ainsi 
que  les  autres  puissances,  elle  s'ap- 
prêtait à  en  profiter.  Dès  le  commen- 
cement, elle  prit  la  résolution  de 
rompre  avec  tous  les  pouvoirs  révo- 
lutionnaires, et  rappela  son  minis- 
tre de  Paris.  Cependant  elle  avait 
quelque  estime  personnelle  pour 
Ségur;  elle  désirait  sincèrement  le 
retenir  auprès  d'elle,  et  l'attacher  à 
la  cause  royaliste.  «  Je  vous  vois  par- 
«  tir  avec  peine,  lui  dit-elle.  Vous  fe- 
«  riez  mieux  de  rester  au  près  de  moi, 
"  de  ne  pas  aller  chercher  des  ora- 

•  ges  dont  vous  ne  prévoyez  peut- 
«  êire   pas  toute    l'étendue.    Votre 

•  penchant  pour  la  nouvelle  philoso- 
«  phie  et  pour  la  liberté  vous  por- 
«  tera  probablement  à  soutenir  la 
«  cause  populaire.  J'en  suis  lâchée; 

•  car  moi  je  resterai  aristocrate  : 
«  c'est  mon  métier.  Songez  -  y  : 
«vous  allez  trouver  la  France  bieu 
"  enfiévrée  et  bien  malade.  »  Voilà 
quelles  furent,  selon  M.  de  Sé- 
gur, toutes  les  paroles  de  l'impé- 
ratrice. Nous  ne  contestons  pas  leur 
exactitude  ]  mais  si  l'on  en  croit  les 
bruits  qui  coururent  alors  à  St-Pé- 
tersbourg  et  qui  retentirent  à  Paris, 
la  czarine  y  en  ajouta  de  plus  remar- 
quables encore,  qu'elle  le  chargea  de 
porter  à  Louis  XVL  •  Dites  à  votre 
"  maître  qu'il  a  trop  fait  de  conces- 
«  sions,  que  ce  n'est  pas  en  cédant 
«  aux  peuples  qu'on  peut  les  gouver- 
»  lier.  Moi-même,  au  milieu  de  mes 


•  Cosaques,  si  je  faisais  un  pas  en  ar- 
«  rière,  ils  me   renverseraient 

•  Qu'il  montre  de  la  fermeté  et  du 
«  courage  ;  s'il  en  est  temps  encore  , 
«  je  ferai  ce  qui  me  sera  possible 
"  pour  l'aider.  »  Nous  ignorons  .si 
l'ambassadeur  rapporta  lidèleinent 
à  Louis  XVI  de  pareils  avis;  ce 
qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que  rien,  dans 
la  conduite  ultérieure  de  celui-ci,  ne 
prouve  qu'il  en  ait  eu  connaissance. 
Quoi  qu'il  eu  soit,  on  ne  peut  pas 
douter  que  M.  de  Ségur  ne  fût  alors 
très-pressé  (le  retourner  en  France-  Il 
lui  tardait  de  revoir  ses  amis,  sa  fa- 
mille, ou  peut-être,  comme  le  lui  avait 
dit  assez  orjvertement  Catherine,  il  se 
flattait  déjouer  un  rôle  dans  ces  trou- 
bles et  ces  agitations,  où  plusieurs  de 
ses  amis  figuraient  au  premier  rang. 
En  passant  à  Varsovie,  il  vit  encore 
le  malheureux  Stanislas  qui,  plein  de 
sens  et  de  raison,  lui  exposa  fort 
bien  sa  position,  dont  il  pressentait 
toutes  les  conséquences,  sans  pou- 
voir leur  opposer  autre  chose  qu'une 
froide  résiguatiou.  Cette  fois  Ségur 
n'alla  point  à  Berlin,  où  il  n'eût  plus 
trouvé  le  grand  Frédéric.  D'ailleurs 
la  Prusse  était  alors  très-étroitement 
liée  avec  l'Angleterre,  et  l'on  n'igno- 
rait pas  ce  que  l'ambassadeur  de 
France  avait  fait  pour  opposer  à  cette 
union  un  traité  de  quadruple  alliance. 
C'était  plus  tard  et  sous  d'autres 
auspices  qu'il  devait  retourner  dans 
cette  capitale.  De  Varsovie  il  se  ren- 
dit à  Vienne,  où  Joseph  II,  sur  son 
lit  de  mort,  lui  dit  des  paroles  non 
moins  lumineuses,  non  moins  pro- 
phétiques que  celles  de  Catherine  il: 

•  La  quadruple  alliance  que  j'ai  dé- 
«  sirée  eût  prévenu  bien  des  mal- 
«  heurs.Vos  ministres  ont  trop  craint 
«  la  guerre.  Si  elle  avait  eu  lieu,  vos 
'  parlements  n'auraient  pu  refuser 

•  de  l'argent  au  roi,  et  l'ardeur  fran- 


5^ 


SEG 


«  çaisese  serait  jetée  dans  les  camps. 
«Au  reste,  qui  pourrait  savoir  ce 
«  qui  seraitarrivé  ?  une  folie  générale 
«  semble  s'être  emparée  de  tous  les 
.  peuples.  Ceux  du  Brabant  se  ré- 
«  voltent  parce  que  j'ai  voulu  leur 
«  donner  ce  que  votre  nation  exige 
«  en  se  révoltant.  »  Rien  ne  put  con- 
vaincre l'ambassadeur  de  Louis  XVI, 
et  U  vint  à  Paris,  non  pour  combattre 
la  folie  générale,  mais  pour  y  prendre 
part.  Sespremièresvisitesfurent  pour 
ses  chers  amisLameth,Lafayettej  Bi- 
ron,  qui  étaient  alors  à  l'apogée  de  la 
faveur  populaire,  et  qui  n'eurent  au- 
cune peine  à  lui  démontrer  que  tout 
ce  qu'ils  avaient  fait  était  pour  le  plus 
grand  bien  de  la  France,  et  même  de 
la  famille  royale.  11  vit  ensuite  le  roi  ; 
puis  la  reine  «  qu'il  avait  laissée , 
■  dit-il,  si  heureuse,  si  brillante, 
«  si  aimée ,  si  entourée  d'horama- 
«  ges.  Et  lorsqu'elle  me  raconta 
«  les  injustices  dont  elle  avait  été 
«  l'objet,  les  efforts  de  la  jalousie 
«  contre  sa  réputation,  à  l'époque  de 
"  l'affaire  du  collier,  contre  ses  seu- 
«  timeats  d'épouse  et  de  mère,  quand 
«  on  l'accusait  de  faire  passer  l'ar- 
«  gent  de  la  France  en  Autriche,  en- 
«  fin   contre   ses  véritables  inten- 

•  tions ,  en  lui  reprochant  d'avoir 

•  voulu  détourner  le  roi  de  son  pen- 
«  chant  à  satisfaire  le  peuple  par  des 
«  réformes  et  des  sacrifices  néces- 

•  saires..,  il  me  serait  impossible  de 

•  dire,  ajoute  M.  de  Ségur,  à  quel 
«  point  je  fus  ému.  »  Nous  ne  voyons 
pas  néanmoins,  dans  la  suite  de  cet 
entretien,  tel  qu'il  le  rapporte,  des 
traces  bien  évidentes  de  cette  émo- 
lion.  Et  cependant  comment  n'être 
pas  attendri  par  le  récit  de  tant  et  de 
si  grands  malheurs  dans  la  bouche 
d'une  reine  qu'on  a  tant  admirée,  tant 
aimée?.  Nous  ne  pensons  pas  qu'il 
en  ait  été  fait  de  plus  simple  ui  de  plus 


S£G 

exact  et  de  plus  touchant.Comme  l'his- 
toire ne  saurait  être  appuyée  de  meil- 
leurs témoignages,  nous  en  citerons 
encore  la  dernière  partie...  «Nous 
«  avions  pourtant  choisi  pour  minis- 
«  tres,dit  cette  infortunée  princesse, 
«  tous  ceux  que  nous  désignait  l'opi- 
«  nion  publique.  Mais  à  peine  le  roi 
«  adoptait  leurs  plans,  que  nous  étions 
«  assaillis  de  plaintes,  de  cris,  de  re- 
«  niontrances  contre  ces  mêmes  mi- 
"  nistres  dont  on  regardait  les  con- 
«  seils  comme  dangereux.  Les  par- 
«  lements,  la  noblesse,  le  clergé, 
"  notre  cour  même  s'efforçaient  de 
«  nous  persuader  que  nous  nous 
«  trompions ,  que  notre  confiance 
«  était  mal  placée,  et  qu'au  lieu  de 
«  guérir  les  maux  de  l'État  on  les 
«  aggravait  de  jour  en  jour.  Vous 
«  connaissez  la  bonté  du  roi,  sa  dé- 
«  fiance  de  lui-même,  et  son  unique 
«  passion,  le  bonheur  de  la  France. 
"  Il  cédait  tantôt  à  la  cour,  tantôt 
«  aux  parlements.  Nous  cherchions 
«  d'autres  moyens  de  faire  le  bien, 
o  Ils  ne  réussissaient  pas  mieux. 
«  Les  grands  corps  de  l'État,  les  no- 
«  tables ,  tout  semblait  se  réunir 
«  contre  nous.  Enfin,  comme  de  tou- 
«  tes  parts  on  demandait  les  États- 
«  généraux,  le  roi  les  a  convoqués  j 
«  mais  à  peine  sont -ils  assemblé» 
«  que  la  discorde  se  met  entre  eux  ; 
«  qu'une  épouvantable  révolution 
«  éclate.  On  a-voulu  anéantir  notre 
«  autorité,  les  prérogatives  du  clergé, 
«  les  droits  de  la  noblesse;  et,  comme 
"  nous  croyions  devoir  les  défendre, 
«  on  a  soulevé  le  peuple  contre  nous, 
«  déchaîné  sa  furie,  séduit  nos  trou- 
«  pes,  bravé  ouvertement  l'autorité 
«  royale.  Le  roi  s'est  vu  contraint 
«  de  renvoyer  les  régiments  qui  veil- 
«  laicnt  à  sa  sûreté  ;  nos  amis  deve- 
u  nus  l'objet  de  la  haine  publique 
•  ont  été  forcés  de  fuir.  Paris  en  ré- 


SEG 

"  volte  s'est  emparé  de  h  Bastille, 
«  et  biea  que  la  condescendance  du 
«  roi,  qui  ne  veut  pas  qu'une  goutte 
«  de  sang  soit  versée  pour  sa  cause, 
»  ait  été' jusqu'au  point  d'acquiescer 
"  à  tout  ce  qu'on  lui  demandait,  le 
«  calme  n'a  pu  se  rétablir;  les  pas- 
«  sions  du  peuple  ont  redoublé  de 
«  violence;   enfin    nous    avons   vu 
«  notre  palais  de  Versailles  envahi 
"  par  des  brigands.  Je  n'ai  échappé 
«  à  la  mort  qu'en  sortant  précipitam- 
"  ment  de  ma  chambre  pour  me  ré- 
«  l'ugier  dans  celle  du  roi.  Plusieurs 
«  de  nos  gardes   ont  péri  ;  et  vous 
"  nous  voyez  ,   enfin,   ici,  exposés 
"  peut-être  à  de  nouveaux  dangers. 
'  Que  pensez-vous   d'un  si  funeste 
«état    de  choses?  Et  croyez- vous 
«  qu'il  soit  possible  de  nous  en  tirer  ? 
"  Tel  fut  à  peu  près,  ajoute  M.  de 
"  Ségur,  un  récit  qui  me  touchait 
«  trop  pour  que  je  puisse  l'oublier. 
"  Jamais  je  ne  vis  plus  de  dignité 
•<  dans  la  douleur,  plus  de  douceur 
"  dans  l'affliction,  w  La  reine  ter- 
mina ce  récit  par  quelques  mots  qui 
indiquentassezque,  quelleque  lût  sa 
confiance  en  M.  de  Ségur,  celte  prin- 
cesse croyait  ne  devoir   lui  parler 
qu'avec  une  certaine  réserve,  à  cause 
de  ses  liaisons  avec  Lafayette,  La- 
nieth  et  tout  le  parti  qui  dominait. 
«  Elle  me  parla  sans  aigreur,  dit-il 
«  encore  ,  de  ceux  de  mes  amis  qui 
«  se  trouvaient  à  la  tête  du  parti  po- 
"  pulaire.  Ils  ont  fait  du  mal  en  por- 
«  tant  de  fortes  atteintes  à  l'autorité 
«  royale  \  mais,  loin  de  les  confondre 
"  avec  ceux  qui  ont  ameuté  contre 
«  nous  une  populace  en  fureur,  je 
«  les  crois  dispi^sés  à  nous  mettre  à 
"  l'abri  de  pareils  excès,  et  à  main- 
■'  tenir  ce  qui  nous  reste  d'autorité. 
•'  C'est  surtout  le  devoir  de  M.  de 
«  Lafayette ,  votre  parent  et  votre 
«  ami.  Quelques  reprochesque  j'aie  à 


SEG 


65 


«  lui    faire,  je  dois  convenir  qu'à 
«  Versailles,  dès  qu'il  a  su  notre  pé- 
«  ril,  il  est  venu  à  notre  secours  et 
«  nous  a  rendu  par  là  le  service  le 
«  plus  essentiel.  Vous  le  verrez  sou- 
«  vent  ;   rappelez-lui  bien  ce   qu'il 
«  m'a  promis.  Il  est  de  son  honneur, 
«  puisqu'il  commande  à  Paris,  que 
«  la  dignité  et  la  sûreté  du  roi  n'y  re- 
«  çoivent  aucune  atteinte...  »  Nous 
ignorons  si  M.  de  Ségur  s'acquitta 
bien  exactement  auprès  de  son  illus- 
tre cousin  de  la  commission  que  lui 
donna  Marie -Antoine!  te;  seulement 
nous  voyons  qu'au  bout  de  quarante 
ans  il  a  rapporté  à  côté  de  ce  cu- 
rieux entretien  un  extrait  de  sa  ré- 
ponse que  nous  trouvons  bien  froide 
et  même  inconvenante.  En  vérité, 
nous  n'aurions  jamais  pensé  qu'un 
homme  aussi  poli,  un  si  bon  courti- 
san, qui  avait  si  bien  apprécié  le 
beau  caractère  de  cette  malheureuse 
reine,  eùt'pu  répondre  à  tant  de  con- 
fiance, à  un  si  attendrissant  récit, 
pardefroidsavis,  d'inutilesréflexions 
et  même  des  reproches  au  moins  in- 
tempestifs sur  l'exil  et  le  rappel  des 
parlements,  sur  les  dédains  de  la 
cour    pour   le  tiers-état ,    sur  des 
coups  d'autorité  peu  calculés,  mal 
soutenus,  sur  l'indécision  dans  les 
questions  les  plus  importantes ,  et 
autres  récriminations  peut-être  fon- 
dées, mais  certainement  très-dépla- 
cées dans  une  pareille  occasion.  Ma- 
rie-Antoinette  avait  trop   d'esprit 
et   de  sens  pour  ne  pas  voir  que 
M.  de  Ségur  n'était  plus  l'homme 
poli,    l'aimable  courtisan  que  na- 
guère elle  avait  accueilli  dans  sa  so- 
ciété intime,  qui  en  avait  paru  si 
reconnaissant,  mais  qui,   dans  ce 
moment,  n'avait  plus  de  rapport  et 
d'intimité  qu'avec  ses  ennemis  les 
plus  dangereux.  Cependant  il  recon- 
naît que  cette  princesse  lui  donna 


56 


SÉG 


SEG 


encore  peiidaut  un  an  des  preuves 
de  conliance  ,  mais  que  plus  lard 
d'autres  conseils  l'eu  privèrent!... 
En  vérité,  comment  ne  pas  s'étonner 
que  celle  confiance  ait  duré  si 
loiig-lenips,  quand  on  considère  que 
Sé'^viK  vivailalors  dans  l'intimité  des 
cliels  (Je  la  révolution  ;  qu^en  sor- 
!aut  du  cliâlcciu  vu  plutôt  de  la  pri- 
son oii  ces  messiems  leuaienl  la  la- 
iiiille  royale  eiiformée,  il  assistait  à 
li'urs  réunions,  à  leurs  clubs,  se 
mêlait  à  tous  leurs  projets ,  à  leurs 
lutrigues,  et,  pour  acquérir  dans  ce 
parti  de  l'influence  et  de  la  popula- 
rité, publiait  des  brochures  et  des 
articles  de  journaux  ,  qui ,  pour  être 
écrits  avec  un  peu  de  réserve  et  de 
modération ,  n'en  étaient  pas  moins, 
selon  les  idées  nouvelles  et  très-con- 
traires à  la  cause  du  roi  el  de  la  mo- 
narchie. Nous  lisons,  par  exemple, 
dans  le  Moniteur,  qui  déjà  était  con- 
sidéré comme  le  journal  otticiel  de  la 
révolution,  un  de  ces  articles  où  le  ci- 
devant  ambassadeur  disserte  fort  au 
long  sur  la  question  de  la  peine  de 
mort  qui  s'agitait  à  l'Assemblée  natio- 
nale, el  que  des  philanthropes  hy- 
pocrites, des  tartufes  de  patriotisme 
faisaient  semblant  de  vouloir  abolir. 
Ce  qu'il  y  eut  d'assez  remarquable 
dans  cette  discussion ,  c'est  que  le  fa- 
meux Robespierre  opina  pour  l'aboli- 
tion, et  que  RI.  de  Ségur  fut  du  même 
avis.  Et  ce  qui  est  peut-être  plus  re- 
marquable encore,  c'est  que  celui-ci 
s'appuya,  pour  le  faire  prévaloir,  de 
l'exemple  de  Catherine  II,  qui,  dit-ii 
faussement,  L'avait  presque  entière- 
ment abolie  dans  ses  États ,  où,  elle 
régnait  en  philosophe  sur  un  trône 
absolu.  Cet  article ,  publié  le  2  juin 
1791 ,  est  signé  Ségur,  ambassadeur 
a  Home ,  el  ci-devant  ministre  du 
roi  en  Russie.  Le  premier  de  ces  ti- 
trer lui  avait  en  elTcl  été  doiiuc  par 


le  roi  constitutionnel ,  ou  plutôt  par 
les  meneurs  du  par ti  qui  régnaient  ea 
son  nom  ;  mais  on  sait  que  Pie  VI, 
qui  alors  régnait  encore  un  peu 
plus  réellement  que  Louis  XVI,  avait 
positivement  refusé  de  reconnaî- 
tre en  lui  l'ambassadeur  de  la  ré- 
volution, et  que  M.  (le  Ségur,  qui 
s'était  mis  en  route^  n'avait  pu  par- 
venir au  delà  de  Florence.  Obligé  de 
revenir  k  Paris,  il  lut  dédomma- 
gé de  cet  affront  par  sa  promotion 
au  grade  de  uiaréclial-de-camp  ,  et 
par  une  autre  mission  moins  éclatante 
peut-être,  mais  certainement  d'un 
plushautiulérêt,  dans  les  circonstan- 
ces oii  se  trouvait  la  France,  puisqu'il 
s'agissait  de  conjurer  un  orage  très- 
redoutable  près  de  fondre  sur  elle. 
Les  bases  d'une  puissante  ligue  ve- 
naient d'être  posées  à  Pilnilz  entre 
la  Russie,  l'Aulriclie  et  les  princes 
français  émigrés.  Le  roi  Frédéric- 
Guillaume  devait  se  mettre  à  la  tête 
de  celle  coalition,  el  la  France,  dans 
l'état  de  désordre  et  d'anarchie  oii 
elle  était  plongée,  n'avait  réellement 
aucun  moyen  de  Un  résister.  C'était 
donc  un  service  immense  que  Ségur 
allait  rendre  à  son  parti ,  et  on  lui 
donna  pour  cela  de  grands  pouvoirs 
el  des  instructions  dont  le  texte  n'a 
jamais  été  publié  ,  mais  dont  le  sens 
est  facile  à  comprendre.  On  lui  donna 
aussi  de  l'argent  (environ  3  mil- 
lions), ce  qui  était  beaucoup  pour  ce 
temps-là  et  pour  un  pays  oii  Mira- 
beau s'était  fait  fort,  quelques  an- 
nées auparavant,  de  gagner  tout  le 
monde  pour  25,000  fr.  Mais  nous 
pensons  que  les  instruclioiis  de  Sé- 
gur s'étendaient  bien  au  delà  des  li- 
mites de  la  Prusse ,  et  même  qu'elles 
avaient  quelque  connexilé  avec  cel- 
les du  jeune  Custine  {vuy.  ce  nom, 
X,38'J),  qui  dans  le  même  temps 
fui  charge  par  le  même  parti  d'allci 


offrir  la  couronne  de  France  au  duc 
de  Brunswick.  Ce  qui  doit  aussi  faire 
penser  que  dans  les  instructions  de 
l'un  et  de  l'autre  il  y  avait  un  but  de 
propagandisme, c'est  que  Ségur,  pas- 
sant par  Strasbourg,  y  eut  une  confé- 
rence, àl'aubergeduSainl-Esprit  avec 
des  agents  de  la  propagande  germa- 
nique, venus  tout  exprès, et  que  leur 
conversation,  entendue  d'une  cham- 
bre voisine,  fut  portée  à  Berlin  avant 
l'arrivéede  l'ambassadeur.  On  conçoit 
le  mécontentement,  le  dépit  que  cet 
avertissement  causa  aux  ministres , 
aux  maîtresses  et  aux  courtisans,  per- 
sonnellement désignés  comme  aussi 
faciles  à  tromper  qu'à  corrompre. 
Le  roi  lui-même  paraît  avoir  été  peu 
ménagé  dans  ces  étranges  instruc- 
tions ,  et  son  irritation  en  fut  ex- 
trême. Le  jour  où  M.  de  Ségur  lui 
présenta  ses  lettres  de  créance  (12 
janvier  1792),  il  lui  tourna  le  dos, 
aftèctant  de  demander  des  nouvel- 
les du  prince  de  Coudé  à  l'envoyé 
de  Mayence  ;  et  sur  la  réponse 
de  celui-ci  que  U;  prince  allait  se 
rapprocher  de  la  France,  il  lui  dit 
très-haut:  «Tant  mieux,  car  il  y 
rentrera  bientôt.  »  On  conçoit  tout 
le  déplaisir  qui  dut  résulter  d'une 
pareille  boutade  pour  l'envoyé  du 
pouvoir  constitutionnel  de  France,  et 
l'on  a  dit  qu'à  quelques  jours  de  là 
celui-ci  reçut  un  affront  encore  plus 
sanglant,  et  tel  qu'il  ne  crut  pas  de- 
voir y  survivre.  Ce  qui  est  sûr ,  c'est 
que  le  lendemain  il  fut  trouvé  blessé 
et  tout  sanglant  dans  sa  chambre.  Le 
bruit  se  répandit  dans  Berlin  qu'il 
s'était  enfoncé  un  poignard  dans  le 
sein ,  ce  que  ses  amis  eux-mêmes  ne 
nièrent  point  absolument,  disant 
qu'il  avait  été  relevé  tout  en  sang. 
Lui  inêmedéclaraqu'atteinld'une liè- 
vre violente  pendant  la  nuit,  il  était 
tombe  de  son  lit  et  s'était  blessé  gra- 


SEG 


SI 


vemeut.  Peu  de  jours  après,  soit  qu'il 
eût  demandé  son  congé,  soit  qu'on 
le  lui  eût  donné,  il  quitta  la  Prusse 
sans  être  remplacé.  Revenu  à  Paris  , 
il  y  trouva  le  malheureux  Louis  XVI 
de  plus  en  plus  dégradé  et  humilié. 
On  a  dit  que  ce  lut  alors  que  ce 
prince  lui  offrit  le  portefeuille  des 
affaires  étrangères  ;  mais  nous  pen- 
sons que  déjà  le  parti  constitution- 
nel auquel  s'était  attaché  l'ex-ambks- 
sadeur  était  dépassé  et  vaincu  ,  (jue 
déjà  plusieurs  de  ses  amis  étaient 
proscrits ,  fugitifs ,  que  bientôt  lui- 
même  n'allait  avoir  autre  chose  à 
faire  que  de  se  soustraire  à  la  pro- 
scription. Convaincu  de  tout  cela,  il 
alla  habiter  pendant  quelques  jours 
le  château  de  Fresne,  si  célèbre  par 
la  retraite  du  chancelier  d'Aguesseau, 
aïeul  de  madame  de  Ségur ,  et  ce  fut 
de  là  que  bientôt  il  vit  s'écrouler  le 
trône  éphémère  sur  lequel  ses  amis 
avaient  si  aveuglément  assis  Finfor- 
tuné  Louis  XVI  ;  puis  la  mort  de  ce 
pruice,  et  l'exil,  rèchafaud  pour  tous 
ceux  qui  ne  voulurent  pas  se  ranger 
au  nombre  des  assassins  ou  devenir 
leurs  complices  !  Le  citoyen  Ségur 
(c'est  ainsi  qu'il  lui  fallut  désormais 
s'appeler  )  fut  inscrit,  sur  la  liste  des 
émigrés  comme  aussi  son  père  et 
son  frère ,  qui  n'avaient  pas  quitté  la 
France  un  seul  instant.  Celait  un 
véritable  arrêt  de  mort  pour  tous  les 
trois  ^  mais  l'envoyé  de  la  révolution 
à  Berlin  avait  de  puissants  amis, 
même  parmi  les  plus  féroces  monta- 
gnards; il  lui  fut  accordé  de  rester 
détenu  ou  en  surveillance  dans  une 
maison  de  campagne  près  de  Sceaux, 
tandis  que  le  vieux  maréchal  et  son 
plus  jeune  fils  restèrent  en  prison  à 
la  Force,  d'où  ils  ne  sortirent  que 
par  la  chute  de  Robespierre.  Ceux 
qui  connaissent  bien  cette  époque  de 
sang  et  de  meurtres  peuvent  seub 


58 


SÉG 


^G 


comprendre  toutes  les  humiliations 
que  dut  subir,  toutes  les  supplica- 
tions que  dut  faire  le   ci  -  devaut 
comte  de  Se'gur  pour  e'chapper  k  la 
mort  et  pour  y  soustraire  aussi  les 
siens  ;  car,  il  faut  le  dire,  ce  fut  tou- 
jours un  très-bon  fils,  un  très-bon 
mari  et  même  un  très-bon  frère, 
quoique  le  vicomte  se  fût  dès  lors 
tout  à  fait  séparé  de  lui  parla  diffé- 
rence de  leurs  opinions.  Ainsi  échappé 
miraculeusement  à  l'échafaud ,   on 
doit  bien  penser  qu'il  fit  tout  pour 
ne  pas  retomber  dans  les  mêmes  pé- 
rils. Par  prudence  ou  par  économie , 
car  il  était  resté  sans  fortune,  il  ha- 
bita  encore  la  campagne  pendant 
quelques  années,  et  s'y  occupa  uni- 
quement de  littérature  et  de  l'édu- 
cation de  ses  enfants,  venant  rare- 
ment à  Paris,  et  voyant  peu  de  monde. 
Boissy-d'Anglas    était  le   seul  ami 
qu'il  eût  conservé.  C'est  dans  cet  in- 
tervalle qui  sépara  la  révolution  du 
9  thermidor  de  celle  du   18  bru- 
maire qu'il  composa  la  plupart  de  ses 
écrits,  publiant  parfois  dans  les  jour- 
naux les  plus  connus  pour  leur  atta- 
chement aux  doctrines  révolution- 
naires des  articles  sur  la  politique 
du  temps  et  la  littérature,  qui,  bien 
qu'écrits  avec  mesure   et   ménage- 
ment pour  tout  le  monde,  décèlent 
toujours  un  sincère  attachement  aux 
doctrines  de  la  révolution.   Ce  fut 
dans  ce  temps-là  (1799),  un  peu  après 
la  mort  de  Catherine  II,  qu'il  publia, 
sous  le  titre  de  Théâtre  de  VÈermi- 
tage,  toutes   les  pièces  qu'il  avait 
composées    dans   les    années  1787, 
1788  et  1789,  annonçant  que  plu- 
sieurs de  ces  pièces  étaient  de  l'am- 
bassadeur Cobeutzljdu  prince  de  Li- 
gne, des  comtes  deStrogonoff,  Sohu- 
valow  et  de  l'impératrice  elle-même. 
Sans  croire  absolument  à  une  pa- 
reille coopération,  nous  ne  doutons 


pas  que  Catherine  II,  qui  aimait  beau- 
coup dans  ce  temps-là  l'esprit  et  la 
gaîté  de   Ségur,  et  qui  était  elle- 
même    douée    d'un    esprit  ,  d'une 
gaîté  véritablement  française,  n'ait 
souvent  laissé  échapper  dans  la  con- 
versation des  traits  plaisants  et  d'un 
fort  bon  comique,  lesquels,  saisis 
par  l'adroit  courtisan,  et  placés  habi- 
lement dans  un  cadre  qu'il  ajustait  à 
sa  manière,  auront  suffi  pour  flatter 
la  vanité  de  la  czarine ,  et  même  lui 
persuader  qu'elle  était  le  véritable 
auteur  de  la  pièce.  Le  prince  de  Li- 
gne se  sera  d'autant  plus  aisément 
associé  à  ces  petits  mensonges  ,  qu'il 
était  à  cette  époque  également  admi- 
rateur de  l'impératrice  et  du  comte 
de  Ségur,  et  que  dans  plusieurs  pas- 
sages de  ses  écrits  de   cette  époque 
il  a  fait  de  lui  un  portrait  extrême- 
ment flatteur.  Cependant,  comme  ce 
prince  resta  fort  attaché  aux  doc- 
trines monarchiques,  il  changea  com- 
plètement d'avis,  quand  il  vit  son  ami 
deVersailleset  de  St-Pétersbourg  de- 
venir révolutionnaire. Âlorsil  fit  de  lui 
un  second  portrait  commençant  par 
ces  mots  :  Quantum  mutatus  ah  illo^ 
dans  lequel  il  rétracta  tous  ses  pre- 
miers éloges.  Les  apologistes  de  Sé- 
gur se  sont  empressés  de  citer  le  pre- 
mier de  ces  portraits,  mais  on  con- 
çoit par  quel  motif  ils  ont  gardé  le  si- 
lence sur  le  second.  Cet  excellent 
prince  de  Ligne  ,  qui  était  plus  vrai 
et  plus  franc  que  M.  de  Ségur,  a  peu 
dissimulé ,   même  dans  ses  écrits , 
son  intimité  avec  Catherine.  L'envoyé 
de  France,  au  contraire,  même  dans 
les  derniers  temps  de  sa  vie,  se  taisait 
toujours  à  cet  égard,  et  quand  on  le 
pressait  de  questions  sur  ce  sujet,  il 
détournait  la  conversation  et  sem- 
blait cependant  vouloir  faire  penser 
qu'il  avait  joué  le  rôle  de  Joseph  ou 
d'Hippolyte.  Quelquefois,  pour  ajou- 


1er  au  mérite  de  la  résistance,  il  van- 
tait les  beaux  yeux  bleus  de  l'impé- 
ratrice et  la  fraîcheur  de  teint  qu'elle 
avait  conservée  jusque  dans  l'âge  le 
plus  avancé.  Mais  dans  le  même 
temps  il  fournissait  des  matériaux  à 
Castera,  dont  on  sait  que  l'Histoire  de 
Catherine  II  est  la  plus  violente  dia- 
tribe qu'on  ait  imprimée  contre  cette 
princesse.  A  la  même  époque  Ségur 
publia  sous  son  nom  un  autre  ou- 
vrage ,  VHistoire  des  'principaux 
événements  du  règne  de  Frédéric- 
Guillaume  II,  roi  de  Prusse^  ou 
Tableau  historique  et  politique  de 
l'Europe  de  1786  à  1796.  Les  cir- 
constances dans  lesquelles  se  fit  cette 
publication  et  son  titre  équivoque , 
que  l'auteur  a  changé  plusieurs  fois 
depuis,  fixèrent  au  plus  haut  degré 
l'attention  publique.  On  s'attendait  à 
y  trouver,  de  la  part  de  M.  de  Ségur, 
d'importantes  révélations  sur  la  di- 
plomatie européenne,  et  principale- 
ment sur  sa  mission  de  Berlin ,  que 
chacun  expliquait  à  sa  manière,  et 
sur  laquelle  lui-même  n'avait  jamais 
dit  que  quelques  mots  insignifiants. 
Mais,  sous  ce  rapport,  l'attente  du 
public  fut  complètement  trompée. 
Il  y  est  à  peine  fait  mention  de 
cette  circonstance  si  importante 
dans  la  politique  de  l'époque,  et 
plus  iiijportante  encore  dans  la  vie 
du  comte  de  Ségur.  Ou  espérait  aussi 
trouver  dans  cet  ouvrage  quelques 
mots  d'éloge  et  de  ^reconnaissance 
envers  Catherine  II ,  qui  avait  été 
si  bonne  pour  l'auteur  !  Mais  sous  ce 
rapport  les  espérances  des  lecteurs 
furent  encore  déçues.  L'écrit  dans  le- 
quel Ségur  a  parlé  avec  le  plus  de 
liberté  de  cette  princesse  est  le  Por- 
trait de  Potemkin,  qu'il  n'a  pas 
craint  d'insérer  sous  son  nom  dans 
les  dernières  éditions  de  Castera,  les- 
quelles, il  est  vrai,  ne  parurent  qu'a- 


SÉG 


&d 


près  la  mort  de  Catherine  II ,  que 
probablement  il  n'aurait  pas  osé  trai- 
ter ouvertement  aussi  mal  de  son  vi- 
vant, de  peur  que  cette  princesse  ne 
se  fût  écriée  ,  ainsi  que  le  prince  de 
Ligne  :  Quantum  mutatus  al  illo  ! 
Comme  VHistoire  de  Frédéric-Guil- 
laume était  écrite  pour  la  France 
dans  un  assez  bon  esprit  de  modé- 
ration, de  justice,  et    qu'alors   ou 
était  peu  accoutumé  à  un  pareil  lan- 
gage, cet  ouvrage  eut  beaucoup  de 
succès.  Ségur  en  donna  peu  de  temps 
après  un  autre  qui  n'était  pas  de  lui, 
mais  dont  il  se  fit  l'éditeur  en  y 
ajoutant  des  notes  et  commentaires. 
C'est  celui  du  célèbre  Favier ,  in- 
titulé Politique  de  tous  les   cabi- 
nets de  l'Europe  pendant  les  règnes 
de  Louis  XV  et  Louis  XVI,  publié 
en  1793  d'après  le  manuscrit  enlevé 
dans  le  pillage  des  Tuileries  après  la 
journée  du  10  août.  On  sait  que  ce 
précieux  écrit  n'était  autre  chose  que 
le  résumé  de  la  fameuse  correspon- 
dance du  comte  de  Broglie  et  de  Fa- 
vier, ce  profond  publiciste  dont  les 
deux  rois  auxquels  elle  était  destinée 
eurent  si  grand  tort  de  ne  pas  faire 
leur  principal  guide.  Les  notes  que 
Ségur  a  ajoutées  à  cette  édition  sont, 
pour  la  plus  grande  partie,  conformes 
aux  opinions  de  Favier;  mais  quand 
elles  en  diffèrent,  c'est  presque  tou- 
jours par  suite  de  ses  nouveaux  prin- 
cipes,   qui    lui    ont  d'ailleurs  fait 
commettre   des  erreurs    bien   plus 
graves.  A  cette  époque,  son  premier 
soin,  son  seul  but  était  de  plaire  au 
nouveau  consul,  qui  l'avait  nommé 
membre  du  corps  législatif,  emploi 
bien  humble  sans  doute  eu  raison 
de  son  ancien  rang  et  de  ses  hautes 
fonctions;  mais  c'était  un  motif  pour 
chercher  à  eu  avoir  davantage,  et, 
sur  ce  point,  Ségur  ne  se  rebutait 
pas    facilement.    Cependant    il    ne 


60 


&ÈG 


S£G 


se  dissimulait  point  que  le  créa- 
teur de  la  nouvelle  monarchie  avait 
peu  de  goût  pour  ceux  qu'il  soup- 
çonnait d'avoir  renverse  l'ancienne, 
ou  du  moins  de  ne  l'avoir  pas  dé- 
fendue comme  ils  auraient  dû  le 
faire.  Et  une  autre  cause  de  défa- 
veur auprès  de  Bonaparte,  c'est  qu'il 
n'aimait  pas  que  ceux  qu'il  plaçait 
dans  de  hauts  rangs  tissent  des  li- 
vres, et  surtout  des  livres  politi- 
ques. Lors  de  la  publication  de  l'If  îs- 
toire  de  Frédéric- Guillaume^  sa- 
chant très-bien  que  M.  de  Ségur  en 
était  l'auteur,  il  feignit  un  jour  de 
l'ignorer,  et  lui  demanda  sur  le  ton 
dédaigneux  qu'il  prenait  quelque- 
fois avec  les  ci-devant  grands  sei- 
gneurs, quand  il  voulait  les  humilier, 
si  ce  M.  de  Ségur  qui  faisait  des 
livres  était  son  parent.  Obligé  d'a- 
vouer le  fait,  Ségur  se  le  tint  pour 
dit,  et  jusqu'à  la  chute  du  trône 
impérial  il  ne  publia  pas  un  volume, 
bien  qu'il  en  eût  composé  un  grand 
nombre  dans  sa  retraite.  H  les  ren- 
ferma dans  ses  carions  et  chercha  un 
autre  moyen  de  plaire  au  maître.  C'é- 
tait le  temps  où  la  France,  échap- 
pée aux  calamités  des  factions  et  de 
l'anarchie,  se  précipitait  dans  le  des- 
potisme. Les  hommes  de  l'ancien  et 
ceux  du  nouveau  régime,  les  séna- 
teurs, les  tribuns  et  les  législateurs, 
tous  manifestaient  le  même  zèle; 
c'était  à  qui  se  montrerait  plus  hum- 
ble et  plus  empressé  :  ad  servitulem 
ruunt,  aurait  dit  Tacite.  Placé  dans 
une  assemblée  condamnée  au  silence, 
il  était  difficile  de  se  faire  remarquer, 
même  pour  l'ancien  comte,  pour  le 
ci-devant  ambassadeur.  Ce  ne  fut 
qu'en  1804,  quand  il  fallut  consa- 
crer par  une  loi  ou  un  décret  son 
élévation  au  trône  impérial,  que  Bo- 
naparte permit  à  cette  assemblée  de 
muets  de  ^rompre  entin  le  silence 


pour  cette  fois  et i  pour  cet  objet 
seulement.  Alors  on  vit  le  législa- 
teur Ségur  s'élancer  à  la  tribune  et 
s'écrier    d'une    voix    pathétique   : 

•  Lorsque   le  tribunal  a    émis  un 

•  vœu  dicté  par   la  reconnaissance 

•  nationale  pour  le  premier  magis- 
«  trat  de  la  république,  le  corps  lé- 
«  gislatil ,  qui  éprouvait   le  même 

•  sentiment,  crut  avec  regret  que  la 
«  constitution  lui  interdisait  la  fa- 
«  culte  de  l'exprimer  et  de  prendre 

•  à  cet  égard  aucune  initiative.  Je 
«  craignis  dès  lors,  d'après  les  en- 

•  traves  imposées  par  la  constitu- 

•  tion,  qu'aucune  des  autorités  éta- 
«  blies  ne  pût  ren)plir  compléte- 
«  ment  un  vœu  que  je  crois  général. 
«  Dans  une  aussi  grande  circon- 
«  stance,  lorsqu'il  s'agit  de  décider 
«  si  la  gloire  de  nos  armes,  si  les 
«  douceurs  de  la  paix ,  la  restaura- 
«  tiou  de  l'ordre  public,  la  compres- 
"  sion  de  toutes  les  factions  seront 
«  durables  ou  passagères;  lorsqu'il 

•  faut  imprimer  le  sceau  de  la  con- 

•  stance  à  nos  institutions  et  enle- 

•  ver  aux  ennemis  du  peuple  Iran 

•  çais  l'espoir  de  voir  renaître  les 

•  troubles  qui  tourmentaient  la  ré- 
«  publique  avant  le  18  brumaire; 
«  lorsqu'il  s'agit  entin  de  donner  à 

•  l'homme  que  la  France  admire  et 

•  que  l'Europe  nous  envie  une  ré- 

•  compense  digne  de  nous  et  de  lui, 
«  c'est  au  peuple  souverain  qu'il 
"  faut  s'adresser;  c'est  lui  seul  qui 
«  peut  réaliser  complètement  nos 
«  vœux,  et,  par  un  acte  de  sa  vo- 
«  lonté  libre  et  suprême,  assurer 
"  son  bonheur  et  son  repos  en  don- 
«  nant  à  Bonaparte  la  marque  la 
«  plus  éclatante  de  sa  confiance  et 
«  le  digne  prix  de  ses  travaux  et  de 
«  ses  périls.  La  réponse  du  premier 

•  consul  au  sénat  est  parfaitement 

•  conforme  a  celte  opiaiuu.  Cet  il- 


SÉG 

<•  lustre  citoyen,  à  l'esprit  duquel  au- 
"  eu  ne  grande  pensée  n'échappe,  ex- 
«  prime  à  la  fois  sa  reconnaissance 
«  pour  cette  grande  autorité  et  son 

•  respect  profond  pour  la  majesté  du 
«  peuple  souverain.  Enfin  les  consuls 

•  et  le  conseil  d'État,  en  convoquant 

•  la  nation,  nous  donnent  le  juste  es- 

•  poir  de  voir  disparaître  ces  tristes 
«  bornes  que  le  patriotisme  regardait 
«avec  inquiétude,  et  l'envie  avec 
«  une  joie  basse  et  perfide.  Cet  ar- 
«  rêté  des  consuls  qui  nous  a  été 
«  communiqué  nous  laisse  une  en- 

•  tière  liberté  d'exprimer  nos  sen- 
«  timents.  Ce  n'est  point  ici  l'un  de 
«  ces  actes  sur  lequel  le  silence  im- 

•  partial  d'un  juge  nous  est  imposé  ; 

•  c'est  un  appel  au  peuple  dont  nous 

•  luisons  partie,  dont  nous  sommes 

«  les  représentants A  la  suite 

de  ce  beau  discours,  le  citoyen  Sé- 
gur  (  car  c'était  encore  ainsi  qu'il 
devait  se  nommer)  fit  décréter  l'ou- 
verture immédiate  d'un  registre  pour 
inscrire  le  vœu  de  chacun  de  ses  col- 
lègues et  l'envoi  au  consul  d'une 
grande  députalion  pour  lui  porter 
le  résultat  de  ces  vœux.  On  con- 
çoit toutes  les  conséquences  d'une 
telle  manifestation,  sans  nul  doute 
préparée  d'avance,  ainsi  que  cela  se 
faisait  sous  Napoléon,  dans  les  cir- 
constances importantes.  On  voit  que 
dans  celte  grave  comédie  Ségur 
n'avait  pas  eu  le  rôle  le  moins  écla- 
tant. La  récompense  ne  se  fit  pas  at- 
tendre; dès  les  premiers  jours  de 
l'année  suiviinte,  il  fut  nommé  con- 
seiller d'État,  et  il  fit  en  cette  qua- 
lité beaucoup  de  rapports  sur  des 
matières  d'administration  auxquel- 
les on  le  croyait  tout  à  fait  étran- 
ger, telles  que  les  douanes,  les  fo- 
rêts, les  séminaires,  etc-  Nous  ne  di- 
rons rien  du  mérite  de  ces  rapports, 
qui  ne  trouvèrent  jamais  de  contra- 


SÉG 


€1 


dicleurâ  et  furent  invariablement 
adoptés  par  les  ci-devant  confrères 
du  rapporteur,  restés  impassibles  et 
muets.  Ce  qui  prouve  que  le  maître 
en  fut  également  satisfait,  c'est  que 
Ségur  fut  successivement  nommé 
grand-officier  du  palais  de  l'em- 
pereur, grand-maître  des  cérémo- 
nies, et  enfin  sénateur  avec  dota- 
tion ,  majorât  et  le  titre  de  comte,  qui 
lui  fut  rendu  (1813)  ;  ce  qui  fit  dire 
aux  plaisants,  comme  sur  la  fin  de 
sa  vie  il  avait  la  taille  un  peu  con- 
trefaite, que  c'était  un  comte  refait 
(contrefait).  Ainsi  le  comte  de  Ségur 
était  parvenu ,  sous  le  règne  im- 
périal ,  à  réunir  d'assez  grands 
avantages  ;  mais  il  n'y  avait  dans 
tout  cela  aucune  preuve  de  véri- 
table confiance.  Napoléon,  nous  l'a- 
vons dit,  ne  se  fiait  «point  aux 
grands  seigneurs  qui,  après  avoir  été 
comblés  des  faveurs  de  l'ancienne 
cour,  lui  avaient  manqué  de  dévoue- 
ment. H  avait  trouvé  bon  de  se  ser- 
vir de  son  zèle  et  de  placer  sur  la 
liste  de  ses  courtisans  un  nom  aussi 
illustre:  mais  il  ne  lui  avait  jamais 
donné  véritablement  ni  influence  ni 
pouvoir.  La  diplomatie  était  au  reste 
la  seule  carrière  qui  put  être  con- 
venablement ouverte  au  comte  de 
Ségur,  et  il  y  avait  dans  cette  partie 
des  secrets  où  l'on  ne  voulait  pas 
l'admettre.  D'ailleurs  Talleyrand 
était  là  pour  lui  barrer  le  chemin, 
et  l'on  doit  bien  penser  que  ce  rusé 
diplomate  ne  dut  pas  le  recomman- 
der. Ce  ne  fut  qu'au  dernier  moment 
de  la  décadence,  et  quand  Napoléon 
eut  besoin  de  tout  le  monde,  que, 
voulant  s'assurer  de  l'obéissance  de 
toutes  les  parties  d'nn  empire  qui  lui 
échappait,  il  y  envoya  des  commis- 
saires extraordinaires  avecde  grands 
pouvoirs,  de  longues  instructions, 
mais  peu  de  moyens  de  les  exécuter. 


6? 


SEG 


SÉG 


Le  comte  de  Ségnr  fut  un  de  ces 
commissaires,  et  ce  fut  la  18*"  divi- 
sion, celle  de  Dijon,  qui  lui  échut. 
A»  moyen  de  quelques  proclama- 
tions bien  sonores,  de  quelques  me- 
sures insignifiantes,  il  ne  s'en  tira  pas 
plus  mal  que  les  autres,  et  revint 
paisiblement  dans  la  capitale  quand 
les  arme'es  de  la  coalition  envahirent 
la  Bourgogne,  dès  les  premiers  jours 
de  1814.  Ainsi  il  était  à  Paris  lors- 
que les  alliés  entrèrent  dans  cette 
vi lie,  et, comme  ses  confrères,  il  vota 
dans  le  sénat  pour  la  déchéance  de 
Napoléon  et  pour  le  rétablissement 
de  Louis  XVIII.  Se  flattant  alors  de 
conserver  son  titre  de  grand-maître 
des  cérémonies,  et  prenant  au  sé- 
rieux le  mot  "Si  niais  et  pourtant  si 
vanté,  qu'en  France  il  n'y  avait 
qu'un  Français  de  plus,  que  rien  ne 
devait  être  changé,  il  continua  de 
présider  à  la  direction  du  mobilier 
et  de  la  domesticité  des  maisons 
royales  ;  et  quand  Louis  XVIII  fut 
près  d'entrer  dans  la  capitale,  il  fit 
préparer  avec  beaucoup  de  soin  le 
château  des  Tuileries;  puis  il  se  ren- 
dit au  devant  du  roi,  à  Compiègne, 
où,  après  avoir  rappelé  à  ce  prince 
les  témoignages  de  bienveillance 
qu'il  en  avait  autrefois  reçus,  il  lui 
dit  qu'en  sa  qualité  de  grand-maître 
des  cérémonies,  il  avait  fait  tout 
préparer  pour  recevoir  dignement 
Sa  Majesté.  «  Vous  étiez,  lui  dit 
Louis  XVIII ,  le  grand-maître  des 
cérémonies  de  l'empereur;  mais  il 
me  semble  que  nous  avions  aussi  un 
grand  -  maître  des  cérémonies  qui 
s'appelait  M.  de  Dreux-Brézé,  et  je 
n'ai  pas  appris  qu'il  fût  mort  ou 
qu'il  eût  renoncé  à  ses  fonctions.  • 
La  réponse  était  claire;  M.  de  Ségur 
se  le  tint  pour  dit,  et  dès  ce  mo- 
ment il  ne  se  montra  plus  que 
dans  ropposition  avec  le   parti  li- 


béral ou  bonapartiste,  ce  qui  alors, 
était  à  peu  près  identique.  Cependant, 
comme  il  était  sénateur  ,  et  qu'il 
y  avait  une  convention  ou  une  es- 
pèce de  capitulation  qui  assurait 
la  position  de  ces  messieurs,  il 
fut  porté  sur  la  liste  des  pairs  et 
continua  de  jouir  d'un  assez  bon 
traitement ,  siégeant  dans  la  cham- 
bre haute  avec  l'opposition ,  qui 
n'y  était  que  dans  une  faible  mi- 
norité. Cet  état  de  choses  dura  jus- 
qu'à l'invasion  deBonaparte,  en  1815. 
On  pense  bien  qu'alors  Ségur  ne  fut 
pas  des  derniers  à  lui  présenter  ses 
hommages.  Parfaitement  accueilli,  il 
fut  à  l'instant  même  rétabli  dans 
toutes  ses  charges  et  fonctions,  puis 
inscrit  au  premier  rang  des  nou- 
veaux pairs.  Dans  toutes  les  discus- 
sions de  cette  chambre,  auxquelles  il 
assista  régulièrement ,  il  se  montra 
l'un  des  plus  zélés  pour  la  cause  im- 
périale; et  lorsque,  après  la  bataille 
deWaterloo,lasecondeabdicationfnt 
annoncée,  il  demanda  avec  beaucoup 
de  chaleur  que  le  fils  de  Napoléon 
fût  reconnu,  et  qu'une  régence  fût 
nommée  en  son  nom  ;  mais  on  sait 
que  rien  de  tout  cela  ne  put  s'exé- 
cuter, et  que  Bonaparte  fut  bientôt 
contraint  de  s'éloigner.  Dans  son 
désespoir  le  grand-maître  des  céré- 
monies offrit  de  le  suivre  partout  où 
il  devrait  aller  ;  et  ce  généreux  dé- 
vouement, qui  ne  fut.point  accepté, 
fit  sur  l'esprit  de  Napoléon  une  très- 
vive  impression.  Long-temps  après, 
sur  le  rocher  de  Sainte-Hélène  ,  il 
parlait  encore  à  ses  amis  du  dévoue- 
ment de  ce  hon  M.  de  Ségur  qui, 
malgré  son  grand  âge,  avait  voulu 
le  suivre,  lorsque  d'autres  plus  jeu- 
nes et  pour  lesquels  il  avait  fait 
beaucoup  plus,  hésitaient  et  même 
refusaient  positivement.  Nous  pen- 
sons bien,  au  reste,  que  dans  ce  dé- 


SÉG 

vouement  napoléonien  il  y  avait 
autant  de  répulsion  et  de  crainte  des 
Bourbons  que  d'amour  pour  Bona- 
parte; mais  M.  de  Ségur  ne  connais- 
sait pas  alors  l'étendue  de  la  clé- 
mence royale,  et  il  ignorait  que  toute 
la  vengeance  de  Louis  XVIII  devait 
se  borner  à  l'éloigner  momentané- 
ment de  la  chambre  des  pairs,  pour 
l'y  faire  rentrer  un  peu  plus  tard 
triomphant,  et  y  voter  avec  une 
nouvelle  majorité  selon  ses  opinions 
et  par  conséquent,  toujours  contre 
le  gouvernement  royal.  Ce  fut  en 
1819  que,  pour  s'opposer  aux  consé- 
quences de  la  proposition  Barthé- 
lémy {voy.  ce  nom,  LVII,  241),  et 
faire  de  la  chambre  haute  ce  que  la 
dissolution  du  5  septembre  1817 
avait  fait  de  celle  des  déput('s ,  le 
ministère  de  ce  temps-là  intro- 
duisit parmi  les  pairs  tout  ce  qui 
restait  d'hommes  un  peu  mar- 
quants dans  les  débris  de  la  révo- 
lution et  de  l'empire.  Le  comte  de 
Ségur,  en  pareil  cas,  ne  pouvait 
être  oublié.  Dès  ce  jour  jusqu'à  la 
lin  de  sa  vie,  il  siégea  dans  cette 
chambre  avec  assiduité ,  prenant 
beaucoup  de  part  à  toutes  les  dis- 
cussions ,  votant  et  parlant  tou- 
jours avec  le  parti  libéral.  En  1816, 
lors  de  la  réorganisation  de  l'Insti- 
tut, où  il  avait  été  admis  en  1803,  il 
y  fut  maintenu  comme  membre  de 
l'Académie  française.  Dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie  il  eut  le  bon- 
heur d'y  avoir  pour  confrère  son  fils, 
le  brillant  historien  de  Napoléon  dans 
sa  campagne  de  Russie.  Sous  l'em- 
pire il  avait  été  académicien,  plutôt 
en  grand  seigneur  qu'en  homme  de 
lettres,  c'est-à-dire  ne  se  montrant 
que  dans  les  occasions  solennelles, 
parce  que  le  maître  le  voulait  ainsi. 
Sous  la  Restauration,  au  contraire, 
il  ne  parut  plus  s'occuper  que  de 


SÉG  63 

littérature,  et  ce  fut  alors  qu'il  pu- 
blia ses  Mémoires   (3  vol.   in-S», 
1824),  que  nous  regardons  comme 
son  ouvrage  le  plus  important  et  le 
plus  curieux  par  les  documents  qu'il 
contient  sur  l'état  politique  de  l'Eu- 
rope avant  la  révolution   de   1789. 
On  regrette  que  l'auteur  se  soit  ar- 
rêté précisément  à  l'époque  où  son 
livre  pouvait  offrir  le  plus  d'intérêt  ; 
mais  on  doit  comprendre  que  c'était 
aussi  l'époque  où  il  eût  rencontré  le 
plus  de  difficultés,  et  où  il  eût  sur- 
tout été  fort  embarrassé  d'expliquer 
sa  conduite  personnelle.   Bien  que 
comblé  sous  le  règne  impérial  de 
beaucoup  de  faveurs  et  d'.honneurs, 
il  est  sûr  qu'il   ne   lui   fut  jamais 
donné    d'emploi    de    confiance    et 
qu'il  n'eut  aucune  part  aux  affaires 
d'État.   Comme    nous   l'avons   dit, 
Talleyrand  lui  avait  dès  le  commen- 
cement barré  le  chemin  dans  cette 
voie  -,   et   quand'  ce   diplomate  fui 
tombé  dans  la  disgrâce  impériale,  il 
n'était  plus  temps   pour  Ségur  de 
rentrer  dans  la  carrière.  Sous  le  gou- 
vernement de  la  Restauration  elle 
dût  lui  être  encore  bien  plus  rigou- 
reusement fermée.    Ainsi,  dans  la 
dernière  partie  de  sa  vie,  il  ne  fut 
plus  réellement   qu'un  homme   de 
lettres  ;  et  il  faut  avouer  que  sous  ce 
rapport  il  fut  toujours  plus  remar- 
quable que  comme  homme  d'État. 
Sans  être  un  savant  de  premier  or- 
dre, il  n'ignorait  rien  de  ce  qu'un 
homme  lettré  doit  savoir.  Son  style 
est  facile,  correct,  mais  souvent  pro- 
lixe et  sans  énergie.   C'est  bien  de 
lui   qu'on    peut    dire  le  slyle    est 
l'homme  même.  Le  comte  de  Ségur 
mourut  à  Paris  le  27  août  1832,  ayant 
à  côté  de  lui  Mathieu  Dumas,  Barbé- 
Marbois,  Lafayette  et  Lameth,   ses 
amis  les  plus  anciens  et  les  plus  tide- 
les.  On  ne  peut  pas  douter  qu'il  n'eût. 


64  SÉG 

vu  avec,  joie  ia  révolution  qui  venait 
de  s'accomplir  ;  mais  il  eut  à  peine  le 
temps  d'en  connaître  les  conséquen- 
ces. Son  conl'rère  à  l'Académie,  Ar- 
nault,  prononça  svir  sa  tombe  un 
discours  où  se  trouve  cette  phrase 
qui  le  caractérise  assez  bien.  «  Il 
«  (Ségur)  réunissait  à  ce  que  la  cul- 
«  ture  des  lettres  peut  apporter 
«  de  plus  piquant  dans  les  habitu- 
«  des  de  l'homme  du  grand  monde, 
«  ce  que  les  habitudes  du  grand 
•  monde  peuvent  prêter  de  phjs  ai- 
«  mable  au  commerce  de  l'homme  de 
«  lettres.  "  M.  Viennet,  son  succes- 
sesseur  à  l'Académie,  a  l'ait  de  lui 
une  brillante  apologie  dans  son  dis- 
cours de  réception.  D'autres  acadé- 
miciens ont  encore  publié  sur  leur 
confrère  des  notices  ou  des  éloges  du 
même  genre  ;  mais  ce  n'est  pas  dans 
de  tels  écrits,  toujours  d'autant  plus 
applaudis  qu'ils  sont  moinsvrais,  que 
l'histoire  doit  puiser  ses  couleurs. 
Les  Œuvres  complètes  du  comte  de 
Ségur,  formant  33  vol,  in-8"  avec 
son  portrait ,  un  fac-similé  et  2  at- 
las, ont  été  imprimées  en  1824,  et 
années  suivantes.  Cette  collection 
se  compose  des  ouvrages  ci-après  : 
1.  Mémoires  ou  Souvenirs  politi- 
ques ,  ornés  du  portrait  de  l'au- 
teur, et  d'un  fac-similé  de  son 
écriture;  3  vol,  in -8».  II.  Décade 
historique,  précédemment  Histoire 
du  règne  de  Frédéric  -  Guillaume , 
réimprimée  sur  la  3«  édit,,  revue, cor- 
rigée et  améliorée;  2  vol. in-8°.  III. 
Politique  de  tous  les  cabinets  de 
VEurope,  réimprimée  sur  la  3^  édit., 
revue,  corrigée  et  améliorée;  3  vol. 
in-8"  (c'est  l'ouvrage  de  Favier  où 
Ségur  n'a  fait  que  des  notes).  IV. 
Histoire  ancienne,  réimprimée  sur 
la  3'  édit.,  revue  et  corrigée,  3  vol. 
in-8o.  V.  Histoire  romaine^  réim- 
primée sur  une  3"  édition,  revue  et 


SÉG 

corrigée,  3  vol.  în-S»,  VI.  Bisioin 
du  Bas-Empire,  réimprimée  sur  une 
3"  édit.,  revue  et  corrigée,  avec  ta- 
ble alphabétique  et  analytique  des 
matières,  et  atlas;  4  vol.  in-8°.  VII. 
Histoire  de  France, 9  vol.  avecatlas. 

VIII.  Galerie  morale  et  politique , 
réimprimée  sur  une  troisième  édit., 
revue  et    améliorée;  4  vol.  in-8''. 

IX.  Mélanges,  composés  de  Poésies, 
Théâtres  (celui  de  THermitage  com- 
pris), Discours,  etc.;  1  vol.  in-8°.  Sé- 
gur a  encore  publié ,  à  différentes 
époques,  beaucoup  d'articles  de  jour- 
naux et  de  morceaux  de  prose  et  de 
vers  qui  ne  sont  pas  dans  la  collec- 
tion de  ses  Œuvres.  Il  était  décoré 
de  la  plupart  des  ordres  de  l'Eu- 
rope, membre  de  la  Société  litté- 
raipe  et  politique  du  Portique  répu- 
blicain, et,  ce  qui  n'est  pas  moins 
remarquable,  l'un  des  fondateurs  de 
la  Société  des  dîners  du  Vaudeville 
aux  séances  de  laquelle  il  était  fort 
assidu.  Il  a  fourni  beaucoup  de  chan- 
sons et  de  morceaux  de  poésie  à  son 
Recueil,  ainsi  qu'à  VAlmanach  des 
Muses  et  à  d'autres  collections  poé- 
tiques, car,  malgré l'avisde  Voltaire, 
il  a  continué  de  faire  des  vers  jusqu'à 
ses  derniers  moments.  —  M""^  de 
SÉGUR  {Antoinette- Marie-Êlisa  bcth 
d'Aguesseau),qui  l'aida  dans  ses  tra- 
vaux littéraires,  et  dont  on  conserve 
les  manuscrits  comme  monument  de 
famille,  mourut  à  Paris  le  :>  mars 
1818,  à  l'âge  de  72  ans.      M— d  j. 

SÉGUR  (Octave-ïIenri-Gaeriel, 
comte  de),  fils  aîné  du  précédent,  né 
à  Paris  en  1779,  reçut  une  partie 
de  son  éducation  à  l'École  poly- 
technique, où  ses  progrès  furent 
rapides.  En  1803,  au  sortir  de  cette 
école,  il  publia  des  Lettres  élémen- 
iaires  sur  la  chimie,  2  vol.  in-l2. 
En  1801,  il  traduisit  de  l'anglais  de 
miss  Priscilla  Wakelield,  et  lit  im- 


SÉG 

primer  la  Flore  des  jeunes  personnes , 
ou  Lettres  familières  sur  la  botani- 
que, in-I2.  Cette  traduction,  qui  a 
eu  troiséditions  de  1801  à  1810,  ré- 
pond avec  une  élégante  exactitude  au 
texte  de  l'auteur  anglais,  et  peut  être 
lue  très-utilement,  même  après  les 
Lettres  de  Rousseau  sur  le  même 
objet.  A  vingt-deux  ans  le  comte  de 
Ségur  fut  nommé  sous-préfet  de  Sois  - 
sons  et  s'y  fit  chérir  par  sa  justice  et 
son  noble  caractère  •,  mais  tout  à  coup 
il  disparut  de  cette  ville  sans  qu'on 
sût  ce  qu'il  était  devenu.  Le  ministre 
de  la  police,  Fouché,  fit  insérer  dans 
les  journaux  une  note  annonçant 
qu'on  le  croyait  noyé,  et  que  des  or- 
dres étaient  donnés  pour  la  recher- 
che de  sou  cadavre.  Mais  on  sut  plus 
tard  que  dès-lors  tourmenté  par  des 
chagrins  domestiques,  il  était  allé 
s'enrôler  dans  un  régiment  de  l'ar- 
mée d'Italie,  et  qu'à  la  suite  d'une 
défense  désespérée,  dont  la  vigueur 
excita  la  surprise  et  mérita  l'estime 
du  général  ennemi ,  il  fut  pris  et  con- 
duit en  Hongrie.  Plus  tard  on  le  revit 
capitaine  à  l'armée  d'Espagne,  sous 
les  ordres  de  Masscna,  qui  lui  mon- 
trait une  haute  estime  et  la  plus  ho- 
norable confiance.  Ce  fut  lui  qui  se 
jetagénéreusementau  milieu  destrou- 
pes anglaises,  pour  sauver  le  jeune 
Septeuil  qu'un  boulet  venait  de  mu- 
tiler. Il  le  prit  sur  ses  épaules,  et, 
passant  à  travers  une  pluie  déballes, 
il  le  rapporta  dans  nos  lignes.  En 
1812,  près  de  Wilna,  son  escadron 
reçut^'ordre  d'enfoncer  un  régiment 
de  la  garde  russe.  Octave  de  Ségur 
obéit  ^  mais  son  escadron  enveloppé 
fut  presque  entièrement  détruit,  et 
lui-même  tomba  percé  de  coups. 
Guéri  de  ses  blessures,  il  demeura 
prisonnier  à  Saratoff  jusqu'à  la  paix, 
qui  le  rendit  à  sa  famille.  Une  mort 
prématurée  le  lui  ravit  en  1818,  où 

LXXXII. 


SÉG 


65 


cette  fois  il  se  noya  réellement  sous 
Je  Pont-Royal,  le  15  août  ,  tou- 
jours tourmenté  par  le  même  motif 
qui  avait  causé  son  départ  de  Sois- 
sons.  Il  avait  épousé  mademoiselle 
d'Aguesseau,  sa  cousine  germaine. 
On  a  encore  de  lui  :  I.  Ethelvina, 
traduit  de  l'anglais  de  Horsley  Cur- 
ties,  1802,2  vol.  in-12.  U.Bélinde^ 
conte  moral  de  Marie  Edgeworth,  tra- 
duit de  l'anglais,  1802,  in-8».  Octave 
de  Ségur  a  laissé  trois  fils,  dont  l'un 
a  épousé  mademoiselle  Rostopchin, 
la  fille  du  fameux  gouverneur  de 
Moscou  ;  un  autre  mademoiselle  de 
Lamoignon,  et  le  troisième  mademoi- 
selle d'Aguesseau,  sa  cousine.  Ces 
deux  derniers  ont  ajouté  à  leur  nom 
de  famille  ceux  de  leurs  femmes. 
Deux  d'entre  eux  siégeaint  à  la  Cham- 
bre des  pairs  avec  leur  oncle  le  comte 
Philippe  de  Ségur.     D— s  et  M— d  j. 

SÉGURA    (  JUAN-LORENZO    DE  ), 

poète  espagnol  du  XII®  siècle,  est 
auteur  d'un  poema  de  Alexan- 
dro ,  épopée  dont  Alexandre  est  le 
héros  et  qui ,  après  être  restée 
long-temps  inédite,  fut  enfin  publiée 
par  Sanchez,  dans  le  tome  III  de  sa 
Colleccion  de  poesias  castellanas 
(Madrid,  1782).  Elle  a  reparu  depuis 
dans  la  réimpression  donnée  à  Paris, 
en  1812,  de  cette  même  Colleccion. 
Ségura  nous  apprend  qu'il  était  ec- 
clésiastique (clerigo).  U  a  pris  pour 
base  de  son  travail  le  poème  de  Gau- 
thier de  Châtillon,  V Alexandreis , 
qu'il  lui  arrive  de  citer  formellement 
en  un  ou  deux  endroits;  il  a  eu  re- 
cours à  d'autres  sources  qu'il  serait 
difficile  de  bien  préciser  aujourd'hui. 
Il  faut  convenir  que  cet  auteur  man- 
que d'invention,  de  dignité,  d'har- 
monie;  mais  son  ignorance  de  l'an-'' 
tiquité  le  rend  assez  piquant.  Pour 
peindre  ce  qu'il  ne  connaît  pas  il  a 
recours  à  ce  qu'il  connaît;  il  prête 

5 


66 


SÈG 


au  héros  macédonien  les  préjugés, 
les  opinions,  les  mœurs  d'un  Espa- 
gnol du  XII*  siècle  -,  la  mythologie  se 
mêle  à  la  légende;  les  anachronis- 
mes  sont  effrayants.  Alexandre  ex- 
prime le  désir  de  voir  Tolède  et  Sé- 
ville;  il  parle  de  Mahomet  et  des 
Maures;  sa  mère  Olympias  le  fait, 
lors  de  son  enfance,  entrer  dans  un 
couvent  de  bénédictins  ;  il  est  armé 
chevalier  le  jour  de  la  fête  du  pape 
saint  Anthère  (le  3  janvier).  Nous 
avons  remarqué  une  curieuse  des- 
cription de  Babylone,  ville  oii  règne 
la  plus  grande  abondance,  où  toutes 
les  figures  sont  joyeuses,  où  les  trois 
rivières  saintes  roulent  sur  des  pier- 
res précieuses,  dont  les  unes  jettent 
une  brillante  clarté,  tandis  que  les 
autres  donnent  la  santé  et  la  force. 
Là  se  trouve  le  jaspe  qui  préserve  de 
tout  poison,  l'éineraude  qui  détruit 
les  serpents  et  qui  met  les  démons 
en  fuite,  le  diamant  sur  lequel  nulle 
substance  n'a  d'action,  si  ce  n'est  le 
sang  des  chevreaux,  la  topase  qui 
communique  sa  couleur  à  tout  ce  qui 
l'approche,  la  galuca  qui  donne  bon- 
heur et  richesses  à  son  propriétaire, 
lemelacius  qui  découvre  les  voleurs, 
Vidropicus  qui  rend  invisible  celui 
qui  le  porte,  le  corail  qui  écarte  la 
foudre  et  préserve  d'une  mort  sou- 
daine, l'agate  qui  arrête  le  cours 
des  fleuves.  Mais  c'est  assez  de  dé- 
tails au  sujet  d'un  poème  dont  per- 
sonne ne  parle  et  que  personne  ne 
lit.  B— N— T. 

SEGURAN A  (Catherine)  fut  la 
Jeanne  Hachette  de  Nice.  Née  d.ins 
cette  ville  vers  1518  d'une  famille 
pauvre  et  obscure,  elle  vivait  d'un 
petit  commerce  en  plein  vent,  lors- 
que la  flotte  turco-française  assiégea 
en  1543  la  ville  de  Nice,  qui  fut  vail- 
lamment défendue  non-seulement  par 
les  troupes  du  duc  de  Savoie,  mais 


SÊG 

encore  par  la  population  tout  en- 
tière. Segurana  se  distingua  par  son 
ardeur  martiale  et  fut  admise  dans 
la  tour  de  Cinquaire,  un  des  endroits 
les  plus  menacés.  Après  une  canon- 
nade de  plusieurs  jours,  la  brèche 
était   devenue    praticable   sur  une 
grande  étendue,  et  une  foule  de  Turcs, 
mêlés  de  quelques  Florentins  com- 
mandés par  Strozzi,  montèrent  à  l'as- 
saut- Déjà  les  Niçois  commençaient  à 
faiblir,  lorsque  Segurana  se  jette  ré- 
solument sur  le  porte-étendard  en- 
nemi ,  rétend  à  ses  pieds  d'un  coup  de 
poignard  ,  s'empare  de  son  enseigne, 
et,  la  brandissant  d'un  air  de  triom- 
phe, ranime  le  courage  de  ses  compa- 
triotes qui  se  précipitent  avec  fu- 
reur sur  les  assaillants  et  les  chassent 
de  tous  les  points.  Cet  échec  décida  la 
flotte  turco-française  à  cesser  les  hos- 
tilités et  à  prendre  le  large.  C'est  ainsi 
que  N'ce  dut  au  courage  d'une  femme 
d'échapper  au    plus   grand  danger 
qu'elle  eût  jamais  couru.  L'infime 
condition  de  l'héroïne  n'empêcha  pas 
ses  concitoyens  de  lui  ériger  dès  l'an- 
née suivante  un  buste  sur  le  théâtre 
même  de  son  exploit.  On  lisait  au 
bas  cette  inscription  :  Nicœna  ama- 
zon ,  irruentibus    Turcis^  occurrit 
ereptoquivexillo  triumphummeruit. 
Placé  d'abord  près  de  la  porte  Pairo- 
liera ,  ce  buste  fut  ensuite  transporté 
à  l'hôtel-de-ville.  En  1803  on  éleva 
àSegurana,  sur  la  promenade  publiqi  e 
du  Parco^  une  statue  eu  plâtre  avec 
quatre  inscriptions,  mais  elle  n'existe 
plus  aujourd'hui.  Nous  avons  vu  der- 
nièrement chez  un  artiste  une  autre 
statue  en  bronze  de  moyenne  gran- 
detr,  due  au  talent  d'un  sculpteur 
de  Nice  fort  distingué,  M.  le  comte 
de  Pierlas.   Elle  représente   Segu- 
rana dans  le  moment  où  elle  vient  de 
s'emparer  d'un  drapeau  turc  et  s'é- 
lance contre  l'ennemi  en  invitant  du 


SEG 

regard  ses  compatriotes  à  la  suivre. 
Cette  figure  noble  et  martiale  qui 
n'exclut  pas  le  caractère  propre  au 
sexe,  cette  taille  à  la  fois  élevée  et  élé- 
gante, souple  et  bien  prise,  cette  éner- 
gie qu'indique  l'expression  du  visage, 
la  fierté  de  la  pose,  la  décision  de  l'al- 
lure, voilà  bien  le  type  idéal  de  l'a- 
mazone. Malheureusement  ce  type 
ne  s'accorde  guère  avec  le  portrait 
réel  de  Segurana,  qui  était  si  peu 
douée  des  avantages  de  la  beauté 
qu'elle  n'était  connue  parmi  le  peuple 
que  sous  le  nom  de  dona  maufaccia, 
mots  qui,  en  dialecle  niçois,  signi- 
fient/cmme  mai /Saiie.  Aureste,  cette 
difformité  n'a  pas  plus  arrêté  les 
poètes  que  les  artistes  ,  et  Segurana 
a  eu  des  Homères,  quoique  la  fin  de 
sa  vie  soit  restée  enveloppée,  comme 
le  commencement,  des  plus  épaisses 
ténèbres.  Chose  incroyable  !  il  ne 
b't-st  trouvé  aucun  historien  qui  ait 
suivi  jusqu'au  bout  de  sa  carrière 
cette  femme  à  qui  l'on  avait  élevé  une 
statue  de  son  vivant ,  honneur  que 
bien  des  princes  n'obtiennent  pas 
inême  après  leur  moil.  Gioftredo,  ce 
chroniqueur  si  minutieux  et  si  pro- 
lixe, accorde  à  peine  quelques  lignes 
à  Segurana,  et  la  plupart  de  ses 
contemporains  qui  ont  raconté  le 
siège  de  Nice,  ne  font  d'elle  aucune 
mention.  Heureusement  la  reconnais- 
sance du  pays  l'a  vengée  de  cet  in- 
juste oubli ,  et  l'enthousiasme  que  son 
nom  excite  à  Nice  ne  s'est  pas  refroidi 
malgré  un  intervalle  de  trois  siècles. 
Parmi  les  poètes  qui  ont  chanté  Se- 
gurana ,  nous  citerons  Louis  An- 
dreoli(l), auteur  d'un  poème  italien 

(l)  Andreoli  avait  servi  sous  reriij)ire,  i-t 
il  était  colonel  en  retraite  lorsqu'il  mourut 
a  Turin,  il  y  a  une  dizaine  d'années.  Le 
poème  dont  nous  parlons  a  pour  titre  : 
Segurana,  Nice,  1806,  in-8o;  seconde  édi- 
tion, Turin,  1827,  augmentée  d'autres  poé- 
sie» de  l'auteur. 


SEI 


67 


en  sii  chants,  qui  n'est  pas  dépourvu 
de  tout  mérite ,  quoiqu'il  soit  assez 
pauvre  d'invention  et  que  le  style 
laisse  souvent  beaucoup  à  désirer 
sous  le  rapport  de  l'élégance  et  de 
l'harmonie.  A— y. 

SEIDEL  (Charles),  romancier 
allemand,  né  vers  1754,  se  fit  d'abord 
connaître  par  la  publication  de  ro- 
mans et  de  nouvelles  qui  obtinrent 
beaucoup  de  vogue,  furent  réimpri- 
més fréquemment ,  mais  qui  ne  pa- 
raissent pas  avoir  été  traduits  en 
français.  Ou  cite  comme  les  meil- 
leurs la  Comtesse  Séraphine  de  Hœ- 
nacker  ;  la  Comtesse  Sidonie  de 
Montabauer  ;  Goldchen,  ou  la  Jeune 
Bohémienne.  Dans  la  suite  Seidel  se 
livra  à  des  occupations  plus  sérieu- 
ses et  fut  nommé  professeur  à  l'école 
des  jeune  filles  de  la  ville  de  Dessau, 
fonctions  qu'il  remplit  jusqu'à  sa 
mort  arrivée  en  1822.      B— h — d. 

SEINT-GEIIMAN  (Christophe), 
né  à  Skilton,  près  de  Coventry,  dans 
le  Warwickshire,  d'une  très  bonne 
famille  ,  fit  son  cours  académique  à 
Oxford  ,  et  s'acquit  une  réputation 
honorable  dans  le  barreau  de  Lon- 
dres par  son  savoir,  dans  la  jurispru- 
dence, par  sa  probité  et  la  générosité 
avec  laquelle  il  exerça  sa  profession 
d'avocat,  ne  refusant  jamais  ses  ser- 
vices à  ceux  qui  recouraient  à  ses 
lumières  ;  il  joignait  à  l'étude  des 
lois  celle  de  1.1  théologie  et  des  bel- 
les-lettres. Son  application  à  lire 
la  Bible  et  à  l'expliquer  aux  au- 
tres le  fit  .soupçonner  d'être  favora- 
ble au.v  nouvelles  opinions  importées 
d'Allemagne,  ce  qui  lui  valut  l'éloge 
desécrivaius  réformés  Seint-German 
mourut  à  Londres  le  28  septembre 
1540.  On  a  de  lui  :  1.  Dialogua  de 
fundamentis  legum  Angliœ  et  de 
consdentia,  Londres,  1528,  1598, 
1604  et  161.^,  in-8°.  II.  Principiale- 


68 


SEL 


gximAngliœ  a  gallico  aermone  trans- 
lata, 1546,  iu-8".  Comme  cet  ouvrage 
est  joint  au  précédent  dans  l'édition 
de  1528  donnée  par  Seint-German 
lui-même ,  on  l'en  croit  l'auteur. 
III.  Du  pouvoir  du  clergé  selon  les 
lois.  IV.  Traité  pour  prouver  que  le 
clergé  ne  peut  point  faire  des  lois. 

V.  Traité  de  l'Église  et  de  ses  droits. 

VI.  Traité  des  Sacrements  de  VÈ- 
glise.  VII.  Apologie  de  Thomas 
More.  VIII.  Dialogue  concernant  le 
pouvoir  du  clergé  et  celui  du  peuple. 

T— D. 
SELIGMAN    (  Jean  -  Michel  ) , 
graveur,  né  à  Nuremberg,  le  10  dé- 
cembre 1720,  était  iils  d'un  impri- 
meur en  taille-douce  établi  dans  la 
même  ville ,  et  montra  fort  jeune  un 
goût  particulier  pour  le  dessin  et  la 
gravure.  Ce  penchant  reçut  une  di- 
rection  salutaire  à  l'Académie    de 
peinture ,  où   il   fut  admis  comme 
élève  en  1739,  et  où  il  se  perfec- 
tionna sous  la  surveillance  de  pro- 
fesseurs habiles,  nommément  sous 
celle  des  deux  Preisler  {voy.  ce  nom, 
XXXVI,  38).  En  1744,  sa  réputation 
le  fit  appeler  à  Rome,  puisa  Sainl- 
Pétersbourg.    Revenu  dans  sa  ville 
natale, il  exécuta  un  grand  nombre 
de  gravures ,  spécialement  pour  des 
ouvrages  d'histoire   naturelle ,    de 
botanique  ,  d'anatoniie.  Cet  artiste 
mourut  à  la  fin  de  1762.  Parmi  ses 
travaux  qui  sont  fort  estimés  ,  on 
remarque  surtout  les  trente-quatre 
gravures  coloriées  représentant  les 
vaisseaux    de  nutrition    dans   les 
feuilles  des  arbres ,  avec  l'explica- 
tion de  C.-J.  Trew  en  allemand,  Nu- 
remberg, 1748,  in-fol.;  les  cent  qua- 
tre-vingt-dix planches  coloriées  de 
VHortus  nitidissimus  du  même  au- 
teur {voy.  Trew,  XLVl,  503-504), 
et  qui  ont  paru  à  Nuremberg  de 
1768  à  1786,  in-fol.;  une  Collec- 


SEL 

tion  d'oiseaux  rares  et  étrangers 
avec  la  description  exacte,  en  alle- 
mand,  Nuremberg,  1749  et  ann. 
suiv.,  t.  I-IX,  grand  in-fol.  Elle  a 
reparu  avec  une  traduction  fran- 
çaise, Nuremberg,  1768  à  1 774 ,  in-fol. 
On  trouve  dans  le  dictionnaire  des 
savants  nurembergeois,  par  Will  , 
t.  m,  p.  667,  le  catalogue  complet  de 
l'œuvre  deSeligman.  —  Un  juif  de  ce 
nom,  qui  était  banquier  de  la  cour 
de  Bavière ,  fut  créé  baron  d'Eichtal 
en  1815,  et  mourut  à  Paris  peu  de 
temps  après.  B— H— d. 

SELLÈQUE,  littérateur,  né  vers 
1767,  fonda  en  1797,  en  société  avec 
madame  Clément-Hémery,  le  Jour- 
nal des  Dames  et  des  Modes.  Il  prit 
pour  collaborateur  Lamésangère , 
[voy.  ce  nom,  LXX,  89),  chargé  spé- 
cialement de  tout  ce  qui  concernait 
les  gravures  annexées  à  ce  journal , 
et  finit  par  lui  en  céder  la  propriété, 
sans  cesser  néanmoins  de  concourir 
à  sa  rédaction.  Ses  articles  sont  si- 
gnés de  la  lettre  S-,  le  dernier  qu'il 
y  ail  inséré  est  relatif  aux  soupes 
économiques  dites  à  la  Rumford,  im- 
portées d'Allemagne  et  dont  on  s'oc- 
cupait beaucoup  {voy.  Rumford, 
XXXIX,  314).  Une  maladie  fébrile  re- 
tenait Sellèque  chez  lui ,  rue  de 
Rohan,  lors  de  l'explosion  de  la  ma- 
chine infernale,  le  3  nivôse  an  IX. 
(24  décembre  1800),  qui  brisa  toutes 
les  vitres  de  son  logement.  Ayant 
appris  la  cause  de  ce  désastre,  il  fut 
frappé  d'épouvante-,  son  étal  devint 
des  plus  alarmants  et  le  délire  s'y 
joignit  bientôt.  II  se  persuadait  que 
le  premier  consul  avait  péri,  et  qu'on 
lui  cachait  sa  mort  pour  ne  pas  l'ef- 
frayer. S'imaginant  que  la  France 
était  retombée  sons  le  régime  de  la 
Terreur,  il  ne  parlait  que  do  prisons, 
de  tribunaux  révolutionnaiii'S,  d'é- 
chafauds,  et  croyait  qu'on  venait  à 


SEL 

chaque  instant  pour  l'arrêter.  Alors 
il  faisait  apporter  sa  carte  de  sûreté, 
et  demandait  avec  les  plus  vives  in- 
stances qu'on  le  laissât  mourir  entre 
les  bras  de  sa  femme.  En  vain  les 
médecins  épuisèrent  toutes  les  res- 
sources de  l'art  ;  en  vain  ses  parents 
et  ses  amis  lui  prodiguèrent  les  con- 
solations les  plus  affectueuses  ;  rien 
ne  put  le  tirer  de  sa  stupeur,  et  il 
succomba,  en  proie  à  ces  agitations 
cruelles,  le  l®''janvier  1801,  âgé  seu- 
lement de  trente-quatre  ans  ,  et  gé- 
néralement estimé  pour  ses  talents 
et  l'aménité  de  son  caractère.  Il  avait 
publié  un  petit  ouvrage  spirituel  et 
piquant,  intitulé  :  Voyage  autour  des 
galeries  du  Palais-Egalité  (royal), 
Paris  ,  1800,  in-8%  fig.        P— rt. 

SELLON  (Jean-Jacques  de),  cé- 
lèbre philanthrope,  né  à  Genève,  en 
1782,  dans  la  religion  calviniste, 
d'une  famille  noble  et  portant  le  titre 
de  comte  du  Saint-Empire  romain, 
fut  appelé  en  1816  au  conseil  souve- 
rain de  cette  ville.  11  avait  reçu  de 
Napoléon  le  titre  de  chambellan  qu'il 
conserva  jusqu'à  la  chute  du  gouver- 
nement impérial,  bien  qu'il  n'en  eût 
jamais  rempli  les  fonctions.  Après 
avoir  fait  d'assez  bonnes  études  dans 
sa  ville  natale,  il  avait  voyagé  en 
Italie  et  séjourné  long-temps  en  Tos- 
cane, où  il  avait  admiré  la  douceur 
des  lois  pénales  et  surtout  l'aboli- 
tion de  la  peine  de  mort.  Doué  de 
beaucoup  de  sensibilité  et  vivant 
dans  un  temps  oii  le  double  fléau  de 
la  guerre  et  des  révolutions  lit  cou- 
ler tant  de  sang,  il  fut  vivement  ému 
des  maux  de  l'humanité,  et  passa  le 
reste  de  sa  vie  à  y  chercher  des  adou- 
cissements. Tandis  que  Malthus,  Ri- 
cherand  et  d'autres  signalaient  dans 
leurs  écrits  la  difficulté,  augmentant 
chaque  jour,  de  faire  vivre  et  de  main- 
tenir dans  l'ordre  des  populations 


SEL 


69 


d'autant  plus  turbulentes  qu'elles  de- 
venaient plus  nombreuses,  Sellon  n'é- 
tait occupé  que  de  les  multiplier  en- 
core, ne  doutant  pas  qu'elles  ne  dus- 
sent trouver  assez  de  subsistances 
dans  le  sol,  et  que  les  gouverne- 
ments ne  fussent  toujours  en  état  de 
les  maintenir  dans  le  devoir,  même 
après  s'être  dépouillés  de  toute  leur 
autorité  et  après  leur  avoir  fait  les 
plus  imprudentes  concessions.  C'est 
dans  cette  conviction  qu'il  ne  cessa 
de  demander  l'abolition  de  la  peine 
de  mort  et  celle  de  la  guerre,  com- 
me aussi  la  suppression  des  armées 
permanentes,  et  qu'il  écrivit  et  pu- 
blia beaucoup  de  brochures  pour 
obtenir  ces  grands  résultats.  Mais 
ses  ouvrages,  assez  mal  écrits,  il  faut 
le  dire,  trouvaient  peu  de  lecteur.«, 
et  ils  resteront  dans  l'histoire  comme 
les  produits  d'une  âme  vertueuse.d'un 
cœur  généreux  ,  mais  aussi  comme 
des.  rêves  et  des  utopies  inexécuta- 
bles. Le  comte  de  Sellon  aimait  sans 
doute  beaucoup  les  hommes ,  mais 
il  ne  les  connaissait  point  assez,  et  il 
ne  savait  pas  que,  quoi  que  l'on  puisse 
faire,  la  vertu  et  le  savoir  ne  seront 
jamais  en  majorité,  et  qu'ainsi  le 
gouvernement  du  plus  grand  nom- 
bre et  la  souverainié  du  peuple  pré- 
sentent de  grandes  difficultés  et  peut- 
être  même  sont  impossibles.  Ce  zélé 
philanthrope  fut  en  1830,  à  Genève, 
fondateur  et  président  de  la  Société  de 
la  Paix.  Il  était  membre  de  la  So- 
ciété des  Arts  de  la  même  ville,  et 
correspondant  de  celle  de  la  Morale 
chrétienne  de  Paris,  des  Académies 
de  Besançon,  de  Strasbourg,  de  Ma- 
çon ,  d'Abbeville,  du  Saint-Sépulcre 
de  Toscane  et  de  la  Société  qui  s'rst 
formée  à  Londres  pour  l'abolition  de 
la  peine  de  mort.  Dans  un  recueil 
qu'il  publiait  sous  le  titre  de  Mélan- 
ges politiques,    moraux  et    litle- 


70 


SEL 


raireê,  il  passait  successivement  en 
revue  tous  les  intérêts  sociaux,  et 
proposait  souvent  des  plans  et  des 
projets  qui  seraient  admirables  si 
l'exécution  en  était  possible.  11  fut 
aussi  quelquefois  le  défenseur  spé- 
cial de  la  cause  des  femmes,  dont  il 
déplorait  surtout  la  malheureuse 
destinée.  En  mourant  il  légua  à  sa 
veuve  la  charge,  un  peu  forte  peut- 
être,  de  continuer  pendant  dix  ans 
à  publier  son  Recueil  des  faits  mo- 
raux les  plus  importants.  Ce  fut  le 
9  juin  1839  que  cet  excellent  homme 
mourut  entouré  de  parents  et  d'a- 
mis qui  le  regrettèrent  sincèrement. 
Sans  doute  il  n'avait  pas  fait  autant 
d'heureux  qu'il  l'eût  voulu,  mais  il 
est  au  moins  bien  sûr  qu'il  ne  fit  ja- 
mais sciemment  aucun  mal.  Il  sa- 
crifia sa  fortune  et  sa  vie  à  des  spé- 
culations qui  toutes  tendirent  au 
bonheur  de  ses  semblables.  Loin  de 
ressembler  aux  sycophantes,  aux 
tartufes  hypocrites  qui ,  en  1790 , 
voulurent  aussi  abolir  la  peine  de 
mort ,  et  qui  deux  ans  après  firent 
couler  des  torrents  de  sang,  on  peut 
être  assuré  que  Sellon  fut  toujours 
de  bonne  foi,  et  que  c'est  dans  une 
conviction  sincère  qu'il  chercha  des 
moyens  d'améliorer  le  sort  des  hom- 
mes. Ses  ouvrages  sont  :  I.  Un  mot 
sur  la  proposition  de  la  suppression 
de  la  peine  ât  mort^  suivi  des  points 
principaux  qui  doivent  être  traités 
dans  le  concours,  et  de  quelques  frag- 
ments à  ce  sujet,  Genève,  1826,  in-S". 
bans  ce  premier  écrit  qu'il  publia 
pour  l'abulilion  de  la  peine  de  mort, 
Sellon  insiste  sur  l'exemple  de  la 
Toscane  où  cette  suppression  fut 
prononcée  par  le  grand-duc  Léopold 
eu  1763,  et  confirmée  dans  son  code 
de  1786.  Il-  Motifs  d'un  amende- 
ment proposé  par  M.  de  Sellon  à  la 
loi  sur  la  presse,  prcscntcti  au  sou- 


SEL 

oerainconseil  deGenève,  1827,in-8o. 
m.  Lettre  de  l'auteur  du  concours 
ouvert  à  Genève,  en  faveur  de  l'a- 
bolition de  lapeine  de  mort,  à  Vun  de 
ses  honorables  collègues  du  conseil 
souverain,  avec  l'histdre  de  Lesur- 
ques ^injustement  guillotiné  à  Paris, 
Genève,  1827  ,  in-4».  L'auteur  rend 
compte  dans  cetouvnigc  de  l'impres- 
sion que  lui  avait  faite  la  lecture  de 
trente  mémoires  envoyés  au  con- 
cours pour  le  prix  que  lui-même 
avait  proposé;  et  il  cite  pour  exem- 
ple l'horrible  injustice  subie  par  Le- 
surques,  qui  périt  sur  l'échafaud  en 
1796,  accusé  d'un  assassinat  dont  le 
vrai  coupable  fut  reconnu  plus  tard 
(voy.  LEsuR<^UBS,LXXI,415).IV.Le^ 
très  et  discours  en  faveur  du  prin- 
cipe de  l'inviolabilité  de  la  vie  de 
l'homme^  Genève,  1828,  in- 4°.  V. 
Charles-le-Téméraire,  scènes  dra- 
matiques, Genève,  1829, in-8".  Je  ne 
parlerais  pas  d*"  celte  esquisse,  a  dit 
plus  tard  Sellon  ,  si  elle  ne  se  rat- 
tachait au  désir  que  j'ai  conçu  de 
faire  envisager  aux  hommes  la  folie 
de  la  guerre.  On  ne  peut  nier  que  le 
choix  d'un  te!  sijet  ne  fût  très-bon. 
Il  aurait  pu  eu  faire  de  non  moins 
heureux  dans  notre  siècle.  VL  Ex- 
traits tirés  diiP'  numéro  d'un  jour- 
nal allemand.,  destiné  à  rendre 
compte  de  la  législation  et  du  droit 
dans  toutes  les  contrées  civilisées, 
trad.  de  l'allemand,  Genève,  1829, 
in-8o.  VII.  Fragments  extraits  des 
Mémoires  de  Commines  et  de  l'His- 
toire des  ducs  de  Bourgogne  (avec 
des  reflexions),  suivis  descènes  dra- 
matiques, Genève,  1829,  in-8o.  VIII, 
Mes  réflexions.  IS29,  où  l'auteur  fait 
uu  iippel  aux  vrais  amis  de  l'huma- 
nité pour  qu'ils  prouvent  que  la 
guerre  est  non-seulement  l'œuvre 
de  la  barbarie,  mais  une  faute  en 
éconoiuie  politique.  IX.  Réfltxionsy 


SEL 


SEL 


71 


Genève,  1829,  2  vol.  in-8o  ;  ouvrage 
où  se  trouvent  beaucoup  dépensées 
empruntées  à  J.-J.  Rousseau,  k  Gui- 
hert,  à  Say,  à  M.  Bérenger,  à  madame 
de  Saussure,  etfc.  X.  Lettres  au  Jour- 
nal de  Genève  sur  les  scènes  drama- 
tiques de  Char les-le-Témér aire ,\S29, 
in-8o.  XI.  Programme  d'un  concours 
ouvert  à  Genève  sur  les  meilleurs 
moyens  d'assurer  une  paix  générale 
et  permanente,  Genève,  1830,  in-S". 
XII.  Vœux  adressés  au  futur  con- 
grès, Genève,  1830,  in-8o.  XIII.  Con- 
sidérations sur  l'initiative,  1830 , 
in-8o.  Il  s'agit  de  l'initiative  popu- 
laire pour  la  législation  que  propose 
Sellon,  et  il  cite  à  l'appui  de  son 
opinion  de  célèbres  publicistes.  XIV. 
Développement  de  la  proposition  de 
J.-J.  Sellon  en  faveur  de  l'abolition 
de  la  peine  de  mort,  prononcé  le  7 
décembre  1829,  au  sein  du  souverain 
conseil  de  Genève^  1830,  in-8".  XV. 
Lettres  inédites  de  Bérenger,  vice- 
président  de  la  Chambre  des  dépu- 
tés, sur  la  peine  de  mort,  1830, 
in-8".  C'est  une  réfutation  de  l'ou- 
vrage de  M.  Urtis  en  faveur  de  la 
peine  de  mort.  XVI.  Allocution  a- 
dressée  à  la  Société  de  la  Paix,  1 830, 
in-80.  XVII.  Adresse  aux  Amis  de  la 
paix  intérieure  et  extérieure, Geuè\e, 
1831,  in-80.  XVIII.  Quelques  obser- 
vations sur  Vouvrage  de  M.  Urtis, 
Genève,  1831,  m-S'\  XIX  Revue  de 
quelques  propositions  individuelles 
faites  ou  à  faire  dans  le  sein  du  con- 
seil représentatif,  Genève,  1831, 
in-80.  XX.  Archives  de  la  Société  de 
la  Paix  de  Genève ,  décemb.  1833- 
fév.  1834.  XXI.  Fragments  sur  di- 
vers sujets,  Genève,  1833,  2  vol. 
in-80  ;  extraits  de  divers  auteurs,  en- 
tre autres  mesdames  Guizot,  Cam- 
pijn,  Neckerde  Saussure,  J.-J.  Rous- 
seau, avec  des  réflexions  de  Sellon. 
XXII.  Lettre  du  fondateur  et  prési- 


dent de  la  Société  de  la  Paix  sur  la 
séance  du  i"  décemfere, Genève,  1833, 
in-8°.  XXllI.  Adresse  du  fondateur 
de  la  Société  de  la  Paix  de  Genève 
aux  chrétiens  de  toutes  les  commu- 
nions et  de  tous  les  pays,  en  faveur 
d'aune  paix  permanente  et  générale, 
Genève,  1834,  in-S».  XXIV.  Amen- 
dement destiné  à  écarter  la  peine  de 
mort  de  la  loi  sur  la  presse  du  2  mai 
1827,  et  à  lui  substituer  Vemprison- 
nement,  Genève,  i834,  in-8''.  XXV. 
Dialogue  sur  la  peine  de  mort,  sur 
le  système  pénitentiaire  et  sur  la 
guerre,  Genève,  1834,  in-8°.  Sellon 
a  encore  fait  imprimer  sur  la  guerre 
et  la  peine  de  mort  quelques  brochu- 
res auxquelles  il  n'a  pas  mis  son 
nom,  et  beaucoup  d'articles  sur  les 
mêmes  sujets  dans  les  journaux  de 
la  Suisse,  de  la  France,  de  l'Italie  et 
de  l'Angleterre.  ^         M — Dj. 

SELVAC,  roi  d'Ecosse  en  766, 
fut  le  successeur  de  Fergus  II.  Il 
vécut  eu  paix  avec  ses  voisins.  Mal- 
heureusement la  goutte  ,  dont  il  fut 
horriblement  tourmenté  dès  la  troi- 
sième année  de  son  règne,  le  mit  hors 
d'état  de  continuer  à  veiller  avec  la 
même  assiduité  aux  affaires  de  son 
royaume.  Pendant  son  règne,  un  re- 
belle prit  le  titre  de  roi  desEbudes, 
et  attaqua  les  provinces  occidentales 
d'Ecosse.  Il  fut  défait  et  mis  à  mort  ; 
d'autres  troubles,  fomentés  par  le  fils 
de  ce  rebelle,  furent  heureusemeu  t 
apaisés.  Selvac succomba  en  787  aux 
maux  dont  il  était  accablé,  laissant 
la  couronne  à  Akay  Achaius.  E — s. 

SELVE  (Lazare  de),  seigneur  de 
Breuil  et  de  Marignan,  qui  remplit 
à  M^tz  des  fonctions  judiciaires  au 
commencement  du  dix-septième  siè- 
cle, n'est  rappelé  ici  que  pour  recti- 
fier une  erreur  commise  à  son  sujet, 
dans  cette  Biographie ,  à  la  fin  de 
l'article  consacré  au  célèbre  Jean  de 


12 


SEL 


Selve,  premier  président  du  parle- 
ment de  Paris,  et  à  d'autres  mem- 
bres de  cette  famille  (voy.  t.  XLI, 
p.  543).  On  dit  en  cet  endroit  :  «  Les 
«  négociations  de  Lazare  de  Selve, 
<•  premier  président  du  parlement 
"  de  Metz,  ont  passé  du  cabinet  de 
'■  Brienne  dans  la   bibliothèque  du 
«  Roi.  »  Lazare  de  Selve  ne  fut  ja- 
mais premier  président  du   parle- 
ment de  Metz,  ce  parlement  n'ayant 
été  créé  qu'en  1633,  onze  ans  après 
que  Lazare  eut  résigné  ses  fonctions. 
Sa  qualité  était  celle  de  président  de 
la  ville  de  Metz  et  pays  Messin. 
"  Cette  qualité,  disent  les  bénédic- 
«  tins,  auteurs  de  la  grande  His- 
<•  toire  de  Metz,  ne  signifie  point  le 
«  chef  de   la  judicaturc    messine, 
«  mais  un  officier  royal  établi  pour 
«  juger  deS'difFérends  entre  les  gens 
"  de  guerre,  et  de  ceux  qui  pou» 
«  vaient  s'élever  entre  les  soldats  et 
•  les  habitants.  »  L'établissement  de 
cet  oflice,  dont  François   de  l'Au- 
bespine  fut  en  1555    le  premier  ti- 
tulaire, était  l'œuvre  du  roi  Henri  II, 
qui,  n'étant  alors  que  protecteur  de 
Metz  et  l'occupant    militairement, 
préparait  doucement  la   voie  à  la 
réunion  définitive  de  cette  impor- 
tante  forteresse  à   la   France.  Les 
présidents  royaux,    se  conformant 
sans  doute  à  des  instructions  secrè- 
tes, étendirent  bientôt  leur  juridic- 
tion aux  dépens  des  juridictions  du 
pays  (1)  et  rendirent  ainsi   moins 
difficile  le  changement  de  l'ordre 

(1)  Us  eurent,  à  Toul  et  à  Verdun,  des 
lieuteuants  qui  les  imitèrent.  Celui  de  La- 
zare de  Selve,  dans  cette  dernière  ^ille, 
lutta  contre  l'évêque,  lequel  rexcommunia, 
etc.  {Histoire  de  Verdun,  par  le  cbanoiue 
Roussel,  p.  5l4)-  Ce  lieutenant,  qui  se 
nommait  Jean  Gillet,  était  uu  juriscdinultc 
distingué  pour  un  ouvrage  qu'il  a  publié 
et  qui  a  eu  trois  éditions (?'o/,  Gillet,  XVII, 
379). 


SEL 

ancien  de  la  justice  et,  par  suite, 
l'avènement  du  parlement  (2).  La- 
zare de  Selve  fut  le  quatrième  de 
ces  présidents,  et  il  marcha  aussi 
habilement  que   les  "autres  vers  le 
but  qu'on   voulait  atteindre.  Puis- 
que nous  sommes  revenus   sur  ce 
personnage,  nous  ajouterons  quel- 
ques  particularités  qui   le    concer- 
nent. Il  était  conseiller  du  roi  en 
tes  conseils  d'État  et  privé.,  lorsque 
Jacques  Viart,  troisième  président 
de  Metz  (le  second  avait  été  Antoine 
de  Senneton),    parvenu  à    un  âge 
avancé,  songea  à  se  retirer.  Lazare 
traita  avec  lui  de  la  place  et  vint  en 
prendre  possession  en  mars  1600.  Il 
l'occupa  jusqu'en  1622,  et  la  céda 
alors,  avec  l'agrément  du  roi,  à  Mi- 
chel   Charpentier,    lequel    l'exerça 
jusqu'à  l'établissement  du  parlement 
dont  il  fit  lui-même  partie.  Les  his- 
toriens déjà  cités  nous  apprennent 
que  Scive   «  fut  ferme  à  maintenir 
«  la  police  extérieure  de  la  religion 
«  catholique,  quant  à  l'observation 
«  des  fêtes  et  à  l'abstinence  de  vian- 
«  de  aux  jours  prescrits.  »  Meurisse 
s'exprime  encore  plus  naïvement  à 
cet  égard  :  "  Le  président  de  Selve, 
«  dit-il,  étant  fort  homme  de  bien  et 
«  grandement  zélé  à  sa  religion,  ne 
«  laissait  rien  passer  au   préjudice 
«  de  l'Église.  Les  transgresseurs  de 


(2)  Voy.  VHistoire  du  parlement  de  Metz, 
par  Emmanuel  Michel,  cooseiller  àla  cour 
royale  de  Metz,  meml)re  de  l'Académie  de 
cette  ville,  clievalier  de  la  Légiou-d'Uonneiir, 
Paris,  J.  Techeuer,  1843,  gr.  iu-S"  de  54S 
pages.  Cette  ancienne  cour  souveraine  de 
Metz,  qui  compte  dans  son  seiu  une  foule 
d'hommes  du  premier  mérite,  a  tiouvé  dans 
M.  le  conseiller  Michel  uu  histcjrieu  digue 
d'elle.  Nous  regrettons  vivement,  et  tous 
ceux  qui  liront  ce  très-intcrcssaut  ouvrage 
regretteront  t  orarac  nou.'^,  qu;-  l'auteur  ait 
renoncé  à  la  publicatiou  de  la  partie  Ijio- 
graphique  qui  en  aurait  fait  Tutile  et  cu- 
rieux complémeut. 


SEM 

«  fêtes,  les  chanteurs  de  psaumes  de 
«  Marot,  les  scandaleux  mangeurs 
"  de  viande  es  jours  prohibes  et  au- 
«  très  semblables  ouvriers  d'iniqui- 
«  tés,  étaient  âprement  et  sévère- 
«  ment  corrigés.  »  Le  zèle  ardent  du 
magistrat  messin,  pour  l'observation 
des  commandements  de  l'Église,  se 
manifesta  encore  d'une  autre  ma- 
nière. Lazare  composa  des  sonnets 
sur  les  évangiles  du  carême  et,  sui- 
vant D.  Calmet,  il  les  fit  imprimer  à 
Metz  en  1C07.  Nous  ne  connaissons 
point  cette  édition  qui,  si  elle  existe, 
doit  être  fort  rare,  car  elle  a  échappé 
aux  recherches  du  savant  M.  Teis- 
sier  {Essai  sur  la  Typographie  à 
Metz).  Nous  transcrivons  le  titre  de 
celle  dont  M.  Viollet-Leduc  a  un 
exemplaire  dans  sa  précieuse  collec- 
tion [voy.  le  n"  164  i  de  son  cata- 
logue, etc.)  :  Diurnal  ou  livre  de 
caresme,  contenant  plusieurs  son- 
nets (65)  spirituels,  pieux  et  dévo- 
tieux,  sur  les  évangiles  de  chaque 
jour  du  caresme^  etc.,  Paris,  Pierre 
Sevestre,  1614,  in-8o.  Sans  porter 
de  jugement  sur  ces  sonnets,  leur 
spirituel  possesseur  en  dit  assez 
pour  nous  faire  conclure  que  l'au- 
teur n'était  pas  doué  du  talent  poé- 
tique. Nous  ignorons  l'époque  de  la 
mort  de,  Lazare  de  Selve,  et  nous 
ne  savons  point  si,  avant  ou  après 
son  séjour  à  Metz,  il  fut  chargé 
de  quelque  mission  diplomatique,  et 
si  les  négociations  que  lui  attribue 
l'article  de  la  Biographie  sont  véri- 
tablement de  lui.  Ne  seraient-elles 
pas  plutôt  d'un  autre  membre  de  la 
famille  de  Selve,  nommé  aussi  La- 
zare ,  qui  a  été  ambassadeur  en 
Suisse,  etc.?  Nous  abandonnons  à 
de  plus  instruits  que  nous  la  solu- 
tion de  ce  petit  problème.  B  — l— u. 
SEiWEDO  (Alvahez),  mission- 
naire portugais,  ne  vers  J585,  à 


SEM  73 

Niza,  petite  ville  de  la  province 
d'Alentejo,  entra  en  1602  dans  la 
Société  de  Jésus,  et,  avant  d'avoir 
terminé  sa  philosophie  ,  sollicita  de 
ses  supérieurs  la  permission  de  se 
rendre  aux  Indes  pour  y  iravailler  à 
la  conversion  des  inOdèles.  Arrivé  à 
Goa  en  1608,  il  s'appliqua  pendant 
quelque  temps  à  l'élude  de  la  théo- 
logie, puis  partit  pour  la  Chine  et  se 
fixa  à  Nankin,  où,  après  avoir  fait 
ses  quatre  vœux  ,  il  se  livra  entière- 
ment aux  fatigues  de  l'apostolat.  Son 
zèle  obtenait  les  plus  grands  succès 
quand,  au  bout  de  trois  ans,  une 
violente  tempête  s'étant  élevée  con- 
tre les  missionnaires,  le  P.  Semedo 
fut  arrêté,  mis  dans  une  cage  de  fer 
et  transporté  à  Canton  par  des  sol- 
dats qui  l'insultaient  sans  cesse  et 
l'exposaient  partout  aux  huées  et 
aux  mauvais  traitements  de  la  popu- 
lace. Ce  long  et  cruel  voyage  n'eut 
pas  toutefois  le  résultat  qui  était  à 
craindre.  On  se  contenta  de  relé- 
guer le  jésuite  k  Macao,  où  les  Por- 
tugais avaient  un  établissement,  La 
persécution  ne  le  découragea  point. 
Changeant  de  nom  et  d'habit,  il  re- 
tourna bientôt  dans  l'intérieur  de  la 
Chine  et  y  continua  son  œuvre.  En 
1642,  il  vint  à  Rome  réclamer  le  se- 
cours de  nouveaux  ouvriers  évangé- 
liques,  et,  en  1644,  il  se  rembar- 
qua avec  eux.  11  mourut  à  Canton  en 
1658,  âgé  d'environ  7.Î  ans.  Le  P. 
Semedo  ne  travailla  pas  seulement 
au  triomphe  de  la  croix  ;  il  contri- 
bua encore  efiicaceuient  par  ses 
écrits  à  soulever  le  voile  épais  qui 
dérobait  la  Chine  au  reste  du  mon- 
de (1).  Il  écrivit  d'abord  plusieurs 

(r)  Âvantles  écrits  du  P.  Semedo,  ou  n'ii- 
vait  guLTf,  sur  ces  vastes  contrées,  que  cerix 
de  JedU-Gouç.ilès  de  Mendoza ,  Gaspard  de 
Cru7,  (vof.  >  esnomsX.SaS,  etXXYlII,  28-  , 
et  Wdrtello  Ribadeiieyru. 


74 


SEIll 


lettres  latines  (  Litterœ  sinemet  an- 
norum  1621  et  1622)  qui  furent  tra- 
duites en  français  par  un  de  ses  con- 
frères, le  P.  Jean-Baptiste  de  Ma- 
chault.  Elles  forment  la  seconde  par- 
tie du  recueil  intitulé  :  Histoire  de 
ce  qui  s'est  passé  es  royaumes  du 
Japon  et  de  la  Chine ,  etc. ,  Paris  , 
Cramoisy,  1627,  in  8".  11  publia  en- 
suite :  Relaçao  de  propagaçao  da  fé 
no  reyno  da  China  e  outras  adja- 
centes^ Madrid,  1641,  in-S".  Cette 
relation,  qui  offrait  alors  un  grand 
intérêt,  fut  aussitôt  traduite  en  es- 
pagiiol  (Madrid,  1642,  iii-4°) ,  par 
Manoel  Faria  de  Sousa  {voy.  Faria, 
XIV,  U56),  qui  y  fit  quelques  addi- 
tions. Le  P.  Jean-Baptiste  Giatiini 
{voy.  XVII,  306)  en  donna  une  élé- 
gante version  italienne  (Rome,  1643, 
in-4"'),etLouis  Coulon  (voy. X, 94)  une 
française,  sous  ce  titre  :  Histoire 
universelle  du  royaume  de  la  Chine^ 
Pans,  1645  ,  in-4<'.  Suivant  Moréri , 
on  a  une  autre  traduction  française 
du  même  ouvrage,  imprimée  avec 
celle  de  VHistoire  de  la  guerre  des 
Tartares .,  du  P.  Martin  Mîirtini , 
Lyon ,  1664 ,  in-4°  (2).  Dans  son  ca- 
talogue des  jésuites,  qui,  pendant 
un  siècle  (de  1581  à  1681),  consa- 
crèrent leur  vie  à  la  propagation  de 
la  foi  dans  le  céleste  empire ,  le  P. 
Phil.  Couplet  dit  que  Semedo  avait 
composé  un  dictionnaire  chinois- 
portugais  et  un  portugais-chinois. 
Nous  croyons  qu'ils  n'ont  pas  été 
publiés.  B— L— u. 

SÉMÉLÉ  (Jean-Baptiste-Pierre), 
général  français,  naquit  le  10  juin 


(■>.)  Suivant  le  même  Moréri,  qui  nous  a 
fourni  une  grande  ))artie  de  cet  article,  il 
existerait,  dans  notre  langue,  iinr  troisième 
traduction  de  la  relation,  .sou»  le  titre  de 
Recutil  des  commtnctmcnis,  jirogriit  et  élut 
moderne  de  la  chrétienlé  d«  la  Cliint,  &uue:u. 
1645,  in-8°. 


SEM 

1773,  à  Metz,  où  son  père  était  rece- 
veur du  grenier  à  sel.  Dès  qu'il  eut 
terminé  ses  études,  il  s'enrôla, 
dans  un  des  bataillons  de  volon- 
taires nationaux  qui  furent  créés 
en  1791  dans  le  département  de 
la  Moselle.  Il  fit  avec  ce  corps 
toutes  les  campagnes  de  la  révolu- 
lion  aux  armées  du  Rhin  et  de  Sam- 
bre-et-Meuse.  Après  avoir  passé  par 
tous  les  grades ,  il  était  colonel  au 
camp  de  Boulogne  en  1804,  et  il  y 
commandait  le  24*  régiment  d'infan- 
terie. Ayant  suivi  le  mouvement  de 
cette  armée  en  Allemagne,  il  eut 
part  à  toutes  les  opérations  de  cette 
mémorable  campagne,  et  notam- 
ment à  la  bataille  d'Austerlitz ,  puis 
à  la  guerre  de  Prusse,  en  1806.  11  se 
distingua  particulièrement  en  Po- 
logne, aux  batailles  meurtrières  de 
Golymin  et  d'EyIau ,  où  il  combattit 
jusqu'au  dernier  moment,  quoique 
grièvement  blessé.  Après  la  paix  de 
Tilsitt,  il  passa  en  Espagne  (1808) 
avec  le  grade  de  maréchal-de-camp 
et  le  titre  de  baron.  Devenu  chef  de 
l'état-major  du  premier  corps  d'ar- 
mée, il  fit  en  cette  qualité,  au  mi- 
nistre de  la  guerre,  un  rapport  sur 
l'évasion  des  Français  que  les  Espa- 
gnols tenaient  prisonniers  sur  des 
pontons  dans  la  baie  de  Cadix.  L'ap- 
née suivante  ,  il  fut  nommé  général 
de  division  ,  et  assista  en  cette  qua- 
lité à  l'attaque  du  camp  de  Saint- 
Roch.  Le  5  novembre  1811,  il  re- 
poussa courageusement  le  général 
espagnol  Ballesteros,  qui  était  venu 
l'attaquer  ;  mais  il  essuya  ensuite  lui- 
nieme  quelques  pertes  dans  une  sur- 
prise où  il  eut  ie  malheur  de  voir  en- 
lever par  l'ennemi  ses  propres  ba- 
ga,u;es.  Appelé  à  la  grande  année  en 
1813  ,  il  (it,  sous  les  ordres  de  Na- 
poléon ,  la  caui|),'igne  de  Saxe  ,  où  il 
soutint  sa  réputaiiou  de  bravoure , 


SEM 


SEM 


t5 


mais  ne  put  empêcher  les  revers  qui 
celte  année  s'attachèrent  aux  armes 
de  la  France.  Ayant  fait  un  des  pre- 
miers sa  soumission  au  gouverne- 
ment royal,  en  avril  t814,  il  fut 
nomme'  chevalier  de  Saint-Louis  et 
inspecteur-général  d'infanterie  dans 
la  19®  division  militaire.  Il  se  trou- 
vait à  Strasbourg  en  1815  ,  lors  du 
retour  de  Napoléon  de  l'île  d'Elbe, 
et  il  n'hésita  point  à  se  ranger  sous 
son  drapeau  (voy.  Suchet,  au  Supp). 
Il  fut  nommé  gouverneur  de  Stras- 
bourg, et  il  l'était  encore  lors  de  l'es- 
pèce d'insurrection  qui  éclata  parmi 
la  garnison  de  cette  ville,  après  le 
second  retour  des  Bourbons.  Bien- 
tôt, mis  à  la  retraite  par  le  gouver- 
nement royal,  il  se  retira  dans  son 
château  d'Urville,  [irès  de  Metz. 
Nommé,  en  182-',  p;ir  le  dépar- 
tement de  la  Moselle ,  membre  de  la 
chambre  des  députés,  il  y  vint  sié- 
gera l'extrême  gauche  avec  l'oppo- 
sition libérale.  Ayant  interrompu 
brusquement  un  jour  le  général  La- 
font,  il  en  résulta  un  duel  où  les 
combattants  tirèrent  chacun  trois 
coups  de  pistolet  sans  se  faire  aucun 
mal.  Le  lendemain,  Sémélé  pro- 
nonça un  long  discours  écrit  en  fa- 
veur des  ofliciers  en  retraite  5  ce  qui, 
dit-il,  était  fort  délicat  pour  lui, 
puisque  c'était  sa  propre  cause  qu'il 
défendait.  Il  ne  parla  plus  guère  en- 
suite que  dans  la  discussion  sur  l'in- 
troduction des  bestiaux ,  et  plus  spé- 
cialement des  porcs.  Il  fut  réélu 
avec  la  députation  libérale  du  mois 
de  juin  1830;  et,  après  la  révolu- 
tion (le  juillet,  il  fut  chargé  par  le 
géuérril  Gérard  ,  alors  miîiistre  de 
la  guerre  ,  d'organiser  le  personnel 
de  l'armée  dans  les  divisions  du  nord- 
est.  Sémélé  provoqua  de  vifs  mé- 
contentements dans  les  corps  soumis 
à  son  inspection.  Ayant  pris  part  à 


Vassoeiation  nationale  de  Metz ,  il 
défendit  ses  intentions  auprès  du 
ministère  en  alléguant  qu'il  n'était 
entré  dans  cette  association  que  pour 
lui  donner  une  direction  salutaire. 
Il  ne  faisait  plus  partie  de  la  cham- 
bre des  députés,  lorsqu'il  mourut 
dans  sa  terre  tl'UrvilIe  en  janvier 
1839.  M— D  j. 

SEMENTI  ou  SEMEXZA  (JAC- 
QUES), peintre,  naquit  à  Bologne, 
en  1580,  et  fut  élève  de  Guido  Reni, 
dont  il  s'efforça  d'imiter  la  manière. 
Parmi  les  nombreux  disciples  que 
ce  maître  vit  sortir  de  son  école  de 
Bologne,  aucun  ne  lui  fut  plus  cher 
que  Sementi  et  François  Gessi,  qu'il 
regardait  comme  les  plus  habiles 
artistes  que  cette  ville  possédât.  II 
les  employa  dans  des  peintures  de  la 
chapelle  du  Dôme  de  Ravenne,  ou- 
vrages dont  on  ne  peut  trop  admirer 
la  belle  exécution;  il  se  servit  de 
leur  pinceau  dans  les  cours  de  Man- 
toiie  et  de  Savoie,  et  il  ne  dédaigna 
pas  (le  les  aider  dans  les  travaux  dont 
ils  lurent  chargés  à  Rome  et  dans 
leur  patrie.  Sementi  n'oublia  jamais 
ce  qu'il  devait  à  un  pareil  maître, 
que  le  Gessi,  au  contraire,  ne  paya 
que  par  des  persécutions.  Sementi 
imita  le  Guide  tantôt  dans  sa  pre- 
mière, tantôt  dans  sa  seconde  ma- 
nière; il  se  montra  correct,  savant 
et  plein  d'une  force  qui  n'exclut  ni  la 
grâce  ni  la  beauté.  Les  fresques  qu'il 
a  exécutées  dans  Ara-Cœli  et  dans 
plusieurs  autres  églises  de  Rome  lui 
assignent  le  premier  rang  parmi  les 
peintres  à  fresque  dont  cette  ville 
renferme  les  ouvrages.  On  y  voit 
aussi  plusieurs  tableaux  d'autel  à 
l'huile,  dont  le  mérite  n'est 'pas 
Luoins  éminent.  Mais  son  chef-d'œu- 
vre eu  ce  genre  est  le  saint  Sébas- 
tien qu'il  a  peint  pour  l'église  de 
Saint-Michel,  à  Bologne.  Il  eût  peut- 


76 


SEM 


SEM 


être  atteint  à  la  réputation  de  son 
maître,  si  une  mort  prémature'e  ne 
l'eût  enlevé  à  son  art  dans  la  tleur 
de  l'âge.  Le  musée  du  Louvre  a 
possédé  un  .tableau  de  Sementi,  re- 
présentant le  Mariage  de  sainte  Ca- 
therine, qui  provenait  de  la  galerie 
impériale  de  Vienne.  Il  a  été  repris 
en  1815.  P— s. 

SÉMOiWILLE  (CuARLES-Louis 
HuGUET,  marquis  de),  grand-réfé- 
rendaire de  la  chambre  des  pairs, 
né  à  Paris  le  9  mars  1759,  était  fils 
de  M.  Iluguet  de  Montaran,  secré- 
taire du  roi  et  du  conseil.  11  fut  reçu 
avant  l'âge  de  dix-neuf  ans  conseil- 
ler aux  enquêtes  du  parlement  de 
Paris ,  et  ne  se  fit  pas  moins  remar- 
quer par  son  aptitude  pour  les  tra- 
vaux judiciaires  que  par  la  finesse  et 
la  distinction  de  son  esprit.  11  fixa 
bientôt  l'attention  publique  par  un 
discours  qu'il  prononça  dans  une 
réunion  générale  des  chambres  du 
parlement ,  en  présence  des  princes 
et  des  pairs  du  royaume,  discours 
dont  la  conclusion  fut  un  appel  à  la 
convocation  des  États-généraux. 
Cette  convocation  paraissait  déjà  à 
un  grand  nombre  d'esprits  la  seule 
solution  possible  aux  difficultés  de 
la  situation  ;  mais  le  jeune  Sé- 
monville ,  en  conseillant  cette  dé- 
termination hardie ,  avait  eu  soin  de 
semer  son  discours  d'allusions  déli- 
cates à  la  louange  des  princes,  et 
l'auteur  plut  également  à  la  cour  et 
à  la  ville.  Ce  discours  ouvrit  au 
jeune  magistrat  la  vie  politique.  Ce- 
pendant Sémonville  ne  fit  point  par- 
lie  des  Éiats-généraux,  quoiqu'il 
eût  paru  successivement  dans  trois 
assemblées  de  la  noblesse,  à  Châ- 
tcauneuf ,  à  Montfort-l'Amaury  et  à 
Paris.  Membre  de  l'ordre  privilégié, 
il  lui  répugnait,  a-l-il  dit  lui-même, 

d'accepter  d'un  collège  de  gentils- 


hommes le  mandat  d'agir  en  leur 
nom ,  avec  la  résolution  de  sacrifier 
à  l'intérêt  général  des  prérogatives 
que   la   plupart  tenaient  à  si  haut 
prix.  Élu  seulementdéputésuppléant 
du  comte  de  Beauharnais  ,  il  ne  fut 
point  appelé  à  siéger.  Cependant  les 
rapports  intimes  qu'il  entretenait  à 
cette  époque  avec  la  jeune  aristo- 
cratie française  ,  dont  il  partageait 
les  idées  progressives,  ne  pouvaient 
le  laisser  inactif  au  milieu  du  mou- 
vement général  des  esprits.  Le  mi- 
nistre Montmorin,  appréciant  la  sin- 
cérité de  son  zèle  pour  la  cause  mo- 
narchique ,  déjà  si  compromise ,  le 
chargea    secrètement    d'aller  i  étn- 
dier  à  Bruxelles  la  nature  des  mou- 
vements qui  venaient  d'éclater  en 
Belgique  ,  mission  à  laquelle  un  re- 
marquable  talent  d'observation   le 
rendait  éminemment  propre.  A  son 
retour  en  France ,   Sémonville  fut 
nommé  envoyé  extraordinaire  près 
la  république  de  Gênes.  11  sembla 
s'efforcer,  dans  cette   légation ,  de 
couvrir  sous  le  faste  de  sa  représen- 
tation extérieure  la  décadence  ra- 
pide de  la  monarchie  qui  la  lui  con- 
fiait, et  il  ouvrit  avec  le  saint-siége 
d'utiles  négociations  pour  prévenir 
les    déchirements   qui    menaçaient 
l'Église  de  France.  Dumouriez,  alors 
ministre  des  alfaires  étrangères,  as- 
pirait à  détacher  le  roi  de  Sardaigne 
de  l'Autriche;  il  jeta  les  yeux  sur 
Sémonville  ,  qui  fut  d'abord  charge 
de  proposer  une  déclaration  de  neu- 
tralité évidemment  impossible  ;  puis 
de  demander  la  cession  à  la  France 
de  la  Savoie  et  du  comté  de  Nice , 
moyennant     quelques    agrandisse- 
ments territoriaux  dont  les  posses- 
sions autrichiennes,  en  Italie,  étaient 
destinées  à  faire  les  frais.  Mais,  soit 
que  la  cour  de  Turin  eût  pressenti 
d'avance  le  but  de  celle  mission. 


SEM 

soit   plutôt   qu'elle    la    considérât 
comme    masquant     le    dessein   de 
semer  dans   la  monarchie  piémon- 
taise  des  germes  de  subversion  et  de 
propagande  révolutionnaire  (  suppo- 
sition à  laquelle  la  conduite  et  les 
discours  de  Sémonville  ne  donnaient 
que    trop  de  poids),    elle    refusa 
obstinément  de  reconnaître    le  ca- 
ractère diplomatique   de    cet     en- 
voyé, qui  ne  put  dépasser  Alexan- 
drie. Vainement  Dumouriez  multi- 
plia les  exhortations  et  même  les 
menaces  ;  le  cabinet  de  Turin  s'af- 
fermit dans  sa  résistance  et  se  con- 
stitua en  état  de   rupture  ouverte 
avec  la  France.  Sémonville  fut  forcé 
de  repartir.  Appelé  bientôt  après  à 
l'ambassade  de  Constantinople,  en 
remplacement  de  Choiseul-GoufOer, 
il  fut  encore  refusé  par   le  sultan 
Séiim,  qui  en  cela  céda  aux  repré- 
sentations de  plusieurs  ministres  des 
cours  européennes.  Rien  ne  faisait 
présager  le  terme  de  cette  résistance, 
lorsque  la  trop  mémorable  journée 
du  10  août  1792  mit  délinitivement 
obstacle  à  sou  départ.  Bien  que  Sé- 
monville eût  été  dépeint  comme  un 
démagogue  effréné  dans  plusieurs  no- 
tes diplomatiques,  la  chute  du  trône 
de  Louis  XVI  compromit  sa  sécurité 
personnelle,  et  ses  amis  ne  trouvè- 
rent d'autre  moyen  de  le  dérober  aux 
proscriptions  que  de  lui  faire  donner 
pour  la  Corse  une  mission  d'obser- 
vation. Sémonville  s'y  lia  d'amitié 
avec    le    célèbre    Paoii ,  et   il    as- 
sista pour  ainsi  dire  à  l'aurore  du 
jeune  officier  qui ,  peu  d'années  plus 
tard  ,  devait  remplir   l'univers  du 
bruit  de  sa  renommée.  Le  jeune  Mon- 
tholon,   fils  adoptif  de  Sémonville, 
reçut  de  Napoléon  Bonaparte  les  pre- 
mières leçons  des  exercices  militai- 
res ,  lui  que  la  destinée  appelait  à  re- 
cueillir sur  le  rocher  de  Sainte-Hé- 


SEM 


77 


lène  les  dernières  paroles  et  les  vœux 
du  prisonnier  de  l'Europe.  Quand 
Sémonville   revint    en  France ,  au 
mois  de  mai  1793 ,  la  terreur  révo- 
lutionnaire y  régnait  sans  partage  , 
et  la  tête  de  l'ambassadeur  était  me- 
nacée comme  celles  de  tous  les  per- 
sonnages   qui   avaient    prêté    leur 
concours  au    gouvernement  royal. 
Il  dut  son  salut  à  la  renommée  nais- 
sante  de    son    habileté  diplomati- 
que. Le  grand-duc  de  Toscane  et  le 
gouvernement    napolitain    avaient 
ouvert  des  négociations  avec  la  ré- 
publique française  pour  sauver  les 
faibles  et  derniers  débris  de  la  fa- 
mille royale,  et  Danton  lui-même, 
ce  tribun  sanguinaire  ,  songeait  sé- 
rieusement à  mettre  sa  vie  impure 
et  proscrite  sous  la  protection  de  ce 
trône  à  la  chute  duquel  il  avait  si 
puissamment  contribué.  Maret,  de- 
puis duc  de  Bassano  ,  reçut  ordre  de 
partir  pour  Naples  ,  et  Sémonville, 
à  qui  l'ambassade  de  Constantino- 
ple était  de  nouveau  destinée,  fut 
tout  à  coup  chargé  de   se  rendre  à 
Florence.  Mais  les  deux  plénipoten-; 
tiaires ,    partis  ensemble  de  Coni, 
furent  brusquement  enlevés  le  25 
juillet  1793  à  Novale,  sur  le  terri- 
toire neutre  des  Grisons,  par  les  or- 
dres du  gouverneur  de    Milan,  et 
transférés  à  Gravedone  par  le  lac  de 
Côme.  L'examen  des  papiers  dont  ils 
étaient    porteurs    n'amena    aucun 
adoucissement  aux  rigueurs  de  cette 
mesure  si  ouvertement  attentatoire 
au  droit  des  gens,  et  si  faiblement 
justifiée  par  l'imputation  qui  leur  fut 
faite  de  couvrir  de  leur  caractère  of- 
ficiel des  menées  révolutionnaires  et 
des    intrigues   de    propagandisme, 
ainsi  que  cela  se  pratiquait  alors  par 
tous  les  agents  de  la  diplomatie  ré- 
publicaine. On  a  dit ,  et  Maret  a  sou- 
vent répété  qu'il  était  aussi  chargé 


78 


SEM 


SEM 


d'offrir  au  cabinet  autrichien  la  li- 
berté de  la  reine  et  même  celle  de 
sa  fille ,  alors  de'tenues  à  la  prison  du 
Temple  (uoî/.  Maret,  LXXIII,  107): 
mais  quelques  personnes  ont  supposé 
que  ce  n'ét<iit  là  qu'un  prétexte  et 
un  moyen  de  'lissiimil-r  le  but  prin- 
cipal de  cette  céléhre  mission  (1). 
Le  ministre  Manfredini,  premier  au- 
teur des  négociations,  tomba  en  dis- 
grâce, et  la  mort  de  l'infortunée 
Marie-Anîoinette  suivit  de  près.  Sé- 
monville  subit  pendant  trente  mois, 
dans  la  forteresse  de  Mantoue,  puis  à 
Kuffstein,  dans  le  Tyrol,  les  angoisses 
d'une  étroite  captivité  II  s'y  lia  d'une 
amitié  intime,  sous  in  protection  de 
leur  adversité  commune,  avec  Maret, 
qu'il  ne  connaissait  point  jusqu'a- 
lors ;  et  cette  intimité ,  qui  ne  se  dé- 
mentit jamais  depuis,  fut  l'uniqi.e 
consolation  des  deux  captifs.  A  cette 
douloureuse  époque,  de  sa  vie  se  place 
une  anecdote  qu'il  se  plaisait  à  ra- 
conter et  (jue  ui'us  reproduisons, 
parce  qu'ell*'  p^-itit  assez  bien  la  tour- 
nure originale  et  la  pri'sence  de  son 
esprit.  Il  géuiissail  à  Mantoue  sons 
le  poids  d'une  déie;ition  sévère, 
quand  ,  une  nuit ,  des  hommes  ar- 
més s'introduisent  dans  sa  cellule,  et 
lui  enjoignent  de  les  suivre  sans  pro- 
férer une  parole.  Sémonville  obéit 
en  silence.  On  le  conduit  dans  une 
des  cours  de  la  prison  ;  là,  en  pré- 
sence d'un  général  et  de  nombreux 
officiers,  un  sbire  s'ageuouiile  de- 
vant lui,  et  ?e  met  en  devoir  de  lui 
river  une  lourde  chaîne.  Sémonville 

(i)  Il  est  liifficilede  concilier  le  liiit  réel 
de  cette  inis^ion  ;ivec  les  négoeiatiotis  qili 
se  suivitit'iit  d.iiis  le  même  temps  à  Bruxelles 
entre  la  rour  de  Vienne  et  le  comité  de  sa- 
lut public,  mais  la  conséquemte  trop  évi- 
dente de  l'une  et  de  l'autre,  l 'est  que  le  ca- 
binet autrichien  ne  fit  rien  et  ne  voulut  rien 
faire  pour  Siuivcj  la  tante  de  l'emjiereur  [vojr. 
|lERCY-ArGEnTK\u,  LXXIII,  468). 


reconnaît  cet  homme,  et  lui  dit  brus- 
quement :  Corne  st à  la  Lamherli, 
scmpre  bella?  Par  cette  ingénieuse 
exclamation  ,  qui  excita  vainement 
le  couiroi.x  du  général  autrichien, 
SémonMilc  avait  trouvé  le  moyen  de 
rappeler  son  existence  à  une  femme 
chérie  que  son  sort  alarmait.  Enfin, 
au  mois  de  décembre  1795,  à  la  suite 
de  l'échange  qui  eut  lieu  de  Madame 
royale,  fille  de  Louis  XVI ,  contre 
les  députés  Bancal ,  Quinette,  Camus 
et  Lamarque,  les  deux  captifs  se  vi- 
rent rendus  à  la  liberté  (2).  Ils  furent 
reçus  avec  solennité  dans  une  séance 
du  conseil  des  Cinq-Cents,  et  une  loi 
déclara  que  par  leur  constance  et 
leur  fermeté  ils  avaient  honoré  le 
caractère  français.  Quoique  Sémon- 
ville n'eût  pris  aucune  part  active  à 
la  révolution  du  18  brumaire,  le 
premier  consul,  trois  seniainps  après 
son  avènement  au  pouvoir,  jeta  les 
yeux  sur  lui  pour  consolider  les  rap- 
ports du  gouvernement  franç^iisavec 
la  république  batave.  Envoyé  dans 
ce  but  à  La  Haye,  il  réussit  ,  à 
forci'  d'adresse  et  de  modération  ,  à 
concilier  à  la  France  des  voisins  in- 
quiets ,  ombrageux ,  et  dont  les  dé- 
liauc«'s  n'étaient  que  trop  entrete- 
nues [)ar  la  présence  des  troupes 
françaises  qui  n'avaient  point  cessé 
d'occuper  les  ports  et  les  villes  de 
cette  florissante  contrée.  On  a  cité 
plus  lard  avec  éloge  la  hieuf.iisance 
toute  désintéressée  dont  il  fit  preuve 
envers  les  Français  qu'un  régi- 
me réparateur  rappelait  dans    leur 

(2)  On  jicut  consulter,  pour  plus  du  dé- 
tails sur  Tarrestation  et  la  mise  en  liberté  df 
Sémonville  et  de  Maret,  la  quatrième  partie 
du  Rapport  des  représentants  du  /,eup/e  Ca- 
mus, bancal,  Quinette  et  Lamarque,  lu  .lu 
conseil  des  Cinq-Cenis,  Paris,  an  IV,  iu-S", 
pages  ii5  à  182.  Cette  partie,  rédigée  par 
Quinette  en  style  em|;hatique,  offre  néaa- 
moins  quelques  faits  intéressants.  L— >i~x, 


SEM 

patrie.  Un  grand  nombre  de  ces  exi- 
lés lui  durent  la  faveur  de  ne  pas 
mourir  sur  une  terre  étrangère ,  et 
M.  Darabray  put  dire  plus  lard  avec 
vérité  à  Louis  XVIII  :    •  Sémonville 

•  avait  toujours  une  bourse  et  un  pas- 
«se-portauservicedes  proscrits.»  Élu 
en  1805  candidat  au  sénat  conserva- 
teur par  le  département  des  Arden- 
nes,  il  y  fut  nommé  par  l'empereur 
et  revint  à  Paris,  où,  sans  vouloir 
s'attacher  spécialement  à  aucune 
branche  du  gouvernement,  il  ne 
cessa  d'exercer  depuis  lors ,  par  la 
souplesse  et  la  dextérité  de  son  es- 
prit ,  une  assez  grande  influence. 
S'il  faut  en  croire  un  document  ré- 
cent, c'est  sur  un  mot  de  Sémonville 
que  la  famille  impériale  d'Autriche 
se  serait  décidée  à  contracter  avec 
Napoléon  cette  alliance  qui  ajouta 
plus  à  la  splendeur  de  sou  trône  qu'à 
sa  puissance  et  à  sa  solidité.  La  cour 
était  réunie  au  théâtre  des  Tuileries. 
Napoléon  s'assied  le  front  soucieux  •, 
la  main  de  la  sœur  du  puissant  em- 
pereur du  Nord  lui  était  refusée  : 
personne  dans  la  salle  n'en  était  in- 
formé. Sémonville  ,  se  penchant 
vers  un  des  membres  de  l'ambassade 
d'Autriche,  lui  dit  à  voix  basse:  «La 
«Russie  a  laissé  tomber  les  cartes;  la 

•  partie  est  à  vous,  si  vous  les  relevez. 

•  — Nous  ne  demandons  pas  mieux,  et 

•  nous  y  sommes  prêts,»  répond  l'é- 
tranger. Le  lendemain  tout  était  con- 
venu (3).  Sémonville  fut  rapporteur 
des  commissions  sénatoriales  appe- 
lées à  prononcer,  en  1809  et  1810,  en 
faveur  des  décrets  qui  réunissaient  la 
Hollande  et  la  Toscane  à  la  France. 
Dans  les  premiers  mois  de  1814,  il 
fut  envoyé  par  l'empereur  à  Bourges, 
chef-lieudesasénatorerie, en  qualité 


['i)  Ëluge  de  Sémonville  à  la  chambre 
dcj  |iiiii'$,  par  Alouaier  ;  février,  i34o. 


SEM 


79 


de  commissaire  extraordinaire.  Ce  fut 
là  qu'il  apprit  la  dissolution  du  gou- 
vernement impérial.  Il  adhéra  sans 
hésitera  la  délibération  par  laquelle 
le  sénat  prononça  la  déchéance  de 
Napoléon,  et  fit  reconnaître  immédia- 
it-ment  l'autorité  du  roi  dans  les  cinq 
di>partements  composant  la  2i«  divi- 
sion militaire;  mais,  de  reti-ur  au 
sénat,  il  s'opposa  avec  énergie  à  la 
lecture  d'une  lettre  par  laquelle  l'em- 
pereur Alexandre  demandait  à  ce 
corps  la  réhabilitation  du  général 
Moreau  :  «  Le  roi ,  dit-il,  n'a  pas  en- 
«  core  touché  le  sol  français.  Il  n'a 
•  reçu  ni  nos  serments  ni  nos  hom- 
«  mages  ;  vous  allez  commencer  vos 
«  délibérations  comme  la  Pologne  a 
«  fini  les  siennes  ;  c'est  à  l'histoire  à 
«  juger  le  général  Moreau.»  Attaché  à 
M.M.  Danibray  et  Ferrarid  par  les  liens 
d'une  ancienne  amitié,  Séuiouville 
dut  à  cette  circonstance  de  faire  partie 
de  la  commission  chargée  de  préparer 
le  projet  de  la  Charte  constitution- 
nelle. Il  fut  comprisdans  la  première 
promotion  des  pairs  nommés  par 
Louis  XVIII ,  qui  lui  conféra  le  titre 
de  grand -référendaire  de  celte  cham- 
bre ,  et  fit  enregistrer  le  2o  mars 
1815  ,  en  l'absence  des  ministres  , 
l'ordonnance  du  roi  qui  prononçait 
la  clôture  de  la  session.  Pendant  les 
cent-jours ,  il  se  retira  dans  une  de 
ses  terres,  où  il  persista  à  demeurer 
malgré  les  assurances  bienveillantes 
de  Napoléon  ,  et  ne  reparut  à  Paris 
qu'après  le  retour  du  roi.  Mais,  fidèle 
en  cette  occasion  à  sa  tactique  favo- 
rite qui  était  de  se  ménager  des  intelli- 
gencesdans  les  deux  camps,  pendant 
que  le  général  Montholon,  son  fils 
adoptif,  s'attachait  étroitement  à  la 
fortune  de  l'empereur,  il  avait  soin 
d'engager  le  frère  de  cet  officier-gé- 
néral à  suivre  Louis  XVIII  dans  son 
exil.  Au  retour  de  ce  prince,  Sémon- 


80 


SEM 


ville  reronvra  la  faveur  dont  il  jouis- 
sait à  la  cour,  et  la  justifia  ,  on  doit 
le  reconnaître,  par  le  dévouement 
plein  d'intelligence  et  de  sincérité 
avec  lequel  il  s'attacha  dès- lors  au 
service  de  la  branche  aînée  des  Bour- 
bons. Sa  pensée  dominante  était  de 
rallier  au  système  de  la  Restauration 
ceux  des  personnages  influents  de  la 
révolution  et  de  l'empire  que  leurs 
antécédents  n'en  séparaient  point 
trop  irrévocablement.  Personne,  il 
faut  le  dire,  n'était  mieux  placé  soit 
par  ses  antécédents,  soit  par  son  es- 
prit souple  et  conciliant,  pour  opérer 
ce  rapprochement.  Le  régime  de  1814 
ell  8 15  dut  à  ses  inspirations  plusieurs 
conquêtes  précieuses.  C'était  à  son 
instigation  que  le  maréchal  Macdo- 
nald,  à  qui  l'unissaient  lesliens  d'une 
assez  étroite  allinité,  avait  fait  à  la 
chambre  des  pairs ,  sous  la  pre- 
mière Restauration,  la  proposition 
d'indemniser  les  émigrés  dépossédés 
de  leurs  biens  durant  la  tourmente 
révolutionnaire.  Ce  fut  surtout  au 
sein  de  la  chambre  des  pairs  que  sa 
bien  veillante  et  ingénieuse  sollicitude 
eut  occasion  de  s'exercer. Cette  cham- 
bre ,  formée  et  recrutée  parmi  les 
notabilités  de  la  révolution,  de  l'em- 
pire et  de  la  Restauration,  offrait 
dans  son  ensemble  les  éléments  les 
plus  hétérogènes,  les  intérêts  les  plus 
divers,  les  passions  les  plus  opposées  : 
«Les  préjugés  de  la  jeunesse,  les 
«  impressions  de  la  vieillesse ,  tout 
«  conspirait  à  entretenir  l'éloigne- 
«  ment.  Il  fallait  persuader  aux  hé- 

•  ritiers  d'un  nom  antique  d'approu- 
«  ver  que  leurs  honneurs  et  leur  rang 
«  lussent  partagés  par  ces  hommes 

•  nouveaux  qui ,  selon  l'énergique 
«  image  d'un  vieux  guerrier,  seraient 
«  à  leur  tour  des  ancêtres,  il  fallait 
<.  concilier  l'orgueil  de  l'illustration 
»  reçue  avec  la  lierté  de  l'illustration 


SEM 

•  conquise  (t).  •  Le  zèle  du  grand- 
référendaire  s'appliqua  avec  fruit  à  J 
surmonter  ces  préjugés,  à  dissiper  ^ 
ces  déiiances,  et  l'on  peut  le  regarder 
comme  le  principal  auteur  de  l'heu- 
reuse harmonie  qui  ne  cessa  d'exis- 
ter, durant  la  Restauration ,  dans 
cette  haute  région  de  l'État.  Il  ne  se 
montrait  pas  moins  jaloux  de  la  con- 
sidération et  de  la  dignité  de  ce  grand 
corps.  Désireux  de  compléter  autant 
que  possible  son  assimilation  avec  la 
chambre  des  lords  d'Angleterre,  il 
insista  vivement,  sous  le  ministère 
Villèle,  pour  y  constituer  un  banc 
des  évêques,et  présenta  au  ministre 
à  ce  sujet  un  mémoire  qui  se  faisait 
remarquer  par  les  vues  les  plus 
profondes  et  les  plus  judicieuses. 
Louis  XVIII,  de  son  côté,  ne  se  mon- 
tra point  ingrat.  Ce  prince  témoi- 
gnait à  Sémonville  beaucoup  d'es- 
time, d'égards,  et  il  lui  fit  à  plusieurs 
reprises  l'honneur  fort  rare  de  le  vi- 
siter dans  son  appartement  de  grand- 
référendaire  au  palais  du  Luxem- 
bourg. Sémonville  parut  peu  à  la 
tribune,  et  semblait  réserver  pour  les 
discussions  particulières  les  ressour- 
ces d'un  esprit  éminemment  propre  à 
la  conversation.  Parmi  ses  opinions 
législatives,  il  convient  de  mention- 
ner son  opposition,  en  1820,  à  lapu- 
blicité  des  débats  de  la  chambre  des 
pairs,  et  en  1825,  à  ce  que  les  héri- 
tiers directs  de  la  pairie  pussent  assis- 
ter à  ses  séances  dans  une  tribune 
réservée.  Le  2  avril  1827,  il  rendit 
compte  à  la  chambre  de  la  profanation 
commise  aux  obsèques  du  duc  de  La 
Rochefoucauld-Liancourt ,  et  prit  à 
cette  occasion  l'engagement  formel 
d'accompagner  désormais  les  pairs  à 
leur  dernière  demeure.  La  position 

(4)  Eloge    de   SémonTÏHe  à   la  chambre 
des  pairs,  par  Mounier  février,  iS-io. 


SEM 

éhvée  de  Sémonvilie  et  l'utilité  de  son 
concours  le  mettaient  en  mesure  d'a- 
dresser aux  organes  du  gouvernement 
des  vérités  quelquefois  sévères  sur 
la  direction  qu'ils  imprimaient  aux 
affaires  publiques,  et  ce  serviteur  en 
apparence  si  obséquieux  du  régime 
établi  passait  souvent  k  la  cour  pour 
un  censeur  incommode  des  tendances 
périlleuses  auxquelles  elle  se  lais- 
sait insensiblement  entraîner.  Le 
cours  des  événements  ne  tarda  pas  k 
justifier  la  sagesse  et  la  prévoyance 
de  ses  exhortations,  il  apprit  avec 
anxiété,  dès  le  25  juillet,  l'imprudent 
déii  jeté  par  la  couronne ,  sans  pré- 
cautions préalables,  sans  nécessitéac- 
tueile,  k  une  portion  considérable  de 
Ja  population.  11  assista  d'abord  dans 
une  inaction  apparente  k  la  déplora- 
ble lutte  qui  s'engagea  bientôt  dans 
les  rues  de  Paris  entre  la  populace 
et  les  troupes  royales.  Mais  le  29  au 
matin  ,  également  frappé  et  de  la 
gravité  du  mouvement  insurrection- 
nel auquel  les  principaux  chefs  du 
parti  libéral  commençaient  k  prendre 
part,  et  de  l'inconcevable  silence  des 
pouvoirs  publics,  il  résolut  de  con- 
jurer autant  qu'il  pouvait  être  en  lui 
les  dangers  de  la  monarchie.  Accom- 
pagné d'iui  de  ses  collègues  k  la 
chambre  des  pairs ,  M.  d'Argout , 
il  se  rendit,  k  travers  les  cris  des 
combattants  et  le  sifflement  des  bal 
les,  au  château  des  Tuileries ,  où  les 
ministres  de  Charles  X  avaient  cher- 
ché un  asile  contre  les  fureurs  de  la 
multitude.  11  les  pressa ,  les  conjura 
vainement  d'abdiquer  un  pouvoir 
dont  l'impopularité  aggravait  les 
dangers  de  la  situation.  Les  ministres 
endurèrent  avec  impassibilité  les  re- 
proches et  même  les  menaces  qui 
leur  furent  adressés.  Sémonvilie, 
n'écoutant  que  son  zèle,  se  rendit 
.sur-le-champ  àSaint-Cloud,  où  il  fut 

LXXXII. 


SF.M 


81 


admis  sans  obstacle  auprès  de  Char- 
les X,  par  les  .soins  de  M.  de  Polignac 
qui  l'y  avait  suivi  avec  ses  collègues. 
Il  eut  avec  ce  prince  un  long  et 
pathétique  entretien  ;  mais  ses  ef- 
forts pour  obtenir  la  révocation  des 
ordonnances  et  le  changement  du 
ministère  furent  d'abord  impuis- 
sants. Ni  la  liberté  de  ses  paroles,  ni 
la  véhémence  de  ses  prédictions  ne 
purent  ébranler  la  sécurité  du  mo- 
narque. Enfin,  il  fit  parler  avec  force 
les  périls  auxquels  laDauphine,  alors 
en  voyage ,  était  exposée  dans  une 
province  qui  pouvait  maintenant 
connaître  les  événements  de  Paris. 
Ces  représentations  fléchirent  une 
volonté  que  les  considérations  les 
plus  puissantes  avaient  trouvée  ine'- 
branlable.  Charles  X  ,  vivement 
ému,  laissa  tomber  sa  tête  sur  sa 
poitrine-,  il  promit  d'assembler  son 
conseil,  et  donna  immédiatement  des 
ordres.  A  la  suite  de  cette  conférence, 
Sémonvilie  reparut  devant  le  roi,  et 
prit  l'engagement  d'aller  annoncer 
aux  chefs  du  parti  libéral  les  résolu- 
tions qu'il  venait  de  provoquer.  L'at- 
titude de  ce  prince  avait  perdu  toute 
sa  sévérité  -,  elle  était  empreinte  d'une 
noble  résignation  :  «  Rien  d'utile  au 
«  bien  de  la  France,  dit-il  aux  né- 
«  gociateurs,  ne  sortira  de  tout  ce- 
«  la  !»En  congédiant  affectueusement 
le  grand-référendaire,  il  laissa  échap- 
per k  voix  basse  ces  paroles  prophé- 
tiques :  «  Allez,  mais  vous  arriverez 
«  trop  tard!  »  Avant  de  quitter  Saint- 
Cloud,  Sémonvilie  eut  avec  le  minis- 
tre Polignacune  conversation  courte, 
mais  vive  et  animée,  qui  parut  plus 
d'une  fois  éveiller  des  dispositionsin- 
quiètes  et  menaçantes  de  la  part  de 
quelques  courtisans,  secrètement  irri- 
tés de  la  mission  pacifique  qu'il  était 
venu  remplir.  Polignac  lui  reprocha 
d'avoir  attiré  tous  les  malheurs  qu'on 
6 


82 


SEM 


déplorait  par  son  refus  obstimi  do 
disposer  la  chambre  des  pairs  à  ac- 
cepter lesystème  des  ordoiinauces  (5), 
le  seul  qui,  eu  donnant  une  large 
base  à  l'aristocratie,  pût,  dit-il ,  as- 
surer en  France  l'avenir  des  institu- 
tions repre'sentatives.  En  de'posant 
plus  tard  de  toutes  ces  circonstances 
devant  la  cour  des  pairs,  Sémonville, 
inspiré  par  sa  partialité  reconnais- 
sante envers  un  des  derniers  minis- 
tres de  Charles  X,  y  ajouta  quelquei 
détails  de  pure  imagination,  que  l'his- 
toire doit  écarter,  et  qui  ne  figurent 
point  dans  les  Mémoires  encore  iné- 
dits du  narrateur,  il  était  huit  heures 
etdemie  quand  MM.  de  Sémonville  et 
d'Argout ,  accompagnés  de  M.  de  Vi- 
trolles,  furent  admis  dans  la  salle  de 

(5)  Voi<.-i  en  quels  termes,  daos  ses  Eiudei 
hiitoriquts,  publiées  eu  1846  ,  le  minis- 
tre Polignac  rend  compte  des  coiiff-reiiiri'» 
qu'il  avait  entamées  avec  le  marquis  de  Sé- 
monville, à  ce  sujet.  «  Il  fallait,  dil-il,  s'as- 
«  surer  d'avance  que  la  chambre  des  j)aiis 
u  fût  lasse  de  sa  honteuse  impuissance.  Mais 
K  je  ne  tardai  pas  à  acquérir  la  preuve  que, 
•<  satisfaite  de  sa  nullité,  cette  chambre  se 
c<  contenterait  toujours  d'accepter  comme 
«  sienne,  l'oiiitiion  du  parti  triomphant.  Je 
«  soumis  mon  plan  au  marquis  de  Sémun- 
«  ville,  qui,  eu  sa  qualité  de  graud-réfé- 
«  rendaire,  avait  des  communications  jour- 
«  nalières  avec  tous  les  pairs  ;  il  feignit  d'eu- 
<<  trer  dans  mes  vues,  déplora  avec  moi  l'a- 
X  baissemeut  dans  lequel  le  second  pouvoir 
«  de  l'état  était  tombé  dans  l'opiniou  pu- 
«  blique.  Il  me  promit  de  consulter  ses  coW 
«<  lègues.  Le  peu  de  confiance  que  j'avais 
«  dans  la  sincérité  de  M.  de  Sémonville  de- 
««  vait  céder  devant  la  uécessité  de  l'em- 
«  ployer  en  cette  occasion;  il  était  le  seul 
«intermédiaire  naturel  entre  la  <hambre 
"  des  pairs  et  moi  ;  il  revint  et  me  remit 
««  une  note,laquelle  indiquait  comme  moyen 
«  d'injluene*  sociale  à  donner  à  la  cliH/nbre 
«  des  pairs,  et  cotnme  étant  Vtxpression  du 
«  désir  de  ses  memlires,  l'autorisation,  pour 
«  leurs  fils  aioés,  d'cn/rer  dans  la  salle  du 
«  trône  avec  un  habit  vert-pomme,  M.  de  Sé- 
«  monville  sans  doute  voulait  rire.  Je  n'é- 
"  tais  guère  d'humeur  à  me  joindre  à  lui. 
H  J'envoyai  sa  uolc  au  premier  gentilhomme 
«  da  roi,  dans  le  ressort  de  qui  elle  tora- 
«  bail  :  c'était  la  condamner  au  feu.  » 


SEM 

l'Hùtel-dc-VilIc  où  siégeait  la  com- 
mission municipale.  Après  avoir  jus- 
tifié par  quelques  explications  con- 
ciliantes la  présence  inattendue  de 
M.  de  Vitrolles,  Sémonville  annonça 
à  la  commission,  dans  une  allocution 
simple  mais  habile,  la  mission  paci- 
fique qu'il  venait  remplir.  Cette  allo- 
cution fut  écoutée  silencieusement, 
sans  contradiction  ni  sympathie. 
Casimir  Périer  fit  quelques  objections 
de  forme  sur  le  défaut  de  pouvoirs 
écrits  des  trois  parlementaires,  et  le 
général  Lafayette,que  la  commission 
municipale  avait  mandé  dans  son 
sein,  entendit  avec  le  même  calme  la 
communication  du  grand-référen- 
daire. En  accompagnant  Sémonville, 
qui  prit  congé  des  commissaires,  il 
se  borna  à  lui  demander  si  la  con- 
(luête  du  drapeau  tricolore  ne  serait 
pas  le  fruit  de  la  victoire  du  peuple 
de  Paris.  Sémonville  répondit  qu'il 
n'avait  point  été  question  de  cet  objet 
à  Saint-Cloud,  et,  après  avoir  échan- 
gé quelques  propos  bienveillants  et 
légers,  ils  seséparèrent.  Tout  le  mon- 
de connaît  les  déplorables  causes  qui 
firent  échouer  une  négociation  com- 
mencée sous  d'aussi  favorables  auspi- 
ces. Mais  ce  qui  est  moins  connu, 
ce  sont  les  efforts  qu'employa  Sé- 
monville pour  compléter  sa  mission 
et  pour  conserver  à  la  dynastie  de 
Charles  X  un  trône  dont  la  chiilc  n<; 
pouvait  manquer  de  produirr.  an 
dedans  et  au  dehors  de  longues  ci 
douloureuses  convulsions.  Il  s'em- 
pressa de  réunir  au  Luxembourg 
dix-huit  à  vingt  pairs  avec  lesquels 
il  tint  conseil  sur  les  mesures  les 
plus  propres  à  paralyser  le  mouve- 
ment révolutionnaire,  et  mit  à  la  dis- 
position du  duc  de  Mortemnrt  tous 
les  moyens  d'assurer  la  reconnais- 
sance du  caractère  officiel  dont  il 
était  revêtu.   Mais  la   chambre  des 


SËM 

pairs,  vouée  depuis  la  fameuse 
adresse  des  221  à  l'espèce  d'infério- 
rité parlementaire  que  les  événe- 
ments postérieurs  n'ont  fait  qu'ag- 
graver, n'était  guère  en  mesure  de 
comprimer  l'élan  des  esprits  ,  et  ces 
efforts  n'aboutirent  k  aucun  résultat. 
La  nature  assez  intime  des  rapports 
que  Sémonville  entretenait  depuis 
long-temps  avec  la  maison  d'Orléans 
lui  permit  d'entreprendre  des  démar- 
ches plus  directes  dans  le  même  but. 
Soit  que  le  duc  d'Orléans  fût  com- 
battu par  un  rf  ste  de  reconnaissan- 
ce pour  les  bienfaits  qu'il  avait  reçus 
de  Charles  X,  soit  que  les  ressources 
demeurées  au  pouvoir  de  ce  monar- 
qiM'.  rendissent  la  situation  encore 
irès-précaire,  Louis-Philippe,  mal- 
^ré  les  pressantes  incitations  de  sa 
sœur,  hésitait  à  prendre  la  couronne 
([iii  ne  reposait  plus  que  sur  la  tête 
(l'un  faible  enfant.  La  duchesse  d'Or- 
léans, pas  ses  exhortations  et  ses  in- 
stances, le  maintenait  dans  cette  irré- 
solution, et  Sémonville  ayant,  dans 
un  entretien  avec  cette  princesse, 
exprimé  cette  sentence  que  la  cou- 
ronne de  France  brûlerait  tout  au- 
tre front  que  celui  du  roi  légitime, 
elle  le  conjura  de  répéter  ce  mot  à 
son  époux.  L'auteur  de  cette  notice 
a  lu  d;ins  les  souvenirs  manuscrits 
du  grand- référendaire  le  récit  d'une 
conférence  entre  les  deux  époux,  te- 
nue en  sa  présence  peu  de  jours 
avant  le  7  août,  et  dont  voici  quel- 
ques traits  :  •  Cette  couronne,  disait 
<■  la  princesse,  est  souillée  de  sang  et 
"  de  boue  ;  »  et,  s'adressant  avec  onc- 
tion à  Sémonville  :  •  Monsieur,  s'é- 
«  criait-elle,  faites  venir  ici  le  duc  de 
«  Bordeaux,  il  sera  le  plus  cher  de 

«  mes  enfants! Philippe,  reniez- 

«  vous  Bordeaux  ?»  A  ces  généreuses 
tentatives,  le  duc  d'Orléaus  n'oppo- 
sait que  des  difficultés  de  situation. 


SEM 


83 


«  A  la  moindre  indisposition  de  cet 
«  enfant,  répondait-il,  on  m'accuse 

•  rait  d'avoir  attenté  à  ses    jours 

•  comme  on  a  fait  de  mon  aïeul. 
«  N'ai-je  donc  point  assez  des  torts 
«  de  mon  père  !  (6)  »  Les  rancunes 
de  Sémonville  n'atteignirent  point 
toutefois  le  gouvernement  qui  s'était 
établi  contre  ses  conseils  et  ses  pres- 
sentiments. Moins  d'un  an  après,  le 
25  juillet  1831,  il  faisait  pavoiser  la 
salle  des  séances  de  la  chambre  des 
pairs  de  quarante  drapeaux  autri- 
chiens envoyés  en  1805  de  Mayence 
par  Napoléon  au  sénat  conservateur, 
et  par  •  ce  trésf)r  i|u'un  asile  inviola- 
«  ble  avait,  disait-il,  dérobé  à  toutes 

•  les  recherches,  »  sa  courtisanerie 
préparait  au  jeune  duc  d'Orléans, 
présent  à  la  séance,  l'occasion  d'une 
allocution  belliqueuse,  évidemment 
destinée  à  grossir  sa  popularité  nais- 
sante. Celte  flagornerie,  qui  décon- 
sidéra profondément  Sémonville  aux 
yeux  du  parti  légitimiste  ,  ne  le 
sauva  point  d'une  disgrâce  inévita- 
ble, et  que  sans  doute  ii  avait  voulu 
prévenir.  La  cour,  qui  avait  pu  lui 
pardonner  certaines  vérités  incommo- 
des ,  ne  voyait  plus  en  lui  qu'un 
instrument  usé;  d'autres  services, 
plus  anciens ,  plus  utiles  que  les 
siens,  attendaient  leur  récompense. 
Le  21  septembre  1834,  à  la  suite  de 
diverses  négociations  plus  ou  moins 
mystérieuses,  il  fut  remplacé  dans 
ses  fonctions  de  grand-référendaire 
par  le  duc  Decazes,  que  la  fortune 
destinait  à  devenir  le  conseiller  privé 
du  trône  populaire,  comme  il  l'avait 
été  de  celui  du  droit  divin.  Malgré 
ses  habitudes  de  vieux  courtisan,  le 
ma  rquis  de  Sémonville  dissimula  avec 
peine  le  déplaisir  que  lui  causa  cette 


(fi)  Histoire  de  la  dtrniire  annêi  d*  la  Hes- 
lauration,  t.  I,  p.  l36. 


6. 


84 


SEM 


abdication  forcf^e  ou  extorquée  d'une 
dignité  (lu'il  occupait  avec  éclat  de- 
puis tant  d'années,  et  le  vain  titre 
de  grand-référendaire  honoraire  n'a- 
doucit point  l'amertume  de.cette  im- 
pression. Il  se  retira  à  Versailles 
dans  une  habitation  qu'il  avait  ache- 
tée peu  de  temps  auparavant  en  pré- 
vision de  sa  disgrâce,  et  ne  reparut 
plus  à  Paris  que  pendant  les  sessions 
des  chambres.  Sémonville  avait  peu 
d'années  à  jouir  de  cette  retraite.  Le 
11  août  1839,  il  fut  pris  de  vertige 
sur  le  haut  de  l'escalier  de  l'hôtel 
qu'il  habitait  à  Paris,  rue  de  Lille, 
et  tomba  avec  une  telle  violence,  que 
la  mort  s'ensuivit  presque  immé- 
diatement. 11  touchait  à  sa  quatre- 
vingtième  année.  Des  obsèques  très- 
pompeuses  lui  furent  faites  dans  la 
capitale,  et  la  chambre  des  pairs  y 
assista  dans  la  presque  totalité  de 
ses  membres.  Son  éloge,  prononcé 
devant  cette  assemblée  le  7  février 
suivant  par  le  baron  Mounier,  est 
un  des  meilleurs  morceaux  sortis  de 
ta  plume  de  cet  homme  d'État.  La 
dépouille  mortelle  de  Sémonville  fut 
ensuite  transportée  dans  sa  terre  de 
Bourai,  où  sa  perte  avait  excité  un 
deuil  profond  et  universel.  En  lui 
s'éteignit  l'un  des  derniers  types  de 
cette  ancienne  politesse  française 
modifiée  par  les  épreuves  du  régime 
révolutionnaire.  C'est  le  propre  des 
oscillations  politiques  d'énerver  les 
caractères  et  de  substituer  les  combi- 
naisons subtiles  d'une  personnalité 
inquiète  et  prévoyante  aux  nobles 
inspirations  de  la  droiture  et  de  la 
vertu.  Né  dans  des  temps  tranquilles, 
Sémonville,  doué  de  mœurs  douces, 
d'un  sens  exquis  et  judicieux,  d'un 
esprit  conciliant,  d'un  penchant  ir- 
résistible à  la  bien»faisance  (7),  n'eût 

(7)   Parmi  les  traits  de  bienfaisance  de 


SEM 

point  porté  dans  sa  vie  extérieure 
ces  habitudes  cauteleuses,  cette  in- 
croyable souplesse  de  caractère  et  de 
maximes  à  la  faveur  desquelles  il 
cherchait  à  se  rendre  utile  et  accep- 
table sous  les  régimes  les  plus  op- 
posés, sans  égard  pour  les  impul- 
sions de  sa  conscience  et  de  sa  con- 
viction. Talleyrand,  qui  ne  l'aimait 
point  et  qui  l'appelait  le  vieux  chat^ 
demandait  un  jour  quel  intérêt  il 
avait  à  être  malade.  Cette  plaisan- 
terie résume  assez  bien  le  caractère 
tout  positif  de  Sémonville  et  cette 
constance  de  calcul  à  laquelle  sem- 
blait ne  se  dérober  aucune  circon- 
stance de  sa  vie,  même  les  plus  in- 
différentes. Mais  si  la  recherche  du 
pouvoir,  si  la  poursuite  du  crédit  et 
des  honneurs  fut  son  application 
dominante,  et  l'on  peut  dire  exclu- 
sive, il  est  juste  de  reconnaître  que 
l'ambition  se  montra  chez  lui  géné- 
ralement exempte  de  cet  instinct 
d'égoïsme  et  d'ingratitude  que  cette 
passion    traîne   trop  souvent  à   sa 


Sémonville,  nous  en  citerons  deux,  dont 
l'un  surtout  est  marqué  au  coin  de  la  plus 
iugéuieuse  délicatesse.  Il  avait  assisté  aux 
débuts  d'un  jcnne  iTOiat  au  barreau  d9 
Pari»  et  distingué  son  talent.  Il  l'eogage  à 
entrer  dans  la  magistrature;  le  jeune  homme 
oppose  le  manque  de  fortune."  Qu'à  cela  xio 

•  tienne,  répond  le  grand  -  référendaire  ; 
«  dites-vous:  J'id  là  Sémonville;  un  ancien 
«  ami  de  mon  ]>àre,  qui  a  toujours  cent 
u  louis  à  ma  dispositiou.  Vous  nie  les  reu- 
«  drez  à  moi  ou  ù  mes  entants  quand  vuuà 

•  ierez  riche.  »  L'objet  de  ce  généreux  men- 
longe  est  M.  Cliaix-d'Est-Angc. —  Un  phy- 
sicien, M.  ïabarié,  voulait  expérimenter  à 
Paris  un  procédé  de  son  invention  sur  la 
concentration  de  l'air  appliqué  au  traitement 
de  certaines  maladies.  C'est  en  vain  qu'il 
s'était  adressé  à  différeuts  ministres.  Sé- 
monville en  entend  parler,  s'informe  et  ap- 
prend que  douze  mille  francs  sont  nécessai- 
res pour  établir  l'appareil  :  «Je  me  rej)roche- 
«  rais  toujours,  dit-il,  d'.ivoir  lais.sé  échap- 
«  pcr  pour  douze  mille  fiancs  un  procédé 
«  utile  au  soulagement  de  l'humanité;  les 
"  voilà  :  faites  et  léussissei.  » 


SEM 

suite.  Bien  préférable  sur  ce  point 
comme  sur  plusieurs  autres  à  l'hom- 
me d'État  que  nous  venons  de  citer, 
Séaionville  mettait  ses  aifections  per- 
sonnelles au-dessus  de  la  disgrâce  et 
usait  noblement  de  sa  puissance  et 
de  son  crédit  en  faveur  des  opprimés 
de  tous  les  régimes.  Une  femme  cé- 
lèbre a  dit  de  lui  que  «lorsqu'il  pas- 
sait dans  les  rangs  des  vainqueurs, 
c'était  pour  relever  les  blessés  du 
parti  vaincu.  »  Par  une  rare  et  heu- 
reuse disposition,  l'ingénieuse  sub- 
tilité de  son  esprit  ne  retranchait 
rien  à  la  générosité  de  son  âme,  et 
son  obligeance  universelle  s'exerçait 
souvent  au  profit  de  ses  propres  en- 
nemis. Simple  dans  ses  manières  et 
dans  ses  habitudes  personnelles,  il 
aimait  le  faste,  la  représentation,  et 
dépensait  noblement,  dans  ses  vastes 
appartements  du  Luxembourg,  ses 
splendifles  émoluments.  Ses  salons, 
fréquentés  par  les  sommités  politiques 
de  tous  les  partis,  étaient  comme  un 
terrain  neutre  où  toutes  les  opinions 
se  rencontraient  sans  se  heurter.  On 
retrouvait  au  sein  même  de  son  mé- 
nage ce  partage  de  sentiments  politi- 
ques (8)  qu'il  affectait  d'entretenir 
dansTensembledesafamille.  Madame 
de  Sémonville,  femme  aussi  distinguée 
par  l'élégance  et  la  dignité  de  ses 
manières  que  par  la  finesse  et  l'é- 
tendue de  son  esprit,  y  représentait 
l'ancienne  France,  et  Sémonville  la 
France  actuelle.  Sa  conversation  , 
singulièrement  attachante ,  mais 
empreinte  dans  l'occasion  d'une 
teinte  de  cynisme  assez  prononcée, 


(8)  Séinouville  avait  été  frappé  d'une 
paralysie  par  suite  de  laquelle  il  était  privé 
CM  partie  de  l'usage  du  bras  droit.  Par  une 
coiucideute  assez  curieuse  avec  les  habi- 
tudes doiuiuaiites  de  sa  tactique,  il  écrivait 
ses  lettres  de  la  maiu  gauche  et  les  sigaait 
de  la  droite. 


SEM 


85 


brillait  surtout  par  un  talent  de 
narration  dont  le  charme  était  irré- 
sistible. Parmi  les  anecdotes  qu'il 
aimait  à  raconter,  nous  citerons  la 
suivante,  qui  nous  paraît  marquée 
au  coin  d'une  spirituelle  et  mali- 
cieuse bonhomie.  Lorsque  ,  déjà 
grand-référendaire,  il  alla  en  1814 
faire  sa  cour  au  comte  de  Blacas,  fa- 
vori de  Louis  XVUI,  ce  ministre  lui 
dit  obligeamment  qu'il  le  connais- 
sait depuis   long-temps.  «  Plus  que 

•  vous  ne  croyez,  répliqua  Sémon- 
«  ville,  et  pour  preuve,  vous  sou- 
«  venez-vous  qu'un  jeune  et  noble 
«  émigré  peu  charge  de  fortune , 
«  voyant  passer  un  jour,  à  Turin,  un 
«  ministre  de  la  république  éclatant 
«  d'or  et  de  broderies ,  s'écria  en 
«  courroux  :  Voilà  un  de  ces  traî- 
«  très  qu'il  faudrait  pendre!  Le  gcn- 
«  tilhomme,  c'était  vous  ;  le  traître, 
«  moi.  Plus  tard,  un  émigré  de  mar- 
«  que  se  trouvait  à  Constance,  lors- 
«  qu'il  vint  à  rencontrer  l'ambassa- 
«  deur  de  la  république  française  à 
«  Constantinople.  Parbleu  !  s'ccria 
«  cet  émigré,  voilà  un  coquin  que  je 
«  jetterais  volontiers  dans  le  lac!  Cet 
«  émigré,  monseigneur,  c'était  vous, 
«  et  l'ambassadeur  c'était  moi.  Enfin, 
«  plus  tard  encore,  ce  même  gentil- 
«  homme  apprit  que  l'ambassadeur 
«  français  en  Hollande  s'employait 
«  avec  zèle  à  faire  lever  les  pro- 
«  scriptions  qui  pesaient  sur  lesémi- 
«  grés.  Cet  ambassadeur,  dites-vous, 
«  est  moins  noir  que  je  ne  le  faisais, 
«  et,  de  plus,  il  est  habile,  car  il  sert 
«  les  véritables  intérêts  de  son  nou- 

•  veau  maître.  Eh  bien!  monsei- 
«  gneur,  cet  ambassadeur,  c'était  en- 
«  core  moi!  »  Sémonville  savait  con- 
server en  présence  des  plus  hauts 
personnages  le  sang -froid  remar- 
quable, le  piquant  esprit  de  repartie 
dont  il  était  si  éminemment  doué. 


SEN 


SEN 


Un  jour  qu'il  accompagnait  le  roi 
Louis -Philippe  dans  les  salons  de 
Versailles,  ce  prince  lui  dit  avec 
une  intention  maligne ,  en  mon- 
trant un  tapis  fleurdelisé  :  «  Allons, 
«  M.  de  Sémonville  ,  asseyez-vous 
«  là.  —  Sire,  répondit  l'ex-référen- 
«  daire,  si  je  m'asseyais    sur    ces 

•  fleurs  de  lis,  je  ne  les  verrais  pas!  » 
Un  autre  jour,  le  même  prince  s'ar- 
rêtant  avec  lui  en  face  du  lit  de 
Louis  XIV  :  •  C'est  donc  là,  s'écria- 
■  t-il,   que  couchait  le  grand  roi! 

•  —  Oui  ,   sire ,    repartit   Sémon- 

•  ville  avec  un  malin  soupir,  mais 
«  personne  n'y  couche  aujourd'hui!  • 
Le  marquis  de  Sémonville  avait 
épousé  mademoiselle  de  Rostain  , 
veuve  en  premières  noces  du  comte 
de  Montholon,  belle-mère  par  l'aî- 
née de  ses  lilles  du  général  de 
Sparre,  par  l'anlre  du  général  Jou- 
bert,  et  plus  tard  du  maréchal  Mac- 
donald.  Il  n'en  a  pas  eu  d'enfants. 
Une  ordonnance  de  Louis  XVllI  a 
autorisé  le  comte  Louis-Désiré  d« 
Montholon,  l'un  de  ses  beaux-fils,  à 
hériter  après  sa  mort  de  son  rang, 
de  ses  titres  et  de  ses  qualités.  Indé- 
pendamment des  Mémoires  encore 
manuscrits  dont  il  a  été  parlé  dans 
le  cours  de  cet  article,  Sémonville  a 
laissé  un  travail  également  inédit  en 
faveur  du  parlement  de  Paris,  L'au- 
teur de  la  France  littéraire  lui  a  at- 
tribué des  Réflexions  sur  les  pou- 
voirs des  Èlats- généraux,  Paris, 
1788.  B— ÉE. 

SEXAJl,  le  plus  ancien  poète 
mystique  des  Persans,  né  à  Gas- 
nah,  y  mourut  l'an  576  de  l'Hégire 
(1180  de  notre  ère).  Il  avait  composé 
sous  le  nom  At  Parterre  un  recueil 
de  vers  où  il  développait  les  doctri- 
nes les  plus  raffinées  et  les  plus  sub- 
tiles de  r.ii<c('lisme  musulman.  M.  de 
Hammer  possède   un  manuscrit  de 


cet  ouvrage,  et  il  en  a  donné  des  ex- 
traits dans  son  Histoire  (en  alle- 
mand) des  belles-lettres  en  Perse, 
p.  102etsuiv.  B— N— T. 

SÉNANCOUR  (  Etienne  Pivert 
DE),  écrivain  moraliste,  fils  d'un  con- 
trôleur des  rentes,  naquit  à  Paris  en 
1770.  Il  fit  ses  éludes  au  collège  de 
la  Marche,  et,  à  la  sortie  de  cette  in- 
stitution, son  père  ayant  remarqué 
apparemment  la  tendance  du  jeune 
homme  vers  les  idées  philosophi- 
ques de  l'époque,  voulut  le  faire  en- 
trer au  séminaire  -,  celui-ci  préféra  se 
soustraire  à  l'autorité  paternelle,  qui 
n'avait  pas  su  se  faire  aimer,  et  s'en 
alla  en  Suisse  pour  suivre  son  pen- 
chant vers  la  vie  rêveuse  el  indé- 
pendante, liéjà,  dans  son  enfance,  il 
avait  aimé  les  lieux  solitaires,  les 
excursions  dans  les  bois,  le  séjour 
au  milieu  d'une  nature  sauvage.  Il 
dit,  en  parlant  des  promenades  qu'il 
faisait  alors  avec  sa  mère  dans  la  fo- 
rêt de  Fontainebleau  :  •  J'aimais  les 
«  fondrières,  les  vallons  obscurs,  les 

•  bois   épais;  j'aimais  les  collines 

•  couvertes  de  bruyère;  j'aimais 
«  beaucoup  If.s  grès  renversés,  les 
«  rocs  ruineux  :,  j'aimais  bien  plus 
«  ces  sables  vastes  et  mobiles  dont 

•  nul  pas  d'hoiume  ne  marquait  l'a- 

•  ride  surface  sillonnée  çà  et  là  par 
«  la  trace  inquiète  de  la  biche  ou  du 
«  lièvre  en  fuile.»  Ailleurs  il  dit  qu'il 
éprouvait  un  sentiment  de  paix,  de 
liberté,  de  joie  sauvage,  toutes  les 
fois  qu'il  trouvait  dans  cette  forêt  un 
endroit  découvert  et  fermé  de  toutes 
parts,  où  il  ne  voyait  que  des  sables 
et  des  genièvres.  On  peut  juger, 
d'après  cet  aven,  s'il  devait  aimer  la 
Suisse.  Après  avoir  erré  dans  plu- 
sieurs parties  de  ce  pays,  il  s'établit 
chez  une  famille  du  canton  de  Fri- 
bourg,  et  bientôt  après  il  se  maria 
avec  une  personne  de  cette  famille 


SEN 


SEN 


87 


Il  n'avait  alors  que  vingt  ans,  point 
de  fortune,  et  encore  moins  d'espoir 
d'en  acqiie'rir  au  milieu  des  troubles 
de  la  révolution,  pendant  lesquels  il 
fut  de'claré  e'migré.  Quoique  une  pa- 
reille déclaration  entraînât  alors  de 
graves  dangers,  poussé  par  la  néces- 
sité et  par  l'amour  filial,  il  lit  un 
voyage  à  Paris;  fut  arrêté,  puis  rendu 
à  la  liberté,  et,  dans  un  temps  plus 
tranquille,  il  rint  se  fixer  en  France, 
Après  la  perte  de  ses  parents  et  de 
sa  fenmie,  il  devint  encore  pins  rê- 
veur et,  mena  une  vie  plus  solitaire 
que  jamais;  il  n'avait  plus  d'illu- 
sions, et  ses  yeux  à  demi  fermés, 
comme  il  dit,  n'étaient  plus  éblouit 
par  rien.  C'est  dans  cette  triste 
disposition  d'esprit  qu'il  mit  par 
écrit  ses  rêveries  et  les  fruits  de 
ses  méditations.  La  publication  d'un 
jiremier  essai  en  1798nef'ui  pas  heu- 
reuse. L'année  suivante,  il  fit  paraître 
à  Paris  un  volume  plus  considérable 
suus  le  titre  de  Rêveries  sur  la  nature 
primitive  de  l'homme,  dont  la  3*  édit. 
est  de  1833.  N'ayant  ni  l'éloquence 
du  style  de  Rousseau,  ni  le  charme 
de  celui  de  Bernardin  de  Saint- 
Pierre,  il  ne  put  obtenir  le  succès 
de  ces  deux  écrivains  sur  les  tra- 
ces desquels  il  marchait.  Grave  et 
iiustère,  il  ne  plut  qu'à  un  petit 
nombre  de  penseurs.  L'auteur  a 
d'ailleurs  peu  d'idées  d'une,  utilité 
jjratique  et  applicables  à  l'état  actuel 
de  la  société.  «  Le  type  auquel  il  rap- 
-  porte  constamment  la  société  pré- 
«  sente,»  dit  M.  de  Sainte-Beuve  (1) 
sur  cet  ouvrage,  «  c'est  un  certain 
«  état  antérieur  a  l'homme,  état  pa- 
«  triarcal,  nomade,  participant  de  la 
«  vie  des  labouieurs  et  des  pasteurs, 
•  sans  professions  déterminées,  sans 


(i)  Art.  Sénancour  àiitia  le  tome   l*^'  des 
Portraits  eonttwi:oratn!,  Pdiif,  i846. 


•  classement  de  travaux,  sans  héri- 

•  tages  exclusifs,  où  chaque  indi- 
«  vidu  possède  en  lui  les  éléments 

•  communs  des  premiers  arts,  la 
«  généralité  des  premières  notions, 

•  la  jouissance  assidue  des  pâtura- 
a  ges  et  des  montagnes.  A  partir  de 

•  là,  tout  lui  paraît  déviation  et 
«  chute,  désastre  et  abîme.  Il  a  de- 

•  vaut  les  yeux, comme  un  fantôme, 

•  les  funérailles  de  Palmyre  et  le 

•  linceul  de  Persépolis;  il  voit,  par 
«  les  progrès  de  l'industrie  et  l'u- 

•  sage  immodéré  du  feu,  le  globe 

•  lui-même  altéré  dans  son  essence 
'  chimique  et  se  hâtant  vers  une 
«  morte  stérilité.  Le  genre  humain 
«  en  masse  est  perdu  sans  retour; 

•  il  se  rue  en  délire  selon  une  pente 

•  de  plus  en  plus  croulante  ;  il  n'y  a 
«  plus  de  possible  que  des  proiesta- 
«  lions  isolées ,  des   fuites  indivi- 

•  duelles  au  vrai...»  En  1804,Sénan- 
cour  lança  dans  le  monde  son  Ober- 
mann,  2  vol.  in-S",  autre  fruit  des 
rêveries  de  son  esprit  chagrin.  Dans 
cet  ouvrage,  pour  nous  servir  des 
expressions  du  littérateur  déjà 
cité,  «  c'est  à  la  fois  un  psycholo- 

•  giste  ardent,  un  lamentable  élé- 

•  giaque  des  douleurs  humaines  et 
«  un  peintre  magnifique  de  la  réa- 
«  lilé.  Il  n'y  a  pas  de  roman  ni  de 

•  nœud  dans  ce  livre  :  Obermann 

•  voyage  dans  le  Valais,  vient  à  Fon- 
«  tainebleau,  retourne  en  Suisse,  et, 
«  durant  ces  courses  errantes  et  ces 

•  divers  séjours,  il  écrit  les  senli- 

•  raents  et  les  réflexions  de  son  âme 
.  à  son  ami.  L'athéisme  et  le  fata- 
«  lisme  dogmatique  des  Rêveries 
.  ont  fait  place  à  un  doute  univer- 

•  sel  non   moins  accablant,  à  une 

•  initiation  de  liberté  qui  met  eu 

•  nous-mêmes  la  cause  principale 
u  du  bonheur  ou  du  malheur,  mais 
«  de  telle  sorte  que  nous  ayons  be- 


8B 


SEN 


h  soin  encore  d'être  appuyés  de  tous 
•  points  par  les  choses  existantes.  » 
Ainsi  que  tous  les  ouvrages  de  Se'- 
nancour,  celui-ci  se  compose  d'une 
suite  de  pense'es  unies  sans  beau- 
coup d'art.  Toutes  les  questions  so- 
ciales y  sont  touche'es  -,  dans  le  per- 
sonnage sceptique  qui  en  est  le  hé- 
ros, qui  ne  sait  ce  qu'il  est  ^  ce 
qu'il  aime,  ce  qu'il  veut;  qui  gé- 
mit sans  cause,  qui  désire  sans  ob- 
jet et  qui  7ievoit  rien,  sinon  qu'il 
n^ est  pas  à  sa  place;  enfin  qui  se 
traîne  dans  le  vide  et  dans  un  in- 
fini désordre  d'ennuis ,  comme  dit 
l'auteur,  il  est  aise  de  voir  que  Sé- 
nancour  a  peint  l'état  bizarre  de 
son  âme.  Il  y  a  de  belles  pages 
inspirées  surtout  par  l'aspect  des 
Alpes,  et  c'est  très-probablement  ce 
qui  a  valu  à  Obermann  plus  de  suc- 
cès qu'aux  autres  ouvrages  du  même 
auteur.  La  deuxième  édition  a  paru 
en  1833  avec  une  préface  de  M.  de 
Sainte-Beuve,  et  la  troisième  avec 
une  préface  de  George  Sand.  Un 
an  après  Obermann  ,  Sénancour 
fit  paraître  son  ouvrage  De  l'a- 
mour selon  les  lois  primordiales 
et  selon  les  convenances  des  socié- 
tés modernes^  qui  fut  augmenté 
dans  la  troisième  édition,  publiée  en 
1828  in-8%  de  plusieurs  passages, 
entre  autres  d'une  défense  de  la 
loi  du  divorce,  qui  venait  d'être 
supprimée.  La  quatrième  édition  pa- 
rut en  1834,  2  vol.  Cel  ouvrage  est 
comme  les  autres,  peut-être  un  peu 
plus  encore,  parsemé  de  paradoxes 
et  d'idées  étranges,  pour  ne  pas  dire 
bizarres.  Il  y  met  la  vertu  dans  la 
satisfaction  de  ceux  de  nos  désirs 
qui  ne  nuisent  point  à  notre  pro- 
chain; il  va  jusqu'à  prétendre  que 
l'affection  des  enfants  pour  leurs  pè- 
res n'est  pas  dans  la  nature ,  peut- 
4tre  est-ce  par  souvenir  de  la  ru- 


SEN 

desse  ou  de  la  sévérité  avec  laquelle 
il  avait  été  traité  par  son  propre 
père.  Quoique  écrivant  sur  l'amour, 
l'auteur  proscrit  toutes  les  passions, 
et  veut  que  l'homme  ne  se  laisse  gui- 
der que  par  la  raison. Tout  cela  n'em- 
pêche pas  Sénancour  de  semer  ces 
rêveries  de  pensées  profondes  et  d'é- 
crire des  passages  aussi  remarqua- 
bles par  le  fond  que  par  la  forme. 
C'est  peut-être  pour  cela  que  le  vieui 
chevalier  de  Boufflers,  en  rendant 
compte  de  l'Amour  dans  le  Afercure 
de  France,  salua  gravement  l'auteur 
comme  poète  et  comme  philosophe. 
Ceux  qui  ont  examiné  le  fond  de 
l'ouvrage  y  ont  vu  tout  autre  chose. 
Il  leur  semble  que  *  dans  ce  livre 

•  l'auteur  dévoile  complètement  sa 
«  doctrine  égoïste  et  solitaire:  que 
«  l'individualisme  y  est  poussé  jus- 
«  qu'aux  conséquences  les  plus  im- 
«  pures  et  les  plus  inouïes;  que  si 
«  madame  de  St;iëi  a  dit  de  l'amour 
«  que  c'était  de  l'égoïsme  à  deux, 
«  l'amour  est  pour  Sénancour  la 
«  réunion  de  deux  égoïsmes;  enfia 
«  que  c'est  dans  son  livre  sur  l'a- 
«  mour  qu'il  a  exprimé  la  pensée  à 
«  laquelle  il  était  arrivé  et  qu'il  n'a 

•  pas  osé  s'avouer  à  lui-même  dans 

•  son  Obermann  {i).'  La  révolution 
n'avait  pu  entraîner  Sénancour  ni  le 
faire  sortir  de  ses  rêveries.  Il  en  fut 
de  même  de  l'époque  de  l'empire  ; 
mais  à  la  chute  de  Napo'éou  il  se 
lança  un  moment  dans  le  champ  de  la 
politique,  toujours  au  profit  de  ses 
vœux  et  de  ses  idées.  11  publia  alors 
de  Simples  observations  soumises  au 
congres  de  Vienne  par  un  habitant 
des  Vosges ,  et  la  Lettre  d'un  habi- 
tant des  Vosges  sur  MM.  Buona- 


(2)  Hip.  Fortoul,  De  l'an,  ociutl,  dans  le 
tome  LIX  de  la  Revut  tnejdopedique.  Pan-, 
i83J. 


SEN 


SEN 


89 


parte,  de  Chateaubriand.,  Grégoire, 
Barriiel,  etc.,  1814.  Sous  la  Restau- 
ration, cet  habitant  des  Vosges,  faute 
de  ressources,  sortit  de  sa  solilude 
pour  se  mêler  au  mouvement  litté- 
raire de  Paris,  et  prit  part  à  des  entre- 
prises de  librairie  et  à  la  rédaction 
des  journaux,  surtout  des  journaux 
libéraux.  C'est  ainsi  que  pour  la  Bi- 
bliothèque populaire  il  fit  le  Vocabu- 
laire de  simple  vérité,  2^  édit.,  1834, 
et  pour  la  Collection  des  petits  résu- 
més historiques  il  écrivit  le  Résumé 
de  Vhistoire  de  la  Chine,  Paris,  182 i, 
2®  édit.,  1827,  et  celui  des  Tradi- 
tions morales  et  religieuses  chex 
,  tous  les peuples^^aris,  1825-,  2®  édit., 
1827.  Dans  ces  ouvrages  positifs,  on 
ne  l'entend  plus  prédire  la  fin  pro- 
chaine de  notre  globe,  ni  essayer  de 
nier  l'amour  filial  ;  mais  il  conserve 
son  indifférence  pour  la  foi  chrétienne. 
A  ses  yeux  la  religion  des  anciens  let- 
trés de  la  Chine  contient  les  plus  sai- 
nes et  les  plus  nobles  idées;  et  dans  un 
article  qu'il  écrivit  en  1828  dans  la 
Revue  encyclopédique  sur  l'ouvrage 
de  M. Salvador,  relatif  aux  institutions 
de  Moïse,  il  affirme,  avec  l'auteur  de 
cet  ouvrage,  que,  quant  aux  meilleures 
maximes  de  morale,  il  ne  s'en  trouve 
dans  les  livres  du  christianisme  au- 
cune qui  ne  fît  partie  de  ceux  de 
David,  de  Salomon,  d'Isaïc  ou  bien 
du  Pentateuque  ;  encore  l'enseigne- 
ment de  la  sagesse  se  trouve,  selon 
lui,  chez  des  nations  plus  anciennes. 
«  Toute  cette  organisation  civile  ou 

•  politique  des  États,  dit-il,  doit  va- 
«  rier  selon  les  temps  ou  les  climats, 
«  et  elle  dépend  aussi  des  opinions 
«  systématiques  ou  même  des  pas- 
«  sions  du  législateur.  Au  contraire, 
«  la  morale  est  à  peu  près  la  même 

•  en  tous  lieux  ;  c'est  la  loi  iiuposée 
«  sans  exception  à  l'espèce  humaine, 
a  La  morale  est  tellement  sûre,  tel- 


«  lemeut  égale  dès  que  les  erreurs 
«  accidentelles  cessent  de  nous  trou- 
«  bler,  que  nos  institutions  les  plus 
«  opposées  à  d'autres  égards  se  bor- 
«  nent  à  la  modifier  faiblement.  • 
Le  Résumé  des  traditions  morales 
€t  religieuses  lui  attira  en  1827  un 
procès  devant  la  police  correction- 
nelle, où  il  fut  accusé  d'irréligion 
pour  n'avoir  parlé  de  Jésus-Christ 
que  comme  d'un  sage.  Mais  l'affaire 
ayant  été  portée  par  appel  devant  la 
cour  d'assises,  l'auteur  fut  renvoyé 
absous.  On  pense  l)ien  que  Sénancour 
ne  voyait  rien  de  poétique  dans  le 
christianisme,  du  moins  dans  les  égli- 
ses chrétiennes  telles  qu'elles  exis- 
tent 5  aussi,  loin  de  partager  l'enthou- 
siasme de  M.  de  Chateaubriand,  le 
combattit-il  par  sesObservations stir 
le  Génie  du  Christianisme ,  qui  ue 
parurent  qu'en  1816,  parce  que  Sé- 
nancour n'avait  pas  voulu,  dit-on, 
critiquer   sous  l'empire  uu   auteur 
qui   était  alors  en  disgrâce.  A  ses 
résumés  historiques    il    faut    join- 
dre celui  de  VHisloire    romaine, 
1827,   2  vol.   in-18.    Ces   travaux 
avaient  été  précédés  des  Libres  mé- 
ditations d'un  solitaire  inconnu  sur 
le  détachement  du  monde  et  sur  d'au- 
tres   objets     de    la    morale    reli- 
gieuse, Paris,  1819,  in-8»5  S'' édit., 
1838.  Sur  cet  ouvrage,  !e  critique 
que  nous  avons  cité   plusieurs  fois 
porte  ce   jugement  exprimé  peut- 
être  un  peu  trop  poétiquement  :  «  Si 
«  notre  reproche   sincère  tombe  en 
«  plein  sur  plusieurs  écrits  du  res- 
«  pectable  philosophe,  les  Librei 
«  méditations,  quoique  rentrant  dans 
«  la  même  vue  générale,  échappent 
«  tout  à  fait  au  blâme,  grâce  à  l'es- 
•  prit  de  condescendance  infinie  et 
«  de  mansuétude  évangélique  qui  les 
"  a  pénétrées.  C'est  une  sorte  de  ves- 
«  tibule  hospitalier,  un  peu  un,  foil 


90 


SEN 


«  vaste,  où  aboutissent  les  diverses 
«  entrées  du  temple,  et  dans  lequel 
«  sont  assis  ou  prosterne's  les  anti- 
«  ques  Orientaux  ,  les  anachorètes 
«  du  Gange,  Thamyris  et  Confucius, 

•  Pythagore  et  Salomon,  Marc-Au- 

•  rèle  et  Nathan-le  Sage,  et  même 
«  l'auteur  voilé  de  V Imitation;  leur 
«  parole  rare  se  distingue  lentement 
«  sous  l'orgue  lointain  des  sanctuai- 
"  res....  Je  recommande  tout  ce  li- 
«  vre,  qui  est  une  belle  fin  conso- 

•  lante  à  me'diter.  »  Se'nancour  n'é- 
tait pas  un  auteur  propre  à  com- 
poser des  romans;  cependant,  à 
l'époque  oii  il  était  lancé  dans  la  lit- 
térature et  où  il  faisait  des  résumés 
et  des  articles  de  journaux,  il  publia 
le  roman  û'Jsabelle,  Paris ,  1833  , 
in-S".  L'essai  ne  fut  pas  heureux  et 
n'obtint"  pas  l'approbation  de  la 
presse   périodique.  On  le  traita  de 

•  livre  écourté  et  sans  charme,  ayant 
«  peu  de  portée  dans  les  théories, 
«  peu  de  netteté  dans  les  conclu- 
«  sions ,  pas  de  grandeur  dans  leg 
«  idées,  et  présentant,  au  lieu  de  la 
«  prose  grave  et  harmonieuse  d'O- 

•  bermann^  une  aridité  triviale,  une 
«  sorte  de  panthéisme  qui  anime  la 

•  nature  aux  dépens  de  l'humanité, 
«  et  où  les  bruits  de  la  terre  ont  une 
«  voix  plus  significative  que  la  parole 
«  de  l'homme  (3).  »  Ses  dernières  an- 
nées furent  attristées  par  des  ma- 
ladies douloureuses.  Il  mourut  à 
Saint-Cloud  en  janvier  1846,  après 
avoir  été  perclus  de  ses  membres  à 
la  suite  de  ses  accès  de  goutte. 
M.  Thiers,  en  sa  qualité  de  ministre 
de  l'intérieur,  lui  avait  fait  une  pen- 
sion, et  M.  Villemain,  quand  il  avait 
eu  le  ministère  de  l'instruction  pu- 
blique, lui  en  avait  donné  momenta- 
néiuent  une  autre,  et  il  était  allé  lui  en 

(H)  Ibidem. 


SEN 

porter  l'assurance  écrite.  Vllhislra- 
tion  du  31  janvier  1846  a  publié  le  por- 
trait de  Sénancour  en  ajoutant,  dans 
le  texte  •  qu'il  était  petit  de  taille, 
délicat  et  grêle,  que  ses  traits  avaient 
de  la  finesse,  de  la  distinction,  et  un 
air  de  jeunesse  qu'ils  conservèrent 
jusqu'à  l'âge  le  plus  avancé  ;  enfin, 
que  son  front  était  large,  ouvert, 
ombragé  de  cheveux  blonds  et 
soyeux.  ••  Il  avait  eu  de  son  mariage 
deuxenfanis,  un  fils  qui  suit  la  car- 
rière militaire ,  et  une  fille,  auteur 
comme  son  père,  mais  dans  un  genre 
moins  sérieux.  D— g. 

SÉNARMONT  (Alexandre-An- 
toine Bureau  de),  général  français, 
l'un  des  plus  distingués  des  armées 
de  la  république  et  de  l'empire,  na- 
quit le  11  avril  1769  à  Strasbourg, 
où  son  père,  alors  capitaine  d'artil- 
lerie, était  chargé  d'une  manufac- 
ture d'armes  (1).  Après  avoir  fait 
ses  études  à  l'école  militaire  de  Ven- 
dôme, il  entra  au  collège  de  Saint- 
Louis  à  Metz,  et  fut  reçu  élève  d'ar- 
tillerie en  1784,  lieutenant  au  régi- 
ment de  Besançon  ,  puis  à  celui  de 
Toul,  et  devint,  en  1792,  capitaine 
en  second  d'une  compagnie  d'ou- 
vriers qu'il  suivit  à  l'armée  des  Ar- 
dennes.  Nommé  bientôt  premier  ca- 
pitaine, il  fut  employé  dans  la  place 
de  Philippeville,  où  il  épousa,  vers 
la  fin  de  1793,  madeiiioiselle  Hiifly, 
fille  d'un  ancien  procureur  du  roi. 


(i),  Alexandre-Frauçois  Hureau  de  Sé- 
u^iraiont  était  le  fila  d'un  (•ai)itaine  d'infan- 
terie, chevalier  de  Saint-Louis,  tué  au  siège 
de  Spire  en  i']55.  Son  grand-oncle,  capi- 
taine aide-major,  avait  été  tué  de  se()t  coups 
de  feu  à  la  bataille  de  Cassant  en  1709,  et 
un  de  ses  ai rièic-grands-oncles  avait  péri 
delà  incine  manière  aiTsiége  d'Alh  en  i(i()7. 
D'autres  olliciers  de  cette  famille  élaieut 
rnoils  également  sur  le  iharop  de  i)  r.iillc. 
Enfin  on  peut  dire  sans  exagératioii  r|u<f  peu 
do  famdlcs  ont  réuni  autant  de  gluil'u  cl 
d'iliustialiuii'î  nulitsiic'.. 


SEN 

Envoyé  au  commencement  de  1794 
à  l'aile  gauche  de  l'arme'e  des  Ar- 
df  unes  qui  manœuvrait  sur  la  Sam- 
l)re,sous  les  ordres  de  Charbonnier 
et  de  Desjardins,  pour  s'emparer  de 
Charleroi ,  il  eut  part  à  toutes  les 
alternatives  de  succès  et  de  revers 
qu'essuyèrent  ces  deux  géne'raux, 
et  mérita  d'être  mentionné  dans  un 
rapport  officiel.  Il  reçut  même  à 
cette  occasion  du  comité  de  sa- 
lut public  une  lettre  fort  hono- 
rable. L'armée  de  la  Moselle 
étant  ensuite  venue  sur  cette  fron- 
tière, après  sa  belle  marche  à  tra- 
vers les  Ardennes,  et  toutes  ces  di- 
visions ayant  été  réunies  sous  le 
nom  d'armée  de  Sambre- et -Meuse, 
Jourdan  en  prit  le  commandement  en 
chef,  et  rempona  la  victoire  de  Fleu- 
rus  à  laquelle  SéiiaruK/nt  eut  quel- 
que part  en  dirigeant  l'artillerie  du 
corps  de  Kléber  à  l'aile  gauche.  Il 
concourut  aussi  un  peu  plus  tard  à 
la  |)rise  de  Maestricht,  et  fut  nommé 
chef  de  bataillon  le  23  novembre 
1794.  Atteint  alors  de  la  petite  vé- 
role, il  fut  obligé  de  rester  pendant 
plusieurs  mois  à  Givet.  A  peine  ré- 
tabli ,  il  concourut  au  siège  |de 
Luxembourg,  et  prit  le  comman- 
dement de  l'artillerie  de  cette  place 
lorsqu'elle  fut  au  pouvoir  des  Fran- 
çais. Dans  les  campagnes  de  1796 
et  1797  il  commanda  le  parc  de  l'ar- 
mée de  Sambre-et-Meuse  sous  Ho- 
che et  Beurnonville,  puis  il  fut  dis- 
tingué par  le  gouvernement  de  ce 
temps-là  et  appelé  dans  la  capitale, 
pour  y  faire  partie  du  comité  d'ar- 
tillerie. Il  occupait  cette  place  im- 
portante en  1799,  à  l'époque  du  18 
brumaire.  Bienlôl  remarqué  par  ce- 
lui que  cette  révolution  avait  con- 
duit au  pouvoir  suprême,  il  fut 
chargé,  dans  le  mois  de  mars  1800, 
d'un  commaudemenl  dans  l'armée 


SEN 


9t 


de  réserve,  destinée  k  réparer  en  un 
jour  toutes  les  pertes  que  la  France 
avait  faites  depuis  deux  ans.  Ce  fut 
lui  qui,  dans  cette  mémorable  cam- 
pagne de  Marengo,  conduisit  l'ar- 
tillerie sur  le  mont  Saint-Bernard 
et  sous  le  canon  du  fort  de  Bard, 
puis  au  passage  du  Pô,  où  il  jeta  des 
ponts  avec  une  vitesse  prodigieuse, 
admirée  et  récompensée  aussitôt 
par  le  premier  consul,  qui  le  fit 
colonel  et  lui  donna,  dès  que  la  paix 
fut  signée,  le  commandement  du  6® 
régiment  d'artillerie  à  Rennes.  Sé- 
narmont  passa,  en  1804,  au  camp  de 
Boulogne  où  il  commanda  le  person- 
nel de  l'équipage  de  siège  destiné 
à  la  conquête  de  l'Angleterre,  mais 
qui  fut  bientôt  détourné  de  cette 
difficile  entreprise  pour  envahir 
l'Autriche.  Ce  fut  surtout  dans  cette 
brillante  campagne  qu'il  se  fit  re- 
marquer par  son  habileté,  son  zèle 
et  sa  prodigieuse  activité.  Personne 
ne  pouvait  mieux  que  Napoléon  ap- 
précier de  tels  avantages.  Dans  les 
nombreuses  promotions  qui  accom- 
pagnèrent son  avènement  à  l'empire, 
le  brave  colonel  du  6^  d'artillerie  ne 
devait  pas  être  oublié  ;  cependant  le 
souverain  maître  hésitait  encore. 
'Vous  êtes  bien  jeune,  lui  dit-il 
«  un  jour.  —  Sire,  j'ai  votre  âge,  » 
répondit  vivement  Sénarmont.  Cette 
brusquerie  qui,  dans  tout  autre 
cas,  eût  déplu,  ne  choqua  point 
l'empereur,  ou  du  moins  il  n'en  lit 
rien  paraître,  et  Sénarmont  fut  nom  - 
mé,  le  3  mai  1805 ,  sous-chef  de  l'é- 
tat-major-général  d'artillerie.  Ce  fut 
en  cette  qualité  qu'il  assita  à  la  ba- 
taille d'Austerlitz  où ,  chargé  d'oc- 
cuper la  position  importante  de 
Santen,  à  l'aile  gar.chc,  il  s'y  main- 
tint avec  la  plus  gi  amie  fermeté  con- 
tre les  attaques  réitér('cs  du  général 
russe  Bagration,  ce  dont  il  reçut  de 


92 


SËN 


nombreuses  félicitations.  Cependant 
il  n'obtint  point  encore  l'avancement 
qu'il  avait  droit  d'attendre  ;  ce  n'est 
qu'au  mois  d'août  180G  qu'il  fut 
nommé  général  de  brigade  et  com- 
mandant de  l'école  de  Metz.  Ce  der- 
nier titre  n'était  guère  qu'honori- 
fique ,  car  il  resta  toujours  sous- 
chef  de  l'état -major -général  à  la 
grande  armée,  puis  chef  de  l'artille- 
rie au  7*  corps  que  commandait  Au- 
gereau.  Il  assista  aux  batailles d'Iéna, 
de  Golymin  et  d'Eyiau,  où  il  se  si- 
gnala encore  par  son  habileté  et 
sa  bravoure.  Mais  ce  qui  le  distin- 
guait plus  particulièrement  des  au- 
tres chefs,  c'était  sa  haine  pour  le 
pillage  et  les  désordres  qui  ont  trop 
souvent  accompagné  et  flétri  les  plus 
honorables  lauriers.  Ces  généreux 
sentiments  se  peignent  bien  dans  une 
de  ses  lettres  de  cette  époque.  «  Ja- 

•  mais  campagne  n'a  été  si  dure,  et 

•  jamais  les  excès  si  affreux  et  si 
o  motivés,  s'il  peut  y  en  avoir  qui  le 
«  soient.  Je  suis  las,  archi-las  de  ce 
«  métier  qui  n'a  plus  rien  d'honora- 

•  ble  sous  quelque  point  de  vue  qu'on 
«  veuille  l'envisager.  Je  dois  cette 
«  justice    au   maréchal    Augereau  , 

•  qu'il  a  maintenu  sou  corps  d'ar- 
«  mée  dans  la  meilleure  discipline, 
«  relativement  aux  autres,  et  que 
o  lui-même  a  donné  l'exemple  d'une 

•  intégrité  et  d'un  désintéressement 
«  dont  il  n'a  pas  la  réputation  ;  mais 
«  il  n'a  pu  empêcher  que  le  besoin 
«  et  l'exemple  ne  perdissent  son 
«  corps  d'armée.  »  On  sait  combien 
eut  à  souffrir  dans  cette  terrible  ba- 
taille d'Eyiau  le  malheureux  septiè- 
me corps.  Toujours  au  poste  le  plus 
périlleux,  ce  ne  fut  que  par  une 
sorte  de  miracle  que  Sénarmont 
♦'fliappa  encore  une  fois  à  la  mort. 
Rien  de  plus  touchant  que  les  sim- 
ples expressions  dont  il  se  servit 


SEN 

pour  en  faire  part  à  son  frère.  «  Oui, 
«  très  -  certainement,  la  Providence 
«  veillait  sur  moi  à  Preussich-Ey- 

•  lau,  ou  j'ai  porié  mon  artillerie  k 

•  250  toises  en  avant  de  ma  première 
«  position,  avec  la  ferme  conviction 
«  que  j'allais  être  tué,  et  je  vous  di- 
«  sais  à  tous  mentalement  un  éter- 
«  nel  et  tendre  adieu «  Ce  der- 
nier trait  rappelle  bien  le  vers  où 
Virgile  exprime  avec  tant  de  sensibi- 
lité la  dernière  pensée  d'un  guerrier  : 

Dulces  inoiiens  remintscitur  Argos. 

Après  la  dissolution,  ou  plutôt  l'a- 
néantissement du  7«  corps,  Sénar- 
mont fut  nommé  au  commandement 
de  l'artillerie  du  1^''  qui  couvrait  le 
siège  de  Dantzick,  sous  les  ordres  de 
Victor,  et  qui  ne  tarda  pas  à  repren- 
dre à  l'aile  gauche  de  la  grande  armée 
la  place  qu'il  tint  si  glorieusement  à 
la  bataille  de  Friediand,  la  dernière 
de  cette  guerre,  où  Sénarmont  joua 
un  si  beau  rôle.  Ce  fut  là  qu'il  donna 
à  l'artillerie  une  impulsion  qui 
étonna  Bonaparte  lui-même.  Voyant 
ce  brave  général, qui  avait  concentré 
toute  l'artillerie  du  1^"^  corps  et 
allait  attaquer  avec  elle  seule  le  cen- 
tre de  la  ligne  russe  à  cent  toises  de 
ses  batteries,  il  le  crut  gravement 
compromis,  et  dépêcha  son  aide-de- 
camp  Mouton  pour  connaître  la 
cause  d'un  pareil  mouvement.  «  Lais- 
sez-moi faire,  répondit  Sénarmont 
emporté  par  son  ardeur,  je  réponds 
de  tout  /  »•  Et  quand  l'aide-de-camp 
revint,  l'empereur  avait  déjà  jugé  la 
manœuvre;  il  dit  en  souriant:  "Ces 
artilleurs  sont  de  ruauvaises  iêles  qui 
voient  quelquefois  mieux  que  nous; 
laissons-les  faire.»  Et,  en  effet,  ce 
mouvement  audacieux  avait  décidé  la 
victoire.  Napoléon  le  reconnut  fran- 
chement en  disant  :  ■  Sénarmont . 
vous  avez,  fait  mon  succès.  -^  Et  il  y 


SEN 


SEN 


9  S 


mit  d'autant  plus  d'importance  que 
cette  manœuvre  rentrait  dans  ses  pro- 
pres idées  sur  l'emploi  de  l'artillerie. 
Il  n'en  avait  pas  encore  vu  d'appli- 
cation aussi  positive ,  aussi  heureu- 
sement exécutée ,  et  il  s'en  servit 
depuis  avec  beaucoup  de  succès  dans 
plusieurs  occasions,  notamment  à 
Wagram.  Celte  bataille  de  Fried- 
land  est  sans  contredit  celle  où  Sé- 
naniiont  déploya  le  plus  d'habileté 
et  de  valeur.  Il  est  curieux  de  voir, 
après  une  aussi  belle  journée  com- 
ment il  enrendit  compte  à  son  frère. 
• ...  Nous  fûmes  placéssur  quatre  li- 
«  gnes derrière  les  grenadiers  réunis; 

•  à  gauche  un  ravia,  à  droite  un  bois, 
«  nul  moyen  de  se  tourner  des  deux 
«  côtés:  il  fallait  s'attaquer  de  front 
«  et  s'enfoncer.  On  me  laissa  le  maî- 
n  tre  absolu  de  placer  et  diriger  mon 
«  artillerie  composée  de  30  pièces. 

•  J'en  formai  deux  batteries  de  15 
«  chacune ,  et  j'en  flanquai  notre 
«  front  à  droite  et  à  gauche,  la  pre- 
«  mière  commandée    par   le  major 

•  Raulot,  la  deuxième  par  le  colonel 

•  Forno,  et  toutes  les  deux  presque 
»  toujours  par  moi.  Je  portai  mes 
«  deux  batteries,  pour  première  po- 

•  sition,  à  200  toises  de  l'ennemi,  et 
«  après  une  vingtaine  de  salves,  cet 

•  ennemi  ne  bougeant  pas,  quoique 
«  nous  vissions  les  rangs  s'éclaircir 

•  de  minute  en  minute,  je  fis  mar- 

•  cher  les  deux  batteries  à  la  pro- 
»  longe,  et  leur  fis  prendre  position 
a  à  (30  toises  de  la  ligne  russe.  Le 
"  terrain  étant  en  triangle,  et  nous 
«  marchant  vers  la  pointe,  nous  nous 
«  trouvâmes  réunis.  Ce  fut  alors  que 
«  nous  fîmes  pendant  25  minutes  le 
«  plus  terrible  feu  de  mitraille  que 
«  j'aie  jamais  vu.  Nous  rasâmes  leurs 
«  masses  qui  disparaissaient  et  se 
a  renouvelaient  à  chaque  instant. 
••  Leur  emplacement  après  le  com- 


»  bat  présentait  environ  4,000  morts 

•  sur  ce  point  seul...  J'ai  été  charge 
«  le  10  de  jeter  un  pont  sur  la  Pre- 
«  gel  par  l'empereur  lui-même.  Il 
«  n'est  sorte  d'amitiés  qu'il  ne  m'ait 
«  faites ,  ainsi  que  le  jour  de  la  ba- 
«  taille.  De  même  tous  nos  généraux, 
«  nos  officiers ,  de  simples  soldats 
«  venaient  me  serrer  les  mains  et 
«applaudissaient  nos  canonniers, 
«  lorsque  nous  rentrâmes.  Enfin, 
«  cher  frère,  j'éprouve  qu'il  est  doux 
«  d'avoir  contribué  à  donner  la  paix 
«  à  son  pays,  et  de  la  gloire  à  sa  na- 
«  tion.  Jene  me  soucie  plus  de  grâce, 
«  de  faveur,  ni  de  grades.  Je  veux 
«  arranger  mes  affaires,  vous  em- 
«  brasser  tendrement,    vous,    ma 

•  femme  et  mes  enfants ,  et  je  n'ai 
«  point  d'autre  désir.  •  Ces  derniè- 
res paroles  montrent  assez  que,  bien 
que  parvenu  au  premier  rang  de  l'ar- 
mée, Sénarmont  n'était  pas  content 
de  sa  position.  Il  n'avait  pas  servi 
en  Egypte,  fort  peu  en  Italie,  et  il 
avait  à  se  plaindre  de  plusieurs 
passe-droits.  D'ailleurs  il  n'approu- 
vait point  le  despotisme,  l'oppression 
sous  lesquels  gémissait  la  France, 
i  Ce  ne  sont  pas  les  chances  et  les 
«  peines  de  cette  guerre  qui  me  la 
«  rendent  désagréable,  écrivait-il  le 
«  21  mars  1807  au  même  dépositaire 

•  de  ses  plus  secrètes  pensées,  c'est 
«  le  peu  de  fruit  que  la  France  en 
«  recueillera,  même  en  la  supposant 
«  la  plus  heureuse  possible.  Au  sur- 
«  plus,  nous  n'y  pouvons  rien ,  et 
«  nous  devons  nous  laisser  entraîner 
«  au  torrent,  puisque  ma  position  le 
«  commande.  »  11  est  évident  que , 
malgré  son  admiration  pour  le  génie 
de  Napoléon,  Sénarmont  se  laissait 
peu  entraîner  au  torrent ,  et  qu'au 
milieu  de  l'enthousiasme,  de  la  dé- 
gradation universelle,  il  est  resté, 
dans  toute  la  force  de  l'expressiojj. 


94 


SEN 


vin  homme  d'honneur  et  de  probité. 
Par-dessustout  il  était  bon  Français, 
et  son  bonheur  eût  éîé  de  finir  sa  vie 
au  milieu  de  sa  famille  à  Dreux,  qui 
étaitsaviUede  prédilection, quoiqu'il 
n'y  fût  pasné.  Aussiiôt  après  la  paix  de 
Tilsitt  il  demanda  un  congé.  «  Dans 
«  le  courant  de  celte  guerre,  écrivit- 
.  il  au  prince   de  Neufchâtel ,  j'ai 

•  perdu  mon  père,  l'ère  de  famille 
«  moi-même,  j'ai  à  terminer  des  af- 
«  faires  très-urgentes  dont  dépend 
.  le  sort  de  mes  entants.  L'artillerie 

•  du  l"  corps  est  dans  le  meilleur 
«  élat  -,  et  en  très-peu  de  temps  je  le 
«  rejoindrais,   si    les    circonstances 

-  l'exigeaient.  L'empereur  a  paru  sa- 

-  tist'ail  de  mes  services  et  de  ma 
«  conduite  dans  la  campagne  que 
«  nous  venons  de  faire,  et  notamment 
«aux  batailles  d'Eylau  et  de  Fried- 

•  laud."  Eu  conséquence,  il  fut  mis  en 
congé  et  nommé  président  à  vie  du 
collège  électoral  d'Eure-et-Loir, où 
il  reçut  de  nombreux  témoignages 
d'estime  et  d'admiration-,  mais  il  ne 
resta  p;is  long  temps  dans  cette  heu- 
reuse position.  Bientôt  commença  la 
funeste  guerre  d'Espagne,  et  dès  le 
20  août  1808  Sénarmont  reçut  ordre 
d'aller  encore   une  fois  prendre  le 
commandement  de  l'artillerie  du  pre- 
mier corps,  qui  venait  d'être  trans- 
])orté  des  bords  du  Niémen  au  delà  des 
Pyrénées.  Deux  mois  après  il  était  à 
Burgos  passant  en  revue  cette  excel- 
lente troupe,  lorsque  tout  àcoup  parut 
à  côté  de  lui  Napoléon  qu'il  n'avait  pas 
vu  depuis  Friediand.  «  Vous  avez  une 
a  belle  troupe,  lui  dit  l'empereur.  — • 
u  Oui,  sire,  mais  encore  plus  brave 
«  que  belle.  —  Je  le  sais,  vous  ni'a- 
«  vez  rendu  un  imujeuse  service  à 
«  Friediand  ;je  crois  encore  entendre 
«  votre   terrible  canonnade  :  savez- 
«  vous  que  vous  m'avez  un  instant 
•  fait  peur^'  —  Le  maréchal  Lannes 


SEN 

venaitde  gagner  labatailledeTudela; 
il  s'agissait  de  reprendre  Madrid  et 
d'enlever  les  défilés  du  Sommo-Sior- 
ra  défendus  par  de  bons  retranche- 
ments et  des  troupes  qu'animaient  le 
désespoir  et  le  plus  ardent  patrio- 
tisme. Sénarmont  dirigea  toutes  les  , 
attaques,  surmonta  tous  les  obstacles,  I 
et  dès  le  3  déc.  l'armée  française  tout 
entière  parut  en  bataille  sous  les  murs 
de  Madrid.  Ce  fut  encore  l'artillerie 
du  1"  corps  que  Napoléon  chargea 
des  attaques,  et  qui  en  moins  de 
trois  jours  réduisit  à  capituler  une 
ville  dont  la  garnison  et  les  habitants 
avaient  juré  de  s'ensevelir  sous  ses 
ruines.  Napoléon,  qui  fut  témoin  de 
tout,  en  exprima  sa  satisfaction  à  Sé- 
narmont sur  le  champ  de  bataille^  et 
le  nomma  général  de  division.  U  lui 
avait  accordé  peu  de  temps  aupara- 
vant une  dotation  de.dix  nulle  francs 
avec  le  titre  de  baron  et  celui  de 
commandant  de  laLégion-d'Honneur. 
Voici  comment  ce  brave  général  ren- 
dit compte  de  tout  cela  à  son  frère. 
«  L'empereur  m'a  nommé  général  de 
a  division  de  hii-même  et  seul  ;  c'est 
«  le  résultat  de  l'attaque  de  Madrid, 

•  où  mon  artillerie  a  fait  merveille, 
ft  Ce  serait  une  belle    occasion  de 

•  voguer  à  pleines  voiles  sur  la  mer 
«  de  l'ambition  ;  mais  rien  ne  me 
«  tente  que  les  choses  de  Dreux  et 
.  de  Voisins  'terre  qu'il  possédait). 
«  Lorsque  j'aurai  achevé  mes  trente 
a  ans,  si  Dieu  me  prête  vie,  j'aurai 
«  le  droit  de  demander  ma  retraite, 
a  C'est  tout  ce  à  quoi  j'aspire.  »  Ainsi 
parvenu  à  l'apogée  de  sa  carrière, 
il  désirait  plus  que  jamais  d'aller 
vivre  et  m  urir  au  milieu  des  siens, 
mais  il  ne  devait  p as  en  être  ainsi  -, 
cette  horrible  guerre  n'était  qu'à 
son  début;  le  premier  corps  dont 
il  dirigeait  l'artillerie  devait  y  com- 
battre encore  long-temps,  avec  de 


SEN 

nombreuses  vicissitudes  ;  et  Sénar- 
mont  n'était  pas  destiné  à  en  voir 
la  un.  Il  triompha  d'abord  à  Ucles, 
à  Medellin.  Moins  heureux  à  Tala- 
vera,  il  y  eut  un  cheval  tué  sous  lui, 
et  fit  quelques  pertes  dans  son  artil- 
lerie, pertes  que  l'envie  exagéra  et 
que  l'empereur,  lorsqu'il  eut  re- 
connu la  vérité  par  l'examen  de 
rapports  contradictoires,  n'attribua 
qu'au  général  Sébastiani  à  qui  il  fit 
retenir  sur  ses  appointements  le  prix 
de  deux  pièces  de  canon  abandonnées 
à  l'ennemi.  Sénarmont,  voyant  avec 
peine  que  dans  le  rapport  officiel  on 
n'avait  pas  rendu  justice  aux  officiers 
de  l'artillerie  badoise  qui  avaient  pris 
part  à  l'action  d'une  manière  fort  ho- 
norable, écrivit  lui-même  au  grand- 
duc,  pour  lui  en  témoigner  sa  satis- 
faction, ce  qui  avait  quelque  chose 
d'irrégulier,  il  faut  en  convenir,  et  fut 
sévèrement  blâmé  par  l'empereur. 
La  bataille  d'Ocana,  que  livrèrent 
aux  Espagnols  trois  corps  de  l'armée 
française  sous  les  ordres  du  maréchal 
Soult,  fut  plus  heureuse.  Sénarmont 
y  commandait  toute  l'artillerie  qui  fit 
encore  merveille  selon  sa  propre  ex- 
pression dans  la  lettre  qu'il  en  écrivit 
à  son  frère,  avec  ce  ton  de  simplicité 
qu'on  ne  peut  comparer  qu'à  celui 
de  Turenne  racontant  ses  propres 
exploits.  Favé,  dans  son  Histoire 
de  tactique,  a  parlé  avec  plus  d'é- 
tendue de  ce  beau  fait  d'armes  : 
«  Qui  n'admirerait  la  belle  com- 
«  binaison  du  général  Sénarmont? 
■  Il  sait  qu'on  doit  tourner  la  droite 

•  de  l'ennemi,  qui  alors  sera  obligé 
«  d'exécuter  un  changement  de  front 

•  en  arrière.  Alors,  au  lieu  d'aller 
«  prendre  part  directement  à  cette 

•  attaque,  il  commence  par  battre 
«  le  centre  qui  menace  de  percer, 
«  (  t  le  force  de  reculer.  Tranquille 
«  ensuite  de  ce  côté,  il  exécute  un 


SEN 


95 


•  changement  de  front  qui  lui  per- 
«  met  d'enfiler  toute  la  ligne  espa- 

•  gnole.  Mais  si  cette  combinaison 
«  est  belle,  c'est  l'exécution  surtout 
«  que  nous  devons  admirer.  Elle  peut 
«  être  entravée  par  le  feu  des  nom- 
«  breux  tirailleurs,  placés  dans  le 
-  ravin.  Dans  toute  autre  circon- 
«  stance  ce  ne  serait  point  à  l'artille- 
«  rie  à  les  éloigner,  mais  ici  pour  être 
«  plus  sûr  du  succès,  pour  qu'il  ne 

•  puisse  manquer  par  des  causes  in- 
«  dépendantes  de  lui,  c'est  avec  de 
«  l'artillerie  même  que  Sénarmont 
«  protège   ses   batteries   contre  les 

•  tirailleurs  que  le  terrain  favorise. 
«  L'action  doit  durer  peu;  il  n'épar- 
«  gne  pas  la  mitraille,  et  parvient  à 
«  son  but...  »  Ce  but  était  la  destruc- 
tion de  l'armée  espagnole  ;  et  en  effet, 
bientôt  poursuivie  avec  la  plus 
grande  vigueur,  elle  met  bas  les  ar- 
mes par  colonnes  entières,  perd  ses 
canons,  ses  drapeaux,  et  ce  qui  peut 
s'échapper  disparaît.  «  A  force  de 
«  combiits,  écrivait  le  lendemain  de 
«  cette  importante  victoire  celui  qui 
«  y  avait  le  plus  contribué,  j'espère 

•  que  nous  viendrons  à  bout  de  ter- 
«  miner  cette  guerre.  Cette  nation 
«  est  désunie,  sans  but  ,  sans  vr.ii 
«  courage.  Un  instinct  d'orgueil  et 
«  de  férocité  la  rend  opiniâtre;  mais 
«elle  n'est  pas  courageuse,  et  leurs  ar- 
«  mées  les  plus  nombreuses  se  dissi- 
«  pent  lorsqu'on  les  attaque  sérieu- 
«  sèment,  il  n'y  a  pas  grande  g'oire  à 
«  vaincre  de  pareilles  troupes,  mais 
«  il  est  cruel  que  cela  nous  coûte  de 
»  b'aves  gens.  La  victoire  d'Ocana 
"  et  la  paix  d'Autriche  changeront, 
"  j'espère,  nos  affaires.  Je  suis  plus 
"  que  las  du  perpétuel  exil  où  je  nit; 
«  trouve;  jevieillis  rapidement,  loin 
«  de  ceux  que  j'aime ,  et  avec  qui 

•  je  me  trouverais  si  bien.  »  Dans 
toute  sa  correspondance  on  trouve 


96 


SEN 


ainsi  uno  empreinte  de  sensibilif*^,  de 
goûts  pacifiques  qui  étonnent  dans 
lin  guerrier  vivant  depuis  si  long- 
temps sur  des  champs  de  bataille  ; 
mais  la  pitié  et  la  bienfaisance 
étaient  innées  chez  lui.  «Je  sais, 
«  écrivait-il  un  autre  jour,  que  ce 
<'  sont  dans  notre  métier  des  senti  ■ 
«  inents  fort  incommodes  ;  mais  je 

•  n'ai  jamais  pu  les  déraciner...  » 
Ce  qu'il  détestait  surtout,  c'était  le 
pillage  et  les  concussions  dont,  à 
côté  de  lui,  d'autres  généraux  acca- 
blaient le  pays.  Et  il  le  disait  haute- 
ment, sans  crainte  ni  ménagement, 
même  pour  ses  supérieurs.  Un  jour 
qu'il  dînait  chez  le  roi  Joseph  avec 
tous  les  chefs  de  l'armée,  et  qu'on 
vint  à  parler  d'un  malheureux  em- 
ployé des  vivres  pris  sur  le  t'ait  de 
concussion  et  condamné  à  mort  : 
«  Si  vous  voulez  détruire  le  mal,  dit- 
«  il,  c'est  à  la  racine  qu'il  faut  l'at- 
«  teindre  ;  faites  fusiller  le  premier 
«  des  commandants  en  chef  qui  sera 
«  pris  en  faute,  à  commencer  par  mui, 

•  si  cela  m'arrivait...  »  «  A  ces  mots, 
dit  son  biographe,  plus  d'un  convive 
baissa  les  y«^ux,  et  regarda  son  as- 
siette. »  Il  faut  se  rappeler  que  c'étaif 
le  temps  où  l'on  enlevait  dans  ces 
contrées  de  magniiiques  tableaux,  et 
où  les  mêmes  hommes,  après  avoir 
formé  de  grands  magasins  de  vivres 
dans  une  position  ,  les  vendaient 
à  des  juifs,  et  allaient  plus  loin 
en  former  d'autres  pour  les  ven- 
dre encore...  On  conçoit  qu'avec  de 
pareils  moyens  de  grandes  fortunes 
sont  bientôt  faites.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  fâcheux,  c'est  que  c'est  laFrance 
qui  a  payé  tout  cela  dans  les  reven- 
dications de  1815!  Quant  à  Sénar- 
mont,  comme  il  détestait  par-dessus 
tout  les  pillards,  et  qu'il  n'exerça 
jamais  la  moindre  concussion,  quoi- 
que mieux  placé  pour  cela  que  beau- 


SEN 

coup  d'autres,  il  était  obligé,  dit  en- 
core  son  biographe,  de,  s'imposer  des 
privations  pour  ne  pas  dépenser  son 
patrimoine  à   l'armée.    «  Malgré   la 
«  belle    et    brillante   apparence  de 
«  ma  position  ,   écrivait-il ,  je  m'y 
-  ruine  avec  toute  l'économie  pos- 
«  sible.  Ce  siècle  ne  convient  qu'à 
«  ceiix  qui  savent  piller  et  voler,  et 
«  je  ne  crois  pas  que  jamais  je  l'ap- 
«  prenne...  »  Vers  le  temps   où  il 
écrivait  ainsi  à  ses  amis,  Sénarmont 
avait  occupé  Andujar  avec  de  nom- 
breuses troupes;  les  magistrats  étant 
venus  lui  offrir  une  grosse  somme  en 
or,  afin  de  se  soustraire  à  d'inévi- 
tables réqiùsitions,  loin  de  trouver 
M.  de  Turennc  un  homme  inimitable, 
comme  l'a  dit  un  de  ses  compagnons 
d'armes,  il  repoussa  cette  offre  avec 
indignation,  et   continua  sa  route, 
payant  partout  les  provisions  qu'on 
s'empressait  de  lui  apporter,  il  ar- 
riva ainsi  sous  les  murs  de  Cadix  où 
il  fut  encore  une  fois  chargé  de  di- 
riger l'artillerie  de   siège.   Déjà  il 
avait  établi  plusieurs  batteries,  lors- 
que le  25oct.  1810,  voulant  essayer 
la  portée  de  ses  canons,  accompagné 
seulement  de  quelques  officiers,  il  fut 
frappé  d'un  obus  tiré  des  batteries  de 
la  place  et  mourut  sur-le-champ.  Ce 
fut  pour  toute  l'armée  un  très-déplo- 
rable événement;,  elle  porta  le  deuil 
pendant   un    mois,  et  le  maréchal 
Sonlt  qui  la  commandait  l'annonça 
par  un  ordre  du  jour  dans  les  termes 
les    plus    flatteurs.   On    lui  rendit 
tous  les  honneurs  de  son  grade, et  les 
généraux  Villatte  et  Cassagne  pro- 
noncèrent son  oraison  funèbre.  Plus 
tard  un  service  fut  fait  à  sa  mémoire 
par  ordre  de  l'empereur.  Son  cœur 
embaumé  fut  apporté  à  l'église  Ste- 
Geneviève  à  Paris.  Son  corps,  ainsi 
que  celui  du  général  Degenne,  mort 
à  côté  de  lui,  fut  déposé  dans  une  <'ha- 


SEN 

pelle  de  Cliiclana,  où  le  commandant 
de  l'artillerie  française  Tirlet  n'en 
trouva  aucune  trace  lorsqu'il  voulut 
le  reconnaître  en  1823.  Une  populace 
i  nsensée  avait  dès  long-temps  jeté  au 
vent  la  cendre  de  celui  de  nos  ge'né- 
raux  qui  l'avait  le  plus  géne'reuse- 
nient  protégée.  Le  conseil -général 
d'Eure-et-Loir  avait  voté  en  1811  un 
monument  à  sa  mémoire,  mais  cette 
décision  n'a  pas  eu  de  suite.  L'amitié 
fraternelle  a  suppléé  à  cet  oubli  en 
faisant  placer  un  marbre  qui  rappelle 
son  souvenir  dans  une  chapelle  do 
l'église  de  Dreux.  Son  nom  figure 
sur  Tarc-dc-lriomphe  de  l'Étoile,  et 
son  buste  à  Versailles  dans  la  gale- 
rie des  généraux  morts  sur  le  champ 
de  bataille.  Madame  de  Sénarmont, 
après  dix-huit  ans  d'une  union  heu- 
reuse sous  tous  les  rapports,  éprouva 
tant  de  chagrin  de  sa  perte  qu'elle 
tomba  malade  et  ne  lui  survécut  que 
deux  ans. — Son  lils  est  receveur- 
général  des  linances  à  l'île  Bourbon,  et 
sa  filleaépousé  M. dclaBigottièrc,  an- 
cien capitaine  de  dragons  de  la  garde 
royale.  —  Le  général  Marion,qui  fut 
son  digne  ami  et  que  la  France  vient 
de  perdre,  a  publié  :  Mémoires  sur  le 
lieutenant-géncral  d'artillerie  la  - 
ron  de  Sénarmont^  rédigés  sur  la 
feuille  officielle  du  dépôt  de  la  guerre; 
sa  correspondance  privée^  ses  pa- 
piers de  famille,  etc.,  Paris,  1846, 
in-8".  M— D  j. 

SENAULT  (  Jean-François-Al- 
bert-Ignace  Joseph),  général  fran- 
çais, né  le  20  septembre  1762,  des- 
cendait de  Pierre  Sénault,  greffier 
du  roi  au  parlement  de  Paris,  dont 
la  famille  s'était  fait  maintenir  dans 
la  noblesse  de  ses  ancêtres,  par  ar- 
rêt du  conseil  du  18  février  1721. 
A  17  ans,  il  entra  dans  la  marine  en 
qualité  de  volontaire  d'honneur, 
pour  aller  secourir  les  Américains; 

LXXXII. 


SEN 


97 


et  dans  le  combat  que  la  frégate  le 
Robecq^  commandée  par  le  contre- 
amiral  Van  Stabel,  soutint  contre  le 
vaisseau  anglais  le  Crocodile^  il  eut 
le  bras  gaucheenq)ortc.  Eu  1788,  lors 
de  l'insurrection  des  provinces  de 
Belgique  contre  la  domination  au- 
trichienne ,  il  alla  servir  dans  les 
rangs  des  patriotes  ,  et  il  se  trouvait 
à  la  victoire  de  Turnhout  où  il  passa 
l'Escaut  avec  Van  der  Mersch.  A 
Gand,  il  était  au  nombre  des  habi- 
tants qui  chassèrent  la  garnison  au- 
trichienne, et  tant  que  durèrentles 
hostilités,  il  ne  cessa  d'y  prendre 
une  part  active.  S'étant  ensuite  en- 
rôlé dans  les  armées  françaises,  il  y 
parvint  dès  l'année  1792  au  grade 
de  chef  de  bataillon,  et  concourut, 
quoique  mutilé,  à  toutes  les  affaires 
de  cette  campagne,  notamment  à  cel- 
les de  Valmy  et  de  Jemmapes.  Le  10 
sept.  1793,  il  reçut  deux  coups  de 
baïonnette  en  forçant  les  redoutes 
de  la  forêt  de  Mormale,  près  de 
Preux-aux-Bois.  A  peine  rétabli,  il 
reprit  les  armes ,  et  le  7  octobre  sui- 
vant il  fut  nommé  colonel  à  la  place 
de  M.  Richtersleben,  tué  à  ses  côtés. 
Dix  jours  après,  il  fut  de  nouveau 
blessé  de  trois  coups  de  feu  en  pour- 
suivant l'ennemi.  Devenu  enfin  gé- 
néral de  brigade,  il  commanda  suc- 
cessivement les  places  de  Mous , 
Bruxelles  et  Montmédy.  Sous  la  res- 
tauration, il  fut  mis  à  la  retraite, 
et  mourut  vers  1834  dans  un  âge 
avancé.  Il  était  membre  de  la  cor- 
respondance académique  de  l'Athé- 
née de  Paris.  C— h— n. 

SENAVE  (Jacques-Albert),  pein- 
tre, né  le  12  septembre  1758,  à  Loo, 
près  de  Furnes,  était  fils  d'un  bou- 
langer. Il  ne  reçut  qu'une  instruc- 
tion fort  ordinaire,  mais  il  en  pro- 
fita bien,  et  annonça  de  bonne  heure 
des  dispositions  pour  le  dessin.  Un 


98 


SEN 


chanoine  régulier  de  l'abbaye  de 
Loo  qui,  par  amusement,  cultivait 
la  peinture,  ayant  vu  les  esquisses 
du  jeune  homme,  le  prit  eu  affection 
et  lui  enseigna  les  premiers  principes 
de  l'art.  Il  engagea  même  son  père  à 
l'envoyer  à  Dunkerque  pour  y  suivre 
les  cours  de  l'académie;  mais,  afin 
de  le  mettre  en  état  de  pourvoir  à 
son  existence,  on  le  plaça  chez  un 
boulanger  de  cette  ville.  Celui-ci, 
oubliant  les  conditions  convenues, 
ne  lui  laissait  pas  le  temps  de  vaquer 
à  ses  études  ;  Senave  s'enfuit  et  re- 
tourna dans  la  maison  paternelle. 
Quelques  amis  vinrent  à  son  secours, 
et,  abandonnant  tout-à-fait  la  bou- 
langerie, il  reprit  le  chemin  de  Dun- 
kerque où,  après  trois  ans  de  travaux 
assidus,  il  remporta  le  premier  prix 
de  l'académie.  Ayant  suivi  son  pro- 
fesseur à  l'école  de  dessin  de  Sain(- 
Omer,  il  alla  deux  fois  à  Paris  dans 
le  but  de  perfectionner  ses  talents  ; 
mais  ses  moyens  pécuniaires  ne  lui 
permirent  pas  d'y  rester  long-tenips. 
Dans  l'intervalle  il  revint  à  Loo, 
où  il  travailla  pour  un  riche  pro- 
priétaire, puis  exécuta  un  tableau  de 
VAssomption  pour  l'église  du  lieu. 
Ses  protecteurs  le  firent  admettre 
comme  élève  à  l'académie  d'Ypres, 
érigée  par  l'impératrice  Marie-Thé- 
rèse. L'évêque  de  cette  ville  lui  com- 
manda plusieurs  tableaux  et  lui  té- 
moigna une  bienveillance  qui  sem- 
blait assurer  son  avenir;  mais  la 
mort  du  prélat  renversa  les  espéran- 
ces de  l'artiste.  Il  retourna  à  Paris, 
fréquenta  l'Académie  royale  de  pein- 
ture, reçut  de  bons  conseils  du  pro- 
fesseur Suvée,  son  compatriote  {voy. 
Suvée,  XUV,  242),  travailla  d'après 
nature  et  remporta  deux  prix.  Ayant 
acquis  par  ses  talents  une  certaine 
fortune,  il  se  maria.  L'unique  fruit 
de  celte  union  fut  un  fils  qui,  après 


SEN 

avoir  terminé  d'excellentes  études 
classiques,  s'appliquait  à  la  peinture 
avec  autant  d'ardeur  que  de  succès, 
lorsque  la  mort  l'enleva  à  l'âge  de 
22  ans;  sa  mère  le  suivit  de  près 
dans  la  tombe.  Cette  double  perte 
accabla  Senave  ;  il  chercha  un  allé- 
gement à  sa  douleur  dans  la  prati- 
que de  son  art  et  même  dans  la  cul- 
ture de  la  poésie  française  et  fla- 
mande ,  pour  laquelle  il  avait  des 
dispositions  innées,  quoiqu'il  n'en 
connût  pas  tous  les  principes.  In- 
formé que,  par  suite  de  circonstances 
malheureuses,  ses  parents  avaient 
laissé  quelques  dettes,  il  s'empressa 
d'aller  à  Loo;  réunit  les  créanciers 
et  les  solda  intégralement.  Il  assura 
aussi  une  pension  alimentaire  à  la 
veuve  d'un  de  ses  frères.  En  1821,  il 
lit  encore  un  voyage  en  Belgique 
pour  ofl'rir  son  tableau  représentant 
une  Réunion  d^arlistes  dans  l'atelier 
de  Rembrandt  a.  l'académie  d'Ypres, 
qui  le  nomma  directeur  honoraire. 
11  donna  à  l'église  de  Loo,  sa  ville 
natale,  une  autre  production  repré* 
sentant  les  Sept  Œuvres  de  Miséri- 
corde, et  à  cette  occasion  il  distribua 
aux  pauvres  d'abondantes  aumônes. 
Partout  où  il  passa  on  l'accueillit 
avec  transport  et  on  lui  décerna  de 
grands  honneurs,  qui  lui  causèrent, 
une  vive  émotion.  Revenu  à  Paris,  il 
fut  atteint  de  paralysie  au  côté  droit, 
et  ce  funeste  accident  le  plongea 
dans  un  profond  chagrin;  cependant 
à  force  d'essais  et  de  persévérance 
il  parvint  à  se  servir  assez  habile- 
ment de  la  main  gauche  pour  écrire 
lisiblement  et  même  pour  dessiner: 
il  fit  ainsi  son  propre  portrait  à  la 
mine  de  plomb,  de  deux  manières, 
en  face  et  de  profil.  La  Société  royale 
des  beaux-arls  et  de  littérature  de 
Gand  le  nomma,  en  1822,  uiembre 
honoraire  de  la  classe  de  peinture, 


SEN 

et  chargea  même  M.  Van  Roo  de 
rédiger  sur  cet  artiste  une  notice 
biographique  qui  a  e'té  insére'e  dans 
les  Annales  de  la  Belgique  et  impri- 
mée séparément,  avec  la  gravure  au 
trait  et  l'explication  de  son  tableau 
représentant  l'atelier  de  Rembrandt*, 
cette  gravure  avait  déjà  paru  dans 
les  Annales  du  Salon  de  Gand,  1822, 
planche  55.  L'état  d'infirmité  où  se 
trouvait  Sénave  le  délcrmina  à  con- 
tracter un  second  mariage  avec  une 
personne  qui  lui  prtidigua  jusqu'au 
dernier  moment  les  soins  les  plus 
affectueux.  Il  mourut  à  Paris  le  22 
février  1823,  et  fut  inhumé  au  cime- 
lièie  du  Père-Lachaise,  où  un  mo- 
niunent  lui  a  été  érigé.  Outre  les 
productions  qu'il  a  laissées  en  Bel- 
gique et  en  France,  d'autres  en  plus 
grand  nombre  sont  répandues  dans 
la  Russie,  l'Allemagne,  la  Suisse, 
l'Angleterre  et  les  États-Unis  d'Auié- 
rique.  La  plupart  des  tableaux  de  Sé- 
nave, dans  le  genre  de  Téniers,  re- 
présentent des  fêtes  flamandes,  des 
scènes  comiques,  et  se  distinguent 
par  la  pureté  du  dessin,  l'originalité 
de  la  composition  et  l'imitation  par- 
faite de  la  nature.  P — RT. 

SÉNECTÈRE  (Antoine  de),  évê- 
(pie  du  Puy  en  Velay,  nommé  en 
1561,  ne  se  fit  sacrer  qu'en  1573. 
Également  propre  à  figurer  comme 
guerrier,  suivant  l'usage  de  ce  teiups- 
là,  il  avait  été  nommé  par  le  roi  gou- 
verneur et  commandant  dans  le  Ve- 
lay, en  1567.  L'année  suivante,  il 
marcha,  à  la  tête  d'un  corps  de  trou- 
pes qu'il  avait  rassemblé  avec  quel- 
ques seigneurs,  à  la  rencontre  d'une 
armée  de  religionnaires,  qui  les  dé- 
firent près  de  Gannat.  Peu  découragé 
par  ce  revers  ,  il  reprit  en  1569,  sur 
les  protestants  ,  la  chartreuse  de 
Bonnefoi,  aux  frontières  de  son  dio- 
cèse, dont  la  garnison  fut  passée  au 


SEN 


99 


(il  de  l'épée.  Les  ordres  de  la  cour 
pour  le  massacre  de  la  Saint-Barthé 
lemi  lui  étant  parvenus,  il  épargna 
le  sang  des  protestants  habitants  du 
Puy.  Les  ayant  appelés  chez  lui ,  il 
les  fit  abjurer.  Une  pareille  conduite 
devait  lui  mériter  la  reconnaissance 
des  protestants  5  néanmoins  ils  s'em- 
parèrent, en  1574,  de  son  château 
d'Espaly,  à  un  quart  de  lieue  du  Puy, 
déjà  devenu  célèbre  par  le  séjour  de 
Charles  VU  ,  encore  dauphin  ,  qui  y 
apprit  la  mort  de  Charles  VI  et  fut 
proclamé  roi  le  25  octobre  1422.  Dé- 
puté aux  États  de  Blois,  il  ne  revint 
au  Puy  qu'en  1589.  Reconnaissant  la 
légitimité  des  droits  de  Henri  IV  à  la 
couronne  de  France,  et  voyant  avec 
peine  que  la  masse  des  habitants  du 
Puy  était  ligueuse,  il  se  retira  à  son 
château  d'Espaly,  qu'il  fit  fortifier 
encore,  et  y  mit  une  bonne  garni- 
son. Il  fut  sollicité  plusieurs  fois  de 
rentrer  dans  la  ville  du  Puy,  mais  il 
s'y  refusa,  ayant  tout  à  craindre  de 
la  fureur  des  ligueurs,  et  sans  es- 
poir de  les  ramener  à  l'autorité  de 
Henri  IV;  car  tous  les  moyens  pour 
les  y  résoudre  avaient  été  employés 
vainement ,  de  concert  avec  Fran- 
çois de  Clermont,  seigneur  de  Chat- 
tes et  de  la  Brosse,  sénéchal  du 
Puy,  récemment  nommé  lieutenant- 
général  pour  le  roi  au  pays  de  Velay. 
Deux  ans  après,  en  1591,  le  bourg  et 
le  château  d'Espaly  furent  battus 
vigoureusement  avec  du  canon  par 
les  ligueurs,  et  son  château  forcé 
de  se  rendre  par  capitulation.  Il  eut 
ensuite  une  entrevue  au  monastère 
des  cordfliers  ilu  Puy  avec  le  duc  de 
Nemours,  l'un  des  principaux  chefs 
de  la  Ligue;  mais  ce  prince  ne  put 
le  détacher  du  parti  du  roi.  Par  un 
accord  fait  entre  les  royalistes  et  les 
ligueurs  du  Velay,  la  petite  ville  de 
Monastier  ayant  été  remise  entre  ses 
7. 


100 


SEN 


mains,  on   1091,  il  s'y  rôtira,  et  y 
monrut,dans  l'abbaye  des  Bénédic- 
tins, le  3  novembre  lvô93.    A— n— d. 
SENÉE(Charles-F.),  professeur 
de  philosophie  à  l'académie  deCaen, 
mort  dans  cette  ville  le  25  novem- 
bre 1823,  âgé   seulement  de  vingt- 
quatre  ans,  manifesta  dès  son  en- 
fance une  vive  ardeur  pour  l'étude, 
et  fit  ses  humanités  avec  beaucoup 
de  succès.  Profond  helléniste,  il  se 
livra  bientôt  à  la  métaphysique,  à  la 
physiologie,  à  l'économie  politique, 
el  tourna  surtout  ses  investigations 
vers  l'école  écossaise.  Dans  un  Essai 
sur  Vamitié,  il  appliqua  et  analysa 
avec  bonheur  les  principes   déve- 
loppés  par  Adam    Smith    dans   sa 
Théorie  des  sentiments  agréables. 
En  1820,  Senée  fit  un  voyage  en  An- 
gleterre pour  y  étudier  l'organisa- 
tion de  l'instruction  publique.  Ac- 
cueilli avec  bienveillance  par  d'il- 
lustres personnages,  tels  que  Broug- 
ham,  Mill,  Benlham,  Southey,  Du- 
mouriez  ,  il  visita  l'université  d'Ox- 
ford et  puisad'utiles  renseignements 
dans  les  entretiens   qu'il  eut  avec 
plusieurs  membres  du  collège  delà 
Trinité.  Revenu  en  France,  il  obtint 
le  grade  de  docteur  ès-lettres,  après 
avoir  soutenu  deux  thèses  remar- 
quables, l'une  en  français,  l'autre  en 
latin  :  De  Vhistoire  envisagée  comme 
composition  littéraire  ;    De  signis 
sive  de  signorum  in  ideis  generan- 
dis  et  instruendo  ingenio  vi  acpo- 
testate,  Caen,  1821,  in-8°.  Ens'oc- 
cupant  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques, Senée  ne  négligea  point  la 
jurisprudence;    il  avait  suivi  des 
cours  de  droit  et  s'était  fait  recevoir 
avocat.  Promu  à  la  chaire  de  philo- 
sophie de  l'académie  de  Caen,  il  fut 
chargé  de  composer  le  discours  an- 
nuel universitaire,  et  prit  pour  su- 
jet VutilUé  des  «ttides  phùosophi- 


SEî\ 

ques  sïir  le  lonhenr  et  le  perfection- 
nement moral  de  l'homme  dans  son 
état  individuel  et  par  rapport  à 
la  société,  s'attachant  à  démontrer 
que  la  philosophie  n'est  pas  incom- 
patible avec  l'éloquence,  et  que  les 
plus  grands  orateurs  ont  été  de  pro- 
fonds philosophes.  Les  fonctions  du 
professorat,  loin  de  ralentir  son  ar- 
deur pour  l'étude,  ne  firent  que  la 
stimuler;  mais  sa  santé  ne  put  ré- 
sister aux   travaux    excessifs  qu'il 
s'était  imposés,  et  la  mort  vint  l'ar- 
rêter au  début  d'une  carrière  où  ses 
premiers  succès  lui  en  présageaient 
de  plus  grands  encore.  Il   a  laissé 
manuscrits  :  r  un  Essai  sur  V appli- 
cation de  la  méthode  d'analyse  et 
d'induction  au  phénomène  de  notre 
intelligence,  contenant    un  aperçu 
historique  des  erreurs  qui  ont  égaré 
la  plupart  des  philosophes  dans  ces 
sortes  de   recherches;  2"  un  Essai 
sur  le  genre  romantique.,  contenant 
un  examen  détaillé  des  ouvrages  de 
lord  Byron.  On  trouve  une  notice 
sur  Senée  dans  la  Revue  encyclop., 
XXni,  273,  juillet  1824.         P— BT. 
SENNEFELDER  (Aloys),  inven- 
teur de  la  lithographie,  né  à  Prague 
en  1771,  était  fils   d'un  comédien 
qui   s'était   engagé  au   théâtre  de 
Munich,  et  qu'il  perdit  quand  il  eut 
atteint  l'âge  de  20  ans.  Il  voulut 
suivre  alors  la  même  carrière,  mais 
voyant  qu'on  le  réduisait  au  rôle  de 
comparse,  il  préféra  composer  pour 
le  théâtre.  Il  fit  paraître  une  pièce 
intitulée  le  Connaisseur  des  jeunes 
filles,  comédie  probablement  médio- 
cre puisqu'elle  a  été  complètement 
oubliée.  A  celle-ci  devait  en  succé- 
der une  autre;  mais,  comme  l'impres- 
sion éprouva  des  retards,  l'auteur 
chercha  le  moyen  de  parvenir  à  la 
publicité  par  un  procédé  typographi- 
que plus  expéditif  que  celui  de  ras- 


SEN 

sembler  des  lettres  mobiles.  Aban- 
donnant alors  pour  toujours  l'art 
dramatique,  il  devint  industriel.  Il 
essaya  d'abord  d'écrire  sur  des  plan- 
ches de  cuivre,  puis  sur  des  pierres 
calcaires,  et  enfin  sur  les  pierres 
provenant  des  carrières  deSolenho- 
fen ,  employées  dans  les  maisons 
à  Munich  pour  le  carrelage.  Il  ra- 
conte lui-même,  dans  l'histoire  qu'il 
a  faite  de  son  invention,  qu'un  jour 
ayant  à  la  hâte  et  faute  de  papier 
écrit  le  mémoire  de  sa  blanchisseuse 
sur  une  de  ces  pierres  à  l'aide  de 
l'encre  qu'il  avait  composée  pour 
ses  essais,  il  eut  tout  à  coup  l'idée 
d'essayer  de  tirer  une  épreuve  de 
cemémoire,  après  avoir,  par  le  moyen 
de  l'eau-forte,  produit  un  peu  de  re- 
lief pour  l'écriture  faite  sur  la  pierre. 
Cet  essai  réussit,  et  Sennefelder  ac- 
quit dès-lors  la  conviction  qu'il  pour- 
rait dessiner  sur  la  pierre  de  So- 
lenhofen,  et  en  tirer  des  épreuves 
comme  d'une  gravure  sur  une  plan- 
che de  cuivre.  Il  voulait  surtout 
appliquer  sa  découverte  à  la  pu- 
blication des  compositions  musica- 
les, et  en  179G  il  fonda  avec  un  mu- 
sicien de  la  cour,  nommé  Gleissner, 
qui  est  resté  long-temps  son  as- 
socié, le  premier  atelier  lithogra- 
phique; trois  ans  après,  les  deux 
entrepreneurs  obtinrent  du  gouver- 
nement bavarois  un  privilège  pour 
quinze  ans.  Sennefelder  avait  éié  au- 
paravant dans  une  position  si  gênée , 
qu'il  s'était  offert  pour  remplacer  un 
conscrit,  et  qu'au  lieu  de  lithogra- 
phieril  serait  entré  dans  l'artillerie 
bavaroise,  si  on  ne  l'avait  pas  refusé 
à  cause  de  son  origine  étrangère. 
Encore  la  première  tentative,  faute 
de  procédés  perfectionnés,  eut  peu 
de  succès;  mais  Sennefelder  parvint, 
à  force  de  me'ditatioiis  et  d'essais,  à 
rendre  les  procédés  plus  expédilifs 
^t  plus  économiques;  il  réussit  même 


SEN 


101 


k  transporter  sur  la  pierre  des  im- 
primés et  des  gravures,  et  à  les 
multiplier  par  la  lithographie.  Diffé- 
rentes vignettes  qu'il  fit  pour  un 
catéchisme  prouvèrent  que  cet  art 
pouvait  s'appliquer  aussi  au  dessin  ; 
mais  Sennefelder  pensait  toujours  à 
en  tirer  parti  pour  la  publication 
de  morceaux  de  musique.  Il  vendit 
le  secret  de  son  invention  à  l'édi- 
teur André,  d'Offenbach ,  et  résida 
même  quelque  temps  dans  cette  ville, 
afin  de  mieux  organiser  un  grand 
atelier  lithographique;  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  de  projeter  l'établis- 
sement d'autres  ateliers  dans  les  ca- 
pitales de  l'Autriche,  de  la  Prusse, 
de  la  France  et  de  l'Angleterre.  Il  se 
rendit  en  effet  à  Londres  et  à  Vienne. 
Dans  la  dernière  de  ces  villes  il  s'as- 
socia avec  un  entrepreneur  pour 
l'impression  de  la  musique,  puis, 
faute  de  succès,  il  vendit  son  pro- 
cédé à  un  fabricant  de  toiles  peintes 
qui  voulait  s'en  servir  pour  ses  im- 
pressions sur  coton.  Il  revint  en- 
suite à  Munich,  où  ses  frères  avaient 
continué  d'exploiter  son  brevet,  et, 
soutenu  par  le  baron  d'Aretin,  il  put 
donner  plus  d'extension  à  son  éta- 
blissement qui  fournit  dès-lors  non- 
seulement  de  la  musique  et  des  cir- 
culaires, mais  aussi  des  objets  d'art, 
tels  que  le  livre  de  prières  d'Albert 
Diirer.  Bientôt  le  nouveau  moyen 
fut  appliqué  à  la  topographie  ;  le 
gouvernement  bavarois  établit  un 
atelier  pour  les  cartes  lithographiées 
et  chargea  Sennefelder  de  le  diriger, 
en  lui  accordant  le  titre  d'inspecteur 
du  bureau  du  cadastre  et  une  pension. 
Sa  découverte  n'avait  pas  fardé  à  ex- 
citer l'attention  publique  dans  tous 
les  pays  de  l'Europe,  et  de  donner 
lieu  à  des  établissements  imparfaits 
d'abord,  mais  qui  se  perfectionnèrent 
à  la  longue  ;  ou  sait  qu'en  France  le 
eomlc  de  Lasteyric  et,  Engelmann, 


102 


SEIN 


originaire  de  Mulhouse,  niireut  une 
grande  activité  à    faire  jouir  leurs 
compatriotes  de  la  nouvelle  inven- 
tion qui  depuis  a  pris  uneextension 
que  l'inventeur  même   n'a  pas  dû 
prévoir.  Sennefelder   vint  à  Paris 
vers  1819  et  opéra  sous  les  yeux 
d'une  commission   nommée   par  la 
société  d'encouragement  pour  l'in- 
dustrie nationale.  Cette  commission 
fit  ensuite  un  rapport  favorable  que 
justifiaient   d'ailleurs    les   produits 
qu'on  vit  sortir  des  principaux  ate- 
liers lithographiques.  Si  l'inventeur 
n'a  pas  recueilli  de  sa  découverte  le 
profit  qu'il  aurait  pu  en  attendre, 
c'est  parce  que  le  défaut  de  fonds 
l'avait  contraint  d'opérer  lentement 
et  de  perdre  en  sollicitations  et  en 
démarches  un  temps  qui   fut  em- 
ployé par  d'antres  à  rendre  les  pro- 
cédés plus  prompts  et   moins  dis- 
pendieux. En  1819   parut  à  la  librai- 
rie deTreuttel  et  Wuitz,  où  avaient 
eu  lieu  aussi  les  essais  dont  il  vient 
d'être  parlé  :  Uart  de  la  lithogra- 
phie, ou  Instruction  pratique  conte- 
nant  la  description   des  différents 
procédés  à  suivre,  précédée  d^une 
histoire  de  la  lithographie  et  de  ses 
divers  progrès,  par  A.  Sennefelder, 
avec  un  portrait  de  l'auteur  et  vingt 
planches,  in-4o-  trad.  de  l'allemand 
en  français  par  Nie.  Ponce.  Les  mê- 
mes libraires  publièrent  ainsi  1'^- 
qua-tinta  lithographique,  ou  Ma- 
nière de  reproduire  les  dessins  faits 
au  pinceau^  1824,  grand  in-4%avec 
])lanchps.  En  effet,  Sennefelder  avait 
trouvé  le  moyen  de  fournir  par  la 
lithographie    des   dessins    coloriés. 
On  a  encore  de  lui  :  Recueil  papyro- 
graphique.   Premiers  essais  d'im- 
pnssion  chimique  sur  cartons  litho- 
graphiques nouvellement  inventés, 
in  r.  —  Portefeuille  lilhographi 
que,  ou  Recueil  de  sujets  de  divers 


SEN 

genres ,  dessinés  et  imprimés  sur 
planches  lithographiques  nouvelle- 
ment inventées  pour  la  multiplica- 
tion de  tous  dessins,  etc.,  Paris,  chez 
Sennefelder,  1823,  cnhier  in-fol.  de 
12  pi.  Cet  homme,  qui  a  donné  nais- 
sance à  une  branche  d'industrie,  de 
laquelle  vivent  maintenant  des  mil- 
liers d'individus,  et  qui  a  fait  hausser 
la  valeur  des  pierres  de  Solenhofen, 
dites  aussi  pierres  de  Munich,  recon- 
nues comme  les  meilleures  pour  la 
lithographie,  et  dont  la  Bavière  ex- 
porte maintenant  une  grande  quan- 
tité, est  mort  le  26  février  1834  à  Mu- 
nich où  il  avait  créé  et  soutenu  jus- 
qu'à la  fin  de  ses  jours  le  premier  ate- 
lier lithographique  qui  ait  jamais  été 
fondé.  D — G. 

