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Full text of "Archives de neurologie"

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Archives de neurologie 



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ABCHIVES 



DE 



NEUROLOGIE 



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ftVIIRITX« IMPIIIMRRIB DB CHAllLKB MÉIIISâET. 



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ARCHIVES 

NEUROLOGIE 

REVUE 

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES 

publUb sooa la diicctioh dr 
J.-M. CHARCOT 

AVEC LA COLLAMaATION 01 

HH. BALLET. BKRNARU, BITOT (P.-A.). BLANCUARO, BONNAIRB {B.) 

BOUCHBREAU, BR1AND(1I.).BR1SSAUD (E.),BR01IARUEL (P.), CHARPENTIER, COTARD 

0AN1LL0, DBBOVB (H.). OBLASIAUVE, OURET, DU VAL (Matbub), 

PERRIBR. GÉRENTB. 60HBAULT, GRASSET, HUCHARD, JOPFROY (A.), 

KELLBR, KÉRAVAL (P.), KOJBWNIROF, LANDOUZY, LEFLAITE, LBGRAND DU SAULLE, 

MAGNAN, MARIE, MAYGRIER, HAYOR, MIBRZEJBWSKY. MUSGRAVE-CLAY, 

PARLNAUD, PIBRRET. PIGNOL, PITRES, RAYMOND. REGNARD (P.), 

Rir.BER (P.), SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SIKORSKY, TALAMON. TEINTURIER (E.), 

THULlA (H.), TROISIBR (B.), VAILLARO, YIGOUROUX (R.), 

VOISIN (J.)t \VUILLAMlé. 

Rédacteur en chef: MUBNBVILLB 

Sea*éiaire de la Ndaction : CH. Wt^t 

DutiruUeur: LBUBâ. 



Tome VI. — 1883. 

y 

Avec 8 planches noires ou en couleur et 6 figures dans le texte. 



^ ® PARIS 

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL 
14, rue des Carmes. 

1883 



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Vol. VI. Juillet 1883. N« 16. 



iRCHIVES DE NEUROLOGIE 



CLIiNlQUE NERVEUSE 



DK LA CÉPHALÉE DES ADOLESCENTS; 
Par le D' Théodore KELLER K 

Presqu'au début de notre carrière médicale, M. le 
professeur Cbarcot nous envoyait, pour le soumettre à 
un traitement hydrothérapique, un jeune malade affecté 
d'une céphalée tenace qui l'empêchait de se livrer à ses 
études depuis plusieurs années. Cette affection nous 
parut curieuse et nous fîmes des recherches pour trou- 
ver une relation de faits analogues. Toutes nos re- 
cherches furent infructueuses. M. Charcot, à qui nous 
nous adressâmes alors, voulut bien nous éclairer sur 
le sujet. Il nous apprit que cet état était assez fréquent 
chez les jeunes gens, mais qu'il n'avait guère attiré 

* Nous avons publié un résumé do cet article dans le Progrès médical 
du 25 novembre 1882. De son côté, le D^ René filache vient de faire pa- 
raître une étude fort intéressante sur cette même question dans la Revue 
mensuelle de VEnfance^ numéro d'avril 1883. Il a donné à l'affection le 
nom de « Céphalalgie de croissance ». En comparant nos deux articles, 
on poun*a constater que nos opinions se sont rencontrées sur la plupart 
des points. 

Abchives, l. VL 1 



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2 CLINIQUE NERVEUSE. 

jusqu'alors rattention des auteurs. Il nous engagea à 
prendre note des cas du même genre que nous pour- 
rions observer, et à en faire à l'occasion un examen 
plus approfondi. Nous nous sommes conformé à ces 
conseils, et c'est le résultat de ces observations que 
nous allons reproduire ici. 

Nous exposerons d'abord les faits tels qu'ils se sont 
présentés à nous. 

Observation I. — M. A..., âgé de dix-huit ans, grand et beau 
garçon, fils d'un artiste des plus distingués. Il n'y a ni rhu- 
matisants, ni goutteux dans la famille. 

A... a eu, au dire de sa mère, une enfance un peu déli- 
cate, mais sans qu'il y ait eu cependant rien de bien particulier 
à signaler dans sa santé. Il était intelligent et apprenait très 
facilement. Jusqu'à l'âge de douze ans, il a été instruit en 
dehors des écoles. A cet âge, on le plaça au lycée. Il commença 
alors à se plaindre de douleurs de tête, qu'on croyait d'abord 
causées par la chaleur du poêle et le gaz. Mais bientôt son tra- 
vail ne put plus être qu'intermittent. L'enfant restait souvent 
plusieurs jours de suite à la maison pour se reposer, les maux 
de tète devenant de plus en plus violents. Enfin, au mois de 
mai de l'année suivante, il dut interrompre complètement ses 
études et, depuis cette époque, il lui fut impossible de jamais 
terminer tout à fait une année scolaire. 

L'enfant passa ses vacances à la campagne. Sous l'influence 
du repos et du grand air, son état s'améliora; mais, à la rentrée 
des classes, les maux de tète le reprirent, et il ne put de nouveau 
suivre les cours que moyennant de fréquentes interruptions. Il 
quitta le collège, comme l'année précédente, au mois de juin, et 
retourna à la campagne ou, encore une fois, le repos lui procura 
du soulagement. L'année qui suivit fut encore plus mauvaise 
que les précédentes. Les maux de tète devinrent plus tenaces 
et plus violents; il y eut, en outre, des vomissements assez fré- 
quents. Cette année-là, il fut incapable de toute application 
intellectuelle. L'idée seule d'essayer de lire une ligne lui était pé . 
nible. Le sommeil, qui avait été bon jusqu'à ce moment, se trou^ 
bla aussi et le jeune malade eut des nuits entières où il ne dormit 
pas. Enfin, le moral fut affecté à son tour et l'enfant, découragé. 



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DB LA CEPHALEE DES ADOLESCENTS. 3 

tomba dans une hypochondrie profonde. Il évitait toute société 
et fuyait toute distraction. On avait essayé en vain bien des 
médications. Un autre retour à la campagne ne modifia pas 
beaucoup cet état. Au mois d'octobre suivant, il ne fut même 
pas question de replacer le jeune homme au lycée. Il passa en- 
tièrement cette année-là à ne rien faire, ou plutôt il ne prit que 
de rares leçons chez lui. Vers le mois de mars, le médecin de 
la famille conseilla l'hydrothérapie, et Ton mena le jeune 
homme dans un gymnase du quartier. Mais cette hydrothéra- 
pie, loin de soulager le malade, parut aggraver son état. Il 
fallut, au bout de trois semaines, renoncer à ce traitement. 
C'est alors que les parents désolés allèrent consulter M. Char- 
cot. Celui-ci rassura la famille, déclara que le jeune homme 
guérirait, et me Tadressa. 

Voici ce que je constatai chez A. . , qui avait alors dix-sept ans. 
Il se plaint d*une douleur qu'il localise sur le devant du front ; 
il lui semble qu'un arc de cercle se resserre douloureusement 
dans cette région. Par moments, cette douleur devient tout 
à fait aiguë et s'accompagne de battements et d'élancements 
dans la profondeur. La douleur est presque continuelle ; elle 
ne paraît guère se calmer que pendant le temps consacré aux 
repas. Autrefois, elle était moins forte le matin et augmentait 
dans la journée ; mais, maintenant que le malade ne dort 
pas, il n'y a plus de répit matinal. La moindre lecture, même 
la plus petite tension d'esprit, aggrave les sensations. Depuis 
deux mois le malade n'a pour ainsi dire pas fermé l'œil. Il 
rend souvent ses repas et a fréquemment des nausées et des 
vomissements de glaires qui coïncident avec les paroxysmes de 
son mal. L'appétit est cependant assez bien conservé. Les chan- 
gements de temps sont vivement ressentis; le malade préfère, 
en général, le temps mou et humide au temps froid et sec. 
La pression exercée sur le crâne ne provoque de douleurs dans 
aucun point, les nerfs sous-orbitaires ne sont point sensibles, 
la souffrance ne s'étend pas aux yeux, la vue est bonne, les 
pupilles sont dans l'état normal. 

A... commença son traitement le 1" juin. Je lui admi- 
nistrai une douche froide matin et soir. Quelques jours après, 
je fis précéder la douche d'un bain de pieds à eau courante. 
Dès les premiers jours de ce traitement les douleurs de tête 
diminuèrent, les vomissements s'arrêtèrent. Mais l'insomnie 
persista. Je lui prescrivis alors une dose de 1 gramme 50 de 



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4 CLINIQUE NERVEUSE. 

chloral, le soir, au moment de se coucher. La nuit fut excellente. 
Le lendemain, je réduisis la dose à 1 gramme; elle suffit pour 
amener le sommeil. Le jour suivant, le malade se sentant 
disposé à dormir supprima de lui-même le médicament. Il 
passa une fort bonne nuit et, à partir de ce moment, le sommeil 
ne fit pas défaut. Les effets de Thydrothérapie s'accentuèrent 
alors rapidement. Au bout de deux mois, les maux de tête 
avaient presque totalement disparu. Le malad e pouvait lire et tra- 
vailler plusieurs heures par jour, sans trop de fatigue. Il partit 
pour la compagne, où je lui recommandais Texercice au grand 
air et des bains de rivière. 

Au mois d'octobre, il rentra au lycée. Il commença sa prépa- 
ration au baccalauréat èslettres, et travailla activement jusqu'au 
mois de juin. Il n'était pas complètement affranchi de ses 
douleurs de tête; mais celles-ci ne revenaient avec un peu 
d'intensité que lorsqu'il se surmenait, et le repos suffisait 
pour les calmer. Mais, vers le mois de juin, ayant à fournir un 
travail plus soutenu pour la fin de l'année qui approchait, les 
douleurs reprirent avec plus d'intensité. Le jeune homme 
revint alors me trouver, et il recommença son traitement. Il 
prit une douche par jour, le soir, après la classe, pour dissiper 
la fatigue. Cette simple précaution lui permit de continuer ses 
études. Il passa son baccalauréat avec des notes satisfaisantes. 
L'année suivante, il voulut se préparer au baccalauréat es 
sciences. Mais le travail des mathématiques lui parut trop pé- 
nible ; il eut peur d'une rechute et, comme il se destinait à la 
carrière artistique de son père, il abandonna ses études pour 
se vouer à la peinture. En 1880, A... fit son volontariat dans 
l'artillerie, sans passer un seul jour à l'infirmerie, et sans que 
le mal ait reparu. Depuis, il s'est bien porté, et il est en voie 
de devenir un artiste distingué. Il a encore quelquefois des 
maux de tête, mais ce n'est plus jamais qu'une indisposition 
passagère. 

Observation II. — M. B..., âgé de dix-huit ans, m'est 
adressé au mois de juin 1877 par M. le professeur Charcot et 
M. le docteur Bonin. La mère du jeune homme est morte 
phthisique, il y a quelques années. L'intelligence de X... a 
toujours été un peu paresseuse. A seize ans, il n'était encore 
qu'en seconde. Au mois de mai de cette année scolaire, il 
commença à ressentir des maux de tête qui, d'abord légers, ne 
tardèrent pas à devenir plus forts et à entraver ses études. Il 



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DE LA CEPHALEE DES ADOLESCENTS. 5 

dut quitter les classes vers le mois de juin, et partit pour la 
campagne. Là, les douleurs s'amoindrirent, mais pas assez pour 
que, à la rentrée, il pût retourner au lycée. On lui donna un pré 
cepteur qui le fit travailler avec beaucoup de difficulté pendant 
toute cette année. L'année suivante, il retourna en classe, mais 
ses études furent si peu fructueuses, qu'il ne pu\ même pas se 
présenter avec ses camarades aux épreuves du baccalauréat. 
Les douleurs de tête étaient devenues de nouveau beaucoup 
plus intenses. Le jeune malade me fut amené au mois de juin 
suivant. Il se plaignait alors d'une douleur siégeant à la 
région frontale et grande^ disait-il, comme une pièce de cinq 
francs. Cette douleur était légère le matin ; elle se développait 
pendant lajournée, et était, parmoments,excessivementpénible. 
Tout travail de tête l'exaspérait. Le jeune homme, qui avait 
beaucoup grandi dans les dernières années, avait mauvaise 
mine, était triste, plongé dans une hypochondrie profonde. 

J'eus peu de succès avec ce malade. A la quatrième séance, 
il quitta le traitement, sans que j*en susse les raisons. J'ai 
appris récemment, par le docteur Bonin, qu'après les deux 
dernières douches, il avait eu de la' surexcitation et comme 
des ac<5ès de fièvre, avec sueur nocturne. La famille inquiète et 
le docteur Bonin, qui redoutait l'hérédité tuberculeuse chez le 
malade, firent suspendre le traitement. Le jeune homme ne 
m'avait rien dit de ce qu'il avait ressenti. Obligé de venir de 
la campagne, il faisait, du reste, son traitement avec beaucoup 
de répugnance. Il est probable que, s'il m'avait parlé de ce qu'il 
éprouvait, j'eusse pu, en modifiant ma manière de procéder, 
faire cesser rapidement les phénomènes qui s'étaient produits, 
et amender l'état céphalique, comme cela m'a réussi dans tous 
les autres cas. La suite de l'histoire est d'ailleurs instructive. 
Il essaya vainement bien des médications. La seule chose qui 
lui fit du bien, ce fut un changement d'air de six mois, en 
Alsace. Mais il n'a jamais pu guérir et, actuellement, à l'âge de 
vingt-trois ans, il est encore dans le même état qu'il y a cinq 
ans. 

Observation III. — M. G..., âgé actuellement de quinze ans, 
né de père et mère arthritiques, fils unique. Il n'a jamais été 
malade jusqu'en 1878. Bien doué et apprenant facilement, il 
a été instruit à la maison par un précepteur, qui nous dit n'avoir 
jamais eu qu'à se louer de son élève. En juillet 1878, à l'âge do 
onze ans, l'enfant était à la campagne, où il passait ordinaire- 



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6 CLINIQUE NERVEUSE. 

ment huit mois de Tannée, lorsqu'un beau matin il accusa, sans 
cause bien appréciable, un violent mal de tête, accompagné 
d'étourdissements et de maux de cœur. Cet état, qu'on crut 
d'abord passager et qu'on traita par un purgatif, et puis par du 
bromure de potassium, résista à ces moyens thérapeutiques. 
Seul Tétat gastrique s'amenda ; mais les douleurs de tête persis- 
tèrent. L'enfant, jusque-là d'un caractère facile et plutôt gai, 
devint triste et irascible. 11 entrait en colère pour la moindre 
observation et poussait quelquefois l'irritation si loin qu'il 
avait de véritables attaques de nerfs, pendant lesquelles il se 
roulait par terre. Pendant ces crises, le seul moyen de le 
calmer était de le laisser seul et de l'abandonner à lui-même. 
Dès les premiers jours, on fut obligé de suspendre toute étude, 
la moindre application de l'esprit ravivait les douleurs. L'en- 
fant ne se trouvait, en général, soulagé qu'au grand air qu'il 
recherchait instinctivement. Dans sa chambre, il ouvrait les 
fenêtres. Il n'avait de répit que pendant les moments qui 
suivaient les repas ; pendant la nuit, il conservait le sommeil. 
Au mois d'août, comme l'état ne s'améliorait pas, on emmena 
l'enfant à Ragatz, sur les conseils du D' Blache, médecin de la 
famille, à Paris. La cure lui fît un peu de bien, en ce sens qu'il 
fut plus calme, et que la douleur de tête diminua d'intensité; 
mais il ne fut pas question de reprendre les études et l'automne 
et l'hiver se passèrent dans ces conditions. 

Rentré à Paris au mois de mars, on recourut à l'hydrothé- 
rapie. Mais, cette fois, la médication ne parut pas réussir. Au 
bout de deux mois, le mal avait encore augmenté et l'on dut 
renoncer à ce mode de traitement. On retourna à Ragatz 
pendant l'été. Nouvelle amélioration pendant le séjour aux 
eaux. Mais, après Ragatz, on monta à Saint-Moritz et, là, tout 
l'effet de la cure thermale se perdit. L'automne et l'hiver 
s'écoulèrent, comme les précédents à la campagne, et sans que 
l'enfant pût reprendre ses études. Au printemps, le D' Blache 
appela M. Charcot en consultation. Ces messieurs décidèrent 
qu'il fallait en revenir à l'hydrothérapie, et ils m'adressèrent le 
jeune malade, qui avait alors treize ans. 

Yoici ce dont il se plaignait. Il ressent, dit-il, une sensation 
de tension qui siège uniquement sur le devant du front. Cette 
sensation, tolérable en temps ordinaire, devient douloureuse 
dans toute l'acception du mot aussitôt qu'il veut appliquer son 
attention soit à une lecture, soit à un récit, soit à une simple 



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BB LA CEPHALBB DES ADOLESCENTS. 7 

conversation. La douleur est nettement limitée à la région 
frontale. Jamais elle ne s'élève au delà du front, ou ne s*étend 
aux régions latérales ou postérieures de la tête. L'exploration 
du crâne ne révèle aucune sensibilité à la pression. La douleur 
ne descend pas dans les yeux. L'enfant est légèrement hyper- 
métrope, mais M. Perrin, consulté à cet égard, ne rattache pas 
l'affection nerveuse à ce défaut de la vue. Les verres, appropriés 
à cet état, ne lui ont du reste apporté aucun soulagement. La 
lumière ne lui est pas particulièrement désagréable. Il ne re- 
cherche ni l'obscurité, ni l'ombre. La douleur est moins forte 
le matin que le soir; elle cesse ordinairement pendant les 
repas et l'heure qui les suit. Il se porte moins bien par le temps 
humide et lourd que par le temps froid et sec. L'enfant est 
d'un tempérament lymphatique; les oreilles sont habituelle- 
ment congestionnées; il est sujet aux engelures et a toujours 
les pieds et les mains glacés. L'appétit et le sommeil ont 
toujours été bons, si ce n'est au début de la maladie, comme 
nous l'avons dit. 

Le traitement fut commencé le 1" mai, et consista en une 
douche froide administrée matin et soir. Dès les premiers jours, 
il y eut une légère amélioration après chaque douche. L'enfant, 
qui avait recommencé l'hydrothérapie avec la plus grande 
répugnance, encouragé par ce résultat, suivit bientôt son trai- 
tement presque avec plaisir. L'amélioration s'accentua très 
vite. Un mois à peine s'était écoulé qu'il recommençait à lire 
et à étudier une heure par jour. Il partit pour la campagne, au 
mois de juillet, en excellente disposition. Le mal de tête ne le 
reprenait que quand le travail était trop prolongé. Mais alors 
le repos suffisait pour l'apaiser. L'enfant était de nouveau gai 
et d'humeur facile. Il avait retrouvé son caractère d'autrefois, 
disait sa mère. 

Il resta à la campagne, comme d'habitude, jusqu'au mois de 
janvier ; mais cette fois, sans qu'il y eût de rechute. Il revint à 
Paris au printemps; mais, à peine de retour, il fut atteint d'un 
épanchement rhumatismal dans le genou, qui le maintint cou- 
ché pendant une dizaine de jours. Les maux de tête reparurent 
pendant ce temps. Aussi, quand il fut entré en convalescence, 
le D' Blache jugea à propos de lui faire reprendre son traite- 
ment hydrothérapique et me le renvoya. Nous donnâmes alors 
au malade des douches écossaises pendant quelques jours; puis 
nous reprîmes les douches froides aussitôt que la guérison du 



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8 CLINIQUE NERVEUSE. 

genou nous parut suffisamment consolidée. Le résultat de ce 
second traitement fut plus rapide encore que celui de Tannée 
précédente. Au bout de trois semaines^Tenfant reprit ses études, 
et put travailler deux heures le matin et deux heures le soir. 
Au troisième mois, il put même prolonger davantage ce temps 
de travail. Il ne prit alors qu'une seule douche par jour, habi- 
tuellement le soir, vers cinq heures. Au mois d'août, Tenfant 
repartit pour la campagne, et ne revint à Paris qu'au mois de 
mars suivant. 11 n'avait pas eu de rechute durant cet intervalle. 
Il reprit alors sa douche quotidienne, et, grâce à elle, passa un 
excellent été, travaillant à la satisfaction de ses maîtres. L'au- 
tomne dernier, on le trouva assez bien pour le placer dans une 
institution privée, et il y entra dans la classe correspondant à 
son âge. Mais les conditions hygiéniques de la pension ne 
lui convinrent probablement pas ; il ne put en outre prendre sa 
douche qu'une ou deux fois la semaine. Aussi les douleurs de 
tète reparurent à deux ou trois reprises avec assez d'intensité ; 
mais quelques jours passés au grand air de la campagne en ont 
eu chaque fois facilement raison. Depuis le nouvel an, l'enfant 
est rentré chez lui et fréquente l'école comme externe. Il con- 
tinue régulièrement son traitement hydrothérapique; les maux 
de tête ont complètement disparu, et, au jour où nous impri- 
mons ces lignes (1" juin), tout fait prévoir que notre jeune 
malade passera son baccalauréat à la fin de l'année. 

