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JACQUES BOUJU
PRÉSIDENT AU PARLEMENT DE BRETAGNE
(1515-1577)
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Angers, Imp. Lachèse et Dolbeau.
NOTICE
JACQUES BOUJU
PRÉSIDENT AU PARLEMENT DE BRETAGNE
(1515-1577)
Emile DUPRE LASALE
Conseiller a la Cour de Cassation
PARIS
LÉON TECHENER
LIBRAIRE DE LA SOCIETE DES BIBLIOPHILES FRANÇOIS
Rue de l'Arbre-Sec, près de la Colonnade du Louvre—
MDCCCLXXXIII.
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INTRODUCTION.
En préparant la suite de mon livre sur Michel
de L'Hospital, j'ai été conduit à m'occuper d'un
ami du chancelier, Jacques Bouju, conseiller au
Parlement de Paris et président des enquêtes au
Parlement de Bretagne, personnage très ignoré
aujourd'hui, mais qui eut, en son temps, une
grande réputation. Ronsard et du Bellay Pont
célébré dans leurs vers. Sainte-Marthe a écrit
son éloge. Lacroix du Maine se glorifiait de
l'avoir connu. Cent ans après sa mort, Ménage
l'appelait encore V illustre président. J'ai voulu
savoir comment il avait mérité tant de suffrages.
J'ai réuni, non sans peine, les éléments épars de
sa biographie. J'offre aux curieux le résultat de
mes recherches.
NOTICE
JACQUES BOUJU
CHAPITRE I.
FAMILLE ET COMMENCEMENTS DE JACQUES BOUJU.
Dès la fin du quatorzième siècle on voit figurer
au Parlement un conseiller nommé Jacques
Bouju : magistrat employé aux plus difficiles
missions, chargé, en 1398, de réformer les statuts
de F Université d'Angers, et, chaque année, de
1392 à 1403, délégué comme assesseur 1 à l'échi-
quier de Normandie.
1 Au cabinet des titres de la Bibliothèque Nationale,
tome 445 des pièces originales, on trouve plusieurs des
commissions adressées au conseiller Bouju. Voici la dernière:
1 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
Il appartenait à une vieille race du Maine qui
portait d'or à trois aigles de sable membrées et
becquées de gueules. Son bisaïeul avait, sous
Philippe le Hardi, commandé le château du Mans.
« Karolus Dei gratia Francorum rex dilecto et fideli consi-
liario nostro magistro Jacobo Bouju salutem et dilectionem.
Mandamus vobis quatenùs pro expéditions causarum et ne-
gotiorum stacarii nostri Normanniae quod in villa Rothoma-
gensi ad quindenam festinationis beati Michaelis proximè
venientis et in diebus sequentibus sedere et teneri ordina-
vimus, in dicto stacario ibidem personaliter intersitis ; id
nullatenus omissuri. Datum Parisiis ll a die Augusti anno
miliesimo cccc tertio et regni nostri xxiii. Per regem ad re-
lationem consilii, Mauloue ». — Voici maintenant la quit-
tance de Bouju pour l'indemnité à lui payée : « Saichent
tuit que je, Jacques Bouju, conseiller du Roy nostre sire et
assesseur en son eschiquier de Normandie tenu à Rouen au
temps de la Saint-Michel l'an mil cccc et troys, confesse
avoir eu et receu de honorable home et saige Guillaume le
Diacre, viconte dudit lieu de Rouen, la somme de sept
vingt dix et neuf livres tournois à moy deue pour mes gaiges
de trois francs par jour de service au dit eschiquier par le
temps de cinquante trois jours que je affirme en vérité avoir
vacqué continuellement pour le fait du dit eschiquier, venant
et besognant ; c'est assavoir du xi e jour d'octobre jusques au
dernier jour de novembre inclus et deux jours pour mon
retour de Rouen à Paris, de la quelle somme de vn xx xix li-
vres tournois dessusdits je me tiens pour bien payé et con-
tent et en quitte le Roy mon dit seigneur, ledit viconte et
tous autres. En tesmoing de ce, j'ay scellé ceste présente
quittance de mon scel et signé de mon seing manuel, le
xxix e jour de novembre Tan dessus dit. »
DE JACQUES BOUJU. 5
Ses ancêtres avaient enrichi l'Hôtel -Dieu de cette
ville. Lui-même était seigneur du Rancher. Gen-
dre du conseiller Adam de Chanteprime, il maria
sa fdle à Jean de Longueil, président à mortier.
De cette union sortirent tous les Longueil.
Ce premier Jacques Bouju ne laissa pas de
postérité masculine. Son nom fut perpétué par
les descendants de ses oncles, les Bouju de Fort-
benoit et de Verdigny. Pour abréger, je passe
sans transition à 1560. La branche de Fortbenoit
est alors représentée par René Bouju, seigneur
de Chauderue, écuyer de la reine de Navarre.
Les Verdigny et leurs cousins, les Bouju du
Marais, habitent toujours le Mans. Thibaut Bouju,
seigneur de Verdigny, a remplacé son père
comme lieutenant criminel ; son frère Pierre est
prieur de Saint-Marceau.
A la même époque prospérait dans l'Anjou une
autre famille Bouju. Assez ancienne pour avoir
donné, en 1484, un échevin au conseil d'Angers,
assez riche pour avoir ensuite acquis plusieurs
fiefs près de Châteauneuf- sur- Sarthe, elle
comptait parmi ses membres le second Jacques
Bouju à qui cette notice est consacrée.
Les Bouju d'Angers et ceux du Mans venaient-
ils d'une source commune ? L'abbé Bancelin et
Odolant Desnos le nient. Andouys l'affirme;
mais ce feudiste attribue aux Bouju d'Angers,
6 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
tantôt l'écu d'or aux trois aigles de sable, tantôt
des armoiries différentes. Cette contradiction
affaiblit l'autorité de son témoignage 1 . Il existe
trois généalogies des Bouju du Maine : Tune dans
le livre de Blanchard sur les conseillers au Par-
lement de Paris ; l'autre, au cabinet des titres de
la Bibliothèque Nationale; la troisième, plus com-
plète, entre les mains du savant secrétaire de
Tévêché du Mans, M. l'abbé Esnaut 2 . Aucune
1 Odolant Desnos, Mémoires sur V échiquier d'Alencon,
t. 2. p. 90. M. le sénateur de la Sicotière a eu la bonté de
me procurer un extrait de ce manuscrit. — Notes de l'abbé
Bancelin sur Pocquet de Livonnière, mss. de la Bibliothèque
d'Angers, n° 1067, f° 441. — Audouys, Projet d' armoriai
pour l'Anjou, mss. de la même Bibliothèque, n° 994, f° 27,
et mss. sur le Parlement de Bretagne, n° 841, f° 15. Je suis
heureux de remercier ici M. Lemarchand, bibliothécaire
d'Angers, de son obligeant concours.
2 La généalogie que M. l'abbé Esnaut a bien voulu me
communiquer fut rédigée, au milieu du xvm e siècle, pour
les besoins d'un procès, par le dernier Bouju du Maine. Elle
conduit plus loin que Blanchard les diverses branches de
cette famille, non sans de graves lacunes qu'on peut constater
et remplir, en ce qui touche les Fortbenoit, à l'aide du
cahier bleu du cabinet des titres de la Bibliothèque Natio-
tionale, n° 2954, f os 16 à 58. Ce cahier contient de curieux
extraits des archives des Juigné qui étaient alliés aux Fort-
benoit. — V. aussi le mss. 1216 (fonds Clérembault) où sont
conservés quelques états des maisons royales. Jean Boju,
seigneur de Chauderue, y est qualifié, en 1530, de panne-
tier de Mesdames Madelaine et Marguerite de France, et
DE JACQUES BOUJU. 7
ne mentionne les Bouju d'Angers : ce qui semble
bien les exclure. Toutefois on remarque dans ces
documents, à des dates plus ou moins reculées,
quatorze Bouju sur lesquels il n'est pas fourni de
détails. On ne les prétend pas morts sans alliance;
on n'indique pas leurs lignées. Il est donc pos-
sible qu'un d'eux soit allé fonder à Angers une
nouvelle maison dont l'origine aura été peu à
peu oubliée. C'est là, d'ailleurs, une pure suppo-
sition que la conformité des noms et le voisinage
des lieux rendent seuls vraisemblable.
Il faut même l'avouer; malgré tous mes efforts,
je n'ai rien trouvé sur les parents de Jacques
Bouju. J'ai uniquement découvert qu'il avait un
frère, Guillaume Bouju, désigné, dans plusieurs
actes, comme marchand, seigneur de Sorinière
et de Travaillé, demeurant à Châteauneuf-sur-
Sarthe. Ces qualités supposent une condition
bourgeoise ; j'aurai dans la suite l'occasion d'y
revenir.
Quant à Jacques Bouju, il naquit, le 25 juillet
1515, à Châteauneuf- sur- Sarthe. Lacroix du
Maine, Sainte-Marthe, Ménage le déclarent ; ils
étaient bien placés pour le savoir et ils ont été
Pierre Bouju, seigneur de Chauderue, en 1545, d'écuyer de
Madame Marguerite de France. Jean et Pierre étaient le
père et le frère de René dont il a été question plus haut.
8 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
répétés par tous les biographes, sauf deux dissi-
dents. Ainsi Bruneau de Tartifume, sans la moin-
dre preuve, du reste, croit notre Jacques natif de
Châteaugontier. Au contraire, suivant M. Célestin
Port, il a dû naître aux Landes en Juvardeil,
berceau et résidence de sa famille. Mais, dans
un autre article, M. Port reconnaît que cette sei-
gneurie, possédée jusqu'en 1562 et au delà par
les Honoré de la Touche, passa plus tard aux
Bouju 1 . Or de ce que Jacques est devenu vers
1570 propriétaire des Landes, de ce qu'après lui
ses enfants y ont vécu, il ne parait pas très logique
de conclure qu'il y est né en 1515.
Quoi qu'il en soit, Jacques Bouju fit ses études
à Angers. Belleforest le cite parmi les élèves re-
marquables de cette université 2 . Doué des plus
brillantes facultés et surtout d'une mémoire pro-
digieuse, il acquit de bonne heure le triple renom
de jurisconsulte, de philosophe et de poète.
François I er , charmé de son esprit délicat et de
ses connaissances variées, V aima, dit J^acroix du
Maine, par sur tous ceux de sa robe. Ses vers
latins méritèrent d'être comparés par L'Hospital
1 Tartifume, mss. de la Bibliothèque d'Angers, n° 870,
f° 1156. — Célestin Port, Dictionnaire historique de Maine-
et-Loire, t. 1. p. 437, t. 3, 448.
2 Belleforest, Cosmographie universelle, Paris, 1575, in-fol.
t. 1, p. 274.
DE JACQUES BOUJU. 9
aux meilleurs de l'antique Rome. Il composait
aussi des vers français pour plaire aux courtisans.
Ce talent, ajoute Sainte-Marthe, l'introduisit au-
près de la sœur du roi ; elle lui conféra un office
de maître des requêtes de son hôtel et le garda
longtemps à la tête de son conseil.
Sainte-Marthe a négligé de nommer cette prin-
cesse. Etait-ce Marguerite d'Angoulême, sœur de
François I er , ou Marguerite de France, sœur de
Henri II ? On est réduit aux conjectures sur cette
question. Ce qui la complique, c'est que, dans un
volume de poésies publié en 1549 par Salmon
Macrin, se rencontre une pièce adressée à Jacques
Bouju, maître des requêtes de la reine (ad Jac.
Bongium libell. suppl. apudreginam magistrum).
Dans un second recueil que Macrin écrivit en
1550 sur la perte récente de sa femme, on lit
encore une élégie dédiée à Jacques Bouju, maître
des requêtes de la reine (ad Jac. Bongium régime
à libell. suppl. *). Ici la reine est évidemment
Catherine de Médicis. Il n'y en avait pas d'autre
1 Salmonii Macrini Juliodunensis ciibicularii régis epi-
tome vltœ domlni J. C, varia item poematia, Parisiis, 1549,
in-8, p. 37. — Salmonii Macrini nœniarum llbrl très de
Gelonide Rorsald charissimd quœ obiit anno M D L, Lute-
tiae, 1550, in-8, p. 137. Macrin traduit Bouju par Bongius,
comme Sainte-Marthe par Bugius. De là peut-être l'erreur
de Moreri qui, dans son dictionnaire, a inséré deux biogra-
10 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
en France depuis la mort de la reine de Navarre,
De ces indications combinées il semble résulter
qu'après avoir été officier d'une des deux Mar-
guerite et probablement de la première, Bouju
entra au service de Catherine. Voilà sans doute
pourquoi Du Bellay le félicitait de
Suivre les royales traces
De Pallas et de Junon.
Comment avait-il pénétré à la cour de François I er ?
Quel protecteur l'avait présenté au roi et aux
princesses du sang ? Si on eût pu admettre sa
parenté avec les Bouju du Mans, on eût présumé
qu'ils avaient aidé ses débuts. Ils ne manquaient
pas d'influence. De 1540 à 1549, François Bouju,
de la branche du Marais, fut conseiller à Féchi-
quier d'Alençon, sous Fautorité de la reine Mar-
guerite de Navarre, usufruitière de ce duché. De
1519 à 1535, Jean Bouju de Chauderue fut écuyer
des enfants de France. Son fils Pierre lui succéda
en cette qualité. Depuis 1540, René, son second
fils, était gentilhomme du roi et de la reine de
Navarre 1 . Tous avaient le moyen d'être utiles à
phies du même personnage, l'une sous le nom de Bonju,
l'autre sous le nom de Bouju.
1 Pour François Bouju, v. In obitum incomparabiUs Mar-
garitœ Navarrorum reginœ oratio funebris, per Carolum
Saucto-Marthanam cjusdem regiruv (dam Ma vivcret) apiid
A Ici ico nie as es conscliarium, Parisiis, 1550, in-4, p. 80, —
DE JACQUES BOUJU. 11
notre Jacques. Rien ne prouve toutefois qu'aucune
assistance lui soit venue de ce côté. Sainte-Marthe
attribue sa fortune à ses succès littéraires ; il
importe donc de les constater.
Ces succès sont attestés par Salmon Macrin
dans les deux épîtres que j'ai déjà signalées. Voici
d'abord celle de 1549 :
Ad Jac. Bongium libell. suppl.
apud reginam magistrum.
Quas tibi agam grates, vatum doctissime Bongi,
Gallica si condas, sive Latina magis ?
Graecula, seu potiùs lectis epigrammata verbis,
Sidonio quibus es non minor Antipatro?
Experior fido melius nihil esse sodale,
Qualis es, atque illo quem mihi junxit amor.
Immeritum benefacta in me quot quantaque confers?
Me quam multijugis obruis officiis ?
Nae si Pactolus, si Lydius Hermus inauret,
Si Craesi superem, sique Alyattis opes :
Non valeam condigna rependere, parque referre,
Semper et invenior debitor esse tuus.
At precor ut peragas quod cœptum insigniter abs te
Ne foveam et facias gaudia vana sinu. [est,
Livre des dépenses de Marguerite d'Angouléme, édité par le
comte de la Fer Hère, Paris, 1862, in- 8, p. 172, — L'extrait
cité plus haut des Mémoires d'Odola/it Desnos sur l'échi-
quier d'Alencon. — Pour les Chauderue, v. les mss. ci-dessus
visés.
12 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
Patrono superest ut vellas saepius aurem,
Imponas meritis et Colophona tuis.
Ici tecum Janus pariter curabit Oliva 1 ,
Unà isti collum subjicietque jugo.
A Mecsenate est facile impetrare volente,
Dùm fiât monitis vestrum utriusque memor.
Et faciat quae jam propensâ mente spopondit,
Pollicitis constans suetus inesse suis.
Haerebis mihi visceribus tune, atque medullis,
Te geminis oculis prorsus et anteferam,
Dictaque convinces Ascraei falsa poetae,
Livorem in figulum qui figuli esse docet.
Macrin était à tous égards compétent pour ap-
précier Jacques Bouju. Il vivait auprès de lui à la
cour, valet de chambre du roi, patronné par le
cardinal du Bellay, lié avec L'Hospital et l'élite
du parlement. Comme poète latin, il se distin-
guait par l'honnêteté de sa muse. Loin de chanter
de légères amours, il avait fait beaucoup de vers
sur des sujets pieux et plus encore sur sa femme.
Quand il la perdit en 1550, sa douleur s'exhala
en trois livres d'élégies parmi lesquelles une était
adressée au maître des requêtes de la reine.
Ad Jac. Bongium reginse à libell. suppl.
Eurydice quondam lethata dente colubri
Vulnifico, interpres Thracius ilie Deûm
1 Janus Oliva, Jean Olivier, fils du chancelier François
Olivier.
DE JACQUES BOUJU. 13
Totos usque dies, totas ex ordine noctes
Exegit querulis flens sua damna modis.
Quin et inaccessum vivis penetravit Avernum,
Et ferrugineum Persephones thalamum.
Blanda et pollenteis mulsit testudine Mânes,
Caram impetravit rursus et Eurydicen.
At voti compos superas cum conjuge ad auras
Immemor, ah! legis dum redit ante datae :
Eurydicen démens respexit pone sequentem,
Protinus effusus omnis ibique labor,
Et tune Tenarii sunt faedera rupta Tyranni,
Eurydice in ventos perdita rursus abit.
Lex si eadem à Superis, Bongi, mihi forte daretur,
Ad vitam uxorem quâ revocare queam :
Non dubitem vires totosque intendere nervos,
Mecum iterum vivet quo mea nupta placens,
Aoniasque vocem supplex in vota Sorores,
Carmina ne Divis grata futura negent.
Ast obitœ quoniam est iter irremeabile mortis,
Judicii extremi tempora donec erunt :
Quod potero faciam, flebo noctesque diesque,
Ad te quo ci dus, cara Geloni, migrem.
Et summi injussu si fas exire Tonantis
Hinc sit, nos teneat jam domus una duos.
Taie novum in fidis non funus amantibus esse
Et dux Romulides et Cleopatra probant.
Ardentes prunas quœque hausit Portia, Bongi,
Extincto affectât dum cornes ire viro.
Valet de chambre du roi, comme Salmon Ma-
crin, François Habert, d'issoudun, était un versi-
14 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
ficateur très répandu, très fécond et assez mé-
diocre. Entre autres productions, il mit au jour,
en 1550, ses Epistres héroïdes 1 . Dans une d'elles,
à Mellin de Saint-Gelais, il passait en revue tous
les rimeurs du temps. Pour les désigner à ses
éloges, Calliope lui était apparue en songe :
Calliope ne fut pas endormie
De décorer Heroet d'un tel œuvre
Qui de l'ouvrier l'artifice descueuvre.
Jean du Belay, Ronsard furent aux rancs
Des écrivains qui ne sont ignorants,
Ayant trouvé des odes la manière.
Dont à présent ce beau Francoys language
En moindre los n'est produict en usage
Que le Latin, que le Grec, que l'Hébrieu.
Et de Boju on fait si bonne estime,
Qu'il faut qu'exprès Postérité l'estime
Par son riant et mocqueur Démocrite,
Semblablement par les pleurs d'Heraclite.
Ce fragment fait allusion à un poème de Bouju :
Les Ris de Démocrite et les pleurs d'Heraclite,
ouvrage qui n'a pas été imprimé et dont le titre
seul nous est parvenu.
1 Les Epures héroïdes très salutaires pour servir à toute
âme fidèle } composées par F. Habert d' Issoudun en Berry ,
avec aucuns épi grammes, cantiques spirituels et alphabet
moral pour l'instruction d'un jeutle prince ou princesse, Pa-
ris, 1550; in-8.
DE JACQUES BOUJU. 15
Habert avait au moins le mérite de comprendre
Ronsard et du Bellay 1 , vrais poètes qui ouvraient
à la littérature nationale des voies plus larges et
plus régulières. Dès 1549, Joachim du Bellay
avait tracé d'une main ferme le programme de
l'école nouvelle. La même année, joignant
l'exemple au précepte, il donna ses premières
œuvres : V Olive, les Vers lyriques, le Recueil
poétique. En tête de L'Olive, il inscrivit ces fières
paroles : « Je ne cerche point les applaudisse-
ments populaires. Il me suffit pour tous lecteurs
avoir un saint Gelays, un Heroet, un de Ronsard,
un Caries, un Scève, un Bouju, un Salel, un
Martin, et si quelques autres sont encor à mettre
en ce rang. »
L'ode XIII e des vers lyriques sur l'immortalité
des poètes était dédiée au seigneur Bouju :
Sus, Muse, il faut que Ton s'esveille.
Je veux sonner un chant divin :
Ouvre donques ta docte oreille,
O Bouju, l'honneur Angevin...
1 En 1551, à la suite de sa traduction des Sermons sati-
riques du sentencieux Horace (Paris, in-8), Habert repro-
duisit l'épître à Saint-Gelais 7 mais sans doute pour satisfaire
les rancunes de ce dernier, il supprima les noms de Ronsard
et de du Bellay.
16 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
L'ode IX e du Recueil poétique était aussi of-
ferte au seigneur Bouju :
Bouju, celuy que la muse
D'un bon œil a veu naissant
De l'espoir qui nous abuse
Son cœur ne va repaissant.
La faveur ambitieuse
Des grands voluntiers ne suit,
Ny la voix contentieuse
Du Palais, qui tousjours bruit.
Il fuit voluntiers les viles ;
Il hait en toute saison
La faulse tourbe civile
Ennemie de raison.
Les superbes colysées,
Les palais ambitieux
Et les maisons tant prisées
Ne retiennent point ses yeux :
Mais bien les fontaines vives
Mères des petits ruisseaux
Autour de leurs verdes rives
Encourtinez d'arbrisseaux.
Il donne oreilles aux bois,
Et les cavernes profondes
Fait retentir de sa voix :
Voix que ne feront point taire
Les siècles s'entresuivans ;
Voix qui les hommes peut faire
DE JACQUES BOU.TU. 17
A eulx mesmes survivons.
Ainsi ton bruit qui s'escarte,
Hou j u, tu feras parler,
Ainsi ta petite Sarte
Au mesme Pau s'esgaler.
O que ma muse a d'envie
D'ouyr (te suivant de près)
La tienne des bois suyvie
Commander à ces forests !
En leur apprenant sans cesse,
Et à ces rochers ici
Le nom de nostre princesse,
Pendant que ma lyre aussi
Geste belle Marguerite
Sacre à la postérité.
En 1550, dans la seconde édition de V Olive,
parut la Musagnœomachie ou Guerre des Muses
et de l'Ignorance. C'est un dénombrement des
lettrés dignes de seconder les neuf sœurs :
. . .Carie, Heroet, Saint-Gelais,
Les trois favoris des Grâces,
L'utile-doux Rabelais,
Et toy, Bou/u, qui embrasses,
Suivant les royales traces,
L'heur, la faveur, et le nom
De Pallas et de Junon.
Sus donq, divine cohorte.
Ronsard n'a pas moins loué Jacques Bouju.
2
18 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
Les premières odes du maître datent de 1550 1 .
La dixième était consacrée à Bouju, Angevin :
Celuy qui d'un ret pourchasse .
Les poissons, ou cestuy là
Qui par les montagnes chasse
Les bestes deçà et là,
C'est afin qu'un peu de proye
La fortune luy octroyé ;
Mais l'homme plein de bon-heur
Qui suit, comme toy, les princes
Et les grands dieux des provinces,
C'est pour se combler d'honneur.
. . .Les Roy s portent sur eux
Le sommet des biens heureux.