SENONNES  (Alexandre  de  la 
Motte-Baracé,  vicomte  de),  litté- 
rateur, né  le  3  juillet  1781,  en  Bre- 
tagne, d'une  famille  noble,  dans  le 
château  de  ses  ancêtres,  penlit  très- 
jeune  ses  parents  qui  périrent  pen- 
dant le  règne  de  la  terreur,  ec  cher- 
cha dans  la  culture  des  arts  un 
refuge  contre  les  orages  de  la  ré- 
volution. Il  se  fit  d'abord  con- 
naître par  quelques  paysages  anony- 
mes qu'il  expos.i  aux  différents  sa- 
lons, et  en  même  temps  il  travailla 
dans  les  journaux,  particulièrement 
à  la  Gazette  de  France,  où  il  défen- 
dit avec  beaucoup  de  zèle  les  doctri- 
nes monarchiques  et  religieuses.  H  a 
fourni  quelques  articles  à  cette  Bio- 
graphie universelle.  Après  le  second 
retour  du  roi  en  1815,  il  fut  nommé 
secrétaire  de  la  chambre.  Le  31  mai 
1816,  il  obtint  la  place  de  secrétaire- 
général  des  musées  royaux,  et  con- 
serva le  titre  do  sf^crétaire-honoraire 
de  |a(  hauibre.  L'académie  des  beaux- 
arts  le  reçut  ensuite  au  nombre  de 
ses  membres  honoraires.  Enfin  il 
fut   nommé  secrétaire-général    du 


SEN 

ministère  de  la  maison  du  roi,  puis 
conseiller  d'État  sous  le  maréchal 
Lauriston  qui  le  protégeait  spéciaie- 
nient.  On  lui  a  reproché  les  airs  de 
fatuité  qu'il  se  donnait  dans  l'exer- 
cice de  ses  fonctions;  un  reproche 
plus  grave  qu'il  a  encouru,  c'est  d'a- 
voir fait  destituer  sans  moUfs  le  sa- 
vant bibliographe  Barbier,  biblio- 
thécaire du  roi.  Senonnes, ayant  per- 
du tous  ses  emplois  par  la  révolution 
de  1830,  se  retira  dans  sa  patrie  où 
il  mourut  vers  1840.  Ses  ouvrages 
publiés  sont  :  I.  Lettres  de  Jacopo 
Ortis,  trad.  de  l'italien  sur  la  se- 
conde édit.,  Paris,  1814,  2  vol,  in  12 
(«0(/.FoscoLO,LXlV,289).Cette  tra- 
duction a  reparu  la  même  année  sous 
le  titre  du  Proscrit,  et  en  1820  sous 
celui  (Y Amour  et  Suicide,  on  le  Wer- 
ther de  Venise.  Il,  Choix  de  vues  pit- 
toresques d'Italie  ,  de  Suisse  ,  de 
France  et  d'Espagne,  dessinées  d'a- 
près nature  et  gravées  à  l'eau-forte, 
1821,  in-fol.  Cet  ouvrage,  dédié  à  la 
duchesse  de  Berri,  devait  être  com- 
l)osé  de  30  livraisons;  il  n'en  a  eu 
que  7  composées  de  6  planches  et  de 
2  feuilles  de  texte.  III.  Promenade 
au  pays  des  Grisons^  ou  Choix  des 
vues  les  plus  remarquables  de  ce  can- 
ton, dessinées  d'après  nature  et  li- 
thographiées  par  Pingret,  avec  un 
texte  historique,  Paris,  1827-29,  pet. 
in  fol.  de  86  pagt^s  et  38  pi.  On  doit 
encore  au  vicomte  de  Senonnes  une 
btiUe  édition  des  OEuvres  dramati- 
ques de  Destouches,  précédées  d'une 
notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
l'auteur,  Paris,  ISll,  1820,  1822,  6 
vol.  in-8",  avec  lig.      L— m— x. 

SENTIES  (Joseph),  littérateur, 
né  à  Toulouse  vers  1756,  occupa  long- 
temps un  emploi  de  sous-chef  dans 
l'administration  de  la  loterie  à  Paris, 
où  il  mourut  le  3  janvier  1824,  après 
avoir  [lublié,  sous  le  voile  de  l'ano- 


SEP 


103 


nyme  :  I.  Doléances  des  dames  de  la 
Halle,  1789,  in-8°.  II.  La  Pauvre 
Orpheline.,  ou  la  Force  du  préjugé, 
Paris,  an  IX  (1801),  2  vol.  in-12. 
m.  Le  Joueur,  ou  le  Nouveau  Stu- 
kély,  par  madame  de  D***,  auteur  de 
la  Pauvre  Orpheline,  Paris,  Barba, 
1807,  2  vol.  in-12.  Ce  litre,  le 
Joueur,  etc.,  fut  substitué  par  le  li- 
braire à  celui  que  Senties  avait 
donné  à  son  ouvrage:  Les  Tripots, 
ou  Mémoires  pour  servir  à  Vhisloire 
des  Maisons  de  jeux;  mais  ce  change- 
ment n'empêcha  pas  la  saisie  du  livre, 
probablement  à  la  requête  de  l'admi- 
nistration des  jeux,  ou  du  fameux 
Bernard,  dont  il  froissait  les  intérêts. 
Le  livre  fut  sévèrement  prohibé,  et  la 
piilice,  que  Bernard  payait  fort  bien, 
y  tint  la  main,  quoiqu'à  cette  époque 
les  agents  de  celte  police  vendissent 
souvent  à  leur  prolit  des  ouvrages 
qu'ils  avaient  eux-mêmes  saisis  com- 
me prohibés.  Senties  fut  un  des  ré- 
dacteurs de  la  Notice  sur  Ahmed,  hey 
de  Soliman,  réfugié  en  France,  1814, 
in-S".  Z. 

SEI*TIEU  (Armand),  né  à  Tou- 
louse le  15  avril  1744,  était  fils  d'un 
notaire  devenu  capitoul,  dignité  qui 
conférait  la  noblesse.  Dès  l'âge  de 
16  ans  il  vint  à  Paris,  entra  chez  les 
chanoines  réguliers  de  Saint- Victor, 
où  il  fit  profession  le  8  oct.  1763,  et, 
après  avoir  pris  le  d*gré  de  licencié 
à  la  faculté  de  théologie,  donna  des 
leçons  dans  son  abbaye.  Bientôt  la 
garde  de  la  célèbre  bibliothèque  de 
Saint-Victor  lui  fut  confiée,  puis  il 
devint  chamirier^  c'est-à-dire  pro- 
cureur-général de  sa  congrégation. 
Enfin  il  fut  nommé,  en  1779,  prieur 
de  Bucy-le-Roi ,  diocèse  d'Orléans, 
où  il  resta  jusqu'à  la  suppression  des 
ordres  religieux.  Quoique  la  révolu- 
tion lui  eût  fait  perdre  son  bénéfice, 
il  eu  adopta  les  principes,  mais  avec 


104 


SEP 


modération.  Ayant  accepté  des  fonc- 
tions municipales,  il  rendit  souvent 
service  à  des  personnes  qui  ne  pen- 
saient pas  comme  lui.  Lors  de  la  réor- 
ganisation de  la  bibliothèque  d'Or- 
léans, à  laquelle  on  venait  de  réunir 
un  grand  nombre  de  volumes  pro- 
venant des  monastères  supprimés 
dans  le  département  du  Loiret,  il  en 
fut  créé  conservateur  et  s'occupa  de 
dresser  les  catalogues  tant  des  livres 
imprimés  que  des  manuscrits.  C'est 
dans  ce  poste  modeste,  mais  honora- 
ble qu'il  termina  sa  longue  carrière 
le  17  avril  1824,  âgé  de  80  ans.  L'abbé 
Septier  n'avait  pas  renoncé  à  son 
état  ;  il  était  chanoine  honoraire  d'Or- 
léans et  membre  de  la  Société  des 
sciences,  arts  et  belles-lettres  de  cette 
ville.  Le  catalogue  des  manuscrits  de 
la  bibliothèque  qu'il  avait  rédigé  a 
été  imprimé  aux  frais  du  conseil  mu- 
nicipal, sous  ce  titre  :  Manuscrits  de 
la  bibliothèque  d'Orléans ,  ou  No- 
tices sur  leur  ancienneté,  leurs  au- 
teurs, les  objets  qxCon  y  a  traités^ 
le  caractère  de  leur  écriture^  l'indi- 
cation de  ceux  à  qui  ils  ont  appar- 
tenu, précédés  de  notes  historiques 
sur  les  anciennes  bibliothèques  d'Or- 
léans, et  en  particulier  sur  celle  de 
la  ville,  Orléans,  1820,  in-8°.  Le 
rapport  de  la  commission  nommée 
par  M.  le  comte  de  Rocheplatte, 
maire  d'Orléans ,  imprimé  en  tête 
de  cet  ouvrage,  estime  «  que  l'abbé 
«  Septier  a  acquis  des  droits  à  la  re- 
«  connaissance  des  Orléanais  par 
«  l'excellent  travail  auquel  il  a  consa- 
■'Cré  tant  de  veilles.  La  notice  histo- 
"  rique  sur  les  bibliothèques  de  l'Or- 
«  léanais  qui  sert  d'introduction  au 
•  catalogue  et  les  notes  bibliographi- 
«  ques  et  critiques  dont  il  est  semé 
«  n'en  sont  pas  un  des  moindres  or- 
-  nements.  »  Septier  avait  mis  la 
deruière  main  au  catalogue  des  li- 


SER 

vres  imprimés^  mais  il  ne  paraît  pas 
avoir  été  publié.  Le  Journal  général 
du  Loiret  du  25  avril  1824  contient 
une  Notice  sur  Armand  Septier. 
L— M— X. 

SERAPHINIS  (Dominique  de), 
écrivain  piémontais  de  la  fin  du 
XV"  siècle,  est  un  des  premiers  qui 
se  soient  occupés  de  l'étude  des  sy- 
nonymes. Son  Floridumcompendium 
synonymorum  fut  imprimé  à  Turin , 
en  1477,  sans  indication  de  lieu; 
mis  en  italien,  il  reparut  dans  la 
même  ville  en  1500,  sous  ce  titre  : 
/  Sinonimi.  Il  y  a  peu  de  chose  à 
extraire  à  présent  de  cet  Abrégé 
fleuri.  B— N— T. 

SERAPION  (Saint),  surnommé 
le  Scolastique ,  à  cause  de  son  éru- 
dition et  de  son  éloquence,  était  né 
vei's  la  fin  du  11^  siècle.  11  remplis- 
sait les  fonctions  de  catéchiste  à 
l'église  d'Alexandrie  lorsqu'il  se  re- 
tira dans  la  solitude  ,  d'où  il  allait 
quelquefois  visiter  saint  Antoine. 
Ordonné  évêque  de  Thmuis ,  en 
Egypte,  vers  340,  il  fut  compté  au 
nombre  des  plus  illustres  défensc'urs 
de  la  foi  catholique.  Saint  Athauasc 
avait  une  grande  confiance  dans  ses 
lumières  et  lui  soumettait,  pour  les 
reviser,  ses  propres  ouvrages.  Ce 
fut  même  à  la  prière  de  Sérapiou 
que  le  saint  patriarche  d'Alexandrie 
composa  la  plupart  de  ses  écrits  con- 
tre les  Ariens  et  les  Macédoniens. 
Quand  il  fut  en  butte  aux  persécu- 
tions des  hérétiques ,  l'évêque  de 
Thmuis  prit  hautement  sa  défense  et 
partagea  sa  disgrâce,  car  il  mourut 
en  exil,  pour  la  cause  de  l'ortho- 
doxie, vers  460.  Saint  Sérapion  avait 
écrit  plusieurs  lettres  et  un  traité 
sur  les  titres  des  psaumes,  cité  par 
saint  Jérôme;  mais  ces  opuscules 
sont  perdus.  Il  ne  reste  de  lui  qu'uu 
traite  rontre  les  Manichéens ,  qui  n 


S£R 


SER 


105 


été  traduit  en  latin  par  Turricn. 
Cette  version,  insérée  dans  la  Biblio- 
theca  maxima  veterum  patrum  de 
Despont ,  se  trouve  aussi  dans  le 
tome  V  des  Antiquœ  Lectiones^  de 
H.  Canisius.  J.  Basnage,  en  donnant 
une  nouvelle  édition  de  cet  ouvrage, 
sous  le  titre  de  Thésaurus  monu- 
mentor.  ecclesiasticor.,  a  inséré  dans 
!e  tome  1"  le  texte  grec  de  saint 
Sérapion. — L'histoire  ecclésiastique 
mentionne  encore  plusieurs  saints 
personnages  de  ce  nom.      P— «t. 

SÉRAPION,  médecin  empirique 
d'Alexandrie  ,  disciple  et  successeur 
de  Philinus,  vivait  environ  200  ans 
avant  J.-C.  Comme  les  adeptes  de 
son  école,  il  rejetait  les  spéculations 
théoriques  et  n'admettait  pour  base 
de  l'art  médical  que  la  seule  expé- 
rience; mais  il  ne  sut  pas  garder  une 
juste  mesure  dans  l'application  de 
cette  règle,  et  rassembla,  sans  exa- 
men, un  grand  nombre  de  formules 
populaires,  souvent  absurdes.  Sui- 
vant Galicn,  sa  vanité  était  extrême. 
Il  attaqua  tous  les  médecins  qui  l'a- 
vaient précédé,  et  s'éleva  même  for- 
tement contre  la  doctrine  d'Hippo- 
crate ,  ne  réservant  des  éloges  que 
pour  lui-même.  Sérapion  avait  com- 
posé plusieurs  ouvrages  qui  ne  sont 
point  parvenus  jusqu'à  nous  5  mais 
on  en  trouve  des  fragments  dans  Cae- 
lius  Aurélianus,  Aétius  et  Myrepsus. 
—  SÉRAPION  {Jean)^  médecin  arabe, 
vivait  vers  la  fin  du  X^  siècle;  il  a 
laissé  un  ouvrage  sur  les  médica- 
ments, qui  a  long-temps  joui  d'une 
grande  célébrité  et  qui  présente  un 
recueil  étendu  de  ce  que  les  méde- 
cins arabes  et  grecs  avaient  déjà  dit 
au  sujet  de  l'histoire  naturelle  et 
des  vertus  des  plantes  et  des  miné- 
raux. On  y  trouve  parfois  des  idées 
neuves  ou  mieux  développées  que 
chez  les  prédéeesseur.*.  de  Sérapion  , 


mais  les  récits  fabuleux  y  abondent. 
L'histoire  de  la  montagne  d'aimant, 
de  l'asphalte,  du  bézoard,  montrent 
avec  quelle  crédulité  notre  auteur 
enregistrait  le  merveilleux  que  lui 
offraient  seslectures.D'après  lui, l'am- 
bre se  trouve  dans  le  corps  de  la  ba- 
leine, le  meilleur  près  delà  colonne 
vertébrale,  le  plus  mauvais  dans 
l'estomac.  Eu  Chine,  il  y  a  des  in- 
dividus uniquement  chargés  de  la 
pêche  de  cette  substance.  Ils  cher- 
chent à  se  faire  avaler  par  les  ba- 
leines ;  une  fois  dans  le  corps  du 
monstrueux  habitant  des  mers ,  ils 
lui  donnent  la  mort.  Le  diamant  se 
trouve  dans  le  fleuve  Ixus ,  sur  les 
frontières  du  Khoraçan ,  et  depuis 
Alexandre,  personne  n'a  osé  entre- 
prendre un  voyage  jusqu'à  cette  ri- 
vière. Nous  pourrions  remplir  deux 
colonnes  de  contes  semblables.  Après 
tout,  nous  aurions  tort  de  blâmer 
Sérapion;  il  croyait  ce  que  l'on 
croyait  de  son  temps;  peut-être  fe- 
rions-novis  rie  même.  Son  ouvrage, 
traduit  de  l'arabe  en  latit!,  sous  ie 
titre  de  Liber  de  medicinis  simpli- 
cibus ,  fut  imprimé  à  Milan  ,  1173  , 
in  fol.,  puis  à  Venise,  1479,  in-fol. 
{voy.  le  Manuel  du  libraire).  Une 
édition  ,  sous  le  titre  de  Serapio- 
nis  opéra  medica ,  parut  à  Venise 
en  1497,  in-fol.,  et  dans  le  seizième 
siècle  de  nouvelles  éditions  furent 
encore  publiées  à  Venise,  à  Lyon,  à 
Strasbourg.  Outre  le  Liber  de  sim- 
plici  medicina,  on  y  trouve  la  Prac- 
tica^  dicta  breviarium-,  mais  il  pa- 
raît que  ce  dernier  ouvrage  a  pour 
auteur  un  autre  Jean  Sérapion,  mé- 
decin arabe,  qui  vivait  au  milieu  du 
IX^  siècle,  et  que  l'on  croit  être  le 
même  que  Jean  Damascène  (voy. 
Damascè>e,  X,  458).  Ce  Sérapion  a 
été  surnommé  V Ancien,  pour  le  dis- 
fniguer  de  son  homonyme,  apjtelé  k 


106 


SER 


Jeune,  avec  lequel  on  l'a  souvent 
confondu.  B— N— T. 

SERGES  (Jacques),  né  à  Ge- 
nève ,  en  1695  ,  y  fit  de  bonnes  étu- 
des théologiques  qui  développèrent 
en  lui  des  talents  dont  il  donna  des 
preuvfs  dans  sa  patrie  ,  et  qui  éten 
dirent  sa  réputation  à  l'étranger.  Ap- 
pelé en  Angleterre  pour  y  exercer  les 
jonctions  du  ministère  pastoral ,  au- 
quel il  s'était  consacré,  il  fut  d'a- 
bord vicaire  d'Appleby,  chef-lieu  du 
comté  de  Westmoreland ,  ensuite 
aumônier  de  la  chapelle  royale  de 
Saint-James,  à  Londres,  où  il  mou- 
rut on  1762.  11  a  publié  '.  Traité  sur 
les  miracles,  dans  lequel  on  prouve 
que  le  Diable  n'en  saurait  faire 
pour  confirmer  l'erreur,  et  ou  Von 
examine  le  système  opposé  tel  que 
l'a  établi  le  docteur  Sam.  Clarke , 
Amsterdam,  Humbert,  1729  ,  in-8o. 
Ce  livre,  cité  par  Debure  dans  sa  Bi- 
bliographie instructive ,  n"  745 ,  pa- 
r;nl  avoir  été  recherché.  On  l'a  tra- 
duit en  allemand  sous  ce  titre  :  Vber 
die  Vandericerke ,  etc.,  Rostock, 
1749,  in-8°.  Yoy.  le  Catalogue  de  la 
Bibliothèque  littéraire  (imprimé  en 
1832,  à  Strasbourg,  chez  Heitz  , 
in-8*') ,  de  feu  M.  Haifner,  doyen  de 
la  Faculté  de  théologie  protestante  de 
Strasbourg,  seconde  partie,  n''  1580. 
Scnebier  dit  que  Serces  a  encore 
composé  quelques  ouvrages  de  con- 
troverse ^  mais  il  ajoute  qu'il  n'a  pu 
parvenir  à  en  connaître  les  intifu- 
lations  (t).  B— l— u. 

SERCEY  (le  marquis  Pierre-Cé- 
SAK-CuARLES-GuiLLALME  DE  ) ,  ami- 
ral français,  né  à  l'Ile-de-France,  en- 


(i)  Ce  n'est  point  pour  en  faire  un  re- 
jiroche  à  Séoebier  que  nous  soulignons  ce 
mot.  On  le  trouve  dans  les  dictionoaires  de 
Ciitineau,  de  Gattel,  de  Boistr,  etc.,  mais 
nous  pcusous  que  rAcadéinie  française  ,i 
bien  fait  de  ne  pas  l'admetUc  dans  le  sicu. 


SER 

tra  fort  jeune  dans  la  marine  en  1766. 
Il  fit  les  campagnes  maritimes  de 
l'Inde  en  1707-1770,  et  celles  qui  eu- 
rent pour  objet  la  découverte  des 
terres  australes ,  en  1772.  Il  était 
enseigne  sur  la  Belle-Poule  en  1778, 
et  la  bravoure  qu'il  déploya  dans  le 
glorieux  combat  qui  ouvrit  la  guerre 
lui  valut  la  faveur  du  commande- 
ment de  celte  frégate,  en  l'absence 
du  brave  La  Clochelerie  grièvement 
blessé.  En  1781,  il  reçut  le  grade  de 
lieutenant  de  vaisseau  et  la  croix  de 
Saint-Louis,  en  récompense  des  ser- 
vices qu'il  rendit  au  siège  de  Pen- 
sacola,  où  il  commandait  une  cor- 
vette. L'année  suivante,  il  servit 
comme  second,  sous  les  ordres  du  vi- 
comte de  Mortemart ,  à  bord  de  la 
Nymphe.  Cette  frégate,  après  un  com- 
bat archarné,  ayant  fait  baisser  pavil- 
lon à  l'Ârgo,  Sercey  fut  chargé  d'en 
aller  prendre  possession  •,  mais  le  ca- 
not qui  le  portait  chavira  et  il  se 
sauva  à  la  nage.  A  la  mort  du  vicomte 
de  Mortemart,  il  le  remplaça  et  con- 
serva le  commandement  de  la  Nym- 
phe jusqu'à  la  fin  de  la  guerre,  du- 
rant laquelle  il  ne  cessa  de  donner 
des  preuves  de  courage.  En  1781,  il 
fit  partiede  l'expédition  qui  condui- 
sit l'ambassadeur  de  France  à  Con- 
slantinople  et,  en  1786,  il  prit  le  com- 
mandement de  VAriel ,  en  station 
dans  les  Antilles.  Ét.mt  resté  dans  ces 
parages  jusqu'en  1788,  il  revint  en 
France  au  moment  où  allait  éclater  la 
révolution.  En  1790,  il  passa  sur  la 
Surveillante  et  fut  nommé  capitaine 
l'annéesuivante.llsetrouvaitàSaint- 
Domingue  lorsque  les  premiers  trou- 
bles s'y  manifestèrent,  et  on  l'y  vit  pro- 
téger et  secourir  les  colons  de  tous 
ses  moyens.  Il  continua  de  servir 
malgré  les  changements  politiques 
.survenus  en  France  ,  et  acci'pta,  en 
1793,  le  grade  de  contre-amiral,  du 


SER 

gouvernement  révolutionnaire,  qui 
lui  donna  l'ordre  de  porter  son  pa- 
villon à  bord  du  vaisseau  VÈole^  de 
prendre  le  commandement  de  la  di- 
vision en  rade  du  cap  et  de  re'unir 
tous  les  bâtiments  qui  naviguaient 
dans  ces  mers  pour  les  ramener  en 
France.  Au  mois  de  juin,  il  e'tait  par- 
venu à  en  rassembler  près  de  200 
richement  chargés ,  et  il  se  disposait 
à  mettre  à  la  voile,  lorsque  e'clata  la 
terrible  révolte  des  noirs,  suscitée 
par  les  commissaires  Polverel  et  Son- 
thonax.  S'étant  prononcé  ouverte- 
ment contre  les  agents  convention- 
nels, ceux-ci  le  mirent  hors  la  loi  ; 
mais  les  équipages  lui  restèrent  fidè- 
les et  cette  mesure   n'eut   pas  de 
suite.  On  ne  saurait  trop  louer  la 
conduite  qu'il   tint  alors;   il  oHrit 
une  généreuse  hospitalité  aux  mal- 
heureux colons  échappés  du  massa- 
cre, et  plus  de  six   mille  lui  durent 
la  vie.  11  les  répartit  sur  ses  bâti- 
ments de  guerre  et  de  commerce, 
mais  le  manque  de  provisions  etaussi 
le  danger  qu'il  y  avait  à  entrepren- 
dre le  voyage  de  France  avec  un  si 
nombreux  convoi,  le  forcèrent  de  se 
diriger  sur  les  États-Unis.   Il  y  ar- 
riva   en    douze  jours,    sans  avoir 
perdu    un  seul    navire.    De  retour 
en  France  à  la  fin  de  1793,  il  fut 
destitué  comme  noble  ,  puis  arrêté , 
conduit  à  Paris  et  emprisonné  au 
Luxembourg,  où  il  se  trouvait  à  l'é- 
poque de  la  conspiration  du  baron 
de  Batz  {voy.  ce  nom,  LVII,  300). 
On  conçoit  qu'il   eut  connaissance 
des  manœuvres  d'alors  ,  et  qu'il  eut 
soin,  dans  la  prison,  de  s'éloigner 
de  toute  sociétéavec  ses  compagnons 
d'infortune.  Il  fut  remis  en  activité 
après   la  chute  de  Robespierre,  au 
9  thermidor  an  H  (1794).   L'année 
suivante,    on    lui    confia  le    coiii- 
inandcmcnt  d'une   division    navale 


SER 


107 


destinée  à  prendre  station  dans  les 
mers  de  l'Inde.  Deux   commissaires 
civils, Baco  et  Burnel,  faisaient  partie 
de  cette  expédition;  durant  la  tra- 
versée,   quelques  indiscrétions  qui 
leur   échappèrent    firent    compren- 
dre à  l'amiral  Sercey  l'odieuse  mis- 
sion dont  ils  étaient  chargés  ;  il  ne 
s'agissait  rien  moins  que  de  boule- 
verser  les  îles  de  France  et  de  la 
Pxéunion  avec  les  moyens  employés 
à  Saint-Domingue.   Décidé    à   faire 
échouer  ces  infâmes  projets,  Sercey 
s'empressa,  en  touchant  ces  colonies, 
de   dénoncer  les  agents  ,du  Direc- 
toire aux  principaux  habitants,  qui 
ne  voulurent  pas  les  recevoir.  A  leur 
retour  en  France,  ces  agents  accu- 
sèrent Sercey  de  s'être    opposé    à 
leur  réception,  d'avoir  voulu  couler 
bas  U  Moineau  qu'ils  montaient,  et 
d'avoir  signé  Tordre   de  les  déposer 
sur  une  côte.  Ou  venait  de  publier 
(en  juin  1796),  une  lettre  de  l'amiral 
Sercey   au    ministre,  dans  laquelle 
il  rendait  compte  de  son  expédition; 
les   représentants   Boissy    d'Auglas 
et  Siméon ,  au  conseil  des  Anciens, 
approuvèrent  énergiquement  la  con- 
duite qu'il  avait  tenue,  et  dans  la 
discussion  du   15  thermidor  an  V, 
sur  ce  sujet,  Siméon  prononça  un 
discours  pour  obliger  le  Directoire 
à  faire  connaître  les  services  que 
le  contre-amiral  avait  rendus  dans 
l'Inde  ,    ce    qui    fut  décrété.   Pen- 
dant ce  temps,  ce  brave  marin  sou- 
tenait la  gloire  de  notre  pavillon;  le 
8  septembre  1796,  il  fut  attaqué  près 
de  Sumatra  par  deux  vaisseaux  an- 
glais de  74,  le  Victorieux  et  l'Arro- 
gant ;    Sercey    commandait    quatre 
frégates.  Après  un   combat  de  cinq 
heures,  les  Anglais  prirent  la  fuite 
et  durent  leur  saint  .-.u  calme  qui  sur- 
vint et  <|ui  ne  permii  pas  de  les  pour- 
suivre. Il  parut  ensuite  devant  Bâta- 


108 


SER 


via,  qui  était  sur  le  point  de  succom- 
ber et  qu'il  sauva  d'une  perte  cer- 
taine. En  mai  1799,  après  une  croi- 
sière, il  revenait  à  l'IIe-de-France 
avec  une  fre'gate  et  une  corvette, 
lorsqu'il  trouva  cette  colonie  blo- 
que'e  par  deux  vaisseaux  et  quatre 
frégates.  En  présence  de  ces  forces 
plus  que  triples  des  siennes,  il  ma- 
nœuvra avec  une  prudence  habile 
et  parvint  à  entrer  dans  le  port, 
après  une  canonnade  de  six  heures. 
L'Ile-de-France  lui  dut  encore  une 
fois  son  salut  ;  il  n'avait  cessé  de 
pourvoir  aux  besoins  de  cette  colo- 
nie par  les  secours  que  ses  prises 
nombreuses  lui  procuraient.  Il  fut 
rappelé  en  1800,  et  arriva  en  France 
après  la  paix  d'Amiens.  Le  premier 
consul  le  félicita  sur  sa  conduite  dans 
l'Inde,  et  l'employa  dans  une  des 
parties  administratives  de  la  marine. 
A  la  création  de  la  Légion-d'Honneur, 
il  en  fut  nommé  commandant  et  de- 
manda sa  retraite,  bien  qu'un  nou- 
veau commandement  lui  fût  offert.  Il 
vivait  retiré  à  l'Ile-de-France,  lors- 
que cette  colonie  fut  attaquée  par  les 
Anglais,  en  1809.  Alors  il  prit,  par 
ordre  du  gouverneur-général,  le 
commandement  du  sud  de  cette  île, 
et  la  préserva  des  attaques  de  la  ma- 
rine anglaise,  comme  il  l'avait  pré- 
servée des  fureurs  révolutionnaires. 
Il  se  trouvait  en  France  à  la  chute  de 
l'Empire,  et  il  fut  un  des  commis- 
saires chargés  d'aller  au-devant  de 
Louis  XVIM,  qu'il  félicita  au  nom  de 
la  marine.  Aussitôt  après,  le  gouver- 
nement royal  lui  confia  la  mission  de 
se  rendre  en  Angleterre  pour  traiter 
de  l'échange  des  prisonniers,  et  il 
s'en  acquitta  avec  un  succès  complet. 
A  son  retour,  le  roi  le  nomma  vice- 
amiral,  grand-ol'ticier  de  la  Légion- 
d'Honneur,  commandeur  de  Saint- 
Louis,  et.  <e(jui  était  mieux  encore, 


SER 

il  le  comprit  au  nombre  des  vice- 
amirnux  en  activité.  Après  la  révolu- 
tion de  1830,  le  marquis  de  Sercey 
fut  nommé  pair  de  France,  et  il  ter- 
mina son  honorable  carrière  vers 
1835,  ayant  rempli  de  la  manière  la 
plus  édifiante  tous  ses  devoirs  de 
religion.  C— h-  n. 

SERDONATI  (François),  litté- 
rateur florentin  ,  vécut  au  XVP  siè- 
cle, et,  quoiqu'il  reste  plusieurs  de 
ses  ouvrages,  on  ne  sait  presque 
rien  de  sa  personne.  Les  notices  que 
Gaddi,  Poccianti,  Cinelli  et  Negri 
en  ont  publiées  sont  trop  incomplè- 
tes pour  être  satisfaisantes  ;  et  ce 
qu'on  doit  regretter  le  plus ,  c'est 
que  son  nom  ait  échappé  à  Tirabos- 
chi ,  historien  si  exact  de  la  littéra- 
ture italienne.  Dans  l'impossibilité 
de  réparer  l'oubli  de  ses  compatrio 
tes ,  nous  nous  bornerons  à  donner 
l'indication  exacte  de  ses  écrits. 
I.  I  tre  libri  deW  ira,  traduit  du 
latin  de  Sénèque,  Padoue,  1569, 
in-4°.  II.  I  falti  d' arme  de'  Romani, 
Venise,  1572,  in-^».  III.  StoriedeW 
Indie  orientali,  trad.  du  latin  du 
P.  Maffei ,  jésuite -,  Florence  et  Ve- 
nise, 1589,  in-4";  Bergame,  1749, 
2vol.in-4°,  édition  surveillée  par 
Serassi(voî/.  cenom,  XLII,  57). Cette 
traduction,  qui  fait  aussi  partie  des 
classiques  italiens  imprimés  à  Mi- 
lan ,  a  été  citée  par  les  académi- 
ciens de  la  Crusca.  IV.  Orazione 
funeralc  délie  lodi  di  Giuliano 
de'  Ricasoli,  Florence  ,  1590,  ■n-4''. 

V.  Orazione  funerale  délie  lodi  di 
France«coOrsmo, ibid.,  l.)Ç3,in-4°. 

VI.  Bella  varia  dottrina,  trad.  du 
latin  de  Galeotti  Marzio,  de  Narni, 
ibid.,  1615  (1595),  in  8°.  VII.  Sto- 
ria  diGenova^Uaà.  du  latin  de  Fo- 
glietta,  Gênes,  1597,  in  fol.  VIH. 
Esortazione  alla  republira  di  Ve- 
nezia,  trad.  du    latin   du  cardinal 


SEft 

Baroniiis,  Roine ,  I60(î,  in-8^  IX. 
De'  vaniaggi  da  pigliarsi  da'  capi- 
tani  di  guerra  conlro  i  netnici  supe- 
riori  di  cavalleria^  ibid.,  1608, 
in-i".  X.  Ordine  di  leggeregli  scrit- 
tori  délia  storia  romana,  trad.  du 
latin  de  Pierre  Angeli  de  Barga  (le 
Bargeo),  imprimé  avec  la  traduction 
italienne  de  Suétone,  par  Paul  del 
Rosso,  Florence,  1611,  in-8°.  XI. 
Origine  de'  proverbi  ftorentini,  ma- 
nuscrit conservé  à  la  bibliothèque  Bar- 
berini ,  d'où  le  cardinal  Léopold  de 
Médicis  tira  une  copie  pour  en  faire 
présent  aux  académiciens  de  la  Crus- 
ca.  Ce  dernier  exemplaire,  en  4  vol., 
est  dans  la  bibliothèquedes Médicis,  à 
Florence.  Serdonali  composa  des  sup- 
pléments pour  les  Vies  des  hommes 
et  des  femmes  illustres^  de  Boccace, 
qui  furent  imprimés  à  la  suite  des 
traductions  italiennes  de  ces  ouvra- 
ges, Florence,  1596  et  1598,  in-8°. 
Moréri  paraît  s'être  trompé  en  lui 
attribuant  un  éloge  de  Jeanne  d'Au- 
triche, femme  de  François  I",  grand- 
duc  de  Toscane.  On  pourrait  trou- 
ver d'autres  renseignements  sur  cet 
auteur  dans  l'ouvrage  de  Biscioni , 
intitulé  la  Toscana  letterata ,  dont 
le  manuscrit  est  déposé  à  la  biblio- 
thèque Magliabecchiana  de  Florence. 
A— G — s. 
SÉRÈXE  (  Jean-Jacques-Rous- 
seau), né  à  Toulon  le  14  octobre 
1794  ,  se  livra  à  l'étude  de  la  méde- 
cine et  de  la  chirurgie ,  et  servit  d'a- 
bord dans  les  armées  comme  officier 
dersanté.  Revenu  dans  ses  foyers  et 
reçu  docteur  en  médecine,  il  exer- 
çait sa  profession  avec  succès,  lors- 
qu'une mort  prématurée  l'enleva ,  le 
14  janvier  1829 ,  âgé  seulement  de 
34  ans.  il  était  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes ,  entre  autres  de  la 
société  des  sciences,  arts  et  belles- 
lettres  du  département  du  Var,  où 


SER 


109 


i5uii  ÊInge  fut  prononcé,  dans  la 
séance  du  1"  avril ,  par  M.  Laure ,  et 
une  Notice  nécrologique  lue  par  M. 
Féraud;  l'un  et  l'autre  ont  été  im- 
primés à  Toulon.  On  a  du  docteur 
Sérène  :  Histoire  médicale ,  anato- 
mique  et  physiologique  d'un  enfant 
atteint  d'aphotaislésie ,  Marseille, 
1829,  in-8^.  Z. 

SÉRENT  (Armand -Louis,  duc 
de),  né  à  Nantes ,  le  30  décembre 
1736 ,  d'une  famille  dont  la  noblesse 
remonte  jusqu'au  combat  des  Trente, 
entra  dans  les  mousquetaires  de  la 
maison  du  roi  en  1752, fut  guidon 
de  gendarmerie ,  puis  lieutenant  de 
cavalerie  en  1759.  C'est  en  cette  qua- 
lité qu'il  fit  toutes  les  campagnes  de 
la  guerre  de  sept  ans,  en  Allemagne. 
Nommé  chevalier  de  Saint-Louis, 
puis  brigadier,  et  enfin  maréchal- 
de-camp  en  1780  ,  il  fut ,  dans  cette 
même  année,  choisi  pour  gouverneur 
des  enfants  du  comte  d'Artois,  les 
ducs  d'Angoulême  et  de  Berri(i), 
puis  chargé,  lors  des  premiers  événe- 
ments de  la  révolution,  de  conduire 
ces  princes  à  Turin,  auprès  du  roi  de 
Sardaigne,  leur  aïeul  maternel. Quand 
la  guerre  s'alluma,  en  1792,  il  fut 
encore  le  guide  de  ces  jeunes  princes 
à  l'armée  de  Condé,  où  il  servit  lui- 

(l)  On  apprendra  peut-être  avec  quelque 
surprise  que  le  gouverneur  lui  -  même  , 
sacrifiant  aux  idées  du  siècle,  avait  fait  pla- 
cer les  œuvres  de  Voltaire  dans  la  biblio- 
thèque de  ces  jeunes  princes.  Nous  avons 
tous  le3  yeux  un  mémoire  fourni  par  le  li- 
braire Saugrain,  qui  ne  laisse  aucun  doute 
possible  sur  ce  point.  On  y  remarque  ces 
deux  articles  : 

Pour  la  suite  de  Voltaire.     .    .      78    liv. 

Pour  la  reliure  du  Voltaire.  .  400 
Ce  mémoire  est  ordonnancé  de  la  main  du 
gouverneur  en  ces  termes  :  f'u  bon  pour  être 
pajè  par  M.  Forqueiajr  pour  le  service  des 
princes.  A  VenaMes ,  le  23  janvier  1789. 
Signe  le  marquis  de  Sérent.  M.  Forqueray 
était  secrétaire  de  la  chambre  et  de  la  garde- 
robe  des  princes.  L — m — x. 


110 


SER 


même  avec  distinction.  Le  comte 
d'Artois  l'ayant  attaché  à  sa  per- 
sonne, il  le  suivit  en  Bussie,  puis  à 
Londres.  Lorsque  LoiiisXVlil  vint  en 
Angleterre  (1807),  le  marquis  de  Se- 
rent  se  rendit  auprès  de  ce  prince, 
à  Hartwell,  et  n*'  le  quitta  plus  jus- 
qu'à son  retour  à  Paris,  eu  1811. 
Créé  pair  de  France  le  2  juin,  avec 
le  fiire  de  duc,  il  fut  en  même  temps 
nommé  lieutenaut-générai ,  gouver- 
neur du  château  de  Rambouillet,  et 
enfin  chevalier  des  Ordres  du  roi. 
Le  duc  de  Sérent  mourut  à  l'âge  de 
86  ans,  le  30  octobre  1822.  Il  avait 
épousé,  en  1759,  une  demoiselle  de 
Montmorency  -  Luxembourg  ,  qui 
mourut  le  15  février  1823,  aux  Tui- 
leries ,  où  elle  était  dame  d'honneur 
de  Madame,  duchesse  d'Augoulênie, 
qu'elle  avait  suivie  dans  l'émigra- 
tion, après  avoir  été  dame  d'atours 
de  madame  Elisabeth ,  sœur  de  Louis 
XVI.  B— p. 

SERENT  (le  comte  Sigismond 
de),  nis  du  précédent,  fut  député  de 
fa  noblesse  du  Nivernais  aux  États- 
généraux  de  1789.  Doué  d'un  exté- 
rieur agréable  et  d'un  esprit  facile, 
il  fut  un  des  commissaires  rédacteurs 
de  son  ordre  pendant  le  mois  de 
juin  de  cette  première  année,  et, 
peut-être  par  l'envie  de  se  faire  re- 
marquer, pencha  quelquefois  vers 
le  côté  du  parti  monarchieu  après 
la  réunion  des  ordres.  Eu  août  1789, 
il  provoqua  l'abolition  des  poursuites 
intentées,  depuis  plus  de  dix  ans, 
contre  Boncerf,  pour  avoir  écrit  cou  - 
tre  la  féodalité.  Le  fi  oct.,  il  pressa 
vaincu. ent  l'assemblée  d'aller  siéger 
au  château,  p;)ur  se  rapprocher  de  la 
personne  de  Louis  XVI.  Le  15  niai 
1790,  il  soutiut  avec  force  -que  le 
«  droit  (le  paiX  et  de  guerre  devait 
«  appartenir  au  pouvoir  exécutif.  » 
Le  8  octobre  suivant,  il  parla  en  fa- 


SER 

veur  des  maisons  religieuses,  à  qui 
on'refusait  de  payer  leurs  traitements. 
Quelques  jours  après,  il  prit  la  dé- 
fense (lu  coiiite  (leBussi,  prévenu  de 
conspiraiion  contre  l'État,  et  s'op- 
posa à  ce  qu'il  fût  transféré  à  l'Ab- 
baye. Le  31  mai  1.791,  il  prit  celle  des 
officiers  de  l'armée,  accusés  par  des 
pétitions  et  par  plusieurs  députés. 
Enlin  le  4  juin ,  il  adressa  une  lettre 
à  l'Assemblée  nationale,  par  laquelle 
il  lui  annonça  «que  ses  principes  ne 
«  lui  permettaient  pas  d'assister  da- 
•  vantage  à  ses  séances.  »  Il  signa 
les  protestations  des  12  et  15  sep- 
tembre 1791  ;  se  rendit  en  Allema- 
gne, où  il  fit  la  première  campagne 
dans  l'armée  de  Coudé,  et  passa  en 
Angleterre  où  il  rejoignit  son  père 
et  le  comte  d'Artois,  qui  le  nomma 
son  aide-de-camp  et  l'emmena  avec 
lui  à  l'Ile- Dieu  en  1795.  Il  reçut  en- 
core de  ce  prince  d'autres  missions 
dont  il  s'acquitta  avec  beaucoup 
de  cournge,  et  fut  envoyé  de  nouveau 
ainsi  que  son  frère  ,  le  vicomte ,  en 
1796,  auprès  des  armées  de  l'Ouest, 
avec  de  grands  pouvoirs  et  de  fortes 
sommes  d'argent.  Il  était  aussi  por- 
teur d'instructions  et  de  dépêches 
imporiantes  pour  les  chefs  des  armées 
royales.  Étant  débarqué  le  16  mars 
1796  sur  les  côtes  de  Bretagne, 
près  de  Sainl-Malo,  accompagné  de 
son  frère  et  de  vingt-sept  gentils- 
hommes ,  parmi  lesquels  étaient  le 
comte  de  Bourmont  et  Suzannet,  ils 
tombèrent  dans  une  patrouille  répu- 
blicaine de  cinq  hommes,  et  en  tuè- 
rent quatre;  mais  le  cinquième  s'étaiit 
enfui  en  criant;  aux  armes!  un  nom- 
breux détachement  arriva.  Après  un 
long  combat,  le  comte  de  Sérent  se 
jeta  dans  les  marais  de  Dol,  où  il  fut 
vivement  poursuivi^  enfin,  accablé  de 
fatigue  et  sentant  qu'il  ne  pouvait 
aller  plus  loin,  il  donna  son  porte- 


SER 

feuille  à  un  de  ses  compagnons  d'ar- 
mes, et  se  cacha  dans  un  fossé,  où 
bientôt  il  fut  surpris  et  égorgé.  Son 
frère,  le  vicomte,  périt  à  côté  de  lui 
de  la  même  manière.  Le  roi  Louis 
XVIII  et  le  comte  d'Artois  apprirent 
la  nouvelle  de  leur  mort  avec  une 
douleur  extrême,  et  ils  écrivirent  à 
cette  occasion  à  leur  père  des  lettres 
fort  touchantes.  On  pensa  que  ces 
malheureux  n'avaient  pas  fait  assez 
secrètement  à  Londres  les  préparatifs 
de  leur  départ,  et  que  ce  manque  de 
prudence  avait  été  cause  que  le  point 
de  leur  débarquement  fut  connu  de 
la  police  du  Directoire  qui  avait  de 
nombreux  espions  en  Angleterre.  Les 
chouans  trouvèrent  leur  portefeuille 
qui  contenait  des  choses  très-précieu- 
ses, notamment  les  grâces  que  le  roi 
Louis  XVIII  accordait  aux  officiers 
des  troupes  royales.  B— p. 

SERGENT  (Louis),  l'un  des  prin- 
cipaux acteurs  dans  les  troubles  qui 
ébranlèrent  le  trône  de  Louis  XVI 
en  1789,  fut  aussi  l'un  de  ceux  qui 
en  achevèrent  la  ruine  en  1792.  Il 
était  né  à  Chartres  en  1751  dans  une 
famille  obscure ,  sans  fortune,  et 
n'avait  reçu  qu'une  éducation  incom- 
plète. Voué  de  bonne  heure  à  l'art 
de  la  gravure,  il  vint  à  Paris  pour  s'y 
perfectionner  et  dut  en  faire  son 
principal  moyen  d'existence.  Comme 
c'était  alors  un  assez  mauvais  métier 
et  que  son  talent  était  médiocre,  on 
croit  qu'il  y  suppléa  par  des  services 
rendus  à  la  police,  lesquels,  bien 
qu'assez  grassement  payés,  ne  suf- 
fisaient point  à  son  ambition,  qui 
dès  lors  était  fort  grande.  On  con- 
çoit qu'avec  ce  caractère  et  dans 
une  pareille  position  il  dut  voir 
avec  joie  éclater  une  révolution  et 
s'opérer  des  changements  qui  ne 
pouvaient  que  lui  être  profitables. 
11  s'y  jeta  donc  avec  beaucoup  d'ar- 


SER 


lU 


deur  dès  le  commencement,  et  tira 
parti  de  son  expérience  acquise 
en  vivant  au  milieu  du  peuple  de  la 
capitale  et  surtout  dans  les  faubourgs 
populeux ,  où  il  avait  toujours  habité. 
On  sait  que  c'est  là  que  furent  préparés 
les  premiers  échecs  du  pouvoir  mo- 
narchique, tels  que  la  défection  des 
gardes-françaises,  la  prise  des  Invali- 
des, puis  celle  de  la  Bastille,  les  mas  ; 
sacres  de  Foulon,  de  Bertier,  etc. 
Dans  toutes  les  journées  qui  précé- 
dèrent ces  catastrophes,  on  vit  Ser- 
gent au  milieu  delà  foule  pérorant, 
excitant  k  la  révolte.  Il  ne  lui  fut 
pas  difficile,  en  ce  temps  d'anarchie 
et  de  désordre,  où  les  plus  audacieux 
étaient  les  maîtres,  d'acquérir  une 
grande  influence.  Ce  fut  d'abord 
comme  président  du  district  de  Saint- 
Jacques-de-l'Hôpital  qu'il  apparut 
en  1790  au  premier  rang  de  la 
scène  politique,  et  qu'il  se  mit  en 
rapport  avec  tousles  pouvoirs,  même 
avec  l'Assemblée  nationale  à  laquelle 
il  adressa  quelquefois  des  réclama- 
tions et  «lênie  des  remontrances. 
S'érigeant  en  protecteur  des  patrio- 
tes opprimés,  il  embrassa  avec  cha- 
leur la  cause  de  soixante  soldats  du 
régiment  de  Royal-Champagne  qui 
s'étaient  révoltés  contre  leurs  chefs 
et  qui,  pour  cela,  avaient  été  ren- 
voyés avec  des  cartouches  jaunes. 
Il  s'est  vanté  plus  tard  de  les  avoir 
fait  rentrer  dans  l'armée,  et  même  il 
a  dit  que  huit  de  ces  soldats  étaient 
devenus  généraux,  un  autre  maré- 
chal, ce  que  nous  sommes  loin  de 
contester.  Nous  aurions  seulement 
désiré  qu'il  en  nommât  au  moins  un, 
mais  c'est  ce  dont  i!  s'est  bien  gardé. 
Nous  ne  contestons  pas  non  plus  le 
mérite  qu'il  s'est  donné ,  d'avoir 
fondé  à  la  même  époque  des  comités 
de  bienfaisance,  ni  même  celui  d'a- 
voir soustrait  quelques  victimes  aux 


112 


SER 


massacres  el  à  l'échafand.  Par  su  po- 
sition il  pouvait  très-bien  rendre  de 
pareils  services,  mais  nous  aurions 
aussi  désiré  que  sur  ce  point  encore 
ses  indications  lussent  un  peu  moins 
vagues.  L'influence  qu'il  acquit  à  la 
même  époque  dans  la  société  Irès- 
peu  philanthropique  des  Jacobins  ne 
donne  pas  lieu  de  croire  que  l'huma- 
nité et  la  bienfaisance  fussent  ses 
premiers  mobiles  ;  mais  tous  les  Ja- 
cobins, il  faut  bien  le  reconnaître, 
n'étaient  pas  d'impitoyables  égor- 
geurs.  Réélu  plusieurs  fois  de  suite, 
Sergent  devint  en  quelque  façon  le 
secrétaire    perpétuel    de  cette   fa- 
meuse société,  et  sans  paraître  sou- 
vent à  la  tribune  il  y  joua  un  des 
premiers  rôles.  S'il  n'y  protégea  pas 
de  futurs  maréchaux  de  France,  il  est 
au  moins  bien  sûr  qu'il  y  lit  des  con- 
naissances d'un  très  -  haut  rang  et 
qui   depuis  lui   furent   fort  utiles, 
entre  autres  celle  du  jeune  duc  de 
Chartres,  qui  était  alors  un  des  ap- 
pariteurs ou  huissiers  de  la  société, 
et  qui,  plus  tard,  devenu   roi  des 
Français,  n'oublia  point  son  ancien 
camarade,  et  lui  lit  une  pension  de 
1,800  francs  dont  il  a  joui  jusqu'à 
sa  mort.  11  s'y  lia  aussi  avec  Pé- 
tion,  sou  compatriote,  et  lorsque  ce 
député  fut  maire  de  Paris,  il  en  reçut 
des  missions  importantes,  notamment 
quelques  jours  avant  le  20  juin  1792 
où  Louis  XVI  devait  être  si  odieuse- 
ment insulté,  attaqué  dans  son  palais. 
Sergent  fut  chargé  d'aller  à  l'École- 
Mililaire  pour  y  licencier  et  désar- 
mer la  garde  constitutionnelle  qu'on 
avait  accordée  à  ce  prince,  mais  qu'on 
lui  retira  peu  de  temps  avant  celte 
révolte,  afin  qu'  il  fût  livré  à  ses 
ennemis   pieds  et  poings  liés  sans 
défense.  Sergent,  environné  d'une 
nombreuse  escorte  de  garde  natio- 
nale, s'acquitta  de  cette  mission  avec 


SER 

la  plus  minutieuse  sévérité.  Il  fouilla 
nsqne  dans  les  caves  et  les  greniers 
de  ce  grand  édifice,  alin  d'être  bien  as - 
suréqu'il  n'y  restait  pas  un  fusil  ni  un 
seul  homme,  et  il  lit  de  tout  cela  un 
rapportqui,  publié  dans  les  journaux, 
augmenta  beaucoup  sa   popularité. 
Après  ce  licenciement,  le  roi  n'eut 
plus  pour  défense  que  deux  bataillons 
de  Suisses  et  une  faible  minorité  de 
garde  nationale.  On  sait  comment, 
par  sa  faiblesse  et  son  iaipéritie,  il 
encouragea  ses  ennemis,  et  neutralisa 
le  courage  des  plus  fidèles.  Dans  les 
fatales  journées  du  20  juin  et  du  10 
août  1792,  Sergent  fut  un  des  princi- 
paux moteurs  de  l'insurrection  ;  et, 
lorsqu'il   a  cherché   à    se    justifier 
de  ses  torts  révolutionnaires,  il  ne 
s'est  pas  défendu,  il  s'est  même  glo- 
rifié de  celui-là.  Dès  le  matin  du  20 
juin  il  avait  été  remarqué  dans  les 
groupes  du  faubourg  Saint-Antoine  ; 
il  les  avait  suivis  à  l'attaque  des  Tui- 
leries, et  il  n'avait  pas  cessé  de  les 
exciter  au  combat.  Dans  l'insurrec- 
tion du  10  août,  on  ne  le  vit  à  l'at- 
taque  du   château  que    lorsque    la 
victoire  fut  certaine,  et  il  y  parut 
comme  municipal ,  comme  membre 
de  cette  horrible  commune  qui  ve- 
nait de  s'emparer  du  pouvoir  par  la 
violence,  et  dont  la  première  opéra- 
tion avait  été  regorgement  du  brave 
Mandat,  qui  seul  aurait  pu,  dans  cette 
journée  funeste,  diriger  avec  quelque 
chance  de  succès  la  défense  du  châ- 
teau. Quand  le  triomphe  de  l'insur- 
rection fut  complet,  le  nouveau  mu- 
nicipal, assisté  de  son  collègue  Panis, 
remercia  le  peuple  de  son  zèle  patrio- 
tique, et  il  fit  fermer  les  grilles  et  les 
portes;  puis,  suivi  de  quelques  inti- 
mes, il  se  mit  à  fouiller,  à  inventorier 
les  appartements.  C'était  saspéciatité, 
et  ce  fut  toujours  ainsi  qu'il  opéra  dans 
toutes  les  grandes  journées.  Ce  qu'il 


SF.Pt    * 

fit  dans  cettft  terrible  nuit  qu'il  passa 
tout  entière  aux  lieux  que  venait  de 
quitter  la  famille  royale,  on  ne  l'a  ja- 
mais bien  su,  et  il  n'a  pas  cessé, 
pendant  tout  le  reste  de  sa  vie,  de  le 
cacher  et  de  le  dissimuler.  Ses  amis, 
qui  sans  doute  le  savaient  mieux 
que  nous  et  qui  l'avaient  vu  à  l'œu- 
vre, le  surnommèrent  depuis  Ser- 
gent -  Agate,  parce  qu'ils  l'avaiout 
vu  s'approprier  une  pierre  précieuse 
(le  ce  nom.  Il  est  bien  vrai  que  plus 
tard,  quand  il  sut  les  propos  qui  cir- 
culaient à  ce  sujet,  il  fit  hommage  à  la 
Convention  nationale  de  cette  pierre 
qu'il  estima  lui-même  à  une  valeur 
de  cent  mille  francs,  et  qui,  par  un 
incroyable  phénomène,  présentait  les 
trois  couleurs  nationales.  On  pense 
bien  que  ce  précieux  objet  ne  fut 
pas  le  seul  que  les  municipaux  trou- 
vèrent aux  Tuileries  après  l'invasion 
du  10  août;  mais  la  plus  grande  partie 
fut  transportée  à  l'Hôtel-de-Ville  et 
déposée  au  magasin  commun  où  al- 
laient bientôt  être  également  appor- 
tées les  dépouilles  de  tant  de  victi- 
mes !  Dès  ce  moment  les  nouveaux 
municipaux  ne  s'occupèrent  plus  que 
de  découvrir  et  d'emprisonner  tous 
les  suspects,  c'est-à-dire,  tous  les 
Français  qui,  ne  pouvant  être  ni 
leurs  amis  ni  leurs  complices,  furent 
soupçonnés  de  posséder  quelque 
chose  ou  d'être  doués  de  quelque 
talent,  de  quelque  vertu  ;  et  en  même 
temps  on  arrêtait  dans  les  rues  tous 
ceux  qui  avaient  des  montres  et  d'au- 
tres objets  de  prix  que  l'on  portait 
au  dépôt  de  la  commune.  Tels  furent 
les  premiers  soins  de  ce  monstrueux 
pouvoir  dont  Sergent  était  un  des 
membres  les  plus  actifs  et  les  plus 
influents.  Quand  toutes  les  prisons 
de  la  capitale  furent  remplies,  il  fal- 
lut les  vider,  ce  fut  le  mot  techni- 
que, l'expression  consacrée  dans  les 


SER 


n?. 


rapports  officiels,  lorsqu'il  y  fut  ques- 
tion de  Regorgement  des  prisonniers. 
On  ne  trouva  pas  d'autres  moyens  de 
faire  place  à  de  nouvelles  victimes. 
Il  est  bien  siir  que  dans  ces  hor- 
ribles jours  de  septembre,  où  tout 
fut  ordonné  et  dirigé  par  la  commune 
(  voy.  BiLLAUD  -  Vap.enne  ,  LVIII , 
274  ),  Sergent  ne  manqua  point  à 
ses  fonctions.  On  le  vit  successive- 
ment à  l'Abbaye,  à  la  Force,  à  Bicê- 
tre,  partout  où  il  fallut  assister,  en- 
courager les  travailleurs.  Et  comme 
il  était  spécialement  chargé  de  l'ad- 
ministration, ce  fut  encore  lui  qui  les 
paya.  On  vo}  ait  naguère  au-x  Archives 
de  la  police  des  taches  de  sang  sur 
les  reçus  qu'il  leur  fit  signer.  Il  enre- 
gistrait en  même  temps  les  dépouil- 
les qu'il  leur  était  ordonné  de  rap- 
porter, ce  qui  a  donné  lieu  à  beau- 
coup de  propos  que  l'on  pourrait  dire 
calomnieux  ou  du  moins  exagérés, 
s'il  n'y  avait  pas  un  décret  d'accu- 
sation dont  il  n'a  pu  se  relever  que 
par  l'amnistie  accordée  à  tous  les 
crimes  de  la  révolution.  Mais  un  tort 
plus  grave  encore,  et  qui  fut  également 
un  des  motifs  de  ce  décret,  c'est  d'a- 
voir signé  avec  Marat,  Panis  et  sept 
autres  l'horrible  circulaire  (1)  que 
les  municipaux  de  Paris  adressèrent 
à  tous  leurs  confrères  des  départe- 
ments, pour  qu'ils  eussent  à  faire 
égorger  dans  leurs  prisons  tous  les 
malheureux  qui  s'y  trouvaient,  ainsi 
qu'ils  le  faisaient  eux-mêmes  dans  la 
capitale,  de  manière  que  si  toutes  les 
villes  de  France  eussent  suivi  les 


(i)  Nous  pouvons  l'appeler  horrible,  car 
madame  Roland,  qui  en  connaissait  Lien  les 
auteurs  comme  les  circonstances  et  le  but, 
la  qualifie  AHnfâme  dans  ses  mémoires.  On 
l'a  réimprimée  dans  plusieurs  collections  et 
récemment  |)armi  les  Eclaircissements  his- 
toriques et  inèces  officielles  que  MM.  Rer- 
ville  et  Barrière  ont  ajoutés  à  leur  édition 
df>  ces  Mémeires,  tomo  H,  page»  344  *'  ^4^. 


114 


SER 


conseils  et  l'exemple  des  munici- 
paux de  Paris,  il  pouvait  y  avoir  en 
même  temps  dans  notre  malheureuse 
patrie  un  million  de  victimes  {voy. 
Panis,  LXXVI,  267),  Il  n'y  a  certai- 
nement rien  de  pareil  dans  l'histoire 
d'aucun  peuple,  et  la  seule  pensée 
en  e'pouvante  l'imagination.  Sergent 
a  bien  compris  cette  ënormité,  et  il  a 
re'clamé  long-temps  contre  l'apposi- 
tion de  sa  signature  au  bas  de  l'o- 
dieuse circulaire,  disant  que  c'est 
par  Marat  qu'elle  y  fut  mise  sans  qu'il 
eût  été  consulté  ;  mais  ce  n'est  qu'a- 
près la  mort  de  Marat  et  la  chute  du 
gouvernement  de  la  terreur  qu'il  a 
ainsi  décliné  sa  participation  àce  fait, 
et  malgré  sa  réclamation  cette  signa- 
ture fut  un  lies  motifs  du  décret  d'ac- 
cusation lancé  contre    lui   dans  le 
mois  de  juin  1795,  un  an  après  le  9 
thermidor.  Comme  membre  de  l'af- 
freuse commune,  Sergent  s'est  en- 
core trouvé  impliqué  dans   un  fait 
très-grave  de  cette  époque,  le  vol  du 
garde-meuble,  exécuté  dans  les  nuits 
des  15,  16  et  17  septembre  1792,  et 
dont  on  ne  peut  plus  douter  que  les 
municipaux  n'aient  été  les  confidents 
et  les  instigateurs  sous  les  auspices 
de  Danton   et  de  Billaud  -  Varenne 
{voy.   ce  nom,  LVIII,  277).  Là  du 
moins  il  n'y  eut  pas  de  meurtre  ni  de 
sang  répandu,  et  Sergent  n'eut  guère 
qu'à  inventorier,  selon  sa  coutume, 
des  diamants  et  autres  effets  dont  il 
fut  difficile  de  détourner  la  plus  pe- 
tite partie.  Il  fallait  à  tout  prix  éloi- 
gner les  Prussiens;  et  ils  étaient  fort 
exigeants;  ils   ne  voulaient  pas  at- 
tendre. Il  est  bien  sûr  que  la  presque 
totalité  de  ce  riche  dépôt  leur  fut  en- 
voyée [voy.  DuMouRiEZ,  LXIII,  157). 
Ainsi  les  auteurs  du  vol  ou  du  moins 
ceux  qui  le  dirigèrent  ont  pu  dire 
avec  quelque  raison  que  ce  fut  par 
patriotisme  qu'ils  en  agirent  ainsi, 


SER 

puisqu'il  s'agissait  d'éloigner  de  la 
capitale  un  ennemi  puissant,  et  qui  ne 
voulait  pas  se  retirer  à  d'autres  con- 
ditions. Initié  comme  il  l'était  dans 
toutes  les  intrigues  de  cette  époque. 
Sergent  dut  parfaitement  savoir  tous 
les  détails,  toutes  les  circonstances  de 
cette  affaire;  mais  c'est  encore  un  des 
faits  qu'il  s'est  le  plus  efforcé  de  ca- 
cher et  de  dissimuler.  Nous  avons  lu 
avec  beaucoup  d'attention  l'explica- 
tion qu'il  en  a  donnée  en  1829,  dans  la 
Revue  rétrospective',  mais  nous  n'y 
avons  pas  trouvé  un  renseignement 
qui  nous  ait  satisfait  ;  ce  sont  pres- 
que toujours  des  dates  on  des  noms 
faux  et  très-insignilJanls  que  même 
il  ne  se  rappelle  point.  Il  n'a  pas  dit 
un  mot  du  fameux  Douligny,  condam- 
né à  mort,  mais  non  exécuté,  pour  ce 
fait  (voy.  Douligny,  LXll,  562).  Le 
seul   nom  véritable   qu'il  cite  dans 
cette  affaire  est  celui  d'un  nomuié 
Duvivier  qui  fut,  huit  mois  après  l'é- 
vènemeut,  condamné  par  le  tribunal 
révolutionnaire  et  réellement  exé- 
cuté pour  avoir  aidé  et  facilité  le  vol 
fait  au  garde-meuble,  afin  de  fournir, 
est  -  il  dit  dans  l'acte  d'accusation, 
des  secours  aux  envemis   coalises 
contre  la  France.  C'était  probable- 
ment un  témoin  indiscret  et  dont  les 
meneurs  ne  virent  pas  d'autre  moyeu 
d'assurer  le  silence  que  de  l'envoyer 
à  l'échafaud.  Il  est  bien  évident  que 
l'auteur  de  l'accusation,  Fouquicr- 
Tainville,  connaissait  les  causes  réel  • 
les  et  les  véritables  moteurs  de  cette 
grande  spoliation;  Sergent  ne  les  con- 
Uiiissail  pas  moins,  car  il  était  initiii 
dans  tous  les  secrets;  c'est  i'apogée  de 
sou  crédit  et  de  son  influence.  Ce  fut 
précisément  à  celle  époque,  au  mo- 
ment où  l'on  volait  le  gainle-meuble, 
où  l'on   égorgeait  les  prisonniers, 
que  se  firent  dans  Paris  les  élections 
des  députésà  laConvention  nationale; 


SER 

Sergent  y  figura  à  côté  de  Danton,  de 
Marat  et  de  Robespierre.  Dès  les  pre- 
mières séances  de  cette  cruelle  assem- 
blée, il  y  siégea  au  sommet  de  la  mon- 
tagne. Votant  et  parlant  toujours  dans 
les  principes  de  l'égalité  et  de  la  dé- 
mocratie les  plus  absolus,  il  demanda 
la  suppression  de  la  croix  de  Saint- 
Louis,  celle  de  tous  les  ordres.  Dans 
le  même  système  d'égalité  le  plus 
étendu,  il  insista  pour  que  le  valet 
de  chambre  de  Dumouriez  fût  un  des 
ofliciers  de  l'armée-,  enfin  il  voulut 
que  tous  les  juges  fussent  immédia- 
tement nommés  par  le  peuple  sou- 
verain, et  que  toute  justice  ne  fût 
plus  exercée  qu'en  son  nom.  Dans  le 
procès  de  Louis  XVI ,  se  montrant 
plus  exagéré  que  Marat  lui-même, 
qui  avait  fait  réduire  l'acte  d'ac- 
cusation ,  il  demanda  qu'on  y  ajou- 
tât des  faits  évidemment  calomnieux, 
et  que  pour  cela  on  allât  fouiller 
dans  d'anciennes  archives,  où  il 
prétendait  que  ce  prince  avait  dé- 
posé une  protestation  contre  les  dé- 
crets de  l'assemblée  nationale.  Il 
vota  ensuite,  comme  toute  la  députa- 
lion  de  Paris  ,  pour  la  mort  immé- 
diate et  sans  appel  au  peuple ,  ac- 
compagnant son  vote  de  cette  ridicule 
et  vaine  déclamation  :  «  J'ai  déjà 
«  prononcé  la  mort  contre  lesenne- 

•  mis  de  ma  patrie ,  qui  avaient  pris 
"  les  armes  contre  elle.  J'ai  fait  plus, 
«  j'ai  prononcé  la  même  peine  contre 
«  des  êtres  faibles  qui  n'avaient  peut- 

•  être  commis  d'autres  crimes  que 
«  de  suivre  leurs  époux  ou  leurs  pè- 
«  res.  Depuis  long-temps  j'étais  con- 
«  vaincu  des  crimes  de  Louis...  Je 
«  pense  que  le  supplice  d'un  roi  ne 
«  peut  qu'étonner  l'univers...  La  tête 
a  d'un  tyran  ne  tombe  qu'avec  fra- 
«  cas  ,  et  son  supplice  inspire  une 
«  terreur  salutaire...  Après  avoir 
»  balancé  tous  les  dangers ,  il  m'a 


SER 


111 


«  été  démontré  que  la  mort  de  Louis 
«  était  la  mesure  d'où  il  en  pouvait 
«  résulter  le  moins.  Je  vote  donc 
•  pour  la  mort,  contre  le  chef  et 
■  contre  ses  complices...  »  Après  ce 
procès ,  Sergent  parut  peu  à  la  tri- 
bune. Ayant  presque  toujours  dirigé 
la  police  à  la  commune  comme  mem- 
bre du  comité  de  surveillance,  il  la 
dirigea  encore  à  la  Convention  na- 
tionale comme  l'un  des  inspecteurs 
de  la  salle  ,  et  comme  faisant  partie 
du  comité  des  monuments  des  arts 
et  de  l'itistruction  publique.  Ce  fut 
en  cette  qualité  qu'il  fit  apporter  aux 
Tuileries  les  chevaux  de  Marly, 
l'horloge  de  Lepaute  ,  les  orangers 
de  Versailles,  et  presque  toutes  les 
statues  qui  ornent  ce  beau  jardin.  Il 
fit  ensuite  confier  la  garde  de  ces 
monuments  à  une  compagnie  d'inva- 
lides qui  empêcha  de  les  briser  et 
de  les  mutiler ,  comme  cela  se  faisait 
alors  partout,  sous  prétexte  de  dé- 
truire jusqu'aux  derniers  vestiges 
de  la  monarchie.  Enfin  il  fonda  le 
musée  français  tel  à  peu  près  qu'il 
existe  aujourd'hui,  et  fit  établir  à 
l'hôtel  de  Nesie  le  dépôt  où  furent 
préservés  les  monuments  jusque-là 
dispersés  dans  toutes  les  parties 
de  la  France,  et  qu'ainsi  il  sauva 
duvandalisme  révolutionnaire.  L'his- 
toire lui  doit  cette  justice.  Nous  de- 
vons dire  aussi  que  ce  fut  lui  qui 
fonda  le  Conservatoire  de  musique  , 
et  qui ,  de  concert  avec  Chénier, 
fit  rendre  la  loi  fort  simple  et  cer- 
tainement meilleure  que  tout  ce  qui 
a  été  fait  depuis  pour  assurer  aux 
auteurs  et  aux  artistes  la  propriété 
de  leurs  œuvres  ;  enfin  il  fit  rem- 
placer dans  le  jardin  des  Tuileries, 
par  des  fleurs  et  des  arbustes,  les 
pommes  de  terre  que  ses  ignobles 
confrères  de  la  commune  y  avaient 
fait  planter.  On  peut  dire  que  pen- 
8. 


116 


SER 


dant  près  de  deux  ans  qu'il  remplit 
ces  honorables  fonctions,  ii  rendit 
de  véritables  services  aux  arts  et  aux 
sciences  alors  sans  appui.  11  faut  bien 
aussi  reconnaître  que ,  chargé  pour 
tout  cela  d'une   administration    et 
d'une  comptabilité  assez  importante, 
il  n'y  perdit  pas  tout  à  fait  ses  pei- 
nes ;  mais  il  sut  du  moins  s'arranger 
pour  que  sa  responsabilite'fiît  à  cou- 
vert ,  et  il  dut  être  d'autant  plus  cir- 
conspect sous  ce  rapport,  qu'en  ce 
temps  d'oppressiua  et  de  terreur  il 
ne  fallait  pas  même  être  soupçonné , 
que  d'ailleurs    plusieurs    fois  déjà 
on  lui  avait  demandé  compte  de  sa 
gestion  au  conseil  de  la  commune , 
que  même  il  avait  été  dénoncé  au 
jury   d'accusation,    et  que  malgré 
l'offre  de  son  agate  et  d'une   ma- 
gnifique aigrette  également  trouvée 
aux    Tuileries ,    il     s'élevait    sou- 
vent contre  lui  des  rumeurs  et  des 
plaintes.    Enfin,  à  force    de    mé- 
nagements et  de  précautions,  il  ar- 
riva sans  malencontre  au  9  thermi- 
dor, où  tomba  Robespierre.  Son  pre- 
mier   mouvement  fut    d'adhérer   à 
cette  révolution,  qui  le  tirait  d'une 
position  inquiétante.  Il  parla  même 
dans  les  premières  séances  pour  que 
la  réaction  contre  le  parti  vaincu  fût 
plus  vive  et  plus  sévère  ;  maisil  avait 
trop  d'expérience  pour  ne  pas  voir 
que  cette  réaction  contre  les  oppres- 
seurs de  1793  devait  bientôt  l'attein- 
dre lui-même.  Alors  il  fit  volte-face, 
et  déclara  hautement  que  si  l'on  ne 
poursuivait  pas  les  auteurs  d'un  li- 
belle intitulé  le  Tocsin   national, 
dirigé  contre  les  membres  de  l'an- 
cien comité   de   salut   public,   qui 
étaient  ses  amis  ,  il  cesserait  de  pa- 
raître à  l'assemblée.  Depuis  cette  sor- 
tie ,  on  le  vit  toujours  se  réunir  au 
parti  des  terroristes  ou  des  comités 
qu'on  appelait  la  queue  de  Robes- 


SER 

pierre.DsïUfih  journéedut" prairial, 
où  le  député  Féraud  fut  tué.  Sergent 
encouragea  ouvertement  le  peuple  à 
la  révolte ,  ce  qui  fut  établi  dans  un 
rapport,  où  Durand  de  Maillanne  de- 
manda contre  lui  un  décret  d'accu- 
sation ,  et  rappela  la  fameuse  circu- 
laire du  comité  de  surveillance  de  la 
corn  marne  du  3  septembre  (2),  et  le 


(2)   Cette  circulaire  fut  dénoncée  à  plu- 
sieurs reprises  à  la   Conveution  nationale, 
nolammentdaosla  séance  du  25sept.,vii)gt- 
deux  jours  après  sa  date,  parle  grand  orateur 
Vergniaux.  Comme  c'est  uue  pièce  impor- 
tante et  qu'elle  a  été  omise  par  la  plupart 
des  historiens,  nous  croyons  devoir  en  don- 
ner le  texte  avec  les  signatures:  «  Un  affreux 
«  complot  tramé  par  la  cour,  pour  igorgtr 
tous    les   patriotes   de   l'empire   français , 
complot  dans  lequel  un  grand  nombre  de 
membres    de     l'assemblée    nationale     se 
trouvent  compromis,  ayant  réduit  le  9  du 
mois    dernier  la   commune    de  Paris  à  la 
nécessité    de  se  ressaisir  de  la  puissance 
du  peuple  pour  sauver  la  n;itiou,  elle  n'a 
rien  négligé  pour  bien  mériter  de  la  pa- 
«  trie,  témoignage  honorable  que  vient  de 
«  lui    donner    l'assemblée    nationale    elle- 
«  même.  L'cùt-on  pensé  !  Dès  lors  de  nou- 
<<  veaux    complots   non    moins   atroces    se 
«  sont  tramés  daus  le  silence;  ils  éclataient 
t<   au  moment  où  l'assemblée  nationale,  ou- 
t<   bliant    qu'elle  venait   de   déclarer  que  la 
«  commune  de  Paris  avait  sauvé  la  patrie, 
e<  s'empressait  de  la  destituer  pour  prix  de 
«   son  brûlant  civisme.  A  cette  nouvelle,  les 
«   clameurs     publiques     élevées  de    toutes 
"  parts   ont  fait  sentir  à  l'assemblée  natio- 
€<  nale  la  nécessité  de  s'unir  au  peuple,  et 
<<  de  rendre  à  la  commune,  par  te  rapport 
«   du   décret    de    destitution,    les    jionvoirs 
n  dont  il  l'avait  investie.  Fière  de  jouir  de 
a   toute  la  plénitude  de  la  confiance  natio* 
«   nale,  qu'elle  s'efforcera  toujours  de  mé- 
u.   riter  de  plus  en  plus,  jilacée  au  foyer  de 
«  toutes  les  conspirations  et  déterminée  à 
«  s'immoler  pour  le  salut  public,  elle  ne  se 
«  glorifiera  d'avoir   pleinement  rempli  ses 
«   devoirs  que  lorsqu'elle  aura  obtenu  votre 
«  approbation,  objet  de  tous   ses  vœux,  et 
a  dont  elle  ne  sera  certaine  qu'après  que 
«    tous  les  départements   auront  sanctionné 
«   ses  mesures  pour  sauver  la  chose  publi- 
«   que.  Professant  les   jirincipes  de   la  plus 
et  parfaite   égalité,  n'ambitionnant    d'autre 
c<   piiviiége   que    celui    de   se    présenter   la 
u   première   à    la  brèche,    elle  s'empressera 
«  de  se  remettre  au  niveau  de  1»  «ominune 


SER 


S£R 


117 


détournement  d'objets  précieux  ap- 
partenant à  la  république.  •  II  estvrai 
"  que  plus  tard,  ajouta  le  rapporteur, 
•  une  partie  de  ces  objets  a  été  ren- 
■  due,  et  que  Sergent  a  déclaré  qu'il 
«  ne  les  avait  gardés  que  dans  Vin- 
«  tention  de  les  acheter.  »  On  con- 
çoit qu'une  pareille  excuse  ne  fut 
point  admise.  Le  décret  d'accusation 
n'en  fut  pas  moins  prononcé  et  Ser- 
gent prit  la  fuite.  Ce  fut  en  Suisse 
qu'il  se  réfugia,  et  il  n'en  revint 


«  la  moins  nombreuse  de  l'Etat,  dès  l'in- 
«  stant  que  la  patrie  u'aura  plus  rieu  à  re- 
'-  douter  des  nuées  de  satellites  féroces  qui 
«  s'avancent  rontre  la  capitale.  La  com- 
«  mune  de  Paris  se  hâte  d'informer  ses 
t<  frères  de  tous  les  départaments  qu'une 
'■  partie  des  conspirateurs  féroces  détenus 
<■  dans  le»  prisons  a  été  mise  à  mort  par  le 
'■■  peuple;  actes  de  justice  qui  lui  ont  paru 
«  indispensables  pour  retenir  par  la  ter- 
«•  reur  les  légions  de  traîtres  cachés  dans 
«t  ses  murs,  au  moment  où  il  allait  marcher 
t<  à  l'ennemi,  etsans  doute  la  nation  entière, 
•<  après  la  longue  suite  de  trahisons  qui 
"  l'ont  conduite  sur  les  bords  de  l'abîme, 
«  s'empressera  d'adopter  ce  moyen  si  né- 
«  cessaire  de  salut  public,  et  tous  les  Fran- 
«  çais  s'écrieront  comme  les  Parisiens  : 
«  Nous  marchons  à  l'ennemi,  mais  nous  ne 
«  laisserons  pas  derrière  nous  ces  brigands 
«  pour  égorger  nos  enfants  et  nos  femmes, 
«  Frères  et  amis,  nous  nous  attendons 
"  qu'une  partie  d'entre  vous  va  voler  à 
•  notre  secours,  et  nous  aider  à  repousser 
<c  les  légions  innombrables  des  satellites  des 
«  despotes  conjurés  à  la  perte  des  Fran- 
t  çais.  Nous  allons  ensemble  sauver  la  pa- 
«  trie,  et  nous  vous  devrons  la  gloire  de 
«<  l'avoir  retirée  de  l'abîme.  »  —  Signé,  les 
administrateurs  du  comité  de  salut  public  et 
les  administrateurs  adjoints  réunis:  P.-J.  Du- 
plain,Panis,  Sergent,  Lenfant,  Jourdeuil,  Ma- 
rat,  l'Ami  du  peuple.  De/orgues,  Leclerc,  Du- 
fort,  Cally >  constitués  à  la  commune,  et 
séant  à  la  mairie. — Après  avoir  lu  textuelle- 
ment à  la  tribune  cette  lettre  circulaire  avec 
les  signatures,  Vergniaux  insista  moins  sur 
l'odieux  de  la  recommandation  sanguinaire 
qui  s'y  trouve,  que  sur  l'audace  des  munici. 
paux  osant  attaquer  l'assemblée  nationale 
elle-même  ;  et  il  désigna  Robespierre  comme 
ayaut  eu  part  à  ce  complot  ;  à  quoi  Sergent, 
qui  était  présent,  répondit  que  cela  était 
(aux,  sans  dénier  en  aucune  façon  la  circu- 
laire et  la  part  que  lui-même  y  avait  piise. 


que  lorsque  la  loi  de  brumaire  an 
IV  (octobre  1795  )  eut  amnistié  tous 
lesdélits  de  la  révolution.  C'est  dans 
ce  temps-là  qu'il  épousa  la  sœur  de 
Marceau ,  et  qu'il  ajouta  le  nom  de 
ce  général  au  sien  ,  voulant  proba- 
blement faire  disparaître  celui  d'^l- 
gate  que  ses  malins  confrères  n'a- 
vaient pas  cessé  de  lui  donner. 
Alors  il  sembla  ne  plus  vouloir  s^oc- 
cuper  de  politique,  et  ne  reparut 
sur  la  scène  que  quand  le  parti  dé- 
mocratique fut  sur  le  point  de  ra- 
prendre  le  dessus  ,  après  la  révolu- 
tion du  30  prairial  an  VII  (1799). 
A  cette  époque  on  le  vit  à  la  société 
des  Jacobins,  établie  au  Manège; 
et  le  général  Bernadotte,  devenu 
ministre  de  la  guerre ,  ayant  ras- 
semblé autour  de  lui  tous  les  débris 
de  ce  parti,  le  fit  inspecteur-gé- 
néral des  hôpitaux  militaires.  C'est 
dans  cette  position  qu'il  se  trouvait 
au  18  brumaire,  lorsque  Bonaparte 
s'empara  du  pouvoir.  Dès  ce  moment 
tout  espoir  fut  perdu  pour  Sergent 
et  pour  les  siens.  Ce  n'est  qu'avec 
beaucoup  de  peine  qu'il  échappa  aux 
proscriptions  dont  les  listes  furent 
dressées  à  plusieurs  reprises  par 
Fouché,  notamment  à  l'occasion  de 
la  machine  infernale,  du  3  nivôse. 
Comprenant  bien  alors  qu'il  ne  pou- 
vait être  en  sûreté  sous  un  gouver- 
nement qui  se  défiait  par-dessus  tout 
des  Jacobins  ,  il  prit  sagement  la  ré- 
solution de  quitter  la  France.  Ayant 
réalisé  tout  ce  qu'il  put  amasser  du 
fruit  de  ses  économies  révolution- 
naires ,  il  alla  d'abord  à  Turin ,  où 
Jourdan ,  son  ancien  ami ,  le  fit 
nommer  bibliothécaire.  Resté  sans 
appui,  après  le  départ  de  ce  général , 
il  se  rendit  à  Brescia  ,  puis  à  Venise, 
à  Milan  ,  et  enlin  à  Nice ,  où  il  mou- 
rut en  août  1847,  après  avoir  rem- 
pli SCS  devoirs  de  religion  et  s'être 


118 


SER 


sincèrement  repenti  de  toutes  ses 
fautes.  Cette   fin  chrétienne  donna 
lieu  à  quelques   réclamations   dans 
les  journaux,  notamment  de  la  part 
de  M.  Carnot ,  fils  du  conventionnel, 
ami  de  Sergent ,  qui,  se  trouvant  à 
Nice  à  l'époque  de  sa  mort,  assista  à 
ses  funérailles.  Depuis  la  révolution 
de   1830,    Sergent  jouissait   d'une 
pension  de  1,800  fr.  que  lui  faisait 
le  roi  Louis-Philippe,  qui  avait  été 
son  confrère  à  la  société  des  Jacobins. 
Sa I. femme,  mademoiselle  Marceau, 
qui  l'avait  épousé  en  secondes  noces, 
était   morte    dans  la    même   ville, 
le  6  mai  1834.  N'ayant  point  d'en- 
fants,   ils   en    avaient    adopté    un 
auquel  ils  donnèrent  le  nom  à^Aga- 
tophile.  Nous  ne  pensons  pas  que  ce 
fût  pour  rappeler  l'affaire  des  dia- 
mants de  1792 ,  car  Sergent  ne  parut 
occupé  pendant  tout  le  reste  de  sa 
vie  que  de  la  nier  et  de  la  cacher,  ce 
qui  n'était  pas  facile  ,  puisqu'elle  est 
demeurée  établie  et  constante  par  un 
décret  dont  il  n'a  été  relevé  que  par 
l'amnistie ,  et  qu'il  en  est  de  même 
de  la  signature  apposée  sur  l'hor- 
rible circulaire  du  3  septembre  qui 
fut  aussi  un  des  motifs  du  décret, 
et  qui  doit  laisser,  dans  la  postérité, 
son  nom  attaché  à   celui  de  Marat. 
Quelque  temps  avant   sa  mort,    il 
avait  envoyé  à  la  ville  de  Chartres  le 
sabre   du  général    Marceau,    pour 
qu'il  fût  déposé  dans  ses  archives. 
Les  ouvrnges  que  Sergent  a  publiés 
sont   :    I.    Portraits    des   grands 
hommes  ,    femmes   illustres  et  su- 
jets mémorables  de   France^  gra- 
vés et  imprimés  en  couleur,  Paris, 
1787-89,  in-fol.,  dont   il  a  par»  25 
livraisons.  Plusieurs  de  ces  portraits 
ont  été  gravés  sur   les  dessins  de 
Sergent ,   par  mademoiselle   Louisa 
Marceau,  d'abord  épouse  de  M.  de 
Champion  de  Cernel,  et  plus  tard  de 


SER 

Sergent.  11.  Cosiumi  deipopiili  an- 
tichi  e  moderni,  Brescia  et  Milan, 
in-4o  de  300  pages ,  orné  de  23  plan- 
ches gravées  et  coloriées.  III.  Notice 
historique  sur  le  général  Marceau , 
mort  dans  la  campagne  de  1796, 
Milan ,  1820 ,  in-8«  et  in-12.  On  doit 
bien  penser  que  cette  notice  est  une 
apologie  sans  mesure   du    général 
sous  le  nom  duquel  Sergent  s'efforça 
de  se  cacher  pendant  la  moitié  de  sa 
vie.  11  ne  doutait  pas ,  selon  l'ex- 
pression de  Necker,  que  le  casque 
du  guerrier  ne  dût  effacer  la  turpitude 
du  bonnet  rouge,  et  depuis  qu'il 
s'était  allié  à  la  famille  de  Marceau 
il  n'ouvrait  pas  la  bouche,  il  n'écri- 
vait pas  un«îot  sans  y  mêler  le  nom 
de  ce  général.   Mais  en  vérité  que 
pouvait-il  y  avoir  de  commun  entre 
lui  et  un  jeune  giiorrier  plein  d'hon- 
neur, de  loyauté,  qui  n'eût  pas  man- 
qué de  repousser  de  tels  éloges  s'ils 
avaient  été  faits  de  son  vivant?  IV. 
Fragments  de  mon  album  et  nigrum 
écrits  en  iSli, revus  et  augmentés  de 
souvenirs  en  1836,  Brignolles,  1837, 
in-8o.  «  Ce  soni ,  a  dit  de  cet  ouvrage 
a  le  bibliographe  Quérard,  des  mé- 
«  moires  sur  Louisa  Marceau  des  Gra- 
«  viers  ,  sœur  du  général  et  femme 
«  de  Sergent ,  écrits  avec  une  rainii- 
«  tieuse  complaisance  par  un  époux 
«  encore    passionné,   quoique   plus 
«  qu'octogénaire.  •  Sergent  a  publié 
dans  la  Revue  rétrospective  qaeïq^aes 
morceaux  historiques ,   notamment 
sur  le  vol  du  garde-meuble  et  les 
journées  des  20  juin  et  10  août  1792, 
que  nous  avons  lus,  espérant  y  trou- 
ver   des     renseignements    curieux 
et  que   l'auteur    devait    posséder; 
mais  nous  n'y  avons  vu  que  des  dé- 
tails  insignifiants,   des    lacunes  et 
des  réticences  calculées.  Sergent  a 
encore  publié  eu  Italie  quelques  tra- 
ductions de  peu   d'importance.    Il 


SER 

avait  annoncé  en  1802,  à  Milan,  des 
Tableaux  de  Vunivers  et  des  con- 
naissances humaines,  qui  n'ont  pas 
paru.  M— Dj. 

SERGIO  (Vincent-Emmanuel)  , 
économiste  italien,  né  à  Palernie  en 
1740,  fit  son  droit  dans  l'université 
de  cette  ville,  et  se  livra  deT)oiinc 
heure  à  l'étude  des  grandes  ques- 
tions de  l'économie  politique.  A  peine 
âgé  de  vingt-cinq  ans ,  il  entreprit 
de  former  un  code  diplomatique  du 
commerce  sicilien,  qui  devait  conte- 
nir les  lettres,  les  ordonnances,  les 
statuts  et  autres  actes  de  l'auloriic 
sur  cette  matière.  Après  avoir  lu 
dans  l'académie  du  Bon  Goût,  dont 
il  était  membre,  plusieurs  fragments 
de  son  travail,  il  en  commença 
l'impression  en  1769,  mais  \e  plan 
seul  en  fut  publié.  Sergio  fut  nouuné 
en  1779  professeur  d'économie  poli- 
tique à  l'université  de  Palerme,  puis 
secrétaire  et  archiviste  du  tribunal 
de  commerce.  Il  mourut  le  5  mai 
1810.  L'académie  d'agriculture  de 
Florence  et  celle  des  sciences  et 
belles-lettres  de  Naples  le  comptaient 
parmi  leurs  membres.  Outre  p!i!- 
sicurs  discours  lus  dans  les  séances 
(le  l'académie  etquelques  traductions 
d'écrits  français  sur  des  sujets  d'éco- 
nomie publique,  Sergio  avait  publié  : 
I.  Plan  d'un  code  diplomatique  du 
commerce  de  la  Sicile  ,  Palerme  , 
1769,  in -8°;  réimprimé  l'année  sui- 
vante dans  le  tome  XI  des  Opuscules 
d'auteurs  siciliens.  II.  Lettre  sur  les 
routes  de  la  Sicile,  Palerme,  1777, 
\iet. in-  i".  lll.  Plan,  dressé  par  ordre 
du  sénat  de  Païenne,  des  règlements 
dhine  maison  d'cducalion  pour  le 
bas  peuple,  Palerme,  1779,  petit 
in-i".  Sergio  avait  aussi  entrepris  une 
histoire  du  commerce  de  la  Sicile, 
qui  est  malheureusement  restée  ma- 
nuscrite. 11  l'bt  le  premier  i\u\  se  soit 


SER 


119 


occupé  dans  cette  île  de  questions 
d'économie  politique,  et  cela  peut 
sembler  étonnant,  quand  on  pense 
que  le  royaume  voisin  comptait  de- 
puis près  de  deux  siècles  des  écrivains 
disti  ngués  dans  cette  matière.  N'ayant 
jamais  voyagé  et  vivant  à  une  épo- 
que où  les  relations  de  son  pays  avec 
les  nations  étrangères  étaient  d'a- 
bord peu  actives,  puis  furent  presque 
tout  à  fait  suspendues  par  les  événe- 
ments politiques,  Sergio  ne  put  pas 
suivre  le  mouvement  de  la  science  en 
France  et  en  Angleterre.  Aussi  quel- 
ques-unes de  ses  productions  sont- 
elles  entachées  de  vieux  préjugés, 
mais  ce  défaut  n'empêche  pas  d'y 
rencontrer  souvent  des  idées  neuves 
et  d'une  utilité  pratique  incontesta- 
ble. A— \. 

SERGIUS,  né  en  Syrie,  étuit  dia- 
cre de  l'église  de  Constantinople  lors- 
qu'il fut  élevé  sur  le  siège  patriarcal 
de  cette  ville.  Il  embrassa  les  erreurs 
des  Monothélites  qui  n'admettaient 
eu  Jésus-Christ  qu'une  seule  volonté 
et  qu'une  seule  opération.  Quoiqu'on 
regarde  Théodore,  évêque  de  Pha- 
ran  («oy.  Théodore,  XLV,  286), 
comme  le  premier  auteur  de  cette 
hérésie,  Sergius  en  fut  le  plus  ardent 
propagateur.  Il  écrivit  une  lettre  in- 
sidieuse au  pape  IJonorius  1*""  {voy . 
ce  nom,  XX,  518),  parvint  à  le  sé- 
duire et  reçut  de  ce  pontife  une  ré- 
ponse favorable  aux  sectaires.  Il 
entraîna  aussi  dans  son  parti  l'em- 
pereur Héraclius,  et  rédigea  le  fameux 
édit  appelé  Ecthèse,  c'est-à-dire  Ex- 
position de  lafoi.queceprince  publia, 
en  C38,  pour  soutenir  le  monothé- 
lisme,  mais  qu'il  désavoua  quand  cet 
acte  eut  été  condamné  à  Rome.  Ser- 
gius mourut  en  639,  et  fut  anathé- 
matisé,  ainsi  que  les  autres  fauteurs 
de  l'hérésie,  dans  plusieurs  conciles, 
notamment  dans  le  sixième  concile 


120 


SER 


SER 


général,  tenu  à  Constautinople',  en 
680.  —  Un  autre  Sergius,  supérieur 
du  monastère  de  Manuel,  fut  élu  pa- 
triarche de  Constantinople  en  999 , 
et  mourut  en  1019.  Il  était  de  la  fa- 
mille de  Photius  dont  on  l'accuse 
d'avoir  conservéles  sentiments  schis- 
matiques.  P— rt. 

SERIO  (Louis),  né  à  Naples  vers 
1730,  fut,  selon  Ginguené  même,  un 
des  improvisateurs  les  plus  distingués 
de  l'Italie.  Après  avoir  fait  ses  études 
de  droit,  il  exerça  la  profession  d'avo- 
cat avec  beaucoup  de  succès  et  ne  se 
lit  pas  moins  admirer  au  barreau  par 
son  éloquence  que  dans  les  salons  par 
lafacilité  et  l'entrain  de  ses  improvisa- 
tions poétiques.  S'étaut  rendu  à  Rome 
au  moment  même  où  la  célèbre  Co- 
nlla  Olympica  remplissait  la  ville 
sainte  de  sa  renommée,  Serio  ne 
craignit  pas  de  concourir  avec  elle 
pour  la  couronne  poétique.  Vaincu 
dans  la  lutte,  il  eut  le  mauvais  goût 
de  se  fâcher,  etil  prétendit  que  sari- 
vale  devait  son  triomphe  moins  à  son 
talent  qu'à  la  protection  de  quelques 
cardinaux.  Cette  injuste  accusation, 
dans  laquelle  de  puissants  person- 
nages étaient  mis  en  cause,  attira 
de  graves  désagréments  à  l'avocat 
napolitain,  et  il  se  vit  bieniôt  forcé 
de  rentrer  dans  sa  patrie.  C'était  l'é- 
poque où  les  sociétés  secrètes  com- 
mençaient à  travailler  l'Italie.  Serio 
se  jeta  avec  ardeur  parmi  les  con- 
spirateurs ,  et  ne  laissa  échapper 
aucune  occasion  pour  manifester, 
même  en  public,  ses  idées  libérales. 
Appelé  fort  souvent  à  défendre  des 
délinquants  politiques,  il  apportait 
dans  ses  plaidoiries  une  liberté  de 
penser  qui  faillit  plusieurs  fois  le 
faire  passer  du  banc  de  la  défense 
à  celui  des  accusés.  De  telles  sym- 
pathies durent  lui  faire  saluer  avec 
transport  l'arrivée  de  l'armée  fran- 


çaise, etil  contribua  de  tout  son  pou- 
voir à  l'installation  de  la  république 
parthénopéenne.  Nous  n'insisterons 
pas  sur  les  événements  politiques  et 
militaires  qui  en  iT  menèrent  la  chute. 
Tout  cela,  nous  l'avons  raconté  dans 
l'article  du  cardinal  Paiffo.  Il  nous 
suffira  de  dire  que,  malgré  son  âge, 
Serio  prit  rang  comme  volontaire 
dans  le  corps  de  troupes  que  la  ré- 
publique expirante  envoya,  sous  les 
ordres  de  Wirtz,  à  la  rencontre  de 
l'armée  royaliste,  et  qu'il  tomba  en 
combattant  vaillamment,  le  13  juin 
1799.  A— Y. 

SERIZAY  (Jacques  de) ,  membre 
et  premier  directeur  de  rAcadémie 
française ,  né  à  Paris  à  la  fin  du  XVI'^ 
siècle,  fut  un  de  ceux  qui  s'opposè- 
rent le  plus  vivement  à  l'exécution 
du  projet  que  le  cardinal  de  Richelieu 
avait  formé  de  constituer  en  corps  lit- 
téraire V  Assemblée  des  beaux  esprits 
qui  se  réunissaient  chez  Conrart. 
«  A  peine  y  eut-il  aucun  de  ces  mes- 
«  sieurs  qui  n'eu  témoignât  du  déplai- 
•  sir,  et  ne  regrettât  que  l'honneur 
"  qu'on  leur  faisait ,  vînt  troubler  la 
«  douceur  et  la  familiarité  de  leurs  con- 
«  férences  (1).  »  Un  motif  de  plus  en- 
gageait Serizay  h  émettre  l'avis  qu^n 
devait  s'excuser  envers  le  cardinal 
le  mieux  qu'on  pourrait.  Att  iché,  eu 
qualité  d'intendant,  à  la  maison  du 
duc  de  La  Rochefoucauld ,  alors  en 
disgrâce,  il  craignait  que  les  relations 
nécessaires  qu'il  aurait  avec  le  minis- 
tre tout-puissant,  qui  voulait  se  dé- 
clarer le  protecteur  de  l'Académie , 
ne  causât  quelque  ombrage  au  duc 
retiré  dans  son  gouvernement  du 
Poitou.  Mais  l'avis  contraire  pré- 
valut. Les  statuts  du  nouveau  corps 


(i)  yeWii&OB,  Uisloire  de  i  icailèmie fran- 
çaise, Paris,  Coiguard,  ipt»,  tom.  i,  \k  m, 
tu   12. 


8ER 

créèrent  trois  officiers,  un  directeur, 
un  chancelier,  qui  devaient  être  dé- 
signe's  par  le  sort,  et  un  secrétaire  per- 
pétuel qui  serait  choisi  par  ses  con- 
frères. Un  sort  malencontreux  fit  tom- 
ber aux  mains  qui  ne  l'avaient  point 
recherché  l'honneur  de  représenter 
l'Académie  pour  la  première  fois  *,  Se- 
rizay  fut  l'élu  du  destin  ,  et  dut,  en 
qualité  de  directeur,  aller  présenter 
au  cardinal  de  Richelieu  les  statuts 
qui  avaient  été  délibérés  par  la  Com- 
pagnie. La  harangue  qu'il  prononça 
dans  cette  circonstance  ne  s'est  pas 
retrouvée.  Il  y  a  lieu  de  croire  qu'elle 
remplit  parfaitement  les  vues  de  l'A- 
cadémie ,  puisqu'il  fut  continué  pen- 
dant quatre  années  consécutives  dans 
ses  fonctions  de  directeur.  En  deux 
autres  circonstances,  il  reçut  de  ses 
confrères  une  mission  qui  était  à  la 
fois  une  marque  de  confiance  et  un 
témoignage  du  mérite  qu'ils  se  plai- 
saient à  lui  reconnaître.  Il  fut  d'abord 
chargé ,  avec  quatre  autres  commis- 
saires,de  revoirdéfinitivement  l'exa- 
men critique  que  l'Académie  avait  fait 
de  la  tragédie  du  Cîd.  L'ouvrage  ayant 
été  communiqué  au  cardinal  de  Ri- 
chelieu ,  qui  avait  provoqué  sur  ce 
point  les  délibérations  de  la  Compa- 
gnie, ne  parut  pas  satisfaire  son  émi- 
nence.  Il  voulut  que  MM  de  Serizay, 
Chapelain  et  Sirmond  vinssent  le  voir 
à  Cliaronne  où  il  se  trouvait  alors, 
afin  qu'il  pût  leur  expliquer  mieux 
ses  intentions.  «  M.  de  Serizay  s'en 
«  excusa  sur  ce  qu'il  était  prêt  à  mon- 
«  ter  à  cheval  pour  s'en  aller  en  Poi- 
«  ton.»  Les  deux  autres  ne  manquèrent 
pas  une  occasion  aussi  favorable  de 
faire  leur  cour  au  ministre. Le  premier 
historien  de  l'Académie  (Pellisson, 
t.  1*^',  p.  118  et  119)  a  rendu  compte 
de  ce  qui  se  passa  dans  cette  confé- 
rence. Le  càtàinal  ayant  expliqué  ses 
intentions^ijn  n'eut  plus  qu'à  s'y  con- 


SER 


121 


former,  et  cette  fameuse  critique,  si 
souvent  remise  sur  le  métier,  fut  enfin 
publiée  sous  le  titre  de  Sentiments 
de  l'Académie  française  sur  le  Cid^ 
Paris,  1638,  in-S".  On  a  prétendu  que 
Serizay  avait  beaucoup  contribué  à 
polir  cette  critique,  qui  n'a  pu  empê- 
cher le  succès  du  Cid  d'aller  toujours 
croissant.  L'Académie  porta  ses  vues 
sur  une  entreprise  bien  plus  impor- 
tante et  dont  elle  se  trouvait  d'ail- 
leurs naturellement  chargée  par  le 
titre  même  de  son  institution.  «  Sa 
«  principale  pense'e  fut  donc  le  des- 
«  sein  du  Dictionnaire  auquel  on  se 
«  proposa  de  travailler  sérieusement.» 
Serizay'prit  une  part  active  aux  dis- 
cussions qui  eurent  lieu  à  ce  sujet  au 
sein  de  la  Compagnie ,  ou  dans  des 
conférences  particulières  qui  se  tin- 
rent chez  plusieurs  académiciens.  11 
est  fuit  plusieurs  fois  mention  de  lui 
dans  la  satire  ingénieuse  de  Ménage, 
intitulée  :  La  Requête  des  Diction- 
naires (2) ,  pièce  qui  empêcha  l'ad- 
mission de  son  auteur  k  l'Académie. 
11  paraît  qu'une  délicatesse  poussée  à 
l'extrême  portait  Serizay  à  repousser 
un  assez  grand  nombre  de  locutions 
anciennes,  qui  donnent  tant  de  viva- 
cité et  de  coloris  au  style  d'Amyot 
et  de  Montaigne.  C'est  du  moins  le 
reproche  que  lui  fait  Ménage  : 

Bref,  ce  délicat  Serizay 
Eiist  chaque  mot  féminisé 


(2)  Cette  satire,  qui  est  le  premier  ou- 
vrage poétique  de  Méuage,  fut  imprimée 
in-4"  et  iu-8°  en  1649.  Elle  eut  beaucoup 
de  succès.  Comme  elle  était  devenue  rare, 
les  premiers  éditeurs  du  Ménagianahd  lireut 
réimprimer,  parce  qu'il  j  avait  lieu  de  eraiii' 
dre  qu'elle  ne  vint  à  se  perdre.  Le  libraire 
Sercy  la  comprit  au  nombre  des  Poésies 
choisies  des  célèbres  auteurs  du  temps,  dout 
il  fit  paraître  successivement  plusieurs  cdi- 
tions.Nous  avons  sous  les  yeux  la  quatrième, 
publiée  eu  x635,  iu-S".  La  Requeste  des  Dic- 
tionnaires occupe  les  pages  64  a  ^3  de  la 
2*  paitie,  mais  celte  réimprcssiou  fourmille 
de  fautes. 


122  SER 

Sans  respect  ny  d'analogie 
Ny  d'aucune  étymologie... 
Voire  mesme  quelques  esprits. 
Qui  meschauiment  ont  entrepris 
De  nous  réduire  à  l'indigence, 
Vouloient,  contre  toute  apparence, 
Par  brigues  et  par  faux  témoins 
Proscrire  encore ,  néanmoins, 
ra:quojr,  d'autant,  cependant,  oncques. 
Or,  toutefois,  partant,  ordonques. 

Coulre  l'advis  de  Serizay, 
De  l'Estoile,  de  Malleville, 
De  Gomliaut  et  de  Gomlierville, 
Et  d'autres  à  nous  inconnus, 
Ces  mots  ont  esté  maintenus. 

Il  paraît  qu'un  des  motifs  qui  portè- 
rent l'Académie  à  maintenir  Serizay 
dans  ses  fonctions  de  directeur,  pen- 
dant quatre  années,  fut  le  talent  par- 
ticulier qu'on  lui  reconnaissait  pour 
tourner  une  harangue  avec  grâce  et 
convenance.  Lorsque  le  garde-des- 
sceaux  Séguier,  depuis  chancelier, 
exprima  le  désir  d'être  compris  au 
nombre  des  académiciens,  il  fut  ar- 
rêté qu'une  députation  «  irait  lui  ren- 
«  dre  grâces  très-humbles  de  l'hon  • 
«  neur  qu'il  faisoit  à  tout  le  corps. 
«  M.  de  Serizay  porta  la  parole,  et  on 
«  dit  qu'il  s'en  acquitta  merveilleu- 
«  sèment  bien...  Ni  cette  harangue, 
"  ni  plusieurs  qu'il  eut  occasion  de 
«  faire  durant  le  long  temps  qu'il  fut 
«  directeur  et  dans  lesquelles  il  sa- 
•  tisfaisait  tout  le  monde  au  dernier 
«  point,  ne  se  trouvent  plus.  »  {His- 
toire  de  V Académie,  tome  I^"",  p.  205 
et  206.)  Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner 
qu'aucune  d'elles  n'ait  été  comprise 
dans  le  Recueil  volumineux  des  Ha- 
rangues prononcées  par  MM.  de  l'A- 
cadémie françoise,  Paris,  Coignard, 
1G88,  in-4»,  et  2«  édition,  Paris,  1714- 
1787, 8  vol.  in-12.  Serizay  s'était  aussi 
livré  à  la  culture  de  la  poésie.  Les  re- 
cueilsde  vers  choisis,  publiés  par  Scr- 
cy ,  renferment  plusieurs  pièces  de 
sa  composition,  mais  le  nom  de  l'au- 
teur n'a  pas  été  mis  au  bas  de  chacune 
d'elles.  Tout  ce  que  l'histoire  litté- 


SER 

raire  de  ce  temps  nous  a  fait  connaître, 
c'est  que  Claude  de  L'Étoile,  son  con- 
frère ,  était  grand  admirateur  de  ses 
productions  poétiques,  et  que  l'Aca- 
démie elle-même  avait  une  si  haute 
idéede  son  talent  dans  ce  genre.qu'elle 
le  chargea  de  composer  l'épitaphe  du 
cardinal  de  Richelieu,  son  fondateur. 
Jacques  de  Serizay  mourut  à  Lu  Ro- 
chefoucauld, au  mois  de  novembre 
1653. 11  eut  pour  successeur  à  l'Aca- 
démie Pellisson  qui,  par  une  faveur 
particulière,  avait  été  d'abord  admis 
comme  académicien  surnuméraire. 
C'est  le  cas  de  relever  ici  une  erreur 
de  fait  qui  s'est  glissée  dans  les  deux 
éditions  du  recueil  des  Harangues  de 
l'Académie  cité  plus  haut.  On  lit,  au 
titre  du  discours  de  réception  de  Pel- 
lisson ,  qu'il  remplaçait  M.  de  Por- 
chères. Nous  connaissons  deux  aca- 
démiciens de  ce  nom  :  l'un,  Laugion 
de  Porchères,  eut  pour  successeur,  en 
1681 ,  l'abbé  de  Chaumont  ;  l'autre, 
D'Arbaud  de  Porchères,  fut  remplacé 
par  Patru  en  1697.        L— m— x. 

SERLON  DEVAL-BoDon  (le  Bien- 
heureux), célèbre  abbé  et  dernier 
général  de  la  congrégation  de  Savi- 
gni,  qu'il  unit  à  l'ordre  de  Cîleaux, 
reçut  le  surnom  de  Val-Bodon  d'un 
village  du  territoire  de  Bayeux  ainsi 
appelé,  où  il  naquit  vers  la  fin  du 
XV  siècle.  Ses  parents  vivaient  dans 
l'aisance,  et  voulant  voir  former  leur 
fils  non-seulement  aux  lettres  hu- 
maines, mais  surtout  à  la  vertu,  ils 
le  mirent  sous  la  discipline  de  S. 
Geoffroy,  qui  ne  contribua  pas  peu 
à  faire  croître  les  heureuses  disposi- 
tions de  son  élève.  Serlon  fit  des 
progrès  éionnanls  et  devint  Irès- 
vcrsé  dans  la  connaissance  des  sain- 
tes Écritures.  Le  caractère  doux  et 
aimable  du  jeune  homme  lui  conci- 
lia l'affection  particulière  de  son 
maître  ^  de  son   côté  ,  Serlon  s'at- 


S£R 

tacha    intimement    à   sou    précep- 
teur et  le  suivit  partout,  même  en 
religion,  quoiqu'il  n'eût  que  15  ou 
16  ans  quand  S.  Geolîroy  entra  à 
l'abbaye  des  be'nédictins  de  Cérisi , 
situe'e  dans  le  même  diocèse. Les  deux 
nouveaux  religieux  s'attirèrent  bien- 
tôt l'admiration  de  tous  leurs  frères, 
par  leur  amour  de  la  pauvreté,  du  si- 
lence, du  travail,  et  par  leur  ponctua- 
lité à  tous  les  exercices  de  la  règle. 
Le  maître  et  le  disciple  étaient  reli- 
gieux à  Cérisi  depuis  12  ou  13  ans 
lorsqu'ils  résolurent  d'embrasser  un 
genre  de  vie  plus  austère.  L'occa- 
sion s'en  présenta  bientôt.   La  re- 
nommée porta  jusqu'à  eux  le  bien 
([ue  faisait   la  réforme    établie   par 
saint  Vital,  leur  compatriote  {voy. 
Vital,  XLIX,  279),  dans  son  monas- 
tère de  Savigni,  près  de  Louvigné  du 
Désert.  Ils  obtinrent  dilficilement  de 
leur  abbé  la  permission  de  se  retirer 
à  l'abbaye  de  Vital ,  qui  les  reçut 
avec  joie.  Serlon  resta  à  Savigni  pen- 
dant 25  ans  au  rang  des  simples  re- 
ligieux. La  chronique  du  monastère 
et  un  auteur  presque  contemporain 
font   l'éloge  de  son  érudition ,  du 
charme   de    ses    discours ,  de   ses 
entretiens  et  de  sa  connaissance  pro- 
fonde de  l'Écriture  sainte.  Il  s'était 
livré  pendant  cette  longue  profes- 
sion de  vie  silencieuse  et  inconnue 
aux  exercices  intérieurs  de  la  prière. 
Vers  l'année  1139,  il   fut  élu  abbé 
de  Savigni ,  à  la  mort  d'Évan  Lan- 
glois,  qui  n'avait  gouverné  qu'un  an. 
Il  mit  tout  son  zèle  à  conduire  les 
monastères  de  sa  dépendance  avec 
cette   modestie  qui  avait  jusque-là 
donné  tant  de  charme  à  sa  personne. 
Son  attrait  pour  les  austérités  ne  se 
trouvant  plus  arrêté  par  l'obéissance, 
il  s'y  livra  avec  ardeur,  et  voulant 
faire  partager  son  zèle  par  ses  frères, 
j|  parut  aller  trop  loin  et  excita  des 


S£R 


123 


murmures.  La  réputation  de  Serlon 
lui  attira  des  sujets  distingués  et  pro- 
cura des  avantages  à  son  monastère. 
Alain,  duc  de  Bretagne,  lui  demanda 
quelques  religieux ,  peut-être  pour 
une  fondation,  mais  qui  restèrent  at- 
tachés à  sa  personne  et  à  sa  suite, 
furent  chargés  de  ses  aumônes  et  lui 
rendirent  des  services  spirituels  et 
temporels,  car  ils  avaient,  dit  l'his- 
toire monastique  d'Angleterre,  des 
connaissances     étendues    dans    la 
science  de  la  médecine.  Dès  le  com- 
mencement de  son  administration, 
Serlon  vit  avec  joie  que  Dieu  donnait 
de  grands  accroissements  à  sa  con- 
grégation. La  fondation  la  plus  re- 
marquable  qui  alors  eut    lieu,  fut 
celle  de  l'abbaye  de  la  Trappe,  dans 
la  province  du  Perche.  Le  n)onastère 
de   la  Maison-Dieu   de  N.-D.  de  la 
Trappe  fut  fondé  le  7  septembre  1140; 
les  religieux  qui  l'habitèrent  furent 
tirés  de  l'abbaye  du  Breuil-Benoît,  au 
diocèse  d'Évreux  ,  auxquels  Serlon 
donna  pour  abbé  le  V.  Adam.  Ce  fut 
aussi  sous  son  administration  que 
furent  fondées  les  abbayes  de  To- 
gehalle  et   de  Joréval ,  en  Angle- 
terre. A  la  prière  de  ce  saint  abbé, 
le  pape   Luce  II  prit  Savigni  sous 
sa  protection,  et  écrivit  en   sa  fa- 
veur aux  seigneurs  de  Fougères  et 
de  Mayenne,  et  à  l'archevêque  de 
Rouen.  Le  pape  Eugène  III,  ancien 
cistercien,  adressa  aussi  une  bulle  à 
Serlon  pour  la  conservation  des  biens 
de  son  monastère.  11  y  avait  près  de 
quarante  ans  que  la  congrégation  de 
Savigni,  composée  de  plus  de  30  mo- 
nastères,  édifiait    l'Église  ,  lorsque 
l'esprit  de  division  se  mit  parmi  quel- 
ques abbés  d'Angleterre,  (|iii  voulu- 
rent se  soustraire  à  la  juridiction  de 
Serlon.  Celui-ci,  voyant  qu'ils  ne  vc- 
•  naient  plus  au  chapitre  et  méditaient 
de  secouer  le  joug  de  la  dépendance, 


i2i 


SER 


résolut  d'incorporer  tous  ses  monas- 
tères, tant  de  France  que  d'Angle- 
terre, à  l'ordre  de  Cîleaux,  qui  bril- 
lait alors  d'un  grand  éclat  dans  toute 
l'Europe.  Il  avait  d'ailleurs  le  pro- 
jet de  quitter  la  supériorité  pour  se 
retirer  à  Clairvaux,  et  y  vivre  sous 
la  conduite  de  saint  Bernard  ,  ce 
qu'il  lit  en  effet  bientôt  après.  Dans 
le  chapitre  de  l'année  1147,  il  fut 
décidé,  entre  les  abbés  de  France  et 
même  quelques-uns  d'Angleterre, 
qu'on  s'adresserait  au  pape  Eu- 
gène III,  pour  obtenir  l'incorpora- 
tion de  l'institut  de  Savigni  à  ce- 
lui de  Cîteaux.  Après  en  avoir  con- 
féré avec  saint  Bernard,  Serlon,  ac- 
compagné d'Osmon,  abbé  de  Beau- 
bec,  se  rendit  à  Reims,  où  le  pape 
Eugène  se  trouvait  pour  le  concile, 
et  eut,  par  l'entremise  de  l'abbé  de 
Clairvaux,  une  audience  favorable 
du  souverain  pontife.  Le  pape,  par 
une  bulle  datée  du  9  août  1148,  unit 
donc  la  congrégation  de  Savigni  à 
l'ordre  de  Cîleaux,  sur  le  modèle  du- 
quel elle  avait  été  fondée,  et  donna 
ainsi  à  cet  ordre  célèbre  le  plus 
beau  lustre  qu'il  eût  jamais  reçu. 
Ainsi  finit  la  sainte  congrégation  de 
Savigni,  qui  avait  toujours  conservé 
une  grande  régularité,  et  qui  jouit 
de  certains  privilèges  dans  l'institut 
qui  l'avait  absorbée.  Dans  le  même 
concile,  la  congrégation  d'Obasine, 
fondée  par  saint  Élienne,  fut  aussi 
unie  à  l'ordre  de  Cîteaux.  Serlon, 
vivant  déjà  sous  l'obéissance  et  l'ha- 
bit de  Cîteaux,  était  encore  abbé  de 
Savigni  quand  il  reçut  Henri,  sei- 
gneur de  Fougères,  qui  s'y  fit  moine  ; 
il  passa  en  Angleterre  pour  visiter 
ses  monastères  et  y  aplanir  les  op- 
pusitions  d'union  à  Cîteaux.  Quelque 
temps  après,  le  B.  Serlon  eut  k  vider 
uu  petit  différend  (|ui  s'était  élevé 
entre  l'évèiiue  de  Bayeux  et  lui  au 


SER 

sujet  d'une  possession;  l'interven- 
tion de  saint  Bernard  apaisa  le 
trouble  que  ce  prélat  mettait  dans 
la  maison  de  Savigni.  Serlon  avait 
vivement  désiré  d'aller  vivre  à  Clair- 
vaux, sous  la  discipline  de  saint  Ber- 
nard ;  celui-ci  s'y  était  toujours  op- 
posé et  avait  laissé  Serlon  à  la  tête 
de  son  monastère  de  Savigni.  A 
peine  Serlon  apprit-il  la  mort  de 
saint  Bernard,  en  1153,  que,  repre- 
nant la  vivacité  de  sa  première  réso- 
lution, il  obtint  du  chapitre  général 
de  Cîteaux  la  permission  de  déposer 
sa  dignité  d'abbé,  et  se  relira,  sim- 
ple religieux,  dans  le  monastère  de 
Clairvaux  où  il  se  rendit  vers  la  fin 
d'octobre  de  la  même  année.  Il  y  vé- 
cut dans  l'exercice  de  la  prière  et  de 
l'union  avec  Dieu  ;  il  était  l'exemple 
de  tout  le  nombreux  monastère.  Ce- 
pendant Robert,  abbé  de  cette  mai- 
son, l'obligea  d'user  de  sou  talent 
éminent  pour  la  parole  et  de  faire  des 
instructions  publiques  à  la  commu- 
nauté. Après  cinq  années  passées 
dans  cette  vie  méritoire,  Serlon  moU' 
rut  à  Clairvaux  le  9  septembre  1158. 
Ce  jour  est  la  véritable  date  de  sa 
mort,  mal  indiquée  par  quelques 
auteurs.  Il  reste  de  Serlon  :  1"  un 
commentaire  sur  l'oraison  domini- 
cale ;  2o  des  sentences  sur  quel- 
ques lieux  de  l'Écriture,  avec  sept 
autres  chapitres  séparés  sur  le  même 
sujet.  Les  ouvrages  manuscrits  se 
trouvaient  dans  la  bibliothèque  de 
Colbert ,  qui  les  avait  tirés  de 
l'abbaye  de  Savigni.  Le  B.  Serlon 
avait  composé  plusieurs  sermons; 
Dom  Tissier,  prieur  de  Bonne-Fon- 
taine, en  a  publié  21  à  la  fin  du  der- 
nier volume  de  la  Bibliulhéque  des 
Pères  de  L'ordre  de  Cîteaux.  Nous 
y  avons  vu  aussi  quelques  maxi- 
mes ou  sentences  spirituelles  de 
Serlon.  Nous  possédous  ,uu  très-an- 


SER 

cien  manuscrit  tle  Savigni ,  dans  le- 
quel il  y  a  une  pièce  de  vers,  com- 
posée par  Serlon,  sur  la  vie  monasti- 
que ;  nous  la  croyons  inédite.  Ser- 
lon n'est  point  honoré  d'un  culte 
public  dans  l'ordre  deCîteaux,  mais 
il  a  obtenu,  par  tradition  seulement, 
la  qualification  de  Bienheureux.  Dans 
le  tome  F""  de  son  Voyage  litté- 
raire, p.  SlOl,  Dom  Martenne  rap- 
porte l'épitaphe  de  Serlon  ,  qu'il  a 
vue  à  Clairvaux  ,  et  à  la  p.  169  du 
tom.  II,  il  dit  avoir  trouvé  des  ser- 
mons au  nombre  des  manuscrits  de 
l'abbaye  cistercienne  de  Lannoy. 
L'auteur  de  cet  article  en  a  puisé  les 
éléments  principaux  dans  VHistoire 
manuscrite  de  la  Congrégation  de 
Savigni,  dont  Foriginal  est  à  la  bi- 
bliothèque publique  de  Fougères  et 
dont  il  possède  l'unique  copie.  On 
peut  consulter  sur  Serlon  la  Biblio- 
thèque de  Dupin,  le  Neustria  pia, 
V Histoire  des  ordres  religieux  du  P. 
Helyot,  etc.  B~d — e. 

SERMEI  (le  chevalier  César), 
peintre,  naquit  à  Orviette,  en  1516. 
Il  s'était  déjà  fait  connaître  avanta- 
geusement dans  sa  patrie  lorsqu'il 
vint  s'établir  à  Assise.  Il  s'y  maria  et 
y  demeura  jusqu'à  l'époque  de  sa 
mort,  arrivée  en  1600.  Cette  ville, 
ainsi  que  Pérouse  et  plusieurs  autres 
cités  des  États  de  l'Église,  possède 
un  certain  nombre  de  ses  produc- 
tions. 11  réussissait  également  dans 
la  peinture  à  fresque  et  à  l'huile.  Ses 
fresques  se  font  remarquer  par  une 
grande  fécondité  d'idées,  par  la  vi- 
gueur du  coloris,  le  mouvement  et 
l'esprit  de  la  coniposiiion;  mais  la 
rapidité  de  l'exécution  qu'exige  ce 
genre  de  peinture  ne  lui  a  pas  per- 
mis d'apporter  dansson  dessin  cette 
étude  et  cette  correction  qu'il  a  dé- 
ployées à  un  degré  supérieur  dans 
ses  tableaux  à  l'huile.  C'est  surtout 


SER 


125 


dans  les  grands  ouvrages  de  ce  genre 
qu'il  s'est  montré  capable  d'exécuter 
les  plus  vastes  conceptions.  On  voit 
à  Spello  un  de  ses  tableaux  repré- 
sentant un  Miracle  du  bienheureux 
André  CaraccioU,  d'un  mérite  supé- 
rieur, et  que  de  son  temps  peu  de 
peintres  de  l'école  romaine  auraient 
égalé.  Ses  héritiers  conservent  encore 
de  lui  beaucoup  de  tableaux  d'une 
assez  grande  dimension,  représen- 
tant des  Foires,  des  Processions  et 
les  Cérémonies  qui  ont  lieu  à  Assise 
à  l'occasion  du  Pardon.  Le  nombre, 
la  variété,  la  grâce  des  petites  figu- 
res qu'il  a  introduites  dans  ces  di- 
verses scènes,  la  beauté  de  l'archi- 
tecture, et  l'originalité  des  sujets, 
rendent  ces  tableaux  extrêmement 
précieux,  et  placent  leur  auteur  an 
rang  des  plus  habiles  artistes  de  son 
temps.  P — s. 

SEIIMINI  (Gentile),  né  à  Sienne 
au  commencement  du  XV®  siècle,  a 
laissé  un  recueil  de  quarante-cinq 
contes,  dans  le  genre  de  Boccace, 
dont  il  a  été  à  tort  supposé  le  con- 
temporain. C'est  sur  le  manuscrit, 
légué  par  Zeno  à  un  couvent  de  do- 
minicains à  Venise,  qu'a  été  fait  le 
choix  des  onze  nouvelles  publiées 
en  1796  dans  la  collection  de  Pog- 
giali,  à  Livourne.  L'éditeur  y  a  joint 
une  pièce  du  même  Sermini  sur  le 
combat  à  coups  de  poings  {giuoco 
délie  pugna  ) ,  genre  d'amusement 
fort  à  la  mode  en  Angleterre,  et  qui 
paraît  remonter  à  une  assez  haute  an- 
tiquité en  Italie.  Les  contes  de  Ser- 
mini sont  pour  la  plupart  licencieux, 
ce  qui  a  empêché  d'en  faire  paraître 
un  plus  grand  nombre.  Le  style  n'en 
est  pas  châtié,  étant  un  mélange  de 
phrases  italiennes  et  de  mots  tirés 
du  patois  siennois.  Celte  publication 
n'a  d'autre  mérite  que  d'avoir  multi- 
plié les  monuments  de  la  littératurif^ 


126 


SER 


SER 


italienne  où  les  contes  en  prose  sont 
si  abondants.  On  ignore  les  circon- 
stances de  la  vie  de  Sermini.  Les 
historiens  de  Sienne  n'ont  fait  au- 
cune mention  de  cet  aiitenr,  dont 
Zeno  a  le  premier  parlé  dans  une 
de  ses  notes  sur  la  Bibliothèque 
de  Fontanini.  Le.  comte  A.  Borronieo, 
qui  en  avait  acquis  un  second  ma- 
nuscrit en  Toscane,  s'était  borné 
à  en  extraire  deux  nouvelles  qu'il  a 
publiées  à  la  suite  du  Caialogo  de' 
novellieri  italiani,  etc.,  Bassano, 
1794,  in-8°.  Elles  ont  été  reprodui- 
tes par  Poggiali  dans  les  Novelle  di 
autori  Senesi,  Londres  (Livourne), 
1796, 1. 1".  A— G— s, 

SERMOiXETA  (Jean),  médecin 
de  Sienne  ,  fut  professeur  à  Bologne 
et  à  Pise  vers  la  lin  du  XV^  siècle.  On  a 
imprimé  en  1498,  à  Venise,  in-folio, 
un  lourd  commeutaire  de  sa  façon 
sur  les  Ajdiorisnies  d'Hippocrate  et 
sur  Galitn  ,  en  latin.  —  Son  lils, 
Alexandre  Sermoneta  ,  enseigna 
aussi  la  médecine  à  l'université  de 
Pise,  mais  il  n'a  laissé  sur  celte 
science  aucun  écrit.         B— n— t. 

SERMOXETTA  (JÉRÔME  Sicio- 
LAiSTE  de),  peintre,  ainsi  nommé  du 
lieu  de  sa  naissance ,  florissait  en 
15G2.  il  fut  élève  de  Raphaël  et  peut 
entrer  en  parallèle  avec  les  plus  ha- 
biles disciples  de  ce  maître  par  l'heu- 
reuse imitation  de  sa  manière.  C'est 
à  lui  qu'est  dû  le  tableau  de  la  salle 
royale  du  Vatican  qui  représente 
Pépin  donnant  fexarchat  de  Ra- 
venne  à  L'Église  après  avoir  fait 
prisonnier  Aslolje ,  roi  des  Lom- 
bards. Mais  c'est  dans  certains  ta- 
bleaux à  l'huile  plus  encore  que  dans 
ses  fresques  que  le  Serniouelta  s'est 
rapproché  de  Raphaël.  Tels  .«ont  le 
Martyre  de  sainte  Lucie  ^  à  Sainte- 
Marie-Majei.rc  ;  la  T  r  an  s  figurât  ion  ^ 
dans  l'église  d'Ara-Cœli,  etlaiVati- 


tîté  de  Jésus-Christ^  à  la  Paix,  sujet 
qu'il  répéta  avec  une  grâce  inexpri- 
mable pour  une  église  d'Osimo.  Son 
chef-d'œuvre  est  à  Ancône  :  c'est  le 
tableau  du  maîire-autel  de  Saint- 
Barihélemi,  La  composition  en  est 
abondante,  d'une  distribution  tout  à 
fait  neuve  et  parfaitement  appropriée 
à  la  vaste  étendue  de  la  toile  et  au 
nombre  des  saints  personnages  qu'il 
y  a  introduits.  On  voit  dans  le  haut 
le  trône  de  la  Vierge  entouré  d'un 
chœur  d'anges  et  d«  claque  côté 
deux  saintes  vierges  à  genoux.  On 
monte  vers  ce  trône  par  deux  beaux 
degrés  placés  de  chaque  côté  du  ta- 
bleau et  i\\\\  divisent  la  composition 
supérieure  de  l'inférieure.  Dans  le 
bas  il  a  placé  le  donataire,  figure 
demi-nue,  d'un  caractère  fier,  accom- 
pagnée d'un  saint  Paul,  tout  à  fait 
dans  le  style  de  Raphuël,  et  de  deux 
autres  saints.  Le  peintre  a  su  réunir 
dans  cet  ouvrage  un  empâtement 
de  couleur,  un  accord,  un  ensend)le 
si  parfait,  qu'il  passe  pour  le  plus 
beau  tableau  qui  se  trouve  à  Ancône. 
Tout  ce  qu'on  pourrait  y  désirer,c'est 
une  meilleure  méthode  dans  la  dé- 
gradation des  objets.  Sermonetta 
a  faii  peu  d'ouvrages  pour  les  gale- 
ries particulières ,  si  l'on  excepte 
toutefois  plusieurs  portraits,  goure 
dans  lequel  il  a  excellé.  Cet  habile 
artiste  mourut  à  Rome  sous  le  pon- 
tificat de  Grégoire  XIII.  P— s. 
SEROUX  (Jean-Nicolas  de),  gé- 
néral d'artillerie  et  inspecteur  de 
cette  arme,  était  né  en  1742  \  il  en- 
tra au  service  en  qualité  de  cadet 
gentjlhniimie  dès  l'âge  de  douze  ans, 
et  se  distingua  dans  la  guerre  de 
sept-aiis,  notamment  à  la  bataille 
d'Kastembeck.  Il  était  chevalier  de 
Saint -Louis  et  lieutenant- colonel 
d'artillerie  lorsque  la  révolution 
éclata.   Destitué    con^me  noble  eu 


SER 

1793,  il  fut  en  même  temps  arrêté, 
et  ne  recouvra  sa  liberté  qu'après  le 
9  thermidor.  Ayant  été  réintégré 
dans  son  grade,  on  lui  confia  divers 
commandements,  et  à  l'armée  de 
Hollande  il  eut  celui  de  l'artillerie. 
Il  fit  ensuite  partie  de  l'armée  d'Ita- 
lie comme  général  de  brigade,  et 
devint  commandant  supérieur  de  la 
marche  d'Ancône ,  fonctions  qu'il 
quitta  sous  l'empire  pour  servir 
d'une  manière  active  en  Allemagne 
cil  il  était  appelé  avec  le  grade  de 
général  de  division.  11  y  commanda 
en  chef  l'artillerie,  principalement 
celle  du  corps  d'armée  du  maréchal 
Ney.  A  Friedland,  il  contribua  puis- 
samment au  gain  de  la  bataille  avec 
le  général  Sénarmont  {voy.  ce  nom 
dans  ce  volume).  Napoléon  l'en  ré- 
compensa par  le  titre  de  baron  et  la 
croix  de  grand-officier  de  la  Légion- 
d'Honneur.  Il  reçut  ensuite  le  com- 
mandement de  l'artillerie  de  la  place 
de  Magdebourg,  qu'il  garda  jusqu'en 
1814,  époque  à  laquelle  il  prit  sa  re- 
traite. Mais  Louis  XVIII  le  nomma 
lieutenant -général  honoraire,  en 
lui  conservant  les  honneurs  et  la 
solde  de  l'activité,  puis  il  le  créa 
grand'croix  de  Saint-Louis.  Depuis 
lors  le  général  Seroux  resta  étran- 
ger aux  affaires  publiques  ,  et,  mal- 
gré son  grand  âge,  il  subit  avec  suc- 
cès l'opération  de  la  pierre.  H  mourut 
à  Couipiègne  le  5  septembre  1822. 

C— H— N. 

SERRA  (Crescentin-Joseph),  au- 
teur de  l'un  des  faits  de  mécanique  les 
plus  étonnants  peut-être  qui  se  soient 
vus  dans  les  teuips  modernes,  naquit 
à  Crescentino  dans  le  Verceillais  le 
4  décembre  1734,  et  montra  dès  l'en- 
fance beaucoup  de  goût  pour  la  mé- 
canique ;  mais  ses  parents  pauvres 
ne  pouvant  l'envoyer  à  l'école,  il  fut 
obligé  d'apprendre  le  dur  métier  de 


SËR 


127 


maçon.  Ne  sachant  ni  lire  ni  écrire, 
il  parvint  néanmoinsen  peudetemps 
à  s'établir  maître  dans  cette  indus- 
trie, et  sans  même  connaître  la  théo- 
rie du  dessiu  il  dirigea  la  construc- 
tion de  plusieurs  maisons  commodes 
et  solides.  Le  pèrePeruzia,  de  l'Ora- 
toire de  Saint-Philippe,  à  Crescen- 
tino, qui  était  le  directeur  du  sanc- 
tuaire dit  de  Notre-Dame-du-Palais, 
avaii  le  projet  dejoindre  une  rotonde 
à  l'ancienne  église  ;  mais  le  clocher 
se  trouvant  sur  l'angle  intérieur  ne 
permettait  pas  l'exécution  du  projet  \ 
il  fallait  l'abattre.  Serra  futconsulté, 
et  ayant  examiné  la  solidité  du  clo- 
cher bâti  en  briques  et  en  chaux,  de 
la  hauteur  de  20  mètres,  il  se  fit 
fort  de  le  transporter  au  prix  de  200 
francs  pour  la  main-d'œuvre.  Cette 
proposition  surprit  le  père  Peruzia, 
qui  ne  voulait  pas  y  accéder  dans  la 
crainte  de  donner  du  ridicule  à  ses 
concitoyens  si  l'opération  ne  réussis- 
sait pas.  Serra  présenta  alors  un  mo- 
dèle de  son  projet,  puis  eu  177l»  il 
transféra  dans  l'église  de  la  con- 
frérie de  Saint -Bernardin  le  grand 
autel  tout  entier  pour  prolonger  le 
presbystère.  Celte  opération  étonna 
le  père  Peruzia  et  les  personnes  les 
plus  marquantes  de  la  ville.  On  con- 
vint avec  Serra  que  le  transport  du 
clocher  aurait  lieu  l'année  suivante 
au  prix  demandé.  Avant  l'hiver  il 
posa  les  fondements  à  l'endroit  où  le 
clocher  devait  être  replacé,  et  au 
mo  s  de  mars  1776  il  commença 
cette  audacieuse  entreprise  avec  un 
plancher  de  poutres  en  bois  de  chêne 
construitsoliilerneut  suriequekievait 
marcher  le  clocher  maintenu  par  des 
poutres  de  tous  les  côtés.  Celte  opé- 
ration terminée,  on  coupa  les  quatre 
angles  du  cloih<;r  qui  se  trouva  sur 
les  rouleaux  placés  de  distance  en 
dislanccjsur  .ce  plan  formé.  Serra 


II 


SFR 


èlait  si  persuade  de  sa  rëiissiie  que, 
au  moment  diilransport,  le  20  mars  à 
deux  heures  après  midi,  il  fit  monter 
son  propre  fils  Philippe  sur  le  clo- 
cher pour  sonner  les  cloches,  ce  qui 
est  constate'  par  l'inscription  sui- 
vante, grave'e  en  marbre  au  pied  du 
clocher  : 

SiSTE  GRADUM,   VlATOR, 

Oda  Marianum  SACELLUM  ampi.iaretur 
turrim  hanc  sacram 
Opitdlante  Deipara 

PurSAlISQUE  ISTERF.A  IMPENDENTtBCS 

TxNTIXABrLIS 

In  'LJETiriX   ARGUMENTDM 

Crescentini  Serra  CF.EscENTi>-£iîsrs 
Intentato  hactei^us   ausu 

TUTO   EX  INSriRATO    TRAD0CTAM 

Die  XXVI  martii  anno  1776, 
^  SciTO,  admirator  abi. 

Le  roi  de  Sardaigne  Victor- Ame'dée 
llf,  informé  de  cette  opération  har- 
die, voulut  voir  le  maître  maçon 
Serra  ,  et  lui  accorda  une  pension  de 
200  francs,  en  l'attachant  à  la  direc- 
tion des  fortifications  de  Tortone. 
La  municipalité  de  Verceil,  par  un 
procès-verbal  du  2  septembre  de  la 
même  année,  après  une  longue  des- 
cription des  procédés  employés  par 
Serra  pour  ie  trans^iort  du  clocher, 
lui  décerna  une  récompense.  Le  gou- 
vernement français  continua  de  faire 
payer  à  Serra  sa  pension  ;  et  à  sa 
mort,  arrivée  le  8  septembre  1804, 
le  journal  du  département  de  la  Sé- 
sia  lui  consacra  un  digne  éloge.  VHis- 
toireverceillaisesur  lessciences  et  les 
arts  {oh  le  portrait  de  Serra  et 
le  dessin  du  transport  du  clocheront 
été  gravés)  rapporte  une  inscrip- 
tion sépulcrale  que  les  circonstances 
n'ont  pas  permis  de  sculpter  sur  le 
tombeau  de  cet  homme,  doué  d'un 
génie  naturel,  quoique  dépourvu  de 
toute  instruction  scientifique.  Dans 
cette  inscription  Serra  est  comparé 
à  Ferracino  et  à  Zabaglia  {voy.  ces 
noms,  XIV,  391,  et  LU,  1),  qui  opé- 


SER 

raient  des  prodiges  ;  comme  aussi  au 
célèbre  Aristotile  Alberli,  de  Bolo- 
gne, qui,  en  1455,  transporta  un  clo- 
cher tout  entier  (voy.  Alberti,  I, 
426).  Ce  fait  était  ignoré  non-seule- 
ment de  Serra,  mais  même  de  l'au- 
teur de  l'inscription  ci-dessus.  Le 
clocher  de  Crescentino  est  resté  pour 
les  voyageurs  un  objet  de  curiosité 
et  d'admiration.  G— g— y. 

SERllA  (le  marquis  Jérôme), 
homme  d'État  et  historien  italien, 
naquit  à  Gênes  en  1701  d'une  des 
plus  illustres  familles  de  la  républi- 
que. 11  occupa,  dès  sa  première  jeu- 
nesse, des  emplois  importants,  et  sut 
concilier  le  zèle  pour  le  devoir  avec 
le  goût  des  lettres  et  des  études  sé- 
rieuses. L'histoire,  surtout  celle  de 
sa  patrie,  eut  pour  lui  un  attrait  par- 
ticulier, et  il  ramassa  de  bonne  heure 
une  foule  de  matériaux  qu'il  ne  tarda 
pas  à  mettre  en  œuvre.  Dès  1798,  il 
publia  k  Gênes  la  première  partie  de 
son  ouvrage  sous  le  titre  d'Histoire 
de  l'origine  des  peuples  de  la  Li- 
gurie,  des  colonies  qui  en  sortirent 
et  des  guerres  qu'ils  eurent  à  sou- 
tenir contre  Rome.  Ce  livre  pa- 
raissait presque  au  moment  où  les 
armées  françaises  victorieuses  ve- 
naient de  conquérir  tous  les  États  di* 
la  république  génoise,  au  moment 
oîi  ceux-ci  servaient  de  champ  de 
bataille  aux  parties  belligéranies.  Le 
marquis  Jérôme,  bien  différent  en 
cela  de  son  parent,  Jean -Baptiste, 
qui,  dans  une  lettre  au  Moniteur^ 
empreinte  de  tout  l'esprit  démago- 
gique du  temps  et  écrite  dans  un 
style  analogue,  déclarait  ne  vouloir 
s'appeler  désormais  que  Serra  le  Ja- 
cobin, le  marquis  Jérôme,  disons- 
nous,  était  loin  de  partager  les  opi- 
nions qui  étaient  alors  si  fort  en  vo- 
gue, et  tant  qu'elles  triomphèrent, 
tant  que  leurs  partisans  furent  au 


SER 

pouvoir,  il  se  tint  tout  à  fait  éloigne 
des  affaires.  Ce  ne  fut  qu'à  l'époque 
où  les  idées  modérées  reprirent  le 
dessus  qu'il  consentit  à  entrer  dans 
le  conseil  municipal  de  sa  ville  na- 
tale. Nommé  en  l'an  IX  (1801)  mem- 
bre du  conseil-général  du  départe- 
ment ,  puis  otficier  de  la  Légion- 
d'Honneur,  et  enfin  maire,  il  fut,  en 
1806,  élu  député  au  corps  législatif. 
Mais  il  ne  paraît  pas  qu'il  ait  accepté 
ce  mandat,  car  son  nom  ne  figure  en 
cette  qualité  dans  aucun  des  alma- 
nachs  impériaux,  et  nous  sommes 
fondés  à  croire  qu'il  ne  s'éloigna  pas 
de  Gênes.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  était 
dans  cette  ville  quand  elle  fut  as- 
siégée en  1814  par  la  flotte  anglaise, 
que  commandait  William  Bentinck. 
Tout  le  monde  sait  qu'après  la  red- 
dition de  la  place,  aui  eut  lieu  le  18 
avril,  l'amiral  anglais,  interprétant 
les  intentions  de  son  gouvernement, 
rétablit  la  république  telle  qu'elle 
existait  avant  l'invasion  française,  et 
forma  un  gouvernement  provisoire 
dont  Serra  fut  le  chef,  avec  le  titre 
de  président.  Mais  le  congrès  de 
Vienne  disposa  bientôt  de  Gênes  en 
faveur  du  roi  de  Sardaigne,  et  dans 
l'impossibilité  où  la  république  était 
de  résister  aux  volontés  des  puis- 
sances signataires  du  traité,  son  chef 
sut,  en  cette  pénible  conjoncture, 
conserver  une  attitude  digne  et  fière, 
tout  en  cédant  à  la  force  et  à  la  néces- 
sité. Nos  lecteurs  verront  sans  doute 
avec  intérêt  la  proclamation  qu'il 
adressa  au  peuple  génois  au  moment 
de  résigner  ses  fondions.  Cette  pièce 
est,  à  notre  sens,  un  modèle  à  pro- 
poser aux  hommes  d'État  qui  pour- 
raient dans  l'avenir  se  trouver  dans 
la  même  position  que  le  marquis 
Serra.  «Informés, dit-il,  que  le  con- 
«  grès  de  Vienne  a  disposé  de  notre 
•  patrie  en  faveur  de  Sa  Majesté  le 
LXXXII. 


SER 


129 


•  roi  de  Sardaigne;  résolus,  d'une 

•  part,  à  ne  point  porter  atteinte  à 
«  ses  droits  imprescriptibles  ,  de 
«  l'autre,  à  ne  point  user  d'une  ré- 
«  sistance  inutile  et  funeste,  nous 
«  déposons  une  autorité  que  nous 
«  tenions  de  la  conliance  delà  nation 
«  et  du  consentement  des  principilcs 
«  cours  de  l'Europe.  Tout  ce  qu'un 

•  gouvernement  qui  n'a  pour  lui  que 
«  la  justice  et  la  raison  peut  tenter 
«  pour  le  maintien  di-s  droits  et  la 
«  réhabilitation  de  ses  peuples,  nous 
«  l'avons  entrepris'sans  réserve,  sans 
«  hésitation  •,  notre  conscience  nous 
«  le  dit,  et  les  puissances  les  plus 

•  éloignées  en  rendraient  au  besoin 
«  témoignage.  îl  ne  nous  reste  plus 

•  aujourd'hui  qu'à  recommander  aux 
«autorités  municipales,  administra- 
«  tives  et  judiciaires,  de  continuer 
a  à  bien  remplir  leur  devoir;  au 
«  gouvernement  qui  va  nous  succé- 
«  der,  de  prendre  soin   de  l'armée 

•  dont  nous  avions  commencé  l'or- 
«  ganisation    et   des  employés  qui 

•  nous  ont  secondés  avec  loyauté;  à 
«  tous  les  peuples  du  Génovësat , 
«  d'observer  le  calme,  première  ga- 
«  rantie  de  leur  bonheur.  En  retour- 
«  nant  de  la  vie  publique  à  la  vie 
«  privée,  nous  conservons  un  senti- 

•  ment  profond  de  reconnaissance 
'  pour  l'illustre  général  qui  connut 

•  les  limites  de  la  victoire,  et  une 
«  confiance  entière  dans  la  bonté 
«  divine,  qui  n'abandonne  jamais  les 
«  Génois.  »  Ce  grand  acte  accompli, 
Serra  se  retira  dans  la  magnifique 
maison  de  campagne  qu'il  possédait 
sur  lacolline,  et,  malgré  la  proximité 
de  la  ville,  il  laissa  passer  bien  de<i  an- 
nées avant  d'y  revenir;  encore  ne  fut- 
ce  qu'à  de  longs  intervalles  et  pour 
quelques  instants  seulement.  Enseveli 
pourainsi  dire  dans  sa  retraite,  il  voua 
tous  ses  instants  à  l'étude  des  annales 


130 


SER 


de  son  pays,  et  continua  le  travail 
dont  il  avait  donné  la  première  par- 
tie à  la  fin  du  dernier  siècle  L'ou- 
vrage entier  parut  enfin  en  1834 
à  Turin,  en  4  vol  in-8»  (  seconde 
édition,  Capolago,  (835,  i  vol.  in- 
12),  et  fut  accueilli  avec  faveur.  Ce 
n'est  pas  que  l'auteur  se  distingue 
par  des  vues  larges  ef  profondes,  par 
ce  coup-d'œil  pénétrant  qui  saisit  les 
effets  et  les  causes  et  montre  l'his- 
toire d'un  peuple  dans  sa  providen- 
tielle unité;  ce  n'est  pas,  en  un  mot, 
que  Serra  ait  bien  compris  ce  qu'on 
est  convenu  d'appeler  la  philosophie 
de  l'histoire,  mais  tout  son  travail 
révèle  tant  de  conscience  dans  les  re- 
cherches, dans  l'examen  et  l'emploi 
des  matériaux  qu'il  avait  sous  la 
main,  tant  d'amour  pour  son  pays, 
tant  de  respect  pour  la  religion  et 
le  culte  de  ses  pères,  même  dans  les 
détails  les  plus  minutieux,  que  le 
lecteur  sent  naître  rapidement  en 
lui  une  vive  .sympathie  pour  l'homm.e, 
tout  en  désapprouvant  quelquefois  l'é- 
crivain. Sans  doute  cette  disposition 
d'esprit  a  dû  souvent  nuire  à  l'impar- 
t  ialité  de  Serra,  mais  elle  ne  l'a  jamais 
conduit  à  des  exagérations  ni  à  des  ré- 
ticences dans  les  faits.  Sous  ce  rap- 
port il  dit  tout  ce  qu'il  sait,  et  l'on 
pput  s'en  rapporter  à  sa  véracité.  Son 
style  est  généralement  simple,  cor- 
rect, mais  on  y  chercherait  en  vain  de 
ces  pages  éloquentes,  de  ces  mouve- 
ments, de  ces  descriptions  pillores- 
ques  qui  .sont  le  premier  mérite  des 
historiens  de  l'antiquité,  et  qui  dans 
les  ouvrages  modernes  dégénèrent 
si  souvent  en  déclamations  roma- 
nesques. En  somni.',  Serra  vise  sur- 
tout à  l'exactitude  ;  il  tient  beau- 
coup plus  à  instruire  qu'à  plaire.  Ar- 
rivé il  l'an  1183,  il  ne  se  sentit  pas  le 
courage  d'aller  plus  loin.  Après  avoir 
suivi  la  marche  toujours  ascendante 


SER 

de  son  pays,  après  avoir  tracé  le  ta- 
bleau de  ses  conquêtes  et  de  ses 
glorieuses  luttes,  il  lui  en  eût  trop 
coûté  d'entrer  dans  cette  période  de 
décadence  qui  dura  trois  siècles,  et 
aboutit  à  une  agonie  lélhargicpie,  à 
une  fin  vulgaire.  Le  marquis  Serra 
survécut  peu  à  la  publication  de  son 
ouvrage-,  il  mourut  à  Gênes  le  31 
mars  1837.  A— y. 

SERRE ,  comte  de  Saint-Roman 
(Alexis-Jacques  de),  né  le  13  mai 
1770,  appartenait  à  une  ancienne  fa- 
mille originaire  des  Cevennes,  qui 
avait  embrassé  le  protestantisme, 
qu'elle  abjura  dans  la  suite.  Son 
père,  conseiller  au  parlement  de  Pa- 
ris, le  destina  d'abord  à  la  magis- 
trature ,  puis  à  la  diplomatie  ;  mais 
la  révolution  ayant  éclaté ,  le  jeune 
Serre  éniigra ,  servit  à  l'armée  de 
Coudé  comme  simple  volont.iire,  dans 
le  régiment  de  dragons-Penthièvre, 
devint  bientôt  capitaine  aide-de- 
camp  d'état-major,  et  fit  la  campa- 
gne de  1792.  Cependant  il  quitta  le 
service  pour  ne  pas  compromettre 
son  père,  qui  n'en  fut  pas  moins 
traduit  au  tribunal  révolutionnaire, 
condamné  à  mort  et  exécuté  le  27 
juillet  1794  (9  thermidor  an  II),  au 
moment  même  où  la  chute  de  Robes- 
pierre ai  iait  le  sauver.  Serre  de  Saint- 
Roman  rentra  secrètement  dans  son 
pays  à  plusieurs  reprises,  mais  sans 
pouvoir  y  demeurer;  et  tandis  que 
le  gouvernement  autrichien  lui  con- 
fisquait une  sonune  de  150,000  fr., 
placée  sur  ia  banque  de  Vienne,  sous 
prétexte  qu'il  n'était  pas  émigré,  le 
Directoire  confisquait  aussi  toutes 
ses  propriétés,  parce  qu'il  était  émi- 
gré. Mais  l'empereur  d'Autriche  lui 
fit  restituer  ses  actions  de  banque, 
^n  même  temps  que  Bonaparte,  pre- 
mier consul,  le  raya  de  la  liste 
des  émigrés  et  lui  rendit  tous  ses 


SER 

biens.  Revenu  en  France,  Saint-Ro- 
man cultiva  dans  la  retraite  la  poé- 
sie et  même  la  haute  métaphysique  -, 
il  ne  sollicita  aucun  emploi  pendant 
la  durée  du  consulat  et  de  l'empire. 
Cependant ,  lors  du  débarquement 
des  Anglais  à  Flessingue,  en  1809, 
il  eut  le  commandement  d'une  co- 
horte ;  et  en  1813,  après  les  revers 
des* armées  françaises,  la  garde  na- 
tionale de  Paris  ayant  été  rétablie, 
il  fut  nommé  chef  d'un  bataillon  de 
la  8^  légion  ,  à  la  tête  duquel  il  com- 
battit courageusement  pour  la  dé- 
fense de  la  capitale,  le  30  mars  1814, 
malgré  son  peu  de  sympathie  pour 
Napoléon.  Sous  la  Restauration ,  il 
fut  fait  maréchal-des-logis  de  la 
compagnie  des  mousquetaires  gris  , 
chevalier  de  Saint-Louis  et  de  la  Lé- 
gion-d'Honneur.  Durant  les  Cent- 
Jours,  il  vécut  retiré  dans  une  de 
ses  terres  du  département  de  l'Al- 
lier. Après  le  second  retour  de  Louis 
XVIII,  il  présida  le  collège  électoral 
il  Moulins  ,  et,  le  17  août  1815,  le  roi 
le  créa  pair  de  France.  Le  18  janvier 
1816,  il  ht,  à  la  Chambre,  une 
proposition  relative  à  une  décla- 
ration de  principes  de  Lally-Tol- 
lenda!  :  d<ins  la  séance  du  15  janvier 
ile  la  même  année,  Lally  ayant  vou- 
lu prouver  la  nécessité  du  concours 
(les  chambres  aux  mesures  extra- 
constituiionnelles  qui  suspendaient, 
à  l'égard  des  individus,  le  cours  or- 
dinaire de  la  justice ,  Serre  de  Saint- 
Roman  attaqua  cette  doctrine  et  la 
publicité  qui  lui  avait  été  donnée  par 
son  auteur  dans  un  journal.  Lacham- 
bre  ayant  passé  à  l'ordre  du  jour  sur 
cette  proposition ,  Saint-Roman  la  fit 
imprimer.  Dans  le  cours  de  la  session 
de  1816,  lors  de  la  discussion  de  la 
loi  sur  la  liberté  individuelle,  il  vota 
l'adoption  de  cette  loi ,  pensant 
qu'une    simple    réclamation    sufti- 


SER 


131 


rait  pour  dissiper  les  craintes  éloi- 
gnées que  l'on  pourrait  concevoir. 
Dans  la  session  de  1818,  il  prononça 
à  la  tribune  une  opinion  très-éten- 
due sur  le  projet  de  loi  relatif  au  re- 
crutement de  l'armée ,  en  combattit 
les  motifs  et  les  dispositions,  surtout 
celles  du  titre  VI,  concernant  l'a- 
vancement. «  Jusqu'à  présent,  dit-il, 

•  et  par  le  droit  que  la  charte  lui 
«  confère,  le  roi  disposait  à  son  gréet 
«  sans  aucune  entrave  de  tous  les 
"  emplois  de  la  force  publique.  Pour- 
«  quoi  limiter  cet  utile  pouvoir,  en 
«imposant  des  conditions  à  son 
«choix,  en  établissant  un  avance- 
«  ment  indé|iendaut  tlesa  volonté?» 
Il  soutint  qu'une  sage  ordonnance 
offrait  autant  de  garantie  qu'une  loi 
qui  pourrait  être  éludée  par  un  mi- 
nistre prévaricateur.  Dans  la  discus- 
sion de  la  loi  sur  la  banque,  Saint- 
Roman  dit  qu'il  s'étonnait  de  voir 
adopter  avec  tant  de  facilité  un  pro- 
jet qui  changeait  toutes  les  dispo- 
sitions de  cet  établissement,  sans 
qu'on  se  fût  assuré  si  tel  était  en  efi'et 
le  vœu  des  actionnaires.  «  Aucune 
«considération,  dit-il,  ne  peut  dis- 
«  penser  la  chambre  de  savoir,  avant 

•  de  changer  leur  constitution,  s'ils 
«  y  désirent  des  changements.  » 
Il  vota  avec  la  minorité  pendant 
toute  cette  session.  Dans  celle  de 
1819,  Lally -Tollendal  ayant  pro- 
posée la  chambre  de  supplier  le  roi 
de  décerner  au  duc  de  Richelieu  une 
récompense  nationale,  Saint-Roman 
demanda  la  question  préalable.  •  C'est 
«transporter,  dit-il,  le  gouverne- 
«ment  dans  les  chambres,  que  de 
"  les  occuper  des  récompenses  à  ac- 
«  corder  aux  ministres  du  roi.  Ré- 
«  compenser  les  services  rendus  à 
«  l'État  est  une  attribution  essen- 
«  tielle  du  pouvoir  exécutif  qui ,  d'a- 
"  près  l'article  13  de  la  charte,  n'ap- 

9. 


132 


SER 


«  partient  qu'au  monarque.  La  chain- 
.  bre,  en  accueillant  la  proposition 
•  qui  lui  est  soumise,  excéderait  ses 
«  pouvoirs  et  entreprendrait  sur  la 
«  prérogative  royale.  »   La  proposi- 
tion n'en  fut  pas  moins  adoptée  par 
la  chambre  des  pairs,  ainsi  que  par 
la  chambre  des  députés.  En  consé- 
quence, le  gouvernement  présenta 
un  projetdeloi  portant  création  d'un 
majorai,  de  50,000  fr.  de  revenu,  en 
faveur  du  duc  de  Richelieu,  à  titre 
de  récoHipense  nationale  {voy.  Ri- 
chelieu, XXXVIII,  64).  Saint-Roman 
parla  sur  ce  projet  daiis  le  même  sens 
qu'il  avait  parlé  sur  la  proposition, 
et  s'éleva  fortement  contre  le  prin- 
cipe de  la  souveraineté  du  peuple  ; 
ce  qui  n'empêcha  pas  l'adoption  du 
projet.  Lors  de  la  discussion  de  la  loi 
relative  à  la  répression  des  crimes  et 
délits  commis  par  la  voie  de  la  presse, 
il  appuya  l'amendement  du  duc  de 
Filz-James,  qui  voulait  qu'on  men- 
tionnât nominativement  la  religion 
chrétienne  dans  l'article  8  concer- 
nant les  outrages  à  la  morale  publi- 
que et    religieuse    ou  aux  bonnes 
mœurs.  Le  26  février  18'20,  il  parla 
contre  la  susp»'iision  de  la  liberté  de 
la  presse  pour  les  journaux,  et  le 
23  mars,  il  parla  en  faveur  de  la  sus- 
pension de  la  liberté  individuelle. 
En  1824,  il  combattit  le  projetdeloi 
de  septennalité,  et  surtout  le  renou- 
vellement intégral  de  la  chambre  des 
députés.  Dans  la  séance  du  17  fé- 
vrier 182'),  lors  de  la  discussion  de 
la  loi  du  sacrilège,  il    appuya  l'a- 
mendement du  comte  de  la  Villegon- 
tier,  tendant  à  renfermer  les  profa- 
Dateurs  comme  insensés  ;  et  dans  la 
séance  du  11  avril  il  parla  pour  l'in- 
demnité des  émigrés.  Serre  de  Saint- 
Roman  avait  été  nommé,  par  ordon- 
nance royale  du  21  mars  1821,  colo- 
,nel  de  la  8^  légion  de  la  garde  natio- 


SER 

nale  de  Paris;  il  était  aussi  maire  de 
la  commune  de  Villejuif.  Ayant  formé 
un  majorât,  il  obtint    en  1829  des 
lettres-patentes  de  pairie  héréditaire, 
du  titre  de  comte.  Après  la  révolu- 
tion de  1830,  il  cessa  de  siéger  à  la 
ciiambre,  refusa  de  prêter  sermcrit 
au  nouveau  gouvernement,  et  en  in- 
forma par  une  lettre   M.  Pasquier, 
président,  à  la  famille  duquel  il  était 
allié,  madamePasquierélant  sa  tante. 
Rcntréainsi  dans  la  vie  privée,  ilcon- 
tiuua  cependant  d'écrire  sur  des  ma- 
tières politiques  et  de  droit  social.  Il 
mourut  le  25  avril  1843.  Il  s'était 
marié  en  émigration  avec  M"«  Le  Re- 
bours, dont  le  père,  président  au  par- 
lement de  Paris,  avait  péri  sous  le 
règne  de  la  Terreur  {voy.  Rebours, 
XXXVlIi207).  Devenu  veuf,  il  épousa 
M''-^  de  ïinteniac,  et,  n'ayant  point 
de  fils,  il  maria  une  de  ses  filles  avec 
un  parent  de  son  nom,  qui  à  ce  litre 
est  propriétaire  de  la  terre  de  IMéré- 
ville  en  Beauce.  Serre  de  Saint-Ro- 
man était  un  homme  de  cœur,  d'hon- 
neur et  de  capacité  en  plus  d'un 
genre.  On  a  de  lui  :    I.    Discours 
prononcé  à  Vouverture  de  la  ses- 
sion du  collège  électoral  de  V Allier, 
le  22  août  1815,  Paris,  1815.  in-8". 
IL    Réclamation  faite  le   20   sep- 
tembre 1817,  dans  la  seizième  sec- 
tion du  collège  électoral  du  départe- 
ment delà  Seine,  Paris,  1817,  in-8". 
111.  Réfutation  de  Montesquieu  sur 
la  balance  des  pouvoirs ,  et  aperçus 
divers  sur  plusieurs  questions  de 
droit  public,  1817,  iii-8'\  IV.  Sur  le 
faux  et  absurde  système  de  la  sou- 
veraineté du  peuple,  en  réponse  à 
l'article  inséré  pages  488  et  suiv.  de 
laCllMivraisonde  la  Minerve,  Paris, 
1820,  in-8o.  V.  Le^rfs  faisant  suite 
à  di^ux  articles  insérés  dans  les  73®  et 
74^  liv.  du  Conservateur,  sur  le  faux 
et  absurde  système  de  la  souverai- 


SER 

neté  du  peuple,  Paris,  1820,  iti-8o. 
VI.  Suite  de  la  correspondance  de 
M.  de  Saint-Roman  et  de  M.Masuyer, 
sur  la  souveraineté  du  peuple,  Paris, 
1821,  iu-Sf.  VII.  Poésies  dramati- 
ques d'un  émigré  {Louis  XVI  ;  An- 
tigone,  fille  d'OEdipe  ;  Radasmane, 
prince   des   Parthes;   Arsinoé,  ou 
l'Ambitieuse  accusatrice ,  tragédies 
eu  cinq  actes),  Paris,  1823,  in-S». 
VIll.  Extrait  d'un  ouvrage  intitule: 
Essai  sur  la  nécessité  de  reprendre 
les  sciences  par  leur  commencemenlj 
et  de  les  réasseoir  sur  leurs  vraies 
bases,  Paris,  1832,  in-8°.  C'est  un 
fragment  du  système  métaphysique 
de  l'auteur  (chapitre  111,    Aperçus 
mathématiques).  IX.  Lettres  de  M  M. 
de  Saint-Roman  et  de  Cormenin,  sur 
la  souveraineté  du  peuple  .^  Paris, 
1832,  iu-8».   X  (avec  M.  Rédarès). 
Lettres  sur  la  patrie,  la  légitimité 
et  la  souveraineté  du  peuple,  Paris, 
1835,  in-8°.  L— p— B. 

SERRE  (Piebre-François-Her- 
cuLE,  comte  de),  homme  d'État  qui 
joua  un  grand  rôle  durant  la  première 
période  de  la  Restauration  et  dont  la 
renommée  parlementaire  fut  plus 
encore  le  résultat  d'un  beau  talent 
oratoire  que  d'idées  politiques  fixes 
et  bien  arrêiées,  naquit  àPagny-sous- 
Préuy,  près  de  Pont-à-Mousson,  le 
12  mars  1776(1).  11  appartenait  à  une 
famille  originaire  du  comtat  d'Avi- 
gnon, établie  depuis  long-temps  en 
Lorraine ,  qui   fut  anoblie  dans    le 


(i)  Plusieurs  biographes  le  fonl  naître  à 
Metz  ;  mais  c'est  une  erreur  répétée  en  der- 
nier lieu  dans  Vlsographii  des  hommes  eélè- 
tr«  (a8^  livraison,  in-4°),  qui  rej)orte  la 
date  de  sa  naissance  à  l'année  1777.  Un  de 
ses  ancêtres  ,  bourgeois  de  Nancy  ,  fut  apo- 
tbicaire,  mais  son  bisaïeul  fut  conseiller  au 
parlement  de  Nancy,  et  a  laissé  un  Recueil 
des  arrêts  notables  rendus  par  cette  compa- 
gnie, in-fol.  Cet  ouvrage,  resté  manuscrit, 
existe  en  copie  daus plusieurs  bibliothèque». 


SER 


13S 


XVn«  siècle  par  les  ducs  Charles  et 
Henri ,  et  donna  à  cette  province  des 
magistrats  distingués.  Son  père,  an- 
cien officier  de  cavalerie,  le  destina 
dès  l'enfance  à  la  carrière  des  armes, 
et  il  s'y  préparait  à  l'École  d'artille- 
rie de  Metz    lorsque   la  révolution 
commença.    Ayant   émigré   presque 
aussitôt,  il    fit  partie,  malgré   son 
jeune  âge,  de  l'armée  des  princes,  lors 
de  sa  formation,  en  qualité  de  chas- 
seur noble.  Il  s'y  conduisit  en  brave 
gentilhomme  et  parvint  au  grade  de 
lieutenant  dans  la  légion  de  Mira- 
beau ,  où  un  de  ses  oncles  avait  un 
commandement.  En  1801,  profitant 
de  la  facilité  ({n'avaient  les  émigrés 
de  se  faire  rayer  de  la  liste,  il  rentra 
en  France  et  renonça  à  l'état  mili- 
taire, soit  qu'il  ne  voulût  pas  consa- 
crer son  épée  au  service  d'une  cause 
qu'il    avait    combattue,    soit   qu'il 
sentît  que  là  n'était  pas  sa  véritable 
vocation.  Ses  études  ayant  été  né- 
gligées,  il   résolut  de  les  complé- 
ter afin  de  se  faire  recevoir  avocat; 
la  persévérance  qu'il  mit  à  cette  rude 
tâche  le  rendit  capable,  en  moins  de 
quelques  années,  de  passer  avec  suc- 
cès ses  examens.  De  Serre,  en  quit- 
tant le  parti  des  armes  pour  le  bar- 
reau, avait  fait  preuve  d'une  grande 
flexibilitédans  ses  penchants,  mais  en 
même  temps  d'une  facilité  extraor- 
dinaire pour  apprendre;  il  eu  avait 
donné  précédemment  un  autre  exem- 
ple remarquable.  Lorsqu'il  servait  en 
Allemagne  dans  l'armée  des  princes, 
il  ignorait  la  langue  du  pays.  Ayant 
conçu   un    sentiment    fort    tendre 
pour  une  jeune  personne,  il  éprouva 
le  besoin  de  le  lui  exprimer.  Il  se 
mit  donc  à  étudier  jour  et  nuit  l'i- 
diome tudesque,  et  en  très-peu  de 
temps  il  parvint  à  se  faire  entendre 
de  celle  qu'il  aimait.—  De  Serre  dé- 
buta au  barreau  de  Metz  ,etleretea- 


134 


SER 


tissement  qu'obtinrent  plusieurs  de 
ses  plaidoyers  le  plaça  parmi  les 
avocats  les  plus  renommés  de  cette 
ville.  Sa  réputation  s'étendit  à  ce 
point,  qu'en  1811,  lors  de  l'organi- 
sation des  tribunaux,  Napoléon  le 
nomma  avocat-général  à  la  cour  de 
Metz,  puis  presque  aussitôt,  comme 
il  savait  très-bien  la  langue  alle- 
mande, premier  président  de  la  cour 
impériale  de  Hambourg.  Dans  ces 
difficiles  fonctions,  de  Serre  sut.  par 
une  éclatante  justice,  acquérir  l'es- 
time générale  des  populations  ;  on  le 
vit  plus  d'une  fois  résister  avec  fer- 
meté aux  exigences  du  despotisme 
militaire  ;  s'il  ne  put  empêcher  les 
actes  tyranniques,  on  doit  reconnaî- 
tre qu'il  se  dévoua  tout  entier  à  les 
adoucir,  il  demeura  dans  cette  con- 
trée jusqu'à  la  chute  de  l'empire.  S'é- 
lant  prononce"  hautement  pour  la 
restauration,  il  reçut,  au  commence- 
ment de  1815,  la  première  prési- 
dence de  la  cour  royale  de  Col- 
mar.  A  l'époque  des  Cent-Jours,  il 
déploya  une  énergie  alors  bien  rare 
dans  les  fonctionnaires  publics.  Au 
moment  même  où  l'on  arborait  le 
drapeau  tricolore,  il  fit  renouveler 
le  serment  au  roi  et  continua  de 
rendre  la  justice  en  son  nom.  Obligé 
enfin  de  céder  à  la  force,  il  pro- 
nonça solennellement  la  dissolu- 
tion de  la  cour  et  alla  rejoindre 
Louis  XVIII  àGand.  Après  la  seconde 
restauration,  il  reprit  sa  charge  de 
premier  président,  et  ne  tarda  pas 
k  être  nommé  député  à  la  chambre 
(le  1815.  Alors  s'ouvrit,  pour  lui  une 
nouvelle  carrière.  Partisan  dévoué 
de  lu  monarchie  constitutionnelle,  il 
était  royaliste  dans  le  sensdeRoyer- 
Collard,  de  Camille  Jordan  ,  etc.  On 
comprend  que  dans  cette  chambre  si 
ardente  de  1815,  il  siégea  avec  la 
minorité  qui  soutenait  Je  ministère. 


SER 

Ce  fut  parmi  elle  qu'il  se  posa  tout 
d'abord  5  ses  premiers  discours  révé- 
lèrent un  véritable  talent  de  tribune, 
une  supériorité  de  paroles  peu  com- 
mune et  aussi  des  principes  consti- 
tutionnels avancés,  choses  qui  ne 
pouvaient  manquer  de  le  faire  re- 
marquer. Membre  de  la  commission 
pour  l'examen  du  projet  de  loi  sur 
les  cours  prévôtales,  il  s'en  déclara 
l'adversaire,  et  l'on  put  prévoir,  dès 
ce  moment,  la  marche  qu'il  allait 
suivre.  Le  6  janvier  1816,  il  s'op- 
posa aux  mesures  de  proscription , 
et  vota  en  faveur  de  l'amnistie , 
que  lui-même  avait  proposée.  H 
attaqua  le  principe  des  catégories 
en  disant  •  que  tout  le  crime  des 
généraux  qui  avaient  servi  Bona- 
parte était  de  l'avoir  reconnu , 
qu'après  cela  ils  ne  pouvaient  plus 
que  lui  obéir.  »  Ces  paroles  excitèrent 
les  plus  violents  murmures  dans  le 
côté  droit.  Sur  les  indemnités,  il  parla 
contre  MM.  Clausel  de  Coiissergues 
et  Hyde  de  Neuville.  «  La  Charte 
proscrit  les  confiscations,  dit-il,  vous 
ne  les  rétablirez  pas  sous  un  autre 
nom;  que  le  trésor  soit  pauvre,  mais 
pur;  méprisez  de  misérables  dé- 
pouilles, laissez...  «  Et  c'est  alors 
qu'une  voix  s'écria  :  «  Oui  !  laissez 
l'argent  aux  voleurs!  »  Dans  la  dis- 
cussion sur  la  loi  électorale,  de  Serre 
se  plaça  entre  le  projet  ministériel 
et  celui  de  la  commission,  parce  que 
l'un  et  l'autre  tendaient  à  modifier 
le  système  établi  par  la  Charte.  Le 
22  avril ,  il  combattit  le  rapport  de 
M.  de  Kergorlay  en  faveur  du  clergé, 
et  s'exprima  même  en  termes  peu 
mesurés  ;  des  murmures  bruyants 
vinrent  l'interrompre,  et,  les  dumi- 
naiit,  il  s'écria  :  «  La  liberté  des 
discussions  est  détruite  !...  »  Les  cla- 
meurs redoublèrent  et  l'on  de- 
manda son  rappel  à  l'ordre.  Après 


SER 

l'orrlonnance  du  5  septembre,  dont 
il  se  montra  l'un  des  plus  chauds 
admirateurs ,  il  fut  désigné  par  le 
roi  pour  présider  le  collège  électoral 
du  Haut-Rhin,  qui  le  réélut  député. 
Il  fut  presque  aussitôt  appelé  au  con- 
seil d'Etat,  et  réunit  un  grand  nom- 
bre de  sulfrages  pour  la  présidence 
de  la  nouvelle  chambre,  où  la  mi- 
norité était  devenue  la  majorité.  Ce- 
pendant,comme  lise  trouvaiten  dissi- 
dence avec  le  ujinistèresurplusieurs 
points  fondamentaux  de  la  loi  élec- 
torale, on  lui  préféra  M.  Pasqqier,  et 
lorsque  celui-ci,  deux  mois  après, 
devint  garde-des-sceaux  ,  de  Serre 
fut  appelé  à  le  remplacer,  à  la  condi- 
tion expresse  de  se  rapprocher  du 
ministère  et  du  projet  électoral.  On 
venait  de  le  voir  se  dévouer  avec 
Courvoisier  à  la  défense  de  la  loi  sur 
la  liberté  individuelle,  dont  il  avait 
justitié  les  dispositions,  en  qualité 
de  rapporteur.  Durant  cette  session, 
se  renfermant  dans  les  attributions 
de  sa  nouvelle  dignité,  il  parut  beau- 
coup moins  à  la  tribune.  L'année 
suivante  (1817),  il  fut  encore  porté 
à  la  présidence  par  le  parti  minis- 
tériel. En  prenant  possession  du 
fauteuil,  il  développa  une  proposi- 
tion relative  au  règlement  portant 
emprisonnement  des  députés  qui 
troubleraient  la  délibération  ou 
qui  insulteraient  leurs  col  lègues.  Elle 
fut  repoussée  à  une  grande  majorité. 
Comme  dans  la  session  précédente , 
de  Serre  ne  sortit  guère  de  son  lôle 
passif  de  président  ;  il  le  remplit 
avec  dignité  et  convenance,  sans 
prendre  aux  discussions  une  part 
aussi  active  que  p.ir  le  passé.  Après 
l'ouverture  de  la  session  de  1818,  le 
ministère  Richelieu  ayant  donné  sa 
démission,  de  Serre  dut  entrer  dans  le 
nouveau  cabinet,  car  sa  couleur  était 
doctrinaire.  Il  y  reçut  les  sceaux , 


SER 


135 


laissant  à  M.  Ravez  la  présidence 
de  la  chambre,  à  laquelle  on  l'avait 
une  troisième  fois  porté  candidat. 
Ses  premiers  actes  au  département 
de  la  justice  sont  empreints  de 
ce  libéralisme  qui  fit  tant  de  mal  à 
la  restauration.  C'est  dans  ce  sens 
qu'il  remania  le  conseil  d'État  et 
qu'il  en  exclut  les  plus  ardents  roya- 
listes; puis  vint  le  tour  de  la  magis- 
trat ure,  et  les  cours  royales  furent  en 
partie  composées  de  conseillers  qui 
avaient  siégé  dans  les  Cent-Jours, 
tandis  que  les  royalistes  étaient  éloi- 
gnés. On  ne  peut  s'expliquer  une 
tell^  conduite  que  par  l'aveuglement 
qui  présidait  à  toutes  les  opérations 
du  ministère  Dessolles;  et  l'on  s'é- 
tonne qu'un  esprit  aussi  éclairé  que 
de  Serre  ait  pu  s'associer  à  un  systè- 
me aussi  évidemment  destructif  de  la 
monarchie,  avec  la  prétention  de  la 
sauver.  11  s'aperçut  un  peu  plus  tard 
de  la  fausse  route  qu'il  avait  suivie. 
L'histoire,  malgré  tout  le  repentir 
qu'il  manifesta,  ne  doit  pas  moins  lui 
en  adresser  le  reproche,  parce  qu'il 
contribua  à  entraîner  la  restauration 
dans  une  voie  qui  devait  la  perdre. 
Cependant,  personne  ne  portait  à  un 
plus  haut  degré  l'amour  du  roi  et 
de  la  monarchie.  Le  premier  projet 
qu'il  présenta  à  la  chambre  fut  la 
loi  sur  la  responsabilité  minislé- 
rielle,  dont  il  développa  les  motifs 
avec  son  éloquence  habituelle  ;  puis 
vinrent  trois  autres  projets  sur  la 
répression  des  délits  de  la  presse  , 
œuvre  de  MM,  de  Serre,  Royer-Col- 
lard ,  Guizot  et  de  cette  fraction  doc- 
trinaire qui  se  jetait  dans  des  princi- 
pes trop  absol  us  pour  être  praticables. 
Le  garde-iies-sceaiix  en  exposa  la 
théorie  avec  une  grande  clarté,  et 
les  opinions  qu'il  proclamait  lui  ac- 
quirent promptement  une  certaine 
renommée  dans  le  parti  libéral.  Lors 


136 


SER 


de  la  discussion  de  ces  lois,  de  Serre 
déploya  une  abondance  de  paroles 
extraordinaire;  dans  une  même 
séance,  il  monta  jusqu'à  dix  fois  à 
la  tribune.  C'est  dans  cette  sorte  de 
fougue  oratoire,  que,  se  laissant 
emporter,  il  s'écria  :  «  Oui  !  quelque 
désastreux  qu'ait  été  le  résultat  des 
travaux  de  nos  premières  assemblées 
délibérantes,  la  majorité  fui  toujours 
bonne.  »  —  «  Quoi  !  même  la  Conven- 
tion l  dit  alors  Labourdonnaye  avec 
unadmirablek-propos.  — «Oui,  même 
la  Convention  ,  jusqu'à  un  certain 
point,  reprit  de  Serre;  si  elle  n'avait 
pas  votésous  lespoignards,  la  France 
n'aurait  pas  eu  àgéiuir  du  plus  épou- 
vantable des  crimes.  »  A  partir  de  ce 
moment,  de  Serre,  flatté,  caressé 
par  l'opinion  libérale ,  qui  espérait 
l'entraîner  à  des  concessions  nou- 
velles, reçut  chaque  matin  l'en- 
cens des  feuilles  de  la  gauche. 
En  revanche,  les  royalistes  l'at- 
t.iquèrent,  et  la  cour,  Monsieur 
surtout,  lui  gardèrent  rancune  de  son 
doge  de  la  Convention.  Dans  cette 
position  que  devait  faire  de  Serre? 
aller  jusqu'auboutetse  jeter  à  corps 
perdu  dans  l'opposition?  Il  n'en 
avait  ni  la  pensée  ni  la  volonté,  et 
on  peut  même  dire  qu'il  fut  uninstant 
effrayé  de  la  popularité  qui  l'entou- 
rait. 11  n'en  jouit  pas  long-temps,  heu- 
reusement pour  lui;  tout  à  coup,  elle 
se  changea  en  vives  attaques  à  l'oc- 
casion de  son  fameux  mot  :  Jamais  ! 
La  chambre  avait  reçu  des  pétitions 
pour  le  rappel  des  bannis,  sans  dis- 
tinction \  la  gauche  les  soutenait  de 
toutes  ses  forces  ;  de  Serre  sentit 
que  c'était  nn  moyen  de  rompre  avec 
elle,  et  d'ailleurs  pouvait-il  approu- 
ver une  clémence  qui  s'étendait  même 
à  la  famille  Bonaparte,  alors  si  dange- 
reuse encore  pour  les  Bourbons?  11 
demanda  l'ordre  du  Jour,  et  soit 


SER 

qu'il  voulût  se  poser  sur  un  terrain 
opposé  à  celni  où  il  s'était  tenu  jus- 
qu'alors, soit  qu'il  désirât  manifester 
le  changement  qui  allait  s'opérer 
dans  sa  ligne  politique,  il  prononça 
ces  paroles  mémorables  :  »  Les  exilés 
temporaires  peuvent  encore  espérer 
de  revoir  le  sol  de  la  patrie  ;  les  ré- 
gicides Jamais  l  '  Ces  deux  mots  pro- 
duisirent un  revirement  subit  d'o- 
pinion contre  de  Serre;  autant  les 
libéraux  l'avaient  loué,  autant  ils 
l'attaquèrent.  Leur  presse  s'empara 
de  ces  expressions,elle  les  commenta, 
et  le  ministère,  n'ayant  vu  qu'avec 
peine  un  de  ses  membres  aller  si 
loin,  lit  ajouter  dans  le  Moniteur^ 
après  le  moi  jamais  :  «  Sauf  la  tolé- 
rance accordée  par  la  clémence  du 
roi  à  l'âge  et  aux  infirmités.  •  Ceci 
changeait  le  sens  trop  absolu  de  la 
pensée  du  garde-des-sceaux  ;  mais  le 
coup  n'en  était  pas  moins  porté,  et 
l'on  savait  bien  que  de  Serre  n'avait 
pas  prononcé  ces  dernières  paroles. 
Alors  il  se  sépara  des  autres  mi- 
nistres et  forma  avec  Portai  une  op- 
position dans  le  conseil,  il  vit  donc 
avec  joie  le  renouvellement  que  subit 
le  cabinet,  le  19  novembre  1819, 
où  le  portefeuille  de  la  justice  resta 
dans  ses  mains.  Lors  des  troubles  de 
la  capitale  en  1820,  il  eut  à  ré- 
pondre aux  vives  interpellations 
de  toute  la  gauche ,  et  il  le  fit 
avec  un  talent  véritablement  su- 
périeur, dénonçant  comme  un  mo- 
tif des  troubles  les  violentes  ha- 
rangues des  orateurs  de  l'opposition. 
Ses  discours  des  5,  6,  7  et  8  juin  fu- 
rent reproduits  dans  fous  les  jour- 
nauxde  l'opposition  parordre  del'au- 
torité  (2);  dans  un  de  ces  discours,  il 

(2)  On  les  trouve  réunis  dans  un  écrit 
intitule  :  Histoire  de  la  première  quinzaine  de 
juin  1820,  par  M,  Reymondin  <iv  Bex;  Pa- 
ri», ia-80.  ^ 


SER 

avaitdit:  «Lauatioiijdansvotre  iens, 

c'est  l'insurrection C'est  c  ^mme 

cela  qu'on  l'entendait  dans  le  cours 
delà  révolution,  c'est  comme  cela 
qu'on  voudrait  encore  le  faire  en- 
tendre aujourd'hui.  Quand  une  in- 
surrection s'est  portée  aux  derniers 
excès,  qu'elle  a  renversé  les  pouvoirs 
existants  ,  elle  cesse  d'être  regardée 
comme  insurrection  par  ceux  qui 
s'empressent  de  succéder  au  pouvoir. 
Us  l'appellent  alors  la  volonté  de  la 
nation  !»  Il  y  avait  loin  de  ces  paroles 
à  celles  que  de  Serre  avait  prononcées 
sur  la  Convention.  Les  temps  étaient 
changés,  il  marchait  maintenant  avec 
l'extrême  droite.  Les  luttes  si  vives 
qu'il  avait  soutenues  à  la  tribune 
ayant  affaibli  sa  santé,  il  fut  obligé 
d'aller  respirer  l'air  du  midi,  lais- 
sant à  Siméon  {voy.  ce  nom,  dans 
ce  volume),  nommé  sous-secrétaire 
d'État,  tout  le  poids  de  la  politi- 
que et  de  l'administration.  C'est 
à  Nice  que  de  Serre  apprit  l'as- 
sassinat du  duc  de  Berry,  qui  lui 
fit  faire  de  sérieuses  réflexions  sur  le 
danger  des  idées  libérales.  Lorsque 
se  forma  le  ministère  Richelieu,  on 
lui  écrivit  pour  le  presser  de  con- 
server son  poste;  il  y  consentit  et  se 
hâta  de  revenir  avec  le  dessein  ar- 
rêté de  mettre  un  frein  à  l'anarchie 
et  à  l'esprit  démocratique.  L'adresse 
de  la  session  de  1822,  rédigée  par 
Royer-Collard  ,  mécontent  de  sa  ré- 
cente exclusion  du  conseil  d'État  et 
de  celle  de  ses  amis  les  doctrinaires, 
fut  plus  qu'un  acte  d'opposition, 
comme  on  sait;  elle  attaquait  le  mo- 
narque. De  Serre  prépara  la  réponse 
du  roi  à  la  dépulation  de  la  chambre, 
réponse  conçue  en  termes  fermes  et 
qui  laissait  même  supposer  une  dis- 
solution qu'on  n'osa  pas.  On  se  con- 
tenta de  deux  projets  de  loi  ;  l'un 
niodiliaut  la  législation  sur  la  presse, 


SER 


isr 


augmentant  la  pénalité  et  punissant 
surtout  l'outrage  à  la  religion  ;  l'au- 
tre demandant  la  censure  quinquen- 
nale. Le  garde-des-sceaux  les  présenta 
à  la  chambre,  et  l'exposé  de  ses  mo- 
tifs, tout  en  défendant  le  jury  pour  les 
délits  de  la  presse,  justitiait  la  né- 
cessité de  la  censure  et  en  proposait 
la  continuation  jusqu'en  1826.  H  di- 
sait :  «  On  doit  reconnaître  que  la 
presse  périodique  est  éminemment 
démocratique  ;  chaque  journal  rallie 
ce  qu'il  y  a  de  révolutionnaires  in- 
curables, de  jeunes  gens  séduits; 
chaque  journal  fonde  un  club,  et  ces 
clubs  affiliés  couvrent  le  royaume 
d'une  organisation  parallèle  à  l'admi- 
nistration publique  et  toute  prête  à 
la  renverser.  Les  mesures  nécessai- 
res pour  un  tel  état  de  choses  doivent 
embrasser  une  certaine  période  de 
temps  ;  d'ailleurs  la  durée  d'une 
mesure  nécessaire  ajoute  à  la  sécu- 
rité qu'elle  doit  inspirer.  »  Quelques 
jours  après  je  ministère  Richelieu 
succomba  (ti  nov.  1821);  M.  de 
Villèle  n'était  pas  éloigné  de  laisser 
les  sceaux  à  de  Serre,  mais  celui- 
ci,  par  point  d'honneur,  ne  crut  pas 
devoir  accepter,  et  il  se  retira  avec 
ses  collègues;  tous  furent  nommés 
pairs  de  France  et  ministres  d'État; 
seul,  il  ne  reçut  que  ce  dernier  titre 
avec  celui  de  comte,  et  continua  de 
siéger  dans  la  chambre  des  députés. 
Il  y  tenta  même  de  réunir  autour  de 
sa  personne  une  certaine  fraction  du 
centre  droit;  mais  il  ne  fut  pas  réélu, 
et  cette  déception  avança  de  beau- 
coup le  terme  de  sa  vie  ;  on  a  dit 
qu'il  ne  payait  pas  assez  d'impôts 
pour  être  éligible.  Le  roi  lui  confia 
alors  une  mission  temporaire  au  con- 
grès de  Vérone  et  l'ambassade  de 
Naples.  Il  arriva  dans  cette  ville  à  la 
tin  de  1822  ;  bientôt  atteint  d'une 
maladie  niorlelle ,  il  expira  à  Caste!- 


138 


SER 


lamare  le  21  juillet  1824.  Depuis  sa 
sortie  de  la  chambre ,  de  Serre  se 
plaignait  surtout  de  l'ingratitude  de 
ses  anciens  amis,  dont  les  senti- 
ments pour  lui  s'e'taient  refroiilis 
quand  il  avait  quitté  le  ministère,  et 
qui  ne  firent  aticune  tentative  pour 
obtenir  saréélection,  qu'il  désirait  vi- 
vement. C'est  ainsi  que  de  nos  jours 
nous  avons  vu  un  autre  de  ses  com- 
patriotes ,  envoyd  comme  ambassa- 
deur à  Naples  (M.  Bresson) ,  terminer 
par  le  suicide  une  mission  qu'il  re- 
gardait ciimjne  un  exil.  Les  funé- 
railles de  de  Serre  se  firent  avec  gran- 
de pompe,  et  la  cour  de  Naples  lui 
rendit  des  honneurs  inusités.  Son 
corps  fut  rapporté  en  France.  11  était 
cordon-bleu  et  commandeur  de  la 
Légion  -  d'Honneur  ;  Louis  XVIII 
était  le  parrain  d'un  de  ses  enfants  , 
et  le  duc  et  la  duchesse  de  Berry, 
ainsi  que  le  roi  et  lareinede  Naples, 
avaient  tenu  ses  deux  autres  sur  les 
fonts  de  baptême.  Charles  X  donna 
à  sa  veuve  une  pension  de  15,000  fr. 
On  sait  que  de  Serre  était  très-tier 
de  sa  croix  de  Saint-Louis  et  qu'il 
l'étalaif  sur  sa  simarre  de  préférence 
au  cordon-bleu.  Il  avait  des  préten- 
tions assez  mal  fondées  au  jeu  de 
billard,  et  même  ii  la  danse,  comme 
à  l'escrime  et  à  l'équitatiou.  Doué  de 
toutes  les  vertus  domestiques, il  ché- 
rissait sa  femme,  ses  enfants,  et  avait 
le  plus  grand  respect  pour  son  père 
et  sa  mère.  Son  père  était  un  de  ces 
ardents  royalistes  à  qui  Louis  XVIII 
lui -même  avait  donné  le  non»  d'uifra*. 
Il  venait  souvent  faire  à  son  tils  des 
scènes  dont  la  conclusion  était  :  Tu 
seras  pendu  si  tu  ne  fais  pas  pendre 
tous  les  libéraux.  Un  jour  qu'il  y 
avait  nombreuse  compagnie  à  la 
chancellerie,  M  de  Serre,  le  père, 
arrivé  eu  fiacre  dans  le  costume  le 
plus  grotesque,  entre  en  se  faisant 


SER 

annoncer  :  le  père  de  sonExcellence! 
va  droit  à  son  (ils  et  lui  tient  ses 
discours  habitut>ls.  Le  garde-des- 
sceaux,  contenant  l'auditoire  par  un 
regard  sévère,  l'écoute  avec  les  mar- 
ques d'un  profond  respect.,  donne  or- 
dre de  faire  avancer  sa  propre  voi- 
ture, oflre  le  bras  à  son  père  et  le 
reconduit  lui-même  à  ta  rue  BufFault, 
où  il  demeurait.  On  pourrait  ajouter 
un  grand  nombre  de  traits  sembla- 
bles sur  M.  de  Serre  père  ;  mais 
on  sait  qu'il  était  sujet  à  des  aber- 
rations d'esprit.  Une  espèce  de  parc 
ridicule  qu'il  avait  fait  planter  à 
Pagny-sur-Moselle  portait  le  nom 
de  Folie-De-Serre.  De  1805  à  1808, 
de  Serre  a  publié,  comme  avocat, 
sept  mémoires  dans  des  causes 
judiciaires  ;  on  a  de  lui,  comme  dé- 
puté et  ministre,  un  grand  nombre 
de  discours  imprimés,  dont  l'énumé- 
ration  serait  inutile  et  trop  longue. 
Le  Moniteur,  qui  a  toujours  eu  peu 
d'égards  pour  les  puissances  déchues, 
n'a  consacré  aucune  notice  à  sa  mé- 
moire; le  Drapeau  blanc  a  été  plus 
généreux  ;  on  y  a  lu  une  rrotice  très- 
bien  faite  de  M.  le  baron  d'Ecksteiu. 
Nous  citerons  encore  l'article  nécro- 
logique de  ['Annuaire  de  M.  Mahul 
(1824 ,  p.  282-93  ) ,  où  l'on  remarque 
une  tirade  bien  louchante  sur  les 
palinodies  de  l'ancien  garde  -  des  - 
sceaux  C — e— n  et  L— m — x. 

SERRÉ  de  Rieux  (J.  de),  littéra- 
teur français  du  XVIU^  siècle,  était 
conseiller  au  parlement.  Retiré  dans 
sa  terre  de  Rieux  ,  près  de  Beauvais, 
il  continua  de  cultiver  la  musique  et 
la  poésie  ,  qui  avaient  fait  le  charme 
de  la  première  moitié  de  sa  vie.  Outre 
une  épîlre  sur  la  Musique  el  laNou- 
velle  chasse  au Cer/, divertissement, 
ou  a  de  lui,  sous  le  voile  de  l'anony- 
me :  I.  La  Musique,  poème  en  quatre 
chants,  Amsterdam,    1714,  in-12; 


SER 


SER 


139 


Lyon,  1717,  in-i";  La  Haye,  1737, 
m  12.  Cubièreà  de  Palmezeaux,  à  la 
suite,  (le  son  Êpître  à  Gresset  (1812), 
lit  réimprimer  le  poème  de  la  Mu- 
sique et  lin  autre  (1),  qu'il  donna 
faussement  comme  des  ouvrages  iné- 
dits de  Gresset  {voy.  Cubières, 
LXI,  572^.  II,  Apollon,  ou  l'Origine 
des  spectacles  en  musique^  poème, 
Paris,  1733,  in-S",  avec  fig.  III.  Les 
Dons  des  enfants  de  Latone,  la  Mu- 
sique et  la  Chasse  au  Cerf^  poèmes. 
Pans,  1733,  in-S",  avec  fig.  et  musi- 
que gravée-,  nouv.  édit.  augmen- 
tée, 1734.  Serré  a  traduit  de  l'i- 
talien en  français  un  roman  de 
J.-A.  Marini  {voy.  ce  nom,  XXVII, 
167),  sons  ce  titre  :  Les  Désespérés, 
histoire  héroïque,  Paris,  1732,  3  vol. 
in-12.  Cette  traduction  se  trouve 
aussi  dans  la  Bibliothèque  de  Cam- 
pagne, dont  elle  forme  le  tome  XX, 
et  Poinsinet  de  Sivry  en  a  donné  un 
extrait  dans  la  Bibliothèque  univer- 
selle des  Romans,  mars  1779.  De- 
landine  a  réimprimé  la  traduction  de 
Serré  avec  celle  du  Caloandre  fidèle, 
autre  roman  de  Marini,  par  le  comte 
de  Caylus,  sous  le  titre  de  Romans 
héroïques,  traduits  de  l'italien,  Lyon 
et  Paris,  1788,  4  vol.  in-12.  Enfin 
Serré  a  traduit  de  l'anglais  :  Maxi- 
mes et  Réflexions  morales^  en  prose, 
avec  une  traduction  nouvelle  en  vers 
de  VEssai  sur  l'Homme  de  Pope 
Londres  (Paris),  1739,  in-8o.  P— rt. 
SEURES  (Dominique),  peintre, 
naquit  à  Auch,  en  Gascogne,  et  s'é- 
tablit en  Angleterre,  où  son  talent 
lui  fit  obtenir  le  titre  de  peintre  de 
marine  du  roi.  Il  fut  reçu  membre 


(^i)  Le  Chitn  pécheur, on  le  Barbet  de»  corde- 
hers  d'Etumpts,  puMié,  vers  t^So,  p.ir  Hé- 
rnard  d'Auj(>u;)ii,  et  que  l'on  trouve  ;iii.'.si 
dans  le  tome  X  de  la  Continuation  des  Mé- 
moires de  litliratur»  et  d'hUtoir»  de  Desiuo- 


de  l'Académie  royale  de  Londres, 
qui,  en  1792,  le  nomma  son  biblio- 
thécaire. Il  s'est  acquis  la  réputation 
d'un  des  meilleurs  peintres  de  ma- 
rine. Il  a  aussi  exécuté  quelques 
paysages  avec  un  succès  presque 
égal.  Cet  artiste  mourut  à  Londres 
en  1793,  laissant  un  fils  qui  a  mérité 
de  la  réputation  dans  le  même  genre 
de  peinture.  Z. 

SEURES  (  jEAN-JosÉPH),néprès 
de  Gap,  au  château  de  la  Hoche,  le  1 3 
décembre  1762,  se  voua  dès  sa  jeu- 
nesse à  l'étude  des  plantes  et  s'em- 
barqua en  qualité  de  botaniste  sur  les 
bâtiments  de  l'État  qui  portèrent 
dans  l'Inde  l'illustre  bailli  de  Suf- 
fren.  Ayant  séjourné  dans  ces  con- 
trées long-temps  après  que  la  paix 
fut  conclue,  il  y  fit  de  nombreuses 
observations  sur  la  physique,  l'his- 
toire naturelle,  et  recueillit  de  pré- 
cieuses collections. De  retour  en  Fran- 
ce au  moment  où  la  révolution  de 
1789  venait  d'y  éclater, il  en  embrassa 
la  cause  avec  beaucoup  de  chaleur,  et 
s'enrôla  en  1792  dans  un  bataillon  de 
volontaires  nationaux  du  départe- 
ment des  Hautes-Alpes,  qui  le  nomma 
un  de  ses  capitaines.  A  peine  ce  corps 
était-il  entré  en  campagne  pour 
combattre  les  Piémontais,  que  Serres 
fut  élu  par  son  département  l'un  des 
membres  de  la  Convention  nationale. 
Ce  fut  dans  le  procès  de  Louis  XVI 
qu'il  se  mit  d'abord  en  évidence. 
Après  s'être  efforcé  dans  un  long  dis- 
cours d'établir  par  les  plus  faux  rai- 
sonnements et  les  plus  ridicules  so- 
phismes  que  ce  prince  n'était  |)as  in- 
violable, qu'il  devait  en  consé(juence 
être  jugé  d'après  les  lois  contre  les 
assassins  et  les  conspirateurs,  il  vota, 
contre  toute  attente,  de  la  manière  la 
plus  courageuse  et  la  plus  sage,  c'est- 
à-dire  pour  la  détention,  l'appel  au 
peuple  et  le  sursis  à  l'exécution. 


140 


SER 


SER 


S'étant  ensuite  rangé  franchement  du 
parti  de  la  Gironde,  qui  avait  la  ma- 
jorité, il  parla  avec  force  contre 
Maratdans  la  séance  du  5  avril  1793, 
et  s'étonnant,  dit-il,  que  cet  être  fût 
encore  au  sein  de  la  Convention  na- 
tionale ,  il  demanda  contre  lui  un 
décret  d'accusation.  Deux  jours  après 
il  fil  passer  à  l'ordre  du  jour,  sur  la 
demande  qu'avait  faite  le  citoyen 
Égalité  (le  duc  d'Orléans),  pour  être 
excepté,  en  sa  qualité  de  député,  de 
la  loi  qui  avait  décidé  la  veille  que 
tous  les  Bourbons  seraient  mis  en 
arrestation.  Dans  la  séance  du  15  mai 
suivant,  Serres  fit,  au  nom  du  comité 
de  la  guerre,  un  rapport  pour  qu'une 
compagnie  de  nègres  de  Saint-Domin- 
gue, qui  s'étaient  soustraits  à  l'es- 
clavage par  la  fuite  et  qui  venaient 
de  faire,  dit-il,  fort  honorablement 
la  campagne  de  la  Belgique,  ne  fus- 
sent pas  envoyés  dans  cette  colonie, 
de  peur,  ajoutait -il,  que  ces  es- 
claves n'y  rencontrent  leurs  an- 
ciens maîtres  encore  tout-puissants. 
La  compagnie  américaine  (  c'était 
son  nom)  fut  en  conséquence  dirigée 
sur  un  autre  point.  Parlant,  le  26  du 
même  mois,  au  nom  du  même  comité 
et  de  celui  de  sûreté  générale,  il  fit 
absoudre  le  maréchal-de-camp  d'Es- 
tourmei,  accusé  d'avoir  manqué  à  son 
devoir  dans  la  retraite  des  Vosges. 
D'un  caractère  aussi  indépendant  que 
courageux,  Serres  se  prononça  en- 
suite, dans  la  lutte  qui  s'ouvrit  entre 
les  girondms  et  les  montagnards,  de 
la  manière  la  plus  franche  et  la  plus 
énergique  ;  provoqua  son  départe- 
ment à  la  résistance  contre  la  révolu- 
tion du  31  mai,  fut  en  conséquence 
décrété  d'arrestation,  et  ne  rentra 
qu'après  la  chute  de  Robespierre  au 
soin  de  la  Convention,  où  il  se  6t  peu 
remarquer,  et  ne  parut  pas  une  seule 
fois  à  la  tribune  jusqu'à  la  bu  de  la 


session.  Alors  ayant  passé  par  le  sort 
au  conseil  des  Cinq-Cents,  il  y  pro- 
fessa de  plus  en  plus  des  principes 
sages  et  modérés,  notamment  dans 
la  discussion  du  projet  de  déporta- 
tion et  de  spoliation  des  nobles  qui 
fut  présenté  par  Boulay  de  la  Meur- 

the Vous  ne  devez  pas,  dit-il 

»  dans  la  séance  du  27  vendémiaire 
»  an  VI  (oct.  1797),  prolonger  indé- 
»  Uniment  l'inquiétude  générale  que 
»  ce  projet  a  répandue  dans  le  public, 
»  non-seulement  parmi  les  individus 
»  qu'on  veut  proscrire ,  mais  encore 

•  parmi  les  meilleurs  citoyens.  Pour 

•  ce  qui  me  concerne,  je  déclare  que 
»  mes  alarmes  sont  telles  que  j'aper- 
»  çois  dans  ce  projet  le  développe- 
»  ment  de  la  plus  horrible  tyrannie 
»  qui  ait  encore  pesé  sur  les  hommes. 
»  J'y  retrouve  l'organisation  du  sys- 
»  tème  dépopulateur  de  Robespierre 
»  sous  des  formes  en  apparence  moins 
»  sanguinaires, mais  également  meur- 
»  trières  et  cent  fois  plus  cruelles. 

■  On  y  découvre  aussi  l'exécrable 
'  génie  fiscal  de  ce  tyran,  et  l'horrible 

■  terreur  qui  marche  à  sa  suite.  11 
»  faut  d'ailleurs  que  la  France  sache 
»  bientôt  si  vous  voulez  devenir  ses 
»  tyrans  ou  rester  ses  mandataires 
»  fidèles;  si  elle  peut  compter  sur  la 
»  constitution  qu'elle  s'est  donnée, 
»  ou  si  elle  doit  chercher  son  salut 

•  dans  les  convulsions  du  déses- 
»  poir...  »  Cette  honorable  opinion 
rencontra  de  vives  contradictions , 
surtout  de  la  part  de  Chénier  qui, 
deux  jours  après  ,  sans  nommer  son 
collègue  Serres,  le  désigna  assez 
clairement  en  lui  reprochant  d'avoir 
gardé  le  silence  avant  le  18  fructidor, 
«à  l'époque,  dit-il,  où  la  tribune  était 

•  livrée  à  de  misérables  écoliers5|>ar- 
«  tisans  de  la  religion  de  leurspères, 
»  des  cloches  de  leurs  pères^  de  toutes 
»  les  sottises  de  leurs  pères ,  et  répé- 


SER 


SER 


\H 


«  tant  avec  une  confiance  puérile 
*(les  lieux  communs  tellement  ré- 
«  futés  par  la  philosophie  qu'on  ne 
«  pourrait  y  répondre  que  par  des 
«lieux  communs;  où  l'assassinat  des 
«  républicains  était  traité  de  ven- 
«geance  légitime  5  où  l'on  défendait 
«exclusivement  les  prêtres  rebelles, 
«soutiens  des  rois  et  des  nobles, 
«  les  émigrés,  leurs  parents  presque 
«  tous  nobles  ,  et  les  colons  presque 
«tous  nobles  et  pires  que  les  nobles 
«d'Europe....  Avez -vous  réclamé 
«alors?  Vous  a-t-on  entendu  pren- 
«dre  la  défense  de  la  constitution 
«violée?  Le  sang  des  patriotes  du 
«Midi  n'a  pas  excité  votre  indigna- 
«tion,  mais  la  seule  proposition 
«d'expulser  une  partie  des  privilé- 
«giés  réveille  votre  courage...  Vous 
•  dénoncez  comme  tyrans  des  hom- 
«  mes  qui  ont  mérité  l'honorable 
«haine  de  toutes  les  tyrannies....» 
Indigné  de  cette  apostrophe  ,  Serres 
courut  à  la  tribune  pour  y  répondre-, 
mais  il  lui  fut  impossible  d'obtenir 
la  parole.  Vainement  il  s'écria  qu'il 
était  inculpé,  qu'il  devait  être  en- 
tendu. Dans  le  moment  où  il  s'agitait 
avec  violence,  où  ,  de  sa  canne,  il 
brisait  la  tribune,  des  voix  nombreu- 
ses, étouft'ant  sa  voix,  demandaient 
qu'il  fût  mis  à  la  prison  de  l'Abbaye, 
déporté,  que  c'était  un  conspirateur. 
L'assemblée  néanmoins  sembla  hon- 
teuse d'avoir  accueilli  un  pareil  pro- 
jet ;  elle  l'ajourna  indéfiniment  et 
n'y  revint  plus;  ainsi  le  brave 
Serres  eut  tout  le  succès  dont  il  pou- 
vait se  flatter  à  cette  époque.  Il  sor- 
tit du  conseil  en  1799,  et  par  con- 
séquent il  n'était  pas  présent  au  18 
brumaire,  comme  on  l'a  prétendu. 
Peu  de  temps  après  cette  révolution 
il  fut  nommé  conseiller  de  la  préfec- 
ture des  Hautes-Alpes;  puis  sous- 
préfet  à  Embrun ,  où  il  mourut  en 


1831,  J.'J.  Serres  s'occupa  beaucoup 
de  travaux  industriels  et  agricoles. 
11  avait  formé  dans  son  département 
des  établissements  qui  jusqu'alors 
y  étaient  absolument  ignorés  ,  tels 
qu'une  fonderie,  une  faïencerie.  Il  a 
publié  sur  ces  différents  sujets  des 
mémoires  que  l'on  trouve  dans  les 
recueils  et  les  journaux  scientifiques. 
Un  de  ces  écrits,  Sur  la  suppres- 
sion des  jachères  dans  les  Hautes- 
Alpes^  fut  couronné  en  1805  par  la 
société  d'émulation  de  ce  départe- 
ment. —  Serbes  (Jean-Jacques),  né 
à  l'Ile-de-France,  fut  député  par  cette 
colonie  ù  la  Convention  nationale, 
en  1793,  et  ne  siégea  dans  cette 
assemblée  qu'après  le  procès  de 
Louis  XVI.  Envoyé ,  après  le  9  ther- 
midor, eu  qualité  de  commissaire 
dans  les  départements  du  midi  avec 
Auguis  {voy.  ce  nom,  LVl,  557) ,  il  y 
déploya  beaucoup  d'énergie  contre 
les  terroristes  ou  les  partisans  de  Ro- 
bespierre. Revenu  à  l'assemblée  ,  il 
y  combattit  encore  cette  faction  et 
concourut  à  faire  rayer  de  la  liste 
des  émigrés  un  grand  nombre  d'ha- 
bitants du  midi,  qui  avaient  été 
expulsés  de  France,  en  1793,  comme 
fédéralistes.  11  fut  ensuite  membre 
du  conseil  des  Anciens,  et,  après  le 
18  brumaire,  sous-préfet  à  Allais, 
fonctions  qu'il  exerça  jusqu'en  août 
1815.  Il  mourut  quelques  années 
plus  tard,  M— Dj. 

SERRIE  (F.-JosEPH  DE  LA),  lit- 
térateur, né  au  château  de  la  Serrie 
(Vendée),  près  Luçon,  en  1770,  fit 
ses  études  à  La  Rochelle,  au  collège 
de  l'Oratoire.  Dès  son  enfance  il  an- 
nonça du  goût  pour  les  ans  et  les 
lettres;  et,  quoique  sa  santé  fût  dé- 
licate, il  se  livra  à  des  études  lon- 
gues et  variées.  Pendant  deux  ifns  il 
étudia  la  peinture  sous  le  célèbre 
Vincent.  Par  ses  mœurs  douces,  son 


142 


SER 


caractère  poli  et  religieux,  il  se  fit 
beaucoup  d'amis.  Dans  les  tourmen- 
tes de  la  révolution  il  resta  paisible 
à  Paris,  cultivant  les  arts  et  les  let- 
letres.  Toujours  libre,  calme,  exempt 
(l'ambition,  il  n'accepta  aucune  place 
des  grands  qui  l'aimaient  et  le  proté- 
geaient. Aubert-Dubayef  entre  autres 
l'avait  mis  au  nombre  des  secrétaires 
qu'il  devuit  emmener  dans  son  am- 
bassade à  Constantinople.  Ce  voyage 
convenait  à  ses  goûts,  à  ses  études 
sur  le  beau  pays  de  la  Grèce,  mais 
les  médecins  l'en  dissuadèrent  à 
cause  de  la  faiblesse  de  sa  santé. 
La  Serrie  est  bien  peint  dans  ses 
ouvrages,  où  l'on  remarque  un  sen- 
timent aimable,  de  la  grâce  ot  sur- 
tout de  la  bonié.  Comme  Gessner 
et  Watelet,  il  a  orné  ses  produc- 
tions littéraires  de  beaucoup  de  petits 
sujets  in-18  (plus  de  120),  dessinés  et 
gravés  de  sa  main.  Ses  compairiutcs 
l'ont  nommé  IcFlorian  de  la  Vendée. 
La  Serrie  est  mort  dans  sa  terre  de 
la  Serrie  le  G  février  1819.  Il  avait 
épousé  en  1791  mademoiselle  de  Vil- 
las. Voici  la  liste  de  ses  ouvrages  : 
l.  Ode  à  l'Humanité,  ou  Pièces  de 
vers  à  Vordrc  du  jour,  avec  2  gra- 
vures, n9i.  II.  Essai  sur  la  Litté- 
rature, avec  5  gravures,  1795.  III. 
Essai  sur  la  Philosophie,  avec  5  gra- 
vures, 1796.  IV.  Jephté,  avec  4  gra- 
vures, 1799.  V.  Eulalie  de  Rochester, 
nouvelle  vendéenne,  avec  2  gravures, 
1800.  VI.  Les  Arts  et  l'Amitié,  ou 
Voyage  sentimental  du  jeune  comte 
de  Lusignan,  avec  4  gravures,  1800. 
VII.  Lettres  à  Eugénie  sur  la  pein- 
ture et  la  sculpture  des  anciens,  avec 
4  gravures,  1801.  VIII,  Hommage  à 
mon  ami,  avec  4  gravures,  1802.  IX. 
Lettres  familières  et  sentimentales, 
avec  6  gravures,  1803.  X.  De  la  Con- 
solation, ou  Entretiens  de  Gustace 
et  d'Adolphe,  avec  4  gravures,  1803. 


SER 

XI.  Matins  et  Sylla,  ou  les  Mal- 
heurs de  Rome,  avec  6  grav.,  1804. 

XII.  Lettres  consolantes  à  un  jeune 
solitaire  du  mont  Saint-Bernard , 
avec  10  gravures,  1806.  XIII.  Odes^ 
avec  12  gravures.  1806.  XIV.  Marie 
Stuart,  reine  d'Ecosse,  avec  10  gra- 
vures, 1809.  XV.  Simple  Histori- 
que^ ou  le  Passage,  avec  5  gravures, 
1810.  XVI.  Tablettes  pittoresques 
d'un  amateur,  avec  8  gravures,  1812. 
XVII.  Ode  sur  les  plus  célèbres  voya- 
geurs^ etc.,  ou  Suite  à  mes  œuvres, 
avec8gravures,  IHli.WïW. Élégies, 
ou  Petits  Dithyrambes,  avec  5  gra- 
vures, 1816,  XIX.  Cécile  et  Valérius, 
ou  les  Catacombes  de  Rome,  avec 
A  gravures,  1816.  XX.  Les  Trois  pe- 
tites Nouvelles,  précédées  d'un  Épi- 
tre  à  un  jeune  médtcin,  avec  2  gra- 
vures, 1817.  XXI.  Les  Sources  du 
Nil,  ou  l'Abyssinie,  avec  VÉpitre 
mêlée  de  vers,  àitesséê  àmissWilhel- 
mine  Fox,  avec  4  gravures,  1817. 
XXII.  Campagnes  de  1816,  ou  Petite 
Correspondance  mêlée  de  vers,  avec 
4  gravures,  1818.XXIII.  Pierre  VHer- 
Wï<fe,  avec 2  gravures,  1818.  On  attri- 
bue encore  à  La  Serrie  quelques  ou- 
vrages dont  la  date  n'est  pas  connue, 
entre  autres  Andorine  et  Isidore,  ou 
l'Amour  conjugal,  Zénobie,  reine  de 
Palmyre,  en  six  chants,  les  bardes 
vendéens,  etc.  Au  reste,  tous  les  écrits 
de  cet  auteur,  destinés  seulement  à 
ses  amis,  étaient  tirés  à  petit  nombre 
et  n'ont  pas  été  livrés  au  commerce. 

M— Dj. 
SÉRULLAS  (Georges-Simon), 
l'un  des  hommes  dont  peut  ajuste 
titre  s'enorgueillir  le  corps  des  ofli- 
ciersde  santé  militaires,  naquit  le  2 
novembre  1774  à  Poncin  (Ain).  Un 
bonmie  de  génie,  l'illustre  Bichaf,  né 
dans  la  même  ville,  partagea  les  jeux 
et  les  premières  études  de  son  en- 
fance et  fut  Sun  condisciple  au  col- 


SER 

lëgc  deNantua  ;  mais,  séparés  bientôt 
par  les  événements,  lenrs  noms,  de- 
venus célèbres  dans  les  sciences,  ne 
devaient  être  réunis  que  par  la  re- 
connaissance de  la  postérité.  Bichat, 
jeune  encore  et  riche  de  gloire,  mou- 
rut avant  que  son  compatriote  eût  ac- 
quis le  moindre  renom.  Le  père  de 
SéruUas  était  notaire  ;  il  destinait  son 
fils  à  la  même  profession,  et  pour  obéir 
aux  anciens  usages  et  à  la  volonté 
paternelle,  l'enfant  fit  ses  études  dans 
celte  direction.  Son  esprit  le  portait 
cependant  vers  les  sciences  naturel- 
les, et  les  vagues  inquiétudes  qui  agi- 
tent l'homme  au  moment  de  choisir 
une  carrière  le  tenaient  dans  cette 
pénible  irrésolution,  lorsque  les  évé- 
nements vinrent  tout  à  coup  chan- 
ger sa  destinée.  La  guerre  ayant 
éclaté,  il  s'enrôla  comme  simple  sol- 
dat, à  l'âge  de  dix-sept  ans;  l'es- 
prit guerrier  de  l'époque  tie  pouvait 
cependant  satisfaire  tous  les  besoins 
de  son  cœur  ;  aussi  le  vit-on  bientôt 
renoncer  au  métier  des  armes,  mais 
le  pays  n'en  devait  pas  moins  compter 
sur  son  dévouement.  11  quitta  sa  bri- 
gade pour  suivre  des  leçons  de  phar- 
macie à  Bourg,  sous  le  docteur  Bu- 
get,ei  il  partit  en  1793,  comme  phar- 
macien militaire.  Sa  première  campa- 
gne eut  lieu  vers  les  Alpes;  son  zèle, 
son  caractère  facile,  son  intelligence 
remarquable  le  firent  distinguer  de 
ses  chefs,  et  surtout  du  pharma- 
cien Laubert  dont  les  annales  fran- 
çaises ont  gardé  le  souvenir.  Cet  hom- 
me,qui  le  premier  entrevitles talents 
de  SéruUas,  avait  été  professeur  de 
physique  à  Naples.  Forcé  de  sortir 
de  cette  ville  a  cause  de  ses  opinions 
politiques ,  il  s'était  réfugie  dans 
l'armée  française  et  avait  été  atta- 
ché à  un  régiment  en  qualité  de  phar- 
macien-major.  Laubert  apprit  à  Sé- 
ruUas la  botanique,  la  physique  et  la 


SER 


14â 


chimie;  après  l'avoir  doté  de  ces  pré- 
cieuses connaissances,  il  futobligé  de 
quitter  son  élève:  la  guerre  les  sépara. 
Us  devaient  se  revoir  un  jour  pour  se 
rappeler  l'un  et  l'autre  avec  bonheur 
ces  moments  si  critiques  de  leur  vie. 
Après  le  départ  de  son  prolecteur, 
SéruUas,  à  peine  âgé  de  19  uns,  fut 
nommé  pharmacien-major;  cette  nou- 
velle position  ne  fit  qu'augmenter 
son  penchant  pour  l'étude,  et  son 
âme  ardente  ne  pouvant,  à  cause  des 
circonstances,  réaliser  ses  projets 
scientifiques,  il  cherchait  une  com- 
pensation dans  la  culture  des  beaux- 
arts.  Fixé  momentanément  en  Italie, 
il  se  livrait  aux  douces  émotions  de 
la  musique.  Un  compositeur  illustre 
eut  occasion  de  remarquer  avec 
quelle  vive  sympathie  l'âme  du  jeune 
naturaliste  était  accessible  aux  idées 
géiu'reiises,  et  lui  offrit  une  amitié 
qui  fut  acceptée  avec  reconnaissance. 
Ces  deux  hommes  de  profession  si 
différente  passèrent  quelque  temps 
attachés  l'un  à  l'autre  par  le  charme 
qui  réunit  entre  elles  les  natures 
d'élite;  mais  les  événements  militai- 
res et  les  continuels  changements  de 
garnison  de  SéruUas  les  eurent  bien- 
tôt séparés.  C'est  une  des  plus  lâ- 
cheuses conditions  de  l'état  mili- 
taire d'être  sujets  à  quitter  brus- 
quement ceux  qu'un  hasard  heu- 
reux nous  a  donnés  pour  amis,  ou 
que  nous  avons  cherchés  nous-mê- 
mes dans  un  jour  de  tristesse  et  d'a- 
bandon. Les  deux  jeunes  gens  furent 
plus  favorisés.  La  fortune  leur  ré- 
servait une  bien  douce  conipensa- 
tion;  ils  devaient  se  retrouver  plus 
tard  conlrères  à  l'Institut.  SéruUas 
avait  passé  deux  années  en  Italie  et 
il  était  en  garnison  à  Alexandrie 
lorsqu'une  maladie  terrible  le  mit 
aux  portes  du  tombeau.  L'air  mé- 
phitique des  hôpitaux  lui  fil  con- 


1' 


SER 


tracter  le  typhus  ;  l'épreuve  fut  ion- 
gue,douloureuse,etle  jeu  ne  pharma- 
cien, ne  comprenant  que  trop  la  gra- 
vité de  sa  position,  voyait  échapper 
et  sa  belle  jeunesse  et  ses  espérances 
et  sa  vie,  lorsque  l'amour  vint  l'ar- 
racher à  la  mort  et  lui  montrer 
une  existence  nouvelle.  Pendant 
ses  heures  de  souffrance  le  malade 
avait  reçu  lessoins  les  plus  affectueux 
d'une  veuve  italienne  dans  la  maison 
de  laquelle  il  était  logé  ;  cette  tendre 
sollicitude  l'avait  touché,  et  en  re- 
venant à  la  vie,  alors  que  tout  paraît 
si  enchanteur,  il  se  prit  k  aimer 
cette  femme  qui  lui  faisait  si  douces 
les  premières  émotions  de  la  conva- 
lescence. La  jeunesse  aidée  par  l'a- 
mour rendit  SéruUas  à  ses  travaux 
et  à  sa  future  épouse.  En  lisant  le 
récit  de  ces  petits  événements  du 
dernier  siècle,  et  sans  dépenser  beau- 
coup d'imagination,  on  croit  entre- 
voir une  jeune  et  jolie  patricienne 
de  l'Italie  devenue  amoureuse  d'un 
officier  de  santé  de  l'armée  républi- 
caine, et  disposée  à  partager  avec  lui 
toutes  les  chances  de  sa  vie  aventu- 
reuse. La  réalité  nous  apprend  que 
SéruUas,  à  peine  âgé  de  21  ans,  épou- 
sa une  veuve  qui  en  avait  30  et  dont 
la  laideur  était  incontestable.  Cette 
femme,  peu  douce  de  sa  nature  et  iné- 
gale de  caractère,  troubla  souvent 
«on  repos,  dit  un  biographe  (1), 
sans  qu'il  lui  retirât  sa  tendresse. 
Elle  était  cependant  douée  de  toutes 
les  qualités  morales  qui  constituent 
la  bonne  et  vertueuse  épouse  ;  et , 
malgré  la  différence  d'âge,  il  est  à 
croire  qu'elle  rendit  à  SéruUas  l'exis- 
tence heureuse,  puisque  bien  des  an- 
nées après  (1826),  il  ressentit  un  pro- 
fond chagrin  de  sa  mort  et  fut  long- 


(i)  M.  BrauU,  membre  du   conseil   de 
(anté. 


SER 

temps  inconsolable.  Lorsque  Napo- 
léon ,  pour  ruiner  le  commerce 
anglais,  décréta  le  blocus  continen- 
tal par  suite  duquel  les  denrées  co- 
loniales et  particulièrement  le  su- 
cre ne  devaient  plus  avoir  de  débou- 
chés en  Europe,  l'illustre  Parmentier 
proposa  au  ministre  de  la  guerre  de 
remplacer  le  sucre  par  le  sirop  de 
raisin,  et  SéruUas  fut  chargé  d'en 
préparer  des  quantités  énormes  qui 
suffirent  pendant  plusieurs  années 
à  la  consommation  des  hôpitaux  d'I- 
talie. Le  ministre  de  la  guerre  témoi- 
gna par  une  lettre  flatteuse  au  phar- 
macien-major toute  sa  satisfaction. 
Une  circonstance  plus  éclatante  en- 
core fournit  à  celui-ci  l'occasion 
d'obtenir  de  nouveaux  encourage- 
ments. On  avait  donné  pour  sujet  de 
concours  le  moyen  d'extraire  la  ma- 
tière sucrée  contenue  dans  les  végé- 
taux indigènes.  SéruUas  présenta 
deux  mémoires.  L'un  fut  couronné 
en  1810  par  la  société  d'agricullifre 
du  département  de  la  Seine  ,  l'autre 
en  1813  par  la  société  de  pharma- 
cie de  Paris.  Nommé  au  grade  de 
principal,  il  fit  partie  du  corps  d'ar- 
mée de  Ney  qu'il  suivit  en  Allema- 
gne, en  Pologne  et  en  Russie.  Il 
assista  en  1814  à  nos  derniers  dé- 
sastres, et  son  cœur  généreux  dut 
gémir  des  maux  qu'endurait  sa  pa- 
trie. Sous  la  restauration ,  victi- 
me d'une  injustice,  il  descendit  de 
grade,  et  fut  placé  comme  subor- 
donné à  l'hôpital  militaire  d'instruc- 
tion de  Metz;  mais  le  conseil  de  santé 
des  armées  qui,  alors  comme  aujour- 
d'hui, savait  apprécier  le  vrai  mérite, 
obtint  pour  lui  du  ministre  de  la 
guerre  le  titre  de  pharmacien  en  chef 
et  de  premier  professeur.  Personne 
n'était  plus  digne  d'occuper  uns  place 
aussi  honorable.  Le  nouveau  profes- 
seur avait  de  grandes  difficultés  à 


SER 

vaincre  ;  pendant  le  cours  de  ses  cam- 
pagnes, il  lui  avait  é(é  impossible  de 
suivre  les  progrès  de  la  science;  le 
temps  avait  amené  d'importantes  dé- 
couvertes, pour  la  chimie  surtout,  qui 
était  enfin  sortie  du  chaos  informe 
quenousavaient  légué  les  alchimistes 
du  moyen  âge.  Sérullas,  à  l'âge  dequa- 
rante-deux  ans,  se  remet  à  étudier  les 
mathématiques  et  le  grec  indispensa- 
bles à  ses  nouvelles  fonctions.  C'est  à 
cette  époque  que  commence  la  se- 
conde partie  de  son  existence,  trop 
courte  hélas!  pour  les  sciences  et  l'hu- 
manité. Il  entreprend  à  Metz  un  cours 
public  de  chimie  auquel  assistent  les 
officiers  du  génie  et  de  l'artillerie 
sortant  de  l'École  polytechnique.  Son 
zèle  est  infatigable  ;  les  jours  et  les 
nuits  s'écoulent  dans  l'étude;  il  pré- 
pare lui-même  toutes  les  expériences 
nécessaires  à  ses  démonstrations,  et, 
pour  nous  servir  de  ses  paroles,  <■  il 
<•  fait  lui-même  les  dispositions  ma- 
«  térielles  de  ses  leçons.  »  Ses  audi- 
teurs sont  charmés  de  sa  manière 
heureuse  de  présenter  l'état  de  la 
science  ;  ils  admirent  la  modestie  de 
ce  savant  qui  s'efface  pour  faire  va- 
loir ses  contemporains.  En  1817,  Sé- 
rullas publie,  dans  le  recueil  des  Mé- 
moires de  médecine,  chirurgie  et 
pharmacie  militaires,  un  travail  sur 
la  conversion  du  sirop  de  raisin  en 
alcool,  ei  un  mémoire  sur  les  fumiga- 
f/onsc/i/ongues, En  1820,  sousletitre 
d'Observations  physico- chimiques 
sur  les  alliages  du  potassium  et  du 
sodium  avec  d'autres  métaux^  il  don- 
ne des  détails  curieux  sur  ces  métaux. 
Passant  à  l'étude  de  l'antimoine,  il 
fait  connaître  que  toutes  les  prépara- 
tions antimoniales ,  excepté  l'éméti- 
que,  renferment  de  l'arsenic.  Sous  le 
nom  de  carbure  d'antimoine ,  il  dé- 
signe un  corps  obtenu  en  chauffant 
en  vase  clos  avec  du  charbon  une 

LXXXII. 


SRH 


Î4'. 


certaine  quantité  d'cmétique.  Cette 
nouvelle  substance,  très -délicate 
à  manier,  prend  feu  par  une  seule 
goutte  d'eau.  Il  indique  les  moyens 
de  s'en  servir  pour  enflammer,  sous 
l'eau,  la  poudre  à  canon.  Ses  beaux 
travaux  sur  la  formation  de  l'éther 
sulfurique,  sur  les  composés  de  bro- 
me, d'iode,  de  cyanogène,  attirent  sur 
lui  les  regards  du  monde  savant;  il 
découvre  le  perchlorure  de  cyano- 
gène cristallisant  en  prismes  d'un 
blanc  éclatant  et  dont  les  propriétés 
vénéneuses  sont  extrêmement  redou- 
tables.Sérullas,au  milieu  de  son  labo- 
ratoire, est  exposé,  dans  beaucoup  de 
circonstances ,  à  perdre  la  vie  ;  car 
ses  recherches  se  portent  sur  des  sub- 
stances qui  n'existent  pas  encore, 
mais  que  son  génie  sait  prévoir  ;  sub- 
stances dont  les  émanations  peuvent 
être  mortelles.  L'habile  professeur, 
les  mains  et  le  visage  couverts  de  ci- 
catrices, n'en  continue  pas  moins  ses 
travaux  avec  passion.  S'il  regrette 
de  n'êfre  pas  riche,  c'est  seulement 
parce  qu'il  ne  peut  satisfaire  ses  pen- 
chants pour  la  chimie  et  se  montrer 
assez  libéral,  selon  lui,  pour  l'in- 
digence qui  vient  solliciter  ses  se- 
cours. Pendant  les  années  qui  sui- 
virent, Sérullas  marcha  de  décou- 
vertes en  découvertes  et  éveilla  l'at- 
tention de  tous  les  chimistes  de  l'Eu- 
rope. Nommé  en  1825  membre  de 
l'Académie  royale  de  médecine,  il  fut 
appelé  l'année  suivante  au  Val-de- 
Grâce  ,  comme  pharmacien  en  chef 
et  premier  professeur.  Cet  avance- 
ment était  la  digne  récompense  de  ses 
services.  En  1829,  Sérullas  fut  le  suc- 
cesseurdeVauquelinà  rinslitut(Aca- 
démie  des  sciences).  Cette  haute  po- 
sition scientifique  et  le  titre  d'officier 
de  la  Légion -d'Honneur  ne  furent 
point  un  motif  pour  lui  de  se  reposer. 
L'annéesuivante, il  dirigea  sesétudes 

10 


146 


SER 


sur  l'action  réciproque  de  l'acide  io- 
dique  et  des  sels  de  morphine.  11  dé- 
montra que  les  plus  petites  quantités 
de  morphine  ou  d'un  de  ses  sels  étant 
dissoutes  dans  une  quantitéd'eausept 
cents  fois  plus  considérable ,  si  l'on 
verse  quelques  gouttes  d'acide  iodi- 
que,  la  liqueur  prend  aussitôt  une 
couleur  rouge -brun  et  exhale  une 
odeur  d'iode  très-sensible.  Celte  dé- 
couverte est  bien  précieuse  pour  la 
médecine  légale,  car  elle  permet  de  re- 
connaître les  empoisonnements  cau- 
sés par  la  morphine,  les  autres  alca- 
lis ve'gétaux  n'ayant  pas  la  même 
propriété.  La  robuste  constitution  de 
Sérullas  n'avait  pu  résister  à  tant  de 
travaux;  ses  organes  digestifs  avaient 
Uni  par  s'altérer  au  milieu  des  gaz 
qui  s'échappaient  de  son  laboratoire. 
Cet  homme,  dont  la  vie  tout  entière 
s'était  passée  à  instruire  ses  sembla- 
bles ou  à  les  soulager,  dont  la  maxime 
favorite  était  :  Travailler  toujours 
et  faire  le  plus  de  bien  possible,  cet 
homme  oubliait  sasanté.  Une  maladie 
chronique  des  voies  digestives  l'af- 
faiblit peu  à  peu.  A  son  humeur  en- 
jouée succéda  une  tristesse  profonde, 
elle  11  avril  1832,  quand  il  annonça 
•A  la  société  de  pharmacie  de  Paris  la 
mort  de  Gros-Lambert,  une  des  vic- 
times du  choléra  ,  ce  fut  avec  un  dou- 
loureux pressentiment  qu'il  fit  l'é- 
loge des  qualités  morales  du  défunt. 
La  chaire  de  chimie  générale,  va- 
cante par  le  décès  du  professeur  Lau- 
gier,  devait  être  donnée  à  Sérullas. 
11  allait  voir  enfin  se  réaliser  le  vœu 
le  plus  cher  de  sa  noble  ambition,  il 
allait  occuper  une  des  chaires  les  plus 
importantes  de  l'Europe, quand  il  sen- 
tit les  premières  atteintes  d'une  ma- 
ladie mortelle  aux  funérailles  deCu- 
vier.  Le  grand  naturaliste,  victime  de 
l'épidémie  qui  ravageait  alors  la  ca- 
pitale ,  était  pieusement  conduit  au 


SER 

louibcau  par  la  foule  silencieuse  i\e> 
savants  qui  l'avaient  si  souvent  ad- 
miré. Sérullas,  triste  et  pensif,  ac- 
compagnait le  deuil  et  se  sentait  fai- 
blir lui-même  sous  l'action  du  Céau 
qui  n'avait  pas  respecté  l'illustre  Cu- 
vier.  11  lutta  neuf  jours  contre  les 
angoisses  de  la  mort,  ne  s'abusanl 
nullement  sur  sa  fin  prochaine  et 
donnant  jusque  dans  ses  dernières 
heures  des  marques  touchantes  de  sa 
bonté  naturelle.  Il  mourut  le  25  mai 
1832  et  fut  inhumé  près  de  Cuvier 
avec  lequel  il  avait  été  uni  par  les 
liens  d'une  vive  amitié.  Séiullas  , 
comme  Buffon,  aimait  la  science  pour 
elle-même  ;  le  travail  fut  la  joie  et  la 
consolation  de  toute  sa  vie.  Au  mi- 
lieu des  hasards  de   son  existence 
aventureuse  et  des  distractions  for- 
cées de  la  première  moitié  de  sa  Ion 
gue  carrière,  il  sut,  malgré  les  préoc- 
cupations continuelles  de  sa  posi- 
tion ,  poursuivre  avec  persévérance 
les  idées  scientifiques  de  sa  jeunesse. 
Il  s'était  créé  une  sorte  d'atmosphère 
studieuse,  espèce  de  sanctuaire  dans 
lequel  il  s'était  réfugié  contre  les  vi- 
cissitudes et  les  déceptions  de  la  vie. 
Loin  des  grandes  académies,  privé 
des  ressources  nécessaires  aux  étu- 
des spéciales  qui  l'occupaient,  obligé 
de  se  déplacer  sans  cesse,   il  sem- 
ble ,    en  lisant   son   histoire,   qu'il 
ait  passé  vingt  années  de  sa  vie  à 
chercher  à  travers  l'Europe  les  docu- 
ments qui  furent  plus  tard  la  base  de 
ses  découvertes.  Travailleur  obscur 
et  modeste,  il  rendit  de  grands  ser- 
vices dans  l'humbie  position  où  l'a- 
vait placé  la  fortune.  Cet  homme  de 
bien  ,  dont  toute  la  vie  fut  si  active 
et  si  utile  ,  mourut  pauvre.   11  peut 
être  considéré  comme  le  type  de  l'ho- 
norable corps  auquel  il  appartenait, 
et  dont  les  services  constants  et  dés- 
intéressés passent  souvent  presque 


SER 

inaperçuSjComme  ces  bienfaits  qu'une 
philanthropie  discrète  répand  loin  de 
la  foule  avec  la  tranquillité  d'une 
conscience  heureuse.  Dans  les  pre- 
miers jours  de  cette  année,  une  voix 
généreuse  et  sympathique  (1  )  s'est  fait 
entendre  comme  un  écho  plaintif  en 
faveur  des  officiers  de  santé  mili- 
taires. Une  commission  spéciale  a 
été  formée,  et  s'occupe  en  ce  mo- 
ment d'un  travail  destiné  à  appeler 
l'intérêt  de  la  République  naissante 
sur  le  corps  des  médecins  de  l'armée. 
SéruIIas  a  laissé  :  I.  Observations 
physico-chimiques  sur  les  alliages  du 
potassium  et  du  sodium  avec  d''autres 
métaux ,  antimoine  arsenical  dans 
le  commerce,  1820.  11.  Second  mé- 
moire sur  le  même  sujet,  1821.  III. 
Du  charbon  fulminant,  1821.  IV. 
Notes  sur  Vhydriodate  de  potasse, 
1822.  V.  Moyen  d'enflammer  la  pou- 
dre sous  l'eau,i822.Yl.  Sur  Viodure 
de  carbone,  1823.  VU.  Nouveau 
composé  d'iode,  d'azote  et  de  carbo- 
ne ou  cyanure  d'iode,  1824.  VIII.  Sur 
la  combinaison  du  chlore  et  du  cya- 
nogène^ 1827.  IX.  Nouveaux  com- 
posés de  brome,  1827.  X.  Lettre  con- 
cernant la  notice  historique  publiée 
par  M.  Davy ,  sur  les  phénomènes 
électro  -  chimiques ,  1827.  XI.  Nou- 
veau composé  de  brome  et  de  carbone, 
1827  .XU.Nouveau  composé  dechlore 
et  de  cyanogène,  1828.  XllI.  Bro- 
mures d'arsenic  et  de  bismuth,  1829. 
XIV.  De  l'action  de  Vacide  sulfuri- 
que  sur  l'alcool^  1829.  XV.  Analyse 
succincte  des  travaux  de  M. Sérullas, 
1829.  XVI.  Séparation  du  chlore  et 
du  brome  dans  un  mélange  de  chlo- 
rure et  de  bromure  alcalins.  XVII. 
Recherches   sur  quelques  composés 


(l)  De  la  nécessité  de  constituer  le  caps 
des  officiers  de  santé  dans  l'armée,  parle  co- 
loaei  Cerfberr, 


SER 


147 


d'iode,  1830.  XVIII.  Action  de  diffé- 
rents acides  «wr  l'iodate  neutre  de 
potasse,  1830.  XIX.  Mémoire  sur 
les  chlorures  d'iode^  1830.  XX.  Sur 
l'acide  perchlorique,  1831.  XXI.  Sur 
Vacide  oxichlorique  ou  perchlori- 
que ^transformation  du  chlorate  de 
potasse  en  oxichlorate  de  la  même 
base,  1831.  Tous  les  opuscules  de 
Sérullas  ont  été  insérés  dans  des  re- 
cueils scientifiques,  tels  que  les  An- 
nales de  physique  et  de  chimie,  les 
Mémoires  de  l'Académie  des  Scien- 
ces, etc.,  et  plusieurs  ont  été  impri- 
més séparément.  L— D— É. 

SÉRUZIER  (Jeax-Joseph-Théo- 
doee),  colonel  d'artillerie,  né  le  22 
mars  1769,  k  Charmes  (Aisne),  lils 
d'un  laboureur  qui  avait  fait  comme 
grenadier  toutes  les  campagnes  d'Ha- 
novre, conçut  dès  l'enfance,  par  les 
récits  de  son  père  auxquels  il  était 
très-attentif,  un  goût  fort  vif  pour  la 
carrière  des  armes.  A  l'âge  de  qua- 
torze ans  il  s'engagea  dans  un  régi- 
ment d'artillerie  où  il  était  sous-offi- 
cier lorsque  la  révolution  commença. 
Il  en  embrassa  la  cause  avec  beaucoup 
d'ardeur  et  devint  bientôt  officier. 
Ayant  fait  successivement  dans  diffé- 
rentes armées  les  campagnes  decette 
époque,  il  parvint  au  grade  de  colo- 
nel. Napoléon,  qui  fut  témoin  de  son 
habileté  à  Wagram,  où  l'artillerie 
joua  un  si  beau  rôle,  le  fit  baron  aus- 
sitôt après,  puis  commandeur  de  la 
Légion-d'Honneur  avec  une  bonne 
dotation,  ce  qui  ajouta  beaucoup  à 
son  dévouement  pour  la  personne  de 
l'empereur.  Ce  ne  fut  en  conséquence 
qu'avec  une  peine  extrême  qu'il  vit 
sa  chute  en  1814.  Cependant  il  fit 
comme  les  autres  sa  soumission  au 
gouvernement  de  la  restauration  , 
mais  il  ne  cessa  pas  de  soupirer  après 
le  retour  de  son  ancien  maître,  et  prit 
part  en  1815  à  quelques  intrigues  et 
10. 


148 


SER 


complots  qui  tendaient  à  lui  rendre 
le  pouvoir.  Arrêté  pour  cela  peu  de 
temps  après  le  second  retour  du  roi, 
il  fut  traduit  à  la  cour  prévôtale  du 
département  de  l'Aisne  et  détenu 
pendant  plusieurs  mois  dans  les  pri- 
sons de  Laon.  Ayant  eniin  été  ac- 
quitté, il  se  retira  à  Château-Thierry 
où  il  mourut  le  11  mai  1825.  On  a 
publié  sous  son  nom  en  1823  des 
Mémoires  dont  s(?n  ami  M.  Lemière 
de  Corvey  s'est  reconnu  l'auteur. 
C'est  une  apologie  sans  mesure  de 
son  courage  qui  était  incontestable, 
mais  que  lui-même  n'aurait  pas  tant 
vanté,  car  il  était  très-modeste  com- 
me le  sont  tous  les  vrais  braves.  Les 
éloges  prodigués  à  Napoléon  n'y  sont 
pas  moins  exagérés.  Dans  son  Ma- 
nuel historique  du  département  de 
l'Aisne,  Devisme  a  consacré  une  no- 
lice  à  son  compatriote.    M — d  j. 

SEUVAN  DE  SUGNY  (Pierhe- 
François-Jules)  (1)  était  né  à  Lyon 
le  24  déc.  1796  d'une  famille  dérobe 
et  aussi  d'épée.  Un  de  ses  parents 
fut  célèbre  comme  avocat-général  du 
parlement  de  Grenoble  ;  un  autre  fut 
ministre  de  la  guerre  à  une  des  épo- 
ques les  plus  remarquables  de  nos 
troubles  politiques  {voy.  leurs  ar- 
ticles, tome  XLII,  pages  1 10  et  114). 
Après  de  brillantes  études  au  lycée 
de  Lyon,  il  commença  à  Grenoble  son 
cours  de  droit  qu'il  vint  achever  à  Pa- 
ris. Son  goût  pour  les  lettres  se  mani- 
festa dès  lors  par  quelques  publica- 
tionsqui  témoignaient  de  ses  connais- 
sances classiques.  Ce  furent  d'abord 
des  Fragments  de  Gessner  traduits  en 
vers  latins  qu'il  fit  paraître,  comme 
pour  essayer  ses  forces  dansée  genrc^ 


(i)  Tels  sont  les  ])rénoms  fjue  lui  donne 
le  Nécrologe  lyonnais;  le  Journal  de  la  li- 
brairie l'appelle  Pierre-Marie-François,  et 
M.  deBoissieu,  dans  son  Eloge  de  Servan, 
«  nomme  Jules-I'rancois. 


SER 

puis  vint  VAlmanach  des  Muses  la- 
tines, œuvre  peu  considérable  et  qui 
lui  valut  les  suffrages  de  tous  les 
amis  de  la  langue  d'Horace.  Bientôt 
après  il  mit  au  jour  un  écrit  de  quel- 
ques pages  qu'il  intitula  Mes  Rêveries 
et  qu'il  donna  comme  traduit  de  l'al- 
lemand, bien  que  ce  fût  un  sujet  en- 
tièrement de  son  invention.  C'était, 
sous  une  forme  orientale,  la  critique 
de  plusieurs  mauvais  poètes  de  l'é- 
poque. Suffisamment  pourvu  des 
dons  de  la  fortune,  rempli  d'instruc- 
tion, assez  bon  poète  pour  avoir  été 
placé  par  quelques-uns  bien  près  de 
Gilbert,  de  Malfilâtre,  André  Ché- 
nier,  Millevoye,  il  fut  membre  du 
cercle  littéraire  et  de  l'académie  de 
Lyon.  Vers  la  fin  de  1824,  il  sembla 
vouloir  revenir  à  la  carrière  que  son 
père  s'était  flatté  de  lui  voir  embras- 
ser tout  d'abord,  et  il  débuta  avec 
distinction  au  barreau  de  cette  ville; 
mais  les  séductions  littéraires  repri- 
rent bientôt  leur  empire  sur  son  es- 
prit et  le  restituèrent  à  son  premier 
penchant.  Becherché,  caressé,  ap- 
plaudi, il  ne  s'en  blasa  pas  moins, 
s'ennuya  de  la  vie  de  province  et  se 
rendit  à  Paris  où  il  fut  membre  de  la 
Société  philolechnique.  Il  savait  le 
grec,  le  latinet  même  un  peu  l'hébreu; 
sept  langues  vivantes  lui  étaient  fami- 
lières; il  les  écrivait  et  les  parlait  faci- 
lement. Il  s'exprimait  surtout  en  fran- 
çais avec  grâce,  chaleur  et  originalité, 
ayant  sans  cesse  analysé  et  comparé 
à  toutes  les  autres  sa  langue  mater- 
nelle dont  il  mettait  le  mérite  en 
première  ligne.  Il  manquait  au  bon- 
heur qu'il  avait  trouvé  dans  sa  fa- 
mille une  meilleure  santé.  Ses  forces 
physiques  s'altérèrent  au  point  de  le 
forcer  de  renoncer  à  ses  études  et  de 
quitter  ses  rêvesde  gloire.  Use  laissa 
traîner  à  la  campagne  chez  un  ami, 
près  d'Orléans,  avec  sa  jeune  femme 


SER 


SER 


149 


et  un  enfant.  C'est  là  qu'entouré  de 
soins,  d'amour  et  de  marques  de  dé- 
vouement, on  a  prétendu  qu'il  s'était 
suicidé;  mais  M.  Bignan ,  éditeur 
et  biograpliede  Jules  Servan,  dit  que 
jusqu'au  dernier  jour  il  conserva  le 
libre  usage  de  sa  pensée  ;  que  d'une 
voix  déjà  mourante  il  dictait  encore 
des  vers,  demandant  à  la  poésie  de 
lui  adoucir  les  longues  souffrances 
auxquelles  il  succomba  le  12  octobre 
1831,  dans  sa  trente-cinquième  an- 
née. On  a  de  lui  :  I  Morceaux  la- 
tins et  traductions  pour  THermes 
Romanus  de  Barbier-Vémars.  On  a 
dit  que  Servan  faisait  VHermes  et 
que  Barbier  recevait  l'argent.  II.  Al- 
manach  des  Muses  latines,  Grenoble 
et  Paris,  1817  ;  2"^  année, Paris,  1818, 
in-12.  Servan  avait  descollaborateurs 
pour  ce  recueil  où  il  fournissait  le  plus 
grand  nombre  de  pièces  et  les  meil- 
leures. 111.  Relation  des  événements 
de  Lyon  en  1817,  brochure  saisie  chez 
l'imprimenr  par  la  police  qui  crai- 
gnait de  fâcheuses  révélations,  mais 
rendue  ensuite  à  l'auteur  qui  eut  le 
bon  esprit  de  ne  pas  lui  donner  cours. 
Ce  fut  la  seule  excursion  dans  le  do- 
maine de  la  politique  que  se  permit 
Servan.  IV.  Idylles  de  Théocrite, 
traduites  en  vers  français,  précédées 
d'un  Essai  sur  les  poésies  bucoli- 
ques,Paris,  1822,  in-8'';  ibid.,  1829, 
in-8°,  fruit  d'un  travail  long  et  con- 
sciencieux. M.  Tissot  a  fait  le  plus 
grand  éloge  de  cette  traduction  qui 
assigne  à  son  auteur  un  rang  distin- 
gué parmi  les  versiticateurs  et  les 
hellénistes(2).  V.  La  Famille  grec- 

(7.)  M.  Dugas-Montbel  observe  que  Ser- 
van (le  Sugny  «  traduit  moins  qu'il  n'imite, 
mais  qu'il  imite  toujours  avec  grâce;  que, 
dans  un  certain  nombre  de  passages  ,  il 
semble  s'être  trop  éloigué  de  son  modèle  et 
qu'où  u'y  retrouve  pas  suffisamment  la  cou- 
leurautique  et  locale  qui  appartient  à  Théo- 
crite. »  L — M  — X. 


que,  ou  V Affranchissement  de  la 
Grèce,  poème  dialogué,  suivi  de  poé- 
sies diverses,  Paris,  1824,  in-18.  Il  y 
a  du  mouvement  et  de  belles  images 
dans  celte  composition  dont  les  qua- 
tre vers  suivants  furent  particulière- 
ment remarqués  : 

LE  JEUNE  GREC. 

Ah  !  sans  doute  qu'enfin  cette  Europe 

[chrétienne] 
Pense  que  notre  cause  est  désormais  la  sieuDf? 

LE  VIEILLABD. 

Non,  mon  fils;  j  usqu'ici  lente  à  nous  secourir, 
L'Europe  nous  regarde  et  nous  laisse  mourir, 

VI.  Traduction  de  Catulle,  entière 
mais  non  publiée  :  il  n'a  paru  que  les 
Noces  de  Pelée  et  de  Thétis,  poème 
traduit  en  vers,  Paris,  1829,  in-8".  Vil 
Clovis  à  Tolbiac,  tableau  historique, 
en  deux  parties  et  en  vers,  Paris, 
1830,  in-8%  tiré  à  cent  exemplaires 
non  livrés  au  commerce.  Dans  l'a- 
vant-propos,  Servan  fait  sa  profession 
de  foi  poétique.  C'est  de  l'cclectismc 
pur^  il  y  revint  plus  tard  dans  une 
pièce  de  vers  intitulée  Les  deux  Mu- 
ses. Là  on  voit  les  prétentions  du 
classique,  les  espérances  du  roman- 
tique :  l'auteur  est  fort  en  peine  pour 
tout  concilier.  VlII.  Discours  en  vers 
sur  la  culture  des  lettres  en  pro- 
vince, lu  à  l'académie  de  Lyon.  Ser- 
van avait  préludé  par  une  épître  en 
vers  adressée  aux  membres  de  cette 
société.  Dans  l'épître  et  dans  le  dis- 
cours, il  s'attaque  au  monopole  des 
arts  et  des  sciences  que  Paris  s'attri- 
bue. Il  plaide  vigoureusement  pour 
le  mérite  des  autres  villes  de  France, 
et  p  isse  en  revue  avec  complaisance 
les  beaux  esprits  de  l'unet  l'autre  sexe 
qui  ont  vu  le  jour  dans  la  seconde  ca- 
pitale de  l'empire.  IX.  La  chaumière 
d'Oullins,  Paris,  1830,  in-8°,  roman 
moral  qu'on  a  dit  imité  du  Vicaire 
de  Wakefield  de  Goldsmilh,  et  d'au- 
tres ouvrages  propres  comme  celui-ci 
à  atténuer  et  à  paralyser  les  mouvc- 


150 


SER 


menls  qui,  dans  les  hivers  rigoureux 
et  en  général  dans  les  temps  de  mal- 
aise, ne  se  font  que  trop  ressentir  ou 
pressentir  parmi  les  classes  pauvres. 

X.  Le  Neveu  du  chanoine,  ou  Con- 
fession de  l'abbé  Guignard ,  écrite 
par  iui-même,  Paris,  1831, 4  vol.  in-i2. 

XI.  Prologue  pour  l'ouverture  de  la 
nouvelle  salle  du  grand  théâtre  de 
Lyon,  Lyon,  1831,  in-S"  (4  pages). 

XII.  Le  Réveil  de  la  liberté^  ode  dé- 
diée aux  Polonais,  Paris,  Riga,  1831, 
in-S"  (10  pages).  XII!.  Satires  con- 
temporaines et  mélanges ,  Paris  , 
1832,  in-8^  C'est  là  qu'on  trouve  en 
tête  une  notice  développée  de  M.  Bi- 
gnan  sur  Servan  de  Sugny  et  ses  ou- 
vrages (3).  XIV.  Plaidoyers  de  toute 
espèce  pour  le  civil  et  poiir  le  criminel. 
Les  amis  de  cet  avocat  distingué  di- 
sent qu'il  ne  prenait  que  des  causes 
sûres,  ne  prêtait  sa  parole  qu'aux 
gens  de  bien,  n'accusait  que  les  sols 
et  les  méchants,  enfin  qu'il  faisait 
ses  mémoires  bien  moins  pour  les 
répandre  que  pour  amener  les  partis 
à  des  transactions.  XV.  Articles  de 
journaux,  dans  la  Revue  encyclopé- 
dique, la  Revue  britannique,  le  Mer- 
cure de  Félix  Bodin,  la  Gazette  de 
Lyon,  et  les  Archives  du  Rhône.  Ser- 
van ne  trafiquait  pas  de  ses  œuvres. 
11  déteslait  le  principe  des  parts 
d'auteurs  ;  ce  commerce  établi  de 
prose  et  de  vers  lui  semblait  l'abais- 
sement et  la  perte  de  l'esprit.  «  On 

•  écrit,  disait-il,  comme  on  fait  des 
«  bûtfes ,  comme  on  vend  du  bois, du 
«  from;ige  ou  de  l'huile.  Le  métier 
«  gâte  tout.  Je  veux  que  les  gens  de 

•  mérite  sachent  mourir  de  faim. 
«>  Ils  embrasent  les  cœurs  ,  ils  c'clai- 
«  rent  le  monde,  c'est  assez.  Là  est 
«  leur  profit,  leur  vie.  Ils  dominent 

(3^;  M.  Alpli.  de  Boissieu  a  publié  .•iii';'i 
un  Eloge  de  Seivan  de  Sugny,  Lj'ou,  iSja, 
in-8o. 


SER 

•  le  présent,  sondent  l'avenir;  et  que 
«  peut  l'argent  pour  eux,  que  les  lier, 
«  les  dégrader,  les  éteindre?  Dante, 
«  le  Tasse,  Milton,  Camoëns  vécu- 
«  rent    et   moururent  tourmentés , 
«  proscrits,  pauvres.  O  misère  su- 
'  blimo  ,  plus  sainte,  plus  belle  que 
«  tout ,  et  qui  ne  s'attache  qu'à  des 
«  noms  éternels!  Figurez-vous  Ho- 
«  mère  se  mettant  à  l'encan  dans  une 
«  échoppe  d'Athènes  et  livrant  1'/- 
«  liade  ou  YOdyssée  à  tant  la  ligne  !  " 
XVI.  iVarep/jff, drame.  XVII.  Leduc 
d'Otrante,  ou  la  Malédiction,  tragé- 
die imitée  du  Comte  de  Narbonne,  de 
l'Anglais  Jephson ,  ouvrage  inédit. 
XVIII.  Le  Suicide,  Paris,  1832,in-8°, 
roman  posthume  fait  pour  combattre 
le  fatal  penchant  qui  pousse  quelque- 
fois le  désespoir  à  se  délivrer  de  la 
souffrance  par  le  crime.  C'est  une 
grande  présomption  que  tel  n'a  pas 
été  le  dernier  acte  de  la  vie  de  l'au- 
teur. Celui  qui  a  rédigé  le  présent  ar- 
ticle en  doit  quelques  documents  à 
M.  Péricaud  et  beaucoup  d'autres  à 
M.  Fr.  Grille,  bibliothécaire  de  la  vil  le 
d'Angers,  qui  paraît  avoir  été  ami  de 
Servan  de  Sugny,  et  qui  dissémine 
tout  ce  qu'il  sait,  tout  ce  qu'il  a  vu, 
les  comptes  rendus  de  ce  qu'il  a  fait 
comme  administrateur  dans  de  pi- 
quantes brochures  dont  ne  jouit  pas 
le  public  tout  entier.  Dans  des  lettres 
adressées  à  M.  Paul  Lacroix  en  1840 
et  qui  n'ont  été  imprimées  qu'à  petit 
nombre,  il  a  consacré  six  pages  à  la 
nomenclature  raisonnée  des  ouvra- 
ges de  Servan  de  Sugny.  L — p— e. 

SERVANT  (Nicolas),  prêtre, 
docteur  en  théologie,  né  à  Fismes  en 
Champagne,  fut  curéde  Nanteuil-la- 
Fosse  depuis  1773  jusqu'en  1791.  A 
cette  époque  il  devint  vicaire  épis- 
(Tpal  de  l'cvêque  constitutionnel  de 
1,1  Marne  {voy.  Dior,  LXIl ,  499); 
puis  il  fut  député  du  second  ordre 


SER 

d'après  la  demande  expresse  de  ce- 
lui-ci, tant  au  concile  métropolitain 
de  Reims  qu'au  concile  national  tenu 
àParis  en  1797.  Homme  d'esprit,  mais 
d'un  caractère  opiniâtre  et  ergoteur, 
il  e'Ioignait  ceux  que  quelques-unes 
de  ses  qualités  auraient  rapprochés 
de  lui;  aussi  ne  fut-il  pas  long-temps 
d'accord  avec  son  évêque,  qu'il  pré- 
tendait, quand  on  rouvrit  les  églises 
en  1796,  n'être  pas  plus  que  les  au- 
tres prêtres.  Lors  du  concordat,  en 
1801  ,  plusieurs  prêtres  de  l'église 
constitutionnelle  rétractèrent  leur 
serment.  L'abbé  Servant,  opiniâtre- 
ment attaché  au  schisme, fit  tout  ce 
qu'il  put  pour  maintenir  ceux  qui, 
comme  lui ,  y  étaient  tombés.  Il 
allait  de  Reims  à  Fleury-la-Rivière, 
afin  d'y  ramener  le  curé  de  cette 
commune  qui  s'était  rétracté,  mais 
la  mort  l'arrêta  dans  ce  mauvais 
projet.  Frappé  d'apoplexie,  il  ex- 
pira en  passant  à  Nanteuil-la-Fosse, 
le  29  septembre  1805 ,  âgé  de  63 
ans,  et  il  y  fut  enterré.  C'était  un 
homme  hardi  et  qui  ne  se  déconcer- 
tait pas  facilement.  Invité  un  jour 
par  le  curé  de  la  paroisse  de  Saint- 
Rémi  à  venir  prêcher,  il  monte  en 
chaiie,  fait  le  signe  de  la  croix  et 
reste  court.  Après  quelques  efforts 
pour  trouver  le  commencement  de 
so"^  Sermon,  voyant  que  la  mémoire 
lui  manquait  entièrement,  il  se  retira 
après  avoir  dit  :  Mes  frères,  Dieu  ac- 
corde la  parole  à  qui  il  vcutj,  com- 
me il  veut  et  quand  il  veut.  Au  nom 
du  Père,  et  du  Fils  et  du  Saint-Es- 
prit ,  ainsi  soil-il.  Cet  abbé,  l'un  des 
plus  fort  soutiens  de  l'église  consti- 
tutionnelle, a  publié  :  I.  Disserta- 
tion sur  le  serment  civique,  Reims, 
in-S".  II.  Préservatif  contre  le  schis- 
me, ou  Réponse  à  cette  question  : 
«  Peut-il  résulter  un  schisme  de  l'é- 
lection ou  remplacement  des  pasteurs 


SER 


151 


refusant  le  serment? »  Reims,  in-S». 
III.  Réponse  au  petit  catéchisme  pour 
le-iemps  présent,  Reims,  in-8°.  IV. 
Discours  sur  la  conservation  des 
jours  du  premier  consul  échappé  à 
Vhorrible  complot  formé  contre  lui, 
prononcé  le  1"  janvier  1801,  Reims, 
in-12.  L— c— j. 