Observation IV. — D..., âgé de treize ans, fils unique 
d'une mère bien portante et d'un père n'ayant éprouvé que de 
légères atteintes de rhumatisme musculaire. Cet enfant a tou- 
jours été d'une santé délicate. A deux ans, il eut une inflam- 
mation d'intestin assez grave ; à neuf ans , une angine 
couenneuse, qui fut suivie d'une coqueluche très intense et de 
très longue durée. L'enfant fit sa première instruction faci- 
lement. Ce fut sa mère qui s'occupa d'abord de lui ; il fut 
envoyé ensuite dans une école préparatoire jusqu'à neuf ans. 
Il avait, à cette époque, des maux de tête assez fréquents ; mais 
on les mettait, en général, sur le compte de troubles digestifs, 
l'estomac étant toujours resté fort délicat. A neuf ans, l'enfant 
fut placé au collège Sainte-Marie et y resta six mois, travaillant 
bien et obtenant les meilleures places. Mais, après ces six mois, 
il commença à éprouver des maux de tête qui, d'abord de 
courte durée, devinrent bientôt plus tenaces et le forcèrent 
souvent à interrompre ses études pendant plusieurs jours. Il 



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DE LA CËPHALEB DES ADOLESCENTS. 9 

put néanmoins terminer son année scolaire et eut même un 
certain nombre de prix. On passa les vacances au bord de la 
mer, mais Tenfant n'y fut pas soulagé. 

Il rentra au collège au mois d'octobre. Mais, au bout de peu 
de jours, les maux de tète qui n'avaient jamais complètement 
disparu, s'aggravèrent, et, cette fois, d'une façon si vive et si 
continue, qu'après différentes tentatives on dut se résigner à 
faire sortir l'enfant du collège. Différentes médications furent 
mises en usage, mais sans résultat. Le D' Bucquoy, médecin 
de la famille, conseilla le repos absolu et puis un séjour dans 
le Midi. Mais rien n'y fit et, vers le mois d'août, l'enfant revint 
à Paris dans le môme état. 

A Pâques, on tenta de remettre l'enfant à l'école. A force de 
courage, il put suivre les cours pendant deux mois, mais, en 
juillet, vaincu par la souffrance, il dut y renoncer de nouveau 
et on le ramena à la mer. Cette fois encore, il n'y eut pas de 
changement bien appréciable dans sa situation. 

Les vacances achevées, on plaça l'enfant à l'école de la rue 
de Madrid. Il y contracta la rougeole au bout de trois à quatre 
semaines. On espéra tout d'abord que cette affection aiguë 
allait débarrasser l'enfant de sa céphalalgie, mais il n'en fut 
rien. Bien au contraire, l'état empira de telle sorte qu'il fut 
bientôt obligé de quitter de nouveau l'école. Le D' Bucquoy fut 
alors d'avis de tenter la gymnastique et l'hydrothérapie, et on 
envoya l'enfant dans un gymnase. Mais il dut renoncer à ce 
mode de traitement qui parut aggraver ses douleurs. On lui 
donna alors un précepteur pour essayer de le faire travailler 
dans des conditions plus faciles. Mais, au bout d'un mois, 
l'abbé, chargé de cette mission, dit qu'il était impossible de 
faire étudier l'enfant, et il conseilla aux parents d'interrompre 
tout travail. 

Au mois de juillet, on emmena l'enfant au Righi. Pendant 
tout le mois qu'il séjourna sur cette montagne, il se sentit 
réellement soulagé. Mais, dès qu'il fut descendu du Righi à 
Vevey, les maux de tête le ressaisirent. L'enfant y eut aussi 
des accès de fièvre, à caractère intermittent, qui venaient sur- 
tout la nuit. L'appétit fut troublé à partir de ce moment. 

Au mois d'octobre, le D' Bucquoy conseilla d'essayer de 
l'école d'Arcueil où l'enfant se trouverait dans des conditions 
hygiéniques meilleures qu'à Paris. Mais les accès de fièvre 
devinrent plus forts. Ils apparaissaient avec beaucoup de 



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10 CLINIQUE NERVEUSE. 

régularité vors cinq heures de Taprès-midi et duraient de trois 
à quatre heures. L'accès était nettement caractérisé par ses 
trois stades habituels. Le D' Bucquoy essaya en vain le sulfate 
de quinine contre cet état. 

Au mois de novembre, le D' Bucquoy conseilla de recourir 
de nouveau à l'hydrothérapie, mais plus méthodiquement cette 
fois, et il eut l'obligeance de m'adresser le jeune malade. Celui- 
ci avait alors douze ans. Voici ce que l'examen du malade nous 
apprit. L'enfant se plaint d'une douleur, dont il fixe le siège 
dans la région frontale, et qui, dit-il, ne dépasse point la ra- 
cine des cheveux. Quelquefois cependant, quand les symptômes 
sont très violents, après une tentative de travail, par exemple, 
la douleur s'étend un peu vers le sommet de la tète, mais elle 
ne gagne jamais la région occipitale. L'enfant comn arc cette 
douleur à une pression très énergique. « C'est con^ * • Ton 
me griffait dans l'intérieur du crâne, comme si i on m'y 
pinçait », dit-il. Cette douleur est par moment très vive. Il 
la sent, en général, le matin dès son réveil, mais elle est alors 
supportable. Elle s'aggrave toujours dans la matinée, surtout 
si l'enfant veut s'appliquer. Il y a une légère rémission immé- 
diatement après le déjeuner. Il dort bien, mais tardivement 
quelquefois. La mémoire reste excellente. L'enfant est très 
afTecté de son état ; il est animé des meilleures intentions et ne 
désire que reprendre ses études. Malgré ces interruptions, il 
sait bien ce qu'il a appris, et l'avis de son professeur d'Arcueil 
est qu'il rattraperait rapidement ses camarades, s'il pouvait 
travailler avec un peu de suite. L'enfant se plaint d'avoir tou- 
jours les pieds et les mains glacés, surtout quand le mal de tète 
est plus fort, et cela môme pendant les plus grandes chaleurs. 

Le changement de temps ne parait pas l'impressionner. 11 n'a 
jamais eu de douleurs rhumatismales. 

Les accès de fièvre revenaient à cette époque tous les jours à 
cinq heures. 

L'enfant commença son traitement le 10 novembre. Douche 
froide matin et soir. Au bout de huit jours, la fièvre fut coupée. 
La douche de l'après-midi fut donnée d'ailleurs vers quatre 
heures et demie, pour obtenir l'effet anti-périodique. Celui-ci 
se manifesta dès le début du traitement à peu près comme l'a 
indiqué Fleury, c'est-à-dire que les accès s'éloignèrent et dimi- 
nuèrent d'intensité. Au bout du dixième jour, ils avaient tota- 
lement disparu. La douleur de tête subit aussi rapidement 



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DE LA CÉPHALÉE DES ADOLESCENTS. 11 

rinfluence du traitement. Vers la sixième semaine, elle avait 
presque totalement cédé, et Tenfant put commencer à lire un 
peu. On se contenta cependant de lui donner une gouvernante 
allemande, qui lui enseigna cette langue, dans laquelle il ût de 
rapides progrès. A partir du mois de février, il put recom- 
mencer des études plus sérieuses et travailler une ou deux 
heures par jour, tout en suivant son traitement. Enfin, au mois 
de mai, l'état parut si satisfaisant au D' Bucquoy, qu'il consentit 
à ce que l'enfant retourne au collège d'Arcueil. Mais la sépa- 
ration impressionna vivement l'enfant. Il eut, le soir de son 
entrée, une crise de désespoir très grande. Il surmonta 
cependant son chagrin et se remit avec ardeur au travail. Mais^au 
bout de quelques semaines, l'état céphalique reparut et s'aggrava 
rapidement. On temporisa quelques jours, mais on dut bientôt 
faire quitter le collège à l'enfant. Comme la saison s'avançait, 
le D' Bucquoy conseilla aux parents de se rendre avec l'enfant 
aux eaux de Saint-Nectaire, dont il avait souvent constaté 
l'heureux effet dans cette affection. Pendant tout le temps du 
séjour à Saint-Nectaire, l'enfant se porta très bien ; mais, à 
peine rentré à la campagne, il fut repris de sa céphalée. 
Il retourna malgré cela à l'école au mois d'octobre, mais dut 
la quitter vers le milieu de novembre, pour recommencer 
son traitement hydrothérapique. En peu de jours, les douleurs 
disparurent une nouvelle fois, et l'on se proposait de remettre 
l'enfant en classe, quand, le jour de Noël, étant à l'église, il 
fut repris subitement de ses douleurs, et cela avec une très 
grande intensité. 

Observation V. — D..., âgé de quinze ans, né de parents 
bien portants; pas de diathèse dans la famille. Le jeune malade 
a eu la fièvre typhoïde à l'âge de deux ans, et, peu après, la 
scarlatine. Il s'est ensuite bien porté jusqu'à l'âge de onze ans 
où il entra au collège Sainte-Marie comme pensionnaire, après 
avoir commencé son instruction à la maison. Un jour que la 
fenêtre était restée ouverte dans le dortoir, il se réveilla le 
matin avec de la fièvre et un violent mal de tête qu'il compare à 
celui qu'il a ressenti depuis. On fit revenir l'enfant à la maison, et 
on le soigna pendant une huitaine de jours, après lesquels il se 
porta de nouveau bien et put reprendre ses études. Mais, dansles 
derniers mois de l'année scolaire, les douleurs de tête reparurent 
avec assez de violence. Doué de beaucoup d'énergie et d'amour- 
propre, l'enfant n'en persista pas moins dans ses études, et il 



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i2 CLINIQUE NERVEUSE. 

eut neuf nominations à la distribution des prix. Pendant ces 
deux mois, la douleur de tête ne se manifestait du reste 
qu'après le travail; elle cessait le soir, aussitôt qu'il était au lit. 
L'enfant passa Tété à la campagne, et là, les douleurs de tète 
cessèrent complètement. Du reste, il n'étudia que très peu 
durant toute cette période, et mena au grand air une vie très 
active. 

En octobre, il retourna au collège. Pendant les trois pre- 
miers mois, tout alla bien. Mais, après cette époque, le mal de 
tète reparut, et il s'aggrava bientôt tellement que l'enfant dut 
quitter le collège au mois de janvier. M. Maurice Raynaud con- 
seilla alors l'hydrothérapie. Mais, au bout de trois semaines, on 
dut y renoncer, les douleurs paraissant s'aggraver. L'enfant 
resta chez lui jusqu'au mois de juillet. On l'envoya alors à 
Bagnères-de-Bigorre ; mais le traitement n'eut point d'action 
favorable, et il revint des eaux comme il y était allé. On essaya 
de le remettre au collège, mais en vain. On lui donna alors un 
précepteur, qui le fit travailler une ou deux heures par jour, 
avec beaucoup de difficulté. Au bout d'une heure d'application, 
les douleurs revenaient avec une telle intensité qu'on était 
obligé de suspendre la séance. 

L'été suivant, on fit une saison à Bourbonne-les-Bains, qui 
ne donna pas de résultat. L'hiver de 1881 à 1882 se passa 
comme les précédents, sans que lenfant put travailler plus 
d une heure par jour. Au mois de mai, le D' Jules Simon, qui 
avait remplacé M. Maurice Raynaud dans la famille, m'adressa 
le jeune malade, pour reprendre la cure hydrothérapique. 

A ce moment, l'enfant avait quinze ans. Il y avait quatre 
ans qu'il était souffrant, et près de trois ans qu'il avait quitté 
l'école. Il nous dit ressentir une douleur sur le devant du front. 
Il compare cette douleur à quelque chose qui le serrerait vio- 
lemment dans la profondeur du cerveau. La douleur devient 
presque aiguë à certains moments. C'est alors, dit-il, comme 
si on le tenaillait dans ce point. La douleur reste limitée au 
front. Cependant, à certains moments, il éprouve une sensation 
de vive chaleur sur le sommet de la tête. A la pression, pas de 
douleur sur aucune partie du crâne. 

Le sommeil est en général très calme et, quand il se réveille, 
il ne sent pas sa douleur. Celle-ci ne le reprend que vers dix 
heures ou plus tôt, s'il se met au travail. Souvent, le visage 
est un peu congestionné, les joues et les oreilles sont chaudes. 



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DE LA CEPHALEE DES ADOLESCENTS. 13 

Le déjeuner fait disparaître la douleur pour une heure environ. 
Il souffre autant debout que couché. Le grand air le soulage et 
il passe actuellement une partie de la journée en vélocipède. 
Le temps froid et le vent sec lui sont désagréables. Les pieds 
sont habituellement froids. L'appétit est bon, la digestion aussi. 
Le moral, qui a été très affecté, il y a un an, est de nouveau 
meilleur. 

Au moment où le malade nous est amené, il peut à peine 
travailler une heure par jour, le matin. La cure fut commencée 
le 10 mai. Le résultat en fut très rapide. Dès les premières 
douches, il y eut une accalmie assez marquée après chaque 
séance et, au bout d'un mois, l'enfant n'éprouvait plus ses 
douleurs que tous les deux ou trois jours et particulièrement 
quand, pour une raison ou pour une autre, il n'avait pas pris sa 
douche. Au mois de juillet, elles avaient presque totalement 
disparu, le travail pouvait être soutenu sans peine, plusieiu:s 
heures de suite. L'enfant partit pour la campagne vers les pre- 
miers jours d'août dans un état excessivement satisfaisant. Il 
revint à Paris au mois d'octobre, absolument bien portant, et 
retourna au lycée, pour la première fois depuis trois ans. Il a 
continué ses douches, et, au jour où nous écrivons ces lignes, 
il n'a pas eu de rechute, et il est un des premiers élèves de sa 
classe. 

J'ajouterai à cette observation que la mère m'amena dans 
les quinze derniers jours son jeune frère, âgé de onze ans, qui 
commençait à présenter des symptômes analogues à ceux de 
son aine : ils disparurent avec quelques douches. Mais, à la 
rentrée, ils ont reparu un peu, et l'enfant vient de reprendre 
son traitement tout en continuant à suivre les classes. 

Observation VI. — D..., âgé de treize ans, me fut adressé au 
mois de mars 1879 par mon ami le D'Gheurlot. Cet enfant n'a 
jamais été bien malade. La famille n'est pas arthritique. Il est 
entré de bonne heure au lycée Fontanes dont il a suivi les 
cours avec laplus grande régularité. Il a toujours bien travaillé 
et on le compte parmi les meilleurs élèves de sa classe. Depuis 
environ six mois, l'enfant se plaint de maux de tète qui, assez 
faibles au début, sont allés toujours en augmentant. Depuis 
quelques semaines, ils ont pris tant d'intensité que les 
parents ont dû faire quitter pendant plusieurs jours le lycée 
à l'enfant, pour lui donner un peu de repos. Mais, comme 
les douleurs n'ont pas cessé pendant cette interruption, et que 



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H CLINIQUE NERVEUSE. 

l'enfant est plein d'ardeur pour ses études, il a voulu reprendre 
malgré ses souffrances. Ce n'est cependant qu'avec de grands 
efforts de volonté qu'il parvient souvent à terminer sa classe. 
Interrogé sur le siège et la nature de sa douleur, Tenfant 
nous dit qu'elle ne réside que sur le devant du front. Il lui 
semble que sa tête se resserre dans ce point, qu'il y a quelque 
chose qui le comprime violemment. Le sommeil est con- 
servé. Le matin, au réveil, l'enfant ne souffre pas, mais les 
douleurs reprennent aussitôt qu'il s'applique. Les pieds et les 
mains sont habituellement froids. L'appétit et la digestion sont 
bons ; il y a une certaine constipation. Le moral est affecté, au 
dire de la mère. L'enfant fuit volontiers les distractions depuis 
qu'il est souffrant. Les résultats du traitement hydrothérapique 
furent très rapides dans ce cas. Pour pouvoir continuer ses 
études, l'enfant ne vient prendre qu'une douche par jour, le 
soir après la classe. Malgré ces conditions imparfaites, les dou- 
leurs diminuèrent dès les premiers jours, et elles avaient pres- 
que totalement disparu au bout de quelques semaines. L'enfant 
put terminer son année scolaire de la façon la plus sa- 
tisfaisante. Nous n'avons point revu cet enfant l'année sui- 
vante. Mais le D' Cheurlot nous a dit depuis qu'il avait con- 
tinué à se bien porter, et qu'il avait passé en 1882 son bacca- 
lauréat avec d'excellentes notes. 

Observation VIL — C'est celle d'un jeune Américain, qui 
nous fut amené par un de nos malades, pour lui faire suivre 
une cure hydrothérapique. Cet enfant n'avait jamais eu d* autre 
maladie que des fièvres intermittentes, qu'il avait contractées 
dans son pays; mais dont il était débarrassé depuis deux ans. 
C'était un beau et vigoureux garçon, fort intelligent.il avait 
rapidement appris le français depuis son séjour à Paris et s'ex- 
primait très facilement. Depuis un an, il se plaignait de maux 
de tête siégeant sur le devant du front, et qui, disait-il, étaient 
devenus excessivement pénibles. Il avait commencé par fré- 
quenter une école à Paris; mais, depuis qu'il avait ses douleurs 
de tête, il avait dû y renoncer complètement. 11 avait un pro- 
fesseur qui lui donnait des leçons à la maison ; mais ces leçons 
ne pouvaient être prises qu'avec la plus grande irrégularité. 

L'enfant resta environ trois mois à Paris et suivit son traite- 
ment pendant tout ce temps. 11 était à peu près affranchi de 
ses douleurs, quand il quitta la France, et pouvait de nouveau 
travailler d'une façon fort satisfaisante. 



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DE LA CÉPHALÉE DES ADOLESCENTS. 15 

Observation VIII. — X..., né d'un père rhumatisant, a com- 
mencé à souffrir de la tête à huit ans. La douleur était fron- 
tale et s'accompagnait d'élancements dans la profondeur. Le 
malade nous dit qu'il ressentait par moments comme un globe 
qui se resserrait d'une façon des plus douloureuse dans l'inté- 
rieur du cerveau. Cette année il ne put presque rien faire pour 
son instruction et passa tout l'été en Suisse. Au mois d'octobre 
il entra au lycée de Vanves, et il put y travailler durant toute 
une année. Mais, l'année suivante, le mal de tête reparut avec 
une telle intensité qu'on fut obligé de retirer l'enfant du 
collège. Le docteur Monod, son médecin, me l'adressa alors, 
pour le soumettre à un traitement hydrothérapique. Au bout 
de peu de semaines, ses douleurs avaient disparu et, au mois 
d'avril, il put reprendre avec fruit ses études, en continuant son 
traitement dans la mesure que lui permettait la règle du lycée. 
L'enfant atteignit ainsi l'âge de quatorze ans, n'ayant eu que 
de très légères rechutes, dues toujours à une interruption trop 
prolongée du traitement. Mais, au mois de septembre de Tannée 
1879, il fut pris «l'une attaque de rhumatisme articulaire aigu 
généralisé. Il eut des maux de tête extrêmement violents pen- 
dant tout le temps de cette maladie, qui dura près de trois mois. 
Ces douleurs ressemblaient en tout point à celles qu'il ressen- 
tait habituellement et n'occupaient, même au plus fort des 
souffrances, que la région frontale. Il passa sa convalescence à 
Pau et puis à Biarritz. Mais dans cette station il se déclara une 
congestion cérébrale intense. Il perdit connaissance dès le 
début et eut ensuite des douleurs de tête atroces, que l'applica- 
tion continuelle de la glace pouvait seule calmer. En été, cure à 
Luxeuil ; elle fut mal tolérée. Ensuite saison de trois mois à 
Divonne qui fit beaucoup de bien, et permit à l'enfant de 
reprendre ses études à la rentrée. Mais les douleurs de tête 
reparurent, de telle sorte qu'il ne put travailler et échoua au 
baccalauréat. En 1881, cure à Wildbad, pendant laquelle les 
douleurs de tête augmentèrent de la matière la plus vive. Il se 
déclara aussi une nouvelle attaque de rhumatisme articulaire, 
mais elle ne dura que peu de temps. Un séjour dans la Forêt- 
Noire amena une nouvelle et sérieuse amélioration, et X... put 
reprendre ses études à la rentrée. Cette fois, il put travailler 
plus fructueusement et passer son baccalauréat au mois de 
novembre dernier. Cependant X... nous a dit que, dans les 
dernières semaines, les maux de tête étaient devenus de nouveau 



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16 CLINIQUE NBRVEUSB. 

si violents que, quelques jours plus tard, il lui eut été impos- 
sible de se présenter à son examen. 

Observation IX. — M*'° X..., née de père et de mère bien 
portants. Grand parents du côté maternel morts de la poitrine. 
Cette enfant, âgée aujourd'hui de douze ans, m'a été amenée, il 
y a deux ans, pour des maux de tête, qui préoccupaient beau- 
coup les parents. Il y avait un an qu'elle en souffrait. Ils 
étaient assez violents pour empêcher complètement les études. 
La douleur revêtait les mêmes caractères que ceux de nos 
malades précédents. Au bout de quinze jours de traitement, un 
confrère conseilla la cessation de l'hydrothérapie, par crainte 
d'une méningite. L'enfant resta deux ans dans le même état 
et m'a été adressée de nouveau, il y a quelques semaines, par 
M. le Dr Millard. Sous Tinfluence de Fhydrothérapie les maux 
de tête ont cédé cette fois rapidement. La malade continue son 
traitement actuellement. 