Au poète qui s'amuse,
Comme toy, de les vanter
Calliope ne refuse
De l'ouyr tousjours chanter.
Quand Phébus s'eslève aux cieux
Les ombres fuyent ses' yeux :
Ainsi, où ta Muse luit,
La sourde ignorance fuit,
Rendant les bouches muetes
De nos malheureux poètes
1 Les Quatre premiers livres des odes de Pierre de Ron-
sard, Fendômois, ensemble son bocage. Paris, G. Cavellat,
1550;in-8.
DE JACQUES BOUJU. 19
Qui souloient, comme pourceaux,
Souiller le clair des ruisseaux.
Les beaux vers que j'ay veu naistre
Si heureusement de toy
Te rendent bien digne d'estre
Prisé de la sœur d'un Roy.
Ta fameuse renommée
Qui doit voir tout l'univers,
Me prie d'estre nommée
Par la trompe de mes vers.
Et le feray, car ta gloire
* Est digne de la mémoire ;
Puis les dieux conte ne font
De nul papier, s'il ne porte,
A la Dorienné sorte,
Ton beau nom dessus le front.
Dans le même recueil de Ronsard, il y a une
autre ode à Bouju, Angevin (II du 4 e livre) :
Cetuy ci en vers les gloires
Des dieux vainqueurs écrira,
Et cetuy là les victoires
De nos vieux princes dira.
Mais moy je veil que ma Muse
Répande ton nom par l'air,
Pour estre de nostre France
L'un de ceux qui ont défait
Le villain monstre Ignorance
Et le siècle d'or refait.
20 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
Que celuy qui s'estudie
D'estre pour jamais vivant
La main d'un peintre mandie
Ou l'encre d'un écrivant !
Tu peux, maugré la mort blême,
Mieux qu'une plume ou tableau,
T'arracher vivant toy même
Hors de l'oublieux tombeau,
Faisant un vers plus durable
Qu'un colosse élabouré
Ou la tumbe mémorable
Dont Mausole est honoré.
Les pyramides tirées
Des entrailles d'un rocher
Jadis des Roys admirées
Le temps a fait trébucher.
Mais si l'esprit poétique,
Qui m'agite, n'est errant,
Plus que nul pilier antique
Ton œuvre fera durant.
Et si prévoy que la gloire
De ton vagabond renom
Ne fera sonner à Loire
Contre ses bords que ton nom,
Et le tournant en son onde
Le rura dedans la mer.
DE JACQUES BOUJU. 21
Affîn que le vent au monde
Le puisse partout semer.
Que faut-il conclure de ces nombreuses cita-
tions ? Tant de louanges ne pouvaient se prodi-
guer à un lettré sans valeur. Evidemment Bouju
occupait une place distinguée parmi ces poètes
courtisans qui commençaient à s'enrôler sous la
bannière de Ronsard. Il était accepté et prôné
comme leur égal. Sans doute la faveur du Roi ne
nuisait pas à sa réputation ; elle ne l'avait pas
créée. A cet égard on doit en croire sur parole
ses contemporains ; car s'il a beaucoup écrit, il
n'a rien imprimé. Il est étrange qu'un auteur se
soit ainsi refusé aux tentations de la publicité. Il
est plus étrange encore que des œuvres demeu-
rées inédites lui aient procuré une éclatante noto-
riété. Mais les littérateurs à la mode formaient
alors une coterie où de simples lectures et des
communications manuscrites suffisaient pour se
faire connaître.
J'ai toutefois rencontré (du moins, je le pense),
dans un livre de l'époque, quelques vers de Bouju
imprimés de son vivant et signés de ses seules
initiales, comme il convenait à ses habitudes de
réserve. En 1551, Nicolas Denisot, surnommé le
conte (TAlsinois, édita les distiques latins com-
posés par les trois Sevmour, ses élèves anglaises,
22 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
sur la mort de la reine de Navarre, et traduits en
grec par Dorât, en italien par un anonyme, et en
français par J. D. B. A., c'est-à-dire Joachim du
Bellay, Angevin 1 . Après les distiques Denisot avait
réuni plusieurs pièces détachées, notamment
trois épitaphes de la reine Marguerite versifiées
par Jacq. B. A. Ces lettres capitales me semblent
désigner Jacques Bouju, Angevin. Son prénom
clairement indiqué conduit à voir dans le B. et
TA. les premières lettres de son nom et de son
pays. Il est d'ailleurs vraisemblable qu'il a voulu
contribuer à l'éloge funèbre de sa protectrice.
L'unique objection, c'est que les épitaphes sont
détestables et répondent mal à sa renommée. On
en jugera par la suivante :
Ne plorez plus sur cette sépulture
(Amys passans) nostre fragilité,
Plus tost louez de Dieu la grand'bonté
Qui tant orna de grâces sa facture,
Outre les loix de son sexe et nature,
Que son esprit et vertuz admirables,
Sa saincte vie, et escrips comparables
Aux plus parfaictz de toute antiquité,
1 Le Tombeau de Marguerite de Valois, royne de Na-
varre, faict premièrement en distiques latins par les trois
sœurs princesses en Angleterre, depuis traduits en grec,
italien et françois par plusieurs poètes de la France. Paris,
Fezandat, 1551 ; in- 8.
DE JACQUES BOUJU. 23
Ne feront foy à la postérité :
Car son temps mesme éblouy de sa gloire,
Et tout surpris de si grande clarté,
En le croyant à peine la peu croire.
Je ne transcrirai pas ici les deux autres épi-
taphes; elles sont presque inintelligibles, et leur
médiocrité ne peut guère étonner. Avant les
progrès que notre langue dut à Ronsard et à ses
disciples, les érudits écrivaient et parlaient en
latin plus aisément qu'en français. Pour s'en con-
vaincre, il suffit de rapprocher des vers français
de Bouju ce qui reste de ses poésies latines.
On sait que Marguerite d'Autriche, fille natu-
relle de Charles-Quint, épousa, en 1533, à
douze ans, Alexandre de Médicis qui en avait
vingt-sept, et, devenue veuve, fut remariée,
en 1 538, à Octave Farnèse, âgé de treize ans. Ces
unions disproportionnées inspirèrent à Bouju ce
joli sixain :
In iilustris cujusdam fœmiîiœ nuptias.
Impubes nupsi valido, jam firmior annis
Exsucco et molli sum sociata viro.
Ille fatigavit teneram, hic retate valentem
Intactam totà nocte jacere sinit.
Du m nollem licuit, mine dum volo, non licet uti :
() hymen, aut annos aut mihi redde virum.
24 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
Rien de plus finement tourné. Martial n'eut pas
mieux réussi. L'épigramme, partout répétée, fut
bientôt célèbre v et ses destinées sont curieuses à
raconter.
Elle fut imprimée pour la première fois, en
1585, huit ans après la mort de Bouju et sans le
nommer, à la suite du Pétrone de Janus Douza,
avec une version française d'un certain Brillet
d'Angers 1 . Sainte-Marthe la reproduisit dans
l'éloge de Bouju qu'il appelle Bugius. Varillas la
cita dans l'histoire de François I er , en prenant
Bugius pour Dubois. Bayle la restitua à son vé-
ritable auteur. Elle fut successivement commentée
et interprétée en vers français par Colletet, par
Moysant de Brieux, par un inconnu dans le re-
cueil de Sercy, par le chevalier de Méré, par La-
monnoye, enfin par Dreux du Radier, tous
impuissants à rendre la grâce concise de l'ori-
ginal. Je ne me permettrai pas de donner ici
aucune de ces imitations. Boileau a dit avec
raison que seul
Le latin dans les mots brave l'honnêteté.
Arrivons aux travaux plus sérieux de Bouju.
1 Satyricon Petronii Arbitra viri consularis. Accesserunt
Jani Douza? prajcidanea et Johaimis Hichardi nota 1 . Lutetiœ,
1585, in-12.
DE JACQUES BOUJU. 25
Il avait traduit les six premiers livres de Tite-
Live, ouvrage important qui, faute d'avoir été
imprimé, était considéré comme perdu. Les ca-
talogues du baron de Heiss, riche amateur du
dix -huitième siècle, mentionnaient bien un ma-
nuscrit du deuxième livre, mais on ne savait où
il était passé. J'ai eu le plaisir de le retrouver, à
la bibliothèque dfe l'Arsenal, parmi les volumes
que le marquis de Paulmy avait achetés du baron
de Heiss et qui forment un des fonds de ce grand
dépôt 1 . Ce manuscrit est sur vélin, d'une belle
écriture, avec plusieurs lettres enluminées. Mal-
heureusement la reliure aux armes de Henri II
est fort dégradée. Les gardes ont été arrachées
ainsi qu'un feuillet de l'épitre liminaire et les
dernières pages du livre. Bouju avait commandé
cette copie pour l'offrir au Roi. Il y avait joint une
dédicace dont voici quelques fragments :
ce Au très puissant, très vertueulx et très chr es-
tien roy Henry, deuxième de ce nom, Iacques
Bouju, son très obéissant serviteur.
« Sire, les anciens modérateurs et gouver-
neurs des empires, royaulmes et républiques,
1 Je présente ici tous mes remerciements à MM. les conser-
vateurs Paul Lacroix et Larchey qui ont bien voulu aider
mes recherches.
26 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
congnoissans les espritz des mortelz ne povoir
estre incitez à vertu par plus vif et urgent es-
guillon que par la gloire, advisèrent de non seul-
lement honorer les vertueux de triumphes, co*
ronnes et aultres pris louables et exquis, mais,
pour plus longuement conserver la mémoire de
leurs beaulx faictz, leur érigèrent statues, trophées
et arcs triumphans. Ce qu'ilz feirent pour la cer-
taine opinion qu'ilz avoient que le vray loier de
vertu, c'est la gloire : laquelle tout ainsi qu'elle
peut demourer pour quelque temps es colonnes
et aultres ouvrages faictz par la main, aussy elle
a perpétuel et asseuré domicile es œuvres im-
mortelles des excellens historiens. Ce que bien
entendit Alexandre le grand, prince de hault
cueur et esprit eslevé. Quant aiant passé l'Hel-
lespont pour aller à la conqueste de l'Asie, et
estant au lieu auquel pour lors se pouvoient en-
cores veoir quelques ruines de la fameuse Troie,
il se feit mener au sépulchre d'Achilles. Duquel il
n'admira ne la riche structure, ne la beauté de
l'ouvrage, sachant cela fragile et de petite durée,
mais avecques souspirs s'écria : O jeune homme
bien fortuné, quant en ta vie tu as eu si grand
heur que d'avoir ung tant fidèle amy, et après ta
mort telle et si claire trompette de tes louanges.
Entendant Patroclus pour le premier, et le poète
Homère pour le second : qui n'avoit à aultre fin
DE JACQUES BOUJU. 27
faict l'excellente entreprise de l'Iliade, sinon
pour consacrer la mémoire d'Achilles à immor-
talité. Mais tout ainsy que la nayfve couleur
d'une beauté non affaitée est plus belle, plus
vraye et plus durable que celle d'un visage orné
d'un fard mensonger; aussy le -tesmoignage
donné par l'histoire est trop plus honorable, vray
et de plus certaine durée que celuy qui vient de
la forge de poésie. Laquelle comme chose feincte
et controuvée à plaisir nous figure et taille seul-
lement une image des personnes, non telz qu'ilz
furent, mais qu'ilz dévoient estre. L'histoire au
contraire nous laisse les beaulx portraitz retirez
après le vif des personnages telz qu'ilz ont esté
en leur vie Elle est celle en laquelle, comme
en ung tableau publiquement proposé, nous
voions la vie et faictz des Roys et princes ver-
tueux et des peuples et personnages excellens,
pour entendant leurs conseilz et entreprises, en
prendre tout ainsi que d'un singulier patron,
exemples et enseignemens pour donner ordre et
pourvoir aux affaires tant publiques que privées.
..... Or estant les choses humaines subjectes et
asservies à cent mille inopinées mutations, et,
comme un flot de mer, conduites ou plus tost
violentement menées maintenant de çà, mainte-
nant de là : par quel moien se peuvent-elles
asseurer, sinon par la prudence d'un bon prince
28 FAMILLE ET COMMENCEMENTS
et gouverneur qui ne se peut en meilleure eschole
exerciter ne instruire qu'en l'histoire nous pro-
posant les beaulx et riches exemples des Roys et
capitaines anciens, en la vertu desquelz il pourra,
comme en cler et luisant miroer, composer
soy, sa vie «et république. Et ne fault en rien
doubter que les princes et excellens personnages
dont l'antiquité est tant riche et recommandée,
n'eussent jamais eu tel et si ardent désir de la
congnoissance des histoires, s'ilz n'y eussent veu
une grande utilité et gloire conjoincte avecques
le plaisir »
L'éloge des rois qui ont aimé les lettres conduit
Bouju à Téloge de François I er :
ce Avecques ceste perfection de corps auquel
nature n'a voit rien oublié, avecques ceste plus
que Royale majesté et haultesse de cueur, il avoit
par la lecture tant embelly et illustré l'excellence
de son esprit, que par là surpassant tous les Roys
de son temps, il s'estoit faict égal au plus re-
nommé de toute l'antiquité. De sorte qu'on ne
povoit en luy aultre chose souhaiter, sinon
fortune pareille à si haultain mérite »
ce Et vous, Sire, qui par le passé nous aviez
monstre espérance d'un si grand bien, estimant et
honorant les espritz, maintenant comme vray
héritier, non seullement du sceptre paternel le
plus glorieux et puissant de sur la terre, mais de
DE JACQUES BOUJU. 29
ses vertu et grâces, nous en avez donné très
certaine asseurance par deux parolles dignes d'im-
mortalité. L'une, quant il vous pleust dire que
feriez tel et semblable traictement aux lettres et
lettrez que vostre feu vertueux père avoit faict,
et mieux, s'il vous estoit possible. L'a'ultre, quant
vous distes, que prendriez à trop plus grand
plaisir luy voir donner louange qu'à vous
mesmes Il ne nous fault à ce beau comman-
cement de vostre règne vous souhaiter, comme
par acclamations l'on faisoit jadis à l'advénement
des empereurs Romains, ne la félicité d'Auguste,
ne la bonté de Trajan, dont vostre vertu sera
perpétuellement accompagnée, mais seullement
la fortune que Pompée eut en l'aage auquel
vous estes maintenant. Affin que soubz vostre
règne nous puissions de plus en plus voir par
effect, combien la Républicque à qui les Cieulx
ont tant faict de faveur que de luy départir ung
sage et prudent gouverneur, est trop plus heu-
reuse, que celle qui est régie par l'inconstance
d'une malaprise et indiscrète commune. Comme
il arriva à Rome après qu'on eu chacé les Roy s.
Ainsi que Ion peust au long cognoistre par le
discours du second de Tite Live Lequel il
vous plaira recevoir pour arres de mon service
et obéissance perpétuelle envers vostre Majesté,
esquelz je metlray pêne toute ma vie amploier
30 COMMENCEMENTS DE BOUJU.
les petites forces de ce foible corps et esprit, non
en espoir d'aucunement attenter à la satisfaction
de ce grand bien que sans aucun mien mérite
m'avez faict me retenant en lieu honorable entre
vos obéissans serviteurs ; mais vous laissant par
mes labeurs quelque recongnoissance de ceste
obligation qui tousjours coura surmoy, m'estimer
très heureux si mon affectionnée volonté est par
vous prise en bonne part et receue pour
agréable. »
Maintenant on connaît l'écrivain. Sa pensée
est élevée ; son langage, traînant et un peu
diffus, n'est dépourvu ni de clarté ni de vigueur.
Les mêmes qualités, les mêmes défauts surtout
se montrent dans sa traduction qui est d'ailleurs
assez exacte. On en jugera par un fragment in-
séré dans l'appendice. Si l'œuvre entière avait
été publiée à son heure, elle eût peut-être valu
à Bouju d'être classé, sinon à côté d'Amyot, du
moins à côté de Leroy, de Vigenère et des autres
traducteurs de l'époque. Il eût été le premier
interprète français de Tite-Live. En s' abstenant,
par modestie ou négligence, il a manqué à
lui-même et à son pays.
CHAPITRE II.
BOU.TU MAGISTRAT.
La dédicace du second livre de Tite-Live fut
présentée à Henri II au commencement de son
règne. Bouju y remercie le Roi de l'avoir retenu
dans un lieu honorable entre ses obéissans ser-
viteurs. Entendait-il parler des fonctions de
maître des requêtes qu'il exerçait auprès de la
reine ou d'une autre dignité ? Ce qui est certain,
c'est qu'en 1 552 il fut nommé conseiller au Grand
conseil. Il prêta serment, le 22 juin 1552, à
Château-Thierry 1 . Quelques mois plus tard, le
conseil se trouvait à Meaux, lorsque, dans un
procès concernant la terre de Limours, la du-
chesse d'Etampes, partie en cause, récusa Bouju ;
on ne dit pas pour quel motif.
1 Extrait des registres du Grand conseil de 1551 à 1554,
Arch. nation., U, 630. La bibliothèque de la Cour de cassation
possède un double de ces extraits.
32 BOUJU MAGISTRAT.
Deux ans après, Bouju entra au Parlement 1 .
Le 17 septembre 1554, il y fut installé comme
conseiller. Depuis sa réception, le Roi lui confia
plusieurs missions délicates sur lesquelles d'ail-
leurs on ne sait rien, sinon qu'il les remplit avec
succès. Il en fut récompensé, en 1558, par une
présidence des enquêtes au Parlement de Bre-
tagne. Suivant Sainte-Marthe, cette charge lui
fut concédée à la demande de Catherine de
Médicis. Il est probable en effet que cette prin-
cesse ne fut pas étrangère aux avancements de
son maître des requêtes.
Jusqu'en 1553 la Bretagne n'eut d'autre tri-
bunal supérieur que celui des Grands jours.
Chaque année des commissaires venaient de Paris
y tenir leurs assises pendant cinq semaines. Leurs
décisions n'étaient pas sans appel. Une juridic-
tion aussi restreinte était devenue insuffisante.
Par édit de mars 1553, Henri II accorda à la pro-
vince un parlement investi de tous les pouvoirs
et de tous les privilèges du Parlement de Paris.
Quatre présidents et trente-deux conseillers
moitié Bretons et moitié Français se divisèrent
1 Registre coté CXIII du Parlement. « Le 1 7 septembre
1554, M e Jacques Bouju, nagucres conseiller au Grand con-
seil, reçu conseiller lay, au lieu de M e Nicole Duval, reçu
maître des requêtes. »
BOUJU MAGISTRAT. 33
en deux séances dont l'une devait siéger à Nantes
en février, mars et avril, et l'autre à Rennes, en
août, septembre et octobre. Les conseillers, leur
triiQcstre expiré, étaient libres le reste de
Tannée 1 . En 1557, leur nombre fut porté à qua-
rante pour établir une chambre des enquêtes à
côté de la Grand' chambre, et quatre offices de
président des enquêtes furent créés. Un de ces
offices fut attribué à Bouju. Ses lettres de provi-
sion sont du 8 novembre 1558 : » Sçavoir faisons,
y est-il dit, que nous ayant égard et considération
aux bons, agréables et recommandables services
(pie nostre a nié et féal conseiller en nostre court
de Parlement de Paris, M e Jacques Boju nous a
faict tant audict estât et aultre estât de conseiller
en nostre Grand conseil qu'il a tenu et exercé
par cy devant que ailleurs en plusieurs charges
et commissions où il a esté employé, dont il s'est
très bien, diligemment et loyaulment acquité, à
iceluy, pour ces causes et aultres bonnes et justes
considérations à ce nous mouvans, et pour la
bonne et entière confiance que nous avons de sa
personne et de ses sens, suffisance, loyaulté,
prodhomie, expérience et bonne dilligence, avons
1 Voir à la bibliothèque de la Cour de cassation un curieux
manuscrit intitulé : Privilèges des officiers des Parlements
de Paris et de lire ta sue.
34 BOUJU MAGISTRAT.
donné et octroyé, donnons et octroyons par ces
présentes l'un des deux estatz de conseiller et
président desdites enquestes de nostre court de
Parlement de Bretaigne que nous avons ordonné
estre tenus par personnaiges originaires de
nostre païs de Bretaigne, nonobstant que ledit
Boju n'en soit originaire , pour ledit estât
tenir et constamment exercer par ledit Boju
aux honneurs, auctorité, prérogatives, prémi-
nances, franchises, libertés, gaiges, droit, pro-
fîtz et émolumentz portés par nostre dit édict,
tout ainsi et par la forme et manière que en
jouissent les aultres conseillers de nostre court
de Parlement de Bretaigne et les présidents des
enquestes de celle de Paris... » Le 23 novembre
1558, secondes lettres du Roi pour enjoindre
d'admettre Bouju sans difficultés et par déro-
gation à l'édit 1 . Le 4 février 1559, le Parle-
ment, réuni à Nantes, proteste, mais obéit :
(( Délibérant la court sur les lettres de provision
de M e Jacques Bouju de Testât de conseiller et
président d'enquestcs en icellc données à Paris le
huictiesme jour de novembre Tan 1558 signées :
1 Registres des enregistrements du Parlement de Bre-
tagne, t. 3, f. 158. Je dois ces renseignements à M M. Oudin
et Saulnier, conseillers à la cour d'appel de Rennes, qui
ont bien voulu faire pour moi aux archives du Parlement les
recherches nécessaires .
BOUJU MAGISTRAT. 35
Parle Roy, Hurault; aultres lettres de dispence
du vingt troys me dudit mois audit an, aussi signées
Hurault, par lesquelles ledit Bouju est dispencé
tenir et exercer ledit estât de conseiller et pré-
sident desdites enquestes, nonobstant qu'il ne
soit originaire de ce païs et que, par l'érection
dudit office, il soit affecté aux originaires d'ice-
luv, ouv sur ce le procureur général du Roy, la
court, chambres assemblées, enthérinant tant
lesdites lettres de provision que de dispence, a
arresté que ledit Bouju sera reçeu audit estât de
conseiller et président desdites enquestes, faisant
le serment au cas requis, sans touttesffois le tirer
à conséquence ; néantmoins pour oster et tollir
à l'advenir la différence dçs originaires ou non
originaires, et à ce que l'égualité soit gardée en
ladite court sans aucune distinction, a ordonné
que remonstrances en seront faictes au Roy et à
son conseil et mesme pour le reffus et difficultés
que la court de Parlement de Paris a faictes de
l'entrée en icelle des présidens et conseillers de
cestc dite court, et de leur garder la fraternité
que le Roy a voulu estre entre les présidens,
conseillers et aultres officiers de ses courtz sou-
veraines 1 ». Le même jour, Bouju prêta serment
Registres secrets du Parlement de Bretagne, X, f . 3 .
36 BOUJU MAGISTRAT.
et fut installé 1 . Il eût pu cumuler avec ses nou-
velles fonctions son office de conseiller à Paris ;
il préféra le céder. Dès le 16 décembre 1558,
sur sa résignation, Jérôme Angenoust lui avait
succédé 2 .