SERVAS  (La  Condamine  de),  né 
à  Alais ,  vers  la  fin  de  1714,  em- 
brassa de  bonne  heure  la  profession 
des  armes ,  et  se  retira  du  service 
aussitôt  qu'il  y  eut  obtenu  la  croix 
de  Saint-Louis.  Sa  vie  fut  dès-lors 
uniquement  consacrée  à  l'étude  et  à 
la  composition  d'un  grand  nombre 
d'ouvrages  de  critique  sacrée  ;  il  en 
subsiste  trente  ou  quarante  volumes 
en  manuscrit.  La  seule  de  ses  pro- 
ductions qui  ait  été  imprimée  est  in- 
titulée :  Examen  raisonnable  de  la 
résurrection  de  Notre  -  Seigneur 
Jésus-Christ,  Toulouse,  in-12.  La 
bizarrerie  des  titres  de  la  plupart  de 
ses  autres  écrits  suffira  pour  eu  faire 
connaître  l'esprit  et  pour  donner  la 
mesure  de  celui  de  l'auteur.  Essai 
sur  la  naissance  et  les  progrès  du 
christianisme  au  centre  de  l'édifice, 
par  frère  Clairvoyant,  3  vol.,  1768; 
VAnthropopatie,  ou  Portrait  de 
Jéhovah,  le  Dieu  des  Juifs,  fait  par 
lui-même ,  par  Moïse,  par  les  pro- 
phètes ;  avec  cette  épigraphe  :  A  qui 
me  faites-vous  ressembler?  Esaïe, 
XL,  25;  2  vol.,  1771  ;  Les  Menteurs 
convaincus,  ou  les  Mensonges  sacrés 
consacrés,  2'  édit.  augmentée;  Om- 
nis  homo  mendax,  Psal.  cxvii,  4 
vol.,  1772;  ies  Alliances  traitées 
par  VÈternel,  examinées  dans  un 
esprit  philosophique  et  critique ,  3 
vol.,  1773;  Tableau  de  l'Évangile 
dans  les  cinq  premiers  siècles,  4 
vol.,  1774;  Les  Plagiats  de  l'apoca- 
lyptique saint  Jean,  1  vol.,  1775, 
etc.  Outre  ces  graves  compositions 


152 


SER 


et  beaucoup  d'autres  du  même  genre, 
mais  dont  les  titres  sont  moins  sin- 
guliers, Serves  a  laissé  un  journal 
dans  lequel  il  inscrivit  pendant  cin- 
quante ans  les  plus  minutieuses  cir- 
constances de  sa  vie  et  tout  ce  qui 
venait  à  sa  connaissance  des  actions 
d'autrui.  Il  y  inséra  ,  depuis  1775, 
l'état  du  ciel  et  celui  de  la  tempéra- 
ture, d'après  son  thermomètre;  mais 
comme  il  se  servait  d'un  instrument 
très-imparfait  et  qu'il  n'observait 
qu'une  fois  par  jour,  on  ne  peut  tirer 
aucun  parti  de  son  travail  pour  la 
météorologie.  Il  mourut  à  Alais,  à 
la  fin  de  février  1787.         V.  S.  L. 

SERVIÈRES  (Joseph),  auteur 
dramatique,  né  à  Figeac,  dans  le 
Quercy,  le  20  juillet  1781,  fit  de 
bonnes  éludes  dans  sa  ville  natale, 
et  vint  fort  jeune  à  Paris,  où  il  fut 
remarqué  par  Lucien  Bonaparte,  alors 
ministre  de  l'intérieur ,  mais  qui 
tomba  bientôt  dans  la  disgrâce  de 
Napoléon.  En  1807,  il  épousa  la 
belle-fille  du  peintre  Lethière,  qui 
elle-même  s'est  placée  au  rang  des 
artistes  les  plus  distingués  de  notre 
époque;  puis  il  accompagna  en  Italie 
son  beau-père,  nommé  directeur  de 
l'école  française  à  Rome  où  il  re- 
trouva Lucien,  dont  Lethière  était 
aussi  depuis  long-temps  l'ami  et  le 
confident.  Servières  revint  à  Paris 
en  1812,  et  il  obtint  un  emploi  au 
trésor  public.  Sous  la  Restauration, 
il  fut  nommé,  en  1818,  conseiller- 
référendaire  à  la  Cour  des  comptes. 
Dès  son  arrivée  dans  la  capitale,  il 
avait  donné  au  Ihcâtre  plusieurs  piè- 
ces qui  eurent  quelques  succès,  et 
il  ne  cessa  pas  d'en  composer  et  d'a- 
jouter à  sa  réputation  jusqu'à  ses  der- 
niers moments.  Il  mourut  à  Paris,  le 
2  février  1826.  Celait  un  homme 
fort  aimable,  très-obligeant,  et  qui  a 
Uissé  de  profonds  regrets.  Ses  ou- 


SER 

yrages  imprimés  sont  :  I(avec  MM. 
Etienne,  Morel  et  Francis  (AUarde). 
Les  Dieux  à  Tivoli ,  ou  l  Ascension 
de  VOlympe,  folie  non  fastueuse,  ar- 
lequinade-impromptu  en  un  acte  et 
en  vaudevilles,  Paris,  1800,  in-S». 
II.  Le  Botiqmt  de  pensées  pour  Van 
X,  1801,  in-8o.  m  (avec  MM.  Fran- 
cis et  Belargey).  La  Martingale,  ou 
le  Secret  de  gagner  au  jeu,  arlequi- 
nade-vaudevilleenunacte,en  prose, 
Paris,  1801,  in-8».  IV  (avec  R.  Phi- 
lidor  (Ruchelle).  Le  Père  malgré  lui, 
comédie-vaudeville  en  un  acte  et  en 
prose,  1801.  V  (avec M. C.  Henrion). 
Le  Télégraphe  d'amour,  comédie  en 
un  acte,  en  prose,  mêlée  de  vaude- 
villes, 1801.  VI  (avec  MM.  Etienne, 
Morel  et  Moras).  Rembrandt,  ou  la 
Vente  après  décès ,  vaudeville  anec- 
dotique  en  un  acte,  1801.  VII  (avec 
M.  Petit  aîné).  Fontenelle,  comédie- 
anecdote  en  un  acte,  en  prose  et  en 
vaudevilles,  1802.  VIII  (avec  Ernest 
de  Clonard  etavecM.  FrançoisGrille). 
Monsieur  Botte,  ou  le  Négociant  an- 
glais, comédie  en  trois  actes  et  en 
prose,  imitée  du  roman  de  Pigault- 
Lebrun,  1803.  IX  (avec  Desaugiers 
et  M.  C.  Henrion).  Manon  laravau- 
deuse,  vaudeville  en  un  acte,  180.3. 
X(avec  J.  Aude).  Fanchon  la  viel- 
leuse de  retour  dans  ses  montagnes, 
comédie  en  trois  actes,  en  prose,  mê- 
lée de  vaudevilles,  1803.  XI  (avec 
Sewrin  et  Lafortelle).  Les  Charbon- 
niers de  la  forêt  Noire,  comédie  en 
trois  actes,  mêlée  de  vaudevilles, 
1804.  XII  (avec  C.  Henrion).  Drelin- 
dindin,  ou  le  Carrillonneur  de  la 
Samaritaine  f  parade  en  un  acte  et 
en  vaudevilles,  1803.  XIII  (avec  MM. 
Duvalet  Ligier).  Jean  Barf,  comédie 
historique  en  un  acte,  en  prose  et  en 
vaudevilles,  1803.  XIV  (avec  F.-P.- 
A.  Léger).  Un  quart  d'heure  d'un 
sage,  vaudeville  en  un  acte,  1804. 


SER 

XV  (avec  Sidony).  Jocrisse  suicide^ 
drame  tragi-comique  en  un  acte  et 
en  prose,  1804.  XVI  (avec  Duma- 
nianl).  Brisquct  et  Jolicœur,  vaude- 
ville en  un  acte,  1804.  XVII  (avec 
Daudet  et  Léger}.  Bombarde,  ou  les 
Marchands  de  chansons ,  parodie 
d^Ossian  ou  les  Bardes,  mélodrame 
lyrique  en  cinq  actes,  1804.  XVIII 
(avecMM.H...elLafortelle).LaZ?e?/e 
Milanaise,  ou  la  Fille  femme ,  page 
et  soldat^  mélodrame  en  (rois  actes, 
à  grand  spectacle,  1804.  XIX  (avec 
M.  Coupart),  Toujours  le  même,  vau- 
de  ville  en  un  acte,  1804.  XX  (avec 
M.  Moreau).  Le  Dansomane  de  la  rue 
Quincampoix,  ou  le  Bal  interrompu, 
folie-vaudeville  en  un  acte,  1804. 
XXI  (avec  M,  G.  Duval).  Jeanneton 
colère,  vaudeville  grivois  en  un  acte, 
1805.  XXII  (  avec  M.  Coupart).  Les 
Nouvelles  métamorphoses,  vaude- 
ville en  un  acte,  1805.  XXIIl  (avec 
M.  Dumersan).  Àlphonsine,  ou  la 
Tendretse  maternelle,  mélodrame  en 
trois  actes  et  en  prose,  tiré  du  roman 
de  madame  de  Genlis,  1806.  XXIV 
(avec  Desaugiers).Jl/cf  dame  5carron, 
vaudeville  en  un  acte,  1806.  XXV 
(avec  MM.  Dumersan  ,  Desaugiers  et 
cinq  autres  collaborateurs).  Monsieur 
Giraffe,  ou  la  Mort  de  l'ours  blanc, 
vaudeville  en  un  acte,  par  M.  Ber- 
nard de  la  rue  aux  Ours,  1807.  XXVI 
(avec  Desaugiers).  Arlequin  double, 
vaudeville  en  un  acte,  1807.  XXVII 
(avec  MM.  G.  Duval  et  Bonnel).  La 
pièce  qui  n'en  est  pas  une,  dialogue 
analogue  aux  prologues  et  épilogues, 
1809.  On  attribue  à  Servicres  deux 
autres  pièces  :  L^ Amant  comédien  et 
Les  trois  n'en  font  qu'un,  ainsi  qu'un 
écrit  intitulé  :  Revue  des  théâtres. 
Plusieurs  chansons  tirées  de  ses  vau- 
devilles ont  été  insérées  dans  le 
Chansonnier  français  et  autres  re- 
cueils lyriques.  M— d  j. 


SER 


153 


SERVIX  (A.NT01NE-NIC0LAS),  his- 
torien et  jurisconsulte,  né  à  Dieppe, 
le  14  août  1746,  joignit  à  l'étude  ap- 
profondie des  lois  celle  de  l'histoire 
de  son  propre  pays.  Reçu  avocat  à 
Rouen,  il  exerça  cette  profession  avec 
la  plus  grande  distinction  et  le  plus 
parfait   désintéressement.    Il    était 
l'arbitre  des  plaideurs,  qui  s'en  rap- 
portaient souvent  à  son  impartiale 
équité.  Il  était  aussi  le  véritable  mo- 
dèle  des   vertus   domestiques.   Cet 
homme  savant  et  estimable  est  mort 
à  Rouen  le  30  mai  1811.  On  a  de  lui: 
1.  Histoire  de  la  ville  de  Rouen, 
suivie  d'un  essai  sur  la  Normandie 
littéraire,  Rouen,  1775,  2  vol.  in-12. 
Cet  ouvrage  est  recherché-,  il  se  fait 
lire  avec  intérêt ,  mais  on  y  désire- 
rait plus  de   critique;  certains  faits 
ne  sont  pas  toujours  appuyés  d'au- 
torités suffisantes.  II.  De  la  législa- 
tion criminelle ,  Bâie ,  1782 ,  grand 
in-8o.  Servin  avait  terminé  ce  livre 
en  1778,  mais  il  ne  put  obtenir  la 
permission  de    le    faire  imprimer. 
Ayant  tenté  encore,  à  cet  effet,  des 
démarches  qui  furent  infructueuses, 
ii  l'envoya  alors  à  son  ami  Isaac  Ise- 
lin  {voy.  ce  nom,  XXI,  287),  greffier 
ou  secrétaire  de  la   république   de 
Bâle,  qui  le  publia  en  le  faisant  pré- 
céder de  Considérations  générales 
sur  les  lois  et  les  tribunaux  dcju- 
dicature.  Ces  considérations  furent 
probablement  le  dernier  écrit  d'Ise- 
lin,  puisqu'il  mourut  cette  mêmean- 
néo  1782.  On  ne  permit  point  l'in- 
troduction en  France  du  livre  de  Ser- 
vin, en  raison  sans  doute  des  articles 
où  il  est  question  de  l'inceste ,  des 
délits  contre  nature ,  de  la  déser- 
tion ,  etc.  A  côté  de  quelques  para- 
doxes, cette  production,  ainsi  que  la 
suivante,  renferme  un  bon  nombre 
d'idées  qui,  à  cette  époque,  étaient  en- 
tièrement neuves,  et  dont  quelques- 


154 


SER 


SER 


unes  ont  été  appliquées  plus  tard. 
III.  Manuel  de  jurisprudence  natu- 
relle,Pàris^  178i,  in-12.  Pour  plus 
de  détails  sur  l'auteur  et  ses  ouvra- 
ges, consultez  les  Mémoires  biogra- 
phiques et  littéraires  sur  les  hommes 
qui  se  sont  fait  remarquer  dans  le 
département  de  la  Seine-Inférieure^ 
par  V.  Guilbert,  Rouen,  1812,  2  vol. 
in-8".  B— L— u. 

SERYIUS  (Pierhe),  médecin  et 
archéologue,  était  né  vers  la  tin  du 
lsA\^  siècle,  à  Spolette,  capitale  de 
rOnibrie.  Venu  jeune  à  Rome  pour 
y  suivre  les  cours   de  médecine,  il 
trouva  le  loisir  de  se  livrer  en  même 
temps  à  son  goût  pour  l'antiquité. 
Depuis,  il  enseigna  l'art  de  guérir 
avec  une  assez  grande  réputation. 
On  sait  qu'il  cultivait  aussi  la  chi- 
mie,  science  abandonnée   presque 
entièrement  alors  aux  empiriques, 
et   qu'il   découvrit   le  premier  que 
l'eau  de  mer  devenait  potable  par  la 
distillation.  Ses  talents  comme  anti- 
(juaire  lui  méritèrent  l'estime   des 
savants,  entre  autres  de  Gahr.  Naudé, 
dont  on  a  trois  lettresadressées  à  Ser- 
vius  dans  le  recueil  publié  par  La  Po- 
terie {vorj.  Naudé,  XXX,  599}.  Ce  mé- 
decin mourut  à  Rome  en  1648,  et  fut 
inhumé  dans  l'église  de  Sainte-Ma- 
rie-dos-Anges,  où  son  épitaphe,  rap- 
portée par  Galletti  {Inscript,  roman. ^ 
XII,  28),  le  qualifie  vir  probus.  On 
a  de  lui  :  I.  Ad  librum  de  scro  lactis 
Steph.  Roderic  Castrensis  declama- 
tionts,  Paris,    1632,  in-12;  Rome, 
1634,  in-So,  Cet  opuscule,  que  Ser- 
vius  publia  sous  le  nom  anagrarama- 
tisé  de  Persius  Trevius,  est  une  ré- 
futation  du    traité   de   Roderic   de 
Castro  sur  la  propriété  du  petit  lait. 
II.  Institutionum  quibus  tyrones  ad 
medicinam  informaniur  libri  très, 
Rome,  1638,inl2.  A  ces  institutions 
médicales  l'auteur  a  réuni  deux  ha- 


rangues   adressées   à   ses  élèves  : 
l'une  sur  les  qualités  nécessaires  au 
médecin,  et  l'autre  dans  laquelle,  en 
examinant  si  l'on  peut  être  bon  mé- 
decin  quoique  jeune,  il  se  décide 
pour  l'affirmative.  III.  Juvéniles  Te- 
riœ   quœ   continent    antiquitatum 
romanarum  miscellanea,  Avignon, 
1038;  Rome,  1640,  in-8"  (1).  C'est  un 
recueil  de  dissertations  sur  les  mœurs 
et  les  usages  des  anciens  Romains  ; 
elles  ont  été  insérées  par  le  P.  Gau- 
denzio  Roberti  dans  les  Miscellanea 
italica  erudila,  II,  1-96.  Graevius  en 
a  publié  quatre,  qui  sont  relatives 
aux  noms  et   prénoms  des  femmes 
chez  les  Romains,  dans  la  préface  du 
Thésaurus  antiquit.  romanar.,  t.  Il, 
qui  renferme  la  dissertation  sur  le 
même  sujet  de  Joseph  Castaglione 
{voy.  ce  nom,  VII,  312),  dont  Ser- 
vius  combat  le  sentiment.  IV.  De 
odoribus    dissertalio   philologica., 
Rome,  1641 ,   in-4i>,  réimprimé  par 
Gaud.  Roberti  dans  les  Miscellanea, 
III, 031 -78, et  par  Gronovius  dans  le 
Thésaurus   antiquit at.  grœcarum, 
IX,  645-76.  Haller,  dans  la  Biblioth. 
medica praclica.,  H,  597,  dit  que  cet 
ouvrage  de  Servius  est  imprimé  dans 
le  format  in-S»,  et  que  le  sujet  y  est 

(i)  Le  manuscrit  des  Miscellanea  avait 
été  communiqué  ;iu  savant  Josejjh-Marie 
Suarès,  évêque  de  VaisoD,  qui  en  fut  si  sa- 
tisfait qu'il  l'euvoya  à  Jean  Piot,  imprimeur 
d'Avignon,  pour  être  mis  au  jour.  L'éditioQ 
qui  en  fut  publiée  par  ce  deruier  était  tel- 
lement remplie  de  fautes,  que  l'auteur  crut 
devoir  en  ordonner  une  nouvelle  qui  i>ariit 
à  Rome.  Ce  u'est  là  que  la  [iremière  décade 
des  Miscellanea,  qu'il  se  proposait  deionti- 
nuer;  mais  il  renoaça  à  ce  projet,  pour  ne 
])as  laisser  jilus  de  prise  aux  envieux,  qui 
lui  leprocbaient  de  se  livrera  des  éludes 
étrangères  à  sa  profession.  Ou  trouve  à  la 
tête  de  l'édition  de  Rome  une  lettre  de  Ga- 
lirit-l  Nandé  à  l'auteur,  daus  laquelle  il  lui 
adresse  les  plus  grands  éloges  et  le  compare 
aux  médetius  célèbres  qui  ont  mené  de 
front  la  pratique  de  leur  art  et  la  culture 
d«s  lettres,  L — M — x. 


SER 


SER 


155 


envisagé  sous  le  rapport  de  la  physi- 
que ;  mais  c'est  une  double  inexac- 
titude. V,  De  unguento  armario 
liber,  Rome,  lfi42  ou  KUS,  in-8",  in- 
séré dans  le  Theatrum  sympatheti- 
cum,  Nuremberg,  1662,  in-4°  ;  trad. 
en  allemand,  Francfort,  1664,  1672, 
in-8°.  Ce  livre,  qui  l'ait  peu  d'hon- 
neur à  Servius,  est  plein  de  récits 
merveilleux  sur  les  effets  de  ce  re- 
mède. W— s. 

SERVOIS  (l'abbé  'Jean-Piebre), 
né  à  Cosne-sur-Loire  dans  le  Niver- 
nais, le  8  août  1764,  éprouva  dans 
son  enfance  un  accident  qui  le  rendit 
bossu.  Après  avoir  cominencé  ses 
études  à  Bourges,  il  vint  les  terminer 
à  Paris, au  collège  Mazarin,oii  il  eut 
pour  professeur  Charbonnet,  qui  fut 
recteur  de  l'Université  de  Paris,  et 
l'abbé Çeoffroy, si  connu  depuis  pour 
sa  collaboration  au  Journal  des  Dé- 
bats. Servois  reçut  la  prêtrise  en- 
1788  et  demeura  pendant  quelque 
temps  attaché  à  la  paroisse  de  Saint- 
Barthélemi  dans  la  Cité.  En  1791  il 
prêta  serment  à  la  constitution  civile 
du  clergé  et  fut  nommé  vicaire  de  la 
paroisse  de  Saint-Augustin  ,  qu'on 
venait  d'ériger  dans  l'église  du  cou- 
vent des  Petits-Pères,  ce  qui  ne  l'em- 
pêcha pas  d'accepter  des  fonctions 
civiles.  Suivant  l'auteur  d'une  notice 
biographique  sur  Servois,  il  usa  de 
son  crédit  pour  rendre  service  à  plu- 
sieurs personnes,  sauva  la  vie  à 
trois  prêtres  du  diocèse  d'Angers 
réfugiés  à  Paris ,  arracha  quelques 
victimes  aux  massacres  de  septembre, 
manifesta  une  vive  douleur  dans  le 
comité  civil  de  la  section  du  Mail, 
dont  il  était  meml)re,  quand  on  y  an- 
nonça lacond.'itnnafion  de  Louis  XVI, 
et  fut  lui-niciiic  draoncé  plusieurs 
fois.  En  1795,  lorsque  l'exercice  du 
culte  fut  permis,  il  se  réunit  au  clergé 
constitutionnel  et  rédigea,  avec  quel- 


ques   autres  ecclésiastiques   de   ce 
parti,  ]es  Annales  de  la  religion,  en 
même  temps  qu'il  occupait  un  emploi 
dans  l'administration  de  l'enregistre- 
ment et  des  domaines.  Il  assista,  en 
1797  et  1801,  aux  conciles  nationaux 
tenus  à  Paris  par  les  constitutionnels. 
Enfin  le  concordat  ayant  été  conclu 
entre  le  pape  Pie  Vil  et  le  gouverne- 
ment français,  Belmas,  promu  à  l'é- 
vêché  de  Cambrai,  nomma  Servois 
chanoine  de  sa  cathédrale,  puis  vi- 
caire-général  du  diocèse.  Après  la 
révolution  de  1830,  ses  amis  sollici- 
tèrent polir  lui  le  siège  de  Cambrai, 
que  Belmas,  appelé  à   l'archevêché 
d'Avignon,  devait  quitter;  mais  ce 
prélat  n'ayant  pas  accepté  ,  l'abbé 
Servois  continuade  remplir  les  fonc- 
tions de  grand-vicaire  à  Cambrai,  où 
il  mourut  le  6  juin  1831 ,  après  avoir 
manifesté  son  attachement  à  PÉglise 
catholique,   apostolique  et  romaine. 
11  était  en  relation  avec  beaucoup  de 
personnages  remarquables  et  de  sa- 
vants, particulièrement  avec  Langlès 
et  Barbie  du  Bocage,  élèves,  comme 
lui,  du  collège  Mazarin.  Membre  de 
la  Société  des  Antiquaires  de  France 
et  de  celle  de  Géographie  de  Paris, 
il  avait  été  l'un  des  fondateurs  de  la 
Société    d'Émulation    de    Cambrai. 
MM.  Leroy,  président,  et  Berthoud, 
secrétaire  perpétuel  de  cette  société, 
prononcèrent  sur  la  tombe  de  Servois 
des  discours  qui  furent  insérés  dans 
la  Feuille  de  Cambrai  du  11  juin 
1831.  On  a  de  lui  :  1.  Observations 
sur  le  soleil  d'or  offert  par  Fénelon 
àl'églisemétropolitaine  de  Cambrai, 
1817,  in-8».  Un  grand  nombre  d'au- 
teurs ont  rapporté  que,  dans  cet  os- 
tensoir, parmi  les  livres  hérétiques 
foulés  au  pied  par  un  ange,  ligurait 
celui  de  Fénelon,  intitulé  Maximes 
dessainls,  et  qui  avait  été  condamné 
à  Rome.  1/abbé  Servois,  résidant  à 


156 


SEPx 


Cambrai  et  à  portée  de  recueillir 
des  renseignements,  soutient  que  ces 
détails  sur  l'ostensoir  sont  inexacts. 
Le  cardinal  de  Bausset,  qui,  dans  son 
Histoire  de  Fénelon,  avait  adopté  le 
récit  ordinaire,  se  rangea  depuis  à 
l'opinion  de  Servois  et  lui  écrivit 
même  à  ce  sujet  une  lettre  très-flat- 
teuse. Cependant  l'abbé  Gosselin  , 
dans  une  Dissertation  sur  l'osten- 
soir d'or^  etc.,  Paris,  1827,  in-8° 
(anonyme),  a  combattu  les  Observa- 
tions de  Servois.  II.  Notice  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  du  docteur  Sa- 
imieljohnson^  Cambrai,  1823,  in-S". 
m.  Dissertation  sur  le  lieu  oit,  s'est 
opérée  la  Transfiguration  de  Notre - 
Seigneur,  Cambrai,  1830,  in-8".  Sui- 
vant l'auteur,  c'est  sur  le  Liban  et 
non  sur  le  Thabor.  Servois  a  traduit 
de  l'anglais  :  1°  Échantillon  de  la 
justice  des  Turcs  ou  plutôt  des  ma- 
melucks  en  Egypte,  Cambrai,  1808; 
2"  Des  serpents  et  des  scorpions  d'E- 
gypte, ibid.,  1808;  3°  Dw  climat  et 
des  saisons  en  Egypte,  Douai,  1809  ; 
4"  De  la  peste  en  Egypte,  ibid.,  1810. 
Ces  quatre  opuscules  sont  extraits 
des  Observations  sur  VÈgypte,  par 
M.  Antes  (Londres,  1800).  b"  Des 
Spartiates  anciens  et  modernes, 
Douai,  1821,  in-8".  C'est  un  extrait 
des  Voyages  de  Jean  Gall  (Londres, 
1812).  G"  De  l'empire  du  Maroc  et 
des  princes  qui  Vont  gouverné  jus- 
qu'aujourd'hui, Cambrai,  1826,  in-S" 
(extrait  du  Voyage  dans  l'empire 
du  Maroc  en  1806,  par  le  docteur 
Buffa,  médecin  des  armées  anglaises). 
La  plupart  des  écrits  de  Servois  que 
nous  venons  de  citer  ont  été  insérés 
dans  les  mémoires  de  la  Société  d'É- 
mulation de  Cambrai.  Il  avait  encore 
traduit  de  l'anglais  V Apologie  de  la 
Bible,  par  Richard  Watson,  évêque 
de  LandalT,  en  réponse  îi  VAge  de  la 
Raison  de  Thomas  Paine  ;  V Histoire 


SER 

de  Rasselas,  prince  d'Abyssinie,  ro- 
man moral  de  Samuel  Johnson  ;  les 
Voyages  en  Turquie,  dans  la  Pales- 
tine et  en  Syrie,  de  M.  Turner,  se- 
crétaire d'ambassade  de  la  Grande- 
Bretagne  près  la  Sublime-Porte,  en 
1820,  21  et  22  ;  mais  ces  diverses 
traductions  n'ont  pas  été  imprimées, 
non  plus  que  celle  du  Code  Hindou, 
ou  Institutes  de  Menou,  qu'il  avait 
entreprise  avec  Langlès.  L'abbé  Ser- 
vois a  publié,  avec  Barbie  du  Bocage  : 
Voyages  dans  VAsie-Mineure  et  en 
Grèce,  par  Richard  Chandier,  tra- 
duits de  l'anglais,  avec  des  notes  géo 
graphiques,  historiques  et  critiques, 
Riom  et  Paris,  1806, 3  vol.  in-8''  avec 
cartes.  Cette  traduction  est  fort  es- 
timée {voy.  Chandler  ,  VIII,  39). 
W Annuaire  statistique  du  départe  - 
ment  du  Nord,  pour  1832,  contient 
une  notice  biographique  sur  Servois; 
une  autre  no/îce  a  été  imprimée  à  Pa- 
ris, chez  Éveral,  1832,  in-8".  P — RT. 

SERVOLE  ou  CEIIYOLE  (Ar- 
naud de),  surnommé  V Archiprétre, 
probablement  à  cause  de  l'archiprc- 
tré  de  Vezins,  qu'il  possédait  à  ti- 
tre de  bénéfice,  quoique  séculier, 
chevalier  et  marié,  était  issu  de  l'il- 
lustre maison  de  Servola  dans  le  Pé- 
rigord.  Ce  guerrier,  l'un  des  plus 
célèbres  du  XIV"  siècle,  influa  beau- 
coup sur  les  événements  dont  la 
France  fut  le  théâtre.  Blessé  à  la 
bataille  de  Poitiers  le  18  septembre 
1356,  il  y  fut  fait  prisonnier  avec  le 
roi  Jean  et  revint  dans  sa  patrie  l'an- 
née suivante,  après  que  sa  rançon 
eut  été  payée.  La  France  était  alors 
désolée  par  des  bandes  de  brigands 
désignés  sous  les  noms  de  routiers  ou 
de  tard-venus,  etc.  L'Archiprêtre, 
qui  ne  connaissait  d'autre  occupa- 
tion que  la  guerre  et  le  pillage,  se 
mit  à  la  tête  d'une  troupe  de  ces 
brigands,  et  se  joignit  à  cet  effet 


SER 

avec  Raymond  des  Beaux,  puissant 
seigneur  provençal.  En  peu  de  temps 
ils  rassemblèrent  dans  le  Limousin, 
l'Auvergne  et  les  pays  voisins  du 
Rhône,une  petite  armée  de  deux  mille 
hommes,  tant  infanterie  que  cavale- 
rie, et  le  13  juillet  1357  elle  s'empara 
des  ponts  du  Rhône  et  de  la  Durance, 
et  ensuite  se  porta  sur  Orange  et  Car- 
pentras.  Bientôt  leur  nombre  s'étant 
accru  jusqu'à  quatre  mille,  sous  pré- 
texte de  faire  la  guerre  au  prince  de 
Tarente  et  au  roi  de  Naples,  frère  de 
ce  prince,  ils  désolèrent  et  pillèrent 
la  Provence.  Le  pape  lui-même  trem- 
bla dans  Avignon,  et,  ne  se  fiant  pas 
aux  promesses  de  brigands  sans  foi, 
implora  contre  les  routiers  le  se- 
cours des  plus  puissants  princes  de 
l'Europe,  leva  quatre  mille  hommes 
et  fit  fortifier  Avignon  5  mais  ces  pré- 
cautions ne  calmant  pas  ses  terreurs, 
il  crut  plus  prudent  d'engager  l'Ar- 
chiprêtre  à  se  retirer  en  lui  payant 
une  somme  considérable.  Servole  se 
rendit  alors  à  Avignon,  où  il  fut  reçu, 
dit  Froissard,  «  aussi  révéremment 
«  ques'il  eût  été  fils  du  roi  deFrauce, 
«et  dîna  plusieurs  fois  chez  le  pape 
«  et  les  cardinaux,  et  lui  furent  par- 
«  donnez  tous  ses  péchés,  et  au  dé- 
«  partir  on  lui  livra  quarante  mille 
•  écus  pour  délivrer  à  ses  compa- 
«  gnons.  »  Après  cette  expédition  il 
exerça  ses  brigandages  en  Bourgo- 
gne, et  ensuite,  étant  revenu  en  Pro- 
vence (mars  1358),  il  assiégea  les  vil- 
les d'Aix  et  de  Marseille,  d'où  il  fut 
obligé  de  se  relirer.  Vers  ce  temps, 
le  dauphin  Charles,  régent  de  France, 
ayant  attiré  l'Archi prêtre  à  son  ser- 
vice, et  lo  prince  de  Tarente  ayant 
fait  publier  une  amnistie,  Raymond 
des  Baux  rentra  dans  ses  terres,  et 
la  Provence  devint  tranquille.  Ser- 
vole fut  fait  lieutenant-général  du 
Berry  et  du  Nivernais,  après  la  paix 


SER 


157 


de  Brétigny,  conclue  en  1360;  mais, 
ne  pouvant  vivre  en  repos,  il  ras- 
sembla les  compagnies  licenciées  et 
en  forma  une  nouvelle  troupe  de 
routiers,  sous  le  nom  de  compagnies 
blanches,  à  la  tête  de  laquelle  il 
commit  les  plus  horribles  ravages 
dans  le  Nivernais  et  les  environs  de 
Langres  et  de  Lyon;  il  s'empara 
de  plusieurs  places  et  força  le  roi 
Jean  lui-même  à  payer  des  indem- 
nités considérables.  11  commanda  en 
1361  l'avant-garde  de  l'armée  que 
ce  prince  voulut  opposer  aux  rava- 
ges des  tard  -  venus ,  conduifs  par 
Séguin  de  Badfol,  chevalier  gascon. 
La  bataille  ayant  été  gagnée  par  les 
rebelles,  la  valeur  de  l'Archiprêtre 
ne  put  l'empêcher  d'être  fait  prison- 
nier ;  mais  il  eut  le  bonheur  de  s'é- 
chapper des  mains  des  tard-venus, 
car  il  épousa,  en  1362,  Jeanne  de  Châ- 
teauvilain,  et  en  1363  il  commandait 
une  troupe  d'aventuriers  connus  sous 
le  nom  de  Bretons,  qu'il  amena  en 
Lorraine  au  secours  de  Jean,  sire  de 
Joinville,  comte  de  Vaudemont  et 
sénéchal  de  Champagne,  qui  faisait 
la  guerre  aux  ducs  de  Lorraine  et  de 
Bar.  Bientôt  ils  s'avancèrent  vers 
Trêves  au  nombre  de  près  de  qua- 
rante mille  et  partout  répandirent  la 
terreur  sur  leur  passage.  Ayant  élé 
repoussés  jusqu'en  Alsace,  ils  se  re- 
portèrent sur  Metz  et  réduisirent  le 
duc  de  Lorraine  à  se  délivrer  d'eux 
en  leur  donnant  des  sommes  consi- 
dérables, ce  qui  les  détermina  à  s'é- 
loigner pour  aller  mettre  à  contri- 
bution la  Bourgogne,  l'Orléanais,  la 
Normandie  et  une  partie  de  l'Ile-de- 
France.  En  1363,  l'Archiprêlre  fut 
employé  par  le  roi  Jean  pour  con- 
duire l'armée  chargée  de  faire  re- 
connaître Philippe,  son  fils,  comme 
duc  de  Bourgogne  ;  et  à  la  bataille  de 
Cocherel,  livrée  en  mai  1361  entre 


158 


SER 


Évreux   et    Vernon ,    l'Arcliiprètre 
commandait  le  troisième  corps   de 
i'arme'e  française,  où  il  était  à  la  tête 
des  Bourguignons  sous  les  ordres  de 
Bertrand    Duguesclin;   mais,   quoi- 
qu'il donnât  le  signal  du  combat,  il 
ne  voulut  pas  y  prendre  part,  afin  de 
ne  pas  combattre  le  captai  de  Buch, 
qui    se  trouvait  dans  l'armée   op- 
posée et  qui  fut   fait  prisonnier  à 
cette  bataille.  A  la  fin  de  cette  même 
année,  Servolefut  employé  par  Phi- 
lippe, duc  de  Bourgogne,  contre  le 
comte    de  Montbéliard,  qui  soute- 
nait le  parti  de  la  douairière,  et  ce 
fut  à  la  suite  de  cette  heureuse  ex- 
pédition que,  pour  terminer  le  dif- 
férend, Philippe  épousa  Marguerite, 
veuve  du  dernier  duc  et  petife-fille 
de  la  douairière.  Arnaud  de  Servole 
acquit  par  ses  brigandages  et  ses  di- 
verses   expéditions    militaires    une 
telle  considération,  qu'on  voit,  dans 
l'acte  d'emprunts  que  fit  le  duc  de 
Bourgogne  pour  engager  les  tard- 
venus  et  les  routiers  à  le  laisser  en 
paix,  que  celui-ci  l'appela  son  con- 
seiller et  son  très-cher  compère,  et 
que,  pour  lui  garantir  le  paiement 
de  la  somme  qu'il  lui  avait  empruntée, 
il  lui  remit  comme  otages  plusieurs 
seigneurs  parmi  lesquels  se  trouva 
Jean,  maréchal  de  Bourgogne,  cou- 
sin du  duc.  L'empereur  Charles  IV 
et  le  pape  Urbain  V  ayant  eu  l'in- 
tention d'envoyer  une  croisade  con- 
tre les  Turcs,  l'Archiprêtre  dut  être 
chargé  de  conduire  cette  entreprise 
qui  ne  fut  pas  exécutée,  et  pour  cela 
il  rassembla   une  armée  d'aventu- 
riers à  laquelle  on  donna  le  nom 
d'Anglais  et  qui  était  forte  de  qua- 
rante mille  hommes.  Ne  sachant  plus 
comment  les   faire  subsister,  il  eut 
recours  au  pillage,  sa  ressource  or- 
dinaire, et,  réuni  au  comte  de  Bla- 
mont,  qui  était  en  guerre  contre  le 


SER 

comte  de  Salm,  le  sire  de  Ravestein 
et  révêque  de  Strasbourg,  il  alla  dé- 
soler les  vassaux  de  ces  seigneurs, 
puis  il  pilla  le  pays  Messin  et  força 
la  ville  de  Metz  à  lui  payer  une  con- 
tribution.   Après    cette   expédition, 
l'Alsace  fut    le   théâtre  de  ses  ra- 
vages ,  et    il    assiégea  Strasbourg. 
Tous  les  environs  de  cette  ville  fu- 
rent en  proie  au  meurtre,  à  l'incen- 
die et  à   tous  les  crimes  auxquels 
peut  s'abandonner  la  soldatesque  la. 
plus  cruelle  et  la  plus  indisciplinée; 
en  sorte  que  personne  n'osait  tra- 
verser cette  contrée  sans  des  passe- 
ports de  l'Archiprêtre,  qui  respectait 
ses  engagements  à  cet  égard.  Faute 
de  machines  de  guerre,  ce  redouta- 
ble guerrier  ne  put  pénétrer  dans  les 
villes  fortes.  Les  campagnes  furent 
seules  dévastées  par  ses  troupes.  S'é- 
taut  dirigé  sur  Schelestat  etColmar, 
Bâle  fut  menacée  par  lui,  et  le  redouta 
d'autant  plus  que   ses  murs,   ren- 
versés en  1356  par  un  tremblement 
de  terre,  n'avaient  pas  encore  été 
rebâtis;  mais  le  secours  que  cette 
ville  reçut  des  cantons  suisses,  dont 
elle  avait  imploré  l'assistance,  dans 
cet  imminent  péril,  effraya  les  An- 
glais, c^iii  n'osèrent  pas  l'attaquer  et 
restèrent  en  Alsace,  d'oii  ils  furent 
enfin  chassés  par  les  troupes  que 
l'empereur  réunit  contre  eux,  ce  qui 
força  l'Archiprêtre  k  conduire  avec 
précipitation    ses    bandes   dans   le 
comté  de  Bourgogne.  Le  baron  de 
Zurlauben  [voy.  ce  nom,  LU,  509), 
qui  a  donne  sur  Servole  une   notice 
fort  intéressante,  dans  le  tome  II  de 
sa  Bibliothèque  militaire,  histori- 
que et  politique,  d'où  nous  avons  ex- 
trait ce  qui  précède,  prétend  que  ce 
bouillant  guerrier  se  retira  en  France 
après  son  expédition  d'Alsace  (1365), 
et  y  passa  tranquillement  le  reste  de 
ses  jours.  Il  mourut  en  Provence  en 


SER 


SER 


159 


1366,   Plusieurs  auteurs  discnl  qu'il 
tut  assassine'.  B.  M— s. 

SESMAISONS  (le  comte  Claude- 
Louis-Gabriel-Donatien  de),  d'une 
noble  et  ancienne  famille  de  Breta- 
gne, était  né  en  1781;  il  émigra  fort 
jeune  avec  ses  parents ,  et  à  douze 
ans  il  travaillait  sous  le  général  Done, 
dans  l'état-major  de  l'armée  an- 
glaise. En  1804,  il  perdit  son  père, 
officier  supérieur  distingué  de  l'ar- 
mée de  Condé.  Rentré  en  France  sous 
l'empire,  il  fut  forcé  en  18 1 3  de  pren- 
dre du  service  et  commanda  la  légion 
de  la  Loire-Inférieure.  Après  le  réta- 
blissement des  Bourbons,  en  1814, 
il  fit  partie  des  mousquetaires  de  la 
maison  du  roi,  et  en  1815  il  devint 
colonel  sous-chef  d'état-major  de  la 
première  division  d'infanterie  de  la 
garde  royale,  grade  qu'il  occupa  du- 
rant toute  la  restauration.  En  mars 
1816,  il  remplit  les  fonctions  de  rap- 
porteur dans  le  conseil  de  guerre  as- 
semblé pour  juger  le  contre-amiral 
Linois  et  le  général  Boyer,  et  laissa 
à  la  discrétion  du  conseil  l'applica- 
tion de  la  peine.  Il  fit  ensuite  la 
guerre  d'Espagne ,  dans  le  corps 
d'année  du  maréchal  Lauriston. 
Lorsque  son  cousin  {voy.  l'art,  sui- 
vant) fut  nommé  pair  de  France,  il 
fut  élu  député  à  sa  place.  Il  avait 
épousé  la  fille  du  chancelier  Dambray 
en  1805,  et  le  roi  lui  ayant  accordé  la 
survivance  de  la  pairie  de  son  beau- 
père  (1),  il  entra  à  la  chambre  haute 
après  la  mort  de  celui-ci,  à  la  fin  de 
18'29.  Lors  de  la  révolution  de  juil- 
let 1830,  tout  en  restant  fidèle  à  la 
royauté  déchue, il  ne  crut  point  de- 


(i)  Le  vicomte  F.mmnmni  Dr.mljray,  fils 
du  cliaucelier  ,  avnit  élc  nommé  pair  de 
Fiance  le  17  ;ioiit  i8i5,  avant  que  la  p:iiiie 
(Vit  (icclai'ée  liéiédilaite,  et  c'est  ce  qui  ex- 
plique fominent  la  survivance  du  chancelier 
put  être  accordée  à  son  gendre. 


voir  refuser  le  serment.  Malgré  son 
très  mauvais  état  de  santé,  il  parut 
plusicuisfoisàlatribune,  pourdéfen 
dre  les  principes  monarchiques,  et 
ses  discours  ne  manquent  ni  de  ta- 
lent ni  de  fermeté.  Il  mourut  le  29 
avril  18 12,  laissant  un  fils  et  plusieurs 
filles.  Il  était  officier  de  la  Légion- 
d'Honneur  et  commandeur  de  Saint- 
Ferdinand.  On  a  de  lui  :  L  Mé- 
moire sur  la  nécessité  de  rendre 
Vexistence  à  un  commerce  de  sel^ 
nommé  commerce  de  la  troque,  Paris, 
1814,  in-4''.  II.  Une  révolution  doit 
avoirun  terme,  1816,  in-S".  III.  Ré- 
flexions sur  Vesprit  du  projet  de  loi 
des  élections,  soumises  à  la  chambre 
des  i:airs  de  France.  1817,  in-8o.  IV. 
Réflexions  sur  le  recrutement  de  l'ar- 
mée, 1818,  in-8o.  V.  La  crise  de  l'Es- 
pagne, traduite  de  l'anglais  de  Mur- 
ray,  1823,  in-S".  VI.  Réflexions  sur  la 
nécessité  de  protéger  l'existence  des 
salines  de  mer,  1825,  in-S".  VII.  Du 
serment  au  souverain  dans  le  royau- 
me constilulionnel,  et  particulière- 
ment dans  cette  occasion  à  Monsei- 
gneur le  duc  d'Orléans,  comme  roi 
des  fVrtMpats,  1830,  in-8".  VIII.  Dis- 
cours prononcé  à  la  Chambre  des 
pairs,  dans  la  séance  du  24  décem- 
bre 1831,  1832,  in-8°.  IX  Réflexions 
contre  la  compétence  de  la  chambre 
des  pairs,  dans  Vaffaire  d'avril 
1834  :  1°  point  de  droit  politique; 
2"  justice  de  convenance;  impossi- 
bilité ;  conclusion  ;  supplément, 
1835,  in-8°.  C— H-N. 

SESMAISONS  (le  comte  Louis- 
IIlmbert  de),  cousin  du  précédent, 
entra  sous  la  première  restauration 
dans  la  «naison  du  roi;  en  1815  il 
suivit  Louis  XVIII  à  Gand,  et  après 
le  second  retour  de  ce  monarque  il 
fut  élu  député  de  la  Loire-Inférieure 
à  la  chambre  introuvable* où  on  le 
vit  se  placer  en  première  ligne  par- 


160 


SER 


mi  les  royalistes.  Le  27  octobre,  dans 
la  discussion  du  projet  de  loi  sur  les 
peines  à  infliger  aux  perturbateurs 
de  l'ordre  public,  il  proposa  plu- 
sieurs amendements,  dont  un  entre 
autres  portait  la  peine  de  mort  pour 
attentat  de  lèse-majesté,  et  à  celte 
occasion  il  représenta  le  20  mars 
comme  fomentéparleshommesde  93. 
11  fit  ensuite  partie  de  la  commission 
de  la  loi  d'amnistie.  Au  mois  de  dé- 
cembre suivant,  il  sedistingua  parmi 
les  membres  les  plus  ardents  de  la 
majorité  qui  accusaient  M.  Decazes 
de  révasioa  de  Lavalette  ,  et  for- 
mula un  amendement  pour  que  les 
ministres  eussent  à  rendre  compte  de 
leur  conduite.  Dans  la  discussion  sur 
la  loi  électorale,  il  demanda  que  l'é- 
ligibilité des  députés  fût  lixée  à  25 
ans,  se  fondant  sur  l'exemple  du 
célèbre  Pitt,  qui  siégeait  au  parle- 
ment dès  l'âge  de  22  ans.  On  doit 
dire  que,  lors  de  la  discussion  du 
budget,  il  présenta  des  vues  et  des 
réflexions  intéressantes  à  propos  des 
droits  à  imposer  sur  le  sel.  L'ordon- 
nance du  5  septembre  vint  mettre 
un  terme  momentané  à  sa  carrière 
parlementaire.  Il  fut  alors  nommé 
lieutenant-colonel  et  chevalier  de 
Saint-Louis.  En  1824  le  département 
de  la  Loire-Inférieure  l'envoya  de 
nouveau  à  la  chambre.  Cette  même 
année  mourut  son  père,  qui  était  lieu- 
tenant-général et  l'un  des  gentils- 
hommes d'honneur  de  Monsieur.  Il 
le  remplaça  dans  celte  charge,  et  fut 
ensuite  compris  dans  la  longue  liste 
de  pairs  de  France  de  la  lin  de 
1827.  Il  se  fit  peu  remarquer  à  la 
chambre,  et  la  révolution  de  Juillet, 
en  annulant  les  nominations  faites 
par  Charles  X,  le  fit  sortir  entière- 
ment de  la  scène  politique.  Il  mou- 
rut, jeune  encore,  à  la  lin  de  1837. 
Outre  des  articles  qu'il  a  insérés  dans 


SER 

la  Quotidienne  sur  le  21  mars,  l'an- 
niversaire de  la  mort  du  duc  d'En- 
ghien,  et  la  mort  du  prince  de  Condé, 
on  a  de  lui  :  I.  Rapport  fait  à  la 
chambre  des  députés,  le  ii  avril 
1822^  sur  la  pétition  Douglas  Love- 
day,  Paris,  1822,  in-8°.  M.  Douglas 
Loveday,  Anglais  et  protestant,  se 
plaignait  du  rapt  de  séduction  opéré 
sur  ses  deux  filles  et  sur  sa  nièce, 
pour  les  convertir  au  catholicisme- 
Sesmaisons,  rapporteur  de  la  com- 
mission, soutenant  que  cette  atfaire 
était  du  ressort  des  tribunaux,  pro- 
posa l'ordre  du  jour,  qui,  après  une 
vive  discussion,  fut  adopté,  comme 
il  l'avait  déjà  été  par  la  chambre  des 
pairs,  à  laquelle  le  pétitionnaire 
s'était  aussi  adressé.  Une  polémique 
s'engagea  sur  ce  sujet  et  donna  lieu 
à  la  publication  de  plusieurs  écrits. 
II.  Léchant  des  martyrs  (en  prose), 
Paris,  1826,  in- 12.  Cet  ouvrage  fut 
vendu  au  prolit  de  la  souscription 
pour  le  monument  de  Quiberon.  111. 
Opinion  sur  le  projet  de  loi  relatif 
aux  salines  de  Vie  ,  Paris,  1825, 
in-8*'.  IV.  Opinion  dans  la  discus- 
sion sur  la  loi  de  la  presse,  1827, 
in-80.  V.  Opinion  sur  la  loi  dc- 
paWemmfaie,  1829,  in-8°.  VI.  Opi- 
nion dans  la  discussion  sur  la  do- 
tation de  la  chambre  des  pairs,  à 
l'article  relatif  à  la  transmission, 
1829,  in-S".  VII. Opinion  sur  les  trai- 
tements des  préfets,  1829,in-8°.  VIII. 
Réflexions  sur  la  proposition  de 
supprimer  les  conseils  d'arrondisse- 
ment faite  par  la  commission  char- 
gée de  l'examen  du  projet  de  loi  dé- 
partementale, 1829,  in-8°.  X.  Ré- 
ponse à  un  écrit  de  M .  Le  Buhotel, 
Cherbourg,  1834,  in-4».  C— h— N. 
SESTINI  (l'abbé  Dominique),  cé- 
lèbre numismatiste,  naturaliste  et 
voyageur,  fut  membre  de  l'Institut 
de  France,  ayant  été  élu  associé 


SES 


SES 


ICI 


étranger  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres  le  20  décem- 
bre 1820,  après  avoir  été  nommé 
précédemment  correspondant  de  la 
même  Académie  le  30  novembre  1810. 
Il  naquit  à  Florence  vers  1750,  et 
mourut  dans  la  même  ville,  en  1832, 
âgé  de  82  ans.  Il  fit  ses  études  au 
collège  de  Saint-Marc,  et  s'engagea 
ensuite  dans  la  carrière  ecclésiasti- 
que. Dès  sa  jeunesse  il  eut  le  goût  des 
voyages ,  de  l'érudition  et  de  la  bo- 
tanique. A  l'âge  de  24  ans  il  quitta 
la  maison  paternelle,  le  24  septem- 
bre 1774,  et  voyagea  pendant  quatre 
ans,  travaillant  sans  cesse,  visitant 
les  cabinets  de  médailles  et  herbo- 
risant. Il  Ut  imprimer  a  Florence  et 
à  Livourne  ses  relations  et  ses  diver- 
ses pérégrinations  j  elles  parurent 
en  7  petits  volumes  in-12  entre  les 
années  1774-1778,  sous  le  titre  de 
Lettres  écrites  de  Sicile  et  de  la  Tur- 
quie (c'est-à-dire  de  Constantinople) 
à  divers  amis  en  Toscane.  Ces  let- 
tres furent  traduites  par  Pingeron  en 
3  vol.in-8°.  Pingeron,  qui  lui-même 
avait  voyagé  en  Sicile,  y  ajouta  quel- 
ques mots  qui  rendent  cette  traduc- 
tion française  préférable  à  l'origirfal 
italien.  Jagemann  publia  à  Lei[)zick 
les  deux  premiers  volumes  de  ces 
voyages  en  allemand,  mais  ne  conti- 
nua pas  ;  les  cinq  premiers  volumes 
de  l'édition  italienne  ne  sont  relatifs 
qu'à  la  Sicile  -,  les  deux  autres  décri- 
vent Péra  et  surtout  Constantinople. 
Cette  édition,  tirée  à  250  exemplai- 
res, est  très-rare,  une  partie  consi- 
dérable étant  demeurée  à  Catane,  et 
une  autre  ayant  péri  sur  mer.  Ses- 
tini,  dans  ces  divers  voyages,  avait 
visité  Rome,  Naples  et  la  Sicile;  il 
fut  retenu  trois  ans  dans  ce  dernier 
pays,  à  Catane,  par  le  prince  Biscari 
qui  voulut  se  l'attacher  comme  bi- 
bliothécaire et  lui  confier  la  direction 

LXXXII. 


de  son  riche  cabinet.  Sestini  a  fait 
imprimer,  en  1786,  à  Florence,  la 
description  des  antiquités  du  cabinet 
de  ce  prince;  et,  en  1777,  un  pre- 
mier volume  de  ses  ouvrages  sur 
l'agriculture,  les  productions  et  le 
commerce  de  la  Sicile ,  fut  aussi  le 
fruit  de  son  séjour  en  Sicile.  L'air 
de  Catane  étant  nuisible  à  la  santé 
de  Sestini,  il  quitta  la  Sicile  en 
1777,  passa  à  Malte  et  à  Smyrne,  et 
arriva  en  1778  à  Constantinople, 
alors  ravagée  par  la  peste.  Il  entre- 
prit ensuite  un  petit  voyage  à  la  pé- 
ninsule de  Cyzique  en  passant  par 
Brusse  et  Nicée,  et  fit  imprimer  la 
relation  de  ce  voyage  à  Livourne,  en 
1785,  en  2  volumes  in-8'',  sous  le 
titre  de  Lettere  Odeporiche.  Sestini 
soutint  dans  cet  ouvrage  l'opinion  que 
le  lac  de  Nicée  est  isolé  et  sans  aucun 
écoulement;  il  futpubliédece  voyage 
une  traduction  française,  en  1789, 
en  1  vol.  in-S",  par  Pingeron.  Cet 
ouvrage  est  terminé  par  la  flore  du 
mont  Olympe  de  Bythinie,  conte- 
nant 531  plantes  décrites  par  Ses- 
tini. Une  petite  dissertation  sur  la 
peste  de  Constantinople,  imprimée 
îi  Florence  (sous  la  fausse  indication 
d'Yverdun),  1779,  in-12,  et  une  au- 
tre sur  la  culture  de  la  vigne  le  long 
de  la  côte  de  Marmara  (  Sienne , 
1786),  ont  été  les  résultats  de  ces 
voyages.  On  imprima  à  Florence,  en 
1785,  ces  opuscoli  sans  la  participa- 
tion de  l'auteur;  dans  cette  édition, 
les  noms  turcs  sont  défigurés.  Lors- 
qu'il fut  revenu  à  Constantinople,  le 
comte  Ludoff,  ambassadeur  de  Naples, 
emmena  avec  lui  Sestini  dans  la  belle 
maison  de  campagne  qu'il  possédait  à 
Thérapia;  il  donna  des  soins  à  l'éduca- 
tion des  deux  fils  de  cet  ambassadeur 
et  fit  avec  eux  diverses  excursions  en 
Europe  et  en  Asie.  La  relation  de  ce 
voyage,  de  Constantinople  à  Boukha- 
11 


162 


SES 


resf,  fat  imprimée  h.  Rome,  en  1794. 
On  trouve  dans  ce  livre  une  lettre  ii 
l'avocat  Coltcllini  de  Cortone  sur  les 
chèvres  d'Angora  et  les  fabriqnes  de 
châles  i  cette  lettre  a  été  traduite  par 
Jagemann  dans  le  Nouveau  Mercure 
allemand   de   1794.  Sestini  quitta 
Boukharest  en  1780.  Il  vécut  pen- 
dant quelque  temps  dans  la  maison 
de  l'hospodar  de  Valachie,  prince  Yp- 
silanti,  et  se  rendit  à  Vienne  après 
avoir   visité  la  Transylvanie  et   la 
Hongrie.  La  relation  de  ce  voyage, 
qu'il  avait  rédigée,  ne  fut  imprimée 
à   Florence   qu'en    1815.    Au  mois 
d'aoiit  1780,  il  partit  de  Vienne  pour 
retourner  à  Constantinople  par  le 
Danube  et  la  mer  Noire.  Le  récit  de 
ce  voyage  ne  fut  imprimé  qu'en  1807, 
à  Berlin,  dans  un  recueil  in-S»  inti- 
tulé :  Voyages  et  opuscules  divers. 
De  retour  à  Constantinople,  ses  con- 
naissances numismatiques  le  tirent 
rechercher  de  M.   Ainslie ,  ambas- 
sadeur   d'Angleterre  auprès   de    la 
Porte,  lequel  s'occupait  de  former 
une  collection  de  médailles   grec- 
ques. Sestini  fit ,  sous  les  auspices 
de  cet  ambassadeur,  diverses  excur- 
sions qui  lui  permirent  de  rassem- 
bler plus  de  10,000  médailles,  sans 
compter  les  doubles.  Il  a  décrit  et 
fait  graver  un  grand    nombre  des 
plus  curieuses  dans  ses  divers  ou- 
vrages, et  il  en  a  donné  une  descrip- 
tion sommaire  dans  le  tome  II  de  ses 
Lettres  et  Dissertations.  M.  Sulli- 
van, ayant  été  nommé  résident  de  la 
compagnie  des  Indes  anglaises  au- 
près du  nabab  de  Golconde,  se  dis- 
posait à  passer  dans  l'Inde,  ce  qui 
donna  occasion  à   Sestini   d'entre- 
prendre un  grand   voyage  d'Asie, 
de  Constantinople  à  Bassora;il  fit 
imprimer  en  un  vol.  in-4"  la  relation 
de  ce  voyage ,  à  Livourne ,  avec  la 
fausse    indication  {  d'Yverdun ,  ^en 


SES 

1786.  Le  retour  de  Bassora  à  Con- 
stantinople, par  le  Tigre,  l'Euphrate 
et  le  désert,  qui  eut  lieu  dans  les 
trois  premiers  mois  de  1782,  fut  en- 
suite le  sujet  d'une  autre   relation 
qui  fut  imprimée  après  la  précédente 
et  dans  la  même  ville.  L'une  et  l'au- 
tre furent  traduites  en  français  par 
le  comte  Fleury  et  furent  publiées  à 
Paris,  en  l'an  VI  (1798),  en  1  vol. 
in-8°.  M.  Quérard  assure  que  ce  vo- 
lume a  été  imprimé  sur  du  papier  fa- 
briqué avec  des  assignais  de  20  fr.  Au 
mois  d'aofit  1782,  Sestini  entreprit  un 
nouveau  voyage  par  diverses  provin- 
ces de  l'Asie-Mineure  ;  la  relation  ne 
parut  qu'en  1807  dans  le  recueil  de  ses 
Voyages  et  opuscules  divers.  E  n  1 783 , 
Sestini  se  rendit  de  Constantinople  à 
Smyrne,  et  ensuite  à  Marseille,  puis 
à  Naples  d'où  il   s'embarqua   pour 
Smyrne,  et  retourna  à  Constantino- 
ple d\)ù  il  était  parti,  en  1784.  Il  a 
aussi  écrit  la  relation  de  ce  voyage, 
mais  elle  est  restée  manuscrite.  Il 
en  est  de  même  de  la  relation    du 
voyage  qu'il  fit  l'année  suivante.  Par- 
tant de  Constantinople,  il  visita  l'île 
de  Lemnos,  Monte-Santo ,   Miconi, 
Alexandrie  d'Egypte ,   pour   la  se- 
conde fois;  de  là  il  s'embarqua  pour 
Livourne,  visita  Rhodes,  l'île  de  Cos, 
vint  à  Florence ,  sa  patrie,  en  partit 
et  se  rendit  à  Malte,  en  Sicile,  et  re- 
tourna à  Constantinople   en   1786. 
L'année  suivante  il  fit  le  voyage  d'An- 
gora en  Galatie,  dont  il  a  publié  la 
relation  dans  le  recueil  de  ses  Voya- 
ges et  opuscules  divers.  Plusieurs 
portions  de  ce  voyage  avaient  déjà  été 
insérées  par  lui  dans  son  Voyage  de 
Constantinople  à  Boukharest.  L'an- 
née suivante,  en  1788,  il  voyagea  en 
Macédoine,  en  Thessalie  ;  visita Thes- 
salonique,  Pella,  Valo,  et  se  rendit 
de  ce  lien  à  Raguse,  d'où  il  s'embar- 
qua pour  Constantinople^  ira  écrit 


SES 

aussi  la  relation  de  ce  voyage,  mais 
elle  n'a  pas  été  publiée.  Il  se  plaint 
à  ce  sujet  des  libraires  italiens  qui 
refusent  d'imprimer  les  ouvrages 
scientifiques  ,  même  en  leur  livrant 
pour  rien  les  manuscrits.  En  1790,  il 
s'embarqua  à  Constantinople,  sur  la 
frégate  anglaise  V Aquilon,  visita 
Livourne  et  Florence,  et  retourna 
à  Constantinople  en  1791.  Au  mois 
,  d'août  de  la  même  année  il  partit 
encoredeConstantinople  pour  se  ren- 
dre à  Smyrne,  afin  de  trouver  un 
moyen  de  transport  pour  aller  à 
Livourne.  Il  eut  le  malheur  de 
s'embarquer  sur  un  vieux  bâtiment 
provençal  qui,  après  avoir  relâché  à 
Tchesmc  et  à  Scio,  finit  par  faire 
naufrage  à  Navarin  en  Morée.  Ses- 
tini  fut  obligé  de  passer  à  Thessalo- 
nique  et  d'y  attendre  un  moyen  de 
transport  pour  Livourne,  où  il  n'ar- 
riva qu'en  avril  1792.  Telle  fut  la  fin 
de  toutes  les  excursions  de  Sestini 
en  Orient,  dont  nous  avons  donné  la 
liste  et  fixé  les  dates  d'après  lui-mô- 
me. Mais  ce  ne  fut  pas  la  fin  de  tous 
ses  voyages  ;  il  nous  reste  à  parler  de 
ceux  qu'il  fil  en  Europe.  En  1793,  il 
visita  diverses  parties  de  l'Italie  et  de 
l'Allemagne,  et  de  là  il  se  rendit  en 
Prusse,  séjourna  assez  long-temps  à 
Berlin  et  à  Charlottenbourg  :  en  1810, 
il  vint  à  Paris  ,  puis  il  retourna  en- 
core à  Florence.  En  1812,  la  grande- 
duchesse  de  Toscane,  la  princesse 
Élisa,  le  nomma  son  bibliothécaire  et 
son  antiquaire.  Le  grand-duc  Ferdi- 
nand 111,  en  remontant  sur  le  trône, 
le  confirma  dans  ces  emplois  et  le 
nomma  en  outre  professeur  hono- 
raire de  l'université  de  Pise.  Il  se 
rendit  en  Hongrie,  à  Hydervar,  près 
de  Vienne,  où  il  s'occupa  à  classer 
et  à  décrire  le  magnifique  cabinet  de 
médailles  du  comte  de  Wiczay  ;  rc- 
tounié  ensuite  dans  sa  ville  natale,  il 


SES 


168 


ne  la  quiifa  plus.  Sestini  a  fait  con- 
naître un  grand  notnbre  de  monu- 
ments numismatiques,  et  les  ouvrages 
qu'il  a  publiés  sur  cette  science  sont 
très  nombreux.  Le  plus  important 
est  intitulé:  Classes  générales  de  la 
géographie  numismatique^  disposées 
selon  le  système  d'Eckhel,  et  parut  à 
Leipzick,  en  1797,  in-l";  il  en  fut  pu- 
blié une  nouvelle  édition  en  1821.  Le 
but  de  ce  livie  est  de  donner  la  clas- 
sification, avec  des  augmentations  et 
des  rectifications.  Ce  tableau,  ce  sys- 
tème général  de  la  science  ,  est  cer- 
tainement plus  conjplet  que  celui 
d'Eckhel,  car  un  grand  nombre  de 
nouvelles  médailles  avaient  été  dé- 
couvertes depuis  la  publication  de 
l'ouvrage  de  cet  auteur;  mais  Sestini 
est  loin  d'égaler  la  profonde  érudition 
et  la  grande  sagacité  du  savant  jé- 
suite. Beaucoup  de  déterminations 
de  lieux  et  d'époques  que  renferme 
l'œuvre  de  Sestini  ont  besoin  d'ê- 
tre soumises  à  de  nouvelles  discus- 
sions, et  les  progrès  de  la  numis- 
matique ,  depuis  la  publication  de 
son  livre,  font  qu'il  ne  doit  être 
consulté  qu'avec  précaution.  Des  re- 
cherches récentes  paraissent  sur- 
tout avoir  démontré  les  erreurs  où  il 
est  tondié,  dans  le  travail  important, 
par  son  objet,  qu'il  a  publié  en  1818, 
à  Florence,  sur  les  médailles  hispa- 
niques et  celtibériennes  du  cabinet 
d'Heden.  Les  premiers  écrits  de  Ses- 
tini sur  la  numismatique  furent  sa 
Dissertation  sur  quelques  monnaies 
arméniennes  du  prince  de  Rupen,  de 
la  collection  d'Anslie,  1790  (le  sys- 
tème de  l'auteur  sur  l'ère  des  Arsa- 
cides  qu'il  fixe  à  l'an  300  n'a  pas  été 
adopté);  ses  Lettres  et  dissertations 
numismatiques  sur  les  médailles  ra- 
res, qu'il  fit  paraître  à  Livourne  en  9 
petits  cahiers  in-4",  et  qui  furent  sui- 
vies de  la  publication  faite  à  Rome, 
11. 


164 


SES 


dans  le  même  format,  en  1794,  de 
ses  Observations  sur  une  me'daille 
d'Eropus  1I[ ,  roi  de  Macédoine,  et 
sur  une  série  de  médailles  de  Plolé- 
mée,lilsdeJuba,etc.Lesautresécrils 
de  Sestini  sur  la  numismatique  se 
succédèrent  ensuite  rapidement  ;  en 
1796  il  lit  paraître  à  Leipzick  :  Des- 
cription des  médailles  anciennes  des 
Musées  Ainslie,  Bellini,  Bcndacca  , 
Borgia,  etc.  ;  à  Rome,  Explication 
d'une  médaille  antique  de  plomb  ap- 
partenantù  Fei/e/n;  à  Berlin,  in-f\ 
en  1805,  Catalogue  des  médailles  du 
Musée  arigonien;  en  1808,  Descrip- 
tion d^un  choix  de  médailles  en 
grand  bronze  du  cabinet  de  l'abbé  de 
Camps;  et  en  1809,  Description  des 
médailles  grecques  et  romaines  de 
Benkowitz;  à  Milan,  en  1813  et 
1817,  Dissertations  numismatiques. 
Deux  autres  volumes  de  cet  ouvrage 
ont  paru  à  Pise  et  à  Milan,  et  un 
quatrième  a  Florence,  en  1818  :  on 
remarque  surtout  dans  ce  dernier  50 
médailles  d'OIbiopolis  et  un  grand 
nombre  de  médailles  de  Penticapée 
et  de  Chersounèse  reproduites  par  la 
gravure-,  à  Milan,  encore  en  1817, 
Dissertation  sur  les  médailles  anti- 
ques relatives  à  la  confédération 
des  Achéens.  Lettres  à  l'auteur  de 
l'exlrait  du  livre  intitulé  Catalogue 
des  médailles  antiques  du  Musée  du 
roi  de  Danemark^  1818.  Descrip' 
tion  des  médailles  grecques  du  cabi- 
net  de  M.  Charles  FontanaàTrieste^ 
Florence,  1822,  in-40.  Sestini  a  pu- 
blié aussi  quelques  écrits  archéolo- 
giques sur  des  monuments  anciens  ; 
savoir  :  Dissertation  sur  un  vase 
antique  de  Perse  trouvé  dans  un 
tombeau  près  de  faixtique  Populanie, 
Florence,  1812.  Cette  dissertation  a 
été  traduite  par  M.  Grivaud  de  la 
Vincelle,  1813,  in-S^dans  \eMaga- 
sin  encyclopédique,  I8«  année,  1813, 


SES 

in-S".  Sestini  donne  dans  cet  ouvrage 
d'intéressants  détails  sur  le  point 
auquel  les  anciens  avaient  poussé 
l'art  de  travailler  le  verre.  Disserta- 
tion sur  les  statues  antiques  expli- 
quées par  les  médailles.  Cet  ouvrage 
intéresse  la  connaissance  des  poids  et 
desmonnaiesdesanciensGrecs.  Diss. 
sur  une  ancienne  patère  étrusque , 
Rome,  1796,  in-4°.  Dans  ses  Opuscu- 
les divers ,  imprimés  en  1807,  au 
nombre  de  dix,  outre  les  voyages  que 
nous  avons  mentionnés,  on  trouve 
d'autres  opuscules  sur  le  murex  des 
anciens,  sur  l'usage  des  plombeaux 
et  des  anneaux  des  anciens  ;  sur  la 
culture  du  sésame,  sur  quelques  figu- 
linœ  chronologicœ  du  cabinet  Bis- 
cari  ;  puis  le  traité  de  Maurolyco  De 
Piscibus  siculis;  la  lettre  de  Sadik  cl 
Tchelebi  sur  un  colloque  d'un  iman 
turc,  avec  des  notes  de  Sestini,  et 
enlin  l'intéressante  notice  sur  les 
Yezidis  que  Sestini  avait  reçue  du 
père  Garzoni,  qui  a  été  traduite  en 
français  par  Silvcstre  de  Sacy  et 
insérée  à  la  suite  de  la  Description 
dupaehalikde  Bagdad,  1809,  in-8", 
p.  183.  Sestini  avait  conçu  le  projet, 
qu'il  n'a  point  exécuté,  de  former  un 
corps  complet  de  numismatique  ;  la 
collection  de  ses  notes  relatives  à 
cet  ouvrage  se  composait  déjà,  en 
1805,  de  12  vol.  in-fol.,  et  l'on  croit 
qu'il  n'avait  pas  cessé  de  l'accroître 
jnsqu'à  sa  mort.  Ce  laborieux  sa- 
vant, malgré  son  grand  âge,  conserva 
jusqu'à  la  fin  toutes  ses  facultés. 

W— R. 

SESTINI  (BARTHÉr.EMij ,  poète  et 
improvisateur  italien,  né  le  li  octo- 
bre 1792,  à  Sauf  Amato,  dans  le  dio- 
cèse de  Pistoie,  était  (ils  de  l'intendant 
de  la  famille  Fabbroni.  Après  avoir 
commencé  ses  éludes  sous  le  curé  de 
son  village,  il  fut,  ù  l'âge  de  neuf  ans, 
envoyé  par  son  père  à  Pisloie,  pour  y 


SES 

cultiver  le  goût  des  arts  du  dessin, 
qui  déjà  se  montrait  en  lui  avec  celui 
de  la  poésie.  Joseph  Yannacci,  dit  le 
Pace,  fut  son  premier  maître.  Sestini 
partageait  son  temps  entre  l'atelier 
de  cet  artiste  et  l'étude  d'uD  malhé- 
maticien,  afin  d'obéir  à  la  volonté  de 
sa  famille,  qui  voulait  faire  de  lui  un 
gromètre.  Il  resta  quatre  ans  à  Pis- 
toie,  puis  il  se  rendit  à  Florence  au- 
près du  Castaguoli,  de  Prato,  qui  lui 
enseigna  la  perspective  et  l'art  de 
peindre  en  détrempe ,  tandis  que 
Ferroni  le  perfectionnait  dans  les  ma- 
thématiques et  l'architecture.  Mais 
ces  études  artistiques  ne  suffisaient 
déjà  plus  à  l'âme  do  Sestini, qui  se  sen- 
tait entraîné  irrésistiblement  vers  la 
poésie.  Tous  les  instants  qu'il  pouvait 
dérober  à  ses  occupations  ordinaires, 
il  les  passait  à  la  bibliothèque  Maglia- 
becchi,  où  il  s'enivrait  de  la  lecture 
des  meilleurs  poètes.  Une  vocation  si 
prononcée  lui  fit  promptement  con- 
tracter amitié  avec  Sgricci  {voy.  ce 
nom  ci-après)  et  avec  Ugo  Foscolo, 
qui  possédait  une  maison  de  cam- 
pagne à  Bellisguardo,  près  de  Flo- 
rence. Ce  fut  là  qu'il  commença  à 
improviser  au  milieu  d'un  auditoire 
choisi  et  bienveillant  5  ce  fut  là  aussi 
qu'il  composa  plusieurs  des  poé- 
sies qui  devaient  donner  à  son  nom 
une  gloire  plus  durable.  Sestini  s'o:i- 
bliait  dans  les  délices  de  cette  vie  flo- 
rentine si  douce,  si  hospitalière, 
et  il  n'aurait  ^uère  songé  à  rentrer 
dans  sa  famille,  dont  il  était  séparé 
depuis  six  ans,  sans  un  ordre  exprès 
de  son  père  qui  voulait  lui  confier  des 
travaux  conformes  à  ses  connaissan- 
ces en  mathématiques.  Le  jeune  poète 
obéit  et  passa  plusieurs  années  à  le- 
ver des  plans  et  à  mesurer  des  terres, 
tout  en  se  livrant  à  ses  rêveries.  Un 
jour  qu'il  s'était  laissé  absorber  plus 
que  de  coutume  dans  la  lecture  d'un 


SES 


165 


livre  de  poésies ,  il  fut  vivement  ré- 
primandé par  son  père,  qui  n'en  re- 
cevant aucune  réponse  et  le  voyant 
pensif  et  les  yeux  fixés  vers  la  terre, 
s'écria  :  «  Mais  que  fais -tu  donc,  que 
penses-tu? —  Je  cherche,  reprit  le 
jeune  homme ,  à  répondre  en  vers 
à  vos  reproches.  •  Depuis  ce  mo- 
ment Sestini  trouva  dans  sa  famille 
moins  de  résistance  à  ses  goûts,  et  il 
put  donner  de  fréquentes  séances 
d'improvisation  tant  sur  le  théâtre  de 
Pistoie  que  dans  les  maisons  particu- 
lières.Oncomprend  qu'avec  une  ima- 
gination aussi  ardente  il  ne  devait  pas 
rester  étranger  au  senliment  de  l'a- 
mour. Les  deux  femmes  qu'il  aima  et 
chanta  appartiennent  à  cette  classe  de 
villageoises  qui,  ne  recevant  qu'une 
éducation  des  plus  simples,  conser- 
vent par  cela  même  dans  toute  leur 
primitive  ingénuité  les  qualités  dont 
la  nature  les  a  douées,  et  frappent 
plus  que  toute  autre  le  cœur  naïf  des 
poètes.  Malgré  la  modestie  de  ses 
choix,  Sestini  n'en  fut  pas  plus  heu- 
reux, non  qu'il  eût  mal  placé  ses  affec- 
tions, mais  parce  que  la  destinée  se 
plut  à  les  traverser.  Les  deux  per- 
sonnes qu'il  aima  furent  toutes  deux 
enlevées  dans  la  fleur  de  leur  jeu- 
nesse. Les  circonstances  qui  accom- 
pagnèrent la  mort  de  la  seconde 
sont  vraiment  romanesques  et  de 
nature  à  laisser  des  traces  ineffaça- 
bles dans  les  souvenirs  d'un  poète. 
Un  jour  elle  attendait  sousun  arbre,  à 
quelques  pas  de  sa  maison ,  la  visite 
quotidienne  de  son  amant  quand  elle 
fut  frappée  par  la  foudre,  sans  que 
rien  eût  annoncé  l'apparition  d'un 
orage.  Sestini ,  qui  se  trouvait  en 
route,  vit  l'explosion  et  arriva,  plein 
d'un  sinistre  pressentiment,  au  pied 
de  l'arbre  où  les  parents  de  la  jeune 
fille  se  pressaient,  en  jetant  des  cris 
affreux ,  autour  du  corps  inanimé. 


166 


SES 


Ce  tragique  événement  lui  fit  prendre 
son  pays  en  dégoût,  aversion  qui  fut 
encore  augmentée  par  la  mort  de 
son  père  qui  cul  lieu  peu  de  temps 
après.  Rien  ne  le  retenant  plus  sur 
la  terre  natale,  il  arrangea  ses  affai- 
res, confia  à  sa  belle-mère  le  soin 
de  ses  intérêts,  puis  se  mit  en  route 
de  compagnie  avec  Baldinotti,  autre 
improvisateur  de  quelque  talent.  Il 
parcourut  la  Toscane,  la  Romagne, 
le  royaume  de  Naples  et  la  Sicile, 
donnant  partout  des  séances  d'im- 
provisalion.  Sa  tournée  poétique 
lui  valait,  comme  d'ordinaire,  plus 
d'applaudissements  que  d'argent  ; 
mais,  si  préparé  qu'il  fût  aux  revers 
de  fortune,  il  était  loin  de  s'atten- 
dre à  la  péripétie  du  dénouement. 
Déjà  il  avait  visité  sans  encombre 
plusieurs  villes  de  la  Sicile,  quand, 
arrivé  à  Palerme,  il  fut  tout  à  coup 
arrêté  et  jeté  en  prison,  sans  qu'il 
pût  seulement  en  soupçonner  lemotif. 
C'était  en  1821, une  de  ces  époques  de 
fermentation  politique  où  les  moin- 
dres indices  deviennent  des  crimes 
aux  yeux  d'une  police  ombrageuse. 
La  qualité  de  Toscan  et  celle  d'im- 
provisateur, qui  n'avait  pas  toujours 
été  fort  scrupuleux  dans  le  choix  de 
ses  sujets,  suffirent  probablement  aux 
sbires  palermitains  pour  se  croire 
obligés  de  douner  au  poète  voyageur 
un  logement  dans  leur  prison.  11 
eut  beau  se  récrier,  on  le  laissa  se 
plaindre  dans  sa  cellule  tout  à  son 
aise,  et  ce  ne  fut  qu'après  plusieurs 
mois  de  cette  retraite  forcée  qu'on  lui 
rendit  la  liberté,  grâce  à  l'interven- 
tion du  gouvernement  toscan.  Cette 
mésaventure  le  dégoûta  des  excur- 
sions dans  la  péninsule  italique  et  lui 
fit  tourner  les  yeux  vers  le  pays 
du  continent  où  de  tels  abus  de 
pouvoir  étaient  alors  le  moins  pos- 
sibles. 11  s'embarqua  pour  la  France, 


SES 

s'arrêta  quelques  jours  à  Marseille, 
puis  vint  à  Paris  où  il  était  déjà  connu 
de  réputation.  Les  hommes  les  plus 
distingués  du  monde  littéraire  se  ren- 
dirent avec  empressement  au  petit 
nombre  de  séances  qu'il  put  don- 
ner, car  il  sentait  déjà  les  atteintes 
du  mal  qui  devait  bientôt  l'enlever  à 
la  fleur  de  l'âge.  Jamais  cependant  il 
n'avait  été  si  animé,  si  plein  de  feu 
et  d'enthousiasme,  jamais  il  n'avait 
triomphé  avec  moins  d'efforts  des  su- 
jets les  plus  difficiles.  Tout  le  monde 
admira  la  pièce  sur  Pyihagorc,  où  il 
suppose  que  ce  philosophe  1  rouva  les 
lois  de  l'harmonie  en  écoutant  l'ac- 
cord des  coups  de  marteau  d'une 
forge.  Telle  était  l'élégance  de  la  ver- 
sification, la  beauté  des  images,  l'en- 
chaînement des  idées, qu'on  aurait  pu 
croire  toute  la  pièce  écrite  à  l'avance, 
si  plusieurs  traits  n'avaient  été  tirés 
des  circonstances  du  moment  et  du 
lieu  de  l'improvisation.Toul  le  monde 
fut  ému  jusqu'aux  larmes  par  les  stan- 
ces ou  le  poète  déplora  sa  fin  pré- 
maturée et  prochaine  sur  nue  terre 
étrangère  :  c'était  le  chant  du  cygne. 
11  mourut  peu  de  jours  après  (11  nov. 
1822)  d'uue  inflammation  cérébrale. 
On  a  de  lui  :  I.  Ode  sur  la  bataille 
d'Iéna.  II.  Amours  champêtres.  III. 
La  Pia,  légende  romantique  en  trois 
chants,  qui  a  eu  six  éditions  (Rome, 
1822  ;  Milan,  1837)  et  qui  a  été  tra- 
duite en  français  par  M,  Cardini,  Pa- 
ris, 1822,  in-8".  Ce  sont  les  derniers 
vers  du  chaut  V  du  Purgatoire,  de 
Dante,  qui  en  ont  fourni  le  sujet. 
L'auteur  en  a  tiré  le  meilleur  parti 
possible  comme  canevas  d'une  his- 
toire triste  et  touchante.  L'héroïne, 
qui  donne  son  nom  au  poème,  est 
une  jeune  femme  qu'un  amant  dé- 
daigné accuse  d'adultère,  et  que  son 
mari  jaloux  conduit  dans  un  châ- 
teau situé  au  milieu  des  niaremmes 


SET 

de  la  Toscane,  laissant  ainsi  à  l'intem- 
périe de  l'air  le  soin  de  sa  vengeance. 
Bientôt  Pia  est  en  proie  à  la  fièvre  , 
et  quand  son  mari  désabusé  revient 
pour  la  soustraire  à  ce  séjour  mortel, 
il  ne  trouve  plus  qu'un  cadavre.  Dou- 
leur et  désespoir  du  mari  qui  songe 
d'abord  à  se  faire  moine,  veut  ensuite 
consacrer  sa  vie  au  service  de  son 
pays  et  meurt  avant  d'avoir  pu  mettre 
à  éxecution  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces 
projets;  car,  en  quittant  la  demeure 
inhospitalière,  il  emporte  avec  lui  le 
germe  du  même  mal  qui  a  tué  la  Pia, 
et  qui  le  conduit,  lui  aussi,  rapide- 
ment au  tombeau,  l^. Poésies  éditées 
et  inédites  {Vïsioie,  1840,2  y.),  pu- 
bliées par  les  soins  de  M.  Alto  Van- 
nucci,  qui  les  a  enrichies  de  notes  et 
les  a  fait  précéder  d'une  intéressante 
notice  biographique.  A — Y. 

SETH  (Sihéon),  écrivain  grec, 
né  à  Antioche,  florissait  dans  le  XI' 
siècle.  Il  était  médecin  et  il  exerçait 
en  même  temps  les  fonctions  de  pro- 
tovestiaire, c'esi-a-dire  de  maître  de 
la  garderobe  à  la  cour  impériale  de 
Constanlinople.  S'étant  trouvé  com- 
promis dans  une  de  ces  révolutions 
de  palais  si  fréquentes  à  l'époque  du 
Bas-Empire,  il  fut  expulsé  de  Con- 
slantinople  par  Michel  le  Paphlago- 
nien  ,  et  se  retira  en  Thrace ,  sur  le 
mont  Olympe,  dans  un  couvent  où  il 
termina  sa  carrière.  Il  avait  adressé 
à  l'empereur  Michel  Ducas  un  extrait 
du  traité  de  Psellus  sur  les  aliments, 
écrit  d'autant  plus  intéressant  que 
l'original  est  perdu.  Seth  classe  les 
médicaments  par  ordre  alphabétique 
et  en  explique  le  mode  d'action.  C'est 
lui  qui,  le  premier,  a  donné  la  défi- 
nition du  succin  et  du  camphre.  Il 
est  crédule  et  manque  de  jugement  ; 
mais,  en  fait  de  botanique,  de  ma- 
tière médicale,  d'hygiène,  il  sait  tout 
ce  que  l'on  savait  de  son  temps,  et  à 


SET 


167 


cet  égard  son  livre  mérite  encore 
un  coup  d'œil  de  la  part  d'un  méde- 
cin studieux.  Il  a  été  traduit  en  latin 
par  Lilio-Gregorio  Giraldi  {voy.  ce 
nom,  XVII,  4il),  sous  le  titre  de 
Syntagma^  per  litterarum  ordinem, 
de  cibariorum  facultate,  Bâie,  1538, 
in-S»;  ibid.,  1561,  in-S";  puis  par 
Martin  Bogdanus  (voy.  ce  nom,  IV, 
673) ,  sous  celui  de  Yolumen  de  ali- 
mentorum  facultatibus,  Paris,  1658, 
in-S").  Le  texte  grec  accompagne  ces 
traductions.  Siméon  Selh  a  traduit 
lui-même  de  l'arabe  en  grec  lesFa- 
bles  de  Pil-Paï,  sous  le  titre  de  Ste- 
phanite  et  Ichnelate  {voy.  Pil-Paï, 
LXXVII,  236).  B— N-T. 

SEÏIER  (L.-P.),  mort  en  1835, 
était  imprimeur-libraire  du  consis- 
toire central  des  Israélites  à  Paris, 
et  secrétaire  de  la  loge  maçonnique 
de  la  Triple  harmonie.  Il  s'est  fait 
connaître  aussi  par  la  traduction  et 
la  composition  de  quelques  ouvra- 
ges. Outre  des  mémoires  judiciaires, 
divers  écrits  relatifs  a  la  franc -ma- 
çonnerie, etc.,  on  a  de  lui  :  I.  Gram- 
maire hébraïque,  ou  Méthode  facile 
pour  apprendre  cette  langue,  Paris, 
1814,  in-8°.  II.  Observations  sur  la 
liberté  de  la  presse,  et  Réfutation 
d'un  écrit  de  M.  Duchesne,  de  Gre- 
noble, avocat,  intitulé  :  •  Observa- 
tions sommaires  sur  le  projet  de  loi 
qui  vient  d'être  présenté  à  la  Cham- 
bre des  Députés,  au  sujet  de  la  li- 
berté de  la  presse,»  Paris,  1814, 
in-S".  m.  Réflexions  sur  les  pas- 
quinades  débitées  par  un  certain 
journal^  intitulé:  la  Quotidienne, 
contre  la  liberté  de  la  presse,  Pa- 
ris, 1814,  in-8°.  IV.  La  censure  dé- 
clarée inconstitutionnelle  par  la 
Chambre  des  Pairs,  Paris,  1814, 
in-S».  V.  Réflexions  sur  les  articles 
58,  59,  61  et  62  du  projet  de  loi  sur 
le  budget  de  1816,  Paris,  1816,  in-8'. 


168 


SET 


Ces  articles  concernaient  l'impres- 
sion, sur  papier  timbré,  des  aili- 
ches,  catalogues,  prospectus,  etc. 
Vi.  Plan  du  poème  anglais  de  Lo- 
thaire,  Paris,  1826,  petit  in-i". 
Vil.  L'Athénienne,  ou  les  Français 
en  Grèce^  nouvelle,  Paris,  1826, 
in-18.  Cet  opuscule,  extrait  du  jour- 
nal la  Psyché,  se  vendait  au  protit 
des  Grecs.  VllI.  Résumé  de  l'his- 
toire des  révolutions  des  colonies 
espagnoles  de  l'Amérique  du  5ud, 
Paris,  1826,  in-18.  L'auteur  inséra 
ce  résumé  dans  l'ouvrage  suivant  : 
IX.  Relation  historique  et  descrip- 
tive dhm  séjour  de  vingt  ans  dans 
l'Amérique  du  Sud^  ou  Voyage  en 
Araucanie,  au  Chili,  au  Pérou  et 
dans  la  Colombie;  suivie  d'un  Pré- 
cis des  révolutions  des  colonies  es- 
pagnoles de  l'Amérique  du  Sud, 
traduit  de  l'anglais  de  W.-B.  Ste- 
venson ,  et  augmentée  de  la  suite 
des  révolutions  de  ces  colonies,  de- 
puis 1823  jusqu'à  ce  jour,  Paris, 
1826,  3  vol.  in-so,  avec  caries  et 
planches.  Setier  reproduisit  sa  tra- 
duction sous  le  titre  de  Voyage  en 
Araucanie,  au  Chili  et  dans  la  Co- 
lombie, ou  Relation  historique,  etc., 
Paris,  1828,  3  vol.  in-8''.  X.  Quel- 
ques observations  sur  le  point  de 
loi  relatif  aux  crieurs  publics,  Pa- 
ris, 1834,in-8°.  Z. 

SEÏTIGNANO  (DÉSIRÉ  De),  scul- 
pteur ,  naquit  à  Florence  en  1457. 
Frappé  de  la  beauté  des  ouvrages  du 
Donatello,  il  se  mit  à  les  étudier  avec 
persévérance  jusqu'à  ce  qu'il  se  mon- 
trât capable  de  rivaliseravec  cet  habile 
maître.  Un  des  travaux  qui  com- 
mencèrent à  établir  sa  réputation 
fut  la  décoration  de  la  chapelle  du 
Saint-Sacrement  dans  l'église  de 
Saint-Laurent,  où  l'on  admire  par- 
ticulièrement la  figure  en  marbre 
d'un  enfant  en  ronde-bosse.  On  ne 


SET 

fait  pas  un  moindre  cas  du  tombeau 
de  la  bienheureuse  Villana,  que  l'on 
voit  dans  l'église  de  Sainte-Marie- 
Nouvelle.  La  statue  de  la  bienheu- 
reuse, qui  semble  dormir  du  som- 
meil des  justes  ,  et  plusieurs  figures 
de  petits  anges  d'une  grâce  incom- 
parable, sont  une  preuve  des  talents 
supérieurs  de  Désiré.  Parmi  les  au- 
tres monuments  remarquables  que 
l'on  doit  au  ciseau  de  cet  artiste, 
il  faut  citer  le  mausolée  de  Charles 
Marsupini  d'Arezzo,  placé  dans  l'é' 
glise  de  Sainte-Croix  ;  le  piédestal  du 
David  de  Donatello;  les  armes  de 
Florence,  sculptées  sur  la  façade  du 
palais  Gianfigliazzi;  VAnge  de  lois 
que  l'on  conserve  dans  l'église  des 
Carmes,  etc.  Ses  ouvrages  en  petit 
ne  sont  pas  moins  nombreux;  les 
plus  célèbres  sont  :  le  Buste  de  Mar- 
cotta Strozzi^  deux  têtes,  l'une  de 
Jésus-Christ,  l'autre  de  Saint  Jean- 
Baptiste  enfant  et  une  Madeleine  pé- 
nitente, qu'il  ne  fit  qu'ébaucher,  et 
qu'après  sa  mort  Benoît  de  Majano 
termina.  Ses  premiers  ouvrages  le 
signalaient  déjà  comme  un  grand 
artiste;  les  progrès  qu'il  ne  cessa  de 
faire  l'auraient  conduit  au  plus  haut 
terme  de  l'art ,  si  une  mort  préma- 
turée ne  l'eût  emporté  à  l'âge  de  28 
ans,  en  1485.  Aucun  artiste  de  son 
époque  ne  s'approcha  autant  que  lui 
de  Donatello  qu'il  promettait  même 
de  surpasser,  s'il  eût  vécu  plus  long- 
temps. On  remarque  dans  ses  statues 
une  simplicité  pleine  de  grâce  qui 
n'exclut  ni  le  mouvement  ni  l'expres- 
sion, et  il  joint  à  ces  qualités  pré- 
cieuses des  titres  où  brillent  une  rare 
beauté  et  une  finesse  d'exécution  pres- 
que incomparable.  P— s. 

SETTLE  (Elranah),  écrivain 
anglais  très-médiocre,  né  en  1648  à 
Dunstable  en  Bedfordshire,  acheva 
ses  études  à  l'université  d'Oxford, 


S£V 

puis  vint  à  Londres  prendre  part  aux 
débats  élevés  entre  les  divers  partis 
politiques  ;  mais,  comme  il  n'avait  pas 
de  principes  arrêtés,  il  passa  sans 
pudeur  des  whigs  aux  torys  et  des 
torys  aux  whigs  ,  donnant  tour  à 
tour  sa  prose  et  ses  vers  aux  uns  et 
aux  autres.  En  1680,  il  s'était  mon- 
tré si  dévoué  aux  whigs  qu'il  fut  dé- 
signé pour  diriger  la  fameuse  céré- 
monie du  brûlement  du  pape,  le  17 
novembre^  et  plus  tard  ,  on  le  vit 
servir  dans  l'armée  du  roi  Jacques  à 
Hounslow  Heath.  Il  (iuit  par  tomber 
dans  le  plus  grand  discrédit  et  dans 
une  misère  profonde,  malgré  la  petite 
pension  que  lui  faisait, la  Cité  pour 
prix  d'un  panégyrique  annuel  destiné 
à  la  fête  du  lord-maire.  Le  dernier  de 
ces  poèmes  est  de  1708.  Ce  pauvre 
poète,  dont  la  réputation,  au  rapport 
de  Samuel  Johnson ,  balança  pour 
un  temps  celle  deDryden,fut  réduit 
dans  la  dernière  partie  de  sa  vie  à 
subsisterdu  produit  de  petites  pièces 
qu'il  arrangeait  pour  un  spectacle 
forain,  et  dans  lesquelles  lui-même 
jouait  un  rôle.  Ayant  enfin  été  admis 
à  la  Chartreuse  (maison  de  refuge), 
il  y  mourut  en  1724.  On  a  complète- 
ment oublié  aujourd'hui  dix-neuf  tra- 
gédies qu'il  avait  composées,  et  ses 
autres  poésies,  au  nombre  desquelles 
on  cite,  mais  non  pour  le  recom- 
mander," un  poème  héroïque  sur  le 
couronnementde  Jacques  II.        L. 

SEVELINGES  (  Chakles-Louis 
DE),  littérateur  et  écrivain  politique, 
né  à  Amiens,  le  28  déc.  1767,  d'une 
famillenobleoriginaire  du  Beaujolais, 
où  est  située  la  terre  dont  elle  porte 
le  nom,  fut  élevé  au  collège  de  Juilly, 
d'où  il  sortit  en  1782  pour  entrer 
comme  aspirant  h  l'École  royale  d'ar- 
tillerie de  Melz.  Lorsqu'il  eut  subi 
ses  examens  de  mathématiques,  il 
fut  admis  dans  un  corps  de  la  maison 


SEV 


169 


du  roi  (les  gendarmes  de  la  garde), 
où  il  servit  jusqu'à  la  suppression 
de  cetle  troupe.  Il  suivit  plus  tard 
les  princes  frères  de  Louis  XVI  dans 
l'émigration,  et  fit  dans  leur  armée 
les  campagnes  de  cette  époque,  con- 
sacrant tous  les  loisirs  que  lui  lais- 
sait le  service  militaire  à  l'étude  des 
langues  étrangères,  surtout  à  celle 
de  l'allemand,  qu'il  parvint  à  sa- 
voir très-bien.  11  quitta  l'armée  du 
prince  de  Condé  lorsqu'elle  fut 
envoyée  en  Russie,  au  commence- 
ment de  l'année  1800,  et  resta  en  Alle- 
magne, où  il  se  livra  avec  une  nou- 
velle ardeur  à  l'étude  de  la  littérature 
allemande.  Rentré  en  France  en 
1802,  sous  les  auspices  de  Regnaud 
de  Saint-Jean-d'Angelyetde  Vincent 
Arnault,  dont  il  avait  épousé  la  belle- 
sœur,  et  qui  avait  été  son  condisciple 
à  Juilly,  il  se  flatta  d'obtenir  du  gou- 
vernement consulaire  des  avantages 
qui  lui  manquaient;  mais  il  se  brouilla 
avec  son  beau-frère,  et  n'ayant  ni 
fortune  ni  emploi  il  se  vit  oblige  de 
vivre  de  ses  travaux  littéraires.  Actif, 
laborieux  et  doué  d'une  grande  faci- 
lité, il  composa  plusieurs  ouvrages, 
publia  des  traductions  de  l'alle- 
mand, et  travailla  successivement  à 
divers  journaux,  entre  autres  au 
Mercure,  à  la  Gazette  de  France, 
au  Journal  de  Paris  et  au  Publi' 
ciste.  A  l'époque  de  la  Restauration, 
en  1814,  il  espérait  comme  beaucoup 
d'autres  recevoir  quelque  dédom- 
magement de  ses  anciens  services; 
mais  nous  ne  pensons  pas  qu'il  ait 
obtenu  du  gouvernement  dece  temps- 
là  autre  chose  que  la  croix  de  Saint- 
Louis,  à  laquelle  du  reste  il  attachait 
un  grand  prix.  Obligé  de  vivre 
encore  du  produit  de  sa  plume, il  con- 
tinua de  coopérer  à  divers  journaux, 
notamment  à  la  Quotidienne,  au 
Drapeau  blanc,  à  V Étoile \  et   il 


170 


SEV 


composa  beaucoup  de  brochures 
politiques,  toujours  dans  les  prin- 
cipes du  plus  ardent  royalisme, 
travaillant  en  même  temps  à  cette 
Biographie  universelle,  où  il  a  fait 
un  assez  grand  nombre  d'articles 
tirés  pour  la  plupart  des  littératures 
allemande,  anglaise,  et  de  la  nôtre; 
notamment  ceux  de  madame  de  5(06/ 
et  dcJ.-/.iîou5seau.Ce  dernier  excita 
de  vives  réclamations  de  la  part  des 
admirateurs  enthousiastes  qui  ne 
veulent  pas  que  le  philosophe  de 
Genève  ait  mérité  un  reproche  ni 
qu'il  ait  commis  une  seule  faute.  Ce- 
pendant c'est  dans  les  Confessions 
mêmes  que  Sevelinges  a  puisé  la  plus 
grande  partie  de  ses  renseignements  ; 
et  c'est  peut-être  là  son  seul  tort,  car 
il  y  a  des  gens  qui  refusent  d'en 
croire  J.-J.  Rousseau  lui-même, 
lorsqu'il  fait  l'aveu  de  ses  turpitu- 
des. Dans  la  plupart  de  ses  écrits, 
et  surtout  dans  ses  articles  bio- 
graphiques, Sevelinges  est  un  cri- 
tique sévère,  mais  juste,  judicieux 
et  spirituel.  Cela  ne  plaisait  pastou- 
jours,  et  il  se  lit  par  là  de  nombreux 
euuemis;  mais  nous  pensons  que 
c'est  ainsi  que  l'histoire  doit  être 
écrite.  Comme  Sevelinges  est  resté 
franchement  royaliste,  et  qu'il  n'a 
jamais  varié  dans  sa  conduite  ni 
dans  ses  opinions,  les  écrivains  du 
parti  révolutionnaire,  entre  autres 
les  rédacteurs  du  Nain  jaune  et  du 
Constitutionnel,  l'ont  souvent  atta- 
qué ;  mais  il  leur  a  toujours  répondu 
avec  beaucoup  de  force.  11  mourut  à 
Paris  en  1832.  Ses  ouvrages  publiés 
sont  :  I.  Histoire  de  la  campagne  de 
iSOOenAllemagneetenltalicd'apves 
Bulow,  précédée  d'une  introduction 
critique  du  traducteur  {voy.  Bulow, 
VI,  261),  1804,  in-8°.  II.  Histoires, 
nouvelles  et  contes  moraux,  1809, 
in-12.  Ce  sont  des  morceaux  détachés 


SEV 

qui  avaient  paru  successivement  dans 
le  Mercure.  Ul.  Mémoires  secrets  et 
correspondance  inédite  du  cardinal 
Dubois,  recueillis  et  augmentés  d'un 
précis  de  la  paix  d'Utrecht  et  de  di- 
verses notices  historiques,  1814,  2 
vol.in-8o.  1 V.  Histoire  de  la  captivité 
de  Louis  XVI  et  de  la  famille  royale, 
1  vol.  in-8o,  avec /ac-sîmiie  et  gravu- 
res, Paris,  1817,  in-8".  V.  Le  Rideau 
levé,  ou  Petite  revue  de  nos  grands 
théâtres,  Paris,  1818,  in-8o.  Cet  ou- 
vrage fit  beaucoup  de  bruit  lors  de  sa 
publication,  et  il  eut  deux  éditions 
dans  la  même  année.  Comme  Seve- 
linges n'y  avait  pas  mis  son  nom,  on 
l'attribua,  à  cause  de  la  sévérité  des 
critiques  et  d'une  connaissance  rare 
des  théâtres  de  la  capitale,  à  Grimod 
de  la  Reynière.'  Sevelinges  essuya 
plusieurs  critiques,  entre  autres  une 
de  M.  de  Vallabrèque,  directeur  du 
théâtre  Italien,  dont  l'administration 
avait  été  vivement  censurée  par  l'au- 
teur, qui  lui  répondit  dans  sa  seconde 
édition.  VI.  Mémoires  de  la  maison 
de Condé  imprimés  sur  lesmanuscrits 
autographes  et  d'après  l'autorisa- 
tion de  S.  A.  R.  le  duc  de  Bourbon, 
Paris,  1820,  2  vol.  in-8».  On  croit 
que  Sevelinges  fut  l'auteur  de  la  plus 
grande  partie  de  cet  ouvrage  (i). 

(i)  Ce»  mémoires  fort  curieux  se  compo- 
seut  (le  la  seconde  édition  de  la  F<«  du  grand 
Condè,  par  Louis-Josepb  de  Bourbon-Condé. 
Le  libruire  Léopold  Gullio  l'avait  d'abord 
fuit  imprimer  en  1807  in-8°  ;  mais  il  ])arait 
qu'elle  fut  saisie  par  la  police  impériale,  aa 
moment  de  sa  publication.  A  la  suite  du 
premier  volume,  on  trouve  la  correspon- 
dance inédile  du  grand  Condé  avec  Louis 
XIV,  Anne d'Autricbe,  Gaston,  les  ministres, 
les  généi'aux,  etc.,  imprimée  sur  les  lettre» 
autographes  ;  un  grand  uombre  de  fat- 
///n</«  ajoutent  à  l'intérêt  de  ce  recueil.  Le 
second  volume  comprend  le  précis  d«  la 
vie  de  Louis-Joseph  de  Bourbon-Condé, 
par  Sevelinges,  et  la  correspondance  iné- 
dite des  princes  arec  Louis  XVIII,  les  autres 
louveruias  de  l'Europe,  les  princes  et  prio- 


SEV 

VII.  Madame  la  comtesse  de  Genlis 
en  miniature,  ou  Abrégé  critique  de 
ses  mémoires,  Paris,  1826,  in-8°. 
Cetlc  critique  des  faits  et  des  écrits 
de  madauie  de  Genlis  est  peut-être 
ce  quia  éié  publié  de  plus  spirituel 
et  de  plus  vrai  sur  cette  dame  cé- 
lèbre. VllI.  Le  duc  de  Rovigo  en  mi- 
niature, ou  Abrégé  critique  de  ses 
mémoires^  1828,  in- 8°.  C'est  encore 
une  critique  sévère  et  grave  des  laits 
du  célèbre  (iuc{voy.  Sa vary,  LXXXI, 
213).  IX.  La  Contemporaine  en  mi- 
niature, ou  Abrégé  critique  de  ses 
mémoires,  1828,  in-8".  C'est,  comme 
l'ouvrage  précédent,  une  critique 
spirituelle  où  sont  parfaitement  dé- 
voilés les  mystères  de  l'une  des 
plus  grandes  mystifications  qui  aient 
été  faites  à  la  crédulité  publique  {voy. 
Saint-Elme,  LXXX,  309).  X.  La  Bel- 
gique redeviendra-t-elle  française  ? 
lettre  adressée  à  un  ministre  d'une 
cour  du  Nord,  1830,  in-8».  Seve- 
linges  a  encore  publié  beaucoup  de 
traductions  de  l'allemand,  de  l'anglais 
et  de  l'italien,  notamment  une  His- 
toire de  Schinderhanncs  et  autres 
chefs  de  brigands{iSiO,  2  vol.  in- 12), 
une  Histoire  de  la  guerre  dé  Vindé' 
pendancedes  États-Unis  d'Amérique, 
de  Ch.  Botta  (1812-13,  4  vol.in-8°)  ; 
plusieurs  romans,  entre  autres  les 
Souffrances  du  jeune  Werther,  de 
Goethe,  traduction  fort  estimée  pour 
sa  fidélité  et  son  élégance.  Sevelinges 
avait  composé  une  histoire  de  Marie 
Stuart  qui  n'a  pas  paru.       M — D  j. 

SEVEROLI  (Antoine-Gabriel), 
cardinal  de  la  sainte  Église  romaine, 
né  à  Faenza  dans  les  États-Romains, 
le  28  février  1757,  suivit  d'abord  la 
carrière  administrative,  puis  la  car- 
rière politique.  A  l'époque  des  négo- 


cesses  de  sa  f.imille,  atooinpagnée  aussi  d'un 
graud  nomjjre  defat'Simi/e,        L— M— x. 


SEV 


171 


ciations  pour  le  mariage  de  Napoléon 
et  de  Marie- Louise,  Sévéroli  résidait, 
comme  nonce  de  Sa  Sainteté,  à  Vienne. 
Le  pape  était  prisonnier  à  Savone, 
et  l'on  voulait  qu'il  donnât  son  con- 
sentement à  ce  mariage.  Sévéroli  eut 
ordre  de  déclarer  à  Vienne  que  Pie 
Vil  ne  donnait  pas  ce  consentement. 
Nous  rappellerons  à  ce  sujet  des  in- 
formations contenues  dans  l'Histoire 
de  Pie  Vil  (l).  Napoléon  avait  de- 
mandé la  main  d'une  archiduchesse 
d'Autriche,  après  avoir  fait  délibérer 
son  conseil  sur  d'autres  alliances.  Il 
s'agissait  de  faire  casser  le  mariage 
de  Joséphine,  à  cause  de  plusieurs 
nullités  antérieures.  Le  mariage  de 
Napoléon  avec  Joséphine  avait  été 
célébré  en  face  de  l'Église,  avant  la 
cérémonie  du  sacre.  Joséphine  refu- 
sait d'assister  au  couronnement 
(1804)  si  on  ne  lui  accordait  pas  la 
demande  qu'elle  faisait  d'être  unie 
de  nouveau  à  Napoléon.  Celui-ci 
craignait  que  l'absence  de  Joséphine 
ne  déconcertât  le  cérémonial  où  elle 
devait  jouer  un  grand  rôle.  Aussi  il  se 
vit  obligé  de  satisfaire  Joséphine  et 
consentit  à  ce  que  le  mariage  fût 
béni,  mais  dans  le  plus  grand  secret. 
Le  cardinal  Fesch  seul  devait  être  et 
avait  été  présent.  Cette  réhabilita- 
tion aurait  été  nulle  si  l'on  n'avait 
pas  obtenu  la  dispense  de  la  présence 
du  propre  prêtre  et  de  deux  ou  trois 
témoins  exigés  par  le  concile  de 
Trente.  Pour  parer  à  cet  inconvé- 
nient, le  cardinal  Fesch,  étant  allé 
trouver  Pie  Vil  aux  Tuileries  (1804), 
lui  avait  dit  sans  rien  spécifier: 
•  Très -saint -père.  Votre  Sainteté 
comprend  que  dans  ma  place  de 
grand-aumônier  je  puis  avoir  besoin 
de  pouvoirs  étendus.  .  —  «  Je  vous 
donne  tous  mes  pouvoirs.» ,  avait  ré- 

(i)  Hist.  de  Pie  Fil,  3«  édition,  III,  38g. 


1T2 


SEV 


pondu  le  pape,  à  qui  l'on  ^exposait 
d'ailleurs  qu'il  était  bien,  de  toutes 
manières,  que  le  mariage  fût  réha- 
bilite', puisque  l'aulorité  pontificale 
allait  prononcer,  dans  le  fait,  des 
oraisons  qui  établissaient  que  José- 
phine était  l'épouse  de  Napoléon. 
Muni  de  ces  facultés  générales,  le 
cardinal  Fesch  avait  procédé  à  la  cé- 
lébration du  mariage  et  croyait  le 
réhabiliter  validement.  En  cela  le  car- 
dinal Feschagitavec  la  plus  religieuse 
sincérité.  Quand  il  fut  question  du 
divorce,  l'archevêque  de  Vienne  de- 
mandait à  l'empereur  François  1'' 
que  le  mariage  (ùt  cassé  à  Paris  par 
l'autorité  de  l'ordinaire.  On  créa 
donc  une  officialité  qui  n'existait  pas 
auparavant,  ou  plutôt  on  en  créa 
trois  :  une,  diocésaine  ;  une  seconde, 
métropolitaine;  une  troisième,  pri- 
matiale,  où  le  mariage  pourrait  être 
successivement  porté.  On  avait  créé 
ces  différents  degrés  de  juridiction 
contentieuse  pour  éviter  le  recours 
au  pape,  que  Napoléon  déclinait  po- 
sitivement. Le  mariage  ne  fut  cepen- 
dant.porté  qu'aux  premières  ofticia- 
Jités,  où  il  ne  manqua  pas  d'être 
cassé.  L'officialité  diocésaine  le  cassa, 
parce  qu'il  n'avait  pas  été  fait  avec 
la  présence  du  propre  prêtre  et  des 
témoins,  conditions  essentielles  pour 
sa  validité,  ce  dont  on  ne  put  lui 
produire  de  dispense.  On  ne  parlait 
pas  des  facultés  demandées  au  pape. 
11  parait  néanmoins  que  Pie  Vil 
avait  bien  compris  qu'il  s'agissait  de 
dispenses  relatives  au  mariage  de 
Napoléon  -,  et  comme  on  s'entrete- 
nait plus  tard  devant  Sa  Sainteté  du 
projet  que  l'empereur  avait  de  di- 
vorcer, elle  dit  :  •  Comment  l'em- 
pereur peut-il  penser  à  faire  casser 
son  mariage  avec  Joséphine,  puisque 
nous  avons  accordé  toutes  les  dis- 
penses nécessaires  pour  le  réhabi- 


SEV 

liter  ?»  Mais  les  volontés  despotiques 
sollicitent  quelquefois  des  privilèges 
dont  elles  ne  doivent  pas  larder  à  se 
repentir.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  évi- 
dent que  si  on  ne  produisit  pas  à  l'ofli- 
cialité  des  preuves  certaines  de  dis- 
pense, elle  se  trouva  en  droit  de  décla- 
rer nulle  la  réhabilitation.  Le  mariage 
porté  à  l'oflicialité  métropolitaine 
fut  cassé,  parce  qu'il  avait  élé  fait 
sans  consentement  intérieur  de  Na- 
poléon. Enfin  une  commission  ecclé- 
siastique, instituée  par  l'empereur, 
déclara  les  deux  officialités  compé- 
tentes, et  l'on  pensa  à  procéder  au 
nouveau  mariage.  Ces  faits  furent 
connus  à  Vienne,  et  Sévéroli,  nonce 
de  Sa  Sainteté,  n'eut  pas  la  liberté 
de  manifester  une  opinion  contraire 
à  celle  du  pape  Pie  Vil,  qui,  dans  sa 
prison  de  Savone,  répétait  tou- 
jours ce  qui  s'était  passé  sous  ses 
yeux,  en  1804,  à  Paris.  Cependant 
le  nonce,  qui  était  en  général  d'un 
caractère  doux,  quoique  ferme,  con- 
tinua de  résider  à  Vienne.  Quand  le 
pape,  depuis  prisonnier  à  Fontaine- 
bleau, sollicitait  en  1813  l'appui  des 
princes  étrangers,  et  particulière- 
ment celui  de  la  cour  de  Vienne, 
Sévéroh  fut  chargé  de  demander  au 
prince  de  Metternich  qu'il  voulût 
bien  montrer  de  l'intérêt  pour  la 
position  déplorable  du  saint-père,  et 
le  nonce  eut  occasion  de  se  louer  des 
bons  procédés  du  premier  ministre 
d'Autriche.  A  la  fin  des  malheurs  du 
pape,  Sévéroli,  devenu  cardinal  de- 
puis 1816,  résidait  habituellement 
dans  son  évêché  de  Viterbo.  Là  il 
était  honoré  par  la  population  en- 
tière. 11  répandait  d'abondantes  au- 
mônes ;  il  avait  ordonné  que  l'on 
réformât  presque  toiites  les  dépenses 
de  sa  table  pour  avoir  plus  d'argent 
à  distribuer  aux  pauvres.  En  1822, 
nous  l'avous   vu  venir  en  visite  à 


SEV 

Bagnaia,  villa  délicieuse  de  la  fa- 
mille Lanté,  où  séjournait  le  duc 
de  Blacas.  Sévéroii  ne  marchait 
qu'au  milieu  des  applaudissements 
de  la  multitude,  et  déjà  on  le  dési- 
gnait comme  le  sujet  le  plus  apte  à 
devenir  un  jour  le  successeur  de 
Pie  Vil,  alors  âgé  de  plus  de  80  ans. 
Au  mois  d'août  1823,  quand  les  car- 
dinaux s'assemblèrent  en  conclave, 
un  parti  considérable  se  prononçait 
pour  Sévéroii  dès  les  premiers  jours. 
•  C'était,  disait-on,  un  homme  Iran- 
quille  et  à  qui  on  faisait  un  peu  lé- 
gèrement une  grande  réputation  de 
sévérité  opiniâtre  (2).  •  Comme  on 
publie  ordinairement  à  ces  époques 
des  sortes  de  stances  pour  diriger 
l'opinion  publique,  nous  pouvons  re- 
marquer celle  qui  fut  composée  alors 
en  faveur  de  Sévéroii  ; 

Chi  vuol  c  lie  il  papa 
Ci  racconsoli 
I  voti  poi  ga 
Per  Severoli. 

Beaucoup  d'autres  écrits  circulèrent 
pour  vanter  le  bien  que  le  cardinal 
ferait  au  saint-siège.  Il  est  nécessaire 
ici  de  rapporter  quelques  circon- 
stances (3)  des  usages,  des  droits, 
des  prétentions  que  l'on  signale  sou- 
vent dans  les  conclaves.  La  France, 
l'Espagne  et  l'Autriche  se  reconnais- 
sent un  droit  d'exclusion  ,  c'est-à- 
dire  que,  lorsque  les  voix  paraissent 
se  diriger  sur  un  candidat  qui  n'est 
pas  agréable  à  une  de  ces  cours, 
chacune  d'elles  se  croit  autorisée  à 
exercer  le  droit  d'exclure  ce  candi- 
dat, mais  un  seul,  qui  serait  près 
d'obtenir  les  deux  tiers  des  voix 
exigées,  pourvu  toutefois  qu'il  ne 
fût  pas  encore  élu.  Cette  exclusion 


(a)  nist.dt  Léon  Xll,  t.  I,  p. 24. 
(3)  Hi:i.dt  Uoi%Xll,l,6^. 


SEV 


173 


se  prononce  sur  une  probabilité  qui 
semble  fondée  et  redoutable,  et  non 
pas  sur  une.  certitude.  L'exclusion 
de  cette  sorte,  qu'en  général  on  ne 
regarde  pas  à  Rome  comme  un  droit 
positif,  étant  une  fois  employée  par 
une  des  trois  puissances  susnom- 
mées, cette  puissance  est  obligée 
d'accepter  le  choix  qu'on  fait  en- 
suite, à  moins  qu'une  des  cours  pri- 
vilégiées ne  donne  une  autre  exclu- 
sion ;  mais  cette  exclusion  peut 
porter  sur  un  sujet  que  les  deux 
autres  cours  ne  repoussent  pas.  H 
est  rare  que  les  motifs  de  répu- 
gnance soient  les  mSmes  pour  les 
trois  cours,  et  bien  qu'on  puisse  les 
voir  unies,  il  est  facile  de  remar- 
quer qu'elles  se  font  la  guerre  dans 
la  paix.  Le  cardinal  Albani,  par  suite, 
dit-on,  des  démêléssurvenus  en  t810, 
au  sujet  du  mariage  de  Napoléon, 
et  détaillés  plus  haut, accrédité  com- 
me ambassadeur  intérieur  de  l'Autri- 
che au  conclave  dont  il  est  question, 
exerça  ce  droit  contre  le  cardinal  Sé- 
véroii au  profit  du  cardinal  Castiglio- 
ni.  Le  p'us  grand  nombre  des  Italiens, 
comme  on  l'a  dit ,  était  favorable  au 
cardinal  Sévéroii.  Une  note  secrcle 
déclarait  qu'il  connaissait  des  plans, 
et  surtout  des  faits  plus  ou  moins 
vrais,  relatifs  à  un  certain  traité 
mystérieux  de  partage  conclu  en 
1790,  entre  la  cour  de  Napics  et 
le  cabinet  d'Autriche  ;  on  disait  : 
«Sévéroii  déjouera  les  projets  de 
Vienne,  s'il  en  connaît.  »  Ces  bruits 
agitaient  violemment  le  conclave.  Le 
21  septembre  1823,  l'Autriche  don- 
na l'exclusion  à  ce  cardinal,  parce 
qu'il  eut  vingt-six  voix  le  matin  ,  et 
qu'à  l'élection  du  soir  on  avait  lieu 
de  croire  qu'il  atteindrait  le  nombre 
suffisant  de  voix  qui ,  vu  le  nombre 
des  cardinaux  alors  présents,  était 
de  trente-trois,   formant  les  deux 


174 


SEV 


tiers  (les  voix ,  sans  y  comprendre 
celle  du  candidat  qui  ne  peut  comp- 
ter pour  lui.  En  effet,  lorsqu'on  re- 
connaît qu'un  candidat  a  obtenu  les 
deux  tiers  des  voix,  on  ouvre  les 
bulletins  pourvoir  si  ce  candidat  ne 
se  serait  pas  donné  sa  voix,  ce  qui 
n'arrive  jamais.  Avant  le  scrutin 
du  21  soir,  il  y  eut  une  réunion 
d'opposants  où  se  trouvèrent  les 
cardinaux  Albani,  Fabrice  Ruffo,  So- 
laro,  Hoeffelin  :  ils  pensaient  qu'il 
n'y  avait  pas  un  moment  à  perdre 
pour  déclarer  l'exclusion  au  nom  de 
l'Autriche.  Le  cardinal  Albani  remit 
une  note  au  moment  où  l'on  allait 
commencer  à  signer  les  cédules.  Cette 
note  était  ainsi  conçue  (4)  :  «En  ma 
«qualité  d'ambassadeur  extraordinai- 
«re  d'Autriche  près  le  sacré  collège 
«réuni  en  conclave,  laquelle  qualité 
«a  été  notitiée  à  vos  cminences  et 
«portée  à  leur  connaissance,  tant 
«par  le  moyen  de  la  lettre  à  elles 
«adressée  par  S.  M.  I.  et  R.  que  par 
«la  déclaration  faite  à  vos  éminences 
«  par  l'impérial  et  royal  ambassadeur 
«  d'Autriche ,  et  de  plus  en  vertu  des 
•  instructions  qui  m'ont  été  données, 
«je  remplis  le  devoir  déplaisant  pour 
«moi  de  déclarer  que  l'impériale  et 
«royale  cour  de  Vienne  ne  peut  ac- 
«cepter  pour  souverain  pontife  son 
«éminence  le  cardinal  Sévéroli,  et 
«lui  donne  une  exclusion  formelle. 
«  Au  conclave,  ce  21  septembre  1823. 
«Signé  le  cardinal  Joseph  Albani.» 
L'effet  immédiat  de  cette  exclusion 
fut  d'exaspérer  presque  tout  le  sacré 
collège  et  surtout  le  parti  italien. 
Le  cardinal  Castiglioni  ,  porté  par 
l'Autriche,  s'en  ressentit,  et  au  lieu 
de  dix-sept  voix  qu'il  avait  eues  le 
m.itin,  il  n'en  eut  le  soir  que  huit  au 
scrutin,  et  deux  à  Vaccesso,  complé- 

(4)   Hùtoirt  de  livn  Xll,  I,  66. 


SEV 

n)ent  du  scrutin.  En  général  plu- 
sieurs cardinaux  traitaient  publique- 
ment avec  sévérité  le  cardinal  Al- 
bani. Peut-être  dans  la  déclaration 
les  termes  eussent-ils  pu  être  plus 
doux!  On  allait  jusqu'à  contester  au 
cardinal  le  droit  personnel  de  pro- 
noncer l'exclusion,  droit  qui  ne  pou- 
vait, disait-on,  être  reconnu  tout  au 
plus  que  dans  son  excellence  M.  Ap- 
pony,  ambassadeur  résidant  à  Rome. 
Celui-ci ,  qui  ne  pouvait  douter  de 
l'authenticité  des  instructions  don- 
nées à  Albani,  jugea  à  propos  d'adres- 
ser au  sacré  collège,  le  24  septem- 
bre, la  note  suivante  :  «  Le  soussigné 

•  apprend  qu'il  circule  dans  Rome 
«des  bruits  injurieux  à  son  éminence 
«  M.  le  cardinal  Albani  :  il  a  suffisam- 

•  ment  été  accrédité  près  le  sacré 
«  collège,  tant  par  des  lettres  de  con- 
«doléance  de  S.  M.  l'empereur  d'An- 
«triche,  que  par  la  lettre  de  créance 
«que  le  soussigné  a  eu  l'honneur  de 
«remettre  à  cette  auguste  assem- 
«blée,  qui  elle-même  a  reconnu  pu - 
«  bliquement  le  cardinal  Albani,  dans 

•  des  qualités  qjie  Sa  Majesté  impé- 
«riale  et  royale  apostolique  a  cru 
"devoir  lui  confier.  D;ins  ces  circon- 
«  stances  ,  il  ne  sera  que  plus  facile 
«de  reconnaître  l'inconsistance  des 
«bruits  dont  le  but  serait  de  faire 
«supposer  que  M.  le  cardinal  Al- 
■  bani,  dans  des  notifications  et  dé- 
«clarations  qu'il  a  (=té  dans  le  cas 
«de  faire  au  sacré  collège,  eût  agi 
«contre   ses  instructions.    Voulant 

•  prévenir  les  impressions  sinistres 
«que  pourrait  occasionner  la  circu- 

•  lation  de  bruits  aussi  mal  fondés, 
«le  soussigné,  qui  a  connaissance  des 
«instructions  données  à  son  érai- 
«ncnce   le  cardinal   Albani   par   la 

•  cour  de  Vienne  (ces  instructions 
«lui  étant  même  communes),  croirait 
«manquer  à  ses  devoirs  et  à  un  col- 


SEV 

•  lègue  aussi  respectable,  à  l'abri  de 
«  toute  exception  ,  par  le  caraclère 
«dont  il  est  revêtu,  s'il  ne  faisait 
«connaître  ici,  à  toute  bonne  fin,  que 
«les  de'clarations  et  les  notifications 
«que  M.  le  cardinal  Albani  a  faites 

•  au  nom  de  S.  M,  I.  et  R.  au 
«sacré  collège  sont  conformes  aux 

•  instructions  de  S.  M.,  et  qu'en  con- 
«se'quence  le  soussigné  n'hésife  pas 
«d'y  donner  son  entière  et  parfaite 
«adhésion  en  sa  qualité  d'anibassa- 
«  deur  extraordinaire  de  S.  M.  I.  et 

•  R.  auprès  du  saint-siège.  Son  émi- 

•  nence  le  cardinal   dclla  Somaglia 

•  appréciera  aisément  les  motifs  qui 

•  portent  l'ambassadeur  à  avoir 
«l'honneur  d'entrer,  vis-à-vis  de  son 
«éminence,   dans    ces   détails.   Du 

•  reste,    en   priant  I\I.  le  cardinal 

•  doyen  de  vouloir  bien  communi- 

•  quer  le  présent  olfice  au  sacré  col- 
«lège  ,  il  a  l'honneur  d'offrir  à  son 
«éminence  les  assurances  de  satrès- 

•  haute  considération.  Signé  Appo- 
.ny(5).»  Cette  notification  ne  di- 
minua aucun  des  sentiments  de  mé- 
contentement du  parti  italien.  — 
Dans  ces  circonstances  ,  l'ambassa- 
deur de  France,  le  duc  de  Laval,  re- 
çut de  Paris  (M.  le  vicomte  de  Cha- 
teaubriand était  alors  ministre  des 
atfuires  éirangères)  de  nouvelles  in- 
structions à  la  date  du  13  septembre. 
On  ne  soupçonnait  pas  encore ,  en 
France,  la  marche  qu'avaient  suivie 
les  affaires.  M.  de  Chateaubriand 
s'exprimait  ainsi  :  «  11  puraît  que 
«l'Autriche  voulait  faire  élire  um 
"pape  dont  la  politique  ressemblât 
«  à  celle  (lue  le  cardinal  Consalvi  a 

•  fait  suivre  au  pape  défunt;  IcsZe- 
«  lanti  et  le  parti  italien  sont  trop 

•  italiens  pour  elle.  C'est  cela  que 

5^  C'est  le  même   :iniba.ssadeur  qui  ré- 
sidait à  Paris  au  mois  d'avril  dernier. 


SEV 


.175 


«rAutrielie  redoute  plus  que  la  ri- 
«gidité  des  principes  dont  il  ne 
«semble  pas  qu'elle  ait  rien  à  re- 

•  douter.  Nous,  au  contraire,  nous 

•  voulons  un  membre  du  parti  ita- 
«  lien,  du  parti  modéré,  capable  d'è- 

•  tre  agréé  par  tous  les  partis.  Tout 
«ce  que  nous  lui  demandons  ,  c'est 
«de  ne  pas  troubler  nos  affaires  ec- 
«clésiastiques;  mais  nous  n'avons 
«  rien  de  politique  à  exiger  de  lui.  Il 
«  nous  importe  peu  que  l'on  conserve 
«ou  que  l'on  modifie  l'administra- 
«tion  du  cardinal  Consalvi  ,  pourvu 
«  toutefois  que  l'on  ne  cause  pas, 
a  par  un  excès  de  rigidité  ,  une  ex- 
=  plosion  qui  fournirait  à  l'Autriche 
«un  prétexte  de   faire   avancer  des 

•  troupes    et    d'intervenir.     Ainsi, 

•  monsieur  le  duc  ,  vous  connaissez 
«à  fond  les  vues  du  gouvernement 

•  du  roi  dans  la  grande  affaire  dont 

•  vous  êtes  chargé.  11  se  repose  avec 
«  confiance  sur  votre  zèle  et  votre 
«  prudence.  •  Du  21  au  28  septembre 
d'autres  chefs  des  Italiens  opposés  à 
l'Autriche  parurent  gouverner  l'élec- 
tion. Le  cardinal  Castiglioni,  plus 
tard  pape  sous  le  nom  de  Pie  Vlll, 
n'avait  démérite  de  personne;  mais 
la  faveur  des  étrangers,  mal  appré- 
ciée apparemment,  lui  fit  du  tort.  Le 
soir  du  21,  comme  nous  l'avons  dit, 
il  n'eut  plus  que  huit  voix  au  scru- 
tin, et  deux  à  Vaccesso.  Vinclusive 
italienne,  c'est-à-dire  le  parti  qui, 
par  sou  nombre,  avait  le  pape  dans 
son  sein,  usa  d'habileté.  Le  27  sep- 
tembre,  quoiqu'elle  eût  arrêté  un 
choix  indique  positivement  par  le 
cardinal  exclu  (Sévéroli)  à  qui,  par 
un  prudent  compromis ,  elle  avait 
noblement  déféré  le  droit  de  nom- 
mer le  cardinal  qui  le  remplacerait 
(il  avait  nommé  délia  Genga),  elle  ne 
fit  porter  sur  ce  dernier  cardinal  que 
douze  voix  le  matin  et  treize  le  soir. 


176 


SEV 


Vexcliiiive  (le  parti  qui  a  assez  do 
voix  pour  empêcher  l'élection)  dor- 
mit en  paix,  mais  Vindusive  ne  se 
livra  pas  au  même  repos  :  elle  tra- 
vailla la  nuit,  s'assura  de  trente-trois 
voix,  sollicita  la  voix  du  cardinal 
de  Clermoiit-Tonnerrequi  se  détacha 
de  Vexclusive^  et  obtint  le  lende- 
main à  la  majorité  les  trente-quatre 
voix  qui  nommèrent  le  cardinal  délia 
Genga.  Celui-ci  refusa  d'abord,  mais 
il  accepta  sur  les  instances  de  Sévé- 
roli  qui  lui  disait  :  «C'est  moi  seul, 
par  suite  de  circonstances  extraor- 
dinaires, qui  vous  ai  nommé;  vous  êtes 
un  autre  Sévéroli,  seulement  vous 
portez  un  autre  nom;  et  par  vous, 
comme  par  moi ,  les  Zelanti  ont 
triomphé.»  Tout  le  commencement  du 
règne  de  délia  Genga  (Léon  XII)  fut 
en  quelque  sorte  le  règne  de  Sévéroli  ; 
il  dirigea  une  partie  des  affaires,  mais 
en  1824  la  santé  de  celte  éminence 
s'altérait  tous  les  jours.  Cette  situa- 
tion nouvelle,  et  Timpossibilité  où  se 
trouvaitce  cardinal  d'adresser  au  pape 
des  remontrances,  droit  dont  cette 
éminence  dirigée  par  de  mauvaiscon- 
seils  hors  de  son  caractère  avait  usé 
parfois  avec  excès,  laissait  croire  que 
le  gouvernement  allait  devenir  plus 
calme  et  plus  conforme  aux  vieilles 
maximes  de  temporisation  convena- 
bles. C'était  un  spectacle  singulier 
que  celui  de  la  reconnaissance  con- 
stante de  Léon  Xll,et  de  l'espèce  d'a- 
bus inintelligent  qu'en  faisait  Sévé- 
roli toujours  malade,  et  suivant  par 
routine  des  principes  austères,  sans 
en  pouvoir  désormais  calculer  l'im- 
portance. La  vente  des  biens  natio- 
naux avait  été  déclarée  valide  en 
France,  et  Sévéroli  prit  part  alors, 
de  tout  le  poids  de  son  crédit,  à  un 
projet  de  restriction  que  Léon  XII  ne 
voulait  pas  adopter...  Le  père  An- 
fossi,  maître  du  sacré  palais,  avait  pu- 


SEV 

hlié  des  opinions  dangereuses  h  ce 
sujet;  alors  le  pape  Léon  XII  voulut 
prévenir  l'intervention  présumée  du 
cardinal  et  lui  écrivit  lebil  let  suivant  : 

•  Dans  le  cas  où  votre  éminence  au- 

•  rait  accordé  quelque   attention  et 

•  peut-être  quelque   appui  aux  ré- 

•  flexions  du  père  Anfossi,  qui  n'a  pas 

•  agi  d'ailleurs  dans  l'exercice    de 

•  ses  fonctions  de  maître  du  sacré 

•  palais  et  qui  n'a  écrit  que  comme 

•  simple   particulier  ,    nous    prions 

•  voire  éminence  de  nous  dire  si  elle- 

•  même  se  voyant  pape,  comme  nous 

•  le  sommes  devenu  par  des  circon- 

•  stances  qu'elle  ne  peutignorer,  elle 

•  aurait    approuvé    ces    réflexions. 

•  Votre  éminence,  dans  notre  situa- 
«  tion,  aurait  dit  et  ordonné  de  dire 
«  ce  que  le  secrétaire  d'Éiat  a  répondu 
«  en  notre  nom  aux  diverses  légations 

•  et  ce  que  nous  avons  répété  nous- 

•  même  dans  le  but  de  laisser  l'Eu- 

•  rope  en  paix,  car  toute  l'Europe 

•  catholique  et  l'Europe  protestante 

•  qui  a  acquis  des  sujets  catholiques 

•  récriminaientalafois,etmaintenant 

•  personne  ne  se  plaint  plus  de  nous. 
a  L'Église  a  tant  de  maux  !  Nous  avons 

•  à  porter  nos  regards  ailleurs;  l'c- 

•  poque  du  jubilé  (1825)  est  un  temps 

•  de  concorde  universelle.  Nous  vous 

•  sommes  attaché  detout  notre  cœur. 

•  Leo  pp.  XII. »  La  maladiede  Sévéroli 
empira;  il  succomba  le  8  sept.  1 824 .  Je 
ne  puis  actuellement  que  répéter  ici 
ce  j'ai  dit  à  ce  sujet  dans  l'histoire  de 
Léon  XII  (I,  336).  «  Ce  cardinal  avait 
«  d'abord  été  calomnié  dans  le  con- 

•  clave;  il  appartenait  au  parti  des  Ze- 
m  lanti,  mais  ses  opinions  n'avaient 
«  alors  rien  d'exagéré;  peut-êt  reeutil 

•  la  faiblesse  de  se  laisser  trop  dire  et 

•  de  trop  croire  que  le  pape  Léon  XII 

•  lui  avait   d'immenses  obligations 

•  et  qu'il  pouvait  tout  lui  demander, 
«  et  alors  dans  cet  esprit  d'ivresse, 


SËY 

«  cardinal ,    il   demanda  plus   qu'il 

•  n'aurait accordécommepapo;  mais, 
«avant  de  se  prononcer  froidement 
«  sur  de  (elles  questions,  il  faut  exa- 

•  miner    les  circonstances.  Il  dtait 

•  difficile  que  tout  ce  qui  devait  ar- 

•  river  après  le  conclave  ne  prît  pas 

•  la  couleur  que  nous  avons  tâché  de 
«  reproduire  ;  ce  qui  est  certain,  c'est 

•  que  de  telles  incertiludes  ne  de- 

•  vaient  avoir  aucune  durée,  et  que  la 
«  haute   autorité   légitime  et   vrai- 

•  ment  responsable  devant  Dieu  ne 

•  tarda  pas  à  se  manifester,  à  se  pla- 
«  cer  sur  son  trône  et  à  prendre  une 
«  consistance  qu'aucun  obstacle  ne 
"  viendrait  détruire.  »  Résumons  ces 
fails:  indubitablement  Léon  XII  eut 
de  grandes  obligations  à  Sévéroli  qui 
venait  de  le  créer  pape,  et  il  fit  bien 
de  lui  en  témoigner  une  sincère  et 
longue  gratitude^  mais  en  définitive 
cette  gratitude  devait  avoir  des  bor- 
nes. Léon  XII  pouvait  appeler  intime- 
ment dans  son  conseil  le  cardinal 
qu'on  avait  nommé  Yunîque  électeur, 
mais  toujours  dans  la  sphère  de  con- 
ccfigion  que  méritait  le  vrai  et  ancien 
caractère  de  Sévéroli  qui,  encore  une 
fois,  était  auparavant  doux  et  ferme 
avec  sagesse.  Le  lendemain  de  l'ex- 
clusion, ce  même  caractère  s'était  ai- 
gri, la  douceur  première  avait  un  peu 
disparu;  à  la  fermeté  sage  avait  suc- 
cédé une  fermeté  décidément  opi- 
niâtre-, les  flatteurs  plus  ou  moins 
nouveaux  de  cette  puissance  déchue 
avant  la  jouissance  du  pouvoir  n'a- 
vaient rien  fait  pour  Léon  Xlf,  et  c'é- 
taient eux  qui  voulaient  le  gouver- 
ner. La  résignation  de  Léon  Xll  fut 
admirable,  et  son  courage  nele  futpns 
moins  quand  il  crut  à  propos  de  tenir 
fortement  lui-même  le  sceptre  qu'il 
n'avait  pu  mettre  en  ses  mains  à  des 
conditions  déshonorantes.  On  vit 
bien,quand  il  eut  saisi  l'autorité,  qu'il 

LXXXII. 


SEV 


177 


en  était  digne,  d'autant  plus  que 
l'exercice  de  son  action  intrépide 
n'avait  été  interrompu  que  par  des 
qualités  de  cœur  et  d'àme  fendre  qui 
s'alliaient  si  généreusement  à  des 
qualités  de  gouvernement  dans  l'es- 
prit de  ce  pontife,  l'un  des  plus  grands 
génies  d'ordre,  de  franchise,  de  vo- 
lonté prudemment  réformatrice  qui 
se  soient  assis,  au  commencement  de 
ce  siècle,sur  le  siège  de  saint  Pierre. 

A-D. 

SEVESTRE  (  Joseph  -  Marie- 
François),  conventionnel,  né  à  Ren- 
nes le  18  janvier  1753,  était  employé 
dans  les  bureaux  des  États  de  Bre- 
tagne avant  la  révolution,  dont  il 
embrassa  la  cause  avec  beaucoup  de 
chaleur.  Nommé  en  1792  l'un  des 
députés  du  département  d'Ille-et-Vi- 
laine  à  la  Convention  nationale,  il  y 
siégea  et  vota  dès  le  commencement 
avec  la  faction  de  la  Montagne.  Dans 
la  discussion  à  laquelle  donna  lieu 
l'acte  d'accusation  de  Louis  XVI,  il 
demanda  qu'il  ne  fût  pas  permis  à 
ce  prince  de  se  choisir  des  conseils, 
ce  qui  fut  repoussé  par  l'assemblée. 
Il  vota  ensuite  pour  la  peine  de  mort, 
contre  l'appel  au  peuple  et  contre  le 
sursis.  Ayant  reçu  aussitôt  après, 
avec  Billaud-Varenne,  une  mission 
pour  les  départements  de  l'Ouest,  il  se 
trouva  dans  ces  contrées  au  moment 
des  premiers  soulèvements  du  parti 
royaliste,  et  ces  deux  représentants 
écrivirent  de  Rennes  à  la  Convention 
nationale  des  lettres  très-alarmantes. 
Revenu  dans  l'assemblée,  Sevestre 
continua  d'y  siéger  à  côté  de  Marat  et 
de  Robespierre  ;  mais  il  ne  prit  que 
peu  de  part  aux  discussions,  si  ce  n'est 
à  l'époque  de  la  révolution  du  31 
mai,  où  il  dénonça  sou  compatriote 
Guilbert,  suppléant  de  Lanjuinais,  et 
le  fit  arrêter  connne  l'auteur  du  sou- 
lèvement qui  venait  d'éclater  en  Bre- 
12 


178 


SEV 


lagne  contre  celte  révolulion.  Peu 
de  jours  après  il  ilcfendit  Garât  qui 
était  accusé  par  Collot  d'Herbois, 
et  il  assura  que  ce  ministre  s'était 
très-bien  conduit  dans  les  journées 
des  i"  et  2  juin  1793.  Le  30  septem- 
bre suivant,  il  accusa  un  de  ses  col- 
lègues en  mission  dans  le  Loiret 
d'avoir  imposé  des  taxes  arbitraires. 
Lors  de  la  révolution  du  9  thermi- 
dor, il  se  déclara  franchement  con- 
tre Robespierre  et  prit  ensuite  une 
part  assez  vive  au  système  de  réac- 
tion. Il  fut  membre  de  la  commission 
chargée  d'instruire  le  procès  de  Car- 
rier. Appelé  au  comité  de  siireté 
générale  en  avril  1795,  il  concourut 
à  la  répression  des  émeutes  qui  écla- 
tèrent contre  la  Convention  natio- 
nale dans  les  journées  de  prairial, 
où  le  député  Féraud  fut  tué.  Après 
la  victoire  de  la  Convention  Se- 
vestre  présenta  le  décret  d'accusa- 
tion contre  les  chefs  de  la  révolte, 
qui  furent  traduits  devant  un  con- 
seil de  guerre,  et  il  continua  de 
marcher  ainsi  dans  le  sens  de  la 
réaction  thermidorienne,  poursui- 
vant ,  persécutant  ses  anciens  amis 
du  jacobinisme.  Voulant  cependant 
se  donner  les  apparences  de  l'impar- 
tialité, et  surtout  ne  pas  paraître 
pencher  vers  le  royalisme,  il  se  char- 
gea, comme  membre  du  comité  de 
sûreté  générale,  de  la  surveillance 
des  prisonniers  du  Temple,  où  res- 
taient encore  les  enfants  de  Louis 
XVI,  qui  seuls  de  toute  la  famille 
avaient  échappé  à  l'échafaud,  et  que 
la  police  de  ce  teu)ps-là  gardait  et 
surveillaitavec  les  mcmesprécautions 
et  d'une  manière  aussi  lyrannique 
qu'elle  l'avait  fait  à  l'égard  de  leurs 
malheureux  parents.  Le  comité  de 
sûreté  générale  qui  remplaça  dans 
ces  tristes  fonctions  l'affreuse  com- 
mune, immolée  presque  tout  entière 


SEV 

jvec  Robespierre  dans  la  journée,  du 
9  thermidor,  ne  s'en  acquittait  p.as 
avec  moins  de  rigueur  et  de  cruauté. 
Quand  le  fils  de  Louis  XVI  eut  à  la 
fin  succombé,  ce  fut  Sevestrequi  se 
chargea  d'annoncer  sa  mort,  et  son 
rapport  à  la  Convention  nationale  fut 
en  tous  points  digne  de  cet'e  épo- 
que. «  Depuis  quelque  temps,  dit-il, 
«  le  fils  de  Cnpet  était  incommodé 

•  par  une  enflure  au  genou  droit  et 
«  au  poignet  gauche  Le  15  floréal  les 
«  douleurs  augmentèrent;  le  malade 
«  perdit  l'appétit  et  la  fièvre  survint. 
«  Le  fameux  Desault,  officier  de 
«  santé,  fut  nommé  pour  le  voir  et 

•  pour  le  traiter.  Ses  talents  et  sa 
'  probité  nous  répondaient  que  rien 
«  ne  manquerait  aux  soins  qui  sont 
«  dus  à  l'humanité.  Cependant  la 
«  maladie  prenait  des  caractères  très- 

•  graves;  le  16  de  ce  mois  Desault 
«  mourut  ;  le  comité  nomma  pour  le 
«  remplacer  le  citoyen  Pelletan,  of- 
«  ficier  de  santé  très-connu,  et  le 
■  citoyen  Dumangin,  premier  méde- 
«  cin  de  l'hospice  de  santé,  lui  fut 
«adjoint.  Leur  bulletin  d'hier,  Il 
«  heures  du  matin,  annonçait  des 
«  symptômes  inquiétants  pour  la  vie 

•  du  malade,  et  à  2  heures  et  un 
«  quart  après  midi  nous  avons  reçu 
«  des  nouvelles  de  la  mort  du  fils  de 
«  Capet.Le  comité  de  sûreté  générale 
«  m'a  chargé  de  vous  en  informer. 

•  Tout  est  constaté;  voici  les  procès- 
«  verbaux  qui  demeureront  déposés 

•  à  vos  archives. "On  doit  bien  pen- 
ser que  peu  de  personnes  crurent 
aux  soins  humanitaires  du  comité  ré- 
gicide {voy.  Louis  XVil,  XXV, 238). 
Ce  qu'il  y  eut  de  plus  vrai  dans  ce 
rapport,  ce  fut  la  mort  de  l'héri- 
tier de  tant  de  rois.  Comme  l'a 
dit  le  poète  Delille  :  iatomèe  sait 
le  reste...  Peu  de  jours  après,  voulant 
éloigner  de  pi  us  en  plus  les  souvenirs 


SEV 

(le  la  terreur,  SeveslrelU  changer  la 
dénomination  de  comités  révolution- 
naires en  celle  de  comilés  de  sur- 
veillance^ puis  il  proposa  le  rappel 
de  ])Insieiirs  représeiilanls  en  mis- 
sion, et  sortit  du  comité  de  sûreté 
générale    (2  août    1795).    Attaqué 
dans  plusieurs  journaux  pour  sa  con- 
duite pendant   la  révolution,  sur- 
tout à  l'occasion  de  son  rapport  sur 
la  mort  de  Louis  XVII,  il  demanda 
contre  la  presse  des  lois  répressives 
qu'il  ne  put  obtenir,  mais  que  plus 
tard  on  a  encore  faites  plus  sé^'ères. 
N'ayant  pas  été  réélu  après  la  session 
conventionnelle,  il  fut  nommé  l'un 
des  mt-ssagers  d'État  au  conseil  des 
Cinq-Cents,   fonctions  qu'il   exerça 
ensuite  au  corps  législatif,  sous  le 
gouvernement  impérial,  jusqu'à  la 
restauration  de  1814.  Exilé  en  1816 
par  la  loi  contre  les  régicides,  il  ne 
rentra  dans  sa  patrie  qu'après  la  ré- 
volution de  1830.  La  Chambre  des 
députés  lui  fit  alors  payer  son  traite- 
ment arriéré  de  tout  le  temps  qu'a- 
vait duré  son  exil,  et  elle  lui  accorda 
une  pension  de  3,000  francs  dont  il 
a  joui  jusqu'à  sa  mort.Cefutleôavril 
1846  qu'il  termina  ses  jours,  au  châ- 
teau de  Liverdy,  près  de  Tournon 
(Seine-et-Marne),  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-quatorze  ans.  Nous  ignorons 
si  celte  propriété  lui  appartenait. 
M-D  j. 
SEVILLA   Romero  d'Escalante 
(Jean  de)  ,  peintre ,  naquit  à  Séville 
en  1027  et  manifesta  fort  jeune  en- 
core ses  dispositions  pour  la  peinture. 
il  fut  d'abord  élève  d'Alphonse  Ar- 
guello,  peintre  médiocre  de  Grenade, 
puis  de  l'habile  Pierre  de  Moya.  Ce 
dernier  lui  donna  du  goût  pour  les 
ouvrages  deVan  Dyck,  et  Sevilla  pro- 
fita de  l'étude  de  cet  excellent  mo- 
dèle. Il  eut  le  malheur  de  perdre  son 
maître  au  moment  où  ses  conseils  lui 


SEY 


179 


auraient  été  nécessaires  ;  néanmoins 
il  trouva  dans  la  vue  des  cartons  et 
des  tableaux  de  Rubensune  nouvelle 
direction  qui  ne  fut  pas  moins  utile 
à  son  talent,  il  parvint  presque  à  s'i- 
dentifier avec  ce  grand  maître  sous 
le  rapport  de  la  couleur,  et  sa  manière 
le  plaça  à  la  tête  de  tons  les  peintres 
que  Grenade  possédait  à  cette  épo- 
que. Il  fut  chargé  de  nombreux  tra- 
vaux, publics  ou  particuliers.  Parmi 
ses  ouvrages,  les  plus  dignes  d'at- 
tention sont  ceux  qu'il  exécuta 
pour  les  Carmes,  les  Augustins 
chaussés,  pour  le  couvent  de  Saint- 
Jérôme  de  Grenade  ,  et  surtout  la 
Cène,  qu'il  peignit  dans  le  réfec- 
toire des  Jésuites.  On  voit  aussi 
une  grande  partie  de  ses  compositions 
dans  plusieurs  églises  de  Xérès  de 
la  Frontera,  d'Aloala  de  Hénarès  et 
dans  quelques  autres  monastères.  Sa 
manière  est  libre  et  hardie,  sa  cou- 
leur se  rapproche  de  celle  de  Rubens. 
Douéd'une  grande  facilité  d'exécution 
et  d'une  conception  vive  et  prompte, 
c'était  lui  qu'on  employait  de  préfé- 
rence pour  la  décoration  des  autels 
et  des  rues ,  lors  des  processions  de 
la  Fête-Dieu  et  autres  solennités;  mais 
la  sévérité  ou  plutôt  la  dureté  de  son 
caractère,  secondée  par  la  jalousie  de 
sa  femme,  l'empêcha  d'avoir  chez  lui 
une  école  qui  eût  propagé  dans  Gre- 
nade sa  bonne  manière  de  peindre 
qui  s'éteignit  aveclui.  11  mourut  dans 
cette  ville  le  23  août  1695.  P— s. 
SÉVILLE  (Arbiaisd),  littérateur, 
mort  en  1847,  avait  débuté  par  quel- 
ques pièces  de  théâtre,  composées 
en  société  avec  plusieurs  auteurs; 
il  publia  aussi  un  roman,  des  chan- 
sons et  d'autres  écrits.  Il  se  fit 
maître  de  langues,  et,  en  1824,  il 
était  rédacteur  en  chef  du  journal 
le  Mentor.  On  a  de  lui  :  Le  Qua- 
terne,  vaudeville  en  un  acte,  eu 
12. 


180 


SEY 


SEX 


prose,  Paris,  1801,  in-8\  Il  (avec 
M.  Debarges).  Le  Café  du  YentrilO' 
que,  folie-vaudeville  en  un  acte,  en 
prose,  1804,  in-S".  lli  (avec  M.  De- 
billy).  Ressaie,  monologue  en  prose, 
mêlé  de  vaudevilles,  1805,  in-8". 
IV  (avec  le  même).  Un  quart- 
d'hetire  dramatique,  folie-vaudeville 
en  prose,  1805,  in-8<'.  V,  Le  Por- 
tefeuille galant ,  recueil  varié  et 
amusant,  1805,  in-16.  VI  (avec 
MM.  L^opold  et  Darrodes  de  Lille- 
bone).  Le  dernier  Bulletin,  ou  la 
Paix!  impromptu  en  un  acte  et  en 
prose,  mêlé  de  vaudevilles,  1800, 
in-8o.  Vil  (avec  M.  Varez).  Métusko, 
ou  les  Polonais,  mélodrame  en  trois 
actes  et  eu  prose ,  1808 ,  in-8°. 
VIII.  Précis  de  l'histoire  de  France, 
depuis  V  établis  sèment  de  la  monar- 
chie jusqu'au  règne  de  Napoléon  /^', 
1813,  in- 12.  IX.  Le  Chansonnier 
joyeux,  première  année,  1813,  in-18, 
X  (avec  M.  Varez).  Laissez- moi 
faire,  ou  la  Soubrette  officieuse, 
1813,  in-8°.  XI.  L'Habit  de  cour, 
ou  le  Moraliste  de  nouvelle  étoffe, 
1815,  3  vol.  in -12.  XII  (avec 
MM.  Benjamin  Antié  et  Ponet).  La 
Liquidation,  vaudeville  en  un  acte 
et  en  prose,  1826,  in-8°.  XIII  (avec 
MM.  Ponet  et  Leroy  de  Bacre).  La 
Famùle  Gérard,  ou  les  Prisonniers 
français,  tableau  militaire  en  un 
acte,  1826,  in-8".  Armand  Séville  a 
donné  une  édition  de  la  Grammaire 
française  de  Lhomond,  revue  et 
augmentée,  Langrcs,  1812  ;  Neiifcliù- 
teau,  1813,  1824,  in-12;  nouvelle 
édition,  à  laquelle  on  a  joint  une 
idée  de  la  grammaire  générale,  Paris, 
1812.  in  12.  Z. 

SEVIN  (PiERRu),  moine  de  l'ordre 
des  Augustins,  estauleur  d'un  de  ces 
opuscules  que  les  amateurs  d'impres- 
sions gothiques  ont  rarement  l'oc- 
casion de  rencoiilrer  et  qu'ils  paient 


fort  cher.  La  Légende  des  onze  mille 
viergesavec  plusieurs  aultressaincts 
et  sainctes,  Paris,  sans  date,  28  feuil- 
lets :  tel  est  le  titre  du  livret  en  ques- 
tion. La  légende  dont  il  cfTre  le  naïf 
récit  est  une  des  plus  célèbres  du 
moyen  âge.  Elle  se  trouve  dans  la 
Légende  dorée  et  dans  les  anciens  ha- 
giographes;  elle  est  l'objet  de  plu- 
sieurs écrits  imprimés  dès  les  débuts 
de  la  typographie.  Quant  à  son  au- 
thenticité, elle  ne  saurait  plus  trou- 
ver aujourd'hui  un  seul  défenseur. 
On  attribue  l'étrange  erreur  des  lé- 
gendaires à  la  manière  fautive  dont 
a  été  lue  une  inscription  placée  à  Co- 
logne et  qui  est  devenue  célèbre  : 
VRSVLA.  ET.  XI.  M.M.V.V.  Au  lieu 
ùeundecim  martyres  virgines  ,  sens 
réel  des  six  dernières  lettres,  on  a 
conjecturé  undecm  millia  virgines. 
M.  Didron  a  inséré  dans  le  journal 
VUnivers  une  notice  sur  la  légende 
de  sainte  Ursule  et  de  ses  compagnes. 
Un  auteur  qui  s'est  amusé  à  traiter 
avec  un  sérieux  bizarre  de  singulières 
questions,  H.  Kornmann,  dans  son 
livre  de  virginitate^  discute  (chap. 
118)  :  An  omnes  fuerint  virgines  in 
turba  et  societate  S.  Ursulœ. 

B—N-T. 

SEXTUS  DE  CHÉRONÉE,  phi- 
losophe grec  dont  la  vie  est  demeurée 
inconnue,  vivait,  suivant  l'opinion 
commune,  vers  la  fin  du  second  siècle 
de  notre  ère;  quelques  savants  l'ont 
cru  un  peu  plus  ancien.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  nous  est  parvenu  de  lui  cinq 
traités  de  morale  écrits  en  dialecte 
dorien.  Henri Eslienne  les publiapour 
la  première  fois  à  la  suite  de  son  édi- 
tion de  DiogèneLaërce  (1570,  iu-8°), 
en  y  joignant  une  version  latine.  Ils 
ont  reparu  dans  les  deux  éditions  des 
Opuscula  mythologica.  recueillis  par 
Th.  Gale  (1670  et  1688).  Fabricius  les 
a  compris  dans  le  douzième  volume 


SEY 

de  sa  Bibliothèque  grecque,  et  ré- 
cemment un  philologue  distingué  , 
M.  Orelli,  de  Zurich,  leur  a  donné 
place  danssacollecliondespetitsmo- 
TiiUs\es[Opusc.vet.Grœcor.  sentent.). 
Ils  ne  contiennent  rien  de  fort  remar- 
quable, et  toutefois  ils  mériteraient 
d'être  un  peu  plus  connus  qu'ils  ne 
l'ont  été  jusqu'à  présent.  B— N— t. 

SEYEIl  (Samuel),  savant  anglais, 
né  à  Bristol,  oii  son  père  était  recteur 
de  la  paroisse  St-Michel,  et  fut  long- 
temps, avec  réputation,  à  la  tête  d'une 
école  publique,achevases  études  dans 
l'université  d'Oxford,  où  il  prit,  en 
1780,  le  degré  de  maître  ès-arts.  Il 
entra  également  dans  les  ordres  et 
dans  la  carrière  de  l'enseignement, 
et  fut  successivement  curé  d'Horfield, 
près  Bristol,  et  recteur  de  Felton,  en 
Glocestershire.  Il  était ,  à  l'époque 
de  sa  mort,  en  juin  1831,  vice-prési- 
dent de  la  Société  bibliographique 
{library  society)  de  sa  ville  natale.  On 
a  de  lui  plusieurs  ouvrages  :  I.  Sur  la 
Syntaxe  du  verbe  latin,  1798,  in-Ss 
réimprimé  plusieurs  fois  depuis.  11. 
Principes  du  Christianisme,  1800, 
in-12.  111.  Latium  redivivum .,  ou 
Traité  sur  l'usage  moderne  de  la 
langue  latine  et  sur  l'universalité 
(prevalence)  du  français;  suivi  d'un 
Spécimen  du  latin  accommodé 
à  l'usage  moderne,  1808,  in-8°.  IV. 
Chartes  et  lettres-patentes  accordéts 
par  les  rois  et  reines  à  la  ville  et  cité 
de  Bristol^  nouvelle  traduction  ac- 
compagnée de  l'original  latin,  1812, 
in-4".  V.  Mémoires  historiques  et  to- 
pographiques sur  Bristol  et  ses  en- 
virons depuis  les  premiers  temps  jus- 
qu'à nos  jours ,  1821 ,  i  vol.  iu-4°. 
VI.  Une  traduction  en  vers  anglais  du 
poème  latin  de  Vida  sur  les  Echecs. 

Z. 

SEYMOUR.  V.  SoftiEnsET,XUlI, 
74,et  Damer,  LXll,  69. 


SEZ 


181 


SEYNES  (Alphonse  de),  archi- 
tecte et  dessinateur,  mort  à  Nîmes  en 
1844,  s'est  beaucoup  occupé  des  an- 
tiquités que  cette  ville  renferme  en 
si  grand  nombre.  11  a  public  sur  ce 
sujet  des  ouvrages  estimés,  savoir  : 
l. Monuments  romains  de  Nîmes,  des- 
sinés d'aprèsnature  etlithographiés , 
Paris,  1818,  5  liv.  petit  in-l'ol.  H.  Es- 
sai sur  les  fouilles  faites  en  1821  et 
en  1822  autour  de  la  Maison  carrée, 
Nîmes,  1823,  in-8",  avec  3  p!,,  dont 
une  coloriée;  2*édilion,Nîmes,  (824, 
uï-8° ,  avec  4  pi.  Z. 

SEZE  (Ravmoind  de)  (1) ,  d'une 
ancienne  famille  de  lapetiie  ville  de 
Saint-Émilion,  était  lils  d'un  avocat 
célèbre  du  parlement  de  Bordeaux, 
où  il  naquit  le  26  septembre  1748. 
Son  père,  conseil  des  jésuites  de  sa 
province  et  ami  de  ces  religieux,  le 
fit  élever  dans  leur  collège.  Objet  de 
la  tendre  affection  de  ses  maîtres,  le 
jeune  de  Seze  dut  à  leurs  soins  de 
prompts  succès.  Avocat  à  19  ans,  il 
ne  tarda  pas  à  se  faire  remarquer 
dans  sa  carrière.  En  1775  il  vit  déjà 
plusieurs  de  ses  plaidoyers  recueillis 
des  causes  célèbres.  Doué  de  ces  qua- 
lités extérieures  sans  lesquelles  il  est 
rare  d'obtenir  grâce  devant  le  pu- 
blic, aussi  aimable  dans  le  monde 
qu'habile  en  affaires,  heureux  en  tout, 
il  eut  encore  l'avantage  de  se  lier  par 
de  vifs  sentiments  d'amitié  avec  le 
président  Dupaty,  que  des  querelles 
d'auiour-propre,  avec  son  corps,  bien 
oubliées  aujourd'hui,  mais  alors  très- 
animées  et  très-bruyantes,  avaient 


(i)  Comme  de  Seze  ét:iit  le  cinquitiae  de 
neuf  fVèiej,  il  avilit  porté  dans  sa  famille  et 
dans  sa  province  un  nom  distinctif.  Il  y  était 
couuu  sous  le  nom  de  Romain, qu'i\  atJoDilé 
à  son  fils  aîné.  Mais  sou  extrait  de  Ijaptéine, 
levé  en  1767,  lois  de  sa  ré(Ci)tion  au  bar- 
reau de  Bordeaux, ft<juc  nous  avons  ei!  Sous 
les  yeux,  ue  lui  douu'e  que  le  uora  de  Raj- 
rnand. 


182 


SEZ 


arraché  à  ses  fondions.  De  Seze, 
enveloppé  dans  la  disgrâce  de  son 
ami,  vint   le  retrouver  dans  la  ca- 
pitale, où  déjà  plusieurs  fois  on  avait 
voulu  l'attirer.  Très-jeune  encore, 
il  avait  su  se  dérober  aux  bontés  de 
Gerbier  qui  l'appelait  près  de  lui,  et 
il  avait  préféré  la  vie  paisible  d'un 
barreau  de  province  à  l'éclat  tou- 
jours difficile  à  soutenir  du  barreau 
de  Paris.  Deux  hommes  d'un  grand 
renom,  liés  avec  le  présidcntDupaty, 
aplanirent  à  son  ami  l'accès  dos  af- 
faires.   Elle    de    Beaumont    voulut 
qu'en  arrivant  à  Paris  il  n'eût  pas 
d'autre  maison  que  la  sienne.  Target 
se  retira  en  quehpie  sorte  du  bar- 
reau pour  l'y  faire  entrer.  On  ra- 
conte même  à  cet  égard  une  assez 
piquante  anecdote.  A  peine  de  Seze 
était-il  à  Paris,  avec  le  désir  plutôt 
(|ue  le  dessein  de  s'y  lixer,  que  Tar- 
get le  choisit  pour  le  remplacer  dans 
une  cause  d'un  intérêt  grave,  li  s'a- 
gissait du  partage  de  la  fortune  d'Hei- 
vétius.  La  comtesse  d'Andlaw,  l'une 
de  ses  tilles,  avait  chargé  Target  de 
la  défendre.  Impossible  de  Irouverua 
plus  sûr  appui.  Quelle  est  la  surprise 
de  la  cliente  lorsque,  dans  une  visite 
à  son  avocat,  celui-ci  lui  déclare  qu'il 
ne  fait  plus  que  des  vœux  pour  sa 
cause,  qu'un  jeune  homme,  récem- 
ment arrivé  de   Bordeaux,  se  char- 
ge de  la  plaider.  Elle  ne  peut  croire 
ce  qu'elle  entend.   Le  plus  célèbre 
orateur  de  Paris,  l'émule  de  Ger- 
bier, lui  avait  promis    le    secours 
de  son  talent  et  de  son  nom,  et  le 
sort  d'une  grande  fortune  va  être 
livré  à   un   inconnu,  à   un   jeune 
homme,  qui  en  est  à  son  début.  Ma- 
dame d'Andlaw   devait   voir   là  un 
abandon  fort  extraordinaire  de  ses 
intérêts^  elle  n'imagine  pas  qu'une 
telle  désertion  se  consomme.   Elle 
exprime  avec  chaleur  son  étonne- 


SEZ 

ment.  Target,  sans  s'émouvoir,  lui 
dit  :  •  Madame,  vous  ne  connaissez 
«  pas  mon  ami  5  il  demeure  avec  Élie 

•  de  Beaumont,  faites-vous  conduire 
«  chez  cet  inconnu  5  causez  avec  lui, 
a  je  m'en  rapporte  à  ce  que  vous  me 

•  ferez  la  grâce  de   m'en  dire.  »  La 
visite  eut  lieu,  en  effet.  Plus  tard  , 
de  Seze  assurait  qu'il  se  garda  bien 
de  toucher  un  mot  du  procès  à  la 
comtesse  ;   mais  nprès  une  conver- 
sation dans  laquelle  les  interlocu- 
teurs mirent  sans  doute  tout   leur 
esprit ,  et  ils  en  avaient  tous  deux 
beaucoup ,    niadame    d'Andlaw    re- 
tourna chez  Target.   «  Je  crois  que 
«  vous  avez  raison,  lui  dit-elle,  votre 
a  ami  saura   plaider  mon  affaire.» 
Les  mémoires  de  Bachaumont  (1784) 
nous  peignent  le  succès  qu'il  y  ob- 
tint. Les  juges,  le  public,  l'avocat 
du  roi,  le  trop  fameux  Hérault  de 
Séchelles,  rivalisèrent  pour  lui   de 
compliments  ;   le  lendemain  il  avait 
la  vogue.  Ou  ne  sera  pas    surpris 
qu'un  homme  qui  avait  ainsi  conquis 
son  rang  dans  l'opinion  fixât  les  suf- 
frages de  ses  concitoyens  lorsque  la 
discussion  des  affaires  publiques  passa 
de  l'intérieur  du  parlement  dans  les 
diverses    assemblées     parisiennes. 
Électeur  en  1789,  président  de  dis- 
trict aux  premières  réunions,  il  obéit 
au  mouvement  qui  entraînait  pres- 
que tous  les  Français  vers  les  réu- 
nions politiques  ;  mais  à  peine  eut-il 
passé  le   jeuil  de   ces  assemblées, 
qu'il  les   quitta   sans  retour.    Par- 
lementaire,   comme   s'il   eût    déjà 
siégé  sur  les  fleurs  de  lis,  il  ne  pou- 
vait pardonner  aux  événements  l'at- 
teinte portée  aux  grands  corps  de  ma- 
gistrature. La  société  lui  paraissait 
perdre  sa  tutelle,  et  l'éloquence  judi- 
ciaire son  aiguillon.  Aussi,  dès  les 
preuiiers  coups  de  la  tempête,  ses 
principes  le  désignèrent,  non  moins 


SEZ 

que  ses  talents,  pour  la  défense  d'une 
des  premières  victimes  des  préven- 
tions de  1789.  Depuis  le  14  juillet, 
Besenval,  lieutenant-général  inspec- 
teur des  troupes  suisses,  et  rempla- 
çant par  événement  le  comte  d'Affry 
dans  le  couanandccnent  supérieur  de 
Paris,  était  devenu  l'objet  de  l'ani- 
niad version  de  celte  partie  du  public 
qui,  animée  par  des  traîtres  et  des 
perfides,  ne  rêvait  de  son  côté  que 
trahison,  perfidie,  et  traitait  en  en- 
nemi tout  dépositaire  de  l'autorilé. 
Dans  les  attributions  du  baron  de 
Besenval  se  trouvait  la  Bastille.  11 
semblait  qu'au  moindre  signe  de  l'in- 
surrection il  eût  du  en  ouvrir  les  por- 
tes à  l'empressement  des  Parisiens. 
On  sait  que  celle  forteresse  ne  fut  pas 
prise,  mais  surprise.  Les  assaillants  y 
avaient  trouvé  ce  qu'ils  connaissaient 
par  avance ,  l'ordre  de  défendre  le 
fort  que  le  major  Dupiiget  avait  reçu 
le  matin  même  du  14  du  comman- 
dant-général. Une  de  ces  dictatures 
qui  s'étaient  arrogé  dans  Paris  un 
pouvoir  de  dénonciation  presque 
sans  limites  avait  provoqué  d'abord 
l'arrestation,  puis  le  jugement  de  Be- 
senval. Le  Châtelet  fut  investi  de 
cette  affaire,  que  le  baron  résumait 
lui-même  en  peu  de  mots  :  «  J'avais 

•  reçu  l'ordre  de  m'opposer  à  la  sé- 
a  dition,  et  j'avais  senti  l'impossibi- 

•  lité  de  l'exécuter.  »  Telle  est  la 
franchise  de  son  aveu  dans  ses  mé- 
moires (2).  En  effet,  si  ce  torrent  de 

(2)  P.ige  432,  tome  3".  Pour  apprécier 
la  conduite  de  Besenval  dans  cette  circoc- 
stance,il  fautlirel'artidedeMaudar  (LXXII, 
460  )  et  savoir  que  dans  le  moment  ou  il 
se  retirait  aveu  ses  troupes,  après  avoir 
abandonné  son  poste  du  Cliamp  de  Mars, 
il  rencontra  sur  le  pont  de  Sèvres  le  mar- 
quis d'Autichamp,  alors  major-général 
de  Tannée,  qui  lui  adressa  de  vifs  repro- 
cbes  sur  ce  qu'il  avait  ainsi  quitté  un  poste 
duquel  dépendait  le  ealut  de  la  monar- 
chie.    Kous    avons    entendu     successive- 


SEZ 


183 


1789  eût  pu  rencontrer  quelque  ob- 
stacle, c'était  au  roi  plus  qu'au  peu- 
ple à  exiger  du  général  un  compte 
exact  et  fidèle.  Mais  l'erreur  était 
alors  propagée  avec  tant  d'audace  , 
on  se  faisait  une  si  fausse  idée  des 
devoirs  publics  et  des  fonctions, 
qu'il  fallut  du  bonheur  à  Besenval 
pour  arriver  vivant  devant  ses  juges, 
de  l'énergie  à  sou  défenseur  pour  l'y 
suivre,  et  aux  magistrats  un  senti- 
ment bien  prononcé  de  justice  pour 
l'acquitter.  Heureux  dans  cette  dé- 
fense qui  eut  de  l'éclat,  de  Seze  res- 
sentit vers  le  même  temps  une  satis- 
faction d'une  nature  assez  piquante 
dans  sa  vie.  Les  parlements  venaient 
d'être  détruits  ;  on  n'avait  conservé 
à  titre  de  service  provisoire  que  la 
chambre  des  vacations  destinée  à  ter- 
miner quelques  procès.  Cette  cham- 
bre eut  à  juger  une  contestation  pu- 
rement d'intérêt  pécuniaire  entre  les 
héritiers  d'un  conseiller  au  parle- 
ment de  Paris  et  Monsieur,  comte 
de  Provence,  depuis  Louis  XVIII. 
Chargé  de  la  cause  du  prince,  de  Seze 
en  assura  le  succès,  et  il  obtint,  en  fa- 
veur du  frère  du  roi,  le  dernier  arrêt 
qu'ait  prononcé  le  parlement.  Le  len- 
demain le  scellé  ferma  la  salle  d'au- 
dience et  les  greffes.  A  ces  cours  an- 
tiques, on  peut  dire  à  ces  augustes 
aréopages,  succédèrent  de  nouvelles 
juridictions  ;  de  Seze  n'en  voulut 
pas  reconnaître  l'autorité.  A  quarante 
et  un  ans,  dans  la  force  de  l'âge  et 
4ans  les  jouissances  d'un  talent  déjà 
loin  d'être  méconnu, il  renonça  à  une 
profession  qu'il  idolâtrait,  et  ne  re- 
ment noos-même  Mandai  et  le  marquis 
d'Autichamp  raconter  cet  événement  et  s'ac- 
corder sur  toutes  les  circonstances.  Nous 
n'y  avons  rien  vu  qui  puisse  excuser  Be- 
senval d'avoir  abandonuc  sans  ordre  nn 
poste  aussi  important.  Cet  événement  n'a 
d'ailleurs  rien  de  commun  avec  le  fait  pour 
lequel  de  Seze  fut  son  défenseur.  M— Dj. 


184 


SEZ 


parut  sur  la  scène  publique  que  pour 
lutter  contre  le  plus  douloureux  et  le 
plus  funeste  des  attentats.  A  peine  U 
constitution  de  1791  avait-elle  été 
imposée  à  Louis  XVI,  que  les  hom- 
mes des  divers  partis  qui  s'unissaient 
pour  changer  la  dynastie  ou  pour  sup- 
primer toute  dynastie  eurent  bientôt 
calculé  et  porté  leurs  coups.  Le  20 
juin  avait  fait  évanouir  jusqu'à  l'idée 
de  la  puissance  royale;  le  10  août 
ouvrit  au  roi  sa  prison  ;  une  fois  que 
les  révolutionnaires  furent  les  maî- 
tres de  donner  à  la  France  slupé- 
hée  le  spectacle  d'un  souverain  tra- 
duit à  la  barre  de  ses  sujets,  il  n'y 
eut  plus  qu'à  y  conduire  Louis  XVI. 
Le  11  décembre  1792,  le  roi  parut 
devant  laCouvention  !  Toujours  plein 
des  souvenirs  de  Charles  l^"",  qui  avait 
refusé  de  reconnaître  à  ses  sujets  le 
droit  de  l'interroger,  il  crut  qu'il  de- 
vait au  contraire,  pour  donner  aux 
hommes  qui  se  constituaient  ses  ju- 
ges le  moyen  de  retrouver  leur  rai- 
son, consentir  à  leur  répondre.  Une 
fois  engagé  dans  la  voie  judiciaire, 
le  roi  songea  à  s'entourer  de  défen- 
seurs. On  l'accusait  d'avoir  enfreint 
la  constitution;  il  appela  près  de  lui 
plusieurs  des  députés  qui  l'avaient 
faite.  On  sait  quel  étrange  refus  il 
eut  à  subir,  et  avec  quel  noble  dé- 
vouement un  de  ses  anciens  ministres 
se  présenta  pour  le  défendre;  mais 
l'âge  avancé  de  cet  homme  immor- 
tel, et  l'inexptTience  des  luttes  ora- 
toires de  l'habile  jurisconsulte  qui 
obéit  courageusement  à  l'appel  de  son 
roi,  ne  leur  permettaient  pas  de  se 
charger  à  l'improviste  d'une  tâche 
aussi  difficile.  Malesherbes  demanda 
au  roi  la  permission  de  s'adjoindre  un 
homme  encore  jeune,  à  peine  sorti 
de  la  lice  du  barreau,  qui  piit,  devant 
la  Convention,  être  l'organe  de  la 
défense.  Mais,  tandis  que  le  noble 


SEZ 

vieillard  sollicitait  les  ordres  du  roi, 
la  commune  de  Paris,  qui  s'était  dé- 
clarée responsable  de  la  personne  de 
l'auguste  captif,  avait  pris  un  arrêté 
qui  vouait  aux  investigations  les 
plus  rigoureuses  les  citoyens  qui  se- 
raient chargés  de  le  défendre.  Elle 
ordonnait  qu'ils  fussent  enfermés 
dans  la  même  prison  et  que  leur  in- 
carcération eût  autant  de  durée 
que  le  procès.  Ce  fut  dans  la  soi- 
rée du  jour  où  l'on  publia  cet  ar- 
rêté qt>c  deux  personnes  à  la  fois  ho- 
norables et  sûres,  MM.  Colin,  mort 
avocat  à  Paris,  et  de  Merville,  an- 
cien conseiller  au  Chàteictet  en  der- 
nier lieu  conseiller  àla  cour  de  cassa- 
tion, se  présentèrent  chez  de  Sezeau 
nom  du  conseil  et  de  la  part  du  roi, 
pour  lui  proposer  sa  défense  et  lui  an- 
noncer que  Target  n'était  pas  le  seul 
dont  on  eût  essuyé  un  refus.  «  Il  était 
«  plus  de  minuit,  ont  écrit  les  deux 

•  envoyés,  lorsqu'on  se  présenta  chez 
«  M.  de  Seze  ;  on  l'éveilla,  et  on  lui 

•  fit  la  proposition.  Voici  en  propres 

•  termes  sa  réponse  :  Avant  de  me 

•  coucher,  j'ai  lu,  dans  le  journal  du 

•  soir,  un  arrêté  du  conseil-général 

•  de  la  commune,  qui  porte  que  les 
"  défenseurs  du  roi,  une  fuis  entrés 
«  au  Temple,  n'en  sortiront  plus 
«  qu'avec  Sa  Majesté.  Je  regarde  cet 

•  arrêté  comme  un  acte  de  proscrip- 
«  tion  contre  lesdéfenseursdu  roi.  Je 

•  m'y  voue  de  tout  mon  cœur.  •  Dès 
le  15  décembre,  sur  la  proposition 
d'un  des  plus  ardents  révolution- 
naires, Legendre,  ou  avait  ordonné 
que  Louis  XVI  serait  entendu  le  20. 
11  avait  fallu  écrire  à  la  Convention 
pour  l'informer  de  la  détermination 
de  de  Seze.  Un  décret  du  17,  qui  lui 
fut  signifié  dans  la  journée  ,  pro- 
nonça son  adjonction,  etle  soir  même 
ses  deux  collègues  purent  le  présen- 
ter. Di'jà  la  comhiission  des  vingt  et 


SEZ 

undëputcs,  nommée  le6  pour  rédiger 
l'acte  énonciatif  de  ce  qu'on  appelait 
les  crimes  imputés  à  Louis  XVI,  avait 
fait  porter  au  Temple  des  monceaux 
de  papiers.  La  plupart  de  ces  docu- 
ments  n'avaient    aucun   rapport  à 
l'exercice  proprement  dit  de  la  puis- 
sance royale.  Comme  on  a  pu  s'en 
convaincre    lors    de    l'impression  , 
un  grand  nombre  de  ces  pièces,  sai- 
sies dans  le  pillage  des  Tuileries ,  ne 
contenait  que  des  projets,  des  vues 
qu'adressaient  au  roi  des  hommes  à 
qui  on  ne  pouvait  contester  le  zèle, 
mais  sans  mission,  sans  qualité.  Ces 
papiers  n'en  composaient  pas  moins 
des  liasses  <?normes  dans  lesquelles 
il  fallait  choisir,  classer,  pour  sou- 
mettre cette  masse  de  pièces  à  un 
système  quelconque   de  travail.  On 
sent  à  quel  point  un  espace  de  sept 
à  huit  jours  était  circonscrit.  Chaque 
matin,  chaque  soir,  les  défenseurs 
se  rendaient  à  la  prison,  travaillaient 
avec  le  roi,  lui  communiquaient  l'exa- 
men qu'ils  avaient  fait  de  toutes  les 
pièces,  et,  après  les  avoir  séparées  par 
dossiers,  donnaient  son  titre  à  cha- 
cun de  ces  dossiers.  Tantôt  Tronche  t 
écrivait  ces  titres, et  quelquefois  Loui  s 
XVI  les  traçait  lui-même.  Souvent 
dans  ces  intitulés,  par  une  ligne,  par 
un  mot,  il  donnait  à  ses  défenseurs 
une  idée  de  cette  habitude  d'expres- 
sion, de  ce  tact  royal  qui  caractérisent 
le  rang  suprême.  Aussi  le  plan  de  la 
défense  discuté  entre  les  conseils  por- 
te-t-il  surtout  la  sanction  du  roi. 11  n'y 
eut  pas  un  point  qu'il  n'eût  débattu, 
pas  un  détail  dont  il  n'eût  donné  la 
mesure.  Lesquatredernièresnuits, de 
Seze  improvisa  en  quelque  sorte  son 
plaidoyer.  Pendant  qu'il  le  composait, 
son  secrétaire  en  préparait  plusieurs 
copies.  Le  jour  l'auguste  accusé  et  ses 
deux  autres  conseils  en  entendaient 
la  lecture,  et  souvent  en  demandaient 


SEZ 


185 


la  modification.  11  est  très  vrai  qu'une 
péroraison  des  plus  touchantes  fut 
supprimée  par  un  ordre  formel  du 
roi.  Je  ne  veux  pas  les  attendrir  fut 
l'expression  de  son  âme  royale  (3). 

(3)  Cette  noble  pensée,  cette  admirable 
résolotiou  de  ne  rien  faire,  <le  ne  rien  dire 
pour  attendrir  ses  juges,  est  peut-être  le 
plus  beau  Irait  du  sublime  caractère  que 
Louis  XVI  déploya  dans  te  procès,  où 
il  fut  si  grand,  si  près  de  la  Divinité  !  C'est 
par  la  raison  qu'il  veut  combattre  ses  eune- 
mis;  c'est  par  la  justice  seule  qu'il  doit  eu 
triompher  ;  tous  les  autres  moyens  lui  sem- 
blent indignes  de  sa  cause.  Il  sortait  de 
cette  assemblée  de  juges-accusateurs,  et  il 
y  avait  été  iusulté,  menacé  ;  sa  voix  y  avait 
été  étouffée  par  des  cris,  des  vociférations 
de  cannibales,  comme  ledit  un  d'eutrecux, 
le  seul  qui  eut  le  courage  de  parler  ainsi  (*). 
Qu'ils  lisent  le  récit  de  ces  scandaleuses 
séances,  cenx  qui  osent  encore  aujourd'hui 
glorifier  cette  horrible  Convention  natio- 
nale, ceux  qui  disent  que  la  majorité  em  fut 
pure.  !Nous  les  avons  relus  nous-méme, 
ces  récits,  après  uo  demi-siècle  d'efforts 
pour  les  oublier;  mais  si  nous  y  avons  vu 
des  faits  plus  ignobles,  plus  odieux  encore 
que  ce  qui  en  était  resté  dans  notre  mé- 
moire, nous  avons  aussi  trouvé  jjIus  belles, 
plus  admirables  les  réponses  improvisées 
que  le  roi-martyr  fit  à  des  questions  insi- 
dieuses, outrageantes  et  préparées  dès  long- 
temps. Tout,  dans  ces  réponses,  est  mesuré, 
précis  et  d'une  admirable  simplicité.  Non, 
il  faut  dire  comme  le  bourreau  {foj-.  San- 
•ON,  LXXXI,  71),  il  n'y  a  que  le  tiel  qui 
ait  ainsi  pu  l'inspirer  dans  une  aussi  cruelle 
position.  Celui  qui  naguère  était  assis  sur  le 
premier  trône  de  l'univers,  celui  que,  dans 
son  euthousiasme,  la  France  avait  sur- 
nommé le  Reslauraltur  dt  let  libtrlés,  qui, 
héritier  de  soixante  rois,  fut  celui  qui  mé- 
rita le  mieux  ce  nom ,  celui  qui  se  dé- 
mit volontairement  de  sou  pouvoir  parce 
qu'on  lui  dit  que  le  bonheur  de  son  peuple 
était  attache  à  ce  sacrifice,  ce  malheureux 
prince  est  aujourd'hui  insulté,  outragé  par 
les  plus  vils  de  ses  sujets;  il  va  être  traîné 
à  l'échaf.iud  par  ce  même  peuple  qu'il  a 
tant  aimé,  pour  lequel  il  a  tout  cédé,  tout 
sacrifié  !  Quelle  leçon  i)our  les  rois  !  Ce- 
pendant, quelle  que  soit  notre  admiration 
pour  la  sublime  résignation  de  Louis  XVI 
eu  ce  moment  suprême,  nous  ne  dissimule- 
rons pas  que,  dans  cette   occasion  comme 

(*)  I.e  uoin  de  cel  bomtne  courageux  n'a  point  été 
recueilli  par  le  Uonittur,  où  il  n'tst  désigné  que  par 
un  N.  Si  iitiui  l'y  atioin  trouvé,  uoui  noua  eeriou! 
fait  un  daroir  de  le  trau>metlre  à  U  poitériti. 


186 


SEZ 


SËZ 


Ce  qui  n'esfpas  moins  vrai,  c'est 
que,  dans  le  discours,  les  traits  les 
plus    pénétrants    furent    éniousse's. 

•  Vous  voulez  donc  nous  faire  niassa- 

•  crer  à  la  barre  ?  »  dit  wn  des  écou- 


dans  beaucoup  d'autres,  il  eut  tort  de  ne 
|)oiut  voir  qu'il  ne  s'agissait  pas  seulement 
du  saiiifii-e  de  sa  vie,  mais  du  Siilut  de  lu 
France,  de  celui  du  inonde  peut-être,  dans 
le  présent  et  dans  l'avenir,  que  les  oljliga- 
tious,  les  devoirs  d'un  roi  sont  autres  que 
ceux  d'un  simple  citoyen .  Si  Louis  XYI  eût 
mieux  compris  tout  cela,  il  aurait  vu  que  sa 
condamnation  serait  le  triomphe  du  ciiine, 
que  sa  délivrance  eût  été  celui  de  la  vertu; 
nu'eniln  de  cette  délivrance  dépendait  le 
salut  des  gens  de  bien  ;  qu'elle  eût  détourué 
de  la  patrie  tant  de  calamités  qui  l'ont  si 
long-temps  affligée,  qui  l'affligent  encore!  Et 
quand  on  songe  que  cette  condamnation 
tint  à  une  majorité  de  cinq  itoix,  ou  re- 
grette plus  vivement  encore  que  les  défen- 
seurs n'aient  pas  employé,  pour  émouvoir 
les  juges,  tous  les  moyens  qui  étaient  en 
leur  pouvoir,  que  même,  pour  cela,  ils 
u'alent  pas  désobéi  à  leur  roi.  Nous  ne  dou- 
tons pas  que  dans  une  assemblée  aussi  nom- 
breuse, composée  d'éléments  si  divers  par 
leurs  i)a5sions  et  leurs  Intérêts,  il»  n'eussent 
entraiué  au  delà  du  nombre  qui  leur  a 
manqué.  Ce  n'est  pas  assurérnsnt  que  noui 
pensions  que  dans  cette  grande  circon- 
stance de  Seze  soit  resté  au-dessous  de  sa 
mission  ;  nous  avons  aussi  relu  sou  discours, 
et  nous  avons  reconnu  que  tout  y  fut  d'une 
parfaite  couTenance ,  que  tous  les  faits  de 
l'accusation  y  furent  lubilcraeut  réfutés  et 
discutés,  que  même,  dans  plusieurs  endroits, 
l'orateur  s'éleva  à  des  mouvements  de  la 
plus  haute  éloquence;  mais  nous  avons 
remarqué  avec  peine  que  dans  d'autreS 
passages  les  ordres  de  Louis  XVI  furent 
trop  présents  a  l'esprit  de  l'orateur,  qu'ils 
y  gênèrent  et  affaiblirent  sa  j)ensée.  Nous 
aeutoDS  bien  qu'en  s'en  écartant  il  eût  as- 
sumé sur  lui  une  grande  responsabilité,  que 
peut-être  il  eût  compromis  la  cause  qu'il 
avait  à  défendre.  Mais  de  quelque  moyen 
qu'on  se  servît,  il  est  évident  qu'il  y  avait 
de  grands  péril»  à  courir  dans  cette  affaire, 
et  qu'il  pouvait  y  eu  avoir  autant  pour  le» 
avocats  que  pour  le  roi  lui-même.  Sans  doute 
qu'ils  avaient  fait  comme  lui  le  sacrifice  de 
leur  vie,  et  sous  ce  rapport  on  ne  saurait 
trop  admirer  leur  courageux  dévouement  ; 
mais  peut-être  que  le  péril  eût  été  moin» 
grand  pour  le  prince  comme  pour  ses  dé- 
fenseur» s'ils  se  fussent  livré»  à  des  mou- 
TCments  oratoires  plus  hardi»,  plu»  décisifs. 
Pcar  ceU  il  ne  fallait  pas  seulement  tou- 


tants  ;  et  quand  on  a  connu  de  Seze , 
son  culte  pour  la  personne  du  roi ,  sa 
haine  contre  la  révolution,  on  sent 
avec  quelle  rapidité  ces  Iraits  élaient 
partis,  combien  il  lui  en  coûta  de  les 

cher  et  attendrir  ces  juges  audacieux,  il 
fallait  encore  les  éclairer,  les  épouvanter 
même  eu  leur  montrant  jusque  dans  la  pos- 
térité toutes  les  suites,  toutes  les  consé- 
quences de  l'arrêt  qu'ils  allaient  prononcer. 
Ce  n'est  pas  toutefois  rjue  nous  enten- 
dions par  là  qu'ils  dussent  leur  montrer  la 
foudre  vengeresse  des  rois  prête  à  les  frap- 
per; nous  pensons  au  contraire  qu'il  eût 
fallu  leur  montrer  dans  toute  leur  nudité  la 
jalousie,  la  haine  que  ces  rois  portaient 
depuis  tant  de  siècles  à  la  race  des  Bourl)ous; 
il  fallait  leur  faire  connaître  l'ambition, 
la  cupidité  des  puissances  toujours  prête» 
à  profiter  de  nos  divisions  pour  envahir, 
pour  déchirer  la  patrie.  De  toutes  les  ac- 
cusations qui  furent  alors  portées  contre 
le  malheureux  Louis  XVI,  la  plus  injuste, 
la  plus  fausse  est  sans  nul  doute  celle  de 
s'être  entendu  avec  les  étrangers  contre  le» 
intérêts  de  la  France,  d'avoir  été  soutenu 
par  leurs  armes.  Tout  démontre  au  cou- 
traire  que  le  roi  de  Prusse  n'avait  paru 
sur  nos  frontières  à  la  tète  d'une  ar- 
mée que  pour  y  augmenter  le  désordre  et 
en  profiter  dans  ses  intérêts  ;  qu'après  avoir 
annoncé  qu'il  ne  venait  que  pour  rétablir 
le  trône  de  Louis  XVI,  il  se  retira  quand  il 
fut  bien  assuré  que  ce  rétablissement  était 
en  son  ]iouvoir,  et  que  ]>our  cela  il  reçut 
des  assassius  de  septembre  et  des  voleurs 
du  garde-meuble  tout  l'argent  qu'ils  purent 
lui  envoyer.  Ces  faits soutdémontrés  jusqu'à 
l'évidence  dans  l'article  Dumouries  que 
nous  avons  publié  depuis  dix  ans,  et  que 
tout  le  monde  a  In,  qui  a  bien  choqué  quel- 
ques prétention»,  blessé  quelque»  amourt- 
propres,  mais  qui  n'a  pas  reçu  un  démenti 
ni  rencontré  un  contradicteur.  H  est  bien 
vrai  que  Louis  XVI  avait  écrit  lui-même 
•ou»  les  poignard»  une  lettre  à  ce  prince 
pour  qu'il  voulût  bien  se  retirer,  et  nous 
avons  également  donné  à  l'article  BMaud- 
Varennt  {vof.  ce  nom,  LVIII,  276-80)  la 
preuve  de  cette  lettre  qu'oo  n'obtint  du  roi 
qu'avec  la  garantie  du  salut  de  sa  famille  et 
du  sien.  Les  auteurs  de  cette  espèce  de 
capitulation  furent  ensuite  an  nombre  de 
ses  juges,  et  les  défenseurs  auraient  peut- 
être  dû  rappeler  cet  engagement,  cette 
promesse  à  ceux  qui  l'avaient  faite.  S'ils 
omirent  un  pareil  moyen,  c'est  probable- 
ment aussi  parce  que  le  roi  leur  en  donna 
l'ordre  ;  et  là  il  faut  encore  admirer  son 
courage,  sa  sublime  résignation  I      M — nj. 


SEZ 

rompre.  Mais  Robespierre,  Couthon, 
Marat  se  nommaient  des  juges.  On 
ne  doit  pas  être  surpris  que,  dans  le 
conseil  du  roi,  on  mît  quelque  atten- 
tion à  ne  pas  les  braver.  Heureuse- 
ment plusieurs  morceaux,  une  phrase 
entre  autres,  résistèrent  à  la  pru- 
dence, et  en  deux  lignes  cette  phrase 
peint  tout  à  la  fois  la  cause  et  le  défen- 
seur: «  Je  cherche  parmi  vous  des  ju 
ges.etje  n'y  vois  quedes accusateurs." 
Malgré  la  fureur  de  tant  d'hommes 
à  qui  il  tardait  de  commettre  le  plus 
grand  des  crimes  et  la  faiblesse  de 
tant  d'autres  qui  osaient  à  peine  lais- 
ser échapper  un  souffle  pour  l'empê- 
cher, il  fallut  de  longs  jours  d'intri- 
gue et  sans  doute  bien  des  nuits  pour 
dompter  la  majorité  et  l'accoutumer 
à  l'idée  du  régicide.  Depuis  Ie26déc. 

1792,  où  de  Seze  eut  l'honneur  de  dé- 
fendre son  roi,  jusqu'au  15  janvier 

1793,  date  du  premier  appel  no- 
minal ,  il  y  eut  un  intervalle  de 
trois  semaines.  Les  défenseurs  pas- 
sèrent ces  vingt-et-un  jours  en  con- 
férence ou  plutôt  en  perpétuelle  al- 
ternative de  terreur  et  d'espoir.  En- 
lin,  les  manœuvres  passionnées  de 
quelques  conventionnels  se  signalè- 
rent par  le  triomphe  le  plus  aifreux. 
Le  prince  au  cœur  si  vrai,  le  roi  le 
plus  sincèrement  occupé  du  bonheur 
de  son  peuple,  ne  put  vaincre  sa  des- 
tinée. Cinq  voix,  de  Seze  en  a  eu  le 
compte  dans  le  procès  -  verbal  du 
dernier  appel  nominal  signifié  à 
Louis  XVI  et  à  son  conseil,  cinq  voix 
disposèrent  de  la  vie  du  successeur 
de  tant  de  mouarques.  Aussitôt  de 
Seze  et  ses  collègues  portèrent  à  l'as- 
semblée l'appel  qu'il  interjeta  de- 
vant la  nation.  Mais  à  peine  leur 
fut-il  possible  lie  faire  eotendre  quel- 
ques accents  -,  leurs  paroles  se  per- 
dirent dans  les  cris  de  réprobation 
et   de   menace.   Quand  toute  espé- 


SEZ 


187 


rance  fut  perdue,  que  le  crime  se 
défendit    lui-même    du    repentir, 
Malesherbes  voulut  se  charger  seul 
des  dernières  communications  qu'a- 
vait à  recevoir  celui  que,  dans  sa 
lettre  à  la  Convention,  il  avait  eu 
l'honneur  d'appeler  son  maître.  Tron- 
chet  alla  cacher  sa   douleur  et  sa 
consternation  dans  sa  retraite  de  Pa- 
laiscau.  De  Seze  partit  avec  le  gendre 
de  Malesherbes,  le  président  de  Ro- 
sambo,  son  petit-gendre,  le  comte 
de  Chateaubriand,  pour  la  terre  de 
famille.  Le  sacrifice  accompli,  l'il- 
lustre vieillard  vint  les  y  joindre,  et 
de  Seze  y  passa  deux  mois  dans  des 
entretiens  dont  le  souvenir,  après 
trente-cinq   ans,  faisait  encore   un 
des  intérêts  de  sa  vie.  Au  printemps 
de  1793,  il  quitta  ses  nobles  arnis 
pour  se  retirer  dans  une  maison  qu'il 
possédait  au  hameau  de  Brevannes. 
Ce  fut  là  qu'il  fut  arrêté  le  20  oct. 
Comment  put-il  échapper,  dans  ce 
temps  affreux,  à  la  hache  qui  s'abat- 
tit sur  tant  de    têtes   vénérables? 
Quelques  personnes  ont  assuré  que 
Barère,  qui  s'est  vanté,  dans  un  de 
ses  écrits ,   d'avoir    non-seulement 
voté,  mais  influencé  la  condamna- 
tion de  Louis  XVI,  avait  veillé  sur 
un  de  ses  défenseurs.  Des  amis  attri- 
buent son  salut  aux  soins  d'une  bien- 
veillance moins  extraordinaire.  On 
raconte,  et  c'est  un  des  plus  distin- 
gués officiers-généraux  de  l'ancienne 
garde  royale  qui  est  un  des  acteurs 
et  des  historiens  de  l'anecdote,  on 
raconte  qu'un  M.  Michel,  employé 
dans  l'administration  de  la  police, 
en  1794,  réunissait  aux  travaux  de 
sa  place  un  modeste  emploi  de  co- 
piste, et  venait,  tous  les  jours,  chez 
un  des  plus  fidèles  anus  de  de  Seze 
(M.  de  Normandie),  prendre  et  rap- 
porter des  écrits  qu'il  mettait  au  net. 
Sans  cesse  il  entendait  parler  du  dé- 


188 


SEZ 


fenseur  du  roi  avec  l'accent  de  la 
plus  vive  admiration.  Le  général 
Balliiazar,  alors  très-spirituel  et  très- 
ardent  jeune  homme,  animé  des  plus 
tendres  sentiments  pour  de  Seze,  se 
faisait  un  bonheur  de  les  communi- 
quer à  Michel.  Tout  naturellement 
celui-ci  finit  par  se  prendre  d'intérêt 
pour  l'objet  de  lant  de  sollicitude. 
On  avait  conduit  de  Sezc  à  la  Force; 
Michel  donna  le  conseil  de  demander 
son  déplacement,  et  servit  même  à  le 
faire  transférer  dans  une  autre  pri- 
son, le  couvent  des  Miramiones,  à 
Picpus.  C'était  bien  alors  de  tou- 
tes les  prisons  la  plus  affreuse.  On 
y  enterrait  chaque  soir,  dans  un  es- 
pace du  jardin  à  peine  défendu  par 
quelques  planches ,  les  victimes 
qu'en  venait  d'immoler  à  la  barrière 
du  Troue.  Mais  le  crédit  de  Michel 
s'exerçait  plus  facilement  sur  cette 
maison;  il  trouvait  d'ailleurs  le  moyen 
d'égarer  un  dossier,  de  le  rendre  in- 
visible. A  l'aide  de  cette  protection 
et  de  ce  manège,  de  Seze  put  atteindre 
lejour  de  la  délivrance  générale. Trois 
semaines  après  le  9  thermidor,  il  lui 
fut  permis  de  revoir  sa  retraite  et 
d'oublier,  au  milieu  des  siens,  les 
angoisses  de  la  capti'Cité...  Attaché, 
plus  que  jamais,  à  une  profession  qui 
venait  de  le  rendre  illustre,  il  en 
reprit  l'exercice,  mais  dans  l'isole- 
ment du  cabinet  et  sans  se  mêler  à 
la  vie  publique.  Le  souvenir  de  ce 
qu'il  avait  fait,  de  ce  qu'il  avait  vu, 
luiavait  laissé  une  telle  injpression  de 
tristesse,  que  ,  pendant  plus  de  sept 
ans,  il  parut  à  peine  chez  quelques 
amis,  et  ne  se  dédommageait  de  la  fati- 
gue du  travail  que  par  le  travail  même. 
Jusqu'au  1"  janvier  1814,  c'est-à- 
dire  pendant  vingt  ans,  sa  vie,  quoi- 
que si  occupée,  ne  se  révélait  qu'à  la 
sincère  amitié,  lorsqu'une  circon- 
stance extraordinaire  vint  raviver 


SEZ 

l'éclat  de  son  nom,  en  le  rappelant 
tout  à  coup  à  ses  contemporains. 
Après  les  gloires  militaires  de  tant 
d'années,  les  désastres,  de  1812  et  de 
1813  causaient  à  tout  le  monde 
une  surprise  mêlée  de  douleur.  Les 
corps  constitués  unissaient  leurs 
plaintes  aux  gémissements  de  la 
France  entière.  Mais,  avant  de  con- 
sentir aux  sacrifices  indispensables 
pour  réparer  tant  de  maux,  ils  récla- 
maient les  institutions  qui  semblaient 
faites  pour  eii  conjurer  le  retour.  Le 
rapporteur  d'une  commission  célè- 
bre, qui,  au  sein  du  corps  législatif, 
avait  à  s'occuper  de  l'état  des  négo- 
ciations avec  les  puissances,  Laine, 
s'était  rendu  Porganedchi conscience 
de  ses  collègues,  et  il  avait  étonné  la 
tribune  de  l'expression  de  ses  sen- 
timents. Le  nouveau  Jules-César  ne 
crut  pas  devoir  tolérer  une  manifes- 
tation si  contraire  à  sa  politique.  Le 
l*^''janvier  1811,  au  milieu  des  hom- 
mages que  multipliait  la  solen- 
nité du  jour,  il  aperçoit  quelques 
législateurs  placés  au  nombre  des 
courtisans  et  les  foudroie  de  ses 
reproches.  Dans  la  rudesse  de  son 
despotisme,  il  attaque  particulière- 
ment le  rapporteur  de  la  commission 
et  le  signale  comme  un  conjuré. 
•  Laine,  dit-il,  est  un  méchant  hom- 
«  me,  qui  correspond  avec  le  prince- 
«  régent  par  l'entremise  de  l'avocat 
"  de  Seze.  •  Certes,  Laine  n'était 
pas  plus  un  homme  méchant  que  de 
Seze  n'était  un  correspondant  an- 
glais. De  sa  vie,  peut-être,  il  n'avait 
écrit  en  Angleterre.  Mais  on  coi)n;iis- 
sait  i'esprit  soupçonneux  et  l'hu- 
meur passionnée  du  chef  de  l'État. 
H  semblait  dillicile  de  calculer  les 
suites  d'une  telle  explosion.  Sur- 
le-champ  ,  l'un  des  plus  anciens 
amis  de  de  Seze,  le  comte  Lynch, 
maire  de  Bordeaux ,  qui  venait  d'en- 


SEZ 

tendre  le  discours  et  la  phrase ,  un 
autre    royaliste    non  moins    zélé, 
M,  Piet,  conseiller  à  la  cour  de  cas» 
sation,  instruits  de  cotte  sorte  d'e- 
vèiiement  par  des  législateurs  des 
provinces  belges  qui   sortaient  du 
châJeau,  accourent  pour  avertir  de 
Seze  du  péril  auquel   on   le   croit 
exposé.  11  n'était  pas  chez  lui;  on 
l'attend  ;  il  rentre,  écoute  ce  qu'on 
vient  lui  dire  ,  et  répond  tranquille- 
ment :  «  Je  ne  devine  pas  d'où  part 
«  cet  orage  ;  mais  vous  savez  quel  est 
«  l'homme.  S'il  y  avait  quelque  chose 
«  de  vrai  dans  ce  qu'il  a  dit,  j'aurais 
«  été  jeté  à  Vincennes  hier  et  fu- 
•  sillé  ce  matin  :  croyez-moi ,  il  n'y 
■  a  rien  à  craindre.  "  Jamais  on  n'a 
su  par  l'effet   de  quel   mouvement 
d'idées   le  nom  du   royaliste  fidèle 
s'était  ainsi  trouvé  dans  la  bouche 
de  Napoléon.  Mais  le  résultat  de  ce 
caprice  impérial   eut    un   avantage 
pour  de  Seze.  Des  fonctionnaires  dé- 
voués avaient  fait  imprimer  et  ré- 
pandre le  discours.  Un  des  exemplai- 
res fut  recueilli  par  un  ancien  émi- 
gré qui  se  disposait  à  rejoindre  le 
comte  d'Artois  en  Lorraine.  Le  prince, 
ayant  eu  communication  de  la  haran- 
gue, apprit  par  M.  de  Semallé  que  le 
défenseur  de  son  frère  était  à  Paris. 
Le  lendemain  de  l'entrée  du  prince, 
de  Seze  avait  sa  première  audience 
du  lieutenant-général  du  royaume. 
Des  ce  moment,  la  vie  de  de  Seze 
n'appartient    plus   qu'à    la    recon- 
naissance affectueuse  et  au  respect 
que  lui  inspiraient  les  bontés  du  roi 
et  de  la  famille  royale.  Vers  la  lin 
de  l'année,  Louis  XVIll  désira  lui 
décerner  un  prix  digne  de  ses  ser- 
vices et  de  sfs  talents,  et  il  le  dé- 
signa   pour    chef  de    la    première 
cour  de  justice.  On  dit  qu'un   tel 
honneur  n'était   pas  l'objet  de  ses 
vœux,  qu'il  eût  voulu  s'y  soustraire; 


SEZ 


189 


mais  la  politique,  d'accord  avec  la 
bonté,  confirma  le  roi  dans  son  des- 
sein, et  de  Seze  n'hésila  plus.  Tron- 
chet  avait  été  placé  à  la  tête  de  la 
cour    de  cassation  par   le   premier 
consul.  Autour  du  roi ,  on  crut  que 
Tronchet  devait  avoir  de  Seze  pour 
successeur.  En  1815,  dans  la  grande 
promotion,  il  fut  nommé  pair  comme 
Tronchet  avait  été  sénateur.  Mais  la 
grâce  à  laquelle  de  Seze  parut  le  plus 
sensible  fut  celle  qu'il  dut  à  l'in- 
fluence de  la  fille  de  Louis  XVI  ;  c'est 
à  la  demande  de  madame  la  duchesse 
d'Angoulême  qu'en  février  1815    il 
fut  nommé  grand -trésorier  comman- 
deur de  l'ordre  du  Saint-Esprit.  Plus 
tard,  le  roi  lui  conféra  le  titre  de 
comte  et,  par  un  acte  de  bienveil- 
lance aussi  touchant  qu'ingénieux, 
lui   permit   de  rappeler,    dans  son 
écusson  ,  la  gloire  de  sa  vie,  en  sub- 
stituant aux  trois  tours  qui  se  trou- 
vaient dans  les  armes  de  sa  famille 
le  château  du  Temple  environné  de 
fleurs  de  lis.  Au  20  mars  1815 ,  lors 
du   retour   de    Bonaparte,  de  Seze 
suivit  le  roi  à  Gand.  L'année  d'après, 
il  devint  membre  de  l'Académie.  Le 
poète  Ducis  n'avait  pu  que  saluer  la 
restauration,  et  il  venait  d'être  en- 
levé aux  lettres  ;  de  Seze  fut  choisi 
pour  le   remplacer.  Cette  ncimina- 
tion  lui  causa  un  plaisir  extrême.  Des 
couronnes  de  son  âge  avancé,  c'était 
celle   qui  le  flattait  davantage.   Le 
bonheur  qui  l'a  rarement  abandonné 
voulut  aussi  qu'il  trouvât,  pour  l'in- 
troduire dans  le  sanctuaire  des  let- 
tres, l'homme  le  plus  fait  pour  le  lui 
ouvrir.  Tout  le  monde  admira  la  no- 
blesse ,  la  dignité  que  Fontanes  mit 
à  lui  répondre,  surtout  quand  il  en 
vint  au  21  janvier  :  «  Je  n'ai  point 
«  rappelé,  dit-il,  tant  d'autres  titres 
«  qui  vous   recommandaient  avant 
•  cette  époque  h  l'estime  de  vos  con- 


190 


SEZ 


«  citoyens.  J'aurais  pu  dire  que  deux 
«  barreaux  célèbres  vous  comptaient 

•  depuis  long-temps  au  nombre  de 
«  leurs  premiers  orateurs.  J'aurais 
«  pu  ajouter  que,  dès  votre  jeunesse, 

•  un  juste  enthousiasme  vous  con- 
«  duisit  près  du  vieillard  de  Ferney, 
«  et  que  ce  grand  homme  encoura- 

•  gea  votre  goiit  éclairé  pour  les  let- 
'  très  et  la  poésie.  Mais  l'éclat  des 
«  lettres  s'efface  devant  celui  de  la 

•  vertu.  Votre  plus  bel  éloge  est 
«  dans  ce  testament  simple  et  su- 
.  blime  où,  déjà  détaché  de  la  terre 

•  et  presque  dans  les  cieux,  Louis 
«  vous  a  légué  ses  bénédictions  et  sa 
«  reconnaissance.  Plus  auguste  en  ce 

•  moment  que  sur  le  trône  même,  il 

•  vous  communiqua,  de  son  lit  de 

•  mort,  je  ne  sais  'quoi  de  sacré. 
«  Votre  souvenir  désormais  s'asso- 
«  ciera,  dans  les  siècles  les  plus  re- 

•  cnlés,  à  celui  du  meilleur  et  du 
€  plus  infortuné  des  rois.  »  Quoi- 
que chargé  d'années  et  de  travaux, 
de  Seze  ne  porta  pas  moins  dans  les 
diverses  fonctions  qu'il  eut  alors  à 
remplir  toute  l'activité  de  sa   vie. 
Souvent  mêlé  aux  discussions  de  la 
chambre  des  pairs,  toujours  occupé 
de  l'audience,  il  ne  manqua  jamais 
volontairement  à  une  séance  de  l'In- 
stitut. Dans  sa  jeunesse  ,  orateur  vé- 
hément, hardi,  dialecticien  plein  d'a- 
dresse et  d'énergie,  mais  toujours  de 
bon  goût,  on  eût  pu  croire  qu'il  était 
dans  le  secret  de  son  avenir  et  qu'il 
écrivait  comme  sous   le  regard  de 
l'Académie.   Deux  ans  après  sa  ré- 
ception, il  en  fut  le  directeur  et  il 
eut  l'avantage  d'y  recevoir  Cuvier. 
Son  discours  fut   aimable,  facile, 
plein  de  convenance  et  de  mesure. 
De  Seze  excellait  dans  ces  morceaux 
où  l'esprit  joue,  pour  ainsi  dire,  avec 
lui-même.  Ainsi  dans  les  solennités 
près  des  princes,  aux  Tuileries,  ses 


SFO 

hommages  avaient  l'élégance,,  la  pa- 
rure du  lieu  \  ses  compliments  aux 
magistrats,  lors  de  leur  installation , 
se  faisaient  remarquer  par  l'aménité, 
la   politesse;   ses    allocutions   aux 
membres  du  barreau  ,  par  l'expres- 
sion d'un  intérêt  sincère,  affectueux. 
Comme  les  hommes  dont  la  tête  est 
forte  et  qui  ont  conduit  eux-mêmes 
leur  destinée ,  de  Seze  a  long-temps 
vécu.  Il  touchait  à  quatre-vingts  ans, 
et  rien  dans  ses  facultés  physiques 
et  morales  ne  faisait  craindre   une 
fin  prochaine ,    lorsqu'une   maladie 
aiguë ,  contre  laquelle  sa  bonne  con- 
stilutiou  lutta  vivement,  une  fluxion 
de  poitrine,  épuisa  sa  vigueur.  Après 
onze  jours  de  souffrance,  il  mou- 
rut le  2  mai  1828,  entouré  de  sa  fa- 
mille (4)  et  adressant  un  mot  d'affec- 
tion à  tous  ceux  qui  le  pleuraient. 
Les  honneurs  qu'on  lui  rendit  après 
sa  mort    égalèrent  ceux    qu'on  lui 
avait   décernés  pendant   sa  vie.  Le 
plus  ancien  duc  et  pair,  plusieurs 
des  chefs   de  la  noblesse  française 
suivirent  son  cercueil.    Dans  plu- 
sieurs tribunaux,  à  la  rentrée,  des 
magistrats  célébrèrent  sa  mémoire.  A 
la  chambre  des  pairs,  son  éloge  fut 
prononcé  par  M.  de  Chateaubriand. 

D— ZE. 

SFOCARD.  Foy.  WiSHART,  LI,72. 

SFORZA(Bosio),  comte  de  Santa- 
Fiora  dans  l'État  de  Sienne,  était  fils 
du  premier  mariage  légitime  de  Gia- 
comuzzo  Sforza  avec  Antoinette  Sa- 
limbeni.  Né  en  1411 ,  il  servit  utile- 
ment son  frère  naturel  François  que 
ses  talents  élevèrent  au  commande- 
ment des  armées  et  à  la  souveraineté 
de  Milan.  11  hérita  des  biens  qu'An 


(4)  Le  comte  de  Seze  a  laisé  trois  enTants  : 
une  fille  mariée  à  M.  le  Ijaron  Roliault  de 
Fleury,  ofCiier-géuéral  du  génie,  deas  fils 
mariés  et  plusieurs  petits-enfiiuts. 


SGR 

loinel'p  Salimbeni  avait  apportés 
pour  (loi  à  son  père  dans  l'État  de 
Sienne;  j]  y  joignit  ceux  de  sa  femme 
ÉI»>'onore,dernièrehe'ritière  des  com- 
tes de  Santa-Fiora, anciens  gibelins 
toscans.  Ses  descendants  prirent  le 
titre  de  ce  comté  qui  relevait  autre- 
fois immédiatement  de  l'empire. 
Cette  famille  a  produit  plusieurs 
cardinaux  distingués.  Par  le  mariage 
de  Frédéric  Sforza  avec  Lucie  Césari- 
ni  en  1673,  cetie  maison  a  hérité  du 
duché  de  Césarini  et  en  a  pris  le 
litre.  S.  S-i. 

SGRICCI  (Thomas),  le  plus  ex- 
traordinaire des  poèt-s  improvisa- 
teurs, né   le  21  décembre  1788,  à 
Castiglion-Firentino,  dans  la  vallée 
de  Chiana,  était  fils   d'un   chirur- 
gien d'Ar.  zzo.  11  reçut  une  éduca- 
tion soignée  et  manifesta  de  bonne 
heure  un  goût  très-prononcé  pour  la 
poésie.  Les  classiques  latins  surtout 
faisaient  ses  délices.  D'abord  aduù- 
rateur  passionné  de  Virgile,  il  le  dé- 
laissa ensuite  pour  Stace  et  Lucain, 
auxquels  il  trouvait  plus  d'imagina- 
tion, bien  qu'il  ne  se  dissimulât  point 
leur  infériorité  sous  le   rapport  de 
l'élégance  et  de  la  pureté  du  style. 
Comme  un  grand  nombre  d'antres 
poètes,  Sgricci  était  entré  dans  la 
carrière  qui  semble  le  moins  se  prê- 
ter aux  élans  de  l'imagination;  il 
avait  étudié  le   droit  et  travaillait 
dans  Tétudc    d'un    avocat  de  Flo- 
rence, lors(|u'il  lui  prit  la  fantaisie, 
p.ir  une  nuit  de  carnaval,  de  se  dé- 
guiser en  pylhcnisse  et  de  répondre 
on  vers  à  toutes  les  questions  qu'on 
lui  adresserait.  11  montra  dans  son 
rôle   tant  de   présence    d'esprit  et 
d'à-propos,  tant  de  facilité,  qu'il 
mit  en    émoi   toute   l'assistance   et 
devint  le  héros  de  la  soirée.  De  ce 
moment  sa  réputation  fut  faite  et 
sa  vocation  arrêtée.  Il  ferma  les  co- 


SGR 


191 


des  à   tout  jamais  pour  se   livrer 
à  l'improvisation.   Mais  une  gloire 
ordinaire    ne   lui  suflisait  pas.   Au 
lieu   de   déclamer    comme   la    plu- 
part de  ses  devanciers  des  stances, 
des  odes,  des  cantates,  des  poèmes 
de  courte  haleine,  il  ne  craignit  pas 
d'aborder  celui  de  tous  les  genres 
qui  est   peut-être  le  plus  dilticile, 
parce  qu'il  exige  les  qualités  les  plus 
rares  et  les  plus  différentes.  Dans  la 
tragédie,  en  elTet,  il   ne  suffît  pas 
d'exprimer  en  beaux  vers  de  belles 
pensées,   de   faire  des  descriptions 
pittoresques,  de  bien  tracer  des  ca- 
ractères, d'enchaîner  les  événements 
de  !a  manière  la  plus  intéressante, 
il  faut  encore  que  tout  cela  se  com- 
bine avec  les  exigences  du  dialogue 
et  se    distiihne   avec  une   mesure 
qu'avant  Sgricci  i'on  ne  croyait  pou- 
voir être  que  le  résultat  du  travail  et 
de  la  réflexion.  Aussi  trouva-t- il  d'a- 
bord un  grand  nombre  d'incrédules, 
et  il  ne   fallut  rien    moins  qu'une 
vingtaine  d'épreuves  répétées  avec 
toutes  les  garanties  de  sincérité  pos- 
sibles pour  imposer  silence  aux  con- 
tradicteurs. La  tournée  poétiqi.e  de 
Sgricci,  commencée  en  Toscane,  fut 
(ontinuée    dans  la    Romagne  et  la 
Lombardie,  où  il  n'obtint  pas  d'a- 
bord le  même  succès.  On  fit  même 
contre  lui  cette  éfiigramme  : 

Sgriici,  ulji  fama  tua    est?  quidam   dicehat, 

[ — et  ilte  : 

Uaud  mecum   est,  passiis  prseveiiit  iisqne 

[meos. 

Ces  injustes  préventions  finirent  ce- 
pendant par  s'évanouir  devant  l'e'- 
clat  toujours  croissant  de  la  réputa- 
tion de  Sgricci,  et  bientôt  il  n'y  eut 
plus  d'un  bout  à  l'autre  de  l'Italie 
qu'une  seule  voix  qui  le  saluait  le  pre- 
mier poète  improvisateur  de  tous  les 
temps  et  de  tous  les  pays.  A  Rome,  le 
sujet  de  Lucrèce  lui  fut  donné  deux 


192 


SGR 


fois,  et  deux  fois  il  improvisa  sur  ce 
sujetdifficile  une  tragédie  qui  ne  res- 
semble nullement  à  l'autre.  L'Acadé- 
mie des  Arcades,  après  l'avoir  enten- 
du traiter  leFœu  de  Jephléj  hn  donna. 
le  titre  de  Thcrpandre  italique^  parce 
que  si   ce   Grec    avait  ajoute  trois 
cordes  à  la  lyre,  Sgricci  avait  réuni 
l'invention  tragique  au  talent  d'im- 
proviser. A  Vérone,  une  médaille  fut 
frappée  en  son  honneur.  A  Padoue, 
le  parterre  invita  un  vieux  chanoine 
à  donner  un  sujet  à  l'improvisateur  ; 
ce  sujet  était  Bianca  di  Rossi,  et  fut 
Irailé  avec  le  même  bonheur.  A  Pa- 
vie,  il  traita  im  fait  historique  ap- 
partenant aux  fastes  de  cette  ville 
savante.  A  Turin,  il  improvisa  une 
tragédie  CCHector  ;  à  Milan,  Médée  et 
Monlezuma ;  à  BoUgne,  Samson;  à 
Venise,  le  Comte  d'Essex;  à  Modène, 
la  Mort  d'Astyanax  et  celle  ûAnni- 
tal;  à  Parme,  Françoise  de  lUmini; 
A  Gênes,  la  reine  de  Sardaigne  lui 
donna  le  sujet  ù' Aqamcmnon  ;  à  Flo- 
rence,  l'empereur  d'Autriche  celui 
de  la  Mort  de  Sapho.  Un  jour  on 
indiqua  à  Sgricci  un  sujet  délicat  et 
diflicile.  Déjà  il  se  livrait  à  l'écart  à 
la    méditation    nécessaire,    lorsque 
quelques  motifs  de  convenance  dé- 
terminèrent la  réunion  à  retirer  ce 
sujet   et  à  en   proposer    un  autre. 
Sgricci  avait  arrêté  le  plan  dans  sa 
tête.  Il  fallait  à   l'instant    rappeler 
d'autres  souvenirs,  se  livrer  à  d'au- 
tres méditations,  invoquer  une  in- 
spiration nouvelle.  Ce  ne  fut  pas  en 
vain  ^  son  talent  extraordinaire  ne 
lui  fut  pas  inlidèle,  et  le  nouveau  su- 
jet fut  traité  avec  tout  le  succès  que 
l'autre  aurait  pu  obtenir.  La  première 
séance   de  Sgricci  à   Paris  eut  lieu 
dans  la  grande  salle  de  l'École  royale 
de  chant  et  de  déclamation,   le  14 
mars  1824.  MM.  Raynouard,  Lemer- 
cier,  C.  Delavigue,  Lebrun,  Briflaut, 


SGR 

Ancelot,  le  baron  Guiraud  et  Talma 
y  assistaient.  Ce  dernier  fit  connaître 
l'opération  à  laquelle  on  allait  procé- 
der, et  comme  elle  était,  parles  noms 
mêmes   des   personnes  qui  avaient 
bien  voulu  y  prendre  part,  la  preuve 
de  la  bonne  foi  qui  y  présidait,  elle 
parut  obtenir  l'assentiment  unanime. 
Talma  recueillit  tous  les  bulletins  et 
soumit  successivement  à  la  commis- 
sion les  titres  qui  y  étaient  inscrits. 
Quelques  sujets  furent  rejetés  comme 
n'offrant  point  la  donnée  d'une  ac- 
tion  tragique  ;     les    autres    furent 
déposés  d.ms  im  vase,   tous  plies 
d'une  manière  égale,  et  Talma,  après 
les  avoir  plusieurs  fois  remués,  pré- 
senta le  vase  à  une  dame.  Le  bulletin 
amené  par  le  sort  portait  ce  titre  : 
La  Mort  de  Stilicon,  général  des 
armées  d'Honorius.  Ce  sujet,  traité 
par  Corneille  ,   parut    appartenir  à 
une  époque  trop  peu  connue,  et  une 
voix  unanime  s'éleva  pour  en  de- 
mander  un  autre.  Le  bulletin  sui- 
vant portait  Bianca  Capello,  et  fut 
accueilli  avec  joie  soit  par  le  public, 
soit  par  l'improvisateur,  qui  s'estima 
heureux  d'être  ainsi  reporté  au  mi- 
lieu des  annales  bien  connues  de  sa 
patrie.  Après  avoir  exposé  le  sujet, 
Sgricci  indiqua,  selon  son  habitude, 
le  nom  et  le  caractère  des  personna- 
ges, le  lieu  et  jusqu'à  la  décoration 
que  le  spectateur  avait  à  se  figurer, 
et  aussitôt,  sans   autre  préparation 
et  sans  la   moindre  hésitation  ,  il 
fournit  l'étonnante  carrière  de  l'in- 
vention ,    de    la   disposition    et  de 
l'improvisation    d'une    tragédie    en 
cinq  actes,  séparés  par  un  chœur,  à  la 
manière  des  anciens.  11  y  avait  1,200 
personnes  à  cette  séance.  Le  25  avril 
suivant,  Sgricci  en  donna  une  se- 
conde. Le  sujet,  tiré  au  sort,  était  la 
Mort  de  Charles  I".  La  manière  dont 
l'improvisateur  le  traita  frappa  l'au- 


SGR 


SGR 


19: 


ditoirp  d'admi talion.  On  était  éton- 
né que  Sgricci  pût  conserver  avec 
tant  de  fidélité  la  couleur  historique 
et  locale.  Certains  passages  émurent 
jusqu'aux  larmes,  celui  surtout  où 
Henriette  d'Angleterre  raconte  l'ap- 
parition de  Marie  Stuart  dans  un 
songe.  Nous  l'insérons  ici  en  entier, 
avec  la  traducliun  française  pour 
ceux  à  qui  il  n'est  pas  donné  de 
pouvoir  apprécier  l'original  : 

Luug'ora  egli  è,  che  mi  son  fatle  iuferno 

Le  notti: —  i  lumi  non  cliiudo  una  volta; 

Clie  spaventosi  fantasmi  di  moite 

Non  mi  assalgan  la  mente. — Oh!  roapiù  fîeri 

Or  (lianzi  m'agitaro. —  Jo  qui  tornata 

StaïK-a,  aoelante  dal  lungo  laminino, 

Vinta  da  teuerezza  e  da  pietade, 

elle  dollo  sposo  mi  desto  la  vista 

A  forza  quasi  diiusi  le  palpebre; 

£  cliiuse  dubbiamente  erauo  appena 

Che  le  cortine  si  agiter  del  letto.  — 

Si  agitaro,  e  si  apersero,  —  e  mi  parve, 

Mi  parve  o  l'ù,  che  mi  veuisse  innanzi 

Una  donna  real  di  maestoso 

Mestissimo  sembiaute;  avea  la  froute 

Avea  gli  occiii,  ei  capei  sciolti  sul  collo 

Tulti  splendenti  di  un  'arcaua  luce.— 

Vedesti  mai  la  luna,  quando  io  cielo 

È  L'in^onfusa  di  bianca  corona  ? 

Tal  mi  sembrava  ;— ella  guatommi,  e  rise 

Tlii  cotai  riso  di  dolor  ;  scintilla 

In  questa  guisa  tra  i  nembi  e  la  pioggia 

Di  sol  pallido  raggio; —  e  poichè  presse 

Kù  del  letto  alla  sponda,  si  fermo. 

La  man  mi  prese,  la  si  striuse  al  petto 

Gelido,  immoto  ;...  a  quel  sno  tocco  il  cuore 

Seutii  lialzar  con  ])alpiti  di  morte. 

Ella  cosi  parlommi:  «  O  donna,  forse 

<•  Nell'alba  dei  tuoi  di  tu  rai  vedesti 

«  Nella  tua  corte,  o  almen  fissasti  il  cigllo 

«  Non  senza  piauto  suUa  mesta  imago 

<<  Di  me,  che  appesa  nelle  régie  sale 

<•  Si  stà  dei  tuoi  palagi.— Un  di  regina 

«  Di  Scozia  io  m'era,  e  i)ellaiufra  le  belle 

«Chiamomroiil  mondo,enestupi; — peusiero, 

•<  Sospir  divenni  d'ogni  correale, 

«  D'ogni  alto  s[)irto. — Di  tre  regni  il  serto 

«  In'sulla  fronte  balenar  mi  vidi, 

•<  E  men  compiarqui,  e'I  mio  folle  ardimeuto 

<c  Giovenilineute  travioinrai  ;— volsi 

«  A  Dio  le  spalie,  e  jiel  cammin  del  moudo 

<■  Incauta  vaneggiai. — Liinga  stagione 

<<  Cosî  m'uvvolsi  d'aijisso  iu  aliisso  :  — 

■■  Perdci  del  coi  la  pac?,  di  me  stessa 

«  Perdei  la  sliina,  —  tutio  iusomma,  tufto  — 

«  Fuorchè  quella  virlù,  che  si  riserra 

»<  Nel  core  interne,  e  tempo  e  loco  aspetta 

LXXXII. 


«  Siii  vinti  sensi  a  ripigliar  l'impero; 

«  Essa  parlommi,  e  vinse;  —  e  di  sue  voci 

<•  Fù  la  sciagura  interprète,  e  foriera. 

«  Me  questa  terra  sccUerala  accolse 

«  Veuti  anni.  —  Reggia  un  carcere  profonde 

<t  M'era,  e  poi  !»  Disse,  e  con  ambe  le  mani 

Prese  il  bel  capo,  il  toise  dal  bel  collo 

E  sanguinoso  in  mau  mel  pose  ,. 

Ad  ahbracctar  quel  tronco 

Sporsi  le  mani  iuorridite,  —  e  l'ombra 

Sparve,  e  si  chiuser  le  coi  tine. — Scossa 

Dall'atra  vision  sorsi  e  fissai 

Cli  occhi  sovra  la  immagin  del  consorte. — 

Infino  al  bustoil  sol  la  illuininava. 

Ma  il  capo  d'orabre  era  avvolto,  e  spiccato 

Dagli  omeri  j)area.,.  Me  lassa  !.,,  Ho  sempre 

Questi  oggelti  presentij  —  ancor  mi  seml)ra 

Tenermi  ingrembo  quel  teschio  reciso 

Che  vesti  e  man  mi  fa  sanguigne,  e  pesa 

Sull'attonita   meute 

"  Il  y  a  bien  long-temps  que  les  nuits  sont 
devenues  un  enfer  pour  moi. —  Mes  paupiè- 
res ne  se  ferment  jamais  sans  que  je  sois  as- 
saillie ])ar  d'épouvantables  fantômes.  Mais, 
hélas!  jamais  ils  n'ont  été  plus  terribles  que 
dans  ces  derniers  moments.  A  peine  étais-je 
rentrée  dans  ce  palais,  haletante  des  fatigues 
d'unlong  voyage,  épuisée  par  la  tendre  émo- 
tion que  m'avait  causée  lavue  du  roi  mon 
époux,  que  mes  paupières  s'appesantirent 
malgré  moi  ;  elles  n'étaient  pas  encore  bien 
fermées  quand  les  rideaux  de  mon  lit  s'agitè- 
rent et  s'ouvrirent  tout  à  coup;  il  me  sembla 
(était-ce  une  illusion  ou  la  vérité),  que  je 
voyais  auprès  de  moi  une  reine  dont  les  traits 
étaient  à  la  fois  majestueux  et  tristes;  son 
front,  ses  yeux,  ses  cheveux  flottants  sur  ses 
épaules,  étaient  éblouissants  d'une  lumière 
mystérieuse.  Sans  doute  tu  as  vu  quelque- 
fois une  couronne  éclatante  environner  le 
disque  de  la  lune.  Telle  elle  parut  à  mes 
yeux.  Son  regard  se  fixa  sur  moi,  elle  me 
sourit,  mais  d'un  sourire  plein  de  tristesse. 
C'est  ainsi  qu'au  milieu  d'un  nuage  descend 
a  travers  la  pluie  un  pâle  rayon  de  soleil. 
Lorsqu'elle  fut  près  de  mon  lit,  elle  s'arrêta, 
me  prit  la  main,  la  serra  contre  son  sein 
glacé  et  immobile.  —  A  ce  toucher  un 
frisson  mortel  me  parcourut  les  veines.  Elle 
me  parla  ainsi  :<<  Henriette,  tu  m'as  vuepeut- 
"  être  dans  les  •premiers  jours  de  ta  vie  à  la 
«  cour  de  tes  aïeux,  ou  du  moins  tu  as  con- 
«  temple,  non  sans  verser  des  larmes,  mon 
i<  portrait  suspendu  aux  murs  de  tes  lojales 
«  demeures.  Je  fus  jadis  reiile  d'Ecosse  ; 
"  l'univers  -admira  mes  chaimes  et  m'ap- 
<•  j)ela  belle  parmi  les  belles  :  je  fis  sou- 
«  pirer  et  rêver  tous  les  princes  et  tous  les 
c<  nobles  cœurs;  l'éclat  de  trois  diadèmes 
<<  brilla  sur  mon  front.  Je  me  complus 
<<  dans  ces  avantages,  mes  folles  pensées  me 
«  jetèrent    dans  tons  les  désordres    de   la 

13 


1! 


SGR 


■  jeunesse;  nn  m'éloignant  de  Dieu,  je  m'é- 
«  garai  d.ius  les  clieniiiis  «lu  inonde,  et  je 
«  roului  long-temps  d'aliîme  ea  idnme.  Je 
«  perdis  la  paix  de  mon  cœnr;  l'eslime  de 
<r  inoi-inème,  tout  enfin,  tout,  hors  cette 
<<  vertu  intérieure  qui,  dans  le  tumulte  des 
«  passions,  se  retire  au  fond  de  notre  âme  et 
«  attend  le  moment  de  reprendre  son  e»- 
><  pire  sur  les  sens  égarés.  Le  malheur  ea 
«  lut  l'interprète  et  l'avant-coureur.  Cette 
«  terre  maudite  me  retint  pendant  vingt 
<<  années.  Un  profond  (•achot  y  fut  mon  pa- 
«  lais...  »  Elle  se  tut,  puis  de  ses  deux  mains 
elle  prit  sa  belle  tôle,  la  détacha  de  son 
beau  cou  et  la  posa  toute  sanglante  entre 
mes  mains...  Glacée  de  terreur,  je  tendis 
mes  hras  tremblants  pour  embrasser  ce 
tronc. —  Le  fantôme  disparut  elles  rideaux 
se  fermèrent.  Frappée  de  cette  horrible  vi» 
•  ion,  je  me  lève,  et  mes  yeux  s'arrêtent  inter- 
dits sur  le  portrait  de  mon  époux;  le  soleil 
en  éclairait  une  partie,  mais  la  tèle  était 
cachée  dans  l'omijre  et  paraissait  séparée 
du  corps.  Ces  ol)jets  sout  toujours  présents 
à  ma  pensée.  Je  crois  encore  tenir  sur  mes 
genoux  celte  tête  coupée  qui  souille  de  sang 
mes  mains  et  mes  vêtements.  Oh  !  quel  poid» 
l)èse  sur  mon  âme  épouvantée!  » 

Sgricci  quitta  Paris  dans  l'dté  de 
1824,  après  avoir  reçu  les  plus  écla- 
tants témoignages  d'admiration  et 
avoir  vu  graver  une  médaille  en  son 
honneur.  Il  se  rendit  à  Genève,  où  il 
improvisa,  chez  M.  Pictet,  un  acte 
de  la  tragédie  A^ÊHsabeth  d'Angle- 
terre. Le  moment  donné  était  celui 
oii  cette  reine  va  signer  Tarrêt  de 
mort  de  l'infortunée  reine  d'Ecosse. 
Sgricci  rentra  ensuite  en  Italie  pour 
n'en  plus  sortir.  Le  grand-duc  de 
Toscane ,  ayant  désiré  l'entendre 
(1825),  lui  donna  pour  sujet  la  Mort 
de  Marie  Sluurt,  et  lut  si  satisfait  de 
l'improvisateur  qu'il  lui  envoya  le 
lendemain  2,000  fr.,  puis  quelques 
Jours  après  le  brevet  d'une  pension 
de  2,100  fr.  et  des  lettres  de  no- 
blesse. Sgricci  se  trouva  ainsi  dans 
une  honnête  aisance,  et  l'on  regrette 
pour  sa  dignité  qu'il  ne  se  soit  pas 
abstenu  depuis  lors  de  donner  des 
séances  pour  de  l'argent.  Malheu- 
reusement la  moralité  n'est  pas  tou- 


SGR 

jours  en  égale  proportion  avec  le  ta- 
lent. Sgricci  payait  un  large  tribut 
aux  fdiblt'sscs  humaines,  et  il  en  ré- 
sultait de    fréquents  dérangeiiieuts 
dans  ses  affaires.  Fendant  les  onze 
dernières  années  de  sa  vie,  il  ne  s'é- 
loigna de  Florence  que  pour  fdire  un 
court  voyage  à  Rome,  où  il  donna 
ces   séances    payées   qui   l'ont    peu 
d'honneur  à  son  caractère  et  lui  va- 
lurent maintes  épigrammes.  Revenu 
dans  ses  foyers,  il  eut  le  malheur  de 
perdre  sa  mère,  et  en  fut  affecté  au 
point  de  tomber  malade.  Son  imagi- 
nation décuplait  sa  faculté  de  sentir, 
et  il  ne  put  résister   aux  émolions 
qu'il  avait  éprouvées  au  chevet  du 
lit  de  sa  mère  mourante.  «  Son  râle, 
disait-il  à  un  ami,  me  sen;blait  êlre 
le  bruit  du  char  de  la  mort  qui  ve- 
nait prendre  deux  victimes.»  11  mou- 
rut en  effet  peu  de  temps  apris,  le 
23  juillet  183G.   Sgricci  était  d'une 
taille  moyenne  et  bien  prise.  Il  avait 
un  très  beau  caractère  de  tête;  une 
teinte  douce  et  mélancolique  y  ré- 
gnait. Il  y  avait  dans  celte  tête  ce 
que  les  artistes  appellent  du  style  et 
tous  les  moyens  propres  à  une  grande 
expression  dramatique.  Sa  voix  était 
sonore  et  pure  ;  sa  prononciation  ad- 
mirable. Ces  qualités  contribuaient 
puissamment    au   succès    du  genre 
qu'il  avait  choisi  et  où  il  n'excellait 
pas  moins  comme  acteur  que  coininc 
poète.  Bien  qu'il  boitât,  il  dissinni- 
lait  habilement  cette  infiriiiiiéet  sa- 
vait apporter  dans  ses  mouvements 
beaucoup  de  dignité  et  de  noblesse. 
Obligé  de  remplir  dans  une  soirée 
les  cinq  ou  six  rôles  de   S(S  tragé- 
dies, il  prenait  le  ton  et  l'allure  le 
plus    convenables    à  chacun   d'eux 
sans  devenir   jamais   ridicule.  Son 
premier  soin  en   entrant  en  scène 
était  d'indiquer  le  sujet,  les  noms 
des   personnages,    les    décorations 


SGR 

supposées,  l'ordonnancp  de  la  pièce; 
puis  il  commençait  sans  hésitalion  et 
continuait  de  même,  exjiclemenl 
comme  ferait  un  acteur  qui  aurait 
étudié  son  rô'e  d'avance.  Celte  pro- 
digieuse facililé  dut  naturellement 
trouver  bien  des  incrédules.  On  sup- 
posa d'abord  que  Sgricci  avait  des 
compères,  puis  qu'il  intercalait  au 
moins  certains  morceaux  préparés  de 
longue  main  en  se  ménageant  habile- 
ment l'occasion  de  les  introduire  ; 
mais  ces  deux  suppositions  Unirent 
par  élre  tout-à-fait  écartées,  et  l'on 
dut  croire  entièrement  à  la  bonne  loi 
(le  Sgricci,  quand  il  décbira  ne  pas  sa- 
voir, au  moment  de  commencer,  un 
des  vers  qu'il  allait  débiter,  et  ne  pas 
se  souvenir  d'un  seul  après  l'im- 
provisation. Aussi  la  plupart  de  ses 
pièces  se  sont-elles  évanouies  comme 
un  chant  harmonieux;  mais  le  petit 
nombre  qui  reste  suffira  pour  éter- 
niser la  mémoire  de  leur  auteur.  Un 
grand  seigneur  napolitain,  le  duc 
(le  iMirnnda,  chez  qui  Sgricci  avait 
improvisé  plusieurs  fois  ,  conser- 
vait quelques  tragédies  sténogra- 
phiées, mais  elles  périrent  dans  un 
incendie.  Voici  tout  ce  qui  nous 
reste  de  ce  poète  :  I.  Une  scène 
iVÀgamemnon,  dans  une  feuille  na- 
politaine. II.  Hector^  en  cinq  actes, 
Turin,  1823,  in-8%  avec  le  portrait 
(le  Tauteur;  T  édition,  Florence, 
18-i5,  in-8o.  III.  La  Mort  de  Char- 
les I"',  en  cinq  actes,  Paris,  182i, 
in-8''.  Cette  pièce  est  précédée  d'une 
préface  de  l'éditeur  et  de  deux  lettres. 
La  première  fut  adressée  par  M.  La- 
cretelle  à  Sgricci,  en  témoignage  de 
son  admiration.  La  seconde  est  de 
Georges  Cuvier,  qui  avait  aussi  as- 
sisté à  l'improvisation  de  cette 
tragédie  et  en  lut  les  épreuves  pour 
constater  que  rien  n'avait  été  changé. 
Une  traduction  française,  assez  mé- 


SGR 


195 


diocre,  termine  le  volume.  Seconde 
édition,  Florence,  même  année,  in-S", 
avec  une  dédicace  en  vers  au  mar- 
quis de  la  Maisonl'ort,  envoyé  extra- 
ordinaire du  roi  de  France  auprès  du 
grand-duc  de  Toscane.  IV.  LaCfiute 
de  Missolonghij  en  cinq  actes.  V. 
Le  conmiencement  (VÉkclre,  dans 
VÉtrenne  de  Vallardi ,  qui  a  pour 
titre  :  JVe  m'oubliez  pas,  Milan, 
1834,  in-12.  Les  poésies  non  impro- 
visées de  Sgricci  sont:  I.  Canzune 
à  l'occasion  de  l'entrée  solennelle  du 
prince  Thomas  Corsiiii  au  Capilole, 
Rome,  1818,  in-S».  H.  Canzonc  pour 
les  noces  de  Ferdinand  MI  de  Tos- 
c-tne  avec  Marie-Ferdinande  de  Saxe, 
Florence,  1821,  in-8°.  III.  La  Nuit 
veillée,  idylle  à  l'occasion  du  ma- 
riage du  marquis  Tolomei  avec  une 
filledii  princeCoisini,  Florence, 1823, 
in-folio.  C'est  sans  contredit  la  meil- 
leure des  pièces  de  Sgricci.  Elle  res- 
pire une  beauté  toute  antique  à  la- 
quelle donne  encore  plus  de  relief 
une  légère  teinte  de  celte  mélancolie 
propre  à  la  poésie  moderne.  IV.  Ode 
sur  la  publication  des  poésies  de 
Laurent-  le  -  Magnifique,  Lucques, 
1825,  in-4o.  V.  Canzone  adressée  au 
peintre  Gérard.  VI.  Terceto  eu  l'hon- 
neur du  grand-duc  Léopold  II,  qu  i 
venait  de  donner  son  nom  au  collège 
d'Arezzo,  Florence,  1827,  in-8".  VII. 
Canzone  à  l'occasion  du  retour  à 
Florence  du  même  prince,  ibid., 
1830,  in-8''.  VllI.  Chant  sur  la  mort 
de  la'grande-duchesse  Marie-Caro- 
line de  Saxe,  ibid.,  1832,  in-S".  IX. 
Stances  pour  les  noces  du  grand-duc 
Léopold  II  avec  Marie -Aniomette  des 
Deux-Siciles,  ibid.,  1833,  in-8»,  X. 
Canzone  sur'  la  mort  de  Marie  Maxi- 
milienne,  princesse  de  Toscane, 
ibid.,  1833,  iii-8".  XI.  Canzone  sur 
la  naissance  d'une  lilledu  grand-duc, 
ibid.,  1834,  in-8°.  XII.  Canzone  sur 

13. 


196 


SHA 


la  mort  de  l'empereur  François  l*"', 
ibid.,  1835,  in-S».  XIII.  Canzone  sur 
la  naissance  de  Ferdinand  d'Aulriche, 
prince  de  Toscane,  ibid.,  1836,  in-4''. 

A-Y. 

SHAH-NAWAZ  -  KHAN  -SAM- 
SAM-AL-DOWLAK  (1),  ministre 
mogol  dont  le  premier  nom  était  Abd- 
al-Raz-zak.  Son  trisaïeul  avait  quitté 
Khowafponr  venir  à  la  courd'Akbei; 
son  bisaïeul,  An-Arat-Khan,  avait 
été,  sous  Alenigir,  en  très-grande 
faveur;  son  aïeul  était  dewan  de 
Moiiltan  ;  son  père  se  nommait  Mir- 
Hasan-Ali.  Le  siège  de  sa  famille 
était  à  Aurengabad  ;  cependant  il  na- 
quit à  Lahoreen  1700.  Il  se  distingua 
de  bonne  i.eure  par  ses  talents  et 
fut  chargé  de  fonctions  importantes. 
11  avait  la  confiance  de  Nizam-al- 
Dowlak  Nazir-Jeng  quand  celui-ci 
osa  se  déclarer  contre  son  père  Asof- 
Jah  ;  il  avait  essayé  de  le  détourner 
de  cette  entreprise  et  n'en  fut  pas 
moins  disgracié  pendant  cinq  ans. 
En  1747,  il  fut  nommé  dewan  de 
Biran  ,  et  quand  Nizam-al-Dowlak 
eut  succédé  à  son  père  dans  le  gou- 
vernement de  l'empire,  Samsam-al- 
Dowlak  fut  appelé  an  dewani  du  Dé- 
klian;  puis,  après  la  lin  malheureuse 
de  Nizam-al-Dowlak,  à  la  soiibobliie 
d'Hydevabad.  Il  subit  encore  une 
courte  disgrilce  que  l'on  attribue  à 
l'influence  de  M.  de  Bussy,  et  bientôt 


(i)  Cette  notice  sur  uu  personnage  qui, 
dans  le  dernier  siècle,  a  joué  un  rôle  remar- 
quable au  milieu  des  dernières  convulsions 
de  Teinpire  nicgol,  est  extiuite  d'un  diclion- 
naire  biographique  qu'il  avait  composé  lui- 
même  et  qui  a  été  continue  par  son  lils. 
Le  critique  qui  l'a  insérée  dans  le  Quar- 
terljr  orierilat  Magasine  rcgrelle  que  les  écri- 
vains qui  s'occupent  de  l'iiisîoire  do  l'Inde 
n'aient  pas  ])lus  souvent  recours  aux  au- 
teurs mêmes  du  pays,  et  que,  s'attachant 
presque  il  la  seule  autorité  de  Ferislileli, 
ils  négligent  les  sources  où  cet  bistoiien  a 
puisé. 


SHÉ 

après  il  rentra  en  faveur  auprès 
d'Amir-al-Memalek,  dont  il  fut  le  mi- 
nistre. Il  se  distingua  dansdifférentes 
expéditions,  et  surtout  dirigea  toute 
sa  politique  vers  un  seul  but,  qui 
était  de  chasser  les  Français  de  Pon- 
dichéry.  Une  révolte  de  l'armée  d'A- 
mir-al-Memalek entrava  ses  projets 
et  causa  son  malheur.  H  fut  des- 
titué, obligé  de  fuir  et  d'aller  s'en- 
fermer avec  ses  partisans  dans  Dow- 
letabad.  Cependant  Nizam-al-Dowlak 
II,  sous  le  nom  de  Nizam-al-Mulk- 
Asof-Jah,  venait  de  succéder  à  Amir- 
al-Memalck  ,  et  Samsam-al-Dowlak 
recouvra  une  partie  de  son  influence. 
Mais  trompé  par  un  traître  nommé 
Hyder-Jeng,  qui  était  dévoué  aux 
Français,  il  fut  surpris  avec  ses  trois 
liis  et  confié  à  une  garde  étrangère. 
Le  perfide  Hyder-Jeng  avait  encore 
d'autres  projets  :  Asof-Jah  devait 
être  sa  victime.  Ayant  osé  se  présen- 
ter devant  lui,  il  fut  tué  par  l'ordre 
de  ce  prince.  A  cette  nouvelle,  des 
furieux  se  précipitèrent  dans  la  tente 
où  était  gardé  Sumsam-al-Dowlak  et 
le  massacrèrent  avec  le  plus  jeune 
de  ses  fils.  Cet  événement  eut  lieu  en 
1785.  A— T. 

SHÉE  (Henri),  général  et  admi- 
nistrateur français,  était  né  à  Lan- 
drecies,  le  25  janvier  1739,  d'une 
famille  de  noblesse  irlandaise  qui 
s'était  réfugiée  en  France  par  suite 
de  son  attachement  à  la  foi  catholi- 
que. Entré  au  service  comme  cadet 
dans  le  régiment  irlandais  de  Clarke, 
le  f^^mars  1755  ,  iN'ut  nommé  lieute- 
nint  en  1760,  et  l'année  suivante 
sons-aide  major,  en  récompense  de  sa 
belle  conduite  à  l'affaire  de  Marbourg. 
Créé  chevalierdeSaint-Louis  en  1781 , 
il  fut  ensuiie  nommé  capitaine  cor- 
nette blanche  au  régiment  colonel- 
général,  puis  C(>lonel  en  second  du 
régiment  de  Conflans  (1784),  et  enfin 


SHE 


SHI 


197 


colonel  du  régiment  colonel-gc'ue'ral 
(1785).  La  révolution  française  le 
trouva  dans  cette  position,  et,  sans 
en  devenir  un  zélé  admirateur,  il 
l'accepta  pourtant  avec  une  certaine 
satisfaction.  En  1791  il  obtint  sa 
retraite  pour  cause  de  mauvaise  san- 
té, mais  en  1795  il  reprit  une  place 
active  dans  l'armée  et  fut  promu  au 
grade  de  général  de  brigade.  C'est 
en  cette  qualité  qu'il  fit  partie  du 
corps  expéditionnaire  qui,  sous  Ho- 
che et  Bruix,  essaya  un  débarque- 
ment en  Irlande.  Au  retour  de  celte 
expédition  qui  ne  réussit  pas,  il  quit- 
ta délinitivement  le  service  militaire 
pour  la  carrière  administrative.  Le 
19  février  1797,  on  le  nomma  pré- 
sident de  la  commission  intermé- 
diaire pour  l'administration  des  pays 
conquis  sur  le  Rhin,  et  dansées  fonc- 
tions il  sut  acquérir  l'estime  des  po- 
pulations par  une  grande  probité  et 
une  extrême  modération.  Bonaparte, 
après  le  18  brumaire,  l'envoya  à  la 
préfecture  du  Mont-Tonnerre,  qu'il 
quitta  presque  aussitôt  pour  devenir 
commissaire-général  dans  les  quatre 
départements  de  la  rive  gauche  du 
Rhin,  nouvellement  réunisà  la  Fran- 
ce. Élevé  au  titre  de  conseiller  d'É- 
tat en  1801,  il  remplaça  Lakanal,  le 
26  septembre  suivant,  connue  pré- 
fet du  Bas-Rhin.  Il  se  trouvait  en 
cette  qualité  à  Strasbourg,  au  mois 
de  mars  1804,  lors  de  l'enlèvement 
du  duc  d'Eughien,  et  il  fut  en  consé- 
quence api)elé  à  y  concourir,  ou  tout 
au  moins  mis  dans  la  confidence  des 
instructions  de  Caulaincourt  et  d'Or- 
dener  {voy.  ce  nom,  LXXVI,94), 
ainsi  (jue  le  général  Levai;  il  fut  toute- 
fois moins  généreux  et  eut  moins  d'é- 
gards que  ce  dernier  pour  la  position 
du  malheureux  prince  (  voy.  Leval, 
LXXi,  441);  on  a  même  dit  que  ce  fut 
lui  qui,  par  sa  correspondance  ad- 


ministrative, donna  lieuk  l'arresta- 
tion. Lors  de  l'institution  de  la  Lé- 
gion d'Honneur,  il  reçut  la  croix  d'of- 
ficier, puis  celle  de  commandant  de 
cet  ordre,  en  1809  le  titre  de  comte, 
et  enfin,  le  5  février  1810,  il  fui 
fait  sénateur.  Comme  la  plupart  des 
membres  de  cette  muette  assemblée, 
il  vola,  sans  hésitation,  la  déchéance, 
parut  un  instant  d'acc(jrd  avtc  sou 
neveu  le  ministre  Clarke,  et  se  ral- 
lia à  la  restauration.  Louis  XVlll  le 
créa  pair  de  France  eu  juin  1814, 
ce  qui  surprit  un  peu  l'opinion  roya- 
liste. Dès  lors  il  resta  complètement 
en  dehors  des  affaires,  et  mourut  le 
3  mars  1820,  dans  un  âge  très-avan- 
cé. Le  maréchal  Mortier  prononça 
son  éloge  funèbre  à  la  chambre 
haute.  Sa  fille  unique  avait  épousé 
Jacques  Wulfran,  baron  d'Alton,  au- 
torisé pour  lui  et  ses  descendants, 
par  ordonnance  royale  du  11  décem- 
bre 181. 5,  à  joindre  son  nom  à  celui 
de  Sliée ,  et  c'est  de  cette  union 
qu'est  né  le  comte  d'Alton -Shée,  hé- 
ritier de  la  pairie  de  son  aïeul  par 
droit  de  substitution.  Madame  d'Alton 
est  morte  vers  1825.       G — h — n. 

SUERBURNE.  Voy.  Shirburn, 
XLI1,270. 

SIIIELD  (William),  compositeur 
anglais,  né  en  1749,  ii  Swalwell,  dans 
le  comté  de  Durham  ,  reçut  de  son 
père  ,  qui  était  maître  de  chant,  les 
premiers  éléments  de  son  art ,  et  lit 
des  progrès  si  rapides  que,  dès  l'âge 
de  huit  ans,  il  jouait  sur  le  violon 
les  morceaux  les  plus  difliles  de  Co- 
relli;  malheureusement  dès  son  jeu- 
ne âge  l'aiileiir  de  ses  jours  lui  fut 
enlevé,  et  celte  circonstance  sembla 
le  rejeter  désormais  dans  l'exercice 
d'une  profession  mécanique.  Il  fut 
alors  mis  en  apprentissage  chez  un 
constructeur  de  bateaux  à  North- 
shields,  et  il  eût  peut-être  été  à  ja- 


198 


SHU 


mais  perdu  pour  la  musique,  si  le 
célèbre  Avison ,  qui  demeurait  dans 
le  voisinage,  nVût  bien  voulu  l'aider 
à  continuer  ses  éludes  artistiques 
dans  ses  moments  de  loisir.  William 
sut  prnliter  de  cet  avantage,  et  son 
apprentissage  ne  fut  pas  plutôt  ter- 
miné qu'il  se  voua  pour  toujours  à 
l'art  vers  lequel  son  penchant  l'en- 
traînait. Il  ne  tarda  pas  à  devenir  le 
chef  de  l'orchestre  d'un  théâtre  de 
Durhaui,  et  étant  allé  à  Londres  il 
fut  employé  par  le  directeur  Cramer 
dans  l'orchestre  de  l'Opéra.  Un  sé- 
jour fait  en  Italie,  en  1792,  étendit 
ses  connaissances  et  acheva  d'épurer 
son  goût.  Rentré  dans  sa  patrie,  il  y 
acquit  une  réputation  méritée  par 
quelques  ouvrages  techniques,  ainsi 
que  par  ses  opéras  ,  et  fut  attaché  à 
la  cour  en  qualité  de  musicien  ordi- 
naire du  roi.  Shield  a  su  adapter  le 
goût  italien  à  la  langue  anglaise,  sans 
contrarier  le  caractère  de  cette  lan- 
gue. Son  style  est  simple,  facile,  cor- 
rect; ses  airs  rendent  toujours  bien 
les  paroles,  et  sont  agréables  et  va- 
riés. On  cite  parmi  ses  productions  : 
I.  Introduction  à  l'harmonie,  1800, 
in-4°.  11.  Rudiments  de  la  basse  con- 
tinue (rough  bass)  pour  les  jeunes 
harmonistes^  1815,  in-4o.  m.  plu- 
sieurs opéras  entre  autres  :  Rosina, 
le  Fermier,  Fontainebleau,  l^Àmour 
dans  un  camp ,  le  Pauvre  Soldat , 
la  Caverne  magique,  etc.  William 
Shield  mourut,  âgé  de  80  ans,  le  28 
janvier  1829.  Z. 

SU  II  CK  FORD  (Samuel),  savant 
anglais,  acheva  ses  études  au  collège 
Gains  de  l'université  de  Cambridge, 
où  il  prit ,  en  1720  ,  le  degré  de  maî- 
tre ès-arts.  Il  fut  ensuite  curé  de 
Shelton  ,-  dans  la  province  de  Nor- 
folk ,  prébendier  de  l'église  de  Can- 
torbéry,  et  enliu  pasteur  d'All-Al- 
lows,  rue  des  Lombards,  à  Londres. 


SHU 

11  mourut  en  1754.  C'était  un  homme 
très-érudit ,  mais  assez  mal  partage 
du  côté  du  jugement  et  du  goût.  Son 
principal  ouvrage  est  une  Histoire 
du  monde  sacrée  et  profane,  depuis 
la  création  jusqu'à  la  destruction  de 
l'empire  des  Assyriens,  à  la  mort  de 
Sardanapale ,  et  jusqu'à  la  déca- 
dencedesroyaumcsdeJudaet  d'Israël, 
3  volumes  in-S",  destinée  à  servir 
d'introduction  à  V Histoire  des  Juifs ^ 
de  Prideaux  ;  mais  à  cet  égard  même 
elle  est  insuflisante,  l'auteur  n'ayant 
pas  assez  vécu  pour  pouvoir  la  por- 
ter jusqu'à  l'an  747  avant  J.-C. ,  où 
Prideaux  a  commencé.  Ce  livre  est 
précieux  par  les  détails  qu'il  ren- 
ferme et  que  l'on  ne  rencontre  que 
rarement  ailleurs  ;  on  y  trouve  aussi 
des  réflexions  judicieuses  sur  la  lan- 
gue hébraïque.  Mais  l'historien  a 
souvent  échoué  dans  l'application  de 
son  vaste  savoir  ,  et  c'e.st  avec  jus- 
tice que  l'évêque  Horne  et  William 
Jones,  dans  les  mémoires  qu'il  a 
donnés  sur  ce  prélat,  ont  reproché  à 
Shuckford  d'avoir  rendu  son  sujet 
presque  ridicule  en  illustrant  l'his- 
toire sainte  de  la  création  d'après 
Ovide  ,  Cicéron  ,  et  même  d'après 
VEssai  sur  l'homme,  de  Pope.  Ce- 
pendant VHistoire  du  monde  a  été 
traduite  en  français  par  J.-P.  Ber- 
nard ,  prêtre  de  l'église  anglicane, 
conjointement  avec  Chaufepié  («oy. 
ce  nom,  VII,  292)  et  Toussaint; 
Leyde,  1738,  2  vol.  in-12;  tome  lli, 
Paris,  1752,  titres  noirs  et  rouges, 
avec  cartes  et  figurt's.  Indépendam- 
ment de  cet  ouvrage ,  on  a  de 
Shucklord  quelques  Sermons  et  un 
traité  sur  la  Création  et  la  chute  de 
l'homme ,  devant  servir  de  supplé- 
ment à  la  préface  de  VHistoire  du 
jitoiide.  L. 

SliUTE.   Voy.  Barr^gton,    III, 
i21,etLVlI,  21  i. 