Observation X. — X..., âgé de dix ans. Il est le fils d'une 
dame hystérique, actuellement en traitement à notre établis- 
sement. Il a ressenti, pendant toute l'année scolaire passée, des 
douleurs frontales très vives qu'il compara à de violents coups 
de marteau. Les douleurs, faibles le matin, s'exaspéraient le 
soir après la classe; il a dû souvent interrompre ses études 
pendant plusieurs jours de suite. Il a passé ses vacances der- 
nières tout entières à la campagne et aux bords de la mer ; il 
en a obtenu un excellent effet. 11 a pu reprendre ses classes à 
la rentrée et a été placé à l'institution Sainte-Barbe de Fonte- 
nay-aux-Roses. Cependant, depuis quelques semaines, ses dou- 
leurs reparaissent de temps en temps. C'est un garçon intelli- 
gent et travailleur. 

Observation XI. — X-.., âgé de douze ans. Sa mère a eu des 
coliques hépatiques. Rien à signaler de particulier dans la pre- 
mière enfance, si ce n'est une tendance à l'urticaire qui a été 
heureusement modifiée par deux cures à Uriage. 

L'enfant a été placé à sept ans et demi dans ujie école pré- 
paratoire, et, depuis deux ans, il suit les cours du lycée. Il a 
toujours appris facilement et c'est un élève très studieux. 

Les maux de tête ont débuté chez lui il y a dix-huit mois, 
mais, pendant toute une année, ils ont été passagers et peu in- 
tenses. Ce n'est que vers la fin de l'année scolaire passée qu'ils 



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DU DBLIRB BANS LA VBSANIB. 17 

ont commencé à troubler un peu le travail. Mais, à la rentrée 
suivante, au bout d'une quinzaine de jours, ils sont devenus si 
persistants et si forts que Tenfant était souvent obligé de 
rentrer à la maison après le déjeuner et de cesser tout travail. 
Depuis quinze jours on s'est décidé, sur Tavis du D' Manigault, 
à lui faire interrompre ses études complètement et à le sou- 
mettre à rhydrothérapie. 

État actuel, — L'enfant est un peu pâle ; il a beaucoup 
grandi, au dire de son père, dans les deux dernières années ; il 
va avoir douze ans. Il se plaint d'une douleur siégeant au 
front, et qu'il compare à un sentiment très douloureux. Le mal 
va en augmentant dans la journée et souvent est plus fort après 
les repas. L'appétit, le sommeil sont bons; l'enfant n'est pas 
fatigué physiquement, il peut se promener très longtemps, le 
moral n'est pas afTecté. Dès les premiers jours du traitement il 
y eut une amélioration sensible. Au moment où nous publions 
ces lignes, l'enfant ne se plaint plus de ses douleurs. 

{A suivre,) 



PATHOLOGIE xMENTALE 



QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LÉVOLUTION DU DÉLIRE 
DANS LA VÉSANIE; 

Par le D^ Paul GÉRENTE «. 

Depuis le siècle dernier, ce qu'on peut appeler la 
science de raliénation mentale a fait, certes, de grands 
progrès; pourtant, aujourd'hui encore, même avec les 

* Ces quelques pages contiennent les premières conclusions d'une étude 
que nous poursuivons depuis cinq ans; nous comptons publier notre 
travail prochainement, avec les nombreuses observations cliniques qui 
nous ont amené précisément à ces conclusions. 

Archives, U VI. 2 



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18 PATHOLOGIE MENTALE. 

traités classiques de nos mattres, on se reconoatt diffi- 
cilement au milieu de toutes ces monomanies si nom- 
breuses*. Ne serait-il pas possible de démêler quelques 
lignes générales, quelques lois qui pussent nous ser- 
vir de guide ? — Assurément, ces lois générales n'au- 
ront rien d'absolu, pas plus que quoi que ce soit dans 
le domaine de nos connaissances : tirées de faits em- 
piriquement observés, elles ne sauraient avoir elles- 
mêmes qu'un caractère empirique*; plus d'une fois, 
elles devront être vérifiées. 

Mais comment doivent être recherchés les faits que 
nous voulons étudier? 11 ne suffît pas d'examiner les 
divers organes, et d'interroger le malade à son arri- 
vée; il ne suffit pas de se réduire au rôle passif de se- 
crétaire, de noter simplement les diverses saillies du 
délire, en un mot, le spectacle extérieur. Il faut re- 
chercher les antécédents de toutes sortes; il faut scru- 
ter l'être intime du malade, gagner sa confiance, vivre 
même 'avec lui, durant un certain temps, et alors 
explorer les régions diverses de son intelligence, son- 
der les divers points de sa sensibilité affective et mo- 
rale, mais surtout de ce que nous appellerons avec 
Cerise* et Morel* le sens émotif. C'est alors seulement 
que nous pourrons scientifiquement étudier l'aliéné, 

« Voyez Guislain. — Leçons orales sur les phrénopathies : de la 4^ à la 
12* leçon. Paris et Gand^ 1880. 

« Voyez Bouchard. — Cours de pathologie générale de 1879-1880. Pre- 
mière leçon^ p. 8 et 9. Paris, 1882. 

•Voyez Cerise. — 1" Lettres à M, le D^ Longet\ 2«> Des fonctions et des 
maladies nerveuses dans leurs rapports avec Véducation sociale et privée, 
morale et physique. 

* Morel. — Etudes cliniques. Traité théorique et pratique des maladies 
mentales, Ille partie. Paris et Nancy, 1852-1853. 



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DU DfiLlRB DANS LA. VESANIB. 19 

c'esl-à-dire, comme l'indique notre maître M. Magnau, 
dans sa leçon à Tasile Sainte-Ânne, en 1877, sur 
VExamen clinique dans les maladies mentales^ « suivre 
(( les symptômes dans leur évolution successive et les 
M subordonner les uns aux autres. » « Ainsi, ajoute- 
« t-il, nous puiserons dans la marche de la maladie 
« les éléments les plus importants du diagnostic et du 
M pronostic. » Telle est la méthode que nous avons 
essayé^de suivre. 

Après une longue étude d'aliénés délirants chro- 
niques, qu'il nous a été donné d'observer en assez 
grand nombre, et de suivre durant un certain temps, 
il nous a semblé qu'il se dégageait un type assez net : 
c'est précisément à élucider l'évolution de cette affec- 
tion mentale particulière que sont consacrées les pages 
présentes. — En botanique, en zoologie, on a décrit 
anciennement, comme des variétés d'êtres parfaite- 
ment distinctes, des formes que récemment une obser- 
vation plus attentive a reconnues n'être, en réalité, 
que les aspects divers d'un même individu, aux divers 
moments de son évolution. Il en a été de même en 
pathologie humaine, par exemple, pour diverses affec- 
tions de la peau. — 11 nous semble qu'il en est de 
même encore pour la pathologie mentale : on a décrit 
comme des entités irréductibles certaines monomanies 
que nous croyons être simplement les aspects succes- 
sifs d'une même vésanie aux différentes époques de 
son évolution. 

Mais, dès le début, que ceci soit bien entendu : nous 
ne nous occuperons ni des délires toxiques, ni des dé- 
lires liés à quelque névrose (épilepsie, hystérie, etc.). 



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20 PATHOLOOIB MBNTALB. 

ni des délires liés à quelque lésion organique que nous 
connaissions (paralysie générale, athéromes cérébraux, 
hémorrhagies ou ramollissements, tubercules^ etc.). 
Notre terrain d'observation est exclusivement circons- 
crit aux délires chroniques chez les vésaniques purs, 
depuis les premiers débuts encore confus jusqu'à la 
démence confirmée : ce que nous voulons étudier, 
c'est révolution du délire dam la vésanie. 

Les vésaniques qui se sont montrés à nous jusqu'ici, 
et sur les antécédents desquels nous avons pu être 
renseigné, étaient tous des héréditaires. N'est pas 
aliéné le premier venu : il faut une longue incuba- 
tion. En dehors des délires toxiques, des névroses, 
des fièvres et des lésions organiques connues, il faut 
au moins une ou deux générations qui préparent le 
terrain. — Nous savons qu'un grand nombre d'allé* 
nistes contemporains, et des plus considérables par 
leur position, n'attribuent pas à l'hérédité, à la dégé- 
nérescence, une influence aussi prépondérante dans la 
genèse des vésanies. Et, en effet, quand un malade se 
présente au médecin, l'enquête est toujours difficile, 
parfois impossible, au sujet de l'hérédité; la famille, 
les parents se retranchent et échappent souvent der- 
rière des réticences le plus souvent voulues, parfois 
même inconscientes. — Pourtant, toutes les fois qu'il 
nous a été donné de pénétrer un peu ces arcanes, nous 
avons toujours trouvé la marque, la tare indélébile 
qui se transmet des aïeux aux descendants sous des 
formes assez variables, mais qui passe toujours d'une 
génération à l'autre, héritage obligé. Tantôt ce sont 
des névroses, tantôt des empoisonnements chroniques 



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DU B^LIRB DANS LA VÊSANIE. 21 

(alcoolisme, ...), tantôt des anomalies ou deTintelli- 
gence, ou du sentiment, ou de la volonté, auxquelles 
personne ne faisait attention peut-être, mais qui n'en 
imprimaient pas moins leur cachet sur l'individu et sur 
sa postérité. 

Prédisposé de la sorte par son hérédité, le patient 
peut, à la rigueur, traverser la vie sans notable accident 
du côté mental, s'il se développe et s'il évolue dans un 
milieu physique et moral favorable, si, en un mot, son 
hygiène (au sens le plus élevé du terme) convient. 
Mais, qu'il lui survienne quelque infortune : son équi- 
libre mental, si fragile, en éprouve une première se- 
cousse, parfois suffisante. Que le malheur succède au 
malheur, comme il arrive souvent dans notre société, 
où la lutte pour l'existence parait atteindre son sum- 
mum; le prédisposé succombe : c'est un aliéné. 

Prenons le malade au moment même de sa chute, 
au moment où il va devenir^ où il est devenu aliéné] 
quels sont les premiers phénomènes qu'il présente? 

Au début de toute aliénation mentale, il y a une 
douleur. Cette vérité a été mise en relief, surtout par 
Guislain *, J.-P. Falret' et son élève Morel', dans les 
derniers temps; par J. de Smeth* et Christian* parmi 
nos contemporains. Mais il faut de plus, chez le ma- 
lade, une prédisposition toute spéciale (quelle qu'en 

* Guislain. — Op, cit. 

« J.-P. Falret. — Des maladies mentales et des asiles daliénés, — 
Leçons cliniqttes, Paris, 1864. 
» Morel. — Op. cit. 

* De la mélancolie. — Étude médicale^ par Joseph de Smeth. Bruxelles, 
1872. 

B Etude sur la mélancolie^ par M. le D' J. Christian. Paris, 1876. 



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22 PATHOLOGIE MENTALE. 

soit Torigiae, le plus souvent héréditaire, comme il a 
été dit plus haut); il faut, chez lui, une réceptivité, 
une impressionnabilité anormale, une perversion dou- 
' loureuse de la sensibilité morale ; il faut, si je puis 
m'exprimer ainsi, une hyperalgésie mentale. 

A bien les étudier, on constate un autre caractère 
morbide encore chez tous les prédisposés^ qu'ils de- 
viennent ou non aliénés, qu'ils échappent ou non à 
une chute, toujours imminente dès les premiers mal- 
heurs. On les appelle plus ou moins des hypochon- 
driaques : appliqué en ce sens général, l'expression est 
impropre, si l'on veut s'en référer à l'étymologie ; 
mais nous l'admettons pour faciliter le langage, puisque 
c'est le terme reçu. Ce sont des êtres qui ont pour 
habitude de se replier sur eux-mêmes, de se scruter 
jusqu'en leurs moindres douleurs physiques, ou bien 
qui, suivant leur organisme, suivant leur intelligence, 
suivant la sphère où ils vivent, aimeront chaque jour 
à méditer sur le plus passager de leurs sentiments, sur 
la plus futile de leurs intentions; qu'on me pardonne 
cette expression irrévérencieuse : ce sont des rvmi- 
nants. Que de « journaux intimes », que de « confes- 
sions )>, que d' « autobiographies », etc., nous a valus 
cette disposition mentale dans la première moitié de 
ce siècle et même encore aujourd'hui ! Sans chercher 
beaucoup, qu'il serait facile, dans notre littérature, de 
réunir toute une série de livres (dont quelques-uns fort 
remarquables) ayant ce caractère morbide ! Chez tous 
ces sensitifs, à un degré plus ou moins intense, on re- 
trouve Vhypochondrie mentale^ (le néologisme est de 
Guislain). Les sensations physiques et morales étu- 
diées au microscope sont amplifiées, et dès lors l'équi- 



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DU DÉLIRE DAMS LA VBSANIB. S3 

libre de Tiatellect devient plus difiScile à maintenir; 
pour y réussir, il faut une domination de soi plus ou 
moins énergique. 

Chez Taliéné, au moment de la chute, cette domi- 
nation, cette possession de soi-même disparaît; reste 
dès lors chez lui, sans contre-poids et suscitant le délire, 
Vhypochondrie mentale. Au moins, Tavons-nous obser- 
vée sans exception chaque fois qu'il nous a été possible 
de connaître chez nos malades les débuts de leur 
affection mentale. Notre expérience est sans doute un 
peu jeune, mais elle se trouve confirmée par le senti- 
ment de Morel, un de ceux qui ont le mieux vécu avec 
les aliénés et qui les ont le mieux connus; et, d'autre 
part, un de nos maîtres, dont l'expérience est des plus 
étendues, et à qui nous soumettions la question, nous 
disait qu'il était arrivé aux mêmes conclusions. 

Parfois, cette hypochondrie mentale est assez légère 
pour permettre au malade de se mêler encore à la so- 
ciété. Que d'individus nous côtoyons ainsi dans le 
monde, ayant avec eux souvent les plus aimables rela- 
tions ! on les traite d' « originaux », de a maniaques » 
au sens vulgaire ; et l'on passe. — Mais que, précisé- 
ment, il survienne quelque «tow/^wr, cette hypochondrie 
mentale s'accentue ; le malade étant d'ailleurs dès sa 
naissance ce qu'on appelle un débile^ ou bien s'étant 
affaibli mentalement au cours de son existence, ne 
peut plus se posséder, se retenir; il est absorbé par 
cette préoccupation de son état douloureux, ou moral, 
ou physique; bientôt, il ne s'appartient plus, et tombe 
sous le coup d'une angoisse, d'une anxiété, qui, par- 
fois, le mène aux plus tristes impulsions, par exemple 
au suicide : nous avons un aliéné. Tels sont les phéno- 



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24 PATHOLOOIB MENTALE. 

mènes généraux qu'on retrouve au début de toute alié- 
nation : r hypochondrie mentale ou physique; S*" dou- 
leur, surtout morale; 3"" perte de l'équilibre mental. 

Continuons notre étude. Des troubles de la sensibi* 
lité générale ou spéciale, troubles plus ou moins mo- 
biles, plus ou moins nombreux, plus ou moins intenses, 
peuvent se produire; ils servent alors de texte aux 
interprétations délirantes les plus variées. Mais ce dé- 
lire lui-même peut se développer de différentes ma- 
nières. — Ou bien le malade reste cantonné dans son 
hypochondrie mentale, dans son hypochondrie phy- 
sique; peu à peu, il y organise tout un système de 
délire, et alors, affaibli intellectuellement, il finit, 
délirant chronique, par se stéréotyper, se momifier 
dans ses préoccupations hypochondriaques, toujours 
les mêmes. Ou bien, d'autres sentiments, mais toujours 
de caractère pénible, par exemple de la démonomanie, 
des craintes de persécution, etc., viennent s'ajouter 
aux préoccupations hypochondriaques, tout en laissant 
à celles-ci le premier rang. Ces sentiments sont peu 
consistants, ne gardent jamais dans le délire qu'un rôle 
accessoire, et inquiètent peu le malade; au bout d'un 
certain temps même, ces idées de persécution (pour 
continuer un de ces exemples) viennent à disparaître, 
sans jamais avoir occupé une grande place. Le délire 
hypochondriaque, systématisé et devenu absolument 
chronique, reste seul. Ou enfin, venant s'ajouter à 
l'hypochondrie du malade, ces sentiments pénibles, 
de formes diverses, prendront au contraire peu à peu 
le dessus, et modifieront le sens du délire, lui impri- 
meront une évolution nouvelle. 



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DU BÉLIRR DANS LA YSSANIE. 35 

Cette évolution du délire passant de la forme hypo- 
chondriaque à d'autres formes, comme de stade en 
stade, est fort intéressante à suivre. Sa possibilité, du 
reste, connue depuis longtemps, n'est pas contestée. 
Esquirol ' cite dans son livre un cas des plus explicites, 
où le malade, d'abord liypochondriaque, devint persé- 
cuté et finit par se croire le fils de Louis XVI, dauphin 
de France; on en retrouve encore divers exemples, 
passim^ dans ce même ouvrage. Broussais' admet 
comme très fréquent ce fait que, chez un malade, di- 
vers délires viennent succéder au délire hypochon- 
drîaque. Brachet' pense de même. Michéa ^ donne une 
observation très nette, empruntée à Brierre de Bois- 
mont, où le délire, d'abord hypochondriaque, se trans- 
forme plus tard en une démonomanie. A. Foville fils* 
enfin apporte, lui aussi, une observation. 

Ce que l'on conteste, en dehors des malades à dé- 
lire hypochondriaque chronique, c'est que le début de 
l'évolution vésanique soit constamment l'hypochondrie 
ou mentale, ou physique. Morel pourtant, dont l'expé- 
rience clinique était si vaste, a présenté ce fait comme 
étant la règle constante chez les vésaniques hérédi- 
taires; il en a donné, dans ses Études cliniques, plu- 
sieurs exemples, dont un', très remarquable, nous 
montre la succession des préoccupations hypochou- 
driaques, du délire des persécutions et des idées de 

' Esquirol. — Maladies mentales, t. II, p. 12 à 16. Paris, 1838. 
« Broussais. — De Cirritation et de la folie, t. II, p. 15. Paris, 1839. 
sBrachet. — De Chypochondne, p. 449. Paris, 1844. 
«Michéa. — De Vhypochondrie, p. 115 à 122. Paris, 1845. 

• Ach. Foville fils. -- Etude clinique de la folie avec prédominance du 
délire des grandeurs, p. 37 du mémoire; observation VI. Paris, 1871. 

• Morel. — Op, citât,, t. l^, p. 163 à 166 et 363 à 367. 



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26 PATHOLOGIE MENTALE. 

graûdeur; il a enfin développé cette proposition en 
divers endroits de son Traité des maladies mentales^. 
Pour nous, bien que M. A. Foviile fils combatte' la 
thèse de More), et ne la regarde comme admissible que 
dans la minorité des cas, nous adoptons pleinement 
les idées de Morel sur ce sujet. Tous les vésaniques, 
en effet, comme nous l'avons déjà dit plus haut, dont 
nous avons pu connaître et noter les débuts, avaient 
commencé par être des hypochondriaques. Résultant, 
pour nous, du dépouillement même de toutes les 
observations que nous avons pu recueillir sur ce 
point, ce fait nous parait être une vérité essentielle- 
ment clinique. 

Quelles sont précisément les formes par lesquelles 
peut évoluer le délire vésanique, ultérieurement au 
début hypochondriaque? Ces formes, singulièrement 
variables, dépendent du milieu, c'est-à-dire de l'époque, 
du pays, de la société, des idées et des passions do- 
minantes, de l'éducation passée et du tempérament de 
l'individu, etc.; mais elles ont toutes certains carac- 
tères communs. Dans une première période^ en effet, 
le patient souffre, est déprimé, se concentre pénible- 
ment sur lui-même, et réagit de diverses façons. Que 
nous trouvions chez lui la jalousie, la démonophobie, 
la toxicophobie, le délire des persécutions, etc., peu 
importe; nous n'avons point là d'entités irréductibles, 
nous n'avons que des formes accessoires : le fond 
essentiel, c'est le sentiment de dépression^ de contraction 

* Morel. — Traité des maladies mentaleSy p. 263 et suiv., 419 et suiv., 
714 et suiv. Paris, 1860. 
« Ach. Foviile fils. — Op. citai.y p. 43 du mémoire. 



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DU DÉLIRE DAKS LA VÉSANIE. 27 

pénible sur soi-même^ coïncidant avec \^ perversion dou- 
loureuse du sens émotif \ — Plus tard viendra une autre 
période dont nous parlerons quand il sera tenips. 

Quant aux troubles de la sensibilité, ils servent, 
toutes les fois qu'ils existent, de matériaux à Tédifica- 
tion du délire : mais eux non plus ne paraissent point 
essentiels dans la vésanie; à notre avis, du moins, ils 
ne sont qu'un élément relativement accessoire. Sans 
doute, ils aident dans une plus ou moins large me- 
sure au délire par les interprétations erronées aux- 
quelles ils donnent lieu ; mais ces interprétations 
mêmes varient suivant Tépoque et portent l'empreinte 
du sentiment qui domine à ce moment de l'évolution 
vésanique : c'est ce sentiment de dépression, de con- 
centration pénible^ encore une fois, qui est bien le fac- 
teur capital. — Tell€ est notre conviction, après avoir 
observé et suivi longuement nos malades, et, d'autre 
part, après avoir analysé précisément les faits mêmes 
qu'on présente à l'appui de la théorie contraire, la- 
quelle donne aux troubles sensoriels le rôle principal 
dans la production du délire. 