Les membres français du Parlement breton,
dans l'intervalle de leurs sessions, se rendaient
volontiers à Paris. Le procureur général s'y trou-
vait lors du tournoi fatal à Henri II. De retour à
Nantes, à l'ouverture du trimestre d'août 1559,
il exposa aux chambres assemblées « que pen-
dant que M. de la Chappelle et luy estoient à la
suitte du Roy pour quelques affaires qui tou-
choient le corps de la court, la mort du Roy se-
roit advenue et avoir veu M rs des Parlements de
Paris de Rouen et d'autres Parlements du
royaume qui estoient venus par devers le car-
dinal de Lorraine et M 1 le chancelier pour avoir
confirmation du Roy de présent, et voyant que
chacun y faisoit son debvoir, avec l'avis de M r le
premier président et de M r Bouju, président en
la chambre des enquestes, et autres de la com-
pagnie, il avoit parlé à M r le chancelier pour
ceste compagnie, lequel lui avoit dit que l'on
eust à faire son debvoir comme l'on avoit accous-
1 Registres des enregistrements, t. 3, f. 159.
2 Registre du conseil du Parlement de Paris, cote 123.
BOUJU MAGISTRAT. 37
tumé par le passé et que c'estoit l'intention du
Roy, mais que pro forma il estoit bon avoir con-
firmation comme les autres courts souveraines. »
Là-dessus il fut enjoint au greffier de dresser la
liste de tous les officiers de la cour afin de solli-
citer pour eux des lettres confirmât ives. On y mit
bien peu de diligence, car les lettres ne furent
délivrées qu'en 1568 1 . Au surplus ces confirma-
tions des titulaires à l'avènement d'un nouveau
règne n'étaient qu'une formalité dont le retard
ou l'omission n'empêchait pas l'inamovibilité des
magistrats d'être assurée et inspectée.
Le discours du procureur général nous apprend
que Bouju était à Paris en 1559. Son séjour dans
cette ville lui permit sans doute de visiter une
dernière fois son compatriote et ami Joachim Du
Bellay qui. lui avait donné une marque récente
d'affection. En 1558, Joachim avait publié ses
Regrets, composés à Rome sous l'impression de
la patrie absente. Deux sonnets y étaient par lui
adressés à Bouju et veulent être consignés ici
comme un curieux souvenir de leurs relations
littéraires :
1 Registre du Parlement, séant à Nantes de 1555 à 1614,
mss. de la bibliothèque de la Gourde cassation, t. 1, f os 77,
cS7, 88. Privilèges des officiers de Bretagne, autre mss. de
la même bibliothèque, f . 1 H . t
38 BOUJU MAGISTRAT.
Sonnet 90.
Ne pense pas (Bouju) que les nymphes latines
Pour couvrir leur traison d'une humble privauté,
Ny pour masquer leur teint d'une faulse beauté,
Me facent oublier nos nymphes angevines.
L'angevine douceur, les paroles divines,
L'habit qui ne tient rien de l'impudicité,
La grâce, la jeunesse et la simplicité,
Me dégoustent (Bouju) de ces vieilles Alcines.
ê
Qui les void par dehors ne peut rien rien voir plus beau;
Mais le dedans ressemble au dedans d'un tombeau.
Et si rien entre nous moins honneste se nomme,
O quelle gourmandise ! ô quelle pauvreté !
O quelle horreur de voir leur immondicité ?
C'est vrayment de les voir le salut d'un jeune homme.
Sonnet 176.
Celuy qui de plus près atteint la déité,
Et qui au ciel (Bouju) vole de plus haulte aile,
C'est celuy qui, suivant la vertu immortelle,
Se sent moins du fardeau de nostre humanité.
Celuy qui n'a des Dieux si grand'félicité,
L'admire toutefois comme une chose belle,
Honnore ceulx qui l'ont, se monstre amoureux délie ;
il a le second ranc, et semble mérité.
BOUJU MAGISTRAT. 39
Comme au premier je tends d'aile trop faible et basse,
Ainsi je pense avoir au second quelque place;
Et comment puis-je mieulx le second mériter,
Qu'en louant ceste fleur dont le vol admirable
Pour gaigner du premier le lieu plus honorable,
Ne laisse rien icy qui la puisse imiter ?
Il y avait loin de ces rêves poétiques aux réalités
de la vie judiciaire. Le mois de février 1560 ra-
mena Bouju à Nantes où l'attendait un démêlé
avec ses collègues. Après la découverte de la
conspiration d'Amboise, le Parlement avait or-
donné des prières publiques. Il se préparait à se
rendre en corps à la cathédrale, lorsque Bouju et
Pyrrhus d'Anglebermcs, qui présidaient les en-
quêtes du trimestre, élevèrent la prétention de
marcher avant tous les conseillers. La cour déli-
béra sur leur requête, et il fut arrêté « qu'ils
précéderaient seullement les conseillers qui
avoient millité soubs eulx et que pour le regard
des autres ils garderoient leur ordre de récep-
tion 1 ». En effet ils n'avaient d'autorité que sur
leur chambre; ils n'étaient pas présidents du Par-
lement et ne pouvaient en revendiquer les privi-
lèges. Cette décision ne fut pas acceptée par
1 Registres du Parlement séant à Nantes, mss. déjà cité
t. 80.
40 BOUJU MAGISTRAT.
Bouju et d'Anglebermes. Ils la déclarèrent sans
valeur comme rendue par les parties intéressées,
et, au moment où le cortège s'ébranla, ils feigni-
rent une indisposition pour ne pas s'y joindre.
Plus tard, en 1565, Fumée et De Laporte, prési-
dents aux enquêtes d'août, avertis qu'en novem-
bre le Roi se proposait de venir à Rennes et que
leur compagnie devait aller à sa rencontre,
renouvelèrent leurs réclamations auprès de
l'Hospital; mais le chancelier confirma la règle
adoptée 1 .
Malgré ce dissentiment, Bouju, dès le 2 avril
1560, fut choisi pour rédiger et porter au Roi des
remontrances à propos d'une affaire restée igno-
rée. Dans la suite de semblables commissions lui
furent souvent confiées 2 . Elles montrent en
quelle estime on tenait ses talents.
1 Jani Langlœi régit, in senatu Britanniœ consiliari olium
semestre, Rhedonis, J 577, in- fol., f. 304. Jean de Langle,
auteur de ce savant ouvrage, était conseiller depuis le 12 août
1555.
2 Registres du Parlement, mss. déjà cité de la Cour de
cassation, f° s 84, 87, 99, 121, 133. Un de ces extraits mérite
d'être noté comme détail de mœurs : « Le 10 mars 1563,
sur la requête présentée à la cour par M e Jacques Goureau,
conseiller, tendant par i celle à ce que taxe luy fust faitte
pour ses voyages, vacations et pour tout le temps qu'il a va-
qué par ordonnance de ladite cour en compaigniede M e Jac-
ques Bouju, conseiller et président aux enquêtes, pour faire
BOUJU MAGISTRAT. 41
Il avait alors atteint sa quarante-cinquième
année. Encore célibataire, il ne tarda pas à épou-
ser Catherine Peschart, veuve de Jacques Breslay .
Les Peschart et les Breslay étaient deux bonnes
familles du Mans, alliées aux Bouju de cette pro-
vince. Plusieurs de leurs membres appartenaient
à la magistrature ; mais on ne sait ce qu'était
Jacques Breslay. Le second mariage de sa veuve
se place en 1560 ou 1561. En effet, dès 1562,
certaines procédures dont il sera bientôt parlé
la désignent comme femme de Jacques Bouju;
d'autre part, à la fin de 1559, elle n'était pas
encore remariée et résidait au Mans : ce qui ré-
sulte de l'acte suivant, extrait des registres de la
paroisse de Notre-Dame de Saint-Vincent : « Le
jeudv VII e jour du moys de décembre 1559, fut
baptisé par ledit Louis Reau, Jehan, fils de
M e Gabriel Bernard et de Magdeleine, sa femme,
et furent parains et ma raine, M c Jehan Pérault,
chalouine (chanoine) du Mans, et M e Luys Ber-
thelot, père de la dicte Magdeleine, de sete pa-
rouasse, et Katherine Peschart, veufve dedéfunct
remonstrances au Roy et à sou conseil. Sur ce délibéré, a esté
arresté qu'il sera payé au dit Goureau pour jour la somme
de cent sols qui est pour le temps de 50 jours qu'il a vaqué
pour les dites remonstrances avecque ledit Bouju la somme
de 250 1. tournois sur les plus clairs deniers des amendes. »
42 BOUJU MAGISTRAT.
M e Jacques Brailay, de la parouasse de Sainct-
Pierre l'Enserré * »
En 1562, le Parlement de Bretagne est désor-
mais fixé à Rennes. Les minutes de la chambre
des enquêtes manquent pour cette année. Les
registres secrets font seulement connaître la com-
position des quatre réunions générales du pre-
mier trimestre. On y voit figurer Bouju les 6 et 7
février, les 14 et 28 avril. Le 6 février: « Cham-
bres assemblées, a esté délibéré que M es Loys
de Chasteautro, et Jan de Langle, conseillers se
transporteront par devers le Roy et son conseil
pour luy faire remonstrance touchant le retran-
chement des gaiges des officiers de la court et
entreténemens de la compaignie, et pour les-
quelles remonstrances faire et dresser ont esté
commis MM es Jacques Bouju, président aux en-
questes, Louis de Chasteautro, Jacques Viart,
Robert de Montdoulcet et Jan de Langle, con-
seillers. » Le 28 avril, Chasteautro et de Langle
rendent compte de leur ambassade.
Tandis qu'à Rennes Bouju s'acquittait assidue-
ment de ses devoirs, le Maine et l'Anjou étaient
1 Cet acte m'a été obligeamment communiqué par M. l'abbé
Esnault qui a fait d'intéressantes études sur les anciens re-
gistres paroissiaux du Mans.
BOUJU MAGISTRAT. 43
le théâtre d'événements sur lesquels il convient
de s'arrêter.
Une communauté calviniste s'était formée au
Mans. Son consistoire fonctionnait avec régula-
rité 1 . Ses ministres avaient établi leur prêche au
milieu des halles. A part une rixe provoquée par
leur imprudence et dans laquelle Jacques Bouju,
seigneur de Marais, périt par sa faute, ils célé-
braient "leur culte sans être inquiétés. Mais déjà
la liberté ne suffisait plus aux protestants. Ils
voulaient mettre la main sur la personne du Roi,
gouverner en son nom, s'enrichir des dépouilles
ecclésiastiques, et, par la force, s'imposer à la
France. Tel avait été le plan de la conspiration
d'Amboise. Tel fut le but de la prise d'armes de
1562. Ce qui se passa dans le Maine à cette
époque en est une preuve entre mille.
Le 3 avril 1562, sur un signal du prince de
Coudé, les calvinistes du Mans, soutenus par une
soldatesque recrutée en secret, profitèrent de la
tranquillité locale pour s'emparer de la ville et
du château. Ce succès leur fut facile. Ils se van-
taient d'agir par ordre du Roi. Ils avaient à leur
tête le lieutenant particulier de Vignolles, les
1 liegistrc (la consistoire de l'église du Mans, publié par
MM. Anjubault et Chardon, clans Y Annuaire delà S art/te de
1857, 2 e partie.
44 BOUJU MAGISTRAT.
avocats du Roi Taron et Legendre, le lieutenant
criminel Thibaut Bouju, seigneur de Verdigny.
Une fois maîtres de la cité, les insurgés brûlèrent
le couvent 'des Cordeliers et saccagèrent celui
des Jacobins. Les églises furent spoliées et fer-
mées. La cathédrale subit les plus odieuses pro-
fanations. Ses magnifiques mausolées furent
brisés, ses tombes et ses autels violés, ses richesses
enlevées. Pour donner à ces vols une appa-
rence de légalité, Taron et Verdigny poussèrent
l'audace jusqu'à faire rédiger par leur greffier
des procès-verbaux d'inventaire et de séquestre.
Ces saturnales avaient duré trois mois ; l'armée
destinée à les réprimer était encore loin, quand,
le 11 juillet, les rebelles, saisis d'une terreur pa-
nique, s'enfuirent du Mans, et, après avoir rem-
pli les environs de meurtres et de ruines, se
dispersèrent de divers côtés.
Le présidial commença aussitôt des poursuites.
Le 21 novembre, une première sentence con-
damna à mort par contumace les fauteurs de
l'insurrection, entre autres Vignolles, Taron,
Legendre, Verdigny et les frères et sœur de ce
dernier, Pierre Bouju, prieur de Saint-Marceau,
Jean Bouju et Marie Bouju. Le 22 janvier 1563,
une seconde ordonnance prononça par contumace
de nouvelles condamnations et ordonna que
« M e Jacques Bouju, appelé le président, seroit
BOUJU MAGISTRAT. 45
adjourné à comparoir en personne à certain jour »
et que plusieurs individus, notamment « Cathe-
rine Peschart, veufve feu M c Jacques Breslay, à
présent femme dudict président Bouju, . . .seroient
prins au corps et admenez prisonniers \ »
Ces jugements ne furent pas exécutés. Les
condamnés se tenaient en sûreté dans leurs châ-
teaux, comptant sur l'amnistie qu'ils avaient pro-
mise à leurs adhérents et que Catherine de Médicis
s'empressa d'accorder. Les ajournements et les
décrets de prise de corps restèrent sans suite.
Mais ce n'est pas assez de le constater. Pour
l'honneur de Bouju, il faut aller plus avant et
rechercher s'il méritait les soupçons qui dictèrent
les mesures prises contre lui et contre Catherine
Peschart.
Les informations sur lesquelles le présidial
avait statué ont été la plupart conservées. On y
remarque que les femmes des magistrats et des
gentilshommes étaient les plus ardentes au pil-
lage ; mais il n'y est pas question de Catherine
Peschart. Quant à Bouju, il est nommé une seule
fois et par un seul témoin, Thibaut Dreux, or-
1 Informations et sentences contre les calvinistes après la
prise du Mans, publiée^ par M. Chardon dans l'Annuaire de
la Sarthe de 1868, "2 e partie. — Dom Piolin, Histoire de
l'église du Mans, Paris, 1861, in- 8, 5 e vol., p. 431.
46 BOUJU MAGISTRAT.
fèvre. Après avoir déclaré qu'il connaissait Vi-
gnolles et les autres accusés (parmi lesquels
Bouju n'était pas compris), Dreux ajoute : « Pour
aucunes ses affaires, il vint au Mans le jour de la
Pentecôte dernière (17 mai 1562) et il y vit que
tous les dessus dits portoient armes et firent
monstre en armes par la ville, savoir : ledit De
Veignolles, garni d'une épée au côté et d'un
bâton de bois à sa main, accompagné du prési-
dent Bouju, vêtu d'une grande robe, sans armes,
maître Eufrase Flotté, procureur du Roi de la
prévôté, et le sieur de la Bécane. De Veignolles
mettoit tous les susdicts par ordre et les faisoit
marcher... Us tenoient les catholiques en grande
tremeur, tellement que la plus grande partie de
ceux qui ont pu sortir par le moyen de quelques-
uns de leurs parents ou amis huguenots ont
abandonné leurs biens, familles et maisons à leur
grand regret. »
Telle est l'unique charge relevée contre le pré-
sident. A prendre la déposition comme exacte à
défaut de confrontation, il en ressort que Bouju
a paru, sans armes, à une revue des soldats hu-
guenots, auprès de leur chef. Sans doute sa pré-
sence en ce lieu n'était guère convenable. Elle
peut toutefois s'expliquer par d'autres motifs
qu'une adhésion à la révolte. Marié au Mans,
allié par lui ou par sa femme aux officiers corn-
BOUJU MAGISTRAT. 47
promis, ses rapports avec eux n'impliquent pas
sa complicité. Si on se rappelle surtout qu'au
moment où l'insurrection éclata, Bouju, depuis
le mois de février jusqu'aux premiers jours de
mai, siégeait à Rennes, on reconnaîtra qu'une
pareille forfaiture ne saurait lui être imputée.
Il n'est pas même certain qu'il fût calviniste.
Aucun document ne permet de l'affirmer, dès
que sa participation aux crimes du Mans n'est
pas établie. Admirateur de L'Hospital, on verra
plus loin qu'il appartenait à ce tiers parti dont
le chancelier fut la plus haute expression. Mais
le tiers parti n'était pas calviniste, bien que par
amour de la paix il ait fait aux protestants d'im-
prudentes concessions, et, qu'en leur permettant
de constituer un état dans l'Etat, il ait ainsi
contre son gré favorisé l'essor des guerres
civiles.
Le 5 avril 1562, deux jours après le sac du
Mans, les calvinistes de l'Anjou, obéissant au
même mot d'ordre, s'étaient rendus maîtres
d'Angers. Le plus grand nombre étaient des gen-
tilhommes accourus secrètement de leurs cam-
pagnes et assistés de quelques bourgeois que
dirigeaient Pierre Gohin, sieur de Malabry, et
Mathurin Bouju, sieur de la Chaussée-Bureai/,
receveur des tailles ctéchevin. Au lieu d'attaquer
le château qu'ils n'avaient pu surprendre, ils se
48 BOUJU MAGISTRAT.
mirent à dévaster les églises. La masse catholique
se souleva. Dès le 6 mai, les protestants vaincus
durent accepter une convention qui restituait la
ville à l'autorité du Roi et prescrivait le désarme-
ment des habitants. Lorsque les calvinistes furent
sommés de livrer leurs armes, ils refusèrent, se
barricadèrent dans leurs maisons et recurent les
troupes royales à coups d'arquebuse. Mathurin
Bouju, pris en combattant, fut condamné et exé-
cuté 1 . Ce Mathurin était de la famille du prési-
dent Bouju, mais on n'a jamais prétendu que ce
dernier ait été de près ou de loin mêlé aux
désordres d'Angers.
Le Parlement de Bretagne, s'il connut la sen-
tence décernée au Mans contre Bouju, ne la jugea
pas digne d'attention. Rien dans les registres ne
trahit que ce magistrat ait été inquiété pour ses
1 V. Journal de Louvet dans la Revue de l'Anjou, 1854,
t. 1, p. 260. — Mûurin, la Reforme et la Ligue en Anjou,
1856, in-8, p. 26. — Chose curieuse! En 1552, Pierre
Gohin, sieur de Malabry et Mathurin Bouju, sieur de la
Chaussée-Bureau, avaient constitué une rente au profit de la
l'église d'Angers. — En 1594, noble homme Charles Bouju,
S r des Landes et fils du président Bouju. d 1,e Marie Edelin,
sa femme, noble homme Jacques Bouju, sieur delà Chaussée-
Bureau et fds de Mathurin, constituèrent aussi une rente au
profit de la même église. — V. extraits du compte des anni-
versaires de l'église d'Angers dans le mss. de Thorode sur
les familles de l'Anjou, n° 1004 de la bibliothèque d'Angers.
BOUJU MAGISTRAT. 49
opinions religieuses. Quant revint son tour de
service, il siégea comme à l'ordinaire. Le 16 avril
1563, il était présent, lorsque la cour reçut les
lettres du Roi et de la Reine mère touchant la pa-
cification des troubles. Le 19 avril, il était encore
présent lors de la publication et de l'enregistre-
ment de ces lettres. Malade au début du trimestre
de 1564, il reparaît à la fin. Les années suivantes,
on le retrouve à son poste. En 1566 notamment,
il assiste à l'assemblée générale dans laquelle le
conseiller Jean de Langle présenta le rapport sur
l'ordonnance de Moulins. Enfin, en 1568, se
produit un incident qui exige une explication
préalable.
J'ai déjà dit que le président avait un frère
appelé Guillaume Bouju. D'après le feudiste Au-
douys 1 , ce frère était conseiller à l'élection de
Baugé, sieur de la Sorinière, marié à Jeanne
Ysambart. Mais dans divers actes Guillaume se
qualifie lui-même marchand, sieur de la Sori-
nière, demeurant à Chàteauneuf-sur-Sarthe 2 . En
1 Mss. de la bibliothèque d'Angers, n° 841, f. 33.
2 Archives de Maine-et-Loire, E, 341. — V. dans le mss.
de Thorode visé plus haut l'extrait suivant : « Sire Guillaume
Bouju, s r de la Sorinière, marchand, demeurant à Château-
neuf, Pierre Gohin, s r de Malabry, et Pierre Froger, mar-
chand, constituèrent une rente de au profit de l'église
d'Angers, par contrat devant Etienne Quetin, le 15 février
1560. »
50 BOUJU MAGISTRAT.
1545, un certain René du Mortier était seigneur
de Travaillé, du Mortier et de la Sorinière. En
1557, Guillaume Bouju rendit foi et hommage
pour la Sorinière au seigneur de Juvardeil, tan-
dis que d 1Je Renée de la Roussière, veuve de René
du Mortier, au nom de ses enfants, rendait foi et
hommage pour Mortier et Travaillé \ En 1565,
Guillaume est devenu seigneur de la Royerie et
de la Corraudière 2 . En 1570, il est seigneur de
Travaillé, et, avant sa mort constatée en 1572,
du Mortier 3 . Il s'arrondissait ainsi d'année en
année. Toutes ces seigneuries au surplus n'étaient
que des métairies ou de petites terres situées sur
la paroisse de Juvardeil, à une lieue environ de
Châteauneuf.
Guillaume Bouju et Jeanne Ysambart avaient
plusieurs enfants. En 1568, l'aîné, Michel Bouju,
1 Archives de Maine-et-Loire, E, 341, 342, 317.
2 Archives de Maine-et-Loire, E, 381.
3 Archives communales de Juvardeil, registres des bap-
têmes : a Le septiesme jour de Juillet audit an 1572 fut
baptisée Christoflette, fille de honorable homme M. re Charles
Brillet, seigneur de la Grandiète et de Philippes Gourzeault.
Parrain, noble homme Christophle de Clères, seigneur de
Cellières ; marraines, honnestes filles, Marguerite Bouju,
fille de défunct honneste personne Guillaume Bouju, vivant
seigneur de Travaillé, et Marye Gourzeault, fille de honneste
homme Jehan Gourzeault. » — V. aussi Archives de Maine-
et-Loire, E, 341.
BOUJU MAGISTRAT. 51
qui prit plus tard le titre de seigneur de la Sori-
nière et de Travaillé, fut nommé, sans doute par
le crédit de son oncle, conseiller au Parlement
de Bretagne. Il succédait à Jacques Viart qui
s'était démis en sa faveur. Le Parlement n'admet-
tait pas que d'aussi proches parents pussent figu-
rer ensemble clans le même trimestre et surtout
dans la même chambre. Michel Bouju ne fut donc
installé, le 18 février 1568, « qu'à charge de se
retirer par devers le Roy dedans six mois pour
estre pourveu dudit estât en autre séance que
celle en laquelle M e Jacques Bouju, son oncle,
conseiller et président es enquestes, exerce, et
cependant servir en autre chambre de ceste
séance qu'en celle où le dit Bouju est président,
sans le tirer à conséquence, et pour ceste séance
seulement. Néantmoins, ajoutait l'arrêt, la Cour,
pour aucunes causes et considérations à ce la
mouvans, ordonne que ledit Michel servira tant
es chambres civiles et criminelles durant le temps
et espace d'un an entier sans en désemparer. »
Michel Bouju s'empressa d'obéir à des injonc-
tions si énergie] uement exprimées. Il obtint des
lettres patentes qui. l'autorisaient « à faire son
service en la séance d'aoust tout ainsy que si ori-
ginairement de par son institution il en estoit. »
Un conseiller de cette séance, M e Pierre Crespin
consentit à permuter avec lui et à passer en son
52 BOUJU MAGISTRAT.
lieu dans celle de février. Le 12 août, la cour
approuva cet arrangement \
Après la réception de son neveu, Jacques
Bouju ne paraît pas avoir beaucoup siégé. Il vou-
lait lui laisser la place libre, et ne tarda pas à
résigner sa présidence au profit de Nicolas
Alixant, déjà conseiller depuis dix ans. Les
lettres de provision d'Alixant sont datées de
Paris, le 24 septembre 1568 ; il prêta serment le
7 février 1569.