SIB 

SIBIIET  (Georges),  magistrat  de 
la    révolution  ,   né  vers  1765  dans 
la  petite  ville  de  Belley,  était  com- 
patriote et  condisciple  de  Récamier, 
de  Riclierand  et  de  Brillât-Savarin. 
Après  avoir  fait  d'assez  bonnes  étu- 
des dans  cette  ville,  il  vint  fort  jeune 
à  Bourg  en  Bresse  où,  par  un  phy- 
sique agréable  et  des  manières  insi- 
nuantes, il  s'introduisit  cliez  l'avo- 
cat Gauthier,  donl  il  fut  le  secré- 
taire. Celui-ci,  nommé  en  1789  dé- 
puté aux  États-Généraux,  amena  dans 
la  capitale  sa  femme  et  son  jeune  se- 
crétaire, qui,  pendant  toute  la  ses- 
sion de  l'Assemblée  constituante,  fut 
le  commensal  et  l'ami  de  la  famille. 
Quand  ce  député  retourna  dans  son 
pays,  a  là  tin  de  1791,  Sibuet  entra 
dans  la  carrière  des  emplois.  Nommé 
commissairenationaldanslaBelgique 
lors  de  l'invasion  de  Dumouriez,  en 
1792,  il  fut  un  de  ces  agents  dont  le 
général  en  chef  se  plaignit  amère- 
ment {voy.  Chaussard,    LX,  562). 
Nous   avons  sous  les  yeux  un  rap- 
port que  Sibuet  adressa  au  minis- 
tre des  affaires  étrangères,  sur  l'é- 
chec d'Aix-la-Chapelle,  au  mois  de 
mars  1793,  et  dans  lequel  il  dit  que 
ce  revers  faisait  lever  la  tête  aux 
anti-peuples.   Après   la  retraite  de 
l'armée  française,  Sibuet  revint  au- 
près de   son  protecteur  Gauthier, 
qu'il  accompagna  dans  sa  mission  au 
siège  de  Lyon.  11  ne  revit  qu'avec 
lui  la  capitale ,  subit  toutes  ses  vi- 
cissituiles  de  succès  et  de  revers  , 
et  en  fut  très-bien  aidé  et  protégé 
dans  toutes  les  occasions.  Après  le 
9  thermidor,  il    retourna    en  Bel- 
gique et  fut  nommé   l'un    des  ju- 
ges du  tribunal  d'appel  du  départe- 
ment de  la  Dyle,  fonctions  qu'il  ne 
conserva  que  peu  de  temps.  Revenu 
à  Paris,  il  y  fut,  avec  Poultier,  le  fon- 
dateur de  l'Ami  des  lois^  journal 


SIB 


199 


consacré  à  la  défense  das  opinions 
révolutionnaires.  C'est  à  cette  épo- 
que qu'il  eut  avec  Benjamin  Constant 
une  querelle  qui  dut  se  terminer  par 
un  duel,  mais  qui,  comme  il  arrive 
souvent,  finit  moins  périlleusement 
chez    un  restaurateur.    VÂmi    des 
lois  ayant  été  suppriu>é  ,  après  le  18 
brumaire,  par  un  arrêté  des  consuls, 
ainsi  que  tous  les  journaux  indépen- 
dants ,  Sibuet  se  renferma  dans  ses 
fonctions  de  juge  au  tribunal  de  cas- 
sation, où  il  avait  été  appelé  sous  le 
Directoire;  mais  il  les  perdit  bientôt, 
alla  vivre  dans  la  retraite  à  Corbeil, 
et  parvint,  au  bout  de  quelques  an- 
nées, à  être  nommé  président  du  tri- 
bunal de  cet  arrondissement.  H  fit  en 
cette  qualité,  en  1814,  toutes  ses  sou- 
missions au   gouvernement    royal  ; 
mais  lors  du  retour  de  Bonaparte,  en 
1815,  il  fut  élu  par  l'arrondissement 
de  Corbeil  membre  de  la  chambre 
des  représentants,  où  il  fit  le  4  juin 
une  motion  qui  eut  peu  de  succès 
et  qui  avait  pour  objet  de  décréter 
qu'on  ne   reconnût   dans   l'Assem- 
blée d'autre  titre  que  celui  de  repré- 
sentant. «  Il  serait  inconvenant ,  dit 
Sibuet,  que  les  représentants  fussent 
partagés  en  deux  classes  ,  celle  des 
ducs,  des  comtes,  des  barons,  des 
chevaliers,  et  celledes  simples  dépu- 
tés. En  demandant  à  quelques-uns 
de  nos  collègues  cette  renonciation 
momentanée  et  circonscrite  au  lieu 
de  nos  séances,  je  n'entends  rien  pré- 
juger sur  le  fond  de  la  question  :  ce 
sacrifice  ,  si  c'en  est  un  ,  ils  en  ont 
reçu  l'exemple  de  leurs  nobles  pré- 
décesseurs dans  la  fameuse  nuit  du 
4  août  1789.  Notre  président  ne  peut 
être  que  primus  inler  pares.  C'est 
ici  que  nous  devons  jouir  non  seule- 
ment de  la  liberté  politique ,  mais  de 
cette  égalité  qui  seule  fait  le  charme 
de  la  société...  Le  privilège  le  plus 


2  Ou 


SIB 


odieux  est  celui  qui  tend  à  humilier 
le  plus  grand  nombre  au  profit  de 
quelques-uns.  "  Ici  des  murmures  in- 
terrompirent l'orateur  ;  on  s'était 
aperçu  qu'il  tenait  à  la  main  un  pa- 
pier à  moitié  caché  par  son  chapeau, 
et  on  lui  cria  qu'aux  termes  du  rè- 
glement il  ne  devait  pas  apporter 
de  discours  écrit.  Sibuet  essaya  de 
se  juslilier,  et  il  répéta  qu'on  ne 
devait  reconnaître  d'autre  noblesse 
que  celle  des  sentiments  ;  mais  sa 
voix  se  perdit  dans  le  tumulte  ,  et 
l'ordre  du  jour  fut  adopté.  Sibuet  ne 
reparut  plus  à  la  tribune,  et  après  le 
retour  du  roi  il  fut  remplacé  dans 
ses  fonctions  de  président  du  tribu- 
nal de  Corbeil,  où  il  continua  cepen- 
dant de  résider,  jouissant  de  quelque 
fortune,  cultivant  modestement  sa 
vigne,  et  buvant  le  vin  du  cru  jusqu'à 
sa  mort,  qui  eut  lieu  le  14  janvier 
1 828.  Sibuet  a  publié  :  1 .  Opinion  pro- 
noncée à  l'assemblée  générale  des 
principaux  actionnaires  de  la  Ban- 
que de  France,  Paris,  1821,  in-8°.  II. 
Nouveau  manuel  du  vigneron,  ou 
Méthode  simple,  facile  et  économique 
pour  faire  du  bon  vin  partout  où  le 
7'aisin  miirit,  etc.,  1822,  in-8°.  111. 
Observations  à  M.  le  comte  de  Pey- 
ronnet,  ministre  de  la  justice,  etc., 
sur  son  projet  de  loi  concernant  le» 
successions  et  le  rétablissement  du 
droit  d'aînesse,  1826,  in-8°.  IV.  Opi- 
nion prononcée  à  l'assemblée  géné- 
rale des  208  plus  forts  actionnaires 
de  la  Banque  de  France^  janvier 
1826,  in-8\  M— Dj- 

SIBUTUS  (Georges),  surnommé 
Daripinus,  était,  au  commencement 
du  XVl^  siècle,  médecin  et  professeur 
derhétoriqueàCologne^ily  publiaen 
1504  (in-i"),  sous  le  titre  d'^lrs  me- 
morativa,  un  traité  de  mnémonique, 
science  dont  on  s'occupait  alors  avec 
activité.  Malheureusement  ce  traité 


SIC 

a  les  mêmes  inconvénients  que  les 
écrits  de  ce  genre  qui  sont  venus  plus 
tard  ;  les  procédés  qu'il  indique  sont 
encore  pluscompliqués,  plus  difficiles 
que  la  chose  qu'ils  prétendent  sim- 
plifier et  rendre  aisée.  En  1507,  nous 
retrouvons  Sibutus  donnant  des  le- 
çons de  belles-lettres  à  Wittemberg. 
ConradCelteslui  décerna  la  couronne 
de  poète  lauréat,  et  dès  l'année  sui- 
vante Sibutus  fit  paraître  à  Leipzig 
une  composition  dramatique  desti- 
née à  célébrer  la  ville  de  Wittemberg 
et  les  beautés  du  pays  dont  elle  oc- 
cupe le  centre.  Le  titre  de  cet  ou- 
vrage est  fort  long  :  Silvula  in  Al- 
biorim  illustratam,  etc.;  les  person- 
nages sont  empruntés  à  la  mytho- 
logie :  Mercure,  Apollon,  Bacchus, 
Diane,  Neptune,  Chloris,  Calliope, 
Sylvain,  le  poète,  le  parasite.  Le  tout 
fut  joué  devant  l'empereur  Frédéric. 
Sibulus  tenait  à  offrir  aux  grands  de 
la  terre  les  résultats  de  son  commerce 
avec  les  muses;  à  l'occasion  de  l'ar- 
rivée à  Cologne  d'un  autre  empereur, 
il  avait  mis  au  jour,  dès  l'an  1500, 
un  volume  intitulé  :  Panegyricus  de 
Maximiliani  in  Coloniam  adventu 
cum  variis  epigrammatibus.  Il  faut 
bien  avouer  que  rien  de  tout  cela 
ne  mérite  de  passer  à  la  postérité. 

B— N  — T. 

SICARD,  conseiller  à  la  cour 
royale  de  Montpellier,  fut  un  des 
magistrats  les  plus  instruits  et  les 
plus  intègres  de  notre  siècle.  Ne 
vers  1760,  il  mourut  à  Montpellier 
dans  le  mois  de  décembre  1834.  Il  a 
donné,  dans  cette  Biographie  univer- 
selle, différents  articles  aussi  remar- 
quables par  l'érudition  que  par  un 
style  simple  et  précis,  entre  autres 
ceux  de  Henri  et  d'Adrien  de  Valois. 
On  a  encore  de  lui  :  Leçons  sur  la 
poésie  sacrée  des  Hébreux,  traduites 
pour  la  première  fois  du  latin  en 


SIC 


SIC 


2(Jl 


français-^  Lyon  ef  Paris,  1812,  2  vol. 
in-8°.  Cet  ouvrage  du  savant  Rob. 
Lowth  (voy.  ce  nom,  XXV,  320-21) 
a  aussi  été  traduit  par  François  Ro- 
ger 5  mais  la  traduction  de  Sicard  est 
plus  estime'e.  II  a  encore  traduit  de 
l'anglais  un  opuscule  de  Lowth,  sous 
le  titre  de  Généalogie  de  Jésus-Christ, 
représentée  sur  la  fenêtre  orientale 
de  la  chapelle  du  collège  de  Win- 
chester, qu'il  a  fait  imprimer  à  la  fin 
du  second  volume  des  Leçons. 

M-Dj 

SICKIXGEX  (François  de),  cé- 
lèbre guerrier  du  XV^  siècle,  naquit 
le  lu  mars  1481,  au  château  de  Sic- 
kingen  ,  dans  le  cercle  du  moyen 
Rhin  (grand-duché  de  Bade).  Il  était 
fils  d'un  Suivik,  gentilhomme  ob- 
scur, décapité  par  ordre  de  Maximi- 
lien,  en  punition  des  troubles  qu'il 
causait  dans  l'empire.  Voué  depuis  sa 
jeunesse  au  métier  des  armes,  il  ré- 
solut de  venger  la  mort  de  son  père  ; 
ayant  mis  dans  ses  intérêts  la  plupart 
des  princes  et  des  cumtes  germani- 
ques, il  leva  une  petite  armée  et  de- 
vint un  ennemi  redoutable  à  l'em- 
pereur. Dans  ses  courses  aventuriè- 
res, il  soumit  un  grand  nombre  de 
places  ;  on  le  voyait  çà  et  là  à  la  tête 
de  ses  soudards  déployer  une  activité 
incroyable,  faisant  la  guerre  aux  uns, 
négociant  avec  les  autres.  Le  duc  de 
Lorraine,  les  habitants  de  Metz,  le 
landgrave  de  Hesse  eurent  surtout  à 
souffrir  de  ses  ravages,  et  furent 
même  forcés  de  lui  payer  tribut.  Il 
s'était  proclamé  le  grand  redresseur 
de  torts,  et  c'est  au  nom  de  la  justice 
qu'il  cumuiettait  ses  plus  grands  ex- 
cès ;  il  prenait  la  défense  des  oppri- 
més, soutenait  les  faibles  contre  les 
forts,  et  sa  réputation  s'étemlit  bien- 
tôt dans  toute  l'Allemagne.  Ainsi, 
quand  un  particulier  avnit  à  se  plain- 
dre d'une  ville  impériale  ou  à  récla- 


mer une  créance  sur  un  homme  puis- 
sant qui  refusaitdc  la  payer,  Sickin- 
gen  se  chargeait  de  l'y  contraindre 
par  des  moyens  quelquefois  un  peu 
brusques  etsans  s'inquiéter  beaucoup 
des  formes.  Ce  rôle  de  chevalier  er- 
rant le  fit  craindre  partout,  et  il  dis- 
posait à  son  gré  de  tous  les  seigneurs 
allemands.  Son  but  était  en  général 
de  s'opposer  au  despotisme  et  à  l'or- 
gueil des  princes  et  du  clergé.  Il  se 
pourrait,  néanmoins,  que  ses  projets 
allassent  plus  loin,  et  il  n'est  pas  in- 
vraisemblable qu'il  méditât  une  ré- 
volution politique  en  Allemagne 
{voy.  la  Vie  de  Frédéric  -  le  -  Sage, 
électeur  de  Saxe,  par  Spalalin,  dans 
la  collection  pour  servir  à  l'histoire 
de  Saxe,  vol.  V,  p.  139,  en  allemand). 
Fleuranges,  dans  ses  Mémoires,  nous 
apprend  que  Sickingen  était  très-lié 
à  la  maison  de  La  Marck,  et  qu'il  le 
présenta  à  François  I"  comme  un 
homme  qui  pouvait  lui  être  très-utile 
dans  ses  vues  sur  l'empire.  Le  roi 
l'accueillit  fort  bien,  le  combla  de 
présents  et  le  gratifia  d'une  pension 
de  mille  écus.  Lorsque  Sickingen 
quitta  la  France,  il  dit  à  Fleuranges  : 
«  Je  pars  pénétré  des  bontés  du  roi  ; 
«  assnrez-le  qu'il  n'aura  jamais  de 
<i  serviteur  plus  fidèle  que  moi  et  que 
«  j'observerai  le  serment  que  je  lui  ai 
«  fait  de  le  servir  contre  tous.  »  Ce- 
pendant Sickingen  n'avait  pas  ob- 
tenu tout  ce  qu'il  désirait,  car  il  dit 
encore  à  Fleuranges  :    •  Le  roi  me 

•  connaît  bien  mal  s'il  me  croit  plus 

•  sensible  aux  bienfaits  qu'à  la  con- 
"  fiance.  J'ai  pénétré sesdesseins que 

•  vous  et  lui  m'avez  cachés;  il  en 
«  veut  à  l'empire;  je  lui  ai  demandé 
«  des  troupes,  il  me  les  a  refusées  ;  il 
«  il  a  cru  que  je  les  demandais  pour 
«  moi,  je  ne  les  voulais  que  pour  ntti- 
"  rera  son  i)arli  un  plus  grand  nom- 

•  brc  de  gtulilsliomnies  alleuiands: 


202 


SIC 


SIC 


•  avertissez-le  qu'il  ne  sera  jamais 

•  bien  servi  que  par  les  simples  gen- 
«  tilshommos  tels  que  moi  ;  s'il  traite 
«  avec  les  grands  princes,  les  élec- 
«  teurs,  il.>  prendront  son  argent  et  le 
«  tromperont.»  Cet  te  alliance  de  Sic- 
kingen  et  de  François  1"  ne  fut  pas  de 
longue  durée.  Une  querelle  s'étatit 
élevée  entre  des  marchands  alle- 
mands et  milanais,  Sickingen  saisit 
pour  25,000  fr.  d'effets  à  ces  der- 
niers ;  le  roi  voulut  les  lui  faire  res- 
tituer, il  s'y  refusa  d'une  manière 
hautaine;  la  suppression  de  sa  pen- 
sion s'en  étant  suivie,  il  se  crut  libre 
de  tout  engagement  envers  la  France. 
Il  devint  dès  lors  un  des  ennemis  les 
plus  acharnés  de  François  I",  dont 
sa  haine  ne  contribua  pas  peu  à  faire 
échouer  les  plans  sur  l'Allemagne.  Il 
fut  compris  dans  le  traité  que  Robert 
de  La  Marck  et  l'évèque  de  Langres, 
ses  amis,  conclurent  avec  Charles- 
Quint,  à  l'effet  de  lui  assurer  le  trône 
impérial.  Après  l'élection  de  ce  prin- 
ce, Sickingen  tendit  toutes  sortes 
d'embû:;hes  aux  ambassadeurs  fran- 
çais, porteurs  de  fortes  sommes;  mais 
l'arcbevèqite  de  Trêves  les  tit  escor- 
ter jusqu'en  Lorraine.  Lors-que  Ro- 
bert de  La  Marck  se  déclara  pour  la 
France,  Sickingen,  malgré  l'intimité 
qui  l'unissait  à  lui,  accepta  la  triste 
mission,  de  concert  avec  le  comte  de 
Nassau  et  Emerics,  de  mettre  tout  à 
feu  et  à  sang  dans  les  états  de  Sedan 
et  de  Buiiillon. Robert  ayant  demandé 
une  trêve  de  six  semaines,  Sickingen 
la  lui  accorda,  mais  bientôt  la  France 
vint  au  secours  de  son  allié,  et  alors 
s'ouvrit  la  grande  guerre  de  1521. 
Se  trouvant  au  siège  de  Mézières,  il 
passa  la  Meuse  avec  quinze  cents 
hommes  détachés  de  l'armée  de  Nas- 
sau, et  ptisa  des  batteries  sur  une 
éminence  (jui  commandait  la  place  ; 
Bayard,  connaissant  la  mésintelligen- 


ce qui  existait  entre  Sickingen  et  le 
comte  de  Nassau,  imagina  alors  l'heu- 
reux stratagème  qui  le  sauva.  On  sait 
qu'il  écrivit  à  Robert  de  La  Marck 
en  s'arrangeant  de  manière  que  sa 
lettre  tombât  dans  les  mains  de  Sic- 
kingen ;  il  y  disait  :  «  Le  comte  de 
Nassau  m'a  fait  part  du  dessein  qu'il 
a  pris  de  quitter  le  service  de  l'em- 
pereur pour  celui  du  roi;  vous  êtes 
l'ami  du  comte  de  Nassau,  vous  ê!es 
le  mien;  avertissez  le  de  terminer 
celte  affaire  avant  l'affront  qu'on  lui 
prépare;  douze  mille  Suisses  avec 
huit  cents  hommes  d'armes  arrivent 
ce  soir  à  trois  lieues  du  camp  de  Sic- 
kingen; demain  ils  l'attaqueront  et 
sa  perte  est  infaillible;  en  même 
temps  je  dois  fondre  avec  ma  garni- 
son sur  la  tête  du  comte  de  Nassau; 
c'est  cet  affront  qu'il  faut  qu'il  pré- 
vienne en  consommant  son  ouvrage.» 
Ceci  amena  effectivement  la  retraite 
de  Sickingen,  qui  repnssa  la  Meuse 
pour  observer  la  conduite  du  comte 
de  Nassau.  Celui-ci,  surpris  de  ce 
mouvement  rétrograde,  voulut  en 
savoir  la  cause;  Sickingen  répondit 
avec  colère  :  «  Il  signifie  que  le  con:te 
de  Nass;iu  n'en  est  pas  encore  où  il 
pense;  qu'il  n'aura  pas  le  plaisir  de 
me  voir  périr  avec  mon  armée  et  que 
peut-être  sa  trahison  lui  coûtera 
cher.  »  Alors  il  tit  ranger  son  corps 
d'armée  eu  bataille,  Nassau  en  fit  au- 
tant; au  même  instant,  Bayard  donna 
le  signal  de  l'attaque;  après  s'être 
crus  trahis  tous  deux,  ils  s'expliquè- 
rent; mais  l'artifice  de  Bayard  avait 
réussi  ;  Mézières  put  être  ravitaillé, 
tandis  que  François  I"  arrivait  à 
Reims  pour  livrer  bataille  aux  Impé- 
riaux. Siekingen  aima  les  savants, 
quoiqu'il  ne  pût  nullement  prétendre 
lui-même  à  ce  titre;  il  prit  la  dé- 
fense de  Reuchlin  contre  les  moines 
de  Cologne,  et  offrit  un  asile  dans  son 


SIC 

château  d'Ebernburg  à  beaucoup  de 
gens  de  mérite,  persécutes  pour  leurs 
opinions.  Dès  le  commencement,  il 
se  montra  favorable  à  la  réformation, 
et  rendit  de  grands  services  à  cette 
cause  dans  les  environs  du  Rhin.  Une 
lutte  qu'il  entreprit  contre  les  élec- 
teurs de  Trêves,  du  Palatinat,  et  le 
landgrave  de  liesse,  le  fit  mettre  au 
ban  de  l'empire;  blessé  au  siège  de 
son  château  de  Landstnhl,  entre  Lau- 
tern  et  Zweibriicken  (Deux-Ponts),  il 
mourut  le  7  mai  1523.  En  1773,  ses 
descendants  furent  élevés  au  rang  de 
comte  de  l'empire  et  se  divisèrent  en 
plusieurs  lignes,  dont  celle  de  Sic- 
kingen  posséda  seule  des  biens  im- 
médiats dans  la  seigneurie  de  Land- 
stnhl, droits  qu'elle  fut  obligée  de 
résigner  en  1803.— La  vie  de  ce  guer- 
rier, écrite  par  Hubert  Thomas  de 
Liégt',  sous  ce  titre  :  De  rébus  gesiis 
Fr.  a  Sickingen,  se  trouvent  dans  les 
Scriptores  rerum  germanic.^de  Mar- 
quard  Freher,  T.  II,  p.  295.  M.  Er- 
nest Miinch  a  publié  en  allemand  : 
Franz  von  Sickingen ,  etc. ,  avec 
un  Codex  diplomaticus,  Stuttgard, 
1827-28,  2  vol.  —  Gœlhe  a  repré- 
senté d'une  manière  ..dmirable  le  ca- 
ractère de  François  de  Sickingen  et 
celui  du  temps  où  il  vécut,  dans  le 
drame  ou  piulôt  l'histoire  dialoguée 
àeGoetzde  lierlichingen.  C — h — n. 
SICKLEIl  (Jean-Valentin),  agro- 
nome allemand,  né  le  20  janvier  1742 
à  Gunthersleben  près  de  Gotha,  en- 
tra dans  la  carrière  ecclésiastique,  et 
devint  pasteur  de  l'église  de  Kleinfah. 
uer  en  Thuriuge.  11  consacrait  les 
loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonctions 
à  l'économie  lurale,  et  publia,  en  al- 
lemand, sur  (Ptte  matière,  plusieurs 
écrits  estimés  :  1.  Le  Pépiniériste  al- 
lemand^ ouvrage  périodique,  Wei- 
mar,  I79i  et  awii.  suiv.,  in-8",  avec 
fig.  noires  et  coloriées.  11  (en  société 


SID 


203 


avec  divers  collaborateurs).  L'Agri- 
culture allemande^  Erfurt ,  1802- 
1808,  9  vol.  in-8»,  lig.  HI.  Le  Pépi- 
niériste saxon,  Weimar,  1802,  in-S», 
nouv.  édit.,  auginentée  de  notes  du 
conseiller  Laffert.  IV.  L'Éducation 
des  abeilles,  Erfurt,  1808-1809,  2 
vol.  iu-8».  On  a  encore  de  Sickler  la 
description  de  quelques  machines  et 
différents  mémoires  insérés  dans  le 
Magasin  général  des  jardins,  ainsi 
que  plusieurs  articles  fournisà  la  Ga- 
zette littéraire  d'Erlangen.  11  a  tra- 
duit du  français  en  allemand  :  i° 
Taille  raisonnée  des  arbres  frui- 
tiers, par  Butret  {voy.  ce  nom,  VI, 
39(1),  Weimar,  1797,  in-8°  ;  2°  Ma- 
nuel des  plantations,  par  Calvel, 
Prague,  1805,  in-8°.  J.-V.  Sickler 
mourut  dans  un  âge  avancé  vers 
1820. —  Son  fils,  Frédéric-Charles- 
Louis,  directeur  du  gymnase  d'Hild- 
bnrghausen,  s'est  occupé  aussi  d'a- 
gronomie, et  a  travaillé  avec  lui  au 
Pépiniériste  et  à  V Agriculture  alle- 
mande; mais  c'est  surtout  comme 
archéologue  qu'il  est  connu  dans  le 
monde  savant  :  il  a  publié  plusieurs 
ouvrages  philologiques.  Z, 

SIDDONS  (Sarah  Kemble,  mis- 
triss),  célèbre  tragédienne  anglaise, 
née  à  Brecknock,  dans  le  pays  de 
Galles,  en  1755,  était  lille  de  Roger 
Kemble,  barbier  d'abord  et  ensuite 
directeur  d'une  troupe  de  comédiens 
ambulants,  et  sœur  des  deu.x  Kemble 
si  connus  dans  les  fastes  dramati- 
ques de.  l'Angleterre  {voy.  Kemble, 
LXVIII,  474).  Kemble  père  était  pro- 
testant j  sa  femme  professait  la  re- 
ligidii  catholique.  La  jeune  Kemble 
débuta  comme  cantatrice  sur  un  [JCtit 
théâtre,  mais  elle  renonça  ensuite 
au  genre  lyrique  pour  s'adonner  ex- 
clusivement à  la  trdgédie.  Ayant 
conçu  pour  le  comédien  Siddons  une 
passion  violente,  elle  l'épousa  contre 


204 


SID 


le  gré  de  ses  parents ,  puis  elle 
abandonna  la  scène  et  entra  en  qua- 
lité de  femme  de  chambre  chez  mis- 
tris  Greathead.  Bientôt  fatiguée  de 
ce  métier,  elle  s'engagea,  ainsi  que 
son  mari,  dans  la  troupe  de  Joungcr, 
et  reparut  sur  les  théâtres  de  Liver- 
pool,  de  Birmingham,  et  enfin  sur  ce- 
lui de  Drury-Lane,  alors  dirigé  par 
le  célèbre  Garrick.  Elle  remplit, avec 
un  grand  succès,  les  rôles  de  Made- 
moiselle Épicène  dans  la  Femme  si- 
lencieuse, et  de  la  reine  dans  Ri- 
chard m.  Mais  ayant  échoué  dans 
d'autres  rôles,  le  public  ne  l'accueillit 
plus  qu'avec  défaveur,  et  elle  réso- 
lut d'aller  k  Bath ,  où  elle  lit  de 
grands  progrès,  aidée  des  leçons  de 
Prall,  alors  libraire  et  auteur  du 
poème  de  la  Sympathie.  Ses  talents 
lui  acquirent  la  protection  de  la  du- 
chesse de  Devoushire,  qui  lui  pro- 
cura un  second  engagement  au  théâ- 
tre de  Drury-Lane,  où  elle  reparut 
avec  éclat  le  10  octobre  1782,  dans 
le  rôle  d'Isabelle.  Elle  se  rendit  en- 
suite à  Dublin,  où  elle  fut  encore 
très-applaudie,  et  à  son  retour  à 
Londres,  en  1783,  elle  joua  pour  la 
première  fois  devant  la  cour.  Dans 
une  seconde  tournée  qu'elle  fit  en 
Irlande  et  en  Ecosse,  elle  fut  partout 
comblée  d'honneurs  et  de  présents. 
Cependant  une  circonstance  fâcheuse 
vint  en  1785  troubler  sa  félicité.  Une 
mendiante  malade  et  ne  marchant 
qu'avec  des  béquilles  déclara  qu'elle 
était  sasœur,  et  publia  dans  les  jour- 
naux que  l'actrice  qui  avait  des  lar- 
mes pour  toutes  les  infortunes  avait 
refusé  à  sa  misère  un  léger  secours. 
Cette  femme,  dont  la  ressemblance 
avec  madame  Siddons  frappait  tous 
les  yeux ,  [tersuada  beaucoup  de 
monde,  et  l'actrice  dont  on  connais- 
sait du  reste  l'avarice  fut  pendant 
quelque  temps  très  -  mal  accueillie 


SID 

sur  la  scène.  Ce  fut  en  vain  qu'elle 
réclama  dans  les  journaux  et  nia  la 
parenté;  des  murmures  éclataient  au 
parterre  toutes  les  fois  que  le  public 
pouvait  faire  une  application  à  son 
caractère  connu. Toutes  ces  mortifica- 
tions, jointes  à  des  chagrins  domesti- 
ques, l'obligèrent  enfin  à  se  retirer 
dans  le  pays  de  Galles,  où  elle  com- 
mença à  s'exercer  dans  le  dessin  et 
sculpta  même  un  buste  à'' Adam,  que 
les  connaisseurs  louaient  beaucoup. 
Les  sollicitations  de  ses  amis,  et  le 
désir  que  le  roi  lui-même  témoigna  de 
l'entendre,  la  ramenèrent  dans  la 
capitale,  où  elle  fut  souvent  appelée 
à  Buckingham-House  et  à  Windsor, 
pour  déclamer  devant  la  reine  quel- 
ques scènes  de  Shakspeare.  Ayant 
perdu,  en  1799,  une  fille  chérie,  elle 
abandonna  définitivement  la  carrière 
dramatique,  et  ne  fit  qu'une  excep- 
tion il  ce  vœu  ;  ce  fut  en  faveur  de 
Charles  Kemble,  son  frère  cadet,  qui 
la  pressa  de  paraître  dans  une  soirée 
qu'on  lui  avait  accordée,  et  où  l'on 
admira  pour  la  dernière  fois  cette  cé- 
lèbre actrice  dans  le  rôle  de  Mac- 
beth, qui  était  son  triomphe.  Elle  ne 
brillait  pas  moins  dans  celui  de  Ca- 
therine d'Aragon,  et  surtout  dans  ma- 
dame Beverley;  beaucoup  de  specta- 
teurs étaient  alors  obligés  de  quitter 
le  théâtre  pour  ne  pas  y  expirer  de 
douleur.  Mislriss  Siddons  avait  amas- 
sé une  fortune  considérable,  qui  la 
mettait  non  -  seulement  au  -  dessus 
du  besoin,  mais  qui  la  plaçait  dans 
un  état  d'aisance.  Malgré  cela  elle 
était  d'une  avarice  extrême,  et  c'est 
peut-être  le  seul  défaut  qu'on  eût  à 
lui  reprocher.  Ses  mœurs  ont  été 
toute  sa  vie  irréprochables,  et  l'on 
raconte  qu'un  jour  le  roi  Georges  III, 
qui  était  épris  de  ses  charmes,  lui 
adressa  une  déclaration  par  écrit, 
qu'elle  eut  l'iuiprudence  d'envoyer  à 


SID 

la  reine.  Elle  avait  reçu  de  la  nature 
tout  ce  qu'il  faut  pour  briller  sur  le 
Iheatre  :  une  taille  majestueuse,  un 
air  noble  et  un  organe  admirable. 
Jamais  aucune  actrice  ne  l'a  surpassée 
dans  l'art  des  inflexions.  La  mobilité 
de  sa  physionomie,  l'expression  de 
ses  regards,  la  grâce  de  ses  mouve- 
ments e'taient  au-dessus  de  tout  éloge 
et  la  rendaient  même  supérieure  à 
Garrick  dans  les  grands  rôles  tragi- 
ques. Mistriss  Siddons  mourut  à 
Londres  le  18  juin  1831,  dans  un  âge 
avancé.  Dès  1826,  M.  James  Boaden 
avait  publié  les  Mémoires  de  madame 
Siddons^  2  vol.  in-8°.  C'est  une  apo- 
logie où  se  trouvent  peu  de  détails 
biographiques. — Son  mari  était  mort 
en  1808.  Doué  de  quelque  talenl  pour 
la  poésie  légère,  il  a  publié  sans  se 
faire  connaître  plusieurs  chanis  pa- 
triotiques assez  remarquables. 

A— G — s. 
SIDOTf ,  missionnaire,  né  en  Ita- 
lie d'une  famille  ignorée,  se  hasarda, 
en  1709,  à  pénétrer  secrètement 
dans  l'intérieur  du  Japon,  quoi- 
qu'il connût  les  dangers  auxquels 
sa  témérité  l'exposait.  On  apprit  à 
Canton,  sept  ans  après,  qu'il  avait 
été  découvert  et  conduit  devant  l'em- 
pereur, qui  avait  voulu  le  question- 
ner lui-même.  Connue  il  n'enten- 
dait pas  la  langue  japonaise ,  le 
monarque  le  fit  mettre  aux  ar- 
rêts jusqu'à  ce  qu'il  l'eût  apprise; 
mais  soit  maladie,  soit  mauvais  trai- 
tements, il  mourut  dans  sa  prison 
sans  avoir  rien  révélé  aux  Européens 
de  ce  qu'il  avait  pu  découvrir  dans 
cette  mystérieuse  contrée.  L'auteur 
de  cet  article  a  omis  de  mentionner 
le  voyage  de  Sidoti  dans  son  intro- 
duction à  l'ouvrage  de  Morikouni 
sous  le  titre  de  Yo  san  firoli,{VArt 
d'élever  les  vers  à  soie  au  Japon)^ 
traduit  du  japonais  par  le  docteur 


SJE 


205 


J.  Hoffmann  (de  Leyde),  ouvrage  an- 
noté et  publié  par  Matthieu  Bonafous, 
Paris,  1848.  B— F— s. 

SIEBOLD  (CuAnLEs-GASPARD), 
célèbre  chirurgien  allemand,  naquit 
le  i  nov.  1736  à  INidecken,  petite 
ville  du  duché  de  Juliers,  sur  la 
Roer.  Son  père,  qui  était  lui-même 
un  habile  chirurgien,  voulant  qu'il 
se  distinguât  dans  la  même  carrière, 
lui  donna  d'abord  une  éducation  con- 
venable, puis  l'iiiitiadans  la  pratique 
de  son  art.  La  guerre  de  Sept-Ans 
fournit  au  jeune  Siebold  l'occasion 
de  prendre  du  service  dans  les  hôpi- 
taux de  l'armée  française  et  de  met- 
tre à  profit  les  nombreux  faits  chi- 
rurgicaux dont  il  fut  témoin.  Après 
y  avoir  passé  trois  années,  se  trou- 
vant à  Wurtzbourg  en  1760,  il  quitta 
le  service  militaire  pour  entrer  dans 
l'hôpital  civil  de  cette  cité  en  qualité 
d'aide  chirurgien,  place  qui  lui  per- 
mit de  se  livrer  à  l'étude  de  l'anato- 
mie  et  des  autres  branches  scientiK- 
ques  indispensables  à  l'obtention  du 
grade  de  docteur.  Toutefois  il  voulut, 
avant  sa  réception,  faire  une  excur- 
sion hors  de  l'Allemagne:  il  visita 
la  France,  l'Angleterre  et  la  Hoilauilo; 
puis,  à  son  retour,  il  soutint  honora- 
blement sa  thèse  inaugurale ,  fut 
nommé  chirurgien  du  prince-évêque, 
et  obtint  le  titre  de  professeur  d'ana- 
tomie,  de  chirurgie  et  d'accuuche- 
ments.  Le  prince,  ayant  conçu  le 
dessein  de  réformer  l'université  de 
Wurtzbourg  et  de  l'élever  à  un  haut 
degré  de  splendeur,  lit  part  de  ses 
vues  à  Siebold  et  le  chargea  de  le  se- 
conder dans  cette  entreprise.  Ce  n'é- 
tait pas  chose  facile  :  il  fallait,  en 
effet,  vaincre  bien  des  obstacles, 
suscités  par  îa  routine,  l'ignorance  et 
l'entêtenient.  Siebold  parvint  néan- 
moins il  en  triompher  à  l'aide  de  ses 
talents,  de  son  activité,  de  sa  perse- 


206 


SIE 


vérance,  et,  il  faut  l'avouer  aussi,  en 
mettant  à  contribution  la  faveur  des 
grands,  parfaitement  justifiée  cette 
fois.  L'estinip  générale  el  les  distinc- 
tions les  plus  flatteuses  furent  la 
récompense  de  son  zèle  et  de  ses 
succès.  On  peut  dire  qu'il  devint  le 
principal  ornement  de  cette  univer- 
sité qu'il  avait  régénérée  et  vers 
laquelle  afflua  désormais  un  grand 
concours  d'auditeurs,  attirés  par  ia 
science  et  l'habileté  de  ce  maître, 
soit  comme  professeur,  soit  comme 
opérateur.  Il  vécut  ainsi,  entouré  de 
la  considération  universelle,  jusqu'au 
3  avril  1807,  qu'il  termina  sa  labo- 
rieuse carrière,  dans  sa  71'  année, 
laissant  trois  fils,  qui  tous  trois em- 
l»rasscrent  la  même  profession  que 
leur  père.  On  peut  considérer  Sie- 
bold  comme  l'auteur  d'une  sorte  de 
révolution  dans  la  chirurgie  alle- 
niatide,  où  il  introduisit  cette  sévé- 
rité de  principes  dont  la  cliirurgie 
française  avait  donné  l'exemple.  Il 
s'éleva  vivement  et  avec  raison  con- 
tre la  doctrine  de  lîrown  qui,  malgré 
ses  erreurs  évidentes,  avait  conquis 
un  certain  nombre  de  partisans  pen- 
dant quelques  années.  Les  ouvrages 
de  Siebold  peuvent  être  consultés 
avec  fruit,  parce  qu'ils  sont  fondés 
sur  l'expérience  et  l'observation,  et 
qu'ils  s'éloignent  en  tous  points  des 
spéculations  purement  théoriques. 
En  voici  les  titres  :  I.  Colleclio  ob- 
servationummedicochirurgicarum, 
Bamberg,  1769,111-4".  W.Historia 
morbi  inteslini  recti.  Wurizbourg, 
1772,  iii-40.  III.  Dissertatio  de  inso- 
lito  maxiltœsuper  loris  tumore  aliis- 
que  ejusdein  morbis ,  ibid.,  1776, 
in-40.  IV.  Historia  litholomiœ  in 
todem  homine  bisfacive  cum  ejusres- 
ttimionc,  ibid.  ,  1778,  in-4o.  V. 
Comparatio  inter  sectionem  cœsa- 
reani  el  dissectionem  cartilaginis  et 


SIE 

ligamentornm  pubix  in  partu,  ob 
pelvidanguftiam,  impossibili, ibid., 
1779,  in-i".  VI.  Dissertatio  de  am- 
putalione  femoris,  cum  relictis  duo- 
bus  carnis  segmentis,  ibid.,  1782, 
in-4'*.  VU.  Dissertatio  de  vesicœ  uri- 
nariœ  ealculo^  ibid.,  1785,  in-4". 
Vlll.  Discours  sur  les  avantages  que 
l'État  obtient  par  la  publicité  des 
institutions  anatomiques ,  Nurem- 
berg, 1788,  in-4°,  en  allemanri.  IX. 
Historia  tumoris  et  hœmorrhagiœ 
alveolaris  chronicœ,  féliciter  sana- 
tœ,  Wurtzbourg,  1788,  in-40.  X. 
Journal  de  chirurgie,  ibid.,  1792, 
in-8",  en  allemand.  C'est  un  choix 
des  faits  les  plus  intéressants  parmi 
ceux  que  l'auteur  avait  rassemblés 
en  grand  nombre.  XI.  Dissertatio 
de  scirrho  parotidis  ejusque  cura^ 
ibid.,  1793,  in-4".  XII.  Dissertatio 
de  intussusceptione  membranœ  ma^ 
tricis  internœ  et  prolapsu  ejusdem^ 
ibid.,  1795,  in-40.  XIII.  Observa- 
tions pratiques  sur  la  castration , 
Francfort,  1802,  in-8°,  en  allemand. 

R — D  — N.        ' 

SIEBOLD  (Georges-Christophe), 
(ils  du  prétédenî,  naquit  à  Wurtz- 
bourg le  30  juin  17f)7.  Après  avoir 
reçu  de  son  père  l'éducation  la  plus 
soignée,  il  se  décida  à  suivre  la  même 
carrière,  et  il  alla  terminer  ses  étu- 
des médicaies  à  Altdoif,  puis  à  Gœt- 
tingue,  où  les  leçons  de  l'habile  pro- 
fesseur Fischer,  qui  dirigeait  l'hos- 
pice de  la  maternité,  lui  inspirèrent 
un  goût  particulier  pour  l'art  des 
accouchements  En  1789,  il  concou- 
rut pour  le  prix  proposé  par  l'aca- 
démie de  Gœllingue,  et  dont  le  sujet 
était  l'action  que  l'opium  exerce  sur 
l'homme  dans  l'état  de  santé.  Son 
mémoire  fut  couronné.  La  même  an- 
née, il  soutint,  pour  obtenir  le  grade 
de  ducteur,  une  fort  bonne  thèse  sur 
les  avantages  respectifs  des  différents 


SIE 


SIE 


30' 


lils  eî  fauteuils  qui  sont  mis  on  us.ige 
dans  l'art  obstétrique.  Quelque  temps 
après,  il  fut  nomme'  professeur  de 
|)alholuf;;ie  générale  et  de  diététique 
à  Wurtzbotirg.  En  1792,  il  lit  un 
voyage  à  Vienne  et  en  Italie,  et  en 
1795  il  fut  appelé  à  la  chaire  d'ac- 
couchements, à  laquelle  il  réunit 
l'année  suivante  celle  de  physiologie, 
en  même  temps  qu'il  exerçait  les 
fonctions  de  directeur  du  vaste  hô- 
pital de  sa  ville  natale.  C'est  dans 
cette  honorable  position  que  l'envie 
et  l'intrigue  vinrent  l'attaquer  sour- 
dement :  il  ne  put  pas  leur  résister 
et  s'y  montra  trop  sensible;  aussi  sa 
santé,  naturellement  délicate  à  cause 
de  la  faiblesse  de  sa  poitrine,  en  re- 
çut-elle une  profonde  atteinte.  Une 
|)hlhisie  pulmonaire  se  déclara,  et  il 
y  succomba,  le  15  janvier  I7U8,  dans 
sa  31'  année.  Siebold  avait  acquis 
comme  accoucheur  une  réputation 
fondée  sur  de  nombreux  succès,  dus 
à  son  habileté  et  à  sa  prudence,  et 
il  ne  s'était  pas  moins  distingué  par 
les  ouvrages  sortis  de  sa  plume. 
Parmi  les  mémoires  qu'il  a  insérés 
dans  plusieurs  recueils  périodiques 
de  l'Allemagne,  on  peut  citer  ceux 
qui  sont  relatifs  au  déchirement  de 
la  fourchette,  à  l'ophthalmie  des  nou- 
veau-nés et  à  l'emploi  du  goudron 
dans  la  phthisie  pulmonaire.  Il  a 
publié  en  outre  :  I.  Commentaiio  de 
effeclibus  opii  in  corpus  animale  sa- 
num,  maxime  respictu  habito  ad 
ejus  unalogiam  cum  vino,  Gœttin- 
gue,  1789,  in-4°.  C'est  cet  ouvrage 
(jui  remporta  la  palme  académique. 
il.  Commentât io  de  cubilibus  sedili- 
busque  usui  obsletricio  inservienii- 
bus,  ibid.,  1790,  in-i°.  III.  Supe)' 
recentiorum  quorumdam  sententia, 
qua  fieri  neonati  a  matribus  siphi- 
lilici  dicuntur,  cogitata  quœdam  ac 
dubia  proponit,  Wurtzbourg,  1791, 


in -4°.  IV.  Exposition  sysfématique 
de  l'accouchement  manuel  et  instru- 
mental, ibid.,  1791,  in-8%  en  alle- 
mand. V.  Mémoire mr  la  disposition 
présente  de  la  clinique  à  l'hôpital 
Julius.,  ibid.,  1795,  in-8°,  en  alle- 
mand. VI.  De  inslituti  clinici  ra- 
tione  ad  tirones  sermo  academicus, 
ibid.,  1795,  in-8°.  VII.  Doloris  fa- 
cici,  morbi  rarioris  aique  alrocis, 
observât ionibus  illuslrata  adum- 
bratio,  ibid.,  1795-1797,  in-4^  VIH. 
Sur  la  prétendue  diminution  du 
poids  du  fœtus  dans  le  ventre  de  la 
mère,  causée  par  le  liquide  amniO' 
tique,  ibid.,  1796,  in-4°,  en  alle- 
mand. R — D — N. 

SIEBOLD  (Adam-Élie),  frère  du 
précédent,  vint  au  monde  à  Wurtz- 
bourg le  5  mars  1775,  reçut  ime  ex- 
cellente éducation,  et  s'adonna  aussi 
à  l'ait  des  accouchements,  qu'il  pro- 
fessa avec  le  plus  grand  succès  à 
l'université  do  Wurtzbourg.  Il  mou- 
rut en  1828.  Les  ouvrages  qu'il  a 
publiés  sont  tous  relatifs  à  la  sciince 
obstétrique.  I.  Commentatio  medico- 
obstetricia  de  diagnon  concepfionis 
et  graviditatis  sœpe  dubia^  Wurtz- 
bourg, 1793,  in-4".  C'est  sa  thèse 
inaugurale.  II.  Deux  mots  sur  quel- 
ques objets  qui  concernent  l'accou- 
chement, ibid.,  1799,  in  8",  en  alle- 
mand, m.  Lucina  :  feuille  périodi- 
que pour  le  perfectionnement  de  l'art 
des  accouchement  s,  Ltipzick,  1802,  et 
ann.  suiv.,  in-8°,en  allem.  IV.  Sur 
l'enseignement  pratique  des  accou- 
chements, Nuremberg,  1803,  in-8", 
en  allem.  V.  Instruction  théoré- 
tico-pratique  sur  l'art  obstétrical, 
Leipzick,  1803-180i,  in-b',  en  alle- 
mand. VI.  Dissertation  sur  un  nou- 
veau fauteuil  (i  l'usage  dts  accou- 
chements, Weiiiiar,  1804,  in-4%  en 
allemaui).  Vil.  Sur  le  but  et  l'orga- 
nisation de  la  clinique  dans  un  éta- 


208 


SIE 


SIE 


blissement   d'accouchements ,  Bani- 
berg,  1806,  in-4%  en  allemand. 
R— D— N. 
SIENNE  (MiNO  de),  ou  par  dimi- 
nuX\\  Minuccio ,  pour  ne  pas  le  con- 
fondre avec  le  frère  Mino  de  Turrita, 
fut  un  des  peintres  les  plus  disliiigue's 
de  la  lin  duXIll*  siècle.  C'est  lui  qui 
peignit,  en  1289,   la  Vierge  et  les 
Saints  dans  la  salle  du  conseil  du 
palais  de  la  commune  à  Sienne.  Cette 
graiule    composition    représente   la 
Vierge  et  l'Enfant  Jésus  entourés  de 
petits  anges  et  assis  sous  un  balda- 
quin, dont  les  soutiens  sont  tenus  par 
les  apôtres  et  les  saints  protecteurs  de 
la  cité.  Le  grandiose  des  figures,  l'in- 
vention du  sujet,  sont  une  chose  tout 
à  fait  extraordinaire  pour  le  temps 
où  cette  peinture  a  été  exécutée,  à 
moins  qu'on  ne  veuille  en  attribuer 
toutes  les  beautés  à  Simon  Memmi, 
dans  les  retouches  duquel  on  recon- 
naît visiblement  quelques  beaux  airs 
de  tète  et  certains  jets  heureux  de 
draperies  qui  lui  étaient  particuliers. 
Quoi  qu'il  en  soit,  Miniiccio  n'a  pu 
être  élève  de  Giotto,   comme  l'ont 
prétendu  plusieurs  auteurs,  puisque, 
lorsqu'il  peignit  le  tableau  ci-dessus, 
dont  la   diile  est    authentique,    le 
Giotto  n'avait  que  treize  ans.  Mais, 
bien  que  ce  dernier  soit  postérieur, 
Minuccio  ,  dans  quelques  parties  ,  a 
poussé  l'art  peut-être  pliis  loin  que 
lui.  — SlE^NE  {Ange  et  Augustin  de), 
sculpteurs,  descendants  des  archi- 
Itctesqui,  en  1190,  furent  chargés 
de  terminer,  à  Sienne,  la  fontaine 
célèbre  connue  sous  le  nom  de  Fou- 
tebranda,  d'élever   le  palais  de  la 
douane  et  quelques   autres  édifices 
publics,    florissaient    en   13.i8     lis 
étaient  frères  et  furent   élèves  de 
Niccolo  Pisano.  En  1308,  Augustin 
construisit  ii  Malborghetto  le  palais 
des  Neuf  (jui  gouvernaient  alors  l'étal 


de  Sienne,  et,  conjointement  avec 
son  frère  Ange,  il  exécuta  la  façade 
de  l'église  du  Dôme.  Tous  deux  com- 
mencèrent,  en  1321  ,  la  porte  ro- 
maine qui  fut  terminée  en  1325,  Ils 
furent  encore  chargés  de  quelques 
autres  constructions.  Tandis  qu'ils 
résidaient  à  Bologne,  il  survint  un 
débordement  du  Pô  si  considérable 
qu'une  partie  de  la  ville  fut  submer- 
gée et  qu'il  périt  plus  de  deux  mille 
personnes.  Ange  et  Augustin  dé- 
ployèrent en  cette  occasion  tout  leur 
génie,  et  parvinrent  à  faire  rentrer  le 
fleuve  dans  son  lit.  De  retour  à 
Sienne,  en  1 338,  ils  élevèrent  la  nou- 
velle église  de  Sainte-Marie  près  de 
l'ancienne  cathédrale,  et  furent  char- 
gés de  la  construction  de  la  fontaine 
située  sur  la  place  publique  en  face 
du  palaîs  de  la  Seigneurie.  Ce  fut 
Augustin  qui  éleva  le  magnifique  pa- 
lais Sansedoni ,  l'un  des  plus  beaux 
ornements  de  la  ville  de  Sienne. 
Mais  les  deux  frères  ne  se  bornèrent 
pas  à  l'architecture,  ils  furent  des 
premiers,  en  Italie,  qui  donnèrent 
un  nouvel  essor  à  l'art  du  statuaire 
et  qui  commencèrent  ii  s'écarter 
du  style  gothique.  Ils  exécutèrent 
sur  les  dessins  du  Giotto  le  tom- 
beau de  Guido,  évêque  d'Arezzo. 
Aujourd'hui  même,  on  ne  peut  voir 
sans  admiration  les  nombreuses  pe- 
tites statues  et  les  seize  bas-re- 
liefs représentant  la  vie  du  prélat, 
dont  ce  mausolée  est  orné;  et  si 
toute  cette  composition  est  une  nou- 
velle preuve  du  savoir  et  de  l'imagi- 
nation de  Giotto,  elle  l'est  aussi  de 
l'habilt'té  d'Ange  et  d'Augustin  dans 
l'exécution.  Ce  mausolée  a  eu  beau- 
coup à  souffrir  de  la  part  des  trou- 
pes françaises  du  duc  d'Anjou,  lors- 
que ce  prince  vint  prenelrc  posses- 
sion du  royaume  de  Naples,  et  que 
ses  soldats,  pour  se  venger  des  inju- 


SIE 

res  qu'ils  avaient! reçues  des  habi- 
tants d'Arezzo,  ravagèrent  une  par- 
tie de  la  ville.  Sienne,  Orvietto  et 
plusieurs  cités  de  la  Lonibardie  pos- 
sèdent aussi  quelques  ouvrages  des 
deux  frères.  Ils  formèrent  un  grand 
nombre  d'élèves  habiles  qui  propa- 
gèrent dans  toute  l'Italie  les  amélio- 
rations qu'ils  avaient  apportées  dans 
l'art.  —  Sienne  {Berna  ou  Bernard 
de),  peintre,  florissait  vers  l'an  1370. 
Vasari  dit  de  cet  artiste  qu'il  fut  le 
premier  parmi  les  modernes  qui  sut 
bien  représenter  les  animaux.  Il 
donne  de  plus  grands  éloges  encore 
à  ses  figures,  particulièrement  en  ce 
qui  concerne  l'expression.  L'église 
paroissiale  d'Arezzo  possède  de  lui 
une  figure  où  l'on  voit ,  en  effet , 
combien  il  surpassait  tous  les  pein- 
tres de  son  temps  par  la  manière 
dont  il  rendait  les  extrémités;  mais 
il  est  inférieur  à  quelques-uns  de 
ses  contemporains  dans  les  draperies 
et  les  couleurs.  Il  existe  à  Venise  un 
beau  tableau  d'église  de  Berna,  où  il 
a  mis  son  nom.  Il  avait  exécuté  plu- 
sieurs peintures,  tant  àCortonequ'à 
Sienne.  On  admirait  surtout  la 
fres^iue  qu'il  avait  peinte  dans  cette 
dernière  ville  pour  une  des  cha- 
jielles  de  l'église  de  Saint-Auguslin, 
el  dans  laquelle  il  avait  représenté 
un  jeune  homme  condamné  à  mort, 
conduit  au  supplice  par  des  religieux 
qui  l'encouragent.  Sa  réputation  le 
lit  appeler  à  Florence,  etonluicon- 
lia  les  peintures  de  la  chapelle  de 
Saint-INicolas  dans  l'église  du  Saint- 
Esprit.  Elles  furent  détruites  lors  de 
l'incendie  de  cette  église  qui  eut  lieu 
à  l'occasion  d'une  représentation  de 
la  fête  de  la  Pentecôte  que  la  ville 
de  Florence  voulut  donner  au  duc 
de  Milan,  Galéaz  Visconli,  lurs(iue 
ce  prince  vint  rendre  visite  à  Lau- 
nnt-le-Magnifique.  On  n  réuni  chez 

tXXXII. 


SIL 


206 


les  chanoines  de  Sienne  une  collec- 
tion précieuse  de  petits  tableaux  de 
Berna.  Il  s'y  montre  beaucoup  meil- 
leur coloriste  que  dans  ses  peintures 
sur  muraille.  Il  mourut,  jeune  en- 
core, en  1380,  à  San-Geminiano,  où 
il  avait  commencé  dans  l'église  pa- 
roissiale une  série  de  tableaux  tirés 
de  rÉvangile.  Comme  il  travail- 
lait à  ees  peintures,  il  tomba  du 
haut  d'un  échafaudage  et  mourut 
deux  jours  après,  des  suites  de  sa 
chute.  Cette  grande  entreprise  fut 
achevée  par  son  élève  Jean  d'Asca- 
nio,  avec  un  coloris  plus  satisfaisant, 
mais  avec  moins  de  perfection  dans 
le  dessin.  Les  tableaux  terminés  par 
Ascanio  sont  au  nombre  de  13  ou  14 
et  subsistent  encore.  —  Sienne  (^n- 
sano  ou  Sano  de)  florissait  depuis 
1422  jusqu'en  1449.  Lorsque  Pie  II, 
né  à  Corsignano,  fut  monté  sur  le 
trône  poniilical,  il  voulut  embellir 
la  ville  qui  l'avait  vu  naître  et  qui 
a  reçu  de  lui  le  nom  de  Pienza. 
11  y  appela  les  artistes  les  plus  re- 
nommés de  Sienne,  et  entre  autres 
Sano.  C'est  lui  qui  peignit  au-dessus 
de  la  porte  romaine  la  célèbre  fres- 
que qu'on  y  voit  encore,  et  qui  re- 
présente le  Couronnement  de  la 
Vierge.  Ce  tableau,  dont  le  style  rap- 
pelle celui  de  Simon  Memmi,  et  qui 
lui  est  supérieur  dans  quelques  par- 
ties ,  offre  une  manière  très -soi- 
gnée, quoique  un  peu  minutieuse.  Il 
existe  dans  l'église  de  Pienza  un  au- 
tre tableau  de  ce  maître,  mais  dont 
la  beauté  est  moins  remarquable.  — 
Sienne  {Jean  de) ,  Ois  de  Paul  de 
Sienne ,  fut  aussi  un  des  peintres 
siennois  chargés  par  Pie  II  de  l'em- 
bellissement de  Pienza.  lia  travaillé 
de  1427  à  1462.  Les  ouvrages  qu'il  a 
exécutés  dénotent  un  des  meilleurs 
artistes  de  son  temps.  11  s'est  mon- 
tré supérieur  dans  une  Déposition 
14 


210 


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de  Croix  qu'il  peignit  six  ans  après 
pour  l'Observance  de  Sienne.  Les 
défauts  de  son  temps  y  sont  rache- 
tés par  des  qualités  bien  rares  à 
cette  époque,  particulièrement  dans 
ce  qui  tient  à  l'observation  et  à  la 
science  du  nu.  Mais  il  fut  surpassé 
en  tout  par  son  fils  Mathieu  qui , 
jeune  encore,  en  1462,  commença 
dès- lors  à  se  faire  la  réputation  du 
meilleur  peintre  de  son  pays,  et  qui 
obtint  dans  Sienne  le  surnom  de 
•Masaccio  de  son  école.  On  aperçoit 
sans  peine  les  progrès  de  son  nouveau 
style  dans  un  des  deux  tableaux  qu'il 
a  exécutés  à  l'église  du  DOme.  Il  le 
perfectionna  encore  dans  les  autres 
peintures  qu'il  fit  à  Sienne  pour  les 
églises  de  Saint-Dominique,  de  Notre- 
Dame  délia  ISeve  et  autres.  Il  fut 
aussi  un  des  premiers  qui  améliora 
le  style  de  l'école  napolitaine.  Ayant 
appris  la  peinture  à  l'huile,  il  répan- 
dit dans  ses  figures  une  morbidesse 
inconnue  jusqu'à  lui,  et,  instruitpar 
les  leçons  de  François  de  Giorgio, 
architecte  célèbre  et  sculpteur  ha- 
bile, il  parvint  à  dessiner  parfaite- 
ment les  fabriques  qu'il  enrichit 
d'ornements  et  de  bas-reliefs  de  bon 
goût.  Il  sut  dégrader  avec  intelli- 
gence les  différents  plans  de  ses  ta- 
bleaux ei  donner  à  ses  draperies  des 
plis  plus  naturels  et  moins  multi- 
pliés qu'on  ne  les  voit  dans  les  pro- 
ductions de  ses  contemporains.  Ses 
têtes  offrent ,  sinon  une  grande 
beauté  idéale,  du  moins  de  la  vérité 
et  de  l'expression;  enfin  il  indique 
d'une  manière  raisonnable  les  mus- 
cles et  les  veines.  H  ne  se  piquait  pas 
d'une  grande  nouveauté  d'invention. 
Ainsi,  il  se  contenta  de  répéter  le 
Massacre  des  Innocents,  qui  est  sa 
composilion  la  plus  remarquable.  11 
la  reproduisit  plusieurs  fojs,  soit  à 
Sienne,  soit  à  Naples,  mais  y  apportant 


SIE 

à  chaque  répétition  quelque  change- 
mo!it  heureux.  Celle  qu'il  peignit  k 
Naples  dans  l'église  de  Sainte-Cathe- 
rine in  Formello  existe  encore,  et 
l'on  en  a  la  gravure  dans  le  tome  111 
des  Lettres  siennoises.  Sa  répétition 
la  plus  étudiée  est  celle  qu'il  fit,  en 
1491 ,  dans  l'église  des  Servîtes  de 
Sienne,  et  qui  est  un  de  ses  derniers 
ouvrages.  Il  avait  coutume  d'ajouter 
au-dessus  de  ses  grands  tableaux  quel- 
ques petites  compositions  histori- 
ques différentes  du  sujet  principal,  et 
dont  les  figures  sont  extrêmement 
vantées.  S'il  ne  s'est  point  élevé  au 
niveau  des  Bellini,  des  Francia,  des 
André  del  Sarto,  il  a  surpassé  infini- 
ment tous  ses  contemporains.  Il  fut 
aussi  un  des  plus  habiles  artistes 
en  mosaïque,  et  il  se  distingua  sur- 
tout par  les  parties  qu'il  a  exécutées 
dans  le  magnifique  pavé  de  la  cathé- 
drale de  Sienne,  dans  lequel  il  a  ré- 
pété son  sujet  favori  du  Massacre 
des  Innocents.  Avec  le  mélange  de 
marbres  de  diverses  couleurs,  il  est 
parvenu  le  premier  à  fdire  ce  qu'on 
peut  appeler  un  clair-obscur  eu 
marbre,  et  c'est  ainsi  qu'il  apprit  au 
Beccafumi  à  porter  cet  art  à  la  per- 
fection.—  Sienne  {Marc  de),  connu 
aussi  sous  le  nom  de  Marco  da  Pino, 
passe  ordinairement  pour  être  l'élève 
de  Beccafumi  et  même  dePeruzzi. 
Mais  en  examinant  avec  attention  son 
style  et  sa  manière,  ce  qui  n'est  pas 
l'iiiduction  la  moins  forle  ,  on  est 
porté  à  croire  qu'il  eut  pour  maître 
le  Sodoma.  C'est  à  Rome  qu'il  per- 
fectionna son  talent.  11  y  travailla 
d'abord  d'après  les  cartons  de  Danitîl 
de  Volterra  et  de  Perino  del  Vaga , 
et  Qnit,  si  l'on  en  croit  Lomazzo, 
par  y  recevoir  les  instructions  de  Mi- 
chel-Ange. Parmi  tous  les  peintres 
florentins  de  cette  époque,  il  n'en  est 
aucun  qui  se  soit  approché  autant 


SIË 

que  lui  de  ce  grand  maître ,  sans  af- 
fecter jamais  l'imitation.  C'est  son 
style  qu'il  s'efforce  d'atteindre,  mais 
il  ne  s'e'gare point  en  voulant  déployer 
la  même  science.  Sa  touche  est  gran- 
de, libre  et  pleine  de  pompe.  Lo- 
mazzo  le  donne  comme  un  exemple 
pour  la  forme  de  ses  figures  et  pour 
la  juste  dégradation  de  la  lumière  sur 
les  objets.  Sous  ce  rapport,  il  suit 
les  traces  de  Léonard  de  Vinci ,  du 
Titien,  du  Tintoret  et  du  Baroclie. 
Il  a  peu  travaillé  dans  sa  patrie.  On 
ne  voit  à  Rome  qu'un  petit  nombre 
de  ses  ouvrages,  tels  que  la  Notre- 
Dame- de-Pitié,  placée  sur  un  des 
autels  de  l'église  d'Ara-Cœli,  et  quel- 
ques fresques  qu'il  a  peintes  dans  l'é- 
glise du  Gonfalon.  Naples  fut  le  théâ- 
tre de  sa  gloire.  Ce  fut  vers  l'an  1560 
qu'il  vint  dans  cette  ville.  Il  y  reçut 
l'accueil  le  plus  flatteur  et  fut  même 
honoré  du  droit  de  cité.  Sa  qualité 
d'él ranger,  loin  de  lui  attirer  l'envie 
ÛQs,  habitants,  ne  fit  que  lui  concilier 
leur  bienveillance,  que  fortifia  la 
bonté  de  sou  caractère.  II  passait 
généralement  pour  un  homme  franc, 
sincère,  affable  et  modeste.  Marc  de 
Sienne  acquit  bientôt  la  réputation 
du  premier  peintre  de  Naples,  et  fut 
chargé  des  travaux  les  plus  impor- 
tants qui  furent  exécutés,  soit  dans 
les  églises  de  la  capitale,  soit  dans  les 
autres  villes  du  royaume.  11  répéta 
plusieurs  fois  sa  Déposition  de  la 
Croix^  qu'il  avait  peinte  primitive- 
ment à  Rome;  mais  il  y  introduisit  cha- 
que fois  de  nouveaux  changements. 
On  fait  le  plus  grand  cas  de  celle 
qu'il  exécuta  et  plaça  dans  l'église  de 
Saint-Jean-des-Floréntins,  en  1577. 
La  Circoncision  que  l'on  voit  dans 
l'église  de  Gesii  Vecchio,  et  où  le  Par- 
rino  croit  trouver  le  portrait  de  l'ar- 
tiste et  de  sa  femme,  l'Adoration  des 
Mages  à  Saint-Severin,  ainsi  que  plu- 


SIE 


211 


sieurs  autres  de  ses  tableaux,  renfer- 
ment des  morceaux  d'architecture 
digues  de  son  talent  comme  peintre; 
car,  à  l'exemple  des  plus  grands  artis- 
tes de  ce  temps,  il  se  montra  habile  en 
architecture,  et  il  a  composé  sur  cet 
art  des  ouvrages  qui  jouissent  d'une 
estime  méritée.  On  ne  se  trompe  pas 
en  disant  que,  de  tous  les  imitateurs 
de  Michel-Ange,  aucun  n'eut  moins 
d'exagération  dans  le  dessin  ni  plus 
de  vigueur  dans  le  coloris.  Toutefois, 
il  n'est  pas  toujours  égal  à  lui-même. 
Dans  l'église  de  Saint-Severin,  où  il  a 
peint  quatre  tableaux,  celui  de  la 
Nativité  de  la  Vierge  semble  infé- 
rieur aux  autres.  L'u«age  de  peindre 
de  pratique  était  si  général  à  cette 
époque  que  peu  d'artistes  ne  sont 
exemptés  de  cette  funeste  méthode. 
Marc  forma  dans  Naples  un  grand 
nombre  d'élèves ,  parmi  lesquels 
nul  n'atteignit  à  la  célébrité  de 
Jean -Ange  Criscuolo.  Quoique  ce 
dernier  exerçât  l'office  de  notaire,  il 
avait  cultivé  la  miniature  dès  son 
enfante;  jaloux  d'imiter  son  frère 
Jean-Philippe,  qui  avait  la  réputa- 
tion d'un  des  bons  peintres  du  temps, 
il  voulut  embrasser  un  genre  plus  re- 
levé, et,  profitant  avec  succès  des  le- 
çons de  Marc,  il  devint  un  de  ses 
meilleurs  imitateurs.  En  1568,  les 
Giuntes  imprimèrent,  à  Florence,  la 
seconde  édition  des  Œuvres  de  Va- 
sari.  Cet  historien,  dans  la  vie  de  Da- 
niel de  Volterre,  en  parlant  de  Marc 
de  Sienne,  se  bornait  à  dire  qu'il 
avait  beaucoup  profité  sous  ce  dernier 
maître,  qu'ensuite  il  avait  choisi  Na- 
ples pour  son  séjour,  qu'il  y  demeu- 
rait et  qu'il  y  travaillait  continuelle- 
ment. Soit  que  Marc  ne  se  contentât 
pas  d'un  si  mince  éloge,  soit  qu'il 
vît  avec  peine  le  silence  que  gardait 
Vasari  sur  un  grand  nombre  de  pein- 
tres de  Sienne  et  sur  presque  tous 
14. 


212 


SIE 


ceux  de  Naples,  il  se  mit  dans  l'i- 
dée d'écrire  sur  le  même  sujet.  Il 
emprunta  l'aide  de  son  élève  le  no- 
taire Criscuolo,  qui  lui  fournit  les 
notes  concernant  les  artistes  napoli- 
tains, puisées  dans  les  archives  et 
dans  la  tradition ,  et  Marc  en  fit  la 
matière  d'un  Discours  composé,  à  ce 
qu'il  paraît,  vers  1569,  c'est  à-dire 
un  an  après  l'édition  de  Vasari,  et  ce 
fut  le  premier  essai  d'histoiie  des 
beaux-arts  dans  le  royaume  de  Na- 
ples. Cependant  cet  ouvrage  ne  vil  pas 
alors  le  jour;  il  n'a  été  publié  qu'en 
1742  par  le  Dominici ,  qui  y  ajouta 
les  notices  écrites  par  Criscuolo, 
et  celles  que  cou)posèrent  dans  la 
suite  deux  habiles  peintres,  Ma- 
rine Stanzioni  et  Paul  de  Matteis, 
ainsi  que  plusieurs  autres  écrites 
par  lui-même.  Marc  mourut  à  Naples 
vers  1587.  —  SiE^TiE  {François- An- 
toine de),  peintre,  florissait  en  1614 
suivant  la  date  d'un  tableau  repré- 
sentant une  Cène,  que  l'on  conserve 
dans  le  couvent  des  Anges,  à  Assise. 
Le  style,  qui  tient  un  peu  de  la  ma- 
nière du  Baroche,  peut  donner  lieu 
de  croire  qu'il  fut  élève  de  Vanni  ou 
de  Salimbeni,  et  l'on  peut  le  mettre 
au  rang  des  plus  habiles  artistes  de 
cette  école,  si  l'on  considère  la  su- 
périorité avec  laquelle  il  a  su  rendre 
l'expression  des  sentiments  de  l'àme. 
La  figure  de  Judas  qui  s'éloigne  est 
le  véritable  type  du  désespoir,  et  il 
n'y  aurait  rien  à  reprendre  dans  ce 
beau  tableau  si  l'artiste,  par  une  bi- 
zarrerie dont  il  est  difficile  de  se  ren- 
dre compte,  n'avait  donné  à  son  Judas 
des  pattes  de  chauve-souris. —  Sien- 
ne [Mathitu  de),  surnommé  dans  sa 
patrie  MaUeino,  pour  ne  pas  le  con- 
fondre avec  le  Mathieu  dont  il  a  été 
fait  mention  précédemment,  se  ren- 
dit jeune  encore  à  Rome  pour  se  per- 
fectionner dans  son  ;irt.  11  peignit  la 


SIE 

fresque  avec  un  talent  remarqua- 
ble; le  Circignani  et  d'autres  pein- 
tres l'employèrent  souvent  pour  lui 
faire  peindre  les  fonds  d'architecture 
et  de  paysages  de  leurs  tableaux.  Il  a 
travaillé  de  cette  manière  aux  32  ta- 
bleaux d'histoire  de  martyrs  que  le 
Circignani  a  peints  dans  l'église  de 
Saint-Etienne  de  la  Rotonde,  et  qui 
sont  gravées  parle  Cavalieri.  La  ga- 
lerie du  Vatican  renferme  un  grand 
nombre  de  beaux  paysages  peints  par 
Matteino,  et,  quoique  dans  l'ancienne 
manière,  ils  offrent  des  beautés  de 
premier  ordre.  Cet  artiste  mourut  à 
Rome ,  où  il  s'était  établi,  à  l'âge  de 
55  ans,  sous  le  pontificat  de  Sixte- 
Quint.  P-s. 

SIESTRZENCEVVICZ  deBohusz 
(Stanislas)  ,  archevêque  catholique 
de  Mohilow,  et  métropolitain  de 
Russie,  était  né  de  parents  protes- 
tants le  4  septembre  1731,  à  Zabla- 
dow,  diocèse  de  Wilna.  Après  avoir 
suivi  quelque  temps  la  carrière  mi- 
litaire et  obtenu  un  grade  dans  un 
régiment  prussien,  il  se  trouva  en 
relation  avec  le  prince  Massalski, 
évêque  de  Wilna,  qui  le  convertit  à 
la  religion  catholique  et  l'engagea 
même  à  entrer  dans  les  ordres.  Il  lui 
donna  d'abord  un  caïKmicat  de  sa  ca- 
thédrale, puis,  en  1762,  lui  conféra 
la  prêtrise.  A  l'époque  du  premier 
partage  de  la  Pologne  (1773)  entre 
l'Autriche,  la  Prusse  et  la  Russie, 
Catherine  II  voulant  soustraire  à 
l'autorité  des  évêques  polonais  les 
provinces  incorporées  à  sou  empire, 
demanda  au  saiiit-siége  qu'elles  fus- 
sent administrées  par  uu  vicaire 
apostolique.  En  conséquence  Sies- 
trzencewicz  reçut  ce  titre,  après  avoir 
été  sacré  évêque  de  Mallo  in  parli- 
bus.  Dans  le  même  temps  le  pape 
Clément  XIV,  par  son  bref  du  21 
juillet  1773,  prononça  la  suppressioQ 


SIE 

de  la  compagnie  de  Jésus.  Cette  me- 
sure, exécutée  dans  tous  les  pays 
catholiques,  resta  sans  effet  dans  les 
états  du  roi  de  Prusse.  11  en  fut  de 
même  pour  la  partie  du  royaume  de 
Pologne  qui  avait  passé  sous  la  do- 
mination de  la  Russie  :  les  jésuites 
continuèrent  d'y  résilier  comme  au- 
paravant; seulement  ils  s'abstinrent 
de  recevoir  des  novices,  et  n'en  ad- 
mirent qu'en  1779  d'après  la  permis- 
sion que  leur  en  accorda,  le  28  juin, 
Siestrzencewicz.  On  assure  qu'il  y 
avait  été  autorisé  par  des  pouvoirs 
particuliers  que  le  pape  Pie  VI  lui 
avait  donnés,  l'année  précédente. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  ennemis  de  la 
Société  s'alarmèrent  de  voir  qu'elle 
eût  conservé  un  asile  dans  un  coin 
de  l'Europe,  et  tremblaient  de  lavoir 
déjà  revenir  dans  les  pays  d'où  on 
l'avait  chassée.  Ils  se  plaignirent  vi- 
vement au  pape  de  l'inexécution  du 
bref  de  son  prédécesseur.  Ces  plain- 
tes, appuyées  d'intercessions  puis- 
santes et  réitérées,  obligèrent  le 
souverain  pontife  à  faire  savoir  au 
nonce  apostolique  de  Varsovie  e1  à 
ceux  des  autres  cours  que  le  pré- 
lat russe  avait  excédé  ses  pou- 
voirs; le  premier  eut  même  ordre 
d'en  écrire  à  cetévêque,  mais  ces  dé- 
marches, auxquelles  Pie  VI  ne  s'était 
prêté,  dit-on,  qu'avec  répugnance, 
n'eurent  pas  l'effet  qwe  les  ennemis 
des  jésuites  en  avaient  attendu. 
L'impératrice. de  Russie  témoigna  le 
désir  de  conserver  le  petit  nombre 
de  Pères  qui  étaient  dans  ses  étals  ; 
fit  représenter  au  pape  qu'en  les 
supprimant  on  priverait  les  sujets 
catholiques  des  secours  qu'ils  rece- 
vaient de  ces  religieux,  surtout  pour 
l'éducation  ,  d'autant  plus  qu'il  se- 
rait difficile  de  les  remplacer  à  cet 
égard  dans  un  jiays  où  l'instruction 
était  si  peu  répandue.  Les  jésuites 


SIE 


21; 


furent  donc  conservés  ;  bien  plus, 
sur  un  ordre  de  l'impératrice  et  sur 
l'autorisation  du  même  évêque  de 
Mallo,  ils  s'assembleront  en  congré- 
gation générale  au  collège  de  Polotsk, 
et  élurent,  le  17  oct.  1782,  le  père 
Czerniewicz  pour  leur  vicaire-gé- 
néral. Ce  religieux  mourut  en  1785 
et  eut  des  successeurs.  A  cette  épo- 
que, les  jésuites  avaient  dans  la 
Pologne  russe  six  maisons  où  l'on 
comptait  172  pères.  Siestrzencewicz 
fut  nommé  par  le  pape,  en  1783,  ar- 
chevêque de  Mohiiow.  L'impératrice 
Catherine  ayant  demandé  qu'il  y  eût 
un  siège  métropolitain  dans  cette  vil- 
le, Pie  VI  envoya  à  cet  effet  à  Saint- 
Pétersbourg  le  nonce  Archetti,  qui  fit 
la  promotion  du  nouveau  prélat  et  lui 
donna  un  coadjuteur  ;  il  avait  aussi 
deux  évêques  suffragants,  l'un  à  Po- 
lotsk,  l'autre  à  Kiow  (1).  L'impéra- 
trice sanctionna,  par  un  édit,  ces 
différents  actes.  Siestrzencewicz  fit 
beaucoup  de  bien  dans  son  diocèse 
et  accueillit  avec  des  soins  parti- 
culiers de  malheureux  religieux  obli- 
gés de  quitter  l'Autriche  par  la  sup- 
pression d'un  grand  nombre  de 
couvents.  Il  consacrait  toute  sa  for- 
tune au  soulagement  des  pauvres. 
Après  le  dernier  partage  de  la  Polo- 
gne, une  portion  de  la  Lithuanie  étant 
devenue  province  russe,  Siestrzen- 
cewicz fut  chargé  de  l'administra- 
tion du  vaste  diocèse  de  Wilna,  du- 
quel relevaient  quatre  évêques  suf- 
fragants. En  1799,  l'empereur  Paul 
lui  adressa  un  rescrit  où,  déclarant 
qu'il  n'admettrait  aucune  sorte  de 
nonciature,  il  coniia  la  direction  de 
toutes  les  affaires  religieuses  de  ses 
sujets  catholiques  ii  l'archevêque  de 

(i)  Le  Recueil  des  pièces  sur  l'archevêché 
de  Mohitoiv,  Varh,  1791,  iu-80,  publié  par 
l'aljljé  Boisard,  coutieiit  tous  les  dctiiils  le- 
latils  a  l'éifcliou  de  teUe  métfopult. 


914 


SIE 


Mohilow,  comme  à  l'unique  métro- 
politain de  l'Église  catholique  en 
Russie.  Le  prélat  donna  connaissance 
de  ce  rescrit  aux  archevêques  et 
évêques  placés  sous  son  autorité,  et 
leur  communiqua  en  même  temps 
l'extrait  d'un  bref  de  Pie  VI,  du  19 
septembre  1795 ,  par  lequel ,  pré- 
voyant déjà  le  refus  d'un  nonce  en 
Russie,  le  souverain  pontife  en  con- 
terait tous  les  pouvoirs  à  l'archevê- 
que de  Mohilow.  Devenu  ainsi  le  mi- 
nistre du  culte  catholique  pour  tout 
l'empire,  Siestrzencewicz  faisait  sa 
résidence  ordinaire  à  Saint-Péters- 
bourg. Il  mourut  dans  cette  ville  le 
13  décembre  1826,  âgé  de  95  ans,  et 
universellement  regretté.  II  était  dé- 
coré de  divers  ordres,  membre  de 
plusieurs  sociétés  savantes,  cullivait 
lui-même  la  littérature,  les  sciences 
et  les  arts.  Il  a  laissé  les  ouvrages 
suivants  :  I.  Recherches  historiques 
sur  Vorigine  des  Sarmates,  des  Es- 
clavons  et  des  Slaves,  et  sur  les 
époques  de  la  conversion  de  ces  peu- 
ples au  christianisme,  Saint-Péters- 
bourg, 1812,  4  vol.  in-S»;  ibid., 
1833,  i  vol.  in-8°,  avec  tableaux 
et  cartes.  L'auteur  en  envoya  un 
exemplaire  à  Grégoire,  ancien  évê- 
que  constitutionnel  de  Biois,  qui, 
comme  on  sait,  cherchait  à  nouer, 
dans  tous  les  pays,  des  relations 
religieuses  ou  scientifiques.  Il  avait 
adressé  à  Siestrzencewicz  un  mé- 
moire sur  la  réunion  des  Églises, 
auquel  l'archevêque  répondit  en 
1817  et  1819  que  l'initiative  et 
l'intervention  du  saint-siége  étaient 
indispensables  dans  une  telle  œu- 
vre^ il  envoya  aussi  à  Grégoire  une 
copie  des  Recherches  sur  Vorigine 
de  la  Russie,  traduites  en  russe  et 
lues  à  l'Académie  russe,  Saint-Pé- 
tersbourg, 1818  ^  ce  qui  ferait  croire 
que  Siestrzencewicz  avait  d'abord 


SIE 

composé  ces  Recherches  en  français. 
II.  Précis  des  Recherches  historiques 
sur  l'origine  des  Slaves  ou  Escla- 
vons  et  des  Sarmates,  etc.,  2^  édit., 
Saint-Pétersbourg,  1824,  in-4°,  avec 
une  planche  et  trois  cartes.  III.  His- 
toire du  royaume  de  la  Chersonèse 
taurique{\3i  Crimée),  2'^  édit., Saint- 
Pétersbourg,  1824,  in -4°,  avec  une 
planche  ei  trois  cartes.  Oz — m. 
SIEYÈS  (Emmanuel-Joseph)  na- 
quit le  3  mai  1748  à  Fréjus,  où  son 
père  ,  qui  jouissait  d'une  certaine 
aisance,  occupait  un  modeste  em- 
ploi. Il  commença  ses  études  au  col- 
lège des  jésuites  de  cette  ville  et 
alla  les  achever  chez  les  doctrinaires 
de  Draguignan.  Si  l'on  en  croit  la 
Notice  qui  lui  est  attribuée,  il  eut 
alors  le  désir  d'entrer  ,  comme  la 
plupart  de  ses  condisciples,  dans  la 
carrière  militaire.  Mais  sa  famille,  le 
destinant  à  l'état  ecclésiastique , 
l'envoya  au  séminaire  de  Saint-Sul- 
pice  à  P.iris;  et,  après  avoir  suivi 
les  cours  de  théologie  et  de  philoso- 
phie à  l'Université,  il  prit  le  degré 
de  licencié  en  Sorbonne.  Déjà  il  était 
engagé  dans  les  ordres.  Pendant  la 
durée  de  ses  études,  Sieyès  avait  cul- 
tivé avec  ardeur,  mais  sans  mé- 
thode, la  littérature  et  les  arts,  no- 
tamment la  musique ,  les  sciences 
mathématiques  et  physiques.  Cepen- 
dant il  recherchait  de  préférence  les 
ouvrages  des  métaphysiciens  et  des 
économistes.  H  a  dit  qu'aucun  livre 
ne  lui  avait  procuré  une  satisfaction 
plus  vive  que  ceux  de  Locke,  de 
Condillac ,  de  Bonnet.  Ses  supé- 
rieurs, ajoute-t-il ,  avaient  inscrit 
cette  note  sur  leur  registre  :  «Sieyès 
«  montre  d'assez  fortes  dispositions 
«pour  les  sciences*,  mais  il  est  à 
"  craindre  que  ses  lectures  particu- 
«  lières  ne  lui  donnent  du  goût  pour 
«  les  nouveaux  principes   philoso- 


SIE 

«  phiques.  »  Ils  écrivaient  un  jour  à 
son  évéque  :  Vous  pourrez  en  faire 
«  un  chanoine  honnête  homme  et 
•  instruit  ;  du  reste  ,  nous  devons 
"  vous  prévenir  qu'il  n'est  nulle- 
"  ment  propre  au  ministère  ecclé- 
"  siastique.  »  Ils  avaient  raison , 
dit-il  Uù-mème  {Notice  déjà  citée). 
Toutefois, acceptant  le  premier  para- 
graphe de  la  lettre,  il  alla  en  Bre- 
tagne (1775)  pour  y  prendre  pos- 
session d'un  canonicat;  il  siégea 
même  comme  député  aux  États  de 
cette  province.  De  retour  à  Paris, 
où,  sans  être  astreint  à  la  résidence, 
il  n'en  touchait  pas  moins  les  reve- 
nus de  son  béuélice,  il  se  fit  remar- 
(luer  par  ses  talents,  et  contracta 
des  liaisons  utiles.  En  1784  il  se  dé- 
mit de  sou  canonicat  de  Bretagne, 
lorsque  Al.  de  Lubersac,  évéque  de 
Chartres,  le  nomma  vicaire-général 
et  chanoine  de  son  église,  dont  il 
devint  aussi  chancelier.  Le  clergé 
aimait  les  hommes  de  réflexion  et 
d'étude,  et  il  y  avait  de  l'éclat  dans 
la  manière  de  s'exprimer  du  jeune 
abbé,  évidemment  supérieur  à  ce  qui 
l'entourait.  Le  ton  dogmatique ,  les 
paroles  brèves  ont  toujours  une  cer- 
taine puissance  sur  les  esprits;  ceux 
qui  tranchent  et  décident  de  tout 
gouvernent  bientôt  tout.  Comme  le 
clergé  seul,  parmi  tous  les  autres 
corps,  avait  conservé  une  organisa- 
tion par  assemblée,  Sieyès  prit  place 
dans  cette  représentation  solennelle. 
Il  fut  élu,  en  1787,  par  le  diocèse  de 
Chartres,  conseiller-commissaire  à 
la  chambre  souveraine  du  clergé; 
et,  quoiqu'il  allât  passer  une  partie 
de  l'année  à  la  campagne,  chez  son 
évéque,  les  fonctions  dont  il  était 
investi  l'obligeaient  de  demeurer  à 
Paris.  D'ailleurs,  d'après  son  aveu, 
«  il  a  fui  toutes  les  occasions  qui  eus- 
sent pu  le  mettre  en  évidence  clé- 


SIE 


215 


ricale  ;  jamais  il  n'a  prêché,  jamais  il 
n'a  confessé.»  Mais  au  contraire  il 
fréquentait  beaucoup  le  parti  philo- 
sophique, le  seul  brillant,  le  seul 
qui  pût  donner  un  certain  orgueil, 
car  à  lui  seul  venaient  les  éloges, 
les  acclamations.  En  matière  de 
gouvernement,  on  était  alors  entre 
trois  écoles  :  celle  de  la  démocra- 
tie naturelle ,  la  souveraineté  de 
l'homme  primitif ,  exprimée  par 
Rousseau  ;  l'école  anglaise  que  re- 
présentaient Montesquieu  et  De- 
lolme;  enfin  l'école  négative,  rail- 
leuse, dont  Voltaire  était  le  chef  si 
spirituel.  C'est  par  la  comjiaraison 
et  l'étude  de  ces  trois  écoles  que 
l'abbé  Sieyès  forma  sa  théorie  dog- 
matique. Chacun  avait  son  plan  de 
réforme,  tous  avec  un  ardent  désir 
de  renverser  l'ancien  édifice  poli- 
tique, les  uns  par  la  patience,  les 
autres  avec  brutalité.  Il  apporta 
dans  cette  œuvre  une  sorte  de 
simplicité  réfléchie  et  convaincue , 
mais  qui  n'excluait  pas  toujours  les 
moyens  violents;  le  trait  suivant 
dont  il  se  glorifie  en  fournit  la 
preuve.  Il  s'était  lié  à  Paris  avec 
quelques  membres  du  Parlement.  Le 
jour  où  les  Chambres  furent  exi- 
lées à  Troyes  pour  avoir  refusé  l'en- 
registrement d'un  nouvel  impôt , 
Sieyès  donna  le  conseil  de  se  rendre 
sur-le-champ  au  Palais,  de  faire  ar- 
rêter et  pendre  le  ministre  signa- 
taire de  cet  ordre.  Selon  lui,  le  suc- 
cès de  celte  mesure  était  infaillible  ; 
elle  eût  entraîné,  dit-il,  les  applau- 
dissements de  toute  la  France;  mais 
son  avis  ne  prévalut  point.  Cepen- 
dant ses  connaissances  administrati- 
ves lui  avaient  acquis  une  certaine 
réputation,  et  dans  la  même  année 
1787  il  fut  appelé  à  l'assemblée  pro- 
vinciale d'Orléans ,  où  il  montra 
quelque  capacité  pour  les  affaires. 


216 


SIt 


Cette  assemblée  et  plusieurs  autres 
du  même  genre,  tenues  vers  cette 
époque,  furent  le  prélude  des  États- 
Généraux  du  royaume,  dont  !a  con- 
vocation était  demandée  non-seule- 
ment par  les  publicistes,  mais  en- 
core par  les  parlements  qui,  sans 
doute,  ne  croyaient  pas  que  leur  dis- 
solution dût  en  être  une  des  consé- 
quences. Lorsque  Louis  XVI  se  fut 
décidé  à  celte  grande  mesure,  ses 
ministres,  sans  en  excepter  Necker, 
malgré  l'assertion  contraire  de  ma- 
dame de  Staël,  invitèrent  les  écri- 
vains de  la  France  et  même  des  pays 
étrangers  à  faire  connaître  leurs 
vues  sur  ces  États-Généraux  et  sur 
les  éléments  dont  ils  devaient  être 
formés.  Cette  invitation  n'eut  pas 
plutôt  paru  que  le  royaume  fut 
inondé  de  factums  et  d'écrits  ;  de 
toute  espèce  qui  furent  lus  avec  une 
incroyable  avidité.  Chacun  voulut 
expriuier  ses  idées,  les  gentilshom- 
mes, les  bourgeois,  les  avocats,  les 
abbés  ;  Sieyès  ne  fut  pas  le  dernier 
à  donner  son  avis.  Parmi  diverses 
brochures  qu'il  publia,  la  plus  cé- 
lèbre est  intitulée  :  Qu'est-ce  que  le 
tiers-état?  Tout.  Qu'a-t-il  été  jus- 
qu'à présent  dans  l'ordre  politique  ? 
Rien.  Que  demande-t-il  ?  Devenir 
quelque  chose.  Le  titre  seul  de  cet 
écrit  en  indique  suffisamment  le 
but*,  tiré  à  trente  mille  exemplaires, 
il  produisit  un  effet  prodigieux  sur 
l'opinion  du  peuple  que  l'on  vit 
s'exalter  outre  mesure ,  et  former 
contre  les  deux  premiers  ordres  une 
ligue  à  laquelle  il  leur  fut  impossible 
de  résister.  Les  places,  les  lieux  pu- 
blics étaient  couverts  d'attroupe- 
ments où  l'on  ne  parlait  que  des 
droits  du  tiers-état  et  où  l'on  se  de- 
mandait sans  cesse  :  Êles-vous  ou 
es-tu  du  tiers-état?  Le  long  des 
routes,  les  voyageurs  se  faisaient  la 


SIE 

même  question,  et  la  négative  eût 
été  une  réponse  fort  dangereuse.  Le 
pamphlet  de  l'abbé  Sieyès  fut  ainsi 
la  torche  qui  alluma  immédiatement 
l'incendie  révolutionnaire;  ceux  qui 
le  précédèrent  en  avaient  rassemblé 
les  éléments  ,  ceux  qui  vinrent  après 
servirent  à  en  développer  les  désas- 
tres. Cependant,  malgré  son  exces- 
sive popularité ,  l'auteur  ne  fut 
nommé  député  aux  États-Généraux 
que  par  une  sorte  d'escobarderie. 
On  avait  appelé  dès  le  commence- 
ment sur  lui  l'attention  de  l'assem- 
blée électorale  du  tiers-état  de  Paris, 
mais,  dans  un  arrêté  spécial,  la  plu- 
ralité des  électeurs  s'était  imposé 
l'obligation  de  ne  porter  les  choix 
que  sur  des  membres  de  son  ordre. 
Dix-neuf  élections  avaient  été  faites 
conformément  à  cet  arrêté  ;  il  n'en 
restait  plus  qu'une  à  faire,  et  l'on 
était  embarrassé  de  trouver  un  can- 
didat, lorsque  quelqu'un  proposa  de 
nommer  l'abbé  Sieyès  en  vantant  ses 
talents,  son  patriotisme  et  surtout 
son  dernier  écrit.  Une  partie  de  l'as- 
semblée le  repoussa  encore  avec 
chaleur,  et  rappela  l'arrêté  qui  ex- 
cluait tout  individu  appartenant  à 
l'un  des  deux  premiers  ordres.  On 
demanda  même  qu'il  en  fiât  donné 
lecture  ;  mais  on  s'aperçut  alors  que 
le  secrétaire  de  l'assemblée  n'en 
avait  fait  aucune  mention  dans  la 
rédaction  du  procès-verbal.  Ce  se- 
crétaire, qui  était  le  malheureux 
Bailly,  a  avoué  lui-même  dans  ses 
Mémoires  que  c'était  un  oubli  de  sa 
part  et  que,  peu  accoutumé  aux  déli- 
bérations de  ce  genre ,  il  n'avait 
point  mis  d'importance  à  cette  déci- 
sion. On  considéra  donc  l'arrêté 
comme  non  avenu,  et  l'abbé  Sieyès 
fut  nommé  député.  Dès  les  premiè- 
res séances  et  avant  que  les  Élats- 
Gt^ncraux  se  fussent  formés  en  as- 


SIE 


SIE 


217 


semblo'e  nationale,  il  développa  ses 
principes  dans  la  chambre  du  tiers. 
Son  collègue  Malonet  ayant  lu  en  sa 
présence  un  projet  d'adresse  dans 
laquelle,  cherchant  à  rapprocher  les 
trois  ordres,  il  faisait  dire  au  tiers, 
au  nom  duquel  il  voulait  parler,  que 
les  propriétés  et  les  privilèges  hono- 
rifiques des  deux  autres  ordres  se- 
raient respectés,  l'abbé  Sieyès  trouva 
qu'il  était  juste  de  garantir  les  pro- 
priétés de  ces  ordres;  mais  il  (it  ob- 
server qu'il  fallait  se  taire  sur  les 
prérogatives  honorifiques.  "  Quoi  ! 
«  lui  dit  Malouet,  auriez-vous  des- 
«  sein  de  détruire  la  noblesse?  — 
a  Sûrement.  —  Quels  sont  vos 
«moyens? — Nous  en  trouverons  : 
•  il  faut  placer  des  jalons;  ce  que 
«  nous  ne  pourrons  faire,  nos  suc- 
«  cesseurs  l'exécuteront.  »  Aussitôt 
après  la  vérification  des  pouvoirs  du 
tiers-étal,  l'abbé  Sieyès  déclara  que 
l'assemblée  devait  sortir  de  son 
inertie,  et  il  lui  proposa  de  se  con- 
stituer sous  la  dénomination  d'^s- 
semblée  des  représentants  connus  et 
vérifiés.  Ainsi,  ce  ne  fut  pas  lui  qui 
imagina  le  titre  A''Assemblée  natio- 
nale, comme  on  l'a  prétendu;  cette 
invention  appartient  à  un  député 
du  Berry,  nommé  Legrand.  L'abbé 
Sieyès  rédigea  ensuite,  d'après  les 
vues  et  les  instructions  de  l'assem- 
blée, la  fameuse  délibération  du 
17  juin,  dont  on  admira  l'adresse  et 
la  précision.  Le  gouvernement  la 
laissa  exécuter,  ainsi  que  tous  les 
actes  qui  en  furent  le  résultat  ;  et  ce 
fut  ainsi  que  les  antiques  États-Gé- 
néraux tombèrent  en  dissolution  à  la 
voix  d'un  chanoine.  Le  lendemain  de 
la  séance  royale  {2'i  juin  1789), 
Sieyès,  qui  était  devenu  une  puis- 
sance dans  l'assemblée,  la  compli- 
menta sur  son  énergie,  et  complé- 
tant en  quelque  sorte  les  paroles  de 


Mirabeau  {voy.  ce  nom,  XXIX,  98, 
et  DnEUx-BnÉzÉ,  LXII,  582),  il  dit 
aux  députés  :  «  Nous  sommes  aujour- 
«  d'hui  ce  que  nous  étions  hier;  dé- 
«  libérons.  »  Et  l'assemblée  délibéra 
sans  tenir  compte  des  ordres  du  roi. 
Cependant,  après  la  réunion  des  or- 
dres, il  eut  moins  de  succès  que  sa  ré- 
putationnesemblaitlui  en  promettre. 
Sa  manière  de  discuter,  sèche,  méta- 
physique, souvent  obscure  et  inin- 
telligible ,  fatiguait  l'attention ,  et 
l'on  préferait  à  ses  doctrines  idéolo- 
giques l'éloquence  brillante  deCaza- 
lès,  de  Barnave,  de  l'abbé  Manry  et 
surtout  de  Mirabeau.  Ce  fut  même 
en  raillant  que  ce  dernier  dit  un  jour 
à  la  tribune  «  que  le  silence  de  Sieyès 
était  une  calamité  publique.  "  Cette 
ridicule  exagération,  dans  laquelle 
beaucoup  de  personnes  ne  virent 
qu'un  sarcasme  piquant,  ne  donna 
pas  plus  de  prépondérance  au  cha- 
noine, et  il  devint  de  plus  en  plus 
silencieux.  Voici  à  peu  près  à  quoi 
se  bornèrent  ses  discours  et  ses  tra- 
vaux dans  cette  grande  assemblée. 
Le  8  juillet  1789,  il  insista  pour  le 
renvoi  des  troupes  réunies  autour  de 
Paris  et  de  Versailles,  et  il  insinua 
que  le  roi  voulait,  par  l'emploi  de 
cette  force,  gêner  les  opérations  de 
l'assemblée.  Ce  fut  lui  qui  suggéra  à 
Mirabeau  l'idée  de  provoquer  un  ar- 
mement général,  qui  s'effectua  sous 
la  dénomination  de  garde  nationale. 
On  ne  peut  pas  douter  au  reste  qu'il 
ne  fit  dès  lors  partie,  avec  Mirabeau, 
de  la  faction  d'Orléans  dont  le  prin- 
cipal comité,  établi  à  Montrouge, 
donnait  l'impulsion  à  tout  le  mouve- 
ment révolutionnaire.  Le  10  août  sui- 
vant, il  combattit  la  suppression  des 
dîmes  ecclésiastiques,  et  s'écria  au 
milieu  de  la  discussion  :  Ils  veulent 
être  libres ,  et  m  savent  pas  être 
justes!  il  lit  voir  que  cette  suppres- 


218 


SIE 


«ion  était  un  don  gratuit  qu'on  fe- 
rait aux  propriétaires  qui  n'avaient 
acheté  qu'à  la  charge  de  la  dîme,  et 
que  d'ailleurs  une  telle  opération 
n'était  d'aucune  utilité  ;  mais  il  ne 
prévoyait  probablement  pas  que  l'on 
saurait  bien  p'ir  la  suite  imposer 
d'autres  charges  aux  propriétaires; 
qu'il  s'agissait  dans  ce  premier  mo- 
ment de  les  séduire  par  de  falla- 
cieuses illusions.  L'argument  de 
l'abbé  Sieyès  sur  les  dîmes  fut  re- 
produit peu  de  temps  après  au  nom 
du  roi;  on  n'eut  pas  plus  d'égard  aux 
représentations  du  monarque  qu'aux 
opinions  du  député.  Celui-ci  écri- 
vit beaucoup  sur  cette  matière ,  mais 
se  fut  sans  autre  résultat  que  la  perte 
de  sa  popularité.  On  sembla  croire 
que  c'était  moins  la  conscience  du 
député  que  l'intérêt  du  gros  décima- 
teur  qui  dictait  ses  écrits.  Lorsqu'il 
fut  question  de  publier  une  déclara- 
tion des  droits  de  l'homme,  il  en 
proposa  une  que  son  obscurité  méta- 
physique fit  rejeter.  Au  mois  de  sep- 
tembre, il  repoussa  comme  une  ab- 
surdité le  veto  absolu  que  Mirabeau 
lui-même  voulait  accorder  au  roi, 
prétendit  que  la  question  ne  valait 
pas  la  peine  d'être  discutée,  et  pro- 
posa un  système  de  constitution  dont 
voici  les  bases.  Le  corps  législatif  de- 
vait être  élu  pour  trois  ans,  le  tiers  de 
ses  membres  sortir  chaque  année,  et 
n'avoir  la  faculté  d'y  rentrer  qu'a- 
près un  temps  déterminé  ;  trois  bu- 
reaux, ayant  l'initiative  l'un  sur 
l'autre,  devaient  diviser  ce  corps 
dont  la  pluralité  des  membres,  au- 
raient fait  la  loi,  sans  aucune  inter- 
vention du  prince  qui  n'aurait  eu 
d'autre  fonction  que  de  la  faire  exé- 
cuter. Sieyès  voulait  que ,  dans  le 
cas  où  quelqu'un  des  départements 
du  pouvoir  exécutif  eût  estimé  que 
la  constitution  était  attaquée,  une 


SIE 

convention  nationale,  expressément 
convoquée,  jugeât  la  difficulté;  que 
cette  convention  fut  réunie  sans 
délibération  du  peuple,  qui  aurait 
seulement  délégué  des  constituants 
sans  mandats  impératifs.  Ce  projet 
n'eut  l'assentiment  de  personne  et 
ne  fut  pas  même  soumis  à  la  discus- 
sion. Son  auteur  eut  plus  de  succès 
dans  le  projet  qu'il  proposa  pour  la 
division  de  la  France  en  départements 
et  en  districts.  On  sait  que  l'exécu- 
tion de  ce  plan  n'a  pas  peu  contribué 
à  consolider  la  révolution.  Dès  les 
premiers  troubles ,  l'abbé  Sieyès 
avait  passé,  comme  nous  l'avons  dit, 
pour  un  des  chefs  de  la  faction  d'Or- 
léans; et  dans  les  dépositions  faites 
au  Châtelet,  sur  les  événements  des 
5  et  6  octobre,  qu'on  a  constam- 
ment attribués  aux  intrigues  de 
cette  faction,  le  comte  de  La  Châtre 
certifia  avoir  entendu  cet  abbé  ré- 
pondre à  quelqu'un  qui  annonçait  un 
mouvement  dans  Paris  :  «  Je  le  sais; 
«  mais  je  n'y  comprends  rien  :  cela 
«  marche  en  sens  contraire.  »  Ap- 
pelé lui-même  en  témoignage,  il  dé- 
posa avoir  été  indigné  comme  tous 
les  bons  citoyens  des  scènes  du  6  oc- 
tobre, et  déclara  en  ignorer  les  cau- 
ses. En  1790,  il  travailla  beaucoup 
dans  les  comités,  et  particulière- 
ment au  comité  de  constitution  où, 
malgré  l'opinion  qu'on  avait  de  ses 
hautes  conceptions,  son  avis  fut  ra- 
rement adopté.  Au  commencement 
de  1790,  il  présenta,  sur  la  répres- 
sion des  délits  de  la  presse,  un  pro- 
jet rédigé  avec  beaucoup  de  soin, 
dans  lequel  il  établit  qu'il  ne  s'agis- 
sait pas  d'instituer  la  liberté  d'é- 
crire qui  était  un  droit,  mais  seule- 
ment d'indiquer  les  limites  au  delà 
desquelles  ce  droit  devenait  licence. 
On  avait  besoin  de  cette  licence  jus- 
qu'à nouvel  ordre,  et  le  projet,  quoi- 


SIE 

que  applaudi,  ne  fut  pas  mis  en  dëli- 
bération.  Lors  des  débats  sur  les 
institutions  judiciaires,  l'abbé  Sieyès 
vola  pour  l'établissement  des  jurés 
au  civil  et  au  criminel.  Au  mois  de 
juin,  il  fut  élu  président,  en  recon- 
naissance de  sa  conduite  à  pareille 
époque  de  l'année  précédente ,  et 
s'excusa  sans  succès  d'accepter  celte 
honorable  fonction.  Peu  de  temps 
après,  on  lui  déféra  une  espèce  d'o- 
vation populaire  au  Palais- Royal , 
dans  le  club  dit  de  1789,  où  plusieurs 
députés  célébrèrent  le  jour  auquel  ils 
s'étaient  constitués  en  assemblée 
nationale.  Au  mois  de  février  1791, 
Sieyès  fut  élu  membre  de  l'adminis- 
tration du  département  de  Paris;  et 
apprenant  que,  par  suite  de  la  con- 
stitution civile  du  clergé,  on  allait  le 
nommer  évêque  de  cette  ville,  il 
écrivit  à  l'assemblée  électorale  que 
son  intention  était  de  refuser  cette 
dignité,  qui  tomba  entre  les  mains  de 
Gobel  {voy.  ce  nom,  XVll ,  535). 
Vers  les  premiers  jours  de  mai,  il 
défendit,  avec  une  énergie  qu'il  n'a- 
vait pas  encore  montrée,  un  arrêté 
que  le  département  avait  pris  en  fa- 
veur de  la  liberté  des  cultes,  pour 
réprimer  les  désordres  qui  avaient 
lieu  aux  portes  des  églises  desser- 
vies par  des  prêtres  insermentés. 
Quand,  après  le  voyage  de  Varennes, 
quelques  factieux  entreprirent  de 
faire  juger  le  roi  et  d'établir  une  ré- 
publique, l'anglais  Thomas  Payne, 
qui  s'était  mis  en  avant  pour  faire 
exécuter  ce  projet,  publia  dans  le 
Moniteur  différents  articles  en  fa- 
veur de  cette  forme  de  gouverne- 
ment, et  invita  plusieurs  fois  l'abbé 
Sieyès,  qu'il  présumait  républicain, 
à  manifester  sa  pensée.  Voici  la  ré- 
ponse de  celui-ci  :  «On  répand 
«  beaucoup  que  je  profite,  dans  ce 
«moment,  de  notre  position  pour 


SIE 


319 


«  tourner  au  républicanisme.  Jus- 
«  qu'à  présent  on  ne  s'était  pas  avisé 
«  de  m'accuser  de  trop  de  flexibilité 
«  dans  mes  principes,  ni  de  changer 
«  facilement  d'opinion  au  gré  du 
«  temps.  Pour  les  hommes  de  bonne 
«  foi,  les  seuls  auxquels  je  puisse 
«  m'adresser ,  il  n'y  a  que  trois 
«  moyens  de  juger  des  sentiments 
-  de  quelqu'un,  ses  actions,  ses  pa- 
«  rôles  et  ses  écrits;  j'offre  ces  trois 
«  sortes  de  preuves.  Ce  n'est  ni  pour 
«  caresser  d'anciennes  habitudes,  ni 
«  par  aucun  sentiment  superstitieux 
«  de  royalisme  que  je  préfère  la  mo- 
«  narchie;  je  la  préfère,  parce  qu'il 
«  m'est  démontré  qu'il  y  a  plus  de 
«  liberté  pour  le  citoyen  dans  la  mo- 
«  narchie  que  dans  la  république; 
«  tout  autre  motif  déterminant  me 
«  paraît  puéril.  Le  meilleur  régime 
<•  social,  à  mon  avis,  est  celui  où  non 
«  pas  un,  non  pas  quelques-uns  seu- 
«lement,  mais  où  tous  jouissent 
«  tranquillement  de  la  plus  grande 
«  latitude  de  liberté  possible.  Si  j'a- 
«  perçois  ce  caractère  dans  l'état 
«monarchique,  il  est  clair  que  je 
•  dois  le  vouloir  par- dessus  tout 
«  autre.  Voilà  tout  le  secret  de  mes 
«  principes,  et  ma  profession  bien 
«  faite.  J'aurai  peut-être  bientôt  le 
«  temps  de  développer  cette  ques- 
«  tion,  et  j'espère  prouver,  non  que 
«  la  monarchie  est  préférable  dans 
«  telle  ou  telle  position,  mais  que, 
«  dans  toutes  les  hypothèses,  on  y 
«  est  plus  libre  que  dans  la  répu- 
«blique. .  Après  une  telle  déclara- 
tion, il  était  naturel  de  croire  que 
celui  qui  l'avait  faite  emploierait 
tous  ses  moyens  et  toute  son  in- 
fluence à  défendre  la  royauté,  au 
moins  constitutionnelle.  Il  n'en  fut 
pas  ainsi  :  l'abbé  Sieyès  ne  se  pré- 
senta pas  même  aux  Feuillants  qui 
en  étaient  alors  les  seuls  défenseurs 


220 


Slt 


en  possession  du  terrain  ;  il  lit  au 
contraire  acte  de  comparution  aux 
Jacobins;  mais,  effrayé  des  attaques 
qui  furent  ensuite  dirigées  contre 
lui,  il  garda  le  silence,  disant  à  ses 
amis  pour  se  justifier  du  mutisme 
auquel  il  se  condamnait  :  "  Que  vou- 
«  lez-vous?  si  je  prononce  :  deux  et 
«  deux  font  quatre,  les  coquins  font 
«  accroire  au    public  que  j'ai  dit  : 
«  deux  et  deux  font  trois.  Quand  on 
«  en  est  là,  quel  espoir  d'utilité?  il 
■  ne  reste  qu'à  se  taire.  »  Après  la 
session  de  l'assemblée  constituante, 
il  se  démit  de  ses  fonctions  d'admi- 
nistrateur du  département  de  Paris, 
se  retira  à  la  campagne,  et  l'on  n'en- 
tendit plus  parler  de  lui  sous  l'as- 
semblée législative,  où  d'ailleurs, 
suivant  la  loi,  aucun  constituant  ne 
pouvait  être  appelé.  Ce  n'est  qu'a- 
près le  10  août  1792  qu'il  fut  élu 
député  à  la  Convention    nationale 
par  les  départements  de  la  Sartlie, 
de  l'Orne  et  de  la  Gironde;  il  opta 
pour  la  Sarthe.  Arrivé  dans  cette  as- 
semblée, il  en  fut   bientôt   nommé 
président,  puis  membre  de  plusieurs 
comités.  Le  13  janvier  1793,  il  pré- 
senta sur  l'organisation  du  minis- 
tère de  la  guerre  un  projet  qui  fut 
rejeté.  Dans  le  procès  de  Louis  XVI, 
il  dit  non  sur  la  question  de  l'appel 
au  peuple,  n'articula  que  les  mots  la 
mort  sur  la  seconde  question,  et  non 
sur  la  demande  du   sursis.  Tandis 
que  la  plupart  des  députés  accom- 
pagnaient leur  vote  de  motifs  plus 
ou  moins  odieux,  Sieyès  vota,  il  est 
vrai,  la  mort,  sans  phrase,  mais  ne 
prononça  pas  ces  mots  comme  on 
l'a  dit.  Ayant   rédigé  un   plan  sur 
l'instruction    publique,  il    chargea 
Lakanal,  son  collègue  au  comité  de 
ce  nom,  de  lire  le  projet  à  la  tribune 
(juin  1793);  mais  Robespierre  en  re- 
connut l'auteur,  l'attaqua,  Ht  rejeter 


SIE 

la  proposition,  et  Sieyès  fut  même 
expulsé  du  comité.  Toutes  ces  con- 
tradictions lui  inspirèrent  des  crain- 
tes,etit  se  tut  jusqu'au  10  novembre. 
On  célébrait  alors  la  fêle  de  la  Raison , 
et  on  lui  demanda  ses  lettres  de  prê- 
trise comme  aux  autres  ecclésiasti- 
ques qui  siégeaient  dans  l'assemblée  ; 
il  répondit  :  «  Mes  vœux  appelaient 
"  depuis  long-temps  le  triomphe  de 
«  la  raison  sur  la  superstition  et  le 
«  fanatisme.  Ce  jour  est  arrivé;  je 
«  m'en  réjouis  comme  d'un  des  plus 
«  grands  bienfaits  de  la  république 
.  française.  Quoique  j'aie  déposé,  de- 
«  puis  un  grand  nombre  d'années, 
«  tout  caractère   ecclésiastique,   et 
«  qu'à  cet  égard  ma  profession  de  foi 
«  soit  ancienne  et  bien  connue,  qu'il 
«  me  soit  permis  de  profiter  de  la 
«  nouvelle  occasion  qui  se  présente 
«  pour  déclarer  encore,  et  cent  fois  s'il 
-  le  faut,  que  je  ne  reconnais  d'autre 
«  culte  que  celui  de  la  liberté  et  de 
a  l'égalité,  d'autre  religion  que  l'a- 
u  mourdel'humanitéet  de  lapatrie... 
«  Au  moment  où  ma  raison  se  déga- 
.  gea  saine  des  tristes  préjugés  dont 
«  on  l'avait  entourée,  l'énergie  de 
«  l'insurrection  entradans  mon  cœur. 
«  Depuis  ce  temps,  si  j'ai  été  retenu 
'  par  les  chaînes  sacerdotales,  c'est 
«  par  la  même  force  qui  comprimait 
«  les  hommes  libres  dans  les  chaînes 
.  royales...»  Après  une  profession  de 
principes  si  différents  de  ceux  qu'il 
avait  naguère  publiés,  l'abbé  Sieyès 
rappela  ses  travaux  patriotiques,  fit 
abandon  d'une  rente  viagère  de  mille 
francs  dont  il  jouissait  encore  comme 
ancien  bénéficier,  et  dit  que  depuis 
long-lemps  il  n'avait  plus  de  lettres 
de  prêtrise.  Ou  n'en  demanda  pas  da- 
vantage, et  il  en  fut  quitte  pour  la 
peur  qui,  seule,  sans  doute,  avait 
dicté  sa  déclaration,  et  qui  fut  tou- 
jours le  premier  mobile  de  sa  cou- 


SIK 


SIE 


221 


(liiitp.  11  n'avait  ni  les  opinions  ar- 
dentes et  généreuses  des  Girondins, 
ni  le  conrage  de'mocratique  de  Dan- 
ton et  des  Montagnards,  ni  resi)rit 
de  dictature  et  de  triumvirat  de  Ro- 
bespierre, de  Couihon  et  de  Saint- 
Just.  Il  vota  ne'anmoins  tontes  les  me- 
sures de  proscription  aussi  bien  pour 
les  uns  que  pour  les  autres  ;  et,  lors- 
que plus  tard  on  lui  demanda  ce  qu'il 
avait  fait  dans  ces  temps  de  terreur, 
il  répondit  froidement  :  J^aivécu,  pa- 
roles qui  expriment  à  la  fuis  l'égoïs- 
me  et  la  lâcheté.  Oui,  sans  doute,  il 
avait  vécu,  mais  en  s'associanl  à  tous 
les  crimes,  en  devenant  le  complice 
de  tous  les  excès.  Jamais  il  ne  parut 
à  la  tribune  pour  défendre  une  vic- 
time ou  arracher  une  tète  à  l'écha- 
faud  \  il  s'enfonça  dans  ce  qu'on  appe- 
lait le  marais,  c'est-à-dire  la  fraction 
muette  de  cette  Convention  qui  fut  un 
pouvoir  sanglant,  mais  énergique. 
On  remarquera  que  chaque  fois  qu'il 
apparaît  un  gouvernement  fort,  soit 
une  assemblée,  suit  un  consul  ou  un 
empereur,  tous  ces  hommes  à  théo- 
ries, tons  ces  faiseurs  de  projets  se 
taisent,  se  cachent  et  s'effacent  dans 
la  plus  profonde  obscurité.  Tel  fut 
Sieyès  à  la  Convention.  Il  se  tint  à 
l'écart  pendant  la  grande  lutte  du  9 
thermidor,  et  ce  n'est  même  que  long- 
temps après,  quand  il  put  parler  sans 
danger,  qu'il  attaqua  vivement  les 
partisans  de  Robespierre,  demanda 
le  rappel  des  Girundins  proscrits,  et 
entra  au  nouveau  comité  de  salut  pu- 
blic. Le  12  germinal  an  111  (i"  avril 
1795)  une  insurrection  populaire  con- 
tre laConvention  ayant  été  réprimée, 
Sieyès  prolita  de  cette  circonstance 
pour  fjire  rendre  son  décret  de  gran- 
de police,  qui  était  à  peu  de  chose 
près  la  loi  martiale  décrétée  par  l'As- 
semblée constituante.  11  établit  dans 
son  rapport  qu'une  assemblée  repré- 


sentative, privée  parviolencedeqnel- 
ques-uns  de  ses  membres,  cessait  d'ê- 
tre légale,  et  que  tous  ses  actes  étaient 
nuls.  Malheureu<cnicnt  il  oublia  plus 
tard  de  rester  lidèle  à  ce  principe.  En- 
fin il  demanda  que,  si  la  Convention 
nationale  était  encore  sérieusement 
menacée  par  l'émeute,  elle  pût  se  re- 
tirer non  pas  à  Orléans  ou  derrière 
la  Loire,  ni  dans  le  centre  du  pays, 
mais  à  Cliùlons-sur-Manie,  vers  la 
frontière  d'Allemagne.  Ce  ne  fut  pas 
seulement  la  peur  qui  lui  dicta  cette 
proposition;  il  y  avait  en  lui  une  ar- 
rière-pensée sur  laquelle  nous  revien- 
drons. Élu  président  lie  l'assemblée, 
Sieyès  n'accepta  pas  ces  fonctions,  et 
fut  envoyé  en  Hollande  avec  Rtwbell, 
pour  conclure  un  traité  entre  ce  pays 
et  la  France.  A  son  retour  il  parut 
diriger  la  diplomatie  de  cette  époque 
et  concourut  activement  aux  négocia- 
tions qui  amenèrent  les  traités  de 
Bâle  avec  la  Prusse  et  avec  l'Espagne. 
Appelé  au  comité  chargé  de  préparer 
la  constitution  de  l'an  111,  il  y  eut 
aussi  peu  d'influence  que  dans  celui 
de  l'Assemblée  constituante;  son  ya- 
ry  conslitutionnaire,  auquel  il  tenait 
beaucoup,  fut  rejeté,  et  il  cessa  de 
s'occuper  de  ce  grand  travail.  Les 
journaux  du  temps  l'accusèrent  d'a- 
voir été  l'nn  des  principaux  auteurs 
de  l'arrêt  de  mort,  envoyé  par  le  co- 
mité de  salut  public,  contre  les  émi- 
grés français  débarqués  à  Quiberon, 
et  qui  avaient  déposé  les  armes.  On 
a  dit  aussi  qu'au  1.3  vendémiaire  (i 
octobre  1795),  ce  fut  lui  qui,  du  pa- 
villon de  Flore  aux  Tuileries,  donna  le 
signal  du  combat  entre  les  troupes 
conventionnelles  et  les  sectionnaircs 
insurgés.  Quoi  qu'il  en  soit,  lors  de 
la  formation  du  Directoire,  il  en  fut 
nommé  membre;  mais  il  préféra  res- 
ter au  conseil  des  Cinq-Cents  où  il 
était  entré  par  la  voie  du  sort.  Ou 


222 


SIE 


SIE 


l'appela  aux  principaux  comités  et  il 
y  fut  chargé  des  travaux  les  plus  iin- 
portanls.  Le  12  avril  1797,  un  de 
ses  compatriotes  nommé  Poulie,  an- 
cien moine  augustin,  se  présenta  chez 
lui  pour  demander  un  léger  secours, 
et,  n'ayant  obtenu  qu'un  refus  très- 
dur,  fut  poussé  par  le  désespoir  à  lui 
tirer  un  coup  de  pistolet;  mais  les 
blessures  que  Sieyès  reçut  n'eurent 
pas  de  suites.  Lorsqu'il  vint  faire  sa 
déposition  devant  le  tribunal,  croyant 
que  lesjuges  étaient  favorablesàl'ac- 
cusé,ildit  en  rentrant  à  son  portier: 
«  Si  Poulie  revient,  vous  lui  direz 
»  que  je  n'y  suis  pas.  »  Cependant  le 
prévenu  fut  condamné  à  vingt  ans  de 
fers.  Le  nouveau  tiers  du  corps  lé- 
gislatif ayant  pris  séance  et  imprimé 
un  autre  mouvement  aux  affaires  pu- 
bliques, Sieyès  sembla  attendre  les 
événements  pour  régler  la  conduite 
qu'il  devait  tenir.  Après  le  trionrphe 
du  Directoire  au  18  fructidor  (4  sept. 
1797),  il  suivit  encore  le  parti  vain- 
queur, et  il  fut  chargé  avec  quatre 
autres  députés  de  rédiger  le  décret 
de  déportation  qui  frappa  cinquante- 
trois  de  ses  collègues.  Suivant  ses 
propres  principes,  c'était  dissoudre 
l'assemblée,  dont  il  continua  néan- 
moins de  faire  partie,  et  dont  il  fut 
même  le  président.  Sorti  de  ce  corps, 
il  y  fut  réélu  en  1798,  puis  bienlôten- 
voyécomme  ministre  plénipotentiaire 
à  Berlin.  On  se  rappelle  que  la  Con- 
vention avait  déclaré,  en  1795,  qu'elle 
se  retirerait  à  Châlons-sur-Marne,  si 
elle  était  menacée  par  l'émeute.  Cette 
désignation  d'une  ville  rapprochée 
de  la  frontière  avait  été  faite  par 
Sieyès,  et  couvrait  des  desseins  se- 
crets qu'il  est  essentiel  de  dévelop- 
per eu  remontant  au  commencement 
de  sa  carrière  diplomatique.  De- 
puis l'origine  du  mouvement  révolu- 
tionnaire, le  parti  des  philosophes. 


des  théoriciens  avait  repoussé  l'idée  de 
la  république.  Un  système  de  monar- 
chie représentative  lui  paraissait  la 
meilleure  solution  de  la  tempête  sou- 
levée en  1789.  Il  y  avait  haine  contre 
la  branche  aînée  de  la  maison  de 
Bourbon  ;  il  y  avait  un  parti  pour  le 
duc  d'Orléans,  celui-ci  considérable, 
puis  enfin  une  dernière  fraction  qui 
soutenait  qu'une  certaine  forme  mo- 
narchique devait  se  couronner  par 
le  choix  d'un  prince  étranger,  comme 
avaient  fait  les  États-Généraux  de 
Hollande  pour  la  maison  d'Orange, 
et  ce  partis'était  tourné  verslaPrusse 
et  le  choix  d'un  prince  de  la  maison 
de  Brunswick.  Cette  première  cir- 
constance ,  bien  arrêtée,  doit  expli- 
quer une  foule  d'événements  de  la 
révolution  française.  Lors  des  traités 
de  Bàle  avec  l'Espagne  et  la  Prusse; 
si  facilement  obtenus ,  on  faisait 
croire  à  Madrid  qu'on  placerait  un 
infant  à  la  tête  du  nouveau  gouver- 
nement; on  faisait  croire  à  Berlin 
que  ce  serait  un  prince  de  la  maison 
de  Brunswick.  Et  voilà  comment 
Sieyès  fut  désigné  pour  cette  légation; 
on  lui  avait  fait  une  réputation  de 
philosophe,  de  penseur,  d'esprit  cou- 
rageux et  résigné.  Le  sang-froid  qu'il 
avait  montré  lors  de  l'attentat  com- 
mis sur  lui  par  l'abj)é  Poulie  l'avait 
mis  en  grande  renommée.  Tant  d'im- 
passibilité, tant  de  grandeur  d'âme 
le  firent  partir  pour  Berlin  avec  le 
titre  d'ambassadeur  de  la  républi- 
que française.  Ici  il  faut  bien  définir 
la  situation  de  la  cour  de  Berlin  elles 
personnages  qui  vont  agir.  On  con- 
naissait l'abbé  Sieyès  en  Allemagne 
par  ses  négociations  pour  constituer 
la  république  batave;  il  n'avait  point 
été  éloigné  à  cette  époque  d'établir  sa 
théorie  d'un  stathouder  pris  parmi 
les  princes  étrangers  ,  et  ces  négo- 
ciations avaient  percé  jusqu'à  Berlin. 


SIE 

Le  roi   Frédéric-Guillaume,  dès  le 
commencement  de  son  règne,  avait 
montré  deux  tendances,  la  philoso- 
phie et  la  neutralité  ;  sous  l'influence 
du  parti  des  réfugiés  de  l'édit  de 
Nantes,  plus  tard  dominé  par  Ancil- 
lon ,  il   n'avait  aucune  répugnance 
pour  la  révolution  française;  il  avait 
traité  avec  ses  agents  en  Belgique. 
Les  républicains  eux-mêmes  parlaient 
de  la  Prusse  avec  considération  ;  eux 
et   les   réfugiés  s'entendaient   dans 
leurs  théories,  dans  leurs  doctrines. 
On  attendait  donc  l'abhé  Sieyès  à 
Berlin  pour  le  pressentir  et  l'entou- 
rer. H  faut  se  rappeler  que  c'était  le 
moment  de  la  grande  crise  ;  une  nou- 
velle coalition  se  formait  entre  la 
Russie,  la  Prusse  et  l'Angleterre.  Si  la 
Prusse    prenait    loyalement   part  à 
cette  coalition ,  c'en  était  fait  de  l'é- 
phén.ère  république  et  du  Directoire, 
qui  en  était  alors  la  tête.  A  cet  effet, 
le  prince  Repnin  était  arrivé  à  Ber- 
lin avec  le  comte  de  Cobentzl  pour 
l'Autriche,  et  lord  Elgin  pour  l'An- 
gleterre. Le  moment  était  décisif  : 
tout  dépendait  d'une  solution  de  la 
Prusse.  Et  c'est  dans  ces  circonstau' 
ce  que  l'abbé  Sieyès  arrivait  à  Ber- 
lin. Les  paroles  qu'il  adressa  au  roi, 
en  lui  remettant  ses  lettres  de  créan- 
ce, témoignent  de  son  ancienne  pré- 
dilection pour  ce  pays  :  "  Sire,  dit-il, 
«  j'ai  accepté  la  mission  qui  m'a  été 
«  confiée ,  parce  que  je  me  suis  con- 
»  siammentprononcédans  ma  patrie, 
«  et  au  milieu  de  toutes  les  fonctions 
«  auxquelles  j'ai   été  appelé,  en  fa- 
«  veur  du  système  qui  tend  à  unir 
«  p.ir  des  liens  intimes  les  intérêts 
«  de  la  Fnmceet  de  la  Prusse*, parce 
«  que  les  instructions  que  j'ai  reeues 

•  étant  conformes  à  mon  opinion  po- 
"  litique,   mon  ministère  doit  être 

•  franc,  loyal,  amical,  convenable  en 

•  tout  à  la  moralité  de  mon  carac- 


SIË 


223 


«  tère;  parce  que  ce  système  d'union, 
«  d'oùdépendent  la  bonne  position  de 
«  l'Europe  et  le  salut  peut-être  d'une 
«  partie  de  l'Allemagne,  eûtétécelui 
«do  Frédéric  M,  grand  parmi  les 
"  rois,  immortel  parmi  les  hommes; 
«  parce  que  ce  système,  enlin,  est 
«  digue  de  la  raison  judicieuse  et  des 
«  bonnes  intentions  qui  signalent 
«  le  commencement  de  votre  règne.» 
Pendant  son  séjour  à  Berlin,  qui  dura 
près  d'une  année ,  Sieyès  employa 
tour  à  tour  des  moyens  de  corrup- 
tion pour  les  hommes  et  pour 
les  idées.  L'austérité  républicaine 
ne  dédaignait  pas  ces  moyens  dans 
les  négociations  ;  nous  ne  parlons  pas 
des  corruptions  d'argent,  l'Angle- 
terre les  employait  égalen)ent ,  et 
c'était  au  plus  riche,  au  plus  géné- 
reux que  restait  l'avantage.  Mais  les 
corruptions  d'idées  sont  quelquefois 
plus  décisives,  et  voici  quelle  fut  la 
tactique  de  Sieyès.  Il  parla  avec  le 
plus  profond  mépris  de  la  constitu- 
tion de  l'an  111  et  du  Directoire  qu'il 
n'aimait  pas;  c'étaierit  des  gens  et 
des  formes  sans  avenir;  toute  la 
France  voulait  modifier  cet  ordre  de 
choses.  Sieyès,  qui  déjà  avait  une 
constitution  en  poche,  présentait  sa 
théorie  pbilusophifiue  à  l'école  phi- 
sophique  de  Berlin.  On  la  trouvait 
d'autant  plus  admirable  que  pour 
couronnement  de  l'édifice  il  propo- 
sait un  prince  de  la  maison  de  Bruns- 
wick comme  protecteur,  on  bien  avec 
un  titre  tel  (jue  celui  de  grand-élec- 
teur, et  qu'on  remarque  bien  ce  mot 
(jui  est  tout  germanique.  Il  est  cer- 
tain que  la  cour  de  Prusse  fut  très- 
frappée  de  cette  idée;  si  elle  n'osa 
se  prononcer  pour  l'alliance  offen- 
sive et  défensive  que  proposait  l'abbé 
Sieyès,  elle  garda  au  moins  la  neu- 
tralité, système  véritablemen  t  sans  vi- 
gueur, sans  côté  décisif,  et  qui  plaça 


224 


SIE 


la  Prusse  dans  la  situation  la  plus 
malheureuse.  A  Berlin,  tout  le  parti 
militaire,  tous  les  hommes  de  quel- 
que force  d'esprit  se  moquèrent  de 
Sieyès;  mais  le  parti  philosophique, 
celui  des  réfugiés  de  l'éditde  Nantes, 
le  considéra  comme  un  homme  très- 
sérieux,  en  lit  un  pompeux  éloge.  Il 
assistait  à  un  bal  donné  par  la  reine 
de  Prusse  quand  il  reçut  la  nouvelle 
de  sa  nomination  au  Directoire  exé- 
cutif en  remplacement  de  Rewbell, 
exclu  par  le  sort.  Le  roi  le  félicita 
publiquement  de  cette  promotion  et 
lui  Ut  présent  de  son  portrait  enrichi 
de  diamants.  Au  moment  de  quitter 
Berlin  ,  l'ambassadeur  eut  avec  ce 
monarque  un  long  entretien,  et  de 
grands  honneurs  lui  furent  rendus 
sur  sa  route.  Arrivé  à  Paris,  il   fut 
installé  solennellement  le  20  prairial 
an  VII  (8  juin  1799)  au  palais  direc- 
torial (le  Luxembourg),   d'où  il  vit 
presque   aussitôt   surlir   Treilhard, 
dont  la   nomination  fut  annulée  et 
que  Gohier  remplaça;  Merlin  et  La 
Révellière-Lépaux,  forcés  de  donner 
leur  démission  et  remplacés  par  Ro- 
ger-Ducos  et  Moulins.  Ainsi,  de  la 
première  composition  du  Directoire, 
en  1795,  auquel  Sieyès  avait  été  ap- 
pelé,mais  dont  il  rt'fusaalorsde  Idire 
partie,  il  ne  restait  plus  que  Barras. 
On  avait  cru  que,  s'il  n'était  pas  fa- 
yurable  aux  proscrits,  Sieyès  necher- 
cherait  pas  du  moins  à  aggraver  leur 
sort;  il  était  naturel  de  penser  que 
l'ancien  partisan   de  la  royauté  ne 
voudrait  point  paraître  aussi  publi- 
quement l'ennemi  de  ses  défenseurs. 
Mais  l'ancien  abbé  royaliste  éiait  de- 
venu régicide,  et  par  là  s'expliquent 
toutes  les  contradictions  de  sa  vie.  Le 
nouveau  directeur  se  n:ontra    fort 
acharné  à  la  poursuite  des  royalistes 
fruclidorisés^  et  ht  inscrire  encore 
d'autres  noms  sur  leur  liste.  Devenu 


SI  F: 

président  du  Directoire,  il  prononça 
en  cette  qualité  les  discours  commé- 
moratifsdu  14 juillet,  du  9  thermidor 
et  du  10  août.  11  dit  en  rappelant 
cette  dernière  journée:  «Je  voussalue 
"  au  nom  de  tous  les  Français,  jour  de 
«  justice  et  de  gloire,  que  les  desti- 
«  nées  de  la  France  avaient  marqué 
«  pour  asseoir  enfin  l'indépendance 
«  nationale  sur  la  chute  du  trône! 
«  ^u  10  aoîU  la  roy mité  fut  renversée 
«  en  France;  elle  ne  se  relèvera  ja- 
"  mais.  Citoyens,  tel  est  le  serment 
"  que  vous  gravâtes  sur  les  murs  de 
«  ce  palais  au  moment  même  où  vous 
a  en  chassiez  le  dernier  de  nos  ty- 
«  rans.  »  11  eut  aussi  à  célébrer  l'an- 
niversaire du  1 8  fructidor.  Prévoyant 
alors  quelquecatastrophe  prochaine, 
il  chercha,  soit  dans  son  discours 
officiel,  soit  dans  le  message  du  Di- 
rectoire au  corps  législatif,  et  dans 
l'adresse  aux  Français,  à  effrayer  le 
pays  du  retour  de  la  royauté,  et  n'y 
vit  que  sang  répandu,  que  vengean- 
ces exercées,  que  spoliations  ordon- 
nées de  toutes  parts.  Mais,  malgré  la 
formule  de  haine  à  la  royauté,  mal- 
gré la  protestation  d'un  dévouement 
sans  bornes  à  la  république,  Sieyès 
prenait  des  mesures  pour  donner  au 
gouvernement  une  nouvelle  forme. 
C'est  à  quoi  il  avait  travaillé  à  Ber- 
lin et  ce  dont  il  s'occupait  depuis 
son  arrivée  à  Paris.  D'un  seul  jet,  il 
a  apprécié  la  position  du  Directoire  ; 
il  y  a  long-temj^s  qu'il  le  méprise; 
mais,  dans  l'état  d'anarchie  où  le 
pays  est  plongé,  il  a  peur  de  toutes 
choses,  desjacobinset  des  royalistes, 
du  peuple  et  des  derniers  débris  de 
l'arisîocratie.  Ce  qu'il  lui  faut,  c'est 
la  France  qu'il  a  rêvée,  des  pouvoirs 
qui  s'annulent  entre  eux,  des  auto- 
rités qui  se  surveillent  et  s'absor- 
bent mutuellement;  un  pouvoir  qui 
ait  une  tête,  mais  une  tête  impuis- 


SIË 


SIE 


22o 


santé  \  des  bases,  mais  qui  ne  repo- 
sent sur  rien.  Il  est  une  remarque  à 
faire  dans  l'histoire  des  révolutions, 
c'est  que,  après  avoir  renversé  le 
pouvoir  monarchique,  elles  tendent 
toutes  à  le  reconstituer;  elles  ont 
honte  d'avouer  le  mot,  mais  il  leur 
faut  la  chose;  elles  prennent  mille 
biais  pour  y  arriver  sans  se  donner 
à  elles-mêmes  un  démenti  ;  et  c'était 
là  précisément  la  position  dans  la- 
quelle se  trouvait  Sieyès  ;  il  voulait 
la  monarchie  sans  roi.  Chez  lui,  la 
vanité  lutte  avec  la  pensée;  il  croit 
n'avoir  pas  été  suffisamment  honoré 
à  Berlin  pour  remettre  la  France  en- 
tre les  mains  d'un  sfathonder  de  la 
maison  de  Brunswick.  Alors  il  cher- 
che un  nouveau  chef  dans  les  armées 
françaises;  car,  suivant  son  expres- 
sion, il  lui  faut  une  épée,  mais  une 
épée  bien  sage;  il  lui  faut  un  géné- 
ral, mais  se  plaçant  sous  la  soutane 
de  l'abbé;  enfin  il  veut  pour  lui- 
même  uncanonicat,  c'est-à-dire  une 
position  douce,  avantageuse,  in- 
fluente, parce  que,  égoïste  profond, 
il  songe  avant  tout  à  son  intérêt  per- 
sonnel. Avec  un  instinct  assez  sûr 
des  nullités,  il  choisit  d'abord  Jou- 
bert,  jeune  guerrier  plein  de  bra- 
voure, sans  importance  politique,  et 
dont  il  se  servira  comme  d'un  in- 
strument docile;  mais  Joubert  est  tué 
à  la  balaille  de  Novi  (16  août  1799). 
Cependant  Bonaparte,  informé  de  la 
révolution  qui  se  prépare  en  France 
et  comptant  bien  en  recueillir  les 
fruits,  quitte  l'Egypte  et  débarque 
inopinément  à  Fréjus.  On  prétend 
qu'en  apprenant  cette  nouvelle , 
Sieyès  ne  put  s'empêcher  de  s'écrier  : 
La  pairie  est  sauvée!  Mais  la  saga- 
cité de  l'abbé  est  ici  en  défaut , 
s'il  espère  dominer  le  général  et  di- 
riger son  épée.  Dès  son  arrivée  à  Pa- 
ris, Bonaparte  a  jugé  la  position.  Se 

LXXXII. 


placera-t-il  au  sein  du  Directoire, 
dont  il  concentrera  toute  l'autorité 
dans  sa  personne  ?  11  en  a  eu  d'abord 
quelque  velléité  ;  mais  on  lui  objecte 
qu'il  n'a  pas  l'âge  de  40  ans  exigé 
par  la  constitution,  et  il  se  décide  à 
la  briser.  D'ailleurs  le  Directoire  est 
usé;  la  constitution  de  l'an  III  a  fait 
son  temps,  il  ne  peut  plus  en  être 
question;  il  faut  donc  un  système 
nouveau,  un  ordre  de  choses  qui  pré- 
sente de  l'avenir.  Pour  atteindre  ce 
but,  il  a  déjà  rallié  autour  de  lui  les 
chefs  militaires;  il  s'est  assuré  la  coo- 
pération de  Talleyrand,  Fouché,  Rœ- 
derer,  Berlier  ,  Regnaud  de  Saint- 
Jean- d'Angely  et  des  principaux 
membres  des  deux  conseils.  Dans  le 
Directoire,  Barras,  Moulins  etGohier 
se  défient  de  lui  ;  il  peut  compter  sur 
Roger-Ducos.  Quant  à  Sieyès,  Bona- 
parte le  méprise,  le  traite  d'fdéofog'ue 
et  lui  témoigne  même  publiquement 
son  dédain;  une  rupture  entre  eux  est 
imminente,  mais  on  fait  comprendre 
au  général  que  le  concours  de  Sieyès 
est  nécessaire.  Alors  il  se  rapproche 
de  l'abbé,  caresse  ses  radotages,  lui 
parle  de  constitution,  de  l'omnipoten- 
ce du  pouvoir  civil  ;  l'un  et  l'autre 
conviennent  d'agir  de  concert,  et 
c'est  avec  ces  éléments  que  Bona- 
parte prépare  le  18  brumaire.  Au  mo- 
ment de  l'exécution,  Sieyès,  toujours 
prudent,  quitta  avec  Roger-Ducos  le 
Luxembourg,  où  il  laissa  ses  trois 
autres  collègues;  et  pendant  la  lutte 
qui  précéda,  àSaint-Cloud,  la  disso- 
lution des  deux  conseils,  il  resta  dans 
sa  voiture  à  la  porte  du  palais,  at- 
tendant l'événement  et  prêt  à  partir  si 
le  coup  d'État  ne  réussissait  pas;  mais 
la  victoire  étanl  demeurée  aux  con- 
jurés, le  Directoire  fut  remplacé  par 
trois  consuls  provisoires:  Bonaparte, 
Sieyès  et  Roger-Ducos.  L'abbé  eut 
alors  l'incroyable  bonhomie  de  s'i- 
15 


22G 


SIE 


inaginer  qu'il  allait  marcher  l'égal 
(Ip  Bonaparte,  ef  qu'il  aurait  au  civil 
la  puissance  qui  était  dévolue  à  sou 
collègue  sur  le  militaire;  mais  le  rusé 
clianoiue  fui,  dans  cette  circonstance, 
complètement    dupe    du     général. 
Quand  la  commission  consulaire  vint 
s'installer  au  Luxembourg  ;  «Qui  de 
«  nous  présidera?»  demanda  Sieyès. — 
«  Vous  voyez  bien  ,  répondit  mali- 
«  gnement  Roger-Ducos,  que  c'est  le 
«  général  qui  préside.»  On  rapporte 
que  Sieyès  dit  alors  à  ses  amis  :  «  Main- 
ci  tenant  vous  avez  un  iriaître.  il  sait 
"  tout,  il  peut  tout,  il  fait  tout.  »  Ce- 
pendant, lorsqu'il  fut  question  d'éla- 
borer la  nouvelle  constitution  au  sein 
des  commissions  intermédiaires  des 
deux  conseils,  Sieyès  se  fl;itta  de  faire 
prévaloir  ses  idées;  mais  il  n'avait 
pas  encore  bien  compris  le  caractère 
de  Bonaparte.  Ce  n'est  pas  un  soldat 
sans  intelligence,  sans  esprit  de  gou- 
vernement ,  comme  Joubert,  Jour- 
dan,  Augereau  et  tant  d'autres  géné- 
raux de  la  république.  Bonaparte  est 
plus  que  cela  :  c'est  une  tête  des  plus 
positives,  un  hommequi, envisageant 
les  cboses    de  haut,  veut  en    finir 
avec  la  révolution  en  se  servant  de 
ses  instruments  mêmes,  il  connaît  le 
caractère  lâche  et  fatigué  de  la  plu- 
part de  ces  réfonii.iteurs;  il  sait  que 
si  Louis  X'VI  s'est  laissé  détrôner  par 
ces  parleurs  , de  tribune ,  c'est  qu'il 
n'avait  ni  le  courage  d'oser  ni  la  fer- 
meté indispensable  pour  gouverner 
un    peuple.  Il  existe  un  travail  de 
Berlier  qui  cunlieiit  des  révélations 
assez  curieuses  sur   cette  dernière 
lutte  de  l'esprit  métaphysique  et  par- 
leur de  l'abbé  Sieyès  avec  le  carac- 
tère décisif  et  gouvernemental  de 
Bonaparte.  L'abbé  Sieyès  avait  pré- 
senté  sa  couslilution   favorite,   le 
non-sens  le  plus  bizarre,  le  plus  vide 
qui  pût  exister  (bien  entendu  que  ce 


SIE 

non-sens  excite  l'admiration  de  Ber- 
lier)  Le  principe  générateur  de  celte 
constitution    était  que   tout   devait 
émaner  de  la  nation,  mais  émaner  de 
telle  sorte  que  le  choix  dos  fonction- 
naires ne  fût  pas  le  résultat  de  l'é- 
lection. Son  plan  consistait  à  absor- 
ber (terme  convenu)  tous  les  pou- 
voirs les  uns  par  les  autres.  On  y 
voyait    figurer    un  grand-électeur, 
c'est-à-dire  un  roi  qui  n'était  pas  roi, 
richement  logé  dans  le  château  de 
Versailles,  avec  une  liste  civile  de 
cinq  millions,  et  dont  l'unique  fonc- 
tion était  de  nommer  \c  pouvoir  exé- 
cutif composé  de  deux  consuls,  l'un 
pour  l'extérieur,  l'autre  pour  l'inté- 
rieur, assistés  chacun  d'un  conseil 
d'État  et  de  ministres;  une  assem- 
blée immobile  qui,  sous  le  nom  de 
collège  des  conservateurs,  veillait  au 
maintien  de  la  constitution  et  pa- 
raissait principalement  instituée  pour 
absorber  et  oslraciser  dans  son  sein 
tout  citoyen  qui   portait  ombrage; 
deux  autres  assemblées  ,  nommées 
par  le  collège,  la  première  muette 
{le  jury  législatif),  la  seconde  ba- 
varde {le  tribunal)^  qui  venait  dis- 
cuter devant  celle  là  ;  des  listes  com- 
munales et  départementales  ,    dans 
lesquelles  on  choisissait  les  fonction- 
naires publics.   Nous   passons  sous 
silence  une  foule  de  rouages  ,   de. 
conire- poids  destinés  à  tenir    eu 
équilibre    un   système    si    confus. 
Nous  ne  connaissons   rien  de   plus 
bizarrement   compliqué  que   le  ta- 
bleau   synoptique  de    celte   consti- 
tution qui  a  été  publié  par  l'histo- 
rien  secrétaire    de   l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiiiues.  Tout 
est  réglé  comme  une  table  mathéma- 
tique, avec  des  ronds,  des  étoiles, 
des  lettres.  La  distinction  des  pou- 
voirs est  indiquée  par  des  signes  ca- 
balistiques; et  c'est  avec  celte  régu- 


SIE 

larité  minutieuse  que  Sioyès  voulait 
re'gir  un  peuple ,  sans  égard  à  ses 
mœurs  antiques,  à  ses  besoins  de 
chaque  jour  !  Ces  Lycurgues  préten- 
daient façonner  une  société  comme 
si  elle  existait  d'hier  et  qu'elle  dût 
adopter  bénévolement  leurs  idées 
creuses.  Bonaparte  vit  d'un  coup 
d'œil  l'incohérence  et  la  bizarrerie 
de  celte  constitution  ;  il  eut  à  ce  su- 
jet plusieurs  conférences  avec  Sieyès, 
Talleyrand  et  les  sections  des  com- 
missions législatives.  Dans  une  lon- 
gue entrevue  entre  Sieyès  et  le  gé- 
néral, il  s'éleva  une  dispute  Irès-vive 
relativement  surtout  à  la  base  de 
cette  constitution:  le  grand-élec- 
teur, qui  devait  résider  à  Versailles. 
Bonaparte  avait  réfléchi  sur  les  attri- 
butions de  cette  autorité.  Que  vou- 
lait Sieyès?  Était-ce  pour  lui-même 
qu'il  réservait  ce  grand  canonicat 
dans  le  palais  de  Louis  XIV?  Alors 
c'était  le  comble  du  ridicule.  Sieyès, 
sorte  de  roi  fainéant!  La  France,  en 
être  réduite  là!  C'était  trop  fort. 
Etait-ce  pour  lui,  Bonaparte,  qu'on 
réservait  ce  rôle?  Ici  le  consul  exa- 
mina et  la  position  et  lui-même  5  lui, 
Bonaparte,  annulé,  sans  action  sur  le 
gouvernement ,  cela  ne  pouvait  lui 
convenir.  Ce  rôle  était  stupide;  et 
c'était  pour  le  compromettre  qu'on  le 
lui  offrait.  La  dispute  devint  très-ani- 
me'e  ,  et  comme  Bonaparte  avait  tou- 
jours l'expression  viveet  pittoresque, 
il  s'écria:  «  Citoyen  Sieyès,  que  vou- 
«  lez-vous  que  l'on  fasse  de  ce  cochon 
«  à  l'engrais  dans  le  château  royal 
«de  Versailles?»  ils  se  séparèrent 
donc  très-mécontents  l'un  de  l'au- 
tre, mais  des  amis  communs  inter- 
vinrent et  l'on  chercha  à  s'entendre. 
Bonaparte  avait  besoin  de  l'abbé 
Sieyès  encore  quelques  jours,  alin  de 
ne  pas  mettre  immédiatement  contre 
lui  ce  qu'on  appelait  le  parti  de  89j 


SIE 


22T 


en  général,  le  rôle  de  l'épée  ne  com- 
mence que  lorsqu'il  y  a  un  principe 
de  droit  civil  et  de  légitimité  légale. 
La  différence  qui  séparait  Bonaparte 
de  Sieyès  était  celle-ci  :  le  général 
voulait  un  gouvernement  qui  eût  de 
l'action,  de  la  vie,  de  la  prépondé- 
rance. Sieyès  voulait,  au  contraire, 
un  pouvoir  qui  s'absorbât  en  lui- 
même,  de  manière  à  ce  que  sa  force 
vînt  précisément  de  son  inertie;  la 
constitution  telle  queBonaparte  l'en- 
tendait résultait  d'un  caractère  de 
courage;  la  constitution  de  Sieyès 
était  le  résultat  de  !a  peur,  qui  fut 
toujours  le  caractère  dominant  de  sa 
vie.  Au  reste,  après  avoir  subi  de 
graves  modifications,  le  système  de 
Sieyès  servit  de  base  à  la  constitu- 
tion de  l'an  VIII  (22  frim. ,  déc.  1799), 
et  l'on  y  retrouve  presque  les  mêmes 
expressions.  Ainsi, il  y  eut  des  listes 
communales  et  départementales,  un 
sénat  conservateur,  un  corps  légis- 
latif, un  tribunal,  un  conseil  d'État. 
Ces  divers  pouvoirs,  comme  le  vou- 
lait Sieyès,  s'entravaient  réciproque- 
ment dans  leur  marche,  et  cela  ne 
déplaisait  pas  à  Bonaparte,  qui  se  ré- 
servait l'omnipotence  pour  lui  seul. 
Aussi,  au  grand -électeur  oisif  et  aux 
deux  consuls  égaux  on  substitua  un 
premier  consul ,  chef  suprême  et 
réel  de  l'État,  qui  fut  Bonaparte,  au- 
quel on  adjoignit,  pour  ménager  un 
peu  les  formes  républicaines,  un  se- 
cond et  un  troisième  consul  (Camba- 
cérès  et  Lebrun),  mais  n'ayant  que 
voix  consultative.  Sieyès  et  Roger-Du- 
cos  cessèrent  leurs  fonctions  de  con- 
suls provisoires  et  entrèrent  au  sénat. 
Plus  l'abbé  avait  été  blessé  dans  l'or- 
gueil de  ses  idées,  plus  Bonaparte 
voulut  le  satisfaire  dans  la  partie  de 
ses  intérêts;  Sieyès  y  était  fort  sensi- 
ble ;  c'était  sa  préoccupation  depuis 
sa  jeunesse.  Ici  se  présente  une  ques- 

15. 


2?8 


SI£ 


tien  plutôt  de  vie  privj^e  que  de  car- 
rière publique,  à  savoir  si  la  caisse 
secrète  du  Directoire  fut  partagée 
entre  Sieyès  et  Roger-Ducos,  à  titre 
de  gratification  que  leur  fit  Bona- 
parte. Les  mémoires  du  premier  con- 
sul l'affirment,  c'est  raconté  par- 
tout^ cependant  on  attache  un  grand    hommes  comme  les  institutions  n'é- 


SIE 

une  certaine  puissance  pour  la  con- 
fection des  premières  listes  sénato- 
riales. Sur  ces  choses-là,  le  consul  se 
montrait  généralement  facile,  et  l'on 
s'explique  très-bien  cette  sorte  d'a- 
bandon dans  le  choix  des  noms  pro- 
pres. Sous  sa  main,  il  savait  que  les 


prix  à  le  démentir,  et  notre  impar 
tialité  nous  oblige  de  dire  que  nous 
avons  sous  les  yeux  des  pièces  qui 
prouvent  en  effet  que  l'argent  de  la 
caisse  du  Directoire  fut  déposé  dans 
celle  de  la  trésorerie;  mais  dans  ces 


talent  rien.  Ce  sénat  que  Sieyès  avait 
voulu  faire  si  considérable,  si  absor- 
bant, Bonaparte  vit  bien  qu'il  ne  se- 
rait rien  tant  que  lui-même  res- 
terait heureux  et  puissant,  et  que, 
grâce  à  son  épée,  Dieu  aidant,  ce 


temps  d'arbitraire  et  de  volonté  ab-    sénat  deviendrait  un  auxiliaire,  un 


solue,  nous  sommes  convaincu  que,  si 
Bonaparte  eut  réellement  l'intention 
de  récompenser  l'abbé  Sieyès  et  son 
collègue,  il  put  le  faire  librement, 
parce  que  la  trésorerie  était  à  sa  dis- 
position et  qu'un  simple  ordre  du 
consul  dut  suffire  pour  lever  tous  les 
scrupules.  H  fit  donner  ensuite  à 
Sieyès,  au  nom  de  la  nation,  la  belle 
terre  de  Crosne,  comme  un  témoi- 


instrument  de  sa  puissance,  une  aris- 
tocratie abaissée  sous  sa  main.  Il  lais- 
sa donc  Sieyès  agir  avec  liberté  dans 
la  confection  de  ces  listes  5  celui-pi  y 
plaça  tous  les  hommes  fatigués,  vieux 
généraux  ,  vieux  conventionnels  , 
quelques  noms  d'aristocratie  ralliée 
au  système  de  1789,  de  sorte  que  ce 
sénat  devint  l'expression  réelle  de 
ce  que  sera  toujours  le  parti  révolu- 


gnage  de  la  reconnaissance  publique;    tionnaire,  lorsqu'il  y  aura  pour  le 


mais  quelques  difficultés  s'étant  pré 
sentées,  celui-ci  n'en  prit  pas  pos- 
session, et  fut  dédommagé  par  des 
dotations  d'une  valeur  encore  plus 
considérable.  Au  demeurant,  par  le 
18  brumaire,  Sieyès  fut  entièrement 
annulé  \  il  le  fut  en  tant  que  pouvoir. 


comprimer  une  volonté  ferme,  un  es- 
prit de  génie  et  de  grandeur,  c'est-  à- 
dire  que  le  sénat  offrit  la  réunion  de 
quelques  esprits  d'affaires  à  côté  des 
passions  les  plus  amorties,  des  inté- 
rêts les  plus  sordides.  On  eut  une 
commission  pour  la  liberté  indivi- 


puisque,  membre  du  Directoire  et  de  duelle  lorsque  la  France  se  couvrait 
la  commission  consulaire,  il  cessa  de 
l'être;  il  le  fut  au  moral,  parce  qu'on 
vit  bien  qu'il  s'était  laissé  jouer,  do- 
miner par  le  génie  du  consul,  et  que 
tout  homme  joué  est  ridicule;  il  le 
fut  enfin  parce  que,  à  côté  du  rôle 
qu'il  avait  rempli,  il  eut  sa  récom- 
pense ;  on  le  vit  là  servir  le  grossier 
instinct  de  ses  intérêts  ;  il  n'y  eut  ni 
désintéressement  ni  grandeur.  Tou- 
tefois Bonaparte, qui  voulait  encore 
ménager  les  hommes  de  89  pour  les 
balayer  ensuite,  donna  à  l'abbé  Sieyès 


de  prisons  d'Etat;  une  commission 
pour  lalibertéde  la  presse  lorsqu'une 
police  tracassière  faisait  cartonner 
les  livres  et  mettre  au  pilon  une  édi- 
tion entière.  Ce  sénat  conservateur, 
qui  n'avait  pas  su  conserver  la  con- 
stitution et  qui  avait  transformé 
l'ombre  au  moins  d'une  république 
en  empire,  ce  sénat,  plus  abaissé  que 
celui  de  Tibère,  volait  par  acclama- 
lion  des  levées  de  conscrits,  des  té- 
moignages d'adoration  pour  Auguste, 
César,  et  l'encens  brûlait  incessam- 


SIE 

ment  aux  genoux  du  consul  devenu 
empereur.  Sieyès  prit  part  à  toutes 
ces  mesures,  à  toutes  ces  adulations 
se'natoriales,  et  Bonaparte  lui  témoi- 
gna publiquement  beaucoup  d'e'- 
gards.  Toutefois  dans  le  sein  de  ce 
corps  scrvile  se  formait,  mais  bien 
silencieuse,  une  toute  petite  opposi- 
tion; quelques  re'publicains,  quel- 
ques régicides  qui  avaient  accepté  le 
titre  de  comte  et  qui  s'étaient  accom- 
modés parfaitement  des  dotations  im- 
périales, le  comte  Lambrechts,  le 
comte  Grégoire,  le  coinle  Roger-Du- 
cos,  le  comte  Sieyès,  rêvaient,  nous 
ne  disons  pas  le  renversement,  mais 
•  l'espérance  de  graves  embarras  dans 
lé  système  impérial.  Tant  que  l'em- 
pereur fut  puissant  et  qu'il  eut  l'Eu- 
rope à  ses  pieds,  celte  opposition 
toule  prétentieuse  se  courba  sous  la 
toge  sénatoriale.  Mais  quand  de  nou- 
veaux mécontentements  se  manifes- 
tèrent, Sieyès,  se  plaçant  derrière 
Talleyrand ,  vit  le  commencement 
de  la  fin.  11  est  important  de  bien 
faire  connaître  le  concours  du  parti 
républicain,  vaincu  au  18  brumaire, 
dans  le  renversement  de  l'empire  et 
la  chute  de  Napoléon  en  1814.  Dans 
cette  circonstance  les  mauvais  in- 
stincts de  Sieyès  et  du  parti  républi- 
cain furent  admirablement  mis  en 
œuvre  par  Talleyrand  au  profit  de  la 
maison  de  Bourbon.  Lorsque  les  al- 
liés s'approchaient  de  Paris,  à  l'épo- 
que de  la  première  invasion,  trois 
partis  s'étaient  formés  parmi  les 
hommes  politiques.  Le  premier,  diri- 
gé par  Talleyrand,  trouvait  qu'il 
n'y  avait  possibilité  d'ordre  euro- 
péen qu'avec  le  rétablissement  de 
la  maison  de  Bourbon  ;  le  second,  que 
dirigeait  de  loin  Fouché,  était  pour  la 
régence  de  Marie-Louise  ;  le  troisiè- 
me enfin,  fidèle  à  ses  convictions  im- 
périales, plaçait  dans  Napoléon  toute 


SIE 


229 


sa  confiance.  Talleyrand,  voulant 
assurer  le  triomphe  de  son  idée,  vit 
bien  qu'il  fallait  faire  jouer  les  vieux 
sentiments  républicains  contre  Bo- 
naparte, s'emparer  de  la  béatitude 
de  Sieyès,  des  opinions  enfantines  et 
cruelles  de  l'abbé  Grégoire,  de  la 
médiocrité  de  Lambrechts  ,  et  arri- 
ver par  ce  moyen  à  la  destruction 
complète  du  parti  impérialiste.  On 
n'a  jamais  peut-être  lu  attenti- 
vement l'acte  de  déchéance  que 
le  sénat  prononça  contre  Napoléon. 
C'est,  selon  nous,  l'œuvre  la  plus 
niaise  de  toute  l'école  historique  con- 
temporaine ;  ce  fut  l'œuvre  combinée 
de  Grégoire,  de  Sieyès,  de  Rogcr-Du- 
cos  et  de  Lambrechts  qui  la  rédigea; 
en  un  mot,  de  tout  le  parti  vaincu  au 
18  brumaire  et  qui  faisait  S9  réaction. 
N'était-il  pas  profondément  risible 
de  voir  le  sénat,  muet  pendant  li  ans, 
déclarer  aux  jours  des  malheurs  de 
l'empereur  que  celui-ci  avait  violé  la 
constitution?  Pourquoi  ne  l'avoir  pas 
dit  quand  Bonaparte  saisissait  leglai- 
ve  et  prenait  la  couronne?  Pourquoi 
ce  réveil  quand  les  alliés  étaient  dans 
la  capitale?  C'était  un  acte  odieux; 
et  le  coup  d'habileté  de  Talleyrand, 
la  plus  grande  simplesse  du  parti 
républicain,  ce  fut  de  faire  parler 
Louis  XVIII,  ou,  comme  on  le  disait 
alors,  Louis- Stanislas-Xavier  de 
France,  par  Sieyès  et  ses  amis.  Il  fal- 
lait que  ces  gens -là  eussent  une 
bien  petite  portée  d'esprit  pour  s'ima- 
giner que  les  Bourbons  restaurés 
allaient  conserver  le  sénat  avec  ses 
prérogatives  et  ses  privilèges.  Sans 
doute  la  question  aurait  pu  être 
ainsi  posée,  si  le  sénat,  à  cette  épo- 
que, avait  été  une  autorité  popu- 
laire; mais  son  rôle  sous  l'empire 
l'avait  complètement  déshonoré.  Ja- 
mais on  ne  l'avait  vu  agir  que  pour 
la  levée  des  conscrits  ou  bien  la  sup- 


no 


SIE 


pression  de  quelques  libertés  publi- 
ques. Ce  qui  acheva  de  flétrir  le  sé- 
nat, ce  fut  l'insertion  dans  sa  nou- 
velle constitution  d'un  article  por- 
tant que  le  traitement  des  sénateurs 
serait  conservé  ainsi  que  la  dotation, 
condition  assez  bizarre  inscrite  dans 
un  acte  qu'on  disait  tout  populaire, 
Nous  croyons  que  l'abbé  Sieyès  ne 
fut  pas  le  dernier  à  faire  insérer 
cette  clause  5  sa  nature  intéressée 
l'y  portait,  et  on  lut  sa  signature  au 
bas  de  l'acte  constitutionnel  du  6 
avril  qui  rappelait  les  Bourbons. 
Alors  ses  craintes  étaient  dissipées^ 
mais  au  fort  de  la  crise,  quand  le  sé- 
nat décrétait  la  formation  d'un  gou- 
vernement provisoire  et  la  déchéance 
de  Napoléon,  Sieyès,  fidèle  aux  habi- 
tudes de  toute  sa  vie,  n'assista  point 
aux  séances  et  envoya  seulement  son 
adhésion  le  4  avril ,  motivant  son 
absence  et  son  retard  sur  une  indis- 
position. La  constitution  sénatoriale 
fut  mise  de  côté  par  Louis  XVIII 
dans  les  conférences  et  la  déclaration 
de  Saint-Ouen.  La  Charte  en  em- 
prunta bien  quelques  articles,  mais 
elle  s'en  sépara  dans  tout  le  reste. 
Elle  institua  la  Chambre  des  députés  ; 
puis  elle  créa  la  Chambre  des  pairs, 
où  aucun  régicide  ne  fut  compris. 
L'abbé  Sieyès  rentra  ainsi  dans  la 
vie  privée  ;  néanmoins  la  clause 
principale  qu'il  avait  désirée  fut 
exactement  tenue  ;  Talleyrand  avait 
fait  assurer  par  le  roi  que  la  dota- 
tion sénatoriale  serait  conservée. 
L'abbé  Sieyès  continua  donc  de  re- 
cevoir ses  40,000  fr.  du  trésor  com- 
me par  le  passé.  On  le  vit,  d'ailleurs, 
fort  content  de  cette  première  Res- 
tauration ;  il  était  très-fatigué  de 
secousses  et  de  violences;  s'il  prit 
part  à  quelque  trame  contre  la  mai  - 
son  de  Bourbon,  ce  fut  à  cette  sorte 
de  conspiration  morale  qui  prépara 


m 

un  nouvel  ordre  de  choses,  et  dans 
laquelle  on  pouvait  compter  Fouché, 
Rœderer,  Roger -Ducos,  Quinette, 
qui  ayant  appartenu  corpset  âme  à  la 
révolution,  s'étant  enrichis  par  elle, 
craignaient  toujours  que  la  maison  de 
Bourbon  ne  prît  quelques  mesures 
énergiques.  Jamais  les  révolution- 
naires n'auraient  été  tranquilles;  ils 
se  sentaient  vaincus;  un  grand  nom- 
bre d'entre  eux  étaient  acquéreurs  de 
biens  nationaux  ;  ils  possédaient  des 
fortunes  considérables  ;  le  drapeau 
blanc  et  les  trois  fleurs  de  lis  leur 
faisaient  peur;  c'était  une  menaœ 
continue;  c'est  par  un  tel  état  de 
choses  qui,  grâce  à  Dieu,  n'est  plus; 
c'est  par  cette  conséquence  du  régi- 
cide et  de  tous  les  autres  crimes  de 
la  révolution  que  le  rétablissement 
de  la  monarchie  fut  long-temps  re- 
tardé. Aussi,  Sieyès  dut  voir  dans 
les  Cent-Jours  de  1815  une  ancre  de 
salut,  et  il  s'y  rattacha  parce  que  c'é- 
tait la  fusion  des  révolutionnairesavec 
les  hommes  de  l'empire.  On  recom- 
mençait le  champ-de-mai,  les  consti- 
tutions, les  actes  additionnels,  toutes 
ces  niaiseries  qui  allaient  parfaite- 
ment aux  desseins  de  ceux  qui  trom- 
paient le  peuple  à  leur  profit.  Cepen- 
dant ces  hommes  qui  disaient  tant  de 
mal  de  la  Restauration  en  adop- 
taient tous  les  symboles,  notam- 
ment la  pairie;  car  les  gens  qui 
parlent  le  plus  contre  les  privilè- 
ges aristocratiques  sont  ordinaire- 
ment ceux  qui  les  recherchent  da- 
vantage. Pendant  les  Cent-Jours  on 
fut  très-honoré,  même  parmi  les  ré- 
gicides, d'être  pair  de  France.  Le 
comte  Sieyès  se  laissa  donc  conférer 
la  pairie;  mais,  peu  confiant  dans  les 
nouvelles  institutions,  il  ne  signa 
pus  l'acte  additionnel  et  il  évita  de 
paraître  au  champ-de-mai  et  à  l'ou- 
verture des  Chambres.  Quand  les 


SIE 

alliés  s'approchèrent  de  Paris  et  qu'il 
fallut  compter  avec  les  impérialistes 
ellesjacobins,  il  s'effaça  tant  qu'il  put 
et  ne  (it  partie  ni  de  la  commission 
de  gouvernement,  ni  de  ces  commis- 
sions chargées  de  traiter  avec  les  al- 
liés. C'est  qu'alors  il  avait  peur,  les 
événements  marchaient  si  vite  !  Les 
Bourbons  étant  restaurés  une  se- 
conde fois,  les  Chambres  rendirent, 
maigre  Louis  XVIII  et  ses  ministres, 
une  loi  de  bannissement  contre  les 
régicides  qui  av;iient  accepté,  des 
fondions  sons  Bonaparte  (12  janvier 
1816).  Sieyès,  compris  dans  cette  ca- 
tégori'',  n'avait  pas  attendu  l'exécu- 
tion de  la  mesure;  dès  la  fin  de  1815 
il  s'était  retiré  à  Bruxelles.  On  n'a 
jamais  écrit  l'histoire  de  cci!  exil  des 
réfugiés  en  Belgique  ,  la  plus  cu- 
rieuse, parce  qu'elle  fait  vraiment 
connaître  l'esprit  révolutionnaire. 
On  s'imagine  sans  doute  que  les  ré- 
fugiés songeaient  à  la  nationalité  de 
leur  pays,  à  la  grandeur  du  patrio- 
tisme; non,  rien  de  tout  cela. Bruxel- 
les devint  le  foyer  de  nombreu- 
ses intrigues ,  à  la  tête  desquelles 
se  trouvait  l'avocat  Teste,  celui-là 
même  que  nous  avons  vu  ministre, 
puis  si  étrangement  compromis  dans 
une  affaire  de  corruption.  De  ce  cen- 
tre partaient  une  foule  de  mémoires, 
non  pas  adressés  au  parti  libéral  en 
France,  ce  qui  était  permis,  parce 
que  la  conspiration  fût  reslée  fran- 
çaise, mais  spécialement  destinés  aux 
cours  étrangères,  à  la  Russie,  à  la 
Suisse.  La  conspiration  tendait  à 
mettre  un  prince  d'Orange  sur  le 
trône  de  France  en  1817  et  1818, 
comme  Sieyès  avait  voulu  mettre  un 
prince  de  Brunswick  en  1794  et  en 
1798.  Quand  on  ira  au  fond  du  cœur 
de  tous  ces  agitateurs,  on  trou- 
vera les  sentiments  intéressés  qui  les 
dominent ,  et  avec  cela  une  prédi- 


SIE 


231 


lection  particulière  pour  l'étranger; 
pourvu  qu'on  ne  leur  parle  p;is  des 
Bourbons,  ils  accepteraient  la  botte 
d'un  prince  allemand,  moyennant 
une  constitution  rédigée  à  la  façon 
métaphysique  de  l'abbé  Sieyès.  Cette 
colonie  révolutionnaire  rentra  pour- 
tant successivement  en  France,  tou- 
jours conduite  et  dirigée  par  M.  Teste, 
et  c'est  ce  passé  qui  fit  sa  fortune 
après  la  révolution  de  1830.  Sieyès 
revint  seulement  à  cette  époque; 
mais  alors  ce  qui  lui  restait  de  fa- 
cultés intellectuelles  s'était  évanoui 
à  ce  point  qu'il  n'avait  plus  d'idées 
ni  de  souvenirs.  Jamais  il  n'avait 
brillé  ni  par  l'esprit  ni  par  la  parole; 
sa  force  principale  consistait  dans  le 
pédantisme  de  ses  phrases ,  et  lors- 
que l'esprit  s'affaiblit  avec  le  corps, 
il  ne  demeura  plus  en  lui  que  ce  sen- 
timent de  béatitude  niaise  qui  se 
reflétait  tant  sur  sa  physionomie. 
Il  végéta  donc  plus  qu'il  ne  vécut 
depuis  1830  jusqu'à  sa  mort  arrivée 
à  Paris  le  20  juui  1836.  Il  était  âgé 
de  88  ans.  Dès  la  création  de  l'Insti- 
tut, en  1795,  il  avait  fait  partie  de  la 
classe  des  sciences  morales  et  poli- 
tiques, et  en  1804,  lorsqu'elle  fut 
supprimée ,  il  passa  à  l'Académie 
française,  dont  il  fut  exclu  en  1816. 
Enfin,  l'Académie  des  sciences  mo- 
rales ayant  été  rétablie  en  1832,  il  y 
rentra  de  nouveau.  Le  secrétaire  per- 
pétuel de  cette  compagnie  prononça 
l'éloge  funèbre  de  Sieyès,  et  l'appela 
un  génie  puissant  et  de  premier  or- 
dre. Moins  enlhousiaste,  voici  le  ju- 
gement qu'on  pourrait  porter  sur 
cet  homme.  C'était  un  de  ces  remar- 
quables abbés  de  l'ancien  régime, 
ayant  beaucoup  lu  et  étudié.  Quel- 
que pratique  des  affaires  lui  avait 
donné  la  connaissance  des  faits  et 
des  événements,  et  en  1789  il  avait 
vu  qu'il  pouvait  trouver  place  dans 


232 


SIE 


SIE 


ce  mouvement  du  tiers-état;  il  s'y 
était  jeté.  Nul  caraclère  \  la  peur  sur- 
tout le  dominait  ;  puis  le  besoin  d'une 
position  lucrative,  l'orgueil  de  ses 
propres  idées  ;  admiré  par  les  uns, 
raillé  par  les  autres,  il  obtenait  pour- 
tant cette  certaine  puissance  que  tout 
esprit  plein  de  soi  acquiert  dans  les 
temps  agités.  Veut-on  savoir  pour- 
quoi on  a  tant  exalté  l'abbé  Sieyès? 
c'est  qu'en  lui  on  a  vu  un  symbole, 
l'expression  de  la  révolution  de  1789. 
Chacun  sait  que  cette  révolution, 
qui  a  tué  la  France  diplomatique  et 
introduit  tant  d'anarchie  dans  les 
idées;  qui  ne  nous  a  rien  donné  que 
la  confusioa  des  pouvoirs,  le  matéria- 
lisme des  cœurs,  la  corruption  publi- 
que et  avouée;  celte  révolution,  qui 
a  mis  un  terme  aux  projets  d'agran- 
dissement et  de  conquête  de  la  mai- 
son de  Bourbon;  cette  révolution  de 
1789,  qui  n'a  été  qu'un  plagiat  de 
la  Ligue  du  XVI^  siècle  et  qui  ne 
finira  qu'avec  un  Richelieu  et  une 
dictature  à  la  Louis  XIV,  elle  est  au- 
jourd'hui glorifiée  comme  le  plus 
beau  résultat  de  l'esprit  humain.  Or, 
Sieyès  en  est  en  quelque  sorte  le 
symbole;  il  l'a  favorisée  par  son 
pamphlet  sur  le  tiers-état;  il  a  été 
le  père  de  ces  constitutionalismes 
qui  nous  rongent  parce  qu'ils  créent 
nos  gouvernements  d'avocats,  et 
alors  rien  d'étonnant  qu'on  le  pro- 
clame grand  homme,  qu'on  lui  élève 
des  statues.  Le  temps  est  ainsi  fait; 
il  est  si  diflicile  de  combattre  les 
tendances  des  générations,  alors 
même  qu'elles  seraient  des  folies  ou 
des  erreurs  !  Quand  on  suit  le  torrent 
des  idées,  tant  d'épreuves  et  de  se- 
cousses vous  agitent  si  l'on  veut 
y  résister!  Que  voulez-vous?  il  est 
très-naturel  que  chacuu  de  nous, 
comme  notre  abbé,  cherche  un  peu 
son  canouicat.  —  On  a  de  Sieyès: 


1.  Essai  mr  les  privilèges^  nss  ^ 
1789,  in -8».  II.  Qu'est-ce  que 
le  Tiers-État?  1789,  in-8o;  3«  édi- 
tion ,  très- augmentée  ,  même  an- 
née. Cet  écrit,  dont  nous  avons  déjà 
parlé  et  qui  eut  un  si  grand  retentis- 
sement, parut, ainsi  que  le  précédent, 
sous  le  voile  de  l'anonyme.  On  y  fit 
une  réponse  aussi  anonyme,  intitu- 
lée :  Qu'est-ce  que  l'Assemblée  natio- 
nale? Grande  thèse  en  présence  de 
l'auteur  anonyme  de  Qu'est-ce  que  le 
Tiers  ?  1791 ,  in  -  8°.  Il  a  été  publié 
une  nouvelle  édition  de  l'écrit  de 
Sieyès  :  Qu'est-ce  que  le  Tiers-Étal? 
précédé  de  l'Essai  sur  les  privilèges, 
avec  vingt-trois  notes  de  l'abbé  Mo- 
rellet,  Paris,  1822,  in-S».  IlL  Vues 
sur  les  moyens  d'exécution  dont  les 
représentants  de  la  France  pourront 
disposer  {anonyme)^  1789,  in-8°,  deux 
éditions.  IV.  Instruction  donnée  par 
S.  A.  S.  Mg'  le  duc  d'Orléans  à  ses 
représentants  aux  bailliages,  suivie 
de  Délibérations  à  prendre  dans  ces 
assemblées ,  1789  ,  in-S",  trois  édi- 
tions. Les  Délibérations  sont  bien 
l'ouvrage  de  Sieyès.  Quant  à  l'In- 
struction, il  déclare  n'y  avoir  aucu- 
nement travaillé,  quoiqu'on  l'en  eût 
prié;  on  l'attribue  au  marquis  de 
Limon  [voy.  ce  nom,  XXIV,  503), 
alors  intendant  des  finances  du  duc 
d'Orléans.  V.  Quelques  idées  de  con- 
stitution applicables  à  la  ville  de 
Paris, nS9,\n-&''.\\.  Préliminaires 
de  la  constitution,  Reconnaissance 
et  exposition  raisonnée  des  droits 
de  l'homme  et  du  citoyen,  Versailles, 
1789,  in-8°.  VII.  Observations  som- 
maires sur  les  biens  ecclésiastiques  y 
1789,10-8°.  C'est  le  développement 
de  ce  que  l'abbé  Sieyès  avait  dit  dans 
la  séance  du  10  août  1789  ,  contre  la 
suppression  des  dîmes.  Guffroy  {voy. 
ce  nom,  XIX  ,  43)  publia  une  Lettre 
en  réponse  a  ces  Observations,  etScr* 


SIE 

MïiVâhiéi^voy.XLil,  m), mie  Réfu- 
tation de  l'ouvrage  de  l'abbé Sicyès. 
Vlll.  Dire  de  Sieyés  sur  la  question 
du  veto  royal,  1789,  in -8".  C'est  l'o- 
pinion qu'il  prononça  dans  la  séance 
du  7  septembre  1789,  où  il  repoussa 
le  v«<o ,  même  suspensif,  à  concéder 
au  roi.  11  proposa  aussi  un  plan  de 
constitution  qui  ne  fut  pas  appuyé. IX. 
Observations  sur  le  rapport  du  comi- 
té de  constitution  concernant  la  nou- 
velle organisationdelaVrance,i789, 
in-8o.  X.  Rapport  du  nouveau  comité 
de  constitution  sur  l'établissement 
des  bases  de  la  représentation  pro- 
portionnelle, et  sur  rétablissement 
des  assemblées  administratives  et  des 
nouvelles  municipalités,  1789,  in-8°. 
Ce  rapport,  lu  par  Thouret  à  l'Assem- 
blée nationale  le  29  sept.  1789,  est, 
comme  on  le  voit,  divisé  en  deux  par- 
ties ;  la  première,  attribuée  à  Sieyès, 
fut  imprimée  à  Paris;  la  seconde,  dont 
Thouret  paraît  être  l'auteur,  fut  im- 
primée à  Versailles.  XI.  Projet  de  loi 
contre  les  délits  qui  peuvent  se  com- 
mettre par  la  voie  de  Vimpression  et 
par  la  publication  des  écrits  et  des 
gravures,  1790,  in-8°.  XII.  Projet 
d'un  décret  provisoire  sur  le  clergé, 
1790,  in- 8».  XIII.  Aperçu  d'une  nou- 
velle organisation  de  la  justice  et  de 
la  police  en  France  ^  1790,  in -8°. 
Sieyès  proposait  d'appliquer  un  jury 
à  la  procédure  civile  et  à  la  procédure 
criminelle.  Ce  projet,  lu  à  l'Assem- 
blée par  le  marquis  de  Bonnay,  n'eut 
aucun  résultat.  Garât  l'aîné  {voy.  ce 
nom,  LXV,  103)  publia  une  Opinion 
contrelesplans  présentés  par  MM. Du- 
port  et  Sieyès  pour  l'organisation  du 
pouvoir  judiciaire.  XI  V.Dt5C0Mr«  sur 
la  liberté  des  cultes,  1791,  in-8''.  XV. 
Rapport  du  comité  de  défense  géné- 
ralerelatifau  ministère  de  la  guerre, 
1793,  in-8o.  XVI.  Opinion  sur  la  con- 
stitution de  1 795,  prononcée  à  laCon- 


SIE  2S3 

vention  le  2  tliernndor  an  IH  (20  juil- 
let 1795) ,  in-8o.  XVII.  Opinion  sur 
le  jury  constilutionnaire,  prononcée 
le  18  tliermidor  an  III  (5  aoiit  1795), 
in-8°.  Le  jury  que  Sieyès  proposait 
d'établir  devait  veiller  au  maintien 
de  laconstitution.Cette  institution  fut 
alors  rejetée;  mais  elle  reparut  plus 
tard  avec  de  grands  changements  , 
sous  le  nom  de  Sénat  conservateur, 
dans  la  constitution  de  l'an  VIII,  ré- 
digée en  partie  d'après  les  plans  de 
Sieyès.  Oulre  les  écrits  que  nous 
venons  de  citer,  il  a  fait  beaucoup 
de  discours  et  de  rapports  insérés 
dans  les  journaux,  mais  qui  ne  pa- 
raissent pas  avoir  été  imprimés  sé- 
parémentï  Ch.-Fréd.  Cramer  avait 
entrepris  une  Collection  des  écrits 
d'Emm.  Sieyès  ;  il  n'en  donna  que 
le  premier  volume,  1796,  in -8°. 
ŒIsner  [voy.  ce  nom,  LXXVI,  41) 
a  traduit  en  allemand  les  OEuvres 
politiques  d'Emm.  Sieyès,  Paris, 
1796,  2  vol.  in-8°;  il  a  publié  en 
français  :  Des  opinions  politiques  du 
citoyen  Sieyès ,  et  de  sa  vie  comme 
homme  public,  Paris,  an  VIII  (1800), 
in-8°.  On  lui  attribue  aussi  la.  Notice 
sur  la  vie  de  Sieyès,  en  Suisse  et  à 
Paris ,  1795 ,  in-8°  (anonyme)  ;  mais 
beaucoup  de  personnes,  et  nous  som- 
mes de  ce  nombre ,  pensent  que 
Sieyès  lui-même  en  fut  l'auteur.  On 
trouve  dans  les  Lettres  de  Laura- 
guais  {voy.  ce  nom  ,  LXX,  386)  à 
il/""***  (Paris,  1802,  in-8°),  une  Con- 
versation de  Chamfort  sur  Vabbé 
Sieyès.  Bertrand  -  Moleville  parle 
aussi  beaucoup  dans  ses  Mémoires 
des  rapports  de  Sieyès  avec  le  parti 
d'Orléans.  Nous  citerons  encore  sur 
ce  personnage  :  Théorie  consti- 
tulionnelle  de  Sieyès,  Constitution 
de  l'an  VIII  (extraits  des  mémoires 
inédits  deBoulay  de  la  Meurthe),  Pa- 
ris, 1836,  iu-8^  B~uetC-F-E. 


334 


SIG 


SIGALON  (Xavier),  peintre  d'his- 
toire, naquit  en  1790  à  Uzès  ,  clans 
l'ancienne  province  de  Languedoc. 
Le  peu  d'aisance  de  sa  famille  l'o- 
bligea de  mettre  à  profit  les  dispo- 
sitions qui  l'entraînaient  Vf>rs  la  pein- 
ture, et  ce  fut  à  Nîmes  qu'il  commença 
l'élude  de  cet  art  où  i!  lit  des  progrès 
rapides.  Bientôt  il  exe'cuta  quelques 
tableaux,  dont  le  plus  remarquable 
est  placé  dans  l'église  d'Aigucs-Mor- 
tes.  Il  désirait  vivement  aller  à  Pa- 
ris, qui  offre  aux  talents  de  tous  les 
genres  tant  de  ressources,  tant  de  fa- 
cilités de  se  perfectionner  ;  mais  les 
moyens  p('cuniaires  lui  avaient  man- 
qué jusque-là  pour  réaliser  son  projet. 
Lefaibleproduitqu'il  retira  deses  pre- 
miers travaux  encore  bien  peu  rému- 
nérés lui  permit  enfin  d'entreprendre 
ce  voyage.  Arrivé  dans  la  capitale,  il 
se  mit  sous  la  direction  de  Guérin 
et  ne  tarda  pas  à  se  distinguer 
parmi  les  élèves  de  ce  maître.  Déjà 
sa  manière  hardie  faisait  pressentir 
qu'il  allait  abandonner  les  sentiers 
batius,  et  s'élancer  dans  une  car- 
rière nouvelle.  On  a  même  remarqué 
que  la  plupart  des  peintres  réforma- 
teurs de  l'école  française,  à  cette  épo- 
que, sont  sortis  de  l'atelier  deGuérin, 
qui  pourtant  n'était  pas  un  novateur 
(roi/.GÉKiCAULT,LXV,296).Enl822, 
Sigalon  exposa  au  musée  du  Louvre 
la  Courtisane,  charmant  tableau  qui 
participe  de  l'école  vénitienne  et  de 
l'école  es()aguole  ,  et  dont  le  gouver- 
nement fit  l'acquisition  pour  la  ga- 
lerie du  Luxembourg.  La  Locuste,  ex- 
posée au  Salon  de  1824,  donna  lieu  à 
une  controverse  animée,  mais  n'en 
reste  pas  moins  u  ne  des  compositions 
les  plus  originales  de  son  auteur. 
Acheté  par  J.  Lai'litte,  ce  tableau 
appartient  maimcuanl  au  musée  de 
Nîmes.  Le  même  musée  possède  un 
autre  tableau  de  grande  dimension  , 


SIG 

que  Sigalon  avait  exposé  au  Louvre 
en  1827,  et  qui  représente  Athalie 
faisant  égorger  les  enfants  du  sang 
royal  Cette  production  ,  où  l'artiste 
a  donné  un  libre  essor  à  son  génie  au 
dacieux,  reçut  des  éloges,  essuya  des 
critiques  (1) ,  ce  qui  n'arrive  qu'aux 
ouvrages  remarquables,  il  exposa 
encore  deux  tableaux  religieux,  dont 
l'un  représente  une  Vision  de  saint 
Jérôme  et  l'autre  un  Calvaire.  Le 
premier,  acheté  pour  la  galerie  du 
Luxembourg,  parut  offrir  quelque 
similitude  avec  celui  du  Guerchin,  et 
le  second  quelques  traits  empruntés 
à  Daniel  de  Volterre;  mais  ces  rémi- 
niscences n'empêchent  pas  d'y  recon- 
naître le  cachet  particulier  de  Sigalon. 
Enfin  il  envoya  au  Salon  de  1833  un 
tableau  sur  un  sujet  anacréontique, 
qui  fut  encore  acheté  par  Laflitte.  A 
cette  époque,  notre  artiste  vivait  re- 
tiré à  Nîmes,  après  avoir  demeuré 
vingt  ans  à  Paris ,  ce  sanctuaire  des 
sciences,  des  lettres  et  des  arts,  mais 
qui  n'est  pas  toujours  pour  ceux  qui 
les  cultivent  le  temple  de  la  fortune. 
Sigalon  en  fit  la  triste  expérience.  Ses 
travaux,  plus  admirés  que  rétribués, 
lui  procuraient  à  peine  une  existence 
précai  re;  souvent  même  les  prix  qu'on 
lui  en  donnait  ne  couvraient  pas  ses 
frais  :  ainsi  son  tableau  iV Athalie, 
qui  lui  avait  coûté  plus  de  7,000  fr., 
lui  fut  payé  3,000.  Déçu  dans  les  es- 
pérances brillantes  et  légitimes  qu'il 
avait  pu  concevoir  pendant  un  si  long 
séjour  à  Paris ,  il  le  quitta  sans  bruit 

(i)  Tout  en  faisant  preuve  de  talent  et 
.«nitout  de  verve  énergique,  Sigiilou  n'altei- 
guit  jias  à  toute  la  hauteur  de  son  art.  Il  ne 
jjossédait  ni  le  sentiment  des  belles  formes, 
ni  celui  de  la  couleur  vraie.  Il  n'entend. lit 
lien  à  la  perspective,  et  dans  son  étrange 
talleau  d'.-ilhalie,  follement  ordonné,  le» 
plans  sont  si  mal  sentis  que  tous  les  per- 
sonnages semblent  tomber  hors  du  cadre. 

F,  P— T. 


SI6 


SIG 


«35 


et  sans  murmure,  et  s'achemina  vers 
Nîmes  où  il  se  fixa,  bornant  désor- 
mais toute  son  ambition  à  être  pein- 
tre de  portraits  et  maître  de  dessin, 
ressource  bien  faible  et  bien  éven- 
tuelle en  province.  Telle  était  pour- 
tant sa  position  lorsqu'une  circon- 
stance inattendue  vint  l'en  tirer  et 
le  replacer  au  rang  qu'il  méritait. 
M.  Thiers,  qui  le  connaissait,  étant 
devenu  ministre  de  l'intérieur,  le 
lit  envoyer  à  Rome,  afin  d'y  copier, 
dans  des  proportions  identiques,  les 
belles  fresques  de  Michel-  Ange  qui 
ornent  la  chapelle  Sixtine,notamment 
le  fameux  tableau  du  Jugement  der- 
nier,  dont  la  dégradation  progres- 
sive fait  craindre  l'anéantissement. 
Après  quatre  ans  d'un  travail  as- 
sidu ,  après  avoir  surmonté  les  dif- 
ficultés nombreuses  que  présentait 
cette  œuvre  immense,  Sigalon  en- 
voya sa  copie  du  Jugement  dernier 
à  Paris,  où  elle  arriva  en  mars  1837. 
Cette  toile  ftit  merveilleusement  pla- 
cée sur  un  mur  d'une  surface  égale  à 
celle  de  la  fresque  originale  ,  dans 
l'ancienne  église  des  Petits -Au- 
guslins  (  aujourd'hui  l'École  des 
Beaux-Arts),  qui,  par  une  heureuse 
coïncidence,  est  construite  à  peu  près 
dans  les  mêmes  proportions  que  la 
chapelle  Sixtine  à  Bome.  Cette  co- 
pie est  jusqu'à  présent  le  seul  et 
deviendra  peut-être  dans  la  suite 
l'unique  spécimen  du  chef-d'œu- 
vre de  Michel  -  Ange.  Nous  cite- 
rons ici  quelques  fragments  d'une 
lettre  que,  peu  d**  jours  avant  sa  mort, 
Sigalon  écrivait  à  un  de  ses  amis  : 
«  Maintenant ,  disait-il ,  que  je  con- 
«  temple  plus  à  l'aise  et  sans  la  pré- 
«  occupation  de  mDU  propre  travail 
•  l'immense  tableau  de  Michel-Ange, 
«  je  sens  mieux  que  jamais  qu'il  porte 
«  un  caractère  frappant  de  hâte  ,  et 
«pour  ainsi  dire  d'improvisation... 


•  Beaucoup  de  figures  du  dernier  plan 

•  ne  sont  que  des  ébauches,  et  pour 
«  se  distraire  et  s'exciter  à  finir,  le 
«  peintre  a  eu  recours  à  la  fantaisie. 
«  La  fresque  de  la  chapelle  Sixtine 
«  est  moitié  une  œuvre  d'art,  moitié 

•  une  caricature.  Il  est  évident  que 
«  ces  emblèmes,  qui  dépassent  quel- 
«  quefois  les  limites  du  ridicule  ,  ces 
«  poses  grotesques  ou  obscènes,  in- 
«  diquent  clairement  la  lassitude  du 
«  sujet  et  la  nécessité  de  rentrer  dans 
«l'actualité,  pour  achever  l'œuvre 
»  au  moyen  d'une  inspiration  factice. 
«  Ces  hommes  qui  grimacent,  ces  fi- 

•  gures  (jui  se  tordent,  ce  sont  des 
«  ennemis,  des  critiques,  des  envieux 
«  auxquels  Michel  Ange  a  imposé  la 
«  vengeance  de  ses  pinceaux,  comme 

•  autrefois  Dante  leur  avait  imposé 
«  celledesa  plume. Michel-Ange  avait 
«  commencé  un  tableau;  il  a  signé  un 
«  pamphlet.  »  Ce  jugement  paraîtra 
bien  hardi  et  peut  -  être  même  trop 
sévère  ;  mais  il  faut  se  rappeler  que 
c'était  une  opinion  confidentielle  , 
dont  l'artiste  français  eût  sans  doute 
adouci  les  termes  s'il  eût  dû  la  pro- 
duire en  public.  Sigalon  était  venu  à 
Paris  pour  surveiller  la  pose  de  son 
tableau  ,  et  il  y  fut  accueilli  par  de 
nombreuses  félicitations.  Cependant 
il  n'avait  pas  encore  achevé  les  co- 
pies, qu'on  lui  avait  également  com- 
mandées, des  douze  figures  colossa- 
les de  prophètes  etde  sibylles,  peintes 
par  Michel  -Ange  sur  les  pendentifs 
de  la  voûte  de  la  chapelle  Sixtine.  Il 
repartit  donc  au  mois  de  mai  pour 
Rome,  où  il  croyait  rester  encore  un 
an.  A  peine  arrivé,  il  reprit  ses  pin- 
ceaux avec  une  activité  nouvelle. Mal- 
heureusement le  choléra  ne  tarda  pas 
à  se  déclarer  dans  la  ville,  et  Sigalon 
en  fut  bientôt  atteint.  Un  matin,  qu'il 
en  avait  ressenti  les  premiers  symp- 
tômes, il  ne  voulut  pas  en  parler  à 


236 


SIG 


SIG 


l'ami  chez  lequel  il  demeurait,  dans 
la  crainte  qu'on  ne  l'obligeât  de  sus- 
pendre son  travail  ;  mais  dès  le  soir 
même  il  fut  contraint  de  s'aliter,  et 
soixante  heures  après,  malgré  tous 
les  soins  que  l'on  s'empressa  de  lui 
prodiguer,  il  expira  le  10  août  1837. 
Bien  qu'éloigné  de  sa  patrie,  il  eut  la 
consolation  d'être  assisté  dans  ses 
derniers  moments  par  un  prêtre  fran- 
çais qui  lui  administra  les  secours  de 
la  religion.  Ce  prêtre  était  M.  Lacor- 
daire  ,  déjà  célèbre  comme  prédica- 
teur et  venu  à  Rome  pour  y  embras- 
ser la  règle  de  saint  Dominique.  La 
mort  de  Sigalon  ,  enlevé  dans  la  vi- 
gueur de  l'âge  et  du  talent ,  fut  un 
sujet  de  deuil,  non-seulement  pour 
ses  amis,  mais  pour  tous  les  amis  des 
arts. Un  de  ses  compagnons  d'enfance, 
M.  J.  Reboul  (2)  qui,  dans  son  humble 
profession  de  boulanger  à  Nîmes ,  se 
livrait  avec  bonheur  aux  inspirations 
de  la  poésie ,  lui  a  consacré  des  stan- 
ces pleines  de  sensibilité,  dont  nous 
citerons  les  deux  suivantes  : 

Lorsque  fendanl  los  flots  de  la  mer  de  Ty- 

rliRune], 
Tou  vaisseau  t'emportait  vers  la  pliigc  ro- 
maine], 
La  lyre  eu  main,  debout  sur  les  dalles  du 

port], 
Ma  muse  à  ses  adieux  mêla  la  poésie; 
Et  cruyait,  dans  l'espoir  dout  elle  était  saisie, 
T'eovoyer  au  triomphe,  et  aonpasà  la  moi  t! 
L'équitable  avenir  pour  toi  déjà  i-oramence  : 
Ton  |>ays,  s'éveillant  de  son  indifférence, 
Cherche  quel  monument  il  pourra  t'ériger  ; 
Ta  mort  fait  rendre  enfin  justice  à  ta  mé- 
moire]. 
Et  Nîmes  maintenant  se  souvient  de  ta  gloire, 
Lui  qui  te  recevait  en  obscur  étranger. 

En  effet,  le  buste  de  Sigalon,  dû  au 
ciseau  de  M.  Briant,  fut  inauguré  so- 
lennellement le  26  mai  1839  au  mu- 
sée de  Nîmes,  établi  dans  l'antique 
monument  romain  appelé  la  Maison 


(2)  11  a  été  élu  représentant  du  peuple  à 
l'Assemblée  nationale,  en  1848. 


carrée.  Le  directeur  prononça  l'éloge 
de  l'illuslre  défunt ,  et  le  chant  funè- 
bre d'une  touchante  élégie,  écrite  par 
M.  Reboul  et  mise  en  musique  par  un 
compositeur  uîmois,  termina  cette 
cérémonie.  Z. 

SIGEBRAND,  évêque  de  Paris, 
dut  son  élévation  sur  le  siège  de  cette 
ville  à  la  protection  de  sainte  Batilde, 
reine  de  France  et  régente  du  royau- 
me après  la  mort  dé  Clovis  II,  son 
époux  {voy.  Batilde,  III,  518).  Ce 
prélat,  rempli  de  lumières  pour  l'é- 
poque où  il  vivait,  ne  l'était  pas 
moins  d'ambition  et  de  vanité.  Ho- 
noré de  la  confiance  de  la  reine,  qui 
le  consultait  souvent,  il  laissait  pla- 
ner sur  ces  relations  des  soupçons 
injurieux  à  la  vertu  de  cette  prin- 
cesse. L'arrogance  avec  laquelle  il 
traitait  les  seigneurs  de  la  cour  lui 
devint  fatale.  Plusieurs  se  liguèrent 
contre  lui  et  le  (irent  assassiner  (664). 
Ayant  appris  les  calomnies  aux- 
quelles l'orgueil  de  Sigebrand  l'avait 
exposée,  Batilde  en  fut  indignée  et 
affligée.  Elle  remit  les  rênes  du  gou- 
vernement entre  les  mains  de  Clo- 
taire  111,  son  fils,  puis  se  retira  dans 
l'abbaye  de  Chelles  qu'elle  avait  fon- 
dée, et  y  termina  sa  carrière.   Z. 

SIGNOL  (Alphonse),  homme  de 
lettres,  fut  tué  en  duel  le  27  juin  1830, 
par  un  officier  de  la  garde  royale, 
avec  qui  il  s'était  pris  de  querelle  la 
veille  au  Théâtre-Italien.  Au  reste, 
le  combat  singulier  s'accordait  avec 
ses  principes;  car,  en  1829,  il  avait 
publié  une  Apologie  du  Duel,  lorsque 
Ton  discutait  aux  chambres  un  pro- 
jet de  loi  sur  cette  uintière.  Outre 
quelques  brochures  politiques,  Si- 
gnol  a  coujposé,  seul  ou  eu  société, 
plusieurs  romans  et  pièces  de  théâ- 
tre. Voici  la  liste  de  ses  ouvrages  : 
L  De  la  Maçonnerie  considérée  dans 
quelques-uns  de  ses  rapports  avec  la 


SIG 

'politique,  Paris,  1826,  in-8*,  opus- 
cule vendu  au  profit  des  Grecs.  II 
(avec  M.  Dartois).  Le  Caporal  et  le 
Paysan^  comédie  en  un  acte,  mêlée 
de  couplets,  Paris,  1828,  in-8».  III 
(avec  MM.  Charles  de  Livry  et  Adol- 
phe de  Leuven).  L'École  de  nata- 
tion, tableau-vaudeville  en  un  acte, 
1828,  in-8<».  IV  (avec  M.Théaulon). 
Jean,  pièce  en  quatre  parties,  mêle'e 
de  couplets,  1828,  in-8o.  V.  Le  Duel, 
drame  en  deux  actes  et  en   prose, 

1828,  in-8».  VI.  Apologie  du  Duel,  ou 
Quelques  mots  sur  le  nouveau  projet 
de  loi,  1829,  in-8o.  VII.  Le  Pacha 
et  la  Vivandière,  ou  Un  petit  Épi- 
sode de  la  petite  campagne  de  Morée, 
folie-vaudeville  en    trois  tableaux  , 

1829,  in-80.  VIII  (avec  M.  Léon  Vi- 
dal). Mémorial  de  sir  Hudson  Lotvc, 
relatif  à  la  captivité  de  Napoléon  à 
Sainte  Hélène,  1830,  in-8°,  fig.  IX 
(avPcM.  S.Macaire).  LaLingère,l830, 
5  V.  in-12.X(avec!e  même).  Le  Chif- 
fonnier, 1831,  5  vol.  in-12.  XI.  te 
Commissionnaire^  mœurs  du  XIX<i 
siècle^  1831,  4  vol.  in-12.         Z. 

SIGAOUINUS    ou    SiGNOROLLUS 

(HoMODEUs),  jurisconsulte  italien  en 
grande  renommée  au  XIV'  siècle, 
naquit  à  Milan,  et  après  avoir  pro- 
fessé avec  éclat  la  science  du  droit 
à  Padoue,  Plaisance,  Turin  ei  Pavie, 
prit  une  part  active,  en  1351,  à  la 
rédaction  des  lois  municipales  de  sa 
patrie.  Il  a  laissé  des  Repetitiones 
insérées  dans  de  vieux  recueils,  et 
un  volume  de  Consilia  et  Quœstio- 
nes,  qui  fut  imprimé  à  Lyon,  en  1549, 
in  fol.  En  1340  ,  il  avait  soutenu, 
à  Verceil,  une  conférence  publique 
sur  les  droits  respectifs  d'un  docteur 
ou  d'un  militaire  à  la  prééminence 
(utrum  sit  prœferendus  Doctor  an 
Miles);  cette  disputatio,  accompa- 
gnée d'additions  de  Louis  Bolo- 
gnini,  a  été  comprise  dans  une  énor- 


SIG  237 

me  collection  ,  Oceanus  juridicus , 
tom.  XXIV,  p.  23,  où  elle  est,  tout 
aussi  bien  engloutie  que  si  elle  était 
descendue  au  fond  d'un  autre  Océan. 
Signorinus,  revêtu  des  titres  de  che- 
valier et  de  comte  palatin,  mourut 
en  1362.  B— N— T. 

SIGNOT  (Jacques)  n'est  connu 
que  par  un  ouvrage  qu'il  a  composé 
sur  la  Description  des  passages  par 
lesquels  on  peut  aller  des  Gaules  en 
Italie,  ouvrage  qui  fut  imprimé  pour 
la  première  fois  du  vivant  de  l'au- 
teur, Paris,  1515,  in-4'',  et  réimprimé 
après  sa  mort,  Lyon,  1590,  petit 
in-12.  Les  noms  y  sont  souvent  défi- 
gurés; mais  il  serait  aisé  de  les  cor- 
riger avec  une  bonne  carte,  et  les  dé- 
tails que  donne  cet  auteur  méritent 
d'être  connus.  C'est  lui-même  qui 
nous  apprend  son  nom,  et  qui  nous 
dit  qu'il  est  resté  qiielque  temps  au- 
près d'Hercule  d'Esté,  duc  de  Ferrare. 
Il  ajoute  qu'il  s'y  trouvait  le  6  juillet 
1495,  lors  de  la  bataille  de  Fornoue, 
gagnée  par  Charles  VIII  sur  les  Vé- 
nitiens et  leurs  alliés.  Ce  fut  lui  qui 
instruisit  de  cette  victoire  les  Fran- 
çais restés  à  Naples,  et  il  se  félicite 
d'avoir  donné  deux  avis  utiles  au  duc 
de  Ferrare.  F— a. 

SIGUENZA  (Joseph  de),  écrivain 
espagnol  des  phis  distingués  ,  était 
né,  vers  1545  ,  dans  la  ville  dont  il 
portait  le  nom.  Il  entra  dans  l'ordre 
des  hiéronymites  ou  ermites  de  Saint- 
Jérôme,  qui  avaient  un  couvent  dans 
cette  même  ville;  mais  il  vint  habi- 
ter celui  de  l'Escurial,  oii  il  continua 
de  se  livrer  à  l'étude  de  l'histoire  et 
des  langues  orientales  dans  lesquel- 
les il  se  rendit  Irès-habile.  Il  devint 
aussi  un  excellent  prédicateur,  et  le 
roi  Philippe  H  se  plaisait  à  l'entendre, 
ce  qui  excita  la  jalousie  des  autres 
moines  dont  les  sermons  n'étaient 
pas  si  bien  reçus  du  roi  et  du  pu- 


238 


SIL 


blic.  Ils  le  dénoncèrent  à  l'inquisi- 
tion (le  Tolède  comme  suspect  de 
luthéranisme.  Siguenza,  dit  LIorente, 
resta  près  d'un  an  en  réclusion  dans 
le  monastère  de  La  Sisia,  apparte- 
nant à  son  ordre,  et  on  l'obligea  de 
se  présenter  devant  le  tribunal  tou- 
tes les  fois  qu'il  serait  appelé.  Il  se 
justiQ.1,  fut  acquitté,  et  mourut,  en 
IGOO,  supérieur  du  couvent  de  Saint- 
Laurent  de  l'Escurial  (voy.  Hist.  de 
V Inquisition  d'Espagne,  traduction 
d'Alexis  Pellier,  1"  édit.,  II,  474). 
On  a  de  Siguenza  :  La  Vida  de  san 
Geronimo,  doctor  de  la  santaiglesia^ 
Madrid,  Th.  Junti,  1595,  pet.  in-4«. 
—  Secunda  y  tercera  parte  de  laHis- 
toria  de  la  orden  de  san  Geronimo, 
Madrid,  1600  et  1G05,  2  vol.  pet.  in- 
fo!. Cet  ouvrage,  tiès-bien  écrit  (1), 
est  fort  recherché  et  se  trouve  rare- 
ment complet.  Il  paraît  que  François 
de  Los  Santos  (2),  aulre  religieux 
hiéronymite,  y  a  contribué  pour  quel- 
(|uc  chose.  Herménégilde  de  San- 
l'ablo,  du  même  ordre,  en  a  donné 
une  suite  sous  ce  titre  :  Origen  y 
continuacion  de  el  Instituto  y  Reli- 
gion hieronimiana ,  Madrid,  1G69, 
in -fol.  B-L— u. 

SILLA  (Antoine),  historien  et  pu- 
bliciste  italien,  naquit  le  15  mars 
1737,  à  Scanno  ,  dans  les  Âbiuzzes. 
Issu  d'une  famille  de  Foggia,  qui  se 
livrait  depuis   long-temps  au  com- 

(i)  Dans  son  exceWeute  Histoire  comparée 
des  Ulléralures  espagnole  et  française  (  t.  I , 
j>.  3/0  ),  M.  Ad.  de  Piiibiisriiic  a  dit  de  Si- 
guenza :  I  Talent  supérieur,  qui  a  su  énire 
«  l'histoiie  de  son  ordre  de  manière  à  faire 
"  regretter  qu'on  ne  lui  ait  pas  confié  l'his- 
<•  toile  générale  de  la  l'éuinsule.  >. 

(">.)  Ce  religieux,  ou  du  moins  un  auteur 
du  même  nom,  a  publié  une  desirijitiou 
«•Il rieuse  de  son  couvent,  sous  ce  litre  : 
Dcscripcion  Ineve  del  monasterio  de  S.-Lo- 
renzo  del  Esccrial,  fabrica  del  lej  Phi- 
lippo  II,  etc.,  Madrid,  irapr.  royale,  1637, 
jictii  in-fol.,  Cg.  ;  réimprimée  en  1681  et  en 
1(198,  même  format. 


SIL 

nierce  et  qui  le  destinait  à  la  même 
profession,  il  n'obtint  qu'après  des 
instances  souvent  renouvelées  la  per- 
mission de  se  rendre  à  Chieti  pour  y 
faire  ses  études  dans  le  collège  des 
Jésuites.  On  sait  que  la  méthode  de 
ces  religieux,  assez  bonne  sous  le 
rapport  de  la  morale  et  de  la  littéra- 
ture proprement  dite,  laisse  beau- 
coup à  désirer  en  fait  d'histoire  et  de 
philosophie.  Aussi  le jeuneSilla,dont 
l'intelligence  inclinait  déjà  vers  les 
hautes  questions  sociales,  était  peu 
satisfait  des  leçons  de  ses  maîtres,  et 
il  cherchait  dès  lors  à  les  compléter 
par  !a  lecture  des  meilleurs  publicis- 
tes.  Ces  dispositions  l'amenèrent  na- 
turellement à  étudier  le  droit,  et  ce 
fui  pour  cela  qu'il  se  rendit  à  Naples, 
en  1757.  Différents  ouvrages  qui  se 
succédèrent  rapidement  lui  valurent 
assez  de  réputation  pour  qu'il  fût 
nommé  membre  de  l'acidém-ie  royale 
des  sciences  de  Naples;  mais,  son  père 
étant  niart,  il  retourna  à  Foggia,  et, 
laissant  de  côté  la  liltérature  et  la 
philosophie,  il  se  consacra  tout  en- 
tier au  commerce.  Au  bout  de  quel- 
ques années,  il  ne  se  trouvait  pas 
trop  mal  du  changement,  el  il  écri- 
vait à  ses  amis  de  Naples  que  la  .so- 
ciété d'Homère  eld'Horace  ne  l'aurait 
jamais  rendu  plus  heureux.  Sitia 
mourut  au  commencement  de  ce 
siècle.  On  a  de  hii,  en  italien  :  La 
Fondation  de  Parthénope,  JNaples, 
17C9,  in-8".  L'auteur  fait  preuve  de 
beaucoup  d'érudition  et  de  critique 
dans  ses  dissertations  sur  l'origine, 
la  religion  et  le  gouvernement  de 
cette  antique  cité.  II.  La  Théogonie 
commentée ,  où  l'on  propose  aux  sa- 
vants un  nouveau  système  sur  la  ma- 
nière d'interpréter  l'histoire  ancien- 
ne, Naples,  1770,  in-S'J.  Cet  écrit  ne 
porte  que  les  initiales  de  l'auteur  et 
sert  d'introduction  à  l'ouvrage  sui- 


SIL 

vant  :  Hf.  Histoire  sacrée  des  païens, 
depuis  lu  création  du  monde  jusqu'au 
•règne  de  Numa  Pompilius,  Naples, 
1771,  i  vol.  in-80.  IV.  Le  droit 
de  punir,  ou  Réponse  au  Traité  des 
délits  et  des  peines  de  Beccaria,  Na- 
ples, 1772,  in-8».  A— \, 

SILVA  (Feliciano  de),  écrivain 
espagnol  du  XVi*  siècle,  était  origi- 
naire de  Ciudad  Rodrigo,  et  fut  his- 
toriographe de  Chailes-Quint;  c'est 
à  ce  peu  de  détails  que  se  réduit 
tout  ce  que  l'on  saiî  de  lui.  Il  est 
auteur  d'une  composition  remarqua- 
ble et  peu  connue  qui  se  présente 
sous  une  forme  dramatique,  quoi- 
qu'elle n'ait  probablement  jamais  été 
jouée  en  public  ;  elle  a  pour  titre  : 
La  seconde  comédie  de  la  fameuse  Ce 
lestine  dans  laquelle  il  se  traile  de 
la  résurrection  de  ladite  Cékstine  et 
des  amours  d'un  cavalier  nommé 
Fidèle  et  d'une  damoiselle  de  sang 
noble  nommée  Polandrie.  La  premiè- 
re édition  porte  sur  le  frontispice  : 
Venecia ,  reimpresso  por  maestro  Ste- 
phano  de  Sabio,  15.36,  petit  in-8"; 
elle  fait  donc  supposer  l'cxisten'-e 
d'une  édition  plus  ancienne,  jusqu'à 
présent  restée  ignorée  de  tous  les  bi- 
bliographes. Une  autre  édition  parut 
à  Anvers,sans  date  (vers  1550),  in-16. 
Ni  l'une  ni  l'autre  ne  mentionnent  sur 
le  litre  le  nom  de  l'auteur,  mais  Pe- 
dro de  Mercado,  qui  fut  le  correcteur 
de  celle  d'Anvers,  nous  apprend  dans 
des  vers  de  sa  composition,  placés  au 
commeiuement  du  livre,  que  cet  au - 
teur  est  F.  de  Silva.  On  comprend  ce 
silence,  la  rareté  de  ces  deux  éditions, 
la  disparition  de  la  première  de  tou- 
tes, fiite  peut-être  en  espagnol,  lors- 
qu'on songe  que  la  seconde  Célestine 
renchérit  sur  la  hardiesse  de  la  pre- 
mière {loy.  RuxAs,  LXXX,y7,  et  Si> 
DENo  dans  ce  vol.).  Indépendamment 
des  images  et  des  expressions  peu 


SIL 


239 


décentes  qui  s'y  rencontrent,  indé- 
pendammen!  du  lieu  où  se  passe  une 
partie  de  l'action  et  de  la  très-mau- 
vaise société  qui  rst  mise  en  scène, 
on  trouve  de  vives  attaques  contre 
le  clergé.  Célestine  raconte  de  la  part 
d'un  religieux  de  l'ordre  de  la  Trini- 
té, nommé  Echa-ciiervos  (Chasse- 
corbeaux),  une  atiecilote  lout-à-fait 
dans  le  genre  des  contes  de  Boccace 
ou  de  La  Fontaine.  L'inquisition  ne 
pouvait  plus  tolérer  des  libertés  de 
ce  genre.  La  Seconde  Célestine  est  di- 
visée en  quarantescènes,  elle  est  écri- 
te en  prose;  il  y  a  des  longueurs,  un 
grand  appareil  d'érudition  mytholo- 
gique, mais  elle  n'en  est  pas  moins 
digne  de  l'attention  des  explorateurs 
des  origines  du  théâtre  moderne.  On 
chercherait  vainement  la  moindre 
mention  de  cette  pièce  dans  les  écrits 
de  Bouterweck  et  de  Sismoiidi  sur  la 
litléraîure  espagnole,  et  même  dans 
la  savante  Histoire  (en  allemand)  de 
l'art  dramatique  en  Espagne,  par  Fr. 
de  Schulk  (Berlin,  1845,  in-8"),  ainsi 
quedansles  deux  volumesdeiVl.  A.  de 
Piiibus(jue,C(mronnésen  l835parl'A- 
cadémie  française.  L'autenr  de  cet  ar- 
ticle est  le  premier  (ce  lui  teinble) 
qui  ait  fait  connaître  de  la  Seconde 
Célestine  autre  chose  que  le  titre  ;  il 
en  a  donné  une  analyse  dans  le  Bul- 
letin du  bibliophile  belge  (Bruxelles, 
1845,  t  II,  p.  92-95),  d'après  l'exem- 
plaire qui  a  apparienii  à  M.  de  So- 
leinne.  Le  dernier  traducteur  fran- 
çais de  la  Première  Célestine^  M.  Gcr- 
niond  de  Lavigne,  dans  VEssai  his- 
torique mis  en  léie  de  son  travail, 
d'ailleurs  fort  remarquable,  a  fait  er- 
reur en  prenant  les  deux  éditions  ci- 
dessus  mentionnées  d'Anvers  et  de 
Venise  pour  deux  ouvrages  distincts, 
la  Seconde  Célestine  et  la  Résurrec- 
tion deCélesline  qu'il  attribue  l'une 
à  F.  de  Silva,  l'autre  à  Domingo  de 


240 


SIL 


Gaztela,  lequel  n'a  fait  que  corregir 
y  emendar  le  texte  primitif.  Il  est  à 
regretter  que  M  de  Lavigne  n'ait  pas 
eu  sous  les  yeux  cette  comédie;  il  y 
aurait  trouvé  les  matériaux  d'un  ap- 
pendice intéressant  à  ses  recherches 
sur  la  première  Célestine;  elles  sont 
l'une  et  l'autre  un  recueil  de  conver- 
sations épicuriennes  et  de  traits  har- 
dis qui  contrastent  de  la  façon  la  plus 
frappante  avec  ce  que  devint  plus 
tard  le  drame  castillan,  lorsque,  sous 
la  plume  des  Lope  de  Vega,desCal- 
deron ,  des  IMoreto  et  de  tant  d'autres, 
il  ne  donna  asile  qu'aux  plus  pures 
traditions  de  chevalerie,  de  religion 
et  d'amour  désintéressé.  F.  de  Silva 
a  laissé  un  autre  ouvrage  fort  en- 
nuyeux et  fott  oublié  qui  contient 
l'histoire  d'une  des  branches  de  la 
nombreuse  race  des  Amadis. Ce  roman 
de  chevalerie  est  divisé  en  quatre 
tomes  et  en  deux  parties  ;  la  première 
est  intitulée  :  Chronique  des  vail- 
lants chevalier^s  don  F  loriael  de  Nicée 
et  le  valeureux  Anaxarte,  fils  du  très- 
excellent  prince  Amadis  de  Grèce{Sé' 
ville,  1546;  Lisbonne,  156G-,  Sara- 
gosse,  1568;  Taragone,  1584  ;  Sara- 
gosse,  1584);  la  seconde  a  pour  titre  : 
Suite  de  la  Chronique  de  don  Florisel 
de  Nicée,  oii  il  se  traite  des  grands 
exploits  de  son  fils  don  Roger  de  Grè- 
ce, et  d'Agésilas,fils  de  don  Falangès 
d'Astra  (Séville,  1546,  infol.;Evora, 
sans  date).  Il  y  eut  enfin  une  conti- 
nualionconsacrée  surtout  aurécit  des 
amours  du  prince  Boger  et  de  la  belle 
Archisidée(Salamanque,lô51,in-fol.) 
D'après  l'usage  du  temps,  Silva  se 
borne  à  se  donner  pour  le  traducteur 
des  textes  écrits  en  grec  par  la  reine 
Ciifée  ou  par  la  reine  Zinla,  ou  bien 
encore  par  le  sage  Galersis.  Les  nom- 
breuses réimpressions  de  ces  écrils 
démontrent  de  quelle  vogue  jouis- 
saient alors  en  Espagne  ces  longues 


SIL 

histoires  pleines  de  grands  coups 
d'épée  et  d'enchanteurs,  ces  merveil- 
leux récits  qui  devaient  tourner  la 
tête  du  héros  de  Cervantes.  Ils  fran- 
chirent les  Pyrénées;  Claude  Colet, 
JacquesGohorry  et  Guillaume  Aubert 
traduisirent  successivement  les  di- 
verses portions  de  l'histoire  de  Flo- 
risel et  de  sa  famille  (Paris,  1553, 
1556,  1559,  in-fol.);  mais  en  France 
ces  volumineuses compositionsfurent 
froidement  accueillies.  Il  existe  une 
traduction  italienne  ou  plutôt  un 
abrégé  de  l'ouviage  de  F.  de  Silva, 
abrégé  qui  a  été  souvent  réimprimé 
depuis  1551  jusqu'à  1620,  mais  qui 
aujourd'hui  ne  saurait  plus  prétendre 
à  obtenir  un  seul  lecteur.   B — n  — t. 

SILYESTRE  DE  SACY.  Voy. 
Sacy,  LXXX,  241. 

SILVESTRI  (le  comte  Camille), 
littérateur  italien,  né,  en  1645,  à 
Rovigo(l),  montra  dès  sa  jeunesse  un 
goût  très- prononcé  pour  l'étude  des 
antiquités.  Il  mit  tout  son  plaisir  à 
former  un  riche  cabinet  de  curiosi- 
tés, qui  faisait  l'admiration  de  ses 
compatriotes  et  des  étrangers.  Les 
autres  circonstances  de  sa  vie  nous 
sont  inconnues.  Il  mourut  en  1719, 
laissant  l'ouvrage  suivant  qui  lui  a 
mérité,  à  juste  titre,  la  réputation 
d'antiquaire  très-distingué  :  Giuve- 
nale  e  Persio  spiegati  con  la  dovuta 
modestia,  ed  illustrati  con  varie  an- 
notazioni,  Padoue ,  imprimerie  du 
séminaire,  1711,  in-4o  de  910  pa- 
ges, avec  quelques  gravures  dans  le 
texte  et  à  part;  réimprimé  à  Ve- 
nise, 1758,  3  vol.  in-80;  et  aussi 
dans  le  Corpus  omnium  veter.  poet. 
latinor.  cum  versione  italica,  Milan, 


(i)  Le  continuateur  de  Ginguené,  Salfi 
(  Hist.  liltér.  d'Italie,  XIII,  344),  f^'it  naître 
Silvestri  à  Padoue.  C'est  sans  doute  par  er- 
reur, car  le  comte,  sur  le  titre  de  sa  traduc- 
tion de  JiivfD.il,  etc.,  se  dit  da  Boi'igo. 


SIL 


SiL 


241 


1739,  in-<o.  Comme  on  le  voit  par  le 
mot  spiegati  i\a  {'lire,  l'intention  du 
comte  Silvestri  n'a  pas  élé  tle  donner 
une  simple  traduction,  mais  une  in- 
terprétation ou  une  sorte  de  paraphra- 
se de  ses  auteurs.  Celle  de  Juve'nal 
est  en  terza  rima.  Dans  celle  de  Perse 
le  comte  s'est  affranchi  de  la  rime, 
dont  les  entraves,  dit-il,  l'empê- 
chaient d'arriver  à  son  but  (2).  Les 
Italiens  estiment  beaucoup  cette  ver- 
sion interprétative  des  deux  princi- 
paux satiriques  latins  -,  mais  ce  qu'ils 
estiment  bien  plus  encore,  ce  sunt  les 
notes  et  les  dissertations  très-savan- 
tes qui  l'accompagnent.  En  effet,  elles 
contiennent  une  foule  de  remarques 
curieuses  et  intéressantes,  une  mul- 
tituded'éclaircissements  sur  des  usa- 
ges anciens(3),  l'explication  d'un 
grand  nombre  d'inscriptions,  dont 
plusieurs  étaient  publiées  pour  la 
première  fois,  etc.  En  un  mol,  c'est 
une  mine  de  science  et  d'érudition, 
où  les  archéologues  surtout  ont  pu 
et  peuvent  encore  abondamment 
puiser.  A  l'occasion  de  l'édition  de 
1758,  le  Journal  étranger,  dans  son 
numéro  de  juin  1760,  a  consacré  près 
de  trente  pages  à  l'analyse  de  l'œuvre 
du  comte  Silvestri.  Nous  y  renvoyons 
le  lecteur.  B — L-u. 

SILVIO  (Dominique), doge  de  Ve- 
nise de  1071  à  1084,  et  successeur 
(le  Dominique  Consarini,  fut  un  des 
bienfaiteurs  de  l'Église  patriarcale  de 
Grado.  Il  donna  des  secoursaux  Grecs 
contre  Robert  Guiscard ;  mais  sa  flotte 
ayant  été  défaite,  en  1084,  il  fut  dé- 
posé par  les  intrigues  de  Vital  Fale- 
dro  qui  lui  fut  substitué.     S.  S — l. 

(2)  Voyez  su  Prefaxiont  allt  satire  di 
Persio  :  elle  est  en  vers,  comme  celle  qu'il 
a  mise  à  la  tète  de  JuTéaaI. 

(3)  Les  usages  antiques,  expliqués  par 
Silvestri,  sont  au  uomijre  de  plus  de  r-o; 
les  Indice,  très-bien  faits,  en  donnent  la 
nomenclature,  etc. 

LXXXII. 


SILVIO  (Jean),  peintre,  né  à  Ve- 
nise au  commencement  du  XVP  siè- 
c'e,  doit  être  regardé  comme  un  des 
meilleurs  artistes  de  l'école  vénitien- 
ne. L'inspection  de  ses  ouvrages  fait 
supposer  qu'il  fut  élève  du  Titien.  Oq 
reconnaît  surtout  le  caractère,  le  style 
et  la  couleur  de  ce  maître  dans  la 
composition  pleine  d'élégance  qu'il 
a  peinte  pour  l'église  de  Piove  di  Sac- 
co,  dans  la  podesterie  du  Padouan. 
Elle  représente  5amf  Martin  sur  le 
siège  épiscopal,  ayant  à  ses  côtés  les 
apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul. 
Trois  anges  les  accompagnent,  deux 
soutiennent  la  crosse  du  prélat;  le 
troisième,  sur  les  degrés  du  trône, 
joue  de  la  lyre.  Il  est  impossible  de 
voir  une  figure  plus  gracieuse,  et  le 
Titien  lui-même  n'a  rien  de  plus  par- 
fait que  les  deux  autres  pour  le  na- 
turel et  le  goût.  Ce  tableau  a  été  peint 
en  1532.  Il  existe  un  assez  grand 
nombre  de  peintures  du  Silvio  dans 
tout  le  Trévi.san.  P — s. 

SILVY  (Louis),  qu'on  pourrait 
appeler  le  dernier  solitaire  de  Port- 
Royal,  naquit  à  Paris  le  27  novem- 
bre 1760,  d'une  famille  de  magis- 
trature, vouée  probablement  depuis 
long-temps  aux  opinions  et  aux  tra- 
ditions jansénistes.  Son  père  était 
conseiller  du  roi  et  auditeur  à  la 
chambre  des  comptes;  il  lui  suc- 
céda dans  cette  charge.  Plusieurs 
familles  de  la  capitale  avaient  jadis 
une  affection  particulière  pour  les 
religieux  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  moins  encore  par  véné- 
ration pour  la  science  qu'on  voyait 
fleurir  dans  cette  corporation  que 
par  sympathie  pour  les  opinions  re- 
ligieuses qui  y  dominaient.  Ce  fut, 
nous  en  sommes  persuadé,  ce  mo- 
tif qui  détermina  les  parents  du 
jeune  Silvy  à  mettre  son  instruction 
sous  lu  direction  de  Dom  Deforis 
16 


5/»2 


SiL 


bénédictin  des  Blancs -Manteaux, 
savant  laborieux,  régulier,  mais  en- 
taché malheureusement  des  idées 
nouvelles.  Quand  même  Silvy  n'au- 
rait pas  puisé  à  la  mais  ni  paternelle 
les  idées  jansénistes  dont  il  devint 
si  chaud  partisan,  le  commerce  du 
bénédictin  vénéré  eût  suffi  pour  y 
porter  son  âme  ardente  (1).  Il  prit, 
sous  la  conduite  de  D.  Deforis,  des 
sentiments  chrétiens,  reçut  une  édu- 
cation austère  et  une  instruction 
remarquable  sous  le  rapport  des 
connaissances  religieuses.  Il  aida 
mêaie  son  maître  pour  l'édition  sys- 
tématique des  œuvres  de  Bossuet, 
que  Lequeux  avait  commencée. 
Peut-être  dut-il  à  l'exemple  et  aux 
leçons  de  D.  Deforis  l'avantage  de 
ne  pas  donner  dans  les  principes  et 
dans  les  erreurs  de  la  révolution, 
où  ses  idées  jansénistes  devaient 
pourtant  nalunllement  et  logique- 
ment l'entraîner.  Nous  croyons  qu'il 
fut  tout-à-fait  opposé  à  l'église  con- 
stitutionnelle. Les  changements  arri- 
vés dans  l'État  le  privèrent  de  sa 
charge;  il  eut  sa  part  des  dangers 
que  couraient  dans  ce  temps  tous 
les  honnêtes  gens  et  surtout  ceux 
qui  possédaient  quelque  fortune. 
Alors,  en  homme  religieux  et  rési- 


(l)  Oa  sait  que  M.  Silveslre  de  Sacy 
puisn  aussi  dans  la  fréquentation  de  Saint- 
Gennain-des-Prés  et  la  conversation  de  dom 
BertLfieau  uu  attacbement  au  jansénisme 
dont  il  ne  se  défit  jamais  entièieraeut.  Puis- 
que nous  rappelons  *on  nom  dans  cette  cir- 
constance, nous  émettrons  i<i  une  opinion 
qui  u'a  pas  d'autre  poids  qu'une  coujectui  e, 
mais  que  nous  croyons  fondée.  On  a  écrit 
que  le  célèbre  solitaire  Isaac  Le  Maistre, 
traducteur  de  la  Bible,  etc.,  avait  reçu  le 
surnom  de  Saci ,  qui  le  distinguait  de  ses 
frères,  de  la  décom[)Oiition  de  sou  prénom 
Isaac.  Nous  croyons  que  les  parents  du 
jeune  Sylvestre  (Antoine-Isaac)  lui  donnè- 
rent aussi  le  surnom  de  Sacy  (Saci)  de  l'a- 
nagramme de  son  préuom  Isaac,  en  souve- 
nir du  (ameux  solitaire  de  Port-Royal. 


SIL 

gne  aux  décrets  de  la  Providence, 
Silvy,    comme    il    le    fit    toujours 
depuis,  consacra  son  temps  à  l'é- 
tude de    la  religion  et  aux  œuvres 
de  la  charité.   Il   était   secondé  et 
devancé  dans  cette  pratique  de  la 
bienfaisance   par    une    femme    qui 
partageait  tous  ses  sentiments,  et 
qui    l'autorisa  même  à  vendre  ses 
bijoux  pour   soulager  les  pauvres. 
Cette  femme ,    qu'il  avait  épousée 
avant  le  temps  de  la  Terreur,  était 
Rosalie-Thérèse  Boudet,   d'une  fa- 
mille bourgeoise,  engagée  aussi  dans 
la  magistrature  et  également  dans 
les  opinions  janséniennes.  Elle  était 
be.iucoup  plus  jeune  que  lui,  et  ce- 
pendant il  la  perdit  au  bout  de  quel- 
ques années  d'une  union  heureuse; 
elle  mourut  en  1809,  à  peine  âgée 
de  trente-deux  ans.  Membre  et  se- 
crétaire de  la    fabrique  de   Notre- 
Dame-des-B!ancs  -  Manteaux  ,   Silvy 
ne  se  bornait  pas  à  celte  fonction 
pieuse  et  charitable;  il  était  en  même 
temps  commissaire  des  pauvres;  il 
se  livrait  aussi  a  des  études  et  à  des 
lectures  sérieuses,  ayant  spéciale- 
ment pour  objet  les  matières  ecclé- 
siastiques.   Plus    conséquent  à  ses 
principes  que  d'autres  laïques,  qu'on 
a  vus,  en  petit  nombre,  se  passion- 
ner,  par    esprit    de    parti,  en   ces 
derniers  temps,  pour  des  études  du 
même   genre,  Silvy  menait  la  vie 
d'un  pénitent  et  d'un  solitaire,  réci- 
tait tous  les  jours  l'office  de  l'Église, 
jeûnait  tous  les  vendredis,  et,  jus- 
que dans  ses  dernières  années,  cou- 
chait sur  une  simple  paillasse.  Nous 
l'avons  vu  presque  octogénaire  se 
rendre  à  la  métropole,  en  hiver,  pour 
assister  aux  matines  des  chanoines, 
qui    se   célébraient   à  sept   heures 
du  matin,  avant  que  l'arcliuvcque, 
M.  Affre,  eût  supprimé  une  partie 
de  l'office  canonial,  au  grand  d('plai- 


.  SÎL 

sir  des  chanoines  les  plus  réguliers  et 
des  pieuxcalholiques.Comuie  tous  les 
jansénistes,  il  gémissait  sur  ce  qu'ils 
appellent  les  maux  de  i'Église.  Dans 
ses  principes  de  rigorisme  il  s';if- 
fligeaii  aussi,  et  avec  plus  de  raison, 
sur  les  maux  réels,  sur  le  peu  de 
discernement  que  le  très-grand  nom- 
bre des  prêtres  apporte  dans  l'ad- 
mission aux  sacrements;  du  peu  de 
foi  manifestée  dans  leur  adixiinislra- 
lion,  faite,  trop  souvent,  sans  gra- 
vité; de  la  précipitation  et  de  la 
routine  dans  la  célébration  de  la 
sainte  messe.  Port-Royal  lui  arra- 
chait des  soupirs  moins  légitimes; 
le  souvenir  de  cette  maison  était  vi- 
vement gravé  dans  son  âme.  Au  mois 
d'octobre  de  l'année  1809,  année 
centenaire  de  la  dispersion  des  reli- 
gieuses, Silvy,  en  compagnie  de 
nombreux  pèlerins,  alla  visiter  les 
ruines  de  ce  monastère ,  et  là ,  il 
aura  sans  doute  donné  cours  à  sa 
verve  et  à  sa  douleur.  Une  autre 
époque,  celle  du  8  septembre  1813, 
centième  anniversaire  de  la  bulle 
Unigenilus,  donnée  par  Clément  XI 
contre  les  erreurs  du  livre  de  Ques- 
nel,  anima  le  zèle  de  Silvy,  partisan 
et  apologiste  des  appelants,  et  lui 
fournit  l'occasion  d'une  scène  fana- 
tique et  ri  licule.  Dans  une  réunion 
d'amis  jansénistes  il  prononça  trois 
discours  ;  dans  les  deux  premiers,  il 
dévuila  à  sa  façon  les  moyens  à  l'aide 
desquels  ce  décret  avait  obtenu  ce 
qu'il  appelait  une  apparence  d'ap- 
probation générale.  Il  avait,  après 
cent  autres  depuis  un  siècle,  un  ta- 
bleau bien  pathétique  à  faire  sur  les 
infortunes  de  tant  de  récalcitrants, 
qui  avaient  préféré  une  vie  errante 
à  l'obéissance  à  l'Église.  Ce  n'est  pas 
que  tous,  dans  cette  existence  no- 
made, aient  été  trop  malheureux 
chez  leurs  adeptes;    mais    que  de 


SIL 


243 


belles  phrases  a  faire!  Dans  son 
troisième  discours,  qui  a  été  im- 
primé depuis,  il  saluait,  comme  tous 
les  fanatiques  de  son  bord,  l'entrée 
prochaine  des  enfants  d'Israël  dans 
le  sein  de  l'Église.  Une  des  folies  de 
Bonaparte  avait  été  d'amener  à  Pa- 
ris les  archives  du  Vatican;  Silvy 
obtint  de  les  consulter,  et  ses  soins 
furent  d'y  chercher  quelque  chose 
contre  les  jésuites.  Avec  quelle 
sainte  indignation  vit-il  que  ces  re- 
ligieux, et  le  doucereux  Fénelon 
avec  eux,  avaient  soufflé  le  feu  de 
la  persécution  contre  les  prétendus 
jansénistes!  Que  de  belles  choses 
n'y  trouva-t-il  pas  contre  l'odieuse 
bulle  Unigenitus!  Il  puisa,  copia, 
collationna,  dit-on,  quelques  pièces 
dont  ses  co-religionnaires  promet- 
tent ou  menacent  d'enrichir  un  jour 
la  littérature,  la  diplomatie  et  l'his- 
toire. Peu  de  temps  après  il  com- 
mença pourtant  à  écrire,  à  publier 
quelques  opuscules,  toujours  dans 
le  sens  de  ses  affections  et  de  ses 
préoccupations.  Ainsi,  on  le  vit 
prendre  le  parti  de  quelques  jansé- 
nistes du  diocèse  de  Lyon ,  à  qui 
leurs  actes  de  schisme  attiraient  des 
désagréments;  attaquer,  comme 
nous  l'avons  dit  nous-même  à  l'ar- 
ticle Picot,  les  mémoires  ecclésias- 
tiques de  cet  auteur.  Silvy  faisait  un 
plus  juste  et  plus  digne  usage  de  ses 
bons  désirs  et  de  son  zèle  en  cher- 
chant à  combattre  l'incrédulité  par 
d'énergiques  protestations  contre  les 
nouvelles  éditions  des  œuvres  de 
Voltaire  et  de  Rousseau,  et  au  sujet 
du  nouveau  fronton  de  l'ancienne 
église  Sainte-Geneviève.  Mais  ce  qui 
souleva  surtout  son  indignation  fut 
le  rétablissement  des  jésuites  en 
France.  Quel  alfreux  spectacle  pour 
Silvy  qui  tant  de  fois  avait  béni  leur 
suppression  et  les  regardait  comme 

16. 


24i 


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SIL 


anéantis  pour  toujours!  H  mit  tout 
en  œuvre  pour  offrir  aux  yeux  de  la 
géue'ration  actuelle  les  couleurs  dont 
on  les  peignait  jadis.  Le  fameux 
Martin  {voy.  ce  nom,  LXXllI,  246) 
vint  dans  les  premiers  temps  de  la 
Restauration  donner  un  supplément 
d'espérance  à  tous  ceux  qui  se  nour- 
rissaient de  chimères.  Silvy  fut  une 
des  premières  et  des  principales  du- 
pes de  ce  fuurbe;  il  le  reçut  chez 
lui,  et,  voyant  l'œuvre  de  Dieu  dans 
les  prétendues  révélations  de  cet 
homme  (2),  il  se  donna  le  mérite  de 
les  publier;  peu  s'en  fallut,  à  cette 
occasion,  qu'il  n'encourût  la  peine 
de  la  prison  en  police  correction- 
nelle, où  il  avait  été  traduit.  Bien 
entendu  qu'en  publiant  les  révéla- 
tions de  Martin,  Silvy  chercha  en- 
core à  servir  son  parti  de  prédilec- 
tion, au  moins  d'une  manière  indi- 
recte, et  l'on  put  soupçonner  que  le 
jansénisme  était  le  mobile  de  cette 
œuvre.  Nous  donnons  en  note  une 
preuve  de  ce  fait  peu  important, 
mais  qui  mérite  d'être  connue.  Ce 
genre  avait  d'ailleurs  une  sorte  d'at- 

(v.)  Silvy  est  resté  persuadé  jusqu'à  la  fia 
<lu  suruaturel  des  coniniuuications  dont  se 
liaUail  Martin,  et  il  nous  dit  un  jour  à  Fort- 
Royal  que  cet  homme  avait  fait  comme 
Jeauiie  d'Arc,  et  avait  dépassé  sa  mission. 
Quand  la  publication  des  Révélations  excita 
les  couversutions  et  les  commentaires,  nous, 
tres-jeune  alors,  basions  notre  incrédulité 
sur  quelques  points  dont  l'uu  était  les  com- 
munions peu  fréquentes  de  cet  homme  pré- 
féré de  Dieu.  Un  prêtre  émigré,  et  qui  n'est 
rentré  eu  France  que  depuis  cette  époque, 
nous  dit  qu'eu  Auglcterre  les  catholiques 
avaient  soupçonné,  eu  voyant  le  coutenu  de 
ce  recueil,  qu'il  était  une  invention  et  une 
tactique  des  jauséuistes.  Assurément,  ce 
prêtre  et  ceux  qui  avec  lui  portaient  ce  ju- 
gement plus  ou  moins  fondé  ne  savaient 
pas  que  Silvy  en  était  l'éditeur.  Martin  sen- 
rit  plus  tard  le  tort  que  ferait  à  son  affaire 
cette  alliauce  avec  les  jansénistes,  et  osa 
nier  qu'il  eût  eu  des  rapports  avec  eux. 
Martin  meutait,  et  Silvy  nous  a  dit  à  nous- 
même  que  Martin  avait  logé  chez  lui. 


trait  pour  Silvy,  et  son  œuvre  la  plus 
volumineuse,  celle  qu'il  a  intitulée  : 
Eatraits  des  discours  de  piété  et 
donnée  en  cinq  volumes  (1822), 
n'est  que  le  fruit  des  improvisations 
d'une  dévote  du  parti,  nommée  ma- 
demoiselle Fronteau.  Il  pensait  que 
c'était  peut-être  la  partie  la  plus 
merveilleuse  de  cette  série  de  mi- 
racles qui,  suivant  lui,  ont  signalé 
plus  de  la  moitié  du  dix  huitième 
siècle.  Les  instruments  de  celte  œu- 
vre étaient  tous  réunis  dans  une 
pensée  principale,  qui  était  d'exhor- 
ter les  fidèles  de  ce  dernier  temps 
à  la  pénitence  (idée  toujours  excel- 
lente), et  d'appeler  à  grands  cris  l'a- 
vénement  du  prophète  Élie,  dont  on 
peut  dire  qu'ils  furent  les  hérauts. 
Les  pauvres  jansénistes  n'ont  plus 
d'autre  espérance,  et  Silvy,  pendant 
les  vingt-cinq  dernières  années  de 
sa  vie,  faisait  de  cette  œuvre  l'un 
des  principaux  objets  de  son  atten- 
tion; il  y  attachait  une  grande  im- 
portance et  allait  jusqu'à  se  faire  un 
mérite  devant  Dieu  de  la  publication 
de  ces  volumes  pleins  de  discours 
fanatiques.  Son  bon  sens  naturel  lui 
faisait  pourtant  voir,  comme  il  l'a- 
vait découvert  à  quelques  autres  de 
son  parti,  que  le  phénomène  de  cet 
avènement  d'Élie  était  bien  nua- 
geux. Héroïquement  généreux  dans 
ses  actes  de  chariié,  Silvy,  le  jour 
même,  où,  en  l'année  1824,  il  perdit 
sa  uière  presque  centenaire,  disposa 
par  testament,  en  faveur  des  pau- 
vres, d'une  portion  notable  de  la 
fortune  qu'elle  lui  laissait.  Peu  après 
il  se  désista  de  l'usufruit  des  biens 
de  sa  femme.  Nous  voulons  signaler 
aussi  dans  Silvy  une  disposition 
trop  rare  et  trop  louable  pour  u'ctre 
pas  connue.  11  portait  la  délicatesse 
de  conscience  jusqu'à  rechercher 
l'origine  des  biens  qui  lui  étaient 


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245 


échus  par  succession ,  dans  la 
crainte  qu'ils  ne  fussent  pas  tous 
des  fruits  de  justice,  et  tâchait  de 
réparer  par  des  dons  et  des  offran- 
des les  fautes  dont  certains  mem- 
bres de  sa  famille  avaient  pu,  sui- 
vant lui ,  se  charger  devant  Dieu 
dans  des  circonstances  à  lui  con- 
nues. Il  eut  notamment  la  pensée  de 
faire  quelques  legs  à  la  paroisse 
Saint-Eustache,  oii  trois  de  ses  pa- 
rents s'étaient  succédé  comme  cu- 
rés, craignant,  disait-il,  qu'il  n'y  eût 
dans  cette  succession  à  une  même 
charge  ecclésiastique  de  trois  hom- 
mes d'une  même  famille  et  du  même 
nom  quelque  chose  de  contraire 
aux  règles  canoniques.  Néanmoins,  il 
n'en  est  point  fait  mention  dans  son 
testament  ;  peut  être  a-t-il  rempli 
cette  intention  de  son  vivant,  car  il 
voulait,  comme  il  le  répétait  sou- 
vent, se  dépouiller  de  ses  biens  de 
son  vivant,  et  ne  pas  attendre  que  la 
mort  l'y  forçât.  Il  avait  à  cœur  une 
chose  qui,  étant  réalisée,  lui  fut 
fort  agréable,  ainsi  qu'à  tout  le  parti. 
En  1826,  il  devint  locataire  des  rui- 
nes de  l'abbaye  de  Port-Royal-des- 
Champs;  peu  de  temps  après  il  s'em- 
pressa d'acquérir  cette  propriété  et 
quelques  dépendances.  Il  se  félici- 
tait de  cette  acquisition,  car,  «sans 
cela,  disait-il  à  l'un  de  nos  amis,  la 
maison  serait  tombée  en  de  bien 
mauvaises  mains!  —  Et  quelles 
mains  donc?  — Celle  de  M.  l'évê- 
que  de  ***.  •  Il  chercha  bientôt  un 
moyen  de  perpétuer  dans  la  contrée 
les  principes  qui  lui  étaient  si  chers, 
en  établissant  des  écoles  pour  les 
enfants.  Ainsi,  en  1829,  il  fonda  une 
école  de  garçons  en  la  paroisse 
Saint -Lambert,  et  la  donna  aux 
frères  dits  de  Saint-Antoine.  Il  fit  la 
même  chose,  en  1835,  à  Magny,  com- 
mune sur  laquelle  se  trouvent  si- 


tuées les  ruines  de  Port-Royal.  Dans 
ces  deux  localités,  il  établit  aussi 
des  écoles  distinctes  pour  les  jeunes 
filles.  11  ne  borna  pas  là  ses  œu- 
vres de  bienfaisance;  il  concourut 
à  payer  la  pension  de  quelques  en- 
fants pauvres  et  orphelins,  secourut 
des  vieillards  et  aida  à  orner  les 
églises.  Par  suite  d'une  heureuse 
habitude  dans  les  fauulles  chré- 
tiennes qui  ont  gardé  les  mœurs 
patriarcales,  habitude  trop  rare  de 
nos  jours,  Silvy,  à  Port-Royal,  réu- 
nissait près  de  lui,  matin  et  soir,  les 
ouvriers  et  les  domestiques  qu'il 
employait ,  et  faisait  avec  eux  la 
prière  et  des  lectures  de  piété.  Il  leur 
prêchait  aussi  la  nécessité,  pour  les 
chrétiens  de  toutes  les  classes,  de 
cesser  les  travaux  manuels  les  diman- 
ches et  fêtes.  Il  passait  la  belle  sai- 
son à  son  cher  Port  Royal,  et  y  avait 
commencé  des  travaux  de  réparation 
et  d'assainissement.  Pour  perpétuer 
le  souvenir  topographique  de  l'église 
de  l'abbaye,  dont  au  reste  il  existe 
plusieurs  gravures,  il  fit  construire 
un  oratoire  à  la  place  qu'avait  oc- 
cupée l'autel  principal  et  le  chœur 
du  chapelain.  Dans  cet  oratoire  sim- 
ple et  modeste,  on  voit  le  portrait 
du  grand  Arnauld  et  des  vers  à  sa 
louange,  etc.,-  le  chœur  des  religieu- 
ses et  les  subdivisions  de  la  nef  en 
bas-côtés  sont  tracés  par  des  peu- 
pliers plantés  en  ordre  (3).  Ces  lieux, 
ravivés  par  Silvy,  étaient  et  sont  en- 
core visités  par  les  dévots  zélés  du 


(3)  Depuis  que  ceci  est  écrit,  les  Frères  de 
Saint- Antoine,  dits  aussi  Tabourins,  héritiers 
de  Port-Royal,  que  Silvy  avait  cédé  moyen- 
Dant  un  viager,  ont  fait  transporter  ailleuis 
les  t;il)leaux  de  l'oratoire  et  restaurer  large- 
ment la  maison  de  Silvy.  Le  duc  de  Lnynes 
a  fait  aussi  pratiquer  des  fouilles  dans  le 
chœur  des  religieuses,  ce  qui  a  changé  ce 
que  nous  disuus  duus  cet  article  de  la  dis 
position  des  lieux. 


246 


SIL 


parti  qui  y  vont  en  pèlerinage  (il  y 
a  même  un  volume  publié  ad  hoc  par 
l'abbé  Gazagne).  Les  frères  de  Saint- 
Antoine,  à  l'époque  de  leurs  vacan- 
ces, y  raniment  leur  piété  en  récitant 
l'office  des  saintes  reliques;  les  ar- 
dents d'Argcnteuil  y  viennent  prier 
avec  plus  de  simplicité  et  de  cou- 
rage. Un  des  ouvriers  du  lieu  nous 
répétait  ce  qu'il- avait  entendu  dire  à 
Siivy,  édifié  du  zèle  et  de  la  péni- 
tence de  ces  bonnes  gens  :  Eh  bien  ! 
le  curé  d'Argenteuil  prêche-t-H  tou- 
jours contre  les  jansénistes?  Les 
souvenirsde  Port-Royal  attirent  aussi 
dans  ces  lieux  et  aux  Granges  des 
pèlerinsd'un  autre  genre.  Nous  avons 
nous-même  visité  plusieurs  fois  ces 
ruines  célèbres,  et,  lors  de  notre  pre- 
mier voyage,  nous  fûmes  reçu  par 
Silvy,  qui  nous  témoigna  une  poli- 
tesse mêlée  de  méfiance  et  de  curio- 
sité, méfiance  ou  réserve  que  notre 
caractère  de  prêtre  semlîla  aug- 
menter quau'l  il  le  connut.  Nous  vî- 
mes, d;ins  la  maison  qu'il  a  fait  con- 
struire, la  chambre  principale  toute 
pleine  de  souvenirs  jansénistes,  au 
pointqu'on  eût  pu  deviner  et  l'homme 
et  le  lieu  (4).  Dans  un  coin  de  cette 
chambre  en  désordre  on  voyait  dans 
une  cliâsseun  busteen  cire,  représen- 
tant la  mèreAngéliqueaveclecostume 
de  son  ordre;  sur  la  table  et  les  meu- 
bles, de  petits  imprimés,  contenant 
des  extraits  de  gémissements  ou  dis- 
cours sur  Port-Royal,  et  surtout  des 

(4)  A  Paris,  Silvy  avait  aussi  donné  uue 
preuve  saillante  de  son  adaiiration  fanati- 
que pour  tout  i-e  qui  tenait,  de  près  ou  de 
loin,  à  Port-Royal  et  à  son  parii.  De  concert 
avec  M.  J-ivry,  avocat,  qui  est  possesseur  ou 
locataire  de  la  maison  qu'liabitait  le  diiicre 
Paris,  rue  des  Bourguignon;,  au  f^iuboiirg 
Saint-Marceau,  il  a  établi  dans  cette  maison 
un  musée  composé  d'objets  qui  ont  élé  à 
Port-Royal,  ou  qui  ont  ajipartenu  aux  célè- 
Incs  amis  de  la  vérité,  etc.,  et  des  reliques 
des  saints  jauséuistes. 


SIL 

gémissements  d'une  demoiselle  de 
compagnie,  qui  n'est  peut-être  autre 
que  cette  demoiselle  Fronteau,  dont 
nous  avons  parlé  ci-dessus.  A  l'entrée 
de  la  cour,  à  droite,  ou  voit  encore 
la  maison  habitée,  dit-on,  par  S. 
Thibault,  qui  a  été  directeur  des  re- 
ligieuses, primitivement  dépendantes 
de  l'abbaye  de  Savigni  ;  puis  une  au- 
tre maison  habitée  parle  fermier. Le 
reste  de  l'enclos  n'avait  pas  encore 
excité  le  zèle  de  Silvy,  et  nous  eûmes 
un  jour  quelque  peine  à  retrouver 
dans  la  prairie  la  fontaine  de  la  mère 
Angélique,  cachée  par  l'herbe.  Cette 
description  et  ces  détails  minutieux, 
que  nous  donnons  à  dessein,  auront 
leur  genre  d'intérêt  pour  une  cer- 
taine classe  de  lecteurs.  Silvy  nous 
dit  qu'il  avait  pris  ses  précautions 
pour  qu'à  sa  mort  Port-Royal  appar- 
tînt à  des  gens  qui  pussent  l'appré- 
cier. Nous  soupçonnions,  en  faisant 
notre  question,  la  disposition  qu'en 
effet  il  a  prise.  Il  habitait,  h  Paris, 
place  Dauphine;  mais  depuis  deux 
ans  sa  maison  de  Paris  était  riieCha- 
noinesse,  et  il  était  retenu  à  Port- 
Royal  par  ses  infirmités  et  gardait  la 
chambre;  de  là  il  jetait  les  yeux  sur 
la  croix  qu'il  avait  fait  relever  dans 
l'ancien  cimetière  des  religieuses  (le 
préau  du  cloître)  et  demandait  à  Dieu 
quelque  part  des  dons  répandus,  di- 
sait-il, avec  tant  de  profusion  dans  le 
désertdonl  il  contemplait  les  ruines. 
Parvenu  à  l'âge  de  quatre-vingt-six 
ans,  Silvy  mourut  à  Port-Royal  le  12 
juin  I8n,  et  fut,  suivant  son  dé- 
sir exprimé  par  testament,  inhumé 
dans  le  cimetière  de  Saint-Lambert, 
près  des  restes  des  anciens  solitaires 
de  Port-Royal.  Une  affiiience  consi- 
dérable de  jansénistes  et  de  pau- 
vres, etc.  assistait  à  son  convoi.  Ou- 
tre les  cinq  volumes  dont  nous  avons 
parlé  et  qui  sont  le  plus  étendu  de 


SIL 


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247 


ses  ouvrages,  Silvy  en  a  publié  plu- 
sieurs autres.  Nous  connaissons  les 
suivants  :  l.  La  vérité  de  l'histoire 
ecclésiastique  rétablie  par  les  monu- 
ments authentiques,  contre  le  système 
d'un  livre  intitulé  :  Mémoires  pour 
servir  à  I  histoire  ecclésiastique  pen- 
dant le  XV11I«  siècle,  par  M.  S***, 
ancien  magistrat  ,  Paris,  décembre 

1814,  in-S".  Il  faut  que  Silvy  ait  eu 
fort  à  cœur  de  répondre,  car  sa  bro- 
chure ne  devait  plus  avoir  le  charme 
de  la  nouveauté  contre  des  mémoires 
que  Picot  avait  publiés  en  1806;  ce 
ne  fut  qu'en  1816  que  ."parut  la  se- 
conde édition.  11.  Première  lettre  à 
l'auteur  des  Mémoires  pour  servira 
l'histoire  ecclésiastique  pendant  le 
XVIII^  siècle.  Cette  lettre  peut  servir 
d'avis  aux  souscripteurs  de  cet  ou- 
vrage et  aux  abonnés  du  journal 
du  même  auteur.  On  y  a  jointe  etc., 
parM.S**\ancienmagislrat,?iiir'\s, 

1815,  br.,  in-8°.  C'est  un  manifeste 
contre  la  2®  édition  et  contre  VAmi 
de  la  religion.  III.  Les  véritables 
Sfntiments  de  Bossuet  rétablis  par  les 
manuscrits  originaux  et  atitres  té- 
moignages irrécusables,  en  ce  qui 
concerne  un  point  historique  très- 
important  dont  traite  M  de  Uausset, 
auteur  de  la  vie  de  ce  grand  écêque; 
Paris,  1815,  in-S^.  IV.  Les  jésuites 
tels  qu'ils  ont  été  dans  l'ordre  poli- 
tique, religieux  et  moral,  Paris,  1815, 
in-8°.  V.  Du  rétablissement  des  jé- 
suites en  France,  Paris,  1816,  in-8°. 
\l. Éclaircissement  au  sujetdes dépê- 
ches du  prince-régent  de  Portugal, 
concernant  les  jésuites,  envoyées  à 
son  ministre  à  Rome,  Paris,  1816, 
in-S" .\ II.  Les  fidèles  catholiques  aux 
évêques  et  aux  pasteurs  de  l'Église 
de  France,  au  sujet  des  nouvelles 
éditions  des  œuvres  de  Voltaire  et 
Rousseau.,  Paris,  1817,  iu-8".  VIII. 
Relation  concernant  les  événements 


qui  sont  arrivés  à  un  laboureur  de 
la  Beauce  dans  les  premiers  mois  de 
1816,Paris,18l7,in-8''.  W.HenrilV 
et  les  jésuites,  suivi  d'une  Disserta- 
tion sur  la  foi  qui  est  due  au  témoi- 
gnage de  Pascal  dans  ses  Lettre» 
provinciales,  Paris,  1818,  in-8".  X. 
Avis  important  sur  les  nouveaux 
écrits  des  modernes  ultramontains  et 
des  apologistes  d'une  société  renais- 
sante, Paris,  1818.  XI.  Difficulté  capi- 
tale, proposée  à  M.  l'abbé  Frayssi- 
nous  au  sujet  de  son  livre  intitulé  : 
Les  vrais  principes  de  l'église  galli- 
cane, Paris,  1818,  in-8°.  XII.  Plainte 
en  calomnie  et  diffamation  contre  un 
journaliste  qui  se  qualifie  l'Ami  de 
la  Religion  et  du  Roi,  oii  l^on  éclair- 
cil  un  point  historique  concernant 
le  pape  Grégoire  VII  et  nos  libertés 
gallicanes,  avec  une  Observation 
sur  l'importance  et  le  fondement  des 
quatre  articles  du  clergé  de  1082 
contre  le  système  des  gallicans  d'opi- 
nion, par  M.  Silvy,  ancien  magistrat, 
Paris,  1818,  in-8°.  XUI.  Discours  sur 
les  promesses  renfermées  dans  les 
Écritures  et  qui  concernent  le  peuple 
d'Israël,  Paris,  1818,  in-8''.  XIV. 
Quelques  réflexions  d'un  vieux 
croyant  catholique  sur  le  change- 
ment des  sculptures,  emblèmes  et  fi- 
gures faits  au  frontispice  du  Pan- 
théon, ci-devant  l'église  de  Sainte- 
Geneviève,  1818.  XV.  Articles  rela- 
tifs à  lu  religion,  extraits  du  Jour- 
nal du  Commerce,  dans  les  premiers 
mois  del'an  181 8(du  4  janvier  au  4  no- 
vembre), Paris,  1818,  in-8''.  On  lit,  à 
la  lin  de  cette  brochure:  «  Je  certilie 
que  les  articles  ci-dessus  sont  tidè- 
leinent  extraits  du  Journal  du  Com- 
merce. Le  cardinal  de  la  Luzerne.  • 
On  voit  combien  la  plume  de  Silvy 
fut  féconde  en  cette  année  ^  il  est 
vrai  que  ses  publications  n'étaient 
(iiie  dos  brochures,  XVi.  Doléances  et 


248 


SIL 


pétitions  des  (idèles  persécutés  dans 
le  diocèse  de  Lyon  aux  honorables 
membres  de  la  chambre  des  pairs  et 
de  celle  des  députés,  où  l'on  fait  voir 
une  foule  d'actes  de  schisme  qui 
s'exercent  depuis  quinze  ans  dans  un 
grand  noaibre  de  paroisses  du  dio  • 
cèse  de  Lyon,  etc.,  Paris,  1819,  in-S". 
XVII.  Réponse  à  l'Ami  de  la  religion 
des  jésuites,  où  l'on  expose  les  cau- 
ses véritables  de  leur  suppression, 
d'après  le  bref  de  Clément  XIV, 
qui  les  a  abolis,  et  d'après  une 
lettre  officielle  du  cardinal  de  Ber- 
nis,  que  l'on  oppose  à  la  bulle  de 
Pie  Vil  qui  les  a  rétablis,  par  M. 
S***,  ancien  magistrat,  Paris,  1819, 
in-8".  XVIII.  Réponse  à  Vapolo- 
giste  des  ultramontains,qui  se  dit 
VAmi  de  la  religion  et  du  roi,  où 
l'on  démontre,  par  des  pièces  authen- 
tiques, que  l'on  n'a  pas  cessé  de  main- 
tenir au  delà  des  monts  la  doctrine 
contraire  au  premier  de  nos  quatre 
articles,  rempart  de  nos  libertés  gal- 
licanes, par  M.  S***,  ancien  magis- 
trat, Paris,  1819,  in-8''.  XIX.  Eclair- 
cissements de  plusieurs  faits  relatifs 
à  la  persécution  qui  a  lieu  dans  une 
partie  du  diocèse  de  Lyon ,  extrait 
de  la  Chronique  religieuse,  Paris, 
1820,  in-S».  XX.  Relation  des  faits 
miraculeux  concernant  la  révérende 
mère  Emmerich,  religieuse  du  cou- 
vent des  Augustines  de  Dulmen  en 
Westphaiie,  avec  les  témoignages  qui 
constatent  ces  faits,  subsistants  de- 
puis plusieurs  années,  Paris,  1820, 
in-8°.  XXI.  M.  S**',  ancien  magis- 
trat, à  l'auteur  de  l'écrit  intilulé  : 
Lepasséet  V avenir  expliqués  par  des 
événements  extraordinaires  arrivés 
à  Thomas  Martin,  laboureur  de  la 
Beauce,  in-8°.  C'est  une  suite  et  dé- 
fense des  opinions  insérées  dans  l'ou- 
vrage cité  ci-dessus  sous  le  numéro 
VIII, etdontSilvy  donna  une  nouvelle 


édition  en  novembre  1830,  puis  une 
troisième  en  janvier  1831.  Dans  cette 
suite,  Silvy  se  justifie  mal  du  repro- 
che qu'on  lui  avait  fait  d'avoir  publié 
cette  Relation,  malgré  sa  promesse  de 
ne  pas  le  faire.  Presque  tous  ces  ou- 
vrages ontétéimprimés  par  A.Égron, 
qui  semblait  être  l'imprimcurdu  parti 
et  qui  en  professait  les  opinions.  On 
peut  encore  attribuer  à  Silvy  d'au- 
tres publications  de  ce  genre,  par 
exemple  les  Observations  sur  les  ca- 
lomnies que  l'on  arépandues  et  qu'on 
renouvelle  encore  de  nos  jours  contre 
lemonastère  et  l'écolede  Port-Royal, 
oii  l'on  répond,  etc.,  brochure  in-12 
de  18  pages,  imprimée  aussi  par  A. 
Egron  ;  Remède  unique  aux  maux 
de  l'Eglise  et  de  l'État,  par  un  curé 
de  campagne,  Paris,  1816;  4^  édit., 
1817,  in-12.  Suivant  B.irbier  {Dict. 
des  anonymes),  cet  écrit  aurait  pour 
auteur  un  M.  Jacquemont,  et  Silvy 
n'en  serait  que  l'é  liteur.  On  a  encore 
de  lui  lÊlogedeM.  l'abbé Uautefage, 
ancien  chanoine  d'Auxerre,  prononcé 
dans  une  réunion  de  ses  amis  et  de 
ses  élèves,  Paris,  1816,  in-8».  Ainsi 
que  nous  l'avons  dit  ci-dessus,  il 
avait  aidé  D.  Deforis  dans  son  tra- 
vail pour  l'édition  des  OEuvres  de 
Bossuet,  commencée  par  Lequeux, 
et  que  ce  bénédictin  était  chargé  de 
continuer.  Les  tables  du  13^  et  du  U® 
volume  avaient  été  dressées  par 
Silvy;  elles  n'ont  point  été  impri- 
mées. Silvy  chérissait  fort  la  société 
des  instituteurs  dite  des  frères  de 
Saint-Antoine,  et  qui  s'appelait  elle- 
même  des  écoles  chrétiennes {jj).  11  lui 

(5)  Cette  société  de  frères,  établie  pour 
l'enseignement  primaire,  est  peu  connue. 
L'auteur  de  cet  Jirtiile  leur  consacrera  un 
chapitre  dans  le  supj)lémeiit  à  VHisioire  det 
ordres  nwiiasltques,  par  le  V.  Hélyot,  dont  il 
donne  une  nouvelle  édition  augmentée,  et 
dont  les  premiers  volumes  viennent  de  pa- 
raître. 