Cette première période de l'évolution du délire vésa- 
nique, on pourrait donc l'appeler période de dépression, 
de concentration pénible, d'après le sentiment commun 
qui se retrouve au fond de ses formes les plus diverses, 
et qui est sa marque caractéristique. Après la phase 
d'hypochondrie qui en constitue comme la porte d'en- 
trée, nous trouvons que, d'abord, les sentiments, les 
idées pénibles sont assez confus, assez mal déterminés 
dans tel ou tel sens. Cependant, l'affaiblissement men- 

• Voyez Cerise et Morel, loc. cit. 



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28 PATHOLOaiB MRNTALB. 

tal, déjà de date plus ou moins ancieune, apparaît de 
plus en plus : l'activité d'intelligence, la sensibilité 
affective, eu réalité, diminuent, car il ne faut point 
s'en tenir à de fausses apparences. Indifférent dès lors 
à tout ce qui ne se rattache pas à son délire, le malade 
voit peu à peu ses idées se circonscrire, et, avec le 
temps, se préciser, revêtir une forme plus arrêtée 
qu'au début; graduellement, le délire se systématise. 
Les expressions elles-mêmes dont se sert le malade va- 
rient de moins en moins, se fixent, et, comme ou dit, 
« se cristallisent ». D'ailleurs, subsiste toujours l'alté- 
ration douloureuse du sens émotif, qui déprime le pa- 
tient, qui donne un caractère pénible à toutes ses sen- 
sations. — Systématisé, le délire, enfin \ « s'offrant 
toujours sous le même aspect, devient immuable et 
est en quelque sorte stéréotypé ». 

Nous regrettons, car la place nous manque, de ne 
pouvoir rapporter ici quelques observations de ma- 
lades qui, mieux qu'aucun développement didactique, 
montreraient cette période de l'évolution vésanique. 

Nous ferons d'ailleurs remarquer ici (comme nous 
l'avons fait à propos de la phase hypochondriaque) 
qu'arrivés à cette période de concentration pénible, il 
est des malades qui s'arrêtent; ils ne poussent pas 
plus loin leur évolution. Séjournant alors dans la 
sphère des sentiments et, par suite, des idées pénibles, 
ils y édifient, y systépaatisent peu à peu leur délire, 
puis restent stationnaires, comme cristallisés; enfin, 
l'affaiblissement mental progressant, ils tombent dans 
une démence de formes variables, que nous aurons à 

^Magnan. — Leçons sur le délire des persécutions, faites à Tasile 
Sainte-Anne. Paris, 1877. — J.-P. Falret, op. citât. 



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DU DELIRE DANS LA VESANIE. 29 

analyser plus loin. Ainsi, ces malades, durant tout 
leur délire, n'auront éprouvé à aucun moment ce 
sentiment qui caractérise la deuxième période dite 
expansive. 

Quelle est donc cette deuxième étape du délire vé- 
sanique ? — Une fois la période dépressive traversée, 
le malade se trouve profondément affaibli au point de 
vue mental; ses idées deviennent plus enfantines; leur 
contraste avec le monde extérieur devient de moins en 
moins sensible au patient. L'hyperesthésie douloureuse 
du sens émotif, dont il fut si longtemps victime, finit 
elle-même par s'émousser, puis disparaît. Enfin, sa 
tristesse, ses souffrances continuelles ont contribué à 
exalter encore chez le vésanique le sentiment déjà 
morbidement exagéré de sa propre personnalité; il 
devient graduellement plus orgueilleux, plus expansif. 
Un à un, ses divers motifs de peine vont se dissoudre 
dans le passé; de jour eu jour, il s'estime davantage, 
se trouve plus heureux, et enfin, monte à ce qu'on 
pourrait appeler son apothéose. Les idées délirantes 
revêtent désormais le caractère d'une félicité royale ou 
mystique, suivant les circonstances. Les troubles de 
la sensibilité, désormais aussi, sont interprétés en ce 
sens. 

Quant aux mécanismes apparents, quant aux raison- 
nements qui, chez chaque aliéné, paraissent justifier 
cette succession de sentiments, ils sont fort variables; 
mais cette diversité de formes importe peu. L'essentiel, 
c'est la modification du fond morbide par le passage 
d'un sentiment pénible à un sentiment erpansif. — 
Voici, par exemple, deux malades qui s'engagent dans 



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30 PATHOLOGIE MENTALE. 

la période d'expansion : l'un arrive à croire réalisées 
certaines ambitions politiques, raconte qu'il appartient 
mystérieusement à quelque illustre famille; l'autre en- 
tend des voix, reçoit des révélations mystiques, est 
sur le chemin de quelque paradis; chacun explique à 
sa façon et plus ou moins habilement, suivant le degré 
de ses facultés intellectuelles, les anciens ennuis, les 
espérances, les convictions nouvelles. Au fond, pour 
tous deux et pour bien d'autres, ne s'agit-il pas tou- 
jours d'une altération du sens émotif, qui change de 
caractère ? H y a d'abord une souffrance, une hyperes- 
thésie douloureuse, une concentration pénible; puis 
survient peu à peu (comme d'ailleurs chez les per- 
sonnes mentalement saines, mais habituées à souffrir 
de quelque maladie chronique) une exagération de la 
personnalité, qui devient exclusive, exigeante; le sens 
émotif douloureux s'émousse avec les années; l'intel- 
ligence s'affaiblit^ et l'on voit se produire une expan- 
sion de l'être mentalement déchu. La mise en œuvre, 
la contexture même du délire, plus ou moins puérile, 
est donc tout à fait secondaire. 

Ainsi se découvre peu à peu cette loi générale : 
Dans le délire chronique^ la période expansive ne fait 
jamais que succéder à la période de dépression; et ce qui 
caractérise essentiellement chaque période^ c'est F altéra- 
tion différente du sentiment. 

Le plus souvent, tout marche par une évolution 
lente, progressive; le plus souvent, ce n'est point du 
premier coup que le vésanique, d'une concentration 
pénible, passera à une béatitude expansive : il traver- 
sera toute une phase de transition. D'abord, derrière 



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DU DÉLIRE DATiS LA VÉSANIE. 31 

tel ou tel sentiment mélancolique, se devineront, pour 
l'observateur, les premières poussées de cette person- 
nalité qui va s'exagérant chaque jour après tant de 
souffrances, de cet orgueil, de cette ambition, encore 
inconscients, et qui n'osent encore paraître au jour. 
Gomme fait second, comme conséquence, derrière telles 
craintes religieuses, telles idées de persécution, se 
glisseront les premières questions sur la raison de cet 
état de choses, puis peu à peu les premiers essais de 
réponse, encore fort confus. De jour en jour, de mois 
en mois, d'année en année, suivant que l'évolution 
sera plus ou moins lente, à côté des sentiments et par 
suite des idées pénibles, viendront s'affirmer les senti- 
ments de grandeur, les idées ambitieuses qui en sont 
le résultat, quelle que soit d'ailleurs leur forme poli- 
tique, sociale, mystique ou autre. L'association, le 
mélange de ces deux ordres de sentiments et d'idées 
présentera plus ou moins de cohérence, suivant que 
les facultés mentales du malade se trouveront à ce 
moment plus ou moins affaiblies; mais le caractère 
constant, la loi nosologique est qu'à cette époque de 
transition coexistent les deux tendances du délire vé- 
sanique, dépression et expansion^ s'alternant, se combi- 
nant des plus diverses façons. 

C'est de cette phase, intermédiaire aux deux princi- 
pales périodes de l'évolution vésanique, qu'a parlé 
M. Ach. Foville dans son ouvrage déjà cité et dans un 
récent mémoire présenté au Congrès de Londres de 
1881. C'est de cette phase qu'a parlé Calmeil dans un 
article d'il y a cinquante an» (rappelé par M. Foville), 
où se lit cette proposition : « L'on s'imagine à tort que 
« ces malades jouissent toujours d'un bonheur parfait. 



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32 PATHOLOGIE MENTALE. 

a Les souverains des Petites-Maisons déplorent parfois 
« avec amertume Tinjustice de leurs prétendus su- 
« jets. » Cela est vrai po une certaine époque de 
révolution du délire vésanique; mais les faits montrent 
qu'en des temps ultérieurs la béatitude peut devenir 
parfaite. 

A mesure que l'évolution du délire s'avance^ on 
voit, du premier plan, les préoccupations et les idées 
pénibles descendre au second; les sentiments de gran- 
deur se prononcent de plus en plus et les idées; mys- 
tiques ou ambitieuses, qui en sont la suite, peu à peu 
se délimitent, s'ordonnent, après avoir été quelque 
temps plus ou moins nombreuses, plus ou moins con- 
fuses. Sur la scène délirante, encore partagée, où 
coexiistent les sentiments de dépression et les aspira- 
tions expansives, déjà Ton peut prévoir les tendances 
qui persisteront en dernier lieu, tandis que graduelle- 
ment s'atténueront les autres. 

Et, en effet, soit que les troubles de la sensibilité 
diminuent peu à peu et viennent à disparaître, soit 
même qu'ils persistent, nous voyons les préoccupations 
pénibles s'affaisser une à une et ne plus laisser d'elles 
enfin que quelques vestiges auxquels le malade ne 
prend même plus garde, et qui ne lui causent plus le 
moindre souci; parfois, il n'en reste au malade qu'un 
souvenir fort vague. Mais, d'autre part, se systémati- 
sant peu à peu d'une façon quelconque, les sentiments 
de personnalité, de grandeur, prédominent de plus en 
plus. Le vésanique a quitté définitivement la phase de 
transition, et, quels que soient le manteau, l'incarna- 
tion adoptés, s'installe en pleine période expausive, y 



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Dû DELIRE DANS LA. VESANIB. 33 

conforDiant son atlitude, sa physionomie et le peu de 
pensée qui lui reste. Dès lors, il végète, type de fai- 
néantise et de satisfaction que rien ne peut troubler ; 
majestueux avec un accoutrement des plus débraillés, 
il sourit avec condescendance quand on lui parle. 
Voilà, réalisé devant nous, un exemple clinique des 
plus instructifs, surtout lorsqu'on vient à se rappeler 
l'angoisse, les tourments passés du malade, tourments 
et angoisse qui allèrent quelquefois jusqu'aux tenta- 
tives de suicide. 

Résumons maintenant les éléments simples que nous 
avons pu dégager jusqu'ici^ et qui nous paraissent ca- 
ractériser l'évolution du délire dans la vésanie. 

Nous trouvons d'abord un terrain hypochondriaque 
avec « hyperalgésie mentale » ; puis une douleur, une 
cause déprimante qui vient abattre l'individu; alors, 
une période de concentration pénible pour le délire, 
enfin, une période d'expansion. Le malade, d'ailleurs, 
loin de sauter brusquement d'une phase à l'autre, ne 
fait que s'y laisser conduire graduellement par toute 
une série de transitions. N'oublions pas, enfin, qu'au 
début même de l'affection mentale, il y avait déjà un 
fond primitif de débilité^ dû le plus souvent à quelque 
dégénérescence héréditaire. Au cours de l'évolution 
;srésanique, cet affaiblissement des facultés mentales 
n'a fait que s'accentuer progressivement; il est déjà 
devenu très notable, au moment surtout où est appa- 
rue la période d'expansion. 

Mais ce qui doit, avant tout, ressortir de cette étude, 
c'est qu'au début, comme au cours de l'évolution vésa- 
nique, la maladie vraie ^ le fond morbide^ c'est la pev- 

Archives, t. Vl. 3 



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34 PATHOLOGIE MENTALE. 

version même du sentiment^ ou, mieux, de ce que Ce- 
rise et Morel appellent le sens émotif : seas émotif, 
qui, vivant l'époque, devient tantôt pénible, tantôt 
expansif. Les troubles de la sensibilité, les interpréta- 
tions, les idées délirantes ne jouent qu'un rôle secon- 
daire et prennent le caractère même, soit pénible, 
soit expansir, du sentiment qui domine à ce moment. 
Ce sont eux, à la vérité, qui avec quelque fracas 
apparaissent dès le premier abord; mais c'est dans 
l'altération même du sens émotif et dans ses variations 
qu'est le fond morbide essentiel ; c'est là qu'un obser- 
vateur patient ira le chercher. {A suivre.) 



RECHERCHES CLINIQUES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE»; 

Par le D' E. MARANDON DE MONTYEL, 
Directeur-MédeciD en chef de I'mUc public d'aliénés de Dijon. 



Dans les délires généraux avec conscience parfaite, 
les malades assistent en spectateurs aux troubles qui 
se déclarent dans leur esprit, en spectateurs conscients 
mais impuissants à réagir et à imprimer le moindre 
changement à leur manière d'être psychique. M. Colard- 
a écrit : « Exceptionnellement quelques maniaques, 
an milieu de leur agitation et de leur loquacité désor- 
donnée, déclarent qu'ils sont fous, mais le trouble de 
leur intelligence est trop grand pour qu'on puisse 

' Voir Archives de Neurologie, t.' IV, p. 188, et t. V, p. 40. 



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RECHERCHES SUU LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 35 

admettre qu'ils aient réellement conscience de leur 
état. » Ce que j'ai observé ne me permet pas d'accepter 
l'opinion du savant aliéniste, condamnée aussi par les 
recherches de M. Moreau (de Tours) sur la manie hys- 
térique. 



Observation VIII. — Hérédité paternelle, — Manie intermit- 
tente avec conscience. 

M"** P.., quarante-neuf ans, mariée, sans profession, instruc- 
tion supérieure, entrée comme pensionnaire à l'asile de Marseille 
en novembre 1866. Hérédité paterueUe : un frère du grand-père 
et deux sœurs du père ont été aliénés. Au point de vue physique 
M"'® P.., de douze à dix-huit ans, a eu une santé très éprouvée. 
Elle a été sucessivement atteinte de rougeole, de scarlatine et 
de fièvres intermittentes. Les règles s'établirent difficilement à 
quatorze ans, mais sans désordres intellectuels. Au point de 
vue psychique, elle était peu intelligente, très minutieuse dans 
ses actes, d'un caractère sauvage, fuyant le monde et douée de 
peu de sensibilité. A vingt et un ans, elle eut un accès de manie 
aiguë qui dura quelques mois. Guérie, elle resta bien portante 
pendant dix ans, jusqu'à Tépoque de son mariage. Elle avait 
alors trente-deux ans, la maladie reparut de nouveau, pour re- 
vêtir le type intermittent. Les crises duraient d'abord quelques 
jours et les intervalles lucides trois à quatre mois. On la garda 
chez elle pendant dix-sept ans. Avec l'âge les manifestations 
du mal se rapprochèrent de plus en plus, et, en 1866, la ma- 
lade fut isolée. Dans l'établissement, les crises ont continué 
d'augmenter de fréquence et d'intensité. Au point de vue de la 
conscience. M"' Posel..., qui nous fournit elle-même tous ces 
renseignements, raconte que jusqu'à ces trois dernières années, 
elle appréciait clairement son mal, même au plus fort des pa- 
roxysmes. Depuis lors, ajoute-t-elle, la conscience de mon état 
commença à s'obscurcir, et aujourd'hui elle se voile complète- 
ment quand l'agitation est à son apogée. Cette observation 
dictée par la malade elle-même ne permet-elle pas de suivre 
l'évolution de l'état de conscience dans un cas de manie inter- 
mittente à marche progressive ? 



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36 PATHOLOOIB MENTALE. 

Observation IX. — Hérédité maternelle. — Manie aiguë avec 
conscience. — Gitérison, 

M"« Louise Pot..., trente-deux ans, mariée, sans profession, 
instruction supérieure, entrée comme pensionnaire le 20 juin 
1880 à Tasile de Marseille. Grand'mère maternelle isolée à 
Fasile. Malade de tout temps bizarre, indisciplinée, peu intel- 
ligente. A vingt-deux ans, première crise de manie de cinq 
mois. Depuis lors, chaque année, à Tépoque des chaleurs, pa- 
roxysmes de sub-agitation de courte durée. En 1880, à la suite 
d'un premier accouchement, seconde crise de manie qui dura 
dix mois, et une observation attentive et de tous les jours me 
permit de constater qu'au milieu de ce bouleversement général 
de toutes les facultés, la conscience demeurait à ce point in- 
tacte que cette particularité frappait tout le monde de Tasile, 
même des malades. A son entrée^ elle nous annonça qu'elle 
était redevenue folle, et demanda une cellule. Une fois, comme 
elle se présentait à nous, nue et provocante, dans un état de 
vive surexcitation, elle répondait à nos observations : « C'est au 
médecin à guérir les folles, donnez-moi un remède pour rester 
habillée. » Un autre jour où l'agitation n'était pas moindre, je 
lui disais qu'elle ne se calmerait pas si elle continuait à refuser 
toute médication : « N'ayez pas peur, répartit-elle, il y a dix 
ans, j'étaià tout aussi folle, j'ai pourtant parfaitement guéri. » 
Et qu'on veuille bien le remarquer, ces preuves évidentes de 
conscience n'étaient pas données dans des moments de répit, 
elles étaient fournies sans cesse, chaque jour, à la moindre 
occasion, au milieu même de la surexcitation la plus vive. La 
malade sortit guérie. 

Observation X. — Hérédité paternelle, — Troisième crise de 
folie morale avec comcience, — Santé physique affaiblie. 

M"' Alexandrine Vuil..., trente-cinq ans, mariée, coutu- 
rière, instruction primaire, entrée d'office pour la troisième 
fois à l'asile de Marseille en mars 1880. Hérédité dans la ligne 
paternelle. A la suite de chagrins ou de contrariétés, elle sent 
son caractère s'aigrir, ses dispositions morales changer, elle 
éprouve un immense besoin de faire souffrir autour d'elle, de 
quereller les gens, de mettre partout le désordre. Elle apprécie 



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RBCHBRCHBS SUR LA POLIB AVEC CONSCIBNCE. 37 

les modifications survenues en elle et regrefete le mal qu'elle 
fait, mais elle est dominée, subjuguée, obligée d*obéir aux pen- 
chants qui Ten traînent. Elle va alors insulter les voisins ou les 
passants, transforme son ménage en un en^er, met tant d'ar- 
deur à satisfaire ses mauvais instincts que les plaintes pleuvent 
à la police et qu'elle ne tarde pas à être isolée d'office contre 
la volonté de son mari qui voit là de simples bizarreries de 
caractère quand la malade elle-même se sait folle. M"^^ Vuil..., 
sans avoir jamais fait de maladie grave, ne jouit pasd'une bonne 
santé physique. Elle est pâle, anémique, sujette aux pertes 
blanches. A l'asile elle recouvre vite le calme. 



Observation XI. - Double héi'édité, — Accouchement difficile, — 
Manie rémittente avec comcience datant de trots ans, 

M"* Sophie Lhé..., trente-trois ans, mariée, cultivatrice, 
instruction primaire, entrée d'office à l'asile de Montauban, est 
depuis trois ans dans l'établissement pour une manie rémit- 
tente. Hérédité double. Bonne santé physique et psychique 
antérieure. Une crise de manie aiguë éclata à la suite d'un 
accouchement pénible et a suivi la marche rémittente. La ma- 
lade a la conscience claire de n'avoir plus été la même à partir 
de ses dernières couches. Depuis lors, avoue-t-elle, elle n'a ja- 
mais recouvré entièrement ses facultés ni le calme d'autrefois, 
bien qu'elle ait des intervalles relatifs de tranquillité. Au mo- 
ment même des paroxysmes la malade ne perd pas conscience. 
Son désespoir d'être aliénée croit avec l'agitation, elle demande 
à tout son entourage de la guérir. Elle se fâche, s^emporte si 
le traitement prescrit ne procure pas le soulagement attendu 
et accuse les médecins de n'être pas à la hauteur de leur tâche, 
comme le prouve cette apostrophe énergique par laquelle nous 
fûmes accueillis un matin, le D'Darnis, alors mon maître, et 

moi : « Les voilà ces deux cou qui ne sont pas fou. . . de me 

guérir ». 

Dans Tordre opposé, il m'a été donné de rencontrer 
la conscience parfaite une fois dans la lypémanie 
anxieuse simple, une fois avec la dépression lypéma- 
niaque, deux fois avec la stupidité. 



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38 PATHOLOGIE MENTALE. 