Jacques Bouju avait 53 ans, lorsqu'il renonça
aux affaires. Il se retira à Chàteauneuf-sur-Sarthe
où il était né, où résidait sa famille. A une époque
voisine de sa retraite et que je ne puis autrement
préciser, il devint propriétaire du domaine des
Landes sur le territoire de Juvardeil. Cette sei-
gneurie partageait avec celle de Juvardeil les
honneurs de la paroisse. Elle avait été possédée
depuis 1420 jusqu'en 1562 et au delà par les
Honoré de la Touche. Bouju leur succéda sans
doute par voie d'achat. Il est vraisemblable qu'il
consacra à cette acquisition les bénéfices pro-
curés par les trois cessions de ses offices. Ceux-là
mêmes qui blâmaient la vénalité des charges ne
refusaient plus d'en profiter.
1 Registres secrets du Parlement de Bretagne, mss. déjà
cité, de la Cour de cassation, f. 160 et 162. — Janl Langlœi
otium semestre, f. 304.
BOUJU MAGISTRAT. 53
Le premier document où Bouju soit désigné
comme seigneur des Landes date de 1573. C'est
l'acte de baptême d'un de ses enfants : « Le
septième jour dudit moys (octobre) 1573, fut
baptisée Catherine, fille de noble homme messire
Jacques Bouju, seigneur des Landes, et de da-
moyselle Catherine Peschart, son espouse. Par-
rain noble homme Christophe de Clères, seigneur
de Sellières ; marraines, damoyselle Renée de
Charnassé, dame de Viviers, et honneste famé
Jeanne Bouju, dame de Travaillis \ »
Un an après, Bouju fut parrain : « Le vingt-
cinquième jour dudit moys (décembre) 1574 fut
baptisé François, fils de honnestes personnes
Hardouin Pacqueraye, et Françoise Vétault.
Parrains noble homme Jacques Bouju, seigneur
des Landes, et honneste personne François Pac-
queraye, seigneur de la ïandonnière, et mar-
raine honneste famé llenrye Cochelin, dame de
la Bourdelière. »
Que faisait l'ancien magistrat dans sa demeure
seigneuriale ? Le temps était passé où des poètes
tels que Ronsard et du Bellay lui prodiguaient
1 La commune de Juvardeil, par un rare privilège, a
conservé des registres de l'état civil qui remontent à 1560.
J'en dois la communication à M. Louis Janvier de la Motte,
maire de Juvardeil et ancien député, à qui je suis heureux
d'offrir ici mes remerciements.
54 BOUJU MAGISTRAT.
leurs promesses de gloire. Il ne recevait plus
d'autres vers qu'un méchant sonnet * de Pierre
Le Loyer, conseiller au présidial d'Angers, esprit
bizarre qui cherchait l'histoire de l'Anjou dans les
livres hébreux. Mais, il faut bien l'avouer, Bouju
était dominé par une passion qui le rendait insen-
sible aux mécomptes de la vieillesse. Ses fonc-
tions, ses amitiés, ses travaux littéraires, il avait
tout abandonné pour se livrer à l'alchimie. Ce
savant distingué croyait à la pierre philosophale
1 Pour ne rien omettre, je me décide à insérer ici ce
sonnet dont l'obscurité m'avait d'abord rebuté. Il se trouve
dans l 1 ' Erotope gnie ou passe-temps d'amour, par P. Le Loyer,
sieur de la Brosse, Paris, 1576, in- 8, p. 53.
A Monsieur Bouju président.
Si Cupidon est Dieu et s'il est né aux cieux,
Que n'est-il secourable à nostre humaine race ?
Tant plus nous le prions, et tant plus il nous chasse,
Et nous sommes ouïs, priant les autres Dieux.
Mais s'il est né aussi du discord odieux,
Qui rompit du chaos la grosse et lourde masse,
Qui fait qu'il est paisible et que seul il pourchasse
Que nous ayons le don de merci gracieux ?
Certes, docte Bouju, je crois que sa puissance
Retire au naturel de quelque quinte- essence,
Prise des deux ensemble, et n'ayant rien des deux ;
Car s'il a des grands Dieux le pouvoir amiable,
Et si ha du chaos la rudesse implacable,
Toutefois il n'est pas nv doux ny impiteux.
BOUJU MAGISTRAT. 55
et poursuivait le secret de fabriquer de For. Ses
forces s'épuisèrent à tenter la transmutation des
métaux; c'est au milieu de ses creusets que la
mort le surprit, à peine âgé de 63 ans 1 .
« Le septiesme jour dudit mois (décembre
1 577) expira noble homme maistre Jacques Bouju,
en son vivant président en la court de Parlement
de Bretaigne, seigneur des Landes, père et res-
taurateur des sciences.
Messire Jehan Amelot
Donne au président ce lot.
Son corps gist en la chapelle de Monsieur
Sainct Jehan au sépulcre de ses prédécesseurs
seigneurs des Landes 2 . »
On remarquera la forme et le style si insolites
de cet acte de décès. Sans doute le vicaire qui Ta
rédigé ne considérait pas comme calviniste celui
qu'il louait avec tant d'enthousiasme.
1 Scœvola Sammartliani Gallorum illustrium elogia,
Lutetiae, 1630, in-4, p. 70.
2 M. Célestin Port, dans son Dictionnaire historique de
Maine-et-Loire, t. 2, p. 43, a révélé l'existence de cette
pièce dont je cite le texte complet.
CHAPITRE III.
ŒUVRES DE JACQUES BOUJU.
Avant de faire connaître les enfants de Bouju,
il me reste à parler de ses ouvrages. En voici la
liste dressée, en 1584, par La Croix du Maine :
1 . Le Royal Œuvre, écrit en français et conte-
nant un succinct discours de toutes les choses
qui ont été accomplies par les rois de France
jusqu'au règne de Henri TH. Ce discours est men-
tionné dans la Bibliothèque historique du Père
Lelong(t. 2, n° 1573).
2. Les Douze Hoiries.
3. La Traduction des six premiers livres de
Tite-Live. La bibliothèque de F Arsenal possède
le manuscrit du second livre.
4. Les Ris de Démocrite et pleurs d'Heraclite,
poème français.
5. Le Jardin de l' Epicelihe au Maine et sa
description en vers latins et français.
6. Le Château du Verger en Anjou et sa
OEUVRES DE BOUJU. 57
description en vers latins. Ce poème a été traduit
en vers français par Jean Lemercier, sieur de la
Sauvagère, avocat au présidial d'Angers. Cette
traduction est perdue aussi bien que l'original \
7. Louanges de la vie rustique.
8. E pitres à François 1 er , Henri II > Char-
les IX et Henri III.
Aucune de ces compositions n'a été imprimée.
Bouju les avait oubliées au milieu de ses rêveries
d'alchimiste. Tandis qu'il multipliait de folles
expériences, il laissait ses plus beaux vers traîner
et disparaître dans la poudre de son cabinet.
Sainte-Marthe déplore cette manie, et pour mon-
trer à ses lecteurs ce qu'elle leur a coûté, il leur
présente l'épigramme : Impubes nupsi valido,
comme une épave échappée au naufrage.
Un seul des ouvrages de Bouju paraît avoir été
livré à l'impression. C'est son poème latin sur la
Tournelle dédié au premier président Christophe
de Thou et publié, à Angers, en 1578, quelque
temps après sa mort, par les soins d'Ayrault à
qui son fils l'avait confié. Telles sont du moins
les indications recueillies par le Père Lelong 2 .
1 C. Port, Dict. hist. de Maine-et-Loire, V° Lemercier,
2 V. Bibliothèque historique du Père Lelong, t. 3, p. 224,
n° 338G7 : Turnella, ad christ. Thuanum curiœ Prœsidem
maximum y carmen à Jacobo Bugio (Bouju) in supremo senatu
58 OEUVRES
Mais j'ai vainement cherché cette Tournelle à
Paris, à Angers, au Mans, à Rennes. Si elle existe
encore, on ne la trouvera que par hasard.
Malheureuses de ce. côté, mes investigations
ont été récompensées par la découverte d'un
autre poème de Bouju. Dans un des chapitres
consacrés par l'abbé Goujet aux traductions
d'auteurs latins, je lus qu'une épitre sur la jus-
tice, adressée au chancelier de L'Hospital par
Jacques de Bonge, conseiller au Parlement de
Paris et président au Parlement de Bretagne,
avait été traduite en vers français, en 1614, par
Denis Feret, avocat à Moret, près Fontaine-
bleau \ Je m'empressai de courir sur cette piste.
A la Bibliothèque Nationale, à la Mazarine, à la
Sainte- Geneviève, Bonge et Feret étaient in-
connus. A l'Arsenal, le catalogue relatait seule-
ment un livre de Feret intitulé : Les primices
dites le vray François ou poèmes, advis et mé-
moires non moins inspirez qu acquis au bien du
Saint Père et clergé. Roys, Princes et estais sou-
Prœside. Andegavi, Trimallœus, 1578, in-4. Lelong ajoute:
ce L'auteur de ce poème mourut avant sa publication. On la
doit à P. JErodius à qui le fils de Bouju l'avait remis. » On
sait que la Tournelle était la chambre criminelle du Parle-
ment de Paris.
1 Bibliothèque française de Vabbe Goujet, t. 7, p. ISO,
et t. 8, p. 423.
DE JACQUES BOUJU. 59
verains, et peuples de F univers, et establissement
de l' amesnagement public, et affaires de justice,
et police, piété et clémence. 1614, in-8. « Ce
n'est pas là ce que vous demandez, me dit le
conservateur. — Donnez toujours, répondis-je ;
le titre promet bien des surprises. » Je ne me
trompais point. Ce volume renferme une suite
d'opuscules sur divers sujets. Chaque opuscule a
sa pagination particulière. L'avant-dernier porte
en tête cette inscription : Poème des affaires de
justice avec la version du poème latin du sieur
Bonges, ayant quelques augments en certains
lieux. Viennent ensuite une détestable épître de
Feret au prince de Condé, la traduction plus
mauvaise encore des vers latins du sieur Bougée,
et enfin ces vers latins ainsi annoncés :
Jacobi Bongei quondam V. C. primum in
parlamento Paris, coiisiliarii, postea ver à in
suprema Armoricorum curiœ Prœsidis, de or-
dinanda justitia, Ad Michaelem Hospitalem,
Franciœ CancelL, Sermo.
Jacques Bonge n'est autre que Jacques Bouju.
Le nom, en passant du français au latin et du
latin au français, a été un peu modifié; mais le
prénom est le même. J^es qualités sont signifi-
catives. Au temps de l/Hospital, il n'y eut ni à
Paris ni en Bretagne de conseiller ou de prési-
dent appelé Bonge. On sait par La Croix du
60 OEUVRES
Maine et par le Père Lelong que Jacques Bouju
avait dédié à Christophe de Thou un poème sur la
Tournelle, c'est-à-dire sur la justice criminelle.
Le poème dédié à L'Hospital traite de la justice
civile ; on ne peut douter que Fauteur du premier
ne soit aussi l'auteur du second.
Je suis heureux de restituer ces vers à Bouju
et de les mettre en lumière. Ils justifient sa re-
nommée. Si L'Hospital exagérait en les compa-
rant aux meilleures poésies de Rome, ils valent
au moins les meilleures de ses contemporains,
et, ce qui était alors rare, ils expriment une
pensée noble et sérieuse.
Aux époques troublées il a toujours été de
mode de réclamer la réforme des institutions ju-
diciaires. Ce vœu était plus légitime au seizième
siècle que de nos jours où rien n'est reproché i\
la magistrature, sinon la sagesse de son organi-
sation et l'intègre indépendance de ses membres.
Sous les Valois au contraire les abus étaient
nombreux. Le chancelier de L'Hospital avait
manifesté l'intention de les corriger, et répitre
que lui adressa le président Bouju avait pour
objet de presser l'exécution de ses promesses.
Cette pièce m'a paru assez intéressante pour
être traduite et placée sous les veux du lecteur :
(( Sage L'Hospital, né pour le bonheur des
hommes, pontife des Muses, ministre vénérable
DE JACQUES BOUJU. 61
de l'équité *, ton génie vigilant ne néglige aucun
soin afin que la France, à peine échappée à de
furieux ouragans, encore agitée par le souffle des
discordes civiles, ne soit pas rejetée dans la tour-
mente et ne brise pas contre d'affreux écueils
son navire qu'elle gouverne si difficilement.
Tandis que la tempête s'apaise et que la rage
effrénée de la populace commence à se calmer,
voici qu'un autre fléau souille tout du poison
caché qu'un monstre s'efforce de répandre parmi
nous : Monstre horrible dont les énormes flancs
ont de trop nombreuses portées. Ses petits,
d'abord faciles à manier, remplissent bientôt les
maisons où ils sont introduits et luttent de fécon-
dité avec leur mère. Tous les malheureux que
cette bete atteint de son venin, quelles que soient
leurs richesses et leurs forces,* ne tardent pas à
dépérir, la bourse vide et le corps miné par une
cruelle maladie. Cette bete, les anciens Ausoniens
la nommaient la chicane.
» Pour te parler sans ambages et sans énigmes,
1 Hospitali prudens, hominumque ad commoda nate,
Antistes Musarum, a?qui venerande sacerdos,
Feret a rendu ainsi ces deux vers :
Sage de l'Hospital, nay au bien de la race
Des humains, aux neuf sœurs, et au droit tenant place
Et d'évesque et de prestre
On peut juger le reste par cet exemple.
62 OEUVRES
soit que je siège pour rendre la justice, soit
qu'exempt d'occupations, je cherche, loin de la
cour et de la ville, de champêtres plaisirs, par-
courant les forêts, charmé par d'agréables jardins
ou admirant les nuances variées des prairies,
soudain je suis saisi de pitié à la pensée de cette
foule stupide qui, attirée par sa cupidité dans de
pernicieux démêlés, combattant les yeux fermés
à la façon des Andabates, se précipite vers une
ruine certaine, sans que personne cherche à l'ar-
rêter, ni à l'avertir des routes qu'elle doit suivre
ou éviter et qui peuvent la conduire au port ou à
l'abîme.
» Qu'un plaideur malhonnête intente une mau-
vaise cause, il trouve toujours, pour la soutenir,
un procureur artificieux et un avocat aux accents
perfides. Qu'elle soit gagnée ou perdue, qu'im-
porte à l'un et à l'autre, pourvu qu'abdiquant
toute pudeur, ils s'assurent de honteux profits.
Chaque jour, concerter de nouvelles rixes et tirer
de gros revenus du sang des citoyens, que c'est
beau (6 mœurs) et partout admis. Les arts libé-
raux sont oubliés. La vertu est abandonnée. Dès
la jeunesse les cœurs sont imbus de ce sentiment
qu'il faut s'enrichir et à prix d'or parcourir tous
les honneurs. Voilà les tristes erreurs, voilà les
ténèbres qui de tous côtés obscurcissent la vérité.
Rien n'est plus approuvé et ne semble plus en-
DE JACQUES BOUJU. 63
viable que d'arriver à l'opulence par l'infamie.
Ainsi depuis qu'Até fut chassée des demeures
divines, ici-bas la passion d'un lucre impie s'est
emparée des humains sous les apparences de
l'honnête. Nulle part ne s'ouvre une voie sûre
vers la justice. Les fourberies, les iniquités bar-
rent le chemin. On s'égare à poursuivre le défen-
deur à travers cent détours qu'il connaît trop
bien. Il combine mille ruses pour empêcher le
jugement, éludant de loin son adversaire, attentif
à ne pas descendre en rase campagne et à ne pas
engager la bataille : en sorte qu'après de longues
années, le vainqueur, accablé d'ennuis, épuisé
d'argent et de santé, au lieu des avantages qu'il
attendait, ne recueille que des disgrâces. Combien
de sangsues acharnées contre lui ! Là ces plumi-
tifs, vrais instruments de malheur, qu'allongent
d'inutiles mentions, tandis que les avocats cau-
teleux écrivent, répliquent, dupliquent, confir-
ment leurs dires ou réfutent les objections. Là
ces liasses de requêtes, ces amas de lettres royaux
et les autres actes d'un praticien retors. Avec ces
parchemins les ressources de l'infortuné passent
dans les sacs des scribes. Puis c'est le tour des
enquesteurs. Comme ils rédigent amplement
chaque déposition ! Comme ils savent espacer,
dans un volumineux cahier, des lignes de quatre
syllabes pour faire payer très cher des feuilles
64 OEUVRES
presque blanches ! Le litige est-il enfin prêt à
recevoir une solution, un juge avare s'ingénie à
la différer afin d'augmenter ses épices avilies. Sa
rapacité a-t-elle comblé la mesure, a-t-il achevé
de dépouiller les parties, il se vante de leur avoir
fait droit ; mais ceux qui ont coutume d'appeler
le pain du pain disent qu'il y a là seulement
rapine et brigandage. Le gain d'un procès n'est
jamais que la victoire de Cadmus. Après avoir
subi les épreuves de trois instances, après avoir
été le plus souvent contraint de solliciter trois
décisions, parvient-on à la barre du Parlement,
c'est à peine si le sénat, fulminant arrêt sur
arrêt, peut (tant l'art frauduleux des délais a
prévalu) mettre fin à la dispute et supprimer un
mal sans cesse renaissant. En vain l'arbre a-t-il
été coupé; en vain ses plus profondes racines
ont-elles été extirpées. Le moindre germe suffit
pour qu'il repousse avec une vigueur occulte.
Ses rejetons pullulent, et, réparant leurs pertes
sur leurs tiges renouvelées, ils forment bientôt
un épais taillis.
» Alcide Gaulois, toi dont la noble éloquence
entraîne à ta suite des milliers d'hommes d'élite,
toi qui as triomphé de l'ignorance, ce monstre
longtemps redoutable, marche où te guident ton
courage, ta forte intelligence et ton ame géné-
reuse. Frappe cette hydre ennemie dont les têtes
DE JACQUES BOU.TU. 65
gonflées d'innombrables discordes rongent les
entrailles d'une multitude désespérée. Frappe-la,
et, dès qu'elle sera terrassée, détruis-la par le
fer et par le feu. Restitue à la justice sa splen-
deur. Bannis du Palais d'indignes supercheries.
Abrège ces procédures qui s'éternisent de tribu-
naux en tribunaux. Que le même juge les voie
commencer et finir, afin qu'une fois enterrées,
un intérêt majeur puisse seul les ramener à la
lumière. Pourquoi une triple juridiction, basse,
moyenne et haute, appuyée sur l'antique usage
et sur une vaste clientèle, régit-elle les hameaux,
les bourgs et les châteaux ? Pourquoi s'avance-
t-elle par trois degrés vers d'immenses inconvé-
nients et dévore-t-elle la plèbe avec sa bouche à
trois gosiers, actionnant les besogneux pour une
obole, dressant des accusations contre les villa-
geois aisés, confisquant de riches héritages pour
les attribuer à un fisc privé ? Si des paroles un
peu vives sont lancées au milieu d'une alterca-
tion, si des taureaux indociles foulent un pâtu-
rage, si un rameau est cueilli dans le bois du
seigneur, aussitôt se présente un huissier ardent
à exciter les querelles et à écorcher le pauvre
monde, et dans un procès-verbal enflé de maints
témoignages, il se plaint même de l'ombre qui
fuit. Qu'un arbitre équitable règle ces petits
litiges et punisse une faute minime d'une légère
66 OEUVRES
amende. Au contraire la gravité du crime exige-
t-elle pour l'exemple le sang du coupable, le
glaive royal doit seul intervenir. Que le juge ne
fixe pas lui-même ses émoluments, mais qu'il
touche du prince ce qui est légitime. Que ses
pouvoirs ne se prolongent pas au delà de deux
ans. Quand il sera exposé à redevenir simple
particulier, il remplira ses fonctions avec inté-
grité et modération. Que dans chacune des pro-
vinces où la France étend ses limites soit député
de la grande ville un sénateur distingué par son
sens et son expérience ; que sous son contrôle et
sa direction les magistrats appliquent à toutes les
affaires les principes du juste ; qu'ensuite il re-
tourne au sénat, remplacé après la troisième
moisson, comblé par le roi de magnifiques ré-
compenses. Que les causes importantes soient
seules déférées à une chambre dont les conseil-
lers, respectables par leur âge, leur vie et leur
science, seront élus par leurs collègues. Que
leurs charges ne soient pas vénales ; qu'une vile
sportule ne dégrade pas de si hautes dignités par
de sordides calculs. C'est au trésor public de
fournir aux membres de ce corps sacré un traite-
ment qui leur procure une existence convenable;
car la pauvreté que le vulgaire regarde comme
un vice rend les honneurs méprisables, même aux
yeux des honnêtes gens.
DE JACQUES IHHTJC. 67
)) A ces conditions on pourra défendre un
peuple misérable contre les corbeaux et les vau-
tours. Mais viendra-t-il jamais ce jour heureux
où les procès seront terminés, comme les bornes
des champs sont posées, par un homme de bien
pris sans diplôme parmi les autres justiciables,
où, dès que cet homme sera constitué dans un
débatquelconque, pour diviser un large patrimoine
entre de joyeux héritiers, pour trancher un point
douteux de droit ou une simple question de fait,
il videra promptement et avec soin tous les diffé-
rends. Qu'il y ait un écrit ou qu'on invoque des
témoins, le défendeur comparaîtra sur l'heure.
Pas de délai, pas une journée de retard, à moins
d'une nécessité absolue. Tout sera constaté sur
des registres exacts. Un officier les communiquera
gratuitement. Il en sera déduit une brève sen-
tence telle qu'à des époques fortunées le préteur
en prononçait avec trois mots. Enfin, au lieu
d'emprunter une voix mercenaire, chacun sera
son propre avocat et aimera mieux succomber de
suite que vaincre après une longue attente.
» Cette antique simplicité, cette justice des
temps primitifs ont fait les siècles d'or, ainsi dé-
signés, non parce que l'or y brillait en abondance
(ce funeste métal n'avait pas encore envahi l'uni-
vers), mais parce que les mortels ne connais-
saient ni la fraude ni l'iniquité et se liaient entre
68 OEUVRES
eux par de douces et probes habitudes. Aujour-
d'hui nous nous consumons en méchantes con-
testations, et de là (ô honte) sortent d'énormes
fortunes. Propose-t-on de restaurer les anciennes
mœurs et d'interdire, avec les impostures, l'espoir
de coupables bénéfices, tous s'écrient qu'on veut
leur arracher la vie. Tant le vice a progressé !
Tant s'affaiblit la vertu languissante d'une société
vieillie ! Les cœurs ne sont plus échauffes par
l'amour et la charité, mais par l'envie, la haine
et le désir aveugle des richesses. Aussi avons-
nous souffert, sous le fouet vengeur d'un Dieu
en courroux, des calamités trop méritées, telles
que les âges précédents n'en ont pas enduré de
pareilles. L'horrible déesse de la guerre civile
faisait éclater sa fureur. La France en délire tour-
nait ses forces contre elle-même et trempait son
épée dans son sang. Les pères dirigeaient leurs
traits sacrilèges contre leurs enfants, les frères
contre leurs frères, les villes contre les villes. Les
citoyens pillaient les citoyens. On en était venu
à ce degré de folie qu'on croyait être agréable à
la divinité (ô forfait exécrable) en levant vers
elle des mains chargées de meurtres et teintes de
sang humain. La France, emportée dans ces
luttes fratricides, souilla les plaines de Dreux par
de terribles carnages et envoya tant d'âmes cou-
rageuses aux sombres bords que, dans son impré-
DE JACQUES BOUJU. 69
voyance, elle employa son bras gauche à mutiler
son bras droit.