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249 


a  laissé  le  domaine  de  Port-Royal,  ce 
qui  aidera  à  soutenir  le  parti  et  cette 
société  enseignante,  car  nous  croyons 
les  fonds  de  la  boite  à  Péretle  si  bas 
actuellement,  que  nous  attribuons  au 
manque  de  ressources  la  vente  de  la 
bibliothèque  que  fit  cette  association 
il  y  a  peu  d'années  (6).  Par  reconnais- 
sance et  par  sympathie,  le  frère  ***  a 
consacré  un  éloge  historique  à  Silvy 
dans  la  Revue  ecclésiastique,  iotirnail 
mensuel  auquel  il  donnait,  ainsi  qu'un 
ou  deux  de  ses  confrères,  sou  con- 
cours sous  la  direction  de  M.  R***, 
etc.,  et  dont  il  était  principal  rédac- 
teur (7).  Silvy  prenait  grand  inté- 
rêt à  cette  Revue,  et  gémissait  sans 
doute  de  ce  que  son  grand  âge  le  pri- 
vait d'y  travailler,  quoique  nous 
croyions  qu'il  y  a  eu  part  dans  les 
commencements  Ses  forces  ne  lui 
laissaient  plus,  depuis  quelques  an- 
nées, la  consolation  de  se  rendre 
avec  les  jansénistes  à  la  procession 
en  mémoire  de  la  guérison  de  ma- 
dame Lafosse.  qui  se  fait  encore,  le 
croirait-on,  tous  les  ans,  à  Sainte- 
Marguerite!  S'il  était  possible  de  sup- 
poser les  jansénistes  de  bonne  foi, 
on  mettrait  à  leur  tête  Silvy,  dont 
les  vertus  privées,  le  zèle,  les  bons 
sentiments  chrétiens  étaient  dignes 
d'une  meilleure  cause.  B— d— e. 
SIMÉOiV(JosEPH-SEXTius),  juris- 
consulte, naquit  à  Aix,  en  Provence, 
les  mai  1717,  d'une  famille  du  bar- 
reau, fut  reçu  avocat  au  parlement 
le  17  juin  1737,  et  ne  tarda  pas  à  se 
faire  remarquer  par    de  nombreux 


(6)  Les  f:  ires  de  Saiut-Autoine  ou  Ta- 
bourins  ont  étJthli  un  petit  pensionoat  d'in- 
stiiicliou  primaire  a  Port-Roval,  en  mal 
18/,.).   ^ 

(7)  Celte  Revue,  qui  av;iit  peu  iJ'ahonnés 
et  qui  ii'rtait  qu'un  apostolat  jan^(■•^iste,  a 
cessé  de  paraître  a  la  révolutiou  de  février 
1S48. 


succès,  qui  lui  valurent,  en  1748,  la 
chaire  de  droit  à  l'université  d'Aix. 
11  fut  ensuite  nommé,  en  1754,  syndic 
de  la  noblesse.  En  1764  et  1765,  il 
remplit  la  charge  d'assesseur  d'Aix 
et  procureur  du  pays  de  Provence,  et 
le  8  janvier  1782  il  fut  reçu  secré- 
taire du  roi  en  la  chancellerie  pour 
le  parlement  de  Provence,  fonction 
dans  laquelleil  montra  autant  de  zèle 
que  de  capacité,  tout  en  continuant 
d'exercer  la  profession  d'avocat,  où 
il  se  créa  une  grande  renommée  , 
grâce  à  un  beau  talent  oratoire  e1  k 
une  connaissance  approfondie  des 
lois.  D'une  probité  ,  d'une  aménité 
parfaites,  il  jouissait  de  l'estime  pu- 
blique, lorsque  la  mort  le  frappa  le 
6  avril  1788.  L'avocat  Aiphéran  et 
M.  de  Montineyan  prononcèrent  à 
cette  occasion  de  touchantes  paroles 
au  parlement.  Sa  fille  aînée  avait 
épousé  M.  Portalis.  Son  second  fils, 
Pierre-Antoine  Siniéon  ,  mourut  ca- 
pitaine du  génie,  le  20  septembre 
1790.  C-H— N. 

SIMÉON  (Joseph  Jérôme),  légis- 
lateur et  ministre  d'État,  fils  aîné  du 
précédent,  né  à  Aix,  le  30  sept.  1749, 
commença  ses  études  dans  sa  ville 
natale,  au  collège  des  jésuites,  et  les 
termina  à  Paris,  à  celui  du  Plessis, 
où  il  eut  pour  professeur  l'abbé  Ma- 
rie, depuis  sous-précepteur  des  ducs 
d'Angoulême  et  de  Berry.  Destiné  à 
suivre  la  même  carrière  que  son  père, 
il  revint  à  Aix  faire  son  droit,  et  à 
vingt  ans  il  fut  reçu  avocat.  Son 
début  fut  brillant  et  il  devint,  en 
quelque  façon,  l'émule  de  son  père, 
auquel  on  l'adjoignit,  avec  survivan- 
ce, dans  sa  chaire  de  droit.  Assesseur 
et  procureur  de  1782  à  1784,  il  se 
distingua  par  une  rare  capacité.  Son 
administration  fut  ce  qu'avaient  été 
celles  de  sou  père  et  de  son  beau- 
frère  Portalis,  pleine  d'habileté  et 


250 


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de  prudence.  Lorsque  la  révolution 
e'clata,  sans  s'en  déclarer  l'adversai- 
re, il  ne  s'en  montra  pas  le  partisan; 
mais  quand  la  constitution  civile  du 
clergé  fut  décrétée,  il  refusa  d'y  prê- 
ter serment  en  sa  qualité  de  profes- 
seur de  droit.  Les  journées  du  31  mai 
et  du  2  juin  1793  et  les  excès  des  ter- 
roristes du  Midi,  eii  amenant  la  coa- 
lition de  plusieurs  déparlonient«,  le 
forcèrent  à  sortir  de  la  rciraile  où 
il  s'étaitcondné.  Élu  membre  de  l'as- 
semblée féiléralistc  que  les  provinces 
insurgées  voulurent  opposer  au  des- 
potisme conventionnel,  il  ne  crut 
pas  devoir  accepter.  Ses  concitoyens 
l'ayant  nommé  plus  tard  procureur- 
syndic  du  département,  il  comprit 
qu'il  ne  lui  était  plus  permis  de  se 
soustraire  à  cette  marque  de  con- 
fiance. Tous  ses  efforts  tendirent  à 
tempérer  les  passions  exaltées,  à 
maintenir  l'ordre  au  milieu  du  dés- 
ordre. Dans  une  proclamation  adres- 
sée aux  Français,  il  disait  :  •  Le  peu- 
ple des  Bouches-du  Rbône,  ausi-i  in- 
digné de  Tanarchie  qu'il  l'avait  été 
du  despotisme,  veut  rendre  à  la  Ré- 
publique son  unité,  à  la  Convention 
son  indépendance,  à  la  nation  le  bon- 
heur qu'elle  est  encore  réduite  à  dé- 
sirer après  quatre  ans  de  travaux  , 
de  sacrifices  et  d'épuisements.  Si  la 
souveraineté  du  peuple  est  sou  pre- 
mier dogme,  la  nécessité  et  l'obser- 
vance de  la  loi  doivent  être  le  second. 
Le  respect  des  personnes  et  des  pro- 
priétés est  la  base  de  sa  foi  politique; 
car,  tout  comme  il  n'y  a  pas  de  sou- 
veraineté sans  obéissance,  il  n'y  a 
point  de  pacte  social  sans  garantie.» 
L'insurrection  des  départements  du 
Midi  ayant  succombé  ,  Siméon  fut 
mis  hors  la  loi.  Il  quitta  Marseille  la 
veille  de  l'entrée  des  troupes  conven- 
tionnelles et  se  réfugia  en  Italie.  Il 
habita  Pise,  Livuurne,  et  après  le  9 


thermidor,  amnistié  par  les  décrets, 
il  put  rentrer  en  France.  A  peine  ar- 
rivé à  Marseille,  les  commissaires  de 
la  Convention  ,  Isnard  ,  Cadroy  et 
Chambon  ,  lui  enjoignirent  de  re- 
prendre les  fonctions  de  procureur- 
syndic,  sous  peine  d'être  réputé  mau- 
vais citoyen.  C'était  une  tâche  bien 
diflicile  ;  il  fallait  arrêter  !a  réaction, 
mettre  un  frein  aux  vengeances,  cal- 
mer les  esprits.  Sa  conduite,  dans 
cette  circonstajice,  suffirait  pour  ho- 
norer sa  vie.  Il  y  déploya  une  fermeté 
conrageuse  et  parvint  à  arrêter  de 
sanglantes  représailles  en  dénonçant 
à  l'indignation  publique  'Ces  actes 
atroces  de  vengeance  que  la  loi  con- 
damne, »  en  reprochant  «  aux  enne- 
mis et  aux  victimes  du  terrorisme 
d'imiter  ce  qu'ils  avaient  voulu  pu- 
nir et  d'avoir  aussi  leurs  massacres 
de  septei^bre.'  Lors  de  la  constitu- 
tion de  l'an  III  (1795)  ,  il  fut  élu 
député  au  conseil  des  Cinq -Cents. 
H  y  avait  dans  le  corps  législatif 
deux  partis  fort  distincts  :  le  premier, 
composé  d'esprits  ardents,  débris  de 
la  Convention ,  et  qui  avaient  pris 
p  irt  à  tous  les  excès,  à  tous  les  cri- 
mes de  cotte  assemblée,  voulait,  à 
tout  prix,  la  conservation  de  la  Ré- 
publique, dût-on  y  arriver  par  la  vio- 
lence et  les  massacres;  le  second  était 
celui  des  homuies  sages  qui  désiraient 
le  rétablissement  de  l'ordre,  lors  mô- 
me qu'un  gouvernement  monarchi- 
que en  deviendrait  la  conséquence. 
Cette  opiniun  compta  naturellement 
Siméon  pour  un  de  ses  défenseurs, 
avec  Portails,  Pastoret ,  Miirairc, 
Boissy  d'Anglas,  Barbé-Marbois,  etc. 
Dans  la  lutte  animée  qui  s'enga- 
gea au  milieu  des  conseils,  Siméon 
parut  toujours  en  première  ligne 
sans  tenir  compte  des  périls  aux- 
quels pouvaient  l'exposer  ses  prin- 
cipes nj'idérés.  Le.  9  nov.  179j,  il  parla 


SIM 


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251 


sur  les  assassinats  qui  se  commet- 
taient dans  le  Midi,  et  accusa  Fre'ron, 
commissaire  du  Directoire,  d'y  entre- 
tenir l'agitation  par  des  mesures 
acerbes.  Son  discours  fit  sensation, 
et  dès  ce  moment  il  devint  l'objet  des 
attaquesde  la  presse  révolutionnaire. 
Dans  une  adresse  des  jacobins  de 
Toulon,  on  l'accusa  de  complicité 
dans  la  reddition  de  cette  ville,  puis 
d'émigration.  Lors  de  la  consi)ira- 
tion  royaliste  de  La  Viileurnoy,  on 
trouva  dans  ses  papiers  une  lisle  de 
futurs  ministres  de  Louis  XVIII  où 
Siméon  était  désigné  pour  le  mi- 
nistère de  la  justice.  Il  lui  fut  aisé 
de  prouver  qu'il  n'avait  eu  aucune 
part  à  la  formation  de  cette  liste, 
et  que  son  nom  y  avait  été  porté  à 
son  insu,  comme  ceux  de  plusieurs 
autres  membres  des  conseils.  Ce  fut 
dans  ce  temps  qu'il  s'occupa  de  l'or- 
ginisation  judiciaire,  où  l'on  peut 
dire  qu'il  apporta  de  grandes  lumiè- 
res, principalement  sur  la  contrainte 
par  corps,  sur  les  successions,  le  ju- 
ry, la  liberté  de  la  presse,  le  droit 
criminel,  etc.  Nous  devons  dire  ce- 
pendant que  ce  fut  sur  son  rapport 
(26  oct.  1796)  que  le  conseil  des 
Cinq-Cents  passa  à  l'ordre  du  jour, 
relativement  au  message  du  Direc- 
toire en  faveur  de  l'infortuné  Lesur- 
ques  {voy.  ce  nom,  LXXI,  420).  Le 
discours  que  Siméon  prononça  con- 
tre le  divorce,  ce  mortel  et  terrible 
remède  des  mauvais  mariages, 
ainsi  qu'il  l'appelle,  fut  pour  lui 
un  véritable  triomphe  ;  Chéiiier  et 
de  Maistre  l'ont  luué  d'un  com- 
mun accord,  comme  un  des  plus 
beaux  morceaux  de  l'éloquence  par- 
lementaire. Aux  élections  de  l'an  V 
(1797),  le  Directoire,  pour  écar- 
ter les  électeurs  royalistes  ,  ayant 
proposé  de  leur  faire  prêter  serment 
de  haine  à  la  royauté.  Siméon  s'y  op- 


posa vivement.  Ainsi  qu'on  l'avait 
prévu,  les  élections  furent  partout 
faites  sous  l'influence  desidées  contre- 
révolutionnaires.  Les  deux  cent  cirt- 
quante  députés  nouveaux,  tous  ani- 
més de  sentiments  plus  ou  moins 
opposés  aux  principes  de  la  révolu- 
tion, furent  de  puissants  auxiliaires 
pour  le  parti  royaliste,  déjà  très- 
nombreux.  On  remarquait  parmi  eux 
les  généraux  Willot ,  Pichegru  ,  et 
même  plusieurs  agents  du  Préten- 
dant. Dès  ce  moment  on  ne  garda 
plus  de  mesure,  et  chaque  jour  la 
tribune  retentit  d'attaques  violentes 
contre  le  Directoire.  Les  conseils, 
surtout  celui  des  Cinq-Cents,  mar- 
chaient ouvertement  dans  ce  sens. 
Dès  le  premier  jour,  Pichegru  avait 
été  élevé  à  la  présidence,  et  Siméon 
nommé  secrétaire.  Un  choix  non 
moins  significatif  fut  celui  de  Bar- 
thélémy comme  meuibre  du  Direc- 
toire. La  lutte  devint  très-vive;  mais 
tandis  que  les  conventionnels,  der- 
nier appui  du  système  révolution- 
naire, de  concert  avec  les  directeurs, 
se  préparaient  à  tous  les  moyens  de 
violence,  leurs  adversaires  se  bor- 
naient à  de  stériles  discours,  k  des 
phrases  menaçantes  et  qui  ne  pou- 
vaient qu'irriter  et  porter  à  la  ven- 
geance les  cruels  héritiers  de  Ro- 
bespierre. Le  1®"^  fructidor  (15  août 
1797),  Siméon  fut  nommé  prési'Ient, 
et  le  18  éclatait  le  fameux  coup  d'c- 
tatqui  devait  rejeter  la  France  dans 
toutes  les  calamités  de  la  révolution. 
La  conduite  du  président  dans  cette 
journée  mémorable  fut  digne  et  cou- 
rageuse. Sans  se  laisser  intimider 
par  les  baïonnettes  ,  il  somme  les 
soldats  d'Augereau  (voy.  ce  nom, 
LVI,  550)  de  se  retirer,  puis  il  pro- 
teste par  d'énergiques  paroles  contre 
cet  odieux  abus  de  la  force.  «  La 
«  constitution,  s'écrie-t  il,  est  vio- 


262  SIM 

•  lép,  la  représentation  nationale  in- 
«  dignement  outragée;  je  déclare  que 

•  rassemblée  est  dissoute  jusqu'à  ce 

•  que  les  auteurs  d'aussi  criminels  a1- 
«  Icnlals  soietil  punis.  »  A  l'heure  ac- 
coiitiimée  des  séances,  il  se  présenta 
accoin|>agné  de  quelques-uns  de  ses 
collègues  5  mais  une  charge  de  ca- 
valerie Icseinpêi'ha  de  pénétrer  dans 
la  salle.  Alors  il  prolesia  de  nouveau 
avec  une  admirable  vigiieur.  Et  s'é- 
tant  retirés ,  lui  et  ses  confrères 
n'eurent  plus  qu'à  se  soustraire  aux 
lois  d'exil  et  de  déportation  qui 
furent  prononcées  contre  les  plus 
fidèles  représentants  ,  contre  les 
journalistes  les  plus  courageux.  Si- 
méon  réussit  d'abord  à  se  tenir  ca- 
ché; mais  au  commencement  de  1799 
un  arrêté  du  Directoire  ayant  enjoint 
aux  proscrits  de  se  rendre  à  Oléron, 
sous  pei  ne  de  confiscation  et  même  de 
mort,  il  voulut  sauver  sa  famille  de 
la  ruine  et  se  rendit  dans  cette  lie, 
ainsi  que  Boissy  d'Anglas,  Villaret- 
Joyeuse,  Muraire,  etc.  Il  y  passa  plus 
d'un  an,  s'occupant  de  travaux  po- 
litiques et  littéraires.  Il  y  traduisit 
les  Odes  d'Horace  et  les  Nuits  ro- 
maines de  Verri.  La  révolution  du 
18  brumaire,  qui  renversa  une  se- 
conde fois  la  constitution  qu'il  avait 
si  vaineuient  essayé  de  soutenir,  mit 
lin  à  cette  proscription,  et  les  dépor- 
tés furent  délivrés  par  un  coup  d'é 
lat  à  peu  près  pareil  à  celui  qui  les 
avait  perdus.  Le  nouveau  consul 
proposa  à  Siméou  la  préfecture  de  la 
Marne,  qu'il  refusa,  sous  prétexte  de 
santé,  mais  en  réalité  pour  ne  pas 
exercer  un  pouvoir  éuianaut  de  chan- 
gements qu'il  n'approuvait  pas.  Il 
consentit  néanmoins  peu  de  temps 
après  a  remplir  les  fonctions  de 
substitut  à  la  cour  de  cassation, 
qu'il  quilta  bientôt  pour  entrer 
au  Tribunal,  où  il  se  sépara  tout  à 


SIM 

fait  de  l'opposition,  et  devint  le 
défenseur  le  plus  zélé  de  tous  les 
projets  de  lois  consulaires.  C'est 
ainsi  qu'il  fut  le  rapporteur  du 
concordat.  Le  travail  qu'il  fit  sur 
cette  grave  question  fut  considéré 
comme  un  chef-d'œuvre  de  raison 
et  de  savoir.  Siméon  prit  encore 
beaucoup  de  part  à  l'éiablissement 
du  Code  civil ,  tant  en  qualité  de 
membre  de  la  section  législative 
qu'en  celle  de  rapporteur  sur  plu- 
sieurs titres.  Ce  fut  lui  qui  fut  en 
quelque  sorte  l'intermédiaire  entre 
le  conseil  d'État  et  le  Tribunal,  où 
il  dirigea  les  discussions  avec  une 
habileté  peu  commune.  Délégué  en- 
suite pour  le  Soutenir  devant  le 
corps  législatif,  il  eut  plus  qu'aucun 
autre  l'honneur  d'associer  son  nom 
à  ce  monument.  Lorsque  enfin  le  pre- 
mier consul  voulut  monter  sur  le 
trône  impérial ,  Siméon  fut  encore 
celui  qui  porta  la  parole.  On  lui  a 
reproché  avec  raison,  en  cette  occa- 
sion, de  n'avoir  pas  gardé  assez  de 
mesure  envers  la  famille  royale  dont 
Bonaparte  prenait  la  place.  «  Les  ca- 
tastrophes qui  frappent  les  rois, 
dit-il,  sont  communes  à  leur  famille, 
ainsi  que  l'étaient  leur  puissance  et 
leur  bonheur.  L'incapacité  qui  aban- 
donne leurs  têtes  à  la  foudre  des  ré- 
volutions s'étend  sur  leurs  proches 
et  ne  permet  pas  de  leur  rendre  ce 
timon  échappé  à  des  mains  trop  dé- 
biles. Il  fallut  qu'après  les  avoir  re- 
pris, la  Grande-Bretagne  chassât  les 
enfants  de  Charles  I".  Le  retour 
d'une  dynastie  détrônée,  abattue  par 
le  malheur  moins  encore  que  par 
ses  fautes,  ne  saurait  convenir  à  une 
nation  qui  s'estime;  il  ne  saurait  y 
avoir  de  transaction  sur  une  querelle 
aussi  violemment  débattue.  »  Malgré 
ces  preuves  de  dévouement,  le  nou- 
vel empereur  lui  préféra  Fabre  de 


SIM 

l'Aude,  lorsque  peu  de  temps  après 
il  fut  porté  comme  candidat  pour  la 
piésidence  du  Tribunat.  Appelé  en- 
suite au  conseil  d'État,  Siniéon  y 
trouva  encore  beaucoup  d'occasions 
(le  se  distinguer.  Napoléon,  qui  fut 
souvent  à  même  de  juger  de  sa  capa- 
cité administrative,  le  choisit,  en 
1807,  lorsqu'il  créa  le  royaume  de 
Westphalie,  pour  l'un  des  trois 
membres  du  conseil  de  régence, 
et  quand  Jérôme  vint  en  prendre 
possession,  il  trouva  tout  fort  bien 
établi.  Siméon  devint  alors  ministre 
de  la  justice  et  de  l'intérieur.  Il  ne 
garda  ce  dernier  portefeuille  que 
quelques  mois  et  fut  en  même  temps 
président  du  conseil  d'État.  L'or- 
ganisation civile  et  judiciaire  de  ce 
pays  fut  sou  ouvrage.  Sans  bles- 
ser les  susceptibilités  d'un  peuple 
conquis,  il  se  concilia  l'estime  de 
la  population,  malgré  les  exigences 
de  Napoléon  qui  rendirent  souvent 
sa  position  diflicile  {voy.  Pigault- 
Lebrun,  LXXVII,  19i).  Le  frêle 
édilice  de  cette  royauté  ayant  été 
renversé  par  les  revers  de  1813,  Si- 
méon revint  en  France,  et  sur  sa  de- 
mande il  fut  mis  à  la  retraite.  11  as- 
sista ainsi  dans  le  silence  à  la  chute 
de  l'Empire.  La  Restauration  ne  pou- 
vait le  trouver  indifléreiit,  lui  l'an- 
cien partisan  des  principes  monar- 
cliiques.  Nommé  d'abord  préfet  du 
département  du  Nord,  il  se  rendit  à 
Lille,  et,  dix  uiois  après,  il  y  recevait 
Louis  XVIII  en  fugitif,  Sa  déuiission, 
qu'il  adressa  immédiaiemeut  à  Na- 
poléon, se  croisa  avec  sa  destitution. 
Envoyé  par  les  Bouches-du-Rhôue  à 
la  Chambre  des  représentants,  il  y 
siégea  muet  et  passif  durant  les  Cent- 
Jours.  Après  la  seconde  restauration, 
il  fut  fait  conseiller  d'État,  et  nom- 
mé député  par  le  département  du 
Var.  Dans  la  chambre  dite  introuva- 


SIM 


253 


ble,  Sinu'on  se  rangea  du  côté  de  la 
minorité,  c'est-à-dire  parmi  les  par- 
tisans du  ministère.  En  conséquence 
il  se  fit  le  défenseur  des  régicides  et 
des  conspirateurs  du  20  mars  dans  la 
discussion  sur  la  loi  d'amnisiie.  «Ce 

•  n'est  pas  de  sang  que  la  France  a 

•  soif,  s'écria-t-il,  c'est  de  trancjuil- 
«  lité,  de  pardon,  de  sécurité.»  Kéélu 
après  l'ordonnance  du  5  septiuibre 
qui  rendit  le  pouvoir  au  parti  révo- 
lutionnaire, il  joua  un  grand  rôle 
dans  la  session  de  1817,  où  il  se  mon- 
tra un  des  plus  chauds  partisans  du 
ministère  Decazes.  Lorsque  M.  Pas- 
quier  quitta  la  justice,  vn  lui  olfrit 
ce  portefeuille  qu'il  refusa.  Le  7  mai 
1819  il  fut  nommé  inspecteur-géné- 
ral des  écoles  de  droit,  puis  sous- 
secrétaire  de  la  justice.  Chargé  des 
sceaux  par  intérim,  quelques  jours 
après,  eu  l'absence  de  de  Serre,  à  la 
formation  du  second  ministère  Ri- 
chelieu, il  accepta  le  département  de 
l'intérieur  à  la  place  de  M.  Decazes. 
En  présence  des  dillicultés  alors  si 
compliquées,  Siméon  n'était  certes 
pas  l'homme  qu'il  fallait  dans  un  tel 
poste,  et  l'on  doit  reconnaître  qu'il 
ne  s'y  montra  pas  à  la  hauteur  de  la 
situation.  Orcikur  froid  et  métho- 
dique, impassible  comme  un  magis- 
iral,  il  ne  se  trouvait  point  à  Taise 
au  milieu  des  bruyantes  interrup- 
tions lie  l'opposition.  Doué  d'un  in- 
contestable talent,  il  manquait  de 
celte  vivacité  d'esprit  qui  répond  à 
tout  par  des  réparties  improvisées. 
ExC(  lient  pour  rédiger  un  long  rap- 
port ,  pour  prépdrer  un  beau  dis- 
cours, il  ne  comprenait  pas  une  lutte 
parlementaire.  Le  cabinet  Richelieu 
s'étaut  retiré  le  11  décembre  1821, 
Siméun  fut  créé  comte  et  uiinistre 
d'État,  avec  une  dotation  de  12,000 
fr.,  selon  l'usage  de  ce  temps-là 
pour  tous  ceux  qui  sortaient  des  af- 


254 


SIM 


faires.  Il  vint  alors  prendre  place  à 
la  Chambre  des  pairs,  dont  le  roi  l'a- 
vait l'ait  membre.  Malgré  son  âge 
avancé,  il  participa  encore  d'une 
nianiire  fort  active  aux  travaux  de 
cette  assemblée,  où  il  fit  partie  de 
plusieurs  commissions  et  parla  sur 
beaucoup  de  projets  de  lois.  Très-as- 
sidii  aux  séances,  il  votait  habituel- 
lement avec  les  appuis  du  ministère 
Pasquicr,  Portails,  etc.  Il  fut  le  ré- 
dacteur de  la  dernière  adresse  par 
laquelle  la  chambre  haute  désap- 
prouva, dans  des  termes  fort  durs, 
la  marche  du  gouvernement  de 
Charles  X.  Après  la  révolution  de 
juillet,  il  prêta  sans  difficulté  le  ser- 
ment exigé  de  la  pairie,  et  continua 
de  prendre  part  à  ses  délibérations 
avec  la  même  exactitude.  Le  29  dé- 
cembre 1832,  il  lut  élu  membre  de 
l'académie  des  sciences  morales. 
L'année  suivante,  bien  qu'âgé  de  88 
ans,  il  reçut  la  première  prési- 
dence de  la  cour  des  comptes  ,  et 
il  en  remplit  les  fonctions  avec 
une  verdeur  vraiment  juvénile, 
A  la  morldeBarbé-i^larbois,  en  1838, 
il  fit  son  oraison  funèbre,  et  ce  lut  le 
dernier  discours  qu'il  prononça  à  la 
tribune.  Siméon  mourut  le  19  jan- 
vier 1842  dans  sa  quatre-vingt-trei- 
zième année.  M.  Mignet  fit  son 
éloge  à  l'Académie.  Ce  discours  a  élé 
imprimé  sous  le  titre  de  Notice  his- 
torique sur  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  le  comte  Siméon,  lue  à  la  séance 
publique  annuelle  de  V Académie  des 
sciences  morales  et  politiques,  le  25 
mai  1844.  On  a  encore  sur  Siméon 
un  discours  prononcé  par  M.  le  comte 
Portails^  à  la  Chambre  des  pairs, 
le  10  mars  1843.  Siméon  était 
grand-cordon  de  la  Légion- d'Hon- 
ueur  et  de  l'ordre  de  Saint-Hu- 
bert de  Bavière.  11  a  laissé  un  fils 
dont  l'article  suit,  et  une  fille  ma- 


SIM 

riée  au  général  de  Launay,  puis,  eu 
secondes  noces,  au  général  Lecki. 
—  On  a  de  lui  :1.  Éluge  deHenri  IV, 
discours  qui  a  concouru  pour  le 
prix  de  V  Académie  de  La  Rochelle  en 
1768,  Aix,  1709,  in-S»  (il  avait  eu 
pour  concurrcnis  Laharpe  et  Gail- 
lard; ce  dernier  obtint  le  prix).  H. 
Choix  de  discours  et  d'opinions , 
Paris,  1824,  in-8°.  Ce  recueil  ren- 
ferme trente-huit  opinions  et  dis- 
cours prononcés  de  1795  à  1814, 
aux  diverses  législatures  dont  Si- 
méon a  fait  partie.  111.  Mémoire 
sur  V omnipotence  du  jury^  Paris  , 
1829,in-8''.  (Extrait  de  la /{et; Me /ran- 
çaise.j  IV.  Mémoire  tur  le  régime 
dotal  et  le  régime  en  communauté 
dans  le  mariage,  lu  à  l'Académie 
des  sciences  morales  et  j)olitiques, 
dans  les  séances  des  9  juillet  et  20 
août  1835,  inséré  dans  le  tome  l^"" 
du  recueil  des  ménjoires  de  cette 
académie,  1837.  V.  Discours  pro- 
noncé à  l'occasion  du  décès  de  M.  le 
marquis  de  Uarbé-Marbois,  Cham- 
bre des  pairs,  séance  du  17  janvier  \ 
Paris,  1838,  in-8°.  C-h-n. 

SI3IÉOX  (Joseph-Balthazar), 
fils  du  précédent, naquit  à  Aix  le  6jan- 
vier  1781.  Il  était  au  collège  de  cette 
ville  lorsque  son  père  fut  forcé  de 
s'expatrier  en  1793.  il  reçut  sa  bé- 
nédiction par  une  lettre  d'adieu  fort 
touchante  et  qui  fit  sur  lui  une 
vive  impression.  Ses  études,  inter- 
rompues par  le  système  de  ter- 
reur et  de  vandalisme  où  la  France 
se  trouva  plongée,  ne  furent  repri- 
ses qu'après  la  chute  de  Robespierre. 
Il  les  termina  à  Paris  lorsque  son 
père  y  fut  appelé  par  ses  fonctions 
législatives,  et  aussitôt  après  il  entra 
dans  la  carrière  diplomatique.  En 
janvier  1800,  admis  comme  élève 
aux  affaires  étrangères,  il  fut  attaché 
à  la  mission  de  Joseph  Bonaparte  au 


SIM 

congrès  de  Lnnéville.  Au  mois  d'août 
1801  il  accompagna  le  g('ndral  Ciarke 
en  Toscane,  comme  secrétaire  de 
légation,  <t  y  resta  quinze  mois 
en  qualité  de  chargé  d'allaires,  pen- 
dant toute  la  durée  de  la  fièvre 
jaune  à  Livourne.  Au  commence- 
ment de  l'empire  il  fut  nommé  pre- 
mier secrétaire  d'ambassade  à  Rome 
sous  le  cardinal  Fesch,  puis  envoyé 
à  Stuttgard  avec  le  titre  de  chargé 
d'affaires.  Lorsque  son  père  devint 
un  des  régents  du  royaume  deWest- 
phalie,  il  passa  au  service  de  ce  nou- 
vel État  et  alla  représenter  Jérôme 
Bonaparte  à  Berlin;  la  nullité  de  son 
influence  vint  alors  plus  de  sa  posi- 
tion que  de  lui-même.  D.insce  poste 
comme  dans  ceux  qu'il  remplitsucces- 
sivement  à  Francfort,  à  Darmstadt  et  à 
Dresde,  ses  instructions  se  bornèrent 
à  soutenir  la  politique  impériale  et  à 
n'agir  à  la  remorque,  pour  ainsi  dire, 
que  des  agents  de  Napoléon,  ce  qui 
réduisait  son  rôle  à  une  affaire  de 
forme  et  d'étiquette.  Néanmoins  il 
sut,  malgré  la  nullité  de  ses  fonctions, 
se  faire  remarquer  et  estimer  dans 
les  différentes  cours  où  il  résida. 
Il  se  trouvait  à  Dresde  depuis  1810 
lorsque  les  revers  de  l'armée  fran- 
çaise amenèrent  les  alliés  jusque  sous 
les  murs  de  cette  ville.  Il  y  resta  en- 
fermé durant  le  siège  et  n'en  sortit 
qu'a[)rès  la  capitulation-  il  revint 
alors  en  France,  et  depuis  ce  mo- 
ment jusqu'à  la  seconde  rentrée  des 
Bourbons  il  vécut  dans  la  retraite, 
En  juillet  1815  il  fut  appelé  k  la  pré- 
fecture du  Var.  Son  administration, 
e»  présence  de  l'occupation  étran- 
gère, fut  empreinte  d'une  grande  di- 
gnité 5  on  le  vit  résister  aux  exi- 
gences des  Autrichiens,  et  par  sa  fer- 
meté contribuer  à  la  courageuse  ré- 
solution des  habitants  d'Aniibes;  il 
se  refusa  constamment,  malgré  les 


SIM 


255 


menaces  et  les  garnisaires,  k  four- 
nir aux  étrangers  des  approvision- 
nements et  de  l'argent.  Les  pas- 
sions politiques,  si  ardentes  dans  ce 
pays,  trouvèrent  en  lui  un  concilia- 
teur d'un  caractère  aussi  doux  que 
calme,  se  prêtant  à  tous  les  devoirs 
de  cette  position  difficile 5  et  il  fut 
assez  heureux  pour  maintenir  une 
parfailetranquillité.  Pendant  les  trois 
années  qu'il  passa  à  Draguignan,  il 
s'occupa  d'une  manière  toute  parti- 
culière d'objets  d'utilité  publique. 
Nommé  préfet  du  Doubs  en  mai  1818, 
il  venait  à  peine  d'arriver  à  Besan- 
çon lorsqu'une  nouvelle  ordonnance 
le  désigna  pour  la  préfecture  du  Pas- 
de-Calais.  Il  demeura  six  ans  à  Ar- 
ras.  En  1620  il  reçut  le  litre  hono- 
rifique de  gentilhomme  de  la  cham- 
bre du  roi.  Révoqué  le  l-"  septembre 
1824  par  M.  Corbière,  comme  n'ap- 
partenant pas  assez  par  ses  opinions 
au  système  de  la  nouvelle  adminis- 
tration, il  eut  la  satisfaction  de  voir 
sa  retraite  entourée  d'unanimes  re- 
grets. Pendant  quatre  ans  il  resta 
tout  à  fait  en  dehors  des  affaires  pu- 
bliques, se  livrant  entièrement  à  sa 
passion  pour  les  arts.  Il  peignait  et 
gravait  très-bien  à  l'eau-forte.  Lié 
depuis  son  enfance  avec  le  peintre 
Granet  et  le  comte  de  Forbin,  il  ai- 
mait à  se  rappeler  qu'ils  avaient  sui- 
vi tous  trois  les  leçons  d'un  même 
maître.  Il  compléta  alors  des  collec- 
tions remarquables  de  tableaux,  de 
gravures,  de  médriilles  et  une  belle 
bibliothèque.  A  l'avènementdu minis- 
tère Marlignac  (janvier  1828),  Siméon 
reçut  la  direction  des  beaux-arts  au 
ministère  de  l'intérieur.  Aucune  place 
ne  pouvait  mieux  lui  convenir;  il 
était  là  dans  son  élément.  Sa  bien- 
veillance pour  les  artistes  ne  laissa 
échapper  aucune  occasion  de  leur 
être  utile.  Il  fut  alors  élu  membre  de 


356 


SIM 


TAcailémie  des  beaiu-arts,  t<^moi- 
gnage  des  sympathies  qu'il  s'était 
acquises-,  il  était  déjà  membre  de  la 
Société  des  antiquaires  de  France. 
Cependant  il  faut  reconnaître  que 
ses  rapports  avec  les  gens  de  lettres 
furent  loin  d'avoir  un  caractère  aussi 
bienveillant  \  il  fut  souvent  en  dissi- 
dence avec  les  écrivains  dont  l'esprit 
politiq'ie  était  peu  favorable  à  la 
Restauration.  Maître  des  requêtes  de- 
puis 1821,  il  fut  nommé  conseiller 
d'État  en  service  extraordinaire.  Il 
quitta  cette  direction  lorsque  le  mi- 
nistère qni  la  lui  avait  confiée  fit 
place  à  celui  du  prince  de  Polignac 
(août  1829)-,  mais  il  resta  au  conseil 
d'Élat  et  continua  d'en  faire  partie 
après  la  révolution  de  juillet,  à  la- 
quelle il  n'hésita  pas  à  donner  son 
adht^sion.  En  sept.  1835  il  fut  ap- 
pelé à  la  Chambre  des  pairs,  où  il 
prit  une  part  active  aux  discussions. 
il  remplit  plusieurs  fois  les  fonctions 
de  rapporteur,  notamment  sur  la  loi 
de  la  propriété  littéraire.  En  1842  sa 
santé  l'obligea  de  demander  sa  re- 
traite de  conseiller  d'État.  Les  mé- 
decins lui  ayant  prescrit  d'aller  pas- 
ser une  année  en  Italie,  il  partit 
au  milieu  de  l'été  de  1845  et  ne 
revint  qu'en  juin  1846.  Deux  mois 
après,  à  la  fin  d'août,  il  se  rendit 
h.  Dieppe  pour  prendre  les  bains 
de  mer,  et  il  y  mourut  le  14  sept. 
Il  était  commandeur  de  la  Légion- 
d'Honneur  ainsi  que  des  ordres  de 
Hesse-Darmstadt  et  des  Guelphes  de 
Hanovre.  Son  fils ,  le  comte  Henri 
Siméon,  était  député  et  directeur-gé- 
néral des  tabacs  avant  la  révolution 
de  lévrier  1848^  sa  fille  a  épousé  le 
baron  Rivière,  ancien  receveur  des 
finances  à  Lyon.  On  a  du  comte  Jos.- 
Balth.  Siméon  :  1  Notice  sur  les  usa- 
ges et  le  langage  des  habitants  du 
Haul-Pont, faubourg  de  Saint-Omer, 


SIM 

Paris,  1821,  in-S"  (extraite  du  t.  III 
des  Mémoires  de  la  Société  des  an- 
ti(jtiaires  de  France).  H.  Rapport 
fait  à  la  Chambre  des  pairs  dans  la 
séance  du  25  avril  1836,  au  nom 
d'une  commission  spéciale,chargée  de 
l'examen  du  projet  de  loi  relatif  à 
l'ouverture  d'un  crédit  de  4,620,000 
fr..  pour  subvention  aux  fonds  de  re- 
traite du  département  des  finances. 
Paris,  1836,  in-8''.  Ul.  Rapport  fait 
à  la  Chambre  des  pairs  dans  la  séance 
du  10  juin  1836,  etc.,  sur  le  projet 
de  loi  relatif  à  l'ouverture  d'un  cré- 
dit pour  l'achèvement  de  cinq  mo- 
numents de  la  capitale,  Paris,  1836, 
m-S°.  On  aencore  de  Siméon  VÉloge 
du  baron  de  Morogues,  prononcé  à 
la  Chambre  des  pairs,  et  une  Notice 
sur  le  comte  de  Forbin,  lue  à  l'Aca- 
démie des  beaux -arts.     C— h— N. 

SIMMËR  (François-Martin-Va- 
LENTiN),  général  français,  était  né  le 
7  août  1774.  A  dix-sept  ans,  il  s'en- 
rôla comme  volontaire,  et  fit  dans  les 
armées  du  Nord  la  première  guerre 
de  la  Révolution  sous  Dumouriez  et 
Pichf'gru.  En  1795,  il  prit  part  à  la 
conquête  de  la  Hollande,  et  devint 
capitaine  Après  la  bataille  d'EyIau, 
(14  février  1807),  il  fut  fait  chef  d'es- 
cadron en  récompense  de  sa  coura- 
geuse conduite  ;  puis,  le  7  juillet  sui- 
vant, officier  de  la  Légion  d'Hon- 
neur. Dans  la  même  année,  il  rem- 
plit auprès  du  général  Sébastiani,  à 
Constantinople,  une  mission  de  con- 
fiance, afin  de  hâter  la  résistance  des 
Turcs,  qui  devait  amener  une  heu- 
reuse diversion.  Il  servit  ensuite  en 
Portugal,  où  il  s'élança  le  premier  à 
l'assaut  d'Évora.  Désigné  pour  faire 
partie  de  la  fatale  expédition  de 
Russie,  il  y  gagna  le  grade  de  géné- 
ral de  brigade  et  le  titre  de  baron. 
Le  4  mai  1813,  il  fut  fait  comman- 
dant de  la  Légion -d'Honneur.  D.ns 


SIM 

la  malheureuse  campagne  de  France, 
il  protégea  la  Champagne  à  la  tète 
de  la  gendarmerie  des  départements 
envahis.  Après  la  Restauration,  il 
reçut  le  commandement  du  de'par- 
tementdu  Puy-de-Dôme  et  la  croix 
de  Saint-Louis,  ce  qui  ne  l'empê- 
cha pas,  lorsqu'il  apprit  le  débar- 
quement de  Napoléon,  de  se  rendre 
à  Lyon,  avec  les  troupes  qu'il  com- 
mandait, pour  se  ranger  sous  ses 
drapeaux.  Il  fut  bientôt  récompensé 
de  cette  défection  par  un  brevet  de 
général  de  division,  daté  du  21  avril 
1815.  il  assista  eu  cette  qualité  à  la 
bataille  de  Waterloo,  et  eut  sous  ses 
ordres,  à  la  ûa  de  cette  courte  cam- 
pagne, le  deuxième  corps  d'armée, 
qu'il  ramena  sur  la  rive  gauche  de 
la  Loire,  et  établit  son  quartier-gé- 
néral à  Tours.  Naturellement  com- 
pris dans  le  licenciement,  une  or- 
donnance du  roi  du  1"  août  1815 
annula  sa  récente  promotion.  Mis  à 
la  demi  solde,  il  se  retira  alors  dans 
le  Puy-de-Dôme;  une  décision  mi- 
nistérielle du  2G  février  1816  lui  en- 
joignit de  se  rendre  au  Mans  pour  y 
résider  sous  la  surveillance  des  au- 
torités. Cette  rigueur  fut  de  courte 
durée,  et  Simmer  put  revenir  dans 
son  pays.  En  1828,  il  fut  député 
par  le  Puy-de-Dôme  en  remplace- 
ment de  l'abbé  de  Pradt,  et  se  ran- 
gea du  côté  de  l'extrême  gauche, 
qu'il  abandonna  après  la  révolution 
de,  juillet  pour  se  faire  l'un  des  sou- 
tiens du  ministère  du  13  mars.  Ce- 
pendant les  engagements  qu'il  prit 
dans  sa  profession  de  foi,  aux  élec- 
tions de  1831,  se  ressentaient  en- 
core de  Fesprit  libéral  ;  il  est  vrai 
qu'une  fois  à  la  Chambre  il  n'eu 
remplit  peut-être  pas  toutes  les  pro- 
me^ses;  car  il  se  jeta  tout  entier 
dans  le  juste-milieu.  Aussi,  en  1832, 
lui  donna-t-on,  à  son  arrivée  à  Cler- 

LXXXII. 


SIM 


257 


mont,  un  charivari  très-remarqua- 
ble. Plus  tard,  il  se  gloriliii,  dans 
une  lettre  adressée  aux  journaux 
(28  mars  183i),  d'avoir  volé  pour 
les  lois  d'association.  Non  réélu  celte 
année,  il  le  fut  aux  élections  sui- 
vantes, et  devint  dès  lors  un  des 
membres  les  plus  passifs  du  centre, 
tout  dévoué  aux  volontés  ministé- 
rielles. Appelé  au  conseil-général  de 
son  département,  il  continua  d'en 
faire  partie  jusqu'à  sa  mort,  qui  eut 
lieu  à  Varennes-sur-Morges,  près  de 
Riom,  le  28  juillet  1847.  L'académi- 
cien Etienne,  ancien  député,  était 
son  neveu.  C— h— n. 

SIMON,  enfant  chrétien,  né  à 
Trente,  n'était  âgé  que  de  deux  ans 
et  quelques  mois,  quand  il  fut  cruel- 
lement assassiné  par  des  Juifs  de 
cette  ville,  en  1474.  Un  médecin  hé- 
breu, nommé  Tobie,  l'ayant  rencon- 
tré le  soir,  l'enleva  et  le  conduisit 
dans  une  maison  attenante  à  la  sy- 
nagogue. Là,  on  lui  fit  des  incisions 
et  on  en  tira  le  sang  dont  on  se  ser- 
vit, dit-on,  pour  pétrir  la  pâte  du 
pain  azyme  destiné  à  la  pâque  des 
Israélites.  (Voy.  le  Dictionnaire  de 
Moréri,  dernière  édition.)  Le  crime 
ayant  été  découvert,  Tobie  et  ses 
complices  furent  tenaillés,  déchique-, 
tés,  brûlés,  et  la  synagogue  fut  dé- 
truite (1).  On  honora  depuis  l'enfant 
comme  un  saint;  on  inscrivit  son 
nom  au  martyrologe,  et,  en  1508,  sa 

(i)  Pour  quelques  autres  détails,  consul- 
tez le  Nouiieau  Vojrag*  d'Italie,  par  Misson, 
t.  V,  p.  i5i,  édit.  de  lySt,  La  Haye,  etc. 
Misson  place  l'eulèvement  et  le  meurtre  de 
Simon  en  1276.  C'est  évidcmmeut  une  er- 
reur ou  une  faute  d'impression,  puisqu'il 
dit  un  peu  plus  loin  que  Sixte  IV  était  pape 
alors.  On  a  vu,  à  l'ait,  de  l'e  pontife,  que 
son  exaltation  n'eut  lieu  qu'en  1471.  Tout 
ce  que  le  voyageur  rapporte  de  l'enfant 
niassairé  à  Trente  se  retrouve  dans  le  Dic- 
tionnaire critique  des  reliques,  ete.,  pur  Col- 
lin  de  l'iancy,  IH,  igr. 

17 


258 


SIM 


fèlc  fut  fixée  au  24  mars  par  l'auto- 
ritci  (lu  saint-siége.  Joan-Malhias 
Tyltnriniis  (en  italien  Tiberini),  nfé- 
(Jcciii  de  Brescia,  qui  exerçait  sa 
profession  à  Trente,  ou  du  moins  s'y 
trouvait  lors  du  funeste  événement, 
en  écrivit  la  relation  en  forme  de 
lettre  adressée  au  sénat  et  au  peuple 
de  sa  ville  natale,  et  la  fit  impriuier 
sous  ce  tilre  :  Passio  S.  pueri  Sy- 
monis,  in-i»  goth.  On  lit  à  la  fin  : 
Valete.  Tridenti,  secundo  nouas 
aprilis  MCCCC.LXXV.  On  peut 
voir  dans  le  Manuel  du  libraire 
les  détails  intéressants  que  donne 
M.  Brunet  sur  huit  éditions  de  cet 
opuscule  curieux,  qui  suivirent  la 
première  dans  un  court  espace  de 
temps.  Celle  de  Trévise,  per  Gerar- 
dum  de  Lisa,  de  Flandria,  contient 
une  traduction  en  vers  italiens.  La 
plus  complète  fut  imprimée  à  Trente, 
en  1476,  par  Hermann  Schindeleyp. 
Elle  est  intitulée  :  Historia  com- 
pléta... de  passione  et  obitu  beati 
pueri  Simonis,  innocentis  martyris 
Tridentini,  in-é"^  goth.  dellieuillets. 
(La  première  n'en  avait  que  4.)  Le 
livre  connu  sous  le  nom  de  Chroni- 
que de  Nuremberg,  publié  en  1483 
(par  Hartmann  Schedel),  parle  du 
massacre  de  saint  Simon,  et  l'on  as- 
sure que  la  scène  de  son  martyre 
était  peinte  dans  une  des  salles  de 
l'hôtel  de  ville  de  Francfort-sur-le- 
Mein.  Jean  Calphurnius  {voy.  ce 
nom,  VI,  568),  savant  et  poète  de 
Brescia,  décrivit  ce  martyre  dans 
une  pièce  de  vers  latins  jointe  à  l'é- 
dition de  Catulle,  Tibulle,  etc.,  qu'il 
fit  paraître  à  Vicence,  en  1481.  Le 
cardinal  Quirini  a  fait  réimprimer 
cette  pièce  dans  le  second  volume 
de  son  Spécimen  variœ  litteraturœ 
Brixianœ,  Pusculus(2),autre  poète, 

(a)  Ea  italien  Pasculo  ou  plutôt  Poscoio. 


SIM 

contemporain  du  précédent  et, 
comme  lui,  né  à  Brescia,  composa 
encore  un  poème  héroïque  sur  le 
même  sujet  et  sous  le  titre  suivant  : 
Ubertini  Pusculi  lirixiensis  Simo- 
nidos  libri  duo,  sive  poema  heroi- 
cum  de  Simonis,  pueri  Tridentini  a 
Judœis  crudeliter  necati,  marlyrio, 
Augsbourg,  1511,  in-l».  Il  y  a,  au 
commencement  du  volume,  des  hen- 
décasyllabes  d'Olbmar  Luscinius. 
Des  poètes  plus  modernes  ont  aussi 
lancé  des  imprécations  contre  les 
meurtriers  de  saint  Simon.  Nous  ne 
citerons  que  le  P.  Jacques  Balde, 
jésuite  {voy.  son  Êpode  intitulée 
Dirœ).  Henschenius,  continuateur 
de  Bollandus,  a  inséré  dans  les  Acla 
Sanctorum  du  mois  de  mars  tout  ce 
qui  concerne  le  martyr  de  Trente. 
Wagenseil  et  Jacques  Basnage  de 
Beauval  ont  nié  l'assassinat  de  cet 
enfant;  mais  un  anonyme  les  a  réfu- 
tés dans  un  ouvrage  que  Feller  dit 
vraiment  démonstratif,  et  qui  a 
pour  titre  :  De  cultu  sancti  Simonis., 
pueri  Tridentini  et  martyris,  apud 
Venetos.  Il  .se  trouve  dans  le 
tome  XLVllI  de  la  Raccolta  d'opus- 
coli  scientifici  du  P.  Calogera.  Fel- 
ler y  renvoie  le  lecteur  ainsi  qu'au 
tome  II  de  Y Amplissima  Colleclio 
de  dom  IVJartène,  et  au  livre  P'  du 
Traité  de  la  béatification  et  de  la 
canonisation,  par  Benoît  XIV.  Tout 
le  monde  sait  qu'à  tort  ou  à  raison 
les  Juifs  ont  été  accusés  de  plusieurs 

Suivant  Feller,  il  était  né  vers  1440,  et  il 
mourut  vers  i542.  D'après  ces  dates,  il  au- 
rait vécu  plus  d'uu  siècle.  Cela  n'est  pas 
impossible,  mais  cela  n'est  guère  probable. 
Feller  .ajoute  que  Pusculo  cuteiidait  fort 
bien  les  affaires,  et  qu'il  fut  employé  par  la 
répuljlique  vénitienne  dans  ]>liisieurs  mis- 
sions importantes.  Bon  Leliénii^te,  excellent 
latiniste,  outre  le  poème  dont  nous  parlons, 
il  en  avait  c()In|lo^é  un  autre  sur  la  chute  dt 
ConstanUnople,  lequel  n'a  jamais  vu  le  jour, 
n'ayant  pas  été  terminé  par  l'auteur. 


SIM 


SIM 


269 


crimes  du  genre  de  celui  dont  il  est 
question  dans  cet  arliclc.La  Table 
des  Saints  de  France  mentionne 
trois  enfants  sacrifiés  p.ir  des  Hé- 
breux :  Guillaume,  massacré  à  Pa- 
ris ;  Ricliard,  crucifié  à  Pontoise,  et 
un,  dont  elle  ne  dit  pas  le  nom,  éga- 
lement crucifié  à  Blois.  En  1670, 
Raphaël  Lévy,  juif  de  Boulay,  fut 
brûlé  vif  à  Metz  pour  avoir  immolé 
un  enfant  de  Irois  ans  du  village  de 
Glatigny.  Quelques  personnes  ont 
soutenu  que  ce  juif  était  mort  inno- 
cent (3).  Dans  la  savante  Histoire 
du  parlement  de  Metz,  M.  Michel, 
conseiller  à  la  Cour  d'appel  de  cette 
ville,  a  fait  une  analyse  impartiale 
du  procès  de  Raphaël  Lévy.  A  cette 
occasion ,  il  rapporte  les  faits  que 
L  nous  avons  cités  et  un  certain  nom- 
f  bre  d'autres,  accompagnant  le  tout 
des  réflexions  les  plus  sensées  et  les 
plus  judicieuses.  Terminons  en  di- 
sant qu'il  faut  bien  se  garder  d'ad- 
mettre comme  prouvés  tous  les 
attentats  à  la  vie  des  enfants  chré- 
l  tiens,  imputés  aux  Juifs  dans  diffé- 
rents siècles  et  chez  différents  peu- 
ples. Ceux  qui,  après  un  mûr  exa- 
men, pourraient  être  reconnus  vrais, 
ne  devraient  encore,  à  notre  avis, 
être  considérés  que  comme  des  actes 
d'un  fanatisme  individuel,  que  ré- 
prouvent les  Israélites  en  général,  et 
dont    sans   doute   ils    ont    autant 


(3)  Après  l'exécution  de  Lévy,  on  publia 
à  l'.ii  is  un  Abix-gi  du  procès,  etc.  Cet  Abrège, 
tout  à  f;iil  liostile  aux  Juifs,  a  été  attribué  à 
Araelot  de  ly  Houssaye  [voj-.  ce  nom,  II,  37). 
Il  fut  aus^ilôL  réfuté  par  un  Factum  servant 
de  répome,  etc.,  que  l'on  a  cru  du  célèbre 
Richard  Simon  ;  mais  un  bibliographe  in- 
struit, M.  Duputel,  prétend,  d'après  Os- 
mont,  que  c'est  au  contraire  Amelot  qui  est 
l'auteur  du  Factum,  et  que  Simon  n'a  fait 
que  le  réimprimer  dans  sa  Bibliothèque  cri- 
tique. Eu  ce  cas,  l'auteur  de  V Abrégé  reste- 
rait inconnu.  {J'ojr.  le  Bulletin  du  bibliophile, 
5^  série,  p.  28.) 


d'horreur  que  nous,  puisque  ces 
actes  sont  entièrement  contraires  à 
leurs  lois  et  aux  principes  de  leur 
religion.  b— l— u. 

SiaiON  DE  CoRDO,  natif  de  Gênes, 
fut  médecin  du  pape  Nicolas  IV  et 
chapelain  de  Boniface  VIII  \  il  rendit 
de  véritables  services  à  la  matière 
médicale  en  cherchant  à  faire  dispa- 
raître la  confusion  qu'avaient  intro- 
duite l'incertitude  et  la  variation  de 
la  nomenclature  des  Arabes.  Il  par- 
courut la  Grèce  et  l'Orient  pour 
examiner  sur  les  lieux  mêmes  les 
plantes  décrites  par  les  auteurs  ; 
malheureusement  la  connaissance 
des  langues  étrangères  lui  man- 
quait ;  il  se  borna  à  indiquer  des 
ressemblances  extérieures,  et  il 
tomba  dans  les  rêveries  les  plus  dé- 
nuées de  sens,  en  s'efforçant  d'éta- 
blir les  vertus  pharmaceutiques  des 
végétaux  d'après  de  prétendues  qua- 
lités élémentaires.  L'écrit  où  il  con- 
signa de  pareilles  doctrines  parut  à 
Venise,  1507,  in-folio;  il  fut  réim- 
primé à  Lyon,  en  1534,  et  descendit 
promptement  dans  un  oubli  d'où  il 
ne  mérite  pas  de  sortir.   B  — n— T. 

SIMON  de  la  Vierge  (le  Père),  né 
en  Touraine  vers  1638,  entra  dans 
l'ordre  des  Carmes  où  il  remplit,  à 
la  satisfaction  de  ses  supérieurs,  di- 
verses fonctions  importantes.  Doue 
de  talents  oratoires,  il  se  fit  de  la 
réputation  comme  prédicateur.  Ses 
sermons,  remarquables  par  la  piété 
et  la  doctrine,  ne  le  sont  pas  moins 
par  leurs  divisions  méthodiques,  la 
clarté  et  la  pureté  du  style  ;  mais  oa 
y  trouve  rarement  une  haute  élo- 
quence. Le  P.  Simon  mourut  à  Paris, 
dans  le  couvent  du  Saint-Sacrement, 
le  26  décembre  1728,  âgé  de  90  ans. 
Il  avait  publié  :  1.  Éloge  funèbre  de 
madame  Charlotte-Françoise-Rade- 
gonde  de  Montaiilt  de  Navailles, 

17. 


260 


SIM 


SIM 


abbesse  du  monastère  de  Sainte- 
Croix  de  Poitiers,  Paris,  1670,  in-4'>. 
H.  Actions  chrétiennes^  ou  Discours 
de  panégyriques  et  de  morale  sur 
divers  sujets^  Paris,  1693,  in-12.  lil. 
Actions  chrétiennes,  ou  Discours  de 
morale  pour  le  temps  de  l'Avent, 
Paris,  1703  ;  Lyon,  1718, 2  vol.  in-12. 
IV.  —pour  tous  les  jours  de  Carême^ 
Lyon,  1719,  6  vol.  in-12.  Tous  les 
sermons  du  P.  Simon  furent  re'unis 
plus  tard,- sous  le  titre  d^Actions 
chrétiennes,  ou  Discours,  etc.,  Liège, 
1755, 15  vol.  in-12. — SiwoiH  (I  abbd), 
né  dans  le  Vendômoisvers  1712,  em- 
brassa l'état  ecclésiastique  et  obtint 
un  canonicat  au  chapitre  de  l'église 
collégiale  de  Saint-Georges  à  Ven- 
dôme, où  il  mourut  le  7  mars  1781. 
Il  avait  laissé  en  manuscrit  une 
Histoire  de  Vendôme  et  de  ses  envi- 
rons, qui  dans  ces  derniers  temps  a 
été  publiée  par  MM.  Beaussier-Bou- 
chardière,  Benier,  Cottereau  et  de  la 
Porte,  notre  collaborateur,  Paris, 
1834-35,  3  vol.  in-8°.  Celte  histoire 
n'est  pas  méthodiquement  faite  ; 
mais  elle  contient  beaucoup  de  pièces 
intéressantes  et  de  détails  curieux 
qui  la  rendent  fort  instructive.  On 
trouve  dans  le  troisième  volume 
vingt-une  notices  biographiques  sur 
des  hommes  célèbres  du  Vendômois. 

P — RT. 

SIMON  (Jean-François),  né  à 
Paris  en  1654,  était  fils  d'un  habile 
chirurgien  qui  lui  donna  une  éduca- 
tion soignée.  Destiné  à  l'état  ecclé- 
siastique, il  joignit  à  l'étude  des  hu- 
manités celle  (le  la  théologie  et  prit 
le  grade  de  docteur  en  droit  canon. 
Il  entra,  en  1681,  dans  la  maison  de 
Le  Peletier  de  Sousi  (:voy.  ce  nom, 
XXXIII,  273),  conseiller  d'État,  com- 
me précepteur  de  son  fils.  Nommé 
plus  tard  directeur-général  des  for- 
tiUcations,  et  voulant  récompenser 


Simon  qui  était  derenu  son  secré- 
taire. Le  Peletier  de  Sousi  lui  pro- 
cura l'emploi  de  contrôleur  des  for- 
tifications. C'était  lui  qui  était  ordi- 
nairement chargé  de  rédiger  les  in- 
scriptions que  l'on  plaçait  sur  les 
portes  de  villes,  sur  les  citadelles  et 
autres  édifices  de  ce  genre,  tant  en 
France  que  dans  les  colonies,  et  de 
composer  les  devises  pour  les  jetons 
de  l'administration  de  la  guerre.  En 
1701,  Louis  XIV  le  fit  admettre  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lellres,  dont  il  fut  d'abord  élève, 
puis  associé  et  ensuite  pensionnaire. 
L'abbé  de  Louvois,  bibliothécaire  du 
roi,  le  nomma  garde  du  cabinet  des 
médailles  en  1712,  après  la  mort  du 
savant  numismate  Oudinet  {voy.  ce 
nom, XXXII,  262).  Ces  fonctions,  qui 
jusqu'alors  n'avaient  été  confiées 
qu'à  des  laïques,  obligèrent  Simon 
de  quitter  le  petit  collet,  et  en  même 
temps  de  résider  à  Versailles.  Sur  la 
fin  de  sa  vie,  il  fut attaquédela  pierre; 
étant  venti  à  Paris  pour  consulter  les 
gens  de  l'art,  il  y  mourut  des  suites 
de  cette  maladie  le  10  décembre  1719. 
De  Boze,  qui  le  remplaça  comme  garde 
des  médailles,  inséra  son  Éloge  dans 
le  tome  V  des  Mémoires  de  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  dont  il  était  se- 
crétaire perpétuel.  Le  même  recueil 
contient  plusieurs  dissertations  que 
Simon  avait  lues  dans  les  séances  de 
cette  compagnie  :  tome  I".  Des  pré- 
sages ;  De  la  politesse  des  Romains; 
Des  acclamations;  Des  jeux  de  ha- 
sard en  usage  parmi  les  Romains; 
Des  temples  de  l'ancienne  Rome,-  Sur 
les  lémures  ou  les  âmes  des  morts; 
l'auteur  y  examine  l'opinion  des 
pyïens  sur  l'état  de  l'àme  après  la 
mort.  Tome  III  :  Des  asiles  ;  De  l'hos- 
pitalité. Tome  IV  :  Des  dévouements 
des  Romains  pour  la  patrie.  Simon 
lut  encore  à  l'Académie  quelques  au- 


sm 

très  opuscules ,  tels  qu'une  disser- 
tation Sur  la  musique  des  anciens  ; 
plusieurs  morceaux  de  l'Histoire  de 
Louis XIV,  par  ine'dailles,  qu'il  avait 
traduits  en  latin  d'une  manière  fort 
élégante;  le  Cantique  de  Dèbora,  en 
vers  latins  et  français,  car  il  ne  man- 
quait pas  de  talent  pour  la  poe'sie,  et 
lestravaux  d'érudition  ne  lui  faisaient 
pas  négliger  la  culture  dés  lettres. 

P— RT. 

SIMON  (l'abbé  Louis-Benoît),  né 
vers  le  commencement  du  XVI1[«  siè- 
cle, fut  aumônier,  bibliothécaire  du 
comte  de  Clermont  et  censeur  royal. 
Il  a  publié  une  série  de  Lettres  sur  la 
littérature  et  les  arls  :  1°  Lettres  sur 
nos  orateurs  chrétiens,  1754,  in-12. 
2°  Sur  Véloquence  de  la  chaire  en 
général,  et  en  particulier  sur  celle 
de  Bourdaloue  et  de  Massillon,  1755. 
3"  Sur  Corneille  et  Racine,  1758. 
4°  Sur  l'éducation  par  rapport  aux 
langues,  1759.  5°  Aux  amateurs  sur 
un  dessin  proposé  pour  une  chapelle 
àSaint-Roch,  1760.  G»  Sur  l'utilité 
des  sciences,  17G3.  7"  Sur  l'édiication 
des  femmes,  1764.  —  Simon  {Jean- 
Baptiste  ) ,  avocat  au  parlement  de 
Paris,  fut  aussi  censeur  royal.  On  a 
de  lui  :  I.  Le  gouvernement  admira- 
ble, ou  La  république  des  abeilles,  et 
les  moyens  d'en  tirer  une  grande  uti- 
lité, La  Haye,  1740,  iu-125  Paris, 
1742  et  1758,  avec  fig.  II.  Moyens  de 
conserver  le  gibier  par  la  destruc- 
tion des  oiseaux  de  rapine  et  instruc- 
tionpour  y  parvenir, suivis  duTraité 
de  la  pipée;  augmentés  de  plusieurs 
c/ifl**esomusan<es,  Paris,  1738, 1743, 
in-i2.  III.  Traité  cosmographique, 
servant  d'introduction  à  la  géogra- 
phie, Paris,  1756,  in-12.  C'est  à  tort 
qu'on  a  quelquefois  attribué  k  cet 
avocat  une  traduction  française  du 
5eicc/œepro/anî5,  qui  parut  en  1752; 
elle  est  de  Charles  Simon,  maître  de 


SIM 


261 


pension  {voy.  Heuzeï,  LXVII,  179)- 
— Simon  (Jean-François),  mort  le 
21  octobre  1770,  fut  professeur  royal 
du  collège  de  chirurgie  de  Paris,  chi- 
rurgien-major des  chevau-légers  do, 
la  garde  du  roi,  et  premier  chirur- 
gien de  l'électeur  de  Bavière.  On  lui 
doit  ;  I,  Abrégé  des  maladies  des  os, 
in-12.  II.  Abrégé  de  pathologie  et  do 
thérapeutique,  1753,  in-12.  111.  Re- 
cherches sur  l'opération  césarienne. 
IV.  Collection  de  différentes  pièces 
concernant  la  chirurgie,  Vanatomie, 
etc.,  extraites  des  ouvrages  étran- 
gers, Paris,  1761,  4  vol.  in-12.  V. 
Cours  de  pathologie  et  de  thérapeu- 
tique chirurgicales,  Paris,  1780, 
in-8°.  C'est  un  ouvrage  posthume, 
rédigé  d'après  les  manuscrits  de  Si- 
mon par  son  confrère  et  son  ami , 
Prudent  Hévin  ,  professeur  de  chi- 
rurgie, qui  le  mit  au  jour;  mais  plus 
tard  l'ayant  considérablement  aug- 
menté, il  en  publia  la  seconde  édition 
sous  son  nom  seul,  Paris,  1 784,  2  vol. 
iii-S",  réimprimés  en  1793  {voy.  He- 
VlN,  XX,  345).  Z. 

SIMON  (Claude-François),  im- 
primeur-libraire, né  à  Paris  en  1713, 
dans  une  famille  vouée  à  la  typogra- 
phie, se  distingua  lui-même  dans 
l'exercice  de  cet  art  par  ses  talents  et 
par  ses  travaux.  Le  prince  de  Coudé 
et  la  reine  Marie  Leckzinska  lui  con- 
férèrent le  titre  de  leur  imprimeur 
ordinaire,  et  Christophe  de  Beau- 
mont  le  choisit  pour  imprimeur  de 
l'archevêché  de  Paris.  En  1740,  le 
comte  de  Voyer  d'Argenson  lui  re- 
mit, de  la  part  du  roi ,  une  médaille 
d'or  en  récompense  des  soins  qu'il 
avait  donnés  non-seulement  à  l'im- 
pression, mais  encore  à  la  rédaction 
dts  Mémoires  de  Duguay  •  Trouin 
(l  vol.  in-l'*).  En  1744,  Simon  com- 
plimenta LouisXV  au  Louvre,  à  l'oc- 
casion de  sa  convalescence  après  sa 


262 


SIM 


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maladie  de  Metz.  Admis  en  1757  à 
l'Académie  des  Arcades  de  Rome  ,  il 
reçut  l'armée  suivante,  du  pape  Be- 
noît XIV,  le  diplôme  de  chevalier  de 
l'ordre  du  Christ.  Ces  honneurs  et 
ces  encouragements  ne  servirent  qu'à 
stimuler  son  zèle  et  à  lui  faire  mé- 
riter de  plus  en  plus  la  confiance  et 
l'estime  des  savants  avec  lesquels  il 
était  en  relation,  mais  sa  carrière  ne 
fut  pas  très-longue;  il  mourut  à  Pa- 
ris le  19  juillet  1767,  âgé  de  54  ans. 
Parmi  les  éditions  sorties  de  ses  pres- 
ses, outre  celles  de  Virgile,  de  Té- 
rence,  de  Cornélius  Nepos  et  autres 
auteurs  classiques,  on  estime  surtout 
celle  de  la  Bible  hébraïque  du  P.  Hou- 
bigant  [voy.  ce  nom,  XX,  600),  en  4 
vol.  in-fol.,  dont  l'exécution  typo- 
graphique est  regardée  comme  un 
chef-d'œuvre.  Au  reste,  Simon  n'é- 
tait pas  seulement  un  habile  impri- 
meur; il  consacrait  à  la  culture  des 
lettres  les  loisirs  que  lui  laissait 
l'exercice  de  sa  profession.  Il  publia 
un  Projet  de  V établissement  d'une 
imprimerie  royale  à  Berlin,  Paris, 
1741,  in-fol.;  il  réimprima,  corrigea 
et  auguienta  la  Connaissance  de  la 
mythologie,  du  P.  Rigord  {voy.  ce 
nom,  XXXVIII,  114),  Paris,  1743, 
in-12.  Le  Journal  de  Trévoux  (avril 
1746)  reprocha  à  l'éditeur  de  cet  ou- 
vrage d'y  avoir  ajouté  des  détails 
dangereux  pour  la  jeunesse;  ils  ont 
été  supprimés  dans  les  éditions  sub- 
séquentes. Simon  rédigea  pour  VEn- 
cycloj}édie  tous  les  arlicles  relatifs  à 
l'imprimerie,  et  ilse  proposait  dedon- 
ner  une  nouvelle  édition,  entière- 
ment refondue,  de  l'ouvragedeFertel 
{voy.  XIV,  447),  inliuilé:  La  Science 
pratique  de  l'imprimerie;  mais  la 
mort  l'empêcha  de  mettre  la  dernière 
main  à  ce  travail  qui  élait  déjà  fort 
avancé.  Enfin  ou  a  de  Simon  quel- 
ques compositions  littéraires.  L  Dis- 


cours présenté  à  l'Académie  française 
pour  le  prix  d'éloquence,  1737,  Pa- 
ris, 1738,  in-12  ;  —  Discours  pour  le 
prix  d'éloquence,  1739,  Paris,  in-12. 
II.  Mémoire  de  la  comtesse  d' Home- 
ville,  Paris,  1739-40,  2  vol.  in-12  ; 
Amsterdam,  1740,  2  vol.  in-S"  (ano- 
nyme), roman  sans  intérêt  et  d'un 
stylenégligé.  m.  ilfmos,  ou  rJBmptre 
«ou/errai»},  comédie  en  un  acte  et  en 
scènes  épisodiques,  en  prose,  Paris 
(1741),  in-12  (anonyme).  IV.  Les 
Confidences  réciproques,  comédie  en 
un  acte  et  en  vers  libres  (1747),  qui 
ne  paraît  pas  avoir  été  imprimée.  Ki 
celte  pièce  ni  la  précédente  n'ont 
été  représentées.  P— rt. 

SIMON  (Antoine),  né  à  Troycs 
en  1736,  fut  envoyé  jeune  à  Paris,  oii 
il  apprit  et  exerça  l'éfat  de  cordon- 
nier. Dès  que  la  Révohiiion  éclata,  il 
s'y  jeta  avec  toute  la  fureur  de  ses 
instincts  grossiers  et  féroces  ;  et,  mal- 
gré son  ignorance,  il  fut  nommé  of- 
licier  municipal  de  la  commune.  En 
cette  qualité ,  il  fut  souvent  de  ser- 
vice au  Temple  où  étaient  détenus 
Louis  XVI  et  sa  famille,  et  l'on  pense 
bien  qu'il  n'épargna  pas  les  insultes 
aux  infortunés  prisonniers.  Le  3  juil- 
let 1793,  le  dauphin  (Louis  XVII) 
fut  arraché  des  bras  de  sa  mère  pour 
être  remis  entre  les  mains  de  Simon 
et  de  sa  femme,  qui  vinrent  s'établir 
au  Temple  comme  instituteurs  du 
malheureux  enfant.  Ces  misérables 
s'appliquèrent  à  le  torturer  physi- 
quement et  moralement  ;  ils  le  con- 
traignaient, par  d'horribles  menaces, 
à  répéter  des  chansons  révolution- 
naires et  impies  ;  ils  prenaient 
plaisir  à  l'enivrer  en  lui  don- 
nant à  boire  des  liqueurs  fortes,  et 
dans  cet  état  lui  faisaient  proférer 
des  pro|ios  infâmes  el  des  impréca- 
tions contre  ses  parents.  Souvent 
mênic  l'innocente  victime  fut  frap- 


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pée  par  son  abominable  geôiier.  Un 
jour,  la  tenant  par  les  cheveux ,  il 
s'écria  avec  fureur  :  «  Mise'rable  vi- 
père, il  me  prend  envie  de  t'e'craser 
contre  la  muraille!"  En  janvier  1794, 
Simon,  ainsi  que  sa  femme,  quitta  le 
Temple  et  retourna  au  conseil  de  la 
commune  ;  mais  nous  devons  dire 
que  la  position  du  jeune  martyr  fut 
encore  aggravée  après  leur  départ  ; 
et  lorsque,  en  1795,  des  commissai- 
res de  la  Convention  voulurent  ap- 
porter 'quelques  adoucissements  à 
son  sort,  tout  espoir  était  perdu  ^  il 
succomba  à  ses  souffrances  {voy. 
Louis  XVII,  XXV,  237).  Quant  à  Si- 
mou,  entraîné  dans  la  chute  de  Ro- 
bespierre, il  fut  mis  hors  la  loi  avec 
tous  les  membres  deUa  municipalité 
de  Paris,  et  exécuté  le  10  thermidor 
an  II  (28  juillet  1794).  —  Un  homme 
du  même  nom  que  Simon,  et  qu'on 
disait  être  son  parent,  exerçait  aussi, 
à  Remiremont,  la  profession  de  cor- 
donnier. Lorsque  la  duchesse  d'An- 
goulème  passa  dans  cette  ville,  en 
ISlfi,  on  s'empressa  défaire  dispa- 
raître l'enseigne  placée  au-dessus  de 
la  boutique  qui  se  trouvait  sur  son 
chemin,  afin  d'épargner  à  cette  prin- 
cesse l'émotion  qu'aurait  pu  lui  cau- 
ser la  coïncidence  de  ces  mots  :  5/- 
mon,  cordonnier.  Z. 

SIMON  (Jean-Frédéric),  gram- 
mairien allemand,  d'abord  profes- 
seur au  collège  appelé  Philanlhro- 
pinon  que  Basedow  {voy.  ce  nom,  III, 
473)  avait  fondé  à  Dessau,  fut  ensuite 
instituteur  à  Neuwied.  Étant  venu  se 
iixer  en  France,  il  obtint,  vers  1800, 
la  place  de  professeur  de  langue  al- 
lemande au  prytanée  de  Saint-Cyr, 
et  quelques  années  après  il  fut  en- 
voyé comme  secrétaire  de  légation  à 
Cassel.  Sous  la  Restauration,  le  duc 
d'Orléans,  qui  fut  depuis  roi  des 
Français  ,  le  choisit  pour  enseigner 


SIM 


263 


l'allemand  au  duc  de  Chartres,  son 
fils  aîné.  Simon  mourut  à  Paris  en 
1829.  C'était  un  homme  instruit  et 
laborieux.  On  a  de  lui  :  I.  Quelques 
pensées  sur  les  principes  les  plus  im- 
portants de  l'éducation,  etc.,  par 
d'anciens  professeurs  duPhilanthro- 
pinon  de  Dessau  (en  allemand),  Leip- 
zig, 1799,  in-8o.  Il  composa  cet  ou- 
vrage en  société  avec  Jean  Schwei- 
ghaeuser  {voy.  ce  nom,  LXXXI,  447), 
qui  avait  été  son  collègue  au  Philan- 
thropinon.  II.  Sur  l'organisation  des 
premiers  degrés  de  Vinslruction  pu- 
blique.,iSOi,  in-8«.  111.  Notions  élé- 
mentaires de  grammaire  allemande, 
à  l'usage  des  élèves  du  prytanée  de 
Saint-Cyr,  Paris,  1802,  in-12;2'^édit,, 
à  l'usage  des  Français  qui  ont  fait 
quelques  études  et  qui  veulent  ap- 
prendre l'allemand,  Strasbourg  et 
Paris,  1807,  in-12.  IV.  Cours  de  lit- 
térature allemande,  trad.  de  l'alle- 
mand, 1807,  in -8».  V.  Précis  de 
grammaire  générale,  servant  de  base 
à  l'analyse  de  chaque  langue  parti- 
culière et  d'introduction  à  une  gram- 
maire allemande,  Paris,  1819,  in-8". 
VI.  Grammaire  allemande,  où  l'au- 
teur s'efforce  de  développer  le  mé- 
canisme de  cette  langue  dans  son 
ensemble,  à  l'usage  de  S.  A.  S.  Mgr 
leduc  de  Chartres,  Paris,  1819,  in-8«. 
VU.  Grammaire  allemande  élémen- 
taire pour  les  Français,  contenant 
les  règles  nécessaires  pour  faire  avec 
succès  les  exercices  nommés  thèmes 
et  versions^  extraite  de  la  Grammaire 
allemande  complète,  précédée  d'un 
Précis  de  grammaire  générale  du 
même  auteur,  et  approuvée  par  l'a- 
cadémie germanique  de  Berlin,  Paris, 
1821,  in-8o.  Simon  a  donné  une  édi- 
tion allemande  des  Fables  deLessing, 
avec  des  notes,  Paris,  1814,  in-12. 
—  Simon  ,  savant  physiologiste  de 
Berlin,  mort  vers  1844,  avait  envoyé 


264 


SIM 


SIM 


à  l'Acatléinie  des  sciences  de  Paris  un 
mémoire  sur  la  découverte  d'un  in- 
secte particulier,  siégeant  dans  les 
follicules  sébacés  de  la  peau  de  l'hom- 
me, et  qu'il  regardait  comme  la 
cause  de  la  maladie  cutanée  appelée 
acné  sebacea.  Cette  découverte  a  été 
confirmée  par  les  expériences  de 
M,M.  Érasme  Wilson  de  Londres, 
Vogl  de  Munich  ,  Henle  et  autres 
anatomistes.  Un  zoologiste  distingué, 
M.  Gruby,  a  fait  de  semblables  expé- 
riences, non-seulement  sur  la  peau 
de  l'homme,  mais  aussi  sur  celle  du 
cliien,  et  il  y  a  également  reconnu 
l'existence  de  ces  animalcules.  11  a 
inséré  quelques-uns  des  résultats  de 
son  travail  dans  VEcho  du  monde 
savant  (IG  mars  18i5).  Z. 

SI3IOX  (Henri),  général  français, 
né  le  7  avril  176i,  embrassa  très- 
jeune  la  carrière  des  armes  et  fit  les 
premières  campagnes  de  la  révolution 
dans  les  armées  du  nord,  où  il  parvint 
au  grade  de  général  de  brigade  le 
28  novembre  1793.  Employé  à  l'ar- 
mée de  la  Moselle,  puis  à  celle  de 
Sambre- et -Meuse,  il  se  distingua 
à  la  bataille  de  Fleurus ,  à  Neuwied 
(8  octobre  1796),  et  conclut  le  lende- 
main avec  le  baron  de  Brady,  géné- 
ral autrichien  ,  le  traité  qui  déclara 
Neuwied  ville  neutre.  Il  servit  en- 
core dans  toutes  les  guerres  de  la 
république  et  de  l'empire,  soit  à  l'ex- 
térieur, soit  à  l'intérieur.  Nommé 
commandant  de  la  Légion -d'Hon- 
neur lors  de  sa  création,  ce  fut,  avec 
le  titre  de  baron,  la  seule  faveur 
qu'il  dût  à  Napoléon,  et,  chose  re- 
marquable, il  n'obtint  aucun  avance- 
ment de  1793  à  1814.  11-  comptait 
21  ans  de  service  actif  clans  le  même 
grade  lorsque  la  Restauration  arriva  ; 
aussi  s'en  montra-t-il  le  partisan.  11 
fut  alors  nommé  commandant  à  Dijon 
etreçut  bientôt  après  la  croix  deSaint- 


Louis.  Étant  resté  fidèle  aux  Bourbons 
durant  les  Cent-Jours,  Louis  XVIII 
l'en  récompensa  par  la  confirmation  de 
son  commandement  et  le  brevet  de 
lieutenant- général  (1818).  Il  mourut 
dans  la  retraite,  en  1827.  —Simon 
{Edouard- François),  général  fran- 
çais, fils  de  Simon  de  Troyes,  savant 
bibliothécaire  [voy.  ce  nom,  XLII, 
388),  était  né  en  1769.  11  s'engagea 
le  20  mai  1792  dans  un  régiment  de 
cavalerie  et  franchit  en  très-peu  de 
temps  tous  les  grades  jusqu'à  celui 
de  général  de  brigade,  auquel  il  fut 
promu  le  27  juillet  1799.  Après  avoir 
pris  une  part  active  aux  événements 
militaires  depuis  le  consulat,  il  fut 
désigné  en  1808  pour  faire  partie  de 
l'armée  d'Espagne  ,  où  il  déploya 
autant  de  talent  que  de  bravoure, 
notamment  au  siège  de  Ciudad-Ro- 
drigo.  Fait  prisonnier  au  combat  de 
Busaco  (27  septembre  1810),  il  fut 
conduit  en  Angleterre  d'où  il  tenta 
de  s'évader;  mais,  repris  à  un  mille 
de  Londres,  et  accusé  d'entretenir  une 
correspondance  avec  d'autres  Fran- 
çais, dans  le  but  de  faire  opérer  un 
débarquement  sur  les  côtes  de  Corn- 
wall  pour  délivrer  ses  compagnons 
de  captivité,  il  fut  traduit  devant 
les  magistrats  et  envoyé  sur  les  pon- 
tons de  Chatam.  Après  la  chute  de 
l'empire  il  put  revenir  en  France;  le 
roi  lui  donna  la  croix  de  Saint-Louis 
le  19  juillet  et  celle  de  commandeur 
de  la  Légiond'Honneur  le  17  janv. 
1815.  Toutefois  il  ne  fut  pas  em- 
ployé, et  Napoléon,  à  son  retour,  le 
nomma  général  de  division,  grade 
que  l'ordonnance  royale  du  1"  août 
annula.  Mis  à  la  demi-solde  de  ma- 
réchaî-de-camp,  il  resta  dans  cette 
position,  obtint  sa  retraite  et  mourut 
vers  1828.  C-ii— N. 

SIMON  (Victor),  homme  de  let- 
tres, né  à  Paris  le  18  septembre  1789, 


SIM 

et  mort  le  4  juillet  1831,  a  publié  les 
écrits  suivants  :  l.  Observations  sur 
l'attraction,  Paris,  1819,  in-8o.  11. 
Considérations  sur  quelques  points 
d'économie  publique  et  politique , 
d'après  les  mémoires  inédits  de  feu 
M.  Gasseau,  mis  en  ordre  et  publiés 
par  Vict.  Simon,  Paris,  1824,  in  8". 
111,  Les  Présents  du  dey  d'Alger,  ou 
l'Usurier,  comédie  en  un  acte  et  en 
prose,  Dunkerque,  1825,  in-8°,  IV. 
Examen  du  projet  formé  par  une 
société  de  capitalistes  de  joindre  Pa- 
ris à  l'Océan  par  un  canal  maritime 
à  même  de  porter  les  navires  du  plus 
fort  tonnage,  Paris,  1826,  in-8°.  Les 
OEuvres  de  Victor  Simon  ont  été 
imprimées  à  Dunkerque,  1834,in-18, 
précédées  d'une  Notice  sur  l'auteur. 
Ce  volume  contient,  outre  des  opus- 
cules en  prose,  plusieurs  morceaux 
de  poésie,  notamment  deux  traduc- 
tions d'Horace  et  une  de  Martial  ; 
mais  on  n'y  a  pas  inséré  la  comédie 
des  Présents  du  dey  d'Alger.  —  Il 
ne  faut  pas  confondre  cet  écrivain 
avec  un  autre  Victor  Simon,  auteur 
dramatique  et  musicien,  dont  l'arti- 
cle se  trouve  dans  cette  Biographie, 
lom.  XLII,  page  390.  Z. 

SiaiOND  (Louis),  voyageur  fran- 
çais ,  né  en  1767,  quitta  la  France 
vers  1792,  passa  aux  États-Unis  et 
visita  diverses  contrées  de  l'Amé- 
rique septentrionale.  Il  alla  plus  tard 
dans  la  Grande-Bretagne,  rentra  dans 
sa  patrie  au  commencement  de  la 
Restauration,  et  publia  son  Voyage 
en  Angleterre,  dont  il  présenta  un 
exemplaire  à  Louis  XVUI  en  1817. 
Quoique  les  événements  de  la  révo- 
lution lui  eussent  fait  éprouver  des 
pertes,  il  était  encore  dans  un  état 
de  fortune  qui  lui  permit  de  satis- 
faire son  goût  pour  les  voyages.  De 
1817  à  1819  il  parcourut  avec  sa  fa- 
mille la  Suisse  et  l'Italie,  notant  sur 


SIM 


265 


ses  tablettes  ce  qu'il  voyait  ou  appre- 
nait de  curieux.  Toutefois  ce  ne  fut 
qu'après  plusieurs  années  qu'il  donna 
les  relations  complètes  de  ces  deux 
excursions.  Dans  les  derniers  temps 
de  sa  vie,  Simond  se  relira  à  Genève 
et  mourut  en  cette  ville  au  mois  de 
juillet  1831.  On  a  de  lui  :  I.  Voyage 
d'un  Français  en  Angleterre,  pen- 
dant les  années  1810  et  1811,  avec 
des  Observations  sur  l'état  politique 
et  moral,  les  arts  et  la  littérature  de 
ce  pays,  et  sur  les  moeurs  et  les  usages 
des  habitants,  Paris,  1816,  2  vol. 
in-8°;  2*  édit,,  corrigée  et  augmen- 
tée, Paris,  1817,  2  vol.  in-8%  avec 
15  pi.  et  13  vignettes.  La  première 
édition  était  anonyme.  Malgré  quel- 
ques inexactitudes  reprochées  à  l'au- 
teur, son  ouvrage  fut  accueilli  favo- 
rablement et  lui  mérita  des  éloges. 
Le  public  était  alors  avide  de  ren- 
seignements sur  l'Angleterre  dont 
une  longue  guerre  avait  interrompu 
les  communications  avec  la  France. 
H.  Voyage  en  Suisse,  fait  dans  les 
années  1817,  1818,  1819,  suivi  d'un 
Essai  historique  sur  les  mœurs  et 
coutumes  de  l'Helvétie  ancienne  et 
moderne,  dans  lequel  se  trouvent 
retracés  les  événements  de  nos  jours 
avec  les  causes  qui  les  ont  amenés , 
Paris,  1822,  1823,  2  vol.  in-8%  fig. 
lU.Voyageen  Italie  et  en  Sicile,?ar\s, 
1827,  2  vol.  in-8°;  2"  édition,  1828. 
Ces  deux  voyages,  comme  le  précé- 
dent, obtinrent  un  succès  mérité. 
L'auteur  s'est  moins  attaché  aux  des- 
criptions topographiques  qu'à  l'état 
social  des  pays  qu'il  a  explorés. 
Leurs  constitutions,  l'économie  pu- 
blique ,  l'administration  judiciaire 
ont  particulièrement  fixé  son  atten- 
tion; il  raisonne  avec  beaucoup  de 
franchise  sur  ces  différentes  ma- 
tières, et  relève  sans  ménagement 
les  abus  et    les  vices  qu'il    croit 


266 


SIM 


apercevoir.  Il  est  vrai  qu'à  l'époque 
où  ses  relations  furent  publiées,  les 
instiiiitioiis  dont  il  parle  avaient 
déjà  subi  quelques  modilications,  et 
(|ue  de  plus  grandes  encore  ont  eu 
lieu  depuis  ;  mais  ses  remarques 
restent  ccimme  des  documents  qui 
peuvent  servir  à  constater  les  pro- 
grès (le  la  civilisation.  Le  Voyage  en 
Italie  et  en  Sicile  parait  écrit  avec 
plus  de  précipitation  que  le  Voyage 
en  Suisse,  et  cependant  il  a  été  im- 
primé pins  tard.  Bien  que  l'auteur 
cultivât  lui-même  la  peinture  en 
amateur  distingue  ,  les  jugements 
qu'il  porte  sur  les  monuments,  sur 
les  cbefs-d'œuvrc  artistiques  de  la 
Péninsule  ne  seraient  pas  toujours 
sanctionnés  par  les  honmies  compé- 
tents. Plusieurs  faits  historiques  y 
sont  racontés  d'une  manière  inexacte 
et  mal  appréciés;  des  erreurs  de 
dates  annulent  quelquefois  les  consé- 
quences qu'il  prélend  tirer  de  leur 
rapprochement.  Malgré  ces  défauts, 
de  Iréijuentes  incorrections  de  style 
et  une  certaine  teinte  de  philoso- 
phisme, les  voyages  de  Simond  se 
recommandent  par  des  observations 
judicieuses,  des  aperçus  ingénieux , 
entremêlés  d'anccdoles  intéressan- 
tes. On  y  trouve  à  la  fois  de  l'in- 
struction et  de  l'agrément.  F— et. 
SIMONELLI  (Joseph),  peintre  , 
naquit  à  Naples  en  1C19.  Il  avait  d'a- 
bord été  laquais  du  Giordono-,  en 
voyant  les  ouvrages  de  son  maître  , 
le  goût  de  la  peinture  s'empara  de 
lui,  il  étudia  ceux  qu'il  trouva  sous 
sa  main,  et  il  devint  en  peu  de  temps 
un  copiste  exact  de  ses  compositions 
et  un  excellent  imitateur  de  son  co- 
loris. U  ne  fut  pas  aussi  habile  dans 
la  partie  du  dessin;  cependant  on 
vanle  comme  une  production  des 
plus  étudiées  et  des  plus  correctes, 
comme  une  de  celles  qui  approchent 


SIM 

de  très-près  les  meilleurs  ouvrages 
du  Giordono,  le  tableau  qu'il  a  peint 
dans  l'église  de  Montesanto  et  qui 
représente  saint  Nicolas  de  Tolen- 
tino.  Simonelli  mourut  à  Naples 
en  1713.  P— s. 

SIMOiNNEAU  (Jacques- Henri)  , 
riche  tanneur  d'Étampcs,  était  maire 
de  cette  ville  en  1792,  lorsqu'il  de- 
vint victime  d'une  émeute  qui  éclata 
au  sujet  de  la  cherté  des  subsistances. 
Le  3  mars,  jour  de  marché,  des  ban- 
des de  gens  sans  aveu  se  dirigèrent 
des  campagnes  environnantes  sur 
Étampes  et  s'y  livrèrent  à  des  dé- 
monstrations bruyantes.  Elles  enva- 
hirent la  place  et  voulurent  imposer 
par  la  force  une  diminution  dans  le 
prix  des  grains  ;  le  désordre  était  à 
son  comble,  lorsque  Simonneau  in- 
tervint pour  tâcher  de  calmer  l'irri- 
tation populaire  devenue  très-inquié- 
tante. Le  maire  parle  le  langage  de 
la  raison;  on  ne  l'écoute  pas;  des 
menaces  de  mort  sont  même  profé- 
rées contre  lui  ;  loin  de  s'en  laisser 
intimider,  ce  digne  magistrat,  n'écou- 
tant que  son  devoir,  répond  aux  cris 
par  ces  fermes  et  sublimes  paroles  : 
•  Ma  vie  est  à  vous,  vous  pouvez  me 
«  tuer  ;  mais  je  ne  manquerai  pas  à 
«  mon  devoir  ;  la  loi  me  défend  ce 
«  que  vous  exigez  de  moi.  »  Aussitôt 
un  coup  de  feu  vient  l'atteindre  ,  et 
à  l'assassinat  succède  le  massacre. 
Simonneau  était  âgé  de  42  ans.  Cet 
événement  produisit  une  grande  sen- 
sation; on  peut  eu  lire  les  détails 
dans  le  Moniteur  des  7,  8  et  9  mars 
1792.  L'Assemblée  législative,  pour 
honorer  la  mémoire  de  ce  courageux 
citoyen,  lit  célébrer  au  Champ -de- 
Mars,  le  3  juin  suivant,  une  fête  fu- 
nèbre où  elle  envoya  une  députation  ; 
elle  avait  décrété  qu'un  monument 
lui  serait  érigé  sur  la  place  du  mar- 
ché d'Étampes  ;  mais  ce  projet  n'a 


SIM 

pas  été  mis  à  exécution.  A  la  même 
époque  Grégoire,  cvêque  couslitu- 
tionuel  de  Loir-et-Cher,  célébra  aussi 
dans  la  cathédrale  de  Blois  un  ser- 
vice en  l'honneur  de  Simonneau,  et 
prononça  en  chaire,  à  cette  occasion, 
un  discours  remarquable  par  son 
exagération  révolutionnaire  (  voy. 
Grégoire,  LXVI,  67).      C— h— n. 

SIMONNET  (Maurice),  né  à  Lyon 
le  19  juillet  1785,  montra  très-jeune 
encore  beaucoup  de  dispositions 
pour  la  poésie  et  le  dessin.  Condis- 
ciple d'Aimé  Martin,  leurs  premiers 
travaux  littéraires  furent  communs, 
et  lorsque  celui-ci  iit  paraître,  en 
1811,  la  première  édition  des  Lettres 
à  Sophie,  on  lut  dans  sa  préface  : 

«  Je  dois  beaucoup  à  M.  Mau- 

«  rice  S ,  mon  compatriote  et 

•  mon  ami,  jeune  artiste  plein  de 
«  goût  et  d'instruction  ;  il  n'a  rien 
■  épargné  pour  rendre  mon  ouvrage 
«  digne  du  public,  et  je  lui  suis  re- 
«  devable  d'une  foule  d'heureuses 
«  corrections...  »  Cette  mention  ne 
parut  point  suftisante  k  Simonne!, 
qui  dès  lors  n'eut  plus  aucune  es- 
pèce de  relations  avec  son  ancien 
camarade,  et  qui  se  borna  à  faire  part 
à  ses  amis,  dans  des  lettres  qu'ils 
conservent  encore,  des  motifs  de  sa 
rupture.  Quelques  pièces  fugitives 
de  Simonnet  ont  été  insérées  dans 
les  Almanachs  des  Muses  de  Lyon 
et  dans  d'autres  recueils.  En  181G,  il 
publia  le  Combat  de  la  Drôme^ 
poème  à  la  louange  du  duc  d'Angou- 
lêrae  (Paris  et  Lyon,  in-S»).  Nommé 
plus  tard  professeur  de  dessin  au 
collège  de  Romans  (Isère),  il  y  mou- 
rut le  3  mars  1820.  —  Guy  Patin  cite 
avec  éloge,  dans  ses  Lettres,  un  cé- 
lèbre joaillier  nnirjiné  Simonnet; 
M.  Bregh"!  du  Lut  (mi  a  aussi  parlé, 
p.  Vil  de  ses  Nouveaux  Mélanges. 
A.  P. 


SIN 


267 


SIMPSON  (CuRiSTOPHE),  Anglais, 
un  des  plus  grands  musiciens  de  son 
temps,  bon  compositeur  et  excellent 
violon,  vivait  dans  le  XYll^  siècle. 
On  ne  sait  rien  de  sa  vie,  si  ce  n'est 
qu'il  servit  dans  l'armée  de  Char- 
les V'  contre  le  parlement,  et  qu'il 
fut  proiégé  pendant  ce  temps  par  sir 
Robert  BoUes  et  ensuite  par  John 
Bolles.  Simpson  a  publié  différents 
ouvrages  relatifs  à  son  art,  I.  11  lit 
paraître  en  1665  un  petit  in-folio, 
Chelys  Minuritionum,  qu'il  dédia  à 
John  Bolles.  Cet  ouvrage  est  sur 
deux  colonnes;  la  première  contient 
le  texte  anglais,  et  la  seconde  en  est 
la  traduction  latine;  cette  traduc- 
tion appartient  à  William  Marsh, 
ainsi  que  Siuipson  nous  l'apprend 
dans  sa  dédicace.  L'auteur  divisa 
cette  espèce  de  traité  en  trois  parties: 
la  première  contient  la  méthode  de 
jouer  du  violon  ;  la  seconde,  la  théo- 
rie des  accords,  et  la  troisième,  celle 
des  cadences.  11.  11  publia  en  1667 
son  Compendium  de  musique  pra- 
tique en  cinq  parties  :  la  première 
renferme  les  principes  de  cette 
science  qui  se  trouvent  dans  tous  les 
livres  élémentaires  de  ce  genre;  la 
seconde  truite  de  la  théorie  de  la 
composition  du  contre-point,  des 
intervalles,  des  accords,  des  clefs  ou 
tons,  etc.  ;  la  troisième  est  consacrée 
à  l'harmonie  :  l'auteur  y  parle  des 
trois  genres  de  musique,  de  la  diato- 
nique, de  la  chromatique  et  de  l'har- 
monique; la  quatrième  traite  de  mu- 
sique vocale,  et  la  derrîière,  de  l'art 
de  composer  les  canons.  Ces  deux  ou- 
vrages sont  très-estimes.  Le  portrait 
de  Simpson  se  trouve  dans  V Histoire 
de  la  musique  de  H  iw  kins.  Z. 

SINA  (Ibn).  Voy.  Avicen.mî,  III, 
115. 

SINCEIIUS  (JoDocus).  Voy.  ZiN- 

ZERLING,  LU,  .370. 


568 


SIN 


SIN 


SINCLAIR  (sir  Jonh),  agronome 
anglais,  naquit  en  1754,  à  UUster, 
dans  le  comté  de  Caithness  en  Ecosse. 
Après  avoir  commence  ses  études  à 
l'école  supérieure  d'Edimbourg,  il 
alla  les  achever  à  l'université  de 
Glascow,  puis  h  celle  d'Oxford.  Be- 
venu  en  Ecosse,  il  fut  admis  dans 
l'ordre  des  avocats,  mais  il  ne  suivit 
pas  le  barreau.  11  entra  de  bonne 
heure  au  parlement,  s'atfacha  pen- 
dant quelque  temps  à  Pitt,  et  aban- 
donna ensuite  son  parti  pour  se  join- 
dre à  l'opposition,  quoiqu'il  fût  con- 
traire à  l'abolition  de  la  traite  des 
nègres.  On  attribua  ce  changement 
au  refus  qu'avait  fait  Pitt  de  l'élever 
à  la  pairie.  Sinclair  avait  e'té  créé 
baronnet  en  1780.  L'économie  poli- 
tique et  surtout  l'agriculture  fixèrent 
spécialement  son  attention  :  il  forma 
d'abord,  à  Edimbourg,  une  société 
pour  l'amélioration  des  laines,  puis 
il  fonda  un  bureau  d'agriculture,  dont 
il  fut  le  président  perpétuel.  L'utilité 
de  cette  institution  a  été  fort  con- 
troversée :  on  a  prétendu  que  les 
avantages  qu'elle  a  procurés  étaient 
loin  de  balancer  les  dépenses  qu'elle 
a  occasionnées. Quoi  qu'il  en  soit,  sir 
John  Sinclair  seconda  de  tous  ses 
lîioyens  les  progrès  de  l'industrie 
agricole.  Sous  ce  rapport,  il  a  rendu  à 
sa  patrie  des  services  incontestables. 
Pendant  la  dernière  guerre  entre 
l'Angleterre  et  la  France,  il  leva  et 
commanda  en  qualité  de  colonel  deux 
bataillons  appelés  les  fencibles  de 
Rothsay  et  de  Caithness.  Jusqu'à  la 
fin  de  sa  longue  carrière,  il  continua 
de  se  livrer  à  ses  occupations  favo- 
rites, et  mourut  en  décembre  1835, 
âgé  de  82  ans.  Outre  un  grand  nom- 
bre d'articles  insérés  dans  différents 
recueils,  on  a  de  lui  :  I.  Productions 
pendant  une  courte  retraite^  1782, 
in-S".  II.  Observations  sur  le  dia- 


lecte écossais,  1782,  IIL  Pensées  sur 
la  force  navale  de  Vempire  britan- 
nique, 1782.  IV,  La  crise  de  l'Eu- 
rope, 1783,  in-S",  traduite  en  français 
la  même  année,  in-12  (anonyme).  V. 
Avis  adressé  au  public  pour  dissiper 
les  idées  nébuleuses  qni,  récemment, 
ont  été  données  de  l'état  de  nos  finan- 
ces, 1783,in-8°.  VI.  Histoire  dure- 
venu  public  de  Vempire  britannique, 
1785,  in-4<>;  3«  édif.,  1805,  3  vol. 
in-8°.  VII.  État  des  changements  qui 
peuvent  être  proposés  aux  lois  pour 
régulariser  l'élection  des  membres 
du  parlement  pour  les  comtés  d'E- 
cosse, 1787,  in-g".  Vlll.  Rapport  sur 
la  laine  de  Shetland,  1790.  IX. 
Adresse  à  la  société  pour  l'amélio- 
ration de  la  laine  d'Angleterre,  éta- 
blie à  Edimbourg,  3  janvier  1791, 
in-8°.  X.  Adresse  aux  propriétaires 
sur  le  bill  des  grains,  1791.  XI.  No- 
tice statistique  s^ir  l'Ecosse,  extraite 
des  communications  des  ministres 
des  différentes  paroisses,  Éilimbourg, 
1792  et  années  suiv.,in-8°.  Le  pros- 
pectus de  ce  volumineux  recueil  pa- 
rut à  Londres,  en  1792,  en  français; 
l'ouvrage  forme  plus  de  20  vol.,  et 
probablement  il  n'existe  aucun  pays 
en  Europe  dont  on  ait  imprimé  une 
statistique  aussi  détaillée.  XII.  No- 
tice sur  Vorigine  du  bureau  d'agri- 
culture et  ses  progrès  dans  les  trois 
années  qui  ont  suivi  son  établisse- 
ment, 179G,  in-4°.  XIII.  Communi- 
cations au  bureau  d'agriculture  sur 
le  labourage  et  les  améliorations  in- 
térieures, 1797,  in-r.  X\y.  Lettres 
aux  directeurs  et  gouverneurs  de  la 
banque  d'Angleterre,  sur  la  détresse 
pécuniaire  du  pays,  et  les  moyens 
de  la  prévenir,  1797,  in  -  8°.  XV. 
Alarme  aux  fermiers,  ou  Consé- 
quence du  bill  pour  le  rachat  de  la 
taxe  sur  les  propriétés,  1798,  in-8". 
XVI.  Discours  sur  le  bill  pour  im- 


SÎN 

poser,  une  taxe  sur  le  revenu,  1798, 
in-S".  XVH.  Histoire  de  V origine  et 
des  progrès  de  la  Notice  statisti- 
que de  l'Ecosse,  1798.  XVIII.  Pro- 
position d'établir  une  tontine  pour 
lixer  les  principes  de  i'anicliora- 
tiop.  agricole,  1799,  in  -  8°.  XIX. 
Projet  d'un  plan  pour  établir  des 
fermes  expérimentales  et  pour  fixer 
les  principes  des  progrès  de  l'agri- 
culture, avec  le  Rapport  sur  ce  pro- 
jet, lu  à  l'Institut,  le  l^""  thermidor 
an  VIII,  par  Cels  et  Tessier,  Paris, 
an  IX  (1801),  in-4»,  avec  3  pi.  Cet 
ouvrage,  rédige'  en  français  et  envoyé 
par  l'auteur  à  l'Institut  national,  a 
été  inse'ré  dans  le  l*^""  volume  des  Mé- 
moires des  savants  étrangers,  publié 
par  cette  compagnie  en  1805.  XX. 
Essais  sur  différents  sujets^  1802, 
in-S**.  XXI.  Pensées  sur  la  longévité^ 
1802,  in-40.  XXII.  Lettre  à  M.  L. 
Ballots  sur  l'agriculture,  les  finan- 
ces, la  statistique  de  longévité,  suivie 
d'unApeiou  (en  forme  de  tableau 
synoptique)  sur  les  sources  du  revenu 
public,  Paris,  1803,  in-S"  (en  fran- 
çais.) Cette  £e//re  fut  publiée  par  Bal- 
lois  lui-même,  fondaîeur  et  rédacteur 
des  Atmales  de  statistique,  recueil 
où  l'on  trouve  quelques  autres  écrits 
de  sir  John  Sinclair  {voy.  Ballois, 
LVII,  92).  XXIU.  Code  de  santé  et 
de  longévité^  ou  Vues  concises  des 
principes  calculés  pour  la  conserva- 
tion de  la  santé,  et  pour  atteindre 
une  longue  vie,  1807,  4  vol.  iii-8'. 
Louis  Odier  {voy.  ce  nom,  XXXI, 
502),  professeur  de  médecine  à  Ge- 
nève, en  a  donné  une  traduction 
abrégée,  sous  le  titre  de  Principes 
d'hygiène,  extraits  du  Code  de  santé 
et  de  longévité  de  sir  John  Sinclair, 
traduit  de  l'anglais, seconde  édition, 
revue  et  augmentée,  Genève  et  Paris, 
1823,  in-8".  La  fc  édition  avait  paru 
par  fragments  dons  la  Bibliothèque 


SIN 


2G9 


britannique  ;  c'est  par  erreur  qu'on 
a  quelquefois  attribué  cette  traduc- 
tion à  Pictet.  XXIV.  Recherches  sur 
la  nature  et  les  causes  de  la  brouis- 
sure,  de  la  rouille  et  de  la  nielle^ 

1809,  in-S».  XXV.  Observations  sur 
le  rapport  du  comité  des  matières 
d'or  et  d'argent  {hiûWon  committee), 

1810,  in-8''.  XXVI.  Remarques  sur 
le  pamphlet  concernant  la  déprécia- 
tion du  cours.,  par  William  HusUs- 
son.,  1810.  Wy\\.  Notice  sur  le  sys- 
tème d'agriculture  adopté  dans  les 
districts  les  mieux  cultivés  d'Ecosse, 
1813.  XXVIII.  Notice  sur  la  Société 
de  la  Haute-Écosse  (Highland  So- 
ciety )  à  Londres,  1813.  Mathieu  de 
Dombasie  a  traduit  de  l'anglais  de 
sir  John  Sinclair  :  L'Agriculture 
pratique  et  raisonnée,  Paris  et  Metz, 
1825,  2  vol.  in-8%  avec  9  plan- 
ches. D— z-s. 

SINETY  de  Puylon  (Jean-Bap- 
tiste-Ignace-Elzéar  de),  littéra- 
teur, d'une  ancienne  et  illustre  fa- 
mille de  la  Provence,  naquit  à  Apt 
en  1703,  fut  d'abord  page  du  duc 
d'Orléans,  régent,  puis  gentilhomme 
de  la  duchesse  de  Berry,  sa  fille. 
Nommé  en  1723  capitaine  au  régi- 
ment d'Orléans,  cavalerie,  il  passa 
en  1733  au  service  des  galères,  et 
plus  lard  fut  appelé  aux  fonctions  de 
commissaire-général  de  la  marine  à 
Marseille,  oii  il  mourut  le  14  avril 
1779.  il  était  membre  de  l'académie 
de  celte  ville,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  et  mérita  l'esliuie  des  savants 
et  des  gens  de  lettres.  Fontenelle 
l'appelait  son  fils  5  M"'^  de  Sinjiane, 
avec  laquelle  il  fut  en  relation,  en 
parle  avec  éloge  dans  ses  Lettres,  et 
Voltaire,  dans  sa  correspondance, 
loue  son  talent  pour  la  poésie.  Les 
mémoires  imprimés  de  l'académie 
de  Marseille  contiennent  plusieurs 
Discours  de  Sinety  de  Puylon,  et 


270 


STN 


une  pièce  de  vers  de  sa  composition 
a  été  insérée  dans  le  recueil  des  fa- 
bles d'Ardène.  Il  a  laissé  manuscrits 
des  poésies  et  d'autrps  ouvrages.  — 
SiNETY  (le  comte  André- Louis-Es- 
prit de),  fils  du  précédent,  naquit  à 
Marseille,  et  commença  par  être 
page  à  la  grande  écurie  en  1755. 
Pendant  la  guerre  de  sept  ans,  à  la- 
quelle il  prit  part,  il  obtint  le  grade 
de  capitaine  des  cuirassiers  du  roi  ; 
puis  il  Fut  nommé  major  du  régi- 
ment Royal-Navarre,  cavalerie,  en 
1773,  chevalier  de  Saint-Louis  en 
1776,  et  quitta  le  service  en  1778. 
Élu  député  de  la  noblesse  de  Mar- 
seille aux  États-Généraux  de  1789, 
il  se  montra  d'abord,  mais  avec  mo- 
dération, favorable  aux  innovations. 
Selon  son  mandat,  il  vota  pour  l'opi- 
nion par  tête.  En  1790,  il  fit  une 
motion  tendant  à  ce  que  les  mein- 
l)res  du  corps  législatif  fussent  dé- 
clarés incapables  de  toute  espèce 
d'éligibilité;  il  vota  pour  la  suppres- 
sion du  privilège  de  la  compagnie 
d(  s  Indes,  et  pour  que  l'on  conférât 
au  roi  le  droit  de  paix  et  de  guerre; 
demanda  qu'on  attendît  de  nouveaux 
détails  avant  de  prendre  un  parti  sur 
la  démolition  des  forts  de  Marseille; 
combattit  en  faveur  des  ports  de  la 
Méditerranée  l'établissement  d'un 
port  unique  pour  le  retour  du  com- 
merce de  l'Inde;  parla  sur  l'organi- 
sation de  l'armée,  s'éleva  contre  le 
système  de  l'incorporation,  et  s'op- 
posa à  une  nouvelle  émission  d'assi- 
gnats pour  l'acquittement  de  la  dette 
publique.  En  1791,  son  nom  ayant 
été  inscrit  sur  une  liste  des  mem- 
bres du  club  monarchique,  il  déclara, 
par  une  lettre  insérée  dans  le  Moni- 
teur du  6  février,  qu'il  n'appartenait 
à  aucune  association  politique.  Le 
22  jiiin,  après  la  fuite  du  roi  à  Va- 
rennes,  Sinety  fut  nommé  par  l'As- 


SIN 

semblée  nationale  l'un  des  commis- 
saires chargés  d'alUîr  recevoir  le 
serment  des  troupes,  et  de  lui  ren- 
dre compte  de  l'état  des  départe- 
ments qu'ils  auraient  visités.  Il  prêta 
le  serment  dans  la  même  séance,  et 
fit  une  proposition  pour  accélérer  le 
recouvrement  des  contributions  ar- 
riérées. L'Assemblée  constituante 
ayant  terminé  ses  travaux,  Sinety 
rentra  dans  la  vie  privée;  et,  dans 
des  temps  plus  tranquilles,  il  devint 
membre  du  conseil  d'agriculture  et 
de  la  chambre  de  commerce  de  Mar- 
seille. Les  nombreux  rapports  qu'il 
rédigea  attestent  les  connaissances 
spéciales  de  l'auteur  sur  ces  matières 
et  sont  encore  consultés  aujourd'hui. 
Il  mourut  dans  cette  ville  en  janvier 
1811.  On  a  de  lui  :  I.  L' Agricullure 
du  Midi,  ou  Traité  d'agriculture 
propre  aux  départements  méridio- 
naux,'Marseille  et  Paris,  1803,  2  vol. 
iri  12;  ouvrage  d'une  grande  utilité 
pour  les  propriétaires  de  ces  con- 
trées, il.  L'Hommage  de  Phocée 
(Marseille),  ou  l'Europe  sauvée, 
drame  héroïque  en  l'honneur  de 
Napoléon-le-Grand,  180G,  in-S".  On 
a  encore  de  Sinety,  dans  les  Mé- 
moires de  l'académie  de  Marseille, 
dont  il  était  secrétaire  perpétuel, 
des  rapports,  des  dissertations,  des 
éloges,  etc.  —  Son  fils  (Antoine), 
entré  fort  jeune  dans  la  marine, 
quitta  le  service  au  bout  de  sept 
ans.  Il  vivait  retiré  à  Aix  en  Pro- 
vence, lors  du  retour  ûc  Bonajjarte 
en  1815,  et  montra  dans  ces  circon- 
stances un  grand  dévouement  à  la 
cause  royale,  pour  laquelle  il  leva 
d'abord  et  recomposa  de  nouveau  un 
bataillon  de  volontaires  royalistes. 
Il  est  auteur  de  quelques  écrits  sur 
l'économie  rurale.  —  Ou  a  souvent 
confondu  le  comte  André- Louis-Es- 
prit de  Sinety  avec  son  cousin  le 


SIN 


SIO 


271 


marquis  André-Marie  de  Sinety, 
né  à  Paris  le  14  janvier  1758,  che- 
valier de  Saint-Louis,  ancien  colonel 
en  second  du  re'giment  d'Angoumois, 
et  premier  maîlre-d'hôtel  du  comte 
de  Provence,  depuis  Louis  XVlll.  Il 
fut  nomme'  maréchal-de-camp  hono- 
raire le  11  janvier  1815.  Z. 

SINSART  (dom  Benoît),  reli- 
gieux bénédictin  de  la  congrégation 
de  Saint-Vanne,  naquit  à  Sedan  en 
1C96,  et,  après  avoir  terminé  ses 
études,  entra  dans  la  carrière  des 
armes  et  servit  pendant  quelques 
années  comme  ingénieur.  Jeune  en- 
core, il  abandonna  l'élat  militaire 
pour  embrasser  la  vie  monastique, 
et,  le  7  sept.  1716,  il  fit  profession 
dans  l'abbaye  dt^Senoncs  on  Lor- 
raine, ordre  de  Sainl-Benoît,  où  il 
enseigna  la  philosophie  et  la  théolo- 
gie. Il  donna  son  approbation  au 
Traité  théologique  sur  Vautorité  et 
rinfaillibilité  du  pape,  par  dom 
Petit-Didier  (Luxembom-g,  1724), 
ouvrage  qui  n'en  fut  pas  moins  sup- 
primé par  arrêts  des  parlements  de 
Paris,  de  Dijon,  de  Metz.  Envoyé  à 
l'abbaye  de  Saint-Grégoire  de  Muns- 
ter en  Alsace,  Sinsart  en  devint 
prieur,  fut  en  1743  coadjuteur  de 
dom  Rutau,  puis  abbé  en  1745.  Plein 
de  piété  et  de  savoir,  il  partagea  son 
temps  entre  l'accomplissement  de 
ses  devoirs  et  la  culture  des  scien- 
ces, des  lettres  et  même  des  beaux- 
arts  ;  car  il  était  non-seulement 
versé  dans  les  matières  de  théologie 
et  dans  les  mathématiques,  mais  il 
connaissait  aussi  la  peinture,  l'ar- 
chitecture, la  musique,  etc.  Un  de 
ses  confrères,  le  P.  Céiestin  Harts, 
lui  dédia  un  recueil  de  différentes 
pièces  de  clavecin  (Schelesladt , 
1725).  Dom  Sinsart  mourut  octogé- 
naire a  l'abbaye  de  Munster  le 
22  juin  1770,  On  a  de  lui  :  I.  Les 


vrais  principes  de  saint  Augustin 
sur  la  grdce,  et  son  accord  avec  ia 
liberté,  ouvrage  dans  lequel  on  ré- 
fute le  sysfèmo  de  Jansénius,  Rouen 
(Bâie),  1739,  in-8".  11.  La  vérité  de 
la  religion  catholique  démontrée 
contre  les  prolestants,  mise  à  la 
portée  de  tout  le  monde;  avec  une 
réfutation  de  la  Réponse  de  M.  Pf.dî 
{voy.  ce  nom,  XXXllI,  570)  à  la  se- 
conde lettre  du  R.  P.  Scheffmacher 
h  un  gentilhomme  protestant,  et  des 
remarques  sur  un  sermon  de  M.  Ib- 
bas,  docteur  anglais,  Strasbourg, 
1746,  in-S".  III.  Défense  du  dogme 
catholique  sur  l'éternité  des  peines, 
où  l'on  réfute  les  erreurs  de  quel- 
ques modernes,  et  principalement 
celles  d'un  auteur  anglais,  Stra.s- 
bourg,  1748,  in-8o,  dédié  au  cardi- 
nal de  Rohan.  IV.  Essai  sur  Vac- 
cord  de  la  fol  et  de  la  raison  tou- 
chant VEucharistie,  Cologne,  1748, 
in- 8".  V.  Recueil  de  pensées  diverses 
sur  l'immatérialité  de  l'âme,  son  im- 
mortalité, sa  liberté,  et  sa  distinc- 
tion d'avec  le  corps  ;  ou  Réfutation 
du  matérialisme,  avec  une  réponse 
aux  objections  de  M.  Cuentz  et  de 
Lucrèce  le  philosophe,  Co!mar,impr. 
royale,  1756,  in-S".  D'après  Barbier 
(Dict.  des  anonymes),  on  attribue  à 
dpm  Sinsart  l'ouvrage  intitulé  : 
Chrétiens  anciens  et  modernes^  on 
Abrégé  des  points  les  plus  intéres- 
sants de  l'histoire  ecclésiastique, 
Londres,  1754,  in-12.  Il  travailla 
aussi  au  Rituel  du  diocèse  de  Bàle, 
par  ordre  du  prince-évêque.  P— rt. 
SIOx\i\ESï  (Claude),  natura- 
liste, né  à  Lyon  en  1749,  appartenait 
à  une  famille  qui,  depuis  deux  siè- 
cles, exerce  dans  cette  ville  le  com- 
merce de  l'cpicerie  pharmaceutique, 
auquel  il  fut  destiné  lui-même.  Ce- 
pendant l'effervescence  de  la  jeu- 
nesse    l'entraîna    momentanément 


272 


SIO 


SIO 


vers  la  carrière  militaire,  et  dès 
l'âge  de  seize  ans  il  s'eniôla  dans 
im  régiment  d'infanterie  ;  mais, 
après  y  avoir  servi  pendant  quatre 
années,  il  revint  dans  ses  foyers 
avec  la  ferme  résolution  de  consa- 
crer le  reste  de  sa  vie  à  l'étude  de 
l'histoire  naturelle;  et  afin  qu'aucun 
obstacle,  que  nulle  préoccupation 
étrangère  ne  le  détournassent  de 
ses  travaux,  il  s'affranchit,  par  dos 
arrangements  de  famille,  de  tout 
soin  domestique,  et  demeura  céliba- 
taire. Plein  de  désintéressement, 
sans  ambition,  ce  n'était  pas  même 
le  désir  de  la  gloire  qui  le  stimulait; 
Tamour  de  la  science  fut  son  unique 
mobile.  Livré  ainsi  exclusivement  à 
l'exploration  de  la  nature,  il  acquit 
des  connaissances  profondes  et  va- 
riées dans  la  botanique,  l'entomolo- 
gie, la  conchyliologie,  la  minéralo- 
gie. Ce  fut  dans  cette  paisible  et 
heureuse  position  que  la  révolution 
le  trouva.  La  garde  nationale  ayant 
été  organisée  à  Lyon,  Sionnest  fut 
élu  chef  de  bataillon  et  concourut  à 
maintenir  l'ordre  dans  cette  ville, 
surtout  pendant  le  siège  mémorable 
qu'elle  soutint,  en  1793,  contre  l'ar- 
mée conventionnelle.  Obligé  de  fuir 
après  la  reddition,  il  resta  caché 
tant  que  dura  le  régime  de  la  ter- 
reur. Le  9  thermidor  lui  permit  en- 
fin de  reparaître;  alors  il  devint 
membre  «le  la  municipalité  lyon- 
naise, et  fut  spécialement  chargé  de 
la  police  urbaine  ;  mais  il  se  démit 
bientôt  de  ces  fonctions  pour  re- 
tourner à  ses  études  favorites.  En 
1798,  il  fut  admis  comme  physicien 
entomologiste  à  la  Société  de  santé 
qui  s'était  formée  à  Lyon,  et  deux 
ans  plus  tard  il  devint  membre  de  la 
Société  d'agriculture  du  Rhône,  nou- 
vellement réorganisée,  et  en  fut 
même  nonu>^é   trésorier,   fondions 


qu'il  exerça  pendant  dix  ans.  Dans 
les  derniers  temps  de  sa  vie,  il  se  re- 
tira à  la  campagne,  avec  le  titre  de 
correspondant,  y  continua  paisible- 
ment ses  travaux,  et  mourut  le 
31  janvier  1820.  Il  avait  composé  un 
herbier  de  50  vol.  in-fol.,  distribué 
suivant  le  système  sexuel  de  Linné, 
avec  de  savantes  observations  sur  les 
plantes  cryptogames,  où  il  examine 
ce  qu'en  ont  dit  Hedwig,  Palisot  de 
Beauvois  et  autres  botanistes.  Il 
avait  rassemblé  aussi  une  collection 
d'insectes  et  de  papillons  ;  une  autre 
de  minéraux,  classés  d'après  le  sys- 
tème d'Haiiy  ;  deux* collections  con- 
chyliologiques,  l'une  de  coquilles 
microscopiques  marines,  vivantes  et 
fossiles,  contenantjplus  de  mille  es- 
pèces, non  compris  les  variétés, 
l'autre  de  coquilles  terrestres  et 
fluviatiles,  en  plus  grand  nombre 
que  celles  qui  sont  décrites  dans 
l'ouvrage  de  Draparnaud  sur  les 
mollusques  de  France,  et  pour  le 
classement  desquelles  Sionnest  n'a 
pas  cru  devoir  adopter  la  méthode 
de  ce  naturaliste.  Il  possédait  une 
coquille  extrêmement  rare;  c'est  la 
variété  scalaris  de  Vhelix  pomatia^ 
décrite  par  Draparnaud  (page  88, 
tab.  VI,  fig.  21  et  22),  qui  manque 
aux  plus  riches  collections  d'Eu- 
rope, et  dont  il  ne  voulut  jamais  se 
dessaisir  à  quelque  prix  que  ce  fût. 
Outre  plusieurs  mémoires  qu'il  a 
présentés  à  la  Société  d'agriculture 
du  Rhône,  sur  les  insectes  nuisibles 
aux  récoltes  et  des  statistiques  an- 
nuelles des  dommages  qu'ils  occa- 
sionnent, il  a  laissé  en  manuscrit 
des  concordances  systématiques , 
dressées  d'après  les  descriptions  des 
naturalistes,  de  coquilles  vivantes; 
de  coquilles  fossiles;  de  productions 
marines  vivantes,  telles  que  madré- 
pores, coraux,  polypiers,  etc.  ;  une 


SIR 

autre  concordance  entre  les  an- 
ciennes et  les  modernes  dénomina- 
tions des  minéraux  ;  beaucoup  de 
notes  sur  le  système  d'Haiiy,  el  l'es- 
quisse d'une  description  minerdlo- 
gique  du  déparlement  du  Rhône. 
M.  Groguier  a  donné  une  Notice  sur 
Sionnest  dans  le  Comple-rendu  des 
travaux  de  la  Société  d'agriculture 
de  Lyon,  1820,  in-8°.  P— rt. 

SIOUTI.  Yoy.  SoYOUTHi,  XLIII, 
222. 

SIRET  (  Pierre-Hubert-Chris- 
tophe), ancien  chanoine  régulier  de 
la  congrégation  de  Sainte-Geneviève, 
naquit  à  Reims  le  3  août  1754,  et 
mourut  à  Paris,  curé  de  la  paroisse 
de  Saint-Séverin,  le  19  mai  1834. 
Élève  du  collège  de  Reims,  il  alla  à 
Paris  et  entra  dans  l'abbaye  de  Sainte- 
Geneviève.  II  y  professa  la  rhéto- 
rique et  se  dévoua  ensuite  à  la  pré- 
dication. Doué  d'une  grande  mé- 
moire et  de  beaucoup  de  facilité 
d'clocution,  il  remplit  ce  ministère 
avec  succès  pendant  plusieurs  an- 
nées. Sa  nomination  au  prieuré  de  la 
cure  du  Val-des-Écoiiers  l'éloigna 
de  la  capitale,  et  il  se  trouvait  prieur- 
curé  de  Sourdun  quand  la  révolu- 
tion éclata.  Comme  presque  tous  les 
génovéfains,  l'abbé  Siret  en  adopta 
les  principes.  L'archevêque  de  Sens, 
M.  de  Brienne,  dens  le  diocèse  du- 
quel il  était,  lui  en  avait  d'ailleurs 
donné  l'exemple,  et  il  prêta  en  1791 
le  serment  à  la  constitution  civile 
du  clergé.  En  1793  il  cessa  les  fonc- 
tions du  ministère.  Sans  aucun 
moyen  d'existence,  il  entra  dans  les 
bureaux  de  M.  de  Normandie,  liqui- 
dateur-général de  la  dette  des  émi- 
grés, et  il  y  resta  jusqu'en  1797.  Dès 
lors,  atîaché  comme  simple  vicaire 
au  clergé  de  Saint- Merri,  il  prêcha 
dans  toutes  les  églises  de  Paris  et  s'y 
lit  entendre  avec  intérêt.  Nommé  à 

LXXXII. 


SIR 


27: 


la  cure  de  Saint-Séverin  en  1820,  il 
s'y  concilia  les  esprits  qui  pouvaient 
lui  être  opposés,  se  fit  estimer  des 
personnes  judicieuses,  et  par  son 
crédit  auprès  des  autorités  et  par  ses 
largesses  il  parvint  à  restaurer  son 
église,  que  le  vandalisme  révolution- 
naire avait  mise  dans  un  déi»lorable 
état.  Sa  conversation  était  nou-seu» 
lemeut  intéressante,  mais  encore  at- 
trayante par  le  ton  d'aménité  dont 
il  savait  l'accompagner.  On  a  de  lui  : 
I.  Éloge  funèbre  de  M^'  le  cardinal 
de  Belloy  ^archevêque  de  Paris,  I808, 
in-8o.U.  Èlogefunèbre  de  Louis  JVl, 
1814 ,  in-8°.  in.  Panégyrique  de 
saint  Patrice,  prononcé  au  collège 
des  Irlandais,  in-8».  IV.  Discours 
prononcé  pour  la  profession  de  deux 
religieuses  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris^ 
1817,  in -8°.  V.  Mémorial  de  la 
chaire,  ou  Manuel  du  jeune  prédica- 
teur^ contenant  des  sujets  variée, 
des  textes,  prônes  et  discours  à  dé- 
velopper pour  les  dimanches  et  fêtes, 
ouvrage  très-utile  aux  jeunes  ecclé- 
siastiques, Paris,  1824,  un  vol.  in-12. 
Il  est  de  plus  éditeur  des  sermons  de 
M.  Cochin,  curé  de  Saint-Jacques- 
du-  Haut-Pas,  à  la  tin  desquels  il  y  en 
a  deux  de  lui,  L— c — j. 

SIRET  (Charles-Joseph-Chris- 
tophe), frère  du  précédent,  maître 
ès-arts  de  l'ancienne  Université  de 
Paris,  docteur  es -lettres,  corres- 
pondant de  plusieurs  sociétés  d'a- 
griculture, ancien  censeur  du  col- 
lège royal  et  bibliothécaire  de  Reims, 
naquitdans  cette  ville  le  4  nov.  1760, 
et  y  mourut  le  28  mai  1838,  âgé  de 
près  de  78  ans,  dont  plus  de  40  lurent 
passés  dans  l'instruction  publique. 
Protégé  par  Me'  de  Talleyrand  -Pé- 
rigord  ,  coadjutcur  et  plus  tard  ar- 
chevêque de  Reims,  il  fut  placé  dès 
l'âge  de  11  ans  au  collège  de  Louis- 
le-Grand,  à  Paris,  en  qualité  de  bour- 
18 


274 


SIR 


sier,  s'y  distingua  par  son  applica- 
tion et  par  des  succès  qui  le  firent 
toujours  marcher  de  front  avec  les 
ujrilleurs   sujets   de   cet   établisse- 
ment. Entré  ensuite  au  séminaire  de 
Saint-Sulpice  où  il  fit  sa  théologie, 
tout  ce  qui  se  passait  en  lui  faisait 
croire   qu'il  était   destiné  à    l'état 
ecclésiastique ,    quand    des  raisons 
particulières  vinrent  le   détourner 
des    dispositions     qu'il    paraissait 
avoir.  Dès  ce  moment  le  choix  d'un 
état  ne  fut  plus  incertain  pour  lui; 
ses  succès  classiques  et  ses  grades 
dans  l'Université  étaient  de  sûrs  ga- 
rants qu'il  pouvait  sans  crainte  se 
livrer  à  l'enseignement.  S'étant  ma- 
rié peu  de  temps  après  son  retour  à 
Reims,   il  y  ouvrit   un  pensionnat 
pour  enseigner  les  premiers  éléments 
de  la  langue  latine,  de  manière  que 
ses  élèves  pouvaient,  en  sortant  de 
SAS  mains,  onlrer  dans  les  classes  de 
sixième  ,  cinquième  et  quatrième  du 
collège  de  l'Université.  Son  pension- 
nat, monté  en  1783,  subsista  jus- 
qu'en 1805,  époque  de   l'établisse- 
ment du  lycée.  La  ville  de  Reims  se 
trouvant  en  1791  sans  collège,  par  la 
suppression  de  l'Université,  le  direc- 
toire du  département  de  la  Marne  et 
l'évêque  constitutionnel  Nicolas  Diot 
{voy.  ce  nom,  LXll,  499),  s'empres- 
sèrent d'en  créer  un  nouveau  et  d'y 
appeler  Siret  pour  y  professer  la  rhé- 
torique. Il  ne  crut  pas  devoir  ac- 
cepter cette   place.    Peu  de  temps 
après  ils  le  nommèrent  principal  du 
même  collège.  Les  raisons  qui  lui 
avaient  fait  refuser  la  chaire  de  rhé- 
torique   s'opposaient    encore  à   ce 
qu'il    pût  accepter   cette    nouvelle 
place;  et   comme    un    refus  préci- 
pité aurait   incontestablemont  mé- 
contenté  l'autorité ,  il  voulut  bien 
provisoirement  consentir  à  en  exer- 
cer les  fonctions  pendant  quelques 


SIR 

mois;  mais  on  ne  put  le  détermi- 
ner à  lui  en  faire  prendre  possession 
et  à  s'y  laisser  installer.  Il  fallait 
avoir  du  courage  pour  en  agir  ainsi 
à  une  époque  si  voisine  de  la  terreur. 
Cependant  rien  ne  l'arrêta ,  ni  les 
sollicitations,  ni  la  crainte  de  perdre 
son  pensionnat,  sa  seule  et  unique 
ressource   qu'il    voyait   augmenter 
tous  les  jours;  rien  ne  put  l'engager 
à  y  rester.  Cette  démarche  devait  le 
mettre  en  butte  aux  tracasseries  et 
aux  vexations  de  ceux  dont  il  ne  par- 
tageait pas  les  opinions  ;  néanmoins 
il  sut  par  sa  prudence,  par  son  esprit 
et  par  sa  fermeté,  se  préserver  de 
toute  atteinte,  conserver  son  éta- 
blissement, y  agrandir  les  études  et 
en  faire  une  espèce  de  collège  où  l'on 
enseignait  la  grammaire,  les  huma- 
nités, la  rhétorique,  le  dessin,   les 
mathématiques  et  quelques  arts  d'a- 
grément. Son  caractère  ferme,  son 
maintien  imposant    et   ses   maniè- 
res honnêtes  le  firent  respecter  des 
plus  exaltés  et  lui   acquirent  l'es- 
time et  la  confiance,  non-seulement 
des   pères  et  mères   qui  avaient  à 
cœur  de  donner  ïi  leurs  enfants  une 
éducation  à  la  fois  solide  et  chré- 
tienne, maisencorecellesde  plusieurs 
farouches  républicains  (jui  lui  con- 
fièrent les  leurs.  Un  d'eux,  en  lui 
amenant  son  neveu,  lui  dit:  Je  veux 
que  cet  enfant,  ù  qui  je  prends  inté- 
rêt, apprenne  chez  toi  à  connaître 
sa  religion.  Ce  n'était  pas  un  piège 
que  cet  homme  puissant  alors  lui 
tendait:  les  parents  de  cet  enfant 
qu'il  consulta  l'assurèrent  qu'il  pou- 
vait en  toute  sûreté  le  recevoir  au 
nombre  de  ses  élèves  et  qu'il  n'avait 
rien  à  craindre  de  leur  frère.  Com- 
me beaucoup  d'hommes  de  méiile 
qui   se  livraient  à   l'enseignement, 
Siret  s'était  aperçu  qu'un  livre  man- 
quait à  l'instruction.  Pour  y  reiné- 


SIR 

(lier,  il  composa  son  Epilome  hislo- 
riœgrœcœ,  livre  utile, el,  coniine  on 
l'a  dit,  le  plus  populaire  etpeut-êlre 
le  seul  de  ces  temps  qui  soit  resté 
classique;  il  en  fit  hcmmage  en  1798 
à  l'administration  du  département, 
qui  en  ordonna  le  dëpôt  dans  l'école 
centrale  établie  à  Cliâlons.Tout  alors 
lui  était  prospère:  il  en  fut  de  même 
les  années  suivantes-,  mais  la  maison 
d'éducation  établie  en  octobre  1802 
dans  l'ancienne  abbaye  de  Saint- 
Denis,  par  l'abbé  Legros ,  dernier 
principal  du  collège  de  l'Université, 
et  la  formation  du  lycée  de  Reims  en 
1805,  vinrent  porter  un  coup  mortel 
à  son  pensionnat,  qui  avait  été,  par 
un  arrêté  des  consuls  en  date  du 
3  frimaire  an  IX  (24  nov.  1802),  érigé 
en  maison  d'éducation  secondaire. 
Cependant,  mettant  de  côté  le  tort 
qu'il  devait  en  éprouver,  il  se  fit 
inscrire  au  nombre  de  ses  souscrip- 
teurs. Reconmiandé,  il  est  vrai,  à 
Fontanes  ,  grand  -  maître  de  l'U- 
niversité de  France ,  et  lié  avec 
plusieurs  hauts  dignitaires ,  Siret 
pouvait  espérer  une  place  hono- 
rable dans  l'instruction  publique. 
Il  n'y  aurait,  sans  aucun  doute, 
été  déplacé;  mais  peu  courtisan,  et 
par  cela  même  peu  capable  de  solli- 
citer auprès  des  grands,  il  n'obtint 
que  de  brillantes  promesses  qui  se 
réduisirent  à  la  place  de  professeur 
de  sixième  au  lycée  de  Reims.  De  la 
sixièuie,  Siret  passa  successivement 
à  la  (juatrième,  à  la  troisième  et  à  la 
chaire  de  rhétorique.  Nommé  en  1822 
par  le  conseil  royal  censeur  du  même 
collège,  il  tn  exerça  les  fonctions  jus- 
qu'en novembre  de  l'année  suivante, 
époquede  son  admission  à  la  retraite. 
Libre  alors  de  tout  son  temps,  il  le 
consacra  à  la  bibliothèque  qu'il  ai- 
mait autant  que  lui-même.  Il  y  avait 
été  appelé  dès  1800  en  qualité  de 


SIR 


275 


conservateur  du  dépôt  des  livres  qui 
se  trouvaient  entassés  dans  la  belle 
bibliothèque  et  autres  pièces  de  l'an- 
cienne abbaye  de  Saint-Rémi.  De  ce 
dépôt,  composé  de  63,929  volumes 
imprimés  et  de  plus  de  mille  ma- 
nuscrits, provenant  des  bibliothè- 
ques du  chapitre  métropolitain,  des 
monastères,  maisons  religieuses  et 
de  celles  de  quelques  émigrés ,  la 
ville  composa,  d'après  le  triage  opéré 
par  le  chevalier  Coquebert  de  Tai- 
sy,  l'avocat  Havé  (  voy,  ce  nom, 
LXVI ,  567  ) ,  et  au  moyen  d'ac- 
quisitions et  d'échanges,  sa  biblio- 
thèque qu'on  peut  évaluer  à  plus  de 
30,000  volumes.  Le  séminaire  de 
Meaux  n'a  pas  oublié  qu'il  doit  à 
Siret  une  partie  de  sa  bibliothèque, 
composée  de  livres  doubles  que  l'au- 
torité municipale  permit  de  lui  en- 
voyer. Des  chagrins  domestiques,  les 
événements  de  1830,  la  crainte  de 
perdre  sa  place  ayant  altéré  sa  santé, 
la  mairie  lui  adjoignit  M.  Louis  Paris 
jeune,  homme  savant  et  lettré,  très- 
capable  de  le  remplacer,  et  nous 
sommes  fondé  à  croire  qu'il  a  plu- 
sieurs fois  souri  à  l'idée  que  la  bi- 
bliothèque serait  fort  bien  entre  ses 
mains.  11  lui  devenait  d'ailleurs  né- 
cessaire; sa  sauté  s'affaiblissait  de 
jour  en  jour  et  annonçait  une  fin 
prochaine.  Après  deux  mois  de  mala- 
die, il  termina  sa  laborieuse  carrière, 
muni  des  secours  de  la  religion  qu'il 
n'avait  jamais  cessé  de  pratiquer,  qui 
le  fortifia  dans  ses  peines  et  lui  pro- 
cura pendant  sa  vie  des  moyens  de 
consolation.  Par  sa  mort  la  ville  de 
Reims  perdit  un  citoyen  probe  et 
désintéressé.  Aussi  l'autorité  muni- 
cipale, voulant  lui  payer  son  tribut 
de  reconnaissance,  fit-elle  prier  la 
famille  de  retarder  d'un  jour  ses 
obsèques,  afin  d'y  assister  en  corps 
et  d'honorer  par  cette  démarche  la 

18. 


276 


SIR 


nii^moire  d'un  homme  qui  toute  la 
vie  avait  été  utile  à  sou  pays.  En 
donnant  au  public  son  Epitome  his- 
toriée grœcœ,  qui  lui  rapportait  an- 
nuellement 8  à  900  fr.  et  que  des 
besoins  lui  firent  abandonner  pour 
quelques  mille,  Siret  couiptailbien, 
après  l'avoir  traduit  et  fait  imprimer 
sous  le  titre  iVAbrégé  de  Vhistoire 
grecque,  depuis  Vorigine  des  Grecs 
jusqu'à  la  fin  du  règne  d'Alexandre, 
le  faire  suivre  d'autres  ouvrages  im- 
portants 5  mais  des  chagrins  Tem- 
pêchèrent   de    réaliser   les    projets 
qu'il  avait  constamment  manifestés. 
Parmi  ces  projets,  celui  qu'il  avait  le 
plus  à  cœur,  c'était  de  continuer  les 
Essais  historiques  sur  la  ville  de 
Reims^  commencés  par  la  commission 
des  archives  de  celte  ville  créée  par 
un  arrêté  de  la  mairie,  en   date  du 
22  février  1822;  il  était  un  des  mem- 
bres les  plusdistinguésde  cettecom- 
mission  qui  l'avait  choisi  pour  la  ré- 
duction des   lY'  3  et  suiv.  jusqu'au 
n"  te  inclusivement,  tous  imprimés 
à  Reims,  de  1822  à  1825,in-8o.  H  ré- 
digea ,  d'après  les    notes   de   celte 
commission ,   le   Précis   historique 
du  sacre  de  S.  M.  Charles  X,  im- 
primé   in  4°   sur    la    fin    de    1825. 
En  1809,  le  15  novembre,  il  s'était 
engagé  avec  M.  Alphonse  de  Beau- 
champ,  alors  exilé  à  Reims,  de  faire 
en   commun  VHistoire   de  la  con- 
qucle  de  l'Espagne  par  les  Romains 
jusqu'au  règne  d'Auguste.  En  1810 
il  traduisit  de  l'italien  et  fit  impri- 
mer à  Reims    des    Méditations  et 
prières  pour  servir  de  préparation 
à  la  fête  de  la  B.  M.  sainte  Thérèse 
de  Jésus,  in- 12.  Nous  avons  trouvé 
dans  ses  papiers  un  commencement 
d'un  Epitome  historiœ  romance  et 
le  plan  de  la  conquête  de  l'Espagne. 
Ce  dernier  élait  écrit  de  la  main  d'Al- 
phonse de  Boauchamp.        L— c— J. 


SIR 

SIKEULDE  (Jacques),  versifica- 
teur, ou,  si   l'on  veut,  poète  nor- 
mand ,  était  vers  1555  huissier  au 
parlement  de  Rouen.  Voilà  tout  ce 
que  Du   Verdier   et   l'abbé   Goujel 
nous  apprennent  de  lui.  Il  a  donné 
au   public  :  Le  Thrésor   immortel 
trouvé  et  tiré  de  VEscripture  saincte.. 
à  la  fin  duquel  sont  adjoustés  plu- 
sieurs chants  royaux,  ballades  et 
rondeaux  faicts  et  composés  par  au- 
cuns poètes  françois  et  présentez  au 
Puy-desPauvres  de  Rouen,  à  Rouen , 
chez  Martin  leMégissier,  1556,  in-8°. 
Ce  poème  de  28  feuillets,  en  vers  de 
dix  syllabes,  dédié  à  Louis  Pétrémol, 
conseiller,  etc.,  est  une  exhortation 
à  la  charité.  Sireuide  y  prouve,  dit 
Goujet ,   par   les   témoignages   des 
livres  saints,  la  nécessité  et  les  avan- 
tages de  l'aumône,  et  il  montre  com- 
ment on  la  doit  faire.  Quinze  à  dix- 
huit  poètes  contemporains,  plus  ou 
moins  connus,  ont  fourni  les  pièces 
qui    précèdent    et    qui   suivent    le 
poème.  Le  Thrésor  immortel,  livre 
très-édifiant  qu'on  croyait  l'unique 
progéniture  de  Sireuide,  n'avait  pas 
fait  grande  fortune  au  Parnasse.  Les 
bibliographes  ne  le  citaient  guère; 
il  ne  figurait  que  dans  d'obscurs  ca- 
talogues, et  il  n'était  que  fort  peu 
couru  des  bibliophiles  et  des  biblio- 
manes.Mais  depuis  quelques  années 
on  lui  a  découvert  un  frère  cadet  qui 
a  eu  une  toute  autre  destinée.  Il  a 
aussitôt  obtenu  un  sort  si  brillant 
que  les  mânes  du  bon  huissier,  son 
père,  ont  dû  en  tressaillir  d'allé- 
gresse. Consistant  seulement  en  16 
feuillets,  ce  second  livre  est  inntulé: 
Les  abus  et  superfluitez  du  monde 
(en  vers)...,  avec  une  pronosticalion 
véritable  pour  celte  année  (en  prose), 
Rouen,   Abraham   Cousturier  (sans 
date),  petit  in-8».  Acheté  d'abord 
80  fr.  en  1811  chez  le  libraire  Cro- 


SIR 


sm 


277 


zet  {voy.  le  Manuel  de  M.  Brunet), 
il  se  repre'senta  en  1844  dans  la  Des- 
cription raisonnée  de  la  collection 
de  livres  qui  avaient  appartenu  à 
Charles  Nodier.  Là,  se  trouvant  placé 
dans  la  division  îles  Poésies  gail- 
lardes et  burlesques,  entre  le  Passe- 
partout  des  Ponts  bretons  et  la 
Mode  qui  court  au  temps  présent,  le 
livret,  relié  en  maroquin  rouge, 
filets,  par  Bauzonnet ,  était  encore 
annoncé  comme  un  «volume  inconnu 
et  d'une  grande  rareté.»  On  ajoutait 
qu'il  renfermait  «  des  particularités 
singulières  et  curieuses  pour  l'his- 
toire intérieure  de  Rouen.»  Aussi, 
livré  à  la  chaleur  des  enchères,  le 
bienheureux  livret  a  été  porté  à 
112  fr.  C'est  bien  le  cas  de  dire,  avec 
Terentianus  Maurus  :  Habent  sua 
fata  libella  B— l— u. 

SIIIEY   (Jean-Baptiste),   labo- 
rieux et  habile  jurisconsulie,  né  à 
Sarlat  dans  lePérigord  (Dordogne), 
le  25  septembre  1762,  embrassa  d'a- 
bord l'état  ecclésiastique,  et  reçut 
les  ordres  sacrés  avant  la  révolution^ 
mais    ensuite,    ayant  reconnu   que 
ce  n'était  pas  là  sa  vocation,  il  sol- 
licita et  obtint  d'être  relevé  de  ses 
vœux,  puis  épousa  une  nièce  de  Mi- 
rabeau. A  l'étude  de  la  théologie  il 
avait  fait  succéder  celle  de  la  juris- 
prudence. Quoiqu'il  eût  adopté  les 
principes  de  la  révolution,  il  n'en 
approuva  pas  les  excès,  et  en  fut 
même  victime;  car,  accusé  tantôt  de 
royalisme,  tantôt  de  fédéralisme,  il 
resta  long-temps  incarcéré,  mais  il 
eut  le  bonheur  d'échapper  à  la  mort. 
Son  acquittement  fut  prononcé  par 
le  tribunal  révolutionnaire  dans  la 
même  salle  où  siège  actuellement  la 
chambre  civile  de  la  cour  de  cassation, 
devant  laquelle  Sirey  plaida  si  sou- 
vent depuis,  pendant  trente-six  ans. 
Rendu  à  la   liberté,   il  publia  en 


l'an  111,  contre  le  tribunal  révolu- 
tionnaire encore  existant,  un  écrit 
où  il  attaqua  avec  autant  de  force 
que  de  solidité  cette  sanglante  juri- 
diction exceptionnelle.  Bientôt  il  fut 
appelé,  comme  employé  supérieur, 
au  comité  de  législation  de  la  Con  ■ 
vention,  d'où  il  passa  au  ministère 
de  la  justice  en  qualité  d'adjoint  en 
chef  de  la  division  criminelle.  Après 
le  18  brumaire  (1799),  il  fut  nomuié 
l'un  des  cinquante  défenseurs  appe- 
lés alors  avoués,  puis  avocats  à   la 
cour  de  cassation,   titre  auquel  il 
joignit  plus  tard  celui  d'avocat  aux 
conseils  du  roi;  il  résigna  son  office  en 
1836.  Depuis  1800  il  travailla  avec 
une  ardeur  infatigable  à  la  rédaction 
de  nombreux  ouvrages  qui  l'ont  placé 
au  rang  des  plus  savants  juriscon- 
sultes de  notre  époque,  La  fin  de  sa 
carrière  fnt  abreuvée  d'amertume. 
Dès  procès  ruineux,  des  chagrins  de 
famille,  la  perte  de  .sa  femme,  celle 
(l'une  de  ses  filles,  la  mort  finieste 
de  son  fils  {voy.  ci-dessous)  vinrent 
attrister  ses  dernières  années;  un 
coup  terrible  les    termina.   Depuis 
quelque   temps    il  résidait  à  Ohjat 
(Corrèze),  auprès  de  la  veuve  de  son 
fils, lorsqu'une  de  ses  filles,  M""  Jean- 
ron  et  son  mari,  peintre  d'histoire, 
formèrent  contre  lui  une  demande 
en  interdiction,  qui  fut  repoussée  à 
l'unanimité  par  le  conseil  de  famille. 
Mais  Sirey  n'en  fut  pas  moins  obligé 
de  comparaître  devant  le  président 
du  tribunal  civil   de  Limoges  pour 
subir  un  interrogatoire.  Taudis  que 
le    malheureux    vieillard  exprimait 
la  profonde  douleur  qu'im  sembla- 
ble procès  devait  lui  causer,  il  fut 
frappé  d'une  apoplexie  foudroyante, 
et    mourut  à    l'mstant    même,    le 
4  déciMubre  1843,  âgé  de  83  ans. 
On  a  de  lui  :I.  Du  tribunal  révo- 
luiionnaire,  considéré  à   ses   dif- 


278 


SIR 


férentes  époques,  Paris,  1795,  1797, 
in-8".  II.  Recueil  général  des  lois  et 
des  arrêts  en  matière  civile,  crimi- 
nelle, commerciale  et  de  droit  pu- 
blic depuis  1800,  Paris,  1802-30, 
30  vol.  in-4°,  journal  qui  parut  d'a- 
bord sous  le  titre  de  Jurisprudence 
du  tribunal  de  cassation.  M.  Le- 
moine  de  Villeneuve,  avocat  à  la  cour 
d'appel  et  gendre  de  Sirey,  en  a  pu- 
blié en  1834  une  table  tricennale 
in-4",  où  se  trouvent  fondues  la  ta- 
ble de'cennale  (1812)  et  la  table  vi- 
cennale  (1821).  Cet  immense  recueil 
est  continué  par  M.  de  Villeneuve  et 
par  M.  Carette ,  avocat  à  la  cour  de 
cassation  et  successeur  de  Sirey. 
III.  Jurisprudence  du  XIX"  siècle, 
ou  Collection  alphabétique  des  ar- 
rêts rendus  par  la  cour  de  cassation 
et  par  les  cours  royales  depuis  1800 
jusqu'à  l'année  courante,  avec  ren- 
voi à  tous  les  recueils  du  temps,  et 
principalement  au  Recueil  général 
des  lois  et  arrêts,  Paris,  1821, 1826, 
in-8''.  Cette  seconde  édition  du  Re- 
cueil général,  sous  forme  alphabé- 
tique, devait  avoir  25  vol.  5  mais  il 
n'eu  a  paru  qu'un  demi-vol.  En  1823 
on  publia  à  Bruxelles,  sous  le  litre 
de  Jurisprudence  du  XIX^  siècle,  un 
recueil  judiciaire  en24  vol.in-4°,  ap- 
proprié aux  Pays-Bas,  mais  où  le  tra- 
vail deSireyétaitinséré.  H  s'enfaisait 
aussi  une  continuation  annuelle,  que 
Sirey  et  ses  continuateurs,  afin  de 
déjouer  cette  espèce  de  contrefa- 
çon, ont  fait  et  font  encore  impri- 
mer à  Paris ,  sous  la  rubrique  de 
Bruxelles  ,  pour  être  répandue  en 
Belgique.  IV.  Lois  civiles  intermé- 
diaires^ ou  Collection  i\es  lois  sur 
l'état  des  personnes  et  les  tninsniis- 
sions  des  biens ,  depuis  le  4  août 
1789  jusqu'au  30  ventôse  an  XII 
(mars  1804),  époque  du  Code  civil, 
Paris,  1800,4  vol.  in-S".  V.  Ducon- 


SIR 

sêil  d'État  selon  la  charte  constitu- 
tionnelle, ou  Notions  sur  la  justice 
d'ordre  politique  et  administratif, 
Paris,  1818,  in-4°  VI.  Jurispru- 
dence du  conseil  d'État,  depuis  1806, 
époque  de  l'institution  de  la  com- 
mission du  contentieux  ,  jusqu'en 
1823,  Paris,  1818-23,  5  vol.  in-4°. 

VII.  Code  civil  annoté  des  disposi- 
tions et  décisions  ultérieures  de  la 
législation  et  de  la  jurisprudence, 
avec  renvoi  pour  l'indication  des 
matière^ aux  principaux  recueils  de 
jurisprudence,  Paris,  1813,  1817, 
1819,  1821,  in-V. —  Supplémetit  au 
Code    civil    annoté,    1818,    in-4". 

VIII.  Code  d'instruction  criminelle 
et  Code  pénal  annotés,  1815,  1817, 
2  vol.  in-4''  et  in-8''.  IX.  Code  de 
procédure  civile  annoté,  etc.,  18 16, 
1817,  1819,  in-4°  et  in-8°.  X.  Code 
de  commerce  annoté.,  etc.,  18 10, 
in-8»-,  1820,  in-4°.  XI.  Les  cinq 
Codes,  avec  notes  et  traités  pour 
servir  à  un  cours  complet  de  droit 
français,  à  l'usage  des  étudiants  en 
droit  et  de  toutes  les  classes  de  ci- 
toyens, 1817,  1819,  in-8°.  XII  (avec 
M.  Lemoine  de  Villeneuve).  Les  cinq 
Codes  annotés  de  toutes  les  décisions 
et  dispositions  interprétatives,  mo- 
dificatives  et  explicatives,  avec  ren- 
voi aux  principaux  recueils  de  juris- 
prudence, 1824,  1825,  1827,  in-4». 
XIII.   Code  forestier  annoté,  etc. , 

1828,  in-4°.  XIV  (avec  M.  Lemoine 
de  Villeneuve).  Les  six  Codes  anno- 
tés,   etc.,    avec    les   suppléments, 

1829,  in.4";  1832,  in-8°.  On  a  encore 
de  Sirey  divers  articles  dans  les  An- 
nales de  législation  et  de  jurispru- 
dence. —  Sirey  (Marie-Jeanne-Ca- 
therine-Joséphine de  Lasieyrie  du 
Saillant,  dame),  femme  du  précé- 
dent, née  au  Biguan  (Loiret]  en  1776, 
était  nièce  de  Mirabeau  qu'elle  avait 
connu  dans  son  enfance  et  qui  lui 


SIR 

témoignait  une  vive  affection.  Elle 
consacra  sa  plume  à  la  composi- 
tion d'ouvrages  moraux  et  d'é- 
ducation. Outre  différents  articles 
qu'elle  a  fournis  au  Journal  des  fem- 
mes et  à  d'autres  recueils  ,  cette 
dame  a  publié,  sous  le  voile  de  l'a- 
nonyme :  I.  Marie  de  Courtenay, 
Paris,  1818,  in-i2,  roman  de  mœurs, 
ainsi  que  le  suivant.  II.  Louise  et 
Cécile,  Paris,  1822,  2  vol.  in-12. 
III.  La  mère  de  famille,  journal  mo- 
ral, religieux,  littéraire,  d'économie 
et  d'hygiène  domestique,  destiné  à 
l'instruction  et  à  l'amélioration  des 
femmes,  Paris,  septembre  1833  à 
septembre  183 i,  in-8°;  il  n'en  a  paru 
que  douze  numéros.  IV.  Conseils 
d'une  grand'mère  aux  jeunes  fem- 
mes.  Angers  et  Paris,  1838,  in-12. 
^{me  Sirey  mourut  à  Chaton  le  27 
septembre  1843.  —  Sirey  (Aimé), 
fils  des  précédents,  fut  tué  à  Bruxel- 
les, le  19  nov.  1842,  dans  le  salon 
de  M"»  Catinka  Heinefeter,  célèbre 
cantatrice,  où  il  se  prit  de  querelle 
avec  M.  Caumartin.  Cette  affaire,  por- 
tée devant  la  cour  d'assises  de  Bruxel- 
les, eut  un  grand  retentissement. 
M.  Caumartin,  défendu  parM.Chaix- 
d'Est-Ange,  fut  acquitté.  Z. 

SIKIÈS  (ViOLANTE-BÉATRix)  na- 
quit à  Florence  en  1700  et  apprit  la 
peinture  de  Jeanne  Fratellini,  qui 
jouissait  dans  cette  ville  d'une  haute 
réputation.  A  l'âge  de  16  ans  elle 
était  déjà  habile  dans  la  peinture  à 
l'aquarelle  et  au  pastel.  Son  père, 
qui  exerçait  la  profession  d'orfèvre, 
ayant  été  appelé  en  France  pour  y 
être  orfèvre  du  roi,  elle  le  suivit  à 
Paris  et  profita  de  son  séjour  dans 
cette  ville  pour  apprendre  la  peinture 
à  l'huile  d'un  habile  paysagiste  fla- 
mand. Pendant  cinq  années  qu'elle 
habita  Paris,  elle  se  perfectionna 
dans  la  peinture  à  l'huile,  et  les  per- 


SIR 


279 


sonnages  les  plus  distingués,  séduits 
par  l'éclat  et  le  charme  de  son  colo- 
ris, lui  firent  faire  leurs  portraits^  en- 
fin elle  fut  choisie  pour  peindre  la 
famille  royale;  mais  elle  ne  put  pro- 
fiter de    cet    honneur.    Son    père 
ayant  été  rappelé  à  Florence  par  le 
grand-duc,  elle  se  vit  forcée  de  le 
suivre.    Malgré    les   connaissances 
qu'elle  possédait  dans  son  art  et  la 
réputation    qu'elle   s'était  acquise, 
elle  voulut  encore  se  perfectionner, 
et ,  dès  son  arrivée  à  Florence,  elle 
engagea  François  Conti,  peintre  d'un 
rare  mérite,  à  mettre   la  dernière 
main  à  son  éducation.  C'est  de  lui 
qu'elle  apprit  à  dessiner  avec  une 
correction,  une  élégance  et  un  goût 
remarquables ,  et  à    posséder  tous 
les  secrets  de  la  belle  couleur.  Le 
grand -duc,  pour  témoigner  l'esti- 
me qu'il  faisait  des  talents  de  Béa- 
trix,  lui  demanda  son  propre  por 
trait,  qui  fut  placé  dans  le  cabinet 
des  peintres  célèbres  dépendant  de 
la  galerie  de  Florence.  Elle  se  pei- 
gnit ayant  son  père  à  côté  d'elle, 
donnant  ainsi  un   double  exemple 
d'amour  filial  et  de  talent  pittores- 
que. Ses  peintures  à  l'huile  ne   le 
cèdent  en   rien  à  ses  pastels  ;  son 
pinceau  est  brillant,  délicat  et  libre  ; 
son  coloris  est  naturel ,   plein  de 
chaleur  et  de  vie.  Comme  elle  en- 
tendait parfaitement   l'architecture 
et  la  perspective,  dont  elle  avait  fait 
une  étude  particulière,  elle  a  tiré  un 
heureux  parti  de  ces  connaissïinces 
dans  les  accessoires  et  les  fonds  de 
ses  tableaux.  Ses  draperies  sont  en 
général  d'un  beau  choix,  pleines  de 
vérité  et  remarquables  par  une  sim- 
plicité noble.  Son  ouvrage  capital 
est  un  tableau  représentant  tous  les 
membres  de  la  famille  impériale. 
Les  personnages  sont  au  nombre  de 
quatorze,  dans  un  salon  décoré  de  la 


280 


SIR 


plus  riche  architecture.  Toute  la 
composition  brille  par  le  goût  du 
dessin,  la  disposition  des  figures,  le 
charme  de  la  couleur,  et  la  manière 
dont  les  figures  sont  habillées  répond 
k  la  grandeur  et  à  la  dignité  des  per- 
sonnages. Outre  plusieurs  autres  ta- 
bleaux d'histoire,  h  l'huile,  on  pos- 
sède encore  d'elle  quelques  tableaux 
de  fleurs  et  de  fruits,  exécutés  avec 
un  goût,  une  vérité  et  une  délica- 
tesse extraordinaires.  P— s. 

SIRIEYS  de  Mayrinhac  (Jean- 
Jacquks)  fut  l'un  des  hommes  les 
plus  distingués  de  cette,  chambre 
des  députés  que  Louis  XVIII  avait 
crue  introuvable,  qu'il  admira  d'a- 
bord très-sincèrement  et  qu'il  ren- 
voya ensuite  si  maladroitement  par 
son  ordonnance  du  5  septembre 
181  fi.  Né  en  1777  au  château  de 
ses  ancêtres,  Sirieys  achevait  ses 
études  lorsque  la  révolution  com- 
mença, et  il  fut  dès  lors  en  butte  à 
toutes  les  persécutions  de  cette 
époiiue.  La  plupart  de  ses  parents 
émigrcrent,  furent  incarcérés  ou  pé- 
rirent sur  l'échafaud.  Lui-même,  à 
peine  âgé  de  quinze  ans,  subit  une 
longue  détention  et  fut  dépouillé 
d'une  partie  de  sa  fortune.  H  ne  re- 
couvra la  liberté  qu'après  la  chute 
de  Robespierre,  et  resta  dans  la  re- 
traite jusqu'à  la  destruction  du  gou- 
vernement républicain.  Bonaparte  le 
nomma  alors  maire  de  son  village; 
et  il  vécut  ainsi  paisiblement  au  mi- 
lieu des  siens  jusqu'au  retour  des 
Bourbons  en  1814.  On  conçoit  avec 
quelle  joie  il  vit  ce  retour.  Son  zèle 
pour  la  cause  monarchique  le  fit  des- 
tituer de  ses  fonctions  de  maire  après 
le  retour  de  Napoléon,  ce  qui  concou- 
rut beaucoup  sans  doute  à  le  faire 
nommer  député  du  département  du 
Lot  en  1815.  Dès  les  premières  séances 
de  cette  session,  il  s'y  fit  remarquer 


SIR 

par  un  véritable  talent,  et  surtout 
par  une  grande  énergie.  Après  le  li- 
cenciement de  l'armée,  il  pressa  avec 
force  l'organisation  des  légions  dé- 
partementales, qui  devaient  rempla- 
cer les  régiments.  Il  appuya  ensuite 
très-vivement  toutes  les  allocations 
proposées  en  faveur  du  clergé,  et 
demanda,  le  7  février  1816,  par  un 
discours  fort  éloquent,  que  ses  biens 
non  vendus  lui  fussent  restitués.  Il 
parla  encore  sur  le  règlement,  sur 
les  contributions  indirectes  ;  de- 
manda la  suppression  de  l'exercice 
pour  1817  et  voulut  faire  rétablir  les 
maîtrises  et  les  jurandes.  Toutes  ces 
opinions,  fort  opposées  au  système 
révolutionnaire  que  s'efforçaient 
alors  d'établir  Louis  XVIII  et  ses 
ministres,  ne  mirent  pas  en  faveur 
auprès  d'eux  le  député  du  Lot  ;  et 
lorsque,  par  l'ordonnance  de  sep- 
tembre, ils  eurent  dissous  cette 
chambre,  tous  les  moyens  furent  mis 
en  usage  pour  que  Sirieys  ne  fût  pas 
réélu.  Son  collègue  LachèzeMurel , 
qui  était  aussi  l'un  des  membres  les 
plus  honorables  de  la  chambre  in- 
trouvable, et  qui,  comme  lui,  n'avait 
manqué  aucune  occasion  d'y  faire 
triompher  les  principes  de  la  monar- 
chie, partagea  sa  disgrâce  (1).  Tous 
les  efforts  du  ministère  Decazes,  qui 
avait  entraîné  le  faible  monarque  à 
cette  absurde  mesure  de  dissolu- 
tion, tendirent  à  exclure  des  réélec- 
tions du  département  du  Lot  ces  deux 
excellents  royalistes.  Ce  fut  le  sys- 
tème invariablement  suivi  dans  toute 
la  France  par  ce  gouvernement  qu'on 


(i)  M.  Laclièze,  l'un  des  plus  Lonorables 
miigistrats  de  ces  contrées,  avait  cîé  député 
luix  Ktatc-Génér.iux,  où  il  avait  coiistam- 
incut  voté  avec  la  minorité  contre  les  inno- 
vations lévoliitionuaiies.  Pour  cela  il  avait 
obtenu  du  roi,  en  1S14,  des  letlres  de  no- 
blesse et  le  litre  de  maître  des  requêtes. 


SIR 


SIR 


281 


a'si  improprement  nommé  celui  de 
la  restauration.  Partout  les  assem- 
blées électorales  furent  recrutées  de 
clubisles,  de  gens  de  police,  et  l'on 
conçoit  qu'il  en  résulta  des  choix 
fort  opposés  à  la  monarchie.  A  Ca- 
hors,  le  scandale  fut  tel  que  qua- 
rante-neuf des  électeurs  les  plus  dis- 
tingués signèrent  une  protestation 
qu'ils  envoyèrent  à  la  chambre  des 
députés.  Cette  protestation,  particu- 
lièrement dirigée  contre  l'éleclion 
du  préfet  Lezay-Marne^i-i,  pour  la- 
quelle on  avait  dépassé  toutes  les  li- 
mites de  la  fraude  et  de  la  corrup- 
tion, fut  néanmoins  repoussée  par  la 
chambre  qui  n'était  plus  celle  de 
1815;  et  les  tribunaux  de  Figeac  et 
de  Cahors  repoussèrent  aussi  les  dé- 
nonciations qui  leur  furent  faites 
des  fraudes  exercées  par  plusieurs 
magistrats  et  par  le  préfet  lui-même 
pour  assurer  son  élection.  On  alla 
plus  loin  encore,  on  rendit  plainte 
en  calomnie  contre  MM.  de  Lachèze 
et  Sirieys  qui  avaient  fait  partie  des 
quarante-neuf  électeurs  opposants, 
et  ces  deux  ex-députés  durent  com- 
paraître devant  la  police  correction- 
nelle de  Paris,  qui  les  condamna  à 
cent  francs  d'amende,  non  pour  ca- 
lomnie (les  faits  étaient  trop  évi- 
dents), mais  pour  avoir  dépassé  les 
limites  du  droit  de  pétition.  Sirieys 
vécut  dans  la  retraite  jusqu'en  1821. 
Lorsque  les  royalistes  revinrent  au 
pouvoir,  après  la  mort  du  duc  de 
Berri,il  fut  nommé  de  nouveau  dé- 
puté dans  le  département  du  Lot. 
Toujours  zélé  royaliste,  il  appuya 
toutes  les  mesures  du  ministère  qui 
n'était  plus  celui  du  5  septembre,  et 
qui  par  une  ordonnance  du  26  août 
1824  le  fit  conseiller  d'État,  puis  di- 
recteur-général de  l'agriculture,  des 
haras  et  manufactures.  Dans  la  ses- 
sion de  1825  il  appuya  les  lois  sur  le 


sacrilège,  sur  l'indemnité  des  émi- 
grés,  sur  le  droit  d'aînesse,  etc. 
Réélu  député  en  1828,  il  se  montra 
dans  plusieurs  occasions  opposé  au 
ministère  Martignac  et  perdit  sa 
place  de  directeur  des  haras ,  la 
chambre  ayant  supprimé  du  budget 
les  40,000  francs  attribués  à  cet  em- 
ploi. Suus  le  ministère  Poliguac  ,  il 
fut  nommé  officier  de  la  Légion - 
d'Honneur  et  directeur  du  personnel 
au  département  de  l'intérieur.  La 
révolution  de  1830  le  fit  disparaître 
encore  une  fois  de  la  scène  politique, 
et  il  mourut  au  château  de  Mayrin- 
hac,  près  de  Figeac,  le  27  novembre 
1831.  Outre  un  grand  nombre  de 
discours  prononcés  pendant  les  ses- 
sions législatives  et  imprimés  dans 
les  journaux,  on  a  de  lui  :  I  (avec 
Lachèze-Murel).  Mémoire  sur  les 
élections  du  département  du  Lot 
à  la  Chambre  des  députés,  Paris, 
1816,  in-8°.  Il  (avec  le  même).  Ob- 
servations sur  ce  qui  a  été  inséré 
dans  le  Moniteur,  relativement  aux 
élections  du  département  du  Lot, 
Paris,  1816,  in-8°.  C'est  une  réponse 
à  la  Lettre  que  M.  de  Lezay-Marnesia 
avait  adressée  au  Moniteur,  le  11 
novembre  1816,  sur  les  accusations 
dirigées  contre  lui  dans  le  Mémoire 
déjà  indiqué,  lli.  Observations  sur 
V administration  générale  des  haras, 
de  V agriculture,  etc.,  suppriméepar 
l'ordonnance  royale  du  13  novem- 
bre 1828,  Paris,  1829,  in-8''.  Sirieys 
de  Mayrinhac  a  encore  laissé  quel- 
ques écrits  inédils,  entre  autres  une 
Histoire  de  Vagricullure  des  temps 
anciens  et  modernes  dans  le  Quercy. 
M-Dj. 
SIROT  (Claude  Létolf,  baron 
de  ),  oflicier  général  peu  connu,  a 
laissé  des  Mémoires  curieux,  mais 
très -rares.  Il  passa  ses  premières 
années  dans  les  troupes  étrangères. 


282  SIS 

Deux  ans  après  la  mort  de  Gustave- 
Adolphe,  roi  de  Suède,  il  revint  en 
France  et  servit  d'abord  sous  le  ma- 
réchal do  l'Hùpital.  Use  fit  ensuite  re- 
marquer aux  sièges  d'Arras,  de  Cour- 
trai,  d'Armrntières,  à  la  bataille  de 
Rocrdi.  Nouimd  marèchal-de-camp 
en  1643  et  lieutenant- général  en 
1649,  il  mourut  en  1652.  Ses  Mé- 
moires ont  éié  imprimés  en  1683, 
Paris,  Barbin,  in-12.  D-s. 

Sls:?20XDl  (Jean-Charles  LÉO- 
NARD SiMONDE  de),  historien,  na- 
quit le  9  mai  1773  à  Genève,  oîi  son 
père  et  ;it  ministre  de  l'Évangile.  Sa 
famille  était  origin;iire  de  !a  Tos- 
cane, et  un  de  ses  ancêtres  .ivail  été 
anobli  par  Oiton-le-Roux.  Patriciens 
et  gibelins,  les  Sismondi  quittèrent 
Pise  à  la  chute  de  son  indépendance, 
et  allèrent  s'établir  dans  le  Dauphi- 
né,  où,  peu  de  temps  après  la  ré- 
forme de  Calvin,  ils  embrassèrent  la 
doctrine  nouvelle.  Un  siècle  et  demi 
se  passa,  et  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes  leur  lit  quitter  leur  se- 
conde patrie  pour  la  Suisse  :  ils  al- 
lèrent s'établir  à  Genève.  Chemin 
faisant,  ils  avaient  francisé  leur  nom, 
et  non-seulement  Ve  muet  français 
s'était  substitué  à  Vi  final  italien, 
mais  la  deuxième  s  était  restée  sur 
la  route  de  Pise  à  Grenoble.  Tel  est 
du  moins  le  récit  que  vint  faire  à  ses 
compatriotes,  entre  1803  et  1807, 
Jean-Charles  Simonde,  en  ajoutant 
que,  désormais  et  sans  autre  autori- 
sation, il'jnindrait  à  ses  noms  con- 
nus celui  de  De  Sismondi  :  on  rit, 
mais  nul  ne  s'y  opposa.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain,,  c'est  que  les  Simonde, 
sous  leur  nom  plébéien,  apparte- 
naient à  l'aristocratie  genevoise,  et 
qu'ils  jouissaient  d'une  belle  for- 
tune. La  révolution  française  vint  y 
porter  la  perturbation.  Confiants 
dans  l'étoile  de  Necker,  leur  conci- 


SIS 

toyen,ils  avaient  placé  des  capitaux 
importants  dans  les  fonds  français  : 
la  tourmente  emporta  tout.  Jean- 
Charles,  en  achevant  ses  études  com- 
mencées au  collège  et  complétées  à 
l'auditoire  de  Genève,  avait  été  placé 
dans  la  maison  de  commerce  Eynard 
de  Lyon.  Ses  parents  crurent  à  pro- 
pos de  lui  faire  quitter  la  France,  et 
tous  ensemble  allèrent  passer  dix- 
huit  mois  en  Angleterre  (1793  et  94.) 
Le  jeune  homme  profita  de  ce  séjour 
pour  s'initier  aux  mystères  de  la  lé- 
gislation et  au  mécanisme  politique- 
et  commercial  à  l'aide  duquel  fonc- 
tionne si  merveil  leusement  la  Grande- 
Bretagne.  Il  apprit  aussi  "la  laiigue. 
C'était  pour  lui  l'étude  la  moins  ar- 
due. L'impossibilité  de  vivre  long- 
temps de  l'autre  côté  de  la  Manche 
sans  d'amples  ressources  pécuniaires 
ne  tarda  point  à  ramener  les  Simonde 
sur  le  continent  :  ils  revirent  Ge- 
nève, mais  pour  peu  de  temps  :  le's 
circonstances  politiques  leur  étaient 
plus  défavorables  que  jamais;  les 
passions  en  Suisse  étaient  au  com- 
ble. On  arracha  de  leur  maison,  pour 
le  fusiller,  un  émigré  français  qu'ils 
voulaient  sauver  :  le  père  et  le  fils 
eurent  même  un  instant  de  détention 
à  subir.  Le  premier  ne  pensa  plus 
dès  lors  qu'à  vendre  ses  biens  de 
Genève  pour  passer  dans  cette  Tos- 
cane, le  pays  de  ses  ancêtres;  et  une 
fois  l'opération  terminée,  il  alla  se 
fixer  à  Pescia,  où  il  acheta  un  mo- 
deste domaine.  Un  beau  ciel,  un  sol 
fertile,  une  bonne  administration, 
partout  l'aisance  et  le  bonheur,  tel 
fut  le  spectacle  qui  frappa  d'abord 
les  yeux  du  jeune  homme,  et  il  put 
à  loisir  en  étudier  les  causes  pen- 
dant un  an  et  demi  de  repos  dont  il 
fut  encore  permis  à  ce  pays  de  jouir 
sous  Ferdinand  III,  sans  que  le  con- 
tre-coup des  victoires  de  la  France 


SIS 


SIS 


28Î 


en  Italie  y  développât  des  ferments 
de  révolution.  Au  milieu  des  com- 
motions qui,  là  aussi,  se  succédèrent 
à  partir  de  la  fin  de  1797,  les  Si- 
monde  trouvèrent,  fort  en  petit,  heu- 
reusement, rimage  de  ce  qui  se  pas- 
sait alors  en  France  et  en  Suisse. 
Trois  l'ois  Jean-Charles  fut  jeté  en 
prison,  et  même  sa  mère  eut  à  trem- 
bler pour  ses  jours.  Elle  n'était  d'ail- 
leurs pas  coinpiétement  d'accord 
aveclui.  Franchement  aristocratique 
et  autrichienne,  elle  n'admettait  pas 
•  de  nuances;  elle  exécrait  lout  sim- 
plement et  en  masse  ce  qui  venait  de 
la  France,  ce  qui  tenait  même  de 
loin  .-à  la"  démocratie.  Plus  éclairé, 
plus  impartial,  le  jeune  homme  blâ- 
mait également  toutes  les  violences, 
et  ne  goûtait  pas  plus  les  réactions 
des  monarchistes  aveugles  que  la 
furie  démagogique.  H  en  résultait 
que  les  Français  et  leurs  amis  le 
trouvaient  trop  Autrichien,  et  que 
les  Autrichiens  le  traitaient  de  Fran- 
çais et  de  Jacobin.  Les  clubistes  de 
93  avaient  envoyé  à  la  place  de  la 
Concorde  des  modérés  moins  pro- 
noncés. «  Blasphémerez -vous    eu- 

•  core,»  écrivait-il  de  sa  prison  à 
sa  mère,  «  contre  la  noble  liberté 
«  des   Anglais,  Vhabeas  corpus,  le 

•  jugement  par  jurés  et  des  lois 
«  claires  et  précises?  La  pauvre  co- 
«  pie   même   que  les   Français  ont 

•  adoptée  nous  mettrait  à  l'abri,  si 
«  nous  étions  en  France,  des  injus- 

•  tices  que  nous  essuyons.  »  Enfin 
l'horizon  redevint  serein  après  Ma- 
rengo.  Cette  même  année,  les  Si- 
monde  regagnèrent  Genève  avec  les 
débris  de  leur  fortune,  qui  ne  se 
montait  plus  qu'à  etiviron  4,000  fr. 
de.  revenu.  Jean-Charlos  prit  bientôt 
r.ii'g  paruii  les  écrivains  distingués 
de  son  pays  par  son  Tableau  de  l'a- 
griculture de  laToscane,  1801, et  par 


2  vol.  intitulés  De  la  richesse  com- 
merciale, 1803.  Il  y  faisait  preuve  en 
même  temps  de  connaissances  posi- 
tives et  de  raisonnement  ;  il  se  mon- 
trait également  familier  avec  le  com- 
merce et  l'agriculture  et  avec  les 
théories  de  l'économie  politique. 
Mais  c'était  surtout  pour  l'histoire 
qu'il  se  sentait  une  voc.ilion  ;  et  dès 
ce  moment  il  s'appliquait  à  recueillir 
et  à  mettre  en  ordre  les  matériaux 
du  grand  travail  dont  le  l'^'' volume 
parut  en  1807,  sous  lej titre  iV His- 
toire des  republiques  italiennes. 
Peu  d'événements  accidentèrent  la 
vie  de  Simonde  depuis  son  retour 
dans  sa  patrie.  L'empereur  Alexan- 
dre lui  offrit  une  chaire  à  l'univer- 
sité de  Vilna;  il  la  refusa.  Mais  il 
accepta  la  position  de  secrétaire  de 
la  chambre  de  commerce  du  départe- 
ment du  Léman  ,  et  il  y  rendit  des 
services  par  son  activité,  par  ses  lu- 
mières, par  son  indépendance.  Il  ne 
craignit  pas  de  réclamer  dans  l'inté- 
rêt de  Genève  contre  le  blocus  con- 
tinental, et  cela  dans  de  nombreux 
mémoires  adressés  au  gouvernement 
même.  Lié  intimement  avec  les  Pic- 
tet,  les  De  Candolle,  les  Bonstetten, 
les  Dumont,  les  Rossi,  les  Saussure, 
il  était  aussi  de  la  société  de  Coppet; 
il  visitait  souvent  cette  résidence,  et 
deux  fois  il  lit  avec  M""'  de  Staël  le 
voyage  de  l'Italie.  Il  se  partageait 
d'ailleurs  entre  le  séjour  de  Genève 
et  celui  de  Pescia.  Toutefois,  il  im- 
prouva les  actes  du  congrès  de 
Vienne;  et,  après  le  retour  de  l'île 
d'Elbe,  il  écrivit  en  faveur  de  la 
constitution  de  1815,  et  eut  avec 
Bonaparte  une  entrevue  curieuse, 
dont  une  lettre  à  sa  mère  nous  a  con- 
servé les  détails.  On  remarqua  dans 
le  temps  que  c'étaient  deux  étran- 
gers, deux  Suisses,  qui  s'étaient  le 
plus  énergiquement  prononcés  par 


284 


SIS 


SIS 


écrit  pour  ce  programme  qui  devait 
durer  si  peu,  Benjamin  Constant  et 
Simonde  de  Sismondi.  Nous  avons  vu 
que,  vers  1805,  il  avait  annoncé  la 
découverte  qu'il  avait  faite  de  l'anti- 
quité de  sa  niJiison.  Environ  vingt- 
quatre  ans  après,  le  hasard  voulut 
qu'un  autre  Genevois,  historien 
aussi,  M.  Grenus,  auteur  des  Frag- 
ments historiques  et  biographiques 
extraits  du  conseil  d'État  de  Genève 
(Genève,  1815  ei  1823),  déclarât  à 
son  tour  qu'il  était  membre  du  saint- 
empire  romain.  M.  de  Sismondi  en 
fut  outré.  Peu  de  temps  après  parut 
dans  un  journal  de  Paris  une  diatribe 
violente  contre  le  nouveau  noble. 
Quelle  main  l'avait  écrite  ou  quelle 
inspiration  l'avait  dictée?  C'est  ce 
qui  ne  fut  point  mis  nettement  en 
lumière.  Mais  l'auteur  des  Frag~ 
ments' àWa.  demander  à  l'auteur  des 
Républiques  ilalienneê  unp  explica- 
tion justificative,  que  ce  dernier  re- 
fusa", et  les  journaux  helvétiques 
retentirent  bientôt  du  bruit  d'un 
duel  au  pistolet  qui  eut  lieu  le 
29  mars  1829,  h  peu  de  distance  de 
Genève,  entre  les  deux  gentilshom- 
mes. On  échangea  de  chaque  côté  un 
coup  de  feu  ;  mais  la  république  des 
lettres  n'eut  aucun  des  champions  à 
pleurer,  et  M.  de  Sismondi  put  con- 
tinuer à  loisir  son  Histoire  des 
Français,  dont  la  publication,  com- 
mencée depuis  huit  ans,  en  i5tait 
alors  aux  10^  et  11^  volumes.  Il  s'y 
montrait,  comme  on  le  sait,  fort  peu 
enthousiaste  de  la  France.  L'année 
suivante,  1830,1e  réconcilia  un  peu, 
il  le  dit  lui-même  vingt  fois  dans  sa 
conversation ,  avec  notre  pauvre 
pays  :  la  branche  aînée  avait  été 
détrônée  pour  faire  place  à  un  prince 
selon  son  cœur.  Mais,  hélas!  les  évé- 
nements ont  leur  logique,  et  presque 
toujours  leur  logique  impitoyable. 


La  révolution  de  1830  avait  été  pa- 
ralysée en  Fr.ince  presque  dès  son 
origine  par  l'astuce  du  souverain 
qu'elle  s'était  donné;  mais,  hors  de 
la  France,  elle  poursuivait  sourde- 
ment son  œuvre  en  commençant 
par  les  cantons  ses  plus  proches 
voisins.  Avant  de  faire  à  Paris  sa 
formidable  explosion  de.  1848,  elle 
défaisait  le  vieil  édifice  des  aristocra- 
ties suisses.  La  constitution  de  Ge- 
nève fut  renversée  le  22  novem- 
bre 1841,  non  pas,  il  est  vrai,  sans 
irrégularités,  sans  violences,  mais 
enfin  pour  laisser  l'accès  ouvert  à  un 
meilleur  avenir.  Déjà  fort  peu  de 
temps  après  juillet  1830,  la  peur 
avait  décidé  le  conseil  d'État  de  Ge- 
nève à  subir  une  modification,  et 
d'inamovibles  e!  à  vie  qu'ils  étaient, 
les  conseillers  s'étaient  réduits  à  dix 
ans;  mais,  au  fond,  rien  d'essentiel 
n'était  changé  :  les  mêmes  familles, 
au  nombre  de  vingt-huit,  étaient 
seules  eu  possession  de  fournir  les 
conseillers,  et  le  conseil  se  recrutait 
non  par  une  élection  vraie,  mais  par 
la  cooptation,  dételle  sorte  que  les 
vides  étaient  toujours  comblés  par 
les  mêmes  noms  ou  par  ceux  de 
quelque  famille  apparentée  :  organi- 
sation digne  de  l'an  1000  et  qui  rap- 
pelle trait  pour  trait  les  alberghi  de 
Gênes  Aux  yeux  de  M.  de  Sismondi, 
conseiller,  c'était  là  la  constitution 
modèle;  et  son  libéralisme  ne  rêvait 
rien  de  plus  profond,  de  plus  utile 
aux  nations  que  ce  partage  de  la 
souveraineté  entre  à  peu  près  deux 
douzaines  de  familles  marquantes  de 
la  cité;  et  l'on  se  plaint  après  cela 
que  les  rois  portent  quelquefois  à 
l'excès  le  désir  de  maintenir  leur 
prérogative!  M.  de  Sismondi  n'eut 
pas  le  bonheur  de  voir  debout  la 
sienne  et  celle  de  ses  amis  jusqu'à 
son  dernier  moment.  Mais  il  ne  sur- 


STS 

vécut  que  de  sept  mois  à  peine  à 
cette  révolution  qui  renversait  le 
patriciat  de  Genève.  Malgré  l'état  de 
soufFrauce  et  de  dépérissement  où  il 
était  alors  (car  depuis  long-temps  un 
sqiiirrhe  à  Teslomac  minait  sa  san- 
té), il  déploya  la  plus  vive  énergie 
contre  ses  antagonistes  politiques  •• 
membre  de  la  nouvelle  assemblée 
constituante,  il  prononça  le  30  avril 
1842  un  discours  de  l'opposition  la 
plus  tranchée;  il  ne  cessait  de  pro- 
tester contre  la  légalité  de  tout  ce 
qui  s'était  fait.  Ses  amis  mêmes  n'o» 
saient  voter  avec  lui.  Finalement, 
son  médecin  lui  prescrivit  le  silence; 
cl  peut-être  cette  prohibition  ne 
fut-elle  pas  simplement  affaire  d'hy- 
giène. Au  reste,  Sismondi  poussait 
avec  activité  la  fin  de  son  Histoire 
des  Français ^^X\\  relisait  encore  les 
éprcuvesduSO*^  volume  le  14  juin.  Dix 
jours  après,  on  préparait  ses  funé- 
railles.S'étant  marié  un  peu  tard  avec 
une  Anglaise,  il  tie  laissa  pas  d'en- 
fants. Voici  la  liste  de  ses  ouvrages, 
d'après  celle  qu'il  avait  dressée  lui- 
même  peu  de  temps  avant  sa  mort  : 
I .  Tableau  de  l'agricullure  de  la  Tos- 
cane, Genève,  1801,  in-8u.  II.  De  la 
richesse  commerciale,  Genève  et  Fa- 
ris,  1803,  2  vol.  in-8°.  III.  Histoire 
des  républiques  italiennes  du  moyen- 
âge^  Zurich  et  Paris,  1807-1818, 
16  vol.  in-80  ;  réimpr.  à  Paris, 
1825-26.  L'auteur  en  donna  un  Pré- 
cis, en  anglais,  sous  ce  titre  :  Italian 
republic  of  the  middle  âges,  1832:, 
in-8°.  Ce  précis  a  été  inséré  dans 
la  Lardner's  Encyclopœdia;  il  en  a 
paru  une  traduction  espagnole,  faite 
par  Fr.  Facio,  Paris,  1837,  2  vol. 
in-12.  Un  illustre  écrivain  d'Italie, 
M.  Manzoni,  a  publié  sur  l'ouvrage 
de  Sismondi  des  observations  criti- 
ques qui  ont  été  traduites  en  français 
par  M.  l'abbé  Delacouture,  sous  ce 


SIS 


m 


titre  :  Défense  de  la  morale  catholi- 
que contre  ^'Histoire  des  répubiitiues 
italiennes,  de  M.  Sismondi.,  Paris, 
1835,  in-12.  IV.  Littérature  du  midi 
de  l'Europe,  cours  donné  à  Genève 
dans  l'hiver  de  1811  à  1812,  Paris, 
1813,  4  vol.  in-8"  ;  3«  édition,  Pans, 
1819.  V  Nouveaux  principes  d'éco- 
nomie politique,  ou  De  la  richesse 
dans  ses  rapports  avec  la  popula- 
tion, Paris,  1819,  2  vol.  in-8'' ; 
2«  édit.,  fort  augmentée,  1826.  Dans 
cet  ouvrage,  Sismondi  avait  attaqué 
les  théories  de  Malthus,  de  Ricardo 
et  de  J.-B.  Say  {coy.  ce  nom,  LXXXF, 
229);  et  il  eut  à  soutenir  une  vive 
polémique  contre  ces  trois  adver- 
saires. Vi.  Histoire  des  Français, 
Paris,  1821-42,  29  vol.  in-8°.  Vil. 
Julia  Severa,  ou  Uan  492  (tableau 
des  mœurs  et  des  usages  lors  de  l'é- 
tablissement de  Clovis  dans  les  Gau- 
les), Paris,  1822,  3  vol.  in-12.  VIII. 
Histoire  de  la  renaissance  de  la  li- 
berté en  Italie,  de  ses  progrès,  de  sa 
décadence  et  de  sa  chute,  Paris,  1832, 
2  vol.  it\-H°.  IX.  Histoire  de  la  chute 
de  l'empire  romain  et  du  déclin  de  la 
civilisation  de  l'an  250  à  l'an  looo, 
Paris,  18.H5,  2  vol.  in-8°.  Cet  ouvrage 
parut  en  même  temps  en  Angleterre 
dans  la  Lardner's  Encyclopœdia.  X. 
Études  sur  les  constitutions  des  peu- 
ples libres,  ou  Des  sciences  sociales, 
Paris,  1836-38,  3  vol.  in  8'\  Les  to- 
mes 2  et  3  sont  aussi  intitulés  premier 
et  second  des  Études  sur  l'économie 
politique.  XI.  Précis  de  l'histoire 
des  Français,  Paris,  1839,  2  vol. 
in-8°.  Outre  les  ouvrages  que  nous 
venons  de  mentionner,  Sismondi  a 
publié  73  opuscules  qu'il  a  classés 
lui-même  sous  les  titres  suivants  : 
Politique  et  Études  sur  les  consti- 
tutions, 16  opuscules;  Économie 
politique.^  11  ;  Esclavage,  5  ;  Alger, 
2  ;  Inde  anglaise,  3;  Amérique,  2; 


286  SIV 

Grèce,  7-,  Critique  historique,  18; 
Critique  littéraire,  1  ;  Philosophie, 
3;  Biographie,  5.  Plusieurs  de  ces 
opuscules  ont  été  publiés  séparé- 
ment, mais  le  plus  grand  nombre  a 
paru  dans  différents  recueils,  savoir: 
Annales  de  législation  et  d'écono- 
mie politique,  publiées  à  Genève  en 
1822  ;  Revue  encyclopédique,  à  Pa- 
ris ;  Revue  mensuelle  d'économie 
politique,  à  Paris  ;  Mémorial  des 
séances  du  conseil  représentatif,  de 
l'asseuiblée  constituante  et  du  grand- 
conseil  de  Genève;  la  Pallas,  à  We- 
mar;  Aiti  deW  Academia  ilaliana ; 
Bibliothèque  universelle^  à  Genève; 
Encyclopédie  des  gens  du  monde,  à 
Paris;  le  Protestant  de  Genève.  Sis- 
»nion(li  a  été  dès  l'origine  un  des 
collaborateurs  de  celte  Biographie 
universelle,  k  laquelle  il  a  fourni  un 
grand  nombre  d'articles  relatifs  à 
rhistoire  d'Italie  au  moyen-âge. 
P— OT. 
SIVARD  de  Beaulieu  (Pierre- 
Louis-Antoine),  né  le  l'^'-  sept.  1767 
à  Valognes,  était  jeune  encore  quand 
la  révolution  éclata.  Il  en  embrassa 
les  principes,  mais  avec  modération; 
aussi  fut-il  incarcéré  pendant  la  ter- 
reur, ainsi  que  son  père,  qui  avait 
occupé  une  des  premières  charges 
de  magistrature  de  la  ville,  ei  ils  ne 
recouvrèrent  la  liberté  qu'après  le 
9  thermidor.  En  l'an  V  (1797),  Si- 
vard  fut  élu  député  au  corps  légis- 
latif par  le  département  de  la  Man- 
che, mais  il  en  sortit  bientôt,  les 
élections  de  ce  département  ayant 
été  annulées  par  suite  des  événe- 
ments du  18  fructidor.  Au  commen- 
cement du  consulat,  il  fut  nommé 
l'un  des  administrateurs-généraux 
des  monnaies,  fonctions  qu'il  a  con- 
servées sous  les  divers  régimes  qui 
se  sont  succédé  jusqu'à  sa  mort. 
Envoyé  a  la  chambre  des  députés  en 


SKO 

1818,  il  y  siégea  jusqu'en  1823,  et  fit 
partie  de  plusieurs  commissions. 
Lors  des  troubles  qui  agitèrent  Paris 
en  1820,  à  l'occasion  de  la  loi  électo- 
rale du  double  vote,  il  parla,  dans  la 
séance  du  5  juin,  des  actes  de  vio- 
lence qu'il  avait  vu  commettre  en- 
vers Casimir  Périer  et  Benjamin 
Constant,  déclaration  qu'il  renou- 
vela, le  8  janvier  1821,  devant  la 
cour  d'assises  de  la  Seine  qui  avait 
évoqué  l'affaire.  11  était  chevalier  de 
la  Légion-d'Honneur,  et  avait  épousé 
une  nièce  de  Lebrun,  qui  fut  troi- 
sième consul  de  la  république,  archi- 
trésorier  de  l'empire,  puis  duc  de 
Plaisance.  Sivard  s'occupait  beau- 
coup de  travaux  agricoles  sur  les 
propriétés  qu'il  ppssédaità  Valognes, 
et  il  devint  correspondant  du  conseil 
d'agriculture  près  le  ministère  de 
l'intérieur.  L'un  des  fondateurs  de 
la  Société  pour  l'amélioration  des 
prisons,  il  était  membre  des  Sociétés 
d'encouragement  pour  l'industrie 
nationale,  de  l'enseignement  élé- 
mentaire, etc.  Il  mourut  soudaine- 
ment à  Paris,  le  26  mars  1826,  d'une 
rupture  au  foie,  accident  terrible, 
imprévu  et  presque  sans  exemple 
dans  les  annales  de  la  médecine. 

P— RT. 

SKORNIAROW   -  SISSAREW 

(Grégoire),  directeur  de  l'académie 
de  marine  de  Siiiit-Pélersbourg, 
était  issu  d'une  ancienne  famille 
russe,  et  fut,  comme  plusieurs  autres 
jeunes  nobles,  envoyé  par  Pierre-Ie- 
Grand  dans  les  pays  étrangers  pour 
y  étudier  les  lettres  et  les  sciences. 
En  1715,  étant  de  retour  dans  sa  pa- 
trie, il  servit  comme  lieutenant  dans 
le  régiment  de  Przeobrajenski  ;  il 
enseignait  en  même  temps  la  science 
de  l'artillerie  à  l'académie  de  marine. 
Ayant  été  nommé  directeur  de  l'aca- 
démie, il  publia  en  1719  sa  Pratique 


SLU 

de  l'art  statique  et  mécanique.  En 
1723,  il  céda  la  direclion-générale  de 
l'académie  de  marine  pour  diriger  la 
construction  du  canal  du  Ladoga. 
Grand  parlisan  de  MentschikofF 
(voy.  ce  nom,  XXVIII,  329),  il  avait 
contribué  à  la  perte  de  Schafirof.  En 
1727,  ayant  trempé  dans  une  conspi- 
ration contre  le  favori  du  czar,  il  fut 
privé  de  ses  dignités,  de  ses  biens  et 
exilé  en  Sibérie.  Il  fut  bientôt  rap- 
pelé, et,  en  1731,  il  était  comman- 
dant du  pori  d'Okhotsk.  Accusé  de 
malversation,  il  fut  relégué  à  Yakou- 
tok,  puis  rétabli  en  1745,  et  mourut 
peu  de  temps  après.  G— y. 

SLUYS  (Jacques  Vander),  pein- 
tre, naquit  à  Leyde  en  1G60.  Élevé 
par  charité  dans  l'hospice  des  orphe- 
lins de  la  ville,  son  caractère  aima- 
ble et  les  rares  dispositions  qu'il 
annonçait  pour  les  arts  lui  attirè- 
rent l'affection  et  les  faveurs  des  di- 
recteurs de  cet  établissement,  et  les 
décidèrent  à  lui  faire  apprendre  la 
peinture.  On  le  plaça  d'abord  chez 
Ary  de  Voys,  qu'il  quitta  bientôt 
pour  entrer  dans  l'école  de  Slinge- 
landt,  dont  la  manière  avait  plus  de 
rapports  avec  son  génie.  La  copie 
des  œuvres  de  ce  maître  perfectionna 
rapidement  son  talent,  et  le  rendit 
capable  de  peindre  d'après  ses  pro- 
pres idées.  Par  la  suite,  il  ne  s'érarta 
plus,  dans  ses  diverses  compositions, 
de  la  manière  ni  du  style  de  son  der- 
nier maître.  Son  goût  particulier 
était  de  représenter  des  assemblées^ 
des  conversations,  des  fêtes  confor- 
mes aux  usages  et  aux  modes  de  son 
temps.  Les  personnages  des  deux 
sexes  qu'il  introduit  dans  ses  com- 
positions sont  remarquables  par  l'air 
degaîté  et  de  joie  qu'il  sait  répandre 
sur  leurs  physionomies,  et  qui  ne 
tombe  jamais  dans  la  bassesse  et  le 
trivial.  Son  travail  est  d'un  fini  pré 


SMA 


287 


cieux ,  sa  couleur  harmonieuse  et 
brillante,  et,  comme  son  maîtr«\ 
c'est  dans  le  dessin  seulenu  ni  qu'il 
laisse  quelque  chose  à  désirer.  Vali- 
der Sluys  ne  quitta  jamais  Leyde, et  y 
mourut  en  1736.  P— s. 

SMALZ  (Valemin),  Smalcius, 
l'un  des  plus  fameux  sociniens  et 
des  plus  hardis  controversistes  de 
son  temps,  naquit  le  12  mars  1572 
à  Gotha,  ville  qui  faisait  alors  par- 
tie de  l'ancien  pays  de  Thuringe. 
Après  avoir  été  recteur  d'une  école 
de  sa  secte,  il  fut  nommé  ministre  à 
Racovie  (Rachow),  remplit  ensuite 
les  mêmes  fonctions  à  Lublin,  puis 
revint  les  exercer  de  nouveau  à  Ra- 
covie, jusqu'à  sa  mort  arrivée  dans 
les  premiers  jours  de  décembre  1G22. 
La  petite  ville  de  Pologne  dans  la- 
quelle il  passa  une  partie  de  sa  vie 
est  aujourd'hui  presque  entièrement 
ruinée;  mais  alors  elle  était  assez 
florissante,  et  les  sociniens  y  avaient 
établi  une  espèce  d'université.  Ils  y 
possédaient  une  ou  plusieurs  impri- 
meries ,  d'où  sortirent,  outre  leur 
catéchisme,  une  foule  d'écrits  polé- 
miques de  leurs  principaux  chefs  et 
pîrticulièrement  ceux  de  Smalz.  Il 
en  a  composé  un  grand  nombre, 
mais  nous  ne  cilcruns  que  ceux  qui 
peuvent  donner  lieu  à  quelques  ob- 
servations, renvoyant  pour  les  autres, 
tant  latins  qu'allemands  et  polonais, 
à  la  Biblioth.  anti-trinitariorum  i\e 
Chr.  Sand,  99-105.  I.  De  Divinitate 
J.C.,  1G08,  in-4";  traduit  en  polo- 
nais (par  Smaiz  lui-même),  même 
année,  même  format;  en  flamand, 
1623,  aussi  in-i",  et  en  allemand, 
1627,  in-8",  sous  ce  titre:  Von  der 
gottlichen  hoheit  J.-C.  C'est  l'ou- 
vrage le  plus  connu  de  Smalz.  11  y 
attaque  sans  ménagement  la  divi- 
nité du  Sauveur  des  hommes,  et 
développe  à  ce  sujet  toute  la  doc- 


288 


SMA 


irine  des  unitaires.  Il  fut  solidement 
réfuté  par  des  catholiques,  des  lu- 
thériens et   des  calvinistes.   Parmi 
ces  derniers  se  distingua  Jean  Clop- 
penburg  {voy.  ce  nom,  IX,  121),  qui 
fit  paraître  VAnti-Smalcius,  de  Di- 
vmi?afeJ.-C.,Franeker,1652,in-i°, 
qu'en  réimprima,  en  1684,  dans  le 
recueil  de  ses  œuvres.  II.  Refutatio 
disputationum  Graioeri  de  Spiritu 
Sancto,  1613,  in-4%  ainsi  que  tous 
les  suivants.  III.  Refutatio  thesium 
Frantzii,  1614.  Les  thèses  ou  dis- 
cussions théologiques  de  Wolfgand 
Frautz   roulaient  [sur  la  confession 
d'Augsbourg.  L'auteur  répondit  par 
des  Vindiciœ  ..  pro  Auguslana  Con- 
fessione,  adversus   Valent.   Smal- 
Cîum,  etc.  IV.  Refutatio  Thesiiim  de 
SS.  Unitate  divinœessentiœ  et  Per- 
sonarum  Trinitate,  etc.,  1614.  Les 
thèses  réfutées  ici  étaient  de  Jacques 
Schopper,  professeur  à  l'université 
d'Allorf.  Un  jeune  aspirant  au   mi- 
nistère luthérien,  Jean  Sauber»,  né 
en  1592  à  Altorf,  et  peut-être  disci- 
ple de  Schopper,  prit  la  défense  de 
celui-ci  et  publia   VAnti  Smalcius, 
seu   Vindiciœ  pro   Thesibus,  etc., 
Giessen,  1615,  in-4o.  s^r  ce  livre  et 
sur  celui  de  J.  Cloppenburg,  men- 
tionné ci-devant,  voy.  les  Anti  de 
Baillet.  V-  Responsio  ad  librum  Ra- 
venspergeri,  1614.  Hermann  Ravens- 
perger,  docteur  en  théologie  et  pre- 
mier professeur  de  cette  science  à 
Groningue,  fut  un  adversaire  zélé 
des  sociniens,  et  il  s'est  élevé  contre 
leurs  sophismes  dans  plusieurs  de 
ses  productions.  VI.  Parœnesù  ad 
Isaacutn  Casaiibonum,  etc.  Pour  le 
développement    du   titre,  voy.    le 
n"  19643  des  Anonymes  de  Barbier. 
Smalz  donna  ce  petit  ouvrage  sous 
le  masque  d'André  (d'autres  disent 
Antoine)  Reuchlin.  Il  y  est  question 
de  la  condamnation  au  feu,  par  le 


SMA 

roi  Jacques,  du  célèbre  Tractatus 
théologiens  de  Deo ,  de  Vorstius 
(Conrad  Von-Dem  Vorst;  voy.  ce 
nom,  XLIX,  527,  et  la  Biblioth. 
choisie  de  Colomiès,  p.  168,  édit.  de 
1731).  VU.  Refutatio  disputationum 
Graweri  de  persona  Christi,  1615. 
Albert  Grawer,  à  qui  s'adressent 
cette  réfutation  et  celle  qui  est  in- 
diquée au  n"  11,  professait  la  théo- 
logie à  l'université  d'Iéna.  C'était  un 
ardent  ennemi  des  calvinistes;  il  ne 
haïssait  pas  moins  les  sociniens 
(nous  ne  parlons  pas  des  catholiques, 
cela  va  sans  dire);  il  a  écrit  avec 
beaucoup  de  liel  et  d'emportement 
contre  les  uns  et  les  autres.  On  l'ap- 
pelait le  bouclier  et  Vèpée  des  lu- 
thériens. Consultez  la  notice  que 
Bayle  lui  a  consacrée  dans  son  Dic- 
tionnaire. Lisez  encore  Baillet,  aux 
Art'ichs  Anti-Parœus  et  Anti-Lubin. 
VIII.  Examinatio  centum  errorum, 
etc. ,  1615.  Smalz  avait  découvert 
ces  cent  prétendues  erreurs  dans  un 
ouvrage  (1)  où  les  véritables  erreurs 
que  lui,  Smalz,  professait,  avaient 
été  entièrement  dévoilées  par  Mar- 
tin Smiglecius,  jésuite  polonais,  qui 
enseignait  la  philosophie  à  Wilna,  et 
qui  ne  cessa  de  combattre  les  sec- 
tateurs de  Socin  en  même  temps  que 
ceux  de  Calvm.  Ce  jésuite  opposa 
bientôt  à  VExaminatio  une  Respon- 
sio ad  refutationem  centum  errorum 
Smalcio  objectorum,  qu'il  joignit  à 
un  second  ouvrage  (2),  dans  lequel 
il  poussait  encore  plus  vivement  le 
sectaire.  Un  autre  jésuite  polonais, 
Pierre  Scarga,  recteur  du  collège  de 
Wilna,  et  prédicateur  aulique  de  Si- 

(i)  De  erroribus  novorum  Jn'anoium 
lib.  Il,  comra  Valent.  Smalcium  ,  Craiovie, 
i6l5,  in-4o. 

(2)  De  Chriilo  ^ero  et  nalurali  filio  Dei, 
ejusque  pro  nobit  satis/aclione,  adversus  fa- 
lent.  Smalcium  Arianum  ,  lib,  II,  Àstesiit 
Respçnsio,  t\c.,ih\i,,  i6i5,  in-4''' 


SMA 


SMA 


289 


gismond  III,  lutta  aussi  avec  succès 
contre  Smalz.  IX.  Homiliœ  decem 
super  initium  Evangelii  Johannis^ 
1615.  On  se  doute  bien  que  le  mi- 
nistre   de   Racovie   explique   saint 
Jean  d'après  les  ide'eset  les  principes 
des  nouveaux  ariens.  X.  liefutatio 
orationum  Vogelii,  etc.,  1617.  XI. 
Versio  Novi  Testamenti  e  grœco  in 
polonicum,  1620,  in- 12.  Le  traduc- 
teur avait  fait,  sur  tout  le  Nouveau 
Testament,  moins  l'Apocalypse,  des 
notes  par  lui  réunies  en  3  vol.  in-4°, 
mais  elles  n'ont  pas  été  imprimées. 
En  mettant  au  jour,  en  1612,  la  dé- 
fense d'un  traité  de  Fauste  Socin,  et 
un  autre  opuscule,  en  1614,  Smalz 
s'est  caché  sous  le  pseudonyme  Theo- 
philus  Nicolaïdes.  Presque  tous  les 
livres  cités  dans  cet  article  sont  au- 
jourd'hui  ensevelis  dans  le  plus  pro- 
fond oubli.  S'il  y  avait  quelque  inté- 
rêt à  en  rappeler  le  souvenir,  ce  n'é- 
tait que  par  rapport  à  l'histoire  des 
sectes  religieuses  et  à  l'histoire  lit- 
téraire. B — L— u. 

SMARAGDE,  quatrième  abbé  de 
Saint-Mihiel  ou  Saint-Michel ,  au  dio- 
cèse de  Verdun,  succéda,  vers  l'an 
805,  à  Ermingaud  dans  le  gouverne- 
ment de  cette  abbaye.  Elle  était  déjà 
célèbre,  mais  la  considération  dont 
jouissait  le  nouvel  abbé  contribua 
beaucoup  à  lui  donner  l'éclat  et  l'im- 
portance qu'elle  conserva  long-temps 
entre  tous  lesétablissemens  religieux 
de  la  Lorraine.  L'annaliste  naïf  et 
charmant  de  St-Mihiel  (voy.  Chroni- 
con  S.-Michaelis  Verdunensis,  t.  II 
ûes  Analect.  de  Mabillon),  qui  vivait 
au  commencement  du  Xl'^  siècle,  du 
temps  de  l'abbé  Nanterre,  assure  que 
Smaragde,  réalisant  l'heureux  pré- 
sage de  son  nom,  brilla  au  milieu 
des  hommes  illustres  de  son  siècle 
comme  une  émeraude.  «  Il  est  super- 
«  flu,  ajoute-t-il,  d'essayer  de  bé- 

LXXXII. 


•  gayer  les  lou.inges  d'un  si  grand 

•  homme  5  les  livres  qu'il  a  composés 
«  témoignent  de  ses  mérites  beau- 
«  coup  mieux  que  nous  ne  saurions 
«le  faire,  et  ils  prouvent  avec  quel 
«  heureux  génie  il  comprenait  les 
«.  choses  de  la  religion  et  de  la 
«politique*,  ils  proclament  aussi 
«  quelles  furent  la  sainteté  et  la  mor- 
«  tification  de  sa  vie.  Comment ,  en 
«  eifet ,  aurait-il  pu  enseigner  une 
"  doctrine  si  relevée  et  si  simple 
■  sur  chacune  des  vertus,    et  n'en 

•  avoir  pas  découvert  les  mystères 

•  par  une  pratique  constante?  On 
«  retrouve  dans  le  miroir  de  sadoc- 
«  trine  tous  les  traits  de  son  émi- 
«  nente  sainteté  ,  et   il  faut  croire 

•  qu'il  n'a  pas  vécu  autrement  qu'il 
«  n'a  enseigné.  »  Avant  d'être  investi 
de  la  dignité  que  lui  méritèrent  sa 
science  et  ses  vertus,  il  présida  à 
l'enseignement  dans  l'abbaye  de 
Saint-Mihiel,  et  prit  une  part  fort 
active  à  la  renaissance  des  lettres 
que  le  génie  de  Charlemagne  évo- 
qua et  protégea.  On  sait  qu'en 
787  et  789  ce  prince  écrivit  de  lon- 
gues lettres  aux  archevêques,  évo- 
ques et  abbés  pour  les  exhorter  à 
former  des  écoles  dans  leurs  églises 
et  dans  leurs  monastères.  Smaragde 
s'acquitta  de  ses  fonctions  d'écolàtre 
avec  un  grand  éclat.  Ses  disciples 
écrivaient  sur  des  tablettes  les  doctes 
leçons  de  leur  maître,  et  ils  essayè- 
rent même  de  rédiger  et  de  transcrire 
sur  parchemin  ce  qu'ils  avaient  re- 
cueilli. Ne  pouvant  satisfaire  à  leurs 
désirs  aussi  bien  qu'ils  l'eussent 
voulu,  ils  s'adressèrent  au  maître  lui- 
même,  et  le  supplièrent  de  composer 
un  livre  où  il  réunirait  et  résumerait 
toutes  les  leçons  qu'ils  avaient  en- 
tendues, alin  qu'ils  pussent,  en  le 
consultant  à  leur  aise  ,  se  pénétrer 
davantage  de  ses  précieux  cnseigue- 

19 


290 


SMA 


SMA 


ments.  Smaiagde  accéda  à  leur  dc- 
inandp,  etil  rédigea  son  Commentaire 
siirla  grammaire  de  Douât.  Un  des  ma- 
nuscrits de  l'abbaye  de  Corbie  l'inti- 
tulait le  Mirifique  traité  du  gram- 
mairien Smaragde.  Ce  Traité,  que 
Mabillon  avait  consulté  {Analecl.,  t. 
II),  n'a  jamais  étéimprimé.  Il  se  com- 
pose de  quinze  livres,  dont  le  dernier 
traite  de  l'orthographe  et  offre  une 
foule  de  passages  remarquables.  Nous 
ne  pouvons  résister  au  plaisir  de  citer 
le  suivant  :  «  Je  n'ai  pas  appuyé  ce  li- 
«  vre,  disait-il,  de  l'autorité  deVir- 
«  gile,  de  Cicéron  ou  de  quelque  au- 
'<  tre  païen  ;  mais  je  l'ai  orné  des 
«  sentences  des  livres  sacrés ,  afin 
«  d'abreuver  également  mon  lecteur 
«  aux  sources  rafraîchissantes  des 
«  arts  libéraux  et  de  celles  plusdé- 
«  licieuses  des  divines  Écritures,  et 
«  de  lui  découvrir  en  même  temps  le 
«  génie  de  la  grammaire  et  le  sens 
«  des  saintes  lettres...  J'ai  agi  ainsi, 
«  parce  qu'il  y  en  a  beaucoup  qui, 
«  soit  par  simplicité  naturelle,  soit 

•  par  prétention  à  une  rigide  sain- 
«  leté,  soit  même  par  un  lâche  aban- 
«  don  à  la  paresse,  disent  qu'il  n'est 
«  jamais  question  de  Dieu  dans  l'en- 
«  seignement  de  la  grammaire,  qu'on 
«  n'y  cite  que  les  noms  et  les  exem- 

•  pies  de  païens,  et  qu'ainsi  ils  ont 
«  raison  de  dédaigner  cette  frivole 
«  étude.  Ignorants  qui  ne  savent 
«  point  faire  de  distinction  entre 
«  traiter  des  arts  libéraux  et  parler 

•  de  Dieu  !  Pour  nous,  qui  savonsque 
«  le  peuple  d'Israël,  en  sortant  d'É- 
«  gypte,  emporta  avec  lui  des  vast-s 
«  d'or  et  d'argent,  et  que,s'pnricliis- 
«  sant  de  la  sorte  en  dépouillant  1  É- 
«  gyplien,  il  consacra  au  service  de 
«  Dieu  ce  qu'il  avait  arraché  au  culte 
«  absurde  des  idoles,  nous  qui  avons 
«  à  accomplir  les  mêmes  choses,  non 
"  plus  comme  Israël ,  symbolique- 


«  ment  et  sous  le  voile  des  ligures, 
«  mais  d;ins  toute  la  rigueur  de  l'es- 
«  prit  et  de  la  vérité,  nous  recevons 
«  et  nous  apprenons  les  poésies  des 
«  païens,  cei  art  savant  et  bien  réglé 

•  de  la  grammaire,  et,  de  tout  notre 
«  cœur  et  avec  amour,  nous  l'olfrons 
«  à  Dieu  et  le  consacrons  à  son  ser- 

•  vice.  »  Voilà  comment  cet  esprit 
supérieur  savait  trouver  un  but 
noble  et  élevé  aux  études  les 
plus  élémentaires  et  les  plus  stériles, 
et  comment  il  mêlait  dans  un  art 
charmant  sa  profonde  science  théo- 
logique avec  toute  la  finesse  d'un  es- 
prit exercé;  car  si  Smaragde  était  un 
grammairien  habile,  un  professeur 
éloquent,  c'était  auïsi  un  théologien 
profond  ,  un  esprit  solide  et  capable 
de  conduire  les  affaires  les  plus  dé- 
licates. Sa  réputation  |)arvint  bien- 
tôt jusqu'à  l'empereur  Charlemagne. 
En  novembre  809,  ce  prince  appela 
Smaragde  au  concile  qu'il  tint  à 
Aix-la-Chapelle,  où  l'on  agita  la 
question  de  savoir  si  le  Saint-Esprit 
procède  du  Fils  comme  du  Père,  et 
si  l'on  devait  conserver  dans  le  Sym- 
bole et  les  chauler  à  l'ufhce  les  mots 
filiuque,  ajoutés  par  les  églises  de 
France  et  d'Espagne,  adoptés  par 
toutes  les  églises  d'Occident  (excepté 
celle  d'Italie),  mais  repoussés  par  les 
églises  grecques.  L'assemblée  ne  dé- 
cida rien.  Elle  prit  simplement  la 
résolution  d'en  référer  au  pape,  et 
elle  chargea  Smaragde  de  iédiger,au 
nom  de  l'empereur,  une  lettre  apolo- 
gétique de  la  doctrine  de  l'église 
gallicane.  Une  députalion,  composée 
de  révêquede  W'orms,  deceiui  d'A- 
miens, de  l'abbé  de  Corbie  et  de 
l'abbé  de  Saint-Mihiei,  porta  cette 
lettre  à  Léon  111.  Les  députés  eurent 
avec  le  pt)nlifc  une  coiilérence  où 
brilla  Smaragde,  et  dont  il  rendit  un 
compte  exact  et  circonstancié  dans 


SMA 

une  relation  adressée  à  Charlemi 
gne.«  Quiconque,  dit  Hpge\visch(l), 
«  voudra  se  former  une  idée  de  la 
«  prudence  avec  laquelle  le  succès - 
«  seur  de  saint  Pierre  traita  la  ques- 
«  tion  proposée,  ne  lira  pas  cette  re- 
«  lation  sans  intérêt.  Le  pape  déclara 
«  qu'il  croyait  à  la  vérité  lui-même 
«  que   le  Saint-Esprit  procédait  du 
«  Fils;  ([u'ainsi  il  approuvait  l'addi- 
«  tion  de  ces  mots  :  et  du  fils;  que 
«  cependant,  comme  elle  n'avait  pas 
«  encore  été  autorisée  par  aucun  con- 
«  cile  général,  il  conseillait  de  ne  pas 
^  provoquer,  par  une  innovation  ap- 
«  parenle,  les  Grecs  déjà  disposés  à 
•  un  schisme.  »  On  sait  que  ce  con- 
seil ne  fut  point  suivi.  Après  la  mort 
de  Charlemagne,   Louis -le- Débon- 
naire n'eut  pas  moins  d'estime  que 
son  père  pour  l'abbé  de  Saint-Mihiel. 
En  817,  il  le  manda,  avec  un  grand 
nombre  d'autres  abbés,  à  une  assem- 
blée, tenue  encore  à  Aix-la-Chapelle, 
où  l'on  discuta  tous  les  points  de  la 
règle  de  saint  Benoît,   et  où   l'on 
dressa  des  statuts  pour  rappeler  l'or- 
dre entier  à  l'ancienne   discipline. 
Vivement  sollicité  par  ses  confrères, 
Smaragde  écrivit  un  commentaire  de 
la  règle   et  des  nouveaux  statuts, 
commentaire  que  dans  la  suite  on 
attribua  faussement  à  Raban  Maur 
et  à  d'autres.  Le  crédit  qu'avait  no- 
tre abbé  auprès  de  Louis-le- Débon- 
naire fut  très-profitable  aux  religieux 
deSaint-Mihifl.  Outre  les  privilèges, 
franchises,  immunités  qu'il  leur  ac 
corda  par  différents  diplômes,  il  leur 
donna  encore  le  beau  prieuré  de  Sa- 
lone  (près  de  Chàteau-Salins),  dont 
au  commencement  du  XVII  siècle  ils 
furent  dépouillés  assez  arbitraire- 
ment pour  en  doter  la  primatiale  de 

(l)  Voyez  son  Histoire  rf?  Charleinagne, 
traductioa  attribuée  à  J.-F.  de  Bourgoing, 
p.  43  J. 


SMA 


291 


Nancy.  Le  dernier  acte  de  la  vie  de 
Smaragde  fut  aussi  consacré  au  bien- 
être  de  ces  religieux.  Le  fondateur 
de  l'abbaye  (2)  l'avait  placée  sur  un 
lieu  fort  élevé  de  ses  domaines,  nom- 
mé Castellio  (Châtillon  ou  le  Châte- 
let).  Cette  situation  en  rendait  les 
abords  difficiles  et  exposait  ceux  qui 
l'habitaient  à  manquer  souvent  d'eau. 
L'abbé  fit  donc  construire  une  autre 
maison,  à  une  assez  grande  distance 
de  la  montagne,  dans  la  riante  vallée 
de  la  Meuse,  sur  le  ruisseau  de  Mar- 
soupe  et  près  du  village  ou  hameau 
de  Godinécourt,  qui  devint  ainsi,  par 
succession   de   temps,  la  ville  de 
Saint-Mihiel  (3).  Smaragde  ne  détrui- 
sit point  entièrement  l'ancien  mo- 
nastère. 11  en  conserva  une  partie, 
avec  une  église  et  la  chapelle  qui 
renfermait  le  tombeau  du  fondateur 
et  de  sa  femme;  il  y  laissa  quelques 
religieux ,    statua    que    le    Vieux- 
Moutler  (comme  on  l'appela  depuis) 
servirait  de  cimetière  à  la  nouvelle 
abbaye,  et  voulut  lui-même  y  être 
enterré.  Sa  mort  arriva  vers  l'an  823. 
Dans  sa  belle  Histoire  de  la  civili- 
sation en  France,  M.  Guizot  n'a  pas 
oublié  Smaragde  (première  partie, 
23*^  leçon).  11  le  place  sur  la  même 
ligne  que  Leidrade,  archevêque  de 
Lyon,  etThéodulfe,évêque  d'Orléans 
{voy.  ces  noms,  XXIV,  2,  et  XLV, 
318),  ses    célèbres    contemporains 
et  employés,  comme  lui,  par  Charle- 
magne  et  Louis-le-Débonnaire. Voici 
maintenant  quelques  renseignements 
sur  les  ouvrages  de  l'abbé  de  Saint- 

(2)  L'abbaye  de  Saiut-Miliiel,  ordre  de 
Saint-Benoît,  fut  fondée,  en  709  ou  710,  par 
le  comte  Wulfoade  et  Adalsinde,  sa  femme. 
C'est  à  tort  que  V Annuaire  historique, publié 
par  la  Société  de  ihtstoire  de  Frunce  (année 
l83S,  p.  96),  place  cette  fondation  en  667. 

(3)  Ce  nom  est  venu  par  corruption  de 
celui  de  saint  Michel,  l'un  des  patrons  de 
V,i\)\).iye. 

19. 


292 


SMA 


SMA 


Mihiel.  1.  Comment arius  {nm  Pos- 
tula)^ in  Evangilia  et  Epistolas  in 
divinis  officiis  per  anni  circulum  le- 
genda,  ex  SS.  Patribus  collectus, 
Strasbourg,  153G,  in-fol.  «  C'est  un 

•  recueil  abrégé  de  ce  que  les  Pères 
«  ont  dit  do.  meilleur  sur  le  texte 
«  que  Smaragde  entreprend  d'expli- 

•  quer.  »  (D.  Jos.  de  l'Isle.)  Il  an- 
nonce beaucoup  d'érudition,  et  le 
nombre  des  auteurs  cités  prouve  que 
la  bibliothèque  de  l'abbaye  était  déjà 
riche  en  bons  livres.  (Voy.  VHhtoire 
de  la  célèbre  et  ancienne  abbaye  de 
Saint-Mihiel ,  par  Dom  Joseph  de 
i'Isle,Nancy,1757,in-i°.)  11. i)/adema 
monachorum  ex  sententiis  palrum 
contextum,  Paris,  1532,  in- 8";  Pa- 
ris, 1640,  in-12;et  dans  le  tome  XVI 
de  \ixMaxima  liiblioih.  vet.  Patrum, 
Lyon,  1677,  in-fol.  Ce  fut  le  plus  cé- 
lèbre et  sans  contredit  le  plus  char- 
mant de  ses  écrits.  Le  Diadème  des 
moines  se  compose  de  cent  chapitres, 
et  non  de  cinq,  comme  le  dit  par  er- 
reur domCalmeI,danssaB^6i^■offt.  de 
Lorraine.  L'auteur  y  examine  tour 
à  tour  toutes  les  vertus  et  tous  les 
devoirs  monastiques  :  ille  fait  avec 
une  grande  douceur,  une  suavité 
exquise  de  paroles  et  une  sagesse 
puisée  dans  les  saintes  lettres,  et  par 
conséquent  pleine  d'onction  et  de 
grâce.  Il  rappelle  toute  l'austérilé  de 
vie  que  doivent  mener  ceux  qui  ont 
embrassé  généreusement  la  pratique 
des  conseils  évangéliqnes  ;  mais  en 
même  temps  il  se  garde  bien  de  les 
décourager  par  des  exigences  exces- 
sives. Il  vanle  surtout  cette  aimable 
vertu  de  discrétion  qui  fait  chaque 
chose  en  son  temps  et  avec  mesure. 
Il  ordonna  que,  dans  son  abbaye,  on 
on  brait  fous  les  soirs  quelques  cha- 
pitres en  communiuté,  connue  on  y 
lisait  tous  les  malins  quelques  arti- 
cles de  la  règle  de  saint  BenoiV.  Beau- 


coup d'autres  maisons  religieuses 
s'emiuessèreut  d'adopter  le  biadC' 
ma.,  et  les  copies  s'en  multiplièrent 
à  l'infini.  111.  Commentarius  in  Regu- 
lam  sancti  Benedicti,  imprimé  dans 
l'édition  de  la  Règle  de  saint  Benoît, 
Cologne,  1575,  avec  les  commentaires 
du  cardinal  Jean  de  Turrecremala 
et  d'autres  auteurs.  Après  la  préface, 
se  trouve  un  petit  poème,  en  soixante- 
quatorze  vers  élégiaques,  consacré  à 
relever  les  mérites  de  la  règle.  Ces 
vers  et  quelques  autres  qui  précèdent 
les  Pastilles  montrent  que  Smaragde 
cultivait  avec  un  certain  succès  la 
poésie  latine.  IV.  Via  regia.  Cette 
production,  la  plus  importante  de 
l'abbé  de  Saint-Mihiel,  se  compose 
de  trente-deux  chapitres.  Elle  est 
dédiée  à  un  roi,  que  l'auteur  ne 
nomme  point,  mais  que  l'on  croit 
être  Louis-le-Débonnaire.  On  sup- 
pose qu'elle  lui  a  été  adressée  lors- 
qu'il n'était  encore  que  roi  d'Aqui- 
taine. D'un  usage  moins  général  que 
le  Diadème  des  moines,  la  Foî'eroî/a/e 
dut  beaucoup  moins  se  répandre; 
aussi  les  manuscrits  en  étaient  très- 
rares.  Le  savant  Émeri  Bigot  {voy. 
ce  nom,  IV,  486),  en  ayant  découvert 
un  extrêmement  ancien,  à  Rome, 
dans  la  bibliothèque  de  la  reine 
Christine  de  Suède,  en  donna  avis  à 
Luc  d'Achery,  et  celui-ci,  par  l'en- 
tremise de  D.  Boisserie,  le  ht  trans- 
crire, le  publia  en  tête  du  V<=  volume 
de  la  première  édition  de  son  Spici- 
lége,  et  put  dire,  avec  raison,  qu'il 
en  formait  le  plus  bel  ornement. 
L'auteur  y  examine  chacune  des  prin- 
cipales vertus  chrétiennes  et  excite  à 
les  pratiquer.  Son  procédé  est  assez 
uniforme;  et  quoique  ce  traité  rap- 
pelle quelques-unes  des  qualités  lit- 
téraires du  Diadema,  on  n'y  trouve 
pas  la  même  abondance  de  douces 
paroles  et  d'images  gracieuses.  Soit 


SMA 


SMA 


293 


que  le  disciple  auquel  il  s'adressait 
lui  inspirât  quelque  contrainte,  soit 
que  le  sentiment  des  devoirs  sévères 
et  difliciles  de  la  royauté'  imposât  à 
son  imagination  un  effort  que  n'exi- 
geaient pas  de  lui  la  simplicité  etsur- 
tout  sa  longue  expérience  des  devoirs 
monastiques,  il  n'a  plus,  en  par- 
lant au  monarque,  la  même  expansion 
de  cœur  qu'avec  ses  chers  moines. 
C'est  cependant  toujours  le  même 
homme,  la  même  sagesse,  la  même 
sûreté  de  doctrine.  Comme,  du  reste, 
les  devoirs  que  la  religion  prescrit 
aux  honnnes ,  quoique  divers  dans 
leur  application ,  ont  tous  un  fond 
commun,  quelques  chapitres  du  Dia- 
dema  monachorum  ont  trouvé  place 
dans  (a  Via  regia;  seulement,  Sma- 
ragde  les  a  pour  la  plupart  abrégés  ; 
il  a  eu  le  tact  de  resserrer  et  de  ren- 
dre court  ce  livre  consacré  à  la  direc- 
tion d'un  homme  dont  les  loisirs  de- 
vaient être  rares.  Il  s'en  est  tenu  à 
l'essentiel,  et  il  faudrait  peu  de  mo- 
dilications ,  peut-être,  pour  que  ce 
traité,  destiné  à  un  empereur,  ne  con- 
tînt plus  que  des  conseils  applicables 
au  commun  dos  hommes.  Il  ne  serait 
môme  pas  nécessaire  de  retrancher 
en  entier  le  chnpitre  où  Smaragde 
engage  le  roi  à  veiller  à  ce  ((ue  la  ser- 
vitude n'ai!  point  lieu  dans  ses  États. 
Il  y  rajjpelle  que  la  charité  ne  souffre 
pas  cote  distinction  de  libres  et  d'es- 
claves; il  énumèrc  les  malédictions 
que  les  livres  saints  contiennent  con- 
tre ceux  qui  réduisent  leurs  frères 
en  servitude;  il  enseigne  que  c'est 
le  péché  qui  a  mis  cette  différence 
entre  les  hommes  que  leur  nature 
rend  égaux,  et  il  l'exhorte  à  penser 
toujours  qu'il  lui  sera  remis  selon 
qu'il  aura  remis  aux  autres,  et  que 
c'est  là  le  joug  que  Dieu  lui  a  im- 
posé et  la  servitude  à  la(|uellc  il 
Ta  souuiis.  «  Le  caractère  de  cet  ou- 


"  vrage  est  beaucoup  plus  moral  que 
«  religieux, dit  M.  Guizot.  L'Église  y 
«  tient  peu  de  place,  e(,  sauf  quel- 
"  ques  recommandations  générales, 
«  l'auteur  n'en  parle  qu'en  passant, 
«  et  pour  exhorter  le  prince  à  la 
«  surveiller  (4).  Si  ce  livre  fut  adressé 
«  à  Louis-le-Débonnaire,  l'empereur 
«était  beaucoup  plus  moine  que 
«  l'abbé  de  Saint-Mihiel.  »  V  et  VI. 
La  relation  de  la  conférence  tenue 
au  Vatican  relativement  à  la  proces- 
sion du  Saint-Esprit  a  ?té  insérée 
par  le  P.  Jacq.  Sirmond  dans  le 
tome  II  (lèses Concilia antiqua Gal- 
liœ,  et  la  lettre  qui  avait  provoque 
cette  conférence,  dans  le  Supplément 
auxdits  Concilia,  par  le  P.  de  la 
Lande,  neveu  du  P.  Sirmond.  Ces 
deux  pièces  ont  reparu  dans  la  grande 
collection  du  P.  Labbe  et  ailleurs. 
Deux  ou  trois  autres  productions  de 
Sujariigde,  moins  connues  que  les 
précédentes,  n'ont  pas  été  impri- 
mées. Dom  d'Yépez  {voy.  ce  nom, 
LI,472),  dans  ses  Chroniques  de 
Vordrede  saint  Benoit,  parle  avan- 
tageusement d'un  Commentaire  sur 
les  Prophètes^  qu'il  avait  vu  en  ma- 
nuscrit dans  la  bibliothèque  de  Saint- 
Sauveur  d'Onia.  Le  P.  de  Montfau- 
con  (p.  i\20  i\e  sa.  Bibliotheca  Bi- 
b  liât  lie  carum),  mentionne  un  autre 
U)anuscrit  de  la  bibliothèque  de 
Sairit-Germain-des-Prés,  qui  conte- 
nait des  Homélies  de  l'abbé  de  Saint- 
Mihiel  ,  réunies  à  celles  de  plu- 
sieurs autres  personnages;  D.  Calmet 
préicnd  même  qu'il  avait  fait  des 
sermons  pour  toute  l'année,  lilnlin, 
railleur  anonyme  de  la  Chroiiique 
de  Saint-Mihiel  insinue  que  Sma- 
ragde avait  écrit  l'histoire  de  son 
abbaye  et  la  vie  de  ses  trois  prédé- 


('v)  Ces    exhortutidus   se    lisent    tlaus    1^ 

llliip.  XiVIIt. 


294 


SMA 


cesseurs. —  Trois  autres  Smaragde 
ont  été  quelquefois  confondus  avec 
l'abbé  de  Saint-Mihiel,  et  on  leur  a 
attribué  quelques-uns  de  ses  écrits. 
—  Le  premier  était  un  simple  reli- 
gieux de  l'abbaye  d'Aniane.  Il  s'ap- 
pelait Ardon-Smaragde,  et  il  mourut 
vers  843,  en  odeur  de  sainteté.  Il  a 
laissé  une  Vie  de  saint  Benoît  (dit 
d'Aniane,  parce  qu'il  avait  fondé 
ce  monastère).  Cette  vie  a  été  pu- 
bliée par  D.  Nic.-Hiig.  Menard  {voy. 
ce  nom, XXV1I1,2G4), entête  d'unou- 
vrage  de  ce  saint, et  reproduitedans  la 
collection  des  Bollandistes.  On  trouve 
dans  le  Dictionnaire  de  Moréri  une 
intéressante  notice  sur  Ardon-Sma- 
ragde.  Le  cardinal  Bona ,  en  fai- 
sant remarquer  qu'il  ne  fallait  pas 
confondre  ce  religieux  avec  l'abbé  de 
Sainl-Mihiel,  a  dit  de  ce  dernier  qu'il 
était  divinœ  scientiœ  lumine  imbu- 
tus.  Voy.  la  Notifia  auclorum,  qui 
précède  son  beau  traite  De  divina 
Psalmodia,  etc.  —  Le  second  S.MxV- 
RAGDE,  prêtre  et  religieux  de  l'ab- 
baye de  Saint- Maximin,  à  Trêves, 
dans  le  IX' siècle,  avait  écrit  un 
Commentaire  sur  les  Psaumes.,  dont 
la  préface  a  été  insérée  par  les  PP. 
MartèneetPurand,dansIe  tomeF''de 
leur  Amplissima  Collectio.  —  Le 
troisième  Smaragde  était  abbé  du 
monastère  de  Lunebourg,  en  Saxe, 
fondé  seulement  vers  le  milieu  du 
X«  siècle.  On  ne  connaît  aucun  écrit 
de  lui.  —  Un  quatrième  Smaragde, 
qui  vivait  du  temps  de  Diocléiien  et 
de  Maximien,  souffrit  le  martyre  à 
Rome,  avec  le  diacre  Cyriaque  et  plu- 
sieurs autres,  pendant  la  persécution 
suscitée  aux  chrétiens  par  ces  empe- 
reurs (voy.  le  Martyrologe  romain, 
16  mars  et  8  aovit).  —  Quelques  au- 
teurs prétendent  que  le  nom  des  per- 
sonnages précédents  a  été  aussi  porté 
par  une  sainte  du  IV*^  ou  du  V  siè- 


SMI 

cle,  née  à  Alexandrie ,  et  que  l'Église 
honore  le  premier  jour  de  janvier. 
Elle  senommait  d'abord  Euphrosine. 
Paphnuce,  son  père,  ayant  voulu  la 
mariei,  elle  s'enfuit,  à  l'âge  de  dix- 
huit  ans,  déguisée  en  homme,  dans 
un  couvent,  où  elle  se  présenta  sous 
le  nom  de  Smaragde.  P>eçue  comme 
religieux,  elle  vécut  trente-huit  ans 
sans  sortir  de  sa  cellule.  Plusieurs 
critiques,  particulièrement  Baillât, 
rejettent  de  la  vie  de  sainte  Euphro- 
sine ces  particularités,  et  quel- 
ques autres  qui  semblent  romanes- 
ques. A — YetB— L — u. 

S3IITH  ou  SMYTIIE  (Jean), 
voyageur  et  homme  d'État,  était  fils 
de  sir  Clément  Smith  et  d'une  sœur 
de  Jeanne  Seyinour,  troisième  femme 
de  Henri  VlIF.  Nous  ne  connaissons 
pas  l'époque  précise  de  sa  naissance  ; 
on  sait  seulement  qu'il  fut  élevé  à 
Oxford,  et  Wood  nous  apprend  qu'il 
se  distingua  comme  soldat  et  comme 
littérateur.  Sous  le  règne  d'Edouard 
VI,  son  cousin,  il  se  rendit  eu  Franco, 
sans  doute  pour  y  suivre  quelques 
négociations^  et  l'on  voit  dans  la 
préface  de  son  livre  des  Instructions 
qu'il  passa  successivement  au  ser- 
vice de  plusieurs  princes  étrangers. 
En  1576  les  Pays-Bas  ayant  pris  les 
armes  pour  défendre  leur  liberté 
contre  les  empiétements  du  gouver- 
nement espagnol,  et  se  trouvant  sans 
argent,  sollicitèrent  un  emprunt  au- 
près de  la  reine  Elisabeth,  qui  re- 
fusa d'agréer  leur  demande  pour  ne 
passe  brouiller  avec  le  roi  d'Espagne. 
Elle  envoya  cependant  Jean  Smith 
à  Madrid,  afin  de  rétablir  la  bonne 
intelligence  entre  ce  souverain  et  ses 
sujets.  Smith ,  qui  avait  été  créé- 
chevalier  avant  de  partir  pour  l'Es- 
pagne ,  fut  très-gracieusement  ac- 
cueilli par  Philippe  II;  mais  il  eut 
de  violentes  discussions  avec  Gas- 


SMI 


SMI 


295 


par  Quiroga,  archevêque  de  Tolède, 
et  avec  les  inquisiteurs  de  Séville 
qui  refusaient  d'ajouter  aux  titres  de 
la  reine  celui  de  défenseur  de  la  foi, 
que  le  roi  d'Espagne  lui  (it  néan- 
moins donner.  Nous  n'avons  aucun 
autre  renseignement  sur  les  actions 
de  Jean  Smith  qui  vivait  encore  en 
1595,juuissantde  l'estime  des  savants 
et  des  militaires.  Ou  a  de  lui  :  \.  Dis- 
cours sur  les  formes  et  les  effets  de 
différentes  armes,  etc.,  Londres,! 589, 
réimprimés  en  1590,  in-4°.  il.  Cer- 
taines inslruciions,  obscrvaiions  et 
ordres  militaires  nécessaires  pour 
les  chefs,  capitaines,  officiers  supé- 
rieurs et  subalternes,  Londres, 1594- 
1595,  in-4o.  On  y  a  ajouté  des  In- 
structions pour  les  enrôlements  et  les 
revues.  Il  existe  deux  manuscrits  re- 
latifs aux  négociations  de  Jean  Smith 
en  Espagne  dans  la  bibliothèque  Co- 
tonienne;  il  s'en  trouve  un  autre 
dans  celle  de  Lambeth.     D — z— s. 

SMITH  (Sir  James  -  Edward  ), 
médecin  et  savant  naturaliste  an- 
glais, né  à  Norwich  vers  17G0,  alla 
prenilre  le  grade  de  docteur  à  l'uni- 
versité de  Leyde,  puis  revint  se  fixer 
dans  sa  patrie.  Tout  en  exerçant  son 
art,  il  se  livra  avec  une  ardeur  infa- 
tigable à  l'étude  de  la  botanique, 
sans  négliger  les  autres  branches 
de  rhistoiie  naturelle.  La  Société 
royale  de  Londres  l'admit  dans  son 
sein,  et  lui-même  fonda  la  Société 
linnéenne  dont  il  fut  le  premier  pré- 
sident. Il  avait  acquis  et  fait  trans- 
porter en  Angleterre  les  herbiers  et 
les  manuscrits  de  Linné,  et  i!  publia, 
avec  des  annotations,  quelques  ou- 
vrages de  te  grand  naturaliste;  ce 
qui  lui  valut  le  surnom  de  Linnéen. 
Smith  mourut  à  Norwich  le  17  mars 
1828.  La  Société  linnéenne  était 
réunie  quand  elle  reçut  la  nouvelle 
de  la  mort  de  son  président;  aussi- 


tôt elle  leva  la  séance  en  signe  de 
deuil  et  de  respect.  Outre  un  grand 
nombre  de  mémoires  insérés  dans 
les  Transactions  de  cette  Société, 
Smith  en  a  fourni  aussi  aux  Trans- 
actions philosophiques  de  la  Société 
royale  de  Londres,  au  Journal  de 
Nicholson  et  à  d'autres  recueils 
scientifiques.  Ce  laborieux  écrivain 
a  publié  séparément  :  I.  Dissertatio 
quœdam  de  generalione  complec- 
tens,  1780,  in-8».  C'est  la  thèse  mé- 
dicale qu'il  soutint  à  Leyde  en  pre- 
nant le  degré  de  docteur.  II.  Plan- 
tarum  icônes  hactenus  inedilœ, 
plerumque  ad  plantas  in  herbario 
Hnnœano  conservatas  delineatœ, 
Londres,  1789'-91,  3  fascicules  in-fol. 
m.  Icônes  pictœ  plantarum  ra~ 
riorum  descriptionibus  illustratœ, 
Londres,  1790-93,  3  fascic.  gr.  in-fol., 
fig.  color.  IV.  Botanique  anglaise 
(en  anglais),  Londres,  1790  et  années 
suiv.,  21  vol.  in-8",  lig.  color.  V. 
Spicilegium  botanicum,  Londres, 
1792,  in-fol.  VI.  Dissertation  sur 
les  sexes  des  plantes  d'après  Linné 
(en  anglais),  1792,  in-S".  VU.  Essai 
sur  la  botanique  de  la  Nouvelle- 
Hollande,  Londres,  1793,  in-i",  fig. 
color.  VIII.  Esquisse  d'un  voyage 
sur  le  continent,  1793,  3  vol.  in-8"; 
2"  édit.,  1807.  IX.  Syllabaire  d'un 
cours  de  leçons  sur  la  botanique, 
1795,  in-8\  X.  Histoire  naturelle 
des  lépidoptères  les  plus  rares  de 
Géorgie,  avec  les  plantes  qui  leur 
servent  d'aliment,  composée  d'après 
les  observations  de  J.  Abbot,  en  an- 
glais et  en  français  (la  traduction 
française  est  de  Romet),  Londres, 
1797,  2  vol.  in-fol.  «  Cet  ouvrage, 
dit  M.  Brunet  {Manuel  du  libraire), 
imprimé  magnifiquement  et  orné  de 
104  planches  coloriées  avec  soin, 
n'est  cependant  pas  fort  estimé, 
parce  que  les  figures  manquent  de 


296 


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vérité.  C'est  sans  aucun  fondement 
que  Peignot  annonce,  dans  son  Ré- 
pertoire de  bibliographies  spéciales, 
(liie  ces  deux  volumes  n'ont  été  tirés 
(jii'à  CO  exemplaires.  »  XI.  Traités 
relatifs  d  l'histoire  naturelle,  Lon- 
dres, 1798,  in-8".  XII.  Flora  bri- 
tannica,  Londres,  1800-1804,  3  vol. 
iu-8'J.  Cet  ouvrage  esiimé  a  été  ré- 
imprimé à  Zurich  en  1804,  3  vol. 
in-8",  par  les  soins  et  avec  des  notes 
de  J.-J.  Roemer.  XIII  Compendium 
llorœ  britannicœ,  Londres,  1800, 
iii-8".  XIV.  In  usum  Florœ  germa- 
nicœ,  1801,  in-8'i.  XV.  Botanique 
exotique,  Londres,  1804-1806,  2  vol. 
gr.  in-t",  fig.  color.  XVI.  Intro- 
duction à  la  botanique  physiologi- 
que et  systématique,  Londres,  1807, 
in-8",  fig.;  4«  édit.,  1819.  XVII. 
Voyage  à  Hafod,  dans  le  Cardigan- 
shire,  château  de  Thomas  Johnes, 
membre  du  parlement,  Londres, 
1810,  gr.  in-fol.  Cet  ouvrage,  orne 
de  15  vues  gravées  et  coloriées,  n'a 
é!é  tiré  (ju'à  100  exemplaires.  Smith 
ayant  acquis,  comme  nous  l'avons 
dit,  le  cabinet  de  Linné,  y  trouva 
35  planches  appartenant  au  l'^Mivre, 
extrêmement  rare,  des  Champs  ély- 
siens  de  Rudbeck,et  les  publia,  avec 
dos  additions,  sous  ce  titre  :  Reli- 
quiœ  Rudbecliianœ,  sive  Campo- 
rumElysiorum  libri  primi  quœ  su- 
jyersunt,  Londres,  1789,  in-fol.  {voy. 
RUDBFXK,  XXXIX,  258).  Il  publia 
aussi  deux  ouvrages  de  Linné  :  Flo- 
ra lapponica  cum  notis,  Londres, 
1792,  in-8",  lig.  ;  Lachesis  lapponi- 
ca, ou  Voyage  en  Lnponie,  extrait 
du  Journal  manuscrit  de  Linné, 
Londres,  1811,  2  vol.  in-S",  fig.  Le 
célèbre  botaniste  Sibthorp  {voy.  ce 
nom,  XLII,  286).  après  plusieurs 
voyages  en  Grèce,  se  proposait  de 
donner  une  Flore  de  cette  contrée, 
en  10  vol.  in-loL,  ornés  chacun  de 


tOO  gravures  coloriées,  avec  un  vo- 
lume d'introduction;  mais  sa  mort 
prématurée  l'empêcha  de  mettre  ce 
projet  k  exécution.  Ayant  légué  à 
l'université  d'Oxford  une  rente  des- 
tinée à  publier  cet  ouvrage,  ses  exé- 
cuteurs testamentaires  en  confièrent 
la  rédaction  à  Smilh,  et  lui  remirent 
les  manuscrits,  les  dessins  et  autres 
matériaux  laissés  par  Sibthorp.  Il  fit 
paraître  l'introduction,  dont  l'auteur 
n'avait  tracé  que  le  plan,  sous  ce  ti- 
tre :  Florœ  grœcœ  Prodromus,  sive 
Ptantarum  omnium  enumeratio 
quas  in  provinciis  aut  insulis  Grœ- 
cioB  invenit  J.  Sibthorp^  Londres, 
1808,  1  vol.  iu-8".  Il  y  ajouta  la 
description,  l'indication  et  les  carac- 
tères distinctil's  des  espèces,  avec  de 
savantes  remarques;  puis  il  com- 
mença la  publication  intitulée  : 
F'iora  grœca,  sive  Plantarum  ra- 
riorum  historia  quas  in  provinciis 
aut  insulis  Grœciœ  legit,  investiga- 
vit  et  depingi  curavit  Johannes 
Sibthorp...  Characteres  omnium^ 
descriptiones  et  synonyma  elabora- 
vil  Jac.-Edv.  Smith,  Londres,  1808 
et  aiin.  suiv.,  in-ful.  avec  fig.  color. 
Ce  magnifique  ouvrage  n'a  été  tiré 
qu'à  un  petit  nombre  d'exemplaires. 
D'après  la  Biographie  médicale, 
•  Cette  Flore  a  beaucoup  contribue 
à  faire  connaître  les  plantes  dont 
parle  Dioscoride;  mais  beaucoup  de 
plantes  déjà  trouvées  par  Tourne- 
fort  y  sont  omises  ;  et  il  eût  été  fa- 
cile de  rendre  l'ouvrage  moins  dis- 
pendieux en  n'y  faisant  point  entrer 
une  foule  de  végétaux  très-connus.  » 

P — RT. 

SMSTH  (Sir  William  SiorsEv), 
amiral  anglais,  était  fils  de  sir  John 
Smith  (1),  ancien  aide-de-camp  de 

(i)  Siiiv.Tut  la  Notice  fiii/oiiq ue sur  }.-Siiea- 
(cr  SiiMtli,  frère  dt;  l';iiiiiriil,  rcdigce  par 
M    Djlliu,  et  insérée  daus  la  Hefue  dt  Rouer 


SMI 


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297 


lord  George  Sackville  pendant  la 
guerre  de  1756,  devenu  depuis 
gentleman  usher  de  la  reine  Char- 
Idtte,  et  de  Marie  Pinkeney-Wilkin- 
son,  dont  le  père  était  un  riche 
marchand  de  Londres.  Il  naquit  à 
Westminster  vers  la  fin  de  1764. 
Entré  de  bonne  heure  dans  la  ma- 
rine royale,  car  il  n'avait  que  12  ans 
lorsqu'il  s'embarqua  en  qualité  de 
midshipman  sur  le  Sandivich^  qui 
Taisait  partie  de  la  flotte  de  lord 
Rodney,  il  servit  successivement 
sur  plusieurs  navires,  et  obtint  le 
22  mai  1781  une  commission  de 
lieutenant  à  bord  de  VAlcide,  de  74, 
commandé  par  le  capitaine  E. Thomp- 
son. Lejcune  officier  prit  part  au  com- 
bat soutenu  par  l'amiral  Graves  à  la 
hauteur  de  la  Chesapeake,  ainsi  qu'à 
la  bataille  du  12  avril  1782  {voy.  Rod- 
NEV,  XXXVllI,  3GI),  à  la  suite  de  la- 
quelle il  fut  nommé  commander  le 
2  mai.  Il  fut  élevé  l'année  suivante  au 
grade  depo5fccfp/«m,quoique  à  peine 
âgé  de  19  ans,  et  obtint  le  comman- 
dement de  la  frégafe  VAtcmène^  de 
28  canons.  La  rapidité  de  l'avance- 
ment d'un  si  jeune  marin  doit  être 
attribuée,  non  pas  seulement  à  son 
mérite  personnel,  mais  aussi  à  la  fa- 

et  de  la  Normandie  (Sept.  iS^S),  la  famille 
Smith ,  originaire  du  comté  de  Wil  ts,  alla  s'éta- 
blir au  XVI«  siècle  dans  le  comté  de  Kent,  et 
l'on  voit  encore  près  de  Folkstone  les  ruines 
du  cliâteau  fortde  Westenlianger  où  résid.iit 
sir  Thomas  Smith.  —  Son  troisième  fils  Ed- 
ward, ué  à  Douvres,  était  cajiitaine  de  vais- 
seau, lorsqu'il  fut  hlessé  mortellement  à 
l'attaque  de  la  Giiira,  dans  les  Indes  orien- 
tales, où  il  sei  vait  sons  les  ordres  de  l'ami- 
ral Knowles.  Edward  laissa  un  lils,  John,  né 
aussi  à  Douvres,  et  qui  fut  père  de  l'amiral 
Sidney  Smith.  Le  nom  de  cette  famille  s'é- 
crivait aucieuii émeut  Smjlhc,  orthographe 
qui  a  été  conservée  jiar  une  branche  dont  le 
chef  actuel  est  lord  Percy-Clinton-Sidriey 
Sinythe>  vicomte  de  Strangford  et  pair  d'Ir- 
lande. Uu  de  ses  aiuèlrcs  fut  coutumier, 
c'est-à-dire  reccvcur-géuéral  des  douanes, 
6UUS  le  règne  de  la  rcioc  Elisaljeth. 


veur  dont  son  père  jouissait  à  la 
cour;  c'est  ce  que  reconnaît  au  sur- 
plus son  biographe  anglais,  (jui  se 
montre  toujours  l'ardent  panégy- 
riste de  celui  qu'il  n'appelle  jamais 
que  le  héros.  A  la  piix,  Sidney 
Smilh  rentra  dans  le  sein  de  sa  fa- 
mille, qu'il  ne  quitta  qu'en  1788, 
lors  de  la  rupture  entre  la  Russie  et 
la  Suède.  Il  passa  alors  au  service  de 
cette  dernière  puissance,  et  il  parai- 
trait  qu'il  s'y  distingua  assez  pour 
obtenir,  lorsqu'il  le  quitta  à  la  paixde 
Wereke  (août  1790),  la  granir-croix 
de  l'ordre  de  l'Épée.  Son  propre  sou- 
verain lui  conftira  à  peu  près  à  la 
même  époque  l'honneur  de  la  che- 
valerie. L'Angleterre  n'ayant  aucun 
ennemi  à  combattre,  Sidney  Smith, 
ne  pouvant  supporter  le  repos,  voya- 
gea sur  le  continent  avec  son  frèr-e 
John-Spencer  Smith  {voy.  ce  nom, 
ci-après);  ils  visitèrent  le  collège 
militaire  et  l'école  d'équilation  de 
Caen;  enfin  ils  s'embarquèrent  pour 
Constantinople,  où  Spencer  demeura. 
Sidney  Smith  entra  en  1792  comme 
volontaire  au  service  de  la  Turquie, 
mais  il  y  resta  peu  de  temps.  Il  se 
trouvait  encore  à  Smyrne  quaiul  la 
guerre  fut  déclarée  entre  la  France 
et  l'Angleterre,  et  qu'il  fut  rappelé 
par  une  proclamation  de  son  souve- 
rain. Il  réunit  immédiatement  plu- 
sieurs marins  anglais  restés  sans 
emploi  en  Turquie,  arme  un  petit 
navire,  vient  rejoindre  devant  Tou- 
lon la  flotte  anglaise  commandée  par 
lord  Hood,  et  offre  ses  services,  qui 
sont  gracieusement  acceptés.  Devenu 
maître,  le  28  aoiit  1793,  par  suite  de 
nos  discordes  civiles,  du  plus  impor- 
tant port  (le  ia  France,  de  la  rade  et 
de  son  arsenal  (2),  sans  avoir  eu  h. 


(2)  Ils  coutenaient  alors,  tant  armés  qu'en 
annimcnt  ou  dés.inués,  viugl-iicu  f  vaisseaux 


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brûler  une  amorce  (3)  {voy.  Trogoff 
aiiSupp.),  lord  Hood  eut  bieulôt 
à  les  défendre  contre  les  attaques 
de  Taruiee  républicaine,  dont  l'ar- 
tillerie étuil  dirigée  par  un  jeiftie 
officier,  parvenu  depuis  à  l'empire 
sous  le  nom  de  Napcdéon,  et  ne  tiirda 
pas  à  s'apercevoir  qu'il  ne  lui  restait 
que  le  temps  nécessaire  pour  éviter 
une  perte  à  peu  près  certaine.  Sidiiey 
Smith,  dont  le  caractère  était  aussi 
audacieux  qu'avide  de  se  signaler, 
se  proposa  pour  incendier  la  flotte 
française  restée  dans  le  port,  ainsi 
que  les  magasins  et  les  immenses  ap- 
provisionnements qui  s'y  trouvaient. 
Quoique  lord  Hood  se  fût  engagé, 
lorsque  le  port  de  Toulon  lui  fut  ou- 
vert, à  conserver  comme  un  dépôt 
sacré  la  flotte  qu'il  renfermait,  il 
n'en  accepta  pas  moins  avec  empres- 
sement l'offre  qui  lui  était  faite  de  la 
détruire.  Ce  fut  dans  la  nuit  du  17  au 
18  décembre  que  Sidney  Smith  exé- 
cuta sa  funeste  mission  (4).  Suivant 

de  ligue,  iiu  viiis»e.iu  en  ^OIlstl'u<;tioD,  viugt- 
iiu  autres  bâtiments,  et  deux  fiég:it<'S  sur 
les   chantiers. 