Jbservation XII. — Hérédité maternelle, — Ménopause. — 
Chagrins domestiques, — Troisième accès de lypémanie 
anxieuse simple avec conscience, — Idées de suicide, — Erysi- 
pèle phlycténoîde de la face avec graves symptômes généraux 
et délire fébrile inconscient, — Retour des troubles psychiqttes 
antérieurs avec la convalescence, 

M"'' Léonie Lou. . . . , cinquante-six ans, mariée, journalière, 
instruction nulle, entrée d'ofQce à Tasile de Marseille le 21 dé- 
cembre 1881 . Elle raconte elle-même son histoire. Elle avait 
toujours joui d'une bonne santé, quand elle perdit pour la pre- 
mière fois la raison au moment du retour d'âge. La crise ac- 
tuelle est la troisième. La malade se dit dominée par une 
anxiété, une inquiétude vague, une impatience qui ne lui laisse 
aucun repos et ne lui permet de se trouver bien nulle part. 
D'après elle, les crises ont chaque fois augmenté d'intensité. 
La seconde a été plus violente que la première, et l'accès actuel 
ne saurait se comparer aux deux autres. M"*\Lou... déplore 
son état, s'afflige surtout de la marche croissante de son afiféc- 
tion et croit à l'incurabilité de cette troisième crise. Elle dé- 
clare préférer la mort et avoue des tentatives de suicide par 
désespoir. Sur mes questions, M°^° Lou. . . . m'apprend que sa 
mère a présenté aussi des troubles intellectuels. Dans le cou- 
rant de janvier, la vie de M°« Lou fut gravement compro- 
mise par un érysipèle phlycténoîde de la face. La malade resta 
deux jours avec 41** de température, 120 au pouls, et avec un dé- 
lire violent. La conscience avait complètement disparu, c'était 
le délire de la fièvre. Un traitement par le quinquina, le musc 

et la digitale enrayèrent le mal. M"' Lou guérit. A la 

convalescence les troubles antérieurs reparurent avec les mêmes 
caractères. M"'' Lou... me reprocha amèrement sa guérison. 
Mieux valait mille fois la mort à cet esclavage forcé de son es- 
prit, à ce malaise indéfinissable qui la torturait nuit et jour. 

Observation XIII. — Hérédité paternelle, — Perte d argent , — 
Chagrin, — Stupidité avec conscience. 

Poch..., confiseur, âgé de trente-huit ans, marié, instruction 
primaire complète, père et grand-père aliénés. Doué d'une bonne 
santé physique et psychique, il perdit la tête à trente-cinq ans, 
h la suite d'une perte d'argent. Il se sentit devenir incapable 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 39 

non seulement de continuer ses occupations, mais môme de se 
rendre compte de ce qui se passait autour de lui. Trois fois 
déjà, toujours à la suite de chagrins ou d'ennuis, il était re- 
tombé dans cet état qu'il comparait à Venfance des vieillards. Il 
me fut donné d'assister à une rechute. Poch... reconnut une 
invasion prochaine de la maladie à des maux de tète et à une 
insomnie qui en était le prélude habituel. Peu après il eut 
conscience d'un anéantissement psychique. Il perdait la mé- 
moire, ne savait plus retrouver ses idées ; sa volonté et son 
energiefaiblissaient.il arriva un moment oùPoch... se reconnut 
lui-même incapable de travailler et demanda de rester au quar- 
tier. La folie progressa sous l'œil conscient du malade. Quand 
elle fut à son apogée, Poch... avait l'air hébété, se réfugiait dans 
les petits coins, tout honteux de son état. Continuellement il 
cherchait et touchait autour de lui comme pour se rattacher à 
la réalité. Durant plus d'un mois, cette stupidité se prolongea, 
puis, l'intellect ressuscita peu à peu pour recouvrer enfin toute 
son énergie passée. Poch... après cette nouvelle guérison affirma 
n'avoir jamais perdu conscience de sa situation. Sans doute il 
était incapable du moindre effort intellectuel, mais, cette inca- 
pacité, il la sentait, affirmation, d'ailleurs, que ne contredi- 
saient pas les faits observés. 

La conservation de la conscience dans certains cas 
de stupidité serait, à mon avis, un fait d'une haute 
importance dans la querelle qui divise depuis de 
longues années les aliénistes, celle de savoir si cette 
affection a une existence propre, ou si elle doit dispa- 
raître devant la lypémanie stupide. Avant les travaux 
de M. Baillarger tout le monde était d'accord sur 
l'existence d'une forme particulière d'aliénation men- 
tale caractérisée par la suspension plus ou moins pro- 
longée des fonctions de l'intellect : c'était la démence 
aiguë d'Esquirol, la stupidité de Georget. Les belles 
recherches de M. Baillarger mirent tout en question. 
En démontrant qu'un grand nombre de stupides con- 
servent le souvenir d'un travail intellectuel intense et 



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10 [pathologie mentale. 

en créant le groupe des lypémanies stupides, Tilluslre 
médecin de la Salpètrière portail un rude coup à la 
doctrine jusqu'alors classique. La renversait- il de fond 
en comble ou fallait-il seulement distraire, psTmi les 
malades jugés atteints de stupidité, un certain nombre 
pour en former une classe nouvelle? Les observations de 
M. Baillarger laissaient la question en suspens. Toutes 
puissantes à prouver Texistence de lypcmanes stupides, 
elles ne prouvaient nullement la non existence des 
stupides simples. Restaient, en effet, les aliénés qui, 
revenus à la santé, semblent sortir d'un profond som~ 
meil et dont la mémoire n'a conservé aucune trace des 
faits accomplis durant la maladie. Distinguer, comme 
on le fit alors et comme beaucoup d'aliénistes conti- 
nuent encore a le faire, les malades selon la persis- 
tance ou l'absence du souvenir d'un travail intellectuel 
pendant la dépression, pour ranger les premiers parmi 
les lypémanes stupides et les seconds parmi les stu- 
pides simples, c'était prendre pour base de la classifi- 
cation un fait important sans doute, mais qui, par lui- 
même, n'a aucune valeur pathognomonique. 

Il ne fut pas difficile à M. Baillarger de répondre 
que souvent, au réveil, on ne conserve que le souvenir 
lointain et confus de rêves qui pourtant, pendant le 
sommeil^ ont été le résultat d'un travail cérébral actif, 
que l'amnésie des somnambules est complète, et de 
montrer des aliénés ayant accompli, au milieu d un 
grand état de dépression, des tentatives de suicide 
dont ils avaient perdu la mémoire à la guérison. L^ob- 
servation directe n'apporte pas davantage des pi-euves 
concluantes. Souvent on aura cru pouvoir diagnosti- 
quer une stupidité simple et on sera tout surpris d'ap- 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 41 

prendre par le malade rétabli qu'on était en présence 
d'un infortuné rendu immobile par une voix terrifiante 
ou un ordre du ciel, et réciproquement. Le fait de la 
conservation de la conscience me paraît au contraire 
avoir une valeur absolue. Dans ces cas, c'est le ma- 
lade lui-même qui se sent devenir stupide. Il a cons- 
cience d'une obtusion sans cesse croissante de son 
intellect. Il court après sa mémoire et ses idées qui 
lui échappent; il déplore sa déchéance intellectuelle et, 
désespéré, préfère souvent la mort à la ruine de ses 
facultés. Ces malheureux le disent eux-mêmes, quand 
on les interroge non après le réveil de l'intelligence, 
mais au moment même des troubles, ils n'ont pas 
d'hallucinations, ils ne voient ni n'entendent, mais ils 
se sentent devenir bêtes, ils ont conscience de tomber, 
jeunes encore, dans une espèce d enfance sentie. 

Je n'ai pas la prétention de trancher aujourd'hui, à 
l'aide de deux faits, la question si controversée de 
l'existence de la stupidité, je tiens seulement à appeler 
l'attention sur le service que peut rendre, pour la so- 
lution à venir, la conservation de la conscience dans 
certains cas. 

Plusieurs observations nous ont mis déjà en pré- 
sence d'une complication grave, je veux parler de 
Vidée du suicide^ née chez les aliénés conscients du dé- 
sespoir de leur impuissance vis-à-vis des troubles 
qu'ils ne peuvent surmonter, malgré une exacte ap- 
préciation de leur nature morbide. Il faut, à mon avis, 
distinguer avec soin cette idée du suicide de l'impulsion 
au suicide avec conscience. Limpidsion est l'élément 
fondamental de la maladre, quand les patients y cèdent, 



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42 PATHOLOGIE MENTALE. 

c'est à leurs corps défendant et, qu'on me permette de 
le dire, en s'accrochant à la vie de toutes leurs forces. 
Ici ridée est un élément surajouté tout comme la 
conscience dont elle dérive ; les malades se tuent alors 
en connaissance de cause pour se soustraire à leurs 
tortures psychiques, de même que certains cancéreux 
ou certains cardiaques se suicident ppur échapper à 
leurs souffrances physiques. Le suicide est, en pareil 
cas, chose délibérée, voulue, exécutée avec entière 
volonté. 

Ainsi, la conservation de la conscience assombrirait 
le pronostic. Non seulement elle imposerait au patient 
le supplice afireux d'assister aux désordres de ses fa- 
cultés, sans être en puissance d'y remédier, mais elle 
conduirait par dégoût de sa vie au suicide réfléchi, et 
cela, d'après mon expérience, dans la proportion de 
34,2 p. 100. 

Si les deux états d'excitation et de dépression pris 
isolément se concilient parfois avec l'intégrité de la 
conscience, il en est ainsi quand ils se succèdent pour 
suivre la marche circulaire. Sur quatre cas que j'ai 
observés, je rapporterai le suivant : 

Observation XIV. — Hérédité maternelle. — Chagrins; con- 
trariétés, — Cinquième accès de folie circulaire avec conscience, 
— Idées de suicide au début dans le stade dépressif, 

Adèle Sic..., quarante ans, célibataire, instruction pri- 
maire, entrée d'office pour la cinquième fois à Tasile de Mar- 
seille, le 6 septembre 1880. Sœur de la grand'mère maternelle 
aliénée, mère hystérique, sœur séquestrée deux fois, cousiu 
germain du côté maternel séquestré trois fois. Sauf une rou- 
geole, bonne santé physique et psychique jusqu'à seize ans. 
Intelligence plus qu'ordinaire. De seize ans à quarante ans, 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 43 

cette femme a eu cinq accès de folie circulaire. Le premier à 
seize ans ; le second à vingt-trois ; le troisième à vingt-huit ; le 
quatrième à trente-cinq ; le cinquième à quarante. La maladie 
éclate toujours à la suite de contrariétés ou de chagrins, et 
débute par le stade mélancolique. Adèle Sic... se dit alors 
obsédée par des idées de damnation, des craintes de Tenfer ju- 
gées absurdes et folles et qu'elle ne peut surmonter; jamais 
d'hallucinations. Quand, pour la première fois, la maladie 
éclata à seize ans, la jeune fille tenta plusieurs fois de se 
pendre ; depuis lors, instruite par Texpérience, Adèle Sic. . . 
se résigne plus volontiers à un état qu'elle sait passager. La 
transition au stade expansif n*est pas brusque. La malade pré- 
voit la transformation par une intensité moindre des idées de 
damnation et une vague espérance qui s'empare de son esprit. 
Peu à peu, aux terreurs de Tenfer succède un violent besoin de 
se mouvoir, de jacasser, de taquiner les gens et des tendances 
irrésistibles au vol. A Tasile ces impulsions sont telles que la 
malade saisit toutes les occasions de s'évader de son quartier 
pour voler dans les jardins fruits et légumes, qu'elle a soin, 
d'ailleurs, de restituer à son retour volontaire dans la division. 
Une fois l'accès terminé, Adèle Sic... se sent, durant plusieurs 
semaines, abattue, sans énergie physique, mais avec beaucoup 
d'intelligence, elle distingue ce brisement des forces de la pros- 
tration du début. «Après la crise, dit-elle, c'est mon corps qui 
est fatigué de tout le mouvement que je me suis donnée, mon 
esprit n'a rien. Je ne suis plus folle alors. » Les cinq accès 
ont présenté les particularités que nous signalons, seulement 
le stade expansif tend à gagner sur le stade mélancolique. Au 
début, la dépression et l'expansion avaient une durée à peu 
près égale de trois mois. A la quatrième crise la première fut à 
peine de deux mois^ et la seconde persista plus d'un an. Cette 
fois-ci, les terreurs de l'enfer ont abattu la malade un mois du- 
rant, tandis que l'agitation menace de se prolonger indéfiniment. 
Adèle Sic, . . a la perception de cette modification. D'après elle, 
durant la période expansive, sa sensibilité devient de plus en 
plus vive, son caractère de plus en plus susceptible. Elle est con- 
vaincue qu'elle retrouverait rapidement l'équilibre cérébral, s'il 
lui était permis de satisfaire largement ses besoins de mouve- 
ment et ses tendances au vol. Elle dit éprouver, quand elle est 
dans l'impossibilité de s'agiter, de taquiner les gens, de voler, 
un bouillonnement de tout son être qui entrave sa guérison , 



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44 PATHOLOGIE MENTALE. 

particularité qu'elle n'avait pas remarquée lors des premières 
crises. Tous les détails qui précédent, y compris ceux relatifs à 
rhérédité, nous ont été fournis par Adèle Sic. . . , au milieu 
même de la période expansive. 

Cette intégrité de la conscience dans certains cas de 
folie à double forme permettra, grâce aux renseigne- 
ments fournis par les aliénés eux-mêmes, de diagnos- 
tiquer tout de suite cette maladie qui ne se trahit 
d'ordinaire que par son évolution. M. le D' Henri 
Gérard, mon ancien collègue d'internat d'Auch, dans 
une thèse écrite d'après mes conseils, a déjà insisté 
sur ce nouveau moyen de diagnostic. 

L'intérêt augmente avec les délires partiels. Deux 
genres de perturbations concourent à la genèse des 
monomanies : des troubles sensoriels et des troubles 
psychiques. Ils se présentent soit isolés, soit combinés. 
Si les perversions sensorielles existent seules avec 
conservation absolue de la conscience, elles consti- 
tuent les hallucinations compatibles avec la raison, 
question élucidée de nos jours, sur laquelle j'insis- 
terai d'autant moins que je n'ai aucun fait nouveau à 
ajouter à ceux déjà enregistrés. Plus heureux avec les 
troubles psychiques isolés, j'en ai réuni cinq cas, dont 
je fais connaître les trois suivants : 

Observation XV. — Pas d'hérédité au dire de la famille. — 
Ménopause, — Panophobie avec conscience. — Amélioration. 

Camille Riq..., quarante-cinq ans, sans profession, mariée, 
instruction secondaire, entrée comme pensionnaire à l'asile de 
Marseille le 3 1 juillet 1881 . Pas d'hérédité au dire de là famille. 
Bonne santé physique antérieure. Mariée à vingt et un ans, elle 
a eu sept enfants^ dont deux morts de convulsions dans la pre- 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 45 

miëre enfance. Depuis la puberté, Camille Riq... a eu une 
grande tendance aux idées fixes, aux frayeurs non motivées ; 
d'ordinaire elle voyait tout en noir, un rien la bouleversait. 
Jeune fille, elle aimait à s'isoler; mariée, ses dispositions mé- 
lancoliques et pusillanimes ont augmenté. Consciente de cette 
tournure particulière de son esprit, elle essayait de modifier 
son caractère, mais à peine chassé, le naturel revenait au galop. 
Cette disposition à des frayeurs non motivées, qu'elle jugeait 
morbides sans les pouvoir vaincre, augmentaient considérable- 
ment et absorbèrent toute Texistence de la malade à Tépoquo 
du retour d'âge. Quand cette dame me fut confiée, depuis près 
d'un an, elle ne s'occupait plus de son ménage. En proie à une 
graude anxiété, elle restait toute la journée immobile à la 
même place, les mains tendues en avant comme pour repousser 
un danger, gémissant sur sa destinée et sur son impuissance. 
A part cette panophobie, Camille Riq. . . n'a jamais présenté 
d'autres troubles des sentiments, il n'est donc pas possible de 
la considérer comme atteinte d'hypochondrie morale. A 
maintes reprises, dans l'espérance de guérir, elle avait sollicité 
son isolement à l'asile. M°* Riq..., à son entrée, expliquait 
très clairement sa situation mentale et tout ce qu'elle avait 
éprouvé. Elle résumait son état en disant : « Je ne suis pas une 
vraie folle, puisque je raisonne sur tout et même sur 
mon état. J'ai seulement peur sans motifs. C'est affreux ! Je le 
sais et j'ai peur tout de même. » Elle affirme n'avoir jamais ou 
d'hallucinations. L'hydrothérapie lui fit quelque bien. Sans 
être guérie. Camille Riq... était arrivée à surmonter son 
anxiété. A l'asile elle s'occupait très activement à la couture et 
aux soins du ménage. Elle sortit améliorée le 20 septembre. 



Observation XVI. — Double hérédité. — Ménopause, — I^ypé- 
manie érotomaniaque avec conscience, 

M"'' Aricie D. . ., quarante-huit ans, mariée, mère de plu- 
sieurs enfants, sans profession, instruction supérieure, pour 
laquelle en mars 18801a famille me demandait mon avis, ap- 
partient à une maison d'aliénés tant dans la ligne maternelle 
que dans la ligne paternelle. Depuis un an environ, M"* Aricie 
D. . ., qui aurait toujours joui parle passé d'une bonne santé 
physique et psychique, après avoir éprouvé des perles abon* 
danles coïncidant avec le retour d'âge, présente des désordres 



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46 PATHOLOGIE MENTALE. 

afTeclifs, dout clic a conscience et qu'elle ne peut guérir. Elle 
a pris en adversion son mari et ses enfants sans motifs, sans 
être à même d*expliquer cotte transformation de ses sentiments. 
Elle la constate, la regrette et voudrait bien recouvrer l'affec- 
tion perdue. D'un autre côté, elle est devenue éperdûment 
éprise d'un jeune homme qui travaillait dans les magasins de 
son mari. Cette obsession amoureuse est de tous les instants. 
Il y a six mois qu'elle n'a plus vu ce monsieur et elle l'adore 
aussi tendrement qu'à l'époque où ils vivaient ensemble. Pour 
mieux penser à lui, elle s'isole, elle veut aller habiter la cam- 
pagne, un endroit isolé, être seule enfin avec son amour. 
M"* D. . . a conscience de tout ce que cet état a d'anormal. 
Elle gémit de sa situation, elle rougit de sa passion et pour- 
tant, m'a-t-elle avoué, ell 3 serait incapable de refusera son 
amant ses dernières faveurs s'il les exigeait. J'accusais des hal- 
lucinations de la vue ou de l'ouïe d'entretenir cette extase 
amoureuse involontaire. La malade m'a certifié que, depuis 
leur séparation, elle n'avait ni vu ni entendu le bien-aimé. 
Aricie D . . . , d'après ses propres aveux, aurait été heureuse 
de se guérir, car une femme mariée, mère de famille, âgée de 
quarante-huit ans, ne peut oublier tous les siens, se passionner 
pour un jeune homme sans être malade. M** D..., très mélan- 
colique, souffre de son malheur. Elle néglige sa toilette, ses 
affaires ; absorbée par sa contemplation amoureuse, elle ou- 
blierait même de boire et de manger. J'ai porté un pronostic 
fâcheux. La double hérédité, l'âge, la forme du délire, tout 
assombrissait l'avenir. Je me suis opposé à l'isolement qui me 
parut devoir être préjudiciable. . 

Observation XVIL — Hérédité maternelle, — Onanisme, — 
Idée fixe d^unc mort imminente avec conscience, — Guérison, 

Edmond X...., vingt-deux ans, célibataire, étudiant endroit. 
Hérédité maternelle : un frère de la mère est faible d'esprit, 
très original, un oncle et une cousine ont été aliénés. Intelli- 
gence supérieure. Habitudes solitaires. En février 1879, il est 
réveillé au milieu de la nuit par de violentes palpitations de 
cœur et ne se sent plus le même. Le lendemain tout avait dis- 
paru. Huit jours après, retour des mêmes troubles, il a comme 
le pressentiment d'une mort prochaine. A partir de ce jour, 
M. X... reste poursuivi par l'idée fixe qu'il va mourir. 11 com- 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 47 

prend combien peu ses craintes sont fondées, il se corrige de 
ses habitudes solitaires, auxquelles il rapporte ses souffrances, 
mais sa volonté est impuissante à réagir contre le mal. Pour- 
tant le sommeil est excellent, Tappétit est excessif, seuls des 
bourdonnements d'oreilles et une constipation opiniâtre, quel- 
quefois de huit jours, fatiguent le malade. M. X. . . ne parle 
ù personne de son état, toutefois, il en est inquiet; malgré lui, 
il a peur de coucher seul, il cherche un prétexte, et, sans se 
trahir, demande Thospitalité à un ami. Pour faire diversion à 
son idée fixe, il se livre au travail ardemment, passe avec 
succès un concours difficile et subit tous ses examens de doc- 
torat. Malgré ses efforts pour ne pas laisser percer au dehors 
Tabsurde souci qui Tagite, Edmond X... est mélancolique, 
moins expansif qu'à l'ordinaire. Quelquefois, fatigué de cette 
lutte continuelle contre lui-même, il se désespère, redoute, 
malgré son abstention de tout attouchement, de ne plus recou- 
vrer la tranquillité. Les sentiments affectifs n'ont subi aucune 
altération ; la conduite et les relations n'ont pas varié. L'idée 
fixe d'une mort imminente et l'anxiété morale qui en est la con- 
séquence, anxiété indépendante du jugement et de la volonté, 
voilà les seuls troubles psychiques. 11 guérit au bout d'un an. 