» Cessons toutefois ces plaintes ; elles ne ser-
vent qu'à raviver nos douleurs. Avec toi qui pro-
tèges le bien et soulages les maux, multiplions
nos efforts afin qu'après tant de secousses, la
France unie et pacifiée puisse guérir ses blessures,
et que Dieu véritablement juste et qui est sur la
terre le saint et adorable type de toute justice,
soit enfin honoré par une piété sincère, chaste et
pure. »
Telle est cette curieuse épître. Elle fut com-
posée au lendemain de la première guerre civile,
lorsque L'Hospital, ministre influent, préparait
ses grandes ordonnances. Fut-elle imprimée dès
lors ou seulement après la mort de son auteur, à la
suite du poème édité par Ayrault ? Où Feret
l'avait-il trouvée pour nous la conserver ? On
Tignore. Du moins est-il certain qu'elle a du être
présentée à L'Hospital dont elle secondait les
projets.
Déjà, en 1560, au moment où le chancelier
arrivait au pouvoir, Sainte-Marthe et Turnèbe lui
avaient dédié deux satires contre la vénalité des
charges et contre les juridictions subalternes
dont ils demandaient la suppression. Bouju ten-
dait au même but. Ses critiques et ses conseils
n'ont plus qu'un intérêt historique. Tout ce qu'il
70 OEUVRES DE JACQUES BOUJU.
y avait de raisonnable et de pratique dans les ré-
formes par lui préconisées a été depuis longtemps
accompli. Visait-il plus loin ? Faut-il prendre au
sérieux les vagues utopies qui apparaissent çà et
là dans ses vers et dont lui-même peut-être ne
se rendait pas bien compte ? Que dire surtout de
ces arbitres tirés de la foule, comme on voit dans
les pastorales un passant appelé par des bergers
à décerner le prix de leurs chants ? Ces rêves de
l'âge d'or ne sont plus d'un magistrat, mais d'un
poète doublé d'un alchimiste.
Au point de vue politique, Bouju ne pense pas
autrement que L'Hospital et les amis du chance-
lier. Rien de plus louable que ses imprécations
contre les dissensions intestines et les excès de
tous les partis. On peut cependant lui reprocher
d'avoir confondu dans un égal anathème ceux
qui défendaient les lois, le gouvernement, la
volonté du pays, et ceux qui avaient pris les
armes pour tout bouleverser et tout détruire au
çré de leurs ambitions.
CHAPITRE IV.
DESCENDANTS DE JACQUES BOUJU.
Il est temps de parler des enfans de Jacques
Bouju. Le seul connu est Théophraste Bouju,
sieur de Beaulieu, un des controversistes du
xvii e siècle. S'il faut en croire les notes manus-
crites de Ménard et de Livonière 1 , il n'était pas
légitime. Il annonça de bonne heure une vive
intelligence. Le Président l'éleva avec soin, et,
le considérant comme l'espoir de sa famille, lui
donna son nom et une part de son héritage. En
1589, Théophraste était secrétaire du comte de
Soissons et le suivait à l'armée a . En 1590, il
1 V. à la Bibliothèque d'Angers, Claude Ménard, Rerum
Aude gave nsium pandectœ, mss. 875, t. 1, f os 178, 179. —
Pocquet de Livonière, mss. 1067, f os 44 et 45. — Port,
Dict. hlst. de l'Anjou, V° Bouju.
2 Au cabinet des titres de la Bibliothèque nationale, t. 445
des pièces originales, on trouve les deux documents suivants:
« En la présence de moy, Théophraste Bouju, sieur de
7 2 DESCENDANTS
obtenait une charge de secrétaire du Roi qu'il ré-
signa en 1593 1 . Il s'insinua ensuite à la cour de
Catherine de Bourbon, sœur de Henri IV, sans
doute par la protection du comte de Soissons
dont il était le confident et que Catherine aimait.
Beaulieu, secrétaire en l'armée conduite par Monseigneur le
conte de Soissons à Dieppe, Jean du Rocher, voicturier par
terre, demeurant a Chateaudun, a confessé avoir receu de
M e Estienne Regnault, conseiller du Roy et trésorier général
de l'extraordinaire des guerres, la somme de huict vingts
quatorze escus pour son payement et celuy de deux charettes
qu'il a fournies garnies chascune de quatre chevaux pour
mener et conduire les vivres et munitions de la dite armée et
depuis le m e jour d'aoust jusques au 10° jour d'octobre
ensuivant, ainsi qu'il est contenu en l'ordonnance qui en a
pour ce esté expédiée, de la quelle somme de viii xx xiv escus
ledit Durocher s'est tenu pour content et quitte ledit M c Re-
gnault susdit et tous aultres. En la suite de quoy j'ay signé
le présent, au Bourg la Royne, le 2 nie jour de novembre 1 589. »
Bouju.
« Théophraste Bouju, sieur de Beaulieu, secrétaire de
Monseigneur le conte de Soissons en l'armée qu'il a conduite
à Dieppe, confesse avoir eu et receu de M e Estienne Re-
gnault, conseiller et trésorier général de l'extraordinaire des
guerres la somme de 200 escus à moy ordonnés pour mon
estât, appointement et service pendant les mois de juillet,
aoust, septembre et octobre dernier de la quelle somme
nous tenons content et en quittons ledit sieur Regnault tré-
sorier général et tous aultres. En témoing de quoy j'ai signé
la présente de ma main le vi me jour de novembre 1589. »
Bouju.
1 Tessereau, Histoire de la chancellerie, t. 1, p. 239.
DE JACQUES BOUJU. 73
Lorsque cette princesse fut contrainte d'épouser
le duc de Bar, il l'accompagna en Lorraine 1 .
Bientôt après, l'évêque d'Evreux, Duperron, qui
avait eu occasion de l'apprécier, le demanda à la
duchesse, le prit dans sa maison, et, l'ayant formé
à l'étude des Saintes Ecritures, trouva en lui un
habile collaborateur. Après quatre ou cinq an-
nées passées sous la direction de l'évêque, Théo-
phraste entra dans les ordres et devint conseiller
et aumônier ordinaire du Roi. On a prétendu que
cet office tout honorifique avait été le prix d'une
apostasie. Rien ne prouve cependant que Théo-
phraste eût été nourri dans le calvinisme. Si le
fait eut été vrai, D'Aubigné n'eût pas manqué de
le lui reprocher dans la Confession de Sancj où
il a prodigué l'insulte au maitre et au disciple.
Depuis la fin des guerres civiles la lutte reli-
gieuse se continuait par la parole et parla plume.
Les théologiens se provoquaient à des combats
scientifiques. On sait quelle éclatante victoire
Duperron remporta sur Duplessis-Mornay, en
présence du Roi. Théophraste, à son exemple,
disputa un jour, en 1602, devant le comte de
Soissons, contre un gentilhomme qu'il réduisit
au silence. Comme on disait qu'il n'eût pas eu si
1 Moreri, / ° Bou/u, Ménard et Livonière. — Mémoires de
Sullr, coll. Michaud, t. 1, p. 129.
74 DESCENDANTS
bon marché du ministre Dumoulin, il lui écrivit
pour lui proposer une conférence. Dumoulin re-
fusa prudemment ; mais, en 1603, sans y être
d'ailleurs autorisé, il publia les correspondances
échangées et il y joignit un long pamphlet sous
ce titre : Cartel de deffy du sieur de Bouju sur-
nommé de Beaulieu envoyé au sieur Dumoulin
avec les réponses et répliques de part et d'autre
sur le point de la Cène et des marques de la
vraye Eglise (Genève, in- 12, 1603, 1625, 1626).
Ces factums sont aussi médiocres que la plupart
des productions de l'époque. Les protestants
n'avaient plus l'habileté de Bèze et de Calvin. Les
catholiques n'avaient pas encore le génie de
Bossuet et de Fénelon.
En 1604, Théophraste répondit à Dumoulin
par un livre intitulé : Méthode de convaincre par
la Sainte Ecriture tous schismatiques et héréti-
ques ...es points de l Eglise, de la parole de
Dieu, de la présence réelle, etc. \ Hélas ! Il faut
bien l'avouer : en composant cet utile et savant
ouvrage, il avait, sans le dire, fait de nombreux
emprunts à deux volumes sur l'Eucharistie que
Duperron lui avait communiqués confidentielle-
ment, volumes depuis peu imprimés et non encore
livrés au public. Le prélat se plaignit avec une
1 Paris, 1604, in -4, chez Marc Orry.
DE JACQUES BOUJU. 75
juste amertume. Il pria même le chancelier d'ar-
rêter la vente du livre de Bouju. Mais celui-ci lui
ayant offert de reconnaître ses droits par une dé-
claration insérée dans chaque exemplaire, il
voulut bien se contenter de cette réparation et
ce tout couvrir sous le manteau de l'amitié. » En
effet, cet incident si triste pour Bouju et si hono-
rable pour Duperron ne fut divulgué qu'après la
mort de l'un et de l'autre par la publication
posthume des lettres du cardinal 1 .
Aux polémiques contre les protestants s'ajou-
tèrent bientôt les discussions entre Gallicans et
Ultramontains, comme si la société orthodoxe,
en face de ses adversaires, n'eût pas dû rester
unie et concentrer toutes ses forces. Ce nouveau
ferment de discorde fut attisé par le syndic de la
Sorbonne, Edmond Richer, qui, en 1611, dans
son Libellus de potestate ecclesiasticd et politicâ,
avait proclamé les principes les plus contraires à
la papauté. Bouju, chargé par le comte de Sois-
sons d'examiner ce manifeste, rédigea son rapport
dans le sens des idées romaines. Plus tard, un
conseiller au grand conseil, Simon Vigor, ayant
1 Ces lettres, fort éloquentes, ont été insérées par le secré-
taire de Duperron dans le Recueil des ambassades de son
maître. Paris, 1623, in-fol., p. 121 et suiv. — V. Etude
historique sur le cardinal Duperron, par l'abbé Féret, Paris,
1877, in-8, p. 292.
76 DESCENDANTS
écrit en faveur de Richer, il s'empressa de le ré-
futer. En 1613, il mit au jour ses: Deux advis,
Vun sur le livre de M. Edmond Richer, intitulé :
De la puissance ecclésiastique et politique, Vau-
tre sur un livre dont l'auteur ne se nomme point,
qui est intitulé : Commentaire de V authoritè de
quelque concile que ce soit sur le pape*, « II y
a, disait-il dans la dédicace à la Reine régente,
une si estroite liaison entre la religion et Testât
qu'aussitôt qu'elle est blessée, il en ressent le
contrecoup Attaquer la monarchie spirituelle
de l'Eglise préparera à déférer moins au pouvoir
royal. »
En 1614 parut l'œuvre principale de Bouju.
C'est un in-folio contenant : Le corps de toute la
philosophie divisé en deux parties. La première
comprend tout ce qui appartient à la sapience,
à sçavoir, la logique, la physique et la méta-
physique. La seconde, tout ce qui appartient à la
prudence, àscavoir, la morale, Vœconomiqueetla
politique. Le tout par démonstration et authoritè
d'Aristote, avec esclaircissement de sa doctrine
par luy mesme. Pour la première fois une expo-
sition complète du Péripatétisme se produisait en
français. Bouju la destinait à l'instruction de la
1 Paris, 1613, in-4. — V '. Etude historique sur Richer, par
l'abbé Puyol. 2 vol. in-8, 1876, Paris.
DE JACQUES BOUJU. 77
noblesse « qui n'avait pas le temps d'apprendre
le grec. » Il croyait à l'alliance de la religion et
de la philosophie et promettait « de conduire à
la foi par les lumières naturelles de la raison. »
L'entreprise était belle, et, pour l'avoir tentée,
Théophraste a mérité d'échapper à l'oubli.
Il revint ensuite aux querelles théologiques.
Richer avait affecté de le dédaigner; Vigor l'atta-
quait avec une extrême violence. Il se vengea
par sa Deffense pour la hiérarchie de i Eglise et
de nostre sainct père le pape contre les faussetés
et calomnies de maistre Simon Vigor et autres,
ouvrage édité en 1620 (Paris, in-8), et dont le
privilège et l'approbation remontent à 1618.
Dans l'intervalle il avait dédié au cardinal de
Retz son dernier traité contre les Calvinistes :
Destruction de la prétendue vocation des minis-
tres à la charge de pasteurs selon le livre mes/ne
de Dumoulin, leur confrère ; plus le bouclier de
leur foj démontrée fausse par la S aincte Ecriture
(Paris, 1819, in-8).
Ces travaux multipliés n'avaient pas appauvri
Bouju. Outre la seigneurie de Beaulieu en Anjou
qu'il tenait de son père, il possédait plusieurs
immeubles dans le Mantois, près de Montfort-
l'Amaury. Je dois ce renseignement à M. Adolphe
de Dion, archéologue distingué qui habite Mont-
fort où il a compulsé avec une rare patience les
78 DESCENDANTS
registres du tabellionage de cette ville et les
papiers des paroisses voisines 1 .
On y voit que, dès 1611, Théophraste était sei-
gneur de Maison-Rouge sur la paroisse de Méré.
En 1612, il rendait hommage en cette qualité au
seigneur de Mareil-le-Guyon. Il affermait sa mé-
tairie de Méré et soixante arpents à 4 livres l'ar-
pent. En 1613, il faisait hommage au château de
Montfort pour le fief du Val au bois Renoult
récemment acquis. Il recevait comme seigneur
de Maison-Rouge l'hommage du fief deNouvellon
et il achetait, moyennant 62 livres 10 sols,
62 perches et demie de terre. En 1616, il louait
90 livres son moulin à vent de la Masse. Enfin
en 1620, il achetait encore deux arpents à
Galluis.
On ne sait par quels motifs Théophraste avait
été amené à se partager ainsi entre l'Anjou et le
Mantois. Peut-être Montfort l'avait-il séduit par
la proximité de Paris. Ce qui est certain, c'est
qu'il y avait attiré quelques-uns de ses parents.
1 Le répertoire et les minutes du tabellionage sont en l'étude
de M e Brault, notaire a Montfort, qui a le bon goût de les
ouvrir aux recherches des érudits. Les papiers des paroisses,
depuis les confiscations de 1793, sont confiés aux receveurs
de l'enregistrement et changent de grenier à chaque mu-
tation du personnel. Leur place serait aux archives du
département.
DE JACQUES BOUJi:. 79
En 1613, sa sœur Catherine Bouju y était de-
venue propriétaire d'une maison située rue Saint-
Nicolas. En 1617, son frère Daniel Bouju faisait
hommage au comte de Montlort pour la châtel-
lenie de Boissy-sans-Avoir que lui avait cédée
Victor Moreau , baron de Ligueuil et doyen de
Saint-Martin de Tours. Ce Daniel avait encore le
fief de Chardonnay sur la paroisse de Septeuil.
En 1618, ayant hérité de Catherine, il revendait
la maison de la rue Saint-Nicolas. Il résidait à
Maison-Rouge, lorsque, le 12 février 1621, se
portant fort de Théophraste absent, il renouvela
le bail de la ferme de Méré. Il mourut quelques
mois après.
Théophraste ne lui survécut pas longtemps. Le
16 novembre 1621, malade à Paris, en sa de-
meure du cloître Notre-Dame, il dicta son testa-
ment 1 dans lequel il prenait les qualités de sei-
gneur de Beaulieu et de Maison-Rouge, conseiller
et aumônier ordinaire du roi. Jl donnait vingt
livres de rente à l'église de Méré en exprimant
le désir d'y être inhumé. Il léguait 36 milles livres
à ses quatre nièces et le reste de ses biens à ses
quatre neveux, tous fds et filles de feu Daniel.
Le 3 décembre 1621, rainé des neveux, en
son nom et au nom de ses cohéritiers, fit hom-
1 Archives de Maine-et-Loire, E. 1771.
80 DESCENDANTS
mage au seigneur de Mareil-le-Guyon pour la sei-
gneurie de Maison -Rouge, il est donc établi que
Théophraste Bouju décéda entre le 16 novembre
et le 3 décembre de cette année.
Son testament me ramène à la descendance lé-
gitime de Jacques Bouju. J'essaierai d'en exposer
rapidement la suite. Il n'est pas sans intérêt de
montrer comment les familles se développent et
finissent.
De son mariage avec Catherine Peschart le
Président Bouju paraît n'avoir laissé que trois
enfants, Charles, Daniel et Catherine.
L'ainé, Charles, eut en partage la terre des
Landes. Il y vécut obscurément. Toute son his-
toire est dans quelques extraits des registres de
Juvardeil où il figure comme parrain, les 18 et
29 août 1584, le 23 novembre 1587, le 24 juillet
1595. L'acte suivant résume tout ce qu'on sait de
lui: « Le 19 juillet 1595, Isabeau, fille de
Etienne Nail et de Julienne, sa femme, fut bapti-
sée par moy Mathurin Coquereau, prestre, la
tenant sur les fonts honeste homme, Jehan
Briant, marraines damoyselle Marie Odellin,
épouse de noble homme Charles Bouju, sieur des
Landes, et Jehanne, veufve de deffunct Gabriel
Vertes. » Vient après la signature Marie Edelin.
Il faut ajouter que « le 1 er juillet 1594, noble
homme Charles Bouju, sieur des Landes, d lle Ma-
DE JACQUES BOUJU. 81
ne Edelin, sa femme, noble homme Jacques
Bouju, sieur de la Chaussée, tous demeurant à
Angers, avaient constitué une rente de 10 écus
au profit de l'église d'Angers 1 . » — « Le 1 er mars
1596, noble homme Jacques Bouju, sieur de la
Chaussée, noble Charles Bouju, sieur des Landes,
d lle Marguerite Artus, veufve de noble Guillaume
Bouju, sieur de Puisguilli, constituèrent 18 écus
de rente au profit de la même église 2 . » — Enfin
ce le 9 mai 1596, Charles Bouju, sieur des Landes,
et Jacques Bouju, sieur de la Barauderie, furent
admis dans la confrairie des bourgeois d'Angers 3 .»
Le 14 novembre 1597, Charles Bouju fut en-
core parrain d'un fils de son frère Daniel Bouju,
sieur de Monterbault. Depuis il n'en est plus
parlé. Probablement il mourut, sans enfants, vers
1606 ; car, à partir de cette époque, Daniel prend
le titre de seigneur des Landes.
Leur sœur, Catherine, était née en octobre
1573. Les registres de Juvardeil nous la montrent
plusieurs fois marraine. Appelée simplement Ca-
therine Bouju dans les premiers actes des 24 fé-
vrier 1585, 6 juin et 19 septembre 1586, elle est
W. Mss. de Thorode, n° 1004, à la Bibliothèque d'An-
gers. Les Bouju de la Chaussée, de Puisguilli et de la Barau-
derie, comme beaucoup d'autres cités dans les registres de
Juvardeil, appartenaient à la famille du Président. Je n'ai pu
découvrir à quel degré.
6
82 DESCENDANTS
en outre qualifiée dame de Beaulieu dans ceux des
23 septembre 1587,24 août et 23 décembre 1588.
Beaulieu était une gentilhommière voisine des
Landes. Si ce petit domaine avait été destiné à
Catherine, des arrangements ultérieurs l'attri-
buèrent à Théophraste Bouju qui, depuis 1589,
n'a pas cessé d'eu porter le nom. Aussi Cathe-
rine n'est-elle plus présentée comme dame de
Beaulieu dans le dernier acte qui lui est relatif:
« Le 7 mo jour d'avril 1592 à la matinée fut baptizé
Jehan fils de Thomas Ery et de Ysabeau Eldry,
et parrains honneste homme Jehan Bryand et
honneste homme Nicolas Jouet et marraine da-
moyselle Catherine Bouju, fille de Mademovselle
la présidente Bouju et des Landes. »
Plus tard Catherine alla s'établir auprès de
l'abbé Théophraste à Montfort. Le 28 mars 1613,
elle y acheta une maison au prix de 974 livres.
En 1618, son frère Daniel, qui était son héritier,
revendit cette maison pour une rente de 56 livres
remboursable à 900 livres.
Tous les biens du Président revenaient peu ;t
peu à son second fils, Daniel Bouju. Celui-ci
avait été d'abord pourvu de la seigneurie de
Monterbault-sur-Ecueillé, Dès 1580, les registres
de Juvardeil lui en donnent le titre 1 .
1 « Le 17 septembre t 5H6 lut baptisé Moyse, (ils de Oli-
DE JACQUES BOUJU. 83
En 1593, il épousa Françoise Lair, fille de
Guillaume Lair, sieur de la Tousche, contrôleur
du magasin à sel d'Ernée, châtelain et receveur
du duc de Mayenne. Le contrat fut passé le
22 mai 1593 % en cette ville, au domicile de
Guillaume Lair qui promettait une dot de 2,000
écus et la jouissance d'une métairie de 66 écus
de rente. Les futurs s'engageaient à s'unir selon
l'église catholique. Il était mentionné que Cathe-
rine Peschart, mère de Monterbault, était encore
vivante 2 ; mais, chose singulière, parmi les pa-
rents et amis qui ont signé, il n'y a pas unBouju.
De ce mariage naquirent de nombreux enfants
presque tous baptisés à Juvardeil, le dernier en
1609. Dans leurs actes de baptême 3 , leur père,
vier Bordeau et de Rose Rousselet, sa femme. Parains noble
homme Daniel Bouju, sieur de Monterbault, et Laurent
Bordeau ; marraine Catherine Bouju. »
1 Cabinet des titres de la Bibliothèque nationale, t. 445
des pièces originales, n° 10,061, pièce 28.
2 Elle mourut en 1604 : « Damoiselle Catherine Peschart,
veufve de deflunct noble maistre Jacques Bouju, en son vi-
vant Président en Parlement de Rennes et seigneur de
Landes, a esté ensépulturce ce 19 me jour de mars 1604, par
Monsieur le curé (de Juvardeil) . »
3 Voici les actes que j'ai trouvés sur les registres de
Juvardeil :
1. « Théophastre, iilz de noble homme Daniel Bouju,
sieur de Monterbault, et damoysselle Françoyse Layr, fut
84 DESCENDANTS
à partir de 1601, est désigné comme gentilhomme
servant de la maison du Roi. En 1606, il joint à
baptisé par vénérable et discret messire Guillaume Guerrier,
curé de Juvardeil, et le tinrent sur les fonts noble homme
Mathurin Sibille, sieur de la Buronnière, et noble homme
Charles Bouju, sieur de Landes, marainne damoysselle
Renée de Charnacé, dame de Viviers, faict le 4 m0 jour de
septembre 1597. »
2. « Le 24 l,,e jour d'octobre 1598 fut baptisé Gabriel, filz
de nobles personnes Daniel Boujeu et Françoyse Layr.