(3)  C'est  SHDS  laisoi)  qu'en  s'a  jiuyantsur 
le  rapport  partial  et  mensonger  du  repré- 
eenlaiit  du  peuple  Jean-Bou  Saiut-Audré, 
M.  Tliiers  fait  un  si  grand  éloge  de  Saiut- 
Julieu,  et  accuse  Trogolf,  qu'il  appelle  eu 
outre  un  étranger  (jue  la  Framre  avait  com- 
blé de  faveurs,  taudis  qu'il  était  né  en  Bre- 
tagne et  n'avait  reçu,  ainsi  que  le  dit  juste- 
ment M.  Léon  Guérin,  eu  s'appuyantde  do- 
cuments officiels,  que  très-strictemeut  le 
prix  de  ses  services. 

(4)  Ou  a  vu  dans  le  (;oinmencemeDt  de 
cette  notice  que  Sidney  Smith,  après  avoir 
débuté  dans  la  marine  royale,  comme  mi'rf- 
shipman  en  1776,  était /)Oii-ca/j(ain  depuis 
1783  et  avait  servi  honurablement  dans  la 
marine  royale  de  Suède  et  dans  la  flotte 
turque  pendant  les  intervalles  de  paix  dont 
jouissait  sa  pjitrie.  C'est  donc  avec  regret 
que  nous  avons  lu  dans  l'excellente  Histoire 

de    la    MARINE    rONTKMPORAINE    DE    I784    A 

1848,  par  M.  Léon  Guériu,  que  le  mariu 
iiBg\d\s  -.lYuit/ail  jusqu  en  1793  plutôt  le  mé- 
tier d'  piiale  que  c^lui  d' officier  de  mer,  et  que 
c'était  un  aventurier  ayant  tour  à  tour  vendu 


le  rapport  qu'il  adressa  lui-même,  le 
18,  à   lord  Hood,   les  galériens,  au 
nombre  de  plus  de  600,  après  avoir 
rompu  leurs  fers  par  la  connivence 
des  Anglais,  loin  de  s'unir  à  ces  in- 
sulaires, voulurent  au  contraire  s'op- 
poser à  leur  dessein  5  mais  des  ca- 
nons pointés  contre  eux  et  la  pro- 
messe de  ne  leur  faire  aucun  mal, 
s'ils  se  tenaient  tranquilles,  les  dé- 
terminèrent à  demeurer  neutres.  Sui- 
vant le  même  rapport, des  nombreux 
vaisseaux  de   ligue   que  renfermait 
la   rade,  l'inceuttie   allumé  par   les 
brûlots  anglais  eu  eut  bientôt  dévoré 
au  moins  dix,  ainsi  que  le  magasin 
général;  deux  frégates  chargées  de 
plusieurs  milliers  de  tonneaux  de 
poudre  sautèrent  en   l'air  avec  un 
épouvantable  fracas;  et  la  quantité 
de  poudre  à  canon,  de  poix,  de  gou- 
dron, de  mâts,  de   cordages,  etc., 
devenus  la  proie  des  flammes,  fut  tel- 
lement considérable,  que  l'auteur  de 
ce  désastre  ne  douta  pas  de  la  presque 
impossibilité   où  se  trouveraient  les 
Français  d'étjuiper  ceux  des  navires 
qui  n'auraient  pas  été  détruits.  Tels 
furent,  d'après  Sidney  Suiitb,  les  ré- 
sultats de  la  mission  qui  lui  avait  été 
confiée.  Cet  exposé  ne  diffère  pas  ex- 
trêmement, en  ce  qui  concerne  le  nom- 
bre des    vaisseaux   incendiés  (5)  du 


ses  services  à  toutes  les  nations,  même  aux 
Tuncs  CONTRE  LES  cubÉtiens.  »  Celte  der- 
nière accusation  surtout  est  vraiment  singu- 
lière, car  M.  Léon  Guériu  sait  aussi  l)ien  que 
qui  que  ce  soit  qu'en  maintes  et  maintes 
circonstances  des  marins  chrétiens  ont  com- 
battu dans  les  rangs  des  sectateurs  de  Ma- 
homet, et  que  des  puissances  chiétiennes 
ont  joint  leurs  vaisseaux  a  ceux  des  Turcs 
pour  combattre  des  chrétiens.  L'amour  de 
la  patrie  ne  nous  autorise  pas  à  être  injuste 
euvers  ses  ennemis. 

(5}  L'auteur  des  Mémoires  de  Sidnex  Smith, 
t.  l,  pag.  62,  65,  annou<,e  qu'outre  les  dix 
vaisseaux  de  ligne,  plusieurs  frégates,  le  ma- 
gasin des  mâts,  te  grand  magasin  général  et 
plusieurs  autres    bâtiments  furent  détruits 


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299 


moins,  du  récit  de  Napoléon.  «Le  ton  j^ 
•  billon  de  flainmesqiii  sortait,  dit  en 
«  effet  celui-ci,  ressemblait  à  i'érup- 
«  tiond'iin  volcan,  et  les  treize  vais- 
<■  seaux{(î)qui  brûlaient  dans  la  rade, 
«  à  treize  njagnifiques  feux  d'arli- 
«  fice(7).»  Les  pertes  de  laFrancedans 
cette  triste  occurren'e  furent  sans 
doute  bien  grandes,  miis  pas  autant, 
néanmoins,  qu'on  aurait  pu  le  crain- 
dre et  que  Sidiiey  Smith  semble  le  sup- 
poser, puisque, comme  leditErentmi, 
son  compatriote,  les  magasins  de 
Toulon  étaient  encore  debout  en  1795 
el  avaient  souffert  peu  de  domma- 
ges, et  que  plusieurs  des  vaisseaux 
de  ce  port  purent  être  complète- 
ment armés  et  combattirent  au  Nil 
et  ailleurs  (8).  A  son  arrivée  en  An- 
gleterre, où  il  avait  été  chargé  de 
porter  la  nouvelle  de  cet  événement, 
Sidney  Smith  obtint  (1794)  le  com- 
mandement de  la  frégate  Diamond^ 
de  38  canons,  qui  faisiiit  partie  de  la 
station  de  la  Manche.  Le  27  octobre, 
il  coopéra  à  la  prise  de  la  Révolu- 
tionnaire, frégate  française  de  44  ca- 
nons. Détaché  le  2  janvier  1795  par 
sir  John  Warren  pour  reconnaître 
le  port  de  Brest,  il  eut  l'aurlace  d'y 
pénétrer  el,  après  s'être  assuré  que 
la  flotte  française  avait  pris  la  mer, 
la  chance  encore  plus  extraordinaire 
de  sortir  du  port  sans  être  reconnu, 
quoiqu'il  y  fût  resté  toute  une  nuit. 


arec  fout  ce  qu'ils  toiiteniiieiit,  et  que  le  dé- 
sastre eût  été  bien  plus  considérable  sans 
les  Espagnols  qu'il  accuse  injustement  de 
trahison  ou  de  lâcheté  {the  treacherjr  or  the 
coivaidtce  of  ihe  Spaniards),  parce  qu'ils  refu- 
sèren;  démettre  le  feu  aux  vaisseaux  |)lacés 
dans  le  l)a^sin  devant  la  ville. 

(6)  Si  l'on  compare  ce  récit  avec  le  rap- 
jiort  des  représent.mts  qui  prirent  posses- 
sion du  port  api  es  l'évaiuatiou,  on  y  trou- 
vera de  l'exagération. 

(7)  Méinoi'es  de  Napo/éon,  parlieécrite  et 
publiée  par  le  général  Gourgaud. 

.  (8)  Brentou,  t.  I,  p.  u3. 


La  même  année,  il  occupa  les  petites 
îles  Saint-Marcouf,  situées  dans  îa 
Manche  au  milieu  de  la  rade  de  la 
Hogue,  qui  sont  d'une  assez  grande 
importance  pour  défendre  cette  rade 
et  assurer  le  cabotage  du  Havre  à 
Cherbourg,  et  fournissaient  en  outre 
les  moyens  d'établir  une  correspon- 
dance régulière  avec  les  royalistes 
de  l'intérieur  de  la  France.  Le  17 
mars  1796,  un  événement  fâcheux, 
qui  ne  peut  être  attribué  qu'à  l'ex- 
cessive témérité  de  Sîdnev  Smith, 
l'arrêta  dans  sa  carrière.  Éf;:nt  on 
station  devant  le  Havre  et  faisant 
une  reconnaissaiice  avec  ses  bateaux, 
il  pénétra  dans  la  Seine,  et  osa  y 
attaquer  un  corsaire  français  qu'il 
força  de  se  rendre,  mais  qu'un  calme 
plat  l'empêcha  d'emuiener.  Un  ma- 
telot de  la  prise  ayant  trouvé  moyen 
de  couper  secrètement  le  câble,  la 
marée  montante  entraîna  le  navire 
amariné  et  le  fit  remonter  dans  le 
fleiivc.  Attaqué  ii  la  pointe  du  jour 
par  des  chaloupes  canonnières  et 
par  les  batteries  de  la  côte,  Sidney 
Smith  fut  obligé  de  se  rendre  après 
s'être  défendu  quelques  instants. 
Cette  entreprise  parut  tellement  au- 
dacieuse, qu'on  soupçonna  le  Com- 
modore d'avoir  été  chargé  de  favo- 
riser une  tentative  des  royalistes 
et  de  diriger  un  dangereux  espion- 
nage. Aussi  fut-il  traité  avec  si  peu 
de  ménagement  qu'il  crut  devoir  s'en 
plaindre  et  en  appeler  au  bon  sens  et 
à  la  générosité  du  général  Bonaparte, 
à  cette  époque,  de  retour  de  l'Italie. 
Mais  les  préjugés  existant  contre  le  ma- 
rin anglais  avaientfait  tant  de  progrès 
dans  tous  les  esprits. et  la  manière  dont 
la  capture  s'était  opérée  présentait  tant 
d'anibiguïié,queBon:i|iart£  refusa  d'in- 
tervenir. Le  Directoire  le  lit  conduire 
à  Paris,  et  il  fut  enfermé  d'abord  dans 
la  prison  de  l'Abbaye,  ensuite  dans 


SuO 


SMI 


SMl 


celle  (lu  Temple,  où  il  resta  deux  ans 
sans  pouvoir  être  échangé.  Lorsque 
Sidiipy  Smith  fut  capturé  il  avait  avec 
lui  son  secrétaire  et  un  émigré  fran- 
çais appelé  Tromelin,  qui  l'accompa- 
gnait depuis   quelque  ten)ps,  dans 
l'espoir  d'être  utile  à  la  cause  royale. 
D'après  les  lois  qui  régissaient  alors 
la  France,   ce  dernier,  s'il  eût  été 
reconnu,ilevait  être  sur-le-champ  mis 
à  mort  5  mais  le  commodore  le  fit  pas- 
ser pour  son  domestique, e!  il  parlait  si 
l>ien  l'anglais  qu'on  ne  conçut  aucun 
soupçon,  Malgré   la  vigilance  de  la 
police,  des  dames  françaises  essayè- 
rent,àdiverses  reprises,  de  faire  éva- 
der  les   prisonniers,  mais  toujours 
quelque  obstacle  impre'vu  vint  déran- 
ger leurs  plans.  Madame  de  Tromelin, 
informée  de  la  détention  de  son  mari, 
vint  à  Paris,  loua  une  maison  près  du 
Temple,  et  intéressa  dans  le  complot 
qu'elle  se  proposait  d'entreprendre 
une  jeune  personne  pleine  de  cou  rage. 
Un  maçon,  gagné  par  elles,  pratiqua 
une  comnninication  par  les  caves,  et 
tout  semblait  assurer  le  succès  quand 
le  bruit  occasionné  par  la  chute  de 
quelques  pierres  répandit  l'alarme. 
Les  prisonniers  furent  resserrés  plus 
étroitement,  et  la  surveillance  aug- 
menta. Un   échange  de  prisonniers 
devant  avoir  lieu,  ce  fut  vainement 
que  le  gouvernement    anglais  de- 
manda qu'on  y  comprît  sir  Sidney 
Smith,  qui  eut  cependant  le  bonheur 
d'obtenir  cet  avantage  pour  Trome- 
lin.  Après  la  journée    du  18    fruc- 
tidor   (4  sept.   1797),  Sidney  Smith 
fut  traité  avec  encore  plus  de  ri- 
gueur; néanmoins  le  moment  de  sa 
délivrance   approchait.   Un    ofticier 
français,  nommé  Phélippeaux,  que 
l'on  vit  plus  tard  figurer  au  siège  de 
Saint  Jean-d'Acre,  Charles  Loiseau, 
et  d'autres  royalistes,  entreprirent  de 
déhvrer  le  commodore.  Au  moyen  des 


intelligences  qu'ils  avaient  établies 
avec  l'extérieur  et  d'un  faux  ordre  du 
ministre  de  la  guerre  que  présenta  au 
geôlier  un  danseur  de  l'Opéra,  nommé 
Boisgirard,qui  s'était  déguisé  en  gé- 
néral ,  les  portes  de  la  prison  furent 
ouvertes,  et  Sidney  Smith  monta  sur- 
le  champ  dans  une  voiture  qui   le 
transporta  à  Rouen,  d'où  il  se  rendit 
immédiatement  au  Havre.  Là,  s'em- 
barquant  sur  un  petit  bateau,  il  put 
gagner  le  navire  anglais  VArgo^  ca- 
pitaine Bower,    qui    le  débarqua  à 
Portsmouth  (9).  Il  se  rendit  ensuite 
à  Londres  où  il  arriva  avec  M,  de 
Phélippeaux  et  son  secrétaire  dans 
les  premiers  jours  du  mois  de  mai 
1798.  Accueilli  avec  de  grandes  accla- 
mations par  le  peuple,  il  obtint  im- 
médiatement une  audience  particu- 
lière du  roi ,  qui  le  reçut  de  la  ma- 
nière la  plus  affectueuse.  Pour  té- 
moigner combien  il  attachait  de  prix 
à  sa  délivrance  et  pour  donner  eu 
même  temps  une  leçon  de  générosité 
au  Directoire,  ce  prince  accorda  la  li- 
berté, sans  condition,  à  M.  Bergeret, 
capitaine  de  la  frégate  française  la 
Virginie,  qu'il  avait  proposé  de  re- 
mettre en  échange  de  Sidney  Smith; 
ce  que  le  Directoire  avait  obstiné- 
ment refusé.  Nommé  le  2  juillet  1798 
au   commandement  du  vaisseau  de 
guerre  le  Tigre,  de  80  canons,  Sid- 
ney Smith  fut  envoyé  à  Constanti- 
nople  en  qualité  de  plénipotentiaire 
adjoint  pour  conclure  un  traité  d'al- 
liance entre  la  Turquie  et  la  Grande- 


^  (q)  Le  ciipitjiine  anglais  Drenton  assure, 
d:iii"s  sou  Bisioiie  de  la  Marine,  iju'il  sait  de 
bonne  souice  <|iie  trois  mille  livres  sterling, 
données  par  le  g^iverneinent  hritannifiue 
an  ministre  des  relations  extérieures  Cliarles 
Delacroix,  avaient  ouvert  les  portes  du 
Temple  à  Sidney  Smith  et  aplani  les  oljsta- 
iles  jusqu'à  la  cote.  II  ajoute  que  lord  Saint- 
Vincent  (Jervis)  lui  a  tcrtilié  qu'il  avait  vu 
l'ordre  du  tiésor. 


SMÏ 


SMI 


301 


Bretagne.  Le  5  janvier  1799,  il  fut 
présenté  au  reis-effendi  par  son  frère, 
sir  SpencerSiuith,  alors  ambassadeur 
d'Angleterre  auprès  de  la  Sublime- 
Porte,  et  eut  ensuite  quelques  confé- 
rences avec  les  ministres  turcs.  A  l'is- 
sue de  l'une  de  ces  conférences  (19 
février),  il  quitta  la  capitale  de  l'em- 
pire ottoman  pour  se  rendre  avec  le 
Tigre  sur  les  côtes  de  l'Egypte,  en- 
vahie par  les  Français  ,  qui  venaient 
de  pénétrer  en  Syrie,  où  ils  faisaient 
le  siège  de  Saint-Jean-d'Acre.  Après 
s'être  concerté  avec  Hassan-Bey,  gou- 
verneur de  l'île  de  Rhodes,  Sidney 
Smith  arriva  le  3  mars  à  la  hauteur 
d'Alexandrie.  Il  y  trouva  le  capitaine 
Trowbridge  qu'il  remplaça  dans  le 
commandement  de  l'escadre  et  en- 
voya ensuite  le  lieutenant  Wright, 
son  ami  et  son  second  lieutenant, pour 
prendre  les  mesures  nécessaires  à  la 
défense  de  la  forteresse  de  Saint-Jean- 
d'Acre,  alors  vivement  pressée  par  le 
général  Bonaparte,  Quant  à  lui,  après 
avoir  bombardé  pendant  quelque 
temps  Alexandrie,  dans  le  vain  espoir 
d'arrêter  la  marche  des  Français,  il 
lit  voile  pour  les  côtes  de  Syrie  et  se 
dirigea  sur  Saint-Jean-d'Acre  ,  où  il 
jeta  l'ancre  le  15  mars.  Il  débarqua 
immédiatement,  et  visita  lesfortilica- 
tions  qu'il  irouva  dans  le  plus  mau- 
vais état.  Djezzar-pacha,  qui  com- 
mandait la  ville,  se  croyait  si  peu  en 
siàreté,qu'il  était  au  moment  de  l'aban- 
donner pour  sauver  ses  femmes  et  ses 
trésors.  L'arrivée  des  Anglais  chan- 
gea sa  détermination  et  le  disposa  à 
la  résistance.  Sidney  Smith  fit  bien- 
tôt entrer  dans  la  place  des  munitions 
de  guerre  de  toute  espèce,  des  canon- 
niers  et  des  ingénieurs  au  nombre 
desquels  se  trouvait  Fhélippeaux,  le 
même  qui  avait  contribué  a  faire  éva- 
der le  Commodore  de  la  prison  du 
Temple.  Cet  oflicier,  aussi  distingué 


par  ses  talents  que  par  sa  bravoure, 
était  animé  d'une  haine  personnelle 
contre  le  général  en  chef  de  l'armée 
française,  avec  lequel  il  avait  été  élevé 
à  l'École  militai re.Un convoi  chargé  de 
l'arli  llcrie  de  siège  qui  devaitvenir  par 
mer  d'Alexandrie.ayant  été  intercepté 
par  les  croiseurs  anglais,  Saint-Jean- 
d'Acre  fut  complètement  pourvu  , 
tandis  qu'il  ne  restait  plus  aux  assié- 
geants qu'une  caronade  de  32,  quatre 
pièces  de  12,  huit  obusiers  et  quel- 
ques pièces  de  bataillon.  Bonaparte 
n'en  persista  pas  moins  dans  ses  pro- 
jets, il  multiplia  les  assauts  et  sou- 
tint, pendant  deux  mois,  des  combats 
meurtriers.  Mais  convaincu  enfin  de 
l'impossibilité  de  réussir,  il  leva  le 
siège  dans  la  nuit  du  20  au  21  mai , 
ayant  perdu  plus  de  4,000  de  ses  plus 
braves  soldats,  11  emmenait  avec  lui 
1,200  blessés  et  laissait  au  pouvoir  de 
l'ennemi  ses  ambulances,  la  majeure 
partie  de  son  artillerie  et  de  ses  ba- 
gages (10).  Dans  les  confidences  qu'il 
fit  au  docteur  O'Méara,  pendant  son 
séjour  à  Sainte-Hélène,  Napoléon  pré  - 
tend  que  Sidney  Smith  ayant  cherché 
à  séduire  les  soldats  français  par  des 
proclamations  qu'il  faisait  répan  Ire 
dans  leurs  rangs,  il  se  borna  à  publier 
un  ordre  du  jour  pour  déclarer  que  le 
Commodore  anglais  était  un  fuu  ,  et 
pour  interdire  toute  communication 
avec  lui.  Il  ajoute  qu'à  cette  occasion 
Sidney  S.nitli  lui  proposa  un  duel  et 


(lo)Dufriche-Y;il;izé,daus  l'arlicle  Assaut 
de  {^Encyclopédie  moderne,  j)rétend  que  ce  qui 
fit  miioquer  aux  Frauçuis  la  prise  de  Saiiit- 
Jeaii-d'Acre,  ce  fut  que  la  colonne  qui  péiic- 
tia  dans  la  ville  sous  les  ordres  du  général 
Lannes  ne  fut  point  soutenue;  les  deux  cô- 
tés  de  la  brèche  restèreut  au  pouvoir  de 
l'ennenii  ;  cette  colonne,  accaliice  par  le  feu 
des  maisons,  des  barricades  et  même  des 
remp.irls,  fut  olillgée  de  se  retirer,  surtout 
lorsque  les  Turcs,  arrivant  par  le  fossé,  vin- 
rent prendre  la  brèclic  a  revers. 


302 


SMT 


qu'il  sfi  contenta  tle  rire  de  cette  pro- 
vocation ,  on  répondant  qu'il  accep- 
terait volontiers  le  cartel  si  on  vou- 
lait lui   donner    Marlborough   pour 
adversaire.  A  la  nouvelle  du  mémo- 
rable   succès  de  Sidney  Smith,    le 
sultan  lui  envoya,  par  un  Tartare.une 
aigrette  en  diamants  et  une  fourrure 
de  ujurle  zibeline  estimée  à  25,000 
piastres  et  lui  conféra  en  même  temps 
les  insignes  de  l'ordre  du  Croissant. 
Ses  services  ne  furent  pas  moins  bien 
appréciés  en  Angleterre. A  l'ouverture 
du  parlement  (21  sept.  1799)  le  roi 
parla  avec  éloge  de  ses  exploits  et  des 
avantages  qui  en  résulteraient  pour 
l'Angleterre,  et  les  chambres  lui  vo- 
tèrent des  remercîinents.  Ce  qui  a  dû 
le  plus  flatter  le  connnodore  anglais, 
c'est  le   propos,  s'il  a  |iu   parvenir 
jusqu'à  lui,  atlribué  à  Napoléon,  qui 
a  souvent  répété  en  parlant  de  Sidney 
Smith  :  «Cet  homme  m'a  fait  manquer 
ma  fortune  (i  1).  »  A  peine  le  siège  de 
Saint-Jean-d' Acre  eut-il  été  levé  que 
Sidiiey  Smith  fit  voile  pour  les  îles 
de  l'Archipel,  afin  d'y  réparer  ses 
vaisseaux  et  de  rétablir  la  santé  des 
équipages.    11  se   rendit   ensuite  à 
Constantinople,  et  lorsqu'il  se  fut 
concerté  avec  le  gouvernement  ot- 
toman sur   les  mesures  à  prendre 
pour  expulser  l'ennemi  commun  de 
l'Egypte,  il  retourna  sur  les  côtes 
de  ce  dernier  pays  et  n'arriva  dans 
la  baie  d'Aboukir,  dit  l'auteur  an- 
glais de  ses  Mémoires,  que  pour  être 
témoin,  le  25  juillet,  de  la  défaite 
des  Turcs  par  l'armée  française,  sans 
pouvoir  prêter  assistance  aux  alliés 
de  son  pays.  Suivant  les  Mémoires 

(il)  M.  Tliieis  i;ite,  dans  son  Histoire  de 
la  icvolution,  ce  témoignage  rendu  a  Sidney 
Sniitli,  qui  moiitr;!  Iieiiuroii])  d'iiurnanilé  à 
S;iint- Jeun-d'Acre,  en  fiiisiint  accorder  par 
les  Turcs  à  des  soldats  français,  au  moment 
d'être  égorgés  par«ux,  une  capitulation  qui 
leur  sauva  la  vie. 


SMI 

de  Napoléon,  au  contraire,  copiés 
par  M.  Thiers,  Sidney  Smith,  avec 
deux   vaisseaux   de    ligne   anglais, 
quelques   frégates ,   plusieurs  vais- 
seaux de  guerre  turcs  et  cent  vingt 
bâtiments  de  tran;- port,  vint  mouiller 
le  12  juillet  au  soir  dans  la  rade  d'A- 
boukir, et  non  seulement  il  prêta  as- 
sistance aux  Ottomans,  mais  il  rem- 
plissait dans  leur  armée  les  fonctions 
de  niHjor-général  de  Mustapha-Tacha. 
Selon  les  mêmes  témoignages,  c'était 
le^commodore  anglais  qui  avait  choisi 
les  positions  occu  pées  par  l'armée  tur- 
que, et  il  eût  été  pris,  s'il  ne  fût 
parvenu,  avec  peine  ,  h.  rejoindre  sa 
chaloupe.  Une  particularité  assez  re- 
marquable, c'est  que  ce  furent  les 
journaux  remis,  avec  un  malin  plai- 
sir, par  Sidney  Smith  à  un  parle- 
mentaire envoyé  par  Bonaparte  à  la 
flotte  ttirque,  et  qui,  sous  le  prétexte 
de  négorier  un  échange  de  prison- 
niers, (levait  tâcher  d'obtenir  quel- 
ques nouvelles,  qui  apprirent  au  gé- 
néral français  la  désastreuse  situa- 
tion de  son  pays,  et  le  déterminèrent 
à  s'embarquer  secrètement  pour  l'Eu- 
rope. Sidney  Smith  ne  fut  pas  plus 
heureux  dans  son  attaque  contre  le 
Bogaz  de  Damiette,  de  concert  avec 
la  flotte  turque  et  les  troupes  de  dé- 
barquement, qu'il  l'avait  été  k  Abou- 
kir;  carie  général  Verdier,  à  la  tête 
d'un  corps  de  mille  hommes  seule- 
ment, mit  dans  une   déroute  com- 
plète, malgré  le  feu  de  l'artillerie 
anglaise  placée  sur  nue  vieille  tour 
et  celui  de  leurs  chaloupes  canon- 
nières,  les  quatre  mille  janissaires 
qui  étaient  parvenusà  débarquer.  Sur 
ce  nombre,  trois  mille  se  noyèrent 
ou  furent  passés  au  fil  de  l'épée,  et 
les    autres    se    rendirent    prison- 
niers (12).  Malgré  cet  échec,  Sidney 

(12)  L'auteur  des  Mémoires  de  5.  Sidney 


SMI 

Smith  n'en  continua  pas  moins  sa 
Intte  contre  les  Français,  et  le  29 
décembre  un  détachement  de  soldats 
de  marine,  commandé  par  le  colonel 
Douglas  et  réuni  par  ses  ordres  à  un 
corps  avancé  de  l'armée  du  grand- 
vizir,  contribua  avec  lui  à  la  prise 
(30  décembre)  du  fort  El-Arisch  que 
le  général  Bonaparte  appelait  l'une 
des  clefs  de  l'Egypte  (13).  Quelques 
jours  avant  cet  événement,  le  géné- 
ral Kléber,  auquel  avait  été  confié  le 
commandement  en  chef,  après  le  dé- 
part de  Bonaparte,  craignant  de  ne 
pouvoir  .se  maintenir  en  Egypte  , 
avait  pris  la  résolution  de  traiter 
avec  les  Anglais  et  les  Turcs.  Deux 
négociateurs  désignés  par  lui,  le  gé- 
néral Dosaix  et  l'administrateur  Pous- 
sielgue,  parvinrent  à  bord  du  Tigre, 
le  22  décembre ,  au  moment  même 
où  Bonaparte  venait  de  s'emparer  du 
pouvoir  en  France.  Sidney  Smith 
leur  fit  l'accueil  le  plus  flatteur,  et, 
après  plus  de  quinze  jours  de  pour- 
parlers, se  rendit  avec  eux  au  camp 
du  grand-vizir  où  ils  arrivèrent  le 
13  janvier  1800.  Des  conférences 
commencèrent  immédiatement  et  se 
terminèrent  le  24  par  la  convention 
conclue  à  El-Arisch  entre  ces  pléni- 
potenliaires  et  les  délégués  du  grand- 
vizir  (14).  Il  fut  stipulé  par  cette  coii- 


Smilh  prétend  au  contrnire  (t.  I,  p.  217) 
que  la  force  des  Français  s'élevaif  à  plus 
du  (!oul)lfi  <ie  la  première  (livisioii  qui 
avait  opéré  le  (lébar(]ueinent,  que  les  Turcs 
furent  d'aiiord  vainqueurs  ,  le  qui  paraît 
difficile  à  croire,  et  que  leurs  ennemis  se 
seraient  trouvés  dans  la  po-ilion  la  plus 
critique  sans  rim[)éluosité  wn|iiudeute 
d'Osmau-Aga. 

(i3)  Klélier  prétend  au  contraire,  dans 
son  Rapport  au  Directoire,  qu'EI-Ai  isch  n'e.<t 
qu'un  méchant  fort  à  l'entrée  du  désert. 

(r4)  M.  Tliiers  dit,  dans  fon  Uisl.  de  ta 
Revolulion  française,  que  cette  couveulion 
ne  fut  signée  par  le  général  Desaix  que  le 
28  janvier.  La  co])ie  que  nous  avons  sous  les 
yeux  porte  la  date  du  2.',.  M.  Thiers  recoii- 


SMI 


303 


vention  que  l'armée  française  éva- 
cuerait l'Egypte  et  qu'elle  serait 
transportée  en  France  avec  armes  et 
bagages,  tant  au  moyen  des  vaisseaux 
de  guerre  et  des  transports  qu'elle 
avait  à  Alexandrie  qu'avec  ceux  que 
la  Porte  devrait  lui  fournir;  que  tous 
les  forts  et  places  qu'elle  occupait 
seraient  livrés  au.x  Turcs,  et  qu'il  y 
aurait,  en  attendant,  entre  les  deux 
armées  un  armistice  de  trois  mois  à 
partir  du  jour  de  la  signature  de  la 
convention,  qui  devait  être  ratifiée 
par  le  général  Kléber  et  par  le  grand- 
vizir.  Sidney  Smith  ne  signa  point 
cette  convention,  quoiqu'elle  fut  en 
grande  partie  son  ouvrage,  et  que 
dans  l'un  des  articles  on  s'en  remît 
à  sa  décision  sur  les  différends  qui 
pourraient  s'élever  relativement  au 
transport  de  l'armée  française  (15). 
Dans  l'intervalle  le  gouvernement 
anglais,  qui  avait  eu  avis  des  ouver- 
tures faites  par  le  général  Kléber  au 
grand-vizir  et  à  Sidney  Smith,  ayant 
intercepté  des  correspondances  an- 
nonçant que  l'armée  française  en 
Egypte  était  fort  affaiblie  et  dans  un 
grand  dénuement,  se  hâta  d'envoyer 

naît  que  Sidney  Smith  prit  toutes  les  pré- 
cautions nécessaires  pour  garantir  de  tout 
accident,  de  la  part  des  hordes  sauvagi  s 
co/ujiosant  l'armée  du  grand-vizir,  les  pléni- 
potentiaires français  confiés  à  sa  foi. 

(r5)  On  a  souvent  mis  en  question  en  Aii- 
gletene,  tant  dans  le  parlement  qu'ailleurs, 
le  droit  de  Sidney  Smith  de  prendre  part 
au  traité  d'EI-Arisch.  Ses  partisans,  et  entre 
antres  raut<'ur  de  ses  Mémoires,  préten- 
dent que  ce  droit  i  ésultait  de  la  teneur  des 
lettres  patentes  qui  lui  furent  délivrées  le 
j  septembre  1798  au  nom  de  son  souverain 
(leorge  lit.  M.iis  il  nous  semole  qu'on  donne 
trop  d'extension  aux  pouvoirs  conférés  à 
Sidney  Smith  dans  «^es  lettres  patentes  que 
nous  avons  pu  consulter,  puisqu'elle»  char- 
gent seule. nent  cet  officier  et  son  frère, 
John-Spen<'er  Smith,  de  négocier  et  de  con- 
clure un  traité  d'alliance  avec  le  sultan 
Sélim,  soit  conjointement,  soit  séparément, 
eu  leur  qualité  de  ministres  plénipoten- 
tiaires de  la  flrande-Tîretagne. 


304 


SMI 


ror(lr(i  formel  de  ne  lui  accorder  au- 
cune capilulatiou,  à  moins  qu'elle  ne 
se  rendit  prisonnière,  ta  noiilication 
que  lord  Keith,  commandant  en  chef 
des  forces  navales  de  l'Angleterre 
dans  la  Méditeirane'e,  en  fit  à  Sidney 
Smith  placé  sous  ses  ordres,  ne  i)ar- 
vint  à  celui-ci  ciue  le  22  février, 
c'est-à-dire  un  mois  environ  après 
la  signature  de  la  convention  d'EI- 
Arisch.  Il  agit  eu  cette  circonstance 
avec  une  extrême  loyauté,  à  laquelle 
Napoléon  rend  hommage  (16);setrou- 
vant  alors  sur  les  côtes  de  Chypre,  le 
Commodore  se  rendit  sur-le-champ  à 
Alexandrie  d'où  il  envoya  immédia- 
tement ii  Kl  éher  par  un  ex  près  la  lettre 
que  lord  Keith  l'avait  chargé  de  trans- 
meltre  à  ce  sujet  au  général  fran- 
çais. Déjà  celui-ci  avait  fait  évacuer 
et  remettre  au  grand  vizir  plusieurs 
positions  retranchées  et  se  disposait 
à  sortir  du  Caire.  Cette  place  eût 
été  certainement  livrée  aux  Turcs, 
et  l'armée  française  très-compromise 
et  peut-être  obligée  de  se  rendre,  si 
Sidney  Smith  eût  tenu  la  nouvelle 
secrète  pendant  sept  à  huit  jours 
seulement.  On  sait  quelle  fut  la  con- 
duite de  Kléber  dans  cette  circon- 
stance critique;  il  n'hésita  pas  un 
seul  instant,  lit  mettre  à  l'ordre  du 
jour  de  l'armée  la  lettre  de  Keith, 
accompagnée  de  cette  hère  et  courte 
réponse.  »  Soldats,  on  ne  répond  à 
de  telles  insolences  que  par  des  vic- 
toires ;  préparez-vous  à  combattre." 
Et  le  20  mars  il  avait  mis  les  Turcs 
dans  une  déroute  complète  auprès 
d'Héliopolis(t7).  Après  l'assassinat  de 

(i6)  Mémorial  de    Sainte-hélme,    t.    VI, 

p.    IÇ,-20. 

(17)  Diins  lesobservalionséciitesfiii  marge 
du  Mcpioire  adressé  par  Klélier  au  Direc- 
tt)ire,  le  26 septembre  1 799,  Napoléon  SLinLIe 
attribuer  l'iieroique  détermination  de  <e  gé- 
néral aux  dépêches  apportées  de  Franie  par 
le.roloiirl   Latoiir-Maubourg,  et  dans  les- 


SMI 

cet  illustre  guerrier  (14  juin  1800) 
{voy.  Klébeb,  XXII,  46i),  Sidney 
Smith ,  qui  avait  appris  que  le 
gouvernement  anglais,  appréciant 
mieux  la  difficulté  d'arracher  l'E- 
gypte à  l'armée  française,  avait 
ratifié  la  convention  d'EI-Arisch, 
renoua  les  négociations  avec  le  géné- 
ral Menou,  qui  venait  de  succéder  à 
Kléber.  Mais  il  était  trop  tard  ;  Menou 
refusa  positivement  d'exécuter  cette 
convention.  Sidney  Smith  était  oc- 
cupé à  croiser  sur  les  côtes  d'Egypte, 
lorsqu'une  flotte  anglaise,  chargée 
de  troupes  commandées  par  le  gé- 
néral  Abercromby,  vint  se  placer 
(6  mars  1801)  dans  la  rade  d'Aboukir 
et  opéra  un  débarquement.  Le  com.- 
modore  prit  part, à  la  tête  d'un  corps 
de  soldats  de  marine,  aux  affaires  drs 
8,  13  et  21  mars,  et  continua  sa  coo- 
pération jusqu'au  25  août, qu'Alexan- 
drie se  rendit  aux  Anglais  (IS);  événe- 
ment qui  fut  suivi  de  l'évacuation 
de  l'Egypte  par  l'armée  française  aux 
mêmes  termes  que  ceux  qui  avaient 


quelles  on  lui  annonçait  les  événements  qni 
venaient  de  se  passer  à  l'aris ,  etc.,  etc. 
«  Kléber,  dit  Bonaparte,  comprit  qu'il  fallait 
vaincre  ou  mourir;  il  nV-ut  qu'à  marcher.» 
Or  comme  Lati.ui-Maubonrg  n'arriva  au 
Caire  que  le  4  '«<"  et  que,  le  20  mars  j)récé- 
dent,  Kléber,  sans  attendre  des  instructions 
et  des  ordres  dont  il  n'avait  aucunement  lie- 
soiu,  avait  attaqué  et  battu  les  Turcs,  on 
voit  que  la  venue  de  Latour-Maubourg  ne 
put  influer  en  rien  sur  sa  conduite. 
M.  Tbiers,  en  ne  donnant  pas  la  date  pré- 
cise de  l'arrivée  du  colonel  Latour-^lau- 
bourg,  et  en  disant  que  «  Kléber  a])j)rit  la 
révolution  du  i8  brumaire,  et  la  non-exé- 
cution de  la  convention  d'EI-Arisch,  au 
moment  où  il  venait  de  se  dessaisir  des  posi- 
tions fortifiées,  »  veut  confirmer  indirecte- 
ment la  supposition  gr.i tuile  de  JN'apoléon. 
[Hist.  du  Consul,  et  de  l'Emp.,  t.  H,  pag.  .i(j.) 
(18)  Ce  fut  le  3o  août,  selon  M.  Tbiers 
{Histoire  du  Consulat  et  de  l'Empire,  t.  111, 
T).  iS'i).  La  nouvelle  en  parvint  à  Londres 
quelques  heures  seulemeiU  après  la  signa- 
ture des  ])réliminaires  de  paix  entre  la 
France  et  l'Ansleterre. 


SMI 

étt^  précédemment  arrêtés  dans  la 
convention  d'EI-Arisch.  Après  cette 
évacuation,  Sidney  Smith  visita  Jéru- 
salem, et  fut,  dit  son  historien,  le 
premier  Européen  qui, par  une  favejir 
spéciale,  obtint  la  permission  d'y  en- 
trer sans  déposer  ses  armes.  Le  5  sep- 
tembre il  s'embarqua  à  Alexandrie 
sur  la  frégate  le  Carmen,  avec  le  co- 
lonel Abercromby,  chargé  de  porter 
ainsi  que  lui  au  gouvernement  des 
dépêches  relatives  aux  derniers  évé- 
nements. L'accueil  qui  l'attendait  en 
Angleterre  'dut  singulièrement  le 
flatter;  toute  la  population  se  préci- 
pitait sur  ses  pas  ;  le  lord-maire,  réuni 
au  chambellan  et  à  la  majeure  partie 
des  aldermen  de  la  ville  de  Londres, 
le  reçut  en  grande  cérémonie  et  lui 
offrit  au  nom  de  la  corporation  une 
magnilique  épée  ;  et  à  l'élection  de 
18021a  ville  de  Rochester  le  choisit 
pour  son  représentant  à  la  chambre 
des  communes,  où  il  siégea  pour  la 
première  fois  le  16  novembre. On  doit 
faire  remarquer  que  dans  cette  occa- 
sion le  gouvernement  ne  lui  accorda 
aucune  faveur,  quoique  Pitt,  qui 
avait  critiqué  vivement  sa  conduite 
lors  de  la  convention  d'EI-Arisch, 
ne  fût  plus  ministre.  Au  renouvelle- 
ment des  hostilités  avec  la  France, 
il  obtint  (12  mars  1803)  le  comman- 
dement d'une  escadre  chargée  de 
croiser  sur  les  côtes  de  ce  pays,  et 
hissa  son  pavillon  à  bord  de  VAnte- 
îope  de  cinquante  canons.  Pendant 
qu'il  occupait  cette  station,  il  eut 
quelques  engagements  avec  la  flot- 
tille française  mouillée  près  d'Os- 
tende  (mars  1804)  ;  mais  il  reconnaît 
lui-même  dans  son  rapport  à  lord 
Keith  que  ce  fut  sams  succès,  et  qu'il 
Ha  put  empêcher  la  jonction  de  la 
flottille  de  Flessingue  avec  celle  d'Os- 
tende.  A  l'expiration  de  son  comman- 
dement, on  lui  accorda  le  poste  aussi 

LXXXII. 


SMI 


30- 


honorable  que  lucratif  de  colonel  des 
soldats  de  marine,  et  le  9  nov.  1805 
il  fut  nommé  contre-amiral.  Envoyé 
dans  la  Méditerranée  au  commence- 
ment de  l'année  suivante  (1806)  avec 
une  escadre  de  six  vaisseaux  de  ligne, 
quelques  frégates  et  canonnières 
pour  surveiller  les  côtes  du  royaume 
deNaples  dont  les  Français  venaient 
de  s'emparer,  et  pour  défendre  la 
Sicile  contre  leurs  attaques,  i!  arriva 
à  Palerme  vers  le  milieu  d'avril  sur 
le  Pompée  df.  quatre-vingts  canons.  H 
commença  par  ravitailler  Gaëte,  où 
il  laissa  une  flottille  de  canonnières 
sous  la  protection  d'une  frégate,  ce 
qui  n'empêcha  pas  cette  place  de  se 
rendre  aux  Français  le  13  juillet,  et 
entra  dans  la  baie  de  Naples  au  mo- 
ment où  l'on  célébrait,  des  fêtes  à 
l'occasion  du  couronnement  du  nou- 
veau roi  Joseph  Bonaparte.  Par  un 
sentiment  d'humanité,  Sidney  Smith 
ne  crut  pas  devoir  bombarder  cette 
capitale,  et  se  borna  à  s'emparer, 
après  un  siège  de  quelques  heures, 
de  l'ile  de  Caprée,  position  impor- 
tante qui  permettait  d'intercepter  les 
communications  de  l'ennemi.  Ce  fut 
pendant  sa  croisière  sur  les  côtes  de 
Naples  (1805-1806) que,  dans  des  dé- 
bats qui  eurent  lieu  en  Angleterre 
durant  son  absence,  il  se  trouva  gra- 
vement compromis  dans  une  affaire 
fort  délicate  qui  intéressait  l'hon- 
neur de  la  princesse  Caroline,  femme 
du  prince  régent  {voy.  Caroline, 
LX,  205).  Il  était  accusé,  ainsi  que  le 
capitaine  Manby  et  quelques  autres, 
d'avoir  eu  avec  elle  des  familiarités 
coupables.  Tout  en  cherchant  à  le 
disculper,  l'auteur  de  ses  Mémoires 
reconnaît  que  lors  de  son  séjour 
en  Angleterre  (1802),  après  l'aflaire 
de  Saint-Jean-d'Acre,  la  renommée 
que  Sidney  Smith  venait  d'acquérir 
lui  ouvrit  hs  portes  du  palais  de  la 
20 


306 


SMI 


princesse,  qui  semblait  prendre  un  vif 
intérêt  à  sa  conversation  aussi  spi- 
rituelle qu'originale,  et  il  ajoute  qu'il 
fréquentait  assidûment  la  sociélé  de 
cette  princesse  à  laquelle  ses  atten- 
tions plaisaient  singulièrement  (19). 
Cette  princesse  expliqua  dans  une 
lettre  au  roi  Georges  III  les  relations 
qu'elle  avait  eues  avec  sir  Sidney 
Smith,  et  réfuta,  tant  bien  que  mai, 
les  accusations  portées  contre  elle  à 
ce  sujet.  Lui-même  à  son  retour  en 
Angleterre,  ayant  eu  une  audience  du 
prince  de  Galles,  affirma  que  tout  ce 
qu'on  lui  avait  imputé  était  une  im- 
posture, et  on  ne  poussa  pas  les  cho- 
ses plus  loin  ;  mais  Sidney  Smith 
resta  éloigné  de  la  cour  tant  que  vécut 
le  roi  Georges  IV.  Aucun  événement 
remarquable  n'avait  signalé  sa  croi- 
sière, lorsque,  au  mois  de  janvier 
1807,  il  fut  invité  à  se  réunir  avec 
les  navires  qu'il  commandait  à  l'es- 
cadre du  contre-amiral  sir  Thomas 
Louis  pour  être  placés  tous  les  deux 
sous  les  ordres  du  vice-amiral  sir 
John  Duckworth.  Après  s'être  con- 
certé avec  M.  Arbuthnot,  ambassa- 
deur d'Angleterre  à  Constantinopie, 
qui  avait  vainement  réclamé  du  sul- 
tan une  déclaration  de  guerre  contre 
la  France  et  la  remise  de  la  flotte 
turque  complètement  équipée  comme 
gage  de  sa  sincérité  (20),  sir  John 
Duckworth  prescrivit  à  sir  Sidney 
Smith  de  forcer  le  passage  des  Dar- 
danelles. Le  19  février  cet  ordre  fut 
exécuté  sans  perte  sensible,  malgré 
la  terrible  canonnade  que  l'escadre 

(lû)  En  i8oa  la  priucesse  de  Galles  était 
âgée  de  34  ans  et  Sidney  Smitli  de  35. 

("ao)  C'est  ce  que  le  vice-amiral  Duckworth 
appelle  termsofequalitj-  andjuilice,  tellement 
les  Anglais  s'étaient  habitués  à  considérer 
comme  équital>Ies  leurs  prétentions  et  leurs 
exigen(  es  les  plus  iutolérables.  Ce  sont  les 
mêmes  qu'ils  s'étaient  efforcés  de  faire  pré- 
valoir devant  Copenhague. 


SMI 

anglaise  eut  à  essuyer  en  passant 
le  détroit  resserré  entre  les  châteaux 
de  Sestos  et  d'Abydos.  Parvenu  dans 
la  mer  de  Marmara,  Sidney  Smith 
attaqua  et  n'eut  pas  de  peine  à  dé- 
truire le  même  jour  une  division 
turque  composée  d'un  vaisseau  de 
64,  de  quatre  petites  frégates  et  de 
cinq  corvettes  ou  bricks  stationnés 
près  du  cap  de  Nagara,  dont  les  équi- 
pages se  trouvaient  pour  la  plupart 
à  terre.  Il  jeta  l'ancre  le  lendemain 
20  février  auprès  de  l'ile  des  Princes, 
à  environ  8  millesaiiglais  au  sud-est 
deConslautinople.  Pendant  les  pour- 
parlers, adroitement  traînés  en  lon- 
gueur parles  Turcs,  qui  eurent  lieu 
enire  M.  Arbuthnot  et  le  ministère 
ottoman,  les  premiers,  excités  par  le 
général  Sébastiani,  ambassadeur  de 
France,  et  par  les  officiers  d'artille- 
rie que  le  maréchal  Marmont  avait 
envoyés  de  l'armée  de  Dalmatie,  pré- 
paraient rapidement  des  moyens  de 
défense.  Lorsqu'ils  furent  terminés, 
la  Porte  témoigna  peu  de  désir  de 
continuer  les  négociations,  et  le  3 
mars,  après  une  démonstration  sans 
résultat  contre  la  ville  de  Constan- 
tinopie et  après  avoir  passé  douze 
jours  dans  la  mer  de  Marmara,  la 
flotte  anglaise  mit  à  la  voile  et  re- 
passa les  Dardanelles.  Cette  expédi- 
tion malheureuse  avait  coûté  aux 
Anglais,  suivant  leur  propre  évalua- 
tion, 42  à  46  hommes  tues  et  235 
blessés,  ainsi  qu'un  vaisseau  de  ligne, 
l'Ajax,  qui  fut  brûlé,  par  accident, 
dii-on.  Sir  Sidney  Smith,  qui  s'était 
rendu  à  Alexandrie  avec  son  escadre, 
en^fut  alors  rappelé,  et  il  arriva  en 
Angleterre  au  mois  de  juin  suivant. 
Il  y  fut,  comme  d'habitude,  par- 
faitement accueilli  par  le  peuple,  et 
l'amirauté  lui  confia  au  mois  d'oc- 
tobre le  commandement  en  chef 
d'une  escadre   avec  laquelle  il  fit 


SMI 


SMI 


307 


voile  pour  les  côtes  du  Portugal.  Ce 
royaume  était  à  cette  époque  sérieu- 
sement menacé  par  Napoléon  dont 
les  exigences  devenaient  chaque 
jour  plus  intolérables.  Le  puissant 
empereur  venait  d'enjoindre  en  der- 
nier lieu  au  prince  régent  (depuis 
Jean  VI)  de  fermer  tous  ses  ports 
aux  Anglais,  d'arrêter  tous  les  sujets 
britanniques  résidant  dans  ses  États, 
et  de  confisquer  enfin  toutes  les  pro- 
priétés anglaises.  Le  mécontente- 
ment qu'excitèrent  de  telles  préten- 
tions s'accrut  encore  lorsque  la  cour 
de  Lisbonne  apprit  que  le  souverain 
des  Français  avait  osé  déclarer  pu- 
bliquement que  la  maison  de  Bra- 
gance  avait  cessé  de  régner.  Il  n'était 
plus  dès  lors  possible  d'hésiter,  et  le 
prince  régent  se  décida  à  mettre  à 
exécution  un  projet  auquel  il- avait 
songé  depuis  quelque  temps,  celui 
de  quitter  définitivement  le  Portu- 
gal pour  chercher  un  refuge  au  Bré- 
sil. Après  s'être  concerté  avec  lord 
Strangford  ,  ambassadeur  d'Angle- 
terre à  Lisbonne,  il  fit  sortir  du  Tage, 
le  29  novembre  (1807),  toute  la  flotte 
portugaise,  ainsi  que  25  navires  mar- 
chands, et  s'embarquant  avec  le 
prince  de  Brésil,  toute  la  famille  de 
Bragance  et  un  grand  nombre  de 
serviteurs  fidèles,  il  se  joignit  à  l'es- 
cadre anglaise  qui  croisait  à  l'em- 
bouchure du  fleuve.  Sidney  Smith 
accueillit  avec  les  plus  grands  hon- 
neurs les  illustres  fugitifs,  et  déta- 
cha de  son  escadre  quatre  vaisseaux 
de  ligne  pour  leur  servir  d'escorte 
jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  arrivés  à 
leur  destination.  Il  continua,  avec  les 
cinq  vaisseaux  de  ligne  qui  lui  res- 
taient, le  blocus  du  port  de  Lisbonne 
et  des  côtes  du  Portugal  jusqu'au 
15  janvier  1808  qu'il  fut  remplacé 
par  sir  Charles  Cotton.  Le  13  mars 
suivant,  ayant  hissé  son  pavillon  à 


bord  du  Foudroyant  de  80  canons, 
il  mit  à  la  voile  pour  l'Amérique  mé- 
ridionale dont  il  devait  commander 
la  station.  Arrivé  à  Rio-Janeiro  le  17 
mars,  à  la  suite  d'un  dîner  d'apparat 
qu'il  donna  le  4  juin,  en  commémo- 
ration du  jour  de  naissance  du  roi 
d'Angleterre,  à  la  famille  royale  de 
Bragance  sur  le  vaisseau  amiral,  il 
eut  l'insolence  de  faire  couvrir  le 
pont  de  drapeaux  français  (21)  pour 
flatter  ses  hôtes.  Le  prince  régent  fit 
observera  cette  occasion  qu'il  devait 
à  son  fidèle  allié  et  à  ses  braves  su- 
jets d'avoir  pu  fouler  aux  pieds  les 
couleurs  de  la  nation  française  (22)  ; 
et  pour  témoigner  sa  reconnaissance 
à  Sidney  Smiîh,  il  lui  fit  présent  de 
l'étendard  de  Portugal  hissé  à  côté 
du  pavillon  anglais ,  et  lui  permit 
d'écarteler  les  armes  de  la  maison  de 
Bragance  avec  les  siennes  comme  un 
témoignage  de  sa  reconnais.cance 
pour  l'avoir  empêché  de  tomber  dans 
les  embûches  que  lui  avaient  tendues 
Bonaparte.  Cédant  aux  conseils  de 
Sidney  Smith,  le  prince  régent  fit  di- 
riger contre  la  Guyane  française  un 
corps  de  troupes,  soutenu  par  un  dé- 
tachement de  la  flotte  anglaise,  et  la 
colonie  fut  forcée  de  se  rendre.  Pen- 
dant son  séjour  au  Brésil,  Sidney 
Smith  eut  quelques  difficultés  avec 
les  autorités  du  pays,  et  l'on  doit 
reconnaître  qu'il  abusa  parfois  de 
sa  position.  On  lui  reproche  aussi 
d'avoir  pris  une  part  trop  active  aux 
affaires  de  la  politique  intérieure  de 
l'Espagne  et  du  Brésil  en  Amérique. 
La  cour  du  Brésil  était  divisée  en 


(ai)  «In  honour  of  the  royal  visitors,  thê 
deck  (vas  covered  wiih  freneh  flags.  »  Me- 
MOiRS..,  t.  II,  p.  128. 

(22)  «  He  was  indebled  to  hit  faithful  ally 
and  his  brave  subjecti ,  vho  enabled  him  to 
trample  under  hisfeetthecolourt  o/thêfreneh 
nation,  a  MsMoiRS,  t.  Il,  p.  129. 

20. 


308 


SMl 


deux  partis  distincts,  celui  ih\prince 
et  celui  de  \a princesse-^  il  était  con- 
sidéré comme  le  chef  du  second,  dont 
le  principal  but  politique  était  de 
placer  la  princesse  du  Brésil  à  la  tète 
d'un  gouvernement  indépendant  sous 
le  nom  de  son  frère  Ferdinand  Vil 
qui  se  serait  établi  dans  les  provinces 
de  la  Plata.  Ce  projet  ne  fut  pas  ap- 
prouvé  par  le    gouvernement  an- 
glais (23),  et  comme  il  avait  fortement 
déplu  au  prince  du  Brésil,  la  posi- 
tion de  Sidney  Smith  à  la  cour  de  Rio- 
Janeiro  cessa  d'être  aussi  agréable 
pour  lui  qu'elle  l'avait  été  dans  les 
premiers  temps.  Antérieurement,  et 
le  17  décembre  1808,  à  l'occasion  de 
l'anniversaire  du  jour  de  naissance 
de  la  reine  de  Portugal,  le  prince  ré- 
gent l'avait  nommé  chevalier  grand- 
croix  de  l'ordre  de  la  Tour  et  l'Épée, 
institué  en  1459  par  Alphonse  V,  sur- 
nommé l'Africain,  et  qu'il  venait  de 
faire  revivre-,  et  joignant  l'utile  à 
l'honorifique,  il  lui  avait  fait  don 
d'une  jolie  maison  de  plaisance  et  de 
terres  considérables  sur  les  bords  de 
la    rivière.    Néanmoins    ce    même 
prince,  mécontent  des  idées  politi- 
ques émises  et  soutenues  par  Sid- 
ney Smith,  crut  devoir  écrire  vers 
la  fin  de  1808  une  lettre  confiden- 
tielle à  Georges  III,  pour  demander 
que  cet  amiral  reçût  une  autre  des- 
tination ;  et  cet  appel  fut  d'autant 
mieux  entendu  que  lord  Slrangford, 
ministre  d'Angleterre  à  Rio-Janeiro, 
et  M.  Canning,  à  cette  époque  secré- 

(23^  Lesautorités  de  Cadix  étaient  persua- 
dées que  le  gouvernement  anglais  agissait 
dans  cette  circonstance  sans  lionne  loi,  et 
qu'il  jouait  un  double  jeu  en  affectant  de 
soutenir  les  droits  de  Ferdinand  VII  en 
Europe,  tandis  que  ses  agents  intriguaient 
secrètement  en  Amériqr.e  pour  transférer 
les  colonies  de  l'Espagne  dans  cette  partie 
du  monde  à  ses  anciens  et  naturels  ennemis 
les  Portugais,  sur  l'oljéissance  desquels  il 
comptait  davantage. 


SMI 

taired'Etat,  partageaient  les  opinions 
du  régent;  Sidney  Smith  fut  rn  con- 
séquence  rappelé.  Le  21  juin  1809 
il  quitta  le  Brésil  sur  la  frégate  la 
Diane,  et  le  7  août  suivant  il  arriva 
en  Angleterre,  où  le  comité  des  mar- 
chands de  Londres  en  relations  de 
commerce   avec    l'Amérique    méri- 
dionale lui  adressa,  le  17  du   même 
mois,  ses  félicitations  sur  son  heu- 
reux retour    et  des    remercîments 
pour  la  protection  éclairée  qu'il  avait 
accordée,    pendant    son    séjour  au 
Brésil,  aux  intérêts  du  commerce  et 
de  la  navigation  de  la  Grande-Breta- 
gne. Avant  la  fin  de  la  même  année 
(11  octobre) ,  Sidney  Smith  épousa 
la  veuve   de  sir  Georges  Bernman 
Rumboldt  qui  avait  exercé  à  Ham- 
bourg les  fonctions  de  consul  de  la 
Grande-Bretagne  ,  et  traita  avec  la 
tendresse  d'un  père  les  enfants  que 
ce  dernier  avait  laissés.  En  1810  et  le 
31  juillet  il  fut  élevé  au  rang  de  vice- 
amiral  ,   et  vers  cette  époque  l'uni- 
versité d'Oxford  lui  conféra  la  dis- 
tinction   purement   honorifique    de 
docteur  en  droit.  Pendant  son  séjour 
à  Liverpool  au  mois  de  septembre 
1810,  le  maire  et  les  aldermeu  l'ac- 
cueillirentavec  distinction  et  le  corps 
des  marchands  lui  donna  un  grand 
dîner   oii    l'on   prononça  plusieurs 
discours  en  son  honneur.  Au  mois 
d'août  précédent,  le  lord-prévotetles 
magistrats  d'Edimbourg  lui  votèrent 
à  l'unanimité  les  libertés  de  la  cité, 
et   l'université  de  Cambridge   l'in- 
vestit du  degré  de  maître  ès-arts  , 
le  plus  élevé  qu'elle  peut   accorder 
(honoris  causa  .  Depuis  son  rappel 
du  Brésil  en  1809,  Sidney  Smilh  n'a- 
vait   pas   été  employé  activement, 
lorsqu'il  fut  nommé ,  dans  l'été  de 
1812,  commandant  en  second  de  la 
station  de  la  Méditerranée  sous  les 
ordres  de  .sir  Edward  Peiew,  appelé 


SMl 


SMl 


309 


plus  tard  lord  Exmouth.  Il  se  rendit 
immédiatement  à  son  poste  et  hissa 
son  pavillon  à  bord  du  vaisseau  de 
haut  bord  VHibernia,  mais  il  n'eut 
aucune  occasion  de  se  faire  remar- 
quer pendant  celle  espèce  de  croi- 
sière. Au  commencement  de  1814 
Sidney  Smith,  qui  n'était  pas  en  de 
bons  termes  avec  sir  E.  Pelew,  fut 
détaché  de  la  flotte  et  envoyé  à  Ca- 
gliari,  probablement  pour  aider  au 
mouvement  politique  qui  s'y  prépa- 
rait,  et  ne  tarda  pas  à  retourner  en  An  • 
gleterre.Ce  fut  à  la  même  époque  que 
la  corporation  de  Plymouth  lui  vota 
les  libertés  de  la  cité,  qu'il  conçut 
l'idée  d'une  société  destinée  àmettre 
un  terme  à  l'esclavage  des  blancs,  et 
qu'il  se  rendit  à  Paris  avec  sa  famille. 
Pendant  son  séjour  dans  cette  capi- 
tale, Sidney  Smith,  qui  prenait  le  titre 
de  président  des  chevaliers  libéra- 
teurs des  esclaves  blancs  e»  Afrique, 
chercha  à  donner  à  l'association  phi- 
lanthropique dont  il  était  le  créateur 
une  grande  extension,  en  y  faisant 
admettre  les  principaux  personnages 
des  différents  États  de  l'Europe.  Il 
entretenait  avec  eux,  ainsi  qu'avec 
les  consuls  de  toutes  les  nations  près 
des  régences  barbaresques,  une  cor- 
respondance des  plus  étendues,  mais 
les  résultats  ne  répondirent  pas  à  ses 
efforts.  L'expédition  de  lord  Ex- 
mouth contre  le  dey  d'Alger,  loin  de 
favoriser  les  progrès  de  son  entre- 
prise, sembla  l'annihiler,  et  elle  s'é- 
teignit enfin  sans  laisser  de  traces 
sérieuses.  Créé  à  la  fin  de  1815 
chevalier  commandeur  de  l'ordre 
du  Bain,,  il  obtint,  le  19  juillet 
1821 ,  le  rang  d'amiral,  et  mourut  le 
26  mai  1840  à  Paris,  où  on  lui  fit  de 
superbes  funérailles.  Sidney  Smith  a 
été  diverse  menl  jugé  ;  tandis  que  ses 
amis  et  ses  partisans  relèvent  jus- 
îju'auilt  nues  et  16  leprësenli-nt  comme 


un  héros  presque  parfait,  ses  ad- 
versaires au  contraire,  au  témoi- 
gnage même  de  l'auteur  de  ses  Mé- 
moires, en  font  un  charlatan  heu- 
reux, brave,  mais  sans  conduite, 
rusé  (cunning),  arrogant  et  présomp- 
tueux dans  sa  jeunesse,  et  plongé 
plus  tard  dans  les  vapeurs  d'une  in- 
tolérable vanité;  ij  poussait  aussi  à 
l'excès,  suivant  eux,  la  u)anie  de  se 
présenter  partout  la  poitrine  entiè- 
rement couverte  de  rubans  et  de  cra- 
chats. Si  ses  propres  compatriotes 
ont  justement  reproché  à  Sidney 
Smith  et  des  ridicules  et  une  exces- 
sive présomption,  il  faut  reconnaître, 
pour  être  impartial,  qu'il  était  doué 
de  réelles  et  éminentes  qualités; 
marin  habile,  audacieux  et  intrépide, 
quoique  souvent  téméraire,  il  a  fait 
preuve,  en  plusieurs  circonstances, 
d'un  caractère  chevaleresque  et  d'une 
grande  loyauté,  et  ce  n'est  pas  une 
petite  gloire  pour  lui  d'avoir  mérité 
que  son  nom  fût  cité  avec  éloge  dans 
les  écrits  laissés  par  Napoléon.  L'au- 
teur semi-anonyme  de  Raltling  the 
Reefer  a  publié  les  Mémoires  de  Sid- 
ney Smith  sous  le  titre  deMemoirs  of 
admirai  sir  Sidney  Smith, Londres, 
1839,  2  vol.  in-8«.  —  L'amiral  avait 
deux  frères:  l'un,  colonel  dans  l'ar- 
mée anglaise,  était,  en  1818,  gou- 
verneur de  l'île  d'Edouard,  autrefois 
île  Saint-Jean,  située  k  l'embouchure 
du  fleuve  Saint-Laurent  et  auprès  du 
cap  Breton  ;  l'autre,  John-Spencer 
Smith,  s'était  fixé  en  France  {voy. 
l'art,  suiv.)  D — z— s. 

SMITH  (John-Spencer),  frère  du 
précédent  et  troisième  fils  de  John 
Smith,  naquit  à  Londres  le  11  sept. 
1769.  Il  avait  passé  quelque  temps  à 
l'université  d'Oxford  lorsque, encore 
entant,  il  entra  dans  les  pages  de  la 
reine  Charlotte.  Sa  première  jeunesse 
fut  partagée  entre  les  rivages  de  DoU 


310 


SMI 


vres,  où  il  était  presque  devenu  ma- 
rin, l'université,  où  commencèrent 
ses  éludes,  et  la  cour,  où  il  fit  son 
entrée  dans  le  monde  et  où  il  sut  se 
concilier  la.  faveur  de  la  reine,  qui  le 
fit  nommer,  très-jeune, lieutenant  en 
second  dans  le  3®  régiment  des  gardes 
à  pied.  Son  zèle  et  son  intelligence 
lui  valurent  bientôt  le  grade  d'adju- 
dant de  son  bataillon;  mais  il  n'eut 
pas  assez  de  raison  pour  mettre  des 
bornes  à  ses  prodigalités.  Trois  ou 
quatre  années  s'étaient  à  peine  é- 
coulées  qu'il  se  vit  forcé,  par  des 
embarras  pécuniaires,  de  passer  dans 
un  régiment  de  ligne,  et  il  ne  tarda 
pas  à  quitter  l'état  militaire,  avec  le 
projet,  qu'il  n'accomplit  jamais,  d'y 
rentrer  par  la  suite.  Bientôt,  à  l'exem- 
ple de  beaucoup  de  ses  jeunes  com- 
patriotes, il  vint,  avec  son  frère 
Sidney,  passer  quelque  temps  au  col- 
lège militaire  de  Caen,  auquel  était 
annexée  alors  une  célèbre  école  d'é- 
quitation.  Les  deux  frères  voyagèrent 
ensuite  dans  l'Est,  s'embarquèrent 
sur  la  mer  Noire  et  se  rendirent  en 
Turquie;  mais  la  guerre  ayant  éclaté 
entre  la  France  et  l'Angletterre,  Sid- 
ney s'empressa  de  rentrer  dans  sa 
patrie,  tandis  que  Spencer,  resté  à 
Constantinople,  s'occupait  de  faire 
une  espèce  de  Revue  militaire  de  l'em- 
pireOttoman,  lorsque,  dans  ledessein 
de  profiter  des  connaissances  qu'il 
avait  acquises  sur  ce  pays,  sir  Robert 
Liston,  ambassadeur  d'Angleterre, 
lechoisit  pour  son  attaché.  C'estainsi 
qu'il  entra  dans  la  carrière  diploma- 
tique. Bientôt,  et  précisément  à  l'é- 
poque de  l'invasion  de  l'Egypte  par 
l'armée  française  sous  les  ordres  de 
Bonaparte,  sir  Robert  Liston  sollicita 
sa  retraite  pour  cause  de  santé,  et 
laissa  Spencer  Smith  à  la  tête  de  l'am- 
bassade anglaise  à  Constantinople. 
Cependant  Sidney  avait  été  nommé 


SMI 

capitaine  du  Tigre^  vaisseau  de  guerre 
de  80  canons,  et  le  gouvernement, 
sur  la  réputation  qu'ils  s'étaient  ac- 
quise en  Orient,  voulant  utiliser  les 
talents  des  deux  frères,  les  nomma 
ensemble  ministres  plénipotentiaires 
près  la  Porte-Ottomane.  Ils  furent 
autorisés  à  agir,  conjointement  ou 
séparément,  aux  termes  des  pleins 
pouvoirs  qui  leur  furent  délivrés, 
sous  la  date  du  30  sept.  1798,  faveur 
inouïe,  eu  égard  à  leur  position  pré- 
sente. Peu  de  temps  après  son  arrivée 
à  Constantinople,  Spencer  Smith 
épousa  lafillederinternonce  impérial 
près  la  Porte-Ottomane,  le  baron  de 
Herbert-Rathkeale,  un  des  hommes 
les  plus  distingués  de  l'Autriche.  C'est 
pendant  son  séjour  en  Turquie  que 
Spencer  se  lia  avec  le  baron  de  Ham- 
mer.  Ce  prince  des  orientalistes  de 
l'Europe  depuis  la  mort  de  Silvestre 
de  Sacy  remplissait  alors,  auprès  de 
l'internonce  impérial,  les  fonctions 
d'interprète, et  fit  ensuite  la  campagne 
d'Egypte  avec  Sidney,  comme  secré- 
taire et  interprète. Le  5  janvier  1799, 
les  deux  frères  signèrent ,  en  leur 
qualité  de  plénipotentiaires,  le  pre- 
mier et  même  le  seul  traité  d'alliance 
de  l'Angleterre  avec  la  Porte.  Nous 
avons  sous  les  yeux  un  cahier  de 
V Ambigu,  espèce  de  Revue  publiée  à 
Londres,  par  Peltier  (N"  89  du  20  sep- 
tembre 1805)  j  nousy  trouvons  quel- 
ques documents  d'où  il  semble  résul- 
ter que  le  docteur  Pouqueville,  dans 
son  Voyage  en  Morée,  à  Constanti- 
nople, etc. ,  pendant  les  années  1798 
à  1801,  a  calomnié  la  conduite  des 
frères  Smith  envers  les  malheureux 
Français  fiiits  prisonniers  par  les 
Anglais  à  la  bataille  d'Aboukir,  et  que 
les  hasards  de  la  guerre  avaient  en- 
tassés dans  l'horrible  bagne  de  Con- 
stantinople, tandis  qu'ils  se  sont  au 
contraireefforcésjconjointementavec 


SMI 


SMI 


311 


le  baron  de  Herbert,  non-seulement 
d'adoucir  leur  position,  mais  encore 
de  les  faire  rendre  à  ia  liberté  ;  qu'ils 
les  accueillirent  honorablement  au 
palais  d'Angleterre  et  s'occupèrent 
de  les  faire  transporter  à  Toulon,  sur 
un  navire  impérial  parlementaire,  le 
San-Nicolo^  sous  la  conduite  d'un 
officier  anglais  du  bord  de  sir  Sidney. 
Ces  prisonniers  en  ont  témoigné  leur 
reconnaissance  aux  deux  frères  avant 
leur  départ   et  depuis  leur    retour 
en    France,    par    diverses    lettres. 
C'est  ici  le  lieu  de  dire  que  Fauvel, 
qui,  pendant  très-longtemps,  fut  em- 
ployé à  Athènes  à  recueillir  des  ma- 
tériaux de  toute  espèce  pour  l'ouvrage 
de  Choiseul-Goudier  sur  le  Levant, 
jeté  en  prison,  craignant  d'être  dé- 
pouillé de  son  immense  colleclion  de 
dessins  et  d'objets  précieux,  fruit  de 
dix-huit  années  de  voyages,  de  tra- 
vaux, eut  recours,  dans  ce  pressant 
danger,  à  la  protection  de  Spencer,  qui 
s'empressa  de  faire  rendre  à  la  liberté 
cet  artiste  distingué,  bien  connu  des 
antiquaires,  qui  sauva  tous  ses  pa- 
piers ainsi  que  tous  les  matériaux 
qu'il    avait   si    laborieusement   re- 
cueillis,et  dont  le  docteur  Pouque- 
ville  a  été  heureux  de  profiter  ensuite, 
pour  la  description  des  Vestiges  d'O- 
lympie  et  la  topographie  des  Ther- 
mopyles,  que  lui  a  donnés  Fauvel, 
et  qui  font  la  meilleure  partie  de  son 
ouvrage.  D'autres  Français,  gémis- 
sant dans  les  fers  à  Constantinople, 
notamment  l'artiste  Binet,  éprouvè- 
rent les  effets  de  la  protection  anglaise. 
Après  le  déjjart  de  son  frère  Sidney 
Smith  (1799),  Spencer  resta  seul  am- 
bassadeur en  titre  dans  le  Levant,  jus- 
qu'à ce  qu'il  fût  remplacé  par  lord  El- 
gin,  et  envoyé,  en  la  même  qualité,  au 
mois  de  février  180i,  à  Stuttgard, 
qu'ilquittaprécipitamment,le3  avril, 
après  avoir  brûlé  tous  ses  papiers, 


par  suite  de   l'arrivée  de   l'armée 
française.  Le  gouvernement  consu- 
laire l'accusa  d'avoir  reçu  alors  une 
mission  relative  à  la  conspiration  de 
Georges  {voy.  les  Mémoires  tirés  des 
papiers  d'un  homme  d'État,  t.  VI, 
p.  29S-3I0,  et  t.  VIII,  p.  344).  Spen- 
cer Smith  ne  fut  pas  plutôt  de  retour 
dans  sa  patrie  que  la  ville  de  Douvres 
l'élut  membre  du  parlenient,  et  ce  fut 
sa  dernière  fonction  publique.  Dési- 
rant jouir  enfin  d'une  doucetranquilli- 
té,il  se  rappela  le  beau  pays  de  France, 
et  vint,  en  1817, après  laseconde  Res- 
tauration, se  fixer  à  Caen,  où  il  con- 
sacra le  reste  de  sa  carrière  à  ses  goûts 
pour  les  études  littéraires,  auxquelles 
il  se  livra  avec  un  zèle  constant,  et 
publiadivers  ouvrages  qui,  sans  être 
dépourvus  d'un  mérite  réel,  sont  ce- 
pendant loin  dedonner  une  juste  idée 
de  la  valeur  de  son  esprit.  Il  avait 
beaucoup  vu,  beaucoup    observé  et 
beaucoup  retenu.    Sa   conversation 
était    fort   intéressante,  et   parfois 
captivait  vivement.  Spencer,  quoique 
dans    une    situation     moins    émi- 
nemment remarquable  que  son  frère, 
ne  sefitpas  raoinsaimeretdistinguer 
parlesqualitésducœuretde  l'esprit, 
par  sa  fidélité  à  remplir  ses  devoirs 
et  à  veiller  aux  intérêts  particuliers 
de  son  pays  sans  négliger  les  intérêts 
généraux  de  l'humanité;   par    son 
habileté  à  discerner  les  hommes  de 
mérite;  enfin,  par    sa  constance  à 
semer  des  bienfaits,  avec  la  presque 
certitude  de  n'obliger  que  des  ingrats, 
et,  danssesderniers  temps,  il  encou- 
rageait les  amateurs  des  lettres  avec 
une  rare  libéralité,  en  souscrivant  à 
la    plupart   des    publications   nor- 
mandes. C'est  le  5  juin  1845    qu'il 
termina  une  longue  carrière,  hono- 
rablement remplie.  Il  était  docteur 
en  droit  civil,  et  membre  de  l'uni - 
versiléd'Oxford,de  la  Société  Royale, 


312 


SMl 


SMI 


de  la  Société  des  Antiquaires  et  de 
la  Société  pour  l'Encouragement  des 
arts,  manufactures  et  commerce  de 
Londres  ;  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  France  ;  de  la  Société 
géologique  et  de  la  Société  asiatique 
de  Paris  ;  de  iaSociétédes  Antiquaires 
et  delaSociéléLinnéennedeNorman- 
die;  des  Académies  royales  de  Caen 
tt  de  Rouen,  elc.  Outre  plusieurs 
Diémoircs  insérés  dans  les  recueils 
de  ces  compagnies, on  a  de  J. -Spen- 
cer Smith  :  I.  Le  jeu  du  whist^  traité 
élémentaire  des  lois,  règles,  maximes 
et  calculs  de  ce  jeu,  appuyé  d'exem- 
ples tirés  des  meilleures  autori- 
tés, etc.,  trad.  de  l'anglais  et  rédigé 
de  nouveau  à  l'usage  des  sociétés 
françaises,  Caen,  1819-1825,  in-12. 
II.  Description  d'unmonument  arabe 
du  moyen-âge,  existant  en  Norman- 
die, Caen,  1820,  in-S».  lil.  Précis 
d'un  mémoire  sur  une  cassette  orien- 
tale à  Bayeux,  qui  sert  à  conserver 
les  vêtements  sacerdotaux  de  saint 
Regnobert,évéque  de  ce  diocèse  dans 
le  Vi*'  siècle  lu  à  l'académie  de  Caen, 
1 820,  i n-8°,  avec  gravures.  IW.  Notice 
nécrologique  sur  Bruguière  deSor- 
sum,  lue  à  l'académie  de  Caen,  1823, 
in-S".  Spencer  Smith  fit  réimprimer 
cet  le  iVo/ice  dans  l'édition  qu'il  donna 
du  Voyageur,  discours  en  vers  fran- 
çais par  feu  Bruguière  de  Sorsum, 
avec  une  traduction  en  vers  anglais 
en  regard  ,  par  Edward  -  Herbert 
Smith  fils,  Caen,  1827,  in-S».  {Voy. 
Bbuguière,  LIX,  351.)  V.  Examen 
d'une  note  ajoutée  par  le  traducteur 
français  (A.  -  L.  Léchaudé)  aux  Anti- 
quités  anglo-normandes,  Caen,  1824, 
in-8°.  VI  et  VII.  Mémoire  sur  la 
culture  de  la  musique  dans  la  ville 
de  Caen  et  dans  l'ancienne  Basse- 
Normandie,  lu  à  l'académie  de  Caen 
etè  la  séance  fondulrice  de  la  Société 
€^cUienne  de  Normandie,  !e  10  et  k 


22  nov.  1826,  Caen  et  Paris,  1827, 
in  -8°.  — -  Cantate  pour  le  jour  de 
sainte  Cécile,  patronne  de  la  musi- 
que, traduction  libre  en  vers  fran- 
çais de  l'ode  anglaise  de  Dryden,  in- 
titulée :  le  Banquet  d'Alexandre, 
par  madame  Spencer  Smith,  lue  dans 
les  mêmes  séances  académiques  ;  se- 
conde édition,  avec  le  texte  anglais 
en  regard,  et  augmentée  de  notes 
critiques  sur  la  vie  et  les  actes  de 
sainte  Cécile,  tirées  des  plus  célèbres 
hagiographes,  par  l'éditeur,  Caen, 
1827,  in-8«.  L'éditeur  était  le  mari 
de  la  traductrice,  et  c'est  aussi  par 
les  soins  de  Spencer  Smith  que  la 
V^  édition  de  cette  Cantate  avait 
paru  en  1826.  VIII.  Coup  d'œil  sur 
l'histoire  d'Angleterre,  depuis  1485 
jusqu'en  1509,  discours  apologétique 
sur  le  règne  de  Henri  VII,  roi  d'Angle- 
terre, trad.  de  l'anglais  de  John  Twed- 
del  {voy.  ce  nom.  XLVII,  118),  lu  à 
l'académie  de  Caen,  le  28  avril  1826, 
Paris,  1831,  in-S».  IX.  Discours  pro- 
noncé à  l'académie  de  Caen,  le  25 
mai  1832,  par  John-Spencer  Smith, 
en  présentant  de  la  part  de  l'auteur 
(M.  de  Hammer)  une  nouvelle  édi- 
tion grecque  des  écrits  de  Marc-Au- 
rèle-Antonin,  avec  une  version  per- 
sanne  en  regard,  Paris,  1832,  in-8°. 

X.  Souvenirs  de  l'assemblée  géné- 
rale tenue  par  la  Société  linnéenne  de 
normandie, à  Bayeux,  le  4  juin  1835. 

XI.  Collectanea  gersoniana,  ou  Re- 
cueil d'études, de  recherches  et  de  cor- 
respondances littéraires  ayant  Irait 
au  problème  bibliographiquede  l'ori- 
gine de  V Imitation  de  Jésus-Christ, 
Caen,  1842.  Dès  1840  Smith  avait 
publié  un  opuscule  attribuéliGerson: 
Qvedam  rcgvle  de  modo  tiivlandi 
sev  apificandi  pro  novellis  icripto^ 
ribvs  copvlate.  C'est  le  fac-similé 
d'un  Iragineuî  manuscrit  du  XV^  sic* 
tic,  iaisùîii  partie  Us  u  bibUythi(iUt*i 


SMI 

et  qu'il  croyait  avoir  appartenu  à 
Gerson.  Il  le  regardait  non-seulement 
comme  une  rareté  bibliographique, 
mais  conmie  un  manuel  et  un  spéci- 
men de  pale'ographie.  L'année  sui- 
vante, il  réunit  cet  opuscule  à  un  au- 
tre éérit  de  Gerson,  et  les  fit  paraître 
sous  ce  titre  :  Johannis  Carlerii 
dicti  de  Gersono  de  lavde  scriptorvm 
tractâtes  accedvnt  eivsdem  qvedam 
regvle,  etc.,  Rouen,  1841.11  a  publié, 
en  y  ajoutent  des  notes  :  Mithriaca^ 
ou  les  Mithriaques,  mémoire  aca- 
démique sur  le  culte  solaire  de  Mi- 
Ihra  ,  par  Joseph  de  Hammer,  Paris, 
1833,  avec  gravures  au  trait.  Tous 
ces  écrits  ont  été  tirés  à  un  petit 
nombre  d'exemplaires.  Avant  de  ve- 
nir se  fixer  en  France,  Spencer  Smith 
avait  donné  à  Londres,  en  1815,  une 
nouvelle  édition  de  Robinson  Crusoé 
en  anglais,  revu  et  corrigé, dans  le  but 
de  servir  à  l'instruction  des  marins, 
et  enrichi  de  notes  techniques  et 
géographiques,  avec  cartes,  mappe- 
monde et  index.  Cette  publication  est 
peut-être  celle  qui  a  eu  le  plus  de 
succès  et  lui  a  fait  le  plus  d'hon- 
neur. B  — IN. 

SMITH  (Constance  Spencer), 
épouse  du  précédent,  née  àConstan- 
tinople,  était  fille  du  baron  de  Her- 
bert -  Ralhkeale,  internonce  autri- 
chien près  la  Porte-Ottomane,  et  tut 
mariée  à  Spencer  Smith,  ^qui  -rési- 
dait alors  dans  la  même  ville.  Cette 
dame  témoigna  un  généreux  inté- 
rêt aux  prisonniers  français  déte- 
nus dans  lebagnede  Constantinople 
{voy.  l'art,  précédent),  et  contribua 
beaucoup  à  leur  faire  rendre  la  li- 
berté. Aussi  le  colonel  du. génie  Pas- 
cal Vallongue,  en  son  nom  et  on 
celui  de  46  autres  Français,  sortis 
de  captivité  le  15  janvier  1799,  lui 
adressa  une  pièce  de  vers,doîit  nouj! 
ciîeron?  le  pasrago  juivant  i 


SiMI 


313 


Partout  il  sera  répété. 
Par  la  voix  de  la  gloire  et  de  rbumanité, 
Cet  hommage  inspiré  par  la  reconnaissauce  : 
Des  Français  dans  les/ers  gémissaient  à  liy- 

Spencer  les  entendit,  accueillit  leur  malheurj 
Leur  sort  toucha  la  belle  et  sensible  Constance, 
Sidney  vint,  et  Sidney  fut  leur  libérateur. 

Lorsque  Sidney  Smilh  quitta  Con- 
stantinople, en  1799,  à  bord  du  vais- 
seau de  guerre  ^e  Tigre, Sà  belle-sœur 
Constance  lui  remit,  sur  le  pont  même, 
un  étendard  qu'elle  avait  travaillé 
de  ses  propres  mains,  et  qui  devait, 
quelques  semaines  plus  tard,  flotter 
sur  les  murs  de  Saint-Jean  d'Acre. 
C'est  à  ce  fait  que  se  rapporte  une 
strophe  du  poème  intitulé  :  la  Déli- 
vrance d'Acre,  par  M.  de  Hammer, et 
qui  parut  la  même  année  1799,  sans 
nom  d'auteur  ni  indication  du  lieu 
d'impression.  Madame  Smii  h  se  t  rou- 
vait  à  Venise  en  1806,  lorsque  les 
Français  se  rendirent  maîtresde cette 
ville  ;  elle  fut  arrêtée  comme  femme 
d'un  ministre  anglais,  d'après  un 
ordre  envoyé  directement  de  Paris 
à  Milan  pour  la  faire  conduire  en 
France  ;  mais  à  Brescia  elle  trompa 
la  vigilance  de  ses  gardes,  et  parvint, 
avec  beaucoup  de  peine  et  à  l'aide 
de  déguisements,  à  se  soustraire  aux 
poursuites  et  à  regagner  l'Angleterre 
l'année  suivante.  En  traversant  l'O- 
céan pour  se  rendre  de  nouveau  d'An- 
gleterre près  de  ses  parents,  en  Al- 
lemagne, elle  fit  naufrage  sur  les 
côtes  de  l'Espagne.  Comme  ce  pays 
était  alors  en  guerre  avec  les  Anglais 
et  qu'elle  se  trouvait  à  bord  d'un  na- 
vire de  cette  nation,  on  la  conduisit 
prisonnière  à  Cadix;  mais  le  consul 
d'Autriche  lui  fit  obtenir  la  permis- 
sion de  se  rendre  à  Gibraltar,  d'où 
elle  alla  rejoindre  son  beau-frère, 
qt:i  avait  alors  un  commandement 
«iatis  la  Méditerranée,  Pendant   c«3 


314 


SMI 


voyage,  elle  séjourna  quelque  lemps 
en  Sicile  et  à  Malle  (1809),  où  elle  vit 
lord  Byrnn,  qui  lui  adressa  une  des 
plus  jolies  pièces  de  vers  qu'il  ait 
composées  pdur  des  dames,  et  lui 
consacra  quatre  strophes  de  Childe 
Harold  (chap.  II,  30  33);  dans  une 
lettre  à  sa  mère,  le  noble  poète  en 
parle  aussi  avec  les  plus  grands  élo- 
ges. Madame   Spencer  Smith  était 
d'autant  plus  di^ne  de  l'hommage 
du  barde  anglais  qu'elle  était  elle- 
même  douée   d'un    talent  poétique 
très-distingué.  Elle  a  composé  sur- 
tout des  vers  français  dont  le  charme 
et  l'élégance  remplissent  de  surprise, 
lorsqu'on  songe  qu'ils  sont  l'œuvre 
d'une  femme  qui  avait  à  peine  passé 
quelques  semaines  en  France.  Née 
sur  les  rives  du  Bosphore,  madame 
Smith  avait  toujours  conservé  pour 
la  mer  un  amour  plein  d'enthou- 
siasme. Sentant  approcher  le  terme 
de  ses  jours,  elle  voulut  revoir  encore 
une  fois  l'élément  qui  lui  était   si 
chéri  et,  inspirée  de  sa  présence, 
elle  retraça,  dans  uu  poème  en  trois 
chants,  intitulé  :  Derniers  adieux  à 
la  mer,  toutes  les  émotions  qui  rem- 
plissaient son  âme.  Celte  production, 
empreinte  d'une  vraie  sensibilité,  as- 
sure à  son  auteur  l'un  des  premiers 
rangs  parmi  les  dames  étrangères 
qui  ont  cultivé  la  poésie  française. 
Le  passage  suivant  suffira  pour  jus- 
tifier cet  éloge  : 

•  Il  faut  donc,  sans  espoir,  que  je  le  quitte  encore, 
0  iner  que  j'iilolàlre,  û  miroir  de  l'aurore  I 
Et  ces  tristes  regjrcis  que  l'adresscnl  mes  yeux 
Sont  li-ur  dernirrliomniagc  el   mes  derniers  adieui  ! 
Le  premier  de  mes  jours  naquit  sur  ton  rivage  t 
Tu  »is  mes  piiemiers  pas  s'cs>ajur  sur  ta  plag»  ; 
Et  ces  jeux  innocents,  el  ces  petits  courroux, 
£t  ce  rire  enfuulin  dunl  le  charme  est  si  doux  I 
Ainsi  mes  jeunes  ans  près  de  toi  s'écoulèrent; 
Ainsi  mes  premiers  pleurs  à  tes  flots  se  mêlèrent. 
Si  le  sort  sur  ta  rire  a  placé  mon  berceau, 
Pourquoi  rcfuse-l-il  d'y  creuser  mon  tombeau  ? 

Elle  traduisit  librement  de  l'anglais 


SMI 

en  vers  français  l'ode  de  Dryden, 
pour  le  jour  de  Sainte-Cécile,  in- 
titulée :  Le  Banquet  d'Alexandre,  ou 
le  Pouvoir  de  la  musique,  cantate 
qui  fut  lue  par  son  mari  dans  des 
st^ances  académiciues  et  imprimée  à 
Caen.  Madame  Constance  Spencer 
Smith  mourut  à  Vienne  le  21  oct. 
1829,  laissant  deux  fils  :  M.  William 
Smith,  capitaine  de  vaisseau,  et  le 
révérend  Edward  -  Herbert  Smith, 
membre  de  l'université  de  Cambridge 
et  de  la  Société  des  antiquaires  de 
Normandie,  dont  nous  avons  parlé  à 
l'article  de  son  père.  M.  G. -S.  Tré- 
butien  a  rédigé  sur  cette  dame  une 
Notice  nécrologique  (Caen,  1829), 
d'où  nous  avons  extrait  les  détails 
qu'on  vient  de  lire.  Z. 

SMITH  (SiDNEY),  écrivain  anglais 
peu  connu  en  France  et  remarquable 
à  plus  d'un  titre.  H  ne  fut  guère  au 
dessous  de  Paul-Louis  Courier,  et 
sous  quelques  rapports  ses  contem- 
porains l'ont  rapproché  de  l'immor- 
tel auteur  des  Provinciales.  Nous 
avons  donc  le  droit  d'en  parler  avec 
détail.  Il  naquit  en  1768  à  Wood- 
ford  dans  le  comté  d'Essex.  Après 
avoir  commencé  ses  études  à  l'école 
de  "Winchester,  il  alla  les  terminer 
à  l'université  d'Oxford,  et  il  embrassa 
la  carrière  ecclésiastique.  Privé  de 
fortune,  dépourvu  de  l'appui  de 
quelque  protecteur  influent,  il  se 
trouva  heureux  d'accepter  le  pre- 
mier bénéfice  qui  lui  fut  offert  ;  il 
obtint  la  cure  de  Neiherhaven  ;  elle 
donnait  un  modique  revenu  de  50  liv. 
sterl.  par  an.  Douze  cents  francs  de 
rente  en  Angleterre,  c'est  une  con- 
damnation à  mourirde  faim.  Le  jeune 
ecclésiastique  eut  l'avantage  de  se 
lier  avec  un  opulent  personnage 
dont  les  propriétés  se  trouvaient 
voisines  de  l'église  de  Neiherhaven. 
M.  Hicks-Beach,  membre  du  parle- 


SMI 

menl,  charmé  de  l'intelligence  et  de 
l'instruction  de  Sidney  Smith ,  le 
donna  pour  précepteur  à  son  fils. 
L'élève  dut  partir  pour  aller,  sous  la 
direction  de  son  maître,  achever  ses 
études  dans  une  université  d'Alle- 
magne. Mais  c'était  en  1797  ;  une 
guerre  acharnée  rendait  peu  agréa- 
ble et  peu  sûr  le  séjour  du  continent  ; 
les  deux  voyageurs,  au  lieu  de  s'ins- 
taller à  Gœttingueouà  léna,  se  fixè- 
rent à  Edimbourg.  Sidney  passa  cinq 
années  dans  cette  ville  savante  et  un 
peu  pédante  qui  se  décerne  à  elle- 
même  le  titre  pompeux  de  l'Athènes 
du  nord.  Il  se  lia  promptement  avec 
des  hommes  qui  se  livraient  avec 
ardeur  à  l'étude  et  dont  les  noms, 
jusqu'alors  inconnus, étaient  destinés 
à  une  haute  célébrité.  Il  fut  l'ami  de 
Brougham,  de  JefFreys,  de^Mackin- 
tosh.  Ce  fut  dans  une  de  ces  réunions 
que  Smith  émit  l'idée  de  fonder  une 
revue;  cette  proposition  fut  accueil- 
lie avec  empressement  et  il  en  ré- 
sulta la  publication  de  la  fameuse 
Edinburg  Review,  qui  poursuit  en- 
core sa  robuste  carrière  et  qui,  dé- 
fendant avec  constance  les  doctrines 
du  parti  whig,  a  exercé  sur  l'esprit 
public  des  trois-royaumes  une  in- 
fluence immense  ,  un  peu  diminuée 
aujourd'hui.  Sidney  Smith  inséra 
dans  les  premiers  cahiers  du  nouveau 
journal  quelques  ariicles  qui  furent 
très- goûtés.  On  y  trouva  de  l'esprit, 
de  l'originalité,  de  Vhumour.  Bien- 
tôt il  quitta  Edimbourg  pour  aller 
essayer  ses  forces  sur  un  plus  vaste 
théâtre;  en  1803  il  arriva  à  Londres 
et  il  se  lit  promptement  connaître 
comme  prédicateur.  Ses  sermons, 
chaleureux,  éluquents,  offraient, 
sans  blesser  en  rien  les  convenances, 
un  cachet  spécial  qui  les  mettait  à 
part  des  autres  discours  prononcés 
en  chaire.  Ils  devinrent  à  la  mode, 


SMI 


315 


ils  firent  fureur  ;  tout  le  beau  monde 
se  porta  en  foule  dans  les  deux  cha- 
pelles où  Smith  prêchait  alternati- 
vement ;  la  Royal  Institution  se  l'at- 
tacha pour  un  cours  public  de  litté- 
rature. Au  milieu  de  ces  succès,  les 
whigs,  en  1806,  arrivèrent  pour  un 
court  instant  au  pouvoir;  ils  récom- 
pensèrent l'écrivain  aimé  du  public, 
et  qui  continuait  de  défendre  dans 
la  Revue  d'Edimbourg  leurs  dogmes 
politiques,  en  lui  faisant  oblenir  un 
bénéfice  de  500  liv.  sterl.  de  revenu 
dans  le  Yoikshire.  Sidney  venait  de 
se  marier;  il  se  félicita  d'avoir  une 
position  assurée  et  de  n'être  plus 
soumis  aux  chances  incertaines  de  la 
carrière  littéraire.  11  se  retira  en 
province  et  y  remplit  d'une  manière 
exemplaire  les  droits  que  lui  impo- 
sait sa  charge  d'âmes.  Il  faisait  d'ail- 
leurs d'assez  fréquents  voyages  à 
Londres,  il  observait  attentivement 
la  marche  des  alfaires  publiques  et  il 
ne  se  contentait  pas  du  rôle  de  spec- 
tateur bénévole.  En  1808  il  fut  gran- 
dement question  de  l'émancipation 
des  catholiques  irlandais;  l'intolé- 
rance des  anglicans  nourris  dans 
la  haine  de  Rome  repoussait  avec 
fureur  cette  mesure;  Sidney  donna 
le  noble  exemple  d'un  brahmine  pre- 
nant en  main  la  cause  des  parias;  il 
écrivit  ses  célèbres  Lettres  de  Pierre 
Plimley  à  son  frère  Abraham.  Elles 
obtinrent  coup  sur  coup  les  hon- 
neurs de  plusieurs  éditions;  il  en 
fut  vendu  plusde  30,000  exemplaires. 
Sous  le  rapport  de  la  vivacité  du 
style  et  du  bonheur  de  la  forme,  les 
Anglais  mettent  cet  écrit  à  côté  de 
la  terrible  correspondance  que  Pas- 
cal dirigea  contre  les  jésuites.  Le 
défenseur  d'Arnauld  et  l'avocat  des 
Irlandais  réussirent  également  à  li- 
vrer leurs  adversaires  à  la  risée  du 
public.  Sidney  Smith  se  garda  bien 


316 


SMI 


d'avouer  sou  identité  avec  Pierre 
Pliinley,  il  eût  attiré  sur  lui  l'impla- 
cable courroux  de  ses  confrères  et 
des  torys  qu'il  vouait  au  ridicule. 
Il  fut  cependant  véhémentement 
soupçonné,  et  les  divers  ministres 
qui  se  succédèrent  au  pouvoir,  Per- 
ceval,  Castlereagh ,  Liverpool,  se 
souvinrent  si  bien  de  lui  qu'il  resta 
oublié  durant  trente-cinq  ans  au  fond 
du  Yorkshire.  Il  fallut  qu'une  révo- 
lution véritable  eût  lieu  dans  la 
constitution  politique  de  l'Angleterre 
pour  qu'il  obtînt  enfin  de  l'avance- 
ment. En  1831  il  fut  appelé  à  un  ca- 
nonicat  de  la  cathédrale  de  Saint- 
Paul,  opulente  sinécure  qui  lui  per- 
mit  de  fixer  dereclief  son  domicile 
dans  la  capitale.  Il  était  devenu 
vieux  et  riche;  il  se  montra  à  certains 
égards  partisan  d'abus  qu'il  aurait 
jadis  attaqués.  Un  projet  fut  soumis 
au  parlea)ent,  afin  de  modifier  la  ré- 
partition des  immenses  revenus  de 
l'église  anglicane:  on  voulait  dimi- 
nuer les  magnifi({ues  traitements 
des  hauts  dignitaires  et  augmenter 
d'autant  les  modestes  salaires  du  bas 
clergé.  Sidney  Smith  se  montra  fort 
opposé  à  cette  innovation  ',  il  la  com- 
battit avec  vivacité  dans  diverses 
lettres  qu'il  adressa  à  un  correspon- 
dant imaginaire,  l'archidiacre  Sin- 
gleton.  Peu  de  temps  après,  parvenu 
à  sa  soixante  -  dix -septième  an- 
née, il  expira  le  22  février  1845.  Ses 
œuvres  avaient  été  réunies  en  1812 
encinq  volumesin-8°.  Les  pamphlets, 
les  articles  de  la  Revue  d'Edimbourg 
dont  elles  se  composent  en  grande 
partie,  ne  sauraient  offrir  de  l'intérêt 
pour  un  Français;  mais  la  verve  du 
style,  l'originalité  de  la  pensée  les 
font  toujours  lire  avec  délices  de 
l'autre  tôté  de  la  Manche.  Nul  tra- 
ducteur ne  saurait  donner  une  idée 
éjjdcîe  de  cciie  diction  énuuiiéc  de 


SMI 

mots    forgés  à  plaisir,   d'épithètes 
étranges;  à  chaque  instant  revien- 
nentdes  rapprochements  inattendus, 
des  allusions  à  des  hommes  et  à  des 
choses  qu'un  long  commentaire  pour- 
rait  seul    nous   faire  comprendre. 
Cherchons  toutefois  à  donner  une 
faible  idée  de  cette  intarissable  hu- 
mour. Sidney  Smith  veut-il  dépein- 
dre les  bizarreries  zoologiques  de  la 
Nouvelle-Hollande,    il    s'exprimera 
ainsi:  «Pour  le  reste  de  l'univers,  la 
«  nature  a  fait  des   chevaux ,   des 
«  bœufs,  des  canards,  des  oies,  des 
"  chênes,  des  ormes,  toutes  sortes 
«  enfin  de  productions  utiles  et  bien 
«  réglées;  mais  là  elle  s'est  donné 
«  le  plaisir  de  s'amuser  à  sa  fantaisie 
«  et  de  pétrir  du  neuf,  sans  tirer  à 
"  conséquence.  Elle  y  fait  venir  des 
cerise^ont  le  noyau  est  en  dehors; 
elle  crée  un  monstrueux  animal 
d'aussi  haute  taille  qu'un  grenadier, 
avccune  tète  de  lapin  et  une  queue 
hétéroclite;  un  animal  qui  bondit 
sur  le  sol,  franchit  en  quatre  ou 
cinq  sauts  la  distance  d'un  mille 
et  porte  dans  une  poche  qu'il  a 
sous  le  ventre  quatre  ou  cinq  jeunes 
kangarous,  allongeant  la  tête  afin 
de  voir  ce  qui  se  passe.  Vient  en- 
suite un  quaihupède,  circonspect 
et  rusé  connue  un  gros  chat;  il  a 
les   yeux,  la  couleur   et  la  peau 
d'une  taupe  ;  il  a  le  bec  et  les  pattes 
palmées  dun  canard  ;  il  jette  les 
naturalistes   dans    d'inextricables 
embarras;  il  les  désespère,  car  ils 
ne  savent  s'ils  ont  devant  eux  un 
oiseau  ou  un  mammifère.  Joignez 
à  tout  cela  des  perroquets  à  pattes 
de  mouette,  des  amphibies  dont 
le  talon  est  armé  d'un  ergot  véné- 
neux, et  une  foule  d'autres  créatu- 
res qui  causent  des  insomnies  à  sir 
Joseph  Banks,  qui  lui  font  ressen- 
tir k  la  fois  lescniulioîisiîu  plaisir 


SMI 


SMI 


31T 


«  et  celles  d'un  embarras  peu  éloigné 
«  du  (le'sespoir.  "  S'agit-il  de  gour- 
mander  les  prodigalités  de  Pilt  et  de 
ses  successeurs  toujours  prêts  à 
donner  des  deux  mains  et  sans  comp- 
ter des  millions  sterling  à  des 
coalitions  nouvelles:  «  Il  n'est  pas 
«  un  rocher  de  l'Océan  où  puisse 
«  percher  un  albatros  qui  ne  soit 
«  couvert  de  nos  troupes,  qui  n'ait 
"  un  gouverneur,  un  sous-gouver- 
«  neur,  un  garde-magasin,  un  sous- 
«  garde- magasin  et  qui  ne  doive 
«  avoir  prochainement  un  archidia- 
«  cre  et  un  évêque.  Nous  possédons 
«  des  collèges  militaires  où  Irente- 
«  quatre  professeurs,  à  raison  d'un 
«  demi-élève  chaque,  élèvent  dix- 
«  sept  enseignes.  Nous  ne  pouvons 

•  soutenir  une  guerre  qui  ne  nous 

•  coûte  cent  livres  sterling  par  mi- 
«  nute.  Quinze  mille  livres  sterling 
«  de  cordes  pour  les  fouets  qui  main- 
«  tiennent  la  discipline,  sept  mille 

•  livres  sterling  de  cire  à  cacheter, 
«  dix-neuf  mille  livres  pour  les  ga- 
«  Ions  des  uniformes  des  tambours 
«  et  des  fifres  5  une  pension  pour  un 
«  homme  qui  s'est  cassé  la  tcle  au- 
«  près  du  pôle,  une  autre  pension 
«  pour  un  autre  personnage  qui  s'est 
«  brisé  la  jambe  sous  la  ligne  5  des 
«  subsides  à  la  Prusse,  des  fonds  se- 

•  crets  accordés  un  Thibet ,  une 
«  rente  à  la  veuve  et  aux  huit  filles 
«  de  sir  George  Quelqu'un  tué  à  l'at- 
«  taque  d'une  ville  dont  jamais  nos 
«soldats  n'auraient  dû  approcher; 
«  mais  sir  George  était  frère  d'un 
«  lord ,    lequel    dispose   de    quatre 

•  bourgs -pourris.  •  Ailleurs,  il  in- 
siste sur  l'absurdité  qu'il  y  a  pour 
l'Angleterre  à  se  priver  de  la  sympa- 
thie et  de  l'appui  de  plusieurs  mil- 
lions d'Irlandais,  et  tout  cela  parce 
qu'on  n'est  pas  d'accord  sur  le  véri- 
table sens  d'un  passage  d'une  des 


épîlres  de  saint  Paul  à  Timothée. 
Dans  un  des  premiers  numéros  de  la 
Revue  d'Édimbourg\\ven(h\icom\){G 
d'un  volume  de  Discours;  après 
avoir  donné  quelques  extraits  du  vo- 
lume qu'il  voulait  faire  connaître,  il 
s'interrompait  pour  dire  que  la  no- 
tice commencée  restait  inachevée  par 
suite  d'un  grave  accident  survenu  au 
critique.  On  l'avait  trouvé  la  tête 
penchée  sur  ce  malheureux  volume 
et  plongé  dans  une  léthargie  qui 
avait  long-temps  résisté  k  tous  les 
remèdes;  il  avait  fallu  l'entourer  de 
flanelle  chauffée,  le  frictionner  avec 
force  et  surtout  emporter  très-loin 
ces  terribles  discours,  pour  le  faire 
revenir  d'un  sommeil  dont  il  était  à 
craindre  qu'il  ne  se  réveillât  jamais. 
Ou  remarqua  beaucoup  un  autre  ar- 
ticle dans  lequel,  en  rendant  compte 
d'un  lourd  et  pédantesque  écrit  du 
docteur  Parr,  le  malin  reviewer  s'é- 
gayait sur  l'immense  et  somptueuse 
perruque  de  ce  haut  fonctionnaire 
ecclésiastique,  sur  la  boundless  coti- 
vexily  of  frizz  de  cette  chevelure 
artificielle -,  les  uniformes  des  élèves 
du  collège  militaire  ne  purent  tenir 
contre  la  raillerie  qu'il  dirigea  vers 
ce  nonsense  sartorial  and  plumiçc- 
roiis.  Sidney  Smith  était  fort  loin 
d'appartenir  à  la  classe  assez  nom- 
breuse de  gens  de  lettres  qui  n'ont 
d'esprit  que  la  plume  à  la  main.  Sa 
conversation  était  semée  de  bous 
mots  réellemeni  improvisés,  de  sail- 
lies qui  faisuierit  le  charme  des  cer- 
cles brillants  où  il  était  accueilli  avec 
le  plus  vif  empressement.  Mais  ces 
mots  spirituels  se  rapportent  à  des 
individus  et  à  des  circonstances  que 
le  public  français  ne  connaît  guère; 
ils  résultt^nt  souvent  des  rapproche- 
ments des  syllabes,  de  la  similitude 
des  sons  ;  il  faut  les  laisser  dans  les 
Mémoires  iUi  temps,  dans  les  recueils 


318 


SMI 


SMI 


d'anecdotes.  Sidney  Smith  était  un 
homme  d'infiniment  d'esprit,  vn 
pamphlétaire  red'm'able  qui  avait 
rendu  de  ve'ritables  services.  II  prit 
avec  chaleur  la  défense  des  catho- 
liques irlandais,  et  l'émancipation 
triompha  d'une  résistance  acharnée. 
11  exposa  tous  les  abus  de  ces  game- 
laws  destinées  à  préserver  le  gibier 
de  toute  atteinte,  à  le  conserver  pour 
servir  aux  distractions  d'une  aristo- 
cratie ennuyée  ;  les  dispositions  les 
plus  vexatoires  des  game-laws  fu- 
rent abolies.  II  signala  les  inconvé- 
nients des  colonies  pénales,  et,  à  cet 
égard  ,  l'opinion  est  devenue  una- 
nime; il  insista  sur  les  souffrances 
des  jeunes  ramoneurs,  et  des  mesures 
furent  prises  pour  venir  au  secours 
de  ces  petits  malheureux.  B — n— t. 
S3IITII  (John -Thomas),  né  à 
Londres  vers  1770,  se  livra  de  bonne 
heure  à  l'étude  de  l'archéologie  et 
de  l'histoire  de  l'art,  devint  conser- 
vateur des  estampes  du  Musée  bri- 
tannique, et  mourut  le  8  mars  1833. 
On  a  de  lui  :  I.  Illustrations  des 
antiquités  de  Londres  et  de  ses  en- 
virons, ouvrage  qu'il  entreprit  fort 
jeune  et  qu'il  publia  par  livraisons, 
de  1791  à  1800.  II.  Antiquités  de  la 
cité  de  Westminster,  l'ancien  palais, 
la  chapelle  Saint-Étienne,  avec  un 
Supplément  par  J.-Th.  Smith  et 
J. -Sidney  Hawkins,  Londres,  1807 
et  1809,  2  vol.  gr.  in-4°.  III.  An- 
cienne topographie  de  Londres , 
1810,  contenant  un  grand  nombre 
de  spécimens  d'architecture  domes- 
tique. IV.  Vagabondage,  ou  Es- 
quisses des  mendiants  les  plus  fa- 
meux et  les  plus  remarquables  de 
Londres  et  de  ses  environs.  V.  Nolle- 
Tiens  et  son  siècle  {voy.  Nollfkens, 
LXXV,  462;.  On  reproche  à  l'auteur 
de  s'être  quelquefois  laissé  entraîner 
à  une  censure  trop  amère.        Z. 


SMITH  (Chrétien),  botaniste  et 
voyageur,  né  le  17  oct.  1785  dans 
les  environs  de  Drammen  en  Nor- 
vège, commença  ses  études  à  l'école 
de  Kongsberg,  et  alla  les  terminer  à 
l'université  de  Copenhague,  où  le 
professeur  Vahl  (voy.  ce  nom, XLVII, 
2.51)  lui  inspira  le  goût  de  la  bota- 
nique. Il  étudia  aussi  la  médecine, 
reçut  le  doctorat  et,  quoique  bien 
jeune  encore,  fut  nommé  médecin 
du  grand  hôpital  Frédéric.  Après 
des  excursions  nombreuses  dans  les 
montagnes  de  la  Norvège  en  1806, 
1807  et  1812,  dont  il  publia  la  rela- 
tion en  langue  danoise,  la  Société 
patriotique  le  chargea  d'un  nouveau 
voyage  scientifique,  en  1813,  dans 
l'intérieur  des  montagnes.,  d'oii  il 
rapporta  une  foule  de  plantes  in- 
connues jusiiu'alors.  A  son  retour, 
il  fut  nommé  professeur  de  botanique 
à  l'université  de  Christiania.  Mais  le 
désir  de  pei  fectionnuer  ses  connais- 
sances et  d'enrichir  le  jardin  bota- 
nique confié  à  ses  soins  le  détermina 
à  passer  en  Angleterre;  il  explora 
successivement  les  montagnes  d'E- 
cosse, du  pays  de  Galles  et  d'Irlande. 
En  1815,  il  accompagna  M.  Leopold 
de  Buch  dans  son  voyage  à  l'île  de 
Madère  et  aux  Canaries,  dont  ils  vi- 
sitèrent les  montagnes  et  les  vol- 
cans. Us  revinrent  en  Angleterre  à 
la  fin  de  l'année  Smilh  voulait  aller 
à  Paris,  puis  retourner  dans  sa  pa- 
trie ;  mais  Jos.  Bancks  lui  ayant 
proposé  de  faire  partie  de  l'expédi- 
tion pour  le  Congo,  en  qualité  de 
botaniste,  il  accepta,  malgré  les  re- 
présentations de  sa  famille  et  de  ses 
amis,  cette  mission  si  en  rapport 
avec  ses  goûts  et  ses  études  favo- 
rites. Il  s'embarqua,  le  24  fév.  1816, 
sur  la  Dorothée,  vaisseau  commandé 
par  le  capitaine  Tuckey.  Après  une 
halte  au  Cap- Vert,  on  arriva  enfin  à 


SMI 


SMI 


319 


l'embouchure  du  Congo,  que  l'on  re- 
monta; mais  bientôt  il  fut  impos- 
sible, même  avec  des  bateaux,  de 
franchir  les  détroits  et  les  courants 
que  le  fleuve  traverse.  Alors  le  capi- 
taine descendit  à  terre,  et,  emme- 
nant avec  lui  les  officiers  et  les  na- 
turalistes de  l'expédition,  il  entreprit 
un  voyage  daus  rinlérieur  du  pays; 
mais,  après  quinze  jours  de  marche, 
la  fatigue,  le  manque  de  vivres,  les 
difficultés  imprévues  que  l'on  ren- 
contra, obligèrent  la  caravane  de 
rétrograder  et  de  regagner  les  na- 
vires ,  au  grand  regret  de  Smith  qui, 
pendant  cette  excursion  pédestre, 
avait  fait  de  nombreuses  observa- 
tions. Pour  comble  de  malheur,  une 
fièvre  languissante  se  déclara  parmi 
les  voyageurs;  Tudor,  naturaliste, 
Crauch,  zoologiste,  le  capitaine  Tiic- 
key  et  beaucoup  d'autres  y  succom- 
bèrent. Smith,  après  avoir  encou- 
ragé ses  compagnons  jusqu'au  der- 
nier moment,  expira  lui-même,  le 
2t  septembre  1816,  à  bord  de  la  Do- 
rothée, qui  levait  l'ancre  pour  re- 
tourner en  Angleterre,  où  ses  col- 
lections botaniques  ont  été  trans- 
portées. M.  Robert  Brown  les  a  fait 
connaître  dans  un  Mémoire  sur  les 
plantes  équinoxiales  de  l'Afrique, 
inséré,  avec  le  journal  de  Smiih, 
dans  la  Relation  de  l'eccpédition  du 
Congo,  publiée  par  ordre  du  gouver- 
nement i)rilannique.  Z. 

SMITII  (John),  missionnaire  pro- 
testant, naquit  à  Rothwell,  dans  le 
comté  de  Northampton,  le  27  juin 
1790.  Il  était  fort  jeune  lorsque  son 
père,  qui  servait  dans  l'armée  an- 
glaise, fut  tué  en  Egypte.  Sa  tnère, 
réduite  à  l'indigence,  ne  put  même 
pas  lui  procurer  l'instruction  la  plus 
élémentaire,  et  le  plaça  chez  un  fa- 
bricant de  biscuit.  Cet  homme,  tou- 
ché de  compassion  pour  le  pauvre 


enfant,  lui  laissa  le  temps  d'appren- 
dre à  lire  et  à  écrire.  Plus  tard,  les 
prédications  qu'il  entendit  dans  les 
assemblées  religieuses  lui  inspirèrent 
le  désir  de  suivre  la  carrière  ecclé- 
siastique. Admis  dans  une  commu- 
nion méthodiste,  et  après  avoir  fait 
des  études  théologiques  et  littérai- 
res, il  remplit  d'abord  à  Tunbridge 
l'emploi  de  catéchiste,  puis  fut  nom- 
mé, par  la  Société  des  missions  de 
Londres,  missionnaire  à  Demerari, 
dans  la  Guiane  anglaise,  où  il  arriva 
au  commencement  de  1817.  Cette 
mission,  établie  depuis  dix  ans,  avait 
rencontré  beaucoup  d'obstacles  de 
la  part  des  chefs  d'habitations  qui 
craignaient  que  l'instruction  morale 
et  religieuse  des  esclaves  ne  fiât  un 
acheminement  à  leur  émancipation. 
Smith,  assez  mal  accueilli  par  les 
colons,  parvint  cependant  à  sur- 
monter les  difficultés  et  commença 
l'exercice  de  son  ministère.  Il  con- 
vertit au  christianisme  un  grand 
nombre  de  nègres,  les  baptisa,  les 
maria  et  leur  prêcha  l'obéissance  en- 
vers les  maîtres,  ce  qui  n'empêcha 
pas  ceux-ci  de  prendre  le  mission- 
naire en  aversion.  ;En  1823,  les  es- 
claves ayant  su  que  des  dépêches 
venues  d'Angleterre,  et  relatives  à 
l'administration  coloniale,  n'avaient 
pas  été  publiées,  s'imaginèrent  que 
c'était  l'ordre  de  leur  aiFranchisse- 
ment  qu'on  ne  voulait  pas  exécuter. 
Dans  le  même  temps,  il  leur  fut  dé- 
fenilu  lie  se  réunir  à  l'église.  Cette 
mesure,  qui  avait  pour  but  de  com- 
primer l'agitation,  ne  lit  au  con- 
traire que  l'augmenter,  et  au  mois 
d'août  la  révolte  se  déclara  dans  cin- 
quante hibitations;  mais  il  faut  dire 
que  les  esclaves  n'attenièreni  à  la  vie 
d'aucun  des  blancs  tombés  en  leur 
pouvoir.  Du  reste,  cette  insurrection 
fut  bientôt  réprimée  par  les  troupes, 


320 


SMY 


qui  tuèrent  plus  de  deux  cents  nè- 
gres. Alors  Smith  fut  arrêté  et  tra- 
duit devant  une  cour  martiale  comme 
instigateur  de  la  révoitc.  Malgré  les 
nombreux  témoignages  rendus  à  son 
innocence,  entre  autres  celui  d'un 
ecclésiastique  anglican,  le  malheu- 
reux missionnaire  méthodiste  n'en 
fut  pas  moins  condamné  à  être  pen- 
du; mais  les  juges  le  reconiniauflè- 
rent  à  la  clémence  royale    en  en- 
voyant la  sentence   en   Angleterre 
pour  y  être  ratifiée.  Plusieurs  mem- 
bres du  parlement  prirent  chaleu- 
reusement la  défense  du  condamné, 
et  le  ministère  manda  au  gouverneur 
de  la  colonie  de  le  mettre  immédia- 
tement en  liberté  (juin  1824).  Déjà 
il  était  trop  tard.  Smith  avait  suc 
combé  à  ses  souffrances,  le  G  février, 
dans  la  prison  où  il  languissait  de- 
puis six  mois.  On  a  publié  sur  cette 
triste  affaire  :  I.  Proceedings  of  a 
gênerai  court  martial,  etc. —  Procé- 
dures d'une  cour  martiale  générale 
tenue  à  la  maison  de  la  colonie,  à 
George-Town,  le   lundi  13  octobre 
1823,  en  vertu  d'un  warrant  et  par 
ordre  de  S.  E.  le  major-général  John 
Murray,  lieutenant  -  gouverneur  et 
commandant  en  chef  des  colonies 
réunies  de  Demerari  et  d'Essequi- 
bo,  etc.  ;  Londres,  1824,  in-8".  11. 
Substance  of  the  débute,  etc.  —  Ana- 
lyse des  débals  qui  ont  eu  lieu  dans 
la  chambre  des  communes,  le  1"''  et 
le  11  juin  1824,  sur  le  jugement  de 
mort  du  m.ssionnaire  Smith,  pro- 
noncé à  Demerari  par  une  cour  mar- 
tiale 5  Londres,  1824,  in-8°,  imprimé 
avec  l'approbation  de  la  Société  des 
missions  de  Londres.         P — rt. 

SMYTH  (James-Cahmicuael),  cé- 
lèbre médecin  anglais,  membre  de  la 
Société  royale,  fut  chargé,  en  1780, 
de  la  direction  de  la  prison  et  de 
l'hôpital  de  Winchester  où  régnait 


SMY 

alors  une  fièvre  pestilentielle,    qui 
lui  donna  occasion  de  montrer  ses 
talents.  Pour  détruire  la  contagion, 
il  eut  recours  aux  trois  acides  miné- 
raux, et  obtint  le  succès  qu'il  en 
avait  espéré.  Il  demanda  en  1802  au 
parlement  une  récompense  à  cause 
de  cette  découverte*,  elle  lui  fut  ac- 
cordée, malgré  la  vive  opposition 
du  docteur  John  Johnstone  qui  pré- 
tendait que  son  père  en  était  le  pre- 
mier inventeur,  et  que  Smyth  n'avait 
fait  que  l'appliquer.   Les  ouvrages 
publiés  par  le  docteur  Smyth  sont  : 
1.  Effets  du  brandillement  employé 
comme  un  remède  dans  la  consom- 
ption pulmonaire,   1787,  in-S".  II. 
OEuvres  de  feu  le  docteur  William 
Stark,  1788,  in-4°.  111.  Description 
de  la  7naladie  de  prison,  qui  parut 
parmi  les  prisonniers  espagnols  en- 
fermés à  Winchester  en  1780,  avec 
une  A^oiacesur  les  moyens  employés 
pour  guérir  la  contagion  qui  en  était 
résultée,  1795,iu-8°.  IV.  Effets  de 
la  vapeur  niireuse  pour  prévenir  et 
détruire  la  contagion   des  prisons, 
etc., in- 8°.  V.  Lettre àWilliamWil- 
berforce  sur  un  pamphlet  du  doc- 
teur Johnston,  1805,  in-8°  VI.  Re- 
marques sur  un  rapport  deM.Chap- 
tal ,  avec  u/i  examen  de  la  récla- 
mation de  M.  Gnyton  de  Morveau, 
à  la  découverte  du  pouvoir  du  gaz 
acide    minéral  sur  les  contagions , 
in  8».  VII.  Traité  sur  V hydrocéphale 
ou  Vhydropisie  du  cerveau,  1814, 
in-80.  Louis  Odier,  professeur  de  mé- 
decine à  Genève,  a  publié  :  Obser- 
vations sur  la  fièvre  des  prifons , 
sur  les  moyens  de  la  prévenir  en  ar- 
rêtant les  progrès  de  la  contagion,  à 
l'aide  des  fumigations  du  gaz  nitri- 
que, etc.,  trad.  de  Panglais  du  doc- 
teur James-Carmichael  Smyth,  etc., 
Genève  et  Paris,  1802,  in-8o.  Ou  a 
encore  de  Smyth  plusieurs  articles 


SNI 


SNI 


321 


insérés  dans  des  recueils  de  méde- 
cine. II  mourut  vers  1825.        Z. 

S\ELLEKCK  (Hans  ou  Jean), 
peintre,  né  à  Malines  en  1544,  mérita 
la  réputation  de  premier  peintre  de 
batailles  de  son  temps.  Les  archi- 
ducs Albert  et  Isabelle  lui  accordè- 
rent le  titre  de  leur  peintre,  et  il  fut 
chargé  par  eux  de  peindre  plusieurs 
des  batailles  livrées  en  Flandre  à 
cette  époque.  Il  excellait  à  peindre 
les  chevaux,  et  savait  donner  à  ces 
nobles  animaux  des  mouvements  na- 
turels et  gracieux,  et  une  aliure  vraie 
qu'accompagnait  une  grande  correc- 
tion de  dessin.  Toutes  les  figures 
de  ses  compositions  formaient  des 
groupes  disposés  avec  une  rare  intel- 
ligence :  il  exprimait  le  tumulte  de 
la  mêlée  et  la  confusion  d'un  engage- 
ment avec  beaucoup  de  jugement  et 
de  vérité,  et  il  rendait  parfaitement 
la  différence  de  la  fumée  de  l'artille- 
rie avec  la  poussière  et  la  vapeur  de 
l'atmosphère.  Van-Dyck,  qui  estimait 
cet  artiste,  fit  son  portrait  pour  le 
placer  parmi  ceux  des  peintres  les 
plus  distingués  des  Pays-Bas.  Ce  por- 
trait, après  la  mortde  Snellenck,  ar- 
rivée le  1'''  octobre  1638,  fut  mis 
sur  le  tombeau  qui  lui  fut  élevé  dans 
l'église  paroissiale  de  Saint- Jacques, 
à  Anvers.  P— s. 

SNiADECKI  (Jean  Baptiste),  sa- 
vant polonais,  né  le  21  août  1756, 
dans  le  palatinat  de  Gnesne,  fit  d'ex- 
cellentes études  et  prit  le  grade  de 
docteur  en  philosophie.  Il  visita  l'An- 
gleterre et  la  France  en  1787,  et  pro- 
fessa pendant  long-temps  les  mathé- 
matiques et  Tastroiiomie  à  l'univer- 
sité de  Craco  vie,  puis  à  celle  de  Vilna. 
11  devint  plus  tard  conseiller  d'État, 
chevalier  de  divers  ordres  de  Russie, 
et  mourut  verâ  1830.  Membre  des 
sociétés  littéraires  de  Cracovic  et  de 
Varsovie,  il  était  correspondant  de 

LXXXII. 


l'académie  impériale  des  sciences  de 
Saint-Pétersbourg,  et  il  a  fourni  au 
recueil  de  cette  compagnie,  tom.  II, 
IV,  VII  et  IX,  une  série  (VObserva- 
tions  astronomiques  faites  à  l'obser- 
vatoire de  Vilna,  de  1809  à  1821.  Il 
inséra  aussi  un  grand  nombre  d'Ob 
servatiovs  dans  les  Éphémérides  as- 
tronomiques de  Vienne,  et  d^ns  la 
Correspondance  mensuelle  ihi  baron 
Zach  (de  1798  à  1805);  puis  dans  les 
Annales  astronomiques  de  Berlin 
(de  1813  à  1828).  En  1802,  il  publia, 
à  Varsovie,  en  langue  polonaise,  un 
Discours  sur  Nicolas  Kopcrnik,  su- 
jet proposé  par  la  société  littéraire 
de  cette  ville,  et  dans  lequel  il  donne 
une  histoire  assez  étendue  de  l'as- 
tronomie. Il  s'attache  avec  un  zèle 
patriotique  à  démontrer  que  Ko- 
pernik  n'était  pas  Prussien,  vt  que 
la  Pologne  a  le  droit  de  le  reg^ir- 
der  comme  un  de  ses  enfants.  «  Je 
«  ne  sais,  dit-il,  ce  qui  a  fait  com- 

•  mettre  aux  écrivains  allemands,  et 

•  à  quelques  auteurs  français,  luie 
«  erreur  grossière  dans  la  géographie 
«  politique,  lorsqu'ils  se  sont  avi- 

•  ses  de  transformer  Kopernik  en  un 

•  Allemand,  tandis  que  son  origine 
«  polonaise  est  incontestable.  >  Il 
avait  paru,  dès  1803,  une  traduction 
française  du  Discours  de  Sniadecki, 
mais  elle  était  si  défectueuse  que 
l'auteur  la  désavoua;  elle  fut  réim- 
primée avec  de  nombreuses  cor- 
rections à  Varsovie,  en  1818,  et  à 
Paris,  par  les  soins  de  M.  Vincent 
Karezewski,  1820,  in-S^.  Pendant  un 
voyage  qu'il  lit  dans  cette  capitale, 
Sniadecki  publia  des  Réflexions  sur 
les  passages  relatifs  â  l'histoire  et 
aur  affaires  de  Pologne,  insérés  dans 
Vouvrage  de  M.  Villcrs,  qui  a  rem- 
porté le  prix  de  l'Institut  national 
de  France,  le  23  mars  1804,  Paris,  8 
niai  1804,  in-S».  C'est  une  réfutation 

21 


322 


8N0 


(le  quelques  assertions  erronées  et 
injurieuses  à  la  Pologne,  émises  par 
Ch.  Villers  {voy.  ce  nom,  XL[X, 
78  )  dans  son  Essai  sur  l'esprit  et 
l'influence  de  la  réformation  de  Lu- 
ther, couronné  par  la  seconde  classe 
de  l'Institut.  Il  a  paru  un  Extrait 
des  écrits  divers  de  Jean  SniadecM, 
trad.  par  J.Flaget,  Paris,  1823,  in-S». 
—  Sniadecki  {4ndré),  frère  du  pré- 
cédent, est  auteur  d'une  Théorie  des 
êtres  organisés,  qui  a  été  traduite 
du  polonais,  par  J.-J.  Balard  et  Des- 
saix,  médecins  des  armées  françaises 
à  la  campagne  de  Russie,  Paris,  1 825, 
in-8».  Z. 

SXOUCKAERT.  Voy-  Zenocabe, 
LU,  251. 

SNOY  (Renier),  né  en  1477  à 
Gouda  en  Hollande,  montra  dans  son 
enfance  peu  de  dispositions  pour 
l'étude,  et  ce  fut  tardivement  que 
son  intelligence  se  développa;  mais, 
parvenu  à  l'adolescence,  il  fit  de  tels 
progrès  dans  les  lettres  et  dans  les 
sciences  qu'il  surpassa  bientôt  tous 
ses  condisciples.  H  avait  commencé 
ses  humanités  à  Gouda,  et,  après 
avoir  terminé  sa  philosophie  à  Lou- 
vain,  il  se  rendit  en  Italie,  où  il  sui- 
vit des  cours  de  médecine  à  l'univer- 
sité de  Bologne,  et  prit  le  grade  de 
docteur.  De  retour  dans  son  pays,  il 
s'y  concilia  l'estime  et  la  protection 
d'illustres  personnages,  entre  autres 
d'Adolphe  de  Bourgogne,  gouver- 
neur de  Veere  en  Zélande,  et  fut 
chargé  de  missions  diplomatiques 
auprès  de  Christian  II,  roi  de  Dane- 
mark, réfugié  dans  cette  contrée,  et 
auprès  de  Jacques  IV,  roi  dÉcosse. 
Il  passa  ensuite  en  Angleterre,  où  il 
exerça  la  médecine  pendant  quelques 
années.  Revenu  dans  sa  ville  natale, 
il  en  fut  nommé  bourgmestre,  fonc- 
tions dont  il  finit  par  se  démet- 
tre pour  se  livrer  entièrement  à  l'é- 


SNO 

tude.  Il  mourut  à  Gouda  le  1"  août 
1537.  Érasme  l'appelait  une  des  gloi- 
res de  la  littérature  hollandaise,  et 
Alard  de   Rotterdam,  professeur  à 
l'université  de  Louvain,  lui  consacra 
une  épitaphe  latine  fort  honorable, 
qui  se  trouve  dans  la  Bibliotheca 
Belgica  de  Foppens.  On  a  de  Snoy  : 
I.  De   libertale   christiana,   1550, 
in-8°.  II.  Une  histoire  de  Hollande, 
intitulée:  De  reôMS  batavias  libri 
XIII.  Cette  histoire,  qui  s'arrête  à 
l'an  1519,   époque  de  l'élection  de 
l'empereur  Charles-Quint,  ne  con- 
tient guère  que  des  récits  de  soulè- 
vements, de  batailles  et  de  sièges. 
Elle  a  été  insérée,  avec  la  vie  de 
Snoy,  composée  par  Brassica,  son 
neveu,  dans  les  Rerum  belgicarum 
annales,  de  Fr.  Sweert  (voy.  ce  nom, 
XLIV,  163),  Francfort,  1G20,  in-fol. 
III.  Paraphrasi$ perspicua in omnes 
Davidis  psalmos.Qi\o\q\ie  cette  pa- 
raphrase ait  été  souvent  imprimée 
(à  Cologne,  à  Paris,  à  Anvers),  tra- 
duite en  allemand  et  en  d'autres  lan- 
gues, on  y  trouve  peu  de  critique, 
et  l'auteur  ne  paraît  pas  très-versé 
dans  la  connaissance  des  antiquités 
sacrées.   Hubert  Raellen,   curé    de 
Saint-Quentin,  à  Louvain,  en  donna 
dans  cette  ville,  en  1705,  une  édition, 
avec  la  paraphrase  de  sept  cantiques 
des  heures  canoniales.  On  a  encore 
de  Snoy  divers  écrits  de  médecine, 
d'histoire,  de  philosophie, de  théolo- 
gie et  même  de  poésie.  Nous  cite- 
rons entre  autres  :  Praxis  medica, 
2  vol.;  De  arte  alchimislica;  Scru- 
tinium  historicœ  veritatis;  De  es- 
sentia-i  potentiis  et  passionibus  ani- 
mœ;  Anti-Lulherus  ;  Deartepoelica; 
Parœneticon  ad  Carolum  Y  Augus- 
tuni,  carminé  elegiaco  ;  Laus  Dei- 
parœ  virginis,  carminé  sapphico; 
Poemata  sacra.,  etc.—  Sîsoy  ( Lam- 
bert), né  à  iMalines  en  1574,  s'appli- 


SOA 


SOA 


323 


qiia  spécialement  à  riiisloire  gt^nen- 
logique  des  Pays-Bas,  Biilkcns  {voy. 
ce  nom,  VI,  388  ),  dans  ses  Trophées 
du  Brabant,  a  beaucoup  profité  du 
travail  de  cet  auteur,  qui  mourut 
vers  1638.  P— RT. 

SOARDI  (le  comte  Jean -Bap- 
tiste), malho'malieien,  né  à  Brescia 
le  9  janvier  1711,  étudia  dans  sa  pa- 
irie les  belles-lettres  et  la  philoso- 
phie, puis  il  se  rendit  à  l'université 
de  Padoue  pour  y  suivre  des  cours 
de  jurisprudence,  et  prit  en.  même 
temps  des  leçons  de  mathématiques 
sous  le  célèbre  Poleni  {voy.  ce  nom, 
XXXV,  173).  Revenu   à  Brescia,  il 
continua     de    s'appliquer    à    cette 
science  et    mérita  par  ses  travaux 
la  considération   non-seulement  de 
ses  compatriotes,  mais   encore  des 
savants    étrangers-    Il    inventa    de 
nouveaux    instruments    de   mathé- 
matiques et  fit  plusieurs  autres  dé- 
couvertes dont  il  publia  la  descrip- 
tion. Soardi,  profond  géomètre,  était 
aussi  un  écrivain  distingué,  s'expri- 
mant  avec  élégance  en  italien  et  en 
latin.  Quoique  marié,  sa  piété  l'avait 
porté  à  étudier  la  théologie  et  la  lit- 
térature sacrée.  Il  mourut  à  Brescia 
le  2  mars  1767.  On  a  de  lui  en  ita- 
lien :  I.  Nouveaux  instruments  pour 
décrire  diverses  courbes  anciennes 
et  modernes  et  beaucoup  d'autres  qui 
peuvent  servir  à  la  géométrie  spé- 
culative et  pratique,  avec  un  projet 
de  deux  nouvelles  machines  pour  la 
science  nautique  et  d'une  autre  pour 
la  mécanique,  Brescia,  1752,  in-4°, 
lig.  H.  Quelques  opuscules  sous  le 
titre  (^Entretiens  {Trattenimenti), 
Brescia,  1761.  Ces  écrits  sont  consa- 
crés à  l'explication  des  découvertes 
faites  par  l'auteur.  P — RT. 

SOARDI  (VicTOR-AiviÉnÉE),  théo- 
logien, né  à  Turin,  d'une  famille 
noble,  fit  ses  études  dans  celte  ville, 


où  il  prit  le  grade  de  docteur  en 
droit  civil  et  canonique  à  l'Univer- 
sité. Étant  venu  à  Paris  en  1735,  il 
entra  dans  la  congrégation  de  Saint- 
Lazare  et  professa  pendant  quelque 
temps  la  théologie  au  séminaire  de 
Saint-Firmin,  Plus  tard,  il  fut  appelé 
en  qualité  de  recteur  au  collège  pon- 
tifical d'Avignon,  et  mourut  dans 
cette  ville  en  1752.  On  a  de  lui  :  1. 
De  suprema  romani  pontîficis  auc- 
torilate  hodierna  ecdesiœ  gallicanœ 
doctrina,  Avignon,1747,2vol.  in-4°. 
L'auteur  y  inséra  un  extrait  de  la 
préface  que  l'alibé  Lenglet-Dufres- 
noy  avait  mise  en  tête  du  Commen- 
taire de  Dupuy  sur  le  Traité  des  li- 
bertés de  l'Église  gallicane,  préface 
qui  fut  supprimée  dans  le  temps  {voy. 

LeNGLET- DUFRESNOY,     XXIV,    89). 

Soardi  soutient  que  la  doctrine  ac- 
tuelle du  clergé  de  France  n'est  nul- 
lement oppf)sée,  mais  qu'elle  est 
même  très-favorable  à  l'autorité  lé- 
gitime du  pape,  et  que,  dans  la  pra- 
ti(jue,  ce  clergé  semble  regarder  la 
Déclaration  de  1682  comme  non  ave- 
nue. Le  parlement  de  Paris,  ayant 
trouvé  dans  cet  ouvrage  des  asser- 
tions contraires  à  la  jurisprudence  du 
royaume,  le  supprima  par  arrêt  du 
25  juin  1748.  Il  a  été  réimprimé  à 
Heidelberg  en  1793.  II.  Auctoritas 
pontificia  notissimo  Cypriani  facto  a 
JSeotericis  impugnata,  sed  a  Qalliœ 
thcologicis  vindicata,  dissertatio 
hist.  dogmatica,  Avignon,  1749, 
in-4*.  Il  s'agit  du  différend  qui  s'éle- 
va entre  le  pape  saint  Etienne  et 
saint  Cyprien,  au  sujet  du  baptême 
administré  par  les  hérétiques.  Con- 
trairement à  l'opinion  de  saint  Cy- 
prien, je  pape  affirmait  que  le  bap- 
tême était  valide,  ainsi  que  l'Église 
l'a  décidé  depuis  dans  plusieurs 
conciles,  {voy.  Cyprien,  X,  399- 

400).  P— RT. 

21. 


824 


SOB 


SOAREZ  (LoPFz)  d'Albergaria, 
amiral  portugais,  no  peut  guère  êlre 
compté  au  rang  des  voyageurs,  puis- 
que sa  mission  n'avait  pour  objet 
que  des  conquêtes  et  que  nous  ne 
connaissons  de  lui  que  quelques  ex- 
péditions militaires.  Il  succéda  dans 
les  Indes,  en  1515,  par  des  intrigues 
de  cour,  au  grand  Alphonse  d'Al- 
buquerque  (voy.  ce  nom,  I,  449), 
mais  il  n'y  soutint  pas  la  gloire  de 
son  nom.  Le  théâtre  de  ses  plus 
grands  exploits  fut  la  mer  Rouge,  où 
il  eut  à  combattre  Soliman  ,  qui  y 
commandait  une  armée  pour  Sélim, 
empereur  des  Turcs,  et  depuis  maî- 
tre de  rÉgypte  conquise  par  lui  sur 
les  Mameluks  ;  encore  eut-il  souvent 
du  désavantage.  Les  Portugais,  pen- 
dant le  temps  de  sa  vice-royauté,  ne 
furent  pas  plus  heureux  dans  les  au- 
tres parties  de  l'Inde.  Au  bout  de 
cinq  ans  Soarez  eut  pour  successeur 
Diego  Lopez  de  Sequeira.     M — le. 

SOBECHI,  ou  SoDCHi  {Tadjeddin 
Abdalvahab),  fils  d'Ali,  est  autçur 
de  différents  ouvrages,  dont  le  prin- 
cipal est  une  Histoire  des  grands 
hommes  choféites,  qu'il  finit  à  Da- 
mas en  754  de  l'hégire  (1353  de 
J.-C).  On  la  trouve  manuscrite  en 
deux  portefeuilles  de  la  bibliothèque 
Bodleienne,  cotés  667  et  727,  et  en 
trois  de  la  bibliothèque  nationale  de 
Paris,  n"'  737,  860  et  861.  Herbelot 
dit,  p.  815  de  sa  Bibliothèque  orien- 
tale^ que  Sobechi  mourut  en  756  de 
l'hégire  (1355),  et  les  auteurs  du 
Catalogue  de  la  bibliotlièque  de  Pa- 
ris fixçut  l'époque  de  sa  mort  à  850 
(1446).  Golius  ciîe  cette  histoire 
dans  son  Dictionnaire,  d'après  un  ma- 
nuscrit de  la  bibliolhèque  de  Leyde. 
Ce  manuscrit,  le  1860''(iu  catalogue, 
rapporte  cet  ouvrage  sous  le  titre 
plus  général  d'Histoire  et  classes 
des  sectes  orthodoxes.         J  — n. 


SOC 

SOCQUET  (Joseph-Marie),  chi- 
miste, né  à  iNlégève  dans  le  duché  de 
Savciie  en  J771,etnonen  1769  selon 
Grillet  {Dictionnaire  historique  des 
départements  du  Mont-Blanc  et  du 
Léman),  lit  ses  humanités  au  collège 
de  Chambéry  sous  les  yeux  de  son 
père,  qui  était  un  habile  latiniste. 
Envoyé  ensuite  à  l'université  de  Tu- 
rin, non  moins  florissante  alors  que 
de  nos  jours,  il  y  obtint  à  l'âge  de 
vingt  ans  le  grade  de  docteur  en  mé- 
decine. Peu  d'années  après,  nommé 
médecin  de  l'armée  du  roi  de  Sardai- 
gne,  il  servit  son  souverain  (Victor- 
Amédée  111)  jusqu'au  traité  de  Cam- 
po-Formio  (1797),  et  exerça  un  peu 
plus  tard  les  mêmes  fonctions  sous 
le  drapeau  de  l'armée  française,  qui 
était  devenu  celui  de  sa  patrie.  La 
chimie,  pendant  ce  temps,  subissait 
une  paisible  révolution  \  Socquet  en 
embrassa  avec  ardeur  les  brillantes 
doctrines.  Dans  les  camps,  dans  les 
garnisons ,  il  expérimentait  sans 
cesse  et  exerçait  sans  relâche  sa 
propagande  scientifique.  Il  donna 
des  cours  publies  de  chimie  à  Chieri, 
à  Vérone,  ainsi  qu'à  Venise,  où  il 
remplit  pendant  deux  années  la 
chaire  de  chimie  expérimentale  du 
collège  de  pharmacie.  Attiré  en 
France  par  le  désir  irrésistible  de 
fréquenter  les  écoles  et  les  académies 
de  sa  savante  capitale,  il  fut  nommé 
par  le  premier  consul  professeur  de 
physique  et  de  chimie  à  l'école  cen- 
trale du  Puy-de-Dôme.  Trois  ans 
après,  il  quitta  l'Auvergne  pour  oc- 
cuper la  même  place  dans  celle  du 
département  du  Mont-Blanc,  où  il 
résida  huit  années  consécutives.  Ces 
trois  premiers  lustres  de  sa  carrière 
chimique  furent  l'ère  de  ses  travaux 
les  plus  mémorables.  Socquet  publia 
à  Venise  divers  mémoires  d'un  haut 
intérêt  ;  à  Paris,  des  essais  sur  le  ca- 


soc 

lorique  et  sur  les  affinités;  à  Chain- 
béry,  des  thèses  de  chimie,  en  de- 
vançant sur  plusieurs  points  les 
théories  que  Berthollct  niédilait  en 
Egypte.  Chaque  fois  que  ces  deux 
Savoisiens  se  trouvaient  en  contact, 
ils  débattaient  ensemble  les  ques- 
tions les  plus  difficiles  de  la  science. 
En  1809,  à  l'organisation  des  facultés 
des  sciences,  Socquet  fut  désigné  par 
Bertholîet  pour  la  chaire  de  chimie 
indiislriclle  de  la  ville  de  Lyon.  Il 
l'occnpa  avec  éclat  jusqu'à  ce  qu'en 
1815  le  gouvernement  français  sup- 
primât par  voie  de  réforme  iinancière 
la  plupart  des  facultés,  et  entre  au- 
tres celle  de  la  première  ville  manu- 
facturière du  royaume.  Une  chaire 
de  chimie  générale  vint  à  vaquer  dans 
l'université  de  Turin,  Sncquet  fut  ap- 
pelé pour  la  remplir;  mais  relenu  à 
Lyon  par  une  clientèle  médicale  qui 
lui  était  vivement  attachée,  et  par 
l'affection  que  lui  méritèrent  les  ser- 
vices divers  qu'il  avait  rendus  à  l'in- 
dustrie lyonnaise,  il  y  accepta  en 
1818  sa  pension  de  retraite  univer- 
sitaire. Plusieurs  années  après,  pour 
jouir  d'un  climat  plus  favorable  à  sa 
santé  et  vivre  avec  moins  de  dé- 
penses, il  prit  le  parti  de  se  retirer  à 
Turin.  Socquet  y  entreprit  quelques 
recherches  sur  les  tourbières,  sur  la 
fabrication  du  sucre  indigène,  et  s'y 
livra  charitablement  à  la  médecine 
qu'il  n'avait  jamais  négligé  de  pra- 
tiquer. Il  y  mourut  au  sein  de  sa  fa- 
mille le  17  juin  1839,  dans  des  sen- 
timents de  foi  chrétienne  que  l'étude 
approfondie  des  phénomènes  de  la 
nature  n'avait  cessé  d'alimenter  et 
d'accroître.  On  doit  à  Socquet  les 
écrits  suivants  :  I.  Essai  sur  la  fa- 
trique  d'alun  iiahirel  de  Souvi- 
gnano  en  Istrie  et  sur  les  procédés 
employés  pour  son  extraction  et  sa 
puissance,  (Opuscoli  sceiti  di  Mila- 


SOC 


32i 


no,  t.  XIV.)  11.  Mémoire  et  précis 
d'expériences  sur  l'extraction  du 
cuivre  pur  du  mêlai  des  cloches, 
ibid.,  et  dans  le  t.  XIV  des  Annales 
des  aris  et  manufactures.  IIL  Expé- 
rience et  résultats  de  plusieurs  opé- 
rations en  grand,  faites  à  Venise,  sur 
différents  objets  d'art,  et  notamment 
sur  la  séparation  de  la  soude  du  sel 
marin.  (Opuscoli  sceiti  di  Milano, 
t.  XX.)  IV.  Essai  sur  le  calorique, 
ou  Recherches  sur  les  causes  physi- 
ques et  chimiques  des  phénomènes 
que  présentent  les  corps  soumis  à 
l'action  du  fluide  igné,  avec  des  ap- 
plications )iouvelles  relatives  à  la 
théorie  de  la  respiration,  de  la  cha- 
leur animale,  de  l'origine  des  feux 
volcaniques  ;  suivi  d'un  Essai  parti- 
culier sur  les  anomalies  d'affinités 
chimiques,  d'expériences,  d'obser- 
vations sur  le  métal  des  cloches  ; 
enfin  d'une  Description  de  la  fameuse 
aluminièrc  de  Souvignano  en  Istrie 
et  des  procédés  employés  pour  l'ex- 
traction et  la  purification  de  l'alun 
naturel,  Paris,  1801.  V.  Analyse  des 
eaux  d'Aix  en  Savoie,  Chambéry, 
1803;  ib.,  1805.  VI.  Analyse  des 
eaux  de  la  source  minérale  froide 
de  Puisard,  dite  de  Bois-Pian,  dans 
la  vallée  de  Saint-Baldoph,  près  de 
Chambéry.  (Annuaire  du  départe- 
ment du  Mont-Blanc,  an  XIII.)  VII. 
Manuel  de  vaccination,  Chambéry, 
1807.  VIII.  Trois  thèses  de  chimie, 
ibid.,  1808.  IX.  Traité  du  plâtrage 
employé  comme  engrais  sur  les  prai- 
ries artificielles,  Lyon,  1820.  Cet 
opuscule  avait  été  imprimé  en  1818 
par  la  Société  royale  d'agriculture 
de  Lyon,  sous  le  titre  de  Théorie  du 
plâtrage  en  agriculture.  X.  Essai 
analytique,  médical  et  topographi- 
que sur  les  eaux  minérales,  gazeu- 
ses-acidulés et  thermo- sulfureuses 
de  la  Perrière,  près  Mouticrs  en  Sa* 


326 


SOD 


SOD 


voie,  Lyon,  1824.  XI.  Observations 
pratiques  sur  le  choléra- morbus^ 
Turin,  1835.  Cet  écrit,  rédigé  d'a- 
près les  faits  observés  par  l'auteur 
au  sein  uiênie  de  ce  fléau,  sans  aulre 
mission  que  celle  de  son  dévouement 
personnel  à  la  cause  de  l'humanité, 
précéda  les  publications  des  Clot- 
Bey,  des  Bu  lard  et  des  Sociétés  for- 
mées en  Alleuiagne  dans  le  but  d'é- 
clairer l'hygiène  publique  et  la  po- 
lice sanitaire.  B— f— s. 

SODEN  (le  comte  Fkédéric-Jules- 
Henbi  de),  publicisle  et  littérateur 
allemand,  naquit  à  Anspach  en  1754. 
Appelé  au  conseil  privé  de  régence, 
puis  nommé  conseiller  intime  de  la 
maison  de  Brandebourg,  il  obtint  le 
titre  de  comte  de  l'empire  en  1790. 
La  cour  de  Prusse  l'envoya  comme 
ambassadeur  à  Nuremberg,  où  il 
ctmtinua  de  résider  après  qu'il  se  fut 
retiré  des  affaires  publiques  en  1796, 
Cette  ville  ayant  été  plus  tard  incor- 
porée au  royaume  de  Bavière,  Soden 
fut  élu,  vers  1825,  député  à  la  se- 
conde chambre  législative.  Il  mourut 
à  Nuremberg  le  13  juillet  1832,  âgé 
de  77  ans.  On  lui  doit  plusieurs  ou- 
vrages importants,  écrits  en  langue 
allemande,  sur  la  législation  et  l'éco- 
nomie politique,  tels  que  VEsprit 
des  lois  pénales,  en  3  vol.  ;  le  Traité 
sur  les  finances  de  Nuremberg  ;  la 
Loi  agraire;  VEsquisse  de  la  poli- 
tique administrative  des  États;  VÊ- 
conomie  politique  nationale ,  en 
8  vol.  Soden  cultivait  aussi  la  litté- 
rature et  affeciionnait  l'art  drama- 
tique. 11  avait  établi  à  Wurtzbourg, 
eu  1784,  un  théâtre  à  ses  frais,  et  prit 
ensuite  la  direction  de  celui  de  Bam- 
berg.  il  composa  même  un  grand 
nombre  de  pièces  qui  ont  été  impri- 
mées, et  dont  plusieurs  sont  encore 
jouées  sur  les  théâtres  d'Allemagne, 
notamment  Inès   de  Castro^  CUo- 


pâtre,  la  Mère  dé  famille  allemande. 
Quelques-unes  ont  été  imitées  en 
français  :  1°  Aurore,  ou  la  Fille  de 
Venfer^  comédie  en  trois  actes,  imi- 
tée de  l'allemand  du  comte  de  Saau- 
den  (Soden);  représentée  pour  la 
première  fois,  sur  le  théâtre  des  Va- 
riétés-Étrangères, le  26  fév.  1807, 
Paris,  in-8°,  1807.  2°  Célestine^  eu 
Amour  et  Innocence,  comédie  eu 
quatre  actes.  Paris,  1807.  3"  Vlllu- 
miné,  ou  le  Nouveau  Cagiiostro,  co- 
médie en  quatre  actes,  iuiitée  de  l'al- 
lemand, Paris,  1807,  in-8°,Ces  trois 
pièces  ont  été  insérées  dans  le  tome 
second  du  Théâtre  des  Variétés- 
Étrangères.  M.  Duperche  a  traduit 
en  français  un  roman  de  Soden,  in- 
titulé :  Aurora,  ou  l'Amante  mys' 
térieuse.,  Paris,  1802,  2  vol.  in-12 
avec  fig.  P — KT. 

SODI  (Pierre),  habile  chorégra- 
phe, était  né  à  Rome  dans  les'pre- 
mières  années  du  XVIll"  siècle.  11 
vint  à  Paris  vers  la  fin  de  1743,  et 
eu  1744,  à  la  rentrée  de  Pâques,  il 
fut  engagé  à  l'Académie  royale  de 
musique  comme  danseur  et  compo- 
siteur de  ballets.  Généralement  goûté 
à  ce  théâtre,  il  le  quitta  pourtant  au 
bout  de  deux  ou  trois  ans  et  se  ren- 
dit en  Angleterre;  mais,  en  1748,  il 
revint  en  France  et  reparut  à  l'Opé- 
ra, à  la  grande  satisfaction  des  ama- 
teurs. Il  le  quitta  de  nouveau  en 
1753,  pour  occuper  l'emploi  de  maî- 
tre de  ballets  à  la  Coinédie-Francaise, 
emploi  qu'il  résigna  encore  pour  te- 
nir l'école  de  danse  à  la  Comédie- 
Italienne.  On  croit  qu'il  mourut  en 
17G0.  Outre  ses  compositions  choré- 
graphiques pour  les  deux  principales 
scènes  auxquelles  il  fut  attaché,  il  en 
donna  plusieurs  autres  au  Théâtre- 
Italien,  dans  la  seule  vue  d'obliger 
ses  compatriotes,  et  en  1752,  pour 
rendre  service  à  deux  jeunes  artistes 


SOD 

de  son  pays,  Bettina  Bugiani  et  Co- 
siino  Maranesi,  qui  dansèrent  à  TO- 
péra-Comique  pendant  la  foire  Saint- 
Laurent,  il  lit  tout  exprès  pour  eux 
un  ballet-pantomime,  dans  lequel  il 
voulut  figurer  lui-même.  Voici  la 
liste  de  ses  ouvrages  les  plus  con- 
nus. A  l'Acade'mie  royale  de  musi- 
que: 1"  la  Cornemuse;  2°  les  Jardi- 
niers, ou  les  Ciseaux  ;  ces  deux  pan- 
tomiuies  furent  aussi  dansées  à  la 
cour,  avec  beaucoup  de  succès,  dans 
les  spectacles  qu'on  y  donna  à  l'oc- 
casion da  mariage  du  Dauphin  avec 
la  princesse  Marie-Josèphe  de  Saxe-, 
3"  les  Fous;  4"  les  Mandolines;  5° 
le  Bouquet,  très -applaudi  le  jour 
que  le  corps  de  ville  vint  en  cérémo- 
nie à  l'Opéra,  après  avoir  obtenu  le 
privilège  de  ce  spectacle.  Au  Théâ- 
tre-Italien :  6o  Les  Cors  de  chasse; 
7"  le  Dormeur;  8°  V Allemande;  9° 
les  Enfants  vendangeurs,  ballet  exé- 
cuté par  la  demoiselle  Véronèse  ca- 
dette et  le  jeune  Du  Bois,  élève  de 
Sodi.  L'un  des  tableaux  que  présente 
ce  ballet  a  été  gravé  (1),  et  l'estampe 
offre  les  portraits  des  deux  exécu- 
tants. Ou  lit  au  bas  : 

Ce»  deux  danseurs,  presque  eu  uaiisaul, 
Piir  leur  dame  ingéuue  embellisseut  la  scène, 
£l  dans  l'âge  où  l'on  «ent  à  peine, 
Us  cipriment  loul  c»  qu'on  sent. 

10"  Les  nouveaux  Caractères  de  la 
Danse  ^  morceau  ingénieusement 
imaginé  et  qui  eut  un  succès  prodi- 
gieux, surtout  le  Caractère  de  l'A- 
gnès. A  la  Comédie- Française  :  11" 
La  Noce,  ballet  dans  lequel  Sodi 
dansait  le  Pas  de  l'Ivrogne  d'une 
façon  inimitable;  \2° les  Amusements 
champêtres  (le  jeu  de  la  main- 
chaude  y  élait  représenté);  13»  la 
Chasse;  14"  le  Ballet  turc,  à  la  suite 


(i)  Par  Horreolli,  jeune  graveur  dauois, 
sur  un  dessin  de  Marvie. 


SOE 


327 


du  Port  de  mer,  comédie  de  Boin- 
din  ;  15"  le  Ballet  de  îa  comédie  des 
Hommes  (de  Saint-Foix);  16°  celui 
des  Adieux  du  goût  (de  Portelance 
et  Patu),  termiué  par  la  pantomime 
des  Enfants  bûcherons.  A  l'Opéra- 
Comique  :  17»  Le  Jardin  des  Fées, 
etc.  —  Sodi  {Charles).,  frère  aîné  du 
précédent  et,  comme  lui,  né  à  Rome, 
était  un  excellent  musicien  et  un 
compositeur  distingué.  En  1749,  il 
vint  retrouver  son  frère  à  Paris,  et  il 
s'y  fit  long-temps  applaudir  du  public, 
en  figurant  sur  la  scène,  où  il  exé- 
cutait des  solos  sur  la  mandoline, 
instrument  dont  il  jouait  à  mer- 
veille. Ce  fut  pour  faire  briller  ce 
talent  de  Charles  que  Pierre  compo- 
sa le  ballet  n*  4,  mentionné  ci-des- 
sus. A  son  tour,  Charles  fit  la  mu- 
sique de  ce  même  ballet  et  de  plu- 
sieurs autres  de  son  frère.  Il  fit  aussi 
celle  de  quelques  pièces  de  théâtre, 
comme  parodies,  divertissements, 
etc.,  et  d'un  certain  nombre  d'a- 
riettes italiennes  très^bien  reçues 
des  connaisseurs.  Ses  leçons  pour  le 
goût  du  chant  italien  étaient  tort  re- 
cherchées. 11  en  donna,  entre  autres, 
à  Rosalie  Astrodi,  actrice  alors  en 
vogue,  et  à  la  célèbre  M'"»  Favart, 
qu'il  eut  bien  des  fois  l'avantage 
d'accompagner  de  sa  mandoline. 
Nous  ignorons  l'époque  de  la  mort 
de  Charles  Sodi.  Pour  plus  de  détails 
sur  lui  et  sur  son  frère,  consultez  le 
Dictionnaire  des  théâtres  de  Paris, 
par  les  frères  Parfaict  et  d'Abguer- 
be;  voy.  également  l'ouvrage  de 
M.  Castil-Blaze,  intitulé  ;  La  Danse 
et  les  Ballets,  p.  201.    B-l— u. 

SOEFYE  (Lucien),  mort  doyen 
des  avocats,  k  Paris  sa  patrie,  en  1695, 
âgé  de  78  ans,  a  laissé,  en  2  vol.  in-fol., 
sous  le  titre  de  Questions  notables, 
un  recueil  de  huit  cents  arrêts  ren- 
dus au  parlement  de  Paris,  depuis 


328 


SOE 


16i0  juscju'à  1681.  On  y  trouve  les 
moyens  employés,  de  part  et  d'autre, 
par  les  avocats,  et  reproduits  avec  as- 
sez de  clarté  et  dç  pre'cision.  T — d. 
SŒMMEKIiVG  (Samuel-Thomas), 
l'un  des  anatomistes  les  plus  distiu- 
gués  de  l'Allemagne,  naquit  le  25 
janvier  1755  à  Thorn,  enWestprus- 
se,  patrie  du  grand  Copernic.  Fils 
d'un  médecin  qui  avait  suivi  les  le- 
rons  de  Boerhaave  et  d'Albinus  de 
Leyde,  il  fut  destiné  à  la  même  pro- 
fession,  et  suça,  pour  ainsi  dire,  le 
lait  de  la  science  qui  devint  pour  lui 
comme  uneseconde  mère.  Il  travailla, 
(lès  sa  tendre  jeunesse,  à  acquérir  les 
notions  indispensables  pour  étudier 
la  médecine  avec  fruit,  et  réaliser 
un  des  vœux  de  son  père  mourant. 
A  l'ùge  de  19  ans,  il  se  rendit  à  Gœt- 
lingue  où  il  suivit  lesleçonsde  Wris- 
berg,  Boldingcr  et  Richter.  11  y  resta 
jusqu'au  7  avril  1778.  De  cette  épo- 
que date  l'étroite  amitié  qui  l'unit  à 
Dlunienbach  et  à  Lichtenberg.  Reçu 
docteur,  il  fut  bientôt  après  nommé 
professeur  d'anatomie  àCarolinum, 
dans  leCassel,  où  il  rencontra  Fors - 
1er  qui  ,  jeune  encore  et  débutant 
comme  lui  dans  la  carrière,  lui  olfrit 
son  amitié.  En  1784,  il  fut  nommé 
professeur  de  médecine  à  la  faculté 
de  Mayence,une  des  plus  florissantes 
d'Allemagne.  C'est  là  qu'il  passa  les 
plus  beaux  jours  de  sa  vie,  c'est  là 
qu'il  acquit  ce  vaste  savoir  qui  de- 
vait le  rendr-e  un  des  médecins  les 
plus  renommés  de  l'Europe.  Il  pré- 
parait déjà  les  documents  qui  lui  ser- 
virent plus  tard  à  publier  ses  travaux 
anatomiques.  Parmi  les  premiers  mé- 
decins qu'il  forma,  l'histoire  a  con- 
servé le  nom  des  frères  Wenzel.  Les 
occupations  auxquelles  il  se  livra  et 
l'affection  que  lui  portait  Jean  de  Mul- 
ler  ne  furent  pas  les  seuls  motifs  qui 
lui  firent  toujours  considérer  la  ville 


SOE 

deMayence  avec  une  sorte  de  prédi- 
lection ;  des  souvenirs  plus  tendres, 
plus  chers  à  son  cœur  se  rattachent 
à  cette  époque  si  heureuse  de  sa  vie: 
c'est  dans  cette  ville  qu'il  connut 
Margueriie-Élisabeth  Grunelius  avec 
laquelle  il  se  maria  en  1792.  La  vie  de 
presque  tous  les  hommes  de  science 
se  ressentit  plus  ou  moins  des  trou- 
bles politiques  qui  agitaient  alors 
l'Europe.  Mayence  ayant  été  pris  par 
les  Français,  l'ancienne  école  fut  dis- 
soute, et  Sœmmering,  abandonnant 
cette  ville  à  regret,  se  rendit  à  Franc- 
fort, patrie  de  sa  femme,  et  y  exerça 
la  médecine.  Les  loisirs  de  sa  nou- 
velle position  lui  permirent  de  pu- 
blier son  ouvrage  qui  a  pour  titre  : 
De  corporis  humant  fabrica.  11  est 
à  remarquer  que  ce  livre  existe  en 
allemand  et  en  latin.  Sœmmering  l'é- 
crivit concurremment  dans  ces  deux 
langues.  Ce  traité  d'anatomie  est  l'œu- 
vre capitale  de  ce  grand  médecin. 
Comme  tous  les  auteurs,  Sœmmering 
commence  son  ouvrage  par  l'étude  de 
l'ostéologie ,  conspectus  osteologiœ , 
parce  que  c'est  la  base  de  toute  élude 
anatomique,  les  os  formant  les  points 
de  départ  et  d'arrivée  des  muscles 
qui  eux-mêmes  recouvrent  ou  accom- 
pagnent les  autres  parties  du  corps 
humain.  Sœmmering  démontre  la 
composition  des  os,  en  trace  l'ana- 
lyse comme  on  le  fait  de  nos  jours 
au  moyen  des  acides  pour  apprécier 
la  gélatine,  et  du  calorique  pour  en 
démontrer  l'élément  calcaire.  11  les 
considère  comme  formés  de  gélatine, 
d'acide  phosphorique  fixe  et  de  par- 
celles de  îer ,  particulis  fcrreis.  11 
les  divise  en  os  longs  ou  cylindriques, 
en  os  larges,  enfln  en  os  mixtes.  Il  fait 
connaître  que  les  os  se  teignent  par 
la  garance  (1).  Nous  insistons  sur  ce 

(i)  "  liubiB,  tinc-(orum  vtl  galium  aparint 


SOE 


SOE 


329 


sujet  parce  que  les  auteurs  que  uous 
vouons  de  citer  ont  sans  doute  con- 
tribué à  mettre  sur  la  voie  des  belles 
recherches  qui  ouf  eu  lieu  de  nos 
jours.  On  sait  que  des  pigeons  et 
d'autres  animaux  d'un  âge  tendre 
ont  e'te'  nourris  avec  des  aliments 
teints  par  la  garance.  Tués  plusieurs 
mois  après  avoir  subi  un  pareil  ré- 
gime, on  a  remarqué  avec  surprise 
que  le  squelette  s'élait  emparé  de  la 
couleur  si  vive  de  celle  substance. 
Sur  d'autres,  nourris  alternativement 
pendant  un  certain  temps  avec  des 
aliments  ordinaires  et  des  aliments 
mélangés  avec  le  rubia  tinctorum, 
ou  a  vu  que  les  os  présentaient  al- 
ternativement une  couche  blanche 
et  une  couche  rouge,  et  on  en  a  tiré 
d'ingénieuses  couclusions  sur  l'ab- 
sorption sans  cesse  continue  dans  le 
tissu  osseux  ,  conclusions  fécondes 
en  aperçus  physiologiques  mais  qu'il 
serait  trop  long  de  rapporter  ici. 
Sœmmering  divise  les  cartilages  en 
temporaires  et  en  permanents.  Les 
preuiiers  sont  destinés  à  se  changer 
plus  tard  en  os.  Le  cartilage  a  des 
artères,  des  veines  et  des  vaisseaux 
absorbants,  mais  il  manque  de  nerfs, 
partant  de  sensibilité.  Le  cartilage 
se  métamorphose  en  os  au  moyen  des 
artères  qui  charrient  dans  son  épais- 
seur l'élément  calcaire.  Il  indique 
la  formation  du  cal  dont  la  manifes- 
tation commence  par  une  matière 
molle  et  agglutinative  au  milieu  de 
laquelle  les  vaisseaux  aflluent.  11  ter- 
mine ses  généralités  sur  les  os  en 
montrant  les  différences  qui  existent 

coccinto  colore  ossa  tingunt.  »>  Il  s'appuie, 
pour  produire  une  pareille  assertion,  sur 
l'autorité  de  J.-D.  Boehmer  :  De  callo  os- 
siiim  e  rubiœ  linctoium  radicis  païUt  injecto- 
rum,  Leij)z.,  1702;  et  sur  celle  de  Pierre 
Detlilel,  Diss.  de  ossium  calU  iidtura  ptr 
fracta  in  anima/ibus  rubiœ  ladice  pasiis  ona 
demonslrata,  Gcetting,,  1753. 


à  cet  égard  entre  les  hommes  des  cinq 
parties  du  monde  ;  et,  s'appuyant  sur 
l'autorité  de  Daubenton,  de  Camper 
et  de  Blumcnbach  dout  il  a  étudié  les 
collections,  il  donne  des  détails  cu- 
rieux, surtout  pour  ceux  qui  s'occu- 
pent des  formes  extérieures  de  l'hom- 
me. Comme  beaucoup  de  médecins 
de  son  temps,  il  était  amateur  de  col- 
lections analomiques',  aussi  était-il 
parvenu  à  réunir  un  assez  gr.ind  nom- 
bre de  crânes  humains  qui  lui  pernii- 
rent  de  faire  ses  judicieuses  observa- 
tions. Il  s'étend  sur  les  dilférences 
que  présentent  les  os  d'après  le  genre 
de  vie  des  individus,  leurs  habitudes, 
les  médicaments  dont  ils  ont  fait  usa- 
ge, les  maladies  qu'ils  ont  contrac- 
tées. D'après  Sœmmering,  non-seu- 
lement le  rachitisme  ramollit  les  os, 
mais  augmente  encore  les  épiphyses 
dans  leur  circonférence;  il  les  com- 
pare avec  justesse  h  des  os  récem- 
ment trempés  dans  les  acides,  spon- 
gieux, durs  au  toucher  etcomme  ron- 
gés par  les  vers.  Les  os  du  front  se 
gonllent  et  les  sutures  sont  prêtes  à 
se  disjoindre.  Les  dents,  uon-seule- 
ment  sortent  tardivement  de  leurs 
alvéoles,  mais  perdent  leur  couleur 
et  tombent  par  petits  morceaux.  La 
poitrine  se  forme  en  carène ,  les 
gibbosités  de  toute  sorte  prennent 
naissance ,  les  os  se  courbent  ; 
bien  plus,  le  bassin  est  déformé,  et, 
quand  l'affection  est  parvenue  à  son 
maximum  d'intensité,  les  membres 
inférieurs  eux-mêmes  s'énervent. 
Sœmmering  cite  à  cette  occasion 
Struck  qui  avait  observé  un  cas  de 
rachitisme  où  le  fémur  avait  acquis 
la  mollesse  du  lard.  Comme  on  le 
voit  dans  ce  passage  que  nous  avons 
traduit  textuellement,  ceci  n'est  plus 
de  l'anatomie  ordinaire,  c'est  de  l'a- 
natomie  pathologique.  Les  détails 
que  l'auteur  donne  sont  précieux  ; 


330 


SOE 


cependant  il  a  le  tort,  selon  nous,  de 
faire  débuter  le  rachitisme  toujours 
par  la  partie  supérieure  pour  Unir 
par  les  exlrémilés  inférieures.  Cette 
élude  se  rattachant  aux  plus  hautes 
questions  d'hygiène  morale,  il  est 
utile  de  voir  en  quoi  Sœmniering 
s'est  trompé.  Les  recherches  des  aaa- 
toniistes  de  nos  jours,  et  en  particu- 
lier celles  de  M.  Jules  Guérin,  ten- 
dent à  prouver  que  le  rachitisme 
non-seulement  déforme  les  os,  mais 
qu'il  arrête  surtout  leur  développe- 
ment; bien  plus,  et  ceci  est  très-re- 
marquable, le  rachitisme  suit,  dans 
son  action  sur  le  système  osseux, 
une  marche  toujours  ascendante; 
ainsi  il  atteint  et  ramollit  les  tibias, 
passe  au  fémur,  déforme  le  bassin 
avant  d'arriver  à  la  colonne  verté- 
brale :  ces  considérations  sont  ex- 
trêmement importantes.  En  effet , 
une  jeune  tille  aitligée  d'une  ou  de 
plusieurs  gibbosités  est  soumise  à 
l'examen  de  la  science.  11  esi  néces- 
saire de  savoir  si  elle  peut  ou  ne 
peut  pas  contracter  mariage.  Eh 
bien  ,  c'est  ce  que  l'art  obstétrical 
de  nos  jours  est  parvenu  à  décider. 
Si  la  déformation  des  membres  infé- 
rieurs s'est  montrée  la  première  et 
dans  le  jeune  âge,  alors  que  la  char  - 
pente  osseuseétait  loin  d'avoir  acquis 
tout  son  développement;  si  le  ra- 
chitisme, après  un  certain  laps  de 
temps,  a  occasionné  des  courbures 
irrégulières  de  la  colonne  vertébrale, 
il  est  presque  certain  que  les  os  du 
bassin  ont  subi  une  altération  quel- 
conque dans  leur  forme  ou  dans  leur 
développement.  Il  est  donc  sage,  en 
pareille  circonstance,  de  désapprou- 
ver le  mariage.  Si,  au  contraire,  les 
gibbosités  se  sont  montrées  après  la 
puberté  ,  si  elles  ont  précédé  les 
courbures  des  membres  inférieurs, 
il  est  très-probable  que  les  os  du  bas- 


SOE 

sin  n'auront  subi  aucun  arrêt  dans 
leur  développement.  Dans  le  pre- 
mier cas  on  aurait  à  apprécier  les 
tristes  résultats  du  rachitisme,  qui 
n'attaque  en  général  que  les  enfants 
en  bas-âge;  dans  le  second  cas  on 
aurait  probablement  affaire  à  l'ostco- 
malacie  qui  est  une  affection  de  l'âge 
adulte.  Ainsi  le  mariage,  qui  devrait 
être  formellement  interdit  dans  la 
première  circonstance,  pourrait  à  la 
rigueur  être  toléré  dans  la  seconde. 
Après  quelques  mots  sur  la  confor- 
mation osseuse  dos  crétins,  Sœmme- 
ring  aborde  la  question  du  virus  sy- 
philitique, son  aciion  sur  le  tissu 
osseux.  11  termine  par  la  préparation 
et  la  conservation  des  dilféreutes 
pièces  du  squelette.  Les  dents,  qu'il 
n'assimile  pas  touî-à  fait  aux  os,  en 
difièrent  par  leur  subsiance  propre, 
leur  ligure,  leur  nutrition,  leur  chan- 
gement et  leur  usage.  Elles  sont  plus 
denses  et  recouvertes  extérieure- 
ment d'une  matière  vitrée  qu'il  com- 
pare à  la  porcelaine.  Sœmmering, 
après  avoir  décrit  les  os  en  général, 
les  étudie  chacun  en  particulier.  Sa 
méthode  donne  quelque  prise  à  la 
critique.  11  commence  par  décrire 
les  os  du  crâne  et  de  la  face,  puis  les 
vertèbres  du  cou  et  du  dos,  passe  à 
l'étude  des  côtes  et  du  sternum,  re- 
vient aux  vertèbres  des  lombes  et  du 
sacrum,  et  termine  enfin  par  le  bas- 
sin et  les  membres  supérieurs  et  in- 
férieurs. Cette  manière  de  diviser 
rétude  des  os  est  défectueuse;  en 
elfet,  puisque  la  colonne  vertébrale 
est  composée  d'un  grand  nombre  de 
pièces  sinon  exactement  semblables, 
présentant  du  moins  une  grande 
analogie  de  structure,  il  était  logique 
d'en  étudier  successivement  chaque 
partie,  et  de  ne  pas  séparer  dans  une 
description  les  vertèbres  du  cou  et 
du  dos  des  vertèbres  loinbaires.  De 


SOE 

nos  jours,  où  les  études  anatomiques 
ont  été  aussi  l'objet  d'Une  prédilec- 
tion toute  particulière,  à  l'école  de 
Paris  surtout,  on  commence  la  des- 
cription totale  du  squelette  par  celle 
de  toute  la  colonne  vertébrale.  N'est- 
ce  pas  à  elle  que  s'attachent  les  dif- 
férentes pièces  de  l'édilice  humain? 
Le  crâne  lui-même  n'est-il  pas  une 
vertèbre,  la  plus  importante  de  tou- 
tes, s'élargissant  avec  une  harmonie 
merveilleuse  pour  recueillir  et  pro- 
téger l'épanouissement  encéphalique? 
Les  ligaments  et  les  muscles  sont 
étudiés  avec  une  égale  importance. 
Nous  appelons  fibre  musculaire,  dit- 
il,  un  til  oblong,  humide,  mou,  un 
peu  transparent,  s'entrelaçant  pour 
former  une  trame,  composée  de  vei- 
nes, d'artères,  de  vaisseaux  absor- 
bants et  de  filets  nerveux  ,  lâche 
dans  le  repos  et  acqu^ant  de  la  mo- 
tilité  sous  l'influence  des  nerfs  et  du 
cerveau.  Sœmmering  consacre  le 
quatrième  volume  de  son  traité  à 
l'étude  de  l'encéphale  et  des  nerfs.  Il 
divise  le  cerveau  en  quatre  portions  : 
la  cendrée,  la  moelleuse,  la  portion 
intermédiaire  qui  est  un  pen  jaune, 
et  enfin  la  portion  noire.  Il  décrit 
les  cinq  ventticules  du  cerveau , 
fait  remarquer  que  la  glande  pi- 
néale  est  plus  grosse  chez  la  femme 
que  chez  l'homme,  sans  toutefois 
en  tirer  aucune  conséquence. On  sait 
que  beaucoup  d'anatomistes  du  siè- 
cle dernier  en  ont  fait  le  siège  de 
l'âme.  Sœmmering,  dans  un  ouvrage 
qu'il  publia  plus  tard  spécialement 
sur  le  cerveau,  assigna  pour  place 
à  cette  partie  immatérielle  de  notre 
être  l'humeur  aqueuse  qui  baigne  la 
surface  des  ventricules.  Quoi  qu'il 
en  soit,  l'auteur  observe  que  la  pres- 
sion exercée  sur  le  cerveau  produit 
le  sommeil.  N'est-ce  pas  là  un  grand 
jour  jeté  sur  la   pathologie  et  les 


SOE 


331 


épanchements  cérébraux  ?  Seule- 
ment il  faut  penser  que  Sœmmering 
n'a  pas  voulu,  par  le  mot  obdormit, 
désigner  un  véritable  sonuneil,  mais 
bien  l'assoupissement,  le  coma  qui 
est  la  conséquence  nécessaire  des 
épanchements  au  cerveau.  Un  peu 
plus  loin  il  fait  remarquer  qu'une 
partie  du  cerveau  se  trouvant  forte- 
ment comprimée,  la  résolution  des 
membres  se  montre  lians  le  côté 
opposé  du  corps  5  il  a  en  outre  le 
soin  d'ajouter  «  que  la  lésion  d'un 
«  côté  de  la  moelle  épinière  entraîne 
«  le  plus  souvent  celle  du  même 
u  côté  du  corps.  »  11  prétend  avec 
raison  que  le  cerveau  n'est  pas  ri- 
goureusement nécessaire  pour  la 
conservation  de  la  vie;  il  l'appelle 
cependant  le  sensorium  commun  ou 
organe  de  l'âme,  parce  que  c'est  à 
lui  qu'aboutissent  toutes  les  sensa- 
tions, qu'il  les  coordonne  et  qu'il  est 
le  moteur  de  la  pensée.  Le  cinquième 
volume,  consacré  à  l'étude  des  ar- 
tères, des  veines  et  des  vaisseaux 
absorbants,  témoigue  de  la  même 
érudition.  Enfin,  en  1801,  Sœmme- 
ring termina  cet  ouvrage  par  un 
sixième  volume.  Les  poumons  sont, 
d'après  lui,  les  agents  de  la  chaleur 
animale;  il  leur  attribue  le  rôle  de 
débarrasser  le  sang  des  matières  qui 
pourraient  lui  nuire,  en  un  mot  de  le 
purger.  ïi  fait  remarquer  l'accord  des 
mouvements  respiratoires  avec  le 
pouls,  et  dit  même  quelques  mots  de 
plusieurs  phénomènes  qui  sont  du 
domaine  essentiel  de  la  physiologie, 
tels  que  le  soupir,  le  rire,  le  chant, 
les  larnies,  etc.  Nous  nous  sonmies 
assez  longuement  étendu  sur  cet 
ouvrage,  parce  qu'il  est  sans  contre- 
dit le  plus  remarquable  de  l'auteur. 
Sœmmering  était  surtout  anatomiste; 
c'est  vers  cette  partie  de  la  science 
qu'il  dirigea  les  études  de  toute  sa 


332 


sot: 


SOE 


vie.  L'anatoinJe  n'est-elle  pas  la  base 
esseiitiellede  toutes  les  conséquences 
chirurgicales?  n'est-ce  pas  elle  qui 
donne  au  chirurgien  ce  courage  tran- 
quille qui  lui  permet  d'entreprendre 
les  opérations  les  plus  laborieuses,  et 
guiiie  d'une  manière  certaine  son 
instrumenta  travers  les  chairs  pal- 
pitantes pour  y  porter  la  guérison  et 
la  vie?  Pendant  que  Sœmmering 
écrivait  son  grand  ouvrage  sur  l'a- 
natomie,  il  composait  des  mémoires 
sur  ce  qui  fixait  momentanément 
l'attention.  Une  lettre  qu'il  écrivit  à 
ŒIsner,  à  la  lin  du  siècle  dernier, 
mérite  d'être  signalée,  parce  qu'elle 
se  rattache  à  une  question  fort  grave 
et  qui  préoccupait  vivement  tous  les 
esprits  en  France  :  nous  voulons 
parler  de  la  peine  de  mort.  Dans  cet 
écrit,  daté  de  Francfort,  20  mai  1795, 
l'auteur  combat  l'invention  de  la 
guillotine,  et,  il  faut  l'avouer,  quoi 
(|u'on  en  ait  dit,  ses  raisons  sont 
bonnes.  Il  fait  observer  que  cet  hor- 
rible instrument  a  été  adopté  dans 
l'hypothèse  qu'il  termine  la  vie  de 
la  manière  la  plus  sûre,  la  plus  ra- 
pide et  la  moins  douloureuse.  Sœm- 
mering dit  que  le  siège  du  sentiment 
et  de  son  aperception  étant  dans  le 
cerveau,  que  les  opérations  de  cette 
conscience  des  sentiments  pouvant 
se  faire  quoique  la  circulation  du 
sang  par  le  cerveau  soit  suspendue, 
ou  faible,  ou  partielle,  il  s'ensuit  que 
la  guillotine  doit  être  un  genre  de 
mort  humble.  Dans  la  tête  séparée 
du  Corps  par  ce  supplice,  le  senti- 
ment ^Idperscnnalité,  lemoi,  restent 
vivants  pendant  quelque  temps  et 
ressentent  V arrière-douleur  dont  le 
col  est  affecté.  Sœmmering  s'attache 
à  démonirer  que  le  siège  de  la  fa- 
culté de  sentir  est  dans  le  cerveau, 
puisqu'il  n'est  pas  d'organe  qui 
puisse  être  détruit  sans  que  ni  le 


sentiment,  ni  la  faculté  de  penser, 
ni  la  volonté,  ni  la  mémoire  en 
souffrent;  que  la  moelle  elle-même 
peut  être  lésée  ou  comprimée  sans 
nuire  en  rien  aux  facultés  cérébra- 
les, qu'un  amputé  se  plaint  de  dou- 
leurs qu'il  croit  ressentir  dans  un 
membre  qui  n'existe  plus.  Ainsi 
donc,  admettant  que  le  cerveau  soit 
le  siège  delà  faculté  de  sentir,  aussi 
long-temps,  dit-il,  que  le  cerveau 
conserve  sa  force  vitale,  le  supplicie 
a  le  sentiment  de  son  existence.  Il 
cite,  d'après  Weicart,  médecin  alle- 
mand, un  homme  dont  les  lèvres  se 
mouvaient  après  que  sa  tête  eut  été 
séparée.  Sœmmering  est  si  convaiucu 
de  la  prolongation  momentanée  de 
la  vie  chez  les  suppliciés,  qu'il  avance 
que,  si  les  organes  respiratoires  pou- 
vaient amener  l'air  d'une  manière 
normale  dans  labouche, ces /e/e^par- 
leraient.  Comme  le  cerveau  a  encore 
la  force  de  mouvoir  les  muscles  du  vi- 
Siige,le  savant  aiialomiste  en  conclut 
que  la  sensibilité  peut  durerun  quart 
d'heure.  Il  ajoute  que  la  faculté  de 
penser  persiste  encore,  après  que 
celle  de  produire  du  mouvement  a 
cessé.  Le  col  contenant  une  grande 
quantité  de  nerfs,  la  douleur  doit 
être  excessive  ;  •  par  conséquent,  la 

•  douleur  de  la  séparation,  et  selon 
«  la  manière  dont  j'ai  vu  agir  la  guil- 
«  lotine,  je  dirai,  la  douleur  du  bri- 

•  sèment  ou  de  l'écrasement  du  col 
«  doit  être  la  plus  violente,  la  plus 
«  sensible,  la  plus  déchirante  qu'il 

•  soit  possible  d'éprouver.'  »  (Maga- 
sin encyclopédique,  1795,  tome  III, 
page  473.)  Sœmmering  propose  de 
remplacer  la  guillotine  par  la  pen- 
daison. Les  gens  qui  se  sont  pendus 
eux-mêmes  ou  qui  ont  été  pendus 
par  d'autres,  mais  qui  sont  revenus 
à  la  vie,  et  "  j'ea  ai  connu  plusieurs, 

•  dit-il,  prétendent  qu'on  peut  se 


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333 


«  figurer  le  sentiment  que  fait  éprou- 

•  ver  ce  genre  de  mort  comme  un 

■  doux  sommeil.  Dans  le  moment  de 

•  l'étranglement,  le  -sommeil   mor- 

•  tel  s'était  emparé  d'eux  sans  dou» 

•  leur  particulière,  sans  le  sentiment 

■  d'une  angoisse  quelconque,  et  ils 

•  en  sont  sortis  comme  d'une  fai- 

•  blesse  délicieuse.  »  D'après  Sœm- 
mering,  le  pendu  s'endormirait  sous 
l'influence  de  la  compression  du  cer- 
veau, causée  par  la  grande  quantité 
de  sang  affluant  sur  cet  organe.  Les 
artères  vertébrales  étant  incompres- 
sibles laissent  arriver  au  cerve.iu  le 
sang  que  les  veines  jugulaires  com- 
primées retiennent  au-dessus  du  col. 
Soemmering  termine  sa  lettre  par  ces 
lignes:  «  Des  spectacles  aussi  abo- 
«  minables  ne  devaient  pas  avoir  lieu 
«  parmi  des  sauvages,  et  ce  sont  des 

•  républicains  qui  les  donnent  et  qui 

•  y  assistent.  «Francfort, 20mai  1795. 
Concurremment  avec  son  ouvrage  d'a- 
natomie,Sœmmering s'occupa  de  re- 
cherches spéciales  sur  les  vaisseaux 
lymphatiques,  et  publia  un  livre  qui 
mérita  le  prix  d'une  société  savnnte 
d'Allemagne.  Cet  ouvrage  a  pour  ti- 
tre: De  morbis  vasorum  absorben- 
tium  corporis  humani.  Sœmmering 
divise  son  travail  en  80  chapitres, 
étudiant  tour  à  tour  le  rôle  que  jouent 
les  vaisseaux  absorbants  dans  les 
maladies  les  plus  diverses,  telles  que 
l'érysipèle  et  les  iiévres  intermit- 
tentes, la  petite  vérole  et  le  choléra, 
la  plique  polonaise  et  la  phthisie  pul- 
monaire, la  cataracte  et  la  fièvre 
puerpérale.  Le  sujel  est  vaste;  Sœm- 
mering en  profite  avec  avantage; 
toutefois  il  n'entre  jamais  dans  de 
longues  discussions  pour  faire  par- 
tager au  lecuur  ses  opinions,  et  la 
masse  de  connaissances  qu'il  pré- 
sente est  renfermée  dans  d'étroites 
limites.  Dès  le  début,  il  signale  ces 


engorgements  ganglionaires  de  la  ra- 
cine des  membres  inférieurs,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  les  bubons 
vénériens  et  qui  arrivent  par  une 
compressionou  une  blessure  du  pied. 
Passant  ensuite  à  l'histoire  des  vais- 
seaux absorbants  dans  l'érysipèle,  il 
fait  connaîire  une  théorie  professée 
par  Burserius  de  Kanilfeld  (2).  Cette 
théorie  a  été  enseignée  dans  ces  der- 
niers temps  par  M.  Blandin,  et  tous 
les  médecins  français  la  connaissent 
pour  l'avoir  adoptée  ou  combattue. 
Celte  opinion,  tirée  de  l'oubli  et  ra- 
jeunie de  nos  jours,  admet  que,  dans 
toute  affection  érysipélateuse,  la  ma- 
ladie commence  par  se  développer 
dans  les  chapelets  ganglionaires  de 
lapartie^de  là  seulement,  et  comme 
point  de  départ,  Tinflammation  s'é 
tend  le  long  des  vaisseaux  lympha- 
tiques. Il  dii  en  outre  que  les  glandes 
inguinales  s'engorgent  après  avoir 
absorbé  le  pus  des  abcès  du  pied,  ou 
d'une  plaie  qui  est  la  conséquence 
des  amputations  pratiquées  aux  mem- 
bres inférieurs.  Il  montre  le  pusdans 
les  ganglions  bronchiques  des  phthi- 
siques,  et  regarde  à  tort  ou  à  raison 
ce  pus  comme  venant  directement 
de  l'excavation  pulmonaire.  Il  avan- 
ce, au  sujet  des  fièvres  intermit- 
tentes, cette  grande  vérité:  «<  que  le 
"  miasme  fébrifère  est  absorbé  par 
«  les  lymphatiques.  »  Le  ramollisse- 
ment des  os  aurait  lieu  par  suite  de 
l'absorption  de  la  matière  calcaire  qui 
passerait  dans  le  sang  pour  être  en- 


(2)  Liceat  loqueiitem  introducere  Binse- 
rmin  de  K:iiiilfeld;  illud  etiarn,  iiiquit,  lenrii- 
dum  est,  fjiiod  cieijiis  ex  observatiouiluis 
(.'onstitit,  si  erysipelas  artubiis  iufeiinrihiis 
iiiL'uliitui ma  sit,  inguiiiis  et  feinoris  gl.iudii- 
l:iâ  congloliiita.s,  vasis  cruralilius  ad^ila',  att' 
tcqiinm  t-e  exseiat,  levitcr  dolere  atque  inlu- 
meseere  cousiievisse  ;  axillares  vero  ae  r;er- 
vicales,  si  Lracliiis  aut  siiperioribuslocis  im- 
iniiieat.  P^e.  5. 


334 


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suite  rejelocpar  fcs  urines. Sœinmo- 
ring,  après  avoir  fait  jouerun grand 
rôle  aux  absorbants  dans  la  métas- 
tase, ajoute  que  la  fièvre  puerpérale 
est  causée  par  l'absorption  de  la  ma- 
tière fournie  par  l'utérus.  Enfin, 
comme  si  son  livre  était  insuffisant 
pour  étudier  tout  ce  qui  se  ratta- 
che à  c<t  intéressant  sujet,  l'au- 
teur cite  trois  cent  treize  ouvrages 
où  l'on  pourra  trouver  des  détails 
plus  étendus  sur  l'histoire  des  vais- 
seaux absorbants.  Ces  vasies  travaux 
étaient  loin  de  consumer  tous  les  loi- 
sirs de  l'illustre  chirurgien,  car  il 
publia  vers  la  même  époque  un  livre 
sur  l'embryon  humain,  dans  le- 
quel il  fait  également  preuve  d'une 
grandf  érudition.  En  1804,  Sœnmie- 
ring  fut  nommé  membre  des  aca- 
démies de  Saint-Pétersbourg  et  de 
Munich.  Appelé  dès  1803  à  l'univer- 
sité d'Htidelberg,  il  se  lia  d'une 
étroite  amitié  avec  Jacobi,  Schelling, 
Jacobs,  Schlichtegroll,  Fischer  et 
d'iiutres  hommes  que  la  science  n'a 
point  oubliés.  Dans  cet^te  nouvelle 
position  il  aurait  pu  se  reposer  de 
ses  longs  travaux  et  jouir  sans  fa- 
tigue des  faveurs  de  la  fortune  et  du 
prestige  de  sa  renommée;  mais  l'a- 
niour  de  l'étude  l'emporta,  et  il  fit 
paraîire  un  nouvel  ouvrage  sous 
le  titre  d'/cones  oculi  humani.  Les 
tables  anatomiques  sont  faites  avec 
un  soin  et  une  minutie  qui  éton- 
nent. L'auteur  décrit  surtout  l'artère 
ophthalmique  d'une  manière  supé- 
rieure, en  donne  plusieurs  figures  où 
elle  est  représentée  dans  toutes  ses 
ramifications,  et  fournit  à  cet  égard 
des  détails  inconruis  avant  lui.  11 
montre  très-bien  comment  les  filets 
artériels  que  l'on  voit  pendant  la  vie 
dans  Talbuginée  de  l'œil»  naissentde 
'  petits  rameaux  de  l'artère  ophthal- 
•  mique ,  qui  percent  les  faisceaux 


«charnus  et  tendineux  des  muscles 
«  droits, etarrivent  àhcornéecomme 
«  (le  quatre  points  différents.  »  Il  fait 
remarquer  que  «  le  système  veineux 
•  n'accompagne  point  autour  de  l'œil 
«  le  systènie  artériel,  comme  cela  a 
«  lien  dans  les  autres  parties  du  corps 
«  humain  ;  mais  chacun  de  ces  sys- 
«  tèmes  aune  marche  qui  lui  est  pro- 
«  pre.  »  Il  a  soin  également  de  mon- 
trer les  différentes  parties  de  l'œil 
sous  un  grossissement  convenable, 
afin  de  faire  apprécier  les  ramifica- 
tions les  plus  délicates;  mais  ce  qui 
est  surtout  digne  d'attention,  c'est 
une  planche  représentant  la  coupe 
de  l'œil,  de  manière  à  ce  que  le  cône 
de  l'orbite,  le  sourcil  et  le  globe  avec 
ses  dépendances  soient  divisés  en 
deux  partieségalfsrSœmmering mon- 
tre la  partie  interne.  Cette  coupe,  que 
personne  n'avait  faite  avant  lui,  per- 
met de  saisir  en  un  instant  les  rap- 
ports des  organes  du  globe  oculaire 
et  leur  intéressante  distribution.  En 
1808,  Sœmmering  mit  au  jour  des 
planches  in-folio  représentantla lan- 
gue. Il  divise  les  i)apilles  en  quatre 
classes  et  indique  la  distribution  des 
trois  ordres  de  nerfs  de  cet  important 
organe.  Ses  publications  sur  les  sens 
de  l'ouïe,  du  goût  el  de  l'odorat  peu- 
vent être  Considérées  comme  le  com- 
plément des  ouvrages  précédents. 
En  1807,  l'académie  Joséphine  de 
méilecine  et  de  chirurgie  de  Vienne 
proposa  un  prix  pour  la  question 
suivante  :  «  Quelles  sont  les  maladies 
«  promptement  ou  tardivement  mor- 
'  teilesde  lavessieetde  l'urèthre,ab- 
«  straetion  faite  de  la  lithiase,  anx- 
«  quelles  les  vieillards  sont  exposés? 
«  Quels  sont  les  phénomènes  qui  ac- 
a  cumpagnent  ces  malailies,  et  com- 
«  ment  peuvent-elles  èlre  distinguées 
«  les  unes  des  autres,  mais  surtout 
«  des  affections  calculeuses?  »  Ce  su- 


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jet  avait  (léjîi  été  proposé  en  1806, 
mais  aucun  des  mémoires  présentés 
n'avait  été  jugé  digne  d'obtenir  le 
prix.  Sœmmeriiig s'en  occupa,  et  son 
travail  fut  couronné.  Il  est  divisé  en 
trois  parties  :  1°  maladies  de  la  ves- 
sie; 2'  de  la  prostate  •,  3°  de  l'urètre. 
Il  commença  par  faire  ressortir  cette 
particularité  bien  connue  de  la  pré- 
dominance de  certaines  maladies, 
selon  les  âges,  et  par  conséquent  de 
la  fréquence  des  affections  des  orga- 
nes génito-urinaires  cbez  les  vieil- 
lards. Il  croit  à  la  dialhèse  cancé- 
reuse, et,  sans  nier  le  squirrhe  de  la 
vessie,  il  prétend  ne  l'avoir  observé 
que  conjointement  avec  celui  de 
l'utérus  •,  aussi  ne  l'a-t-il  jamais  vu 
chez  l'homme.  Cependant  deux  cas 
de  cette  funeste  mai.idie  ont  été  ob- 
servés chez  l'homme.  Le  premier  a 
été  l'objet  de  l'attention  particulière 
de  Desault.  Le  cancer  prenait  nais- 
sance près  du  col  de  la  vessie  et 
présentait  le  volume  des  deux  poings. 
Chopart  cite  un  fait  à  peu  près  ana- 
logue dans  son  Traité  des  voies  uri- 
naires^  tome  II,  page  160.  Sœmme- 
ring  considère  la  cystiie  comme  étant 
souvent  symptomatique  d'une  affec- 
tion goutteuse,  et  s'étonne  que  Bar- 
thez,  dans  l'ouvrage  qu'il  publia  en 
1802  sur  les -maladies  goutteuses, 
ne  parle  pas  des  inflammations  de  la 
vessie.  11  croit  au  virus  gontleux  et 
à  la  gangrène  de  la  vessie  dont  mou- 
rut Bailliez.  La  syniplomatologie  est 
très-bien  faite  ;  quant  au  diagnostic 
diiréreuliel,  il  est,  dans  ceit;iins  cas, 
tonl-à-fait  in.suflisant.  Ainsi  Sœmme- 
ring  dit  que  le  catarrhe  de  la  vessie 
se  distingue  du  diabètes»  par  l'ab- 
«  sence  de  l'odeur  mielleuse  qui  se 
«  remarque  dans  celui-ci,  par  une 
«  émacialion  beaucoup  moindre  du 
«  corps  ;  parce  (lue  la  faim  et  la  soif 
«  ne  sont  pas  à  beaucoup  près  aussi 


SOE 


385 


«  remarquable';.  »  (Page  36.)  On  est 
plus  précis  de  nos  jours.  Grâce  aux 
ressources  de  la  chimie,  on  trouve  le 
sucre  dans  l'urine  des  diabètes,  on 
indique  sa  nature  et  ses  justes  pro- 
portions. Mettant  à  profit  les  idées 
d'Hoffmann,  il  trace  une  bonne  défi- 
nition de  ce  qu'on  doit  entendre  par 
spasme  de  la  ve.ssie,  et  le  distingue 
avec  netteté  de  la  cystite;  compa- 
rant ensuite  les  deux  méthodes  de 
ponction  hypogastrique  et  recto-vé- 
sicale,  il  donne  la  préférence  à  la 
première,  parce  qu'il  craint,  en  pra- 
tiquant la  méthode  recto-vésicale,  de 
blesser  la  prostate,  les  vésicules  sé- 
minales, le  péritoine,  et  d'établir 
une  fistule  recto-vésicale  ;  ce  n'est 
pas  sans  succès  qu'il  combat  l'opi- 
nion de  Murray  contraire  à  la  sienne. 
L'ouvrage  se  termine  par  des  consi- 
dérations sur  les  rétrécissements  de 
l'urèthre  qui  ne  sont  pas  sans  intérêt. 
L'auteur  regarde  la  blennorrhagie 
cordée  comme  la  cause  presque  con- 
stante des  rétrécissements  dans  l'en- 
droit du  canal  où  a  lieu  la  courbure. 
«  Quoique,  dit-il,  je  n'aie  jamais 
«  rencontré  d'ulcération  sur  l'urè- 
«  thre  des  sujets  qui  étaient  morls 
«  avec  des  blennorrhagies,  la  usa- 
«  nière  dont  plusieurs  malades  me 
«  décrivaient  ce  qu'ils  éprouvaient 
«  dans  ce  canal  me  porterait  à  croire 
a  qu'il  y  existait  quelques  petits  ul- 
«  cères.  •  Ne  serait-il  pas  permis  de 
penser,  en  lisant  ces  lignes,  que 
Sœ.nmering  avait  entrevu  sans  le 
savoir  le  chancre  de  l'urètre  que  M. 
Ricord  devait  plus  tard  annoncer 
comme  un  fait  certain?  Cette  ques- 
tion, qui  a  tant  agité  dans  ces  der- 
nières années  le  monle  savant,  mé- 
rite une  attention  particulière,  puis- 
que l'on  base  la  virulence  ou  l'inno- 
cuité de  la  blennorrhagie  sur  la 
présence  ou  l'absence  d'un  chancre 


336 


SOE 


(Lins  le  canal,  et  que  M.  Ricord  re- 
fn«e  absolument  une  origine  syphi- 
litique à  foute  blennorrliagie  simple, 
c'psl-à-dire  sans  la  complication  du 
chancre,  du  virus  proprement  dit. 
Sœmmering  nie  que  les  injections 
astringentes  soient  la  cause  des  ré- 
trécissements de  l'urèthre-,  il  rejette 
dans  cette  maladie  la  cautérisation 
par  l'azotate  d'argent  proposée  par 
Hunter,  montre  une  prédilection  bien 
marquée  pour  les  bougies,  et  regarde 
comme  un  adjuvant  précieux  les  fric- 
tions merciirielles  sur  le  lieu  du  ré- 
trécissement, même  quand  ou  ne 
pourrait  pas  attribuer  à  la  maladie 
une  origine  syphilitique.  On  voit, 
dans  son  Traité  des  maladies  de  la 
vessie  et  de  l'urèthre,  que.  Sœmmn'm^ 
avilit  immensément  lu,  car  son  ou- 
vrage est  rempli  d'érudition.  Son 
principal  mérite  est  la  bonne  expo- 
sition, la  saine  méthode  avec  laquelle 
tout  s'enchaîne  et  se  déduit,  l'auto- 
rité des  auteurs  dent  il  parle,  les 
observations  qu'il  rapporte,  et  la 
science  anatomique  répandue  k 
chaque  p;ige  de  cet  écrit.  Cependant 
les  années  s'étaient  écoulées;  les 
événements  politiquesqui  avaient  en- 
sanglanté l'Allemagne  commençaient 
à  s'oublier  dans  le  calme  de  la  paix 
européenne.  Sœmmering  était  resté 
jusqu'en  1820  à  Munich;  sa  femme 
venait  de  mourir,  et  il  avait  hâte  de 
quitter  cette  ville  où  il  avait  été  si 
heureux.  La  perte  de  sa  digne  épouse 
l'attrista  profundément,  car  elle  par- 
tageait sa  passion  pour  l'étude,  et  de- 
puis son  mariage  elle  s'était  toujours 
beaucoup  occupée  de  ladirection  des 
différentes  publications  de  son  époux. 
Sœmmering  se  rendit  à  Francfort 
dans  sa  l'umille,  puis  à  Haag  auprès 
du  grand  anatomiste  Pierre  Camper. 
Quelque  temps  après  il  s'embarqua 
pour  l'Angleterre,  iit  la  connaissance 


SOE 

des  deux  Hunter,  alla  à  Éilimbonrg 
et  y  resta  une  année.  Il  exerça  la  mé- 
decine dans  cette  ville,  et  s'occupa 
d'une  manière  spéciale  de  recherches 
sur  les  animaux  fossiles,  sur  la  phy- 
sique et  la  chimie.  Il  quitta  Edim- 
bourg et  revint  eu  Allemagne;  mais, 
ne  pouvant  cesser  de  travailler,  il  en- 
tretenait une  correspondance  avec 
les  i)rincipaux  savants  de  lEurope. 
Dans  une  lettre  que  M.  Larrey  fils  a 
bien  voulu  nous  communiquer  et  que 
Sœmmering  écrivait  en  1822  au  ba- 
ron Larrey,  son  illustre  ami,  le  grand 
chirurgien  allemand  fait  mention  des 
changements  pathologiques  que  peu- 
vent éprouver  les  os  du  crâne.  Ces 
faits  sont  en  rapport  avec  ceux  qu'a 
publiés  le  grand  chirurgien  fran- 
çais. Sœmmering  insiste  sur  le  res- 
serrement, le  rapprochement  des  os 
du  crâne,  après  les  pertes  de  sub- 
stance. Voici  comme  il  s'exprime: 
a  L'accroissement  morbilique  du  crà- 
«  ne,  occasioné  par  une  circulation 
«ai/norme«  anormale,»  entretenu  par 

•  une  inflammation  chronique,  ou,  si 
a  on  veut,  par  une  congestion  du  sang 
.  vers  la  tète,  produit  1°  ramollisse- 

•  meut,  2°  une  exténuation  »  atnin- 
«cissement,  «  3°  une  expansion  en 
«largeur  périphérique  des  os  du  crâne 

•  disproportionnée  à  leur  épaisseur 
«  et  excédant  la  largeur  ordinaire  de 
«  ces  mêmes  os.  L'accroissement  na- 
.  turel  du  crâne,  au  contraire,  ac- 
«  compagne  d'une  circulation  régii- 
«  lière,  naturellement  accélérée  ou 
«  ralentie  selon  les  circonstances,  et 
«  en  un  mot  saine,  produit  1°  l'in- 

•  duration  ou  fermeté,  2°  l'ép.iissenr 
«  en  quelques  endroits  plus  aiigmen- 
«  tée  que  dans  les  autres,  3°  l'ex- 
«  pausion  en  largeur  des  os  du  crâne 
«  proportionnée  à  la  largeur  des  os 
«  de  la  face.  »  Quelle  belle  appré- 
ciation de  la  différence  de  circiilalion 


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SOE 


337 


et  de  son  influence  ne'cessaire,  soit 
que  l'on  considère  celte  circulation 
à  l'état  pathologique  ou  à  l'élat  nor- 
mal !  Qtii  ne  reconnaît  immédiate- 
ment dans  les  résultats  de  la  circu- 
lation anormale  indiquée  par  Sœni- 
niering,  à  propos  des  os  du  crâne, 
l'affreuse  affection  désignée  sous  le 
îiom  d'hydrocéphilie,  et  dans  la- 
quelle les  os  s'élargissent  d'une  ma- 
nière irrégulière,  comme  au  hasard  et 
sans  rapport  avec  les  os  de  la  face! 
Croirait-on  qiieSœmmering  est  l'in- 
venteur du  télégraphe  électrique? 
Voici  cependant  ce  qu'en  dit  l'illus- 
Ire  Larreydans  le  tome  1",  page  36, 
de  sa  Clinique  chirurgicale  :  «  Ce 
"  télégraphe,  qu(^  j'avais  reçu  à  mon 
«  passage  à  Munich,  des  mains  mê- 
«  mes  de  l'auteur,  fut  présenté  à 
"  l'Institut  de  France  au  cou)mence- 
"  meut  de  l'année  1810  5  mais  cette 
'  académie  n'ayant  pas  porté  de  ju- 
«  gemcnt  sur  cet  instrument,  je  le 
«  renvoyai  à  son  inventeur,  ayant  eu 
«  néanmoins  la  précaution  de  le  faire 
«  dessiucr.  »  Larrey  compare  avec 
justesse  le  télégraphe  électrique  de 
Sœmmering  aux  iiiets  nerveux  de  la 
vie  de  relation,  chargés  de  transmet- 
Ire  dans  toutes  les  parties  du  corps 
les  ordres  du  moi.  Ce  phénomène 
vital  aurait  lieu  au  moyen  d'uu  lluide 
appelé  nerveux,  et  dont  les  nerfs 
seraient  les  conducteurs.  «  Nousal- 

-  Ions   d'abord,   continue    Larrey, 

-  décrire  le  plus  brièvement  possi- 
«  ble  cet  instrument,  et  nous  passe- 
«  rons  ensuite  au  parallèle  que  nous 

•  en  avons  fait  avec  l'origine,  la 
«  marche  et  la  distribution  des  uei  fs 

•  (le  la  vie  de  relation.  Un  nombre 
«  déterminé  de  liis  métalliques  (on 

•  en  ouiptc  3j)  établit  une  com- 
«  municaiion  entre  les  deux  princi- 
«  pales  pièces  de  ce  télégraphe,  que 
«  l'on  peut  distinguer  sous  les  noms 

LXXXII. 


•  d'interrogateur  et  de  répondant. 
«  On  remarque  à  l'interrogateur  une 
«  série  de  traverses  métalliques,  pla- 
«  cées  horizontalement  et  à  des  dis- 
«  tances  égales;  elles  sont  en  rap- 
«  port  avec  des  signes  particuliers 
"(les  lettres  de  l'alphabet).  Cha- 
«  cune  de  ces  traverses  offre  à  l'une 
«  de  ses  extrémités  une  ouverture 
«  assez  grande  pour  recevoir  les  che- 
•^villes  de  deux  conducteurs  électri- 
«  ques,  et  une  autre  inliuiment  plus 
«  petite  pour  le  passage  du  (il  métal- 
«  lique.  Ces  fils,  séparés  d'abord  au 
«  point  de  leur  insertion  et  isolés 
«  dans  toute  leur  étendue  par  un  fila- 

•  ment  de  soie,  sont  rapprochés  cn- 
«  suite  ou  juxta-posés  de  manière  à 
«  former  un  cordon  commun  et  si 
«  serré  qu'on  le  croirait  sim[)Ie  ou 
■  unique.  Ces  fils  sont  parallèles  ou 
«  s'entre-croisent  dans  leur  marche, 
«  et  éprouvent  des  inflexions  diver- 
«  ses.  Après  avoir  parcouru  un  es- 
«  pacf-  plus  ou  moins  long,  ils  se  sé- 
«  parent  de  nouveau,  divergent,  et 
«  vont  s'anastomoser  ou  s'articuler 
«  avec  des  pointes  d'or  placées  ver- 
«  ticalement  dans  un  vase  de  verre 

•  d'un  carré  allongé,  formant  la  plus 

•  grande  partie  du  répondant.  Les 
«  signes  que  nous  avons  vus  à  l'in- 
«  sertion  des  fils  sont  répétés  vis-a-vis 
«  les  pointes  d'or.  Le  vase  doit  être 
«  plein  d'une  eau  pure  et  limpide. 
«  Lorsqu'on  transmet  le  fluide  élec- 
«  trique  produit  par  un  électro-mo- 
«  teur  ou  la  pile  de  Volfa,  au  moyen 
«  des  conducteurs  provenant  des 
«deux  pôles  de  cette  colonne,  le 
«  fluide  électrique  parcourt  sans  obs- 
«  tacle  tout  le  trajet  de  chaque  fil 
«  méfallique,  et  sans  passer  dans 
«  ceux  qui  lui  sont  contigus,  quoi- 
«  que  entrelacés  ou  entre-croisés  les 
"  uns  sur  les  autres.  Ce  fluide  va  se 
«  rendre  dans  la  pointe  d'or  corres- 

22 


338 


SOE 


<  ponJanlc.  L'électrique  qui  émane 
«  du  pôle  négatif  produit  à  l'inslant 

•  dégagement  d'hydrogène,  et  celui 
«  qui  provient  du  pôle  positif  dégage 
"  l'oxygène.  Ici  ces  gaz  deviennent 

•  sensibles  par  l'accumulatioa  des 
«  bulles   aériformes   que    Ton   voit 

•  ramper  sur  les  pointes  d'or  et  s'é- 

•  lever  en  gerbes,  sans  ntdle  inter- 

•  ruption,jusqu'klasurfacede  l'eau, 
«  où  l'on  peut  les  recevoir  avec  des 
a  gazomèires;  de  sorte  qu'il  est  fa- 
«  cile  de  déterminer  la  quantité  et  la 

•  nature  des  gaz  dégagés  dans  un 
«  espace  de  temps  fixe.  Tels  sont  à 

•  peu  près  les  principaux  résultats 
«  du  télégraphe  électrique  du  doc- 
«  teur  Sœnimering.  »  Maintenant 
TEurope  enlière  est  sillonnée  par 
(les  milliers  de  comiucteurs  élec- 
triques. La  pensée  humaine  par- 
court les  distances  avec  une  vi- 
tesse bien  supérieure  au  înouvement 
de  rotation  du  globe  terrestre,  avec 
une  vitesse  qui  surpasse  l'imagina- 
tion. Cette  découverte,  qui  peut  ame- 
ner dans  la  suite  des  résultats  incal- 
cnlabUs,  est  sortie  du  cabinet  d'un 
médecin  d'Allemagne,  dont  on  ne 
prononce  pas  même  le  nom  aujour- 
d'hui : 

Sic  vos  non  vobis... 

Comme  la  plupart  des  grandes  dé- 
couvertes utiles  à  l'humanité,  elle 
a  été  méconnue  dès  son  principe,  et 
si  l'auteur  n'avait  pas  été  un  grand 
médecin,  un  savant  illustre,  son  nom 
serait  entièrement  oublié.  Cependant 
si  Sœmmering  avait  pu  voir  de  son 
temps  la  réalisation  et  l'utilité  de  son 
œuvre,  il  aurait  pu,  lui  aussi,  s'écrier 
comme  Horace  : 

Excgi  inonumentuin  acre  perennius. 

Chose  étonnante!  celui  de  tous  ses 
ouvrages  qui  le  fit  connaître  le  plus 
en  France   est .  uu    mémoire   qu'il 


SΠ

écrivit  sur   l'usage  pernicieux    des 
corsets,  et,  comme  il  arrive  souvent 
dans  notre  pays,  la  mode,  cette  grande 
ordonnatrice  des  vanités  humaines, 
contribua  plus  à  sa  g'oire  que  ses 
découvertes  scientifiques.  Il  est  d'u- 
sage en  Allemagne  de  célébrer  le  50» 
anniversaire  du  doctorat  des  méde- 
cins distingués  par  des    fêles,    des 
dédicaces,  des  ouvrages  sur  les  su- 
jets que  l'auteur  lui-même  a  traités 
avec  prédilection.  On  se  réunit  et 
l'on  se  rend  avec  pompe  vers  la  de- 
meure de  celui  qu'on  veut  ainsi  ho- 
norer. Cette  cérémonie  touchante , 
qui  avait  eu  lieu  quelques  années  au- 
paravant pour  Goethe  et  Blumem- 
bach,  se  fit  encore  avec  une  grande 
solennité  le  7  avril  1S28,  jour  du  00' 
anniversaire  du  doctoral  en  médecine 
de  Sœmmering.  Les  savants  Dœllin- 
ger  et  Mariius,  au  nom  de  l'académie 
de  Munich;  Mekel  au  nom  de  celle 
de  Halle;  Bacr  et  Burdach  pour  celle 
de  Kœnigsberg,  Tiedmann  représen- 
tant celle  de  Heidelberg,  offrirent  à 
Sœmmering  une  dissertation  prépa- 
rée pour  lui.  Plus  tard   les  admira- 
teurs de  Sœmmering  ûrtnt  frapper 
une  médaille  en  son  honneur,  et  la 
ville  de  Francfort  fonda  un  prix  an- 
nuel, dit  prix  de  Sœmmering.  Le  sa- 
vant naturaliste  Huppel,  qui  décou- 
vrit en  Afrique  une  noiivci.e  espèce 
d'antilope,  lui  donna  le  nom  d'An- 
tilope   Sœmmeringié.     Sœmmering 
était  membre  de  dix  académies  et  de 
vingt-cinq  sociétés  savantes;  il  ter- 
minait   sa    vie  dans  rintimité  des 
grands  hommes,  particulièrement  de 
Gœthe  et  Cuvier.  Sœmmering  est  un 
de  CCS  hommes  dont  raulorité  médi- 
cale domine  en  Allemagne,  ce  pays 
de  consciencieux  travaux  et  de  la- 
borieuses recherches.  Contemporain 
de  Camper  en  Hollande,  de  Mekel  en 
Prusse,  de  Scarpa  en  Italie,  il  diri- 


SOE 

gea  surtout  ses  travaux  vers  lose'fii- 
des  anatomiques  ;  coinnie  le  (hinir- 
gion  de  Pavie  el  presque  à  la  même 
e'poqiie,  il  allait  mourir  au  terme 
d'une  longue  carrière  vouée  tout 
entière  au  culte  de  la  science,  et  après 
avoir  mis  la  dernière  main  à  ses  tra- 
vaux. Il  se  prit  dans  sa  vieillesse 
d'une  vraie  passion  pour  l'astrono- 
mie, au  point  de  consacrer  plusieurs 
heures  par  jour  à  l'étude  des  mou- 
vements des  astres.  Il  observait  avec 
une  sorte  de  prédilection  les  taches 
qu'on  remarque  sur  le  soleil,  et  sem- 
blait vouloir  ainsi  diriger  ses  der- 
nières pensées  vers  ce  ciel  d'où 
viennent  l'intelligence  ei  le  génie. 
Pressentant  pour  ainsi  dire  sa  fin 
prochaine,  il  dit  à  un  de  ses  amis  : 
«  Bientôt  je  ne  pourrai  plus  regarder 
le  soleil  5  »  paroles  pleines  de  mélan- 
colie et  de  regrets,  et  qui  laissent 
entrevoir  les  mystérieuses  inquiétu- 
des de  l'homme  près  de  mourir; 
adieux  touchants  du  médecin  qui  voit 
arriver  le  moment  de  quitter  pour 
toujours  cette  belle  nature  qu'il  a 
tant  aimée.  Sœmmering  s'éleigriit  à 
Francfort,  le  2  mars  1830.  Parmi  ses 
nondireux  ouvrages,  écrits  tant  en 
lalin  qu'en  allemand,  nous  citerons: 
I.  Dissertatio  de  basi  cncephali  et 
originibus  nervorum,  cranio  egre- 
d/e»(/ium,  Gœltingue,  1778,in-4o.  11. 
Programma  de  cognilionis  subtUio- 
ris  systematis  lymphatici  in  medi- 
cina  usu,  Cassei,  1779.  in-4**.  lîl. 
Traité  de  la  différence  physique  en- 
tre le  nègre  et  l'Européen  (en  alle- 
mand), iMiiyence,  1784,  Francfort, 
1785,  in  8°.  IV.  Dissertatio  de  la- 
pillis  velprope^vel  intra  glandulam 
pinealem  sîtis^  site  de  accrvulo  ce- 
rebri^  Mayence,  1785,  in-4«.  V.  Dis- 
sertatio de  decussatione  nervorum 
opticorum,  Mayence,  1786,  in-8°.  VI. 
Diss.    de   perlurbatione  critica  et 


SOE 


3S9 


crisi,  Mayence,  1786,  in-80.  VII.  De 
l'effet  nuisible  des  corsets  (en  alle- 
mand), Leipzig,  1788;  ibid.,  1793^ 
in-8°,  VIII.  Figures  et  description 
de  quelques  monstres  qui  se  trouvent 
au  théâtre  anatomique  de  Cassei, 
actuellement  à  Marbourg  (en  ail.), 
Mayence,  1791,  in-i".  IX.  Program- 
ma de  curatione  calculi,  Mayence, 
1791,  in-4".  X.  De  la  structure  du 
corps  humain  (en  allemand),  trad. 
en  latin  par  l'auteur  lui-même,  sous 
ce  titre  :  De  corporis  humani  fabri- 
ca,  Francfort,  1794-1801, 6vol.  in-8°, 
ouvrage  capital,  dont  nous  avons 
donné  plus  haut  l'analyse.  XI.  De 
morbis  vasorum  absorbentium  cor- 
poris humani,  Francfort,  1795,  in- 
8'.  XII.  Sur  le  supplice  de  la  guillo- 
tine^ Leipzig,  1796.  Celle  disserta- 
tion, écrite  en  français  eu  forme  de 
lettre  adressée  à  M.  Œlsner  {voy.  ce 
nom,  LXXVI,  40),  parut  d'abord 
dans  le  Moniteur  du  9  nov.  1795,  et 
dans  le  Magasin  encyclopédique, 
t.  III,  ann.  1795.  L'auteur,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  soutient  que 
la  pensée  et  le  sentiment  subsistent 
encore  dans  la  tête  après  la  décapi- 
tation, opinion  partagée  par  le  pro- 
fesseur Jean-Joseph  Sue,  et  qui  a  été 
combattue  pur  Cabanis  et  Jean  Se- 
dillot  {voy.  ces  noms,  VI,  431,  et 
LXXXII,  15).  XIII.  De  l'organe  de 
l'âme  (en  allemand),  Kœnigsberg, 
1796,  in-4",  avec  planches.  XIV.  l>e 
la  cause  et  du  traitement  des  hernies 
ombilicales  et  inguinales  (en  alle- 
mand), Francfort,  1797,  in-8°.  Sœm- 
mering rédigea  cet  écrit  d'après  un 
programme  de  la  société  de  Gcettin- 
gue.  Ce  qu'il  dit  sur  les  effets  des 
culottes  hautes  et  des  boissons  chau- 
des, comme  le  café,  etc.,  trouva  des 
contradicteurs.  Un  anonyme  publia 
à  Reutlingeu,  en  1797,  une  critique 
inconvenante  de  ce  mémoire;  mais 

22. 


340 


SOE 


elle  est  tombée  dans  i'oubli.  XV.  ï'a- 
bula  sceleti  feminitii,  jnncta  des- 
criplione^'  Francfoil,  1797,  iii-fol. 
XVI.  Icônes  embryonum  humano- 
rum,  Francl'ort,  1798,  in-fol.  XVIF, 
Tabulœ  baseos  encephali,  Francfort, 
1799,  in-fol.  XV!  11.  Icônes  hernia- 
rum,  Francfort,  1801,  in  loi.  XIX. 
Icônes  oculihumani,  Francfort,  1804, 
in-fol.;  trad.  en  français,  par  A.- P. 
Demouis,sons  le  titre  de  Description 
figurée  de  l'œil  humain,  Paris,  1818, 
in-4°,  avec  lig-  Celte  traduclion  a 
aussi  été  imprimée  à  la  suite  du 
Traité  des  maladies  des  yeux  de 
Demours  {voy.  ce  nom,  LXîl,  325). 

XX.  Icônes  organi  auditûs  humani, 
Berlin,  1806,  in-fol.;  tr.id.  en  fran- 
çais, par  le  docteur  Rivaillé,  sous  ce 
titre  :  Iconologie  de  l'organe  de 
TouVe, Paris, 1825,  in-8'',  avec  planch. 

XXI.  Icônes organorwn  humancrum 
olfactûs;  Icônes  organorum  huma- 
norum  gustûs  et  vocis,  1808.  Les 
cinq  derniers  écrits  de  Sœmmering 
que  nous  venons  de  citer  ont  été 
réunis  et  publiés  en  allemand  par 
l'auteur  lui-niéine,  sous  le  titre  de 
Figures  des  organes  des  sens,  Berlin, 
1809,  in-fol.  XXII.  Traité  des  mala- 
dies de  la  vessie  et  de  l'urètre,  con- 
sidérées particulièrement  chez  les 
vieillards,  Francfort,  1809,  in-io; 
ibid.,  1822,  iii-8o.  Cet  ouvrage,  cou- 
ronné par  Facadémie  Joséphine  de 
Vienne,  a  été  traduit  en  français,  sur 
la  secoiule  édition  allemande,  avec 
des  notes,  par  M.  Hollard,  Paris, 
1824,  in-8".  —  Sœmmering  a  laissé 
un  fils,  Guillaume,  qui  s'est  distin- 
gué aussi  dans  la  science  anatomi- 
que.  On  lui  doit  un  écrit  important, 
intitulé:  De  oculormn  hominis  ani- 
maliumque  seclione  horizonlali , 
1819,  in-fol.  L-D— É. 

SOENS  (Jean  ou  Hans),  peintre, 
né  à  Bar-le-Duc,  en  1547,  vint  fort 


SOF 

jeune  h  Anvers,  où  il  reçut  les  leçons 
successives  de  Jacques  de  Bnan  cl  de 
Mostacrt.  C'est  à  acquérir  la  manière 
de  ce  dernier  qu'il  s'appliqua  parti- 
culièrement ;  elle  perce  dans  tous  ses 
ouvrages,  mais  cette  imitation  n'a 
point  nui,  chez  lui,  à  l'originalité,  et 
il  est  mis  au  rang  des  premiers  pein- 
tres de  la  Flandre.  Ses  premiers  ou- 
vrages furent  estimés  à  l'égal  de  ceux 
des  plus  grands  maîtres.  H  peignait 
avec  la  même  perfection  en  grand  et 
en  petit  5  cependant  on  préfère  les 
petits  tableaux  qu'il  a  peints  sur 
cuivre  et  qui  sont  du  plus  beau  fini. 
Le  désir  de  voir  Rome  le  conduisit 
en  Italie.  Ses  productions  y  obtin- 
rent la  même  vogue  que  dans  son 
pays,  et  il  fut  employé  au  palais  du 
pape  pour  peindre  dans  les  frises  de 
très-grands  paysages  à  fresque,  où  il 
montra  une  exécution  prompte,  har- 
die et  pleine  de  feu,  une  entente  de 
la  couleur  et  de  la  perspective  aé- 
rienne qui  lui  (irent  le  plus  grand 
honneur,  et  qui  effacent  toutes  les 
peintures  du  même  genre  qui  se  trou- 
vent placées  à  côté  des  siennes.  Le 
grand-duc  de  Parme,  Ranuccio,  qui 
rassemblait  à  sa  cour  les  artistes  les 
plus  célèbres  de  son  temps,  tels  que 
Leonello  Spada,  le  Schedone  et  sur- 
tout les  Carraches,  crut  devoir  leur 
adjoindre  Soens  et  le  chargea  de 
plusieurs  travaux  dans  lesquels  il  se 
montra  aussi  habile  peintre  de  li- 
gures que  de  paysage. On  ne  peut  rien 
voir  en  effet  de  plus  spirituel  et  de 
mieux  touché  que  les  petites  figures 
dont  ses  tableaux  sont  ornés.  Cet 
artiste  travaillait  encore  à  Parme 
en  1607.  P—s. 

SOFIA  (Nicolas  di  Sama)  ,  fa- 
meux médecin  ,  né  k  Padoue  d'une 
famille  noble  qui  se  prétendait  ori- 
ginaire de  Constantinoi)le,  étudia 
sons  Pierre  d'Abano,  auquel  il  suc- 


SOF 


SOF 


Ut 


céda  en  1311,  et  il  occupa  sa  chaire 
dans  l'iiniversilé  de  Parloiie  jus- 
qu'en 1350,  année  de  sa  mort.  Les 
écrivains  italiens  parientde  plusieurs 
ouvrages  qu'il  laissa  manuscrits  et 
qui  n'ont  jamais  été.  imprimés.  Ce- 
pendant il  est  pliilôt  connu  comme 
le  chef  d'une  famille  qui  s'est  dis- 
tinguée dans  la  médecine  pendant  le 
XIV«  et  le  XV  siècle.— Sofia  {Mar- 
silio  di  Santa)^  fils  du  précéilent,  né 
à  Padoue,  fut  surnommé  le  divin  et 
le  prince  de  la  médecine.  11  professa 
d'abord  la  logique  et  ensuite  la  mé- 
decine dans  sa  patrie,  depuis  1370 
jusqu'en  1380.  Appelé  à  remplir  la 
même  chaire  à  Bologne,  il  y  pro- 
fessa encore  avec  distinction  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  eu  H03.  Il  fut  en- 
terré dans  l'église  de  SaiiitP'rançois, 
où  l'on  mit  une  lojigue  épitaphe  sur 
£a  tombe.  Sa  réputation  était  si 
grande  qu'on  ne  craignait  pas  de  le 
comparer  à  Pierre  d'Abano,  honneur 
qu'il  semble  avoir  mérité.  H  a  laissé 
plusieurs  ouvrages  de  thérapeutique, 
entre  autres  un  Traité  sur  la  fièvre, 
Venise,  1514;  Lyon,  1517.  —  Sofia 
(Jean  di  Santa),  frère  aîné  du  pré- 
cédent, se  distingua  aussi  dans  la 
médecine,  quoiiju'il  n'atteignît  pas  à 
la  haute  réputation  de  Marsilio.  II 
mourut  à  Padoue  vers  1410;  on 
l'enterra  dans  le  tombeau  de  ses 
pères,  et  l'on  plaça  également  sur  sa 
tombe  ime  magnilique  épitaphe  en 
vers  latins.  On  lui  doit  un  Traité 
pratique  de  médecine,  divisé  en  180 
chnpilres.  11  existait  à  cette  époque 
un  autre  médecin  célèbre  qui  portait 
le  même  nom,  Galeazzo  di  Santa 
Sofia.  On  croit  qu'il  était  frère  des 
précédents  ;  les  doutes  que  l'on  a  sur 
cette  parenté  proviennent  de  ce  qu'il 
passa  très-jeune  k  runiversilc  de 
Vienne,  où  il  professa  la  médecine 
pendant  plusieurs  années,  et  où  il  fut 


attaché  à  la  famille  des  archiducs 
d'Autriche  avec  de  très-forts  ap- 
pointements. Dtns  sa  vieillesse  il 
revint  dans  sa  patrie  et  il  professa 
encore  la  médecine  conjointement 
avec  Jacopo  de  Forli.On  ignore  l'an- 
née de  sa  mort;  on  sait  seulement 
qu'il  fnt  enterré  dans  l'église  des 
Augnstins.  11  a  laissé  un  Traité  sur 
les  fièvres,  Venise,  1514,  Haguc- 
neaii,  1533,  qui  pourrait  bien  n'être 
que  celui  de  Marsilio;  car  la  pre- 
mière date  est  la  même  pour  ces 
deux  ouvrages,  qui  portent  le  même 
nom  d'auteur  et  qiii  traitent  de  la 
même  matière.  Les  fils  de  Jean  et 
(le  Marsilio  soutinrent  dans  le  siè- 
cle suivant  la  réputation  qu'avaient 
acqinse  leurs  parents. — Sofia  (fiar- 
ihélemi  di  Santa),  iils  de  Jenn,  fut 
professeur  de  philosophie  et  île  mé- 
decine, et  passa  pour  un  des  pre- 
miers médecins  de  sou  temps;  il 
mourut  vers  1448  et  fut  enterré  dans 
le  tombeau  de  ses  ancêtres.  On  lui 
doit:  I.  De  sulphure  et  nitro.  11.  De 
qualitate  et  indicatione  excremen- 
torum,  et  d'autres  ouvrages  moins 
estimés,  même  dansMe  temps  où  ils 
parurent.  —  Sofia  {Guillaume  et 
Daniel  di  Santa  ),  tous  deux  fils  de 
Marsilio.  Le  premier  fnt  dès  sa  jeu- 
nesse nommé  médecin  de  l'empereur 
Sigismond  ;  il  vécut  toute  sa  vie  à 
la  cour  et  y  mourut  on  ne  sait  en 
quelle  année.  Le  second  remplaça 
son  père  dans  la  chaire  de  médecine 
à  Bologne  et  fut  médecin  des  pnpes 
Alexandre  V  et  Jean  XXIII,  qui 
riiouorcrent  d'une  distinction  toute 
pai  ticulière.  On  connaît  encore  un 
écrivain  napolitain  qui  porta  le  nom 
de  Sofia  {Pierre-Antoine),  ei  pu- 
blia dans  le  XVl*^  siècle  un  ouvrage 
intitulé:  //  regno  di  Napoli  divisa 
in  12  provincie  con  descrizione  délie 
cose  piii  notabili.  Oz — m. 


342 


SOG 


SOGLIAXI  (Jean-Antoine),  pein- 
tre florentin,  fut  élève  de  Lorenzo  di 
Credi,  avec  lequel  il  demeura  24  ans 
et  qu'il  parvint  à  surpasser  en  ori- 
ginalité. A  l'exemple  de  son  maître 
il  ne  chercha  point,  comme  ses  con- 
temporains ,  à  travailler  heaucoup  ; 
il  s'efforça  de  faire  mieux  qu'eux.  Il 
tenta    parfois    d'imiter   la   manière 
grande  et  noble  du  Porta;  mais  sou 
talent  le  portait  moins  vers  le  gran- 
diose de  ce  peintre  que  vers  le  style 
simple  et  aimable  de  son  niiiître.  On 
peut  faire  entrer  en  parallèle  avec 
lui  bien  peu  d'artistes  de  son  école 
pour  le  naturel  de  ses  nus  et  de  ses 
draperies,  et  pour  l'idée  de  ces  airs 
de  tête  honnêtes,  faciles,  doux  et  gra- 
cieux que  Vasari  vante  particulière- 
ment en  lui.  Il  excellait  à  exprimer 
sur  la  figure  de  ses  saints  l'image  de 
la  vertu,  et  dans  ses  pécheurs  celle 
du    vice ,    qualité   que   Léonard  de 
Vinci  ne  possédait  pas  à  un  plus  haut 
degré.  C'est  ce  qui  dislingue  la  pein- 
ture qu'il  a  faite  dans  l'église  du 
Dôme  de  Pise,  et  dont  le  sujet  est 
Caïn  et  Abel.  Le  fond  représente  un 
paysage  qui  suffirait  pour  faire  la 
répuiaiion  d'un  artiste.  C'est  avec  la 
même  perfection  qu'il  a  peint  la  fi- 
gure et  le  paysage  de  Saint  Arcadius 
sur  la  croix^  qui  a  été  transporté  de 
notre  temps,  de  l'église  où  il  se  trou- 
vait, dans  celle  de  Saint-Laurent  de 
Florence.  Il  peignit  à  Pise,  en  con- 
currence avec  Permo  del  Vaga,  le 
Mecherini,  André  del  Sarto-,  et,  si  on 
lui  reproche  une  exécution  un  peu 
lente,  il  se  fit  admirer  par  cette  sim- 
plicité et  cette  élégance  qu'il  s'atta- 
cha précisément  à  conserver.  Dans 
quelques-unes  de  ses  compositions, 
il  se  montre  un  imitateur  habile  de 
Raphaël  et,  dans  d'autres,  de  Léo- 
nard de  Vinci.  Il  eut  plusieurs  élèves 
qui  suivirent  une  manière  dilfércnie 


SOG 

de  la  sienne,  à  l'exception  du  seul 
Zanobi  de'  Poggini  de  Florence.  So- 
gliani,  qui  florisisait  en  1530,  mourut 
à  l'âge  de  52  ans.  P — s. 

SOGUAFI  (Antoine-Simon),  fils 
et  frère  de  deux  habiles  chirurgiens, 
naquit  à  Padoup  en  1700.  Après  avoir 
achevé  ses  premières  études  chez  les 
jésuites,    il   fut   reçu    bachelier    et 
passa  à  Venise,  où  il  se  perfectionna 
dans  la  carrière  du  barreau.  Mais  un 
penchant  irrésistible  pour  le  théâtre 
interrompit  le  cours  de  ses  brillants 
succès.  Il  quitta  peu  à  peu  les  codes, 
les  digestes  et  les  harangues  pour  se 
rapprocher  de  ces  arts  d'imitation 
inventés  pour  le  soulagement  de  l'es- 
prit humain.  La  société  fondée  à  Ve- 
nise  par  les  Alexandre  Pepoli,  les 
Jean  Pindemonte,  les  François  Al- 
bergati ,  les   Jean  Greppi  et  autres 
illustres  auteurs  s'empressa  de   se 
l'associer  en  le  nommant  son  acadé- 
micien honoraire.  Depuis  lors  So- 
grali  ne  songea   plus  qu'à  composer 
des  comédies  qui  lui  valurent  beau- 
coup d'honneurs  et  de  louanges.  On 
contpte  parmi  elles  :  Olive  et  Pascal, 
Werther,  Laurette  de  Gonzalès,  les 
Femmes   avocats,  l'Américaine   de 
Nièces,    Tom-Jones,  la  Fête  de  la 
Rose;  parmi  ses  spettacoli,  Emma, 
Camoëns.  Alexandre  et  Appelle,  ei 
Hortense,  celle  de  ses  pièces  qu'il 
affectionnait  le  plus  et  qu'il  a  tra- 
duite lui-même  en  latin  et  publiée 
dans  les  deux  langues.  Dans  le  nom- 
bre de  ses  drames  destinés  à  être  mis 
en  umsique  ou  opéras,  on  remarque 
les  Horaces  et  les  Curiaces,  et   les 
Danatdes  romaines.  11  n'y  a   per- 
sonne qui  ne  connaisse  le  premier 
de  ces  deux  ouvrages,  immortalisé 
par  le  divin  Cimarosa.  Il  est  aussi 
auteur  de  plusieurs  petites  comédies, 
en  un  et  en  deux  actes,  appelées 
coniniunément  farces.  Celle  qui  a 


SOG 

pour  titre  le  Inconvenienze  tealrali 
est  un  clief-d'œuvre  en  ce  genre. 
Sografi  élait  profondément  versé 
dans  l'étude  de  l'hist-are  romaine  et 
dans  la  connaissance  des  usages  des 
anciens  peuples.  Il  était  peut-être 
aussi  sans  égal  pour  la  mise  en  scène 
de  ses  comédies.  Après  la  chute  de 
l'antique  république ,  Sografi  re- 
tourna à  Padotie  au  sèin  de  sa  fa- 
mille. C'est  là  qu'il  fit  construire, 
dans  le  jiirdin  de  la  maison  dont  il 
était  pro[>riétaire,  un  théâtre  cham- 
pêtre. On  dit  que  la  distribution  des 
arbres,  des  statues  et  des  décorations 
qui  le  forniiiient ,  était  telle  qu'on 
aurait  cru,  en  le  voyant,  être  trans- 
porté au  Sein  de  la  Grèce.  Il  composa 
à  cette  occasion  une  petite  comédie, 
qui  fut  représentée  plusieurs  fois 
pendant  les  soirées  de  l'été  de  1817, 
et  qui  lut  honorée  d'un  concours 
extraordinaire  de  spectateurs.  So- 
grati  était  d'un  caractère  mélanco- 
lique et  doué  d'un  cœur  tendre  et 
affectueux.  Chéri  de  ses  concitoyens, 
il  mourut  en  1825.  La  réputation 
dont  jouit  la  pièce  intitulée  Olive  et 
Pascal  est  si  bien  établie,  que  nous 
croyons  devoir  en  dire  un  mot  avant 
de  terminer  cet  article.  C'est  la  pre- 
mière publiée  par  notre  auteur,  qui 
en  avait  déjà  écrit  plusieurs  autres. 
Composée  expressément  pour  la 
troupe  du  théâtre  de  Saint -Jean- 
Chrysoslôme,  elle  fut  jouée  pour  la 
première  fois,  vers  la  tin  de  l'automne 
de  1794.  Le  succès  qu'elle  obtint 
noQ-seuKinent  à  Venise,  mais  aussi 
dans  toutes  les  villes  par  où  passa 
cette  troupe,  justiha  pleinement  l'at- 
tente du  public.  Elle  est  restée  au 
répertoire  et  on  la  voit  toujours 
avec  un  nouveau  plaisir.  Le  naturel 
du  style,  la  vivacité  du  dialogue,  les 
jeux  continuels  de  théâtre,  l'ont  d'O- 
iive  et  Pascal  une  production  très- 


SOH 


343 


remarquable  ;  le  manège  adroit  et 
fin  de  Méthilde,  le  principal  person- 
nage de  la  pièce  ,  les  situations  co- 
miques auxquelles  il  donne  lieu,  la 
plaisante  équivoque  de  Columelle,  ii 
qui  Méthilde  persuade  qu'il  est  l'ob- 
jet du  violent  amour  d'Isabelle  et  qui 
s'abandonne  aux  projets  les  plus  sé- 
duisants avec  une  confiance  très-ori- 
ginale, la  bonhomie  de  Pascal ,  le 
frère  d'Olive,  la  naïve  fermeté  de  la 
jeune' Isabelle,  le  sang-froid  de  Jo- 
séphine sont  du  meilleur  comique. 
Cette  pièce  a  été  traduite  en  français 
par  l'auteur  de  cet  article  pour  la 
collection  des  Chefs-d'œuvre  des 
tlicdtres  étrangers.  V— s— i. 

SOHET  (Dominique),  juriscon- 
sulte, né  le  2  aoiit  1728  à  Chooz, 
près  de  Givet,  fit  ses  premières  étu- 
des au  collège  des  jésuites  de  Dinant, 
et  sa  philosophie  à  Louvain.  Il  se 
destinait  d'abord  à  l'état  ecclésiasti- 
que; mais  plus  tard  il  tourna  ses 
vues  du  côté  de  la  jurisprudence, 
suivit  des  cours  de  droit,  et  prit  le 
grade  de  licencié  à  Douai,  puis  alla 
s'établir  à  Givet,  où  il  exerça  la  pro- 
fession d'avocat.  Les  lois,  les  coutu- 
mes de  sa  province  et  celles  des 
pays  environnants  fixèrent  spéciale- 
ment son  attention  et  devinrent  le 
but  de  ses  travaux.  En  1790,  il  fut 
nommé  juge  de  paix,  et  par  son  es- 
prit de  conciliation,  son  équité,  sa 
droiture,  il  s'attira  l'estime  générale 
dans  l'accompiissement  de  ses  fonc- 
tions. Il  mourut  à  Chooz,  le  2  mai 
181 1,  âgé  de  83  ans.  On  a  de  lui  : 
Instituts  de  droit,  ou  Sommaire  de 
jurisprudence  canonique,  civile,  féo- 
dale et  criminelle  pour  les  pays  de 
Liège,  de  Luxembotirg  et  de  Namur, 
Namur,  1770,  3  vol.  in-i";  Bouillon, 
1770-72,  5  vol.  in-é»;  Namur  et 
Liège,  1770-81,  5  part,  en  à  vol.  in-4°. 
Cet  ouvrage,  d'une  utilité  locale,  eut 


34 -i 


SOR 


SOK 


beaucoup  de  succès  dans  ces  divers 
pays.  C'est  un  résumé  des  coutumes 
qu'on  y  suivait  et  de  leurs  meilleurs 
commentaires.  11  est  rempli  de  re- 
ciierches,  de  détails  curieux,  et  an- 
nonce chez  l'auteur  une  vaste  lecture 
et  une  connaissance  approfondie  des 
matières  qu'il  traite.  Quoique  cette 
jurisprudence  ait  subi  de  grands 
changements  depuis  l'époque  où  il 
écrivait,  son  livre  peut  être  consulté 
dans  certains  cas.  B — l  — u. 

SOKOLXICKI  (Michel),  général 
polonais  au  service  de  France,  était 
né,  dans  le  palatinat  de  Poznanie,  le 
28  sept   1700.  Admis  en  1777  à  re- 
cule militaire  de  Varsovie,  il  s'y  ap- 
pliqua particulièrement  à  l'étude  des 
sciences  exactes.  11  fut  chargé,  en 
1789,  de  seconder  Jasinski  dans  l'é- 
tablissement de  l'école  du  génie  de 
^^'lIua,  et    il   en    dirigea    pendant 
quelque  temps  les  travaux.  Il  reçut 
ensuite  une  mission  dans  le  nord  de 
l'Allemagne  en  qualité  d'ingénieur 
hydrographe,  et  à  son    retour,  en 
1792,  il  fut  envoyé  à  l'armée  de  Li- 
thuanie,  où  il    remplit  successive- 
ment les  fcmctions  de  commandant 
militaire,  de  conducteur  des  travaux 
et  d'ingénieur.  En   moins  de   cinq 
jours,  il  jeta  sur  le  Niémen  un  ])ont 
de  radeaux,  construit  en  forme  d'arc 
flottant,  qu'on  put  enlever  en  quel- 
ques heures,  sans  en  laisser  trace, 
après  avoir  livré  passage  à  l'armée 
entière  avec  son  artillerie.  L'insur- 
rection de  1791  le  compta  parmi  ses 
plus  chauds  partisans,  et  il  y  déploya 
un  ardent  patriotisme  ,  notamment 
dans  la  Grande-Pologne,  où  il  forma 
un  régiment  de  chasseurs,  dont  Kos- 
ciusko  lui  donna  le  commandement 
qu'il  échangea  bientôt  contre  celui 
d'une  légion  de  0,000  hommes,  des- 
tinée à  former  l'avant-garde  de  Dom- 
browski  dans  la  Prusse  occidentale. 


Sokolnicki,  à  la   tète    de   ce  petit 
corps,  fit  des  prodiges  de  valeur,  et 
le  grade  de  général-major  en  fut  la 
récompense.  Les  armes    polonaises 
ayant  succombé,  il  partagea  le  sort  de 
Zakrewski,  président  du  grand-con- 
seil, son  parent  et  son  ami,  et  resta 
détenu  avec  lui  à  Saint-Pétersbourg, 
jusqu'à  l'avènement  de  Paul  I",  qui 
rendit  la  liberté  aux  prisonniers  po- 
lonais. 11  vint  alors  à  Paris,  et  pro- 
posa au  Directoire  la  formation,  sur 
le  Rhin,  d'un  bureau  de  recrutement 
pour  les  logions  polonaises  au  service 
de  la  république  cisalpine.  Il  alla  en- 
suite  rejoindre  en  Italie,  avec    le 
grade  de  colonel,  ses  compatriotes 
qui  combattaient  dans  les  rangs  de 
l'armée  française;  comme  eux  tous, 
il  s'y  montra  bon  et  brave  soldat. 
Dans  les  campagnes  de  1800  et  1801, 
en  Allemagne,  il  commanda  l'infan- 
terie de  la  légion  polonaise,  et  fut 
chef  d'état-major  du  général  Knia- 
ziewicz,  qui  eut  tant  de  part  dans  la 
victoire  de  Huhenlinden.  Le  premier 
consul  ayant  désigné  ce  corps,  passé 
au  service  de  France,  pour  faire  par- 
tie de  l'armée  de  Saint-Domingue, 
Sokolnicki  concourut  de  tous  ses  ef- 
forts à  calmer  les  murmures  que  cet 
ordre  suscita  parmi  ses  soldats  et  par- 
vint non  sans  peine  à  les  décider  à  s'y 
conformer.  Au  retour  de  celte  fatale 
expédition,  il  reçut  le  grade  de  géné- 
ral de  brigade,  et  fit  les  campagnes  de 
1806  et  1807.  Dans  celle  de  1809,  il 
prit  d'assaut  la  ville  de  Sandomir,  et 
y  soutint  un  siège  pendant  plusieurs 
semaines  contre  des  forces  supérieu- 
res. Après  l'évacuation  de  la  Gallicie 
par    les    Autrichiens,   Napoléon    le 
nornnn  gouverneur  de  Cracovie,  puis 
générai  de  division.  Pendant  la  cam- 
pagne  de  Russie,  il  fut  attaché  au 
quarlicr-général, et  adhéra,  le  14  juil- 
let, à  la  confédération  de  Wilna.  En 


SOK 

1813,  il  eut  le  commandement  de  la 
7"  division  de  cavalerie  légère  polo- 
naise sous  les  ordres  du  prince  Po- 
niatowski.  Rentré  en  France   avec 
l'armée  en  1814,  on  le  vit  combattre 
jusqu'au  dernier  moment,  et  ce  fui  k 
lui  que  les  élèves  de  l'École  polytech- 
nique, ne  pouvant  plus  tenir  les  re- 
tranchements qu'ils  défendaient,  sous 
les  murs  de  Paris,  à  la  butte  Saint- 
Chaumont,  durent  leur  salut.  Cette 
même  année,   Sokolnicki   retourna 
dans  sa  patrie,  et  accompagna  à  Var- 
sovie le  corps  de  Poniatowski  re- 
trouvé dans  l'EIster.  Il  était  encore 
en  activité  lorsqu'il   mourut,  le  23 
sept.  1816,  d'une  chute  de  cheval. 
On   lui   doit  diverses   publications 
scientifiques  :  I.  Notice  historique 
sur  le  canal  de  Richemont,  exécuté 
en  Pologne  en  1780,  Paris,  an  XII 
(1804),  in-4°  avec  fig.,  lue  à  la  So- 
ciété d'encouragement  en  1804;  ré- 
imprimée en  1812  à  la  suite  de  la 
lettre  à  M.  le  sénateur  Fossombroni. 
H.  Lettre  {du  11  août  1811)  au  sé- 
nateur Fossombroni  sur  une  trombe 
hydraulique  propre  à  Vépuisement 
des   grands    marais^  Paris,   1811, 
in-4''  avec  fig.  III.  Lettres  sur  quel- 
ques points  de  Vhydrodynamique^ 
Paris,  1811,  in-4°.  IV.  Lettre  sur  un 
pont  exécuté  à  Grodno  sur  le  Nié- 
men en  (mai)  1792  (insérée  dans  le 
Journal  militaire  de  Milan  et  dans 
le  n»  200  de  la  Bibliothèque  britan- 
nique), in-4%  fig.  Ces  quatre  opus- 
cules ont  été  réunis  et  réimprimés 
en  un  vol.  in  4°,  Paris,  1811.  V.  Let- 
tre à  M.  le  sénateur  Fossombroni^ 
relativement  au  dessèchement  des 
Marais-Pontins,   1812,  in-i"  avec 
2  pi.  VI.  Discours  prononcé  lors  du 
service  célébré  dans  l'église  de  Bon- 
Secours  de  Nancy,  en  l'honneur  de 
Stanislas,  par  les  cadres  des  armées 
polonaises,  le  11  juin  18H,  Nancy, 


SOL 


345 


1814,  in-4».  VII.  Recherches  sur  les 
lieux  où  périt   Yarus  avec  ses  lé- 
gions, Paris,  in-S^*.  VIII.  Coup  d'œil 
sur  le  canton  d'Elberfeld  dans  le 
grand-duché  de  Bcrg^  1814,  in-8° 
(inséré  dans  les  ^«na/es  des  voyages, 
t.  XV,  p.  214).  On  lui  attribue  l'ou- 
vrage suivant,  publié  sous  le  voile 
de  l'anonyme  :  Journal  historique 
des  opérations  militaires  de  la  7«  di- 
vision de  cavalerie  légère  polonaise, 
faisant  partie  du  4"  corps  de  la  cava- 
lerie de  réserve,  sous  les  ordres  de 
M.  le  général  de  division  Sokolnicki, 
depuis  la  reprise  des  hostilités  au 
mois  d'août  1813,  jusqu'au  passage 
du  Rhin  au  mois  de  novembre  de  la 
même  année,  rédigé  sur  les  minutes 
autographes,  par   un  témoin  ocu- 
laire, Paris,  1814,  in-8°.    C— H— N. 
SOLANO  (don  Francisco),  mar- 
quis del  Scorro  de  la  Solann;  né  en 
1770  de  l'une  des  plus  anciennes  et 
des  pins  illustres  familles  de  la  Pé- 
ninsule ibérique,  fut,  dès  sajeunes.'^e, 
voué  à  la  profession  des  armes,  et  fit, 
avec  distinction,  sous  les  ordres  du 
comte  de  la  Union,  les  campagnes  de 
1793,  1794  et  1795  contre  la  France 
révolutionnaire.  Il  était  parvenu  au 
grade  de  colonel  et  destiné  au  plus 
brillant   avenir  lorsque   la  paix  de 
Bàle  vint  le  contraindre  au   repos. 
Devenu  admirateur  enthousiaste  des 
Français  après  les  avoir  long-temps 
combattus,  il  demanda  à  son  souve- 
rain  la  permission  d'aller  achever 
parmi  eux  son  éducation  militaire, 
et  se  rendit  à  l'armée  du  Rhin  que 
commandait  Morcau.   Il  fit  sous  ses 
ordres,  comme  simple  volontaire,  les 
brillantes  campagnes  de  179G,  1797, 
et  ne  revint  dans  sa  patrie  qu'après 
la  disgrâce  de  ce  général  qui  suivit 
la  journée  du  18  friictidor(septembre 
1797).  Très-uien   accueilli  par  son 
souverain,  quoicju'on  le  considérât 


346 


SOL 


dès  lors  comme  imbu  de  quelques 
opinions  révolutionnaires,  il  parvint 
bientôt  au  grade  de  lieutenant-géné- 
ral et  fut  ni'Uiiné  cipitaine-général 
de  l'Aufialousie,  puis  gouverut-ur  de 
Cadix.  S'étant  trouvé  dans  cette  place 
lorsque   Mureau  y   passa  en  1804, 
après  sa  condamnation,  pour  se  ren- 
dre en  Amérique,  il  raccueillil  avec 
beaucoup  d'empressement.  Dans  tou- 
tes  les   occasions   il    montra  ainsi 
une  grande  sympathie  pour  les  mi- 
litaires français;  mais  ce  qui  prouve 
qu'en  cela  il  n'y  avait  que  de  la  no- 
blesse et  de  la  générosité,  c'est  que 
l'année  suivante  il  se  montra  égale- 
ment généreux  envers  les  Anglais, 
dont  la  flotte,  après  la  victoire  de 
Tr..falgar,  fut  battue  par  une  hor- 
rible  lempêle    en    face   de    Cadix. 
Aussitôt  Solano  envoya  un  aviso  à 
l'amiral  anglais,  pour  lui  faire  dire 
que  ses  blt-ssés  devant  avoir  beau- 
coup à  souffrir  de  l'agitation  de  la 
mer,  il  i»ftVait  de  les  recevoir  dans 
sus  hôpitaux,  où  l'on  en  aurait  autant 
de  soin  que  des  soldats  espagnols. 
Cette  proposition  ne  fut  pas  accep- 
tée, mais  elle  prouve  à  quel  point  le 
brave  Solano  portail  la  générosité. 
Il   était  dans  la  même  position  en 
1808,  lorsque  l'invasion  de  Bonaparte 
causa  dans  toutes  les  parties  de  l'Es- 
pagne une  si  subite  explosion.  Les 
habitants   de  Cadix   ne  furent  pas 
les    moins    ardents    ni    les    moins 
prnmpts  à  se  soulever,  et  ies  pre- 
mières émeutes  se  dirigèrent  contre 
le  marquis  de  Solano,  qui,  à  cause 
des    témoignages    d'affection    qu'il 
avait  donnés  aux  Français,  fut  soup- 
çonné d'inlelligence  avec  eux.  Ce- 
pendant il  restait  parfaitement  sou- 
mis aux  ordres  de   son    souverain 
Charles  IV,  et  c'était  afin  d'assurer 
son   départ    pour  l'Amérique  qu'il 
avait  quille  Séville  pour  se  rendre 


SOL 

à  Cadix.  Ne  reconnaissant  d'autre 
maître  que  son  roi,  il  ne  pouvait 
concevoir  qu'une  assemblée  sponta- 
nément réunie  et  dont  il  connaissait 
et  méprisait  quelques  membres  pût 
ainsi  usurper  le  pouvoir.  Il  convoqua 
tous  les  généraux  qui  se  trouvaient 
à  Cadix,  et  publia,  d'après  leur  avis, 
une  proclamation  rédigie  par  lé  gé- 
néral Morla  et  dans  laquelle,  après 
avoir  dit  combien  une  guerre  contre 
la  France  était  périlleuse,  il  déclarait 
que,  si  cependant  le  peuple  se  décidait 
à  la  faire,  il  fallait  se  préparer  à 
de  grands  sacrifices;  et  il  ajouta: 
■  qu'il  en  résulterait  la  plus  funeste 
a  désorganisation,  que  l'escadre  an- 
«  glaise  qui  était  en  vue  pourrait  en 

•  profiter  afin  de  s'emparer  de  Ca- 

•  dix  \    que   ces    réflexions  étaient 
.  adressées  au  peuple  par  onze  gé- 
«  néraux,  pour  qu'il  prononçât  sur 
«  ce  qu'il  était  convenable  de  faire 
a  et  n'accusât  personne  de  l'avoir 
«  trompé  ;  qu'en  ce  cas  tous  ces  gé- 
«  néraux  étaient  prêts,  et  qu'ils  ne 
«  déposeraient  les  armes  que  par  ses 
<■  ordres...  »  il  était  difficile  de  mon- 
trer plus  de  soumission  aux  volontés 
d'une  méprisable  populace;  mais  on 
sait  assez  que  de  pareilles  conces- 
sions ne  firent  jamais  que  l'encoura- 
ger dans  ses  excès,  et  qu'elles  eurent 
toujours  les  plus  déplorables  résul- 
tats.   Excitée    par    des    brouillons 
ambitieux,  cette  populace  se  porta 
à  la  demeure  du  consul  de  France, 
qu'elle    démolit    entièrement   à   la 
manière  anglaise,  puis  elle  alla  en- 
core   une    fois    menacer    celle    du 
gouverneur;  elle  y  amena  même  de 
l'artillerie  et  fit  plusieurs  décharges 
contre  la  troupe  qui  resta  impas- 
sible. Toujours  brave  et  fidèle  à  ses 
devoirs,  Solano  fil  bonne  contenance, 
et  plusieurs  fois  il  parut  sur  son  bal- 
con haranguant  la^  multitude  avec 


SOL 


SOL 


347 


beaucoup  de  courage  et  de  présence 
d'esprit.  Mais  ce  fut  en  vain,  la  fu- 
reur et  ravengiement  augmentèrent 
par  la  résistance.  Enfin  le  palais  fut 
envaiii,  et  le  gouverneur,  obligé  de 
prendre  la  fuite,  fut  alteint  p;ir  ces 
furieux  qui  l'égorgèrenliinpitoyablp- 
mcnt.  Ainsi  périt  l'un  des  chefs  les 
plus  distingués  des  armées  de  l'Es- 
pagne. Il  fut  la  première  victime  de 
cette  guerre,  de  ces  révolulions  qui 
devaient  être  si  longue^,  si  funestes 
pour  la  France  comme  pour  l'Es- 
pagne !  M — D  j. 