Une première chose frappe dans ces observations, 
c'est l'anxiété déterminée chez les malades par la cons- 
cience de leurs troubles psychiques ; seule une éroto- 
mane a fait exception. La réaction anxieuse serait 
donc la règle dans les cas qui nous occupent. 

Pas une fois l'idée du suicide ne s'est montrée dans 
les cinq cas que j'ai observés. Les troubles psychiques 
isolés laissent, en effet, une grande espérance de gué- 
rison. La lésion n'est ni assez étendue ni assez grave 
pour engendrer le tœdium vitœ et pousser aux résolu- 
tions extrêmes. Il n'en est plus de même quand les 
perversions sensorielles s'y ajoutent. L'intelligence se 
trouve alors doublement mutilée et les hallucinations 
apportent avec elle un je ne sais quoi effrayant et pé- 
nible qui rend la vie à charge. D'après mon expé- 



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48 PATHOLOGIE MENTALE. 

rience personnelle ces aliénés chercheraient à se tuer 
dans la proportion de trois sur quatre. Les idées de 
suicide ont, en pareil cas, d'autant plus leurs raisons 
d'être que les malades obéissent à leurs voix, sont 
effrayées par leurs visions qu'ils jugent morbides, tout 
comme s'ils y avaient une foi absolue. 

Observation XVIII. — Hérédité paternelle, — Halliicinatwm 
(le la vue et de l'ouïe avec conscience, — Obtusion intellectuelle 
avec conscience, — Soumission aux troubles sensoriels; refus 
de s^alimcjiter, — Idées de suicide, — Démence consécutive 
avec vagues lueurs de conscience. 

M'"' Fortunée Es..., vingt-huit ans, célibataire, sans profes- 
sion, instruction supérieure , entrée comme pensionnaire à 
Tasile de Marseille, le 3 août 1881. Une sœur du père a été 
aliénée, une sœur de la malade morte de convulsions dans la 
première enfance. Cette demoiselle a toujours eu le tempéra- 
ment nerveux, le caractère excitable. En septembre 1878, elle 
eut un premier accès de folie religieuse. La seconde crise a 
débuté par une agitation qui a duré trois mois. A son entrée, 
la malade est dans la dépression; elle reste en place, s'alimente 
difficilement. M"" Es... a, toutefois, la perception nette de sa 
situation; elle avoue des hallucinations de la vue et de Touïe 
de nature religieuse et des crises d'excitation. Elle ne systéma- 
tise pas, reconnaît le caractère maladif de ses symptômes, 
tout eu déclarant son impuissance à les dominer. Lors de la 
première crise, la conscience paraît aussi avoir été conservée, 
car, d'après les affirmations du frère, au moment où les mani- 
festations étaient dans toute leur acuité, W^° Es... demandait 
avec instance à être conduite dans un asile d'aliénés. Quelques 
jours après son entrée, cette dame s'alimentait de plus en plus 
difficilement. Elle disait obéir à des hallucinations de l'ouïe, 
dont elle reconnaissait la nature maladive, mais son esprit 
était devenu si lourd, son énergie si faible, qu'elle ne pouvait 
réagir. Et il en fut ainsi durant plus d'un mois. Puis les hallu- 
cinations revêtirent un caractère terrifiant. M"" Es... parut 
effravéo, elle eut le faciès anxieux, l'œil inquiet. La perception 
de sa situation maladive ne se perdit pourtant pas, mais, 
comme le mois précédent, la malade ne pouvait se maîtriser. 



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RECHBRCHBS SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 49 

L'obtusion intellectuelle qui compliquait son mal et dont elle 
avait aussi connaissance facilitait sans nul doute cet état passif 
de son être, auquel, désespérée, elle essaya plusieurs fois de se 
soustraire par le suicide. M"' Es... vécut près de huit mois 
dans cet état, les facultés s'affaiblirent, la conscience s'obs- 
curcit parallèlement. Aujourd'hui, cette jeune personne marche 
à la démence, elle a pourtant encore par instants des éclairs 
de conscience. 



Observation XIX. — Pas d'hérédité au dire de ta famille. — 
Mariage disproportionné quant à Page. — Hallucinations 
de l'ouïe avec conscience. — Idées lypémaniaques avec cons- 
cience. — Soumission aux troubles sensoriels. — Idées de 
suicide. — Mort par rhumatisme cérébral. 

J'eus occasion de voir en ville une dame âgée de cinquante^ 
six ans, sans profession, instruction secondaire, qui, le lende- 
main de ses secondes noces avec un homme de trente ans, 
devint aliénée. Bonne santé physique et psychique antérieure ; 
pas d'hérédité au dire de la famille. M"' Ves... avait conscience 
d'être hallucinée de l'ouïe, d'avoir de l'obtusion intellectuelle, 
de n'être plus psychiquement la même, et pourtant, ces troubles 
intellectuels qu'elle raisonnait exerçaient sur elle un empire 
tel qu elle y conformait sa conduite tout comme si elle y 
croyait. Ainsi, elle entendait les pas et les voix des gendarmes 
qui la réclamaient pour la conduire à la guillotine. Elle se sa- 
vait hallucinée, et pourtant, la nuit, elle quittait la couche 
conjugale et, tremblante, se cachait pour se dérober aux pour- 
suites. Le jour, les voix lui assuraient que son mari l'empoison- 
nait afin de se débarrasser d'une vieille femme, et de jouir 
plus tôt des avantages du contrat. L'accusation était plausible ; 
toutefois, la malade n'y croyait pas ; elle reconnaissait dans 
ces voix celles qui, la nuit, la menaçaient de la guillotine, et 
elle avait une peine extrême à se décider à prendre des ali- 
ments 1 M"* Ves... comprenait aussi qu'elle n'avait plus l'esprit 
aussi lucide, les idées aussi bien liées, l'intelligence aussi active 
que par le passé ; elle ne s'occupait plus de son travail, mettait 
le désordre dans les ateliers. Tout cela, elle le savait, le regret- 
tait et n'y pouvait mais. Elle répétait à chaque instant que sa 
raison lui échappait. Après avoir vainement essayé, sur la 
demande formelle de la famille, de la traiter chez elle pendant 

Abchives, t. Vî. 4 



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50 PATHOLOGIE MENTALE. 

trois mois, j'exigeai son isolement, car des idées de suicide 
bientôt suivies de tentatives s'étaient manirestées. Conduite 
dans mon service, M"* Ves..., grâce surtout au calme de réta- 
blissement, allait mieux au bout de quelques mois, quand 
survint un rhumatisme articulaire aigu que je traitai par le 
salycilate de soude. Six jours aprës^ elle était emportée par un 
rhumatisme cérébral. 

Observation XX. ^^ Hérédité patej^nelle. — Idées de persécu- 
tion avec conscience. — Hallucinations de fouïe avec cons- 
cience. — Soumission involontaire aux troubles. — Idées de 
suicide» 

M"** Rose Kr..., trente-cinq ans, sœur hospitalière, instruc- 
tion supérieure, qui fut confiée à mes soins en novembre 1881^ 
était aliénée depuis environ trois ans. Le père, atteint de 
folie morale, mène une vie extravagante et décousue. Intelli- 
gence et sentiments élevés. Bonne santé physique et psychique 
jusqu'à Tàge de trente-deux ans. Durant Tannée 1878, M"'' Kr.. 
eut des maux de tête, des insomnies, des inquiétudes d'abord 
vagues sur elle-même, puis des craintes non motivées sur sa 
conduite. Tourmentée par la pensée que ses supérieures ia 
jugeaient mal et ne l'estimaient pas, consciente toutefois des 
modifications survenues dans son intellect, la malade s'efforçait 
de chasser de son esprit ses méfiances et ses soupçons injusti- 
fiés. La folie, en dépit de ses efforts, progressa. Inquiète de 
son état, des ravages chaque jour plus grands qu'elle constatait 
dans son esprit, elle fit part de son mal à ses compagnes. 
Tout le monde l'entoura d'affection et de soins. Cet empresse- 
ment à fortifier son moral n'empêcha point Téclosion d'hallu- 
cinations de l'ouïe. Elle entendait les sœurs, ses supérieures 
en particulier, causer d'elle, la blâmer, lui adresser des paroles 
de mépris. La conscience se conserva intacte, mais la soumis- 
sion de la malade à ses perversions sensorielles fut absolue. 
Après quatre ou cinq mois d'une vie de luttes et de souffrances, 
le désespoir fit naître des idées de suicide auxquelles succédèrent 
des tentatives. M"* Kr... guérit de ce premier accès et resta 
bien un an. Elle rechuta, guérit de nouveau, et rechuta en- 
core. Enfin, en 1881, la maladie avait revêtu la forme rémit- 
tente. Malgré cette durée assez longue, cette dame avait con- 
servé la perception de ses troubles sensoriels et intellectuels, 
tout en devenant de plus en plus impuissante vis-à-vis d'elle- 



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KKCUBRCIIES SUR LX FOLIE AVEC CONSCIENCE. 51 

même. Son désespoir grandissait avec sa faiblesse, et exigeait 
une surveillance de tous les instants. Rarement elle restait 
bien plus de dix à quinze jours. Lors des crises, elle faisait 
peine à voir. Son anxiété, sa douleur, les sentiments contraires 
par lesquels elle passait sous Tinfluence de ses hallucinations 
et de sa conscience restée saine qui se combattaient, ses plaintes 
contre la destinée et ses prières au ciel, tout chez elle était 
un mélange de raison et de folie, une lutte énergique contre 
la maladie. J'ai porté un pronostic d'incurabilité, et la famille 
a retiré M*"*^ Kr... de la congrégation où elle était. 



Avec la demi-conscience, d'autres particularités non 
moins intéressantes méritent de fixer l'attention. Jus- 
qu'à ce jour, il ne m'a pas été donné d'observer la 
demi-conscience avec le délire général. Ce premier ré- 
sultat sera-t-il confirmé par des recherches ultérieures? 
J'incline à le croire ; quand l'intellect est tout entier 
surexcité ou déprimé, il paraît difficile que la cons- 
cience puisse se scinder. Seule la folie circulaire prê- 
terait peut-être à une interprétation délirante. Dans 
la thèse citée plus haut, M. Gérard parle de malades 
conscients qui interprètent d'une manière pathologique 
le cercle dans lequel ils tournent. Il cite une circulaire 
qui, dès son entrée, accusait des ennemis acharnés 
de Texalter et de le déprimer à des intervalles régu- 
liers* 

Dix cas de délire partiel avec demi-conscience, voilà 
la petite gerbe de faits que j'ai récoltée. Pour les étu- 
dier dans leurs détails, me conformant aux règles 
posées précédemment, je les considérais suivant l'as* 
sociation ou l'isolement des troubles psychiques et 
sensoriels. 

La demi-conscience ne saurait exister avec les per- 
versions sensorielles isolées, on n'a ou on n'a pas 



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52 PATHOLOGIE MENTALE. 

conscience de ses hallucinations ; d'ailleurs, la demi- 
conscience suppose toujours un trouble intellectuel 
concomitant. 

Avec les troubles psychiques isolés, quand la systé- 
matisation se produit, elle se base tout entière sur le 
fait même de la conservation de la conscience. Ainsi, 
cette intégrité du sens intime, qui de prime-abord 
semblerait la sauve-garde de Tintelligence, devient 
parfois Técueil où elle sombre. Les deux observations 
suivantes, mieux que toute description, montreront le 
curieux travail qui s'opère alors dans l'esprit. 

Observation XXI. — Hérédité paternelle. — Morsure d'un 
chien. — Suppression dhémorrhoïdes. — Troubles psychiques 
avec conscience. — Systématisation par la rage, — Idées de 
suicide. 

M. Théodore M..., cinquante-huit ans, marié, propriétaire, 
instruction secondaire, entré comme pensionnaire à Tasile de 
Montauban en 1875. Antécédents héréditaires très accentués 
dans la ligne paternelle. Pas de troubles psychiques antérieurs ; 
bonne santé, sauf des hémorrho'îdes arrivant à des époques 
régulières. Mordu par un chien en mai 1875, M... ne prêta 
aucune attention à cette morsure, guérie en quelques jours. 
Un mois et demi après, en juillet, époque hémorrhoïdale, il 
reçut aux champs une forte averse. Le sang ne coula pas. A 
partir de ce moment, il devint inquiet, ne dormit pas. Il eut 
des maux de tête, des bourdonnements d'oreille et un besoin 
inusité de mouvement. Théodore M... se sentit tout autre. Le 
jour, il ne pouvait rester en place, la nuit, surexcité, poursuivi 
par une insomnie opiniâtre, il était obligé de se lever et de se 
promener dans la campagne. Cet état, dont il avait con- 
science, l'inquiétait d'autant plus qu'il se sentait aussi devenir 
difiérent de lui-même. Il voyait son caractère se transformer, 
il comprenait n'avoir plus la même intelligence au travail. Il 
chercha une cause à cette métamorphose psychique, et le mal- 
heur voulut qu'il se souvint de la morsure du chien. Dès lors, 
plus de doute pour lui, on était en été, il devenait enragé. Il 



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RBCHBRCHB8 SUR LA. FOLIE AVEC CONSCIENCE. 53 

fit part de sa découverte à son entourage, engageant tout le 
monde aie fuir de peur d'être mordu. A Tagîtation qui existait 
déjà, ridée d'être enragé ajouta une grande anxiété. Le malade 
consulta un médecin, se soumit à un traitement. L'état ne 
s'améliora pas. Au bout de quelques mois, n'ayant plus ni 
trêve ni repos, sentant ses inquiétudes augmenter, son intelli- 
gence s'embrouiller de plus en plus, le malheureux résolut de 
se pendre. Il s y prit avec trop d'ardeur, la corde se rompit ; 
attirée par la chute du corps, la famille l'isola tout de suite. 
Une médication appropriée à l'état hémorrhoïdal amena de 
l'amélioration, mais l'idée de la rage demeura fixée dans son 
esprit. Il avait des paroxysmes durant lesquels il sentait son 
caractère, son intelligence se modifier, et il accusait alors le 
virus rabique ; il mettait aussi sur son compte toutes ses souf- 
frances physiques. Un an après, l'état était le même. Aucun 
symptôme paralytique ne s'était montré, éventualité que j'avais 
redoutée à cause des symptômes du début. 

Observation XXII. — Double hérédité. — Mysticisme. — Dé- 
doublement de la personnalité psychique ^ avec conscience, — 
Systétnatisation par une possession épiscopale. 

Adélaïde V..., vingt-deux ans, célibataire, sans profession, 
instruction secondaire, entrée comme pensionnaire à l'asile 
de Montauban en 1876. Double hérédité. Adélaïde a été réglée 
difficilement à quinze ans, et, depuis lors, elle fut toujours plus 
ou moins atteinte de dysménorrhée avec troubles nerveux va- 
riés. Peu intelligente, très scrupuleuse, elle était d une dévotion 
outrée. A vingt ans, elle eut l'occasion d'entendre M^' Dupan- 
loup, et se prit pour ce prélat d'un amour érotico-mystique. 
Sous l'influence de la double hérédité, de dévotions exagérées 
et de lectures absorbantes, M^'^ Adélaïde devint aliénée. Il 
s'opéra en elle un dédoublement de la personnalité psychique ; 
elle ne fut plus maîtresse d'une partie de ses idées. Certaines 
conceptions, certaines associations de pensées se présentèrent 
à elle avec une force telle qu'elle ne pouvait en rien les chan- 
ger ni en modifier le cours, et ces conceptions, ces pensées 
étaient relatives & la dévotion ou à la conduite, ce qui s'explique 
naturellement par la nature de son esprit et de ses occupations. 
M"* Adélaïde eut connaissance qu'il s'opérait en elle un phéno- 
mène intellectuel anormal, mais, loin de s'effrayer ou de s'affli- 



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54 PATHOLOGIE MENTALE. 

ger de cedésordre mental, elle s*en réjouit. Dans saconviction. 
Dieu lui avait fait la grâce de l'identifier au prélat bien-aimé. 
C'était M^' Dupanloup qui suscitait dans son esprit ces pensées 
énergicjpies, guides de la conduite à suivre. Sans doute ces 
opérations psychiques étaient troublées ; sans conteste, ne pas 
pouvoir diriger ses pensées était la preuve d'un désordre 
mental; mais, pour elle, sa maladie était d'ordre surnaturel, et 
se distinguait des maladies des aliénés tout comme les visions 
des saints se diiférençiaient des visions des malades. Cette 
jeune fille ne fut jamais hallucinée dans le vrai sens du mot, 
ce qu'elle éprouvait était subjectif. L'intelligence parut s'affai- 
blir assez rapidement. 

Quand les troubles psychiques se marient aux per- 
versions sensorielles, la conscience des premiers se 
combine avec l'inconscience des secondes. Le malade 
apprécie les désordres de son esprit, son obtusion in- 
tellectuelle, ses infidélités de mémoire, son inaptitude 
aux travaux jadis faciles, et il ajoute pleine et entière 
confiance dans ses hallucinations. Jamais je n'ai cons- 
taté Tétat inverse. On se méfie moins de ses sensa- 
tions que de ses sentiments et de son esprit ; ici donc, 
une fois de plus, Tétat phj^siologique se refléterait 
dans l'état pathologique. 

Toute systématisation fait parfois défaut ; le malade vit 
indécis, sans trouver une explication à ce qui se passe 
en lui et autour de lui, comme dans le fait suivant. 

Observation XXIU. — Père viveur. — Chagrins domestiques. 
— Troubles psychiques avec conscience. — Hallucinations 
inconscientes. — Pas de systématisation. 

M'"* Marguerite Germ..., cinquante* sept ans, sans profes- 
sion, mariée, instruction supérieure, entrée comme pension- 
naire à l'asile de Marseille le 25 juin 1880. Pas d'hérédité 
vésanique proprement dite ; le père était viveur et coureur, on 
l'avait surnommé le Réjoui; deux sœurs bien portantes : une, 
mariée, a eu cinq enfants, dont un mort-né et trois morts avec 



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RBCHERCHBS SUR LA FOLIB AVEC CONSCIENCE. 55 

des convulsions dans la première enfance. Chagrins domes- 
tiques. Au début de la maladie, elle resta une dizaine de jours 
dans un état notable de dépression ; puis, sous Tinfluence d*hal- 
lucinations de rouïe, eut des crises d'agitation qui nécessitèrent 
son isolement. A son entrée, cette dame présentait de Tobtusion 
intellectuelle, des idées lypémaniaques, des impulsions à la 
violence dont elle était consciente, et des hallucinations de 
Toule, auxquelles elle ajoutait foi. Ainsi, elle disait savoir fort 
bien que son esprit était dérangé, son souvenir vague, son 
caractère aigri, ses idées mal liées, mais en même temps elle 
ajoutait ne pas comprendre pourquoi tout le monde Tinsultait. 
Par moments, des impulsions violentes à briser et à faire du 
mal la subjuguaient, impulsions qu'elle raisonnait sans être maî- 
tresse de s'y soustraire. La confiance que M"*« Ger... accordait 
à ses hallucunations de Toule entraînait de sa part des sévices 
graves contre le personnel du service; c'était, disaient-elle, des 
représailles qu'elle distinguait de ses impulsions irrésistibles. 
Elle n'acceptait pas qu'on se fit un jeu de sa maladie mentale 
et qu'on se moquât d'elle. Découragée de son état, elle fit de 
nombreuses tentatives de suicide. Les hallucinations de l'ouïe 
s'accrurent en nombre et en intensité ; la malade devint plus 
violente, plus vindicative bien qu'elle avouât ne rien comprendre 
à l'acharnement qu'on mettait à l'insulter. Sous l'influence des 
toniques et de l'hydrothérapie, elle s'améliora assez rapidement. 
Elle sortit guérie dans le courant d'octobre, et la guérison 
s'est maintenue. 

D'autres fois, la systématisation se produit serrée, 
logique. Le malade explique les désordres intellectuels 
dont il a conscience par les perversions sensorielles 
dont il est inconscient. 

Observation XXIV. — Pas éC hérédité au dire de la famille, — 
Troubles psychiques avec conscience. — Hallucinations incons- 
cientes de la vue et de l'ouïe, de la sensibilité générale et du 
sens génésique, — Systématisation par possession démoniaque; 
— Idées de suicide. 

Victorine Gr..., célibataire, quarante-trois ans, modiste, ins- 
truction secondaire, entrée comme pensionnaire à l'asile de 



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56 PATHOLOGIE MENTALE. 