Parains nobles personnes Gabriel de Blavou, sieur de Launay,
consellier du Roy en sa court de Parlement de Bretaingne, et
Jacques Gaultier aussy consellier du Roy et contrôleur gé-
néral des restes et impositions forainnes d'Anjou, marainne
damoyselle Jacquine Layr. »
3. « Guillaume, lilz de noble homme Daniel Bouju et
damoysselle Françoyse Layr, son espouse,fut né le 21 me jour
de mars et fut baptisé le 25 me jour dudit mois, jour de l'an-
nonciation nostre Dame, par moy Mathurin Coquereau,
prestre, et le tinrent sur les fonts noble Francoys, filz de
noble homme Francoys Sibille, sieur de la Buronnière, et
honorable homme Jehan Quentin, sieur de la Paturerie, ma-
rainne honeste femme Renée Bouju, femme de honeste
homme Jehan Briand, faict le 25 me jour de mars 1600. »
4. « Le 28 me jour de may 1(501 a esté baptizée Françoise,
tille de noble homme Daniel Bouju, gentilhomme servant de
la maison du Roy, sieur de Monterbault, et Françoise Lair,
son espouse ; parain noble homme Jehan Lair, escuyer, sieur
de la Haye, et ont esté marainnes damoiselles Marye de
Vabi 'es et Catherine Lair. »
5. « Le rj' no jour de juillet 1602 a esté baptizée Marie,
fille de noble homme Daniel Bouju, gentilhomme servant de
la maison du Roy, sieur de Monterbault, et damoiselle Fran-
DE JACQUES BOUJU. 85
la qualité de seigneur de Monterbault celle de
seigneur des Landes.
çoise Lair, son espouse. A esté parain noble homme Charles
de Charnacé, sieur de Ghantelou, marainne damoiselle Marie
Sibille, dame de la Paturerie. »
6. « Renée, fille de noble Daniel Boju, sieur de Monter-
bault, et de Françoise, sa femme, a esté baptizée, et sont son
parain noble François Gaultier, s r le Longles, conseiller
et damoiselle Renée Raoul, espouse de noble Gabriel de
Blavou, conseiller en Parlement de Bretaingne, ce 2 mo jour de
septembre 1503. »
7. « Le 12 me jour de may 1605 fut baptizée Philippes,
fille de noble homme Daniel Boujeu, seigneur de Monter-
bault et de damoizelle Françoise Layr ; parain noble homme
Jehan Layr, marainne Marie Layr. »
8. « Le 24 nie jour d'aoust (1606) fut baptizé René, fdz
de noble homme Daniel Boujeu, escuyer, seigneur de Mon-
terbault et de Landes, et de damoiselle Françoise Layr, son
espouse. Parain René Durant, maraine Marie Champain. »
- 9. « Le lundy 22 me jour de juing 1609 fut baptizé Théo-
phraste, filz de noble homme Daniel Bouju, escuyer, seigneur
de Monterbault et gentilhomme servant le Roy, et de damoy-
selle Françoyse Lair, sa femme. Parain noble homme René
Cireu, escuyer, sieur du Plessis et marainne damoy selle
Susanne de Charnières, dame des Pins. »
J'ajoute un acte assez curieux parce que la qualité de
noble reconnue au fils du Président y est refusée à un autre
Bouju de la même famille. « Le 5 me jour de may 1602 a été
baptizée Marie, fille de honorable homme Pierre Bouju, s r
du Port, et de Marie Madrés, sa femme. A esté parain noble
homme Daniel Boju, sieur de Monterbault et gentilhomme
servant de la maison du Roy, marainne damoiselle Marie,
fille de Monsieur de la Buronnière. »
86 DESCENDANTS
Daniel Bouju, vers 1613, transporta son domi-
cile dans le comté de Montfort où il acquit la
terre de Boissy-sans-Avoir et le fief de Chardon-
nay. En 1615, il louait 300 livres sa ferme de
Boissy avec 40 arpents. En 1617, il rendait hom-
mage pour cette châtellenie, et il en rachetait le
bail consenti par son prédécesseur. En 1618, il
recueillait l'héritage de Marie Lair, dame de
Courcelles, sœur de sa femme 1 . Enfin, en 1621,
il signait une quittance ainsi conçue : « Je Daniel
de Bouju, sieur de Monterbault, gentilhomme
servant du Roy, confesse avoir reçu comptant de
M e Raymon Phelippeaux, sieur de Herbault, con-
seiller trésorier de Tespargne, 300 livres dont il
a plu à Sa Majesté me faire don en considération
de mes services 2 . » Cette quittance est du 23 sep-
tembre 1621. Le 16 novembre suivant, l'abbé de
Beaulieu testait en faveur des enfants de Daniel
Bouju, son frère défunt. Daniel était mort entre
ces deux dates. Il laissait quatre filles, Catherine,
Marie, Renée, Philippes, et quatre fils, Daniel,
Gabriel, Guillaume, Théophraste.
L'abbé de Beaulieu avait institué légataires
1 Minutes du tabellionage de Montfort. Notes communi-
quées par M. de Dion.
8 Cabinet des titres de la Bibliothèque Nationale, t. 445
des pièces originales, n° 10,067.
di<: jACQiiiïs Hor.ii;. 87
universels ses quatre neveux et légué à chacune
de ses quatre nièces 9,000 livres payables à leur
mariage ou à leur vingt-cinquième année et, en
cas de prédécès, réversibles aux autres. Daniel,
qui était l'aîné, administra les deux successions.
Il remplaçait son père comme gentilhomme de la
maison du Roi. Il avait la tutelle de Théophraste
encore mineur. Dès le 3 décembre 1621, repré-
sentant ses cohéritiers, il rendit les hommages
exigés pour Maison-Rouge et Chardonnay, et, le
16 avril suivant, pour Boissy et le Val du bois
Renoult. Il loua le moulin de la Masse, et, en
1623, afferma au prix de 600 livres par an la
seigneurie des Landes 1 .
Il ne paraît pas qu'alors ni depuis il y ait eu
aucun partage. Daniel prit le nom de Monter-
bault. Souvent aussi il se qualifia seigneur des
Landes, de Boissy et de Maison-Rouge. Gabriel
fut seigneur de Beaulieu ; Guillaume, de Boissy.
Les registres de Juvardeil attribuent à Théo-
phraste, puis à Guillaume, le titre de seigneur des
Landes.
A la fin de 1623, Daniel et Guillaume furent
poursuivis à la requête d'un sergent royal de
Montfort qu'ils avaient « de guet-apens battu et
1 Minutes du tabellionage de Montfort. Notes de M. de
Dion.
DESCENDANTS
blessé. » Après les premières enquêtes, le prévôt
de cette ville les condamna à payer par provision
les frais de chirurgien. Sur leur appel, le bailli
prononça, le 15 janvier 1624, une sentence par
défaut qui, évoquant le fond, ordonnait le ré-
colement des témoins et augmentait le chiffre de
la provision. La suite de cette fâcheuse affaire
n'est pas connue 1 .
Catherine Bouju avait épousé Jacques de Lam-
bert, sieur de Poie. Celui-ci exigea que les droits
de sa femme fussent réglés ; un acte du 12 août
1626 lui donna satisfaction, au moins en partie.
Marie et Renée Bouju furent moins heureuses.
Elles étaient en âge de réclamer les legs de leur
oncle. Leurs frères ne se pressaient pas de les
payer. Cependant, le 8 avril 1629, « Daniel
Bouju, escuyer, sieur de Monterbault, Gabriel
Bouju, escuyer, sieur de Beaulieu, se portant fort
de Guillaume Bouju, escuyer, sieur de Boissy, et
de Théophraste Bouju, escuyer, prieur de
Grais, » promirent d'abandonner à Marie et à
Renée la ferme de Maison-Rouge. Des experts
furent désignés pour en fixer la valeur. Il fut
convenu que si l'estimation dépassait 18,000 li-
vres, le surplus serait remis à Philippes, lorsqu'elle
1 Archives de Seine-et-Oise. Liasses du bailliage de
Montfort.
DE JACQUES BOUJU. 89
aurait atteint sa vingt-cinquième année. Jusque-
là elle devait toucher l'intérêt au denier 25.
Cette convention ne fut pas exécutée. Daniel
continua à gouverner Maison-Rouge comme s'il
en eût été propriétaire. Il renouvelle les baux ; il
vend ou échange les terres 1 .
Le 17 octobre 1634, Philippes Bouju, à la
veille de mourir, dicte son testament. Elle de-
mande à être inhumée dans l'église de Méré, à
côté de son oncle et de sa mère. Elle nomme Da-
niel son exécuteur testamentaire. Elle lègue à
Théophraste les intérêts des sommes à elle dues.
L'état de ses dettes est curieux : 400 livres à un
procureur de Montfort pour son logement et sa
nourriture pendant deux ans; 263 livres à sa
sœur Catherine; 200 livres à Marie et à Renée
« pour lui avoir fourni sa nourriture et l'argent
de sa dépense, lorsqu'elle demeurait à Maison-
Rouge où il n'y avait qu'un fermier; » 100 livres
à damoyselle Midorge, sa cousine germaine 2 . »
1 Minutes du tabellionage de Montfort. Notes de M. de
Dion.
2 Minutes du tabellionage. Notes de M. de Dion. Le 27 dé-
cembre 1634, une dame de la Méroussière, demeurant aux
Mesnils, près Montfort, choisit pour son exécuteur testamen-
taire Théophraste Bouju, prieur de Grais, son ami et allié.
Peut-être ces parentés dans le comté expliquent -elles que les
Bouju s'y soient établis.
90 DESCENDANTS
En 1639, Daniel était capitaine d'une compa-
gnie de cent carabins. Il résidait à Paris, sur la
paroisse Saint-Sulpice. Le 26 août de cette an-
née, il confia à sa femme, Renée de la Grange
Vigan, une procuration générale pour adminis-
trer tous ses biens. M me de Monterbault usa folle-
ment de ce pouvoir. Dès le 1 er août 1640, elle
empruntait dans la ville de Chevreuse à noble
homme André Lesage, avocat au Parlement,
40,000 livres dont moitié comptant, et moitié en
deux gros diamants, un collier de perles, et
autres objets : ce qui fait penser au lézard
empaillé d'Harpagon 1 .
Daniel n'était pas plus sage. Le 12 septembre
1640, il affermait moyennant 1,200 livres par an
la terre et seigneurie de Maison-Rouge, avec ses
dépendances, le moulin de la Masse et sept vingt
arpents. Il touchait une année d'avance. Il ven-
dait en même temps au preneur les instruments,
les bestiaux, les récoltes, les fumiers, et en
recevait le prix s'élevant à 5,945 livres.
Ces sommes ne servirent pas à désintéresser
ses sœurs. Elles avaient pourtant saisi Maison-
Rouge ; elles s'en étaient fait céder le bail judi-
ciaire adjugé par arrêt du Parlement du 24 juillet
1 Cabinet des titres de la Bibliothèque Nationale, t. 445
des pièces originales, n° 10,061, pièces 22, 23, 24, 25.
DE JACQUES BOUJU. 91
1640. En 1641, Renée, se portant fort de Marie,
apurait les comptes de la petite ferme de Méré.
En 1642, Marie, se portant fort de Renée, louait
le moulin de la Masse 1 .
Ici se présentent plusieurs événements de fa-
mille. A la date du 15 janvier 1641 les registres
de l'église de Montfort signalent le baptême de
Daniel, âgé de 3 ou 4 ans, fils de Daniel Bouju,
sieur de Monterbault et de Renée du Vigan.
La même année, Gabriel décéda en Anjou. Sur
un des registres de Juvardeil on lit : « Le diman-
che 18 d'aoust 1641, fut enterré soubs le banc des
Landes le corps de deffunct Gabriel Bouju, vi-
vant sieur de Beau lieu. Le prieur de Cellières a
fait la sépulture. » Sur un registre de Cellières
on lit encore : « Le 15 ine jour de juin 1643 fut
baptisé sur les fonts de Cellières un enfant qui a
esté donné en nourrisse chez Philippe Touchet,
demeurant à la Gullonnière de ceste paroisse,
pour ledit enfant n'avoir esté baptisé, comme
nous avons appris pour certain par Barthélémy
de la Garnaudv, père dudit enfant, et Geneviefve
Montereul, sa mère domestiques chez damoy-
selle Suzanne de Soucelles, veufve de feu Mon-
sieur de Beaulieu. » Gabriel Bouju avait ordi-
1 Minutes du tabellionage de Montfort. Notes de M. de
Dion.
92 DESCENDANTS
nairement habité Juvardeil. Sur le papier des
sépultures de cette paroisse on trouve, dès 1624,
cette mention : « Le 8 janvier 1624 fut enseveli
un enfant masle qui a été baptizé au logis par
Monsieur de Beaulieu en la maison seigneuriale
des Landes, par moy vicaire. Vérifié ledit baptême
par ledit Noguette, prestre. » Le 26 mars 1625,
le 15 novembre 1632, on retrouve encore, dési-
gné comme parrain dans deux actes de baptême,
« noble homme Gabriel Bouju, escuyer, sieur de
Beaulieu. »
Théophraste Bouju est qualifié prieur de Grais
dans plusieurs titres du tabellionage de Montfort.
En 1645 sa présence à Juvardeil est indiquée sur
les registres du prieuré de Cellières : « Le 28 aoust
1645 fut baptisé en ceste église François, fils de
Pierre Potery et de Noëlle François. Fut parrain
Théophraste Bouju, escuyer, seigneur des Landes,
paroissien de Juvardeil ; marraine Catherine
Chayrier, paroissienne de la Trinité d'Angers. »
Suit la signature « de Landes Bouju. »
En 1643, Marie Bouju, âgée de 41 ans, s'était
mariée avec François de Furet, seigneur de
Bourgneuf et de Cernay. Le contrat, passé à
Maison-Rouge le 23 mars, portait que les époux
seraient communs en meubles et conquets im-
meubles. Dans cette communauté devait entrer
la moitié en principal et intérêts des 12,000 li-
DE JACQUES BOUJU. 93
vres que la future avait droit de prendre dans la
succession de son oncle, tant de son chef que
comme substituée en troisième portion à sa sœur
Philippes.
Le sieur de Bourgneuf réclama, sans l'obtenir,
ce qui appartenait à sa femme. Un arrêt du Par-
lement du 6 août 1633 avait ordonné la délivrance
des legs de l'abbé de Beaulieu. Depuis on n'avait
cessé de plaider. Pour terminer tous les diffé-
rends, un compromis fut signé à Montfort, le
21 juillet 1(345, entre « Renée Bouju et les sieur
et dame de Bourgneuf d'une part, et Daniel
Bouju, escuyer, sieur de Monterbault, se portant
fort de Guillaume Bouju, escuyer, sieur de
Boissy, gouverneur pour le Roy en la ville et
chasteau de Pontderny (?), et de Théophraste
Bouju, escuyer, ses frères, d'autre part. » Des
arbitres avaient été nommés. Une clause pénale
était stipulée. Elle n'empêcha pas le compromis
de rester sans effet. Il fallut en revenir aux voies
de rigueur. Maison-Rouge fut de nouveau saisi à
la requête de Renée Bouju et de la dame de
Bourgneuf. Le bail judiciaire en fut adjugé en
juin 1649 à un sieur de Minières qui le céda à
Jacques de Vandeuil 1 .
Les embarras de Daniel étaient extrêmes. De-
1 Minutes du tabellionage de Montfort.
94 DESCENDANTS
puis longtemps il voyait sa femme poursuivie en
paiement des 40,000 livres qui lui avaient été
prêtées en 1640 *. Le 22 juillet 1649, « étant à
Thôtellerie du Chapeau-Rouge à Montfort, il
reconnaissait que « Gaspard Labbé, archer de la
compagnie du prévôt provincial, et Jean Boyer
avaient emprunté de M. Jean des Glèves la
somme de 300 livres qu'ils lui avaient baillée
pour les employer à ses nécessités. » Déjà, le
3 juin précédent, à Maison-Rouge, dans un acte
où il prenait la triple qualité de sieur de Monter-
bault, Boissy et Maison - Rouge, Daniel avait
constitué sa femme procuratrice générale avec
pouvoir de vendre la châtellenie de Boissy et
Pavait autorisée à aliéner ses immeubles person-
nels. Le 11 août 1649, Daniel Bouju, sieur de
Monterbault, et Guillaume Bouju, sieur de
Boissy, par contrat passé à Paris, se décident à
céder la seigneurie de Maison-Rouge à noble
homme Regnault Jacquet, maître des comptes de
Navarre. Le 13 août, Minières et Vandeuil se dé-
mettent de leur bail judiciaire au profit de Jac-
quet qui, le 29 septembre, rend hommage au
1 Cabinet des titres de la Bibliothèque Nationale, t. 445
des pièces originales, n° 10,061, p. 21. Extrait d'un arrêt
des requêtes du 30 avril 1647 ordonnant que François de
Rouville affirmera quelles sommes il doit à la dame du
Vigean, sinon sera condamné à payer 33,300 livres.
DE JACQUES BOUJU. 95
seigneur de Mareil. Enfin, le 4 mai 1650, Daniel
ratifie la vente faite par Renée Du Vigan des hé-
ritages et rentes à blé qu'elle possédait en Anjou.
La ruine des Bouju était imminente. Leurs dettes •
n'étaient pas payées, et il ne leur restait plus que
Boissy et leurs terres de Juvardeil 1 .
On a pu remarquer que dans le dernier acte
relatif à Maison-Rouge il n'est pas question
de ïhéophraste alors décédé. Guillaume l'avait
remplacé aux Landes, ce qui résulte de l'extrait
suivant des registres de Cellières : « Le 5 me jour
de juillet 1651 fut baptisé sur les fonts de Cel-
lières, par permission du curé de Juvardeil,
Jehan, fils de noble homme Jehan Pelle, valet de
chambre du Roy, etdedamoyselle Catherine Bodin
demeurants en la maison seigneuriale des Landes
en Juvardeil. Fut parrain messire Guillaume.de
Bouju, chevalier, seigneur de Bouessy et des
Landes ; marraine damoyselle Jehanne Leconte
demeurant à Angers. » Deux ans après on lit sur
les registres de Juvardeil : « Le mesme jour
(25 janvier 1653) a esté inhumé en l'église de
céans le corps de deffunct Guillaume Bouju, vi-
vant escuyer, sieur de Boissy. » Daniel, de-
1 Minutes du tabellionagc de Montfort. Extraits communi-
qués par M. de Dion, à qui je ne saurais adresser trop de
remerciements.
96 DESCENDANTS
meure seul des quatre frères, mourut en 1658,
après avoir fait des dispositions en faveur de
l'église de Boissy. Il avait voulu y être enterré
• dans le chœur « place des seigneurs ses
prédécesseurs 1 . »
Renée Bouju, seule survivante des quatre
sœurs, décéda vers 1664, époque où fut exécuté
son testament dicté à Paris le 26 juillet 1656.
Elle laissait à l'église de Juvardeil 1,800 livres et
à l'église de Montfort une rente de cent livres
remboursable à 1,800 livres et sur laquelle 40 li-
vres devaient servir à l'entretien d'un précepteur
ecclésiastique. Sa fortune était distribuée à des
parents éloignés, au détriment de son unique
héritier, François Daniel Bouju, sieur de Boissy,
fils de Daniel de Monterbault et de Renée du
Vigan 2 . On comprend les motifs de cette exhé-
rédation. Renée Bouju avait eu à se plaindre de
1 Notice historique sur Bolssy-sans- Avoir ■, par l'abbé
Quillery, curé de cette paroisse. Versailles, 1859, in- 12,
p. 190.
2 Archives de Maine-et-Loire, E, 1771. — Papiers de la
fabrique de Montfort. La rente fut remboursée en 1666.
L'argent fut employé à la construction des orgues, et la fa-
brique s'engagea à payer 40 livres par an au curé pour
l'instruction des pauvres. — Voir' Nobiliaire et Armoriai
du comté de Moiitjort-l ' Amaary par Adrien Maquet et
Adolphe de Dion; Rambouillet, 1881, in-8°, v° Bouju,
p. 121.
DE JACQUES BOUJU. 97
son frère. Elle était brouillée avec sa belle-sœur.
Elle ne pardonna pas à son neveu. Celui-ci atta-
qua le testament; mais un arrêt du 7 septembre
1673 le débouta de ses prétentions '.
Après la mort de son père, le 8 juillet 1658,
ce François Daniel de Bouju, escuyer, sieur de
Monterbault, Boissy, Landes et autres lieux,
demeurant en la maison seigneuriale de Boissy,
héritier sous bénéfice d'inventaire de défunct
messire Daniel Bouju, chevalier, seigneur des-
dites terres », avait fait hommage au Roi et au
comte de Montfort pour la châtellenie de Boissy-
sans-Avoir. Il fut bientôt dépouillé de ce domaine
qui, saisi et adjugé à François Briçonnet, sei-
gneur de Rosay, fut revendu par ce dernier, le
29 mai 1670, à D Ue Marie Bignon, veuve de
Pierre de Goussainville, lieutenant général de
Montfort 2 . Le 7 novembre 1667, François Daniel
avait épousé Antoinette du Mortier de la Rusche-
nière 3 . Il mourut vers 1703. En effet, le 5 juin de
1 Archives de Maine-et-Loire, E, 1771. Il y a un mémoire
relatif à cette succession.
2 V. dans le registre du tabellionage de Montfort, ann. 1670,
l'acte de vente du 29 mai 1670. L'arrêt du Parlement qui
avait adjugé Boissy à François Briçonnet est relaté dans
cet acte, mais la date de l'arrêt est restée en blanc.
3 Registres de Juvardeil : « Le samedy septiesme jour de
novembre mil six cent soixante et sept ont espousé et receu
7
98 DESCENDANTS
cette année, son fils et héritier bénéficiaire, Jean
de Bouju de Boissy, prêtre, prieur de licence en la
faculté de théologie d'Angers, présentait requête
au lieutenant général de cette ville, disant « que
François Daniel de Bouju, sieur de Boissy, était
aussi seigneur des Landes, sur la paroisse de Ju-
vardeil, que les seigneurs de cette terre avaient
concédé le fond de la nef de l'église et le cime-
tière, construit le clocher, et accordé plusieurs
autres dons tant à la cure qu'à la fabrique, qu'il
leur est dû divers droits honorifiques, comme les
prières nominales après le seigneur de la pa-
roisse, et d'être, avec leurs femmes et enfants,
la bénédiction nuptiale en la dite église, après les proclama-
tions faictes par trois divers jours de feste ou dimanche aux
églises de St-Sébastien de Boissy-sans -Avoir près Montfort et
céans et toutes autres cérémonies duement observées, Fran-
çois Daniel de Bouju, escuyer, seigneur dudit Boissy et
Landes et autres lieux, fils de deffunct Daniel de Bouju, vi-
vant escuyer, seigneur de Monterbault et de dame Benée du
Vigan, assisté de François de Bouchsony, bourgeois à Paris,
et damoiselie Anthoinette du Mortier, fille de deffunct Louis
du Mortier, vivant escuyer, seigneur de la Buschenière, et
de deffuncte damoiselie Elisabeth de Charnassé, assistée de
Alexandre de la Saugère, escuyer, seigneur de Fougellé, son
beau-frère, de Louis du Mortier, escuyer, seigneur du Pin,
et de plusieurs autres de leurs parents et amis, en présence
de Messire Jean Blanchard, prestre, de ïhéophraste de
Montgodin, seigneur de Travaillé et de Pierre Lemonnier,
par moy curé. »
DE JACQUES BOUJU. 99
ensépulturés dans l'église ou le cimetière sans
rien payer. » En conséquence il demandait à être
autorisé, malgré l'opposition du curé, à faire en-
terrer son père dans l'église 1 . On ignore la suite
de ce démêlé. Ce qui est certain, c'est que, le
18 juin 1709, Jean de Bouju de Boissy, prêtre,
docteur en théologie, curé d'Ambillou et sieur des
Landes, fut condamné à fournir son aveu pour
cette seigneurie. Le 8 novembre, il s'avoua vas-
sal. Il disparait ensuite. En 1727, M re Jérôme-
François liescuyer, sieur de Muret, lieutenant
général des armées du roi, vend les Landes à
M re Jean Goujon, baron de Châteauneuf, secré-
taire des conseils d'Etat et des finances. Goujon,
voulant purger les hypothèques, fait saisir la
terre qui lui est adjugée le 18 mai 1729. Enfin,
en 1755, M re Denis Amelot, marquis deChaillou,
baron de Châteauneuf, colonel d'infanterie, che-
valier de Saint-Louis, est seigneur de Juvardeil,
des Landes, de Monterbault et de Beaulieu 2 . La
postérité du Président Bouju s'était éteinte, après
avoir été ruinée.