SOLARI  (Benoit),  né  à  Gènes  en 
1742,  lit  profession  dans  l'ordre  des 
dominicains,    et,  après  y  avoir  en- 
seigné la  théologie  pendant  plusieurs 
années,  il  fut  élevé,  en  1778,  sur  le 
siège  épiscopal  de  Noii.  Il  publia  à 
Gênes,  en  1789,  une  dissertation  la- 
tine, dans  laquelle  il  soutient,  con- 
Irairemenf  à  l'opinion  ordinaire  des 
théologiens,  que  le  mariage  contracté 
entre  des  infidèles  n'est  pas  rompu 
lor-sque  l'un  des  époux  reçoit  If  bap- 
tême. Partisan  des  innovations  reli- 
gieuses que   le  grand-duc  Léopold 
tentait  d'introduire  en  Toscane,  So- 
lari  dénonça  au  sénat  de  Gênes,  le  8 
octobre  1794,  la  bulle  de  Pie  VF,  Auc- 
torem  fidei,  qui  condamnait  les  actes 
du  synode  de  Pistoie  {voy.  Ricci  (Sci- 
pion),  XXXVn,  523),  et  rédigea  un 
mémoire  contre  cette  bulle.  Lorsque 
le  gouvernement  aristocratique  fut 
renversé  à  Gêties,  en  1797,  il  donna 
plusieurs  mandements  en  faveur  de 
cette  révolution,  et  fut  nommé  mem- 
brede  lacommission  législative.  Dans 
le   même  temps  il  fit   paraître  une 
lettre  à  l'avocat  Giusti,  où  il  défend 
les  principes    des  jatiséuisles.    On 
pense  bien  qu'il  approuva  la  consti- 
tution civile  du  clergé,  décrétée,  en 
1790,  par  TAssemblée  nationale  de 
France.  Plus  tard  même  (1798)  il  si- 


gna, avec  l'abbé   Eustache  Degola 
ivoy.  ce  nom,  I.XII,  225),  et  quel- 
ques autres  ecclésiastiques  italiens, 
une  lettre  d'adhésion  à  l'ancien  cler- 
gé constitutionnel   français.    Solari 
fut  invité  k  venir  à  Paris  pour  assis- 
ter au  second  concile  dit  national, 
qui  devait  s'ouvrir  dans  cette  ville 
au  mois  de  juin  1801  ;  mais  il  s'ex- 
cusa, par  sa  réponse  du  23  mai,  de 
ne  pouvoir  s'y  rendre.   Le  cardinal 
Geidd  {voy.  ce  nom,  XVII,  195), 
ayant  composé  en  italien  un  Exa- 
men des  motifs   de  l'opposition   de 
l'évêque  de  Noli  à  la  publication  de 
la  bulle  Auctorem  fidei,  et  des  Ob- 
servations sur    la   réponse  de  cet 
évêque  aux  constitutionnels,  qui  fu- 
rent imprimés  de  1800  à  1802,  Solari 
publia,  aussi  en  italien,  une  Apologie 
de  ses  principes  et  de  sa  conduite. 
L'abbé  Désola,  son  ami,  en  a  donné 
une  analyse,  en  français,  sous  ce  ti- 
tre :  L'ancien  clergé  constitutionnel 
jugé  par  un  évêque  d^ Italie;  abrégé 
analytique  de  t'Apologie  du  savant 
évêque  de  Noli  en  Ligurie,  avec  des 
notes  historiques  et  critiques,  Lau- 
sanne, 1804,  in-8''.  Solari  mourut  le 
13  avril  1814.  F— rt. 

SOLDO  (Christophe  de),  chroni- 
queur italien  du  XV®  siècle,  était  né 
k  Brescia  d'une  noble  famille.  On  n'a 
d'autres  détails  sur  sa  vie  que  ceux 
qu'il  donne  lui-même  dans  l'ouvrage 
dont  il  est  auteur.  Il  nous  apprend 
qu'il  avait  embrassé  la  profession  des 
armes,  et  qu'en  1438  il  commandait 
un  corps  de  troupes  qui  veillaient  k 
lasûretéetkla  défense  de  sa  vil  le  na- 
tale. Efi  1447  il  posa,  avec  révê(|ue 
de  Brescia,  la  première  pierre  d'un 
hôpital.  En  1453,  ses  concitoyens 
l'adjoignirent  à  sept  notables  char- 
gés de  fortifier  la  ville  menacée  d'un 
siège  et,  en  1466,  le  sénat  de  Venise 
ayant  ordonné  qu'elle  serait  envi- 


348 


SOL 


ronnc'e  de  nouvelles  murailles,  Soido 
fut  pre'posé  à  leur  garde  et  à  leur 
conservation.  On  ignore  l'epoque^le 
sa  mort.  La  chronique  qu'il  a  laissée 
offre  l'histoire  anecdotique  abrégée 
de  Brescia  et  de  toute  la  province 
pendant  un  intervalle  de  plus  de 
trente  années.  Elle  commence  en 
septeuihre  1437  et  finit  en  octobre 
1408.  Le  dernier  événement  qu'elle 
enregistre,  et  qu'elle  place  au  19  de 
ce  mois,  est  la  mort  de  Blanche  Vis- 
cnnti  (1),  veuve  de  François  Sforza, 
duc  de  Milan.  Dans  le  2l«  vol.  de  ses 
Scriptores  1-erum  italicarum,  le  sa- 
vant Muratori  a  publié  cette  chroni- 
que curieu.^e  et  fort  estimée.  On  en 
conserve  à  la  Bibliothèque  nationale 
un  manuscrit  que  Ton  croit  du  siècle 
de  l'auteur,  et  sur  lequel  une  main 
contemporaine  a  écrit  ce  titre:  Cro- 
nica  veridica  exposta  per  Christo- 
falo  da  Soldo  citadino  de  Dressa. 
Déjà  signalé  en  quelques  mots,  mais 
peu  exactement,  par  le  P.  de  Mont- 
faucon,  ce  beau  manuscrit  de  180 
pages  grand  in-4",  en  caractères 
ronds,  avec  une  miniature,  etc.,  a 
été  soigneusement  décrit  par  le  doc- 
teur Ant.  Marsand  (voy.  Manoscritti 
italiani,  1,  416).  \.t  Dictionnaire  de 
Moréri,  dern.  édit.,  au  mot  Soldi,  a 
consacré  au  chroniqueur  de  Brescia 
un  article  dont  nous  avons  fait  usage 
pour  la  rédaction  de  celui-ci. 

B— L— u. 
SOLKIMAX  el-Kaleby,  assassin 
du  général  Kléber,  était  né  en  Syrie, 
à  Alep,  où  son  père  exerçait  la  pro- 
fession d'écrivain.  Élevé  par  des 
prêtres  musulmans  dans  les  idées  d'un 
fanatisme  stupide,  il  avait  fait  deux 
fois  le  pèlerinage  de  Mtidine  et  de  la 


([)  A  l'article  de  son  fils,  Galeaz-Marie 
Sforza  (XLII,  2o8),  on  ne  fait  mourir 
BloucLe  que  le  a3  octobre. 


SOL 

Mecque;  toutes  ses  études  se  bor- 
naient à  la  lecture  du  Coran.  L'expé- 
dition des  l'rançais  en  Egypte  vint 
l'arracher  à  celte  obscure  destinée 
pour  en  faire  un  as.'^assin  célèbre.  Il 
avait  à  peine  24  ans  lorsqu'il  commit 
ce  crime,  à  l'instigation  des  muphlis 
et  des  chefs  militaires,  principale- 
ment de  l'agha  des  janissaires,  ainsi 
qu'il  en  lit  l'aveu  dans  son  interro- 
gatoire. Le  général  en  chef  Kléber 
venait  de  gagner  la  bataille  d'Hélio- 
polis  et  de  réprimer  vigoureusement 
une  révolte  au  Caire,  où  il  avait  fixé 
sa  résidence,  lorsque,  le  2.5  prairial 
an  VIII  (1 1  juin  1800),  il  fut  tué  par 
Soléiman,  qui  depuis  trcnfe-un  jours 
attendait  dans  la  grande  mosquée  un 
moment  favorable  pour  frapper  sa 
viciime.  Il  était  venu  de  Gaza,  avec 
cct'e  idée  fixe,  en  six  jours  sur  un 
dromadaire,  et  voici  comment  il  exé- 
cuta son  funeste  projet.  Kléber,  après 
avoir  passé  en  revue  la  légion  grec- 
que dans  l'île  de  Roiidah,  s'était 
rendu  chez  le  chef  d'état-major  qui 
réuni.ssait  à  de'jcuiier  plusieurs  offi- 
ciers généraux.  Pendant  le  repas  il 
se  montra  fort  g;.i,  et  vers  deux 
heures  il  sortit  avec  l'ingénieur  Pro- 
tain pour  retourner  à  son  palais,  où 
tous  deux  devaient  examiner  quel- 
ques réparations.  La  distance  était 
Irès-rapprochée,  et  ils  suivaient  à  pe- 
tits pas  nue  ti-rr.TSse  couverte  de  vi- 
gne, dépendant  du  palais,  et  dominant 
la  place  El-Bekich,  quand  un  jeune 
musulman  s'approche  du  général,  le 
salue  à  l'orientale  et  lui  prend  la  main 
pour  la  porter  à  ses  lèvres.  Kléber 
s'arrête,  attendant  qu'il  lui  parle; 
alors  Soléii.an  tire  un  poignard  re- 
courbé de  SI  ceinture  et  le  plonge 
jusfju'à  la  poignée  dans  le  côté  gau- 
che du  général,  qui,  s'appuyani  sur  la 
balustrade,  s'écrie  :  •  A  moi,  guides, 
je  suis  assassiné!  »  Protain  s'élance 


SOL 


SOL 


349 


sur  l'assassin,  mais  celui-ci  le  frappe 
de  plusieurs  coups  de  l'arme  san- 
glante, s'enfuit  rapidement  et  se 
réfugie  dans  une  citerne.  Quelques 
minutes  après,  KIcber  expirait.  On 
de'couvrit  Soleinian  caclié  dans  le 
jardin  des  bains  français,  et  le  poi- 
gnard enfoui  à  ses  pieds,  dans  le 
sable.  Traduit  aussitôt  devant  une 
commission ,  il  nia  obstinément  ; 
mais  après  avoir  subi  la  baston- 
nade, suivant  l'usage  du  pays,  i!  finit 
par  re'pondre  aux  questions  qui  lui 
furent  posées  et  avoua  son  crime. 
Le  jugement  rendu  séance  tenante 
porte  :  «  Que  SoIéiman-cl-Kaieby, 
convaincu  d'avoir  assassiné  le  gé- 
néral en  chef  Kléber,  est  condamné 
à  avoir  la  main  droite  brûlée,  à  être 
empalé,  à  mourir  sur  le  pal  et  à  y 
rester  jusqu'à  ce  que  son  cadavre  soit 
dévoré  par  les  oiseaux  de  proie.  » 
Cette  sentence  fut  exécutée  après 
l'inhumation  du  général, sur  la  butte 
de  l'Institut,  en  présence  de  l'armée 
et  de  la  population. S  iléiman  endura 
ce  douloureux  supplice  sans  profé- 
rer une  plainte,  avec  le  calme  et  le 
sang-froid  d'un  martyr,  récitant  des 
versets  du  Coran.  Sou  cadavre  resta 
exposé  pendant  un  mois  et  son  sque- 
lette, apporté  en  France,  en  même 
temps  que  le  corps  du  général  Klé- 
ber, fut  déposé  au  Jardin  des  Plantes, 
dans  la  |  rcmière  salle  d'anatomie,  à 
gauche  de  la  porte  d'entrée,  où  l'on 
peut  le  ïoir  encore  aujourd'hui.  C'est 
celui  d'un  homme  de  petite  taille; 
les  os  du  poignet  droit  sont  brûlés, 
et  deux  vertèbres  dorsales,  brisées 
par  le  pal,  ont  été  remplacées  par 
deux  vertèbres  en  bois.  Soléiinan  fut 
une  de  ces  imaginations  fanatisées 
pour  l'islamisme,  dont  l'Orient  offre 
tant  d'exemples  et  qui  accomplis- 
sent les  plus  grands  crimes  eu  s'é- 
criant:  Dieu  le  veut!        C— h— x. 


SOLEMY  (Jean  Baptiste-Simon), 
général  français ,  né  à  Verdun  eu 
Lorraine  le  30  octobre  1746,  d'une 
famille  noble  originaire  de  Pro- 
vence, entra  dès  l'âge  de  onze  ans 
comme  sous- lieutenant  dans  le  ré- 
giment de  Conti  avec  une  dispense 
d'âge  accordée  en  raison  des  ser- 
vices rendus  par  ses  ancêtres  (1).  Il 
fit  les  campagnes  de  la  guerre  de 
sept  ans  sur  les  côtes,  et  fut  nommé 
capitaine  en  1 761 ,  chevalier  de  Saint- 
Louis  dix  ans  plus  tard,  passa  dans 
le  régiment  de  l'Ile-de-France  avec 
le  grade  de  major  en  1783,  et  dans 
celui  de  Brie  comme  lieutenant-colo- 
nel le  29  octobre  1785.  Il  était  ainsi 
parvenu  à  l'un  des  premiers  grades 
de  l'armée,  et  il  en  était  considéré 
comme  l'un  des  meilleurs  ofliciers, 
lorsque  la  révolution  éclata,  fort 
opposé  dès  le  couimencement  aux 
innovations,  il  émigra  en  septembre 
1791  et  se  rendit  à  Ath  dans  les 
Pays-Bas  où  il  eut  le  commandement 
d'une  compagnie  d'ofliciers  qui  ve- 
nait de  s'y  former.  L'année  suivante 
il  lit  partie  de  l'armée  des  princes, 
en  qualité  de  major  d'une  brigade 
de  chasseurs  nobles  de  la  malheu- 
reuse expédition  de  Champagne,  sous 
les  ordres  du  duc  de  Brunswick,  et 
après  le  licenciement  qui  en  fut  la 
suite,  il  passa,  en  qualité  de  fourier- 
major,  à  l'armée  du  prince  de  Condé, 
qui  combattait  sur  le  Haut-Rhin.  Le 
19  juillet  1793  il  eut  une  grande  part 
à  la  brillante  affaire  de  Berckeim,  où 


(x)  Le  père  de  Soleray,  capitaine  au 
régiment  de  Conti,  avait  été  blessé  à  l'af- 
faire de  PivoreloDgue,  et  sou  aïeul,  lieule. 
uant-colonel  du  luème  régiment,  puis  bri- 
gadier des  années,  avoir  élé  tué  en  1744  a 
la  l>ataille  de  Madoua,  après  avoir  fait  tou- 
tes les  campagnes  d'Ilalie  et  d'Espagne  de- 
puis 1703,  ft  avait  donné  des  preuves  d'une 
grande  valeur  dans  quiiizu  sièges  et  quatre 
batailles. 


350 


SOL 


quatre-vingts  ('migres  royalistes  sVm- 
parèrent  d'une  redoute  défendue  par 
trois  ceuls  soldais  républicains  qui 
étant  restés  prisonniers,  pour  la  plus 
grande  partie,  s'attendaient  à  de 
cruelles  représailles.  Solemy  fut 
chargé  de  calmer  leurs  inquiétudes. 
«  Vous  nous  égorgez  quand  nous 
«  avons  le  malheur  de  tomber  entre 

•  vos  mains,  leur  dit- il;  niais,  iidèle 
«  aux  principes  de  religion  et  d'hu- 
«  nianité  que  nous  professons  ,  le 
«  prince  qui  nous  commande  m'a 
o  ordonné  de  vous  faire  donner  tous 
«  les  secours  qui  vous  sont  néces- 
«  saires.  »  Solemy  se  trouva  ensuite 
aux  affaires  des  20  et  21  août,  12  sep- 
tembre et  13  octobre,  puis  à  la  glo- 
rieuse journée  de  Berstheim,  le  2 
déc  171)3.  Le  27  du  même  mois  il  lut 
nommé  major-général  ;  fit  tn  cette 
qualité  les  campagnes  de  1794,  1795 
et  1790,  ei  fut  blessé  grièvement  au 
combat  d'Oberkamlack  où  il  com- 
mandait la  colonne  de  droite.  Créé 
marechai-de-camp  en  1797,  il  conti- 
nua de  servir  dans  cette  armée  jus- 
qu'au licenciement  en  1801.  Lors- 
qu'elle revint  de  Russie  en  1798 
pour  prendre  part  aux  opérations  de 
la  nouvelle  coalition,  il  la  rejoignit 
en  Volhinie  et  fut  chargé,  après  la 
malheureuse  affaire  de  Constance,  de 
conduire  la  retraite  où  il  déploya  une 
grande  valeur.  Enfin,  selon  un  certi- 
ficat qui  lui  fut  donné  par  le  prince 
de  Coudé,  «  il  déploya  dans  toutes 
«  ces  guerres  toutes  les  qualités  qui 
«  constituent  l'excellent  oflicier,  une 
«  grande  intelligence  unie  à  beau- 
«  coup  de  valeur,  et  la  plus  grande 

•  activité  dans  TeXécutiou.  »  Le  roi 
Louis  XVill,  dont  on  ne  peut  contes- 
ter le  talent,  au  moins  sous  ce  rap- 
port, lui  avait  écrit  di' Blaiikeubourg, 
lo  .5  janvier  1797,  d'une  manière  non 
irioins  flatteuse,  après  la  bataille  d'O- 


SOL 

berkamiach.  <•  Je  suis  trop  satisfait 
«  de  vos  services,  monsieur,  pour  ne 
«  pas  vous  l'exprimer  moi-même,  et 
«  vous  parler  en  même  temps  de  tout 
«  l'intérêt  que  j'ai  pris  à  votre  bles- 
«  sure.  J'espère  qu'elle  n'aura  au- 
«  cune   suite  fâcheuse.   Votre    zèle 

•  pourrait  vous    faire    regarder   la 

•  perte  d'un  bras  comme  indiffé- 
«  rente  ;  miis  je  ne  pense   pas  de 

•  même,  et  je  sens  combien  il  m'est 

•  nécessaire  que  vous  les  conserviez 
«  tous  les  deux.  Soyez  persuadé  de 
«  mes  sentiments  pour  vous,  etc.  » 
Depuis  le  licenciement  de  1801 ,  le  gé- 
néral Solemy  vécut  assez  tristement 
dans  la  retraite.  En  1814,  après  le 
rétablissement  de  la  monarchie,  il 
fut  nommé  commandeur  de  Saint- 
Louis  ;  nous  n'avons  pas  appris  qu'il 
ait  reçu  d'autre  récompense  de  ses 
longs  services.  Il  fut  mis  à  la  retraite 
en  1816  et  mourut  quelques  années 
plus  tard.  M — D  j. 

SOLSERS  (Jules- Raimond  de), 
historien,  était  né  vers  1530,  h.  Per- 
tuis  en  Provence,  de  parents  protes- 
tants. Après  avoir  fait  ses  études,  à 
Paris,  sous  Adrien Turnèbe  etOronce 
Fine,  il  cultiva  la  jurispnuience.  Ses 
talents  le  placèrent  jeune  encore  à 
la  tête  du  barreau  d'Aix;  mais,  sàr 
chant  concilier  ses  devoirs  avec  te 
goût  des  recherches  historiques,  il 
composa,  dans  ses  loisirs,  une  His- 
toire de  Provence,  dont  il  eut  l'hon- 
neur de  présenter  une  copie  au  roi 
Charles  IX,  à  son  passage  à  Aix,  en 
1564.  Les  persécutions  auxquelles 
Soliers  se  trouva  bientôt  en  butte 
comme  protestant  l'ayant  forcé  d'a- 
bandonner son  cabinet,  il  revint  à 
Ptrtuis,  et  profita  de  cet  le  retraite 
involontaire  pour  refoudre  sou  his- 
toire, «  occupation,  dit-il,  qui  servit 
beaucoup  à  charmer  s  <u  ennui.  »  Il 
en  offrit  la  dédicace  au  roi  Henri  III, 


SOL 

par  une  épître  datée  de  1577;  mais 
le  malheur  des  temps  ne  lui  permit 
pas  de   la  faire  imprimer.  De  nou- 
veaux troubles  l'ayant  obligé  d'ac- 
cepter   l'asile  que   le   seigneur    de 
Motilfuroii  lui  avait  offert  dans  son 
château,  il  y  conduisit  sa  famille,  et 
mourut  de  chagrin  en  1595,  VHis- 
toirede  Provence  est  écrite  en  latin. 
Le  manuscrit  autographe,  après  avoir 
appartenu  successivement  à  Scipion 
Duperrier,  à  Pitton,  l'historien  rie  la 
ville  d'Aix,  à  de  Haitze  et  aux  Sain'- 
Viucetis,  se  trouve  maintenant  dans 
la  bibliothèque  Menjane,  k  Aix.  C'est 
l'ouvrage  le  plus  consulté  par  tous 
ceux  qui  ont  écritsur  les  antiquités  et 
l'histoire  naturelle  de  la  Provence. 
Ch.-Anuib.  Fabrot,  funeux  juriscon- 
suite,  en  a  extrait  et  traduit  en  fran- 
çais Les   Antiquités  de  la  ville  de 
Marseille,  où  il  est  traité  de  l'an- 
cieniie  république  des  Marseillais   et 
des  choses  les  plus  remarquables  de 
leur  état,  Marseille,  1615,  ou  Lyon, 
1C32,  in-8°.  La  dédicace  de  ce  volume, 
rare  et  recherché,  est  signée  d'Hector 
Soliers,  l'un  des  his  de  l'auteur  ;  mais 
c'est  à  tort  que  quelques  bibliogra- 
phes, trompés  par  cet  artifice,  lui  ont 
fait  honneur  de  la  traduction.  Une  F/e 
détaillée  de  Jules-Raimond  de  So- 
liers par  de  Haitze  est  reste'e  ma- 
nuscrite. W — s. 

SOLMEZANE  (Boniface  Pasto- 
ret,  C()-seigneur  de  Seillans,  baron 
de),  né  en  1576,  fut  un  des  magis- 
trats et  des  négociateurs  les  plus 
distingués  d'un  temps  fertile  en 
hommes  célèbres  de  tout  genre.  Ar- 
rière-petit-lils  des  deux  présidents 
qui  avaient  illustré  son  nom,  dans  le 
XlVe  siècle,  il  est  plus  connu  sous  le 
titre  du  lief  qui  fut  créé  pour  lui, 
dans  le  Muntferrat,  en  récompense 
de  ses  services.  Après  avoir  passé 
vingt  ans  dans  le  parlement  de  Pro- 


SOL 


351 


vence,  où  il  s'était  lié  d'une  amitié 
étroite  avec  Duvair,  Peiresc,  Gas- 
sendi, M.izaurgue,  il  se  trouva  ,  par 
suite  de  la  conliance  qu'il  avait  inspi- 
rée, chargé  de  fréquentes  négocia- 
tions auprès  des  ducs  de  Savoie.  Les 
ducs  de  Parme  et  de  Manloue  lui  té- 
moignèrent une  estime  égale  et  l'em- 
ployèrent également  dans  de  nom- 
breuses missions.  Bouiface  Pastoret 
donna  pour  lors  sa  démission  de  sa 
charge  de  conseiller  au  parlement  de 
Provence,  et  se  dévoua  en  entier  à  la 
carrière  diplomatique;  mais,  sur  le 
déclin  de  l'âge,  des  intrigues,  aux- 
quelles Mazarin  ne  fut  pas  étranger, 
amenèrent  sa  disgrâce.  Il  quitta  la 
cour  de  Turin  et  se  retira  dans  sa 
terre,  où  il  mourut  vers  1600.  Il  a 
laissé  des  mémoires  assez  curieux 
sur  les  affaires  du  midi  de  la  France 
pendant  le  règne  de  Louis  XI 11  et 
la  régence  qui  suivit.  —  Antoine, 
baron  de  Solmezane,  suu  lils  aîné, 
fut  tué  à  l'expédition  de  Candie,  et 
son  lief  ne  fut  jamais  rendu  a  son 
frère.  —  Pierre,  second  fils  de  Bo- 
nil'acejS'éiabiil  à  Seillans  où  il  vécut 
obscurément,  el  où  il  mourut  en 
1680.  Pierre  de  Pastoret  était  le  tri- 
saïeul du  chancelier  de  France  de 
ce  nom.  Z. 

SOLWINIAC  (Alain  de),  évêqi.'e 
de  Cahors,  naquit  en  159.3,  d'une  an- 
cienne lamille  du  Périgor.l.  Ses  pa- 
rents l'avaient  destiné  à  l'état  mili- 
taire, mais  son  goût  le  porta  vers 
l'état  ecclésiastique.  H  fut  pourvu, 
eu  1(525,  de  l'abbaye  de  Chancelade, 
et  aussitôt  après  avoir  reçu  ses  bul- 
les il  prit  l'habit  religieux,  et  s'oc- 
cupa sérieusement  d'y  établir  la  ré- 
forme. De  tous  ceux  de  .ses  cou li  ères 
qui  l'habitaient,  un  seul  entra  dans 
ses  vues.  A  ïnesure  que  les  novices 
qu'il  y  attira  se  formaient  dans  l'exer- 
cice des  règles  nionasllLiues,  il  les 


352 


SOL 


envoyait  dans  les  différentes  maisons 
de  l'ordre,  pour  y  remettre  en  vi- 
gueur la  discipliné  régulière.  Nom- 
mé, en  1636,  à  révêchc  de  dhors,  il 
amena  avec  lui  une  colonie  de  ses 
disciples,  qui  se  répandirent  dans  les 
differenies  missions,  pour  réparer  les 
désordres  causés  par  les  guerres  ci- 
viles. Il  prit  saint  Charles  Borrumée 
pour  modèle,  et  mit  en  vigueur  les 
statuts  du  saint  archevêque  de  Milan. 
A  son  exemple,  il  se  livra  sans  ré- 
serve au  service  de  ceux  qui  étaient 
atteints  de  la  peste  dont  son  diocèse 
fut  aftligé  dans  les  années  1652  et 
lG53,lurnia  un  hôpital  et  divers  éta- 
blissemenis  de  charité.  Ce  fut  au  mi- 
lieu de  ces  travaux  qu'il  («rmiiia  sa 
carrière  le  31  déc.  1659.  On  ace  urul 
de  toutes  parts  à  son  tombeau  pour 
implorer  son  intercession  auprès  de 
Dieu.  Plusieurs  assemblées  du  clergé 
cm  fait  des  démarches  pour  obtenir 
sa  canonisation.  Sulminiac  avait,  à 
l'exemple  de  quelques-uns  de  ses  col- 
lègues,publié  une  censure  contre  IM- 
pologie  des  Casuisles,  qui  lui  attira 
des  tracasseries.  Sa  vie  a  été  compo- 
sée en  français  par  Léonard  Chaste- 
net, ettraduiteen  latin  parBisset,  l'un 
et  l'autre  de  l'ordre  de  Chancelade. 
Le  premier  avait  été  son  secrétaire 
et  son  confesseur.  La  dépouille  mor- 
telle de  ce  pieux  évèque  lut  transfé- 
rée, le  7  août  1791,  de  l'abbaye  de 
Chancelade,  où  il  avait  été  enterré, 
dans  la  cathédrale  de  Cahors  avec 
la  plus  grande  solennité.         T — d. 

SOLOADICUS,  Espagnol  entre- 
prenant et  rusé,  chef  des  Ceitibé- 
riens,  les  excita  à  la  révolte  contre 
Rome  en  faisant  briller  à  jeuis  yeux 
une  lance  d'argent,  et  eu  se  disant 
envoyé  des  dieux  pour  les  rélablir 
dans  leur  ancienne  liberté.  Solondi- 
cus  par  ces  impostures  entraîna  ses 
compatriotes  qui  prirent  les  armes. 


SOL 

s'attachèrent  à  lui  et  le  proclamèrent 
général  en  chef.  11  marcha  aussitôt  à 
leur  tctc  au-devant  du  prétour  ro- 
main qui  s'était  déjà  mis  en  cam- 
pagne pour  faire  rentrer  les  rebelles 
dans  le  devoir  ;  et,  voulant  connaître 
par  lui-mcme  la  position  du  camp 
des  Romaiqs,  il  se  déguisa  et  tenta 
de  pénétrer  de  nuit  dans  leurs  re- 
tranchements ;  mais,  ayant  été  soup- 
çonné ou  reconnu  par  un  légion- 
naire de  garde,  il  fut  tué  d'un  coup 
de  lance,  l'an  163  avant  J.-C.  B — p. 
SOLTYK  (Stamslas),  l'un  des 
plus  ardents  et  des  plus  puissants 
soutiens  de  l'indépt^ndance  polo- 
naise, était  le  fils  du  castellan  de 
Varsovie  et  le  neveu  de  l'évêque  de 
Cracovie.  Il  naquit  en  1751  àKrysk, 
dans  le  palatinat  de  Plock  en  Mazo- 
vie,  où  sa  famille  possédait  de  grands 
biens.  A  la  diète  constituante  de 
1788-1792,  il  se  lit  particulièrement 
remarquer  et  contribua  à  la  consti- 
tution du  3  mai  1791.  Enhardi  par  la 
faiblesse  du  roi  Stanislas-Auguste,  il 
lui  adressa,  dans  la  séance  du  29  mai 
1792,  ces  paroles  audacieuses:  -Sire, 

•  le  temps  est  arrivé  où  tout  Polo- 

•  nais  va,  sous  vos  auspices,  se  ran- 
«  ger  sous  les  drapeaux  de  la  liberté 

•  et  défendre  cette  terre  qufl'a  vu 

•  naître,  cette  terre  chérie  où  il  est 

•  heureux,  parce  qu'il  est  devenu 

•  libre.  Je  passe  sous  silence  les 
«  vingt  premières  années  de  votre 

•  règne;  mais  vous,  sire,  souvenez- 
«  vous  de  ce  que  vous  étiez,  de  ce 
«  qu'était  cette  nation  qui,  de  bonne 

•  foi,  vous  abandonne  ses  destinées, 

•  et  vous  y  verrez  alors  la  règle  de 
«  voire  conduite.  Quelle  différence 

•  de  la  seconde  époque  de  votre  règne 

•  avec  celle  de  la  diète  actuelle  où 
«  la  nation  recouvre  sa  libeité  et  où 
«vous  gagnez  sa  coniiance!  Dans 
»  celte  diète,  les  limites  entre  la  na- 


SOL 


SOL 


«  lion  et  le  roi  sont  à  jamais  posées. 
«  La  soiivcrainefé  reste  à  la  nation 
«  et  le  pouvoir  executif  au  roi.  Sire, 
«  vous  approchez  des  moments  les 
•  plus  critiques  de  votre  vie  :  ils  vont 
«  l'aire  voir  si  vous  méritez  d'être 
«  mis  au  rang  des  plus  célèbres  mo- 
«  narques,ou  si  avec  vous  doit  périr 
«  la  mémoire  de  votre  règne,  etc.  » 
Stanislas  était  incapable  de  répondre 
comme  il  convenait  à  un  pareil  lan- 
gage. Lorsque  le  moment  critique 
fut  arrivé,  Soltyk  lit  les  plus  grands 
sacrifices  pour  le  triomphe  de  ses 
opinions.  11  livra  les  armes  et  les 
canons  qui  se  trouvaient  dans  ses 
châteaux,  équipa  et  paya  un  nombre 
considérable  de  soldats  i  mais  tous 
ces  efforts  furent  inutiles.  Après 
le  dernier  démembrement  de  la 
Pologne,  Solîyk  se  réfugia  à  Ve- 
nise (t79j)  où,  réuni  à  plusieurs 
antres  patriotes,  il  chercha  à  inté- 
resser les  cabinets  allies  à  la  cause 
de  la  Pologne 5  mais  il  ne  réussit 
dans  aucune  de  ses  tentatives  près 
des  cours  de  France,  de  Turquie  et 
de  Suède.  A  la  suite  d'une  amnistie 
qui  lui  fut  accordée,  il  rentra  en  Po- 
logne et  fut  surveillé  sévèrement 
par  la  police.  Lorsque  la  paix  de 
Campo-Formio  eut  enlevé  aux  Polo- 
nais toute  la  confiance  qu'ils  avaient 
mise  dans  la  France,  Soltyk,  Dmo- 
cliowski  etThadéeOzacki  établirent 
(1800)  une  société  des  amis  des 
sciences  à  Varsovie,  qui,  avec  le  but 
de  cultiver  et  de  conserver  la  langue 
polonaise  ,  renfermait  évidemment 
l'idée  générale  d'entretenir  et  de 
propager  partout  l'esprit  révolu- 
tionnaire. En  1802,  Soltyk  forma 
encore  avec  le  même  Ozacki,  Michel 
Walicki  et  Joseph  Drzewiecki  un 
nouveau  moyen  de  propagandisme  , 
■  sous  prétexte  d'une  association  com- 
merciale qui  eut  pcii  de  succès.  Eu 

LXX.MI. 


1811,  étant  nonce  de  la  noblesse  à  la 
diète,  il  en  fut  nommé  maréchal  par 
le  roi  de  Saxe.  Le  royaume  de  Po- 
logne fut  proclamé  par  la  grande 
confédération  de  Varsovie  réunie  à 
celle  du  grand-duché  de  Lithuanie, 
et  Soltyk  fut  élu  par  ses  concitoyens 
pour  porter  à  Wilna,  avec  une  dé- 
putàtion  solennelle ,  cette  grande 
nouvelle  à  l'empereur  Napoléon.  11 
se  retira  ensuite  dans  ses  terres. 
Affaibli  par  l'âge ,  les  fatigues  de 
l'exil,  il  s'était  soumis  franchement 
au  gouvernement  paternel  d'Alexan- 
dre, lorsqu'une  nouvelle  conjuration 
fut  découverte  dans  la  journée  du 
26  décembre  1825.  Les  arrestations 
qui  en  furent  la  suite  révélèrent  à 
la  police  russe  l'existence  d'une  so- 
ciété patriotique.  Les  prisons  de 
Varsovie,  de  Wilna,  de  Kaminieck- 
Podoloki,  de  Kiow  et  autres,  furent 
aussitôt  remplies.  Après  une  année 
d'instruction  faite  par  une  commis- 
sion de  Russes  et  de  Polonais,  huit 
d'entre  les  principaux  accusés,  parmi 
lesquels  était  Soltyk,  furent  livrés 
au  tribunal  de  la  diète  par  le  décret 
impérial  et  royal  du  19  avril  1827. 
Tous  ses  complices  furent  admis  à 
se  défendre;  quant  à  lui,  son  âge, 
ses  infirmités,  les  horreurs  de  sa  pri- 
son ,  l'empêchèrent  d'assister  aux 
débals.  Il  eut  la  satisfaction  d'ap- 
prendre qu'il  avait  été  absous,  juge- 
ment que  le  sénat  polonais  prononça 
à  l'unanimité,  moins  une  voix.  L'au- 
torité executive  arrêta  la  publication 
du  décret.  L'infortuné  SoUyk  resta 
long-temps  détenu,  et  la  mort  seule 
put  mettre  fin  à  ses  malheurs.  —  Le 
comte  Roman  Solt\k,  général  d'ar- 
tillerie polonais,  passa  au  service  de 
France  sous  Napoléon,  et  fut  employé 
k  son  état-major.  On  a  de  lui  :  1.  Na- 
poléon en  1812.  Mémoires  histo- 
riques et  militaires  sur  la  campagne 
23 


354 


SOL 


de  Russie^,  Paris,  1836,  in-8«,  avec 
carte.  II.  La  Pologne,  précis  histo- 
rique, politique  et  mililaire  de  la 
révolution,  précédé  d'une  esquisse 
de  Vhisloire  de  la  Pologne,  depuis 
sonorigine jusqu'à \8i0,  Paris,  1833, 
2  vol.  iii-8°,  avec  cartes.        G— Y. 

SOLVET  (P.-Louis),  libraire  à 
Paris,  naquit  vers  1770,  et  fit  d'assez 
bonnes  études.  Destiné  à  entrer  dans 
l'état  ecclésiastique,  il  en  fut  empê- 
ché par  la  révolution,  et  se  voua  au 
commerce  des  livres,  qui  ne  lui  réus- 
sit point.  On  a  dit  que  dans  ce  temps 
de  progrès  et  d'industrie  il  avait 
trop  de  probité  et  de  franchise  pour 
faire  fortune.  Il  resta  donc  dans  la 
gêne  jusqu'à  ce  qu'un  modique  em- 
ploi dans  l'administration  de  la  ma- 
rine l'eût  mis  à  même  de  satisfaire 
ses  besoins  et  ses  goûts  qui,  d'ail- 
leurs, étaient  fort  simples  et  fort  mo- 
destes. Ce  fut  surtout  vers  la  biblio- 
graphie qu'il  dirigea  ses  études,  et  il 
avait  recueilli  dans  ce  genre  des  ma- 
tériaux précieux,  dont  nous  avons 
fait  quelquefois  usage  dans  cette 
Biographie.  Cet  homme  de  bien  mou- 
rut en  18i6,  fort  regretté  de  tous 
ceux  qui  l'ont  connu.  Il  a  édité  et 
enrichi  de  fort  bonnes  notes  et  com- 
mentaires un  grand  nombre  d'ou- 
vrages, parmi  lesquels  nous  cite- 
rons :  I.  Éludes  sur  La  Fontaine, 
ou  Notes  et  excursions  littéraires 
sur  ses  fables,  précédées  ùe  son  Éloge 
inédit,  par  feu  M.  Gaillard,  avec  une 
gravure  représentant  la  maison  de 
La  Fontaine  à  Château-Thierry,  Pa- 
ris, 1812,  in -8°.  H.  Coup  d'œil 
sur  Vienne,  par  le  professeur  Oliva- 
rius,  avec  des  augmentations  par 
l'éditeur,  1805,  in-8°.  III.  Voyage  à 
Montbard,  par  Hérault  deSécheiles, 
1801 ,  in-80.  IV.  Le  petit  magasin  des 
dames,  recueilli  par  Solvel,  1803  à 
1810,  8  vol.  in-12.  M— Dj. 


SOM 

SOMAGLIA  (Julbs-Marie  délia), 
cardinal  célèbre,  qui  a  long-temps 
honoré  la  sainte  Église  romaine,  né 
ù  Plaisance  le  9  juillet  1714,  fut  élevé 
avec  un  grand  soin  par  sa  noble  fa- 
mille, et  destiné  de  bonne  heure  à 
embrasser  l'état  ecclésiastique.  11 
avait  été  tenu  sur  les  fonts  de  bap- 
tême par  le  cardinal  Albéroni,  Plai- 
santin comme  lui,  et  qui  en  1744  se 
trouvait  momentanément  à  Plaisan- 
ce, alors  âgé  de  80  ans,  et  cherchant 
encore  à  agiter  un  petit  pays  à  dé- 
faut de  PEspagne  qu'il  avait  assuré- 
ment mal  gouvernée.  Albéioni  s'ap- 
pelait Jules,  et  il  donna  ce  nom 
à  son  filleul,  en  ajoutant  celui 
de  César;  mais  quand  le  jeune  La 
Somaglia  entra  en  prélaturc  à  Rome, 
il  reconnut  une  sorte  d'inconvenance 
dans  l'union  de  ces  deux  noms,  et 
il  substitua  au  second  celui  de 
Marie  (  nous  tenons  ce  fait  du  car- 
dinal lui-même).  Les  heureuses  dis- 
positions du  jeune  gentilhomme  de 
Plaisance  furent  bientôt  appréciées 
par  ses  maîtres,  et  il  devint  rapide- 
ment un  habile  latiniste;  il  étudia 
aussi  le  grec,  mais  avec  moins  de 
passion,  et  il  s'appliqua  à  parler  la 
langue  italienne  avec  la  plus  élé- 
gante correction.  Don  Philippe,  frère 
germain  de  don  Carlos  qui  avait  été 
premier  duc  de  Parme  et  depuis  fut 
roi  de  Naples  et  successivement  roi 
d'Espagne,  don  Philippe  témoignait 
de  l'estime  et  de  la  bienveillance  à  la 
famille  de  Somaglia,  et  recommanda 
Jules  à  des  cardinaux  en  crédit  à 
Rome. Don  Ferdinand-Marie-Philippe- 
Louis,  duc  de  Parme,  continua  la 
même  protection.Jules  délia  Somaglia 
vit  les  dernières  années  du  règne  de 
Benoît  XIV  et  il  se  pénétra  de  bonne 
heure  de  ce  sentiment  de  vénéra- 
lion  pour  Rome  dont  sont  animés 
ceux  qui  se  vouent  au  service  de  cette 


SOM 

cour  aussi  expérimenféo  que  sage, 
aussi  habile  que  fidèle  à  ses  anciennes 
traditions,  ce  qui  lui  assure  de  si 
grands  succès  dans  les  négociations 
où  elle  se  trouve  mêle'e  par  suite  des 
e've'nements  politiques  de  l'Europe,  et 
où  en  définitive  elle  obtient  toujours 
l'avantage.  Lorsque  Albéroni  avait  été 
contraint  de  quitter  l'Espagne,  il 
s'était  vu  arrêté  par  ordre  d'Inno- 
cent XIII;  on  l'enferma  dans  le  cou- 
vent des  Jésuites  de  Rome,  où  ces 
pères  l'avaient  traité  avec  beaucoup 
de  distinction  et  des  égards  singu- 
lièrement bienveillants.  La  famille 
d'Albéroni  et  celle  de  La  Somaglia 
ne  parlaient  donc  de  la  compagnie 
de  Jésus  qu'avec  la  plus  haute  ad- 
miration. Alors  il  fut  facile  de  re- 
conunander  Jules  à  Clément  XIII 
qiuind  il  monta  sur  le  trône.  On  sait 
qu'il  s'était  déclaré  le  protecteur  in- 
variable de  cet  ordre.  C'était  le  mo- 
ment où  commençaient  les  persécu- 
tions qui  accablèrent  ces  religieux,  et 
la  tendresse  que  leur  montrait  Clé- 
ment XIII  était  naturellement  en  rai- 
son de  l'injustice  avec  laquelle  des 
agitateurs,  des  hommes  avides  et  des 
princes  imprévoyants  voulaient  que 
l'on  traitât  la  compagnie.  Jules  ob- 
tint de  l'avancement  dans  les  em- 
plois subalternes  où  l'on  tient  quel- 
que temps  les  jeunes  seigneurs  avant 
de  leur  confier  des  emplois  impor- 
tants. En  17G9  sous  Clément  XIV, 
il  fut  traité  avec  un  peu  de  froi- 
deur; en  1775  il  s'attacha  avec  zèle, 
avec  chaleur,  au  char  de  Pie  VL  Ce 
pontife,  homme  de  caractère,  travail- 
leur qui  ne  se  fatiguait  jamais,  ai- 
mait les  hommes  d'une  prestance  no- 
ble, parce  qu'ilétaitbeaului-même^  il 
donna  des  preuves  de  protection  à  La 
Somaglia  qui  jouissait  d'une  grande 
considéraîion  et  dont  ou  vantait  les 
qualités,   les  talents  et  les  vertus. 


90U 


355 


Le  pape  désirait  que  le  plus  grand 
ordre  régnât  dans  les  cérémonies.  La 
Somaglia,  d'une  assez  haute  taille, 
d'une  figure  agréable  et  noblement 
romaine,  était  chargé  en  second  du 
cérémonial,  et  il  prit  un  tel  goût  à 
ce  genre  de  travaux,  qui  est  en  hon- 
neur à  Rome  où  rien  ne  doit  jamais 
changer,  qu'il  chercha  plus  lard  à 
devenir  préfet  du  cérémonial^  et 
qu'il  s'acquitta  de  cette  charge  avec 
un  plaisir  toujours  renouvelé,  jus- 
qu'aux derniers  jours  de  sa  vie. 
Pie  VI  savait  cependant  bien  que 
Jules  pouvait  être  employé  d'une 
manière  encore  plus  avantageuse  aux 
intérêts  de  Rome,  et  il  lui  confiait  la 
rédaction  des  bulles  dogmatiques,  des 
brefs  à  Louis  XVI  (1).  Ce  fut  lui  par- 
ticulièrement qui  fut  chargé  de  rédi- 
ger les  premiers  éléments  de  la  célè- 
bre allocution  où  Pie  VI,  en  1793, 
annonça  au  sacré  collège  la  mort  de 
Louis  XVI.  Tant  de  services  rendus 
par  un  homme  courageux,  désinté- 
ressé, fidèle,  qui  avait  embrassé  avec 
ardeur  les  sentiments  et  la  politique 
de  Braschi  déterminèrent  le  pontife  à 
ne  pas  différer  la  récompense  due  à 
une  collaboration  si  utile,  et  Jules- 
Marie  dellaSomaglia  fut  créé  cardinal 
le  l"  juin  1795.  Lors  de  l'émeute  san- 
glante qui  affligea  Rome  en  1797,  le 
cardinal  dellaSomaglia,  par  ordre  de 
Pie  VI,  parcourut  Rome  et  chercha  à 
contenirlesfurieuxqui  voulaient  ani- 
mer Joseph  Bonaparte,  l'ambassa- 
deur du  Directoire, contre  le  sacré  col- 
lège et  les  amis  de  la  papauté.  Mais 
les  efforts  du  cardinal  furent  à  peu 
près  vains.  Il  obtint  bien  quelques 
applaudissements  donnés  à  son  élo- 
quence, à  sa  modération.  Il  empêcha 
qu'on  ne  frappât  quelques  prêtres  que 

(i)  Voyez  VHitloire  des  souverains  pon^ 
lifts,  toin.  VIII,  années  1 790-1 795. 

23. 


25G 


SOM 


l'un  poursuivait  avec  ach.irneniPnl , 
mais  il  fut  obligé  (rallcr  direàPie  VI 
qu'une  de  ces  e'po(]ues  indéfinissables 
où  Rome  méconnaît  ses  maîtres  était 
arrivée,  et  qu'il  lallail  céder  à  la  vo- 
lonté de  Dieu,  qui  sans  doufe  ne  per- 
mettrait que  pour  un  temps  de  si 
cruelles  violences.  Quand  l'ie  VI  eut 
été  enlevé  pour  être  transporté  à 
Sienne,  le  nouveau  pouvoir  se  sou- 
vint des  efforts  faits  par  le  cardinal 
délia  Somaglia  pour  ramener  les  ré- 
voltés à  l'obéissance  ;  on  voulut  l'en 
punir  et  on   le  jeta  en  prison.  C'é- 
tait en  effet  lui  seul  qui  avait  rétabli 
une  sorte  de  tranquillité  dont   un 
avait  profité  pour  relever  l'émeute. 
En  prison   La    Somaglia  fut   traité 
avec  rigueur;  car  tout   est   crime 
dans  les  révolutions,  souvent  jus- 
(ju'aux  services  qu'on  rend  à  ceux 
(|iii  ont  irrité  le  peuple  (2).  Un  Ro- 
main que  La  Somaglia  avait  obi  igé  au- 
trefois, et  qui   prenait  part  au  tu- 
multe, se  lit  cependant  ouvrir  le  ca- 
chot où  le  cardinal  était  détenu,  et 
persuada  qu'il   fallait  le  déporter  à 
Cività-Vecchia.Son  émineuce,  aver- 
tie qu'elle  devait  changer  d'habits, 
s'y  refusa.  DeCività-Vecchia,  le  car- 
dinal s'embarqua  sur  une  frêle  bar- 
que mal  pontée,  et  put  atteindre  un 
petit  port  de  Toscane.  Là,  trouvant 
une    population    peu    riche,   mais 
accoutumée  à  donner  le  denier  du 
pauvre,  il  amassa  une  petite  somme 
et  il  la  distribua  entre  plusieurs  de 
ses  collègues  qui  dans  d'autres  en- 
droits étaient  réduits  à  une  extrême 
misère.  L'année  1798  et  l'année  1799 
furent  accompagnées  de  souffrances 
(jui  compromirent  la  santé  du  cardi- 
nal, et  les  traces  de  cette  maladie  ne 
s'effacèrent  que  bien  rarement,  sans 


(2)  Histoire  des  souverains  pontifes,  tome 
VIII,  pag.  410. 


SOM 

cependant  altérer     d'une    manière 
trop   ('angcreuse   un    lempéramcnt 
fort  et  robuste  qui  permit  au  cardi  - 
nal  une  Ircs-longue  vie,  ainsi  que 
nous  le  verrons  plus   tard.  Pie  VI 
était  mort  comme  un  héros,  comme 
un  martyr,   à  Valence.  On   parlait 
d'un  conclave;  le  cardinal  reçutdans 
sa   modeste  retraite   une  lettre  de 
l'empereur  d'Allemagne  François  II, 
qui  offrait  au  sacré  collège  dispersé 
de  lui  donner  l'hospitalité  dans  la 
ville  de  Venise.  Il  fallut  demander  de 
nouvelles  aumônes  pour  entrepren- 
dre le  voyage.  Enfin  La  Somaglia  se 
trouva  réuni  à  ses  collègues,  dans 
Venise,  le  1"^''  déc.  1799.  Le  conclave 
se  composait  de  35  cardinaux.  Les 
opérations  de  cette  assemblée  ont  été 
décrites  dans  le  plus  grand  détail  au 
l"  volume  de  l'histoire  de  Pie  VII  (3). 
D'après  les  affinités  que  l'on  connais- 
sait à  La  Somaglia,  on  a  lieu  de  penser 
qu'il  faisait  partie  de  la  petite  réunion 
de  cardinaux  qui,  au  nombre  de  cinfj, 
votaient  avec  le  cardinal  Maury.  On 
lit,  dans  l'histoire  du  conclave  pré- 
cité, ce  qui  se  passa  entre  Maury  et 
Consalvi,   secrétaire  du  sacré   col- 
lège (i)  5  il  fut  convenu  qu'en  même 
temps  qu'on  adresserait  la  notifica- 
tion de  l'élection  à  tous  les  souve- 
rains de  l'Europe,  on  n'oublierait  pas 
de  l'adresser  à  Louis  XVIll,  roi  de 
Franceet  de  Navarre.  Le  pape  Pie  VII, 
élu  en  1800,  confia  le  soin  de  quel- 
ques affaires  importantes  au  cardinal 
délia  Somaglia,  et,  rendant  justice  à 
son  esprit  d'ordre,  à  ses  vertus  et  à 
ses  talents,  il  le  nomma  bientôt  car- 
dinal-vicaire. Cette    charge  donne 
l'inspection  absolue  sur  les  niœurs. 
On  a  toujours  élevé  à  cette  dignité 

(3)  Histoire  de  Pie  VU,  3*  édition,  tome  T, 
piige  7'2. 

(4)  /'"</•,  page  ;)'• 


SOM 


SOiVI 


357 


uii  homme   d'un   caractère    Cfilmc, 
d'une  probité  éprouvée.  La  Soniaglia 
remplit  cette  charge  à  la  satisfaction 
générale,  ne  se  montrant  ni  exigeant 
avec  minutie,  ni  préoccupé  de  senti- 
ments orgueilleux,  pour  étendre  cet  te 
juridiction    qu'il  n'est  pas  aisé  de 
délinir.  Souvent  on  eut  à  s'applau- 
dir de  ce  choix,  surtout    lorsqu'il 
s'agit    de   poursuites  délicates    qui 
lurent  adoucies  par  le  caractère  pru- 
dent de  ce  magistrat  suprême.  Pen- 
dant le  voyage  de  Pie  Vil  à  Paris, 
en  1804  et  en  1805,  le  cardinal  délia 
Somaglia  vécut  en  intelligence  par- 
faite avec  Consaivi  qui  tenait  direc- 
tement les  renés  du  gouvernement. 
Quand  les  discordes  et  les  malen- 
tendus siins   nomb.e  à  la  suite  du 
sacre  vinrent    tijurmenler    violem- 
ment le  repos  de  sa  Sainteté,  La  Suma- 
glia  accepta  les  commissions  les  plus 
difficiles;  mais  Pie  Vil  était  toujours 
coupable  pour  la  P'rance,  il  ne  devait 
accueillir  dans  Rome  ni  un  Anglais, 
ni  un  Sarde,  ni  un  Russe,  ni  un  Sué- 
dois. Enfin   des    gendarmes  furent 
chargésde  l'enlever  et  les  cardinaux 
se  virent  en  même  temps  condam- 
nés à  l'exil.  On  lit  ensortequ'enlSlO 
ils  fussent  à  peu  près  tous  résidents 
à  Paris  sous  une  surveillance  qui  ce- 
pendant leur  laissait  assez  de  liberté. 
Près  de  procéder  au  mariage  de  Na- 
poléon avec  Marie -Louise,  on  parla 
d'abord  du   mariage  civil.   Les  car- 
dinaux italiens  s'assemblèrent  à  la 
fin  de  mars  et  consultèrent  surtout 
La  Somaglia  ;  il  expliqua  nettement 
la  position  dans  laquelle  les  mem- 
bres du    sacré  collège  allaient    se 
trouver  ;  il  dit  que,  pour  son  compte 
et  comme  cardinal  revêtu  du  titre 
élevé  de  vicaire  de  Sa  Sainteté,  il  ne 
ferait  aucune  difficulté  d'assister  au 
mariage  civil,  qui   pour  lui  n'avait 
aucune  impottancc,  mais  que  sous 


aucun    prétexte   il   n'assisterait  au 
mariage  religieux,  parce  qu'il  était 
à  sa  connaissance  que  Pie  VII,  en 
personne,  à  la  fin  de  180î,  avait  cé- 
lébré ou  confirmé  le  mariage  entre 
Napoléon  et  Joséphine  dans  la  cha- 
pelle des  Tuileries;  finalement,  que 
lui,  La  Somaglia,  avait  reçu  et  gardé 
l'acte  qui  était  déposé  au  Vicariat 
h  Rome.  Tous  les  cardinaux  approu- 
vèrent ce  qu'il  avait  dit  relativement 
au  mariage  civil.  Quelques-uns  dé- 
clarèrent qu'ils  se  réservaient  de  ré- 
fléchir sur  ce  qu'il  y  aurait  à  faire 
pour  eux  relativement  au   mariage 
religieux.  Le  1*""  avril  eut  lieu  le  ma- 
riage civil;  tous  les  cardinaux  rési- 
dant à  Paris,  oii  ils  avaient  été  ap- 
pelés nominativement,  et  auxquels 
leur  santé  permettait  de  sortir,  se 
trouvaient  présents  dans  la  galerie 
de  Saint -Cloud  au  nombre  de  20. 
Mais  il  n'en  fut  pas  ainsi  à  la  céré- 
monie religieuse  le  2  avril,  dans  la 
grande  salle  du  Louvre  convertie  en 
chapelle.  On  lit  dans   l'hisloire  de 
Pie  VII  le  désappointement  de  ceux 
qui  présidaient  à  la  cérémonie  quand 
ils  ne  virent  que  treize  cardinaux  ;  il 
en  manquait  un  nombre  pareil.  Bi- 
got de  Préameneu  eut  ordre  de  veil- 
ler à  ce  que  ces  derniers  ne  fussent 
plus  invités  à  la  cour;  mais   il   se 
trompa  en  indiquant  ces  cardinaux; 
il  n'en  désigna  que  douze  :   Mattei, 
Pignatelli,  di  Pietro,  Saluzzo,  Bran- 
cadoro  ,    Galeffi  ,   Opizzoni ,    Litta , 
Scotti,  Giibrielli,  Consaivi  et  Louis 
Ruffo.  Dans  le  temps  il  fut  dit  qu'on 
avait  fait  exprès  de  ne  pas  spécifier  le 
nom  de  La  Somaglia  parce  qu'il  pou- 
vait revenir  sur  son  refus,  le  réparer 
par  quelque  excuse  et  ramener  ainsi 
à  la  cour  une  partie  des  opposants. 
Mais  La  Somaglia  déclara  qu'il  n'a- 
vait  pas  assisté  au  mariage  religieux 
et  qu'il  se  soumettrait  au  sort  des 


358 


SOM 


SOM 


absents.  On  ne  sait  pas  encore  à  pré- 
sent qui  donna  le  conseil  de  partager 
le  sacré  collège  en  cardinaux  qui 
conserveraient  le  droit  de  porter  la 
pourpre  et  les  bas  rouges,  et  en  car- 
dinaux auxquels  la  pourpre  serait 
interdite  et  qui  ne  pourraient  porter 
que  des  ;bas  noirs  et  le  manteau  noir, 
sans  liseré  rouge.  Le  public  appela  les 
premiers  les  cardinaux  rouges  et  les 
autres  les  cardinaux  noirs.  LaSoma- 
glia  fut  regardé  comme  le  chef  des  car- 
dinaux noirs  (Pacca  était  emprisonné 
àrénestre!le).Tous  ces  derniers  fu- 
rent exilés  dans  diverses  villes  de 
France  ;  La  Somaglia  fut  envoyé  à  Mé- 
zières  où  l'on  conserve  encore  le  sou- 
venir de  ses  manières  nobles,  de  sa 
politesse  de  seigneur  et  de  sa  con- 
versation élégante.  Lorsqu'en  1814 
Pie  VU  put  consulter  ses  cardinaux 
qu'on   lui,  avait   rendus,  rouges  et 
noirs,  La  Somaglia  fut  moins  employé 
dans  les  négociations  que  Pacca,  Con- 
salvi  et  di  Pietro;  mais  il  ne  les  con- 
traria jamais,  et  toujours  il  ajouta  ou- 
vertement son  approbation  à  celle 
que  le  bon  Pie  VII  demandait  à  tout  le 
sacré  collège.  L'heure  de  la  liberté 
du  pape  était  venue;  La  Somaglia, 
comme  vicaire,  reprenait  une  grande 
influence.  Au  mois  d'août  1814,  de 
concert  avec  le  cardinal  Pacca,  il 
contribua  courageusement  au  réta- 
blissement de  la  compagnie  de  Jésus. 
Dans  ce  moment  même,  La  Somaglia 
rappela  à  tous  les  souvenirs  la  part 
qu'il  avait  eue  sous  Pie  VI  à  ces  men- 
tions si  honorables  pour  Louis  XVI 
que  contenait  l'allocution  de  1793, 
dont  nous  avons  déjà  parlé  et  oii  il 
était  question,  en  termes  clairs,  de  la 
canonisation  de  ce  prince  martyr,  si 
injustement  persécuté  par  une  par- 
tie de  ce  peuple  qu'il  aimait  et  qu'il 
voulait  rendre   heureux.   L'ambas- 
sade française  fut  invitée  à  aller  voir 


un  tableau  magnilique,  d'une  hau- 
teur colossale,  représentant  la  ca- 
nonisation de  Louis  XVI.  Ce  prince, 
couronne  en  tête  et  revêtu  du  man- 
teau royal,  était  enlevé  par  des  anges 
qui  le  portaient  au  ciel.  La  Somaglia 
se  déclarait  le  protecteur  de  l'artiste, 
et  son  éminence  permettait  qu'on  lui 
fit  compliment  à  elle-même  sur  la 
pensée  et  l'ordonnance  du  tableau, 
qui  avait  été  composé  en  1794.  Il 
s'éleva  d'injustes   critiques,  et  les 
témoignages  de  zèle,  de  reconnais- 
sance et  d'amour  d'un  (iilèle  sujet  de 
la  maison  de  Parme,  n'obti  nrent  pas  le 
succès  qu'il  avait  mérité,  et  que  des 
jalousies  de  famille  cherchèrent  à 
faire  oublier.  La  sœur  de  Louis  XVI, 
la  reine  Clotilde,  qui  pour  d'autres 
vertus  aurait  mérité  le  même  hon- 
neur, n'avait  pas  été  la  dernière,  en 
1801,  à  montrer  sa  vive  satisfaction  ; 
mais  les  tableaux  comme  les  livres 
ont  leurs  destinées.  En  1820,  après  la 
mort  du  cardinal  Mattei,  La  Soma- 
glia, déjà  archi-prctre  de  Saint-Jean- 
de-Latran,  basilique  dont   le    roi 
de  France  est  le  premier  chanoine, 
devint  évêque  d'Ostie  et  de  Velletri 
et  cardinal  doyen.  On  put  à  l'instant 
même  connaître  ce  qu'il  serait  dans 
un  poste  aussi  considérable.  Le  sacré 
collège  ne  se  meut  que  sur  l'invita- 
tion de  son  doyen  ;  chaque  cardinal 
peut  être  appelé  à  part,  en  vertu  d'un 
ordre  du  pape,  mais  le  sacré  collège 
en  corps  n'est  convoqué  absolument 
que  sur  un  billet  écrit  par  le  doyen 
qui  a  été  averti  seul  des  intentions 
du  pape  pour  une  cérémonie  publi- 
que, un  consistoire  secret  et  autres 
réunions.  Chaque  ambassadeur,  après 
avoir  vu  le  pape  et  le  secrétaire  d'É- 
tat, doit  faire  une  visite  d'étiquette, 
le  premier,  au  doyen  du  sacré  col- 
lège. La  Somaglia,  déjà  préfet  du  cé- 
rémonial dont  il  avait  recherché,  re- 


SOM 


SOM 


359 


trouvé,  agrandi  les  privilèges,  devint 
un  personnage  encore  plus  vénérable 
quand  il  put  appliquer  à  la  situation 
de  doyen,  des  avantages,  des  droits 
par  bulles, des  préséances,  des  actes, 
peut-être  même,  mais  rarement,  des 
remontrances  tombées  en  désuétude. 
Cette  existence  nouvelle,  fortiliée 
par  la  parole  la  plus  digne  et  la  plus 
brillante,  donnait  à  ce  cardinal  une 
attitude  qu'en  arrivant  à  cette  cour 
il  fallait  remarquer.  Pie  Vil  ayant 
rendu  sa  noble  àme  à  Dieu,  le  doyen 
s'éleva  encore  à  un  degré  de  puis- 
sance qui  n'était  balancé  que  par  le 
crédit  du  camerlingue.  Le  conclave 
est  toujours  présidé  par  le  doyen  ; 
on  voit  dans  l'histoire  de  Léon  XII 
quelles  furent  les  agitations  du  con- 
clave de  1823.  Nous  en  rapporterons 
quelques-unes  succinctement  (5). 
Les  poésies  que  l'on  publie  ordinai- 
rement avant  et  pendant  le  conclave 
annoncèrent  que  La  Somaglia  avait 
un  parti  qui  le  portait  à  la  papauté. 
Voici  les  vers  qui  furent  faits  à  son 
sujet  et  répandus  avec  d'autres  qui 
indiquaient  des  choix  différents  ou 
qui  repoussaient  des  candidats. 
Les  amis  du  doyen  s'exprimaient 
ainsi  : 

Chi  vuol  che  lolgasi  tanta  gramaglia 
Clie  cuoprc  il  sempio,  see/ga  Somaglia, 

Ceux  fjui  veulent  qu'on  se  débarrasse  de 
lugubres   misères  choisiront  Soin;iglij. 

On  reconnut  bientôt  que  ce  parti  se 
composait  de  sept,  souvent  dix  car- 
dinaux ;  il  neponvaitdonner  la  tiare, 
mais  il  fallait  compter  avec  lui  pour 
l'assurer  à  un  autre.  Le  conclave 
avait  commencé  ses  opérations  le 
3  septembre  1823.  Le  premier  jour, 
La  Somaglia  obtint  le  matin  i  voix  au 

(5)  Voyer,  pour  plus  de  détails,  VHisl,  de 
Léon  XII,  au  commeuceiucut  du  tome  l, 
iii-8,  Paris,  1843. 


scrutin,  et  le  soir,  à  Vaccesso,  qui  est 
comme  un  scrutin  supplémentaire, 
2  voix,  en  tout  6.  Le  4  il  obtint  le 
matin  5  voix,  et  le  soir  5, en  tout  10. 
En  général,  il  n'eut  pas  plus  de  12 
voix.  Ses  amis  cherchèrent  alors  à 
voir  quel  serait  le  choix  définitif. 
Pendant  ce  temps-là  Severoli  obte- 
nait jusqu'à  26  voix  ;  mais  il  eut  l'.ex- 
clusion  de  l'Autriche,  et  il  fut  con- 
venu que  La  Somaglia  abandonnerait 
ses  prétentions  et  que  les  voix  des 
zelanti  se  porteraient  sur  Ann.  délia 
Genga  qui  prit  le  nom  de  Léon  XII. 
Quand  il  eut  accepté,  il  déclara  qu'il 
nonunait  secrétaire  d'Élat  le  cardinal 
délia  Somaglia,  alors  entré  dans  sa 
80e  année.  En  appelant  un  ministre 
recommandable  par  ses  connaissan- 
ces dans  les  affaires  administratives 
du  pays,  Léon  XII  n'avait  pas  en- 
tendu se  donner  un  tuteur.  Loin  de 
là,  il  voulut  s'appliquer  lui-même 
à  la  direction  des  négociations,  voir 
assidimient  les  dépêches  des  non- 
ces, rédiger  souvent  les  réponses, 
commencer  ce  que  l'on  nomme  des 
tratlative,  se  les  réserver  à  lui 
seul  et  n'en  entretenir  son  ministre 
que  vaguement  et  avec  circonspec- 
tion. Le  reste  des  correspondances 
était  laissé  à  La  Somaglia,  et  les  bu- 
reaux de  la  secrétairerie,  composés 
d'hommes  habiles  formés  par  Con- 
salvi,  suffisaient  pour  que  les  travaux 
importants  ne  souffrissent  pas  d'in- 
terruption Quels  que  fussent  le  res- 
pect de  La  Somaglia  pour  son  maî- 
tre et  les  courtoisies  du  souverain 
pour  celui  qui  aurait  dû  être  son 
aller  ego  (son  autre  lui-même),^  une 
sorte  de  mésintelligence  régna  bien- 
tôt entre  ces  deux  personnages.  Ce- 
pendant le  corps  diplomatique  était 
satisfait  en  général  de  ses  rapports 
avec  le  doyen.  H  essayait,  plus  que 
Léon  XII,   qui  du  reste  n'était  pas 


360 


SOM 


trcs-répreliensible  dans  son  allure 
sévère,  dont  il  se  tirait  très-bien, 
La  Somaglia  essayait  de  cacher  le 
défaut  d'accord,  et  il  s'attachait  très- 
sagement  à  servir  autrement  l'inté- 
rêt de  Rome,  à  le  définir  avec  sim- 
plicité, à  excuser  la  marche  lente 
des  relations  habituelles.  On  a  dit, 
d'après  la  correspondance  du  duc  de 
Laval,  qu'il  y  eut  un  jour,  dans  un 
entretien,  un  exposé  de  la  poliliqup- 
de  Rome  depuis  les  premiers  temps 
de  Louis  XIV.  L'ambassadeur  attri- 
bue ce  qui  fut  dit  alors  à  des  cardi- 
naux sans  les  nommer.  Le  cardinal 
qui  prononça  ces  paroles  était  La 
Somaglia.  Les  voici  :  -Onparle  beau- 
coup de  Rome.  Mon  devoir  était 
â'étiidicr  ses  actes:  je  Vax  fait  pen- 
dant long-temps  et  avec  un  désir  com- 
plet de  rencontrer  la  vérité.  Citez 
une  grave  faute  de  la  cour  romaine 
dans  les  deux  derniers  siècles,  une 
faute  qui  atteste  sa  tyrannie  et  son 
ambition:  il  n'y  en  a  pas.  Il  y  a  eu 
une  faute  qui  démontre  sa  faiblesse  ; 
Clément  A IV en  rend  compte.  »  Voilà 
comment  cet  observateur  exact,  im- 
partial, qui,  il  faut  l'avouer,  désirait 
être  pape,  avait  appris  à  expliquer 
les  rouages  de  l'action  de  sa  cour. 
Il  y  a  dans  ce  jugement  qu'on  ne 
demandait  pas  à  son  éminence  et 
qu'elle  offrait  avec  une  sorte  de  can- 
deur,il  y  a  vérité  pour  l'observation, 
étude  réfléchie  des  faits  de  l'histoire, 
louange  méritée  par  tous  les  agents 
et  surtout  par  les  nonces.  Rome  n'a 
été  coupable  ni  de  tyrannie,  ni  d'am- 
bition, ni  d'aucun  système  de  per- 
sécution, et  les  ennemis,  les  calom- 
niateurs ne  lui  ont  pas  manqué.  Le 
défenseur  avoue  une  faute  qui  atteste 
une  faiblesse;  l'inculpé  rend  compte 
a  Dieu;  un  des  plus  salutaires  dog- 
mes de  la  religion  est  jeté  là  eu  pas- 
sant pour  devenir  l'objet  de  k  vé- 


SOM 

néralion  unirerselle,  car  il  rappelle 
clairement  que  Dieu  punit  aussi  la 
faiblesse  dans  les  plus  grands.  L'am- 
bassadeur qui,  le  premier,  a  révélé 
ces  faits,  ajoute  ensuite  dans  sa  dé- 
pêche quelques  mots  dont  on  pour- 
rait profiter  aujourd'hui^  «  La  cour 
"de  Rome,  la  prudente  cour  de 
«  Rome  qui  n'a  pas  que  vous  seuls 
"  (Français)  à  contenter  et  qui  est 
«  surveillée  par  mille  autres  résis- 
«  tances,  s'impose  à  elle-même  les 
«  bornesqu'on  ne  lui  aurait  pas  pres- 
«  criies,  et  je  puis  dire  que  depuis 
"  que  je  suis  dans  cette  capitale,  je 
«  n'ai  entendu  personne  manifester 
'  à  cet  égard  d'autres  sentiments 
«que  ceux  que  je  regarde  comme 
«l'expression  la  plus  habituelle  des 
«vues  du  gouvernement  pontifical 
«  avant,  pendant  et  après  Léon  XI I.  » 
(  rien  n'empêche  de  dire  aujour- 
d'hui avant  et  pendant  Pie  IX  ).  En 
1824  le  cardinal  délia  Somaglia,  fidèle 
à  ses  principes  d'attachement  aux 
Bourbons,  demandait  avec  empres- 
sement la  nuit  et  le  jour,  surtout 
quand  il  arrivait  quelque  courrier, 
demandait  des  nouvelles  du  frère  de 
Louis  XVI,  du  frère  de  ce  glorieux 
martyr  dont  il  avait  ordonné  l'apo- 
théose en  1791  dans  le  tableau  dorit 
nous  avons  parlé.  Louis  XVIII  était 
dangereusement  malade  et  la  France 
le  perdit  au  moisde  septembre.  Alors 
La  Somaglia,  à  une  note  du  chargé 
d'affaires  de  France,  en  date  du  23, 
qui  annonçait  ce  triste  événement, 
répond  par  les  mots  suivants  où 
brillent  à  la  fois  les  sentiments  qu'il 
professait  pour  l'dugustu  maison  qui 
se  voyait  rétablie  à  la  fois  sur  les 
trônes  de  France,  d'Espagne  et  de 
Naples,  et  qui  n'avait  jierdu  dans  ces 
grandes  guerres  (pie  l'État  de  l'arir.e 
et  Plaisance,  patrie  de  Somaglia,  resté 
ami   quand   tous  les  liens  étaient 


SOM 

rompus.  Voici  cette  note  :  «  Monsieur , 
«  vous  ne  pouviez  donner  au  cardi- 
«nal  secrétaire  d'État  une  nouvelle 
«plus  douloureuse  que  celle  de  la 
"  uiort  de  sa  majesté  Irès-chrétienne 

•  Louis  XVIII,  roi   de  France.  Les 

•  vertus  qui  ornaient  l'auguste  nio- 
«  narque,  la  modération  et  la  sagesse 
«  avec  lesquelles  il  a  gouverné  son 
«  royaume  dans  des  temps  si  difli- 
«ciles   sont    bien   raisonnablement 

•  pleurées  par  la  France  qui,  après 

•  les  vicissitudes  de  tant  de  luslros, 
«est  remontée  à  son  ancien  état  où 
«  elle  florissait  avec  splendeur.  Celte 
«mort  a  excité  vivement  la  sensibi- 
«  lité  de  Sa  Sainteté,  qui  connaissait 
"bien  et  admirait  la  profonde  reli- 
"  gion  du  roi  très-chrétien,  et  qui  se 
«  réconforte  en  pensant  au  sentiment 
«de  lumineuse  piété  par  lequel  se 

•  distingua  toujours  son  auguste 
«  frère  qui  lui  a  succédé  sous  le  nom 

•  de  Charles  X.  Le  soussigné,  en  ex- 

•  primant  sa  vive  peine  pour  cette 
«affligeante  nouvelle  en  réponse  à 
«  votre  note  du  23  courant,  vous  re- 
«  nouvelle  les  assurances  de  sa  vraie 
«estime.  G. -M.,  cardinal  della  So- 
«  MAGUA.»  Il  est  rare  de  rencontrer 
dans  le  minisire  d'un  souverain  étran- 
ger un  attachement  si  dévoué,  une 
tendresse  si  expansive  pour  le  roi 
d'un  autre  pays.  Mais  c'est  un  des 
attributs  de  Rome:  tout  catholique 
de  l'Europe,  s'il  a  une  naissance 
honnête,  des  talents  et  de  la  per- 
sévérance, peut  parvenir  aux  plus 
hauts  emplois  de  la  cour  romaine. 
LaSomaglia  ne  faisait  que  suivre  en 
cela  les  premières  impressions  de 
son  enfance.  Malheureusement  dans 
une  autre  affaire  il  se  souvint  trop 
de  son  parrain  le  cardinal  Albéroni. 
Légat  à  Ravcnne  sous  Clément  XII, 
ce  cardinal,  sous  divers  prétextes, 
'hcrchait  à  envahir  le  sol  de  la  ré- 


SOM 


361 


publique  de  Saint-Marin,   pour   le 
réunir  aux  États  du  saint-siége-,  mais 
Clément  XII,  guidé  par  un  esprit  de 
droiture  et  de  piété  (6),  avait  cassé 
les  actes  d'Albéroni.  Dans  la  même 
année   1824,    des    malintentionnés 
sans  doute  publièrent  que  le  cardi- 
nal della  Somaglia  voulait  reprendre 
l'œuvre  manquée  et  détruire  la  ré- 
publique de  Saint-Marin.  Ce  n'était 
pas  assurénient  à  un  vieillard  comme 
lui  qu'il  convenait  de   se  mettre  à 
la  tète  d'une  pareille  entreprise  que 
Léon  XII  ne  pouvait  approuver.  La 
Somaglia  d'ailleurs  avait  de  la  sa- 
gesse, de  la  mesure  dans  l'esprit, 
et  la  situation  de  l'Europe  ne  per- 
mettait pas  un    seul  ébranlement, 
même    celui   de   la    république   de 
Saint-Marin.   Les  brouillons,  quels 
qii'ils  aient  été,  ne  réussirent  pas 
dans  leur  projets^  le  marquis  Ono- 
frio,  sujet  direct  de  la  république, 
nouvellement  député  parce  gouver- 
nement, obtint  d'être  admis  auprès 
du  saint  père,  pour   le  féliciter  sur 
son  avènement.  M.  Onofrio  était  pa- 
rent de  Joseph  Onofrio;  qui  dans  le 
temps  appuyait  le  capitaine  de  la 
république  Giangi,  lorsque,  appelé 
par  les  agents  d'Albéroni  pour  prê- 
ter serment  entre  leurs  mains,  ce 
capitaine  parla  ainsi  :  «  Le  premier 
octobre,  j'ai  prêté  serment  à  mon 
légitime  prince,   la    république  de 
Saint-Marin;  je  contirme  aujourd'hui 
et  je  renouvelle  ce  premier  serment.» 
Enliu  il  fut  reconnu,  d'après  les  ex- 
plications de  La  Somaglia,  que  l'on 
n'avait  jamais  entendu  offenser  l'in- 
dépendance de  Saint-Marin,  et  toutes 
les  (liKicultés  sur  ce  point  furent  apla- 
nies à  la  satisfaction  du  gouvernement 
pontilical  et  de  celui  de  la  républiquu. 
11  demeura  prouvé  ([ue  Clément  XII 

(6)  Htit,  dt  Lion  Xll,  l,  255. 


362 


SOM 


SOM 


en  1739  et  Léon  XII  en  1824,  les  deux 
vrais  maîtres  dans  ces  circonstances, 
n'imaginèrent  ni  ne  soutinrent  une  si 
injuste  prétention.  Les  fautes  des 
ministres  romains  ne  sont  pas  les 
fiiutes  des  papes,  surtout  lorsque 
ces  papes,  prévenus  àtemps,ont  dés- 
avoué leurs  ministres.  La  Somaglia 
qui  venge  si  bien  les  pontifes,  s'il  est 
imprudent  lui-même,  au  moins  ne 
leur  attribue  pas  des  erreurs  qu'ils 
n'ont  pas  commises.  Il  est  impossi- 
ble que  nous  ne  rendions  pas  compte 
de  ce  qui  se  passa  à  Rome,  lors  du 
voyage  que  fit  l'abbé  de  Lamennais 
avec  M.  Vuarin,  curé  de  Genève.  Ils 
furent  tous  les  deux  logés  au  col- 
lège romain,  dans  la  maison  des 
pères  de  la  compagnie  de  Jésus.  Le 
cardinal  avait  l'intention  de  propo- 
ser à  M.  de  Lamennais  une  place 
élevée  dans  l'administration  de  la 
bibliothèque  de  la  Propagande.  Il 
allait  même  jusqu'à  dire  qu'il  serait 
possible  de  penser  pour  lui  à  un 
évéchë  in  partibus.  Le  chargé  d'af- 
faires du  roi  rendit  compte  de  celte 
ouverture,  et  il  arriva  un  ordre  por- 
tant que  M.  de  Lamennais  ne  devait 
pas  être  évêque,  même  in  partibus. 
Ce  ne  fut  pas  le  ministre  des  affaires 
étrangères  qui  transmit  cet  ordre  au 
chargé  d'affaires.  Lorsque  le  cardinal 
apprit  celte  décision,  il  s'écria  : 
«  Messieurs,  vous  faites  làune faute. 
Vous  craignez  une  opposition,  une 
polémique;  vous  êtes  dans  Verreur.» 
Là-dessus  ce  savant  cardinal,  qui 
n'était  cependant  point  préparé  à 
une  pareille  discussion,  parcourut  les 
différentes  phases  où  le  saint-siége 
avait  éprouvé  des  contradictions. 
«  Monsieur,  dites  à  Paris  que  toutes 
«  les  oppositions  des  évêques  ne  sont 
«  pas  à  craindre,  tant  l'esprit  épisco- 
"  pal  est  bon,  surtout  en  France  ;  il 
•  n'y  a  pas  de  danger  de  ce  côté.  Je 


•  vais  plus  loin  ;  dans  tout  l'univers 

•  un  évêque  bien  rarement  est  près 
<■  d'entrer  sur  le  chemin  de  l'hérésie  ; 
«quelquefois  un  prêtre,  chez   noiis 

•  Frà  Paolo,  chez  vous  Quesnel , 
«  franchit  les  contins.  M.  de  Lamen- 
«  nais  a  un  talent  immense,  surtout 
«  pour  le  style;  la  guerre  que  fut  un 
«  évêque  n'est  pas  celU'  que  ferait  et 
«  quesoutieiit  un  prêtre  en  mauvaise 

•  voie.  Ne  me  parlez  pas  de  Ricci  de 
«  Pistoie.  Du  vivant  Uiêmede  Léopold, 
«  nous  avions  les  demandes  en  récon- 

•  cilidtion  de  ce  prélat.  C'est  nous  qui 
«  avons  choisi  le  jour,  l'heure  du 
«  raccommodement.  J'ai  bien  étudié 
«  ces  affaires-là,  monsieur,  vous  vous 
«  repentirez  de  votre  inutile  sévérité. 
«  Laissez  parler  mon  âge.  Je  serais 
«  capable  de  vous  nommer  les  jaiisé- 
«  nistes  prêtres,  un  à  un,  et  si  le  ser- 
«  vice  de  mon  maître  Léon  XII ,  et  du 
«  vôtre  Charles  X  le  permettait,  je 
«  n'aurais  pas  sitôt  fini  de  vous  in- 
«struire  tous  de  votre  imprudence, 
«  dont  l'Église  et  vous  à  Paris  vous  au- 
"  rez  à  vous  repentir.  On  est  si  heu- 
«  reux,  monsieur,  d'adopter,  même  à 
«Rome,  %ine  hygiène  préventive.  •  Le 
cardinal  délia  Somaglia  était,  conmie 
le  cardinal  Pacca,  un  homme  à  bons 
mots.  Ce  genre  de  grâce  a  toujours  été 
familier  aux  personnes  qui  ont  prin- 
cipalement vécu  dans  les  cours.  On 
présentait  à  La  Somaglia  Mrle  cheva- 
lier Liston ,  ministre  d'Angleterre,  qui 
voulait  visiter  Rome  en  détail  ;  le  car- 
dinal lui  dit  :  «  Monsieur  le  cheva- 
lier, nous  qui  lisons  les  gazettes  de 
tous  les  pays,  nous  avons  beaucoup 
entendu  parler  de  vous.  Mais  y-a-t-il 
eu  une  légation  de  votre  pays  oii 
vous  n'ayez  pas  résidé?  —  M.  Liston 
répondit  :«  Éminence,  au  nom  de 
mes  souverains  j'ai  rempli  dix-sept 
missions  diplomatiques.  J'ai  résidé  à 
Stockholm,  à  Copenhague,  à  Berlin, 


SOM 

à  Constantinople,  à  Madrid,  à  Lis- 
bonne, aux  États-Unis,  à  La  Haye, 
et  souvent  à  plusieurs  reprises.  Mil- 
heureusement  on  m'a  soufflé  Paris, 
et  il  m'était  défendu    par    les  lois 
de  la  Grande-Bretagne  de  penser 
à  Rome.  Aujourd'fiui  sa  majesté  me 
donne  ma  retraite  sur  ma  demande, 
et  veut  que  je  conserve  mon  dernier 
traitement  jusqu'à  la  fin  de  ma  vie. 
—  Mais,  monsieur,  vous  avez  donc  de- 
mandé votre  retraite?  Pardon  :  quel 
àgeavez-vous?  —  Éminence,  j'ai  qua- 
tre-vingts ans,  il  me  semble  que  j'ai 
droit  de  me  retirer  des  affaires. —Com- 
ment, répondit  vivement  La  Soma- 
glia,  quatre-vingts  ans, quatre-vingis 
ans!  Mais,  monsieur,  c'est  l'âge  où 
moi  je  suis  entré  dans  les  affaires; 
ma  vie  a  été  occupée  d'abord  à  d'au- 
tres choses.  Véritablement  je  ne  suis 
devenu  diplomate  qu'à  80  ans. Croyez- 
moi,  envoyez  au  roi  Georges,  qui, 
pour  le  dire  en  passant,  était  l'ami 
de  Pie  Vil  et  de  mon  prédécesseur 
Consalvi, envoyez  la  démission  de  vo- 
tre retraite  que  vous  avez  donnée 
trop  tôt.  »  On  rit  à  Londres  de  cette 
réponse,  et  véritablement  il  y  avait 
encore  dans  M.  Liston  quelque  chose 
de  si  vert,  de  si  net,  des  traditions 
si  exHctes,  des  souvenirs  si  présents 
et  ce  quelque  chose  de  poli,  d'im- 
prévu el  d'abondant  enmezzo  termine 
qui  reste  toujours  aux  vieux  hommes 
d'affaires,  enfin  une  étude  comparée 
si  complète  de  la  politique  générale 
du  continent,  qu'on  le  regrettait  à 
Windsor.  Mais  le  judicieux  diplomate 
tint  bon  et  lit  bien.  Quant  à  La  So- 
magliu,  quatre  ans  après,  il  donnait 
encore  audience,  et  il  fallait  qu'il 
apprît,  comme  tous  les  ministres  di 
rigeants,  les  réponses  à  donner,  les 
refus,  les  aterujoiemeuts,  les  consen- 
temeuls ,  les    promesses    raisonna- 
bles, les  promesses  qui  ne  devaient 


SOM 


363 


pas  avoir  de  suites,  enfin  ce  bagage 
de  mots  qu'il  faut  rapidement  loger 
dans  sa  tête,  pour  n'être  pas  grondé 
plus  tard  par  le  chef  de  chancellerie 
à  qui   il  faut  rendre  compte  de  sa 
vice-royauté  d'une  ou  deux  heures.  La 
Somaglia  ne  périt  pas  tout  à  fait  par 
l'âge.  Ce  fut  le  souverain,  le  maître 
qui  voulut  régler  lui-même  encore 
plus  absolument  ses  plans,  ses  ré- 
formes, ses  pardons,  et  ces  châti- 
ments délicats  (pie  dans  une  telle  si- 
tuation il  faut  quelquefois  infliger  k 
l'erreur  qui  va  manquer  de  respect, 
ou  par  lesquels  il  faut  poursuivre 
cette  sorte  de  perversité  irréligieuse, 
peu  rare  aujourd'hui,  qui  amène  ou 
peut  amener  un  jour  tant  de  douleurs 
au  saint-siége.  Ne  trouvons  pas  si 
étrange  la  carrière  de  La  Som.iglia; 
chez  nous,  le  cardinal  de  Fleury  a 
été  un  exemple  vivant  de  la  possi- 
bilité d'une  longévité  politique  utile 
au  pays.  Ce  cardinal,  né  le  22  juin 
1653  et  placé  à  la  tête  du  ministère, 
fit  prospérer  la  France  à  laquelle  il 
donna  la  Lorraine,  par  un  traité  si  - 
gué  à   Vienne  le   30  octobre  1735, 
lorsqu'il  avait  82  ans.  Nos  malheurs 
ne   counnencèrent    qu'en   1740    (il 
avait  87  ans)  par  une  guerre  entre- 
prise contre  son  avis.  11  la  soutint 
cependant  avec   fermeté  jusqu'à  sa 
mort, arrivée  en  1743,  dans  sa  90e  an- 
née. Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  aunâgeoii 
le  repos  est  indispensable.  La  Soma- 
glia pensa,  indépendamment  de  quel- 
ques autres  raisons  de  palais,  (jue 
ses  fondions  de  doyen  du  sacré  collè- 
ge et  de  bibliothécaire  du  Vatican  oc- 
cuperaient  encore  assez  sa  vieillesse. 
Pour  aucun  trésor  il  n'aurait  donné 
sa  démission  de   ces  deux  places. 
L'une  était  le  prix  d'une  vie  que  les 
infirmités  n'avaient  pasabatlue,  l'au- 
tre la  récompense  la  plus  honorable 
de  publications  savantes,  de  recher- 


864 


SOM 


SON 


clies  laborieuses,  d'une  éloquence 
1)611  commune, de  la  belle  parole  ita- 
lienne et  latine;  enfin  il  pria  par 
écrit  le  saint-père  de  le  remplacer 
dans  ses  fonctions  de  secrétaire  d'É- 
tit.  Léon  XII,  ayant  égard  à  la  de- 
mande de  ce  noble  serviteur,  nomma 
pour  lui  succéder  M.  le  cardinal  Ber- 
netO,  légat  de  Ravenne,  encore  au- 
jourd'hui l'un  des  plus  courageux, 
des  plus  habiles,  des  plus  honora- 
bles membres  du  sacré  collège.  Le 
nouveau  secrétaire  d'Etat  enira  en 
fonctions  le  17  juin  1828.  On  peut 
dire  que  le  cardinal  délia  Somaglia 
mourut  à  la  tête  du  sacré  collège, 
qu'il  gouvernait  toujours  avec  la 
même  vigilance,  toutes  les  fois  qu'il 
ne  siégeait  pas  sur  son  brillant  fau- 
teuil de  bibliothécaire  du  Vatican, 
où  on  le  voyait  encore  donner  des 
ordres,  dans  les  derniers  jours  de  sa 
vie.  En  mourant,  il  recommanda, 
comme  un  sujet  qui  devait  rendre 
de  grands  servic;^s  au  saint-siége, 
le  nonce  qu'il  avait  envoyé  à  Paris, 
l'archevêque  de  Gênes,  monseigneur 
Lambruschini,  qui  obtint  le  minis- 
tère suprême,  comme  on  le  verra 
dans  l'histoire  de  Grégoire  XVI  iiiie 
nous  allons  publier  incessamment. 
Le  cardinal  délia  Somaglia  mourut 
le  2  avril  1830.  Il  faut  se  rappeler 
qu'il  vit  Benoît  XIV,  Clément  XIII, 
Clément  XIV,  Pie  VI,  Pie  VII,  Léon 
XII  et  Pie  VIII.  S'il  ne  fut  pas  pape, 
il  fut  sur  le  point  de  le  devenir,  et  il 
aida  de  ses  lumières  les  sept  pontifes 
que  nous  venons  de  nommer.  Il  est 
un  des  cardinaux  qui  ont  le  plus 
mérité  de  la  religion,  de  la  cour  ro- 
maine, de  l'érudition  et  de  la  belle 
littérature  italienne.  Ce  cardinal,  su- 
jet de  la  maison  de  Bourbon,  eut  le 
bonheur  de  ne  pas  être  témoin  des 
malheurs  inunérilés  de  Charles  X  et 
de  sa  fumille,  A— d, 


SOMAGLIA  (Madame  BiancaUg- 
GERi,  Capece  della)  uaquit  à  Plai- 
sance, en  1713,  du  comte  Charles- 
Marie  della  Somaglia  et  de  la  com- 
tesse Marguerite  Fcnaroli,  fut  élevée 
à  Mantoue  et  y  reçut  une  instruc- 
tion variée  dans  la  littérature  et  dans 
les  arts.  Toutes  les  langues  moder- 
nes lui  étaient  familières.  Mariée  en 
1704  avec  Vincenzo  Uggeri,  de  Bres- 
cia,  elle  n'interrompit  jamais  ses  élu- 
des, vécut  dans  la  société  des  savants 
et  des  littérateurs  les  plus  distingués, 
et  brilla  dans  l'art  de  la  déclamation. 
Elle  jouait  avec  beaucoup  d'inttlli- 
gence  VOlympie  de  Voltaire,  traduite 
d'après  ses  conseils  par  Brugnoli. 
On  assure  qu'à  cette  occasion  elle  lit 
plusieurs  changements  dans  cette 
pièce,  qui  furent  ensuite  approuvés 
et  adoptés  par  l'auteur  lui-même. 
Plusieurs  écrivains  aimaient  à  sou- 
mettre leurs  productions  à  son  juge- 
ment. Elle  mérita  surtout  les  éloges 
du  savant  biographe  J.-B.  Comiani, 
qui  lui  adressa  un  petit  poème  et  un 
mémoire  épistolaire  sur  les  plaisirs 
de  l'esprit  réduits  en  système.  Le 
comte  Roncalli  et  OrazioColiini  l'ont 
célébrée  dans  leurs  vers.  Elle  fut  en 
correspondance  avec  les  célèbres 
Frisi,Bettinelli,  Lorenzi,Pindemon;c 
et  d'autres  savants  qui  rendaient 
hommage  à  son  goût  et  à  son  juge- 
ment. Les  qualités  de  son  cœur  ajou- 
taient à  celles  de  son  e.^prit.  Elle 
mourut  à  Brescia  le  13  mars  1822.  Le 
comte  Gauibara  a  publié  VÉlogc  de 
cette  illustre  danic,  ([u'il  a  dédié  à 
ses  [\eux  lllles,  Paola  Calini  cl  Dorolea 
Luzzago.  A— G— s. 

SOXr.IS  (iXicoLAS  Map.ie  de),  gé- 
néral français,  né  en  1761,  d'une  fa- 
mille noble,  dans  un  village  de  la 
Champagne,  suivit  dès  sa  jeunesse 
la  carrière  des  armes.  H  était  lieute- 
nant d'artillerie   eu   1780.   Dès   1« 


SON 

première  année  do  la  révolution  il 
lui  nommé  Ccipilniiio  et  bienlût  lieu- 
tenant-colonel. Il  fit  en  cette  qua- 
lité la  première  campagne  sous  La- 
fayette  et  Diimouriez,  et  après  la  re- 
traite (le  ce  dernier,  dans  le  mois 
d'avril  1793,  il  était  un  des  chefs  de 
l'artillerie  au  camp  de  Maulde.  Quand 
ce  général  en  chef  eut  complété  sa 
défection  et  qu'il  se  fut  réfugié  au- 
près des  Autrichiens,  Songis  fut  un 
des  officiers  qui  concoururent  le  plus 
efficacement  à  mettre  au  pouvoir  de 
la  Convention  le  parc  d'artillerie  en 
le  conduisant  à  Valenciennes.  Il  fit 
les  campagnes  de  I79i,  1795  aux  ar- 
mées du  Nord,  et   passa  en  1797  à 
celle  d'Italie,  où  il  gagna  le  grade 
(le  chef  de  brigade  d'artillerie  -,  par- 
ticulièrement distingué  par  le  géné- 
ral Bonaparte,  il  le  suivit  en  Egypte. 
Sa  conduite  dans  l'expédition  de  Sy- 
rie et  au  siège  de  Saint-Jean-d'Acre 
lui  mérita  le  brevet  de  général  de 
hiigade.  Après  le  départ  de  Bona- 
parte, il  eut  le  connnandemenl  en 
chef  de  l'artillerie  de  l'armée  d'O- 
rient, et  le  premier  consul,  en  ré- 
compense des  services  qu'il  y  rendit, 
le  créa  à  son  retour  en  France  géné- 
ral de  division.  En  1801,  il  fut  nom- 
mé conservateur  des  forêts  à  Caen, 
et  l'année  suivante  général  d'artil- 
lerie de  la  garde.  Il  présida  en  1803 
le  collège  électoral  du  département 
de   l'Aube.  Après  la  formation   de 
l'empire,  il  devint  inspecteHr-géné- 
ral  de  l'artillerie,  grand  officier  de  la 
Légion-d'Honneur,  puis  reçut  le  til  re 
de    comte.    Atteint   d'une    maladie 
grave  à  la  suite  des  campagnes  d'Al- 
lemagne et  de  Pologne,  où  il  s'était 
distingué,  il  mourut  au  milieu  de  la 
gloire  et  des  honneurs,  le  27  décem- 
bre 1809.  M— D  j. 

SONXIUS  (François),  au  lieu  de 
porter  le  nom  de  son  père,  Vandeti' 


SON 


365 


velde,  prit  celui  du  village  de  Son  ou 
Zon  près  de  Bois-le-Duc  où  il  était 
né,  d'une  famille  de  pauvres  agri 
culteurs,  l'an  1506.  Reçu  docteur  en 
théologie  à  l'université  de  Louvain, 
en  1539,  il  choisit  pour  armes  un  so- 
leil rayonnant  d'or  sur  un  champ 
d'azur,  et  pour  devise  Sine  opère 
nihil  Ses  talents,  que  mirenten évi- 
dence les  discussions  scholastiques 
fort  en  vogue  à  cette  époque,  et  sa 
connaissance  approfondie  des  saints 
pères  le  firent  considérer  comme  une 
des  lumières  de  l'Église  belgique,  et 
lui  valurent  un  canonicat  d'Utrecht. 
Le  zèle  qu'il  déploya  dans  les  que- 
relles religieuses  lui  servit  de  le- 
commandation  auprès  de   Charles- 
Quint  et  de  Philippe  II.  Inquisiteur 
de  la  foi,  il  se  rendit  au  concile  de 
Trente,  puis,  en  1557,  au  colloque  de 
Worms.  Philippe  II  le  chargea  de  né- 
gocier, à  Rome,  la  création  des  nou- 
veaux évêchés  aux  Pays-Bas.  Cette 
affaire  terminée,  Sonnius  devint  évé- 
que  d'abord  de  Bois-le-Duc  en  15G2, 
et,  huit    ans  après,  d'Anvers.  Son 
installation  se  fit  avec  la  plus  grande 
pompe.  Il  se  montra,  dans  ce  nou- 
veau poste,  ce  qu'il  avait  toujours 
été,  d'un  caractère  inflexible  et  d'une 
activité  sans  égale.  Il  organisa,  pour 
son  diocèse,  des  missions  nombreu- 
ses dont  lui-même  rédigea  les  statuts. 
On  le   voyait    aussi    parcourir   fré- 
quemment les  villes  et  les  villages, 
prêchant  et  catéchisant  partout  avec 
une  vivacité  juvénile.  Il  mourut  le 
29  juin  1570,  et  fit,  par  son  testa- 
ment, plusieurs  fondations  pieuses. 
Il  avait  publié  :  I.  Christianœ  insii- 
lutionis  formulée,  Anvers,  Plantin, 
1571,  petit  in-S".  II.  Un  catéchisme 
en  flamand,  Anvers,  15G2,  in-8".  III. 
Le  même  ouvrage,  tradu.t  en  latin 
sons  ce  titre  :  Dcmonslrationum  re- 
ligionis  christianœ  libri  III,  Au- 


366 


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vers,  1564,  in-8„;  réimpriin*^  l'année, 
qui  suivit  la  mort  de  l'auteur  (1577), 
avec  un  quatrième  livre  sur  les  sa- 
crements. St— T. 

SOPAÏER,  dit  le  jeune,  rhé- 
teur grec,  vivait  durant  le  iV®  siècle 
de  notre  ère  ;  on  le  regarde  comme 
l'auteur  de  prolégomènes  mis  en  têle 
des  discours  d'Aristide,  et  il  a  laissé 
un  traité  étendu  intitulé  :  Tractatio 
caussarum;  le  texte  grec  a  été  publié 
pour  la  première  fois  dans  la  collec- 
tion des  Rhelores  grœci,  imprimé 
peu  correctement  à  Venise  par 
Aide  Manuce,  1508,  in-fol.  (t.  l",  p. 
287-455);  il  a  été  reproduit  dans  les 
Rhetores  grœci,  de  Walz  (1832-1836, 
9  vol.  in-8%  t.  VIII,  p.  1  385).  A  tra- 
vers bien  des  longiieurs,  bien  des 
détails  minutieux,  cet  ouvrage  con- 
tient des  particularités  dignes  de  l'at- 
tenlion  des  érudits  (lui  explorent 
dans  les  moindres  recoins  la  littéra- 
ture de  l'antique  Hellénie.  Photius  a 
parlé  de  Sopater  (  liiblioth.  cod. 
CXLI),  et  Eunape  en  a  fait  mention 
dans  ses  Vies  des  sophistes,  biogra- 
phies curieuses,  dont  un  de  nos  col- 
laborateurs, M.  Boissonade,  a  publié 
en  1822,  à  Amsterdam,  une  édition 
excellente.  B— n— t. 

SOPATIIOS,  auteur  comique 
grec,  dont  il  ne  nous  est  parvenu 
que  quelques  fragments  qui  font  re- 
gretter que  cet  écrivain  ait  été,  lui 
aussi,  victime  de  ce  grand  naufrage 
où  s'est  engloutie  presque  en  entier 
la  littérature  antique.  Il  était  natif 
de  Paphos,  et  sa  longue  carrière  se 
prolongea  jusqu'au  règne  de  Ptolé- 
niéePhiladelphe.Élien  etStobée  font 
mention  d'un  Supatros  qui  présenta 
à  Alexandre  les  cornes  d'un  une  des 
Indes  \  il  est  impossible  de  savoir  si 
ce  trait  conct'rne  notre  auteur.  Dans 
ses  Di-iptiosophistes,  ouvrage  si  pré- 
cieux pour   la  connaissance   d'une 


foule  de  petits  détails  relatifs  aux 
événements  et  aux  mœurs  de  la  Grèce, 
Athénée  nous  a  conservé  quelques 
vers  empruntés  aux  différentes  pièces 
de  Sopatros,  pièces  dont  les  sujets 
nous  échappent  presque  complète- 
ment. Un  ou  deux  vers  isolés  pris  au 
hasaril  dans  les  Iniliés,  dans  le  Phy- 
siolngue,  dans  les  Galates,  ne  per- 
mettent aucune  conjecture.  Sa  Fille 
de  Gnide  roulait  sur  un  sujet  que 
Ménandre  el  Alexis  mirent  aussi  sur 
la  scène.  Nous  ne  connaissons  guère 
que  de  titre  :  Bacchis,  V Affranchis- 
sement de  Bacchis,  les  Noces  de  Bac- 
chis, \' Eubulotheombrotos,  la  Porte 
{Pylai).  Il  parodia  nombre  de  tragé- 
dies attiques;  on  a  cité  en  ce  genre 
un  Oresle  et  un  Hlppolyte.  Les  cita- 
tions éparses  dans  Athénée  ne  peu- 
vent faire  apprécier  le  mérite  d'un 
auteur  dont  la  fécondité  fut  grande, 
et  qui  paraît  avoir  été  goiité  de  ses 
contemporains.  «  Arrête!  car  le  son 
mélodieux  d'une  telline  (coquille  où 
soufflaient  les  enfants)  vient  subite- 
ment frapper  mon  oreille.  »  — ■  «  Il 
faut  que  tu  manges  une  tranche 
bouillie  de  la  partie  la  plus  délicate 
d'une  truie  en  la  trempant  dans  une 
sauce  amère  et  piquante.  »  Trois  ou 
quatre  passages  du  même  genre,  d'uu 
(les  plus  enjoués  des  comiques  grecs, 
voilà  ce  qui  nous  reste.  B — n— t. 
SOPHIE,  épouse  du  tzar  Iwan  111, 
était  fille  dcThomas  Paléologue.  Con- 
stantin,dernier  empereur  de  Constan- 
tinople,  avait  deux  frères,  Démétrius 
et  Thomas,  qui  possédaient  la  Morée 
à  titre  de  fiefs.  Au  lieu  de  se  réunir 
contre  l'ennemi  commun,  ils  se  fai- 
saient la  guerre  et  par  leurs  dissen- 
sions ils  ouvrirent  à  Mahomet  II  les 
portes  du  Péloponèse.  Démétrius  en- 
voya sa  fille  au  sérail  du  vainqueur, 
et  obtint  pour  prix  de  sa  lâcheté  la 
ville  d'Énos  dans  laThrace.  Thomas 


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367 


se  réfugia  avec  sa  femme,  ses  en- 
fants et  plusieurs  Grecs  du  Pélopo- 
nèse,  h  Rome,  où  il  mourut  en  1465, 
laissant  deux  iiis,  André,  Manuel  et 
une  (iile  Sophie,  qui  réunissait  à  la 
plus  grande  beauté  tous  les  dons  de 
l'esprit  et  du  cœur.  Le  pape  Paul  11 
lui  chercha  un  époux  qui  lut  digne 
d'elle  et  qui  pût  servira  défendre  la 
chrétienté  contre  les  musulmans. 
D'après  l'avis  du  cardinal  Bessarion, 
un  Grec  appelé  Youri  se  rendit  à 
Moscou  en  1469,  avec  une  lettre  dans 
laquelle  on  proposait  au  grand-duc 
Iwan  III  la  main  de  Sophie,  en  fai- 
sant entrevoir  au  prince  que  cette 
alliance  lui  donnerait  des  droits  sur 
la  Morée.  Ces  ouvertures  plurent  à 
Iwan  qui  envoya  à  Rome,  en  qualité 
d'ambassadeur,  Jean  Friazin,  Véni- 
tien qu'il  avait  attire  à  sa  cour 
{voy.  Friazin,  LXIV,  512).  L'envoyé 
revint  comblé  des  bontés  de  Paul  II 
et  de  Bessarion;  il  fil  à  Iwan  une 
peinture  séduisante  de  la  princesse 
Sophie,  dont  il  lui  remit  le  por- 
trait avec  les  lettres  du  pape  qui  au- 
torisaient les  ambassudeiirs  russes  a 
entrer  en  Italie.  Iwan  renvoya  à  Rome 
(17  janvier  1472)  Friazin  avec  une 
suite  nombreuse,  alin  d'aller  cher- 
cher Sophie.  Le  22  mai,  Sixte  IV, 
qui  avait  succédé  à  Paul  II,  annonça 
ce  grand  événement  au  conclave,  et 
le  10  juin  la  princesse  fut  fiancée 
dans  la  basilique  de  Saint-Pierre 
avec  Iwan,  représenté  par  Friazin. 
Le  pape  donna  une  riche  dot  à 
Sophie ,  qu'il  fit  accompagner  en 
Russie  par  un  légat  et  par  plusieurs 
Romains  de  h.iute  distinction.  Le  12 
novend)re,  !a  princes-e  fit  son  entrée 
dans  Moscou,  où  se  cé.ébra  le  ma- 
ringe  avec  Iwhu.  Elle  enmiena  avec 
elle  plusieurs  Grecs  qui  enrichirent 
les  bibliothèques  de  livres  échappés 
à  la  barbarie  des  Turcs,  en  même 


temps  qu'ils  contribuaient  à  civili- 
ser la  cour  du  izur.  On  vit  aussi  ar- 
river à  Moscou  (les  Grecs  illustres 
qui  (juiltèrent  Constantinople  pour 
chercher  un  asile  en  Russie,  sous  la 
protection  de  la  princesse  leur  com- 
patriote. Alin  d'attester  son  alliance 
avec  les  empereurs  grecs,  Iwan 
adopta  leurs  armes,  c'est-à-dire  l'ai- 
gle à  deux  têtes,  qu'il  ajouta  aux  ar- 
mes de  Moscou.  Son  beau-frère  An- 
dré fit  deux  voyages  dans  cette  capi- 
tale. I!  paraît  cependant  qu'il  fut 
peu  content  d'Iwun;  car,  avant  sa 
mort  qui  arriva  à  Rome  en  1502,  il 
légua  par  testament  ses  droits  au 
trône  de  Constantinople  à  Ferd;- 
nand-le-Catholique  et  à  Isabelle  de 
Castille,  droits  qu'Iwan  croyait  avoir 
acquis  en  épousant  la  sœur  d'André. 
Sophie  contribua  à  assurer  l'indé- 
pendance de  la  Russie;  elle  ne  ces- 
sait de  dire  à  son  époux  :  «Je  suis 
née  libre  et  princesse;  serai-je  donc 
encore  long-temps  condamnée  à  être 
l'esclave  du  khan  desTartares?»  Les 
kbans  s'étaient  réservé  dans  le  Krem- 
lin une  maison  destinée  au  logement 
de  leurs  ambassadeurs  et  des  mar- 
chands mogols.  Sophie,  ne  pouvant 
soutïrir  la  vue  de  ces  étrangers 
qu'elle  appelait  des  espions,  dit  à 
son  époux  qu'à  la  suite  d'une  vision 
elle  avait  fait  vœu  de  bâtir  une  église 
sur  l'emplacement  même  qu'occupait 
l'hôtel  des  Tartares;  qu'elle  le  de- 
mandait, s'offrant  de  leur  assigner 
ailleurs  une  demeure  convenable. 
L'Iiôtel  fut  détruit  et  il  ne  fut  plus 
permis  aux  Tartares  d'entrer  dans  le 
Kremlin.  Lorsque  les  députés  du 
khan  arrivaient  à  Moscou,  le  grand- 
duc  sortait  ordinairement  à  pied  jus- 
que hors  de  la  ville,  et  faisant  étendre 
une  peau  de  martre  sous  les  pieds  de 
celui  qui  lisait  les  lettres  du  khan,  il 
en  écoutait  la  lecture  ii  genoux.  D'à- 


368 


SOP 


près  les roprc^sontations delà  grando- 
diichcFse,  Iwan  refusa  de  se  prêter  à 
cette  cérémonie  ignotninieuse,  et  à 
J'endroit  où  elle  avait  eu  lieu,  il  fit 
construire,  en  l'honneur  du  saint 
Sauveur,  une  église  que  l'on  y  voit 
encore  aujourd'hui.  En  1498,  après 
une  longue  et  heureuse  union  avec 
ce  prince,  à  qui  Sophie  donna  cinq 
fils,  dont  l'aîné,  Vassili  IV,  succéda 
à  son  père,  la  princesse  tomba  en 
disgrâce.  Le  vieux  Iwan,  trompé  par 
de  perfides  insinuations,  crut  que 
Sophie  et  son  fils  aîné  voulaient  le 
détrôner.  On  arrêta  ceux  que  l'on 
soupçonnait  de  favoriser  leurs  des- 
seins. La  plupart  furent  mis  à  mort  ; 
Sophie  et  son  fils  furent  gardes  à 
vue.  Les  dames  russes  qui  voyaient 
la  tzarine  furent,  sous  le  vain  pré- 
texte qu'elles  exerçaient  la  magie, 
arrêtées  et  jetées  pendant  la  nuit 
dans  la  Moskowa.  A  peine  Iwan  eut- 
il  reconnu  pour  son  successeur  le 
jeune  Dmitri  son  petit  fils  par  un 
premier  mariage,  qu'il  commença  à 
ressentir  vivement  l'affection  qu'il 
portait  à  Sophie  sa  seconde  épouse. 
Il  se  rappelait  le  bonheur  dont  il 
avait  joui  avec  elle  pendant  pins  de 
vingt  années,  les  avis  sages  qu'elle 
lui  avait  donnés  et  auxquels  il  attri- 
buait les  succès  obtenus  dans  ses 
cm  reprises.  I!  lutta  pendant  une  an- 
née; enfin  il  rendit  toute  sa  tendresse 
à  Sophieel à  Vassili  (1499), et,  d'après 
ce  penchant  qui  le  portait  vers  les 
mesures  cruelles,  il  lit  mourir  ceux 
qui  l'avaient  indisposé  contre  son 
épouse.  Iwan  l'ayant  perdue  en  1503, 
sa  santé  s'affaiblit  et  il  ne  lui  survé- 
cut que  de  deux  ans.  G— Y. 

SOPHIE- CIIAULOTTE,  reine 
d'Angleterre,  née  princesse  de  Meck- 
lembonrg-Strelitz  le  17  mai  1744, 
épousa  le  roi  Georges  111,  un  an  après 
son  avènement  au  trône,  le  8  sep- 


SOP 

tembre  1761.  Ce  prince  était  alors 
âgé  de  2.3  ans  et  elle-même  n'en  avait 
que  dix-sept.  Tons  les  deux,  élevés 
avec  beaucoup  de  soins,  n'avaient 
que  des  goûts  très  simples  et  des 
mœurs  de  la  plus  extrême  pureté. 
L'histoire  offre  peu  d'exemples  d'une 
union  aussi  longue  et  aussi  constam- 
ment heureuse.  Sa  durée  fut  de  57 
ans,  et  ses  fruits  de  onze  enfants  qui, 
ions  fortement  constitués, parvinrent 
à  un  âge  assez  avancé,  mais  qui,  par 
une  singidière  bizarrerie  de  la  nature 
humaine ,  laissèrent  à  peine  une 
postérité.  11  paraît  que  les  goûts 
de  la  reine  Sophie -Charlotte  ac- 
crurent encore  l'éloignement  du  roi 
pour  le  faste  et  la  représentation. 
Passant  la  plus  grande  partie  de  l'an- 
née au  château  de  Windsor,  ces  deux 
époux  se  complaisaient  à  y  vivre  en 
simples  particuliers,  au  sein  de  leur 
famille.  Les  ministres  étaient  rare- 
ment admis  dans  cette  retraite.  La 
paix  en  fut  cependant  troublée  par 
des  événements  où  la  reine  dut  in- 
tervenir comme  épouse  et  comme 
mère.  Ces  événements  furent  surtout 
les  époques  où  l'aliénation  mentale 
de  Georges  111  lit  agiter  par  le  par- 
lement la  question  de  la  régence.  La 
reine  sortit  alors  de  la  nullité  poli- 
tique à  laquelle  elle  semblait  s'être 
vouée,  pour  défendre  la  personne  et 
l'autorité  de  son  malheureux  époux. 
Elle  trouva  un  puissant  appui  dans 
les  rares  talents  du  ministre  PitI;  et 
sincèrement  reconnaissante  des  émi- 
nents  services  qu'il  lui  avait  rendus, 
elle  ne  négligea  aucun  moyen  de  vain- 
cre les  préventions  personnelles  de 
Georges  111  contre  ce  grand  homme 
d'État.  L'opinion  générale  reprocha 
cependant  à  cette  princesse  de  n'a- 
voir pas  fait  usage  de  toute  son  in- 
fluence pour  maintenir  Pitt  <i  la  tête 
du  ministère,  lorsque  le  roi  prit  la 


SOP 

résolution  de  l'éloigner  de  ses  con- 
seils, plutôt  que  de  consentir  à  l'c- 
mancipation  des  catholiques  romains, 
qui  leur  avait  été  formellement  pro- 
mise par  ce  ministre.  On  a  prétendu 
même  que  la  reine  Sophie-Charlotte 
partageait  les  préventions  de  son 
royal  époux  contre  les  principes  et 
la  fidélité  des  catholiques  romains. 
Mais,  au  mois  de  décembre  1811,  le 
prince  de  Galles  se  vit  investir  de  la 
plénitude  de  la  puissance  royale,  que 
l'aliénation  mentale  de  son  père  ne 
lui  permettait  plus  d'exercer.  Depuis 
ce  jour,  la  reine  fut  chargée  par  le 
parlement  de  la  garde  et  du  soin  de 
la  personne  de  Georges  111;  elle  sut 
encore  verser  des  consolations  sur 
l'existence  de  l'auguste  vieillard  ;  et 
ce  qui  prouve  qu'il  n'y  était  pas  in- 
sensible, c'est  que  depuis  que  cette 
princesse  était  retenue  au  château  de 
Kew,  par  sa  maladie,  il  se  plaignit 
plusieurs  fois  de  son  absence.  L'ex- 
trcnie  économie  que  la  reine  avait 
établie  dans  toutes  les  parties  des 
dépenses  de  la  maison  royale  servit 
long- temps  de  prétexte  à  la  malveil- 
lance pour  répandre  le  bruit  que 
d'immenses  trésors,  fruits  de  ses 
épargnes  sur  la  liste  civile,  étaient 
eu  fouis  dans  les  caves  du  château  de 
Windsor.  Plusieurs  fois,  pendant  la 
maladie  de  cette  princesse,  cette  as- 
sertion se  renouvela ,  et  autant  de 
fois  elle  fut  repoussée  comme  une 
odieuse  calomnie.  Les  faits  la  démen- 
tirent plus  victorieusement  encore 
quand  il  fut  bien  connu  que  la  plus 
grande  partie  des  revenus  de  la 
reine  était  employée  en  aumô- 
nes et  actes  de  bienfaisance.  Elle 
mourut  dans  le  mois  de  novembre 
1818,  plus  de  deux  ans  avant  son 
époux,  dont  la  maladie  avait  fait 
de  si  grands  progrès  qu'il  ne  sut  ja- 
mais la  perte  qu'il  Avait  faite.  M— Dj. 
LXXXII. 


SOP 


369 


SOPHILOS  de  Sycione  on  de  Thè- 
bes,  poète  dramatique,  vivait  au  mi- 
lieu du  quatrième  siècle  avant  l'ère 
chrétienne.  Athénée  nous  apprend 
qu'il  avait  composé  deux  pièces  inti- 
iuléesAndroclès  et  Philarque,écntes 
toutes  deux  dans  des  vues  politiques, 
l'une  destinée  à  retracer  les  excès  de 
la  turbulence  démocratique,  l'autre  à 
peindre  un  ambitieux  avide  de  s'em- 
parer du  pouvoir  à  tont  prix.  Les  ti- 
tres de  trois  de  ses  comédies  se  trou- 
vent épars  dans  Athénée,  le  Poîg'nar^i, 
le  Gage  confié.^  les  Compagnons  de 
course.  Suidas  mentionne  encore  trois 
autres  compositions  :  Délie ,  Tyn- 
dare  et  Léda  et  les  Joueurs  de  cy- 
thare.  Il  ne  reste  pas  un  vers,  pas 
même  un  hémistiche,  de  tous  ses 
écrits.  De  plus  de  douze  cents  pièces 
de  théâtre,  composées  aux  brillantes 
époques  de  la  littérature  grecque  et 
dont  l'existence  estconstatée,  de  plu- 
sieurs milliers  de  comédies  dont  les 
titres  même  ont  disparu,  n'est-il  pas 
douloureux  de  songer  qu'à  l'excep- 
tion de  onze  comédies  d'Aristophane, 
rien  ne  nous  est  parvenu  en  entier? 
D'ailleurs,  ne  nous  faisons  pas  illu- 
sion ;  tous  les  dépôts  de  manuscrits 
en  Europe  et  dans  l'Orient  ont  trop 
bien  été  explorés  pour  qu'on  puisse 
se  bercer  de  l'espoir  d'arriver  encore 
à  quelque  découverte  d'un  intérêt 
réel.  Les  écrivains  grecs  qui  restent 
aujourd'hui  inédits  méritent  de  ne 
jamais  sortir  de  l'état  de  manuscrit. 

B— N— T. 

SOPHRON  de  Syracuse,  poète 
grec,contemporaindeXercesetd'Eu- 
ripide,  fut,  l'un  des  premiers  et  des 
plus  célèbres  écrivains  qui  s'avisè- 
rent de  composer  des  mimes^  petites 
compositions  dramatiques  enjouées, 
destinées  à  la  lecture  plutôt  qu'à  la 
représentation,  et  d'un  genre  un  peu 
plus  relevé  que  le  spectacle  saty- 
24 


370 


SOP 


riqiie  e(  que  l'improvisation.  Il  serait 
d'ailliHirs  difficile  d'apprécier  le  mc- 
rile  de  cet  aiileur,  puisqu'il  ne  reste 
de  ses  écrits  que  quelques  fragments 
d'une  bien  faible  étendue.  Un  hellé- 
niste distingué,  Bloumtield,  les  a  re- 
cueillis, comuientés  et  publiés  dans 
le  Classical  journal,  1811,  t.  IV^  il 
les  a  insérés  derechef  avec  de  nou- 
veaux développements  dans  le  Mu- 
séum criticum  de.  Cambridge,  1821, 
1. 11,  n"'7et8.  Athénée  et  Quintilien 
nous  apprennent  que  la  lecture  des 
écrits  de  Sophron  faisait  les  délices  de 
Platon  ;  il  les  avait  sans  cesse  sous  la 
main;  il  les  rapporta  de  Sicile  et  les 
lit  connaître  aux  Athéniens.  Cette 
circonstance  doit  nous  inspirer  les 
plus  vifs  regrets  de  ce  que  l'immense 
naufrage  qui  a  détruit  presque  toutes 
les  productions  intellectuelles  de  la 
Grèce  nous  prive  à  jamais  de  com- 
positions dont  la  lecture  serait  de 
l'intérêt  le  plus  vif.  Un  fils  de  So- 
phron, Xénarque,  se  distingua  dans 
le  même  genre.  B — n— t. 

SOPHROiVE,  auteur  ecclésias- 
tique du  IV^  siècle,  composa  un  Pa- 
négyrique de  laville  de  Belhléemelmi 
écrit  sur  la  destruction  de  la  statue 
de  Sérapis.  Il  traduisit  du  latin  en 
grec  quelques  ouvrages  de  saint  Jé- 
rûaie,  dont  il  était  contemporain , 
entre  autres  IdVie desaint  Hilarion^ 
et  le  livre  de  la  Virginité,  adressé  à 
Eustoquie.  Érasme  lit  imprimer  à 
Bàle  en  1526,  sous  le  nom  de  So- 
phrone,  une  traduction  grecque  des 
Écrivains  ecclésiastiques  de  saint 
JérGaie  \  mais  Isaac  Vossius  affirme 
que  cette  traduction,  d'ailleurs  peu 
lidèle,  est  bien  postérieure  à  So- 
phrone.  —  Sophronf.  (iainl),  né  à 
Damas  en  Syrie,  se  rendit  habile  dans 
les  lettres  liiviues  et  humaines;  et, 
sans  embrasser  la  vie  monastique,  il 
resta  vingt  ans  auprès  d'un  pieux  cé- 


SOP 

nobite,  nommé  Jean  Moschus  (voy. 
ce  nom,  XXX,  232),  avec  lequel  il 
voyagea  en  Egypte  et  en  Italie.  Re- 
venu en  Orient  après  la  mort  de  son 
maître,  Sophrone  se  montra  un  des 
plus  zélés  défenseurs  de  la  foi  catho- 
lique,  attaquée  alors   par  l'hérésie 
des  monothélites.  Sa  science  et  ses 
vertus  l'ayant  fait  élever,  en  634,  sur 
le  siège  patriarcal  de  Jérusalem,  il 
assembla  dans  cette  ville  un  concile 
où  l'erreur  fut  anathématisée,  et  il 
écrivit  une  lettre  synodale  au  pape 
Honorius,  ainsi  qu'à  Sergius  (voy. 
ce  nom,  ci- dessus,  page  119),   pa- 
triarche (le  Conslantiuople  et  l'un 
des  chefs  de   l'hérésie.  Cette  lettre 
fut  approuvée  par  le  sixième  concile 
général,    tenu  à  Constanlinople  en 
680.  Sophrone  eut  la  douleur  de  voir 
la  prise  de  Jérusalem,  dont  le  ca- 
life Omar,  successeur  de  Mahomet, 
s'empara  en  638,  et  dans  ces  funes- 
tes circonstances  le  saint  évéque  si- 
gnala sa  charité  ardente  envers  son 
troupeau,  qu'il  s'efforça  de  secourir 
et  de  consoler.  Ce  fut  au  milieu  de 
ces  t  ravaux|et  de  ces  tribulations  qu'il 
termina  sa  carrière  en  639  ou  644, 
le  11  mars,  jour  où  l'Église  honore 
sa  mémoire.  Outre  quelques  sermons 
qu'on  trouve  dans  la  Bibliothèque 
des  Pères,  on  lui  attribue  la  Vie  de 
sainte  Marie  Égyptienne,  citée  avec 
éloge  par  le  septième  concile  géné- 
ral, assemblé  à  Nicée  en  787,  et  où 
fut  condamnée  l'hérésie  des  icono- 
clastes qui  rejetaient  le   culte  des 
images.  P— rt. 

SOPRANSI  (  Fidèle)  ,  avocat  et 
liiléraleur  de  Milan,  devint  membre 
de  la  municipalité  de  cette  ville  lors- 
que les  Français  s'en  furent  emparés 
en  1796,  et  se  rendit  aussitôt  îi  Paris 
pour  féliciter  le  Directoire  sur  le  suc- 
cès de  ses  armes,  et  pour  presser  son 
consentement  à  l'érection  d'une  repu- 


SOP 

blique  en  Lombardie.  En  décembre 
1797,  il  fut  nommé  minisire  de  la 
police  de  la  république  cisalpine. 
L'ambassadeurTrouvé  ayant  été  char- 
gé quelque  temps  après,  par  le  Di- 
rectoire français,  d'exécuter  des  chan- 
gements dans  le  gouvernement,  So- 
pransi  fut  choisi  pour  entrer  au  Di- 
rectoire; mais  Fouché,  étant  venu 
ensuite  avec  des  instructions  con- 
traires, détruisit  l'ouvrage  de  son 
prédécesseur  et  expulsa  les  trois  di- 
recteurs Adelasio,  Liiosi  et  Sopransi. 
Ce  dernier  fut  le  seul  qui  protesta 
contre  cette  violence  et  n'abandonna 
son  poste  que  qiiand  un  piquet  de 
soldats  français  eut  reçu  l'ordre  de 
l'enlever  de  son  appartement.  Le  Di- 
rectoire envoya  ensuite  Rivaud,  qui 
réinstalla  le  Directoire  cisalpin.  Lors 
de  la  conquête  de  l'Italie  par  les  Aus- 
tro-Russes, en  1799,  Sopransi  se  ré- 
fugia en  France,  ainsi  que  tous  ses 
compatriotes  qui  s'étaient  compro- 
mis envers  l'Autriche.  Il  résidait  à 
Paris  et  s'y  occupait  de  présenter  au 
Directoire  ses  vues  sur  la  restaura- 
tion de  la  liberté  de  son  pays,  lors- 
que la  révolution  du  18  brumaire 
an  VIII  (9  novembre  1799)  vint  inter- 
rompre ses  relations.  Il  n'eut  point 
d'influence  dans  la  formation  du  nou- 
veau gouvernement, quela  consulta  de 
Lyon  donna  à  la  république  italienne. 
Bonaparte  ne  l'estimait  pas,  à  cause 
de  l'exagération  de  ses  opinions  révo- 
lutionnaires. Il  permit  cependant 
qu'on  le  nommât  préfet  de  l'un  des 
nouveaux  départements  de  la  Lom- 
bardie. C'est  dans  cette  position 
qu'il  est  mort  quelques  années  plus 
tard.  Sopransi ,  irès-versé  dans  la 
littérature  italienne,  latine  et  fran- 
çaise, passait  pour  un  des  meilleurs 
poètes  latins  modernes 5  il  a  fait  pa- 
raître dans  celte  langue  des  mor- 
ceaux estimés  sur  la  révolution,  sur 


SOR 


371 


les  conquêtes  de  Bonaparte  et  la 
bataille  de  Marengo.  Une  traduction 
de  son  poème  latin  sur  la  paix  a  été 
faite  par  le  citoyen  More,  Toulon, 
1801,  in-i».  G— N. 

SOPRANZI  (l'abbé  ),  né  à  Man- 
toue,  entra  chez  les  Carmes  déchaus- 
sés de  Parme  et  fut  connu  sous  le 
nom  de  père  Victor  de  Sainte-Marie; 
mais,  ayant  adopté  les  innovations 
religieuses  que  l'empereur  Léopold, 
alors  grand-duc  de  Toscane,  tentait 
d'introduire  dans  ce  pays,  il  fut  obligé 
de  quitter  son  couvent.  Sopranzi  pu- 
blia en  italien  quelques  écrits  ano- 
nymes sur  les  contestations  de  l'É- 
glise, entre  autres  des  Réflexions 
pour  la  défense  de  Scipion  Ricci, 
évêque  de  Pistoie,  et  de  son  synode, 
condamné  par  Pie  VI,  179G,  in-8°; 
des  Réflexions  sur  les  homélies  du 
frère  Turchi,  évêque  de  Parme^  2  vol. 
in-8*^  imprimés  à  Asti,  quoique  por- 
tant la  rubrique  de  Bielle  et  Casai 
[voy.  Turchi,  XLVII,  40).  Dans  ces 
ouvrages,  Sopranzi  prend  la  défense 
de  l'église  janséniste  d'Utrecht  et  de 
l'église  constitutionnelle  de  France. 
Il  mourut  à  Padoue  en  1803.     Z. 

SOIIANUS  d'Ephèse,  médecin 
grec.  Suidas  désigne  deux  hommes 
de  ce  nom  qui  ont  eu  de  la  célébrité 
dans  la  science  médicale,  et  dit  que 
le  plus  ancien  était  fils  de  Ménandre 
et  de  Phœbe;  qu'il  exerça  d'abord  la 
médecine  à  Alexandrie  et  allaj  en- 
suite s'établir  à  Rome,  sous  les  règnes 
de  Trajan  et  d'Adrien.  Mais  comme 
les  deux  Soranus  étaient  pareillement 
nés  à  Éphèse,  comme  ils  suivirent 
tous  deux  la  secte  des  méthodistes 
et  ne  vécurent  pas  à  une  bien  grande 
distance  l'un  de  l'autre,  il  est  diffi- 
cile aujourd'hui  de  les  distinguer. 
Soranus  l'ancien  peut  être  regardé 
comme  le  plus  savant  médecin  de  la 
secte  méthodique.  Il  avait  composé 


372 


SOR 


un  frailé  des  maladies  chroniques  et 
plusieurs  autres  écrits.  Caelius  Aure- 
Jianus  (  voy.  ce  nom  ,  VI ,  458  )  cite 
très-fréquemment  ses  ouvrages  etdit, 
dans  plusieurs  endroits,  qu'il  ne  fait 
que  le  traduire.  Soranus  jouit  d'une 
grande  considération  pendant  sa  vie. 
Galien,  qui  ne  partageait  cependant 
pas  ses  opinions,  en  parle  avanta- 
geusement. Le  professeur  Hecker,  de 
Berlin,  dit  qu'il  a  le  premier  donné 
les  préceptes  de  diagnostic,  dans  le 
sens  que  les  modernes  attachent  à  ce 
mot.  Soranus  le  jeune  paraît  avoir 
vécu  après  Galien  ;  Suidas  ne  donne 
aucun  détail  sur  sa  vie,  il  ne  fait 
qu'indiquer  ses  écrits.  Les  ouvrages 
qui  nous  sont  parvenus  sous  le  nom 
de  Soranus  semblent  être  de  lui.  Ce 
sont  :  1°  un  traité  des  signes  de  frac- 
tures. 11  se  trouve  dans  la  collection 
intitulée:  Grœcorum  chirurgici  li- 
bri.  ex  collectione  Nicetœ,  Florence, 
17ô4,in4'ol.  Sprengel  dit  que  ce  livre 
ne  contient  rien  de  remarquable,  si 
ce  n'est  l'indication  des  formes  qu'of- 
frent les  diverses  fractures.  Peyrilhe 
en  a  donné  l'analyse  dans  son  His- 
toire de  la  chirurgie.  2"  Un  petit 
traité  sur  les  parties  génitales  de  la 
femme,  de  utero  etpudendo  muliebri, 
imprimé  par  Turnèbe  en  1554,  à 
la  suite  de  Rufus  d'Éphèse.  On  y 
trouve  des  connaissances  anatomi- 
ques  étendues.  Nous  verrons  plus 
loin  qu'il  fait  partie  d'un  autre  ou- 
vrage. 3"  Une  vie  d'Hippocrate,  qu'on 
lit  dans  la  plupart  des  éditions  de  ses 
œuvres.  Soranus  le  jeune  avait  écrit, 
au  rapport  de  Suidas,  un  livre  sur  les 
vies  et  les  sectes  des  médecins  ;  il  est 
probable  que  cette  biographie  d'Hip- 
pocrate en  faisait  partie.  L'auteur  y 
cite  un  Soranus  de  Cos  différent  de 
celuid'Épbèse,  qui  avait, dit-il,  fouillé 
les  bibliothèques  de  l'île  de  Cos,  pour 
y  recueillir  des  renseignements  sur 


SOR 

le  père  de  la  médecine.  4o  Un  traité 
des  malndies  des  femmes,  imprimé 
pour  la  première  fois  en  1838,  avec 
le  titre  suivant  :  Sorani  Ephesii 
de  arte  obstetrica  morbisque  mulie- 
rum  quœ  supersunt  ;  ex  apographo 
Fr.-R.  Dietz  nuper  fato  defancti 
primum  édita  a  Chr.-Aug.  Lobeck, 
Kœnigsberg,  1838,  in-S»  de  300  pag. 
Ce  volume  contient  le  texte  grec, 
sans  version  latine,  avec  des  va- 
riantes. Il  a  été  imprimé  sur  une  co- 
pie faite  par  le  docteur  Dietz,  d'a- 
près un  manuscrit  de  Paris  et  un 
autre  de  Rome.  Cet  ouvrage  se  com- 
pose de  164  chapitres,  dont  il  ne 
reste  que  127  et  les  titres  des  autres. 
Le  petit  traité  De  utero  et  pudendo 
muliebri,  imprimé  séparément  par 
Turnèbe  en  1554,  et  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut,  faisait  partie  de  ce 
livre  et  en  formait  les  chaptires  4 
et  5.  Ce  traité  des  accouchements  et 
des  maladies  des  femmes  était  desti- 
né à  l'instruction  des  sages-femmes. 
Il  a  quelques  rapports  avec  celui  de 
Moschion  {voy.  ce  nom,  LXXIV, 
447),  qui  paraît  avoir  été  disciple  de 
Soranus.  Nous  possédions  déjà  plu- 
sieurs fragments  de  cet  ouvrage  dans 
le  16*  livre  des  collections  de  méde- 
cine d'Aétius.  Le  nouvel  éditeur  les 
a  comparés  avec  le  livre  qu'il  a  pu- 
blié :  on  voit  d'assez  nombreuses 
différences  dans  les  deux  textes.  Sou- 
vent Aétius  abrégeait  Soranus  ;  d'au- 
tres fois  aussi  il  y  faisait  des  addi- 
tions. La  lecture  de  ce  traité  prouve 
que  l'auteur  a  exercé  la  médecine  à 
Rome.  En  effet,  on  y  trouve  un  cha- 
pitre sur  les  causes  de  la  courbure 
des  membres  dont  sont  atteints  un 
grand  nombre  d'enfants  dans  cette 
capitale  du  Rionde.  Il  pense  que  la 
raison  principale  est  que  les  femmes 
romaines  avaient  beaucoup  moins  de 
soins  pour  surveiller  les  mouvements 


SOR 

de  leurs  enfants,  dans  le  premier  âge 
de  la  vie,  que  les  femmes  grecques. 
Si  Suidas  n'attribuait  pas  l'ouvrage 
qui  nous  occupe  à  Soranus  le  jeune, 
ou  pourrait  croire  qu'il  est  de  Tan- 
cien.  L'auteur  a  demeuré  à  Rome, 
comme  ce  dernier;  il  méprise  l'ana- 
tomie  ainsi  que  le  faisaient  les  pre- 
miers méthodistes.  Il  décrit  la  ma- 
trice bien  mieux  qu'on  ne  l'avait  fait 
avant  lui ,  et  avant  de  la  décrire  il 
déclare  que  l'anatomie  est  inutile. 
Il  existe  sur  cet  ouvrage  une  dis- 
sertation de  H.  Hœser ,  intitulée: 
Programma  de  Sorano  Ephesio, 
cjusque  de  morbis  mulicrum  libro 
miper  repérto ,  léna,  1840,  in-4°.  Sui- 
das attribue  encore  à  Soranus  le 
jeune  un  traité  des  métlicanienls  en 
dix  livres  qui  est  perdu.  On  trouve 
dans  la  collection  de  Thorinus,  im- 
primée en  1528,  et  dans  celle  d'Aide 
(  Medici  antiqui  omnes,  etc.,  Venise, 
1547),  un  traité  attribué  à  Soranus 
d"E|)hèsc,  qui  a  pour  titre  :  In  artcm 
medicam  isagogc;  mais  il  est  d'un 
écrivain  bien  plus  moderne,  qui  est 
d'ailleurs  un  faussaire,  vu  qu'il  s'a- 
dresse à  Mécène,  pour  faire  croire  à 
ses  lecteurs  qu'il  est  contemporain 
de  ce  favori  d'Auguste.  Il  a  encore 
existé  un  Soranus  de  Mallus  en  Cili- 
cie,  sur  lequel  on  a  très-peu  de  ren- 
seignements ;  il  était  beaucoup  plus 
ancien  que  ceux  d'Éphèse(l). 

G— T  — B. 

SOUDAIT  (Paul),  natif  du  Hai- 
naut,  se  livra  dès  sa  jeunesse  aux 
études  médicales,  et,  après    avoir 

(i)  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  ici 
que  les  trois  lettres,  attribuées  à  Soranus, 
adressées  à  Marc  Antoine  et  à  la  reine  Cléo- 
pâtre,  que  l'on  trouve  à  la  suite  desPriapeia  et 
dans  quelques  autres  recueils, ne  sont  poiut 
des  médecins  auxquels  cet  article  est  consa- 
cré, mais  oot  pour  auteur  uu  maladroit 
faussaire,  probablement  Gaspar  Scioppius, 
t]ui  parait  en  iUv  Iv  prc.*nier  éditeur. 


SOR 


373 


reçu  le  doctorat  à  l'imiversité  de 
Vienne  en  Autriche,  il  se  fixa  dans 
cette  ville,  oii  il  devint,  en  1655, 
premier  professeur  de  médecine, 
fonctions  qu'il  exerça  avec  succès 
pendant  vingt-quatre  ans.  Il  se  dé- 
mit de  sa  chaire  en  1C79,  lorsque 
l'impératrice  douairière,  Éléonore, 
troisième  femme  de  Ferdinand  II!, 
l'eut  nommé  son  médecin  ordinaire. 
Sorbait  mourut,  dans  un  âge  avancé, 
le  28  avril  1G91.  Il  était  membre  de 
l'Académie  des  Curieux  de  la  nature 
sous  le  nom  de  Machaon  II.  Outre 
un  grand  nombre  d'observations 
médicales  qu'il  a  fournies  aux  Êphé- 
méridcs  de  cette  Société,  on  a  de  lui  : 
1.  Universa  medicina,  tani  theorica 
quam  practica,  nempe  isagoge  in- 
stitutionum  medicarum  et  anatomi- 
carum,  methodus  medendi  cum  con- 
troversiis,  annexa  sylva  medici, 
Nuremberg,  1672,  in-fol.;  Vienne, 
1680  et  1701,  in-fol.  C'est  un  ou- 
vrage capital;  et,  malgré  quelques 
opinions  singulières  qu'on  y  rencon- 
tre, il  est  encore  estimé.  II.  Isagoge 
instifutionum  medicarum,  Vienne, 
1678,  in-4°.  III.  Consilium  medicum 
de  peste,  Vienne,  1679,  in-S".  Ce  li- 
vre fut  composé  à  l'occasion  de  la 
peste  qui,  en  1679,  ravagea  la  ville 
de  Vienne,  où  elle  enleva  près  de 
soixante-dix-sept  mille  personnes. 
IV.  Dialogue  sur  la  contagion  de 
Vienne  (en  allemand),  Vienne,  1679, 
in-80;  réimprimé  à  Gotha,  1681, 
in-12.  V.  Règles  d'hygiène  pour  les 
temps  de  peste^  tirées  des  manuscrits 
de  J.-G.  Manageta  (en  allemand), 
Vienne,  1680,in-4°.  VI.  Commenta- 
ria  et  controversice  in  omnes  libros 
AphorismorumHippocratiSjWienne., 
1701,  in-i°.  Z. 

SORBIER  (Jean  Barthelemot), 
général  d'artillerie,  naquit  à  Paris  le 
6  sept.  1762.  Son  père  était  chirur- 


374 


SOR 


gien  des  gendarmes  de  la  maison  du 
roi.  Élève  de  l'École  militaire  de 
Brienne,  il  fut  nommé,  en  1783,  lieu- 
tenant au  régiment  de  La  Fère,  de 
la  même  promotion  et  dans  le  même 
re'giment  que  Napoléon  Bonaparte, 
qui  conserva  toujours  de  lui  un  très- 
bon  souvenir.  Capitaine  en  1791,  il 
commandait,  l'année  suivante,  à  Val- 
my  la  compagnie  d'artillerie  le'gère 
qui  eut  le  plus  de  part  à  cette  canon- 
nade ,  fut  nommé  chef,  d'escadron 
aussitôt  après,  puis  colonel  d'artil- 
lerie. Le  9  juin  1793,  la  bataille  d'Ar- 
lon  lui  fournit  une  occasion  de  dé- 
ployer sa  valeur.  Un  carré  de  grena- 
diers hongrois  avait  résisté  à  des 
attaques  réitérées ,  Sorbier  se  lance 
sur  cette  muraille  vivante  avec  ses 
canonniers,  ses  pièces,  les  rompt  et 
les  disperse;  la  bataille  est  gagnée, 
et  Sorbier,  blessé  d'un  coup  de 
baïonnette,  reçoit  le  grade  d'adju- 
dant-général. H  assista  ensuite  à 
toutes  les  batailles  sous  la  républi- 
que et  l'empire,  et  y  fut  constam- 
ment distingué  par  son  sang-froid  et 
son  énergie.  En  1796,  sous  les  ordres 
de  Jourdan,  avec  quatre  mille  hom- 
mes dont  il  avait  le  commandement, 
il  ramena  des  frontières  de  la  Bo- 
hême une  immense  colonne  d'artil- 
lerie sans  qu'elle  fût  entamée.  Le 
2  juillet  de  la  même  année,  au  pas- 
sage du  Rhin,  il  reçut  le  grade  de 
général  de  brigade.  Il  seconda  en- 
suite puissamment  Masséna  dans  sa 
campagne  des  Grisons  et  aux  com- 
bats de  Zurich.  Lorsque  Bonaparte 
se  fut  emparé  du  pouvoir,  on  doit 
bien  penser  qu'il  n'oublia  pas  son 
ancien  compagnon  d'études.  Alors 
Sorbier  combattit  à  Aiist^rlitz,  puis 
en  Italie,  sous  les  ordres  d'Eugène, 
dont  il  fut  souvent  le  conseil  et  le 
maître.  Il  commandait  en  chef  son 
artillerie   en    1809,  lorsque,  après 


SOR 

avoir  éprouvé  quelques  revers  à  Sa- 
cile  et  à  Villanova,  l'armée  franco- 
italienne  rejoignit  la  grande  armée 
de  Napoléon.  Sorbier  concourut  très- 
efficacement  à  la  bataille  de  Raab, 
puis  à  la  prise  de  cette  place,  et  en- 
fin à  la  victoire  de  Wagram  que  dé- 
cida si  complètement  l'artillerie.  Le 
soir  de  cette  mémorable  affaire.  Na- 
poléon dit  au  prince  Eugène  qui  lui 
faisait  le  rapport  de  ses  opérations  : 
«  Eh  quoi  !  n'avez-vous  donc  rien  à 
demander  pour  Sorbier  ?  Ne  l'avez- 
vous  pas  vu  dans  ces  deux  joiir- 
nées?  »  Eugène  ayant  alors  demandé 
pour  lui  la  croix  de  la  Couronne  de 
Fer  :  «IC'est  votre  grand-cordon  qu'il 
faut  lui  envoyer  immédiatement;  il 
recevra  de  moi  le  tilre  de  comte.  » 
Sa  fermeté  avait  ce  jour-là  même 
empêché  Napoléon  de  commettre 
une  injustice.  Sur  des  rapports  in- 
exacts, Sorbier  fut  mandé  par  l'em- 
pereur, qui  d'une  voix  émue  lui  dit: 
«  Voilà  comme  vous  faites  les  répu- 
tations :  Digeon,  qui  couunande  l'ar- 
tillerie d'un  corps  d'armée,  n'a  pas 
cent  coups  à  tirer!  »  Puis,  s'adres- 
sant  à  un  secrétaire  :  «  Écrivez  l'or- 
dre au  général  Digeon  de  rentrer  en 
France  :  il  a  besoin  de  repos  !... 
—  Sire,  répond  Sorbier,  le  général 
Digeon  a  le  malheur  d'encourir  la 
disgrâce  de  votre  majesté.  Il  partira 
emportant  l'estime  méritée  de  l'ar- 
mée. »  L'empereur  déchira  la  lettre 
que  lui  présentait  son  secrétaire. 
Les  approvisionnements  du  général 
Digeon  étaient  au  complet.  Sorbier 
ayant  été  nommé,  en  1810,  colonel 
de  l'artillerie  de  la  garde  impériale, 
organisa  si  bien  cette  troupe  ,  que 
tous  les  hommes  de  guerre  en  ad- 
mirèrent la  belle  tenue.  L'armée 
française  avait  passé  le  Niémen,  le 
23  juin  1812,  et  s'enfonçait  dans 
l'intérieur  de  la  Russie,  suivant  les 


SOR 

pas  de  Napoléon,  Mohilow,  Oslrow- 
no,  Witepsk,  Smolensk,  Valontina, 
offrirent  aux  différents  corps  l'occa- 
sion de  faire  e'clater  leur  valeur  ; 
mais  ces  chocs  n'avaient  été  que  par- 
tiels :  les  deux  armées  ne  s'étaient 
point  encore  heurtées  de  front  avec 
leurs  masses  innombrables  et  leurs 
onze  cents  bouches  à  feu.  C'était  à 
Borodino,  près  de  la  Moskowa,  que 
devait  avoir  lieu,  le  7  sept.  1812, 
cette  bataille,  la  plus  grande,  la  plus 
meurtrière  qui  ait  été  livrée  chez  les 
modernes.  Sorbier  y  eut  encore  une 
très-grande  part,  ainsi  que  l'atteste 
l'historien  Chambray.  A  six  heures 
du  matin,  le  général  Sorbier,  qui 
était  à  la  grande  batterie  de  droite, 
donna  le  signai  du  combat  en  com- 
mençant le  feu.  Alors  la  bataille 
s'étend  sur  trois  lieues  de  terrain. 
Après  neuf  heures  de  combats  achar- 
nés, dans  lesquels  les  deux  armées 
déployèrent  une  valeur  héroïque,  le 
.sort  de  la  journée  était  encore  incer- 
tain. Ce  fut  à  trois  heures  du  soir 
que  Koutousof  tenta  sur  le  centre  de 
l'armée  française,  avec  une  masse 
immense  d'infanterie,  un  effort  qui 
devait  être  décisif.  Cette  manœuvre 
s'exécutait  de  manière  à  être  vue  de 
plusieurs  points  du  champ  de  ba- 
taille. Sorbier,  commandant  l'artil- 
lerie de  la  garde,  qui  servait  à  elle 
seule  cent  quatre  bouches  à  feu,  s'a- 
perçoit de  ce  mouvement,  en  instruit 
Napoléon,  et  fait  en  même  temps 
avancer  vingt-quatre  pièces  de  douze 
placées  en  réserve.  Davoust  et  Murât, 
avertis  par  ses  soins,  portent  leur 
artillerie  sur  le  même  point.  Dans 
cet  intervalle,  l'empereur  envoie  à 
Sorbier  l'ordre  de  venir  lui  rendre 
compte;  mais  la  colonne  russe  s'a- 
vance, et  Sorbier  répond  qu'il  ne 
peut  dans  un  pareil  moment  quitter 
ses  batteries.  A  son  commandement, 


SOR 


375 


elles  vomissent  la  mort  et  foudroient 
les  Russes  accablés  par  le  feu  d'artil- 
lerie le  plus  terrible  que  jamais  au- 
cune troupe  ait  peut-être  essuyé  (1). 
Les  batteries  de  Sorbier  sont  char- 
gées avec  fureur  par  la  cavalerie 
russe  ;  quelques-unes  tombent  entre 
ses  mains;  mais,  soutenues  par  la 
cavalerie  française,  elles  sont  re- 
prises immédiatement.  L'auteur  de 
cet  article  a  entendu  raconter  au 
général  Sorbier  que  cette  masse  pro- 
fonde d'infanterie  se  succéda  pendant 
trois  heures  sans  avancer,  tant  était 
grande  parmi  elle  le  ravage  des  bou- 
lets et  de  la  mitraille.  Les  Russes  en- 
fin-s'arrêtent  et  se  retirent  couverts 
parleur  cavalerie  et  leur  artillerie. 
Celte  dernière  arme  joua  un  grand 
rôle  dans  cette  bataille,  la  plus  san- 
glante qui  eût  encore  été  livrée  de- 
puis l'invention  de  la  poudre,  et  à 
laquelle  Sorbier  prit  une  part  si  glo- 
rieuse. Soixante-dix  mille  hommes 
y  furent  tués  ou  blessés.  Krasnoï,la 
Bérésina,  tous  les  champs  de  bataille 
de  Russie  le  virent  combattre  comme 
à  la  Moskowa,  C'était  avec  une  pro- 
fonde émotion  qu'il  rappelait  dans 
les  conversations  intimes  le  dévoue- 
ment des  canonniers  pour  sauver 
leurs  pièces,  qui,  dans  cette  désas- 
treuse retraite,  jonchaient  cette  terre 
glacée  avec  les  débris  de  notre  ar- 
mée. En  1812,  à  la  mort  du  général 
Éblé,  il  fut  nommé  premier  inspec- 
teur-général de  l'artillerie  de  l'em- 
pire, réorganisa  cette  arme  après  la 
retraite  de  Russie,  et  y  introduisit 
plusieurs  réformes  et  améliorations 
importantes.  H  assista  encore  aux 
batailles  de  Lutzen,  Bautzen,  Dresde, 
Leipzig,  Hanau,  à  tous  les  combats 


(i)  Les  Français  réuDirentpluà  de  quatre 
cents  pièces  contre  la  gauche  de  la  position. 
(Boutourlin) 


376 


SOR 


qui  se  livrèrent  dans  les  campagnes 
de  1813  et  1814.  Lorsque  la  France, 
épuisée  d'hommes,  fit  tant  d'efforts 
pour  maintenir  la  virginité  de  son 
territoire.  Sorbier  eut  le  courage  de 
reprocher  à  Napoléon  son  amour 
pour  la  guerre  et  de  lui  conseiller 
d'accepter  la  paix  qui  lui  était  pro- 
posée. Dans  la  campagne  de  France, 
Napoléon  redoublait  d'activité,  nos 
troupes  de  valeur.  Attaché  au  quar- 
tier-général de  l'empereur,  après  la 
bataille  de  Montereau,  livrée  le  18 
fév.  1814,  entouré  d'officiers-géné- 
raux, enivré  de  succès,  penché  sur 
ses  cartes  de  guerre,  Napoléon  s'é- 
cria :  «  Nous  sommes  plus  près  de 
Vienne  que  de  Paris  !  »  Sorbier,  pla- 
çant le  pouce  de  sa  main  droite  sur 
Montereau,  traça  avec  un  de  ses 
doigts  un  cercle  étroit  en  désignant. 
Paris,  et,  agrandissant  celte  espèce 
de  compas,  indiqua  l'immense  dis- 
tance qui  le  séparait  de  Vienne. 
«  Sire,  ici  Paris,  et  là-bas  Vienne  !  » 
montrant  par  ce  geste  expressif  qu'il 
n'ajoutait  point  foi  à  une  aussi  in- 
concevable présomption.  Ensuite,  il 
engagea  vivement  Napoléon  à  écou- 
ter les  propositions  qui  eussent  fait 
cesser  la  guerre.  Comme  le  maréchal 
de  Chabannes,  qui,  la  veille  de  la 
bataille  de  Pavie,  disait  à  Fran- 
çois 1*''  :  "  Sire,  faisons  la  paix,  » 
Sorbier,  de  même,  conseillait  la  paix, 
la  veille  d'un  désastre.  Au  retour 
des  Bourbons,  Sorbier  fut  accueilli 
de  la  manière  la  plus  flatteuse  par 
Louis  XVIIl,  des  mains  duquel  il 
reçut  la  croix  de  commandeur  de 
Saint-Louis.  11  conserva  les  fonc- 
tions de  premier  inspecteur-général 
de  l'artillerie.  Lors  du  retour  de 
Napoléon  de  l'île  d'Elbe,  il  attendit 
vainement  les  ordres  du  roi.  Com- 
bien d'hommes  n'eussent  point  chan- 
celé dans  leur  conduite  politique,  si 


SOR 

le  pouvoir  eût  été  fort  et  eût  tracé  à 
chacun  avec  énergie  la  ligne  de  ses 
devoirs  !  Mais  l'irrésolution  domi- 
nait les  conseils  de  Louis  XVIII , 
qui  abandonna  ,  sans  résister,  Paris 
et  la  France.  Quoique  conservant 
son  titre  et  ses  fonctions  pendant 
les  Cent- Jours,  Sorbier  ne  fit  point 
la  campagne  de  Waterloo.  11  fut  nom- 
mé, par  la  ville  de  Nevers,  membre 
de  la  chambre  des  représentants, 
où  il  se  fit  peu  remarquer.  II  se 
retira  ensuite  dans  une  terre  qu'il 
possédait  à  quelques  lieues  de  Ne- 
vers,  et  s'y  livra  aux  travaux  d'agri- 
culture qu'il  aimait  5  mais  il  en  fut 
éloigné  par  un  exil  de  dix-huit  mois 
qu'il  passa  à  Cognac.  Quand  il  lui  fut 
permis  de  revenir  au  milieu  de  sa 
famille,  il  refusa  constamment  de  se 
mêler  à  aucun  débat  politique,  mal- 
gré les  sollicitations  du  parti  qui 
l'avait  poussé  à  la  Chambre  des  re- 
présentants. Sa  résignation ,  son 
calme,  la  douceur  et  l'égalité  de  son 
caractère  lui  avaient  conquis  l'es- 
time de  ceux  même  qui  avaient  été 
ses  adversaires  politiques.  Nommé 
maire  de  la  commune  de  Saint-Sul- 
pice  (Nièvre),  il  apporta  dans  ses 
fonctions  une  sollicitude  toute  pa- 
ternelle, et  contribua  puissamment 
aux  progrès  de  l'industrie  agricole. 
Sorbier  passa  ainsi  dix  années,  res- 
pecté et  aimé  de  ceux  qui  l'entou- 
raient. Une  maladie  douloureuse  lui 
fournit  l'occasion  de  déployer  en- 
core l'énergie  de  son  caractère  :  en 
proie  à  d'atroces  souffrances,  jamais 
sa  physionomie  ne  dévoila  l'étendue 
de  ses  douleurs.  Il  s'était  fait  con- 
duire à  Nevers,  où  les  soins  qu'on 
lui  prodigua  furent  inutiles.  Huit 
jours  avant  son  décès,  il  voulut  re- 
voir ses  foyers  domestiques,  et  les 
habitants  de  sa  couununc.  s'échclon- 
ucrent  sur  lu  roule  pour  le  transpor- 


SOR 

ter.  Sorbier,  qui  avait  si  souvent  af- 
fronté la  mort,  la  vit  s'approcher 
avec  un  calme  parfait.  Il  sollicita  et 
reçut  avec  une  pieté  exemplaire  les 
secours  de  la  religion.  Après  avoir 
dit  adieu  à  ses  parents,  à  ses  amis,  à 
tous  ses  voisins,  il  mourut  comme 
Bayard,  en  baisant  le  signe  sacré  de 
la  rédemption.  Ce  fut  dans  son  châ- 
teau de  La  Motte,  commune  de  Saint- 
Sulpice,  près  de  Nevers,  qu'il  expira, 
le  25  juillet  1827,  âgé  de  65  ans. 
Sorbier  avait  des  qualités  qui  faisaient 
le  charme  de  la  vie  privée.  Il  avait 
épousé,  eu  1801,  madame  la  baronne 
de  Bruc,  née  de  Givry,  dont  il  n'eut 
point  d'enfants.  B — r— g. 

SORE  (Nicolas  de),  peintre  et 
graveur  de  mérite,  naquit  à  Reims 
sur  la  fin  du  XV1°  siècle,  et  mourut 
à  la  fleur  de  son  Age  après  avoir 
donné,  on  1023,  le  frontispice  de  l'é- 
glise abbatiale  de  Saint-Nicaise,  et 
en  1G24  le  beau  portail  de  l'église 
cathédrale  de  Reims,  deux  excel- 
lentes gravures  à  Teau-forte  de  ii 
centimètres  de  hauteur  sur  32  centi- 
mètres de  largeur.  On  a  encore  de 
cet  artiste,  qui  promettait  beaucoup, 
une  foire  de  village  et  plusieurs  au- 
tres sujets  d'après  le  célèbre  Callot. 
L— c— J. 

SORET  (  Nicolas  ) ,  prêtre  et 
poète,  né  dans  !e  diocèse  de  Reims , 
était,  au  commencement  du  XVIl" 
siècle,  maître  de  grammaire  des  en- 
fants de  chœur  de  la  cathédrale  de 
Paris.  Voilà  tout  ce  qu'on  sait  de 
lui.  11  a  publié  :  I.  La  Céciliade,  ou 
le  Martyre  sanglant  de  sainte  Cé- 
cile, pairone  des  musiciens^  Paris , 
P.  Rezé,  1606,  in-8°.  Cette  tragédie 
rare  est  en  5  actes  et  en  vers.  On 
peut  en  voir  l'analyse  dans  la  Bi- 
bliothèque du  théâtre  français.  A  la 
suite,  et  avec  un  titre  particulier, 
so  tro^uvent  les  chœurs,  etc.,  mis  eu 


SOR 


377 


musique  à  quatre  parties,  par  Abra- 
ham Blondet,  chanoine  et  maître  de 
la  musique  de  l'Église  de  Paris.  II. 
Èglogues  royales  sur  l'heiirmse 
naissance  de  V Achille  français  d'Or- 
léans (le  second  fils  de  Henri  IV  et 
de  Marie  de  Médicis),  Paris,  1607, 
in-l2.  Outre  les  èglogues,  au  nombre 
de  cinq,  dédiées  à  la  reine,  le  vo- 
lume contient  plusieurs  autres  piè- 
ces, tant  latines  que  françaises,  de 
Soret  et  de  ses  amis,  parmi  lesquels 
on  distingue  le  célèbre  poète  latin 
Jean  Morel,  principal  du  collège  de 
Reims,  dans  l'Université  de  Paris. 
III.  L'Élection  divine  de  saint  Nico- 
las à  l'archevêché  de  Myre,  avec  un 
sommaire  de  sa  vie  en  poème  dra- 
matique sententieux  et  moral , 
Reims,  Nie.  Constant,  1624,  in-8». 
Cette  pièce,  plus  rare  encore  que  la 
précédente  (t),  ne  porte  sur  le  titre 
que  les  initiales  du  nom  de  l'auteur. 
Il  la  dédia  à  son  parent,  M.  Coquil- 
lart,  vice-lieutenant  du  conseil  po- 
litique des  habitants  de  Reims.  Elle 
fut  publiquement  représentée  dans 
l'église  de  Saint^Anloine  de  cette 
ville,  le  9  mai  1621,  par  des  jeunes 
gens  dont  les  noms  se  lisent  à  la  lin 
du  volume.  Cette  pièce  singulière 
n'entre  dans  les  compositions  dra- 
matiques que  parce  qu'elle  est  k 
plusieurs  personnages.  C'est  une  his- 
toire de  saint  Nicolas  en  dialogues 
et  sans  distinction  d'actes,  mais  à 
grand  spectacle,  et  dont  la  représen- 
tation a  dû  coûter  fort  cher.  «On  y 
voit,  dit  M,  Sainte-Beuve  {Tableau 
de  la  poésie  franc,  et  du  théâtre 
franc,  au  XVP  siècle),  les  évéques 
rassemblés  en  conclave  et  cherchant 


(l)  Les  deux  pièces  «le  Soret  ont  ctc 
vendues  80  IV.  cliez  M.  de  Soleiiioc  :  la  Ce- 
ciliade,  4y  fr.  ;  l  Élcclion  di^iine,  3l  fr.  Il  en 
coûte  beiiucouj)  moins  pour  avoir  Coiueillc» 
Raiiue  et  Molicic,  Ijicii  tOuil>lcts  I 


J78 


SOR 


SOR 


vainement  sur  qui  fixer  leur  choix. 
Un  ange  descend,  qui  les  avertit,  par 
l'ordre  de  Dieu,  de  choisir  le  pre- 
n)ier  homtne  du  nom  de  Nicolas  qui 
enireia  le  lendemain  matin  dans  l'é- 
glise :  cei  homme  est  notre  saint. 
Ou  le  sacre  malgré  son  relus,  et  il 
donne  en  finissant  sa  bénédiction  à 
tous  les  assistants.  »  Suivant  l'abbé 
Bon\\\o\  (Biogr.  ardennaise),  la  pièce 
est  précédée  de  jeux  de  mots  à  l'ar- 
chevêque de  Reims,  aux  Rémois,  et 
d'une  oraison  jaculatoire.  Le  biblio- 
phile Jacob  (M.  Paul  Lacroix)  dit 
que  Soret  écrivait  avec  assez  de 
pureté,  sinon  d'élégance.  Voici  com- 
ment il  parlait  de  Henri  IV  dans  des 
vers  adressés  à  ce  monarque  : 

D'AIexandre-le-Grand  il  a  l'iieiir  favorable; 
De  Cé.sHr  la  valeur,  d'Auguste  la  bonté; 
De  Tliéodose  c'est  la  tnêine  piété, 
Et  de  Trajan  aussi  c'est  la  douceur  aimable. 

On  a  encore  de  Soret  des  stances  et 
le  Reminiscaris  des  Rochelois,  dédié 
au  roi  Louis  XIII,  Reims,  1628;  un 
poème  champêtre  sur  la  naissance 
du  dauphin,  etc.  B— L— u. 

SOIîliT  (Jean)  ,  écrivain  mora- 
liste très-estimable,  s'est  surtout  dis- 
tingué en  combattant,  soit  en  prose, 
soit  en  vers,  l'incrédulité  el  les  fu- 
nestes doctrines  de  quelques  philo- 
sophes du  XVIII'  siècle.  On  connaît 
peu  les  détails  de  sa  vie.  Tout  ce 
qu'on  sait,  c'est  qu'il  était  né  à  Pa- 
ris, qu'il  fut  avocat  au  parlement  de 
cette  ville  et  membre  de  l'Académie 
de  Nancy.  Il  mourut  probablement 
vers  l'époque  de  la  révolution.  Trois 
fois  il  remporta  le  prix  d'éloquence 
à  l'Académie  française,  par  des  dis- 
cours sur  les  sujets  suivants  :  1°  (en 
1718)  Les  hommes  ne  sentent  point 
assez  combien  il  leur  serait  avan- 
tageux de  concourir  au  bien  et  au 
bonheur  les  uns  des  autres,  imprimé 


à  Paris,  en  1749,  in-12,  avec  plu- 
sieurs pièces  de  poésies  dédiées  à 
M""  la  daiiphine  (Marie-Josèphe  de 
Saxe);  2"  (en  1702)  De  l'indulgence 
pour  les  défauts  d' autrui.,.  3*  (en 
1758)  Il  n'y  a  point  de  paix  pour  le 
méchant...  Deux  autres  de  ses  dis- 
cours, dont  nous  ignorons  les  sujets, 
obtinrent,  en  1750,  le  jiremier,  Vac- 
cessit  à  l'Académie  française  ,  le  se- 
cond, un  prix  à  l'Académie  des  bclles- 
leltres  de  Montauban.  Ils  furent  pu- 
bliés la  même  année  dans  le  format 
in-4°.  Comme  on  l'a  déjà  dit  dans 
cette  Biographie,  Soret  fut  le  princi- 
pal collaborateur  du  père  Hayer,  ré- 
collet {voy.  ce  nom,  XIX,  522),  pour 
la  rédaction  de  La  Religion  vengée, 
ou  Réfutation  des  auteurs  impies, 
etc.,  en  21  vol.  in  12  (1).  Il  travailla 
aussi,  avec  Boudier  de  Villemert,  au 
journal  intitulé  :  La  Feuille  néces- 
saire, contenant  divers  détails  sur 
les  sciences  et  les  arts,  Paris,  1759, 
in-8°  (continué  sous  le  titre  d^Avant- 
Coureur,  etc.).  Voici  l'indication  de 


(i)  L'a|)paritioD,  au  commencerneut  de 
l'année  1757,  du  ler  vbl.  de  cet  écrit  pério- 
dique, consacré  à  la  défense  des  piiucipes 
religieux,  courrouça  fort  les  chefs  du  parti 
])liilosopbique.  Dès  le  16  janvier,  Voltaire 
écrivait  à  D'Alembert  pour  lui  demander  le 
nom  du  mauvais  citoyen,  du  coquin  qui  pu- 
bliait ce  pieux  libelle  contra  les  pauvres 
déistes  t  il  le  croyait,  disait-il,  garent  de  Da- 
miens,  etc.  D'Alembert  répondait,  le  23  du 
même  mois,  que  La  Religion  vengée  était 
l'ouvrage  des  anciens  maitres  de  François 
Damiens,  des  précepteurs  de  Châtel  et  de  Ra- 
vaillac,  des  confrères  du  martjrr  Guignard,  du 
martjr  Oldecorne,  du  martyr  Campian,  etc.; 
puis  il  ajoutait  qu'il  ne  connaissait  cette 
rapsodie  que  par  le  litre,  ce  qui  n'était  que 
trop  évident.  Voy.  OEuvres  de  Voltaire,  édit. 
de  M.  Beuchot,  t.  LVII,  206  et  212.  non  3«>6 
et  3i2,  ainsi  qu'on  le  lit  au  mot  Soret,  de 
la  Table  alphabétique  et  analytique,  rédigée, 
pour  cette  édition,  par  feu  Miger.  Nous  ne 
relevons  une  faute  d'impression  si  peu  im- 
portante que  comme  une  rareté  dans  cette 
Table,  très-bien  exécutée  sous  tous  les  rap- 
ports. 


SOR 


SOR 


379 


ses  autres  ouvrages  :  I.  Prédictions 
de  Momus,  1752,  in-8°.  II.  Lettre  à 
une  jeune  dame  sur  l'inoculation 
(anonyme),  1755  ou  1756,  in-12.  III. 
Essai  sur  les  mœurs,  BruxcWes,  1756, 
in-12.  L'auteur  ne  mit  point  non 
plus  son  nom  à  cette  première  édi- 
tion (le  ce  livre  qui  fut  jugé  très- fa- 
vorablement par  plusieurs  critiques, 
notamment  par  l'iibbé  Sabatier  de 
Castres  (voy.  ses  Trois  siècles  de  la 
littérature  française,  f®  édit.)  (2). 
IV.  Discours  de  réception  à  l'Acadé- 
mie de  Nancy,  1756,  in-4".  V.  Ode 
sur  le  mariage  de  monseigneur  le 
dauphin  (depuis  Louis  XVI),  Paris, 
1770,  in-12.  VI.  Odes  (deux)  à  la 
philosophie,  Paris,  1782,  in-8°.  Le 
style  de  ces  odes,  dirigées  contre  les 
incrédules,  est  un  peu  froid  et  pres- 
que dépourvu  d'images  poétiques , 
mais  il  ne  manque  pas  d'une  cer- 
taine énergie.  Citons-en  une  strophe  : 

Est-ce  donc  qu'une  nuit  profonde 
Avant  eux  couvrait  l'univers. 
Et  que,  nés  pour  guider  le  moude, 
Eux  seuls  marchent  les  yeux  ouverls  ? 
Mais,  quoi!  dévoués  au  mensonge 
Où  leur  aveuglement  les  plonge. 
Et  qu'ils  n'ont  pas  même  inveuté, 
Leur  doctrine  n'est  qu'un  mélange 
D'erreurs  éparses  dans  la  fange 
De  l'antique  incrédulité. 

VII.  OEuvres,  etc.,  Paris,  178i,  2 
vol.  in-12.  «Ces  deux  volumes'  ne 
contiennent  rien  autre  qu'une  nou- 
velle édition  considérablement  aug- 
mentée de  VEssai  sur  les  mœurs  et 
quatre  Lettres  y  relatives.  »  {France 
fî7<ér.,  IX,  216,)  Quelques  personnes, 
entre  autres  Desessarts  {Siècles  lit- 


(a)  N'ayant  sous  la  maiu  que  cette  pre- 
mière cditiou,  nous  u?  pouvons  dire  si  l'art. 
SoRET  se  reti  ouve  dans  les  suivantes.  M.  Col- 
liu  de  Plancy  l'a  entièrement  exclu  de  VA- 
brégi  des  (rois  siicles,  qu'il  i  donné  au  pujjlic 
eu  1821. 


/ér.),  ont  attribué  à  Soret  l'opuscule 
qui  a  pour  titre  :  L'Inoculation  du 
bon  sens,  Londres,  1761,  petit  in-12 
de  62  pages  encadrées  dans  un  double 
filet;  mais  les  savants  bibliographes 
'Barbier  et  Quérard  assurent  que  cet 
opuscule,  assez  piquant  et  qu'on  peut 
encore  lire  avec  plaisir,  est  de  Sélis. 
B— L— u. 
SORIA  (Jean-Baptiste)  ,  archi- 
tecte, naquit  à  Rome  en  1581,  el  fit 
la  façade  de  l'église  de  la  Victoire  sur 
la  mêaie   idée  que  celle  de  Sainte- 
Susanne,  c'est-a-dire  avec  les  mêmes 
défauts.  C'est  sur  un  semblable  prin- 
cipe qu'il  éleva  aussi  la  façade  de 
Saint-Charles  de'  Catenari.  Le  prin- 
cipal  mérite  de  cet   édifice  est   la 
grandeur  et  la  richesse  des  entable- 
ments et  des  sculptures.  Le  corps  de 
l'église,  qui  a  la  forme  d'une  croix 
grecque,   avec  une  seule  nef,  une 
coupole  et  la  branche  du  maître  au- 
tel plus  longue  que  les  trois  autres, 
est  dû  à  Rosato  Rosati,  sculpteur  et 
architecte  de  Macerata,  qui  fit  élever 
à  ses  frais  dans  sa  ville  natale  l'église 
des  jésuites.  Le  cardinal  Borghèse, 
protecteur  de  Soria,  lui  fit  faire  les 
portiques  et  la  façade  de  Sainl-Gni- 
goire.  Les  portiques  n'ont  rien   de 
bien  remarquable;  la  façade,  quoi- 
que composée  de  deux  ordres  et  pré- 
sentant tous  les  défauts  de  l'époque, 
est   cependant   svelte   et   élégante, 
avantage  qu'elle  doit  à  la  vaste  place 
qui  est  au  devant,  à  sa  position  au 
sommet  du  mont  Géiio  et  à  son  élé- 
vation au  hautd'uu  escalier  immense, 
mais  incommode;  et  cependant  cette 
construction  n'est  encore  que  la  fa- 
çade feinte  de  l'église.  Après  l'avoir 
passée,  on  entre  dans  une  cour  en- 
tourée d'arcades  au  fond  de  laquelle 
se  trouve  la  véritable  façade.  Ainsi 
l'artiste  a  perdu  tous  les  avantages 
qu'il  pouvait  tirer  de  l'espace  qui 


380 


SOR 


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était  à  sa  disposition.  Le  même  dé- 
f  lut  de  génie  se  fait  remarquer  dans 
deux  autres  monuments  de  Soria,  le 
portique  de  Saint  -  Chrysogone  et 
l'église  de  Sainte-Catherine  de  Sienne 
sur  le  Monte- Magnanapoli.  Cet  ar- 
chitecte mourut  en  1651.      P— s. 

SOUIAXO  (Michel),   diplomate 
vénitien  du  XVI"  siècle,  représenta 
dignement  sa  république  dans  plu- 
sieurs cours,   notamment  en   Alle- 
magne, près  de  Ferdinand,  roi  des 
Romains,  depuis  empereur;  en  An- 
gleterre, près  de  la  reine  Marie,  fiilc 
de  Henri  Vill;  en  Espagne,  à  Tavé- 
nement  de  Philippe  II  -,  à  Rome,  sous 
deux  ou  trois  papes,  et  en  France,  au 
commencement  du  règne  de  Charles 
IX.  Esprit  fin,  observateur  judicieux, 
très-instruit  de  l'histoire  des  peu- 
ples etconn.iissantparfaitemontleurs 
divers  intérêts,  Michel  avait  tout  ce 
qu'il  fallait  pour    bien    remplir  les 
missions  qui  lui  étaient  coniiées.  On 
a  la  preuve  de  son  habileté  en  af- 
faires dans  les  relations  très-remar- 
quables qu'il  a  laissées  de  ses  am- 
bassades et  dans  quelques  mémoires 
diplomatiques  échappés  à  sa  plume, 
sinon  élégante,  du  moins  facile  et 
exercée.   Ces    écrits ,   qui   auraient 
mérité  de  voir  le  jour,  sont  demeurés 
inédits,  mais  notre  Bibliothèque  na- 
tionale en  possède  des  copies  dont 
le  docteur  Marsand  a  donné  la  des- 
cription dans  l'excellent  ouvrage  qu'il 
a  consacré  aux  nombreux  manuscrits 
italiens  de  ce  magnifique  dépôt  lit- 
téraire et  des  autres  bibliothèques 
publiques  de  la  capitale.  La  plus  im- 
portante production  de  Soriano  et  la 
plus  intéressante  pour  nous  est  in- 
titulée :  Commentarii  del  regno  di 
Francia  nel  principio  délia  Seîta 
L'gonoUa,  etc.  (1561).  «  C'est,  dit  le 
'■  savant  que  nous  venons  de  citer, 
-  un  chct -d'œuvre  de  politique,  dé 


«prudence,  de  franchise  -et  de 
"  loyauté  (1).  »  M"""  Tbiroux  d'Ar- 
conville,  qui  a  publié  en  1783  une 
bonne  histoire  de  François  11,  ayant 
eu  connaissance  des  Commentarii^  et 
trouvant  avec  raison  qu'ils  jetaient 
un  grand  jour  sur  l'époque  orageuse 
dont  elle  retraçait  le  tableau,  les 
traduisit  en  français  et  fit  de  cette 
traduction  une  sorte  d'appendice  à 
son  livre.  Feu  Ed.  Mennechet,  à  qui 
l'on  doit  une  réimpression  dcl'flis- 
ioire  de  Vestat  de  la  France^  sous 
lerègne  de  François II, par  Régnier 
delà  Planche {voy.  cenom,XXXVlI, 
250),  Paris,  Techener,  1836,  1  vol. 
in-fol.  ou  2  vol.  in-80,  a  aussi  placé 
à  la  suite  de  cette  histoire  curieuse, 
mais  souvent  dictée  par  l'esprit  de 
parti,  une  traduction  des  Commen- 
taires ^e  Soriano,  " pour  servir,  dit-il, 

•  de  contre-poids  à  la  sévérité  des  ju- 
-  gements  de  Régnier  contre  les  Gui- 

•  ses  et  à  la  partialité  de  ses  asser- 

•  tions  en  faveur  des  protestants...» 
Il  ajoute  :  "  Ce  discours  d'un  étran- 
«  ger  catholique,  témoin  des  faits 
«qu'il  raconle  et  des  hommes  dont 
«il  parle,  nous  a  paru  un  doctuncnt, 
«sinon  entièrement  digne  de  fui,  du 

•  moins  fort  précieux  pour  l'histoire 
'  de  cette  époque.  Nous  avons  pensé 
«que  c'était  là  un  complément  né- 
«  cessaire  à  l'histoire  de  François  II.  " 
11  est  assez  singulier  que  Mennechet 
n'ait  pas  dit  un  mot  de  M'"'^  d'Arcou 
ville  qui,  long-temps  auparavant, 
avait  eu  la  même  pensée  que  lui.  Des 
autres  pièces  laisséi'S  par  Soriano, 
nous  ne  mentionnerons  particuliè- 
rement que  les  deux  suivantes;  elles 
nous  semblent  être  celles  qui  doi- 

(£)  Yoy.  /  inanoscrita  italiani  délia  legia 
biblioteca  parisina,  p.  700.  Pour  les  autres 
miiiHisc  rits  de  Soriano,  vof.  son  nom  à  la 
table  de  «e  vol.,  et  k  celle  du  sctoud  vol. 
ajouté  par  Marsuud,  etc. 


SOR 


SOS 


381 


vent  offrir  Ip  pins  d'intérêt  :  1"  le 
coinpte-rendii  <ie  son  ambassade  en 
Espagne  près  de  Pliilippe  II.  II  l'a 
accompagné  d'un  sommario  di  tulle 
Ventrale  e  spese  pariicolari  di  sua 
maestà  catolica;  2°  le  morceau  qui 
a  pour  titre:  Relazione  dello  stato 
délia  cita  di  Roma  al  tempo  dipapa 
Pio  V°  fatta  alla  republica  di  Ve- 
nezia,  l'anno  1571.  Michel  composa 
cette  relation  pendant  son  séjour  à 
Rome,  en  qualité  de  plénipotentiaire 
de  Venise  au  congrès  ouvert  pour  la 
négociation  d'une  ligue  générale 
contre  les  Turcs.  La  part  très-active 
qu'il  prit  à  ce  congrès  (dont  il  fut 
aussi  l'historien)  paraît  avoir  été  le 
dernier  service  rendu  par  lui  à  sa 
patrie.  —  SoRiANo  {Marc  -  Antoine) 
était,  en  1535,  ambassadeur  de  Ve- 
nise près  du  pape  Paul  III.  On  trouve 
deux  pièces  manuscrites  de  ce  né- 
gociateur à  la  Bibliothèque  natio- 
nale (Marsand,  Manoscritti,  H,  74 
et  370).  — SoRiANO  (Nicolas)  fut,  en 
1583,  provéditeur  de  l'armée  véni- 
tienne. La  Bibholhcque  conserve  le 
rapport  qu'il  lit  au  sénat  de  la  répu- 
blique touchant  l'état  de  cette  ar- 
mée {Manoscritti,  I,  677).  Ces  deux 
personnages  étaient  sans  doute  de  la 
même  famille  que  Michel.  B — l— u. 
SORIN  ou  SoRiNus  (Tanneguy), 
savant  jurisconsulte,  était  né  dans 
le  XV!*"  siècle  à  Lessay,  village  du 
Cotentin.  En  terminant  ses  études, 
il  prit  le  doctorat  dans  la  double  fa- 
culté de  droit,  et  quelque  temps 
après  il  fut  pourvu  de  la  chaire  de 
droit  civil  à  l'Université  de  Caen. 
Le  présidial  de  cette  ville  ayant  été 
rétabli  en  1552,  il  en  fut  nommé  le 
premier  conseiller.  Il  vivait  encore 
eu  1574,  mais  on  ignore  la  date  de 
sa  mort.  Une  épigramme  latine  de 
Sorin  est  imprimée  à  la  tête  de  la 
trad.  de  Darès  par  Charl.  de  Bour- 


gneville.  Cette  pièce,  la  seule  qui 
nous  reste  de  lui,  fait  connaître,  dit 
Huet,  le  succès  qu'il  aurait  eu  dans 
la  poésie  s'il  l'eût  cultivée  (Origi^ 
nés  de  Caen,  T  éd.,  415).  Les  traités 
de  droit  de  Sorin  sont  rares  et  peu- 
vent encore  être  consultés  utile- 
ment. Ce  sont  :  I.  De  jurisdictione 
commentarii,  via,  arte  et  ratione  do- 
cendi  discendique  confecti ,  Caen, 
1567,  in-4°  de  143  pag.  Cet  ouvrage 
est  dédié  au  chancelier  de  l'Hôpi- 
tal. II.  De  Normaniœ  quiritatione 
quam  Haro  appellunt  liber,  ibid., 
1567,  in-40  de  63  pag.  III.  De  con- 
suetudine  Normaniœ  gall.  et  lat., 
diligenter  visa,  castigata  et  com- 
mentariis  aucta,  ibid.,  1568-74, 
2  vol.  in-4°.  W — s. 

SOSILE  d'Ilion,  historien  grec, 
fut  précepteur  d'Annibal,  et  il  écri- 
vit en  sept  livres  l'histoire  de  son 
élève.  Polybe  forme  des  doutes  très- 
sérieux  contre  la  sincérité  de  cet 
auteur  5  Diodore  l'a  cependant  pris 
quelquefois  pour  guide.  Il  ne  nous 
est  rien  parvenu  de  ses  travaux. 
C'est  dommage,  car  nous  ne  con- 
naissons les  détails  de  la  grande 
lutte  entre  Rome  et  Carthage  que 
d'après  les  récits  des  vainqueurs; 
il  serait  à  désirer  que  la  voix  du 
parti  qui  succomba  n'eût  pas  été 
tout  à  fait  étouffée.         B— N — t. 

SOSTEGNO  (le  marquis  Char- 
les-Emmanuel Alfieri),  fils  de  Ro- 
bert-Jérôme, premier  écuyer  du  roi 
Charles-Emmanuel  III  et  de  Louise 
Âsinari  de  Saint  -  Marsan  ,  naquit 
à  Turin  le  19  février  1764.  Après 
avoir  fait  ses  premières  études  dans 
la  maison  paternelle,  il  suivit  les 
cours  de  l'Université  de  Turin  et  fut 
reçu  licencié  en  droit  en  1782.  Vers 
la  fin  de  cette  année,  il  entra  au  ser- 
vice comme  sous-lieutenant  dans  les 
dragons  du  roi.  En  1786,  il  passa 


382 


SOS 


SOS 


lieutenant  dans  le  régiment  de  Siize. 
En  1787,  il  fut  nommé  éciiyer  de  la 
princesse  de  Piémont,  la  sainte  Ma- 
rie-Ciotilde  de  France,  qui  monta 
ensuite  sur  le  trône  en  1796.  En 
1790  et  1791,  il  voyagea  dans  les 
Pays-Bas,  en  Allemagne  et  dans  la 
Basse-Italie.  A  son  retour  à  Turin  il 
fut  fait  capitaine,  et ,  en  septem- 
bre 1791,  il  épousa  la  demoiselle 
Charlotte-Mélanie  Duchi,  fille  du 
comte  Duchi.  Au  printemps  de  1792, 
la  guerre  ayant  éclaté  entre  la  Sar- 
daigne  et  la  France,  il  dut  se  sépa- 
rer de  sa  jeune  épouse  pour  suivre 
son  régiment  appelé  à  garder  la  li- 
gne des  Alpes.  Il  fut  ensuite  destiné 
à  servir  d'aide-de-camp  à  son  père, 
nommé  commandant  -  général  de 
Chambéry.  Us  venaient,  l'un  et  l'au- 
tre, d'arriver  dans  cette  ville  lors- 
que le  duché  de  Savoie  fut  envahi 
par  les  troupes  de  la  République 
française,  le  28  septembre  1792.  Le 
roi  de  Sardaigne  n'ayant  pas  alors 
des  forces  suffisantes  pour  défendre 
la  frontière  de  la  Savoie,  du  côté  de 
la  France,  dut  se  résigner  à  aban- 
donner ce  pays  et  se  borner  à  garder 
le  sommet  des  Alpes.  La  guerre  des 
Alpes  dura  trois  ans,  pendant  les- 
quels les  troupes  piémontaises,  vic- 
torieuses ou  vaincues,  se  signalèrent 
toujours  par  leur  bravoure  et  leur 
bonne  discipline.  Le  marquis  de  Sos- 
tegno,  son  père,  major-gonéral,  son 
oncle  paternel,  colonel  de  cavale- 
rie, etc.,  ses  deux  frères  cadets, 
payaient  tous  de  leur  personne  pour 
la  défense  de  la  patrie.  Il  se  trou- 
vait, le  8  septembre  1793,  avec  ses 
deux  frères  et  deux  beaux  -  frères 
Duchi,  à  un  fait  d'armes  près  Lan- 
losca,  lorsque  le  comte  Aliieri  fut 
blessé  à  mort  et  le  comte  Duchi 
iiiorlcUoment  frappé.  Ce  dernier 
mourut  (le  ses  blessures  peu  de  jours 


après.  Au  printemps  de  l'année  1796, 
Bonaparte,  nommé  général  en  chef 
de  l'armée  républicaine  des  Alpes, 
violant  la  neutralité  du  territoire 
génois,  pénétra  dans  les  plaines  du 
Piémont.  Le  jeune  général,  prélu- 
dant aux  grandes  victoires  qu'il  rem- 
porta ensuite,  réussit  à  séparer  l'ar- 
mée autrichienne  de  l'armée  sarde, 
gagna  les  batailles  de  Montenotte  et 
de  Mondovi,  et  poussa  son  avant- 
garde  jusqu'à  Cherasco,  où  se  conclut 
un  armistice  qui  fut  suivi  du  mal- 
heureuï  traité  de  paix  de  Paris. 
Après  cette  paix  désastreuse,  le  mar- 
quis Alfieri  se  retira  du  service  mi- 
litaire et  rentra  dans  la  vie  privée. 
En  1798,  les  menées  du  général  Jou- 
bert,qui  commandait  en  chef  l'armée 
française  en  Italie,  contraignirent  le 
roi  de  Sardaigne,  Charles-Emma- 
nuel IV,  d'abdiquer  la  couronne  et 
de  quitter  les  États  que  ses  aïeux 
avaient  gouvernés  avec  gloire.  On 
créa  en  Piémont  un  gouvernement 
provisoire,  et  l'on  y  proclama  la  Ré- 
publique! En  1799,  l'armée  austro- 
russe,  commandée  par  Souwarow, 
gagna  la  bataille  de  Novi  et  força 
les  troupes  françaises  à  évacuer  le 
Piémont.  Les  membres  du  gouver- 
nement provisoire,  à  l'approche  des 
troupes  austro-russes  victorieuses, 
firent  arrêter,  le  2  mai  1799,  et 
conduire  en  France,  comme  otages, 
plusieurs  gentilshommes  de  Turin. 
Le  marquis  Alfieri  et  son  père  étaient 
au  nombre  de  ces  otages.  Us  furent 
d'abord  conduits  à  Grenoble,  puis  à 
Dijon.  Le  marquis  Alfieri  a  toujours 
gardé  un  souvenir  reconnaissant  du 
bienveillant  accueil  qu'il  reçut  dans 
ces  deux  villes,  notamment  des  fa- 
mil  les  Perrier  et  de  Cordoue.  Au  mois 
de  janvier  1800,  il  obtint  la  permis- 
sion de  se  rendre  de  Dijon  à  Paris; 
il  y  alla  dans  le  but  de  solliciter  la 


SOS 

niisft  en  liberté  de  ses  compagnons 
de  captivité.  Mais  ce  ne  fut  que  quel- 
que temps  après  la  bataille  de  Ma- 
rengo  que  cette  grâce  leur  fut  ac- 
cordée. Le  Piémont  étant  retombé 
sous  la  domination  française,  le  mar- 
quis Allieri  fut  envoyé,  en  mai  1801, 
comme  notable,  à  Paris,  où  devait 
être  décidé  le  sort  de  ce  pays.  Il 
plaida  avec  une  franchise  chaleu- 
reuse auprès  du  premier  consul  la 
cause  du  roi  de  Sardaigne  ;  mais  Bo- 
naparte, meilleur  général  que  pro- 
phète, lui  répondit  que  la  maison 
de  Savoie  avait  à  jamais  lini  de  ré- 
gner. Au  mois  d'octobre  de  la  même 
année,  il  retourna  à  Turin  sans  avoir 
pu  obtenir  que  le  Piémonl  restât 
séparé  de  la  France.  Le  18  août  180.5, 
il  eut  l'immense  malheur  de  perdre 
son  épouse,  à  peine  âgée  de  32  ans. 
En  1808,  l'empereur  Napoléon  en- 
voya comme  gouverneur-général  au 
delà  des  Alpes  le  prince  Camille 
Borghèse,  son  beau-frère,  et  lui  créa 
une  cour.  Le  marquis  Allieri  fut 
nommé  grand-maître  des  cérémonies. 
Comme  il  avait  déjà  obter.u,  (juelqiies 
années  auparavant,  de  ne  pas  aller 
siéger  an  conseil  d'État  à  Paris,  et 
fait  dispenser  son  lils  d'entrer  dans 
les  pages,  il  ne  crut  pas  devoir  re- 
fuser celte  charge  qui  lui  permet- 
tait de  continuer  à  vivre  au  sein  de 
sa  famille.  En  1813,  il  maria  sa  lille 
aînée  au  marquis  Robert  Tapparelli 
d'Azeglio,  auditeur  au  conseil  d'É- 
tat. Mais  au  printemps  de  1814,  peu 
de  jours  avant  la  Restauration,  il 
eut  la  douleur  de  perdre  son  père 
octogénaire,  homme  de  forte  et  no- 
ble trempe,  «  ti  qui  l'i.n  aimait  à  re- 
t.ouver  un  dernier  rcllet  du  règne 
glorieux  et.  bienfaisant  du  roi  Cliar- 
les-Eiiinianuel  lll,  dont  le  peuple  a 
gardé  la  mémoire.  Au  retour  du  roi 
en  Piémont,  en  1814,  le  marquis  Al- 


SOS 


383 


fieri  fut  destiné  au  poste  d'ambass.;- 
deur  à  la  cour  de  France,  Il  insista 
pour  se  faire  dispenser  de  cette  ho- 
norable charge,  parce  que  les  affaires 
de  sa  famille  réclamaient  sa  pré- 
sence en  Piémont-,  mais  il  dut  obéir 
aux  ordres  de  Sa  Majesté.  Il  quitta 
Paris  pendant  les  Cent-Jours,  et  il  y 
retourna  en  janvier  1816.11  fut  nom- 
mé, en  1815,  brigadier-général  et  che- 
valier grand'croix  de  l'ordre  de  Saint- 
Maurice  et  de  Saint-Lazare.  En  1807, 
le  marquis  Allieri  avait  acheté,  h  l'en- 
chère, et  au  prix  de  36  mille  francs, 
le  magnifique  château  de  Gouvon, 
pour  le  soustraire  au  marteau  de  la 
bande  noire,  et  dans  l'espoir  de  le 
rendre  un  jour  à  ses  anciens  posses- 
seurs, les  princes  de  Savoie.  Ce  châ- 
teau avait  appartenu  à  l'illuslre  fa- 
mille de  Solar  de  Govone,  (jui  s'est 
éteinte.  Une  partie  de  ses  biens  avait 
été  dévolue,  par  succession,  à  la  fa- 
mille Allieri;  le  château  avait  été 
vendu  au  roi  Victor-Amédée  IlI.  Les 
vœux  du  marquis  Alfieri  se  réalisè- 
rent. Il  fut  heureux  de  pouvoir  ren- 
dre ce  château,  au  même  prix  qu'il 
l'avait  acheté,  à  S.  A.  R.  le  duc  de 
Genevois,  depuis  Charles-Félix,  qui 
lui  a  toujours  su  le  plus  grand  gré 
d'avoir  pensé  à  lui  conserver  cette 
belle  résidence  royale  où  il  avait 
passé  les  années  de  son  enfance.  En 
1822,  le  chevalier  de  Radicati,  secré- 
taire du  cabinet  du  roi  Charles-Félix, 
lui  annonça  confidentiellement  que 
S.  M.  avait  l'intention  de  le  nommer 
ministre  des  affaires  étrangères.  Le 
marquis  Alfieri,  modeste  et  saus  am- 
bition ,  représenta  vivement  qu'il 
trahirait  sa  conscience  s'il  acceptait, 
dans  des  circonstances  aussi  diffi- 
ciles ,  un  fardeau  qu'il  réputait  au- 
dessus  de  ses  forces  ,  et  insista  pour 
que  son  dévouement  ne  fût  pas  mis 
à  pareille  épreuve.  Le  roi  Charles- 


?M 


SOS 


Friiv,  tout  en  regardant  comme  ex- 
cessive cette  défiance  de  lui-même, 
qui  portait  son  ambassadeur  à  refu- 
ser une  place  à  laquelle  ses  services 
diplomatiques  lui  donnaient  le  droit 
d'aspirer,   respecta  ses   scrupules, 
dont  la  sincérité   n'était  pas  .dou- 
teuse, sans  pouvoir  s'empêcher  toute- 
fuisde  lui  en  vouloir  un  peu.  Personne 
plus  sincèrement  que  M.  de  Sostegno 
n'applaudit  au  choix  qui  fut  fait  de 
S.  E.  M.  le  comte  de  la  Tour,  pour 
remplir  la  place  qui  lui  avait  été  of- 
ferte. En  1823,  le  marquis  eut  le 
bonheur  de  recevoir,  à  Paris,  de  re- 
tour de  la  guerre  d'Espagne,  S.  A.  R. 
le  prince  deCarignan,  qui  régna  de- 
puis sous  le  nom  de  Charles-Albert. 
Pendant  le  séjour  de  prés  de  trois 
mois  qu'il    fit  dans  cette  capitale, 
ce   prince  apprit  à  mieux  connaî- 
tre encore  les  rares  qualités  de  ce 
diplomate.  Le  marquis,  dès  son  arri- 
vée à  Paris,  en  1814,  avait  voué  à  la 
famille  de  Savoie-Carignan ,  qui  y 
était  établie,  un  vif  et  profond  inté- 
rêt qui  ne  s'est  jamais  démenti  un 
seul   instant,    et    dont    le    prince 
Eugène  de  Savoie-Carignan  a  tou- 
jours daigné  lui  conserver  le  plus 
louchant  et  le  plus  flatteur  souvenir. 
En  1826,  il  eut  la  consolation  de  voir 
se  réaliser  une  de  ses  plus  chères  es- 
pérances par  l'union  de  son  hls  avec 
M''-^  Louise-Irène  Costa  de  la  Trinité, 
issue  d'une  de  ces  familles  auxquelles 
des    vertus  ^héréditaires   concilient 
l'estime  et  les  sympathies  de  leurs 
concitoyens,  qui  leur  savent  gré  de 
porter  noblement  un  nom  illustre  et 
de  faire  un  honorable  usage  de  leurs 
richesses.  Un  tils,  Charles -Albert 
Allieri,  est  né  de  cette  union,  et  son 
grand-père  mit  dans  cet  eiifanl,  qui 
représentait  tout  l'avenir  de  sa  mai- 
son, ses  plus  douces  complaisances. 
Depuis  quelques  années  le  marquis 


SOS 

Alfieri  souhaitait  de  pouvoir  vivre  au 
milieu  de  sa  famille  et  ne  cessait  de 
solliciter  son  rappel  de  l'ambassade. 
Le  roi,  cédant  enfin  à  ses  inslances, 
lui  donna  pour  successeur,  à  Paris, 
le  comte  de  Sales,  et  le  nomma  son 
grand-chambellan  en  remplacement 
du  marquis  de  Saint -Marsan,  son 
cousin  germain  et  ami  intime,  qui 
venait  de  mourir.  Il  quitta  l'ambas- 
sade dans  les  premiers  jours  de  dé- 
cembre 1828,  emportant  les  regrets 
de  tous  les  membres  du   corps  di- 
plomatique, dont  il  était  devenu  le 
doyen,  et  dont,  par  ses  belles  ma- 
nières et  par  son  noble  caractère,  il 
avait  su  gagner  l'estime  et  l'affec- 
tion. Le  marquis  Alfieri  prit  part  aux 
négociations  qui  firent  rendre  au  roi 
la  partie  de  la  Savoie  que  le  traité  de 
Paris  de  1814  avait  laissée  sous  la  do- 
mination française,  et  qui  procurè- 
rent à  l'université  de  Turin  le  re- 
couvrement de  sept  millions  et  plus, 
montant  d'une  rente  et  d'arrérages 
qu'elle  avait  sur  le  grand-livre  de 
France,  et  que  le  gouvernement  fran- 
çais lui  contestait.  Le  roi  Louis  XVIII 
et  le  roi  Charles  X,  auprès  desquels 
il  avait  été  successivement  accrédité, 
lui  avaient  accordé  la  plus  grande 
confiance,  et  le  duc  et  la  duchesse 
d'Orléans,  devenus,  en  1830,  roi  et 
reine  des  Français,  admettaient,  avec 
une  bienveillance  toute  particulière, 
dans  leur  intimité,  le  représentant 
du  roi  de  Sardaigne,  leur  beau-frère. 
En  partant  pour  son  ambassade,  en 
1814,  le  marquis  Alfieri  était  chargé, 
par  ses  instructions,  de  faire  valoir 
les  motifs  qui  n'avaient  pas  permis 
au  roi  de  Sardaigne  d'admettre  dans 
ses  États  la  Légion-d'Honnéur.  Le 
roi  avait  créé  l'ordre  militaire  de  Sa- 
voie, et  décidé  que  cette  décoration 
serait  donnée  de  droit  en  échange 
aux  militaires,  redevenus  ses  sujets, 


SOS 


SOS 


38j 


qui  avaifnt  fait.  les  guerres  de  l'Em- 
pire et  avaient  obtenu  celle  de  la 
Légion-d'Honneiir.  Le  gouvernement 
français  n'avait  jamais  cessé  de  récla- 
mer contre  cettedéfense  et  avait,  par 
représailles,  interdit  en  France  l'or- 
dre de  Saint-Maurice  et  de  Saint- 
Lazare.  Sur  ce  point  les  deux  cours 
avaient  été  dans  un  fâcheux  désac- 
cord. Lorsque,  à  la  (in  de  son  ambas- 
sade, le  roi  de  France  lui  fit  offrir  le 
cordon  bleu,  le  marquis  Alfiéri  ne 
jugea  pas  à  propos  de  l'accepter.  S'é- 
tant  opposé  à  l'admission  de  la  Lé- 
gion d'Honneur  dans  les  États  du  roi, 
il  crut  devoir  faire  sentir  qu'il  dési- 
rait n'être  pas  dans  le  cas  de  refuser 
une  si  honorable  ilisiinction.  Peu  de 
temps  après  son  avènement  au  trône, 
le  roi  Charles-Albert,  n'ayant  plus 
les  mêmes  raisons  qui  avaient  porté 
ses  augustes  prédécesseurs  à  prendre 
cette  mesure,  la  révoqua.  Au  com- 
mencement de  l'année  1831,  le  mar- 
quis de  Sostegno  fut  créé  chevalier 
de  l'ordre  suprême  de  l'Annonciade 
et  lieutenant-général.  En  février  de 
la  même  année,  à  l'occasion  du  ma- 
riage de   la  princesse  Marianne  de 
Savoie    avec    le    prince   Ferdinand 
d'Autriche,  qui  a  été  depuis  empe- 
reur, il  reçut  la  grand'croix  de  l'or- 
dre de  Saint- Etienne  de  Hongrie. 
Lorsque   le  conseil  d'État  fut  créé 
par  édit   royal    du  18  août  1831,  il 
fut  nommé  conseiller  d'État  adjoint 
permanent,  et   en  1832  décoré  du 
grand-cordon  de  Saint -Maurice   et 
de  Saint-Lazare.  En   sa  qualité  de 
grand- chambellan  ,   il  était  prési- 
dent et  directeur  en  chef  de  l'aca- 
démie royale  des  beaux-arts.  Assisté 
de    M.   le  marquis   d'Azeglio,  son 
gendre,  membre  do  différentes  aca- 
démies, aujourd'hui   directeur-gé- 
néral des  galeries  royales,  et  pro- 
fondément versé  dans  !a  connais- 
LXXXII. 


sance  des  beaux-arts,  le  marquis  de 
Sostegno  fit  restaurer  le  palais  de 
l'académie,   et  introduisit  dans  ce 
royal  établissement  des  réformes  qui 
avaient    pour   but  de    favoriser   les 
études   et   d'améliorer  le  S(irt  des 
professeurs,  des   artistes,   etc.   Ces 
reformes    furent    couronnées    d'un 
plein  succès.  H  ne  bornait  pas  là  les 
soins    qu'il    donnait   à    l'dcadémie 
royale.  H  encourageait  encore,  par 
ses  conseils  et   de  ses  propres  de- 
niers, les  artistes  qui  avaient  du  ta- 
lent, mais  qui  manquaient  de  moyens 
pour  le  cultiver.  Doué  d'une  infati- 
gable  activité  et   d'une  santé   des 
plus  robustes,  il  descendait  lui-même 
pour  toute  chose  dans  les  plus  pe- 
tits détails  et  entretenait  une  vasie 
correspondance.  Il  s'occupait  depuis 
long-temps  d'embellir  son  magnifique 
château  de  Saint-Martin,  et  il  fit  cons- 
truire à  ses  frais  dans  ce  pays  une 
très-belle   église.    En   1839  il   reçut 
un  coup  terrible  dans  ses  plus  chères 
affections;  il  eut  le  malheur  de  per- 
dre sa  fille  cadette,  M"'^^  Louise,  com- 
tesse de  Pavria,  chanoinessc  de  l'or- 
dre de  Sainte-Anne  de  Bavière.  En 
1841,   parvenu  à   l'âge  de   77  ans, 
voulant,  comme  on  dit,  mettre  un 
intervalle  entre  le  monde  et  la  mort, 
il  sollicita  et  obtint  du  roi  sa  reiraite 
des  affaires.  Au  mois  de  mai  1844  il 
fut  atteint  d'une  grave  maladie  qui 
fut  d'abord  jugée  mortelle.  H  voyait 
arriver  sa   fin   prochaine   avec   un 
courage  imperturbable  et   avec   ce 
calme  que  donnent  seulement, une 
conscience  toujours  droite  et  une  vie 
chrétienne  remplie  de  vertus  et  de 
bonnes  œuvres.  Peu  de  jours  avant 
sa  mort,  sou  fils  ayant  été  placé  à  la 
tête  de  l'instruction  publi(iue,  la  sol- 
licitude   patcrticile  s'alarma   de  la 
responsabilité   qui  allait  peser  sur 
lui.  Craignant  que  les  travaux  et  les 
25 


386 


SOT 


préoccupations  propres  aux  carri^- 
rcs  qu'il  .ivail    préccilemniciif   par- 
courues ne  lui  eussent  pas  permis  de 
se  préparer  à  remplir  dignement  les 
importantes  fonctions  auxquelles  il 
se  trouvait  appelé  d'une  manière  si 
imprévue,  il  ne  le  voyait  pas  sans 
quelque  inquiétude  exposé  il  devoir 
lutler   contre  des  exigences  et  des 
préventions    contradictoires,    qui, 
dans   un  pays  voisin,    avaient  ré- 
cemment fait  Siirgir  un  conflit  d'o- 
pinions dont  la  violence  était  de  na- 
ture k  troubler  les  consciences  plus 
délicates  et  timorées.    Mais    ayant 
bieiilôt  appris  que  le  public,  qui  est 
presque  toujours  un  assez  bon  juge, 
avait  fort   applaudi    au  choix    que 
S.  M.  venait  de  faire,  le  marquis  Al- 
lieri  de  Sosteguo  se  montra  plus  ras- 
suré et  plus  flatté  de  la  marque  de 
haute  conliaiice  que  le  roi  avait  don- 
née à  son  fils.  A  l'approche  de  l'hiver 
la    maladie    prit   un    caractère  très- 
grave.   La    faculté    redoubla ,   pour 
ainsi  dire,  tons  ses  efforts,  mais  inu- 
tilement, pour  prolonger  encore  une 
existeiHe  si  précieuse.  Le  malade  re- 
çut tous  les  secours  de  la  religion 
avec  cette    foi   si   vive   qu'il    avait 
constamment  professée  dans  sa  lon- 
gue carrière  et  avec  la  plus  édifiante 
résignation.  Il  conserva  toutes   ses 
facultés     in.elleciuel'.es     jusqu'aux 
derniers  instants   de  sa  vie ,  et  le 
8  décembre  il  expira  entouré  de  sa 
famille  qui  lui  avait  toujours  prodi- 
gué les  soins  les  plus  affectueux  et 
qu'il  laissa  dans  la  plus  grande  dé- 
solation.  H  emporta  les  regrets  de 
tons  ceux  qui  l'avaient  connu.  Sa  dé- 
pouille   mortelle  fut  transportée  à 
Saint-Martin  et  placée  dans  un  ca- 
veau de  la  belle  église  qu'il  y  avait 
fait  construire.  Z. 

SOTIOX  on  SociON  est  le  nom  de 
plusieurs  pcrsoïiiiages  anciens  qui 


SOT 

ont  en  une  certaine  célébrité.  Nous 
ne  nous  occuperons  que  des  trois 
suivants:  —  Sotion  d'Alexandrie, dit 
l'Aîné,  philosophe,  tlorissait  sous  le 
règne  de  Ptolémée  VI    Philométor, 
vers  l'an  170  avant  J.-C.  Çomnift  il 
ne  nous  reste  de  lui  aucun  ouvrage 
philosophique,  on  ne  sait  à  quelle 
secle  il  appartenait.  Le  premier  il  a 
écrit  en  grec  une  sorte  d'histoire  de 
ses  prédécesseurs,  sous  le  titre  de 
Succession  des  philosophes.  Ce  re- 
cueil biographique  et  littéraire,  qui 
n'est  point  parvenu  jusqu'à  nous,  est 
souvent  cité  par  Diogèiie-Lai'rce,  au- 
quel, dit  Schœll,  il  paraît  avoir  servi 
de  modèle.  Il  fallait  que  l'ouvrage  fût 
considérable,  puisque  Héraclide,  fils 
de  Sérapion,  crut  devoir  en  donner 
un  abrégc(l).  Sotion  écrivit  aussi  un 
traité,  également   perdu  ,   intitulé  : 
Des  silles  de  Timon,  dans  lequel  il 
commentait  ces  poésies  satiriques,  et 
cherchait  sans  doute  à  venger  les 
philosophes  des  épigrammes  lancées 
contre  eux  par  le  malin  sillographe 
de  Phlionte  {voy.  Timon,  XLVI,  86). 
—  Sotion  d'Alexandrie,  dit  le  Jeune, 
philosophe   pythagoricien,    a   vécu 
sous  Auguste  et  Tibère.  Il  tenait  à 
Rome   une  école  que  Sénèqne  fré- 
quenta dans  sa  jeunesse,  ainsi  qu'il 
nous  l'apprend  lui-même  dans  sa -il)" 
lettre  à  Liicilius.  Dans  la  108*^,  il  ra- 
conte comment  Sotion  lui  expliqua 
la  doctrine  de  Pythagore  et  le  déter- 
mina à  s'abstenir  de  la  chair  des 
animaux, régimequ'il  suivit  pendant 
plus  d'une  année,  et  dont  il  se  trouva 
bien  tant  pour  la  santé  du  corps  que 
pour  celle  de   lAine.  Il  n'y  renonça 
qu'à  la  prière  de  son  père  et  pour 
des  raisons  qu'on  peut  voir  dans  la 


(i)  Diogène-LHerce  cite  aussi  plusieurs 
fois  cet  iijjicgé,  aotammeiit  dans  la  vie  de 
Pytliagorc  et  dans  celle  il'Épicure. 


SOT 

lettre  même.  L'inappr(^ciablp  collec- 
tion d'extraits  ou  de  fragiiiriits  d'au- 
teurs anciens,   formée   par  Stobt^e 
pour  servir  à  l'instruction  de  son 
fils,  en  contient  un  ccrlain  nombre 
mis  sous  le  nom  de  Sotion,  sans  au- 
cune autre  désignation.  Quelques- 
uns  .«ont  lires  d'un  traité  qui  avait 
pour  titre  :  De  la  colère.  On  attribue 
généralement  ce  traité  au  maître  de 
Sénèque  (  le  disciple,  comme  on  sait, 
a  composé  trois  livres  sur  le  même 
sujet).  Quant  aux  autres  fragments, 
on  ne  peut  dire  s'ils  sont  de  notre 
pythagoricien, ou  du  Sotion  son  com- 
patriote et  son  aîné  mentionné  pré- 
cédemment, ou  enfin  d'un  troisième 
Sotion,  dont  il   va  être  question. 
—  A  l'art.  Chardon  de  la  Rochette 
(LX,  i53),  on  a  vu  que  la  partie  iné- 
dite des  Mélanges  de  ce  célèbre  phi- 
lologue renferme  une  notice  sur  l'un 
des  Sotion  :  c'est  précisément  celui 
dont  nous  avons  encore  à   parler. 
Voici  ce  que  M.  Bréghot  du  Lut  dit 
de  cette  notice  :  c  Tout  ce  que  les 
«  anciens  nous  ont  appris  de  celui 
«  des  auteurs  de  ce  nom  qui  vivait 
«  sous  Tibère  et  qui  fut  un  des  his- 
"  toriens    d'Alexandre    s'y    trouve 
«  réuni,  et  y  est  suivi  du  texte  et  de 
«  la  traduction   française  des  frag- 
«  uients  qiii  nous  restent  de  son  ou- 
«  vrage,  Des  faits  incroyables  sur  les 
«  fleuces,  les  fontaines  et  les  lacs, 
"  le  tout  accompagné,  suivant  l'usage 
«  de  notre  habile  helléniste,  d'une 
«  loule  d'annotations    curieuses   et 
0  sàMinies.  >'  {Mélanges    biogr.   et 
lillér.,  p.  312.)  Si  celte  intéressante 
notice  avait  cle  publiée,  nous  n'au- 
rions qu'à  en  faire  ici  l'analyse;  mais 
comme  elle  n'a  pas  vu  le  jour,  nous 
nous  bornerons  à  répéter  ce  que  dit 
Schœll,  en  y  ajoutant  les  quelques 
parlic.dlnrités  que  nous  avons  pu  dé- 
couvrir. !.►•  Solion  dont  il  ^'Hglt  était 


SOT 


387 


un  philosophe  poripatéticien  qui  vi- 
vait effectivement  sous  Tibère,  mais 
un  peu  postérieurement  au  pythago- 
ricien. On  ignore  quelle  était  sa  pa- 
trie, et  l'on  n'a  point  de  détails  sur 
les  événements  qui  ont  pu  marquer 
sa  carrière.  Plutarque  le  cite  dans  la 
Vie  d'Alexandre,  à  l'occasion  d'un 
chien  favori  que  perdit  ce  conqué- 
rant, et  en  l'honneur  duquel  il  fit, 
dit-on,  bâtir  une  ville.  S'il  n'y  a  que 
cette  raison  pour  mettre  Sotion  au 
nombre  des  historiens  du  grand  roi, 
il  f;jut  avouer  qu'elle  n'est  pas  très- 
concluante.   Cassianus   Bassus    cite 
aussi,  dans  ses Géoponiques,  un  écri- 
vain du  nom  de  Sotion,  et  il  donne 
quelques  passages  de  ses  écrits.  Ils 
proviennent  probablement  de  l'ou- 
vrage sur  les  phénomènes  extraor- 
dinaires des  fleuves,  etc.,  signalé  ci- 
dessus.  C'est  probablement  encore  à 
cet  ouvrage  que  Théophylacte  Simo~ 
calta  fait  allusion,  en  nommant  So- 
tion parmi  les  savants  et  les  natura- 
listesdont  il  avait  compulsé  les  écrits 
pour  la  composition  de  son  Dialogue, 
contenant  divers  problèmes  de  phy- 
sique avec  leurs  solutions  (i^dî/.  Théo- 
phylacte, XLV,  348) (2). Sous  le  n" 
CLXXXIX  de  sa  Bibliothèque,  Pho- 
tius  dit  quelques  mots  de  l'ouvrage 
de  Sotion,  qu'il  avait  lu  tout  entier, 
mais  que  le  temps  a  détruit  en  grande 


(2)  Depuis  l'impression  de  cet  art.  (en 
1826),  M.  J.-F.  Buissonnade  a  donné  une 
bonne  édition  critique  du  Dialogue  on 
Questions  physique*  et  des  Lettres  de  Théo- 
phylacte, avec  la  version  hitine  de  Kime- 
doucius,  et  un  gr;ind  nomlire  de  uotes  (Pa- 
ris, Mercktein,  i835,  in-So).  A  la  fin  de  sa 
préface,  le  savant  heliéuiste  avertit  se»  lec- 
teurs qu'il  existe  une  traduction  Irançaiie 
du  Dialogue,  par  Frédéiic  More!,  etc. 
M.  Brunet  la  mentionne  comme  assez  rare, 
au  mot  Theophylactus,  dern.  édit.  du 
Manuel.  C'est  un  petit  in-8°  de  4"  P^g^s, 
imprimé  h  P.iris,  l'u  ifîo'J,  p;ir  Mord  lui- 
même. 

25. 


388 


SOT 


SOU 


partie.  Ce  qu'il  en  a  ('pnrgné  fi  été 
publié,  par  Henri  Estienne,  h  la  suite 
du  volume  intitulé:  Aristotelis  et 
Theophrasti  schpta  quœdam,  grœce, 
quœvel  nunqiiam  antca,  vel  miiuis 
emendata  quam  7iunc,  edila  fuerunl, 
Paris,  1557,  ia-S",  et  par  Ficd.  Syl- 
burg,  dans  son  édilion  des  OEuires 
d'Aristote.  Schœll  croit  que  Sotion 
est  encore  auteur  de  \a.  Corne  d' Amal- 
thée,  espèce  de  recueil  d'histoires 
variées,  dont  ou  doit  vivement  re- 
gretter la  perle.  Il  devait  être  fort 
curieux,  à  en  juger  par  la  piquante 
anecdote  sur  Lyïs  et  Demosihciies 
qu'Aulu-Geile  y  a  piiise'e  (Noct.  at- 
tic,  lib.  /,  cap.  VJII).  —  Dans  sou 
petit  traité  de  \' Amour  fraternel,  ?in- 
tarque  a  e'crit  ces  lignes  :  «  Entre  les 

•  philosophes  mo.lerncs,  Apollonius 
"  le  péripate'ticieu  a  montré  la  f;uis- 
«  seté  de  cette  opinion,  que  la  gloire 
«  ne  souffrait  point  de  partage,  car 

•  il  éleva  la  réputation  de  son  jeune 
<■  Il  ère  Sotion  au  -  dessus  de  la 
«  sienne.  »  Ce  jeune  frère  d'Apollo- 
nius est -il  le  même  que  le  So- 
tion  qui    termine  notre   article? 

B— L-II. 

SOTOMAYOll  (Louis  de),  peiu- 
Iro,  naquit  à  Valence,  en  1635,  et  fut 
élève  du  célèbre  peintre  de  batailles 
Etienne  March.  Rebuté  par  les  ca- 
prices et  la  dureté  de  son  maître,  il 
se  vit  contraint  de  l'abandonner,  se 
rendit  à  Madrid,  et  entra  dans  l'i'cole 
de  Jean  C.nreno.  Après  avoir  su  met- 
tre à  profit  les  leçons  de  son  nouveau 
maître,  il  revint  à  Valence  et  exécuta 
un  grand  nombre  d'ouvrages,  tous 
remarquables  par  la  pureté  du  goût, 
la  beauté  de  la  couleur,  et  surtout 
par  le  talent  de  la  composition.  M 
avait  choisi  pour  censeur  des  ou- 
vrages votifs  qui  lui  étaient  com- 
mandés don  Etienne  de  Espndana, 
membre  de  l'inquisition  de  Valence, 


amateur  des  arts  qu'il  cultivait  lui- 
même  avec  succès,  et  qui,  par  son 
inlluence  et  son  exemple,  soutenait 
l'académie  de  dessin  établie  dans 
cette  ville.  Parmi  les  tableaux  qui 
contribuèrent  ii  la  réputation  de  So- 
tomayor  dans  sa  patrie,  on  cite  le 
Saint  Augustin  au  milieu  de  laVierge 
et  de  Jésus -Christ,  qu'il  fit  pour  le 
couvent  des  Augustines  de  Saint- 
Christophe,  ainsi  que  les  deux  grands 
tableaux  représentant  la  Découverte 
d'une  sainte  Vierge,  qu'il  exécuta 
pour  les  Carmes  chaussés.  Il  revint 
de  nouveau  à  Madrid,  et  y  mourut 
en  1G73,  à  l'âge  de  38  ans,  regretté 
de  tous  les  professeurs  qui  voyaient 
s'éteindre  en  lui  les  espérances  qu'il 
donnait  de  devenir  un  des  plus  ha- 
biles peintres  de  l'Espagne.  P— s. 
SOUBEIIlAi\-Samt-Pna;  (Hec- 
tor), conventionnel,  était  homme  de 
loi  à  Saint-Peray  quand  la  révolu- 
tion commença.  Il  en  adopta  les  prin- 
cipes avec  beaucoup  de  calme  et  fut 
nommé  en  1790  l'un  des  adminis- 
trateurs du  département  de  l'Ar- 
dèche,puis  l'année  suivante  député  à 
l'Assemblée  législative  où  il  se  fit  peu 
remarquer,  et  à  la  Convention  na- 
tionale 011  il  vota  la  mort  de  Louis 
XVI,  mais  avec  sursis  à  l'exécution 
jusqu'à  l'expulsion  de  tous  les  Bour- 
bons. H  avait  auparavant  voté  l'ap- 
pel au  peuple,  ce  qui  n'a  pas  em- 
pêché qu'il  n'ait  été  compris,  en 
1816,  au  nombre  des  régicides.  Ce 
terrible  procès  avait  cependant  com- 
mencé de  lui  ouvrir  les  yeux,  et  il 
s'était  séparé  dès-lors  de  la  faction 
de  la  Montagne.  Proscrit  par  la  ré- 
volution du  31  mai  1793,  à  laquelle 
il  s'était  opposé,  il  fut  un  des  soixante- 
treize  députés  que  l'on  mit  en  ar- 
restation et  qui  ne  furent  rendus  à 
leurs  fonctions  qu'après  la  chute  de 
Robespierre,  Il   devint    par  le  sort 


sou 


sou 


389 


membre  du  conseil  des  CiiKi-Cents, 
d'où  il  sorlil  en  1798.  Rdeiu  l'aimoe 
suivante,  il  en  fut  exclu  de  nou- 
veau par  la  re'vohitiou  un  18  bru- 
maire. Il  fut  alors  nommé  juge  au 
tribunal  criminel  de  l'Ardèche  et 
remplit  ces  fonctions  jusqu'en  1816 
où  la  loi  contre  les  re'gicidcs  le  força 
de  quitter  la  France.  Il  se  réfugia  en 
Suisse  d'où  il  fut  rappelé,  en  1818, 
par  une  faveur  ministérielle.  Re- 
venu dans  sa  patrie,  il  y  mourut 
quelques  années  plus  tard.  —  Deux 
frères  de  ce  nom  étaient  grenadiers 
dans  le  bataillon  des  Filles-Saiut- 
Tliomas,  qui  montra  un  si  grand  dé- 
vouement à  Louis  XVI  dans  les  jour- 
nées du  20  juin  et  du  10  août  1792. 
L'un  des  deux  fut  aide -de -camp 
de  Lafayette  et  éiuigra  avec  lui.  li 
était  revenu  à  Paris  en  1795  et  y 
figura  encore  avec  beaucoup  de  dis- 
tinction parmi  les  sectionnaires  qui 
soutinrent  la  lutte  du  13  vendém. 
contre  la  Convention  nationale.  L'un 
et  l'autre  sont  morts  depuis  plusieurs 
années,  après  avoir  vécu  dans  une 
union  tout-à-fait  exemplaire.  M-Dj. 
SOUBERIÎIELLE  (le  docteur), 
chirurgien  à  Paris,  fut  un  des  plus 
zélés  détracteurs  do  la  mélhodc  in 
veillée  par  le  frère  Corne  en  1779 
pour  l'opération  de  la  pierre,  et  se 
montra  en  conséquence  fort  oppose 
à  la  lilhotritie  inventée  par  le  doc- 
teur Giviale.  Très-lie  avec  les  prin- 
cipaux meneurs  de  notre  première 
révolution  et  surtout  avec  Robes- 
pierre, il  se  montra  fidèle  à  ces  prin- 
cipes jusqu'aux  derniers  temps  de  sa 
vie,  et  nous  l'avons  alors  entendu 
dire  encore  que  Maximilien  avait  été 
calomnié.  Souberbielle  est  mort  à  Pa- 
ris en  1848. 11  avait  éié,  en  1793,  l'un 
des  jurésdu  tribunal  révolutionnaire, 
et  l'on  eut  à  lui  reprocher  la  mort  de 
beaucoup  de  victimes  de  celte  hor- 


rible époque,  entre  autres  celle  de  la 
reine  jMirie-Antoinetle.  On  a  de  lui  : 
1.  Recueil  de  pièces  sur  la  lilhotomie 
el  la  lilhotritie,  1828-1835, in-8».  II. 
Observations  sur  l'épidémie  dyssen- 
térique  qui  a  régné  à  l'école  de  Mars, 
au  camp  des  5ff6Zon.ç, dans  l'an  11  de 
la  république  (1793),  avec  l'indica- 
tion des  moyens  employés  pour  la 
combattre,  1832,  in- 8°.  111.  Quel- 
ques remarques  sur  tes  deux  derniers 
écrits  de  M,  Civ  ia  le,  intitulés  :  1"  Con- 
sidérations pratiques  sur  la  vic- 
thode  suspubienne ;  2'  Quatrième 
lettre  sur  la  lithotritie^  octobre  1833. 

—  Lettre  de  M.  Souberbielle  à  l'A- 
cadémie des  sciences,  sur  la  statis- 
tiquii  des  affections  calculmses  pré- 
sentée par  M.  Civiale  dans  la  séance 
du  2G  août  1833.  —  Renseignements 
adressés  à  V Académie  des  sciences 
sur  quelques  points  de  la  statistique 
des  affectionscalculeuses,iH3S,  in-8". 

—  Encore  les  chiffres  de  M.  Civiale, 
Paris,  1834,  in-8°.  IV.  Académie  de 
médecine,  candidature  de  M-  Souber- 
bielle dans  la  section  opératoire, 
1835,  in-8o.  Z. 

S  OU  CHU.  Yoy.  RE^NEFORï, 
XXXVll,  S56. 

SOUHAIT  (José ni),  député  par 
le  département  des  Vosges  à  la  Con- 
vention nitionale  en  1792,  y  vota 
en  ces  termes  la  mort  de  Louis  XVI  : 
"Je  vote  pour  la  mort  en  qiuilité  de 
«juge;  c'est  l'application  de  la  loi. 
«  Comme  mandataire  du  peuple,  je 
"  demande  le  sursis  jusqu'à  l'époque 
"  prochaine  de  la  ratilication  de  la 
«Constitution  par  le  peuple,  obser- 

•  vantque  cette  volonté  comme  man- 
«  dataireest  une  invitation  à  la  Con- 

•  vention  d'ouvrir  la  discussion  sur 

•  cette  question  de  sursis  qui,  par 
«  conséquent,  est  indépendante  du 
«  vote  comme  juge.  »  Après  ce  ter- 
rible procès,  le  député  Souhait  parut 


390 


SOU 


ne  s'occuper  que  très-peu  des  grandes 
questions  politiques,  et  siégeant  ha- 
ijituellen)ent  au  centre,  parmi  ceux 
que  l'on  appelait  les  crapauds  du 
marais^  il  ne  parut  occupé  que  de 
questions  de  finances  et  d'adminis- 
tration. Devenu  membre  du  conseil 
des  Cinq-Cents  par  le  sort,  en  1795, 
après  la  dissolution  de  la  Convention 
nationale,  il  y  combattit  successive- 
ment les  impôts  aux  barrières,  sur 
le  sel  et  sur  le  droit  de  passe.  Le  8 
septembre  1796  il  fit  une  sortie  vio- 
lente contre  Larivière  et  le  parti 
clichien  qu'il  accusa  de  royalisme. 
Sorti  du  corps^législatif  en  1798,  il 
fut  nommé  un  des  receveurs  des 
contributions  directes  du  départe- 
ment du  Nord.  Il  en  exerçait  encore 
les  fonctions  en  1816  lorsque  la  loi 
contre  les  régicides  le  força  de  quit- 
ter la  France.  Il  se  réfugia  chez  son 
beau-frère  qui  demeurait  en  Suisse, 
et  n'en  revint  qu'après  la  révolution 
de  1830.  Il  mourut  en  1843,  laissant 
un  testament  assez  bizarre,  dans  le- 
quel on  remarque  les  dispositions 
suivantes:  «Je  donne  et  lègue  400  fr. 
«  de  rente  à  chacun  de  mes  anciens 
"  collègues  à  la  très-haute,  très-illus- 
«  tre  et  invincible  Cotivention  na- 
«  tionale^{\\x\  n'ont^pas  un  revenu  de 
•  600  francs,  et  je  donne  et  lègue 
«  300  francs  de  rente  à  chaque  dame 
■  veuve  d'un  ancien  conventionnel 
«  qui  n'aurait  pas  un  revenu  de  400 
«  francs.  »  H  existait  encore  alors 
quelques  veuves  de  conventionnels 
dans  la  détresse.  Plusieurs  reçurent 
des  secours  de  la  liste  civile,  dans  les 
premières  années  qui  ont  suivi  la  ré- 
volution de  1830;  et  l'on  doit  convenir 
que  tant  que  régna  Louis- Philippe 
les  conventionnels  régicides  et  leurs 
héritiers  furent  toujours  très -bien 
traités.  Il  fit  à  plusieurs  de  bonnes 
pensions  qu'il  paya  fort  exactement 


SOU 

jusqu'à  la  fin  de  son  règne.  (Foy. 
Sergent  dans  ce  vol.)        M — d  j. 

SOrHAITTY  (le  père),  religieux 
franciscain,  publia,  en  1677,  un  ou- 
vrage intitulé  :  Nouveaux  éléments 
du  chant,  où  il  propose  de  remplacer 
les  notes  de  plain-chant  par  des  chif- 
fres. En  1743,  J.  J.  Rousseau  proposa 
aussi  de  substituer  des  chiffres  aux 
notes  musicales,  méthode  qu'il  a  rap- 
pelée dans  son  Dictionnaire  de  mu- 
sique, au  mot  Notes.  Cette  analogie 
donna  lien  plus  tard  à  une  polémi- 
que assezvive.Benjamindela  Borde, 
dans  son  Essai  sur  la  musique 
(1788),  accusa  Jean-Jacques  de  pla- 
giat pour  s'être  approprié  un  système 
dont  il  n'était  pas  l'inventeur.  Ma- 
dame de  La  Tour  de  Franqneville, 
ou  plutôt  le  célèbre  violoniste  Ga- 
viniés  {voy.  ce  nom,  XVI,  612, 
note),  prit  la  défense  de  Rousseau 
dans  un  écrit  anonyme,  intitulé  : 
Errata  de  l'Essai  sur  la  m,usique. 
La  Borde  disait  que  les  deux  sys- 
tèmes n'en  font  qu'un.  On  lui  ré- 
pondit que  celui  du  P.  Souhaitty  ne 
s'applique  qu'au  plain-chant,  tandis 
que  la  méthode  de  Rousseau,  dont 
les  signes  d'ailleurs  sont  bien  plus 
simples,  se  rapporte  à  la  musique.  Le 
citoyen  de  Genève,  prévoyant  sans 
doute  les  attaques  qui  seraient  di- 
rigées contre  lui,  avait  déjà  dit  : 
«  C'est  bien  moins  le  genre  des  si- 
«  gnes  que  la  manière  de  les  em- 
«  ployer  qui  constitue  la  différence 
«  en  fait  de  systèmes;  autrement  il 
«  faudrait  dire,  par  exempre,  que  l'al- 
«  gèbre  et  la  langue  française  ne  sont 
«  que  la  même  chose,  parce  qu'on  s'y 
«  sert  également  des  lettres  de  l'al- 
'  phabet.  »  Cette  comparaison  n'est 
pas  fort  exacte;  car  il  y  a  certaine- 
ment plus  de  différence  entre  l'algè- 
bre et  la  grammaire,  qui  sont  deux 
sciences  distinctes,  qu'entre  le  plain- 


sou 

chaut  et  la  musique,  qui  ne  sont  (|iie 
deux  branches  du  même  arl.  Il  ré- 
sulterait de  toute  cette  dispute  que 
Jean -Jacques  aurait  perfectionné, 
étendu  la  méthode  de  Souhaitty,  si 
toutefois  elle  lui  a  suggéré  un  projet 
analogue;  car  l'idée  d'employer  en 
musique  des  chiffres  au  lieu  de  notes 
est-elle,  assez  extraordinaire,  assez 
transcendante  pour  qu'une  fois  émise 
on  ne  puisse  plus  la  reproduire  sous 
une  autre  forme  et  avec  des  déve- 
loppements nouveaux,  sans  être  ac- 
cusé de  plagiat?  P — RT. 

SOUHAM  (Joseph), général  fran- 
(•ais,  né  le  31  avril  1760,  à  Lubersac, 
dans  le  Limousin,  de  l'une  des  pre- 
mières familles  de  la  bourgeoisie,  eut 
une  jeunesse  très-dissipée  et,  à  peine 
sorti  du  collège,  s'engagea  dans  le 
régiment  de  Royal-cavalerie.  D'une 
force,d'une  taille  prodigieuse  (,il  avait 
plus  de  six  pieds)  et  d'une  valeur  à 
toute  épreuve,  il  réunissait  tous  les 
avantages  qui  font  réussir  à  la  guerre. 
Cependant  il  ne  servit  pas  long-temps 
dans  ce  corps  où  les  lois  du  temps 
lui  promettaient  peu  d'avancement. 
il  en  était  sorti  lorsque  la  révolution 
commença.  Séduit  par  toutes  les  il- 
lusions de  cette  époque,  il  s'enrôla 
dans  un  bataillon  de  volonlaires  na- 
tionaux du  département  de  la  Cor- 
rèze,qui  le  nouirtsasonconimandant. 
Ce  fut  à  la  tête  de  cette  troupe  qu'il 
fit,  sous  Lafayette  et  sous  Dumouriez, 
les    premières   campagnes   de   cette 
guerre   qui  devait  être  si    longue. 
11   se  distingua    particulièrement  à 
Jemmapes,  puis  k  Montassel ,  k  Cour- 
tray  et  à  Nimègue  ,  dont   il    s'em- 
para de  la  manière  la  plus  glorieuse 
dans  le  terrible  hiver  de  I79j.  U 
était  alors  général  de  division  et  lié 
intimement  avec  les  chefs  de  celle 
armée,  Pichegru  et  Moreau  ;  mais, 
d'un  caractère  entier  et  difficile,  il 


SOU 


391 


eut  plusieurs  altercations  avec   les 
représentants  que  la  Convention  na- 
tionale envoyait  à  toutes  les  armées 
avec  des  pouvoirs  souverains.  C'est 
par  suite  de  ces  différends  qu'il  fut  en- 
voyé dans  la  Belgique  pendant  quel- 
ques mois  avec  un  commandement 
qu'il  quitta  en  179G,  pour  être  mis 
à  la  tête  d'une  division  de  l'armée 
du  Rhin,  sous  Pichegru,  puis  sons 
Moreau.  La  disgrâce  de  ces  deux  gé- 
néraux lui  devint  bientôt  funeste,  et 
il  cessa  d'être  employé  sous  le  gou- 
vernement directorial,  jusqu'à  ce  que 
Bonaparte,  s'étant  emparé  du  pou- 
voir, le  remît  en  activité-  mais  il 
tomba  de  nouveau  en  disgrâce  lors 
de  la  conspiration  de  Georges  Ca- 
doudal,  où  il  se  trouva  compromis. 
Renfermé  dans  la  prison  de  l'Abbaye, 
il  fut  tenu   long-t*'mps  au  secret. 
N'ayant  pu  le  faire  condamner  sans 
preuves,  Napoléon  le  destitua  de  son 
grade,  et  il  ne  consentit  à  le  réinté- 
grer qu'en  1808,  pour  lui  donner  le 
commaiulemeut  d'un  corps  d'aru)ée 
en  Catalogne.  Souham  y  battit  d'abord 
Us  Espagnols  à  Olot,  puis  à  Valse,  et 
défendit  bravement  la  place  de  Vich 
contre  O'Donnell,  qui  conuuandait  un 
corps  beaucoup  plus  nombreux  que 
le  sien.  Marchant  ensuite  en  tête  de 
ses  colonnes,  il  fut  percé  an-dessous 
de  l'œil  d'une  balle  qu'il  fit  extraire 
à  l'instant  sur  le  champ  de  baiaille, 
et  lorsque  les  soldats,  frappés  d'épou- 
vante, le  croyaient  mort  et  commen- 
çaient à  se  retirer,  il  parut  soudai- 
nement au  milieu  d'eux,  et  les  con- 
duisit à  l'ennemi,  qui  fut  repoussé  et 
mis  dans  une  déroule  complète.  Ce- 
pendant il  la  fin  de  cette  glorieuse 
journée,  Souham  s'aperçut  de  l'irri- 
tation que  tant  de  mouvements  cau- 
saient à  sa  blessure;  il  s'arrêta  enfin 
et  se  fit  sérieusement  panser  ;  mais 
elle  était  à  peine  cicatrisée  qu'il  re- 


âD2 


SOU 


eut  l'orilre  d'aller  rallier  les  débris 
du  luaréchal  Soult,  qui  venait  d'es- 
suyer un  grave  échec  en  Portugal. 
11  lit  d'abord  lever  le  siège  de  Burgos, 
puis,  ayant  marché  contre  le  duc  de 
Wellington,  il  le  battit  dans  plu- 
sieurs  occasions,    particulièrement 
à  Torquemada,  et  à  la  célèbre  po- 
sition des  Aropiles,  où  le  brave  Don- 
iiadieu  se  couvrit  de  gloire  à  la  tète 
de  son  régiment.  Si  Souham  eût  été 
secondé  dans  ses  brillantes  attaques, 
c'en  était  fait  de  l'armée  anglaise; 
mais  le  roi  Joseph,  qui  devait  le  sou- 
tenir, resta  immobile  à  Madrid.  A  la 
suite  d'une  discussion  très-vive  avec 
ce   prince,  Souham  partit   pour  la 
France.C'élaitàlalin  de  1812;  Napo- 
léon le  chargea  aussitôt  d'organiser, 
à  Mayence,  un  corps  d'armée  qui, 
bien  que  composé  de  conscrits  pour 
la  plus  grande  partie,  obtint  à  Lutzen 
et  sur  les  rives  de  l'Elbe,  contre  l'em- 
pereur Alexandre  et  le  roi  de  Pruss-c 
en  personne,  un  succès  si  complet  que 
Napoléon  dit  que  depuis  vingt  ans 
qu'il  commandait  des  armées,  il  n'a- 
vait pas  encore  vu  autant  de  bra- 
voure et  de  dévouetncnt.  Quand  il  de- 
manda à  Souham  ce  qu'il  désirait  pour 
récompense  d'un  si  bel  exploit,  ce 
brave  général  ne  voulut  pas  autre 
chose  que  la  délivrance  du  général 
Dupont,  son  compatriote  et  son  ami, 
qui,  depuis  trois  ans,  était  prisonnier 
au  château  de  Ham.  Cette  grâce  lui  fut 
accordée  avec  le  titre  de  grand-offi- 
cier de  la  Légion-d'Honneur.  H  avait 
reçu  depuis  plusieurs  années  celui 
de    comte.  Dans    la    campagne  de 
France  qu'amena  l'invasion  des  al- 
liés en  1814,  Soubam  commanda  en- 
core une  division,  et  il  se  distingua 
particulièrement  à  Nogent  et  à  Mon- 
lereau  où  il  couvrit  la  retraite.  11 
faisait  partie  du  corps  d'armée  de 
Marmont  à  Essone,  lorsque  ce  maré- 


sou 

chai  effectua  sa  défection  pour  se 
rendre  à  Versailles.  Nous  ignorons  si 
Souham  ût  quelques  efforts  pour 
le  détourner  de  cette  résolution  ;  ou 
si,  couune  l'ont  dit  ses  détracteurs, 
ce  fut  lui  qui  donna  le  premier  l'or- 
dre et  l'exemple  de  cette  défection. 
Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que,  arri- 
vées à  Versailles,  les  troupes,  ayant 
reconnu  qu'elles  avaient  été  trom- 
pées, s'insurgèrent  spontanément,  et 
que  plusieurs  coups  de  fusil  furent 
tirés  sur  le  général  Souham,  qui  se 
vit  oblige  de  prendre  la  fuite.  H  se 
soumit  aussitôt  après  le  rétablisse- 
ment des  Bourbons  ;  fut  créé  cheva- 
lier de  Saint-Louis  et  nommé  com- 
mandant de  la  20®  division  militaire. 
N'ayant  pas  été  employé  dans  les 
Cent-Jours  de  1815  par  Napoléon, 
qui  sans  doute  ne  lui  pardonnait  pas 
sa  conduite  à  Essone,  il  fut  employé, 
au  retour  du  roi,  comme  iiispec- 
teur-général  d'infanterie,  puis  comme 
gouverneur  de  la  5®  division.  Ayant 
obtenu  sa  retraite  quelques  années 
plus  tard,  il  mourut  dans  son  pays  au 
milieu  de  sa  famille,  en  1837.  C'était 
sans  contredit  un  des  meilleurs  gé- 
néraux de  notre  époque;  mais  il 
n'avait  pas  servi  sous  Bonaparte  en 
Italie  ou  en  Egypte,  et  il  avait,  en 
outre,  le  tort  d'avoir  été  l'ami  de 
Pichegru,  de  Moreau  et  de  Dupout. 
On  conçoit  qu'il  dut  en  souffrir  pour 
son  avancement.  M— d  j. 

SOULANGE-BODL\  (  Etienne), 
horticulteur  célèbre,  était  né  à  Tours 
en  1774.  Destiné  à  la  médecine,  que 
son  père  exerçait  avec  distinction,  il 
fit  de  très-bonnes  études  au  collège 
de  sa  ville  natale,  et  montra  une  vive 
prédilection  pour  l'histoire  naturelle 
et  la  botanique.  En  1794  il  entra  dans 
la  diplomatie  et  accompagna  le  gé- 
néral Auberl-Dubayet  dans  son  am- 
bassidc  de  Constantinople  en  qua- 


sou 

lité  de  secrétaire.  On  lui  confia  en- 
suite quelques  missions  importantes 
el,  après  avoir  rempli  plusieurs  em- 
ploisaduiiuistralirs,  il  devint  enl807 
chef  du  cabinet  d'Eugène  Beauhar- 
nais, vice-roi  d'Italie,  qu'il  suivit  dans 
ses  premières  campagnes  jusqu'à  la 
chute  de  l'empire.  Revenu  en  France, 
il  y  vécut  dans  la  vie  privée,  s'adou- 
nant  à  l'étude  de  la  nature,  et  chargé 
de  surveiller  les  beaux  jardins  de  la 
Maîmaison.  Il  acheta  ensuite  le  châ- 
teau de  Fromont,  à  Ris  (Seine-et- 
Oise),  et  s'y  retira,  ne  s'occupant 
plus  que  de  culture  et  de  jardin.ige. 
11  fit  de  cette  magnifique  terre  un  vé- 
ritable Jardin  des  Plantes,  où  toutes 
les  familles  de  fleurs  et  d'arbustes 
étaient  représentées,  où  s'étalaient 
les  plus  rares  collections  d'arbres  fo- 
restiers indigènes  et  exotiques.  Les 
serres  renfermaient  les  plus  précieux 
végétaux.  Dans  le  but  d'être  utile  à 
la  propagation  des  connaissances  hor- 
ticoles et  agricoles  et  pour  en  faci- 
liter l'étude,  il  conçut  l'idée  de  créer 
à  Fromont  une  sorte  d'école  d'horti- 
culture théorique  et  pratique.  Cet 
établissement  s'ouvrit  en  1829  sous 
le  titre  ù^Institut  royal  horticole, 
avec  l'autorisation  de  Charles  X.  qui 
l'honora  d'une  visite  et  lui  lit  al- 
louer par  le  ministère  une  somme 
assez  forte  pour  l'entretien  de  quel- 
ques élèves.  De  savants  professeurs 
y  furent  attachés  et  un  recueil  men- 
suel rendit  compte  des  cours  et  des 
travaux;  mais  cette  belle  et  utile 
fondation  dura  peu  ;  elle  fut  renver- 
sée par  la  révolution  de  1830.  Secré- 
taire perpétuel  de  la  Société  centrale 
d'Agriculture  de  la  Seine,  Soulange 
fut  un  des  fondateurs  de  celle  iV Hor- 
ticulture de  Paris ,  et  il  y  remplit 
pendant  quinze  ans  les  fonctions  de 
secrétaire-général  avec  autant  de 
zèle  que  d'activité.  Sans  cesse  occupé 


SOU 


393 


de  mesures  utiles,  il  prop"sa  un  prix 
sur  les  moyens  de  parvenir  à  la  des- 
truction du  ver  blanc,  et  c'est  à  ses 
efforts  que  l'on  doit  la  première  ex- 
position florale  au  Louvre  en  1832. 
En  1839  il  fut  nommé  membre  du 
conseil-général  d'agriculture.  Il  mou- 
rut le  23  juillet  18i6  à  la  suite  d'une 
longue  et  douloureuse  maladie.  Na- 
poléon l'avait  décoré  de  la  Légion- 
d'Honneur  et  de  la  Couronne  de  Fer.  H 
était  membre  de  la  Société  Linnéennc 
de  Paris  et  aililié  à  toutes  les  sociétés 
agricoles  de  la  France  et  de  l'Europe. 
Ses  principales  publications  sont  :  I. 
Catalogue  des  dahliasnains  d^origi- 
ne  anglaise,  pour  l'année  1 822,  in-8». 
II.  Notice  sur  une  nouvelle  espèce  de 
magnolia,  Paris,  1826,  in-8o.  III. 
Discours  sur  l'importance  de  l'agri- 
culture et  sur  les  avantages  de  son 
union  avec  les  sciences  physiques^ 
Paris,  t827,  in-8°.  (  Extrait  des  An- 
nales delà  SociétéLinnéenné)\N  .An- 
nales de  l'Institut  royal  horticole 
de  Fromont,  Paris,  avril  1 829-183 i, 
6  vol.  Ce  recueil  parut  tous  les  mois 
par  cahier  avec  planches,  sous  la  di- 
rection de  Soulange,  un  des  princi- 
paux rédacteurs  ;  on  trouve  les  noms 
des  auteurs  en  tête  de  chaque  vo- 
lume. V.  Rapport  lu  à  la  séance 
de  la  Société  royale  et  centrale  d'A- 
griculture du  10  avril  1836,  Paris, 
in-8''.  (  Extrait  de  l'Agronome.  )  VI. 
Rapport  fait  à  Société  d'Encoura- 
gement pour  l'Industrie  Nationale  au 
nomdu  Comité  d"  Agriculture,  sur  une 
éducation  de  vers  à  soie  faite  en  1835 
par  M.  Camille  Beauvais  dans  le  do- 
maine des  bergeries  de  Senart,  près 
Montgeron,  Paris,  1836,  in-8".  Il  a 
revuetanno'.éle  Traité  delà  compo- 
sition et  de  l'exécution  des  jardins 
d'ornement ,  extrait  de  Loudon,  par 
Chopin  (  1830  ).  Il  a  donné  des  ar- 
ticles à  beaucoup   de  publications 


394 


SOU 


scientifiques,  entre  autres  au  Mémo- 
rial Encyclopédique ,  au  Diction- 
naire de  l'industrie  manufacturière, 
à  V Encyclopédie  d'Agriculture  pra 
tiqua  et  à  celle  d'Horticulture  ;  \c 
recueil  de  ïa.  Société  centrale  d'A- 
griculture de  la  Seî'ne  renferme  de 
lui  un  {^raïul  nombre  de  dissertations 
et  de  mémoires,  ainsi  que  le  compte 
rendu  des  séances  de  cette  Société. 
Un  de  ses  lils  suit  la  carrière  diplo- 
matique. C— H— N. 

SOULIÉ  (Mëlchior),  père  de 
Frédéric  Soulié,  dont  l'article  suit, 
était  né  en  1770;  il  professait  la 
philosophie  à  l'université  de  Tou- 
louse, lorsqu'il  s'enrôla  en  1792  dans 
un  bataillon  de  volontaires  natio- 
naux. Devenu  adjudant-général,  il 
fut  forcé  d'abandonner  la  carrière 
militaire  pour  cause  de  santé  et  en- 
tra dans  l'administration  des  finan- 
ces. En  1808  il  fut  nommé  à  un  em- 
ploi supérieur  dans  les  droits-réuuis 
à  Nantes,  et  passa  ensuite  à  Poitiers. 
Destitué  à  la  Restauration  connue 
partisan  de  Napoléon,  il  fut  réinté- 
gré bientôt  après,  et  reçut  la  direc- 
tion des  contributions  directes  delà 
Mayenne  qu'il  occupa  jusqu'à  sa 
mise  à  la  retraite  en  1824.  Alors  il 
vint  se  fixer  à  Paris  avec  son  fils  qui 
ne  tarda  pas  à  s'y  faire  une  brillante 
renommée.  Après  avoir  eu  la  dou- 
leur d'assister  à  sa  mort  prématu- 
rée, il  le  suivit  dans  la  tombe  quel- 
ques mois  plus  tard,  le  10  février 
1848.  ^  Z. 

SOULIÉ  (Melchior-Frédéric), 
l'un  des  auteurs  dramaiiques  et  ro- 
manciers les  plus  célèbres  de  notre 
époque,  était  né  à  Foix  (Ariége),  le 
23  décembre  1800.  11  commença  ses 
études  à  Nantes  et  fit  sa  rhétorique 
au  collège  de  Poiliers,  qu'il  quitta 
à  la  suite  d'une  discussion  avec  son 
professeur.  Ayant  accompagné  son 


SOU 

père  dans  un  voyage  qu'il  fit  à  Paris 
pour  réclauier  contre  sa  destitution, 
il  yconunençi  un  cours  de  droit.  Dans 
les  désordres  qui  agitèrent  alors  la 
jeunesse  des  écoles,  il  ne  fut  pas  un 
des  derniers  à  figuier  dans  réiiieuie 
et  à  signer  des  pétillons  contre  le 
gouvernement  royal,  ce  qui  le  fil 
comprendre  au  nombre  des  étu- 
diants qui  furiut  envoyés  à  Ren- 
nes pour  y  terminer  leurs  études 
sous  la  surveillance  de  la  police.  Il 
continua  néanmoins  de  s'occuper  de 
politique;  et,  allilié  au  carbona- 
risme, il  établit  une  correspondance 
entre  les  ventes  de  Renues  et  celles 
de  Paris.  Ayant  achevé  son  droit,  il 
vint  rejoindre  son  père  à  Laval,  et 
entra  dans  ses  bureaux.  Lorsqu'il  fut 
mis  à  la  retraite,  Frédéric  profita  de 
cette  circonstance  pour  dunnersadé- 
mission,  ne  se  sentant  aucun  gc.ût  pour 
la  carrière  administrative.  11  avait 
consacré  ses  loisirs  à  la  composition 
de  quelques  essais  poétiques,  qu'il 
publia  à  Paris  sous  le  titre  d'Amours 
françaises.  On  a  remarqué  que  ce 
volume  portait  le  nom  de  F.  Soulié 
de  Lavclanet^  ce  qui  indiquait  de  la 
part  de  l'auteur  le  désir  de  se  donner 
une  apparence  de  noblesse  ,  et  de 
faire  accueillir  ses  vers  dans  les  sa- 
lons de  l'aristocratie  toujours  très- 
puissante  et  restée  l'arbitre  des  suc- 
cès littéraires,  quand  la  monarchie 
et  la  religion  n'étaient  pas  atta- 
quées. Ce  qui  le  prouve ,  c'est  que 
la  plupart  des  poètes  devenus  cé- 
lèbres, tels  que  Victor  Hugo,  La- 
martine, Alfred  de  Vigny,  débu- 
tèrent sous  ses  auspices.  Si  le  véri- 
table public  prêta  peu  d'attention  à 
cette  première  œuvre  de  Soulié,  il 
n'en  fut  pas  de  même  du  monde  lit- 
téraire, qui,  à  cette  époque,  était  à 
l'affût  des  moindres  publications 
poétiques.  Une  simple  pièce  de  vers, 


sou 


sou 


395 


une  élëgie,  un  sonnet,  faisaient  re- 
marquer l'auteur,  et  il  était  admis 
partout.  Dès  ce  moment  Soiilié  fut 
connu;  il  se  mit  en  rapport  avec 
quelques  renommées  déjà  établies  , 
en  même  temps  qu'il  se  lia  d'inti- 
mité avec  de  jeunes  poètes  comme 
lui.  Casimir  Delavigne  lui  lëmoijîna 
beaucoup  de  bienveillance  et  l'en- 
couragea à  persévérer.  C'était  son 
plus  ardent  désir,  mais  avant  tout  il 
fallait  vivre,  et  pour  cela  il  devint  di- 
recteur d'une  scierie  mécanique.  Au 
milieu  de  ses  travaux  matériels,  il 
n'avait  qu'une  idée  fixe.  Ses  moments 
perdus,  ses  soirées,  il  les  occupait  à 
la  lecture  des  grands  auteurs  dra- 
matiques; il  sentait  que  là  était  sa 
vocation,  son  irrésistible  destinée. 
11  aimait  surtout  Shakspeare ,  et 
son  admiration  le  porta  à  entrepren- 
dre, pour  1^  scène  française,  la  tra- 
duction d'une  des  plus  belles  pièces 
de  l'illustre  tragique,  Roméo  et  Ju- 
liette. Ce  fut  sa  première  pensée; 
nidiss'étant  mis  à  l'œuvre,  il  se  laissa 
entraîner  par  sa  propre  imagina- 
tion, et,  au  lieu  de  traduire  fidèle- 
ment, il  composa,  effaça,  ajouta  de 
nouveaux  détails,  de  manière  qu'il 
n'y  eut  plus  que  l'action  qui  au  fond 
resta  la  même.  On  l'a  beaucoup 
blâmé  de  cette  licence,  sans  songer 
qu'une  véritable  tragédie  peut  bien 
valoir  une  sèche  traduction.  Quoi 
qu'il  en  soit,  elle  fut  reçue  à  l'una- 
nimité au  Théâtre-Français ,  mais 
Soulië  n'eut  pas  la  patience  d'at- 
tendre son  tour,  et  il  la  retira  pour 
la  porter  à  l'Ocléon  oii  elle  fut  re- 
présentée le  10  juin  1828.  Un  succès 
un  peu  contesté  couronna  ce  pre- 
mier essai;  néanmoins  par  Roméo  et 
Juliette  Soulié  se  pl;içait  d'emblée 
au  premier  rang,  et  un  brillant  ave- 
nir s'ouvrit  devant  lui.  Un  an  après, 
il  donna  à  l'Odcon  son  drame  de 


Christine  à  Fontainebleau.  Cette 
pièce  était  de  l'école  dite  roma«<igue, 
qui  commençait;  elle  tomba  d'une 
manière  si  complète  que  l'auteur 
sembla  dégoûté  du  théâtre  et  se  fit 
journaliste.  C'est  alors  qu'il  rédigea 
le  Mercure  et  travailla  au  Figaro, 
sans  toutefois  abandonner  entière- 
ment la  carrière  dramatique  vers 
laquelle  il  se  sentit  toujours  un  pen- 
chant invincible.  Le  17  juin  1830 
il  fit  rt'présenter  au  Vaudeville  une 
comédie  en  deux  actes  intittilée  : 
Une  nuit  du  duc  de  Montfort.  Toute 
médiocre  qu'elle  était,  cette  {;ièce 
obtint  quelque  succès  et  rapporta  à 
l'auteur  plus  d'argent  que  ses  deux 
tragédies.  Toujours  fort  lié  avec  le 
parti  libéral,  Soulié  combattit  à  la 
révolution  de  1830  le  fusil  sur  l'é- 
paule, ce  qui  lui  valut  la  croix  de 
juillet  que  bientôt,  comme  tous  ses 
confrères,  il  cessa  de  porter.  Conti- 
nuant d'écrire  çà  et  là  dans  les  pe- 
tits journaux,  tels  que  la  Mode  et  le 
Voleur,  avec  MM.  de  Balzac  et  Eu- 
gène Sue ,  on  vit  encore  son  nom 
figurer  dans  tous  les  recueils  ou  re- 
vues littéraires  ;  \â  Pandore,  le  Cor- 
saire, VArtiste,  le  comptèrent  au 
nombre  de  leur.s  rédacteurs.  A  cette 
époque,  il  fit,  en  collaboration  avec 
M.  Cave,  une  comédie  en  cinq  actes, 
intitulée  Nobles  et  Bourgeois,  (lui 
tomba  d'une  façon  désespérante.  Il 
ne  se  rebuta  pas,  et  la  Famille  de 
Lusigny  (en  société  avec  M.  A.  Bos- 
sange),  drame  en  trois  actes,  joué 
aux  Français  le  15  octobre  1831,  dont 
le  sujet  était  pris  dans  le  roman  de 
Lacretelle,  le  Fils  Naturel,  réussit 
assez  bien.  Soulié  voulut  alors  ten- 
ter un  coup  d'éclat,  et  il  se  mit  à 
écrire  un  roman  et  un  drame.  Le  11 
septembre  1832  eut  lieu  la  première 
représentation  de  Clolilde  au  Théâ- 
tre-Français; l'action,  tirée  dnFazio 


396 


SOU 


sou 


du  poêle  anglais  Milman,  élait  dc^ 
plus  dramaljqiirs;  grâce  à  la  cha- 
IciiiTiise  passion  qu'y  déployait 
M""  Mars,  le  triomphe  fut  complet, 
et,  malgré  les  vives  attaques  de  la 
critique,  celle  pièce  reçiit  du  public 
des  applaudissements  véritablement 
enthousiastes.  Le  roman  des  Deux 
Cadavres^qui  parut  en  mêmetem|)s, 
est  un  tissu  d'horreurs,  de  meurtres 
et  de  scènes  de  sang,  dénué  de  me- 
sure, tout  à  fait  dans  le  goût  du  jour, 
mais  très-rnergi(|uemeuî  écrit.  Il  eut 
beaucoup  de  vogue.  Immédiatement 
après,  Soulié  publia  le  Port  de  ire- 
Icil,  recueil  de  nouvelles  détachées  ; 
puis  fonda  un  journal  intitulé  Napo- 
léon, qu'il  céda  presque  aussitôt  à 
M.  Marco  de  Saint-Hilaire.  Deux  piè- 
ces qu'il  lit  alors  représenter  aux  bou- 
levards, IHommc  â  la  Blouse  et  le 
Roi  de  Sicile,  eurent  le  même  sort  ; 
elles  tombèrent  sans  laisser  aucune 
trace.  Mais  ce  fut  surtout  dans  les 
deux  années  qui  suivirent  que  Sou- 
lié déploya  la  plus  féconde  activité. 
D'abord  parut  le  Vicomte  de  Véziers, 
puis  le  Magnétiseur,  romans  bien 
différents  de  genres,  l'un  historique, 
l'autre  tout  d'invention  ,  et  qui 
eurent  nu  égal  relenlissement.  Une 
aventure  sous  Charles  IX,  comédie 
(en  société  avec  M.  Badon) ,  repré- 
sentée aux  Français  le  21  mai  1834, 
les  avail  précédés.  Vinrent  ensuite  le 
Comte  de  Toulouse^  puis  le  Conseiller 
d'État,  qui  obtint  un  succès  aussi 
grand  que  celui  des  Deux  Cadavres. 
C'était  une  peinture  de  mœurs  pleine 
de  vérité  et  d'imagination,  avec  des 
caractères  parfaitement  tracés ,  des 
situations  très-attachantes,  mais  tou- 
jours écrit  selon  le  goût  de  l'époque 
en  style  coloré  et  dramatique.  Ce 
fut  peu  de  temps  avant  qu'il  donna 
(eu  société  avec  M .  Arnoult)  les  Deux 
Keiius  il   rOpéra-Comique  (6  août 


1835),  dont  la  musique  d'Hippolytc 
Moupou  eut  tous  ieshonnenrs.  f/n/vfe 
à  Meudon,  Deux  Séjours:  Province 
et  Paris,  Sathanicl,  romans,  datent 
de  1836.  Ce  dernier  ouvrage  et  les 
Quatre  Époques  (les  Celtes,  les  Gau- 
lois, les  Romains,  les  Chrétiens),  qui 
parurent  un  peu  plus  tard,  forment, 
avec  le  Vicomte  de  Béziers  et  le 
Comte  de  Toulouse,  les  Romans  his- 
toriques du  Languedoc.  Malgré  tou- 
tes ces  publications  et  le  bon  accueil 
qu'on  leur  lit,  Soulié  demeurait  dans 
un  étal  de  fortune  assez  précairi-,  et 
le  maréchal  Clauzel,  son  oncle,  en 
devenant  une  seconde  fois  gouver- 
neur de  l'Algérie,  lui  réitéra  l'offre 
qu'il  lui  avait  faite,  en  1831,  d'un 
emploi  dans  l'administration  de  la 
colonie.  11  refusa  obstinément.  l'our 
lui,  la  littérature  était  une  vocation;  il 
n'accepta  pas  non  plus  la  proposition 
que  lui  fi!  M.  Mole  (1837)  d'entrer  au 
conseil  d'État  ii  condition  d'abandon- 
ner la  carrière  littéraire.  Ce  fut  vers 
le  même  temps  qu'il  conçut  l'idée 
des  Mémoires  du  Diable,  oeuvre  gi- 
gantesque et  bizarre,  imitée  du 
Diable  Boiteux  de  Lesage.  Cet  ou- 
vrage commença  h  paraître  en  feuille- 
tons dans  le  Journal  des  Débats  vers 
le  milieu  de  1837,  et  ne  fut  terminé 
qu'en  mars  1838.  C'est  le  tableau  de 
la  société  dans  ce  qu'elle  a  de  plus 
hideux,  de  plus  atroce;  l'inceste, 
l'adultère,  tous  les  crimes,  toutes 
les  mauvaises  passions  y  sont  repré- 
sentés sous  les  ap|)arences  de  la 
vertu  et  du  bien.  Satan  vous  fait 
pénétrer  dans  les  plis  les  plus  se- 
crets des  cœurs  ^  tel  homme  jouis- 
sant de  la  considération  de  tous, 
d'une  haute  réputatiun  de  probité, 
n'est  au  fond  que  vices  inlàines; 
telle  femme,  citée  pour  sa  vertn  , 
n'est  qu'hypocrisie  et  débauche. 
L'inimeuse  renommée  que  fit  à  Sou- 


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307 


lie    cette   nouvelle    publication     le 
plaça  an  faîle  de  l'étlifice  littëiMJre. 
Au  mêiiie  inonient  on  reprit  à  TO- 
lîeon  sa  tragédie  de  Roméo  et  Ju- 
liette, et  cette  fois  elle  fut  accueillie 
par  {['unanimes  bravos.  Durant  l'an- 
née 1839,   il   fit    repre'sentcr  trois 
pièces  au  iheàlrede  la  Renaissance: 
Diane  de  Chivry  (9  février),  d'après 
une  de  ses  nouvelles  ;  le  Fils  de  la 
Folle  (Il  juillet),  lire  de  son  roman 
le  Maître  d'École;  enlin  le  Proscrit 
(7  novembre),  en  société  avec  M.  De- 
hay.  Comme  délassement  d'esprit  et 
pour  faire  contraste  à  ses  grands  ou- 
vrages, il  donnait  de  temps  à  autre 
des  bluettes  littéraires  sans  impor- 
tance, telles  que  Contes  pour  les  en- 
fants, la  Lanterne  magique,  histoire 
de  Napoléon ,  racontée  par  deux 
soldats,  Petits  Contes  militaires,  la 
Physiologie  du  Bas-bleu,  où  tous 
les   ridicules  des   femmes    auteurs 
étaient  spirituelleuient  dévoilés,  le 
Tombeau  de  Napoléon,  à  l'occasion 
de  la  translation  des  cendres  de  l'em- 
pereur. A  la  suite  de  son  grand  suc- 
cès des  Mémoires  du  Diable  qu  i  fu  rent 
réimprimés  sous  plusieurs  formes  et 
eiireatles  honneurs  derillustrution, 
il  se  reuiità  l'œuvre  avec  une  nou- 
velle fécondité.  On  compte  que  de 
3838   à    1847  il    publia  vingt-trois 
romans  et  lit  représenter  sept  dra- 
mes, qui  obtinrent  plus  ou  moins  de 
vogue,  mais  qui  tous  sont  empreints 
d'un  talent  incontestable  et    de  la 
plus  fertile  imagination.   VHomme 
de  lettres^  Six  mois  de  correspon- 
dance: Diane  et  Louise,  le  Maître 
d'École  parurent  en  1839;  un  Rêve 
d'amour^   Confession   générale,    la 
Chambrière  en  1840;  5/  Jeunesse  sa- 
vait et    si  Vieillesse  pouvait^  les 
Quatre  Sœurs  en  1841;  puis  vinrent 
Eulaiie  Pontois^  Marguerite  et  le 
Château  des  Pyrénées;  les  Préten- 


dus, le  Bananier ,   Huit  jours  au 
château,   Maison  de   campagne  à 
vendre  sont  de  1843.  Dans  les  quatre 
années  qui  suivirent,  il  fit  paraître 
successivement  le  Château  de  Wals- 
tein^  Au  jour  le  jour  ;  les  Aventures 
d'un  cadet  de  famille^  les  Amours  de 
Victor  Bonsenne   et  Olivier  Duhu- 
mel  (qui  forment  une  série  de  romans 
sous  le  titre  des  Drames  inconnus), 
la  Comtesse  de  Monrion^  le  duc  de 
Guise,    et   enfin  Saturnin  Fichet. 
Tous  ces  derniers  ouvrages  parurent 
d'abord    en    feuilletons ,    dans    la 
Presse,  les  Débats  ou  le  Siècle,  puis 
en   volumes.  En  même  temps  qu'il 
publiait    ces     nombreux     romans, 
Soulié    faisait    représenter   à  l'Am- 
bigu-Comique   des   drames    pleins 
d'inti'rèt  et  d'éuiolions  :  V Ouvrier, 
le  18  jinvier  18i0;  Gaétan  il  Mam- 
monf,  le  12  novembre  1842;  Eulaiie 
Pontois,  le  18  mai  1843;  les  Amants 
de  Murcie,  le  9  mars  1844;  les  Ta- 
lismans (fe'erie),  le  30  janvier  1845; 
les  Étudiants,  le  24  mai  suivant. 
La  dernière  œuvre  dramatique  de 
Soulié,  la  Closeriedes  Genêts,  jouée 
à    l'Ambigu    le    14    octobre  184G, 
mit    le    comble    à    sa   popularité. 
Atteint  bientôt  d"une  douloureuse 
maladie  de  cœur,    il  supporta   de 
cruelles  souffrances  durant  plus  de 
trois  mois,  et  mourut  le  23  septembre 
1847,  après  avoir  reçu  les  sacrements 
du  curé  de  Bièvre,  qui  en  a  laissé  le 
lémoiguage  en  ces  termes  :  «M.  Fré- 
«  déric  Soulié  est  uiort  en  bon  chré- 
"  tien,  en   bon  catholique  romain, 
«  muni  des  secours  de  la  religion, 
«  dans  toute  la  plénilude  de  sa  rai- 
«  son.  Après  lui  avoir  administré  les 
«  sacrements,  je  lui  ai  demandé  s'il 
«  rétractiiit  avec  un  esprit  soumis  à 
«  riîglise  tout  ce  que  ses  écrits  ponr- 
•  raient  renfermer  de  contraire  à  la 
«  loi  et  an.x  mœurs;  il  a  répondu 


398 


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sou 


•  d'un  ton  ferme  :  «  Oui  ;  ol  si.  dans 
«  mes  ouvrages,  j'ai  pu  blesser,  je  ne 
«  dis  pas  le  dogme,  que  j'ai  toujours 

•  respecté,  mais  la  morale,  je  ne  l'ai 
«  fait  que  par  légèreté.  »  Six  heures 
«  avant  sa  mort,  M.  Soulié  me  disait 
«  qu'il  ne  regrettait  point  la  crise 

•  qu'il  avait  éprouvée,  parce  qu'elle 
«  lui  avait  fait  prendre  un  grand 
«  parti  qui  le  rendait  très-heureux, 
«  celui  de  revenir  à  Dieu  et  de  s'y 
«  attacher  pour  toujours.  Il  n'est  pas 
«  possible  de  recevoir  les  secours  de 

•  la  religion  d'une  manière  plusédi- 
"  liante  que  \ne  l'a  fait  M.  Frédéric 

•  Soulié.  Depuis,  toutes  ses  paroles 
«  ont  été  en  harmonie  avec  l'acte  re- 
«  ligieux  qu'il  avait  accompli ,  et 
«  qu'il  a  voulu  accomplir  sous  les 
-  yeux  de  quelques  amis  et  d'autres 
«  personnes  pour  leur  donner  uq 
«  exemple  d'édification.  •  Ses  ob- 
sèques eurent  lieu  à  l'église  Sainte- 
Élisaheth-du-Temple,  au  milieu  d'un 
immense  concours  de  peuple;  jour- 
nalistes, littérateurs,  artistes, grands 
et  petits,  accompagnèrent  son  con- 
voi au  Père-Lachaise -,  MM  Victor 
Hugo,  Paul  Lacroix  et  Antony  Bé- 
raud  prononcèrent  des  discours  sur 
sa  tombe.  Il  ét.iit  membre  de  la  So- 
ciété des  gens  de  lettres,  de  celle 
des  auteurs  dramati(iues,  et  cheva- 
lier de  la  Légion-d'Hunueur. — On  a 
joué  à  l'Ambigu  (15  janvier  1848)  un 
drame  posthume  de  Soulié,  Hortense 
de  Hlangie^  mais  il  eut  peu  de  suc- 
ces,  et  l'on  a  douté  que  cette  pièce  fût 
réellement  de  lui.  H  a  participé  à  la 
rédaction  de  presque  tous  les  recueils 
de  ce  temps,  tels  que  Paris  moderne, 
le  Musée  des  familles  ou  le  Journal 
des  enfants,  l'Europe  littéraire,  la 
Mode,  la  Rtcue  de  Paris,  la  Chroni- 
que de  Paris,  etc.  11  a  donné  des 
articles  aux  Cmt  et  un,  aux  Cent  et 
une  nouvcllei,  au  Livre  des  conteurs, 


aux  Français  peints  par  eux-mê- 
mes. Dans  le  moment  oii  nous  écri- 
vons, on  annonce  un  roman  pos- 
thume de  Soulié,  la  Queue  des  Mé- 
moires du  Diable  M.  Maurice  Cham- 
pion a  publié  Frédéric  Soulié,  sa  vie 
et  ses  ouvrages,  Paris,  1847,  in-S". 