Marseille, le 24 juin 1880. Aucune hérédité dans la famille, au 
dire de la sœur. Elle affirme aussi que jusqu'en 1865, Victo- 
rine n'avait rien présenté d'anormal au psychique. La première 
crise aurait éclaté tout d'un coup, en 1865, à la suite d'une vive 
contrariété. Cette malade revient pour la quatrième fois. De- 
puis six ans elle jouissait de toutes ses facultés, quand le 
iO juin, sans cause apparente, une nouvelle crise éclata. A son 
arrivée, Victorine Gr... est dans un état de vive anxiété ; elle 
gémit, ne reste pas en place. Interrogée, elle répond qu'elle 
est folle de nouveau^ mais que cette fois elle ne guérira pas, et 
qu'elle veut se tuer pour en finir tout de suite. Victorine a 
conscience d'avoir l'esprit malade, les idées troublées, de n'être 
plus la même. Elle reconnaît que sa place est bien dans un 
asile, mais elle a des hallucinations de la vue et de l'ouïe aux- 
quelles elle croit, et ces hallucinations lui font voir et entendre 
le diable. Dès lors, la systématisation s'enchaine. C'est Dieu 
qui, pour la punir de ses légèretés — il parait que, dans sa 
jeunesse, elle aurait eu quelques faiblesses — permet au diable 
de lui troubler les idées, de la faire souifrir, bref, de la rendre 
folle. Voilà près de deux ans que je donne des soins à cette 
malade, et la situation, cette fois, loin de s'améliorer, s'est 
aggravée par l'adjonction d'hallucinations de la sensibilité gé- 
nérale et du sens génésique. Victorine accuse son diable, tantôt 
de lui donner une tête de bois, tantôt de lui boucher le gosier, 
d'autres fois d'être par trop lutin. L'état de la conscience est 
resté le même, intact quant aux troubles psychiques, nul 
quant aux perversions sensorielles. Le désespoir de la malade 
s'est accru ; sans une surveillance continue elle se suiciderait. 

Observation XXV. — Hérédité mateimelle, — Chute sur la 
tête. — Travail involontaire et conscient de la mémoire et de 
l'imagination, — Hallucinations rivales et inconscientes de 
Fouîe, — Systématisation des troubles conscients et dune 
partie des hallucinations par les hallucinations rivales, 

Rosalie Alez..., quarante ans, célibataire, domestique, ins- 
truction primaire, entrée d'office à l'asile de Marseille, le 
28 juillet 1881. Mère morte dans l'établissement, sœur très 
hystérique. Jusqu'au 15 août 1880, bonne santé physique et 
psychique. A cette date, Alez... tomba d'une échelle, et la 
tête porta avec violence contre un meuble. A partir de cette 
chute, elle eut des insomnies et des maux de tête parfois 



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RECHERCHES SUR LA. FOLIE AVEC CONSCIENCE. 57 

atroces, puis, dit-elle, un trouble bizarre survint dans son es- 
prit, son imagination se mit à travailler sans qu'elle pût 
Tarréter. Elle voyait défiler tous ses souvenirs ; les pensées 
gaies, tristes, burlesques, se succédaient sans relâche. Elle 
consulta un médecin qui prescrivit un traitement tonique et 
antinévEOsique. L'imagination se calma, seuls Tinsomnie et 
les maux de tête persistèrent. En octobre, elle entra comme 
domestique dans une maison où elle fut fort mal nourrie. Les 
troubles revinrent avec Tanémie. En janvier 1881, prenant une 
tasse de café préparée par sa propriétaire avec qui elle était 
souvent en dispute, elle l'entendit murmurer : « Si cette 
tasse ne suffit pas, une seconde suffira. » Elle se sentit toute 
la journée faible, mal à son aise, et en conclut à un empoi- 
sonnement. La nuit, de nombreuses hallucinations de Touïe 
Tassaillirent. Elle y ajouta foi. Elles étaient de deux ordres : 
les unes la persécutaient par des injures, des menaces; les 
autre» lui indiquaient les moyens de se débarrasser des pre- 
mières. Cet état, avec le temps, alla sans cesse en s'aggravant. 
Le jour, Alez... n'avait d'ordinaire que des troubles psychiques 
dont elle était consciente, du vague dans les idées, ou im tra- 
vail exagéré de l'imagination ; les perversions sensorielles se 
montraient de préférence la nuit. La malade systématisa tout 
un délire. La propriétaire, avec qui elle avait des relations ten- 
dues fut accusée de tout le mal. C'est elle qui l'avait fait tom- 
ber de l'échelle sur la tète pour lui troubler l'esprit, c'est elle 
qui, après avoir en vain tenté de l'empoisonner, envoyait la 
nuit des gens pour la tourmenter. Elle résolut, pour tenir cette 
ennemie en respect, de se conformer aux conseils des voix 
amies qui, sans doute, étaient celles des bons anges. Ces con- 
seils, par malheur, étaient d'une extrême énergie. Non con- 
tentes de prescrire des prières, elles ordonnèrent d'abord le 
fouet que la malade s'administra consciencieusement, puis les 
stygmates du Christ, opération qu'Alez... se fit, mais en y 
apportant beaucoup plus de ménagement que pour la disci- 
pline. Heureusement pour elle, elle fut isolée. Depuis que cette 
pauvre femme est dans mon service, à peine huit mois, elle a 
marché rapidement vers la démence. Les maux de tête noc- 
turnes sont parfois intolérables. Le jour, la malade est calme, 
s'occupe aux soins du ménage; les nuits sont très mauvaises. 
D'après mes renseignements, il n'y aurait pas d'antécédents 
syphilitiques. 



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58 PATHOLOOIB MENTALE. 

Dans d'autres cas, plus étranges et bien plus diffi- 
ciles à expliquer, les malades ont conscience de tous 
leurs troubles sensoriels et psychiques, ils apprécient 
sainement les désordres de leur esprit, ils savent ma* 
ladives les voix ou les visions qui les poursuivent, et 
ils systématisent ! Ici encore, c'est la conscience qui 
engendre la systématisation. Ces aliénés ne veulent 
pas se reconnaître tels, puisque, disent-ils, ils rai- 
sonnent même leurs hallucinations et les jugent en 
gens sensés. Celte perception de leur état devient à 
leurs yeux la preuve péremptoire d'une cause exté- 
rieure, dont l'action engendre tout à la fois, les per- 
versions sensorielles et le désordre intelleclue]. Ils 
cherchent cette cause, croient la trouver et systéma- 
tisent ! 

Observation XX VL — Pas de renseignements sur V hérédité, — 
Syphilis antérieure, — Troubles psychiques conscients, — 
Hallucinations conscientes de la vue, de l'ouïe, de la sensibilité 
générale, du sens génésique. — Systématisation par magné* 
tisme. 

Le 2 décembre 1881, j'étais appelé dans une famille pour 
donner mon avis sur Tisolement d'une femme de chambre, qui 
depuis cinq mois, présentait des troubles psychiques. M"** Elisa 
Ben..., trente-sept ans, célibataire, était dans cette maison de- 
puis douze ans, et s'était toujours fait remarquer par sa bonne 
conduite et son dévouement. Pas de renseignements précis sur 
les parents. M^^° Ben... m'avoua avoir eu à l'âge de vingt ans 
une syphilis, traitée avec plein succès par un traitement mer- 
curiel longtemps suivi. Bonne santé psychique jusqu'à ces 
derniers temps. Cette femme a des illusions et des halluci- 
nations de la vue, de l'ouïe, de la sensibilité générale et 
du sens génésique. Le jour, les gens paraissent lui faire 
la grimace, la montrer du doigt. Elle entend les passants chu- 
choter à l'oreille, l'accuser d'avoir été jadis voluptueuse et 
d'avoir eu le mal. La nuit, ce sont des diables qui viennent 



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RECHERCHES SUR LA POLIE AVEC CONSCIENCE. 59 

lutiner avec elle. La malade a la perception de toas ces dé- 
sordres. Elle apprécie n*étre plus la même au psychique. Sui« 
vaut elle, ses idées parfois s'embrouillent, elle ne peut plus 
faire son service comme par le passé. Elle se rend aussi un 
compte exact de ses troubles sensoriels, et rapporte à des hal- 
lucinations tout ce qu'elle voit, entend et sent par le corps, 
Toutefois, elle n'est pas en puissance de dominer les impres- 
sions de terreur que la vue des diables lui occasionne. Ainsi, 
une nuit qu'ils étaient plus amoureux et plus exigeants que 
jamais, elle a fui sur le toit pour se dérober à leurs étreintes. 
M"« Ben..., qui, au dire de ses maîtres, a une intelligence et 
une instruction au-dessus de sa condition, raisonne sa situation 
mentale. Elle n'accepte pas d'être folle, vu qu'elle apprécie son 
état et qu'elle n'est pas dupe de son imagination. Il faut donc 
chercher une cause en dehors de la maladie et cette cause, 
elle croit l'avoir trouvée dans le magnétisme. Un baiser sur la 
bouche, donné par un fiancé, a produit sur elle une sensation 
étrange qu'elle n'avait point éprouvée dans ses amours de jeu- 
nesse et, d'après elle, de ce moment, datent les premiers trou- 
bles. M"*' Ben..., croit dès lors avoir été magnétisée par son 
futur. Sur mon avis, la malade fut placée le même jour dans 
mon service comme pensionnaire. Elle en sortit au bout de 
deux mois, guérie en apparence, mais j'ai des doutes sur cette 
guérison. Fine et intelligente, comme le prouve son délire 
même, à mon avis, cette femme a bien pu dissimuler pour ne 
pas rester dans l'établissement. 

Observation XXVII. — Hérédité congestive paternelle. — Ona- 
nisme, — Alcoolisme, — Troubles psychiques conscients. — 
Hallucinations conscientes de la vue, de Vouiô, de la sensibilité 
générale et du sens génésique, systématisation par délire des 
persécutions. — A ffaiblissement intellectuel consécutif accompa- 
gné de la perte de conscience et de la transformation du délire, 

Armand d'Ar..., vingt-huit ans, instruction supérieure, 
célibataire* entré comme pensionnaire à l'asile de Toulouse en 
mars 1874. Père congestif, peu intelligent, défiant, dépourvu de 
sensibilité. D'Ar... a été de tout temps un être anormal. Habi- 
tudes d'onanisme invétérées. Après un échec à l'Ecole polytech- 
nique, il s'adonna quelque temps à la boisson. J'ai suivi ce 
malade pendant près de trois ans à l'asile de Toulouse. A cette 
époque, conscient de ses troubles psychiques et sensoriels, il 



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60 PATHOLOGIB MENTALE. 

les expliquait par une persécution qu*exercait contre lui sa fa- 
mille^ qui, il est vrai de le dire, ne lui avait jamais témoigné 
grande affection. Le délire était parfaitement systématisé. Sa 
famille, disait-il, pour le déposséder de ses biens, d*accord avec 
les médecins de l'établissement, lui faisait administrer dans 
ses aliments un poison, dont Faction lente mais énergique, de- 
vait le conduire à un abrutissement total, en le jetant dans 
l'état psycho-sensoriel qu'il constatait en lui-même. Au psy- 
chique, M. d'Âr... se plaignait de perdre la mémoire, d'être 
pauvre d'idées, incapable de suivre un raisonnement un peu 
soutenu, d'avoir le caractère tantôt d'une indifférence absolue, 
tantôt d'une susceptibilité extrême. Au sensoriel, il se recon- 
naissait halluciné de la vue, de l'ouïe, de la sensibilité générale 
et du sens génésique; tous phénomènes symptomatiques à ses 
yeux d'un empoisonnement occulte. Conséquent avec lui-même, 
M. d'Ar... essayait, par mille moyens, de neutraliser l'action 
toxique, prenait mille précautions pour s'alimenter, et inter- 
prétait les moindres choses dans le sens de ses conceptions 
délirantes. Quand je quittai l'asile, l'intelligence de ce pauvre 
garçon s'affaiblissait, il devenait moins conscient, et des idées 
religieuses paraissaient germer dans son esprit. D'après une 
note qu'a bien voulu m'envoyer M. Bouteille, aujourd'hui les 
idées délirantes auraient subi une transformation complète 
dans le sens religieux. 

De toutes ces observations découlent quelques consi- 
dérations générales. J'ai parlé déjà de la genèse des 
idées de suicide par le fait de la conservation de la 
conscience. Je ne crains pas de revenir encore sur la 
fréquence de celte redoutable complication. Parmi mes 
quarante malades, quinze ont essayé de se donner la 
mort sous Tinfluence soit d'impulsions irrésistibles, soit 
du désespoir. D'après mon expérience personnelle, le 
suicide, avec la folie consciente, serait donc à redouter 
dans la proportion de 37 p. 100. Si on considère 
seulement l'influence du dégoût de la vie, né chez les 
malades de leur impuissance à se débarrasser de troubles 
dont ils reconnaissent le caractère morbide, abstraction 



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RECHERCHES SVli LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 61 

faite des impulsions irrésistibles, on trouve une pro- 
portion de 34, 2 p. 100. Ce sont là des chiffres consi- 
dérables, puisqu'ils prouvent que Tintégrité du sens 
intime, réfléchi, met en danger la vie dans près d'un 
tiers des cas. 

D'un autre côté, la folie avec conscience est peu 
curable. Conscients, ces malades dissimulent beau- 
coup pour sortir et, après chaque guérison, il faut mettre 
un grand point d'interrogation ; héréditaires, si réelle- 
ment ils retrouvent l'équilibre cérébral, c'est pour le 
conserver à peine. On voit donc combien peu est 
consolant le pronostic de ce groupe vésaniqne. Une 
remarque avantageuse serait à faire : les fous conscients 
ne tombent en démence que rarement et très à la longue. 
Il y a toutefois des exceptions à cette loi, comme le 
prouvent quelques-unes de nos observations. Et puis, 
en réalité, est-ce là un avantage ? Les déments ne sont- 
ils pas encore les hôtes les moins malheureux des asiles 
et mieux ne vaut-il pas perdre l'intelligence que de la 
conserver pour se savoir aliéné? 

M. Billod, dans le remarquable discours qu'il pro- 
nonça en 1 869 à la Société médico-psychologique, a dé- 
montré, chiffres en mains, qu'en dehors de l'alcoolisme 
la folie avec conscience est plus fréquente chez la 
femme que chez l'homme, et, avec raison, il l'a attribué 
à l'hystérie. Non seulement je partage cette opinion du 
savant aliéniste, mais je crois même — bien qu'en ma 
qualité de médecin en chef d'un service exclusif de 
femmes, je ne puisse fournir aucune statistique compara* 
tive — que, d'une manière générale, le sexe féminin est 
favorisé, si c'est là une faveur, du côté de la conser- 



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6â PATUOLOGIB MBNTALB. 

vatiou de la conscience, du moins dans le Midi et dans 
les grandes villes de cette région. Sans contredit 
Talcoolisme et l'hystérie sont, en étiologie, après l'héré- 
dité, lesdeux facteurs principaux. Or, l'hystérie, à quel- 
ques rares exceptions près*, est exclusive à la femme, 
l'alcoolisme est commun aux deux. L'alcoolisme est 
plus fréquent chez l'homme sans doute; sur 61 aliénés 
conscients M. Billod a trouvé 53 alcooliques et sur i9 
aliénées conscientes, 5 ; soit, pour les hommes, une pro- 
portion de 86 p. 100 d'alcooliques et, pour les femmes, 
une proportion de 26,3. Dans le Midi et surtout à 
Marseille, cet écart doit être facilement comblé, car 
l'hystérie y est d'une fréquence excessive, et plus en- 
core que la folie alcoolique la folie hystérique est 
consciente. M. Moreau (de Tours), qui a si savamment 
étudié et décrit les vésanies névropathiques, voit en 
effet dans la conservation de la conscience un des 
caractères les plus saillants de cette maladie. 

Avant de quitterl'étiologiejevoudrais noter le rôle de 
la ménopause. Mes quarante observations comprennent 
trente-quatre femmes qui, d'après leur âge, se répartis- 
sent comme il suit : moins de 20 ans : 4; — de 20 à 
30ans:4;— de30à40ans;9; — de40à50ans:15; 
— de 5&à 55 ans : 2. Ces chiffres sont éloquents. 

Quels sont les troubles intellectuels les plus suscep- 
tibles de venir se refléter dans le sens intime et qui, 
partant, se prêtent le mieux à une saine appréciation 
de leur nature morbide? Je dirai tout d'abord qu'une 
conception délirante, ne saurait jamais être consciente. 
La conception délirante, en effet, est un jugement, 

* Moins rare que ne le pense M. Marandon. (B.) 



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RECHERCHES SUR LA. FOLIE AVEC CONSCIENCE. 63 

c'est le résultat du travail de rintelligence sur uue 
perturbation des sens, de l'émotivité ou de la sensi- 
bilité. Les conceptions délirantes d'emblée n'existent 
pas par la simple raison que l'intelligence, exposée aux 
obtusionset aux affaiblissements, ne peut être pervertie. 
Toute conception délirante suppose soit des hallucina- 
tions, soit une perversion de l'émotivité ou de la sensi- 
bilité avec la complicité de l'intellect. Un de mes plus 
savants confrères de Marseille, le D' Despine, a le 
grand mérite, à mon avis, d'avoir victorieusement mis 
en relief le rôle que jouent les perversions sensorielles 
et émotives dans la genèse des délires. En démontrant 
que les facultés intellectuelles proprement dites sont 
justiciables du seul trouble de l'affaiblissement, ilaétabli 
par cela même que la conception délirante exclut la 
conscience refléchie. Quand M. Billod dit : « Il est 
une autre catégorie très curieuse d'aliénés ayant con- 
science de leur état, ce sont ceux qui non seulement 
ont la conscience d'être aliénés^ mais qui ont celle de la 
fausseté de leurs conceptions déliratUes et qui en sont 
tourmentés comme si elles étaient vraies », il confond 
deux choses très différentes, la conception détirante et 
la représentation mentale. L'obscurité qui règne encore 
sur tant de points de psychiatrie tient beaucoup aux 
sens les plus opposés dans lesquels en emploie les 
mots. Dans le cas qui nous occupe, un exemple per- 
mettra de saisir toute ma pensée. Que Ton compare les 
conceptions de grandeurs d'un mégalomane persécuté 
aux idées ambitieuses d'un paralytique et l'on saisira 
toute la distance qui sépare les premières des secondes. 
Le mégalomane a des conceptions délirantes de gran- 
deurs, le paralytique n'a que des représentations men- 



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64 PATHOLOGIE MENTALE. 

taies à couleur ambitieuse. L'un est actif et juge, l'au- 
tre est passif et ne raisonne pas. Ainsi, comme je le 
disais plus haut, la conception délirante est un juge- 
ment, elle exige la complicité de l'intelligence et Tin- 
conscience absolue du sujet. La représentation mentale 
est souvent automatique, même à l'état de santé, quand 
on est poursuivi par un souvenir absorbant; elle semble 
n'être qu'un écho affaibli de la sensation, à cepointque, 
pour Brierre de Boismont et son école, elle serait la 
source de l'hallucination; loin d'être fille de la raison, 
elle serait plutôt sœur de la mémoire. Or, ce sont ces 
représentations mentales qui sont souvent conscientes 
et dont le malade ne peut pas plus se débarrasser que 
certains criminels trouver l'oubli de leurs victimes. 
Une de mes observations est un cas très net de ce 
genre. M"' Rose Kr.,. n'a jamais eu de conceptions dé- 
lirantes, de persécutions avec conscience, ce qui serait 
une impossibilité psychologique, mais des représenta- 
tions mentales conscientes à forme soupçonneuse. Tous 
les cas si intéressants rapportés par M. Billod peuvent 
s'interpréter ainsi. 

Seuls l'obtusion intellectuelle ainsi que les désordres 
des sensations, de l'émotivité et de la sensibilité tombent 
sous l'appréciation du sens intime. 

J'ai établi que dans quatre groupes de vésanies la 
conscience est un élément constitutif. De ces quatre 
groupes trois : l'hypochondrie morale de Falret, l'agora- 
phobie et le délire du doute sont essentiellement carac- 
térisés par des perversions de l'émotivité. On a cru 
trouver dans les folies impulsives une maladie de la 
volonté, mais la volonté est une résultante, elle n'a pas 
d'existence propre en dehors des mobiles. La clinique 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 65 

prouve qu'eu réalité les impulsions irrésistibles avec 
conscience naissent de trois sources très différentes. 
Elles résultent de perversions sensorielles : c'est une 
hallucination de Touïe qui commandera de tuer ou de 
brûler; c'est une hallucination de la vue, à contours 
symboliques, qui entraînera au crime ou au suicide; 
c'est une hallucination de l'odorat et du goût qui 
poussera à des actes immondes. Elles résultent de per- 
versions de l'émotivité, comme dans les observations Y 
et VU. Elles sontenfin, d'autres fois, le produit de repré- 
sentations mentales; le malade perçoit dans son esprit 
une voix psychique qui l'engage, le pousse, l'oblige. 
Les impulsions conscientes sont donc ou sensorielles, 
ou émotives, ou psycho-sensorielles; jamais elles ne 
sont purement intellectuelles, toujours elles se greffent 
sur un trouble des sens ou de la sensibilité. 

Dans les cas où la conscience est un élément sur- 
ajouté, l'obtusion intellectuelle avec son cortège d'ab- 
sence de mémoire, de défaut de suite dans les idées, 
d'inaptitude au travail est, contre toute prévision, le 
trouble qui est le plus sainement apprécié des malades. 
Toutes mes observations l'établissent. Nous avons vu 
les épileptiques eux-mêmes, inconscients de leurs im- 
pulsions destructives et de leurs agitations violentes, 
recouvrer, avec le calme, la conscience de leurobtusion 
intellectuelle et se trouver à même de suivre pas à pas 
le réveil de leurs facultés pour peu que leur affection 
les épargnât un certain temps. Ce résultat est assez 
surprenant. Comment le sens intime réfléchi, c'est-à- 
dire la conscience unie à la réflexion, se maintient-il 
aussi ferme quand la logique elle-même fait défaut, 
quand le pouvoir syllogistique est brisé? Dans la 

ARCHIVES, t. VI. 