Il convient de compléter cette notice par quel-
ques détails sur la descendance de Guillaume
Bouju, frère du président Jacques Bouju. Ce
1 Archives de Maine-et-Loire, G, 2086.
2 Archives de Maine-et-Loire, E, 290, 310, 324.
100 DESCENDANTS
Guillaume prenait la qualité de marchand, de-
meurant à Châteauneuf-sur-Sarthe 1 . De 1545 à
1571, il acquit successivement les seigneuries de
la Sorinière, de la Royerie, de la Corraudière, de
Travaillé et du Mortier. Il mourut vers 1572 : ce
qui est établi par un acte du 7 juillet 1572 dans
lequel figure, comme marraine, « Marguerite
Bouju, fille de défunct honneste personne Guil-
laume Bouju, vivant seigneur de Travaillé 2 .» De
son mariage avec Jeanne Ysambart étaient nés
cinq enfants :
1 . Michel, conseiller au Parlement de Bretagne.
2. Guillaume Madelon, sieur de la Madelaine,
gouverneur du comté de Nègrepelisse.
3. Jacques, dit les Rochers, sieur des Roches.
4 et 5. Rose et Marguerite les Boujues.
L'aîné, Michel, avait été, en 1568, sous les
auspices de son oncle, nommé conseiller au Par-
1 Voir notamment l'extrait cité plus haut des mss. de
Thorode qui mentionne une constitution de rente faite, le
15 février 1560, au profit de l'église d'Angers, par Guil-
laume Bouju, marchand, demeurant à Châteauneuf. — Dans
le répertoire des aveux de Travaillé en Juvardeil (Arch. de
M.-et-L.,E, 341) on lit : « Le 26 août 1557, foy et hommage
par Guill. Bouju, marchand, demeurant à Châteauneuf, à
M re de Daillon, seigneur de Juvardeil, pour la métairie de
la Sorinière. »
2 Archives communales de Juvardeil.
DE JACQUES BOUJU. 101
lement de Bretagne. Les 24 et 29 juillet 1 576, en
son nom comme héritier de son père et au nom
de sa mère, il fit foi et hommage pour Travaillé,
la Sorinière et le Mortier-Riant 1 . Sur les registres
de Juvardeil, à la date du 22 décembre 1580, est
l'acte de baptême de ce Léonor, fille de noble
homme, Michel Bouju et de damoyselle Françoise
Surguin, sieur et dame de Travaillis. Parrain
noble homme Jehan de Villemoreau ; marraines
d lles Christoflète Gillet et Anne Surguin.» Léonor
ne vécut pas ; car Michel n'a laissé qu'une fille,
Jacqueline Bouju. Il mourut en 1581 ; le 17 août
1582, Jean deMorelon fut reçu en l'office vacant
par son décès 2 .
Le 19 juin 1586, sentence du présidial d'An-
gers « entre noble homme Guillaume Bouju, sieur
de la Madelaine, héritier par bénéfice d'inven-
taire de deffuncts Guillaume Bouju et Jehanne
Ysambart, ses père et mère, Rose et Marguerite
les Boujues, noble homme Guillaume Bouju,
sieur de Puiguilli, curateur de d 1[e Jacqueline
Bouju, fille de deffunct noble homme maistre
Michel Bouju, vivant conseiller du Roy au Parle-
1 Archives de Maine-et-Loire, E, 341.
2 Privilèges des officiers du Parlement de Bretagne, mss. de
la Bibliothèque de la Cour de cassation, (° 298. J'offre ici
mes remerciements à M. Richou, conservateur de cette bi-
bliothèque, qui m'a prêté le plus obligeant concours.
102 DESCENDANTS
ment de Bretagne et de damoyselle Surguin, de-
mandeurs en requeste, le procureur du Roy joint
à eux, et la dite Surguin, veufve dudit deffunct
M e Michel Bouju, tant en son nom que comme
mère et tutrice naturelle de ladite Jacqueline,
noble homme Michel Théard, advocat desdits à
ce siège, M e Laurent Gourzault tant en son nom
privé que comme curateur es causes de Jehanne
Ysambart comme elle procède, Pierre Froger
appelé comme parent desdits demandeurs, et
encore les filles de Puiguilli aussi parentes, Pierre
Bouju, curateur aux biens vacquants de deffunct
Jacques Bouju, dit les Rochers, maistre Yves
Balordeau, comme il procède, créditeur de Jac-
ques et de Michel les Boujus, deffendeurs à la
requeste , il est permis aux demandeurs, de
faire vendre les lieux de Travaillé, la Royerie, la
Sorinière, fiefs seigneuries appartenances demeu-
rés des décès et successions desdits Guillaume
Bouju et Yzambard pour les deniers en prove-
nants estre employés à l'acquit des dettes. » En
1591 ces biens sont adjugés pour 4,000 écus à
Philippe Varin, général des monnaies 1 .
Depuis, Jacqueline Bouju épousa Jacques de
Villaumont, sieur dudit lieu, chevalier, gen-
tilhomme ordinaire de la chambre du Roi.
1 Archives de Maine-et-Loire, E, 281.
DE JACQUES BOUJU. 103
Sa tante, Rose Bouju, se maria avec Jean de
Quentin, sieur de la Varangerie.
Le 10 août 1620, les biens non vendus de
ce noble homme Guillaume Bouju, vivant sei-
gneur de la Sorinière, furent partagés en cinq
lots, entre Jacques de Villaumont, chevalier,
gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy,
mary de d lle Jacqueline Bouju, fille et héritière
par bénéfice d'inventaire de deffunct noble
homme Michel Bouju., vivant conseiller du Roy
en sa court de Parlement de Bretaigne, Pierre
Bouju, curateur aux biens vacquants de deffunct
noble homme Jacques Bouju, escuyer, sieur des
Roches, Guillaume Magdelon de Bouju, escuyer,
sieur de la Madelaine, Marguerite Bouju, et
Jehan Quentin, mary de Rose Bouju, tous les dits
héritiers soubs bénéfice d'inventaire dudit
deffunct Guillaume Bouju, leur père 1 .
Le sieur de la Madelaine résidait à Nègre-
pelisse dont il était gouverneur. J^e 28 avril
1621, la terre de la Marmytière lui fut engagée,
et, en son absence, son neveu, Pierre de Quentin,
accepta pour lui 2 .
En 1635, le gouverneur de Nègrepelisse et sa
sœur Marguerite Bouju, dame de la Grandmai-
1 Archives de Maine-et-Loire, E. 1771, l re pièce.
2 Id. 2 me pièce.
104 DESCENDANTS DE JACQUES BOUJU
son, sont décédés. Leurs successions sont exper-
tisées et partagées en deux lots entre « d lle Jac-
queline Bouju, veufve de deffunct Jacques de
Villaumont, vivant chevalier, gentilhomme ordi-
naire de la chambre du Roy, seigneur dudit lieu
et de la Fourmondière, ladite d lle représentant
deffunct Michel Bouju, vivant escuyer, seigneur
de la Sorinière, conseiller du Roy en sa court de
Parlement de Bretagne, frère aisné dudit deffunct
Guillaume Bouju, seigneur de la Madelaine, et
de ladite deffuncte d lle Bouju, et Jean de Tessé,
escuyer, seigneur de Margot et de Tessé, et
d lle Catherine de Quentin, son espouse, et René
de Champagne, escuyer, seigneur de la Pomme-
raye, père et garde noble des enfants de luy et
de deffuncte d 1,e Charlotte de Quentin, vivante sa
femme, les dits Quentin représentant d lle Rose
Bouju, leur mère, sœur puisnée desdits deffuncts
sieur de la Madelaine et Marguerite Bouju, dame
de la Grandmaison. » A ces partages n'avait pas
été appelé Pierre de Quentin, sieur de la ïaven-
chère, qui était fils de Rose Bouju. Ses enfants
réclamèrent plus tard, et une transaction inter-
vint. Il n'est pas nécessaire d'entrer ici dans ce
détail. Il suffit de constater que dès 1636 il n'y
avait plus de descendant mâle du frère du
président Bouju 1 .
1 Archivesde Maine-et-Loire, E, 1771, 3 me , 5 me et 6 me pièce.
APPENDICE.
Au très puissant, très vertueulx et très chrestien
roj Henry, deuxième de ce nom, Jacques
Bouju, son très obéissant serviteur.
« Sire, les anciens modérateurs et gouverneurs
des empires, royaulmes et républiques, congnois-
sans les espritz des mortelz ne povoir estre
incitez à vertu par plus vif et urgent esguillon
que par la gloire, advisèrent de non seullement
honorer les vertueux de triumphes, coronnes et
aultres pris louables et exquis, mais, pour plus
longuement conserver la mémoire de leurs
beaulx faictz, leur érigèrent statues, trophées et
arcs triumphans. Ce qu'ilzfeiréntpour la certaine
opinion qu'ilz avoient que le vray loier de vertu,
c'est la gloire : laquelle tout ainsi qu'elle peut
demourer pour quelque temps es colonnes et
aultres ouvrages faictz par la main qu'ilz appel-
aient monimens, aussy elle a perpétuel et asseuré
domicile es œuvres immortelles des excellens his-
toriens. Ce que bien entendit Alexandre le grand,
106 APPENDICE.
prince de hault cueur et esprit eslevé. Quant aiant
passé l'Hellespont pour aller à la conqueste de
l'Asie, et estant au lieu auquel pour lors se pou-
voient encores veoir quelques ruines de la
fameuse Troie, il se feit mener au sépulchre
d'Achilles. Duquel il n'admira ne la riche struc-
ture, ne la beauté de l'ouvrage, sachant cela
fragile et de petite durée, mais avecques souspirs
s'écria : O jeune homme bien fortuné, quant en
ta vie tu as eu si grand heur que d'avoir ung tant
fidèle amy, et après ta mort telle et si claire trom-
pette de tes louanges. Entendant Patroclus pour
le premier, et le poète Homère pour Je second :
qui n'avoit à aultre fin faict l'excellente entre-
prise de l'Iliade, sinon pour consacrer la mémoire
d'Achilles à immortalité. Mais tout ainsy que la
nayfve couleur d'une beauté non affaitée est plus
belle, plus vraye et plus durable que celle d'un
visage orné d'un fard mensonger; aussy le tes-
moignage donné par l'histoire est trop plus hono-
rable, vray et de plus certaine durée que celuy
qui vient de la forge de poésie. Laquelle comme
chose feincte et controuvée à plaisir nous figure
et taille seullement une image des personnes,
non telz qu'ilz furent, mais qu'ilz dévoient estre.
L'histoire au contraire nous laisse les beaulx
portraictz retirez- après le vif des personnages
tels qu'ilz ont esté en leur vie. Pour raison de
APPENDICE. 107
quoy Cicero, ce grand orateur, l'appelloit tes-
moing du temps, lumière de vérité, vie de mé-
moire, et messagère de l'antiquité : L'aiant en
telle admiration qu'il disoit ceulx-là estre tous-
jours enfans, qui n'avoient congnoissance des
faictz et des choses advenues auparavant leur
siècle.
L'histoire est celle en laquelle, comme en
ung tableau publiquement proposé, nous voions
la vie et faictz des Roys et princes vertueux et
des peuples et personnages excellens, pour
entendant leurs conseilz, entreprises et événe-
mens d'icelles , en prendre tout ainsi que d'un
singulier patron, exemples et enseignemens pour
donner ordre et pourvoir aux affaires tant publi-
ques que privées. Car si sapience, comme disoit
Afranius, n'est engendrée que par usage, et n'a
aultre mère que mémoire, combien doit sur
tous mortelz celuy estre réputé sage, qui a enrichi
son esprit des faictz et meurs non d'un aage et
temps, non d'une ville et région, mais de tous
siècles, pays et nations. Et combien quelle temps,
ainsy que remonstroit Fabius le cunctateur
à ^milius allant contre Annibal, nous rende au
fil des ans plus sages, constans et avisez : si est
ce un cas digne de grande admiration, povoir,
sans attendre ceste longue et tardive expérience
que les jours apportent avecques soy, par le
108 APPENDICE.
bienfaict de la lecture, prévenir et anticiper ceste
prudence, et entendre la raison et yssue des
choses par le péril et danger d'aultruy. Pour
laquelle considération, ce gentil empereur Ro-
main, Alexandre, filz de Mamea, voulant mettre
quelque affaire importante en délibération,
appelloit sur tous et prenoit le conseil de ceulx
qui avoient congnoissance des histoires et anti-
quité. Or estant les choses humaines subjectes et
asservies à cent mille inopinées mutations, et,
comme un flot de mer, conduites ou plus tost
violentement menées maintenant de ça, mainte-
nant de là : par quel moien se peuvent-elles
asseurer, sinon par la prudence d'un bon prince
et gouverneur qui ne se peut en meilleure eschole
exerciter ne instruire qu'en l'histoire nous pro-
posant les beaulx et riches exemples des Roys et
capitaines anciens, en la vertu desquelzil pourra,
comme en cler et luisant miroer, composer
soy, sa vie et république. Et ne fault en rien
doubter, que les princes et excellens personnages
dont l'antiquité est tant riche et recommandée,
n'eussent jamais eu tel et si ardent désir de la
congnoissance des lettres et histoires, s'ilz n'y
eussent veu une grande utilité et gloire conjoincte
avecques le plaisir. Car pour quelle aultre raison
mena Alexandre le Grand avecques luy Anaxar-
chus et Calisthènes, excellens philosophes, en si
APPENDICE. 109
loingtain et tant périlleux voiage; pourquoi avoit-il
tousjours Homère soubz le chevet de son lict,
sinon pour estre par la leçon enflammé du désir
d'entreprendre haultes choses et par icelle ins-
truict à sagement les conduire. A l'exemple du-
quel, comme ung chacun prendz volontiers patron
de ses meurs sur celles du prince, tous les gentilz-
hommes de sa maison, s'adonnans à l'estude
entre la fureur des armes, oyoient à leur loysir
les belles et sainctes leçons de philosophie. De
sorte que Lisimachus, l'un de ses chambellans et
depuis Roy par sa vertu, façonné en telle eschole,
et, pour avoir faict faveur à son précepteur, pré-
senté à un fier lyon par la cholère de son maistre,
ne perdit l'esprit, mais comme celuy qui bien
congnoissoit le naturel de cette beste par le béné-
fice des lettres, l'attendit hardiment sans aultres
armes que la cappe et par grand addresse luy
aiant lancé la main dans la gueule, l'estrangla et
meit à mort. Les Athéniens, seigneurs de bien
peu de pays, et quasi d'une petite poignée de
terre, par quelle aultre industrie ou force eussent
ilz mis à fin tant de haultes et glorieuses
entreprises, si Pallas leur fondatrice, c'est-
à-dire Prudence et Scavoir, ny eussent mis la
main ? Par le moien desquelz il leur fut facile
entreprendre et exécuter les choses surpassans
du tout leur puissance. Delà, comme du cheval
HO APPENDICE.
de Troie, sortit ung milion cTexcellens person-
nages plains de sçavoir et chevalerie, Thémis-
tocles , Thucidides , les gentilz Alcibiades et
Périclès, le vaillant et très éloquent Xéno-
phon : lequel par ung seul faict laissa très certain
enseignement à la postérité, combien la congnois-
sance des lettres est non seullement profitable,
mais nécessaire à un chef et capitaine. Car
voiant dix mille souldars du pays de Grèce en-
vironnez de la puissance du Roy Artaxercès au
plus avant de l'Asie, après leur avoir par son élo-
quence faict reprendre cueur qu'ils alloient en
tel désespoir du tout abandonner, il feit tant que
maulgré la force des Perses, il saulva et conduisit
les siens jusques dans la Grèce par l'espace de
douze cens lieues et plus : combatant jour et nuict
non seullement contre superbes et belliqueux
ennemys qui se trouvoient en tous endroicts,
mais contre cent mille difficultez de lieux inac-
cessibles, de montagnes et rivières à tout aultre
insupérables : lesquelles toutesfois il surmonta
par son esprit, sens et conduite. Les Romains
semblablement n'eurent jamais leurs armes plus
craintes ne redoutées que lorsqu'ilz receurent la
clarté des disciplines et lettres : auxquelles ilz
déféroient tant qu'ilz ne faisoient aucune diffi-
culté bailler la charge d'une grosse et puissante
armée à ung jeune gentilhomme encores qu'il fust
APPENDICE. 111
peu expérimenté, pourveu qu'il eust l'esprit
adroict, et exercité en la cognoissance des choses
antiques : sachans que la victoire consiste non
au bras et vaillance d'un chef, mais en sa
prudence et bonne conduyte. Et qu'il n'est rien
plus pestilent ne dangereux en une République
(comme disoit ce divin Platon) que témérité et
audace accompagnée d'ignorance. De sorte que
Scipion, aagé seullement de xxmi ans, après la
mort de son père et oncle deux très vaillans capi-
taines, deffaictz en Espagne par les Chartaginois,
osa demander au peuple Romain la charge de
ceste tant difficile et périlleuse guerre. Ce que
luy estant révoqué en doubte, tant pour
Ici le manuscrit présente une lacune ; un
feuillet a été enlevé. Bouju, par une transition
facile, y était sans doute venu à l'éloge de Fran-
çois I er dont voici la fin :
t>
« En quoy il avoit toute sa vie pris telle délec-
tation et tant profitté, que avecques ceste per-
fection de corps auquel nature n' avoit rien oublié,
avecques ceste plus que Royale majesté, et haul-
tesse de cueur, il avoit par la lecture tant em-
belly et illustré l'excellence de son esprit, et
grâces sur toutes admirables, que par là surpas-
sant tous les Roys de son temps, il s'estoit faict
égal au plus renommé de toute l'antiquité. De
sorte qu'on ne povoit en luy aultre chose sou-
112 APPENDICE.
haiter, sinon fortune pareille à si haultain mérite.
Laquelle toutesfois par le bien et moien des lettres
il a tousjours porté tant dextrement, qu'en
faveur et défaveur on la peu veoir de mesme
visage et constance ; mettant à exécution la belle
sentence de Platon disant qu'il fault, en ceste vie
humaine, faire tout ainsi qu'au jeu du tabler,
c'est assavoir corriger par industrie ce que le sort
a malheureusement amené. Brief il a esté le pre-
mier de tous ceulx qui ont commandé sur la
France, qui, chassant ignorance et faisant voir
aux siens le cler jour de doctrine et congnois-
sance de tous ars et disciplines, nous a repré-
senté l'heureux règne des Antonins qui, pour la
grande recommandation de leur bonté et sçavoir,
eurent le beau nom de philosophes. C'est celuy
qui a faict véritable la divine prédiction que les
républiques seroientlors heureuses, quant ou les
Roys seroient amateurs de sapience, ou les ama-
teurs de sapience régneroient.
« Et vous, Sire, qui par le passé nous aviez
monstre espérance d'un si grand bien, estimant
et honorant les espritz, maintenant comme vray
héritier, non seullement du sceptre paternel le
plus glorieux et puissant de sur la terre, mais
de ses vertu et grâces, nous en avez donné très
certaine asseurance par deux parolles dignes
d'immortalité. L'une, quant il vous pleust dire
APPENDICE. 113
que feriez tel et semblable traictement aux
lettres et lettrez que vostre feu très vertueux père
avoit faict, et mieux, s'il vous estoit possible.
L'autre, quant vous distes que prendriez à trop
plus grand plaisir luy voir donner louange qu'à
vous-mesmes ; quoy faisant vous avez tout à ung
coup déclaré, et, comme l'escler fendant la nue
et se manifestant de l'orient et de l'occident,
faict congnoistre à tout le monde que ceste
grand' et louable obéissance que luy avez du-
rant sa vie porté, ne procédoit d'aultre source
que d'une incomparable vertu et humanité ;
quant après sa mort, en la chose dont les plus
estimez princes ont tousjours esté jaloux à l'oul-
trance, pour laquelle seulle ils ont faict les haul-
tes et périlleuses entreprises d'armes, et que per-
sonne ne veult communiquer à aultruy, vous
estes tant démis et vaincu par une plus qu'hu-
maine piété, que de la vouloir céder à la mé-
. moire de vostre père ; par lequel tant recom-
mandable faict, vous avez jà commancé à glo-
rieusement surpasser le plus grand Roy que la
Grèce ne toute l'antiquité aient jamais eu, c'est
Alexandre le Grand, lequel, du vivant de son
père le roy Phelippes, jà bien fort se faschant de
l'honneur et gloire qu'il acquéroit par les faictz
qu'il mettoit à fin, tant s'en falut, icelluymort,
qu'il les voulust ou conserver ou accroistre qu'il
8
114 APPENDICE.
meit à mort de sa propre main le plus grand de
ses amys, qui, en sa présence, s'efforçoit de le
faire. Que povons-nous doncques doresnavant
espérer de vous, Roy heureusement nay, sinon
tout bien et félicité ? Vous voyant parfaictement
orné de toutes les vertu et grâces requises en
un bon prince ; vous voyant en ceste belle fleur
de vos ans avoir tant de commandement sur les
affections humaines auxquelles peu des plus
parfaictz des siècles passez ont sceu résister, que
les aiant comme condemnées et faict mourir en
vous, on n'y peut remerquer ung seul point de la
licence et de la corruption de meurs que les
grandes fortunes ont tousjours apporté avecques
elles ; victoire plus glorieuse, plus difficile et plus
admirable que de vaincre ung milion d'ennemys.
De sorte que si Dieu qui tient le cueur des Roys en
sa main, vous y maintient et faict persévérer, il
ne nous fault à ce beau commancement de vostre
règne vous souhaiter, comme par acclamations
on faisoit jadis à l'advénement des empereurs
romains, ne la félicité d'Auguste, ne la bonté de
Trajan, dont vostre vertu sera perpétuellement
accompagnée, mais seullement la fortune que
Pompée eut en l'aage auquel vous estes mainte-
nant. Affin que soubz vostre règne nous puis-
sions de plus en plus voir par effect combien la
Républicque à qui les Cieulx ont tant faict de
APPENDICE. 115
faveur que de luy départir ung sage et prudent
gouverneur est trop plus heureuse que celle
qui est régie par Y inconstance d'une malaprise
et indiscrète commune. Comme il arriva à Rome
après qu'on eut chacé les Roys. Ainsy que Ion
peust au long congnoistre par le discours
du second de Tite-Live, avecques plusieurs
belles batailles et mémorables histoires. Le-
quel, trop bien fortuné, il vous plaira recevoir
pour arres de mon service et obéissance perpé-
tuelle envers vostre Majesté, esquelz je mettray
pêne toute ma vie amploier les petites forces de
ce foible corps et esprit, non en espoir d'aucune-
ment attenter à la satisfaction de ce grand bien
que sans aucun mien mérite m'avez faict, me
retenant en lieu honorable entre vos obéissans
serviteurs ; mais vous laissant par mes labeurs
quelque recongnoissance de cette obligation qui
tousjours coura sur moy, m'estimer très heureux
si mon affectionnée volonté est par vous prise en
bonne part et reçeue pour agréable. »
LE SECOND LIVRE DE LA PREMIERE DECADE
DE TITE-LIVE 1 .