SOULIÉ  (Jean-Baptiste-Augus- 
tin),  littérateur  et  journaliste,  né  à 
Castres  en  1780,  fit  ses  humanités  au 
collège  de  cette  ville,  dirigé  par  les 
Oraloriens.  Pendant  la  tourmente  ré- 
volutionnaire il  suivit  la  carrière 
commerciale  ;  mais  plus  tard  il  com- 
pléta ses  études,  et  se  livra  à  l'en- 
seignement. Fixé  à  Bordeaux,  il  prit 
part  au  mouvement  royaliste  qui  s'y 
manifesta  le  12  m^rs  1814.  Il  y  avait 
fondé  trois  journaux  :  le  Mémorial 
bordelais,  la  Ruche  d'Aquitaine  et 
la  Ruche  politique.  Vers  1820,  il  .se 
rendit  à  Paris,  où  il  coopéra  à  la  ré- 
daction de  la  Quotidienne,  et  quel- 
ques années  après  il  fut  nommé  con- 
servateur à  la  bibliothèque  de  l'Ar- 
senal, par  la  protection  de  Martignac 
et  de  M.  de  Peyronnet ,  fonctions 
qu'il  continua  de  remplir  après  la  ré- 
volution de  1830.  Soulié  mourut  h 
Paris,  dans  la  maison  des  frères  de 
Saint-Jean-de-Dieu,  le  19  mars  1845. 
Il  était  membre  de  l'académie  de  Be- 
sancon, où  Nodier,  son  ami,  l'avait 
fait  admettre.  Doué  de  beaucoup  de 
goût  et  d'une  instruction  variée,  il 
n'a  cependant  laissé  aucun  ouvrage 
important.  Ses  productions  origi- 
nales sont  des  poésies  fugitives, 
insérées  dans  les  Almanachs  des 
Muses  et  dans  les  Annales  roman- 
tiques; un  grand  nombre  d'articles 
politiques  et  littéraires  dans  les  qua- 
tre journaux  dont  nous  avons  parlé, 
et  un  opuscule  intitulé:  la  Mission 
de  Bordeaux  en  1817,  Bordeaux, 
1817,  in-8";  réimprimé  à  Lyon,  la 
même  année,  sous  ce  titre  :  Erection 


sou 

de  la  croix  de  la  mission  à  Bordeaux^ 
le  25  avril  1817.  Ha  fourni  quel- 
ques notices,  entre  autres  celle  de 
JDcs/jase,  au  Supplément  de  celte  J?îO- 
graphie  universelle.  Il  a  traduit  de 
l'anglais  en  vers  français  le  Cimetière 
de  campa(;ne, de  Th. Gray,  1812,1810', 
des  Poésies  de  Roberts,  Charlotte 
Smith  et  James  Montgomery,  Paris, 
1827;  et  en  prose  le  second  chant  du 
A/e'ncsfrei  de  Bcattie, imprimé,  avecla 
traduction  du  premier  chant  par 
Chaleaiibriatid,  dans  le  volume  inti- 
tulé Poésies  anglaises,  1830,  iu-18, 
faisant  partie  de  la  Bibliothèque 
choisie  publiée  par  le  libraire  Bel  hu- 
ne. Soulié  a  été  l'éditeur  des  Êtren- 
nes  royales  de  la  ville  de  Bordeaux, 
de  1814  à  1817,  4  vol.  in -18,  et  du 
Keepsake  français,  ou  Souvenirs  de 
littérature  contemporaine^  première 
année,  1830,  in-S".  Enfin  on  lui  doit 
la  publicîition,  en  2  vol.  in-8'',  des 
Poé?ies  de  Charles  d'Orléans^  père 
de  Louis  XII,  avec  une  noiice  sur  ce 
prince  et  des  noies  sur  les  manus- 
crits consultés-,  édition  complète  et 
bien  supérieure  à  celle  qu'avait  don- 
née Chalvct.  (  Voy.  Charles  d'Or- 
léans, VIII,  149.)  P— RT. 
SOUMET  (Alexandre),  l'un  des 
poète.*:  les  plus  disfingués  de  notre 
époque,  était  né  àCasteinaudari  dans 
une  contrée  où  les  poètes  altondèrent 
toujours.  Il  fit  ses  études  à  Toulouse 
sons  un  neveu  de  dom  Calmet,  se 
livra  d'abord  aux  sciences  mathéma- 
tiques et  subit  un  premier  examen 
pour  entrer  ii  l'Ecole  polytechnique; 
mais  son  goiit  inné  pour  les  vers 
l'entraîna  bientôt  vers  une  autre 
carrière,  et  un  prix  qu'il  obtint  à 
l'acadéuiie  des  Jeux-Floraux  acheva 
sa  vocation:  Il  se  rendit  en  1808  dans 
la  capitale,  où  le  bc^^oinde  se  faire 
un  nom  et  des  protecteurs  lui  inspira 
uti  premier  éloge  de  Napoléon  qu'il 


SOU 


399 


publia  sous  le  litre  mensonger  de  Di- 
thyrambe au  conquérant  de  la  paix: 
puis  un  poème  itilitulé  Le  Fanatisme, 
qu'il  ne  faut  pas  croire  écrit  dans  le 
sens  que  l'on  donne  vulgairement  à  ce 
mot.  Le  poème  intitulé  L7ncrec/uiî7é, 
qu'il  publia  en  1810,  prouve  assez 
qu'il  fut  toujours  attaché  aux  prin- 
cipes religieux  et  monarchiques. 
C'i'st  un  de  ses  meilleurs  ouvrages 
et  il  fut  loué  dans  tous  les  journaux. 
Le  jeune  poète,  alors  plein  de  feu  et 
d'ardeur  poétique,  ne  mettait  pas 
moins  de  zèle  à  composer  ses  écrits 
qu'à  en  assurer  le  succès.  Fort  lié 
avec  son  confrère  et  son  compatriote 
Treneuil  qui  lui  ressemblait  sous 
beaucoup  de  rapports,  ils  visitaient 
souvent  de  concert  les  hommes  puis- 
sants ,  et  surtout  les  journalistes 
qu'ils  flattaient  et  caressaient  de  leur 
mieux  pour  en  obtenir  des  louanges; 
et,  il  faut  le  dire  à  la  honte  des  let- 
tres, ces  moyens  réussissaient  plus 
(jne  leur  talents  qui  cependant  étaient 
incontestables.  Il  était  difficile  qu'a- 
vec ce  caractère  de  vanité  et  de 
souplesse  Soumet  ne  se  pro.^ternât 
pas  devant  l'idole  de  répo(|ue,  de- 
vant le  puissant  empereur  qui  dis- 
pensait à  son  gré  tous  les  honneurs 
et  .toutes  les  richesses.  Il  paya  donc 
successivement  son  tribut  par  une 
Ode  à  Napoléon  et  à  Marie-Louise 
à  l'occasion  de  leur  mariage,  et 
il  en  reçut  une  bonne  somme  d'ar- 
gent. Il  fut  également  bien  payé  de 
l'ode  intitulée:  La  Naissance  durai 
de  Rome,  qu'il  publia  l'année  sui- 
vante (1811),  et  que  l'académie  des 
Jeux  Floraux  honora  en  outre  d'un 
prix  extraordinaire.  Dans  le  même 
temps  on  le  nomma  auditeur  au  con- 
seil d'État;  enfin  la  plus  brillante 
carrière  s'ouvrait  devant  lui  quand 
la  chute  de  Napoléon  vint  tout  à 
coup  renverser  ses  espérances.  Il  eu 


400 


SOU 


fiit  extrêmement  affligt?,  el  nous  l'a- 
vons vu  à  cette  époque  très-inqiiiet 
de  son  avenir.  Mais  il  connaissait 
bien  peu  le  gouvernement  qui  allait 
succéder  à  Tempire,  et  l'on  doit  con- 
venir qu'il  était  dans  une  grande 
erreur  lorsqu'il  pensait  que  quel- 
(jucs  hémistiches  composés  pour  le 
gouvernement  impérial  pourraient 
lui  nuire  dans  l'esprit  de  Louis  XVill. 
Il  se  lia  alors  assez  inîimement  avec 
la  baronne  de  Staël  qui,  traitée  par 
ce  prince  avec  une  extrême  bienveil- 
lance, offrait  une  des  nombreuses 
preuves  que  les  opinions  les  plus 
contraires  à  la  monarchie  ne  lui 
étaietit  point  désagréables.  Ce  fut 
sans  doute  pour  plaire  à  cette  dame 
qu'il  publia  une  longue  dissertation 
sur  les  Scrupules  littéraires  de  ma- 
dame de  Stacl,  ou  Réflexions  sur 
quelques  chapitres  du  livre  De  l'Alle- 
magne (1814,  in-S").  Les  amis  de  la 
baronne  ont  dit  de  cet  ouvrage  qu'il 
était  plein  de  justesse  dans  les  a- 
perçns  et  très-piquant  par  la  forme. 
Voulant  se  réhabiliter  complètement 
dans  le  parti  monarchique,  Soumet 
publia  ensuite  une  Oraison  funèbre 
de  Louis  XYI,  écrite  en  prose  avec 
beaucoup  de  chaleur  et  toute  l'é- 
loquence de  la  conviction.  Il  s'oc- 
cupa en  même  temps  de  son  poème 
épique  sur  Jeatiue  d'Arc,  dont  il  fit 
paraître  des  fragments  remplis  des 
éloges  de  l'ancienne  France.  Cet  ou- 
vrage, qui  n'a  juiru  qu'après  sa  mort, 
est  loin  sans  doute  de  la  perfection 
qn'il  lui  eût  donnée,  s'il  (ût  vécu 
plus  long-temps;  mais,  tel  qu'il  est, 
on  ne  peut  nier  qu'il  n'ait  une  grande 
supériorité  sur  tout  ce  qui  a  été  pu- 
blié dans  le  même  genre.  La  tragé- 
die de  Jeanne  d'Arc  qu'il  donna  en 
1827  n'en  est  qu'une  faible  ébauche. 
Elle  eut  cependant  beaucoup  de 
vogue,  et  nous  la  croyons  bien  snpc- 


sou 

rienre  à  celle  de  d'Avrigny.  Les  an- 
tres pièces  (le  théâtre  qu'a  publiées 
Soumet  ne  sont  pas  moins  remar- 
quables. Nous  cWerons  Clytemnestre, 
1822 5  Elisabeth  qui  eut  un  grand 
succès  et  qui  contribua  beaucoup  à 
le  porter  sur  le  fauteuil  académique, 
où  il  parvint  en  1824  à  la  place 
d'Aignan.  il  avait  été  nommé  par  le 
gouvernement  de  la  Restauration  bi- 
bliothécaire de  Saint-Clond,  puis  de 
Rambouillet,  et  il  le  fut  de  Compiè- 
gne  en  1832  par  Louis  Philippe  au- 
quel il  s'était  rallié,  comme  on  di- 
sait alors.  Il  était  ainsi  dans  une  fort 
belle  position  lorsqu'il  mourut  le 
30  mars  1845.  Son  poème  épique  sur 
Jeanne  d'Arc,  a  été  publié  en  1846, 
par  les  soins  de  madame  d'Alien- 
heim,  sa  fille,  à  qui  il  l'avait  recom- 
mandé en  mourant.  Le  volume  est 
précédé  d'un  Éloge  historique  par 
M.  Deumier.  La  plupart  des  jour- 
naux en  parlèrent  d'une  manière  fa- 
vorable, surtout  M.  Muret  qui  lui 
consacra  plusieurs  articles  dans  la 
Quotidienne.  "Cet  ouvrage,  a-t-il 
«  dit,  est  digne  du  plus  profond  exa- 
«  men  par  la  nature  du  sujet,  par 
«  l'iinportiince  de  l'œuvre  et  par  le 
«  mérite  comme  par  la  renommée  de 
«  l'auteur....  Un  prologue  précède  le 
«  poème  •  c'est  un  double  portrait 
«  des  deux  éternelles  rivales,  de  la 
«  France  et  de  l'Angleterre  person- 
«  nifiées-,  portrait  étincelant  de  co- 
«  loris  et  d'images,  et  brûlant  du 
«plus  énergique  sentiment  de  na- 
«  lionalité.  Certes,  les  vieilles  haines 
«  sans  motif  sont  absurdes  et  déplo- 
.  râbles;  mais  à  force  de  nous  prê- 
•  cher  la  confraternité  de  tontes  les 
«  nations,  certains  docteurs  abdi- 
«  qut  raient  volontiers  leur  propre 
«  patrie.  L'histoire  a  des  leçons  trop 
«  souvent  tracées  en  caractères  de 
.  sang  et  de  fou  qu'il  est  bon  de  ne 


sou 


sou 


401 


<■  pis  oublier.  Honorons  cette  con- 
«  vicli  >n  (le  patriolisine  qui  bi-ille  au 
«  plus  haut  degré  chez  Soumet,  et 
«  qui  se  traduit  avec  tant  d'éclat.  Le 
«  premier  chant  s'ouvre  par  une  (ic- 
«  tion  dont  le  merveilleux  est  tout  à 
"  fait  dans  l'esprit   de  l'épopée  et 

«dans  le   caractère  du  sujet 

Outre  les  ouvrages  de  Soumet  que 
nous  avons  cités,  on  a  de  lui  :  T.  Ma- 
dame de  La  Vallière,  hymne  à  la 
Vierge,  qui  a  remporté  le  prix  à 
r  Académie  des  Jeux-Floraux,  dédiée 
à  madame  Barbier,  Paris,  1811, 
in-8°.  II.  Les  embellissements  de 
Paris^  pièce  qui  a  obtenu  un  acces- 
sit au  concours  de  l'Institut.  Ce  fut 
Millevoye  qui  obtint  le  prix,  Paris, 
1812,  in-80.  III.  La  Pauvre  Fille, 
élégie,  1814,  in-8°.  IV.  La  Décou- 
verte de  la  Vaccine,  poème  cou- 
ronné par  la  seconde  classe  de  l'Ins- 
titut, le  5  avril  1815.  V.  Les  derniers 
moments  de  Bayard^  poème  égale- 
ment couronné  par  l'Institut,  dans 
la  même  séance  que  le  précédent. 
VI.  Saul,  tragédie,  Paris,  1822.  VII. 
La  guerre  d'Espagne,  ode  à  S.  A.  R. 
Monseig.  le  duc  d'AngouIême,  Paris, 
1824,  in-4°.  VIII.  Cléopdtre,  tragé 
(lie,  1825,  \n-8\  IX.  Pharamond, 
opéra  (en  société  avec  MM.  Ancelot 
et  Guiraudl,  1825,  in-S."  X.  Ode  à 
Pierre-  Paul  Riquet^  baron  de  Bon- 
Repos,  aiittur  du  Canal  du  Langue- 
doc, à  ^occasion  de  V obélisque  qui 
lui  est  élevé  par  ses  descendants, 
Paris,  1825,  in- 8°.  XI.  Le  Siège  de 
Corinthe,  tragédie  lyrique  (avec  M. 
Ballochi  ),  Paris,  1826,  in-8°.  XII. 
Êlisabetfi  de  France,  tragédie  en 
cinq  actes  et  en  vers,  1828.  XIII.  Une 
fêle  de  Néron,  tragédie  en  cinq  actes 
(avec  M.  Belmoutet),  1830,  in-8o. 
XIV.  Norma,  (ragédie  en  cinq  actes, 
1831,  in-8".  Soumet  avait  concouru 
à  la  rédaction  du  Conservateur  lilté- 

LXXXII. 


raire,  3  v()l.in-8",  et  à  un  autre  re- 
cueil littéraire,  intitulé  A.aMi/se/ran- 
çaise^  aucjuel  iravailiaicut  aussi  MM. 
Deschamps  et  Victor  Hugo.  M— d  j. 
SOUQUE  (Joseph  -  François)  , 
auteur  dramatique,  né  le  2  septem- 
bre 1767,  adopta  les  principes  de  la 
révolution  et  s'attacha  au  parti  de 
la  Gironde.  Lorsque  ce  parti  fut  pro- 
sent, le  31  mai  1793,  il  accompagna 
Brissot  {voy.  ce  nom  ,  V,  625),  qui 
eu  était  un  des  chefs  ,  et  qui  ten- 
tait de  passer  en  Suisse.  Arrêtés  tous 
deux  à  Moulins,  ils  furent  amenés  à 
Paris  où  Brissot  périt  sur  l'échafaud. 
Souque  ne  recouvra  la  liberté  qu'a- 
près le  9  thermidor.  Le  Directoire  le 
nomma  secrétaire  d'ambassade  en 
Hollande,  et,  sous  l'empire,  il  devint 
secrétaire-général  de  la  préfecture 
du  Loiret,  puis  du  gouvernement  de 
Catalogne.  Le  département  du  Loiret 
l'élut  deux  fois  député  au  corps  lé- 
gislatif; il  y  siégeait  en  1814,  adhéra 
à  la  déchéance  de  Napoléon,  et  resta 
membre  de  la  chambre  des  députés. 
Dans  la  séance  du  9  août,  il  parla  en 
faveur  de  la  liberté  de  la  presse  et 
contre  la  censure.  «Si  l'on  n'imprime 
«  pas  en  France,  dit-il,  on  imprimera 

•  dans  les  pays  voisins.  Ley  censeurs 

•  de  Bonaparte  étaient  des  hommes 
«éclairés,  honnêtes;  cependant  ils 
«  allèrent  plus  loin  que  la  Sorbonne 
«  elle-même.  Il  le  leur  reprocha  pu- 
«  bliquement;  mais  ils  savaient  in- 
«  terpréter  sa  pensée,  et  suivirent 
«  toujours  la  même  marche.  Vous 
«  craignez  les  brochures!  Le  Cabinet 
«  de  Saint-Cloud,  le  pkis  odieux  des 
«  libelles,  n'est- il  pas  en  deux  volu- 
«  mes?»  Dans  la  séance  du  22  octo- 
bre, lors  de  la  discussion  du  projet 
de  loi  concernant  les  biens  non  ven- 
dus des  émigrés,  il  défendit  le  rap- 
porteur de  la  commission,  M.  Bcduch, 
contre  les  attaques  dont  il  était  l'ob- 

26 


402 


SOU 


jet  pour  avoir  fait  au  projet  minislé- 
riol  (ies  inodilications  iniportaiilos. 
A  l\'|)oqiit'  (les  Cenf-Joiirs  de  18l5, 
Souque  fut  encore  envoyé  par  sou 
département  à  la  chambre  des  re- 
présenlauts  qui  fut  dissoute,  ainsi 
que  l'ancienne  chambre  des  députés, 
après  le  second  retour  de  Louis  X  V III 
N'ayant  pas  été  réélu,  il  rentra  dans 
la  vie  privée  et  s'occupa  de  travaux 
littéraires,  particulièrement  de  com- 
positions dramatiques.  11  mourut  à 
Paris  le  14  septembre  1820.  On  a  de 
lui  :  1.  Le  Chevalier  de  Canolle,  ou 
Un  Épisode  de  la  Fronde,  comédie  en 
cinq  actes  et  en  prose,  Paris,  181fi, 
in-8°.  Celte  pièce,  représentée  le  27 
mai  1816  sur  le  théâtre  de  l'Odéon, 
et  sous  le  pseudonyme  de  i(/.  de  Saint- 
Georges,  obtint  un  immense  succès. 
Les  agitations  et  les  intrigues  de  la 
Fronde  y  sont  caractérisées  avec  au- 
tant de  finesse  que  d'exactitude. 
II.  Orgueil  et  vanité,  comédie  en 
cinq  actes  et  en  prose,  représentée 
sur  le  Théâtre-Français  le  V  avril 
1819,  Paris,  1819,  in-8".  Il  y  a  de 
l'intérêt  dans  cette  pièce,  le  style  en 
est  vif  et  spirituel ,  mais  elle  eut 
moins  de  succès  que  la  précédente. 
Souque  a  composé  uuf*  autre  comé- 
die intitulée  François  II,  qui  n'a  été 
ni  représentée  ni  imprimée.  P— rt. 
SOL'RDAT  (  F.-NicoLAS  ) ,  zélé 
royaliste,  né  à  Troyes,  en  juillet  1745, 
suivit  d'abord  le  barreau  au  parle- 
ment de  Paris,  alla  ensuite  exercer 
cette  profession  dans  sa  ville  natale, 
et  y  fut  successivement  contrôleur 
de  la  monnaie,  avocat  du  roi  au 
bailliage,  et  enfin  lieutenant  de  po- 
lice. 11  occuiiait  cette  dernière  place 
à  l'époque  de  la  révolution  dont  il 
se  montra  dès  le  commencement 
l'adveisairc.  Venu  à  Paris  en  1792, 
le  décret  du  11  décembre,  qui  invi 
tait  ceux  qui  voudraient  défendre 


SOU 

Louis  XVI  à  se  présenter,  lui  four- 
nit une  occasion  de  témoigner  son 
altachciiient  à  ce  prince.  Il  écrivit 
en  conséquence  à  la  Convention  na- 
tionale, qui  ordonna  que  sa  lettre 
serait  remise  à  Louis  XVi  ,  avec 
toutes  celles  du  même  Gjenre.  Sour- 
dat,  n'ayant  point  été  choisi  par  le 
roi,  ne  continua  pas  moins  à  s'occu- 
per de  sa  défense,  et  publia,  à  la  de- 
mande de  Malesherbes  ,  deux  mé- 
moires sur  cet  objet  :  le  premier,  in- 
titulé Vues  générales  sur  le  procès 
de  Louis  XVI ,  fut  envoyé  le  24  dé- 
cembre k  la  Convention  ;  et  le  deu- 
xième, ayant  pour  objet  la  défense 
particulière  de  ce  prince  au  sujet  de 
la  journée  du  10  août,  fut  remis 
aussi  à  l'assemblée  ,  le  12  janvier 
1793.  Sourdat  avait  publié,  eu  1790, 
un  pampblet  qui  fut  inséré  dans  les 
Actes  des  Apôtres,  intitulé  :  Les 
Champenois  au  roi,  contenant  le 
parallèle  des  événements  de  1557  et 
de  1789. .On  a  encore  de  lui  un  autre 
ouvrage,  intitulé  :  Les  véritables  au- 
teurs de  la  révolution  de  1789, 
NeufLhâtel,  1797,  \n-H°.  On  trouve 
dans  tous  ces  écrits  des  renseigne- 
ments très- curieux  et  fort  utiles 
pour  l'histoire.  Il  fut  mis  sur  la  liste 
des  émigrés  en  1793  et  rayé  en 
avril  1800,  Sa  femme  et  ses  deux  fil- 
les furent  incarcérées  pendant  onze 
mois,  comme  suspectes,  en  1794. 
Nicolas  de  Sourdat  mourut  vers 
1810.  —  Son  frère  (Charles)  fut, 
comme  lui,  un  zélé  royaliste,  et  ser- 
vit longtemps  dans  les  armées  ven- 
déennes où  il  était  connu  sous  le 
nom  de  Carlos.  Venu  à  Paris  en 
1796,  il  y  fut  attaché  aux  agences 
royales.  Ayant  été  chargé  de  porter 
des  dépèches,  il  lut  arrêté  à  Calais 
et  comparut  dans  l'affaire  deLaville- 
heurnoy.  Traduit  au  conseil  de 
guerre  avtc  ce  dernier,  il  se  défen- 


sou 


sou 


403 


(lit  avec  beaucoup  de  pr(^«ence  cVes- 
prit  et  fut  acquitté.  Il  se  rendit  alors 
en  Angleterre,  puis  reiomua  dans 
la  Vendée  où  il  servit  encore  sous 
les  ordres  de  Bourmont.  Lorsque  ce 
général  prit  du  service  sous  le  gou- 
vernement impérial  ,  Charles  de 
Sourdat  continua  de  lui  rester  atta- 
ché ,  et  le  suivit  en  Italie.  Doué 
d'une  grande  valeur,  il  se  distingua 
dans  plusieurs  occasions  et  parvint 
au  grade  de  lieutenant-colonel  avec 
le  titre  d'officier  de  la  Légion- 
d'Honneur.  On  doit  penser  avec 
quelle  joie  il  vit  le  retour  des  Bour- 
bons. Il  était  employé  à  l'état-major 
de  la  place  de  Paris  en  1817,  et  il 
faisait  partie  du  cortège  du  roi  lors- 
qu'il tomba  de  cheval  et  se  cassa  la 
jambe.  Quinze  jours  après  cet  acci- 
dent, il  fut  mis  à  la  retraite,  et  au 
milieu  du  triomphe  de  cette  monar- 
chie des  Bourbons,  que  lui  et  les 
siens  avaient  si  bien  servie,  il  mou- 
rut dans  l'oubli  et  peut-être  dans  le 
besoin,  oblitus  cunclGrum^  oblivis- 
cendus  et  illis.  M— Dj. 

SOUIiDÉAC  (  Alexandue  de 
RiEUX,  marquis  de),  fils  de  Guy  de 
Rieux,  premier  écuyer  de  Marie  de 
Médicis ,  fut  ,  avec  l'abbé  Perrin 
{voy.  ce  nom,  XXXIII,  424),  l'un  des 
fondateurs  de  l'opéra  en  France.  Son 
père,  ayant  suivi  à  Bruxelles  la  reine- 
mère  exilée,  vit  tous  ses  biens  sai- 
sis; mais  le  cardinal  de  Richelieu 
les  fit  ensuite  rendre  au  marquis. 
Nous  trouvons  dans  les  mémoires  de 
Tallemant  des  Réuux,  qui  sont  une 
mine  ini'puisable  pour  l'histoire 
anecdoiique  du  temps,  quelques  do- 
cuments curieux  sur  le  caractère 
et  les  occupalions  du  marquis  de 
Soiirdéac  :  «  11  demeure  au  château 
"  de  Neufbourg  en  Normandie  (pro- 
«  venant  de  la  succession  de  sa  mère). 
<•  C'est  un  original  ;  il  se  fait  courir 


«  par  ses  paysans,  comme  on  court 
«  un  cerf,  et  dit  que  c'est  pour  faire 
«  exercice.  Il  a  de  l'inclinaison  aux 
«  mécaniques  ;  il  travaille  de  la  main 
«admirablement;  il  n'y  a  pas  un 
«  meilleur  serrurier  au  monde.  Il  lui 
«  a  pris  une  fantaisie  de  faire  jouer 
«  chez  lui  une  comédie  en  musique, 
«  et  pour  cela  il  a  fait  faire  une  salle 
«qui  lui  coûte  au  moins  dix  mille 
«  écus.  Tout  ce  qu'il  a  fait  pour  le 
«  théâtre,  pour  les  sièges  et  les  ga- 
«  leries,  s'il  n'y  travaillait  lui-même 
"  lui  reviendrait,  dit-on,  à  plus  de 
«  deux  fois  autant.  Il  avait  fait  faire 
«  pour  cela  une  pièce  par  Corneille, 
«  elle  s'appelle  les  Amours  de  Médée; 
•  mais  ils  n'ont  pu  convenir  de  prix. 
«  C'est  un  homme  riche  et  qui  n'a 
«  pas  d'enfants  (1).  »  Tallemant  écri- 
vait ceci  en  1G58  ou  1659;  mais  le 
marquis  ma-hiniste  et  le  poète  se 
rapprochèrent  depuis  lors  ,  et  la 
Toison  d'Or  de  Corneille,  représen- 
tée avec  beaucoup  de  pompe  au  châ- 
teau de  Neufliourg  par  la  troupe  du 
Marais,  en  1660,  fut  ensuite  jouée  à 
Paris,  en  présence  du  roi  et  de  toute 
la  cour.  Le  savant  éditeur  de  Talle- 
mant des  Réaux  observe  avec  raison 
que  celte  tragédie  à  machines  ,  à 
scènes  entremêlées  de  chants, n'était 
pas  encore  l'opéra,  mais  un  genre 
intermédiaire.  S'il  faut  s'en  rappor- 
ter à  ce  que  dit  Voltaire  (2),  le  mar- 
quis de  Sourdéac  se  ruina  entière- 
ment pour  l'établissement  de  l'opéra, 
et  mourut  pauvre  et  malheureux 
pour  avoir  trop  aimé  les  arts.  Talle- 
mant des  Réaux  était  dans  l'erreur 
lorsqu'il  dit  que  le  marquis  de  Sonr- 


(i)  Historiettes  de  Tallemant  des  Réaux, 
deuxième  édilion,  Paris,  184.0,  in-ia,  tome 
IX,  pHges  igS  et  194. 

(2)  Commentaires  sur  Corneille,  Pré/ace  de 
la  Toison  d'Or  t  m.  IJ,  p.  220,  de  l'éditiou 
de  Kel.l, 


26. 


404 


SOU 


ileac  n'avait  pas  dVnfaiits.  De  son 
mariage  avec  Hélène  f!c  Clère,  il  eut 
deux  fils  et  deux  filles  qui  furent 
chanoinesses  de  Reruiremonf.  Le 
marquis  de  Sourdeac  mourut  le  7 
mai  1695.  L— m-x. 

SOrilDEVAL  (Andp.é  de),  d'une 
famille  de  Normandie,  naquit  au  cliâ- 
teau  deSourdeval,  prèsMortiiiu,  dans 
les  premières  années  du  XVl'^  siècle; 
il  fit  la  plupart  des  guerres  du  règne 
de  François  1^'',  et  s'y  acquit  une  ré- 
putation  de  bravoure  et  de  talent 
telle  que  l'empereur  Charles-Quint 
lui  fit  faire  des  oiïres  brillantes  pour 
l'attacher  à  son  service,  mais  ces  of- 
fres furent  repoussées  avec  iudigm- 
tion.  Après  la  mort  de  François  l^"" , 
il  devint  gouverneur  de  Belle-Isle- 
«■n-Mer.  Sa   correspondance  avec  le 
duc  d'Estampes,  gouverneur  de  Bre- 
tagne, a  été  conservée  en  partie  aux 
archives  de  Penthièvre,  et  publiée  par 
dom  Morice,  en  ses  Preuves  de  l'His- 
toire de  Bretagne.  Elle  témoigne  des 
tribulations  i\u  gouverneur  et  des 
ressources  qu'il    lui  fallait  trouver 
dans  son  esprit,  à  défaut  de  mo\ens 
maiérifls-,  sans  cesse  assailli  par  les 
Anglais  qui  se  présentaient  quelque- 
fois avec  [des  forces  imposantes,  il 
les  contraignit  toujours  de  se  rem- 
barquer et   leur   brûla    nombre  de 
vaisseaux  ]   cependant   la    garnison 
sous   ses  ordres    était  insullisanle, 
mal  entretenue  et  mal  payée;  il  sem- 
blait même  que  l'on  spéculât  sur  sa 
bravoure  et   son   intelligence   pour 
suppléer  k   la   solde:  •  J'ai    baillé 
comptant  1732  livres  tournois,  écri- 
vait au  duc  d'Estampes  le  trésorier 
]V!allef  ;  j'ai  tant  de  fimce  en  M.  de 
Sourdevdl,qu'il  engagera  ses  barque- 
busiers  à  se  contenter  <le  cette  som- 
me, et  qu'il  les  aiiaisera.  »  Pemlatit 
.  qu'AndrédeSourdeval  était  ainsi  aux 
prises  avec  des  diflicultés  de  loute 


SOU 

sorte,  avec  les  Anglais  qui  l'alfa- 
quaient  sans  relâche,  avec  ses  soldats 
qui  se  révoltaient  faute  de  paie,  et 
avec  les  bourgeois  de  Belle-lsie  qui 
refusaient  d'héberger  et  nourrir  1rs 
soldats  sans  argent,  on  répondait  de  la 
cour  à  toutes  ses  plaintes,  en  lui  re- 
connnandani  de  faire  ramasser  sur 
le  rivage  des  corneilles  à  bec  rouge, 
et  de  les  envoyer  à  Paris,  pour  «  l'a- 
musement de  madame  la  royne-mère.» 
AndrédeSourdeval  reçut  lecollierde 
l'ordre  de  Saint-Michel;  il  fut  dé- 
puté de  la  noblesse  de  Normandie 
aux  États  de  Blois,  en  1576,  et  il 
mourut  peu  d'années  après  dans  son 
gouvernement  de  Belle-Isle.  Le  scel 
apposé  à  ses  lettres,  conservées  aux 
archives  de  Penthièvre,  a  servi  de 
base  pour  établir,  au  musée  histori- 
que de  Versailles,  l'écussondeRobert 
de  Sourdeval,  croisé  en  1096.       Z. 

SOURE  (D.  Juan  da  Costa,  comte 
de) ,  général  portugais,  né  en  1610, 
dans  le  Portugal,  à  l'époque  où  les 
Espagnols  y  (lominaient ,  emijrassa 
la  profession  des  armes  et  s'y  fit  re- 
marquer par  son  habileté  et  son  cou- 
rage. Lorsque  l'on  conspira,  pour 
soustraire  ce  pays  à  la  domination 
castillane  et  replacer  les  rois  légi- 
times sur  le  trône,  l'un  des  princi- 
paux conjurés,  Dom  Antoine  d'Al- 
mada,  lui  fit  part  du  complot  qui  se 
tramait ,  et  l'engagea  à  y  entrer. 
Costa  repoussa  d'abord  cette  propo- 
sition. «Votre  entreprise,  dit-il,  est 
«  la  plus  dangereuse  qu'on  puisse 
«  tenter.  Vous  n'avez  pour  la  soute- 
.  nir  ni  armée  de  mer,  ni  armée  de 

•  terre.  Au  moindre  mouvement  que 
«  vous  ferez ,  vous  serez  écrasés  de 
«  troupes  castillanes;  le  peuple,  sur 

•  (|ui  vous  comptez,  vous  abaudon- 
"  nera  lâchement.  Le  duc  de  Bragan- 
«ce  lui  même  trouvera  le  moyen  de  se 
.  réconcilier  avec  la  cour  de  Castille; 


sou 


sou 


iOi 


«  et  notis,  nous  demniircrons  les  vic- 
«tiines  qu'elle  sacrifiera  à  sa  ven- 
«  geance  sous  prétexe  d'assurer  le 
«  repos  (le  i'Élat.  Je  regarde  doue 

•  votre  entreprise  comme  un  preci- 
"  pice  que  vous  creusez,  et  dans  le- 
«  quel  vous  allez  vous  j)crdre  infail- 
«  liblement.  »  A  ces  mots,  d'Almada, 
transporté  de  fureur,  traita  Costa  de 
lâche,  d'indigne  Portugais.  «Ta  fausse 

•  probité,  lui  dit-il,  m'a  séiluil;  uiais 
«si  elle  m'a  arrache  mou  secret,  il 

•  faut  que  ma  main  t'arrache  la  vie.-» 
Dom  Juan,  effrayé  de  ces  menaces, 
promit  de  faire  partie  de  la  coujura- 
tion,  et  jura  qu'il  lui  garderait  un 
inviolable  secret.  D'Almada  s'apaisa. 
Toutefois  il  lui  resta  des  craintes 
qu'il  uanifesta  aux  conjures,  et  qui 
pensèrent  faire  ajourner  l'explosion 
du  complot.  Ces  craintes  étaieut  chi- 
mériques-, on  ne  larda  pas  à  le  re- 
connaître ;  car  Juan  da  Costa  ,  fidèle 
à  la  voix  de  la  patrie ,  fut  un  de 
ceux  qui  uioutrèrent  le  plus  d'ar- 
deur. Quand  les  coujurés  se  rendi - 
rcnt  chez  la  vice-reine  du  Portugal 
pour  lui  annoncer  la  révolution  qui 
éclatait ,  il  se  joignit  à  eux,  et  ccm- 
tiibua  de  tout  son  pouvoir  au  succès 
de  cette  révolution.  Aussitôt  qu'il  fut 
monté  sur  le  trône  de  ses  ancêtres 
(I()iO),  le  duc  de  Bragance  (Jean  IV) 
se  hâta  de  récompenser  les  auteurs 
de  sa  fortune.  Costa  de  Soure  fut 
créé  mestre-de-camp.  Le  roi  d'Espa- 
gne (Philippe  IV),  ayant  appris  le 
soulèvement  du  Portugal,  essaya  de 
le  réprimer  ;  mais  il  était  trop  tard  ; 
il  n'avait  rien  su  prévoir.  Les  Castil- 
lans commencèrent  les  hostilités  lors- 
que déjà  le  légitime  roi  du  Portugal 
avait  préparé  tous  les  moyens  de  dé- 
fense. Les  Espagnols,  après  avoir  été 
forcés  de  lever  honteusement  le  siège 
d'Olivença,veuaient  de  commettre  de 
moHSti'ueuses  cruaMtés  sur  les  habi- 


tants de  Sainte-Eulalie.  Le  lendemain, 
Juan  da  Costa,  réuni  à  Alvarès  Bar- 
buda ,  alla  les  attendre  en  embus- 
cade. L'enneuii ,  lier  de  sa  honteuse 
victoire,  chantait  et  dansait  aux  sons 
des  flûtes  et  des  guitares.  Costa  le 
chargea,  le  tailla  eu  [lièces  et  le  mil 
en  fuite.  Ce  succès  cull.jmma  le  cou- 
rage des  Portugais.  Quelques  jours 
après  les  Espagnols,  en  nombre  su- 
périeur,voulant  se  venger  de  l'affront 
qu'ils  avaient  reçu,  leur  tendirent 
un  piège  aux  environs  d'Elvas  ;  mais 
le  prudent  Costa  sut  éviter  ce  piège 
et  s'empara  des  hauteurs  environ- 
nantes, d'où  il  força  l'ennemi  à  se 
jeter,  pour  sa  sûreté,  dans  la  place 
de  Badujoz.  Devenu  général  d'artil- 
lerii*,  il  montra,  au  siège  du  château 
d'Alconchel,  une  rare  hab  leté.  Du- 
rant plusieurs  jours  de  suite,  il  (it 
tirer  contre  ce  château,  non  qu'il  se 
flattât  d'y  faire  brèche,  mais  parce 
qu'il  espérait  effrayer  les  femmes 
et  les  enfants.  Son  espoir  ne  fui  pas 
trompé.  Par  le  moyen  d'iuie  mine,  il 
fit  sauter  une  tour  qui  incommodait 
fort  les  Portugais,  et  qui  détermina 
les  défenseurs  du  châteauà  capituler. 
En  1650  il  commandait  dans  la  pro- 
vince d'Alentéjo.  A  cette  époque  de 
la  guerre  que  les  Portugais  soute- 
naient glorieusement  contre  les  Es- 
pagnols, il  n'y  avait  aucun  général 
qui  ne  cherchât  journellement  à  si- 
gnaler son  dévouement  à  la  cause  de 
la  patrie  et  du  roi.  Costa,  voulant 
témoigner  le  sien  par  quelque  action 
d'éclat,  se  mit  en  campagne  à  la  tète 
de  deux  mille  hommes  d'infanterie 
et  de  deux  cents  chevaux.  S'étant 
avancé  vers  deux  collines  nommées 
les  Deux-Soleils,  lesquelles  étaient 
également  éloignées  d'Albuquerque 
et  de  Badajoz,  il  fit  piller  et  incen- 
dier les  bourgs  d'Arrojo  et  de  Mal- 
partida.  Comme  il  s'y  attendait,  ses 


406 


SOU 


troupes  fiircnl  poursuivies. Toutd'un 
coup  il  sortit  d'une  embuscade,  fon- 
dit sur  les  Espagnols  et  les  mit  en 
déroute.  Il  les  poursuivit  ensuite 
jusque  sous  le  canon  d'Albuquerque 
et  ne  s'en  retourna  qu'après  avoir 
coinmisquelques  dégâts  aux  environs 
de  cette  ville.  Il  n'avait  pu  attirer 
l'ennemi  au  combat.  Cependant , 
après  tant  d'honorables  succès,  Costa 
parut  voir,  l'iinnée  suivante,  avec 
une  inexplicable  indifférence,  les  ra- 
vages de  la  province  même  où  il 
commandait.  Cette  conduite  honteuse 
ternit  sa  réputation  ;  mais  il  sut  bien- 
tôt la  reconquérir.  Sorti  de  sa  lé- 
thargie, il  rassembla  à  la  hfile  mille 
cavaliers  et  trois  cents  fantassins, 
qu'il  envoya,  sous  la  conduite  de  l'un 
de  ses  meilleurs  lieutenants,  contre 
Salvîilerra.  La  place  fut  emportée 
d'assaut,  toute  la  garnison  faite  pri- 
sonnière et  le  château  démoli.  Les 
troupes  de  Costa  revinrent  à  Oli- 
vença  chargées  de  butin.  Ce  fut  en 
1652  que  Jean  da  Costa  fut  honoré 
parle  roi  du  titre  decomtede  Suure. 
Il  sut  justilier  cclt-'  récompense  par 
un  nouveau  service  rendu  à  son 
prince  ;  il  dirigea  jusque  sous  le  ca- 
non de  Badajoz  une  troupe  de  1,500 
chevaux  à  laquelle  il  ordonna  d'at- 
taquer l'ennemi.  Après  quelques  ins- 
tants de  combat  les  Portugais  recu- 
lèrent; mais  d'autres  troupes  arri- 
vèrent bientôt  qui  rétablirent  le 
combat.  L'ennemi  fut  complètement 
battu.  Le  général  donna  des  éloges 
à  ceux  de  ses  soldats  qui  avaient 
fait  leur  devoir,  et  punit  avec  sévé- 
rité ceux  qui  s'étaient  lâchement 
conduits.  Il  ne  cessa  plus  de  donner 
des  preuves  de  vigilance,  de  courage 
et  d'habileté,  et  souvent  encore  il  se 
distingua  dans  d'importantes  affai- 
res.  Cependant  la  guerre  contre  l'Es- 
pagne avançait  peu.  Le  roi  de  Por- 


sou 

tugal,  souhaitant  de  voir  enfin  la 
paix  s'établir,  défendit  à  ses  troupes 
d'insulter  davantage  le  territoire  es- 
pagnol^ dans  l'espoir  que  l'ennemi 
imiterait  cette  modération.  Il  résulta 
de  cette  mesure  des  inconvénients 
que  Jean  IV  s'obstinait  à  ne  point 
voir.  L'armée  se  débatida,  les  liens 
de  la  discipline  se  relâchèrent  ;  les 
soldats,  ne  trouvant  plus  où  piller 
chez  l'ennemi,  pillèrent  dans  leur 
propre  patrie.  Ils  massacraient  les 
paysans  et  furent  massacrés  à  leur 
tour.  Le  comte  de  Soure  vit  avec 
effroi  cet  état  de  choses  ;  il  en  lit  au 
roi  un  tableau  plein  de  franchise  et 
de  vivacité,  et  il  eut  la  gloire  de  le 
déterminer  à  révoquer  ses  funestes 
ordres.  Ainsi  Costa  savait  servir  sa 
patrie  par  ses  conseils  comme  par  sa 
valeur.  Il  fut  incontestablement  l'un 
des  généraux  les  plus  célèbres  et 
les  plus  utiles  du  roi  Jean  IV.  Il  lui 
arriva  une  fois  d'oublier  les  devoirs 
de  général  •,  mais  il  répara  sa  faute 
en  homme  de  cœur  et  de  Icte.  En 
1659  il  fut  envoyé  en  ambassade  à  la 
cour  de  France.  Comme  la  guerre 
continuait  entre  le  Portugal  et  l'Es- 
pagne, et  que  le  premier  de  ces 
États,  malgré  d'assez  brillants  suc- 
cès, se  trouvait  épuisé  d'hommes  et 
d'argent,  Costa  était  chargé  de  de- 
mander au  cabinet  français  un  se- 
cours de  quatre  mille  soldats  et  de 
mille  chevaux,  et  de  lui  rappeler  la 
promesse  qu'il  avait  si  souvent  faite 
de  se  liguer  avec  le  Portugal  contre 
l'Espagne.  Parti  de  Lisbonne  le  13 
avril,  il  arriva  le  4  juin  suivant  à 
Paris.  C'était  le  temps  où  le  cardinal 
Mazarin  suivait  avec  l'Espagne  une 
négociation  relative  au  .mariage  de 
son  maître  (Louis  XIV)  avec  l'in- 
fante doua  Marie-Thérèse,  fille  de 
Philippe  IV^  Costa  se  présentait 
dans  une  circonstance  peu  favorable. 


sou 


sou 


407 


II  eut  néanmoins  avec  le  cardinal 
une  enlroviie  dans  laquelle  il  lui  re- 
pre'senta  qu'il  était  de  l'intérêt  de  la 
France  que  le  Portugal  ne  fiit  pas 
uni  à  riîspagne,  appuyant  cette  as- 
sertion de  tous  les  raisonnements 
propres  à  ébranler  le  ministre.  Ce- 
lui-ci, après  l'avoir  écouté  attenti- 
vement, lui  répondit  qu'il  était  de 
la  dernière  importance  pour  la  Fran- 
ce de  traiter  avec  l'Espagne;  qu'elle 
avait  besoin  de  la  paix  pour  le  réta- 
blissement de  son  commerce,  qu'en 
tout  temps  elle  s'était  intéressée  au 
Portugal,  et  qu'elle  lui  en  donnerait 
la  preuve  en  tâchant  de  lui  envoyer 
le  secours  demandé,  mais  de  ma- 
nière à  ne  se  point  compromettre. 
L'ambassadeur,  augurant  mal  de 
cette  réponse,  publia,  peu  de  jours 
après,  un  manifeste  où  il  s'efforçait 
de  démontrer  que  la  France  ne  devait 
point  traiter  avec  l'Espagne  sans  le 
Portugal.  Ce  manifeste,  écrit  avec 
véhémence,  circula  dans  le  public  et 
obtint  des  applaudissements.  Mazarin 
en  lit  exprimer  son  mécontentement 
au  comte  de  Soure  et  le  menaça  de 
se  plaindre  à  la  cour  de  Portugal. 
L'ambassadeur  répondît  énergique- 
ment  qu'en  soutenant  les  droits  fin 
roi,  son  maître,  il  n'avait  pas  cru 
compromettre  le  repos  public.  Le 
cardinal,  peu  satisfait  de  cette  ré- 
ponse, adressa  d'inuUles  plaintes  à 
lu  reine  de  Portugal  (Louise  de  Guz- 
man,  régeiite  pendant  la  minorité 
d'Alphonse  VI).  Celte  princesse  ap- 
prouva la  conduite  de  son  ambas- 
sadeur. Cependant  le  comte  de  Soure 
suivit  AJazarin  à  Saint-Jean-de-Luz 
où  on  allait  traiter  de  la  paix  avec 
l'Espagne,  pour  tâcher  d'y  laiie 
comprendre  le  Portugal.  Dans  une 
nouvelle  entrevue  qu'il  eut  avec  le 
cardinal ,  il  put  aisément  se  con- 
vaincre que  tous  ses  efforts  seraient 


vains  pour  obtenir  l'important  objet 
de  sa  demande.  Il  fut  transporté 
d'indignation  quand  il  eut  connais- 
sance des  conditions  ignominieuses 
auxquelles  sa  patrie  jouirait  de  la 
paix  dont  elle  avait  tant  besoin. 
Elles  portaient  que  le  Portugal  se- 
rait remis  dans  la  situation  où  il  se 
trouvait  en  1640,  (jue  la  maison  de 
Bragance  serait  maintenue  dans 
tous  ses  honneurs,  et  que  la  France 
interposerait  ses  bons  oflices  pour 
procurer  aux  ducs  de  cette  maison 
la  vice-royauté  perpétuelle  du  Por- 
tugal. Le  comte  de  Soure  alla  trou- 
ver le  ministre  et  lui  assura  que  son 
maître  n'accepterait  jamais  de  pa- 
reilles conditions.  Mazarin  lui  fit 
observer  qu'on  serait  peut-être 
moins  difficile  à  Lisbonne  qu'il  ne 
l'était  à  Saint-Jean  de-Luz,  attendu 
que  le  Portugal  n'avait  de  secours  à 
espérer  d'aucun  côté.  Telle  fut  la 
triste  issue  de  l'ambassade  du  comte 
de  Soure.  Que  pouvait-il  attendre 
d'un  ministre  qui,  ii  l'exemple  de 
tant  d'hommes  d'État,  sacrifiait  tout 
aux  intérêts  de  son  ambition?  Ce- 
pendant le  cabinet  de  Versailles  per- 
mit que  six  cents  officiers  accompa- 
gnassent en  Portugal  le  comte  de 
Scliomberg  {votj.  ce  nom,  LXXXI, 
3G9)  pour  y  prendre  du  service.  Le 
comte  de  Soure  revint  à  Paris  pour 
régler  cette  affaire;  puis  il  retourna 
dans  sa  patrie  après  avoir  reçu  des 
présents  du  roi  et  même  du  cardinal 
comme  un  témoignage  de  leur  es- 
time pour  sa  personne.  A  son  retour 
il  Lisbonne,  il  fut  nommé  l'un  des 
gentilshommes  de  la  chambre  de 
l'infant,  frère  du  roi  (don  Pedro  qui 
régna  par  la  suite  sous  le  nom  de 
Pierre  II  ).  Il  exerça  cette  charge 
pendant  deux  ans,  et  mourut  à  Lis- 
bonne en  lG()î,âgé  de  57  ans.  Peu 
de  temps  avant  sa  mort,  il  avait 


4u8 


SOU 


siil)i  lin  oxil  à  Loulé,  victime  des  in- 
trigues (le  quelques  lâches  courti- 
sans qui  avaient  trompé  la  reine- 
régente  sur  son  compte.  Don  Juan 
di  Costa,  comte  de  Soure,  laissa  en 
mourant  la  réputation  d'un  homme 
plein  d'amour  pour  son  prince  et  sa 
pairie,  de  fidélité  dans  ses  amitiés, 
de  probité,  de  désintéressement  et 
de  religion.  11  joignait  à  ces  qualités 
précieuses  une  rare  vivacité  d'esprit, 
des  manières  nobles  et  une  élocution 
facile  On  a  vu  quel  courage  et  quelle 
intelligence  il  déployait  dans  les 
combats.  Ce  qui  achève  de  l'honorer 
aux  yeux  de  la  postérité,  c'est  qu'à 
l'époque  de  son  ambassade  en  France 
il  inspira  une  haute  opinion  de  son 
mérite  à  des  personnages  illustres, 
parmi  lesquels  était  le  grand  Tu- 
renne.  F— A. 

SOURIGUIÈHES  de  Saint-Marc 
(J.-M.),  auteur  dramatique,  né  vers 
1767,  dans  les  environs  de  Bordeaux, 
vint  fort  jeune  à  Paris,  où  il  fré- 
quenta fort  assidûment  les  specta- 
cles. Le  29  septembre  1791  il  lit  re- 
présenter une  tragédie  sur  le  théâtre 
du  Marais,  où  jouaient  alors  dans  des 
rôles  subalternes  deux  hommes  de- 
venus plus  tard  célèbres  (le  duc  De- 
cazes  et  le  maréchal  Gouvion-Saint- 
Cyr).  Cette  tragédie,  en  cinq  actes  et 
en  vers,  était  intitulée  :  Artémidore, 
on  le  Roi  fi7o?/cîi  (1);  mais  elle  eut 
peu  de  succès,  quoiqu'elle  fût  écrite 
dans  les  idées  du  jour.  Souriguicres 
était  d'ailleurs  bien  loin  d'approuver 
les  excès  et  les  crimes  de  la  révolu- 
tion. Après  la  chute  de  Robespierre, 
il  composa,  sous  le  titre  de  Réveil 

(i)  Elle  iivait  d'abord  été  annoncée  sous 
le  tili  c  iï/irlémiiiore,  on  la  Révolution  de  Sj-- 
racuse  ;  mais  elle  fut  représentée  sous  celui 
que  nous  indiquons  ici  Celle  pièce  n'a  pas 
élc  iniprixnce;  l.i  jnemiiie  S'ène  reniement 
a  été  in^érce  dnni  le  recueil  de  la  Société 
Qatioaale  des  neuf  sœurs  (1792.) 


SOU 

du  peuple,  des  strophes  que  Gaveaux 
{voy.  ce  nom,  LXV,  184)  mit  en  mu- 
sique, et  qui  retentirent  sur  tous  les 
points  de  la  France.  On  les  chantait 
dans  les  rues,  sur  les  théâtres,  et  à 
ces  paroles  : 

Mânes  plaintifs  de  l'innocmce, 
Apaisez-Tous  diius  vos  tombeaux, 

les  spectateurs  s'agenouillaient  en 
versant  des  larmes  au  souvenir  de 
tant  de  victimes  immolées  sons  la 
hache  de  la  terreur  ;  et  ce  fut  souvent 
par  opposition  aux  vers  saiiguinain  s 
de  la  Marseillaise  que  le  parti  de  la 
réaction  se  livra  aux  mêmes  excès, 
en  prononçant  ces  deux  autres  vers  : 

Et  que  le  cri  de  la  vengeance 
Fasse  eufla  pâlir  vos  bourreaux. 

C'est  à  cette  production  bien  plus 
qu'à  ses  autres  ouvrages  que  Souri- 
guières  a  dû  sa  réputation.  En  1796 
il  donna,  au  théâtre  Feydeau,  Myr- 
rha,  tragédie  en  3  actes,  en  vers,  et 
Céliane,  comédie  en  1  acte,  en  prose, 
mêlée  d'ariettes;  mais  ces  deux  piè- 
ces réussirent  peu.  Il  fut  plus  heu- 
reux au  théâtre  Louvois,  où  une 
comédie  en  1  acte,  en  vers,  imitée 
de  l'allemand,  qu'il  y  fit  représenter 
en  1797,  obtint  un  succès  mérité; 
elhe  est  intitulée  :  Cécile,  on  la  Re- 
connaissance, et  a  e'té  imprimée , 
Paris,  an  V  (1797),  in-8°.  Dans  le 
même  temps  il  coopérait,  avec  Beau- 
lieu  {voy.  ce  nom,  LVll,  397),  à  la 
rédaction  du  Miroir,  journal  d'op- 
position royaliste,  qui  fut  supprimé 
le  18  fructidor,  et  dont  les  rédacteurs 
furent  condamnés  à  la  déportation, 
mais  parvinrent  à  s'y  soustraire. 
Après  le  18  brumaire,  Souriguicres 
put  reparaître  sans  danger  et  continua 
de  travailler  pour  la  scène  avec  des 
chances  diverses.  Il  donna  au  théâtre 
Feydeau  :  Avis  au  public,  ou  le  Phy- 
sionomiste en  défaut,  opéra  comique 
an  2  actes  (composé  avec  Dc-saugiers), 


sou 

Paris,  1807,  iti-.S";  VEnfant  prodi- 
gue, en  3  actes  el  en  vers  (avec  Ri- 
boutté),  Paris,  1811,  in-8°.  Ces  deux 
pièces  furent  bien  accueillies.  Il  n'en 
fut  pas  de  même  de  ses  tragédies 
CCOctavie  et  de  Yitdlie,  représentées 
au  Théâtre-Français  en  1806  et  en 
1809,  et  qui  tombèrent  l'une  et  l'au- 
tre. Octavie  pourtant  est  assez  bien 
écrite,  et  Saint-Prix  y  jouait  admi- 
rableuient  le  rôle  de  Sénèque  ;  elle  a 
élc  impriuiée,  Paris,  180G,  in-S";  Fi- 
teliie  est  restée  inédite.  Outre  des 
Chansons  patriotiques,  insérées  dans 
plusieurs  recueils,  on  a  encore  de 
Souriguières  le  Second  Réveil  du 
peuple^  qu'il  composa  en  1814,  après 
la  chute  de  l'empire  (in-S**  de  8  pa- 
ges), mais  qui  n'eut  pas  le  succès  du 
premier;  les  circonstances  étaient 
toutes  différentes.  Depuis  lors  il  ne 
publia  plus  rien.  Les  fréquents  échecs 
littéraires  qu'il  essuya  donnèrent 
lieu  à  ce  jeu  de  mots  épigrammati- 
que  : 

ïu  suuris  à   tes  vers,   mon   pauvre  Souii- 

[  guièies, 

Mais  qiiuud  tu  leur  souris  on  ne  leur  sourit 

guères. 

Chénier  décocha  aussi  contre  lui 
quelques  traits  de  satire,  et  proba- 
blement la  dissidence  d'opinions  po- 
litiques ne  fut  pas  étrangère  à  ces 
attaques.  Souriguières,  lié  avec  les 
premiers  acteurs  du  Théâtre-Fran- 
çais, qu'il  fréquentait  assidûment, 
avait  acquis  une  grande  expérience 
dans  l'art  de  la  déclamation,  et  il 
donnait  de  bons  conseils  aux  élèves. 
D'heureuses  opérations  linancières, 
entreprises  avec  son  ami  Riboutté 
(  voy.ce  nom,  LXXIX,  45),  lui  avaient 
procuré  une  certaine  aisance;  mais 
il  était  presque  oublié  comme  homme 
de  lettres,  et  lui-nicme  ne  s'occupait 
plus  de  littérature,  lorsqu'il  mourut 
à  Paris  en  mars  1837,       M— u  j.. 


SOU 


409 


SOUTHEY  (Robert),  poète  lau- 
réat, historien  et  littérateur  anglais, 
naquit  le  12  août  1774  ii  Rrislol,  où 
son  père   faisait  le   commerce    des 
toiles.  Sa  tante  maternelle,  miss  Ty- 
1er,  prit  un  soin  particulier  de  son 
éducation,  et  lui   lit  lire  de  bonne 
heure   les  auteurs    classiques.  Ces 
lectures  lui  inspirèrent  un  goût  très- 
vif  pour  les  belles-lettres  et  surtout 
pour  la  poésie.  H  composa  dès  Tà^c 
de  14  ans  d'assez  bons  vers  anglais, 
mais  il  réussit  mal  dans  la  poésie 
laliiie.   Après   avoir   commencé   ses 
études  sous  un  savant  ministre  ana- 
baptiste (M.  Foote)  et  passé  deux 
ans  à  l'école  de  Carston,  il  entra  en 
1787  à  celle  de  Westminster  ;  mais 
d'un  caractère  insoumis  et  turbu- 
lent, il  prit  part,  en  1792,  à  l'insu- 
bordination des  élèves  contre  le  doc- 
teur Vincent,  leur  maître,  et  fut  cen- 
suré par  les  directeurs  de   l'école. 
Cependant  sa  famille,  le  destinant  à 
l'état  ecclésiastique,  l'envoya,  dans 
la  même  année,  au  collège  de  Baliol 
à  Oxford.  Comme  la  fortiuie  de  sim 
père  était  dérangée,  son  oncle,   le 
révérend  Hill,  et  sa  tante,  miss  Ty- 
1er,  pourvurent  à  son  entretien.  Ils 
avaient  l'espoir  que  Robert  Southey 
deviendrait  ce  qu'on  appelle  en  an- 
glais un  bon  scholar  et  l'ornement 
de  l'université  ;  mais  il  en  fut  tout 
autrement.  Les  principes  de  la  ré- 
volution française  s'étaient  répan- 
dus en  Angleterre.  De  graves  per- 
sonnages  furent   séduits  par  celte 
perspective  d'égalité,  de  fraternité, 
de  liberté  qu'on  leur  montrait.  Est-il 
étonnant  que  déjeunes  tètes  fussent 
tournées    par  cette   brillante    clii- 
mère?  Southey  et  quelques-uns  de 
ses  camarades  perdirent  le  goût  des 
études  et  ne  révèrent  que  révolu- 
lion.  Le  jeune  poète  sentit  le  besoin 
de  jeter  sur  le  pajjier  les  nouvelles 


410 


SOU 


idées  qui  avaient  embrase^  son  ima- 
gination et  composa  le  poème  dra- 
matique de  Wat-Tyler,  dans  lequel 
il  célèbre  des  insurges  anglais  du 
XIV  siècle,  qui  parlent  et  agissent 
comme  des  démagogues  de  1793.  Le 
r.iit  est  historique,  mais  la  mise  en 
scène  appartient  à  Fauteur.  Le  roi  et 
un  archevêque  y  jouent  des  rôles 
odieux,  conune  on  doit  s'y  attendre. 
Cette  cifusion  d'utie  verve  exaltée  ne 
fut  point  alors  rendue  publique  ; 
mais  vingt  ans  plus  tard,  à  une  épo- 
que où  Southey  professait  des  opi- 
nions toutes  différentes,  on  imprima 
ce  poème  à  l'insu  de  l'auteur  qui  en 
éprouva  un  vif  déplaisir.  Du  reste, 
cette  composition  ne  fut  pas  le  seul 
effet  de  son  ardeur  pour  les  sysièuies 
révolutionnaires.  H  se  lia  étroite- 
ment avec  deux  de  ses  condisciples, 
Coleridge  [voy.  ce  nom,  LXI,  193) 
et  Lovell,  qui  étaient  animés  des 
mêmes  sentiments  que  lui  ;  tous 
trois  se  jurèrent  fraternité  jusqu'à 
la  mort,  et  résolurent  de  laisser  lix 
le  collège  et  les  études  et  d'aller  fon- 
der une  colonie  sur  les  bords  du  Sus- 
quehannali,dans  l'Amérique  septen- 
trionale. D'autres  camarades  de- 
vaient les  accompagner  pour  vivre 
sous  cette  heureuse  république,  qui 
s'apiiellcrait  une  Pantisocratie , 
c'est-à-dire  le  règne  de  l'égalité 
universelle.  Cependant  ces  utopistes 
de  18  ou  19  ans  pensèrent  qu'il  fal- 
lait aussi  emmener  des  femmes  d'An- 
gleterre. Southey,  ayant  fdit  con- 
naissance avec  la  famille  Tricker,  où 
il  y  avait  trois  filles  à  marii-r,  en  de- 
manda une,  et  ses  compagnons  Cole- 
ridge et  Lovell  obtinrent  la  main 
des  deux  autres.  Mais  les  parents  de 
Southey,  ainsi  que  M'""'  Tricker,  ju-- 
gèrent  le  projet  d'émigration  trop 
insensé  pour  ne  pas  s'opposer  à  son 
exécution.  Le  docteur  Hili,  chapelain 


SOU 

de  la  factorerie  à  Lisbonne,  afin  de 
donner  d'autres  idéi's  à  son  neveu, 
s'offrit  de    reiniiieiu'r  en   Portugal. 
Southey  céda,  mais  à  condition  «iii'il 
épouserait    d'abord    miss    Tncker. 
Toutes  les  objections  (lu'on  lui  lit  à 
ce  sujet  furent  inutiles,  et  le  mariage 
eut  lieu  en  1795,  le  JDur  même  où  il 
s'embarqua  avec  son  oncle  à  Bristol. 
Il  promit  de  revenir  au  bout  de  six 
mois,  et  en  ellèt,  les  six  mois  étant 
écoulés,  il  se  retrouva  auprès  de  sa 
femme.  Dans  l'intervalle,  ses  deux 
amis  étaient    devenus    ses    beaux- 
frères.  Il  avait  publié  avec  Lovell  un 
recueil  de  poésies  sous  les  noms  de 
Moschus  et  Bion.  A  son  retour,  Suu- 
they  fit  paraître  le  poème  de  Jeanne 
d'Arc.  Son  premier  voyage  lui  ayant 
laissé  des  souvenirs  agréables,  il  en 
entreprit  un  second  avec  sa  femme 
dans  le  midi  de  lEurope,  et  parcou- 
rut pendant  seize  mois  le  Portugal 
et  l'Espagne,  voyage  dont  il  donna 
ensuite  la  relation.  Revenu  en  An- 
gleterre, il  fut  nommé  en  1801  se- 
crétaire d'Isaac  Corry,  chancelier  de 
l'échiquier  d'Irlande.  Son   enthou- 
siasme   républicain   s'était  enlière- 
iiient  refroidi,  et  déjà  il  était  per- 
suadé qu'on   peut  vivre  tout  aussi 
tranquille  sous  une  monarchie  con- 
stitutionnelle que  dans  une  républi- 
que. Les  devoirs  de  sa  place  ne  l'em- 
pêchaient pas  de  se  livrer  à  son  goût 
pour  la  poésie  et  la  littérature;  les 
circonstances  lui  permirent  bientôt 
d'y  consacrer  tout  son  temps.  ïsaac 
Corry  ayant  quitté    ses   fonctions, 
Southey  quitta  aussi  les  siennes,  et 
alla    s'établir,  en    1803,  dans    une 
maison  de  campagne  près  de  Kes- 
wick,  comté  de  Cumberland,  où  il  se 
trouva  à  la  tête  d'une  colonie  bien 
plus  agréable  que  celle  dont  il  avait 
voulu  jeter  les  fondements  sur  les 
ri  «es   du    Susquehaunah.    Lui,    sa 


sou 


sou 


411 


femme  et  les  deux  sœurs  de  celle-ci, 
l'une  veuve  de  Lovell  et  l'autre  ma- 
riée avec  Coieridge,  ainsi  que  leurs 
enfants,  y  vivaient  cnsenibie  dans 
une  parfaite  union.  Au  milieu  de 
celte  charmante  famille,  Soutliey 
composa  sans  relâche*,  il  ne  prenait, 
dit -on,  jamais  son  déjeuner  sans 
avoir  fait  une  quarantaine  de  vers. 
Le  changement  qui  s'était  opéré  dans 
ses  idées  politiques  lui  mérita  la  fa- 
veur du  ministère,  dont  il  était  de- 
venu un  des  pins  ardents  défenseurs, 
et  en  1813,  après  la  mort  de  Pye,  il 
lui  nommé  à  la  place  assez  inutile 
de  poète  lauréat,  que  la  cour  d'An- 
gleterre a  conservée  comme  tant 
d'autres  vieilles  coutumes.  Ses  tra- 
vaux historiques  sur  l'Espagne  et  le 
Portugal,  sur  leur  littérature  qu'il 
contribua  beaucoup  par  ses  traduc- 
tions à  faire  connaître  dans  son  pays, 
ne  restèrent  pas  non  plus  sans  ré- 
compense. L'académie  espagnole  et 
l'académie  royale  d'histoire  de  Ma- 
drid l'admirent  au  nombre  de  leurs 
membres.  Sonthey  fut  un  des  princi- 
paux collaborateurs  du  Quarterly 
Revieiv,  recueil  où  il  défendit  cha- 
leureusement le  système  ministériel 
contre  les  rédacteurs  de  VEdinburgh 
Review^qm  ne  montraient  pas  moins 
de  véhémence  à  l'attaquer.  Dès  qu'il 
se  fut  mis  au  service  du  gouverne- 
ment, il  demeura  constamment  en 
butte  aux  critiques  du  parti  de  l'op- 
position, qui  lui  reprocha  non-seule- 
ment son  apostasie  politique,  mais 
les  sorties  violentes  qu'il  faisait 
contre  ses  anciens  amis  restés  fidèles 
à  leurs  convictions.  Southey  conti- 
nua cette  polémique  avec  persévé- 
rance. Il  mourut  dans  son  habitation 
de  Keswick  le  21  mars  1843.  Depuis 
quelques  années  il  ne  jouissait  plus 
de  ses  facultés  inlellecluelles.  On  a 
(le  lui  ;  I,  Jeanne  d'Arc,  poème  épi- 


que, 1796,  in-4o;  4eédit.,  1812,2  vol. 
in-12.Ce  poème,  fruit  de  la  jeunesse  de 
l'auteur,  fut,  dit-on,  composé  en  six 
semaines,  vitesse  dont  le  plan  et  le 
style  paraissent  se  ressentir.  Cepen- 
dant on  y  trouve  de  grandes  beau- 
tés, et  il  eut  beaucoup  de  succès  en 
Angleterre,  malgré  les  éloges  que 
Southey  y  donne  à  l'héroïne  fran- 
çaise; mais  il  avait  eu  le  soin  d'y 
semer  les  idées  républicaines  que  la 
révolution  française  avait  propagées 
dans  son  pays,  et  dont  lui-même  était 
alors  imbu  {voy.  Jeanne  d'Arc,  XXI, 
518).  11  a  suivi  dans  cette  épopée  le 
mode  de  versification  de  Milton  ; 
mais  dans  ses  autres  ouvrages  poé- 
tiques il  adopta  un  système  métrique 
dilférent.  II.  Poèmes  divers,  1797, 
in-S-;  4«  édit.,  1809.  111.  Lettres 
Écrites  pendant  une  courte  résidence 
en  Espagne  et  en  Portugal,  1797, 
in  8°.  Elles  sont  piquantes,  instruc- 
tives, et  obtinrent  un  succès  mérité. 
L'auteur  y  a  inséré  des  fragments  de 
poètes  espagnols  et  portugais  tra- 
duits en  vers  anglais.  IV.  Antholo- 
gie annuelle,  ou  Collection  de  poé- 
sies diverses,  1799-1800,  2  vol.  in-8*>. 
Southey  a  composé  la  plupart  des 
pièces  que  renferme  ce  recueil  dont 
il  fut  l'éditeur.  V.  Amadis  des  Gau- 
les, trad.  de  l'espagnol,  1803,  i  vol. 
in-12.  VI.  OEuvns  de  Chatterton, 
1803,  3  vol.  111-8°,  publiées  au  piolit 
de  M^'«  Newton,  sa  sœur  {voy.  Chat- 
terton, VUl,  286)  Vil.  Thalaba  le 
destructeur,  roman  en  vers,  1803, 
2  vol.  in-8°  ;  2^  édit.,  1809.  Cet  ou- 
vrage, écrit  dans  le  goût  oriental, 
peint  assez  bien  les  mœurs  des  Ara- 
bes. Vlli.  Contes  en  vers  et  autres 
poèmes,  1804,  in-S».  IX.  Madoc, 
poème,  1805,  in-l";  2'^  édit.,  1809. 
L'auteur  a  puisé  son  sujet  dans  une 
tradition  populaire  du  pays  de  Galles, 
suivant  laquelle  un  pnncc  de  celte 


412 


SOU 


sou 


contrée,  forcé  de  s'expatrier,  aiir.iit 
découvert  l'Amérique  au  XIF  siècle. 
Ce  poème,  dont  la  Revue  d'Edim- 
bourg a  l'ait  une  criliquo  amère,  n'est 
cependant  pas  sans  mérite.  X.  Mor- 
ceaux choisis  de  poêles  anglais  mo- 
dernes, avec  des  notices  prélimi- 
naires, 1807,  3  vol.  in-8°.  XI.  Pal- 
merin  d'Angleterre,  roman  traduit 
du  poituj^ais,  1807,  i  vo!.in-8».  XII. 
Lettres  écrites  d'Angleterre,  1807, 
'•i  vol.  in-12,  publiées  sous  le  pseu- 
donyme de  doni  Maïuiel  Velasqiiez 
Espriella.  XIU.  Les  restes  de  Henri 
Kirkc  White^  avec  une  notice  sur  sa 
vie^  1807,  2  vol.  in-S"  ^  G'  édit.,  1815; 
un  troisième  volume  a  paru  en  1822 
{voy.  White,  L,  456).  XIV.  La 
chronique  du  Cid  Rodrigo  Diaz  de 
Bivar,  trad.  de  l'espagnol,  1808, 
in-4».  XV.  Histoire  du  Brésil^  t.  1*^»', 
1810,  t.  Il,  1817,  t.  111,  1819,  in-4o. 
C'est  la  première  histoire  complète 
d'un  pays  qui,  ayant  toujours  clè 
subjugu(5  par  les  Européens,  n'a  ja- 
mais pu  se  distinguer  par  ses  pro- 
pres efforts.  L'ouvrage  de  Southey 
est  un  précis  élégant  de  la  conquête 
et  de  la  domination  des  Européens 
dans  celte  belle  colonie.  Le  séjour 
de  l'auteur  en  Portugal  l'a  mis  à 
même  de  profiter  d'une  foule  de  ma- 
tériaux peu  connus.  XVI.  La  malé- 
diction de  Kehama,  poème,  1811, 
in-4"-,  3"=  édit.,  1813,  2  vol.  in-12. 
Le  sujet  de  ce  poème  est  tiré  de  la 
mythologie  des  Hindous.  XVII.  Om- 
niatia,  1812,  2  vol.  in-8",  recueil 
d'anecdotes  pour  la  plupart  bien 
choisies.  XVlll.  Vie  deNelson,  1813, 
2  vol.  petit  in-S".  Elle  est  estimée  et 
a  été  réimprimée  plusieurs  fois.  Une 
traduction  française,  faite  sur  la 
3c  édition,  a  paru  sous  ce  titre  :  Vie 
d'Horace  Nelson,  commandant  en 
chef  des  flottes  britanniques^  baron 
du  iVi7,  etc.,  traduite  de  l'anglais  par 


M'**  F*'*  R*'*,  Paris,  1820,  in  8° 
{voy.  Nelson,  XXXI,  55).  XIX.  Car- 
men triumphale,  1814,  in-4o,  poème 
sur  la  chute  du  despotisme  militaire 
en  Europe.  XX.  Odes  au  prince  ré- 
gent, à  l'empereur  de  Russie  et  au 
roi  de  Prusse,  1814,  in-4''.  XXI.  lio- 
derick,  le  dernier  des  Goths^  poème, 
1814,  in-4°;  2e  édit.,  1815,  2  vol. 
in-12.  L'invasion  de  l'Espagne  par 
les  Maures  au  VIII'  siècle  est  le  su- 
jet de  ce  poème.  L'auteur,  pour  y 
jeter  du  merveilleux  et  de  l'iuléiêt, 
adopte  les  causes  à  peu  près  fabu- 
leuses que  les  vieilles  romances  et 
chroniques  espagnoles  ont  i'ssignées 
à  cet  événement  {voy.  Roderic, 
XXXVIII,  357).  11  y  a  sans  doute 
beaucoup  à  reprendre  dans  l'ou- 
vrage, mais  on  y  trouve  aussi  de 
grandes  beautés,  des  caractères  bien 
dessinés,  des  pensées  nobles,  des 
élans  poétiques,  qui  justifient  l'ac- 
cueil et  les  éloges  qu'il  reçut  en  An- 
gleterre. Ce  poème  a  été  traduit  eu 
français  par  Bruguière  de  Sorsuni 
{voy.  Bruguièbe,  LIX,  352),  Paris, 
1820-21 ,  3  vol.  in-12,  et  par  M.  Amil- 
let  de  Sagrie,  Paris,  1821,  in-8". 
XXII.  Le  lai  du  latiréat,  1810,  in-4° 
et  in-12.  C'est  un  épithalame  à  l'oc- 
casion du  mariage  de  la  princesse 
Charlotte,  fille  du  régent,  depuis 
Georges  IV,  avec  le  prince  Léopold 
de  Saxe-Cobourg,  aujourd'hui  roi 
des  Belges.  XXIII.  L'Angleterre  et 
les  Anglais,  ou  Petit  Portrait  d'une 
grande  famille,  1817,  3  vol.  in-S"; 
trad.  en  français,  Paris,  1817,  2  vol. 
in-S".  Cet  ouvrage  renferme  une 
foule  d'anecdotes  et  de  traits  sati- 
riques cnnlrc  les  mœurs  et  les  cou- 
tumes anglaises.  XXIV.  Wat-Tyler, 
poème,  1817.  Nous  avons  déjà  parlé 
de  cette  composition  démagogique, 
dont  un  célèbre  chef  de  révolte  est 
le  héros  (voy.  Wat-Tyleb,  L,  288). 


sou 


sou 


413 


Elle  ('tait  resli-c  im-ilito  dans  le  por- 
itffuilU'  de  l'iuitour;  mais  une  copie 
o'Iant  tomitée  entre  les  mains  de  ses 
adversaires  politiques,  ils  se  hâtèrent 
de  la  faire  imprimer  an  moment  on 
Sonthey,  devenn  !c  poète  de  la  conr 
et  lont  dévoue  au  gouvernement, 
s'était  constitué  le  champion  du  mi- 
ni ^tère  dans  le  Quarterly  Revietv. 
La  publication  inattendue  de  cette 
œuvre  révolutionnaire  cansa  une 
vive  sensation;  il  en  fut  question 
dans  les  débats  du  parlement,  et 
Southey  crut  devoir  exposer  lui- 
même  an  public,  dans  une  Lettre  à 
M.  Smith  (1817),  l'histoire  exacte 
de  cette  malheureuse  production  de 
sa  jeunesse.  XXV.  Histoire  de  la 
guerre  de  la  Péninsule^  1823,  2  vol. 
in^'';  trad.  en  français  par  M.  Lar- 
dier,  Paris,  1828,  2  vol.  in-8'.  Ce 
récit  très-louangeur  des  exploits  de 
l'année  britannique,  pendant  les 
campagnes  de  Portugal  et  d'Espa- 
gne, et  où  les  Français  ne  sont  pas 
ménagés,  fut  fort  bien  accueilli  du 
public  anglais.  Walter  Scott,  pour 
cette  partie  de  son  Histoire  de  Napo- 
léon, a  puisé  beaucoup  de  détails 
daus  l'ouvrage  de  Southey.  On  a  dit, 
en  comparant  la  manière  d'écrire  de 
ces  deux  auteurs,  que  Walter  Scott 
faisait  des  romans  historiques,  et 
rio!)ert  Southey  de  l'histoire  roma- 
ne-^que.  Outre  un  grand  noinbre 
d'articles  insérés  dans  le  Quarterly 
lievieiv,  on  a  encore  de  lui  :  le  Livre 
de  l'Église,  2  vol.  in-8",  et  les  Vin- 
dicia  ecclesiastica  anglicana,  publi- 
cations par  lesquelles  il  se  concilia 
la  bienveillance  du  clergé  anglican  ; 
une  Vie  de  Ch.  Wesley,  tondati'ur 
du  méthodisme  ;  plusieurs  opuscules 
en  vers,  entre  antres  le  Pèlerinage 
à  Waterloo,  le  Conte  du  Paraguay, 
Tout  pour  l'amour  et  le  Pèliria  à 
Composlellc,  Ces  deux  derniers  ont 


et  é  réu  n  is  et  publiés  en  anglais  à  Pari.s, 
chez  Galignani,  1829,  in-32.  Le  même 
libraire  a  donné,  aussi  en  anglais, 
les  OEuvres  poétiques  complètes  de 
Robert  Southey\  en  un  volume,  Pa- 
ris, 18-29,  in-S%  avec  portrait.  Le  re- 
cueil intitulé  Poésies  anglaises,  im- 
primé en  1830,  contient  différentes 
pièces  de  cet  auteur  traduites  en 
français.  On  voit,  par  celte  longue 
liste  d'onvrages,  que  Southey  fut, 
sinon  un  des  premiers,  du  moins  un 
des  plus  féconds  écrivains  de  la 
Grande-Bretagne.  Historien,  poète, 
romancier,  traducteur,  il  descendit 
même  au  modeste  rôle  de  compila- 
teur, et  acquit  en  ces  genres  divers 
une  assez  haute  célébrité.  Sun  style 
en  général  est  agréable,  quelquefois 
sublime,  et  ses  connaissances  sont 
fort  étendues.  Il  est  vrai  que  l'ima- 
gination, qualité  si  nécessaire  à  un 
disciple  des  Muses,  ne  brille  guère 
dans  ses  poésies,  dont  les  traits  les 
plus  frappants  sont  empruntés  aux 
littératures  étrangères  dans  lesquel- 
les il  était  profondément  versé;  mais 
il  n'a  pas  su  s'approprier  ces  beautés 
exotiques  en  donnant  à  l'imitation 
un  caractère  d'originalité.  Ce  n'est 
souvent  qu'une  traduction  littérale 
qui  laisse  trop  à  découvert  la  source 
où  il  a  puisé  et  qu'un  lecteur  instruit 
reconnaît  aisément.  Les  critiques  de 
Southey,  guidés  surtout  par  l'esprit 
de  parti,  ont  relevé  ses  défauts  avec 
aigreur;  mais,  en  dépréciant  son 
mérite  littéraire,  ils  n'ont  pas  tou- 
jours rendu  justice  k  ses  talents 
réels.  C'était  un  écrivain  distingué, 
un  versificateur  élégant,  doué  de 
beaucoup  de  goût,  composant  avec 
une  grande  facilité;  et  s'il  ne  se 
place  pas,  sur  le  Parnasse  britanni- 
que, à  (  ôté  de  Byrou,  de  Shelicy,  de 
Wiltir  Scott,  il  occupe  honor.ible- 
ment  le  second  rang.  Z. 


41 


SOU 


SOUVERAIN,  né  dans  \o  Bas- 
Languedoc,  fut  pendant  qncujue 
temps  ministre  calviniste  en  Poitou  ; 
mais  son  altachemeiit  à  l'arniinia- 
nisme  le  lit  de'poser  par  ses  conlrères 
dans  un  synode.  Il  continua  cepen- 
dant de  résider  en  France,  et  n'en 
sortit  qu'après  la  révocation  de  l'é- 
dit  de  Nanles  (1G85)  pour  se  retirer 
en  Hollande.  Les  ministres  français 
réfugiés  s'étant  rassemblés  à  Rotter- 
dam, afin  de  régler  quelques  points 
de  controverse,  Souverain  refusa  de 
se  soumettre  aux  décisions  du  synode 
de  Dordrecht  qui  avait  condamné  la 
doctrine  d'Arminius,  et  fut  en  con- 
séquence obligé  de  quitter  le  pays. 
Il  passa  en  Angleterre,  avec  cinq 
autres  ministres  qui  partageaient  ses 
opinions,  et  se  lit  agréger  à  l'église 
anglicane,  quoique  fortement  soup- 
çonné de  socinianisuie.  Il  mourut  à 
Londres  vers  la  lin  du  XV1II'=  siècle. 
On  a  de  lui  un  ouvrage  posthume, 
qui  fut  publié  sous  !e  voile  de  l'ano- 
nyme, et  qu'on  a  quelquefois  attri- 
bué faussement  à  Aubert  de  Versé 
{voy.  Versé,  XLVIII,  289).  Il  est  in- 
titulé :  Le  Platonisme  dévoilé^  ou 
Essai  touchant  le  verbe  platonicien, 
Cologne,  1700,  in-S",  et  traduit, 
dit-on,  en  atiglois  et  en  allemand. 
Le  livre  est  divisé  eu  deux  parties  et 
devait  en  avoir  une  troisième,  que 
la  mort  empêcha  l'auteur  de  donner. 
Au  reste,  Souverain  prétend  que  les 
preuiieis  docteurs  chrétiens  ont 
puisé  le  dogme  de  la  Trinité  dans  les 
éciits  de  Platon.  Ce  système  absurde, 
(pie  les  sociuiens  accueillirent  avec 
faveur,  fut  réfuté  à  la  fois  par  des 
ihéoldgiens  protestants  et  catho- 
liques, entre  autres  par  Baltns,  jé- 
suite, auteur  de  la  Défense  des  saints 
pi)\s  accusés  de  plalonisinc  (Paris, 
1711,  iii-i°).  Souverain  laissa  encore 
une  Dissertation  sur  l'évangile  de 


SOU 

saint  Jean  ;  mais  elle  n'a  pas  été  im- 
primée. Jean  Vogt,  dans  son  Cala- 
logiis  libr.  rariorum,  la  meiifionne 
à  tort  sous  ce  titre  latin  :  Générales 
quœdam  super  initium  sancti  Jo- 
hannis  evangelii  reflexiones  ;  car 
cette  dissertation,  d'après  l'avertis- 
sement de  l'éditeur  du  Platonisme 
dévoilé^  était  écrite  en  français. 

P — RT. 

SOrZA  (Adèle  Filleul,  d'abord 
comtesse  de  Flahaijt,  puis  baronne 
de),  naquit  en  1760,  à  Paris,  d'une 
famille  de  bourgeoisie  très  -  hono- 
rable et  dont  Marmontel  parle  avec 
éloge  dans  ses  Mémoires.  Remarquée 
dès  sa  jeunesse  par  sa  beauté  et  les 
charmes  de  son  esprit,  elle  épousa  à 
l'âge  de  vingt-quatre  ans  le  comte 
de  Flahaut,  lieutenant-général  des 
armées  du  roi,  dont  elle  eut  en  1785 
un  fils  qui  fut  aide-de-camp  de  Na- 
poléon, puis  de  Louis-Philippe.  II 
paraît  que  cette  union  ne  fut  point 
heureuse.  M"'«  de  Flahaut  voyageait 
en  Allemagne  ei  en  Angleterre,  lors- 
que son  premier  époux  mourut  sur 
l'échafaud  révolutionnaire  en  1793. 
Elle  ne  revint  en  France  qu'après 
la  chute  de  Robespierre,  et  elle  y 
vécut  long-temps  dans  une  grande 
intimité  avec  M""'^  Tallien,  Beauhar- 
nais  (depuis  impératrice)  et  autres 
dames  qui,  à  cette  époque,  tenaient 
le  premier  rang  dans  les  salons  de  la 
capitale.  Bientôt  distinguée  par  le  cé- 
lèbre Talleyrand,  ce  fut  dans  sa  so- 
ciété (iii'elle  connut  lé  di|)loniate 
portugais  Souza,  qu'elle  épousa  en 
1802  {voy.  Souza  Botelho,  XLIII, 
220).  Comme  les  suites  de  la  révolu- 
tion et  la  perte  de  son  premier  mari 
l'avaient  laissée  sans  fortune ,  elle 
composa  des  romans  dont  la  publi- 
cation lui  valut  quelques  bénéfices. 
C'était  alors  le  siul  genre  de  lecture 
auquel  se  livrât  le  public,  et  l'on  se 


sou 

rappelle  la  foule  de  ces  lugubres 
productions  anglaises  qui  affluèrent 
à  Paris.  Les  romans  de  M""^  de  Souza 
ne  sont  pas  de  ce  genre  sans  doute. 
ils  dirent  au  contraire  une  peinture 
vraie,  quoique  un  peu  embellie,  des 
uiœurs  et  des  usages  de  la  haute 
société  française  du  XVIII*'  siècle.  Il 
n'est  guère  possible  qu'on  les  appré- 
cie, ni  même  qu'on  les  comprenne 
aujourd'hui,  au  milieu  de  tant  d'ob- 
scénités et  de  livres  de  mauvais  goût, 
dont  les  feuilletons  de  journaux  se 
disputent  la  publication  et  qui,  avec 
la  politique,  fixent  exclusivement 
l'attention  de  toutes  les  classes  de 
lecteurs.  M""=  de  Souza,  dont  le  ca- 
ractère était  si  plein  de  bonté  et  de 
douceur,  s'est  peinte  elle-même  sou- 
vent dans  ses  éciits,  et  nn  l'y  recon- 
naît toujours  avec  iin  extrême  plai- 
sir. La  plupart  des  journaux  et  des 
écrivains  de  ce  temps-là,  entre  autres 
Chéiiier  et  Legouvé,  en  parlèrent 
avec  de  grands  éloges;  et  il  faut  re- 
marquer que  ce  n'était  pas  encore  le 
temps  des  réclames  à  tant  la  ligne. 
Le  second  mariage  de  M"-"  de  Souza 
lui  très- heureux.  Les  goûts  et  les 
hiibitudes  littéraires  des  deux  époux 
étaient  dans  une  parf.ule  liarmunie. 
Elle  devint  veuve  une  seconde  fois 
en  IS'iJ,  et  dès  lors  elle  v('cut  dans 
une  retraite  absolue  jusqu'à  sa 
mort  ,  arrivée  en  183G.  Dans  une 
notice  public'e  à  Cf^tte  époque  par 
M.  Casimir  Bonjour  se  trouvent  quel- 
ques détails  (jui  font  asstz  coaipren- 
(Ire  ce  que  furent  les  derniers  temps 
lie  sa  vie  :  «  La  ReslauraticiU,  y  est-il 
«  dit,  fut  marquée  pour  M'^"  de  Souza 
«  par  un  tiisie  événement:  son  fils, 
«  aidc-iie  camp  de  l'empereur,  fut 
«  exile  et  long-temps  séparé  d'elle! 
«  Depuis  cette  époque,  elle  se  voua  à 
«  la  retraite,  et  vécut  uniquement 
«  pour  sa  famille  et  pour  un  petit 


SOU 


415 


«  nombre  d'amis  distingués  qu'elle 
«  charmait  par  ses  spirituelles  cau- 
«  séries. ..  Ce  fut  alors  que  je  la  con- 
«nus..."  ajoute  M.  Bonjour.  Les 
ouvrages  publiés  de  M'""*  de  Souza 
sont  :  I.  Adèle  de  Sénange^  ou  Lettres 
de  lord  Sydenham,  avec  une  préface 
par  le  marquis  de  Montesquiou,  Lon- 
dres, 1794,  in-8°,  l'"  édition  ;  Ham- 
bourg, 1790,2  vol.  iii-SO;  Paris,  1798, 
1805,ia08,2  vol.in-12;  ibid.,  1827, 

2  vol.  in-i8.  «Cet  ouvrage,  dit  Le- 
«gouvé,  commença  et  lit  la  réputa- 
«  tion  de  son  auteur.  H  parut  dans 
«  un  temps  où  l'on  était  inondé  des 
«  sombres  productions  des  roman- 
«  ciers  anglais  qui  croient  plaire 
«  avec  des  spectres  et  des  horreurs, 
«  et  cumme  il  n'a  rien  d'un  si  lu- 
"  gubre  appareil ,  comme  tous  les 
u  ressorts  en  sont  simples,  il  reposa 
"  agréablement  de  ces  compositions 
<«  tristes  et  convulsives.  Il  ne  dut 
•  pas  le  grand  succès  qu'il  obtint  à 
«  ce  seul  contraste,  il  le  dut  surtout 
«  à  l'intérêt  de  l'action,  à  l'ingénuité 
«des  caractères,  à  la  légèielé  du 
«  style,  à  l'art  des  développi-ments  et 
«  aux  seiJliments  délicats  dont  il  est 
«  orné.  •  H.  Emilie  et  Alphonse,  ou 
le  Danger  de  se  livnr  à  ses  premières 
impressions,  Paris,  1799,  1803, 1823, 

3  vol.  in  12.  111.  Charles  et  Marie, 
Paris,  1802, 1  vol.in-12;  il  y  en  a  une 
traduction  espagnole,  Paris,  1831, 
in-18.  IV.  Eugène  de  Rothelin,  Paris, 
1808  et  1811,  2  vol.  in-12.  V.  Eugé- 
nie et  Malhilde,  ou  Mémoires  de  la 
famille  du  comte  de  Hevel,  Paris, 
1811,  3  vol.  in-12.  M'"'^  deBleseiiski 
a  publié,  sous  le  titre  de  Ladislas, 
une  suite  à  ce  roman.  VI.  Mademoi- 
selle de  Tournon,  Paris,  lh20,  2  vol. 
in  12.  Charles  Cotolendi  avait  pu- 
bl.é,  eu  1078,  une  nouvelle  histori- 
que sous  le  litre  de  Mademoiselle  de 
Tournon,  qui  a  au  moins  donné  à 


41G 


sot 


HI'"<-  (le  Souza  l'idée  de  son  roman. 
[m  comtesse  de  Fargy,  Taris,  1822, 
4  vol.  in- 12.  Vlil.  La  ducheitse  de 
Guise,  ou  intérieur  d'une  famille  il- 
lustre dans  le  temps  de  la  Ligue, 
drame  en  3  actes,  Paris,  1831,  in-S". 
Les OEuvres  complètes  de  celte  dame, 
revues,  corrigées  et  augmen'ces, 
ont  été  publiées  par  l'auteur  eu 
6  vol.  iu-S"  ou  12  vol.  in-12,  Paris, 
1821-22.  M— Dj. 

SOWERBY  (James),  artiste  et 
naturaliste  anglais,  fut  d'abord  maî- 
tre de  dessin,  et,  s'élant  appliqué 
particulièrement  à  dessiner  des 
plantes,  il  se  lit  connaifre  des  prin- 
cipaux botanistes  anglais ,  surtout 
du  docteur  Smith,  président  de  laSc- 
ciété  Linnéenue,  qui  l'euipluya  à  eiii- 
bellir  ses  ouvrages  et  le  lit  admettre 
dans  celte  Société.  Ainsi  encouragé, 
Sowerby  acquit  une  conuaissauLe 
étendue  de  l'histoire  naturelle,  et 
il  réunit  une  superbe  collecliou 
qu'il  communiquait  avec  beaucoup 
de  libéralité  aux  personnes  qui  dé- 
siraient l'étudier.  Dans  cette  collec- 
tion se  trouvaient  divers  météoro- 
litlies  tombés  de  l'atmosphère  en 
différentes  parties  du  globe.  Il  avait 
fait  faire  avec  l'un  de  ces  aérolilhes, 
tombé  à  environ  200  milles  du  cap 
de  Bonne-Espérance,  un  sabre  très- 
élégamment  monté,  dont  la  lame 
avait  deux  pieds  de  long  sur  deux 
pouces  de  laigf,  el  qu'il  ollrit  à  l'em- 
pereur Alexandre,  lorsque  ce  prince 
se  rendit  à  Londres  en  18i5;  le  czar 
lui  envoya  une  bague  d'une  ri- 
che émeraude,  entourée  de  diamants. 
Sowerby  a  publié  :  I.  Livre  de  des- 
sin pour  la  botanique,  ou  Jnlrodtic- 
iiun  facile  à  l'art  de  dessiner  les 
fleurs  d'après  nature,  1789,  in-4"; 
li-^^  éd.,  17  91.  11.  Les  délices  du  fleu- 
riste, contenant  six  figures  coloriées, 
avec  des  descriptions   botaniques, 


SOU 

1791,  in -fol.  III.  Les  champignons 
anglais,  avec  des  planches,  1790, 
in-fol.  IV.  Minéralogie  anglaise^ou 
figures  coloriées,  avec  des  descrip- 
tions pour  éclaircir  la  minéralogie 
de  la  Grande-Bretagne,  1803,  in-S». 
V.  Description  de  modèles  pour  ex- 
pliquer la  cryslallographie,  1805, 
in-S".  Sowerby  a  encore  donné  quel- 
ques morceaux  dans  les  Mémoires 
de  la  Société  Linnénne.  Z. 

SOYER  (Pené-Françgis),  né  en 
17G9  à  Thouarcé  dans  l'Anjou,  était 
l'aîné  d'une  famille  qui  se  voua  tout 
entière  à  la  défense  de  la  religion  et 
de  la  monarchie.  Destiné  dès  l'en- 
fance à  l'état  ecclésiastique,  il  ve- 
nait d'entrer  dans  les  ordres  lors- 
que la  guerre  civile  éclata  dans  ces 
contrées  en  1793.  Tous  ses  frères  en- 
trèrent dans  les  armées  royales,  et 
lui-même  les  suivit  avec  un  dévoue- 
ment et  un  courage  admirables, 
remplissant  les  fonctions  du  saint 
ministère  et  secourant  les  malheu- 
reux dans  toutes  les  occasions  où  i 
cela  fut  en  son  pouvoir.  Après  la  pa-  j 
cilication  en  1801,  il  fut  un  modeste 
desservant  de  la  cure  de  Vihiers,puis 
grand-vicaire  de  Poitiers.  Cependant, 
à  l'époque  de  la  Restauration,  ses 
services  ne  furent  point  méconnus  ; 
il  devint  évêqiie  de  Luçon,  en  1817, 
lors  du  nouveau  concordat,  fui  sa- 
cré à  Paris,  le  21  octobre  1821,  et 
mourut  à  Luçon  le  5  mai  1845,  après 
vingt-quatre  ans  d'un  pontificat  plein 
de  fruits  et  aussi  pieusement  terminé 
que  l'avaient  été  les  premières  an- 
nées de  sa  carrière.  Trois  de  ses 
frères  étaient  devenus  officiers  et 
généraux  dans  les  armées  royales  de 
la  Vendée.  Voici  comment  ont  été 
racontés,  dans  la  Biographie  des 
hommes  vivants^  en  1^19,  les  prodi- 
ges de  valeur  et  de  dévoueuient  de 
celte    famille    héroïque.    Le    frère 


SOY 

puîné  du  prélat  {Jean-Aîmé).  était 
comme  lui  né  à  Thouarcé.  Enfermé 
en  1792  au  château  d'Angers,  il  s'é- 
chappa au  moment  où  il  allait  être 
jugé  et  probablement  mis  à  mort;  il 
alla  joindre  les  troupes  royales.  On 
le  nomma  d'abord  lieutenant  d'une 
compagnie  de  cavalerie,  où  figurait 
la  célèbre  Bordereau,  dite  Langcvin, 
qui  ne  cessa  pas  de  combattre  à 
la  tête  de  l'armée  royale.  Henri  de 
La  Rochejaquelein  l'éleva  au  grade 
de  capitaine  sur  le  champ  de  bataille. 
Il  devint,  après  de  nombreux  ex- 
ploits, aide-de-camp,  colonel,  chef  de 
division  et  major-général.  A  la  ba- 
taille de  Dol,  il  fut  chargé  d'enfoncer 
une  des  divisions  ennemies,  et  la  mit 
en  fuite  après  un  combat  sanglant.  Il 
était  déjà  couvert  de  cicatrices  quand 
il  fut  atteint  de  trois  balles  à  Cha- 
vagne,  où  il  commandait  l'aile  gau- 
che de  l'armée  royale.  Lorsque  les 
Vendéens,  usant  de  représailles,  ces- 
sèrent de  faire  quartier  aux  prison- 
niers, le  sort  de  la  guerre  ayant  fait 
tomber  entre  ses  mains  quarante  de 
ceux  qui  l'avaient  persécuté,  arrêté, 
et  avaient  incendié  sa  maison,  il  leur 
accorda  la  vie  et  la  liberté,  unique- 
ment parce  qu'ils  avaient  été  ses  en- 
nemis personnels.  Le  roi  lui  envoya 
la  croix  de  Saint-Louis  le  l^""  janvier 
1796,  et  le  confirma  dans  le  grade  de 
major-général.  Il  reçut  de  S.  A.  R. 
Monsieur  des  ordres  datés  de  Lon- 
dres le  10  mai  1800,  qui  le  chargeaient 
de  commander  en  second  toutes  les 
divisions  de  l'armée  royale.  Le  prince 
joignit  àses  instructions  les  marques 
les  plus  honorables  de  sa  satisfaction 
des  services  de  cet  officier  et  de  ses 
deux  frères.  —  SoYER  (Frcoipoîs), co- 
lonel, chevalier  de  Saint-Louis,  frère 
du  précédent,  a  commandé,  depuis 
1793,  une  division  dans  l'armée 
royale.  Brave  jusqu'à  la  témérité,  il 

LXX.XII. 


SOZ 


417 


a  souvent  affronté  la  mort.  En  1815 
il  servit  encore  sous  les  ordres  du  gé- 
néral d'Autichamp.—  Soyer  {Louis)y 
chevalier  de  Saint-Louis,  frère  des 
précédents,  a  été  aidc-de-camp  de 
plusieurs  généraux,  et  lieutenant- 
colonel  dans  l'armée  royale.  On  cite 
de  lui  des  traits  de  la  plus  rare  bra- 
voure. Fait  prisonnier  à  l'affaire  de 
Savenay,  il  fut  conduit  au  château 
d'Angers.  Pour  se  soustraire  à  une 
mort  certaine,  il  se  laissa  tomber  du 
faîte  de  la  tour,  où  il  était  renfermé, 
dans  les  fossés  du  château,  après 
avoir  attaché  le  drapeau  blanc  au  haut 
de  celte  tour;  ayant  eu  le  bonheur 
de  ne  se  faire  aucun  mal,  il  alla  re- 
joindre l'armée  royale,  et,  comme  ses 
frères,  il  ne  cessa  pas  d'y  combattre 
jusqu'à  la  pacification...  Nous  igno- 
rons ce  que  fut  sous  la  Restauration 
et  sous  Louis-Philippe  le  sort  de  ces 
hommes  généreux.  M  — Dj. 

SOZZI  (Louis-Francois  de),  ju- 
risconsulte et  littérateur,  naquit  à 
Paris  le  i  octobre  1706.  Fils  d'An- 
gelo  Sozzi,  de  Pistoie,  en  Toscane, 
et  de  Geneviève-Françoise  Lecomte, 
il  était  par  sa  grand'mère  mater- 
nelle petit-neveu  de  Pierre-Daniel 
Huet,  évêque  d'Avranches.Dès  l'âge 
de  neuf  ans  il  fit  avec  son  père  un 
voyage  en  Espagne.  A  son  retour  il 
termina  ses  humanités,  puis  il  étu- 
dia la  jurisprudence  sous  le  célèbre 
Alexis  Normant,  et  fut  nommé  bailli- 
général  du  grand-prieuré  de  France, 
dont  la  juridiction  s'étendait  sur 
l'enclos  du  Temple  à  Paris.  H  mon- 
tra dans  ces  fonctions  un  talent  su- 
périeur, et  les  mémoires  qu'il  eut 
occasion  de  publier  attestent  une 
connaissance  profonde  des  matières 
de  droit.  Reçu  avocat  au  parlement 
de  Paris,  il  alla  plus  tard  exercer  sa 
profession  à  Lyon,  où  l'Académie 
des  beaiix-arts  l'admit  au  nombre  de 
27 


418 


SOZ 


ses  membres  en  1755.  L'anneV  siii- 
vaii!e,  lors  de  la  réunion  des  deux 
académies  de  celte  ville,  il  fut  placé 
sur  le  tableau  des  académiciens  or- 
dinaires et  se  lit  remarquer  par  ses 
productiuns   scientifiques  et   litté- 
ra-res.  Il  appartenait  aussi  aux  aca- 
démies de  Villefranche,  de  Nancy, 
de  Berlin  et  à  celle  des  Arcades  de 
Rome.Sozzi  mourut  le  11  mars  1780. 
Parmi  ses  ouvrjges  imprimés,  dont 
la  plupart  sont  anonymes,  nous  ci- 
terons: I.  Mémoire  où  l'on  établit 
Vusage  des  teitaments  olographes, 
1743,  in-4».Ce  mémoire  fut  accueilli 
et  recherché  avec  tant  d'emp ressè- 
ment   par    les  jurisconsultes   que, 
trois   ans   après   Taffaire   qui   avait 
donné  lieu  à  sa  publication,  il  fut 
réimprimé,  ce  qui  est  assez  rare  pour 
les  écrits  de  ce  genre.  II.  Mémoire 
où  Von  établit  qu'il  n^est  dû  aucun 
droit  de  consignations  pour  les  sai- 
sies réelles  des  biens  situés  dans  la 
vallée  de  Barcelonnette,  1745,  in-4°. 
111.  Consultations  sur  la  mouvance 
des  pairies  de  France,  1752,  in-4». 
Celle  disserlalioUjUîile  à  l'époque  où 
elle  parut,  obtint  beaucoup  de  succès; 
elle  contient  d'ailleurs,  ainsi  que  les 
autres  mémoires  île  Sozzi,  des  dé- 
tails historiques  fort   curieux.   IV. 
Avertissement  sur  l'hiène  qui  aparu 
dans  le  Lyonnais  en  1750,  in-12.  V. 
Discours  de  réception  à  l'académie 
de  Nancy,  1762,  in-8».   VI.  Lettre 
aux  auteurs  du  Journal  encyclo- 
pédique, au  sujet  de  l'urne  antique 
de  plomb  trouvée  chez  les  jésuites  de 
Lyon,  17(13,  in-i2.  VU.  Recueil  de 
mémoires  et  dissertations   qui  éta- 
blissent que  c'est   par  erreur  et  un 
mauvais  usage  que  l'on  nonuue  l'au- 
guste maison  (jui   règne  en  France 
la  maison  de  Uourbon,  ol  que  son 
nom  est  de  France,  Amsterdam  et 
Paris,  1709,  in  12.  Ce  recueil,  ré- 


SPA 

digé  par  Sallo,  Réa!  et  Sozzi,  fut  pu- 
blié par  ce  dernier,  qui  donna  en- 
suite des  Additions  au  Recueil  des 
mémoires  concernant  le  nom  patro- 
nymique de  la  maison  de  France, 
Paris,  1770,  in-12.  On  doit  k  Suzzi 
une  traduction  française  des  Olym- 
piques de  Pindare,  avec  des  remar- 
ques historiques,  Paris  et  Lyon, 
1754,  in-12.  L'académie  de  Lyon 
conserve  dans  ses  cartons  une  dou- 
zaine d'opuscules  de  cet  auteur,  dont 
la  bibliothèque  de  la  ville  possède 
aussi  plusieurs  pièces  manuscrites, 
entre  autns  une  Vie  littéraire  de 
Sozzi^  écrite  par  lui-même  et  con- 
tenant sa  correspondance  avec  l'im- 
pératrice de  Russie  Catherine  II, 
sur  le  nouveau  Code  de  cette  sou- 
veraine. A.  P. 

SPAAN  (Jean  Van),  ecclésias- 
tique hollandais, qui,  après  avoirdéjk 
desservi  trois  cures  rurales,  fut  suc- 
cessivement pasteur  à  Dordrecht 
(1752),  à  Leyde  (1755),  et  à  La  Haye 
(1702),  et  mourut  dans  celte  dernière 
résidence,  vers  1780.  Il  cultiva  avec 
succès  la  poésie  hollandaise,  témoin 
le  recueil  de  la  société  poétique  de 
La  Haye,  sous  la  rubrique  :  Kunst- 
liefde  spaart  geen  vlyt 

(L'amour  de  l'art  ne  connaît  point  de  peine), 

qu'il  contribua  à  fonder  en  1772  el 
qu'il  enrichit  de  ses  productions.  Il 
fui  un  des  commissaires  nommés  par 
les  États-Généraux  des  Provinces- 
Unies  pour  la  rédaction  d'un  nou- 
veau psautier  à  Tiisage  du  culte  pu- 
blic, et  eut  une  part  notable  à  ce 
travail  publié  en  1773.  La  société  de 
langue  et  de  littérature  hollandaises, 
fondée  à  Leyde  en  1760  ,  l'avait 
égnleinent  agrégé  au  nombre  de  ses 
niembres.  —  Son  fils  Rerre  van 
Spaan  avait  publié  et  soutenu  avec 
beaucoup  de  distinction  une  savante 


thèse  de  Aniiphonte,  oratore  altico, 
sous  David  Ruhrikenius,  à  Leyde, 
en  1765.  Il  fut  moissonné  à  la  flenr 
de  son  âge.  M— on. 

SPAETH  (  le  chanoine  Baltha- 
sar),  né  en  1764,  dans  un  village 
de  la  Bavière,  fut  dès  son  enfance 
destiné  à  l'état  ecclésiastique,  et  fit 
en  conséquence  de  très-bonnes  étu- 
des. Entraîné  par  son  goût  pour 
la  science  archéologique  ,  il  eut  à 
peine  assuré  son  existence  par  un 
canonicat  dans  la  cathédrale  de  Mu- 
nich qu'il  entreprit  de  longs  voyages 
en  Grèce  el  en  Italie.  Il  y  forma  de 
nombreuses  et  riches  collections 
d'antiquités,  et,  revenu  dans  sa  pa- 
trie, il  en  fit  la  description  dans  de 
très-bons  ouvrages  qu'il  a  publiés. 
Il  légua  par  sou  testament  au  gou- 
vernement bavarois,  qui  en  disposa 
en  faveur  de  l'école  royale  des  beaux- 
arts  et  autres  établissements  publics 
de  Munich  ,  toutes  ses  collections 
d'antiquités  et  sa  riche  bibliothèque. 
Ce  digne  et  savant  ecclésiastique 
mourut  à  Munich  dans  le  mois  de 
juin  1846.  Z. 

SPAGNA  (Juan  de  Espagna  on 
le),  peintre,  connu  plus  pariiculière- 
ment  en  Italie  sous  le  nom  de  Gio- 
vanni Spagnuolo,  quitta  de  bonne 
heure  l'Espagne,  sa  patrie,  pour  aller 
étudier  sous  la  d  rectioji  de  Pierre 
Pérugin.  La  plupart  des  disciples 
étrangers  de  ce  maître  repassèrent 
les  monts  et  allèrent  répandre  sa  ma- 
nière dans  les  différentes  contrft-s  de 
l'Europe.  Le  Spagna  ne  voulut  pas 
quitter  l'Italie,  et  il  avait  formé  le 
projet  de  se  fixer  à  Pérouse;  mais  les 
tracasseries  que  lui  suscitèrent  plu- 
sieurs de  ses  compatriotes,  jaloux  de 
sa  réputation,  le  décidèrent  à  aller 
s'établira  Spolète  oîi  ses  talents  et 
surtout  sa  conduite  lui  firent  obtenir 
le  droit  de  cité.  Il  a  laissi'  dans  cette 


SPA 


419 


ville,  ainsi  que  dans  Assise,  des  preu- 
ves nombrnjses  de  sa  capacité.  II  a 
su,  mieux  qu'aucun  des  élèves  du  Pé- 
rugin, rappeler  la  eoul<^ur  aimajble  de 
son  maître.  On  voit  encore  dans  la 
chapelle  des  Anges,  près  d'Assise, où 
mourut  saint  François  ,  le  tableau 
dans  lequel  il  a  peint  les  portfô'itsde 
quelques-uns  des  compagnons  *<le  ce 
saint.  Aucun  autre  élève  du  PérUikTin» 
non  plus ,  excepté  Raphaè'l  auq  uel 
personne  ne  peut  être  comparé,  n  'a 
peint  le  portrait  avec  autant  de  st\- 
périorité  que  le  Spagna  qui  tra  - 
vaillait  encore  en  1524.        P— s. 

SPALDING  (Charles-Auguste- 
Guillaume),  historien,  né  le  10  fé- 
vrier 1760,  en  Poméranie ,  fit  ses 
premières  études  et  son  droit  à 
Greifswald  et  fut  nommé  référendaire, 
puis  conseiller  de  justice  à  Berlin. 
Il  obtint  sa  retraite  avec  une  bonne 
pension  en  1823,  après  quarante  ans 
de  service,  et  se  livra  dès-lors  tout 
entier  à  ses  travaux  littéraires  qui 
lui  ont  fait  en  Allemagne  une  grande 
réputation.  Il  mourut  le 5  septembre 
1830.   Ses  ouvrages  publiés  sont: 

I.  Précis  historique  sur  Pierre-le- 
Grand,  roideCastille,  Berlin,  1797. 

II.  Histoire  des  rois  chrétiens  de> 
Jérusalem^  1803,  2  vol.  in-S".  III. 
Guerre  du  Canada^  1821.  IV.  CoH' 
quête  de  Naplespar  Conradin.    Z. 

SPANHEIiM  (Georges,  comte  de) 
naquit  sur  la  lin  du  IX''  siècle,  et  fut 
rétabli  par  l'empereur  Otton ,  en 
938,  dans  le  comté  de  Spanheim,  que 
ses  ancêtres  avaient  possédé  à  titre 
de  souveraineté.  Cette  illustre  mai- 
son étendit  sa  domination  pendant 
plusieurs  sièces  sur  cette  partie  de 
l'Allemagne  qui  avoisine  la  rive  gau- 
che du  Rhin,  et  posséda  à  diverses 
époques,  et  dans  ses  difierentes  bran- 
ches, les  comtés  et  duchés  de  Span- 
heim, Heinsberg,  Vianden,  Veldenz, 
27. 


420 


SPE 


SPE 


Chini,  etc.  Un  grand  nombre  d'au- 
tres terres  et  seigneuries,  parmi  les- 
quelles celle  d'Ariraont,  lut  le  partage 
d'une  branche  cadette,  transplantée 
en  France  en  1640,  et  connue  de  nos 
jours  sous  le  nom  de  comte  de  Scho- 
nendall  ou  plutôt  Schontlial  d'Ari- 
mont.  On  pre'sume  que  les  comtes 
de  Berlaimont  et  les  princes  et  ducs 
de  Loss-Corswarem,  aux  Pays-Bas, 
soCit  I  issus  des   Spanheim   par   les 
fer.nmes;  mais  la  plupart  des  biens 
considérables  de  cette  maison  sont 
passes  par  succession  dans  celles  de 
^^assau-Saarbrllck  ,    Nassau-Dillen- 
Jjourg  ;  celles  d'Autriche,  de  Bade, 
de  Bavière  et  deBirkenfeld,  comtes 
palatins  du  Rhin.  Sainte  Ilildegarde, 
née  en  1098,  était  de  la  maison  de 
Spanheim.   Le  comte  de  Spanheim 
mourut  en  952,  et  lut  inhumé  dans 
l'église  paroissiale  de  Malmédi,  au 
tombeau  de  ses  ancêtres.  Z. 

SPELTA  (Antoine-Marie),  litté- 
rateur italien,  qui  prenait  le  titre 
d'historiographe  du  roi  d'Espagne, 
était  né  à  Pavie  le  19  mai  1559,  sui- 
vant Baillet  [Jug.  des  Sav.,  V,  138, 
édit.  in-4»),  et  six  ans  plus  tôt,  c'est- 
à-dire  en  1553,  suivant  Moréri.  Ces 
deux  écrivains  ajoutent  qu'il  mourut 
dans  sa  ville  natale  en  mars  1C32. 
Tout  ce  qu'ils  nous  apprennent  de 
lui ,  sur  le  témoignage  du  Ghilini 
{Teatro  d'uom.  letter.),  c'est  qu'il  cul- 
tivait, avec  un  certain  succès,  la  poé- 
sie latine  (1),  mais  qu'il  ne  réussis- 
sait pas  aussi  bien  dans  la  poésie 
italienne.  Du  reste,  ils  ne  disent  point 
si  les  vers  de  Spelta,  dans  l'une  et 
l'autre  langue,  ont  jamais  vu  le  jour. 
Ils  se  taisent  également  sur  ses  au- 
tres ouvrages  en  prose.  Voici  les  ti- 
tres abrégés  de  quatre  de  ces  derniers, 


(i)  "On  Irouvaît  dans   ses  vers  latins  de 
la  douceur  et  de  la  gravité  tout  à  la  fois.» 


qui  ont  élé  imprimés:  f.  V^te  de'  Vef- 
covi  di  Pavia,  Pavie,  1597,  in  l''. 
II.  Aggiunia  alla  Sloria  di  Pavia 
dcl  Unvcntano,  Pavie,  1002,  in-i" 
{voy.  Breventano,  V,  565).  III.  His 
ioria  de'  falti  notabili  occorsi  nell' 
universo,  ed  in particolare  del  regno 
de'  Goti,  de'  Longobardi,  de'  Duchi 
di  Milano,  etc.,  Pavie,  1603,  in-4". 
C'est  la  seconde  édition  de  cette  his- 
toire estimée  et  peu  commune.  La  pre- 
mière avait  été  aussi  imprimée  à  Pa- 
vie, en  1597,  in-i",  et  l'auteur  avait 
publié,  en  1602,  un  Supplément,  mê- 
me ville,  même  format.  IV.  LaSag- 
gia  pazzia,  etc.,  Pavie,  1606,  in-4"; 
espèce  de  facétie  assez  curieuse,  plu- 
sieurs fois  réimprimée,  et  traduilc 
en  français  par  L.  Garon  {voy.  ce 
nom  ,  LXV,  157),  et  par  J.  Marcel 
(consultez  le  Manuel  du  libraire , 
art.  Spelta,  et  n»  25267  de  la  table 
méthodique;.  On  cite  encore  les  ou- 
vrages suivants  de  Spelta  écrits  en 
latin,  mais  nous  ne  savons  pas  s'ils 
ont  été  imprimés  :  Epistolœ,Decon- 
texendis  epislolis,  Enchiridon  de 
primordiis  dicendi ,  Lucubrationes 
in  obitum  Benedictœ Benlivolœ  uxo- 
ris  suœ,  Encomium  de  Jacobo  Mai- 
noldo  senatus  prœside,  Gratulatio 
de  reditu  Joannis  Fernandi. 

B— L— u. 
SPENCE  (John),  célèbre  philan- 
thrope anglais.  On  a  dit  avec  raison 
que,  depuis  plus  d'un  demi-siècle, 
tous  nos  essais  de  démocratie  et  de 
philanthropie  ne  sont  qu'une  imita- 
tion des  Anglais.  L'histoire  de  Spence 
en  est  une  nouvelle  preuve.  Né  vers 
1740,  dans  une  classe  obscure,  et 
n'ayant  reçu  qu'une  éducation  mé- 
diocre, cet  homme  commença  à  ré- 
pandre ses  doctrines  à  Londres  en 
1775.  Sans  bien  et  sans  industrie,  ii 
imagina  de  compi^scr  des  brochures, 
el  il  les  publia  sous  le  nom  de  Ikspu- 


SPE 

Mica  spcncionea,  située  dans  lemonde 
des  féeries,  enlre  Utopia  et  Océana. 
Dans  ce  rêve  politique,  Spence  éta- 
blit exactement  le  principe  de  la 
coiistitiuioa  française  de  1793  ,  et 
ceux  qui  n'en  furent  plus  récem- 
ment qu'une  vainc  imitation.  «  L'u- 

•  niversalité  des  citoyens  forme,  dit- 
«ii,  le  peuple  souverain.»  Il  y  a, 
comme  on  le  voit,  identité  non-seule- 
ment dans  le  sens,  mais  dans  les  ter- 
mes. Spence,  pins  franc  que  nos 
niveleurs,  manifesta  hautement  des 
principes  que  ses  imitateurs  n'ont  pas 
eu  le  temps  de  proclamer  «Toute  pro- 
«priéto'  foncière  particulière,  disait- 

•  il,  est  un  abus  qu'il  faut  abolir  pour 
«  toujours.  Le  sol  ne  peut  appartenir 

•  qu'au  peuple  souverain,  à  la  répu- 
«blique.  Personne  ne  peut  posséder 

•  en  propre  un  seul  pouce  de  terrain. 

•  Toutes  les  terres  doivent  être  affer- 
"  niées  par  baux  temporaires  d'un 
«  an  à  vingt  ;  le  produit  doit  être  dis- 
«  tribué  également  à  toutes  les  fa- 
«  milles."  Spence  admettait  le  droit 
de  propriété  particulière  pour  les 
meubles ,  l'argent,  etc. ,  mais  il  se 
flattait  que  sa  loi  agraire  maintien- 
drait toutes  les  fortunes  dans  une 
extrême  médiocrité.  «La  force  des 
«  riches,  disait-il,  est  dans  les  grands 

•  domaines  fonciers,  comme  celle  de 
«  Samson  était  dans  ses  cheveux.  Si 
«  les  Philistins,  au  lieu  de  se  borner 
«à  couper  les  cheveux  à  Samson, 
«  l'avaient  scalpé  h  la  manière  in- 
«  dicnné,  ses  cheveux  n'auraient  pas 
a  repoussé,  ses  forces   ne  seraient 

•  pas  revenues.  Ne  commettons  pas 
«  la  même  faute  des  Philistins,  scal- 
-  pons  les  riches  î  »  Cette  expression 
et  quelques  autres  de  la  même  force 
valurent  à  Spence  une  poursuite  ju- 
diciaire. Le  vertueux  lord  Kengon, 
touché  d'une  fausse  pitié,  ne  le  con- 
damna qu'à  un  au  d'emprisonncmcut 


SPE 


i2i 


et  à  une  amende  de  20  liv.  sterling. 
Sorti  de  prison,  Spence  se  vit  en- 
touré d'une  foule  de  fanatiques  de 
la  plus  basse  populace,  et  se  mit  à 
rédiger,  pour  cette  classe  de  lecteurs, 
un  pamphlet  périodique  auquel  il 
donna  le  titre  âePig's  méat,  c'est-à- 
dire  nourriture  des  cochons,  proba- 
blement par  allusion  à  une  expres- 
sion échappée  à  Burke,  qui  avait  qua- 
lilié  le  bas  peuple  de  multitude  co- 
chonne {swinish  multitude).  Pour 
colporter  cet  écrit,  il  acheta  une  voi- 
ture d'osier,  semblable  à  celle  dans 
laquelle  nous  avons  vu,  en  1814,  col- 
porter le  fameux  Mémoire  de  Car- 
not.  Monté  sur  ce  char,  Spence  par- 
courut l'Angleterre  pendant  deux 
ans  ;  mais,  ne  trouvant  de  soutien 
que  parmi  des  mendiants  comme  lui, 
il  finit  ses  jours  dans  une  extrême 
misère.  Il  avait  semé  les  dents  du 
dragon,  disait-il.  En  effet,  la  graine 
lève  aujourd'hui,  chez  nous  et  en  An- 
gleterre; plusieurs  milliers  de  pe- 
titsartisansrelisentencore  ces  écrits, 
et  on  les  réimprime,  on  les  colporte. 
L'auteur  y  conserve  encore  des  admi- 
rateurs. La  secte  spencenienne  existe 
en  Angleterre,  elle  a  même  des  rap- 
l'Orls  dans  les  pays  étrangers,  et  l'on 
ne  peut  pas  douter  qu'elle  n'aiteude 
l'influence  sur  ce  qui  s'est  passé  ré- 
cemment chez  nous.  —Spence  [Wil- 
liam), président  de  la  Société  d'agri- 
culture d'Holderness,  possédait  près 
de  HuU  de  vastes  domaines  sur  les- 
quels il  résidait.  11  s'est  beaucoup 
occupé  d'histoire  naturelle,  d'éco- 
nomie politique,  et  il  a  essayé  de 
combattre ,  dans  quelques  brochu- 
res, les  préjugés  qui  existent  en  fa- 
veur du  commerce  et  des  manufac- 
tures au  préjudice  de  l'agriculture. 
Quoique  ses  opinions  fussent  déve- 
loppées avec  beaucoup  d'art,  elles  ne 
firent  pas  une  grande  impression.  Il 


422 


SPE 


a  publié  :  I.  La  Grande-Bretagne 
indépendante  du  commerce^  1807, 
iii-8°.  II.  Cause  radicale  de  li  dé- 
tresse actuelle  des  planteurs  des  In- 
des Occidentales  ,  1807,  in-S".  III. 
L^  Agriculture,  source  de  la  richesse 
delà  Grande-Bretagne,  1808,  in-8*'. 
IV.  Les  objections  au  hill  sur  les 
grains  réfutées,  1815,  in-8°.  M — d  j. 
SPEXCE  (Miss  ELISABETH -Isa- 
belle), romancière  anglaise,  ne'e 
vers  1768,  était  la  fille  unique  d'un 
médecin  de  Durham,  grand  ami  de  la 
littérature  et  très-proche  parent  de 
Spence,  l'auteur  du  Polymétis.  Sa 
mère  elle-même  devait  le  jour  au 
célèbre  docteur  Fordyce  et  parta- 
geait le  goût  de  son  époux  pourjles 
lettres.  Tous  deux  se  réunirent  pour 
donner  à  leur  fille  une  éducation 
très-soignée;  mais  tous  deux  mou- 
rurent quand  à  peine  elle  entrait 
dans  l'adolescence.  Heiireusement 
elle  trouva  un  refuge  à  Londres  chez 
un  oncle  et  une  lanîe  qui  n'avaient 
eux-mêmes  que  peu  de  fortune,  mais 
chez  lesquels  elle  put  achever  son 
éducation  à  peu  près  sans  maîtres, 
grâce  à  des  études  opiniâtres  et  bien 
dirigées,  grâce  aussi  à  la  conversa- 
tion des  personnes  instruites  et  dis- 
tinguées qui  formaient  la  société  de 
son  oncle.  Elle  acquit  ainsi  des  con- 
naissances très-variées  et  de  la  faci- 
lité à  écrire,  et  diverses  petites  com- 
positions où  elle  essaya  son  talent 
trouvèrent  entrée  dans  des  recueils 
dont  les  éditeurs  la  payèrent  assez 
bien  pour  une  débutante.  Elle  y  prit 
goût;  elle  avait  de  cette  façon  réalisé 
des  économies  de  quelque  valeur 
quand  la  mort  des  deux  parents 
avec  lesquels  s'étaient  passées  les 
années  de  sa  jeunesse  vint  lui  faire 
une  nécessité  de  celte  ressource. 
Elle  entra  en  relations  suivies  avec 
une   des  plus   fortes   librairies   de 


SPE 

Londres  et  publia  successivement, 
à  partir  de  1799,  di'S  romans,  des 
nouvelles,  des  impressions  de  voya- 
ges. Tuuies  ces  productions  furent 
favorablement  reçues  du  public,  et 
quelques-unes  eurent  un  véritabie 
succès  d'estime.  Miss  Spence  pou- 
vait d'ailleurs  préfendre  à  la  consi- 
dération par  la  solidité  de  son  carac- 
tère et  l'aménité  de  ses  manières.  Le 
produit  de  ses  ouvrages  et  la  sagesse 
avec  laquelle  elle  administrait  ses 
finances  la  mettaient  à  même  de 
vivre  à  Londres  (dans  une  des  rues 
retirées  du  West-End)  et  de  voir  la 
meilleure  compagnie  de  la  capitale, 
tant  sous  le  rapport  du  rang  et  de  la 
naissance  que  sous  celrn  de  l'esprit. 
Parmi  les  personnes  qu'elle  voyait 
fréquemment  élaieivt  les  Benlham, 
les  Fordyce,  l'alderiiian  Birch,  lady 
Marguerite  Blaud  Burges  et  sa  sœur 
lady  Aune  Barnard,  missBenger,  les 
deux  miss  Porter.  Cet  attrait  qu'elle 
exerçait  sur  ce  qui  l'environnait  se 
prolongea  en  dépit  de  l'âge,  et,  joint 
au  renom  paisible  et  pur  que  lui 
avaient  conquis  ses  productions, 
faisait  toujours  désirer  sa  société, 
notamuient  par  les  jeunes  femmes, 
qui  elles  aussi  visaient  à  se  faire  une 
position  et  un  nom  parmi  les  nota- 
bilités littéraires:  ainsi,  par  exem- 
ple, on  vit  la  brillante  improvisa- 
trice miss  Landon  rechercher  sa 
conversation  et  son  suffrage.  Miss 
Spence  fut  enlevée  en  1832  à  la  suite 
d'une  violeiite  attaque  de  paralysie 
qui  n'avait  point  altéré  ses  facultés, 
mais  qui,  dès  lecommencement, avait 
agi  si  fortement  sur  son  physique 
qu'elle  avait  quitté  Londres  pour 
aller  respirer  un  air  meilleur  à 
Chelsea;  rien  ne  put  lui  rendre  la 
santé,  et  sa  mort  eut  lieu  le  27  juil- 
let. Voici  la  liste  des  ouvrages  qu'on 
lui  doit:  i.  Hélène  Saint-Clair,  ro- 


SPE 

man,  Londres,  1799,  2  vol.  iii-l2. 
II. Noblesse  de  cœur,  roman,  Lond., 
1804,  3  vol.  in-12.  III.  Le  jour  de  la 
noce,  ou  les  effets  de  lu  jalousie, 
Londres,  1807,  3  vol.  in-12  (trad.  en 
français  par  M'""  Périn).  IV.  Voyage 
d'été  {Summer  Excursions)  dans  une 
partie  de  l'Angleterre  et  du  pays  de 
Galles,  Londres,  1809,  2  vol.  in-S». 

V.  Esquisse  des  mœurs  et  coutumes 
actuelles  de  l'Ecosse  et  des  sites  de 
ce  pays,  Londres,  1811,  2  vol.  in-12. 

VI.  Impressions  et  souvenirs  (Com- 
memorativefeelings),  Londres,! 812, 
in  8».  VII  Le  curé  et  sa  fille  ^  nou- 
velle cornonaillietine,  Londres, 1813, 
3  vol.  in-12.  VIII.  La  guitare  espa- 
gnole^ nouvelle,  Londres,  1815,  in- 
12.  IX.  Récit  de  voyageur,  Londres, 
3  vol.  in-12.  X.  Lettres  des  Highlands 
du  nord,  Londres,  in-8».  C'est  un  de 
ses  ouvrages  les  plus  estimés.  XI. 
Récits  gallois  [Taies  ofwelsh  society 
and  scenery)^  Londres,  2  vol.  in-12. 

XII.  Vieilles  histoires,  2  vol.  in-12. 

XIII.  Comment  on  se  débarrasse 
d'une  femme,  Londres,  2  vol.  in-12 

XIV.  Dame  Rebecca Bernes,  Londres, 
3  vol.  in-12.  P-OT. 

SPEXCER  (Georges -John,  vi- 
comte Allhorp,  comte),  appartenait 
à  la  branche  cadetle  d'une  famille 
dont  l'aînee  prend  le  titre  de  duc 
de  Marlborough,  et  remonte,  quoi- 
que l'orthographe  du  nom  soit  un 
peu  différente,  jusqu'à  Hugues  Spen- 
ser  ou  Le  Despenser,  favori  d'E- 
douard Il  {voy.  EDOUARD,  XII,  .504). 
Né  le  l^""  septembre  1758,  il  com- 
mença ses  études  à  l'école  de  Harrow 
et  alla  les  terminer  au  collège  de  la 
Trinité  dans  l'université  de  Cam- 
bridge. Il  voyagea  ensuite  sur  le 
continent,  et,  revenu  en  Angleterre, 
il  fut  député  à  la  chambre  des  com- 
munes par  le  comté  de  Northampton. 
II  était  alors  connu  sous  le  nom  de 


SPE 


423 


vicomte  Althorp.  Après  la  mort  de 
son  père  (1789),  il  hérita  du  titre  de 
comte  Spencer  et  entra  à  la  chambre 
des  pairs,  oîi  il  professa  les  doctrines 
des  whigs  dans  lesquelles  il  avait 
été  élevé.  Mais  lorsque  les  principes 
de  la  révolution  française  parurent 
se  propager  en  Angleterre,  lord  Spen- 
cer, à  la  sollicitation  de  W.   Pitt, 
quitta  les  rangs  de  l'opposition,  en 
1794,  et  fut  nommé  président  de  l'a- 
mirauté. C'est  pendant  son  adminis- 
tration que  l'amiral  Jervis,  comte  de 
Saint- Vincent,  battit  la  flotte  espa- 
gnole en  1797;  que  la  même  année 
buncan  captura  celle  des  Hollandais, 
et  que  Nel.son  gagna  la  bataille  d'A- 
boiikir  (1798).  Partageant  les  idées 
de  Pitt,  qui  ne  voulait  pas  que  l'on 
fît  la  paix  avec  la  France,  il  sortit  en 
même  temps  que  lui  du  ministère 
en  1801.  Il  y  rentra  aveclui  en  1805, 
et   obtint  le  portefeuille   de  l'inté- 
rieur; mais,  après  la  mort  du  pre- 
mier ministre,  il  donna  sa  démission. 
A  celte  époque  lord  Spencer  fut  un 
des  Commissaires  choisis  par  Geor- 
ges 111  pour  examiner  la  conduite  de 
la  princesse  de  Galles,  sa  bru,  et 
leur  rapport  lui  fut  favorable  {voy, 
Caroline,  LX,  205).  Devenu  grand- 
maître  des  postes  et  inspecteur-gé- 
néral des  forêts,  il  fut  nommé  plus 
tard  conseiller  privé,  l'un  des  gar- 
diens du  Musée  britannique  et  gou- 
verneur des  archives.  Lord  Spencer 
mourut  en  1834.  Il  était  chevalier  de 
l'ordre  de  la  Jarretière,  membre  de 
la  Sociéié  royale  de  Londres  et  de 
celle  des  Antiquaires.  Il  était  revenu, 
dans  le  parlement,  sur  les  bancs  de 
l'opposition.  La  littérature  et  surtout 
la  bibliographie  occupaient  ses  loi- 
sirs. Possesseur  de  deux  belles  bi- 
bliothèques d'une  valeur  immense  et 
où  les  savants  avaient  toujours  un 
libre  accès  »  Spencer  ne  reculait  de- 


424 


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SPE 


vaut  aucun  sacrifice  pour  les  euri- 
chir  de  livres  rares  et  pre'cieux.  Il 
avait  passé  deux  ans  en  Italie,  afin 
de  se  procurer  les  plus  anciennes 
éditions  des  auteurs  célèbres  de  ce 
pays.  C'est  ainsi  qu'il  acheta,  pour 
des  sommes  considérables,  une  édi- 
tion de  Dante  de  1472,  une  de  Boc- 
cace  de  1473,  etc.  M.  T.  F.  Dibdin  a 
publié,  sous  le  titre  de  Bibliotheca 
spenceriana,,  or  a  descriptive,  etc. 
(Londres,  1814-15,  4  vol.  in-S») ,  le 
catalogue  raisonné  des  livres  de  lord 
Spencer,  qui  lui-même  avait  rédigé 
un  recueil  des  variantes  qui  se  trou- 
vent dans  les  meilleures  éditions  des 
classiques  grecs,  latins  et  italiens. 
Sa  collection  était  la  plus  riche  peut- 
être  qu'aucun  particulier  ait  jamais 
formée.  —  Jean-  Charles  Spencer, 
son  fils  aîné,  fut  envoyé  à  la  cham- 
bre des  communes  par  le  comté  de 
Norlhampton.  En  1815  il  demanda 
qu'on  examinât  l'emploi  des  cent 
mille  livres  sterling  accordées  au 
prince-régent  pour  payer  ses  dettes  ; 
mais  cette  motion  fut  rejetée.     Z. 

SPENCER  (sir  Brent),  général 
anglais,  naquit  au  comté  d'Amtrim, 
en  Irlande,  vers  1761,  d'une  des 
meilleures  familles  du  pays.  Il  entra 
au  service  comme  enseigne  en  1778, 
eut  part  en  1782  comme  lieutenant 
à  l'énergique  et  pourtant  inutile  dé- 
fense du  fort  de  Brimston-hill  dans 
Saint  -  Christophe  attaqué  par  les 
Français,  et  se  trouva,  au  commen- 
cement de  la  guerre  contre  la  révo- 
lution française,  chargé,  en  qualité  de 
major,  du  commandement  du  13^  de 
ligne  à  la  Jamaïque.  Il  y  déploya  in- 
finiment de  bravoure,  de  sang-froid 
et  de  coup-d'ceil  dans  les  opérations 
qui  se  succédèrent  sur  les  côtes  de 
Saint-Domingue,  et  principalement 
dans  l'attaque  dirigée  par  Whilc  sur 
Port-au-Prince.  On  le  vit,  au  milieu 


d'un  des  plus  épouvantables  ora- 
ges qui  jamais  aient  sévi  aux  An- 
tilles, s'emparer,  par  une  charge  à 
la  baïonnette,  d'une  des  positions 
les  plus  importantes.  Toutefois  l'ar- 
mée anglaise  dans  ces  parages  n'é- 
tait pas  de  force  à  l'emporter  sur 
l'exaltation  des  noirs,  alors  arrivée 
au  plus  fiévreux  paroxisme,  et  bien- 
tôt il  fallut  se  résigner  à  la  retraite 
et  se  borner  à  conserver  les  postes 
de  la  côte.  Les  services  de  Brent 
Spencer  n'en  furent  pas  moins  ré- 
compensés par  le  grade  de  lieutenant- 
colonel  au  40=  en  1794,  et  peu  après 
il  revint  en  Angleterre,  où  Geor- 
ges III  non-seulement  le  fit  colonel, 
mais  le  nomma  un  de  ses  aides-de- 
camp  et  le  comprit  parmi  ceux  qu'il 
honorait  d'une  faveur  toute  particu- 
lière. Il  suivit  en  1799  le  duc  d'York 
dans  sa  malencontreuse  campagne 
de  Hollande,  et  l'on  ranta  sa  dé- 
fense du  village  de  Saint-Martin  et 
sa  belle  conduite  à  l'assaut  d'Oude- 
capel,  le  21  septembre.  Dix-huit  mois 
après  il  prenait  part  à  l'expédition 
d'Egypte,  et  à  peine  avait-il  mis  le 
pied  sur  la  plage ,  que  le  général 
Moore  lui  communiquant  la  nécessité 
de  déposter,  pour  que  le  débarque- 
ment réussît,  les  formidables  batte- 
ries françaises  assises  sur  un  monti- 
cule de  sable  voisin  de  la  côte,  le 
chargeait  de  s'emparer  de  ce  poste. 
C'était  là  une  de  ces  opérations  sui- 
vant le  cœur  de  Spencer  :  la  baïon- 
nette était  son  arme  favorite  ;  se  pla- 
çant à  la  tête  du  23'  de  ligne  et  de 
quatre  compagnies  du  40%  il  .s'élança 
sur  les  retranchements  français,  tan- 
dis que  ious  les  débarqués  avaient 
les  yeux  sur  cette  attaque  dont  dé- 
pendait en  quelque  sorte  le  succès 
de  l'entreprise.  Ce  fut  vraiment  un 
instant  dramatique  que  celui  où  les 
deux  armées  pouvaient  se  deman- 


SPE 


SPE 


425 


der  qui  l'emporterait.  Finalement 
l'impétuosité  dos  assaillants  triom- 
pha, et  il  n'y  a  pas  d'exagération  à 
dire  que  dès  ce  moment  tout  devint 
comparativement  facile.  On  vit  en- 
suite Brent  Spencer  combattre,  les 
13  et  21  mars,  avec  les  troupes  bri- 
tanniques, attaquer  et  prendre  Ro- 
sette, et  repousser  (  le  5  septembre  ) 
devant  Alexandrie,  à  la  têle  de  200 
hommes  seulement,  une  colonne  de 
600  hommes  que  Menou  envoyait 
pour  le  déloger  de  sa  position.  La 
paix  d'Amiens  suivit  bientôt-,  Spencer 
ne  fut  nommé  major-général  qu'en 
1805,  et  ne  reparut  sur  les  champs 
de  bataille  qu'en  1807.  Ce  fut  lors 
de  l'expédition  de  Copenhague,  sous 
lord  Cathcart.  Le  réembaripiement 
des  troupes  anglaises,  après  le  per- 
fide bombardement  de  la  capitale 
danoise,  offrait  surtout  des  dinicul- 
tés,  et  l'on  craignait  une  insurrec- 
tion de  la  population  au  désespoir. 
Brent  Spencer  eut  une  part  essen- 
tielle aux  mesures  qui  furent  prises 
alors  pour  prévenir  toute  collision, 
et  telles  furent  la  discipline  et  l'atti- 
tude des  troupes  que  rien  ne  fut 
tenté.  L'année  suivante  vit  Napoléon 
ravir  la  couronne  d'Espagne  à  son 
posesseur  légitime  pour  la  mettre 
sur  le  front  de  Joseph.  Le  cabinet 
de  Saint-James  prépara  aussitôt  une 
expédition,  probablement  pour  faire 
main-basse  sur  Ceuta,  et  Spencer  fut 
désigné  pour  commander  une  armée 
de  0,000  hommes.  Mais  à  peine  ar- 
rivait-il à  Gibraltar  que  déjà  l'Es- 
pagne s'était  levée  contre  l'usurpa- 
tion. La  destination  de  l'armement 
britannique  fut  soudain  changée,  et 
Spencer  offrit  ses  secours  à  ceux  con- 
tre lesquels, s'ils  eussent  accepté  la  do- 
mination étrangère,  il  n'eût  pas  man- 
qué d'agir.  Mais  les  Espagnols  décli- 
nèrent ses  offres;  et  après  avoir  un 


moment,  d'accord  avec  l'escadre,  se- 
condé, par  diverses  évolutions  le 
long  de  la  côte,  les  premières  opé- 
rations des  insurgeuts,  il  alla  en  Por- 
tugal se  mettre,  lui  et  son  corps, 
sous  les  ordres  de  sir  Arthur  W'el- 
lesley.  La  jonction  de  toutes  les  for- 
ces anglaises  permit  alors  à  ce  géné- 
ral de  conunencer  énergiquemeiit 
les  hostilités  contre  les  Français  que 
commandait  Junol.  Brent  Spencer 
joua  un  rôle  important  dans  les  jour- 
nées de  Vimieira  et  de  Roleia,  si  fu- 
nestes à  la  suprématie  napoléo- 
nienne, et  dans  la  capitulation  de 
Cintra  qui  suivit.  On  sait  pourtant 
avec  combien  de  force  l'opinion  s'é- 
leva en  Angleterre  contre  la  facilité 
prétendue  avec  laquelle, disait-on,  le 
général  vainqueur  avait  abandonné 
une  partie  de  ses  avantages.  Brent 
Spencer,  pendant  le  séjour  qu'il  fit 
ensuite  dans  sa  terre  natale,  fut  ap- 
pelé en  témoignage  sur  ces  événe- 
ments. Sa  déposition  servit  beaucoup 
a  faire  apprécier  plus  sainement  ce 
qui  s'était  passé.  Wellcsley,  devenu 
lord  Wellington,  ne  tarda  pas  à  être 
mis  à  la  têle  d'une  nouvelle  armée 
britannique,  destinée  à  contrarier,  ù 
faire  cesser  l'occupation  du  Portugal 
par  les  armées  françaises,  et  Spencer 
lui  fut  donné  conune  commandant 
en  second  (1810).  La  tâche  était  loin 
d'être  facile.  Numériquement  les 
Français  l'emportaient  de  beaucoup, 
et  Masséna  les  commandait.  Les  deux 
généraux  n'en  acceptèrent  pas  moins 
la  rude  charge  que  leur  confiait  le 
ministère.  Leur  réapparition  anima 
singulièrement  les  troupes,  qui  les 
appréciaient  et  les  aimaient.  Jugeant 
bien  vite  ce  qu'ils  pouvaient  et  ce 
qu'ils  ne  pouvaient  pas,  ils  s'appli- 
quèrent surtout  à  n'entreprendre  rien 
qui  excédât  leurs  forces  ;  et  d'abord 
ils  ne  visèrent  qu'à  deux  choses,  se 


426 


SPE 


maintenir  et  relever  les  Portugais 
par  leur  exemple.  De  là  les  lignes  de 
Torres  Veilras  que  les  Français  ne 
purent  jamais  forcer  ;  de  là  la  bataille 
de  Busaco  que  Wellington  ne  pou- 
vait avoir  l'espoir  de  gagner,  si  ga- 
gner la  bataille  c'est  rester  le  maître 
du  terrain  sur  lequel  on  la  livre, 
mais  qui  pouvait  passer  pour  une 
victoire  dès  qu'elle  assurait  aux  An- 
glais la  possibilité  de  retourner  à 
leurs  retranchemeuts.  Spencer  fut, 
après  Wellington,  l'âme  de  toute 
cette  stratégie,  dont  le  résultat  fui 
l'évacuation  du  Portugal  par  h  sFran- 
çais  l'année  suivante.  De  retour  en 
Angleterre  à  l'issue  de  cette  campa- 
gne, il  n'en  sortit  plus  D'ailleurs  la 
paix  générale  ne  se  fit  pas  long- 
temps attendre;  et  dès  lors  il  partagea 
ses  heures  entre  les  délices  de  la  vie 
rurale  et  la  société  d'amis  choisis.  Sa 
mort  eut  lieu  le  29  déc.  1828.  P— ot. 
SPENCER  (sir  Robert).  Voy.  Ca- 

VENDISH,   LX,  331. 

SPERCiES  (Jean,  baron  de)  et  de 
Palentz,  chevalier  de  Saint-Etienne, 
néàlnspruck  en  1720,  appartenait 
à  une  famille  noble  du  Tyrol.  Après 
avoir  fait  ses  études  de  philosophie 
et  de  jurisprudence  à  Saitzbourg,  il 
fut  nommé  procureur  fiscal  à  Trente 
et  à  Roveredo,  et  acquit  une  pro- 
fonde connaissance  de  la  littérature 
italienne.  Les  hommes  lettrés  du  Ty- 
rol ,  comme  ceux  de  la  Lombardie 
autrichienne,  ressentirent  les  effets 
de  sa  bienveillance.  Il  obtint,  par  son 
mérite,  la  place  de  conseiller  impé- 
rial et  royal  de  la  chancellerie  pri- 
vée d'État  et  celle  de  référendaire 
des  affaires  d'Italie  à  la  cour  impé- 
riale. L'académie  des  Riches,  à  Vien- 
ne, lui  dut  sa  fondation,  et  celle  des 
Beaux- Arts  trouva  en  lui  un  géné- 
reux protecteur.  Les  diverses  fonc- 
tions politiques  qu'il  remplit  ne  ra- 


SPE 

lentirent  point  son  zèle  et  son  amour 
passionné  pour  les  belles-lettres.  En 
correspondance  avec  les  grands  sei- 
gneurs et  les  .savant.s,  il  s'attira  l'es- 
time et  l'affection  des  uns  et  des  au- 
tres ;  l'abbé  Bettinelli  [voy.  ce  non), 
IV,  413)  lui  dédia  son  livre  Délie  let- 
tere  e  deW arli  manlovane,  Mantoue, 
1774.  Le  baron  de  Sperges  mourut  à 
Vienne  le  26  octobre  1791.  Les  let- 
tres, les  poésies  et  les  inscriptions 
qu'il  a  laissées  témoignent  que  l'au- 
teur s'était  formé  sur  les  meilleurs 
modèles.  Ces  différents  écrits  ont  été 
réunis  et  publiés  sous  ce  titre:  Jo/ian- 
nis  Spergesii  Patentini  cenluria 
litterarum  ad  halos,  cum  appendice 
trium  decadum  ad  varias,  carmina 
juvenilia  et  inscriptiones,  Vienne, 
1792,  in-S".  Dans  le  recueil  intitulé  : 
De  monetis  veronensibus,  prœsertim 
sub  Ezdino  conflatis,  Epistolœ  (Vé- 
rone, 1779),  on  trouve  une  lettre 
curieuse  de  Sperges  sur  une  mon- 
naie de  Vérone,  avec  une  lettre  de 
J.-B.  Verci  et  deux  autres  de  J.-J  Dio- 
nisi  («oy  ces  noms,  XLVill,  163,  et 
LXII,  498)  sur  le  même  sujet.  Toutes 
sont  écrites  en  latin;  elles  ont  été 
réimprimées,  avec  une  traduction 
italienne  en  regard  ,  dans  le  recueil 
de  Guido  Zanetti  :  Délie  monde  e 
zecche  d'Italia  {voy  Zanetti,  LU, 

111).  P— ET. 

SPEULET  on  Sperlette  (Jean), 
professeur  de  philosophie,  naquit  à 
Mouzon-sur-Meuse,  suivant  dom  Cal- 
met,  qui  ne  dit  pas  en  quelle  année. 
11  entra  dans  la  congrégation  de 
Saint-Vannes,  en  1676,  et  y  fit  pro- 
fession le  28  mai  1679,  en  changeant, 
selon  l'usage,  son  prénom  en  celui 
de  Romuald.  On  ne  sait  trop  par  quels 
motifs,  en  1687,  il  quitta  ses  con- 
frères et  se  retira  en  Hollande,  où  il 
demeura  deux  ans,  entièrement  ap- 
plique a  l'étude  des  ouvrages  de  Des- 


SPE 

carfes,  dont  il  était  grand  admira- 
teur. En  1089,  il  fut  appelé  en  Prusse 
par  l'électeur  de  Brandebourg,  de- 
puis roi  sous  le  nom  de  Frédéric  1*"'. 
Ce  prince  chargea  Sperletle  d'en- 
seigner la  philosophie  aux  fils  des 
réfugiés,  en  grand  nombre  alors  à 
Berlin.  L'ancien  bénédictin  remplit 
avec  distinction  cet  honorable  em 
ploi  et  se  fit  généralement  aimer  de 
ses  disciples.  Il  rédigea  pour  eux  un 
C()urs  complet  et  très-méthodique  lie 
philosophie,  en  quatre  parties,  qu'il 
fit  imprimer,  chacune  séparément , 
en  169G.  Il  les  revit  ensuite,  les  com- 
pléta, et  les  publia,  réunies,  sous  ce 
litre :Operaphilosophica  inqualuor 
partes,  logicam ,  physicam,  meta- 
physicam  et  morakm ,  nunc  con- 
junctim  éditas,  distributa;  edilio 
altéra  emendatior ,  Berlin,  1703, 
in-4°.  Dans  son  Recueil  de  littéra- 
ture ,  de  philosophie  et  d'histoire , 
Ch.-Él.  Jordan  {voy.  ce  nom,  XXIl, 
5)  dit,  page  (il  :  «La  philosophie 
"  que  M.  Sperlette  a  donnée  au  pu- 

•  blic  est  toute  pillée.  Sa  logique  est 

•  presque  traduite  mot  à  mot  de 
«  VArt  dépenser,  et  je  sais  de  bonne 
«  part  que  le  reste  n'est  autre  chose 
«  que  ce  que  dictait  à  ses  écoliers 

•  doin  Robert  Desgabets,  de  la  con- 
«  grégation  de  Saint-Vannes.»  VArt 
de  penser,  dont  parle  Jordan,  est  sans 
doute  la  Logique  de  I>ort-Royal.  En 
ce  cas,  il  faut  convenir  que  Sperlette 
pouvait  plus  mal  choisir.  Quant  à 
dom  Desgabets,  si  ses  ouvrages,  res- 
tés à  peu  près  inédits,  ont  éié  mis  à 
profit  par  l'auteur  du  cours  de  piii- 
losophie,  il  n'a  fait  en  cela  qu'imiter 
le  célèbre  Régis  et  plusieurs  autres. 
On  a  encore  de  Sperlette  les  deux 
écrits  suivants,  qui  paraissent  avoir 
été  incotiniis  ii  dom  C  ilinet  :  De  hy- 
pothesibus  astronomorum  disserta- 
tio,  Halle  (eu  Saxe),  1697,  iu-4%  et 


SPI 


427 


Dissertatio  physico  -  asironomica 
de  natura  comelarum  et  eorum  in- 
fluentiis,  ibid  ,  1701,  in  4"  {voy.  la 
Bibliog.  astron.  de  Lalande).  Bayle, 
au  rapport  de  Jordan  lui-même,  esti- 
mait beaucoup  Sperlette.  Nous  ne 
conniissons  pas  l'époque  de  la  mort 
de  ce  dernier.  B — l— u. 

SPJEL  (Georges-Henri),  littéra- 
teur allemand,  naquit  k  Nordheiin 
dans  l'électoral  de  Hanovre  en  1786, 
et  fit  de  très-bonnes  études.  Il 
occupa  ensuite  plusieurs  places  im- 
portantes et  jouit  d'une  grande  con- 
sidération ;  mais  ce  qui  fixa  prin- 
cipalement les  regards  sur  lui,  ce  fut 
un  recueil  périodiijue  intitulé  :  Vater 
landischcz  Archive  (les  Archives  de 
la  patrie)  pour  servir  à  la  con- 
naissance du  royaume  de  Hanovre, 
qu'il  publia  depuis  1819  jusqu'à  sa 
mort.  Spiel  était  encore  un  des  col- 
laborateurs de  Gruberpoursa  grande 
Encyclopédie  II  mourut  à  Hanovre 
en  1822.  B— H— D. 

SPIELMAN  (le  baron  de),  diplo- 
mate autrichien,  éiève  et  confrère 
de  Thugut,  concourut  comme  lui  à 
donner  à  la  politique  du  cabinet  de 
Vienne  ce  caractère  d'ambition  et  de 
duplicité  qui  dans  les  guerres  de  la 
révolution  eut  des  résultats  si  fu- 
nestes Après  avoir  été  auprès  de 
différentes  cours  secret  h  ire  et  con- 
seiller d'ambassade,  il  devint  mi- 
nistre de  cour  et  d'État,  avec  le  titre 
de  référendaire  privé.  Ce  fut  en 
cette  qualité  qu'il  accompagna  en 
1791  l'empereur  Léopold  aux  confé- 
rences de  Pilnitz,  où  il  contribua 
beaucoup  à  faire  adopter  le  système 
de  temporisation  qui  fut  d'abord  re- 
poussé par  le  roi  de  Prusse.  Ce  prince 
voulait  que  l'on  déclaiàtsur-le-cbamp 
la  guerre  k  la  France,  afin,  disait-il, 
de  ne  pas  donner  au  parti  révolu- 
tionnaire le  temps  de  se  préparer  à 


428 


SPI 


lu  résistance.  Mais  ce  système  ne  fui 
point  admis  par  le  circonspect  em - 
perenr,  qui  s'était  déjà  mis  en  rap- 
port avec  le  parti  constitutionnel  de 
France.  Ce  fut  Spielman  qui  rédigea 
la  déclaration  vague  et  insignifiante 
que  signèrent  les  deux  souverains 
et  qui  termina  les  conférences.  On 
voit  dans  le  tome  F"",  page  377,  des 
Mémoires  tirés  des  papiers  d'un 
homme  d'État,  oii  se  trouvent  expli- 
quées les  causes  et  les  conséquences 
de  ce  mémorable  événement,  que  ce 
fiit  encore  le  baron  de  Spieiman  qui, 
lorsque  la  guerre  fut  décidée,  lit 
écarter  les  princes  français  de  la  di- 
rection des  opérations  militaires  que 
le  roi  de  Prusse  avait  d'abord  con- 
senti à  leur  accorder,  sur  la  de- 
mande de  ces  princes  assistés  du 
marquis  de  Bouille.  Les  princes  de  Col- 
loredo  et  de  Hulienlohe,  conseillers 
autrichiens  eux-mêmes,  y  avaient 
accédé,  mais  le  baron  de  Spielman 
fit  changer  cette  partie  du  plan,  en 
soutenant  que  les  opérations  des  émi- 
grés devaient  dépendre  du  mouve- 
ment des  armées  combinées,  et  qu'il 
fallait  les  soumettre  au  plan  général. 
Malheureusement  ce  système  avait 
été  suggéré  au  cabinet  autrichien 
par  le  baron  de  Breteuil,  envoyé  se- 
cret de  Louis  XVI,  à  qui  l'on  avait 
inspiré  de  la  défiance  sur  les  inten- 
tions de  ses  frères.  Ainsi  les  royalistes 
français  furent  divisés  en  trois  corps 
séparés  et  qui  restèrent  en  réserve 
sur  les  derrières,  ce  qui  eut  une 
grande  influence  sur  les  événements, 
comme  on  peut  le  voir  à  l'article  Du- 
MOURIEZ  ILXIII,  15i),  et  rendit  im- 
possible l'invasion  qui  devait  être 
tentée  par  le  duc  de  Brunswick  avec 
de  si  grands  moyens  de  succès.  Ce 
qui  prouve  d'ailleurs  que  ce  n'était 
ni  dans  les  intérêts  de  Louis  XVI  ni 
dans  ceux  des  émigrés  royalistes 


SPI 

que  l'Autriche  s'était  réunie  à  la 
coalition,  c'est  qu'au  moment  où 
l'armée  coalisée  se  mit  en  mouve- 
ment, le  baron  de  Spielmarij  Tbugut 
et  Merci -d'Argentean  furent  en- 
voyés à  sa  suite,  et  qu'ils  vinrent 
en  Lorraine  jusqu'à  Verdun  comme 
commissaires  autrichiens  chargés  de 
procéder  au  partage  des  provinces 
qui  devaient  échoir^  à  l'Autriche 
dans  le  démembrement  de  la  France. 
Nous  avons  vu  la  preuve  de  ce  fait 
dans  un  mémoire  du  prince  deNas- 
sau-Siegen,  alors  envoyé  de  l'impé- 
ratrice Catherine  auprès  des  armées 
coalisées.  On  peut  juger  de  ce  que  fut 
le  désappointement  des  commissaires 
impériaux  lorsque  la  retraite  du  duc 
de  Brunswick  vint  déjouer  tous  leurs 
plans  de  partage.  Ils  comprirent  sans 
peine  qu'ils  avaient  été  joués  par 
la  Prusse  ;  mais  l'Autriche  sut  bien 
prendre  sa  revanche  l'année  sui- 
vante dans  la  campagne  des  Pays- 
Bas.  Quant  au  baron  de  Spielman,  sa 
haute  faveur  dura  peu ,  et  quoique 
l'Autriche  ne  cessât  point  de  suivre 
son  système,  il  fut  sacrifié  au  com- 
mencement de  l'année  suivante  à 
l'ambition  de  Thugut,  qui  réussit  à 
se  faire  nommer  directeur -général 
du  bureau  des  affaires  étrangères. 
Voulant  écarter  du  pouvoir  le  baron, 
on  lui  offrit  une  modeste  place  d'ad- 
joint au  ministre  d'Autriche  à  la 
diète  de  Rutisbonne;  mais  vivement 
piqué  d'une  telle  proposition,  il  de- 
manda sa  retraite  qui  lui  fut  accor- 
dée avec  une  bonne  pension  ;  et  il 
alla  dans  ses  terres  où  peu  de  temps 
après  il  mourut  oublié  et  fort  mé- 
content. M  — Dj. 

SPIERA  ou  Spera  (  François), 
jurisconsulte  du  XVI®  siècle,  ne  doit 
une  sorte  de  célébrité  qu'à  la  fai- 
blesse de  son  caractère  et  à  la  mobi- 
lité de  ses  sentiments  religieux.  Né 


SPI 


SPI 


429 


à  Ciltadella,  vi.lo  du  trrritoire  de 
Venise,  il  paraît  (lu'il  enseigna  laju- 
risprudenceà  Pacloiie.  D'abord  Ubs- 
boii  cathdliqoe  ,  il  se  laissa  peu  à 
peu  séduire  par  les  idées  nouvelles 
que  la  Réforme  répandait  clandesti- 
nement eu  Italie,  et  il  embrassaavcc 
ardeur  le  protestantisme  ;  mais  bien- 
tôt, soit  par  suite  de  remords  véri- 
tables, soit  par  crainte  des  dangers 
qu'il  courait,  etsurto\it  parla  frayeur 
que  lui  causait  rinquisition,  il  se 
rendit  à  Venise  près  de  Jean  Délia 
Casa,  légat  du  saint-siége,  lui  avoua 
sa  faute  et  rétracta  ses  errtiurs.  Le 
b'gat  ne  se  contenta  point  de  cette 
abjuration  secrète,  il  exigea  un  dés- 
aveu public.  Spiera  le  fit,  mais  il 
en  conçut  tant  de  chagrin ,  qu'il 
tomba  dangereusement  malade.  Ra- 
mené à  Padoue,  une  horrible  agita- 
tion s'empara  de  son  esprit;  les  se- 
cours de  la  médecine  lui  furent  inu- 
tiles, il  mourut  presque  désespéré  et 
doutant  de  la  miséricorde  divine. 
Cependant  le  fameux  Pierre  -  Paul 
Vergerio,  évêque  apostat,  qui  était 
venu  tout  exprès  de  Venise  pour  as- 
sister et  consoler  le  moribond,  se 
vante,  dans  une  espèce  de  relation 
apostolique,  qu'il  publia,  en  italien, 
de  la  vie  et  de  la  mort  de  Spiera,  se 
vante,  disons-nous,  d'être  parvenu  à 
ranimer  le  courage  de  ce  malheureux 
dans  les  derniers  moments.  Trois 
autres  écrivains,  Mathieu  Gribaldi 
{voy.  ce  nom,  XVlll,  472) ,  Sigis- 
morid  Gélcnius  et  Henri  Scrimger 
(  dit  Scotus,  par  ce  qu'il  était  né  en 
Ecosse  ),  composèrent,  en  latin, 
des  notices  en  forme  de  lettres,  sur 
le  jurisconsulte  de  Cittadella.  Elles 
parurent  séparément,  puis  on  les 
réunit  à  une  version  latine,  faite  par 
François  Negro  (  coy,  cenom,  XXXl, 
39),  de  la  relation  de  Vergerio,  pour 
en  former  le  recueil  intitulé;  Fran- 


ciscîSpierœqui,  qaod  suscepicesemd 
Evangelicœ  verilatis  professionem 
abnegasset  damnassetque ,  in  hor- 
rendam  incidit  despcradonem,  his- 
ioria,  à  quatuor  summis  viris  sum- 
ma  fide  conscripta,  Bàle,  ISâO.  in-8°. 
Ce  recueil,  dont  Calvin  fit  la  préface, 
eut  pour  éditeur  Cael.-Secund.  Cu- 
rion,  et  fut  traduit  et  imprimé  en 
anglais  la  même  année.  Les  auteurs 
que  nous  avons  cités  et  les  proles- 
tants en  général  présentent  Spierra 
comme  un  illustre  pénitent,  attri- 
buant les  orages  qui  troublèrent  sa 
fin  à  un  regret  profond  d'avoir  re- 
nié leur  foi  ;  mais  ces  orages  ne  s'ex- 
pliqueraient-ils pas  tout  aussi  bien 
par  la  honte  qu'il  devait  éprouver  de 
sa  double  apostasie?  Un  zélé  calvi- 
niste, qui  ne  s'est  désigné  que  par 
les  initiales  J.  D.  C.  G.,  a  mis  au 
jour  la  pièce  suivante  :  François 
Spera,  ou  le  Désespoir,  tragédie  (  en 
5  actes,  en  vers,  sans  distinction  de 
scènes,  et  avec  des  chœurs,  un  son- 
net et  un  argument  ),  dédiée  à  Claude 
Boucart,  ci- devant  professeur  de 
philosophie  à  Lausanne.  Cette  pièce, 
fort  mauvaise,  mais  très-injurieuse 
à  la  cour  de  Rome,  est  de  la  plus 
grande  rareté.  M.  de  Soleinne  n'en 
possédait  qu'une  copie  manuscrite. 

B— L— u. 

SPIERS  (  Albert  Van  ),  peintre, 
né  à  Amsterdam  en  1666,  fut  élève 
de  Van  Ingen.  Il  passait  pour  le  meil- 
leur élève  de  ce  maître,  et  avait  déjà 
la  réputation  d'un  artiste  habile, 
lorsqu'il  se  rendit  en  Italie  pour  y 
étudier  les  ouvrages  des  grands  maî- 
tres et  notamment  ceux  de  Raphaël, 
de  Jules  Romain  et  du  Dominiquin. 
Il  s'appliqua  à  copier  leurs  tableaux, 
et  lit,  de  tous  ceux  qu'il  ne  put  pein- 
dre, des  dessins  très-soignés  et  Unis. 
Après  avoir  étudié  à  Rome  la  science 
du  dessin,  il  se  rendit  à  Venise  poiu- 


^30 


SPO 


SPO 


se  faire  initier  au  secret  de  la  cou  ■ 
leur.  Paul  Véroiièse  fut  l'objet  de  son 
admiration,  et  les  conseils  de  Carlo 
Lofli  ne  furent  pas  lion  plus  sans 
influence  sur  son  talent.  Il  eut  de 
fréquentes  occasions  de  se  faire  con- 
naître, et  il  aurait  pu  trouver  à  Ve- 
nise un  emploi  avantageux  de  son 
pinceau,  si  l'amour  de  la  patrie  ne 
l'eût  rap[)elé  eu  Hollande  où  il  re- 
tourna en  1697.  A  son  arrivée,  il  fut 
chargé  de  peindre  plusieurs  grands 
plafonds  et  tableaux  d'histoire,  où  il 
déploya  la  correction  de  dessin  et  la 
sagesse  de  composition  des  grands 
maîtres  d'Italie,  qu'il  n'imita  jamais 
cependant  d'une  manière  servile.  Les 
nombreux  travaux  qu'il  fut  chargé 
d'exécuter  et  l'excès  i\u  travail  lui 
occasionnèrent  une  maladie  de  poi- 
trine à  laquelle  il  succomba  en  1718. 
P-s.  , 
SPORR  (Jean,  comte  de),  général 
de  cavalerie  au  service  d'Autriche, 
naquit,  en  1597,  à  Dalbourg,  dans  le 
duché  de  Paderborn.  Son  père  était 
gentilhomme,  mais  très-pauvre.  Les 
moyens  de  sa  famille  et  son  humeur 
inquiète,  guerrière,  ne  lui  permirent 
de  recevoir  aucune  instruction  ^  il  ne 
savait  ni  lire  ni  écrire,  ce  qui  accré- 
dita un  bruit  .issez  coinumn  de  son 
temps,  qu'il  était  Dis  d'un  [)aysan 
wes(phalien.  Aussilôl  qu'il  put  por- 
ter les  armes,  il  s'engagea  dans  un 
régiment  de  cavalerie,  au  service  de 
I\laximilie»,  électeur  de  Bavière,  qui, 
pendant  la  guerre  de  1  rente  ans,  se 
mit  à  la  tête  du  parti  catholique  en 
Allemagne.  A  l'âge  de  23  ans,  Spork 
se  trouvait  à  la  bataille  de  la  Monta- 
gne-Blanche, près  de  Prague,  et,  à 
l'âge  de  40  ans,  il  s'était,  par  sa  bra- 
voure, élevé  jusqu'au  rang  de  colo- 
nt  I.  Un  lit  (iaus  les  chroniques  du 
temps,  a  l'année  1639,  que  <•  Spork 
et  ses  partisans  étaient  des  hôtes  à 


l'approche  desquels  tout  le  monde 
tremblait.  »  Les  soldats  lui  étaient 
dévoués  peur  la  vie  et  la  mort.  Voyant 
qu'il  était  sorti  de  leurs  rangs,  qu'il 
ne  s'était  élevé  au-dessus  d'eux  que 
par  sa  bravoure  et  la  justesse  de  son 
coup  d'œil,  ils  avaient  une  entière 
conliance  en  lui.  Il  était  partout  avec 
eux  et  tombait  comme  l'éclair  sur 
ceux  qui  le  croyaient  bien  éloigné. 
Un  de  ses  exploits  les  plus  hardis  et 
les  plus  heureux  fut  celui  qu'il  exé- 
cuta, en  16i3,  près  de  Tuitelingen. 
L'iirme'e  française  avait  prisRothwei! 
d'assaut;  le  maréchal  de  Guébriant 
avait  été  dangereusement  blessé.  Le 
jour  même  où  il  mourut  (2i  novem- 
bre 1643),  Spi-rk,  se  glissant  à  tra- 
vers les  buis  et  les  redoutes,  recon- 
nut les  cantonnements  de  l'armée 
française  et  prévint  les  alliés  com- 
mandés par  le  général  Mercy.  Tom- 
bant lui-même  sur  le  quartier-géné- 
ral établi  dans  le  village  de  Geissen- 
gen,  il  ht  prisonniers  120  officiers 
supérieurs  avec  7,000  hommes,  et 
s'empara  du  parc  d'artillerie.  Le  gé- 
néral Piantzau,  (iiii  avait  succédé  à 
Guébriant,  n'eut  que  le  temps  de 
monter  à  cheval  et  de  se  sauver 
{voy.  Guébriant,  XIX,  7,  et  RA^T- 
ZAU,  XXXVH,  85).  Le  6  mars  1645, 
Spork  se  trouva  dans  les  plaines  de 
Jankowitz,  eu  Bohème,  en  présence 
de  Torstenson,  un  des  grands  ca- 
pitaines suédois  élevés  à  l'école  de 
Gustave- Adolphe  (voy.  Torsten- 
son, XLVI,  294).  Spork  était  par- 
tout, et,  par  ses  clforls,  il  balança 
long-temps  les  succès;  mais  ayant 
élo  dangereusement  blessé  et  les 
autres  généraux  n'étant  point  d'ac- 
cord entre  eux  ,  Torstenson  rem- 
porta la  victoire.  Après  sa  guérison, 
Spork  se  trouva  dans  une  position 
difficile,  et  la  conduite  qu'il  crut  de- 
voir tenir  a  laissé  des  taches  sur  sa 


SPO 

raémoire.  L'cleefeur  ùo  Bavière, 
Maximiiieii,  qui  jusque-là  avait  été 
à  la  tèle  du  parti  catholique  en  Alle- 
uiagne,  dëcour.igé  par  'fs  défaites 
que  ses  armes  venaient  d'éprouver, 
pensa  que  les  circonstances  l'autori- 
saient à  rompre  les  traités  qu'il  avait 
conclus  avec  l'empereur;  il  lit  avec 
les  ennemis  de  l'empire  un  armistice 
qui  comprenait  sa  personne ,  ses 
États  et  sou  armée.  Spork,  Jran  de 
Wert,  son  fidèle  compagnon  d'ar- 
mes {voy.  Webt,  L,  386),  et  d'autres 
chefs  prirent  la  résolution  de  séduire 
leurs  soldats  et  de  passer  avec  eux 
au  service  de  Tempereur  Ferdi- 
nand m.  Le  projet  fut  découvert  ; 
les  soldats  bavarois  restèrent  fidèles 
à  leur  prince,  et  les  chefs  eurent  à 
peine  le  temps  de  gagner  le  camp 
des  impériaux.  Ferdinand,  pressé  de 
tous  côtés,  reçut  ces  tj-ansluges  à 
bras  ouverts.  L'électeur  avait  mis 
leurs  tètes  à  prix;  maiss'élant  bien- 
tôt repenti  des  engagements  pris  si 
légèrement  avec  les  Suédois,  il  dé- 
nonça l'armistice  qu'il  avait  conclu. 
Spork,  que  Ferdinand  avait  nommé 
général  et  baron  de  l'empire,  con- 
tribua puissamment  à  chasser  les 
Suédois  de  la  Bavière,  et  les  services 
qu'il  rendit  le  réconcilièrent  avec 
l'électeur.  Le  traité  de  Westphalie 
(1648)  mil  lin  à  la  guerre  de  trente 
ans,  et  Spork  fui  forcé  de  jiasser 
quelques  années  dans  le  repos.  Il  en 
sortit  pour  aoooinpagiier  le  curps  de 
troupes  qu'en  1658  l'empereur  Léo- 
puM  envoya  contre  les  Suédois  au 
secours  de  Frédéric  111,  roi  de  Da- 
nemark. Il  [irit  purt  à  la  victoire 
que  les  alliés  remportèrent  le  24  no- 
vembre 1650;  la  paix  signée  à  Oliva 
en  KîGO  termina  la  ciim|iagne.  Peu 
après  éclata  la  guerre  contre  les 
Turcs.  Spork,  nommé  fekl-maréchal- 
lieulcuant,  commandait  uiie  division. 


SPO 


431 


Les  commencements  de  la  campagne 
ne  furent  point  heureux;  l'armée  au- 
trichienne ayant  |)erdu,  le  7  août 
1663,  la  bataille  de  Barkan,  on  fut 
contraint  de  céder  aux  vainqueurs 
Neubausel,  Neulra,  Nnvigrade,  Frei- 
stadtl  et  d'autres  places  de  la  Hon- 
grie. Montecnccoli  {voy.  ce  nom, 
XXIX,  479)  re|(rii  sa  revanche  à  la 
bataille  de  Saint-Gotthardt,  le  I" 
août  1664.  Au  premier  choc,  les 
troupes  de  l'empire,  composées  de 
nou»ell<s  levées,  lâchèrent  pied,  et 
ce  ne  fut  qu'avec  la  plus  grande 
peine  que  le  général  en  cht-f  rétablit 
l'ordre.  Kiuperli  (XXII,  542)ne  cessait 
de  jeter  de  nouvelles  hordes  par  un 
gué  que  la  Raab  lui  offrait.  Ne  pou- 
vant enfoncer  le  centre  de  l'armée 
chrétienne,  il  donna  ordre  de  la 
tourner  et  de  l'envelopper.  Il  fallait 
déiourner  le  coup;  de  là  dépendait 
le  sort  de  la  bataille.  Le  général  en 
chef  charge  Spork  de  tomber  sur  les 
spahis  qui  conuiiençaient  à  inonder 
son  flanc  droit  et  de  les  rejeter  dans 
l:i  Raab.  Le  général  se  met  à  la  tête 
des  deux  régiments  de  cavalerie, 
Spork  et  Montecnccoli;  levant  son 
sabre  plein  de  sang,  il  leur  crie  :  La 
victoire  ou  la  morll  Après  un  choc 
meurtrier,  les  spahis  qui  échappè- 
rent au  sabre  de  ces  braves  se  reje- 
tèrent en  désordre  dans  la  Raab;  ne 
trouvant  point  légué,  ils  furent  em- 
portés par  les  Ilots  et  très-peu  rega- 
gnèrent l'autre  rive.  Le  combat  dura 
sejit  heures  et  la  victoire  fut  décidé- 
ment du  côté  des  Autrichiens.  Kiu- 
pcrli  humilié,  ayant  montré  le  désir 
de  traiter,  on  négocia,  et  le  10  aoiit, 
peu  de  jours  après  la  bataille,  la 
piix  lut  signée  à  Temeswar.  La  moi- 
tié (lu  royaume  de  Hongrie  avec  la 
ville  d  OtVn  étaient  demeurées  au 
pouvoir  des  Turcs,  et  les  magnats 
étaient    insurgés.    Spork,    nommé 


^32 


SPO 


comte  et  gt'ndral  de  cavalerie,  resta 
en  Hongrie  pour  commander  l'ar- 
mée. Parmi  les  généraux  qui  ser- 
vaient alors  sous  ses  ordres,  on  en 
remarque  deux  qui  s'illustrèrent 
dans  la  suite  par  leurs  exploits,  le 
prince  Charles  de  Lorraine  et  le 
prince  Louis  de  Bade.  Les  m.ignals 
n'étant  point  d'accord,  il  les  attaqua 
séparément;  la  plupart  furent  pris 
les  armes  à  la  main  et  décapités.  La 
Hongrie  étant  paciliée  en  apparence, 
l'empereur  Léopold  I"  donna  au  gé- 
néral Spork  une  autre  destination. 
Le  comte  de  Souches,  qui  comman- 
dait l'armée  aulrichienne  dans  les 
Pays-Bas,  ayant  perdu,  le  11   août 

1674,  la  bataille  de  Senef,  et,  par 
suite  de  cet  échec,  levé  le  siège 
d'Oiidenarde,  l'empereur  le  rappela 
et  envoya  à  sa  place  Spork,  qui,  par 
la  prise  de  Dinan,  jusiilia  le  choix 
du  monarque.  Il  fut  ensuite  att;iché 
à  l'armée  de  Montecuccoli  qui,  en 

1675,  tâchait  d'arrêter  Turenne  sur 
les  bords  du  Rhin.  Quoique  Agé  de 
78  ans,  Spork  observait  avec  la  plus 
grande  attention  tous  les  mouve- 
ments de  ces  deux  grands  capitaines. 
La  campagne  fut,  selon  lui,  une  des 
plus  remarquables  et  des  plus  in- 
structives que  présente  l'histoire  de 
la  guerre.  Turenne  étant  tombé, 
Montecuccoli  et  son  vieux  compa- 
gnon d'armes  quittèrent  l'armée. 
Spork  se  retira  dans  ses  domaines 
en  Bohème  où  il  mourut,  le  6  août 
1679,  laissant  deux  fils  et  deux  filles. 
L'aîné,  François-Antoine,  fut  un  des 
hommes  les  plus  remarquables  de 
son  siècle  {voy.  Spork,  XLIlI,  3i3). 
Le  père  fut  placé  dans  la  grotte  où 
est  le  tombeau  de  la  famile.  A  côté 
de  lui  repose  un  nain  qui,  attaché 
au  service  de  sa  personne,  lui  était 
extrêmement  dévoué.  Pendant  la 
guerre  de  Hongrie,  les  magnats,  qui 


SPO 

détestaient  Spork,  avaient  pris  la  ré- 
solution  de  l'assassiner.  Le  nain  , 
ayant  eu  connaissance  du  projet  pour 
lequel  on  avait  voulu  probablement 
le  corrompre,  en  instruisit  son  maî- 
tre. Spork  ordonna!»,  en  mourant,  que 
celui  à  qui  il  devait  la  vie  eût  la  pre- 
mière place  d'honneur  à  côté  de  lui 
dans  le  tombeau.  On  va  visiter  ce 
monument  dans  le  couvent  de  Ku- 
kus,  comté  de  Kraulitz,  dans  le  cer- 
cle de  Konigsgratz,  à  une  lieue  de 
Josephsladt.  Le  fil.s  aîné  fonda  dans 
ce  couvent, sous  l'administration  des 
Frèreslde  la  Miséricorde,  100  places 
pour  les  pauvres  de  ses  domaines; 
les  soldats  revenus  de  la  guerre  mu- 
tilés y  ont  les  premiers  droits.  Lors- 
que l'hôtel  des  Invalides  à  Prague 
fut  établi,  une  partie  des  revenus 
destinés  à  la  fondation  de  Kukus  fu- 
rent joints  à  ceux  de  l'hôtel.  Le 
général  Spork  n'avait  rien  appris;  il 
ne  connaissait  que  le  service  de  la 
cavalerie.  Comme  il  avait  toujours 
été  heureux,  il  méprisait  les  autres 
armes.  Un  jour,  il  dit  sérieusement 
à  l'empereur  Léopold  :  «  Défaites- 
«vous  de  votre  infanterie,  de  votre 
«artillerie;  employez  votre  argent 
«  à  lever  de  beaux  régiments  de  ca- 
«  valerie,  et  vous  aurez  bientôt  (ini 
•  toutes  vos  guerres.  •  Au  moment 
où  la  bataille  de  Saint-Gotthardt  al  lait 
s'engagerait  descendit  de  cheval,  se 
mit  à  genoux,  à  la  tête  de  ses  braves; 
ôtant  son  casque  et  levant  les  mains 
vers  le  ciel,  il  s'écria  :  «Très-puis- 
«  saut  généralissime  qui  demeures 
n  là-haut,  si  tu  ne  veux  pas  nous 
«  aider,  nous  chrétiens,  qui  sommes 
«  tes  fidèles  enfants,  au  moins  ne 
«  donne  aucun  secours  à  ces  chiens 
.  de  Turcs;  alors  tu  verras  comme 
«je  les  arrangerai,  tu  en  seras  cou- 
«  tent.  •  —  Après  cette  prière,  il  re- 
monte à  cheval,  tire  son  sabre  et  fuit 


SPR 


SPR 


433 


sonner  la  charge.  Quand  il  eut  été 
élevé  à  la  dignité'  de  comte  et  nommé 
général  de  cavalerie,  étant  obligé  de 
signer  au  moins  les  actes  les  plus  im- 
portants, il  s'impatientait.  «  Qu'est- 
ce  qu'on  a  besoin  de  voir  mon  nom?» 
disait-il  avec  humeur.  Il  lui  fallut  ap- 
prendre à  écrire  les  lettres  de  son 
nom,  et  il  signait:  Spork  graf{le. 
comte).  Un  de  ses  adjudants  lui  ayant 
fait  remarquer  qu'il  devait,  selon  l'u- 
sage, écrire  graf,  ou  comte  de  Spork: 
«Tais-toi,  lui  dit-il,  j'ai  été  Spork 
«  avant  d'être  comte;  mon  nom  vaut 
»  mieux  que  celui  d'un  comté,  »  et  il 
continua  à  griffonner  Spork  graf. 
G— Y. 
SPRENGEL    (KURT-POLYCARPE- 

Toachim)  naquit  le  ;i  août  17C6,  à  Bol- 
dekow,  près  d'Anklam,  petite  ville  de 
la  Poméranie. Cet  homme,  quelanié- 
decine  compte  parmi  les  savants  les 
plus  distingués,  eut  pour  père  un 
ecclésiastique,  membre  de  l'académie 
des  sciences  de  Gœttingue.  Ce  digne 
curé  possédait  de  grandes  connais- 
sancesen histoire  naturelle  etsurtout 
en  botanique;  aussi  voulut-il  ensei- 
gner de  bonne  heure  à  son  lils  les 
premiers  éléments  de  ces  sciences. 
Le  jeune  enfant  se  plaisait  à  écouter 
les  leçons  paternelles;  d'ailleurs  de 
nobles  exemples  de  famille  l'encou- 
rageaient dans  la  voie  de  l'érudition 
et  du  travail.  Deux  de  ses  oncles 
jouissaient  en  Allemagne  d'une  gran- 
de réputation.  L'un  d'eux,  Conrad 
Sprengel,  avait  fait  d'importantes 
découvertes  en  agriculture  et  en  bo- 
tanique; l'autre,  appelé  Jean-Chré- 
tien Adelung,  était  un  des  littéra- 
teurs les  plus  érudits.  Tous  deux 
devaient  être  surpassés  par  leur 
jeune  neveu  qui  manifestait  déjà 
une  prédilection  toute  particulière 
pour  les  langues  orientales.  11  tra- 
duisait sous  les  yeux  de  son  père  les 

LXXXII. 


auteurs  grecs  en  hébreu.  Sans  le- 
çons préalabl<îs,  et  muni  seulement 
d'un  dictionnaire  et  d'une  gram- 
maire, il  était  parvenu  en  six  mois  à 
comprendre  la  langue  arabe.  Cepen- 
dant l'étude  de  la  botanique  était  sa 
plus  chère  occupation.  Accompagné 
par  une  de  ses  sœurs  cadettes,  il  pre- 
nait plaisir  à  rechercher  à  travers 
les  champs  ou  dans  les  bois  des 
fleurs  inconnues  pour  lui.  Plus  tard, 
parvenu  à  la  vieillesse,  il  ne  put  se 
rappeler  sans  une  douce  et  profonde 
mélancolie  ces  pérégrinations  enfan- 
tines et  la  douceur  de  ces  premières 
émotions.  11  n'avait  alors  que  14  ans. 
Son  zèle,  sa  persévérance  dans  le 
travail,  secondèrent  sa  merveilleuse 
facilité,  et  il  devint  précepteur  à  un 
âge  où  généralement  on  ne  pense  pas 
encore  à  quitter  les  bancs  de  l'école. 
Sa  I6«  année  venait  de  s'accomplir 
lorsqu'il  reçut  des  propositions  d'une 
noble  famille  qui  habitait  près  Greif- 
swald.  11  se  chargea  de  l'édiication 
du  jeune  homme  qui  lui  fut  présenté 
et  dont  il  aurait  pu  être  le  camarade. 
Cette  nouvelle  position  lui  permit  de 
se  perfectionner  dans  l'étude  des 
sciences  dont  son  père  lui  avait  don- 
né lespremiers  principes.  Aprèsdeux 
années  entièrement  écoulées  au  sein 
d'une  existence  si  paisible,  il  quitta 
son  élève  pour  suivre  des  cours  pu- 
blics. Le  but  de  ses  travaux  était 
alors  le  professorat.  La  théologie  et 
la  médecine  entrèrent  dans  le  cadre 
de  ses  études.  Ses  progrès  furent  si 
rapides,  qu'à  la  suite  d'un  examen 
passé  devant  le  consistoire  de  Greif- 
swald  il  reçut  l'autorisation  de  par- 
ler en  public.  Bientôt  il  abandonna 
la  théologie  pour  embrasser  exclu- 
sivement la  médecine  vers  laquelle 
le  portaient  les  premières  études  de 
sou  enfance.  Il  devint  un  des  étu- 
diants les  plus  laborieux  de  l'acadé- 


434 


SPR 


ïùie  de  Halle,  où  il  assista  pendant 
deux  ans  aux  leçons  de  Meckel,  de 
Goldhagea  et  de  Kemme.  Deux  an- 
ne'es  plus  tard,  Kurt  Sprengel  se 
pre'sentait  devant  ses  maîtres  et 
soutenait  une  thèse  pour  obtenir  le 
titre  de  docteur.  Ce  travail,  intitulé 
Rudimentorum  nosologiœ  dynami- 
corum  prolegomena,  est  une  étude 
consciencieuse  et  savante  du  vita- 
lisme.  Sprengel  s'y  distingue  par  la 
vaste  érudition  et  l'éiendue  des  re- 
cherches qui  caractérisent  la  plupart 
de  ses  ouvrages.  Deveuu  docteur,  il  vi- 
sita pendant  quclijiie  t^^uips  les  mala- 
des de  son  confrère  Daniel,-  il  essaya 
lui-même  de  faire  tie  la  médecine 
pratique,  mais  sa  clientèle  fut  tou- 
jours fort  peu  nombreuse;  ses  goiîts 
le  portaient  préiVrablement  vers  les 
études  du  cabinet 5  aussi  le  vit-on 
b.entôt  mettre  au  jour  la  traduction 
des  Aphorismes  d'Hippocrate.  Il  lit 
des  cours  publics  de  médecine  légale 
et  commença  des  recherches  afin  d'é- 
crire V Histoire  de  la  médecine.  En 
1789,  il  fut  jugé  digne  du  professo- 
rat ;  mais,  conime  on  sortait  des  rè- 
gles ordinaires  pour  la  création  de 
celte  nouvelle  place,  on  décida  que 
le  jeune  professeur  n'aurait  pas  d'ap- 
pointements. Sprengel  était  pau- 
vre et  sans  clientèle;  aussi  n'avait- 
il  pour  vivre  que  les  modestes  bé- 
néfices que  lui  créaient  ses  publica- 
tions. En  1792  il  lit  paraître  le  pre- 
mier volume  de  VHistoire  de  la  mé- 
decine. Le  succès  de  cet  ouvrage  nou- 
veau contribua  beaucoup  à  faire 
nommer  Sprengel,  en  1795,  profes- 
seur ordinaire  à  l'université  de  Halle, 
avec  500  thalers  d'appointements.  Le 
Manuel  de  pathologie  générale  qu'il 
publia  vers  la  même  époque  ne  l'em- 
pêcha pas  de  poursuivre  ses  recher- 
ches sur  la  botanique,  son  étude  fa- 
vorite. La  place  de  directeur  du  jar- 


SPR 

din  botanique  de  Halle  étant  devenue 
vacante,  Kurt  Sprengel  fut  désigné 
pour  la  remplir.  Cette  nouvelle  po- 
sition, qui  devait  seulement  luidon- 
der  chaque  année  la  modique  somme 
de  40  thalers,  devint  pour  Sprengel 
la  réalisation  de  tout  ce  qu'il  avait 
rêvé.  Maître  de  l'administration  du 
vaste  jardin  placé  sous  sa  surveil- 
lance tutelaire,  il  put  se  livrer  en- 
tièrement à  cette  branche  de  la  mé- 
decine qui  avait  été  l'étude  de  toute 
sa  vie.  Ainsi  s'explique  le  refus  qu'il 
opposa  aux  offres  brillantes  du  roi  de 
Prusse  et  de  l'empereur  de  Russie 
qui  lui  avaient  proposé  dans  leurs 
Etats  une  position  beaucoup  plus  lu- 
crative. Le  voyage  qu'il  fit  en  1812 
à  Berlin  ne  put  lui  fane  oublier  sa 
chère  université  de  Halle,  où  il  re- 
vint bientôt.  Depuis  1817,  Sprengel 
professa  plus  pariiculièreuieiit  la  bo- 
tani(iue  ,  ht  des  découvfrtes  qui  lui 
valurent  ladmiration  des  savants  de 
son  époque  et  des  distinctions  hono- 
rifiques dont  il  ne  tira  jamais  vanité. 
Noujmé  chevalier  de  l'Aigle-Rouge 
de  Prusse,  de  l'Étoile-Pol.iire  de 
Suède  et  du  Lion  de  Hollande,  il 
était  en  outre  membre  correspondant 
ou  titulaire  de  presque  toutes  les 
académies  et  les  sociétés  savantes  de 
l'Europe.  De  tous  les  ouvrages  qu'il 
publia,  le  plus  remarquable  .sans 
Contredit  est  VHistoire  de  la  méde- 
cine^ dont  les  premières  éditions  fu- 
rent épuisées  eu  peu  de  temps.  Ce 
beau  travail  est  un  des  plus  conscien- 
cieux du  siècle  dernier  ;  c'est  celui 
qui  contribua  davantage  à  l'immense 
réputation  de  son  auteur.  Sprengel 
divise  son  grand  ouvrage  en  huit 
parties  bien  di.-^tincies  :  r  Expédi- 
tion des  Argonautes,  1263  avant  J  .-C. 
Premières  traces  de  la  médecine  grec- 
que. 2'  Guerre  du  Péloponèse,  404 
avant  J,-C,  Médecine  d'Hippocrate. 


SPR 

8»  Établissement  de  la  religion  chré- 
tienne, 30  ans  après  J.-C.  Écoles  des 
méthodistes,  i'  Émigration  des  hor- 
des de  barbares,  430-530.  Décadence 
de  la  science.  5°  Croisades,  109C 
1230.    La  médecine  arabe  au   plus 
haut  point  de  splendeur.  6""  Réforme 
de  Luther,  1517-1530.  Rétablissement 
delà  médecine  grecque  et  de  l'ana- 
tomie.  7°  Guerre  de  trente  ans,  1618- 
1648.  Découverte  de  la  circulation  et 
réforme   de  Van    Helmont.   8°.  Rè- 
gne   de    Frédéric-le-Grand ,    1740- 
1786.  Haller.  L'origine  de  la  méde- 
cine remonte  au  berceau  du  monde, 
sa  première  histoire  se  perd  dans  les 
récits  des  temps  antiques.  Les  ma- 
ladies   furent  considérées    d'abord 
comuje  un  châtiment  des  dieux.  Les 
hommes,  pour  voir  la  fin  de  leurs 
soiiifrances,  allaient  dans  les  temples 
offrir   les  prémi'Cs  de  leurs  trou- 
peaux. Les  dieux  visitaient  les  ma- 
lades pendant  leur  sommeil  et  leur 
indiquaient   les   remèdes  propres  à 
les  guérir.  Les  prêtres  furfiit  hono- 
rés comme    médecins  ;    leurs    étu- 
des, les  recueils  de  quelques  prati- 
ques médicales,  le  récit  rie  certaines 
cures  merveilleuses  déposés  dans  les 
temples  par  la  pieté  des  fidèles  en 
firent  des  hommes  que  la  supersti- 
tion populaire  se  plut  à  consulter. 
Le  malade   guérissait  par  les  res- 
sources d'une  nature  vierge  et  que 
n'avaient  pas  encore  affaiblie  la  cor- 
ruption des  mœurs  et  le  désir  effréné 
du  luxe  ;  s'il  ne  guérissait  pas,  c'est 
parce  qu'il  n'avait  pas  exactement 
rempli  toutes  les  conditions  du  trai- 
tement, ou  parce  que,  châtié  par  la 
colère  du  ciel,  il  était  maudit.  L'appli- 
cation première  des  médicaments  fut 
l'effet  du  hasard  ou  de  cet  instinct 
qui   porte  l'homme  et  les  animaux 
Vers  ce  qui  peut  leur  être  ulile.  La 
chirurgie  précéda  la  médecine  pro- 


SPR 


43J 


preinent  dite,  et  les  premiers  peuples 
s'attachèrent  à  soulager   les  souf- 
frances qui  se    trahissaient  à  leur 
vue  par  un  défaut  d'ensemble  dans 
l'harmonie  du  corps  humain,  avant 
d'apercevoir  et  de  suivre  avec  les 
yeux  de  l'esprit  la  marche  des  mala- 
dies internes.   Après  la  découverte 
de  récriture  sur  les  feuilles  du  pa- 
pyrus, les  Égyptiens  dressèrent  une 
espèce  de  code   médical  auquel  les 
prêtres-médecins  étaient  obligés  de 
se  conformer  sous  peine  de   mort. 
Dans  ce  livre  se  trouvaient  les  prin- 
cipaux signes  des  maladies;  c'est  là 
le  rudiment  de  la  séméiologie.  Apis 
était  vénéré  par  les  Égy [(tiens  comme 
le  dieu  de  la  médecine,  et  les  prêtres 
se  chargeaient  du  soin   d'apaiser  la 
colère  de  la  divinité  et  de  fournir  les 
remèdes  mystérieux  qui  donnaient 
la  guérisou    il  existait  un  médecin 
pour  chaque  maladie.  L'art  de  gué- 
rir chez    les  Hébreux  remonte   au 
temps  de  Moïse  ;  tout  le  monde  con- 
naii  les  malheurs  ipii  assaillirent  sa 
naissance  et  la  iiiiiiièu;  miraculeuse 
dont  il  fut  sauvé.  Confié  au  soin  des 
prêtres  par  la  fille   de   Pharaon,  il 
apprit  d'eux  la  médecine.  Plus  tard, 
cegran»!  législateur  des  Hébrtux  tra- 
ça les  signes  du  diagnostic  de  la  lè- 
pre, donna  des  préceptes  d'hygiène 
à  Son  peuple  et  transmit  comme  hé- 
ritage ses  connaissances  médicales 
aux  nombreux  lévites  qui  devaient 
en  perpétuer  la  religieuse  tradition. 
Le    roi  Saloinoa  connaissait  toutes 
les  plantes  de  son  temps  et  on  lui 
attribue  même  un  traité  sur  les  ma- 
ladies.  Apres  ce  grand  homme,  les 
prophètes  Élie,  Elisée  se  distinguè- 
rent également  par  leurs  connais- 
sances des  plantes.  Aux  Indes,   la 
médecine,  remontant  à  une  haute  an- 
tiquité, était  prati([uce  par  les  bra- 
mes, hommes  d'une  sobriété  incroya- 

28. 


436 


SPR 


l)ie  et  (iienant  une  vie  contemplative. 
Des  magistrats    étaient  chargés  de 
surveiller  les  malades  et  de  présider 
à  la  sépulture  des  morts;  toutefois 
il  n'existait  ni  traités  ni  livres,  et 
tous  les  préceptes  se  transmettaient 
par  tradition.  Au  milieu  d'un  assem- 
blage   de  cérémonies   bizarres,   on 
trouve  dans  l'esprit  de  ces  peuples  la 
croyance  d'un  Dieu  en  trois  person- 
nes, la  révolte  des  auges  déchus,  la 
distinction  de  l'âme  et  du  corps.  Les 
maladies  sont  causées  par  les  mau- 
vais génies;  on  ne  peut  donc  les 
guérir  que  par  les  purifications  et 
les  paroles  magiques:  tel  lut  le  prin- 
cipe de  la  médecine  théurgique  qui, 
après  avoir  régné  en  Perse  et  en  Sy- 
rie, devait  rayonner  plus  tard  d'une 
immense  splendeur  sur  l'école  d'A- 
lexandrie.Les  brames  avaient  des  con- 
naissances étendues  en    botanique, 
ordonnaient  le  riz  dans  le  choléra- 
niorbus,  qui  moissonnait  déjà  tant 
de  nos  semblables  il  y  a  50U0  ans. 
Leur    médcciue    consistait   surtout 
dans  le  régime  et  la  diète;  ils  sai- 
gnaient peu,  exploraient  le  pouls,  et 
traitaient  avec  quelque  succès  la  va- 
riole et  les  maladies  vénériennes.  En 
Grèce  on  adorait  le  médecin  Esculape, 
et  Orphée,  qui  ressuscita  Eurydice. 
Le  dieu  de  la  médecine  était  Apullon, 
fils  du  Soleil,  et  Diane,  la  sœur  d'A- 
pollon, avait  son  culte  comme  déesse 
de  la  médecine  et  de  la  chasse.  Le  cen- 
taure Chiron,  le  sage  Nestor,  Hercule 
lui-même  pratiquaient  l'art  de  guérir. 
Plus  tard,  aux  bords  des  fontaines 
d'eaux  minérales,  on  éleva  des  statues 
aux  dieux  médecins.  On  faisait  des 
sacrifices,  on  immolait  un  coq  ou  un 
bélier .  Une  pratique  pieuse  consistait 
à  graver  sur  des  tables  ou  des  co- 
lonnes d'airain  le  nom  et  les  carac- 
tères de  l'atfection  qui  avait  été  gué- 
rie. Souvent  l'exercice  de  la  méde- 


SPR 

cine  était   un  héritage  de    famille 
comme  dans  celle  des  Asclépiades. 
Rome,  cette  fille  des  conquêtes,  rrçut 
les  premières  notions  médicales  des 
Étrusques.  Les  livres  sibyllins  et  le 
culte  d'Apollon  étaient  confiés  aux 
vestales  qui  invoquaient  le  dieu  en 
disant  :  Apollo  medice.  Dans  la  suite 
lesGrecs,devenus  esclaves,  furent  les 
médecins  des  vainqueurs  et  s'établi- 
rent dans    des   boutiques   appelées 
medicinœ^où  ils  vendaient  des  médi- 
caments et  donnaient  des  consulta- 
tions.  Les  sages-femmes  elles-mêmes 
venaient  de  la  Grèce.  La  médecine 
des  Chinois,  basée  sur  l'observation 
du  pouls  et  la  pratique  de  l'acupunc- 
ture, se  montre  à  peu  près  telle  qu'elle 
était  il  y  3000  ans.  Mais  voici  que 
tout  à  coup  surgit  de  l'antiquité  la 
plus  belle  réputation  médicale  et  la 
plus    méritée.  Hippocrate  vient  de 
naître;    membre  d'une  famille  qui 
cultivait  la  méileciue,  il  recueillit  les 
tablettes  votives  du  temple  d'Escu- 
lape,  arrêta  la  peste  d'Athènes,  et 
refusa  les  présents  d'Artaxercc  Lon- 
gue-Main. C'est  lui  qui  dépouilla  la 
médecine  de  toutes  les  pratiques  su- 
perstitieuses de  l'antiquité.  11  traça 
les  premières  notions  d'hygiène  pu- 
blique, qui  font  encore  l'admiration 
des  savants  de  nos  jours.  Ses  des- 
cendants pratiquèrent  la  médecine 
avec  succès.  Alexandre-le-Grand,  par 
ses  voyages,  par  la  protection  spé- 
ciale qu'il  accorda  à  Aristote  et  les 
curiosités   qu'il   lui    envoyait  sans 
cesse,  fournit  à  ce  philosophe  les 
moyens  d'étudier  avec  succès  l'ana- 
tomie  comparée  et  l'histoire  natu- 
relle. Après   la   mort  d'Alexandre, 
la  médecine,  protégée  par  Ptolémée, 
brilla  d'un  vif  éclat  dans  Alexandrie  ; 
c'est  alors  qu'eut  lieu  la  division  en 
médecine,  chirurgie  et  pharmacie. 
Philoxène,  le  premier  chirurgien  ce- 


SPR 

lèbrc'eut  pour  successeurs  des  hom- 
mes habiles  qui,  sous  le  nom  de  H- 
thotomistes, pratiquaient  l'opération 
delatailleavecun  rare  bonheur.  L'un 
d'eux,  nommé  Ammonius,  brisait 
dans  la  vessie  les  calculs  d'un  trop 
gros  volume.  Les  ouvrages  de  ces 
hommes  illustres  furent  perdus  dans 
l'incendie  de  la  fameuse  bibiiothè'iue 
d'Alexandrie,  où  brûli'rent  400,000 
volumes.  Vers  la  lin  de  la  republique 
romaine,  une  école  fameuse  prit  n.'iis- 
sance  à  Rome;  son  foiidatejir  fut 
Asclépiadede  Pruse,  en  Bithynie;  il 
fut  le  chef  de  l'école  des  asclépiades, 
qui,  avec  l'école  éclectique,  précéda 
celle  de  Galien.  Cet  homme,  le  plus 
grand  médecin  après  Hippocrate, 
avait  étudié  à  Alexandrie  l'anatomie, 
sa  science  favorite,  mais  n'avait  pu 
observer  qu'un  squelette  de  voleur; 
il  fit  la  découverte  des  muscles,  écri- 
vit sur  les  fonctions  des  sens  et  se 
vit  de  son  vivant  presque  révéré 
comme  un  dieu.  Dans  les  premiers 
siècles  qui  suivirent  la  murt  de  Jé- 
sus-Christ, la  médecine  fut  pratiquée 
par  les  chrétiens,  et  l'Église,  qui  sou- 
lage tout  ce  qui  souffre,  sortit  peu  k 
peu  des  catacombes,  et  vint  dans  la 
personne  de  ses  ministres  s'asseoir 
au  chevet  des  malades.  Les  princi- 
paux médecins  d'une  ville  étaient 
chargés  de  la  surveillance  de  leurs 
confrères.  Les  premiers  hôpitaux  da- 
tent du  VI®  siècle;  ils  étaient  desser- 
vis par  des  moines  qui  espéraient, 
par  un  pénible  service,  y  f;)ire  leur 
salut.  Du  VI^  au  X®  siècle,  en  Grèce, 
et  au  milieu  des  disputes  tbéologi- 
ques,  des  guerres  et  des  épidémies, 
la  médecine  poursuit  sa  marche,  re- 
présentée par  Alexandre  de  Tralles, 
partisan  de  Galien.  Mais  après  lui 
la  médecine  semble  disparaître  et 
s'éteindre  avec  la  puissance  de  l'em- 
pire d'Orieul.  Le  peu  d'habileté  des 


SPR 


437 


médecins  grecs  était  passé  en  pro- 
verbe et  a  été  immortalisé  par  la 
verve  satirique  de  Pétrarque.  Aux 
médecins  grecs  succédèrent  les  mé- 
decins arabes.  Avant  la  prise  de  Con- 
stantinople,  l'imagination  de  l'Arabe, 
la  soumission  à  la  volonté  de  Dieu, 
les  punitions  infligées  dans  l'autre 
monde  aux  philosophes  retardèrent 
la  pratique  do.  la  médecine  qui  n'était 
qu'un  empirisme  accompagné  de 
beaucoup  de  superstition.  Après  la 
conquête,  les  chrétiens  vaincus  tra- 
duisirent les  onvr.iges  de  médecine 
en  arabe.  Il  y  eut  un  collège  de  mé- 
decine à  Bagdad  ;  on  créa  des  hôpi- 
taux etdes  pharmacies  publiques.  Les 
califes  protégèrent  les  sciences,  l'a- 
cadémie deCordoue  fut  fondée;  tou- 
tefois l'amour  du  merveilleux  s'em- 
para de  beaucoup  de  médecins  ara- 
bes qui  en  imposèrent  au  public  par 
mille  jongleries.  Des  noms  plus  re- 
commandables,  tel  que  Rliazès,  le 
plus  célèbre  professeur  de  Bagdad, 
Avicenne,  qui  écrivit  le  premier  sur 
le  camphre,  Averrhoës,  le  botaniste, 
jetèrent  un  certain  éclat  sur  la  re- 
nommée scientifique  du  peuple  ma- 
hométan.  —Exercice  de  la  médecine 
par  les  moines.  —  Depuis  le  VP  siè- 
cle les  moines  exerçaient  la  méde- 
cine comme  une  pratique  pieuse;  ils 
avaient  recours  aux  prières,  à  l'eau 
bénite,  aux  reliques  des  martyrs.  S'ils 
ne  furent  pas  de  véritables  méde- 
cins, ils  eurent  néanmoitis  le  mérite 
d'entretenir  le  tlambeuude  la  science. 
La  médecine,  sous  le  nom  de  physi- 
que, fut  enseignée  dans  plusieurs  ca- 
thédrales. On  trouve  dans  les  lois  de 
Théodoric,   roi  des  Visigoths,  que 

•  lorsqu'un  médecin  est  appelé  pour 

•  traiter  une  maladie  ou  panser  une 
"  plaie,  il  faut  qu'aussitôt  après  avoir 

•  vu  le  malade,  il  fournisse  une  eau- 
«  tien  et  convienne  du  prix  dont  oa 


438 


SPR 


SPR 


«paiera  ses  soins,  mais  (jii'il  ne 
«  pourra  rien  exiger  dans  le  cas  où 
«  le  malade  viendrait  à   mourir.  Si 

•  un  médecin  vient  à  blesser  un  gen- 
«  tilhoinme,  il  paiera  une  amende  de 

•  cent  sous,  et  si  le  gentilhomme 
«  meurt  des  suites  de  l'opération,  il 
«  sera  livrtf  aux  parents  du  mort,  qui 
«  pourront   le  traiter   comme    bon 

•  leur  semblera.  Lorsqu'un  médecin 
"  se  charge  d'un  élève,  celui-ci  doit 

•  lui  donner  douze  sous  pour  son  ap 
«  prenlissage.  »  Deux  écoles  de  mé- 
decine brillèrent  d'un  grand  éclat 
au  moyen  âge.  La  première,  l'ondée 
par  les  bénédictins  sur  le  mont  Cas- 
sin,  reçut  ses  premiers  règlements 
de  saint  Benoît;  la  seconde,  plus 
célèbre  encore,  est  celle  de  Salerne. 
Le  c'iuiat  de  celle  ville,  favorable- 
menl  située,  soulagea  beaucoup  de 
malades  qui  venaient  invoquer  saint 
Mathieu,  patroii  du  couvent,  et  ob-= 
tenaient  laguéiison  par  Sf s  reliques 
et  la  science  des  moines.  Les  croisa- 
des eurent  celte  influence  en  Europe 
qu'elles  y  répandirent  la  lèpre  avec 
une  telle  intensité  qu'il  y  avait  en 
France  2000  b-proseries,  et  en  Eu- 
rope 19,000.  Cette  maladie,  si  connue 
au  XUI*^  siècle,  disparu!  peu  à  peu 
au  XV^.  et  donna  lieu  par  sa  dégéné- 
rescence, dit  Spreiigel,  à  la  maladie 
syphililiqtie.  Le  XVl^  siècle  est  re- 
marquable par  sa  tendance  générale 
vers  les  sciences.  Depuis  que  la  voix 
mélodi«Mise  de  Dante  et  de  Pétrarque 
avait  cessé  de  se  faire  entendre,  l'Ita- 
lie était  resiée  presque  silencieuse, 
m^is  au  XVT  siècle  elle  brilla  d'un 
nouvel  éclat.  Kl  le  eut  pour  protec- 
leurs  des  lettres  les  papes  Léon  X  et 
Clément  Vil,  héritiers  du  nom  des 
Médicis.  On  revint  aux  idées  d'Hip- 
pocrale ,  on  remit  ses  œuvres  en 
honneur-,  André  Vésale  cultiva  et 
enseigna   l'anatomie   avec  succès; 


Ambroise  Paré  venait  de  naître.  Pa- 
racelse  donna  à  la  syphilis  le  nom 
de  m;tl  de  Vénus  et  lui  appli'|iia  le 
traitement  mercuriel;  Forestus,  Pros- 
per  Alpini,Fernel  concouraient  éga- 
lement aux  progrès  de  l'art  de  gué- 
rir. Les  temps  étaient  venus  où  la 
médecine  allait  prendre  une  ticiivelle 
direction.  Botal  déclara  qu'il  f.illait 
saigner  souvent  et  dans  beaucoup  de 
maladies.  Cette  opération  était  très- 
raiement  pratiquée  avant  lui,  aussi 
la  Faculté  de  Paris  déclara-t-elle  sa 
méthode  hérétique  et  fort  dange- 
reuse. L'alchimie,  la  magie,  l'astro- 
logie et  toutes  les  sciences  réputées 
démoniaques  préparèrent  et  tirent  ac- 
cueillir l;i  méthode  de  Paracelse.  qui 
attribuait  aux  astres  une  grande  in- 
fluence sur  la  production  des  mala- 
dies. C'est  l'époque  où  on  se  I  i  vra  avec 
le  plus  de  patience  à  la  recherche  de 
la  pierre  philosophale.. Luther,  ainsi 
que  beaucoup  d'autres ,  regardait 
les  maladies  comme  les  funestes  pré- 
sents (lu  diable,  qui  lui  apparaissait 
Souvent  sons  la  forme  d'un  moine,  et 
dont  les  membres  se  terminaient  par 
des  griffes.  Ce  moine  lui  posait  des 
sillogismes.  Les  médecins  eux-mê- 
mes y  croyaient,  et  Ambroise  Paré 
n'en  était  pas  exempt.  Paracelse  n'est 
pas  digne  de  sa  réputation  :  il  fit  dé- 
river les  maladies  des  combinaisons 
chimiques  mal  faites  dans  notre  or- 
ganisme, mais  il  eut  le  mérite  de 
donner  une  bonne  direction  à  l'em- 
ploi des  médicaments.  Au  XVi® 
siècle  vivait,  en  Italie,  Jean  de 
Vigo, contemporain  d'Ambroise  Paré. 
Le  chirurgien  français  est  le  premier 
qui  soutint  que  les  plaies  d'armes 
à  feu  n'étaient  point  envenimées  et 
qu'on  ne  devait  point  les  traiter 
comme  des  gangrènes.  Il  pratiqua  la 
ligature  des  artères  inconnue  avant 
lui.  Fallope  (Gabriel),  célèbre  accou- 


SPR 

cheiir  de  l'Hôtel-Dieu,  Philippe  In- 
grassias,  professeur  à  Padoue,  for- 
ment «ne  cliaîne  qui  lie  le  XV®  avec 
Je  XVII^  siècle.  Nous  touchons  aux 
temps  modernes  de  la  médecine;  c'est 
l'epoqui'  des  grandes  découvertes; 
Sprengei  y  consacre  les  six  derniers 
voluuies  de  son  Histoire.  Nous  ne 
pouvons  entrer  dans  des  détails  que 
ne  couiporfe  pas  la  nature  de  cet  ou- 
vrage, et  nous  passerons  rapidement 
sur  ces  choses  si  dignes  cependant 
de  l'admiration  des  savants.  Nous 
voyons  un  irrésislible  penchant  pour 
l'anatomie  caractérisé  dans  Vésale, 
Eustache,  Gabriel  Fallope,  Constan- 
tin Varoie,  et  surtout  l'immortel 
Harvey,  qui  annonce  une  des  plus 
importantes  découvertes,  la  circula- 
tion du  sang.  Les  travaux  de  Harvey, 
combattus  et  adoptés  tour  à  tour, 
engigèrent  les  médecins  célèbres  de 
son  époque  à  s'occuper  particulière- 
ment de  la  circulation,  et  furent 
cause  d'une  suite  non  interrompue 
d'expériences  qui  devaient,  deux  siè- 
cles plus  tard,  faire  tant  d'honneur 
à  l'école  de  Paris.  Descartes,  Kiolan, 
Winslow  et  enfin  Haller  sont  les 
hommes  qui  s'occupent  avec  le  plus 
de  succès  de  l'étude  de  la  physiolo- 
gie. Bientôt  les  meilleurs  ouvrages 
abondent,  les  plus  habiles  médecins 
travaillent  de  concert,  et  la  médecine 
devient  pour  ainsi  dire  un  art  nou- 
veau. Dans  les  derniers  volumes, 
Sprengei  examine  différents  systèmes 
ou  opinions  médicales  remarquables, 
tels  (pie  les  système  de  Sthal  ei  d'Hoff- 
mann, l'irritabilité  dcHaller;  il  passe 
en  revue  l'état  de  la  médecine  dans 
ses  dill'éientes  branches,  trace  l'his- 
toire des  grandes  découvertes,  com- 
me la  vaccine;  apprécie,  en  remon- 
tant à  leur  naissance,  les  différentes 
opérations  chirurgicales,  telles  que  le 
trépan,  la  taille,  l'opération  césarieii- 


SPR 


439 


ne,  et  enfin  il  termine  son  neuvième 
volume  par  une  table  analytique  de 
l'histoire  de  la  médecine,  pour  facili- 
ter les  recherches  des  savants.  L'ou- 
vrage de  Sprengei  est  d'une  lecture 
agréable  :  il  présente  surtout  une  mul- 
titude  de  renseignements  sur  la  phy- 
siologie, mais  il  contient  trop  de  dé- 
tails sur  un  grand  nombre  de  person- 
nages qui  ne  se  recommandent  au  sou- 
venir de  la  science  par  aucune  œuvre 
sérieuse  et  queSprengel  a  fort  inutile- 
ment tirés  de  l'oubli.  Si  nous  nous 
sommes  étendus  sur  cette  iiistoire 
de  la  médecine,  c'est  qu'elle  est 
sans  contredit  l'œuvre  capitale  de 
l'auteur  qiii  passa  14  ans  à  l'écrire, 
ei  qu'elle  suffirait  toute  seule  à  con- 
sacrer d'une  manière  ineffaçable  la 
réputation  scientifique  d'un  écrivain. 
L'existence  de  Sprengei  fut  modeste. 
Savant  consciencieux,  il  s'était  créé 
un  monde  peuplé  par  les  médecins  de 
tous  les  temps.  Ce  monde  c  est  celui 
où  il  a  véritablement  vécu.  11  ne  faut 
donc  pas  demander  à  la  vie  de  Spren- 
gei un  intérêt  qu'elle  ne  peut  fournir 
par  elle-même,  mais  il  faut  suivre 
avec  l'auteur,  à  travers  les  siècles, 
l'histoire  scientifique  des  peuples 
éteints  et  des  royaumes  disparus. 
Sprengei  avait  une  taille  petite,  une 
mémoire  étonnante  et  une  facilité  de 
travail  incomparable.  L'exercice  per- 
pétuel et  la  tension  permanente  de 
l'organe  encéphalique  brisèrent  l'in- 
strument chélifqui  fonctionnait  de- 
puis tant  d'années.  Le  15  mars  1833, 
Sprengei  mourut  d'une  apoplexie  cé- 
rébrale. Il  était  âgé  de  67  ans.  Ses 
ouvrages  sont  noiiibreux;  voici  la 
liste  des  principuix  :  I.  Mémoire  sur 
Vhisloire  du  pouls  (en  alleai.),  Leip- 
zig, 1787,  in-8".  II.  Pyrétologie  de 
Galien  (allem.),  Breslau  et  Leipzig, 
1788,  iii-8".  C'est  une  traduction  du 
traité  des  différences  des  fièvres,  de 


440 


SPR 


SPR 


Galiei),  avec  des  notes.  111.  Apologie 
d'Hippocrate  et  de  sa  doctrine  (al- 
lem.),  Leipzig,  1789,  2  vol.  in-8\  Cet 
ouvragecoiitient,  outre  une  introduc- 
tion, une  traduction  des  Aphorismes 
d'Hippocrate,  de  son  traité  du  rc'gime 
dans  les  maladies  aiguës,  ci  de  celui 
des  airs,  des  eaux  et  des  lieuï,  avec 
des  explications  très -étendues.  IV. 
Essai  d'tine  hisloirepragmalique  de 
la  médecine  (alleiii.),  Huile,  1792- 
1799,  4  vol.  in-8";  2^  édition.  Halle, 
1800-1803,  5  vol.  in-80;  .3-^  édition, 
1821-1828,  5  vol.  in-8°.  Le  docteur 
Bosenbauin  a  commencé  en  1844  la 
publication  d'une  nouvelle  édition  de 
cet  ouvrage,  avec  des  notes  étendues 
et  une  partie  bibliographique.  Le 
docteur  Geiger  a  donné  en  1809  et 
1810  une  traduction  française  des 
deux  premiers  volumes.  Elle  est 
inexacte  et  pleine  de  fautes  et  n'a  pas 
été  continuée.  Le  docteur  Jourdan 
en  publia  une  bonne  traduction  com- 
plète, Paris,  1815-1822,  9  volumes 
in-S";  celte  traduction  est  faite  sur 
la  2«  édition.  Il  serait  à  souhaiter 
qu'on  en  publiât  une  nouvelle,  faite 
sur  la  3*^^  édition  ,  à  l.iquelle  on  ajou- 
terait les  additions  très-importantes 
de  M.  Rosenbaum.  L'histoire  de  la 
médecine  de  Sprengel  a  été  traduite 
en  italien  par  Arrigioni,  Venise, 
1812-1816,  11  vol.  in-8°.  Il  en  a  paru 
une  nouvelle  édition,  accompagnée 
de  notes  et  d'une  continuation  jus- 
qu'à l'époque  actuelle,  par  François 
Freschi,  Florence,  1839-1842,  G  vol. 
in-8°.  Sprengel  n'a  donné  l'histoire 
de  la  médecine  que  jusqu'en  1800. 
Le  docteur  Burkard  Ebble,  de  Vienne, 
l'a  continuée  jusqu'en  1825.  Cette 
continuation  a  paru  à  Vienne,  de 
1837  à  1840,  2  vol.  in-S".  V.  Mé- 
moires sur  l'histoire  de  la  médecine 
(allem.),  Halle,  179M796,  3  parties, 
in-8".  Cet  ouvrage  contient  un  grand 


nombre  de  dissertations  très-savantes 
sur  divers  points  de  l'histoire  de  la 
médecine  dans  l'antiquité  et  au 
moyen  âge.  Quelques  unes  de  ces  dis- 
sertations ne  Sont  pas  de  Sprengel, 
mais  de  Bœttiger,  de  Harles  et  de 
quelques  autres  savants.  VI.  Manuel 
de  pa(/ioio5fze(allem.),  Leipzig,  1795- 
1797,  3  vol.  in-8''.  Le  1"  volume  de 
cet  ouvrage  contient  la  pathologie 
générale,  les  deux  autres  renferment 
la  pathologie  spéciale;  il  en  a  paru 
une  4'  édition  en  1814.  VII.  Anti- 
quitatum  botanicarum  spécimen  1. 
Leipzig,  1798,  in-r,  fig.  VIII.  Ma- 
nuel de  séméiotique  (allem.),  Halle, 
1801,  in-8°.  IX.  Aperçu  critique  de 
l'état  de  la  médecine  dans  les  der- 
nières années^  Halle,  1801,  in- 8°.  Ce 
volume  se  joint  à  l'histoire  de  la 
médecine  de  l'auteur;  il  forme  le 
tome  VI  de  la  traduction  française  de 
cet  ouvrage  par  Jourdan.  X.  Gui- 
de pour  l'élude  de  la  botanique, 
écrit  en  forme  de  lettres  (allem.), 
Halle,  1802-1804,  3  vol.  in-8''i2«  éd., 
Halle,  1817,  3  vol.  in-8».  La  3*  par- 
tie de  cet  ouvrage,  qui  contient  les 
plantes  cryptogames,  a  été  traduite 
en  anglais  en  1807.  Xi.  Abrégé  de 
VUistoire  de  la  médecine  (allem.), 
Halle,  1801,  tom.I",  in-8».  Ce  volume 
contient  les  trois  premiers  volumes 
du  grand  ouvriige  de  l'auteur.  Le 
tome  H  de  cet  Abrège  n'a  pas  paru. 
XII.  Histoire  des  principales  opé- 
rations en  chirurgie,  Halle,  1805- 
1819,  2  vol.  in-8".  Le  tome  II  de  cet 
ouvrage  est  de  Guillaume  Sprengel, 
iilô  de  l'auteur.  On  le  joint  à  l'His- 
toire de  la  médecine,  et  il  forme  les 
tomes  VII,  Vm  et  IX  de  la  traduc- 
tion de  Jourdan.  Xlil.  Florœ  ha- 
lensis  tenta mennovum,  Halle,  180G, 
iu  8",  fig.  Il  en  a  paru  une  nouvelle 
édition  eu  1832.  XIV.  Historia  ni 
herbariœ.  Amsterdam,  1807-180S, 


SPR 


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441 


2  vol.  in-S".  Cette  histoire  de  la  bo- 
tanique fait  beaucoup  d'honneur  à 
rerudition  de  Sprengel  ;  il  en  a  donné 
lui-même  une  traduction  allemande, 
Leipzig,  1817,  2  vol.  in-8".  XV.  Jn- 
slituliones  medicce  ,  Amsterdam  , 
1808-1810,  6  vol.  in-S"^  réimprimé 
à  Milan,  en  1816,  11  vol,  in-8".  Cet 
ouvrage  contient  des  traités  de  phy- 
siologie, de  pathologie  générale,  de 
pathologie  spéciale,  de  pharmacolo- 
gie, de  thérapeutique  gonérale  et  de 
médecine  légale.  11  n'a  pas  eu  le 
même  succès  que  l'Histoire  de  la  mé- 
decine; la  plupart  des  traités  qui  le 
composent  ont  vieilli.  XVI.  Gazette 
d'horticulture  (allem.),  Halle,  I80i- 
1806,4  vol.  in-8°.  XVU.  Traité  sur 
la  structure  et  la  nature  des  plantes 
(allem.),  Halle,  1811,  1  vol.  in-8°. 
XVIII.  De  germants  rci  herbariœ 
partibus,  Munich,  1813,  in- 8".  XIX. 
Plantarum  minus  cognitarum  pu- 
gillus  primus.  Halle,  1813,  in-8°; 
Pugillus  alter.  Halle,  1815,  in-8°. 
XX.  Species  umbelli  fer  arum  minus 
cognifœ,  Halle,  1818,  in-4°.  XXI.  Jn- 
nales  de  la  botanique  (allem.),  Ber- 
lin, 1818-1820,  in-8%  publié  de  con- 
cert avec  Sclirader  et  Link.  XXII. 
Nouvelles  découvertes  en  botanique 
(allem.),  Leipzig,  1819-1822,  i  vol. 
iu-S".  XXIil.  Histoire  des  plantes 
de  Théophraste,  traduite  du  grec  en 
allemand,  avec  des  notes,  Altona  , 
1822, 2  vol.  iu-8°.  XWY.Dioscoridis 
Anazarbei  de  materia  medica  libri 
quinque,  emcndavit  et  commentario 
illustravit  K.  Sprengel^  Leipzig, 
1829-1830,  2  vol.  in-8°.  Cette  édi- 
tion de  Dioscorides  fait  partie  de  la 
collection  des  médecins  grecs  publiée 
parKuhn.  XXV.  Littcratura  medica 
cxterna  reccntior,  seu  enumeralio 
librorum  plerorumque  et  commen- 
tationum  singularimn  ad  doctrinas 
medicas  faciendum  qui  extra  Ger- 


maniam  ab  anno  inde  1750  impressi 
sunt,  Leipzig,  1829,  in-S"  de  630 
pages  à  2  colonnes.  Cette  bibliogra- 
phie médicale  des  ouvrages  publiés 
hors  de  l'Alhuiagne  avait  été  com- 
posée par  le  docteur  Louis  Hain; 
elle  a  éié  revue,  augmentée  et  mise 
en  ordre  par  Sprengel.  Elle  est  très- 
incomplète,  remplie  d'erreurs,  et 
tout  à  f.iit  indigne  du  savant  pro- 
fesseur qui  y  a  attaché  son  nom. 
XXVI.  Opusculaacademica,collegit, 
edidit,  vitamque  auctoris  breviter 
enarravit,  J.  Hosenbaum,  Leipzig, 
1844,  in-8".  Le  docteur  Rosenbaum 
a  réuni  dans  ce  volume  25  disserta- 
tions académiques  de  Sprengel  ;  nous 
n'avons  pas  donné  les  litres  de  quel- 
ques-unes dans  cette  notice;  plu- 
sieurs de  ces  dissertations  ont  pour 
objet  d'éclaircir  dilïërcnts  points  de 
l'histoire  de  la  médecine  ou  des  su- 
jets d'érudition.  Sprengel  a  traduit 
en  allemand  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages français  anglais  ,  italiens  , 
suédois  et  hollandais.  Ainsi  il  a  tra- 
duit du  français  la  Nouvelle  méca- 
nique des  mouvements  de  Ihomme 
et  des  animaux,  de  Bnthez  ;  de 
l'anglais,  la  Médecine  domestique, 
de  Buclian  ;  le  traité  des  Fièvres  de 
la  Jamaïque,  de  Jackson  ;  le  Code 
de  santé  et  de  longue  vie,  de  Sin- 
clair; la  Vie  de  Laurent  de  Médicis, 
par  Roscoe;  de  l'italien,  le  traité  Des 
maladies  du  cœur,  de  Testa,  et  celui 
des  Maladies  vénériennes^  de  Pere- 
noti  di  Cigliano,  auquel  il  a  joint 
des  additions  importantes;  du  sué- 
dois, le  Voyage  au  Japon,  do.  Thun- 
berg;  du  hollandais,  \a  Description 
de  l'Archipel,  de  l'amiral  Kinsber- 
gcn  {voy.  ce  nom,  LXVIII,  ;',26).  Il 
lit  celle  traduction  conjointement 
avec  J.-R.  Forster,  professeur  à  l'u- 
niversité de  Halle,  (]ui  mourut  en 
1798  et  dont  Sprengel  prononça  i'é- 


442 


SPR 


loge  (voy.  FoRSTER,  XV,  285),  Il  a 
traduit  de  l'allemand  en  latin  la  Mé- 
decine clinique,  de  Selle.  Il  a  aussi 
ajoiilé  des  préfaces  et  des  notes  à 
plusieurs  traductions  ou  autres  ou- 
vrages dont  il  nVlait   p;is  l'auteur. 
Enfin  il  a  publié  dilférents  articles 
ou  dissertations  dans  divers  jour- 
naux. —  SpRENGEr,  {Guillaume),  fils 
aîné  du  précédent,  naquit  à  Halle,  le 
14  janvier  1792,  servit  d'abord  en 
qualité  de  chirurgien  dans  les  ar- 
mées prussiennes,    publia  eu  1812 
une  traduction  allemande  des  mé- 
moires de  Loiiis  Sacco  sur  la  vaccine, 
fut  reçu  en  1816  docteur  en  méde- 
cine à  l'université  de  Halle,  et  y  sou- 
tint une  thèse  intitulée  :  Ânimad- 
versiones  castrenses.  En  1818  il  fut 
nouiiiié  professeur  ordinaire  de  chi- 
rurgie à  l'université  de  Greifswald, 
et  lit   paraître   l'année   suivante  la 
continuation  de  VHisloire  def  prin- 
cipales   opérations    de    chirurgie, 
commencée  par  son  père.  Il  mourut 
en  1828;  il  venait  alors  d'entrepren- 
dre la  publication  d'un  grand  traité 
de  chirurgie  dont  il  n'a  paru  que  le 
premier  volume.  Il  a  encore  traduit 
de  l'anglais  en  allemand  les  ObseV' 
valions  pratiques  sur  le  traitement 
des  maladies  de  la  glande  prostate 
d'Év,  Home,  et   les  Remarques  de 
Henner  sur  les  principaux  sujets  qui 
ont  rapport  à  la  chirurgie  militaire. 
L— D~É. 
SPRENGTPORTEN(JoRAM- 
Magnus  ,  baron   de) ,   général   sué- 
dois,  né  en   Finlande  vers  le  mi- 
lieu du  XVIII«siècle, entra  fort  jeune 
au   service  et    parvint    rapidement 
aux  premiers  grades  de  l'armée  sué- 
doise.   Particulièrement    distingué 
par  le  roi  Gustave  III  et  naturelle- 
ment  porté  à  se  mêler  d'intrigues 
politiques,  il  concourut  activement 
au  rétablissement  dece  prince  dans  le 


SPR 

pouvoir  dont  le  sénat  s'était  emparé  ; 
mais,  se  croyant  trop  peu  récompensé 
de  tels  services,  il  entra  bientôt  dans 
d'autres  intrigues  contre  ce  monar- 
que lui-uiêuie,  et  l'on  a  dit  qu'il|lit 
partie  d'une  conspiration  où  il  ne  s'a- 
gissait de  rien  moins  que  de  le  livrer 
à  la  czarineCalherinell.  Cette  trame 
ayant  été  découverte,  Sprengtporten 
fut  obligé  de  s'enfuir.  I!  se  réfugia 
d'abord  en  Hollande,  puis  en  Russie 
011  il  dirigea  encore  plusieurs  com- 
plots pour  soulever  la  Finlande  et 
livrer  à  la  Russie  cette  province 
qu'elle  convoitait  depuis  si  long- 
temps. Excités  par  lui  ,  les  Finlan- 
dais envoyèrent  à  Saint-Pétersbourg 
une  députation  en  tête  de  laquelle 
était  un  gentilhomme  nommé  Jager- 
horn,  qui  demanda  follement  pour 
souverain  le  jeune  prince  Constan- 
tin Paulowitz.  Mais  ces  projets  d'en- 
vahissement étaient  encore  loin  de 
leur  maturité,  et  ce  n'est  que  plus 
tard  qu'ils  furent  repris.  Tombé  en 
disgrâce  dans  les  dernières  années  du 
règne  de  Catherine  II,  Sprengtporten 
resta  cependant  au  service  de  Rus- 
sie, et  s'y  trouvait  encore  à  l'avéne- 
nient  de  Paul  l".  Ce  prince,  connais- 
sant toute  sa  dextérité  en  diploma- 
tie, l'envoya  à  Paris  auprès  du  pre- 
mier consul  Bonaparte.  Il  eut  une 
grande  part  aux  conventions  secrètes 
qui  furent  alors  arrêtées  entre  le 
czar  et  Napoléon,  et  que  la  mort 
de  Paul  1"  ne  tarda  pas  à  rompre. 
Ce  général  était  encore  au  service 
de  Russie  en  1809  lors  de  la  révolu- 
tion qui  renversa  de  son  trône  le 
jeune  roi  Gustave  IV  {voy.  ce  nom, 
LX,  310),  et  il  est  bien  sûr  que  par 
les  relations  qu'il  avait  conservées 
dans  sa  patrie  il  ne  manqua  pas  de 
concourir  à  cette  révolution,  que  ce 
fut  même  à  ses  machinations  que 
bientôt  après  la  Russiedut  la  conquête 


SPU 


SPU 


443 


(le  la  Finlande,  dont  il  fut  nomniô 
gouvernpur-ge'néral.  Depuis  on  n\i 
plus  parlé  de  Sprengtporten,  et  il  est 
mort  dans  l'oubli  et  peut-être  le  re- 
mords de  ses  trahisons.      M— D  j. 

SPITRIKNA.   Voy.   VESTnicius  , 
XLVin,323. 

SP11RZHHI3I  (Gaspard),  méde- 
cin, associé  aux  travaux  du  docteur 
Gall  {voy.  ce  nom,  LXV,  47),  naquit  à 
Longwich,  près  de  Trêves,  le  31  dé- 
cembre 1776;  éludia  la  médecine  à 
Vienne,  et  partit  en  1805  de  cette 
ville  avec  son  ancien  maître  pour 
parcourir  l'Allemagne.  A  Paris,  où 
ils  se  rendirent  en  1807,  ils  com- 
mencèrent de  concert  la  publication 
de  leur  grand  ouvrage  :  Anatomie 
et  physiologie  du  système  nerveux 
en  général  et  du  cerveau  en  par- 
ticulier. Les  premiers  volumes 
sont  annoncés  sous  les  deux  noms  ; 
mais  les  deux  collaborateurs  se 
brouillèrent  en  1813  par  un  excès 
de  susceptibilité  trop  commune  par- 
mi les  savants,  ils  se  séparèrent,  et 
Spurzheim  se  rendit  en  Angleterre, 
puis  en  Irlande  et  en  Ecosse,  on  ses 
leçons  de  phrénologie  trouvèrent  de 
nombreux  auditeurs.  En  Angleterre, 
il  publia  en  anglais,  en  1815,  l'ou- 
vrage intitulé  :  Système  physiogno- 
monique  des  docteurs  Gall  et  Spur- 
zheim;  puis  un  abrégé  du  même 
ouvrage;  son  Traité  sur  la  folie  et 
ses  Principes  élémentaires  de  l'édu- 
cation, etc.  De  retour  à  Paris ,  en 
1817,  il  n'y  revit  pas  son  ancien  maî- 
tre, et  ce  fut  en  vain  que  des  amis 
communs  cherchèrent  aies  réconci- 
lier. Spiirzbeim  composa  et  publia 
seul  de  nouvelles  Observations  sur 
la  folie ^  sur  la  phrénologie,  et  un 
Essai  philosophique  sur  la  nature 
morale  sf  intellectuelle  de  Vhomme  ; 
enfin  ses  ouvrages  sur  Vanalomie, 
la  physiologie  et  la  pathologie  du 


cerveau,  et  sa  thèse  soutenue  en 
1821 ,  intitulée  :  Du  cerveau  sous 
le  rapport  anatomique  ^  lui  avaient 
fait  conférer  le  grade  de  doi'teur 
de  la  faculté  de  Paris.  Il  y  avait 
peu  de  mois  qu'il  était  passé  en 
Amérique,  et  qu'il  professait  à  Bos- 
ton avec  le  plus  grand  succès  les 
doctrines  de  Gall,  lorsqu'il  mourut 
du  typhus,  après  quinze  jours  de 
maladie,  le  10  novembre  1832.  Voici 
comment  un  écrivain  judicieux , 
après  avoj  r  étudié  ce  nouveau  système 
en  a  parié  à  l'occasion  des  derniers 
écrits  de   Spurzheim  :  «  La  manière 

•  dont  Gall  dé.signait  d'abord  les  ca- 

•  racières  a  fait   beaucoup    rire  et 

•  crier;  il  y  avait  en  effet  de  quoi. 
«  Comment  s'abstenir  de  railleries 
«  ou  de  plaintes  sur  une  science  qui 
«  désignait  un  homme  pour  un  vo- 
<•  leur  ou  pour  un  libertin,  parce  que 
«  tout  le  monde  lui  voyait  la  protu- 
«  bérance  du  vol  ou  du  libertinage? 
»  Le  penchant  le  plus  insignifiant 
"  avait  sa  petite  protubérance,  et 
«  l'on  ne  voyait  pas  où  celte  suite 
«  d'éminences  Unirait.  Bref  la  crâ- 
«  niologie  avait  atteint  un  degré  de 
«  ridicule  qui  touchait  à   la  niaise- 

•  rie.  Il  nous  semble  que  Spurzheim 
«  a  rendu  a  cette  science  le  service 
«  de  l'avoir   relevée  en   considérant 

•  les  organes  du  cerveau, découverts 

•  par  son  maître,  sous  un  point  de 
«  vue  plus  élevé,  et  d'une  manière 
«  plus  philosophique.  Il  établit  d'a- 
«  bord  une  nouvelle  division  des 
«  facultés  de  l'âme  auxquelles  il  as- 
«  signe  des  organes  dans  le  cerveau  ; 
«  il  les  partage  en  fiicultés  aftecti- 
«  ves  ,  qui  comprennent  les  pen- 
«  chants  et  les  sentiments,  et  en  fa- 
«  cultes  intellectuelles.  Toutes  ces 
«  facultés,  au  nombre  de  trente-cinq, 
«  ont  chacune  un  organe  particulier. 
«  Pour  les  penchants,  il  a  cru  de- 


444 


SPU 


SPU 


«  voir  créer  de  nouveaux  mots  qui, 
"nous  l'avouerons,  auront  de.  la 
«  peine  à  obtenir  le  droit  d'adiuis- 
«  sion  dans  le  dictionnaire  de  l'Aca- 
«  demie.  Le  penclmnt  à  de'truire  est 

•  devenu  la  dcslruclivité;  le  désir 
«d'avoir,  hi  conv oit ivilé;  le  pen- 
"  chant  à  cacher,  la  secrétivité.  etc. 
«  Ces  mots  sont  destines  à  couvrir  de 
«  leur  élrangeté  ce  que  les  objets 
"  qu'ils  expriment  peuvent  avoir  de 
«  fâcheux.  Le  docteur  Gall  admet, 
"  par  exemple,  un  organe  du  vol. 
«  Mais  Spurzbeiui,  en  généralisant 
«  l'idée,  pense  que  cet  organe  indi- 
«  que  la  convoilivilé  ou  le  désir 
«  d'avoir  ;  ce  penchant  n'a  rien  de 
«  repréhensible  en  soi  :  il  ne  le  de- 
«  vient  que  par  l'abus.  C'est,  comme 
«  on  voit,  une  modilication  impor- 
«  tante  du  système  crâniologique. 
«  Spurzheim  en  a  fait  autant  pour 
«  l'organe  que  Gall  a  appelé  celui 
«  de  l'ambition.  Son  disciple  n'y  re- 
■■  connaît  que  l'amour  de  l'approba- 
«  tion,  penchant  qui  également  ne 

•  devient  blâmable  que  par  l'excès: 

-  en  sorte  que  là  où  le  maître  voyait 
"  des  organes  de  vices  et  de  vertus, 
«  l'élève  voit  des  dispositions  qui, 
«  selon  l'application  qu'on   en  fait, 

•  conduisent  aux  uns  ou  aux  autres. 
«  H  observe  au  reste,  pour  discul- 
«  per  son  maître,  que  la  découverte 
u  de  l'organe  d'un  vice  ne  prouve- 
.  rait  rien  contre  la  moralité  d'un 
.  homme,  puisque  sa  conduite  est  le 

-  résultat  non  pas  d'une  seule  fa- 
rt culte,  mais  de  toutes  ses  facultés 
u  combinées,  en  sorte  qu'un  mau- 
.  vais  penchant,  à  côté  d'autres  pen- 
«  chants  qui  sont  louables  ,  peut 
«  produire  de  bonnes  actions^  à  peu 
"  près  comme  une  substance  ,  qui 
p  seule  est  un  poison,  devient  un  re- 
«  mede  lorsque  son  virus  est  neu- 
«tralisé  par  le  mélange  de  substan- 


«  ces  salutaires.  A  l'égard  des  facul- 
«  tés  perspectives ,S\)urzhe\m  a  suivi 
■  à  peu  près  la  division  et  les  déno- 
"  minations  de  son  maîire,mais  il 

•  appuie  lie  nouveaux  exemples 
«  ceux  qui  se  sont  présentés  au  doc- 
«  teur  Gall  et  à  lui-même,  dans  le 
«  cours  de  leurs  [observations  com- 
«  munes.  On  sait  qu'ils  se  sont  livrés 

•  tous  deux  à  une  étude  assidue  du 

•  cerveau,  et  que  la  crâniologie  n'est 

•  qu'une  partie  de  leurs  découver-  . 
"  les.  Il  serait  possible  que    cetie 

«  nouvelle    science    subît    encore  , 

•  dans  la  suite,  de  plus  grandes  mo- 
«  dilications  que  celles  auxquelles 
«  Spurzheim  vientde  l'assujettir  dans 

•  son  ouvrage.  jMais  il  restera  tou- 
«  jours  à  ces  deîix  savants  l'honneur 
"  d'avoir  frayé  une  route  inconnue, 

•  pourvu  que  cette  roule  conduise  à 
«  un  but  utile.  »  Les  ouvrages  que 
Spurzheim  a  composés  et  publiés 
sans  le  concours  de  Gall  sont  :  1.  Ob- 
servations sur  la  folie  ou  sur  le 
dérangement  des  fonctions  morales 
et  intellectuelles  de  Vhomme ,  Paris, 
1818,  publié  eu  anglais  à  Londres 
l'année  précédente.  W.  Observations 
sur  la  phrénologie  ou  la  connais- 
sance de  l'homme  moral  et  intellec- 
tuel fondées  sur  les  fonctions  du  sys- 
tème nerveux  ,  Paris,  1818  ,  in-8°. 
ill.  Essai  philosophique  sur  la  na- 
ture morale  et  intellecluelle  de 
l'homme  ,  Paris,  1820,  in-S".  IV.  Du 
cerveau  sous  le  rapport  anatomi- 
que,  Paris,  1821,  in-8°.  C'était  une 
thèse  de  l'auteur  pour  son  doctorat. 
V.  Essai  sur  les  principes  élémen- 
taires de  Véducation  ,  Paris,  1822, 
in-S".  VI.  Précis  de  phrénologie 
contenant  l'explication  du  buste. 
Paris,  1825,  vol.  in-12,  avec  !c  buste 
en  plâtre.  Vil.  Manuel  de  phréno- 
logie, Paris,  1832,  in-12,  avec  une 
lithographie.  Z-  j 


SQil 

SQUARCIALUPI  (Antonio),  cé- 
lèbre musicien  italien,  florissait  dans 
la  seconde  moitié  du  XV  siècle.  On  ne 
connaît  ni  le  lieu  ni  la  date  de  sa  nais- 
sance, non  plus  que  de  sa  mort.  11  sur- 
passa, dit-on,  tous  ses  prédécesseurs 
dans  la  théorie  et  dans  la  pratique 
de  son  art.  Laurent  de  Médicis,  à  la 
cour  de  qui  il  brilla  long-temps,  avait 
composé  un  poème  à  sa  louange.  Va- 
lori  rapporte  qu'un  jour  on   criii- 
quait,  en  présence  de  Laurent,  le  ta- 
lent d'Antonio  > Si  vous  saviez,  ré- 
pondit-il aux  censeurs,  combien  il 
est  difficile  d'exceller  dans  quelque 
art  que  ce  soif,  vous  parleriez  de  lui 
avec  plus  de  respect.  »  (Voy.  Vie  de 
Laurent  de  Médicis,  par  Roscoe,  11, 
139,trad.  deThurot.) — SguAnciALUPi 
(Marcei),  savant  du  XVP  siècle,  a  pu- 
blié :  DeComefa  in  universiim,  atque 
deillo  qui  visus  est  anno  1577,  in-4**, 
dissertation  réimprimée  dans  des  re- 
cueils sur  les  comètes  {voy.  la  lii- 
bliogr.  fls/ron.  de Lalande.plOî,  110 
et  20 i).  Ce  savant  est  probablement 
le  même   que    le   docteur  Marcello 
Squarcialupi  de  Piombino  {Plumbi- 
nevsis),  à  qui  l'on  attribue  une  vio- 
lente satire  contre  un  médecin  soci- 
nien  ,  de  Lucques,  satire  que  Pei- 
gnot  qualifie  de  chef-d'œuvre  de  la 
licence  la  plus  effrénée,  et  qui  est 
devenue  presque  introuvable,  soit 
qu'elle  ait  été  exacteuicHt  supprimée, 
soit,  comme  le  pense  M.  Bruuet,  que, 


SQU 


445 


vu  son  peu  d'étendue  et  le  lieti  de 
l'impression,  elle  ait  dû  naturelle- 
ment rester  fsrt  rare  dans  le  midi 
de  l'Europe.  Elle  est  intitulée  :  Simo- 
nis Simonii  lucensis,primum  roma- 
ni, tum  calviniani^  deinde  luthcria- 
ni ,  denuo  romani ,  semper  aulem 
athei,  summa religio ; authoreH.  M. 
S.  P.,  Cracovic,  Alex.  Roderic,  1588, 
in- 1°.  Pour  plus  de  détails  sur  cette 
satire  et  sur  celui  contre  qui  elle  est 
dirigée  (1),  voy.  le  Dict.  deBayle, 
art.  SiMONius  ;  ri/jsf.  litt.  de  Genève, 
par  Senebier,  II,  107;  h  Bibliogr. 
instruct.,  de  Debure,  n°  789  ;  le  Dict. 
des  livres  condamnés  au  feu,  par 
Peignot,  t.  Il,  p.  127,  et  le  Manuel 
du  libraire,  dern.  édit.,  IV,  292.  Le 
nom  du  docteur  de  Piombino  se  trou- 
ve encore  sur  le  titre  de  l'ouvrage 
suivant,  cité  par  Haym  {Bibliot.  ita- 
liana,  Milan,  1803,  IV,  292:  Difesa 
contro  la  Peste,  di  Marcello  Squar- 
cialupi medico,  etc.,  coretta  da  Ghe~ 
rardo  Borgogni^  Milano  pel  Tint, 
l.>76,  sans  indication  de  format. 

B-L-U, 


(i)  Simon  Siraoni,  qui  changea  plusieurs 
l'ois  de  religion,  se  retira  en  Pologne  aj)rès 
avoir  eiiseigiié  la  médecine  et  la  philosophie 
à  Genève,  a  Heidclherg,  à  Leipzig  et  même 
à  l'aii-,  si  l'on  en  croit  Gui  Palin  [Leltrts, 
t.  H,  p  337,  de  l'excellente  édition  publiée 
par  M.  Reveillé-l'arise}.  Siraoni  est  autrur 
de  j.lusieurs  ouvrages  de  médecine  et  de 
coulroverse  tout-à-fait  oubliés. 


FIN    DU   QUATP.E-VIISGT-DEUXIRMF   VOf.llMF» 


On  trouve  au  même  Bureau  les  Notices  suivantes,  extraites  de  là 
Biographie  universelle,  et  qui  se  vendent  séparément. 


YIE  PUBLIQUE  ET   PRITÉE  DE  .lîAPOLÉO^  BOX.APARTE,  par    L.-G. 

MicflAUD,  ancien  capitaine  d'éial-major,  principal  rédacteur  de  la  Bio- 
graphie universelle  ;  seconde  édition,  revue,  corrige'e  et  augmentée  d'une 
Notice  historique  sur  le  génér.d  Rogiiiat.  Un  vol.  in-8°,  grand  papier, 
avec  deux  portraits.  Prix  :  5  fr.  et  6  fr.  franc  de  port. 

HISTOIRE      DU       SAIXT  -  SIllOXISME      ET     DE     Ii.%     FAMILLE     DE 

ROTHSCHILD,  OU  Biographie  de  Saint-Simon  et  de  Bazard;  par 
RIM.  MicHAUD  et  ViLLENAVE,  suivic  de  la  biographie  de  Mayer-Ànselme 
RoTUscHiLD  et  de  Nathan,  son  fils.  (Extrait  de  la  Biographie  univer- 
selle, tom.  LVii  et  Lxxx.)  Vol.  in-8°,  grand  papier,  avec  portraits.  Prix  : 
2  fr.  et  2  fr.  50  c.  franc  de  port. 

BIOGRAPHIE',    OU  Vie  publique     et    privée     de    louis  -  PHILIPPE 

d'orléa.'vs,  ex-roi  des  Français,  depuis  sa  naissance  jusqu'à  la  fin 
de  son  régne,  par  L.-G.  Michald,  l'i  n  des  auteurs  et  éditeur  de  la  Bio- 
graphie universelle.  Vol.  in-8°  de  550  pages,  avec  cartes  et  gravures, 
destiné  à  former  un  complément  à  la  Biographie  universelle,  et  im- 
primé dans  le  même  forniat.  Prix  ;  7  fr.  et  8  fr.  franc  de  port. 

Bien  qu'il  ait  écrit  dans  des  circonstances  récentes,  et  pour  l'explication 
de  ces  circonstances,  l'auteur  de  ce  volume  ne  s'est  en  aucune  façon  écarté 
de  l'exactitude,  de  l'impartialité  dont  la  Biographie  universelle  a  fait 
preuve  à  toutes  les  époques.  Aucun  livre  ne  jette  plus  de  clarté  sur  l'his- 
toire contemporaine.  Rien  n'y  est  exagéré  ni  dissimulé,  quoi  qu'on  en  puisse 
dire;  et  l'auteur  porte  à  tous  les  détracteurs  le  déli  le  plus  formel  d'en 
démentir  un  seul  fait,  d'en  riier  une  seule  assertion.  C'est  l'histoire  telle 
qu'elle  sera  écrite  dans  un  siicle,  telle  que  la  postérité  doit  la  connaître. 


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BZOCRPPHZE  UNIVERSELLE 


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