Je poursuvray maintenant à descrire les faicts
du peuple romain, estant d'icy en avant en sa
liberté, lesquelz il meit à fin tant en temps de
paix que de guerre. J'escripray les magistratz ne
durans que l'espace d'un an, et la majesté des
loix qui fut de plus grande autorité et pouvoir
que celle des hommes. Or l'arrogance du dernier
Roy avoit esté cause que la liberté leur sembla
plus doulceet agréable. Car quant aux aultres ils
régnèrent et administrèrent la couronne de telle
sorte qu'à bon droit on les peut dire et nombrer
fondateurz pour le moins des quartiers de la
ville, lesquels ilz y adjoustèrent de nouveau pour
la demeure du peuple qu'ilz y feirent alors venir.
Et n'y a doubte que ce mesme Brutus qui mérita
si haulte gloire pour avoir chassé Tarquin le
superbe, n'eust faict telle entreprise au très
grand mal et détriment de la Républicque, si par
1 Les pages qui suivent sont données ici comme spécimen
de la traduction manuscrite de Bouju.
APPENDICE. 117
ung désir de liberté trop hastif il eust par force
osté la couronne à aucuns des aultres roys. Car
que fust-il arrivé si ceste multitude de pasteurs
et gens fugitifz de leurs pays, qui se trouvèrent
là ensemble pour se retirer en la seureté d'un
temple et franchise que nul n'eust osé violer,
après avoir recouvert ou liberté ou à tout le
moins impunité, et estant délivrée de toute
craincte de Roy, eust commencé à estre vexée
et tormentée de la tempeste des tribuns ; eust
commencé en une ville estrangèreà dresser force
débatz et querelles avecques les Sénateurs, avant
que leurs volontez et cueurs se fussent alliez
ensemble par les femmes et enfans comme par
ung certain gaige d'amitié et par l' affection et
amour qu'on porte au lieu où l'o-n demeure, au-
quel on s'accoustume par longueur de temps.
Certes tel discord eust dissipé et ruyné les choses
qui encore n'avoient assez d'accroissement, les-
quelles furent nourries et entretenues par une
paisible atrempance de règne et de commande-
ment, et par tel entretien conduictes jusques là,
qu'estant leurs forces jà parvenues à maturité,
ilz pouvoient recevoir le bon fruict de liberté.
Or on peut nombrer l'origine et commancement
de la liberté des Romains plus pour ce que le
gouvernement des consuls ne duroit que l'espace
d'un an, que pour y avoir esté rien diminué de
118 APPENDICE.
la puissance que les Roys y avoient eu aupara-
vant. Car les premiers consulz eurent tous les
droictz et auctoritéz, tous les ornemens qu'a-
voient eu les Roys ; on advisa seulement que les
deux consulz ne fussent accompaignez des lic-
teurs avecques leurs haches et verges, de peur
qu'il ne semblast qu'on voulust donner double
craincte et espouvantement au peuple. Brutus
par le consentement de son compaignon et collè-
gue eut le premier les licteurs, lequel auparavant
n'avoit esté plus aspre et plus affectionné à met-
tre en avant la liberté qu'il fut à la maintenir et
garder. La première chose qu'il feit fut que
voyant le peuple désireux de ceste nouvelle
liberté, afin qu'à l'advenir il ne peust estre gai-
gné ou par prières ou présens venans de la part
du Roy ; il les feit jurer qu'ils ne souffriroient
jamais aucun Roy régner à Rome. Puis pour ren-
dre les forces du Sénat plus grandes par la mul-
titude des Sénateurs, après avoir esleu les prin-
cipaulx de Tordre des gens de cheval, il par-
fournit le nombre des Sénateurs jusques à trois
cens. Lequel nombre avoit esté diminué par les
meurtres qu'en avoit faict Tarquin ; dont est
venu, comme l'on dict, qu'on appelloit au Sénat
ceulx qui estoient pères et Sénateurs et ceulx qui
estoient Conscriptz: ilz appelloient conscriptz
ceulx qui estoient esleuz, seavoir est pour estre
APPENDICE. 119
créez nouveaulx Sénateurs. C'est chose merveil-
leuse, combien cela valut pour entretenir la cité
en concorde et allier la volonté du peuple avec-
ques celle des Sénateurs. En après on donna
ordre aux choses divines, et pour ce qu'il y avoit
certains sacrifices publicques que les Roys
avoient faictz tous seulz, afin qu'on ne les peust
souhaicter en aucun endroit, ilz créèrent un
prestre qu'ilz nommèrent Roy ; puis firent que
ceste prestrise là fut subjecte au pontife de peur que
telle dignité et honneur donné à ce nom de Roy
fust aucunement nuysible à la liberté, laquelle
ilz avoient alors en singulière recommandation,
et je ne scay si en la voullant trop asseurer de
toutes pars, voyre en choses de petite consé-
quence, ils excédèrent médiocrité et raison. Car
le nom de l'un des consulz, combien qu'en luy
n'y eult aultre chose qui en rien offensast, fut
odieux aux citoiens, lesquels murmuroient entre
eulx que les Tarquins s'estoient trop accous-
tumez à régner, et que le commencement estoit
venu de Priscus ; qu'après luy Servius Tullius
avoit eu la coronne ; mais que pour tel inter-
vale Tarquin le superbe n'ayant mis en oubly
le règne comme ne luy appartenant, l' avoit
ainsi qu'une succession provenue de sa maison
recouvert par meschanceté et violance; que
Tarquin estant chassé, l'empire et le gouverne-
120 APPENDICE.
ment estoit es mains de Collatinus Tarquinius ;
que les Tarquins ne sçauroient vivre sans estât
et préhéminance ; que tel nom comme périlleux
pour leur liberté ne leur estoit aucunement
aggréable. Tels propos tenuz premièrement peu à
peu par ceulx qui essaioient comment on les pren-
droit, furent tantôt espars en toute la ville et
estant la commune en pêne pour tel soupçon,
Brutus l'appelle à rassemblée. Là premièrement
il récite le serment qu'avoit faict le peuple de ne
souffrir jamais aucun régner sur eulx ne en-
durer que personne demourast dedans Rome,
pour raison duquel la liberté peust tomber en
aulcun péril. Que partant il falloit s'employer
du tout pour garder et entretenir cela ; sans
contemner ne laisser aucune chose en arrière
qui y touchast aucunement; que ce qu'il alloit
dire, c'estoit maulgré luy, pour l'amour du per-
sonnaige duquel il vouloit parler ; et qu'il n'eust
jamais proféré telles paroles, si l'affection qu'il
portoit à la Républicque ne l'eust contrainct.
C'estoit que le peuple romain n'estimoit point
que la liberté fust entièrement recouverte, d'au-
tant qu'il voioit que la race des Roys et leurs
noms estoient non seullement demourez en la
ville, mais aussi en avoient le gouvernement ;
que cela nuisoit et empeschoit la liberté. Puis
^'adressant à Collatinus, luy dict : Luce ïarquin,
APPENDICE. 121
délivre nous de ton bon gré de telle craincte.
Nous avons bonne souvenance, nous confessons
que tu as chassé les Roys. Parachève ce tien bien-
faict ; oste et emporte de cette ville le nom des
Roys. Je serai cause et moien que tes cytoyens te
rendront non seullement tes biens, mais s'il y
deffault rien, ilz te l'augmenteront largement,
Va-t-en d'icy de sorte que tu demeure nostre
amy et délivre la cité de ceste craincte peut estre
prise à tort; ilz ont la persuasion en leurs espritz,
que sortant de la race des Tarquins, le règne
s'en yra d'icy avecques eulx.
Le consul estonné de chose tant soub-
daine et nouvelle, demoura premièrement sans
parole, puis comme il vouloit commencer à
parler, les principaulx de la ville se mectent à
Tentour de luy, le priant grandement de faire ce
dont l'avoit requis Brutus. A quoy ilz proffictoient
bien peu tous. Mais quant Spurius Lucrecius, hom-
me de plus grand aage et auctorité et davantaige
beau-père de Collatin, commença à luy remons-
trer plusieurs choses, maintenant le prier, main-
tenant le conseiller de se laisser vaincre à cest
advis et délibération de toute la cité, le consul
craignant que par après et lorsqu'il seroit sans
estât, ceste mesme fortune lui arrivast avecques
perte de ses biens, et oultre cela qu'on luy feist
recepvoir quelque déshonneur; il se démistdeson
122 APPENDICE.
estât de consul, et ayant transporté ses biens en la
ville deLavin,ils'en alla hors de Rome. Cela faict,
Brutus par l'advis du Sénat demanda au peuple
et le peuple consentit, à ce que tous ceulx de la
race des Tarquins fussent déclairéz banniz, puis
en Tassamblée faicte par les bandes qui s'appel-
loient comitia centuriata, il créa pour son col-
lègue P. Valerius duquel il s'estoit aydé à chasser
les Roys
JACOBI BONGEI QVONDAM
V. C. PRIMVM m PARLAMEN-
to Paris. Consiliarii, Postea verô in suprema
Armoricorum Curia Prcesidis,
DE ORDINANDA IVSTITIA,
ÀD MICHÂELEM HOSPITALEM
Franciae Cancell.
SERMO.
Hospitali prudens, hominumque ad commoda nate,
Antistes Musarum, aequi venerande sacerdos,
Cui vigil in curas animus diducitur omnes,
Gallia ne insanas tandem eluctata procellas,
Dissidii civilis adhuc stridentibus Euris,
Protinus ex ipso forte referatur in altum :
Et quœ vix retinet miserè concussa carinam
Horrendis iterum scopulis impacta fatiscat.
Haec dùm desaevit tempestas atque popelli
EfFraenis rabies sensim mansuescere discit :
Ecce mali alterius contagio fœda, latenti
Et leni in speciem labefactat cuncta veneno,
Multiplici in terras quod spargit bellua nixu.
Bellua fœda, horrens, alvus cui prominet ampla,
Prorsus inexhausta et partu mage fœta frequenti.
Principio catulos informes, atque pusillos
1 24 APPENDICE.
Tractari faciles educit sponte, deinde
Vix manibus prensi, vix sub tecta ipsa recepti
Ingentem ducunt propenso ventre saburram :
Et gravidam vineunt fœcundo semine matrem.
Quoscumque aspersit lethali bellua viru,
Quamlibet aucti opibus, vegeto vel corpore firmi,
Prorsum infœlici traducunt tempora fato,
Emuncti loculis, dira lue membra soluti.
Hanc prisci Ausonii dixerunt nomme LITEM.
Et tibi ne ambages et longa aenigmata fingam,
Sive ego jus reddens sedeo, seu muneris exors
Blanditias ruris procul aula, ac urbe requiro,
Nunc lucos peragrans, hortis nunc captus amœnis,
Nunc prata admirans variatim picta, subinde
Occurit stolidae miseratio plurima plebis :
Quae cupide lites damnosaque jurgia miscens
Andabatae in morem caeco certamine pugnat
Exitio censûs, fortunarumque ruina,
Nec verbo quisquam in praeceps deterret euntes,
Aut monet incautos fugienda sequenda-ve quaenam
Sit via quae portum demonstret, quae-ve Charybdim.
Quodcumque intendit, de re quàcumque petitor
Improbus, aut qui se non aequo jure tuetur,
Hune procurator (praecordia inania veri)
Hune insincerâ defendet voce patronus,
An cadat, an causam teneat securus uterque,
Turpia dum faciat projecto lucra pudore.
Quottidie in lites fœdà mercede coire,
Et magnos reditus misero de sanguine civis [tu m :
Cogère ! Quàm pulchrum (ô mores) passimque recep-
APPENDICE. 125
Nempe bonae ignora tae artes, et opinio prava
Mox teneris imbuta animis, virtute relictâ
Rem facere, et cunctos pretio percurrere honores,
Hos vitae errores fœdos, has undique vero
Offundunt tenebras, nec jam laudatior ulla est
Vel via, vel ratio faciat quae quemque beatum,
Quàm quae per sordes certa ad compendia ducat.
Sic postquam superis dejecta est sedibus Ate,
In terras sacri scabies turpissima lucri
In mentes hominum specie pervasit lionesti :
Inde ad justitiam recta quae ducere possit
Semita nulla patet, fallacibus obsita technis,
Ambage incertâ, dubioque errore viarum
Sunt quaerenda reo divortia nota fugaci.
Ille in jus raptus mox artes mille morandi
Tricarumque modos mille instruet, eminus hostem
Ludificans, prorsus rationem intentus in unam,
Non conferre manum, aut aequo se credere campo.
Sic série annorum longâ jam tabe peresus
Ingenti pretio ac exbausto sanguine victor,
Commoda du m captas, incommoda quanta ferendum !
Interea censum quem multa exugit hirudo.
Caussarum bine tabulae, certa instrumenta malorum,
In longum nullo verborum pondère ductae
Dùm cauti scribunt, duplicant, replicantque patroni,
Dùm sua confirmant, et dùm diversa refellunt :
Hune tota in saccos effundunl pergama scribae,
Inde libellorum fasces, hinc diploma régis
Crebrum ac instructus versutâ fraude viator.
Quid quaesitores testis responsa rogati
126 APPENDICE.
Quàm fusé excipiunt, multoque in codice verba,
Longé discretos faciunt, quadrisyllaba, versus,
Ut miseri magno mercentur inane clientes.
Quid definiri cùm denique jurgia possint,
Mille modis differt vadimonia prsetor avarus
Saepius ut bulgas locupletet sportula vilis.
Quin ubi derasit, cùm emunxit turpiter omnes
Et demum extremam per sordes moverit urnam,
Reddere cuique suum et populo jus dicere clamât :
Cùm magis hoc praedam possit veréque rapinam
Dicere, qui panem solitus sit dicere panem,
Ut sic vincenti veniat victoria Cadmi.
Nimirum triplici sub judice notio triplex,
Judiciumque triplex miseris plerumque petendum,
Ut demum subeant subsellia regia lites.
Vix tandem placitis placita addens multa senatus,
(Usque adeô fraudes superant artesque morandi)
Extremum rébus potis est imponere finem
Atque renascentis caussas exscindere morbi.
Quippe mali genus hoc quantumvis stipite caeso,
Sedulus à prima penitus radice revellas,
Viribus occultis modico de semine rursus
Pullulât, ecce tibi sobolis densissima sylva ;
Atque infinitâ quamprimum stirpe novellans,
Amissam réparât multâ propagine prolem.
Tu Galle Alcides facundo nobilis ore,
Millia multa trahens post te délecta virorum ;
Cui confossa, diù saevum ignorantia monstrum,
Jamjam âge quo pietas, quô te tua plurima virtus,
Quô vigor ingenii ac animi praestantia ducit,
APPENDICE. 127
Infestam hanc terris, infestam gentibus hydram
Litibus innumeris feralia colla tumentem,
Grassantem passim miserae in praecordia plebis
Contunde, et stratam ferro ac face comprime victor.
Judiciis clarum splendorem aequique, bonique
Restitue, atque foro invisas procul exige fraudes :
ZEternas cohibe vario sub judice lites :
Nascentesque unus videat, videatque cadentes
Cognitor, inde semel maneat spes nulla sepultis,
Res nisi magna jubet vitalem cernere lucem.
Quorsum cognitio triplex média, ima, suprema
Nixa clientelis, firmataque more vetusto
Per villas, pagos et celsas imperat arces ?
Et gradibus ternis ad magna incommoda primos
Ascensus faciens plebem vorat ore trifauci,
Pro curto semisse dicam dùm scribit egenti,
Et dùm pagano locupleti crimen adornans,
Addicit privo patrimonia pinguia fisco ?
Si levibus tantùm sparguntur jurgia verbis,
Si sata lascivi insultant, aut pascua tauri,
Si Domini è luco deceptus ab arbore ramus,
Protinus elogiis numeroso teste refertis,
Occupât et queritur de umbrâ fugiente viator,
Nascenti solers miscere incendia rixae,
Et vafer ad vivum miserabile glubere vulgus.
Liticulae genus hoc mox temperet arbiter aequus,
Et levis admissi modico pœnam estimet aère.
Ast quoties sceleris gravitas de sanguine sontis
Postulat exemplum, gladius sit principis ultor.
Non sibi praescribat de lite salaria judex,
128 APPENDICE.
Arbltrio ipse suo, sed justa à principe sumat.
Et geminos tantùm fasces extendat in annos,
Ut se cogendum qui sentit in ordinem, honestè
Et moderatè obeat manibus sua munera puris.
Mox omnem in* traetum quàm latè Gallia fines
Extendit, magna mittatur ab urbe senator,
Consilio, et rerum longo spectabilis usu,
Quo praeeunte viam judex aequique bonique
Dirigere ad normam quaecumque negotia curet,
Jus reddens populis repetatque subinde senatum,
Successore dato ternae post tempora messis,
Donis à rege et multo cumulatus honore.
De rébus tantùm décidât curia summis,
Delecti patres ubi per suffragia patrum
Considant, vitâ, doctrinâ, aetate verendi.
Nec pretio delatus honos, nec sportula vilis
Infamet turpi pulcherrima munia quaestu.
Publica sancti sint authoramenta senatûs,
Vitae queis usus tolerari possit honestae.
Paupertas sed enim vitium jam crédita vulgô,
Prorsum indigna bonis contemptum reddit honorem.
Hâc ratione queas miseras praecordia plebis,
Tôt corvis tôt vulturibus defendere. Verùm
Quando erit illa dies albo signanda lapillo
Cùm lites dirimet velut in ter praedia fines,
Vir bonus è medio per nullum diploma sumptus
Qui sumul ac judex re de quâcumque petetur,
Pinguia seu laetuspatrimonia dividit haeres,
Seu juris dubia est, seu facti quaestio simplex,
De piano caussas disceptet sedulus omnes.
APPENDICE. 129
Si tabulis agitur, si teste impugnet utrumvis,
Protinus et coram defensor, sit mora nulla,
Nec diffisa dies ingens nisi postulet usus.
Exactis constent rerum monimenta diurnis
Publica quse exhibeat nullâ mercede receptus
Arbiter, inde brevis manet sententia, qualem
Per tria verba tu lit fœlici tempore praetor.
Sit sibi quisque vigil non emptâ voce patron us,
Et subito vinci quam tarde vincere malit.
Prisca ha?c simplicitas, sic œvo reddita primo
Justicia in terris verè aurea secula fecit :
Copia non quod eis fulvi splendesceret auri
(Nondum eteniin terras pallens incesserat aurum)
*Sed quod nulli fraus, fieretve injuria nulli :
Inter se morum blandà probitate benigni.
At nostrum exigitur miseris in litibus a?vum,
Et magna, inde (pudor) nobis patrimonia crescunt.
Quod si quis mores cupiat revocare vetustos,
Et teclinas, et spein turpis prrecedere lucri,
lamque omnes an imam et velli sibi viscera clament.
Usque adeo invaluit vitium, posuitque vigorem
Tlla sencscentis virtus elanguida mundi.
Non amor aut pietas incendit pectora, verùm
Livor edax, odiumque et habendi ca?ca cupido.
[Jnde ultrice dei virga qui excanduit ira
Tus ta in nos iYostra ha?c qua 1 non mala pertulit ?ftas !
Qualia nulla priùs viderunt secula, passim.
Horrida cùm fureret belli civillis Enyo,
\tque suas qui se convertens Gallia vires
Hauriret ferro proprium furibunda crnorem,
9
1 30 APPENDICE.
Cùm patres natis, cùm fratribus impia fratres
Tela inten tarent, infestreque urbibus urbes,
Et prredas agerent cives de civibus ipsis.
Jamque illô rabies hominum processerat borrens
Obsequium ut divis ingens prœstare putarent,
(Prob scelus indignum) multâ qui cnede madentes
Sparsasque bumano monstrassent sanguine dextras.
Et de mu m paribus concurrens Gallia signis
Terribili Druidas fœdavit stragis acervo,
Totque animas fortes furvum demisit ad Orcum
Ipsa sibi laeva exscindens improvida dextram.
Sed prœstat tristes procui ablegare querelas,
Qiiîc renovare queant mage quàm sed are dolorem,
Et tecum studio ac omiii contendere cura,
Te tutore boni, te paccatore malorum :
Ut junclis concors animis et fœdere certo
Francia victa malis in se coaiescere pergat,
Atque deus tandem qui verè est justus, et ipsum
Justitia? in terris sanctum et reverabile numcn,
Religion e pià pure castèque colatur.
Finis.
PORTRAIT DE BOUJU.
Claude Ménard, docte Angevin qui vécut de
1574 à 1652, avait composé sur l'Anjou un grand
ouvrage auquel il a donné ce titre : Rerurn An-
degavensium Pandectœ. Cette œuvre n'a pas été
imprimée. La bibliothèque d'Angers possède le
manuscrit des deux premières parties, dont l'une
est intitulée : Pépias ou biographie des illus-
tres 1 . Claude Ménard avait fait graver, pour les
joindre au Peplus, les portraits des principaux
personnages de la province. Les cuivres de cette
collection sont conservés au musée d'archéo-
logie d'Angers. Les directeurs de cet établisse-
ment, MM. Godard- Faultrier et Michel, ont
bien voulu mettre à ma disposition le cuivre du
président Bouju. Leur obligeance m'a fourni le
moyen d'offrir à mes lecteurs le portrait de ce
magistrat.
1 Célestin Port, Dictionnaire de Maine-et-Loire, v° Mé-
nard.
TABLE
Pages.
[\TU0DUCT10\ I
Chapitre l. — Famille et commencements de Jac-
ques Bouju 3
II. — Bouju magistrat 31
III. — .Œuvres de Bouju. . , 56
IV. — Descendants de Bouju 71
Appendick 105
I. — Dédicace de la traduction du second
livre de Tite-Live 105
11. — Fragment de la traduction du second
livre de Tite-Live 116
III. — Epître de Bouju au chancelier de
L'Hospital sur la réformation de la
justice 123
IV. — Portrait de Bouju 131
îmjirimerif. I.-u anU f'
UNIVERSITY OF MICHIQAN
3 9015 05181 4278
R1&
Site
wsamx^
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR.
ÉLOGE DE GERSON, discours qui a partagé ie prix d'élo-
quence décerné par l'Académie française, le 11 août 1838.
Paris, in-4, Didot.
ÉLOGE HISTORIQUE DE COCHIN, discours prononcé à
l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats, le
26 novembre 1842, imprimé anx frais de l'ordre. Paris,
in- 8, Bruneau.
DU DROIT AU BONHEUR, étude sur le socialisme. Paris,
1851, in-8, Gratiot.
L'ANCIENNE ET LA NOUVELLE MAGISTRATURE, dis-
cours prononcé à l'audience de rentrée de la cour d'appel
de Paris, le 5 novembre 1863. Paris, in-8, Dounaud.
MICHEL DE L'HOSPITAL avant son élévation au poste de
chancelier de France, 1505-1558. Paris, 1875, in-8, chez
Ernest Thorin. Ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise, le 16 novembre 1876.
NOTICE SUR M. SIGISMOND GLANDAZ, président hono-
raire de la chambre des avoués près le tribunal de la
Seine. Paris, 1877, in-8, Marchai et Billard.
Chartres. — Irap. Durand Frères, rue Fulbert.
^m^méi : .^^>'-i,- ■'■■ ■■'■'■■■'
^^Bêê^^SêÊ^^^^^^