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66 PATU0L06IB MENTALE. 

démence, qui est non plus révanouissement, mais la 
mort de rintellect, l'inconscience est la loi. 

Après Tobtusion intellectuelle viennent les troubles 
de Témotivilé et de la sensibilité. Par ordre de fré- 
quence, nous trouvons d'abord les modifications du 
caractère et des instincts; en second lieu^ les perversions 
lypémaniaques de la sensibilité. Jamais je n'ai ren- 
contré un aliéné expansif, un mégalomane, avec la 
perception de sa situation maladive. Les fous cons- 
cients sont par excellence des lypémanes anxieux et 
gomisseurs. 

Enfin, en dernier lieu, est l'exaltation cérébrale qui, 
quoiqu'on en ait dit, ne porte pas sur Tintelligence 
même, c'est-à-dire sur le jugement et la raison, mais 
sur ses auxiliaires, la sensation, la mémoire, la repré- 
sentation mentale, l'imagination, l'émotivité et la sen- 
sibilité. J'ai donné des cas de manie bien propres à 
prouver la persistance de la conscienôe au milieu 
même des plus grands désordres de l'esprit. En outre, 
si on veut bien relire nos observations, on s'assurera 
que dans toutes il s'agit d'une agitation, violente et 
désordonnée à la vérité, mais simple, sans associa- 
tion d'idées de satisfaction ou de grandeurs. De cette 
constatation il résulterait encore que les conceptions 
mégalomaniaques ne sont jamais conscientes. L'ob- 
servation II, où dans le cours d'une paralysie géné- 
rale la conscience n'a duré que quelques heures et se 
liait à une rémission momentanée, n'infirme pas ce 
résultat. 

L'hallucination est de tous les éléments du délire 
celui que la conscience apprécie le plus difficilement; 
même quand l'esprit la juge à sa valeur, souvent il 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE ATEC CONSCIENCE. C7 

lui est docile ou l'interprète d'une façon délirante. 
C'est que la sensation est l'aliment quotidien de la vie 
psychique, que de tout temps et de tout âge il a été 
le conseiller fidèle, le guide en qui chacun a mis 
toute sa confiance. On doute de son esprit, on se 
méfie de sa sensibilité, mais on ne suspecte pas ses 
sensations. Aussi, n'ai-je jamais rencontré un malade 
qui fut conscient de ses perturbations sensorielles 
et inconscient de ses troubles psychiques. 

Ce mémoire est loin de donner la solution de toutes 
les questions si nombreuses et si délicates que sou- 
lève la folie avec conscience au point de vue de l'étio- 
logie, de la symptomatologie et du pronostic. Si les 
faits que j'ai rapportés ont été bien observés, ils auront 
cependant appelé l'attention d'une manière plus pré- 
cise sur certaines particularités intéressantes. Les 
conclusions suivantes présentent sous une forme con- 
cise toutes les idées principales de mon travail : 

I. Il conviendrait, pour éviter toute confusion, de 
comprendre sous la dés\gù3iiion de folie avec conscience 
réfléchie^ les maladies qui méditent sur leurs troubles 
psychiques et qui, les analysant, en reconnaissent le 
caractère morbide. 

II. L'état de conscience est ordinaire au début de 
toutes les vésauies et d'un grand nombre de cas de 
paralysie générale. 

•III. L'état de conscience se rencontre dans le cours 
des folies paralytiques quelquefois, des lypémanies 
aiguës souvent, des manies aiguës très fréquemment. 
Par contre, il est relativement rare à la terminaison 
des vésauies. 



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68 PATHOLOGIE MENTALE. 

IV. La conscience est, en aliénation mentale, tantôt 
\m élément constitutif ^ tantôt un élément mr ajouté. Elle 
est un élément constitutif dems Thypochondrie morale, 
l'agoraphobie, le délire du doute et les folies impul- 
sives. Je Tai observé comme élément surajouté dans 
les diverses variétés de manies, la lypémanie aiguë, la 
stupidité, la folie circulaire, la lypémanie anxieuse, la 
panophobie, le délire des persécutions, la lypémanie 
ambitieuse, l'érotomanie. 

V. Les aliénés conscients de ces deux groupes sont, 
pour le très grand nombre, des héréditaires appartenant 
aux classes instruites et aisées de la société. D'après 
mes observations, quand la conscience est un élément 
surajouté, l'hérédité se rencontre 79,4 p. 100, et les 
malades dans la proportion de 67,6 p. 100 appartien- 
nent aux classes indiquées ci-dessus. 

VL Les aliénés conscients des deux gipoupes se re- 
crutent dans la proportion de 75,7 p. 100 parmi les 
héréditaires, à prédisposition latente, jusqu'à l'éclo- 
siou de la folie. 

VIL La paralysie générale, consciente quelquefois 
au début et à certains moments de son évolution, est 
toujours inconsciente dans la plus grande partie de sa 
durée. La folie épileptique est également inconsciente; 
toutefois, les phases diverses, par lesquelles passe l'ac- 
tivité de l'intellect après les attaques et dans leurs in- 
tervalles, viennent se refléter dans le sens intime, et 
sont par là, dans certains cas, un indice précieux 
pour le diagnostic de la forme vertigineuse ou noc- 
turne. 

VIII. La conscience, en aliénation mentale, peut 
être complète ou incomplète. La conscience complète^ 



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RECHERCHES SUR lA FOLIB AVEC CONSCIENCE. 69 

d'après mon expérience, est plus fréquente que la de- 
mi-conscience dans la proportion de 70 p. 100. La 
statistique de M. Billod donne 76,3 p. 100. 

IX. Les malades des classes aisées, comparés aux in- 
digents, sont conscients dans la proportion de 66 p. 1 00, 
et demi-conscients dans la proportion de 80 p. 100. 

X. La conscience parfaite est plus fréquente dans le 
délire général que dans le délire partiel, en proportion 
de 57 p. 100. 

XL Les indigents ne fournissent de contingent qu'au 
délire général; ils y sont même en assez grande ma- 
jorité, dans la proportion de 61 ,5 p. 100. 

Xn. Dans les délires généraux avec conscience par- 
faite, les malades assistent en spectateurs aux troubles 
qui se déclarent dans leur esprit, en spectateurs cons- 
cients, mais impuissants à réagir et à imprimer le 
moindre changement à leur manière d'être psychique. 

Xin. La conservation de la conscience dans certains 
cas de stupidité serait peut-êlre un argument puissant 
en faveur de Texiéténce de cette forme vésanique. • 

XIV. La conservation de la conscience dans certains 
cas de folie circulaire, grâce aux renseignements four- 
nis par les malades eux-mêmes, permet de diagnosti- 
quer d'emblée cette maladie. 

XV. Dans le délire partiel, la conscience se trouve 
soit avec des troubles sensoriels isolés, soit avec des 
troubles psychiques isolés, soit avec des troubles psy- 
chiques et sensoriels combinés. 

XVI. Quand la conscience parfaite existe avec des 
troubles sensoriels isolés , il s'agit d'hallucinations 
compatibles avec la raison. 

XVII. Quand la conscience parfaite existe avec des 



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70 PATUOLOOIE MBNTALB. 

troubles psychiques isolés, la réaction anxieuse se pro- 
duit d'ordinaire chez les malades. 

XVIII. Quand la conscience parfaite existe avec des 
troubles psychiques et sensoriels combinés, les malades 
obéissent à leurs hallucinations qu'ils jugent morbides 
tout comme s'ils les croyaient vraies. 

XIX. L'existence de la demi-conscience ne paraît 
pas conciliable avec le délire général, sauf peut-être 
dans la forme circulaire. 

XX. Dans le délire partiel, la demi-conscience ne 
saurait exister, de toute évidence, avec les perversions 
sensorielles isolées, car elle suppose par sa nature 
même un trouble intellectuel concomitant. 

XXI. Quand la demi-conscience existe avec des 
troubles psychiques isolés, la systématisation se base 
toute entière sur le fait même de la conservation de la 
conscience. 

XXII. Quand la demi-conscience existe avec des 
troubles psychiques et des troubles sensoriels combinés, 
la conscience des premiers se combine avec l'in- 
conscience des seconds, et deux cas se pré|sentent. 
Toute systématisation peut faire défaut, les malades 
vivent indécis sans trouver une explication à ce qui 
se passe en eux et autour d'eux. Plus fréquemment la 
systématisation se produit serrée, logique; les malades 
expliquent les désordres intellectuels dont ils sont 
conscients par les perversions sensorielles dont ils sont 
inconscients. 

XXIII. Dans quelques cas exceptionnels, les ma- 
lades ont conscience de tous leurs troubles psychiques 
et sensoriels et de cette conscience absolue sort la 
systématisation. Elle devient à leurs yeux la preuve 



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RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 71 

péremptoire d'une cause extérieure qui agit sur eux. 
Ils cherchent cette cause, croient la trouver et systé- 
matisent. 

XXIV. La conservation de la conscience aggrave le 
pronostic. Non seulement elle impose aux patients le 
supplice affreux d'assister impuissants aux désordres 
de leurs facultés, mais elle conduit au désespoir et, par- 
tant, au suicide réfléchi par dégoût de la vie. Cette re- 
doutable complication s'estprésentée dans mes observa- 
tions en proportion de 34,2 p. 100. 

XXV. Les aliénés conscients sont peu curables; s'ils 
guérissent, ils rechutent peu après. Toutefois, chez 
eux, la démence est rare et tardive. 

XXVI. Après l'hérédité, rhystérieet l'alcoolisme sont 
les deux facteurs principaux de l'étiologie de la folie 
consciente. 

XXVII. En dehors de l'alcoolisme, la conservation 
de la conscience est incontestablement plus fréquente 
chez la femme que chez l'homme. 

XXVIII. Les folies conscientes paraissent se montrer 
de préférence chez la femme à la période de la méno- 
pause. 

XXIX. Les conceptions délirantes impliquent toujours 
la complicité de l'intellect et l'inconscience absolue ; 
seules les représentations mentales peuvent être cons- 
cientes. 

XXX. Les troubles qui se concilient le mieux avec 
la conservation de la conscience sont, par ordre de fré- 
quence : l'obtusion intellectuelle, les troubles de l'émo- 
iivité, les modifications du caractère et des instincts, 
les perversions lypémaniaques de la sensibilité, l'exal- 
tation cérébrale. 



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72 RECUEIL DE FAITS. 

. XXXI. Les idées mégalomaniaques paraissent exclu- 
i^ives de la conservation de la conscience. 

XXXII. L'hallucination est, de tous les éléments du 
délire, celui que la conscience apprécie le plus difficile- 
ment. 



RECUEIL DE FAITS 



NOTES ET OBSERVATIONS SUR L\ MICROCÉPHALïE ; 
Par BOURNE VILLE et WUILLAMIÉ (Sm7e«;; 

Nous avons publié, il y a un an, une première observation 
relative à la microcéphaliey et, dans les considérations qui 
l'accompagnaient, nous annoncions au lecteur la publication 
de nouveaux faits; voici la. relation du second : 

Observation IL — Père : hébétude passagère, consécutive à une 
grande application à la musique. -^Sœur idiote. — Deux frères : 
Mobilité. — Idiotie. — Microcéphalie. — Epilepsie : marche des ac- 
cès. — Quelques succès d'éducation. — Corps étrangers de VœsO' 

. phage ; asphyxie ; mort. - - Autopsie : poids du cerveau : 650 gr. — 

^ Description du cerveau. 

Edern (Auguste), âgé de seize ans, est entré à l'asile de Bicêtre 
(service de M. Delasiauve) le 43 janvier iSoO. 

Antécédents, — Son père, employé, parait assez capable; il serait 
tombé, pendant un certain temps, par suite d'une trop grande appli- 
cation à la musique, dans un état d'hébétude profonde. Ce serait à 
ce moment-là que la mère de notre malade serait devenue enceinte 
de lui. Une sœur est morte idiote. Deux frères sont bien constitués, 
mais d'une mobilité extrême. 

' Examen du malade. — La tête est assez bien conformée, mais 
excessivement petite; elle est aussi légèrement déprimée au-dessus 

t Voir t. IV, p. 52; juillet 1R8«, 



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DK LA MICROCBPHALIE. 73 

des sourcils. Tout lo reste du eàrps est normalement conformé. Lés 
organes génitaux, surtout le pénis, sont très développés ; onanisme ; 
incontinence nocturne d'urine. 

. Aititttde. — Son regard est stupide, sa démarche, ses gestes, tout 
en lui dénote la lourdeur et Thébétement. Il est presque constamf 
ment en mouvement, faisant des gesticulations incohérentes; il 
saiive de temps en temps. 

. Parole, — Son vocabulaire est excessivement restreint et se ré- 
duit à quelques mots qu'il articule confusément : « Non, papa, 
maman, chameau, cochon. » On est parvenu à l'étendre un peu et à 
lui faire appeler plus ou moins bien les personnes du service, 
M Jlf. Dezairs, MM^* Morel, Coutarel ». 

Caractère, — Ed... a des périodes de calme où sa physionomie 
est douce ; dans d'autres, au contraire, il est sujet à des accès de 
colère difficiles à réprimer. Il a une sorte de besoin d'appro6atîon; 
il est .sensible à la flatterie ; un refus, une préférence provoquent 
son ressentiment, le rendent maussade et lui font repousser, avec 
un dédain irrité, les offres les plus séduisantes. La vue d'objets 
éclatants, la musique lui causent uue vive impression et lui arra- 
chent des transports frénétiques, o Beau, çà ! » En dehors de ces 
stimulants assez vifs, son attention est difficile à fixer. 

Ed... est, en outre, sujet à des accès d'épilepsie sur l'origine des- 
quels nous n'avons pas trouvé de renseignements. 
. u Rien n'avait été tenté pour cet idiot dans l'asile, dit M.. Delà*- 
siauve, lorsqu'un sentiment de bienveillance porta M. Dezairs k s'eii 
occuper. Connaissant son genre d'impressionnabilité, il réussit aisé- 
ment à captiver son intérêt par les modulations variées de divers 
instruments, et notamment par les sons tantôt bruyants et rapides, 
tantôt graves et cadencés du tambour. Ed... était donc susceptible 
d'attention. Première conquête. Pouvait-il le devenir de réflexion ? 
C'était une épreuve à tenter. L'achat de quelques jouets pour la 
section nous fournit bientôt l'occasion d'expérimentations cu- 
rieuses. 

« Parmi ces jouets se trouvaient des pistolets-canonnières; Ed.., 
s'en était épris. Leur détonation le réjouissait : « Beau, çà ! » 
s'écriait-il en riant aux éclats, en trépignant de plaisir et en agi- 
tant tumultueusement ses bras ; puis, tendant l'oreille pour mieux 
entendre : « Encore î encore I » ajoutait-il. 

« Il apprit d'abord le premier des trois temps dont le tir se 
compose. Plusieurs séances furent nécessaires. Ses yeux, au dé- 
but, erraient vaguement sur l'arme sans s'y fixer. Dès qu'on eut 
triomphé de cette inattention, on passa au mécanisme de la ma- 
nœuvre. 

. « Mais en vain lui maintenait-on la main gauche sur le canon, 
en forçant l'autre à pousser brusquement la tige ; aussitôt qu'on 
cessait de le diriger^ il abandonnait l'instrument, ou du moins 



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74 RECUEIL DE FAITS. 

ropéraiion avortait, soit par suite d'ane pression incertaine et iné« 
gale, soit en raison du déplacement des doigts, venant malencon- 
treusement appuyer sur le bouchon, se prendre dans la corde ou 
s'interposer entre le manche du piston et Textréroité inférieure du 
tube. 

« La constance^ toutefois, eut raison de Titiaptitude. Ed... finit 
par réussir, et ce succès flatta tellement son amour-propre qu'il fut 
empressé de renouveler les explosions, et devint fort attentif aux 
deux phases du chargement, dont il comprit très rapidement la 
succession. Il put retirer le piston sans obstacle; mais il en fut 
tout autrement pour l'introduction du bouchon, qu'il faisait en- 
trer dans le tube par le gros bout, en travers ou imparfaitement, 
et qui ne put être surmonté qu'après de nombreuses tentatives. 

« Ce développement rudimentaire parut d'ailleurs l'instigateur 
d'une sorte de réveil intellectuel révélé tout à la fois par des traits 
moins obtus, une manifestation plus modérée des impressions, et 
par une certaine initiative. Ëd... variait spontanément son tir, se 
servant des deux mains ou d'une seule, appuyant la crosse du pis- 
tolet sur sa poitrine, sur le parquet ou sur un meuble, imprimant 
au canon des directions diverses, ripostant aux attaques, et trahis- 
sant sa satisfaction quand, feignant d'être atteint, son adversaire 
lui laissait croire au succès de son tir. 

« Le maniement du pistolet-canonnière ne fut pas le seul essai 
tenté. Ed... eut à faire fonctionner un de ces moulins à vent, qui 
tournent par le va-et-vient d'une ficelle enroulée sur Taxe qui sup- 
porte les ailes. 

(( Céder et reprendre à propos, pour que la rotation s'effectue 
tour à tour et sans intermission dans un double sens, constituent 
ici une difficulté qu'on ne surmonte pas toujours immédiatement. 
L'idiot surtout continue la traction, et le mouvement cesse. Â notre 
vive surprise. Ed... s'est formé assez promptement à cet exercice. 
Une chose plus simple, en revanche, a été plus péniblement obte- 
nue. La résistance d'Ëd... pour le jet de la boule, dont on fait 
usage dans les jeux de quilles, a été opiniâtre et longue. Il la lais- 
sait rouler à ses pieds, faute, en partie, de pouvoir fixer ses doigts 
dans les trous. Maintenant, il réussit à lui faire parcourir une cer- 
taine distance. Toutefois, cet acte est fait sans rectitude et sa visée 
demeure incertaine. 

(c Au jeu de tonneau, le résultat est encore incomplet, mais non 
tout à fait stérile. Bien que mal lancés ou s'égarant au hasard, eii^ 
deçà ou au delà du but, ses palets mesurent, en vacillant, une pro- 
portion plus exacte. Pour le cerveau, après avoir paru très long- 
temps étranger au mécanisme de sa marche, il laisse voir, aujour- 
d'hui, la volonté de le conduire. Dans les batteries de tambour, 
au lieu d'emmêler les baguettes, de les saisir par le gros bout ou le 
milieu, et d'en atteindre à chaque fois les i*ebords de la caisse, il 



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DB LA UICROCÉPHAUB. 75 

commence à alterner le choc des olives & la place voulue et avec 
une certaine régularité. 

« Au gymnase, nous avons, le prenant À part, obtenu en bien 
des points des progrès relatifs : il monte et descend à une échelle 
ordinaire, s'y retournant, non sans hésitation, d'avant en arrière 
et réciproquement; il se tient à la force des poignets, soit suspendu 
aux degrés de Téchelle transversale, soit soulevé sur les barres 
parallèles, ou il se prête aux mouvements qu'il voit -accomplir; la 
course volante en rond, la balançoire ont le don de le passionner; 
graduellement, il est parvenu à exécuter assez prestement le saut 
en s'élançant d'une hauteur d'environ un mètre ou en franchissant 
une corde tendue à trente ou quarante centimètres au-dessus du 
sol ; il conduit enfin, sans trop dévier de l'équilibre, une brouette 
remplie de terre ou de sable. 

tt Par un effet nécessaire et logique, ces perfectionnements ont 
heureusement réagi sur les virtuaUtés conceptives, artistiques et 
morales. Les facilités croissant avec les désii*s, la vie commune est 
devenue tout à la fois pour Ed... une source d'utiles enseignements 
et de plaisirs variés. L'imitation spontanée amena chaque jour une 
conquête imprévue dans les actions usuelles. 

u 11 a seul appris, pour ainsi dire, à fermer comme à ouvrir les 
portes et les croisées, à écarter ou à approcher les rideaux, à dé- 
ployer ou à replier un parapluie, à laver ses mains, et une fouie 
d'autres soins auxquels antérieurement il était incapable de s'ap- 
pliquer. Dans nos visites auxquelles il s'associe fréquemment, 
portant avec gravité les cahiers des élèves, s'il nous arrive d'explo- 
rer attentivement un malade, lui aussi penche l'oreille pour aus- 
culter, pose la main pour tâter le pouls, et prend son air le plus 
bénin et son accentuation la plus douce pour témoigner sa com- 
passion. 

a L'expansion succédant à l'inertie, une physionomie plus ou- 
verte et plus sereine, une attitude plus décente, moins de tendance 
à l'irritation et à la colère, des démonstrations plus senties et plus 
affectueuses, l'enrichissement du langage par une multitude de 
mots, nés de Taccroissemeut des pensées et du besoin de les tra- 
duire, telle est, au point de vue de la sensibilité, la transformation 
subie par Ed..., transformation remarquable surtout pour ceux 
qui peuvent remonter au point de départ. Elle nous laisserait 
l'espoir et la confiance d'appliquer un jour cet intéressant idiot à 
quelque fonction utile, si malheureusement les crises nerveuses, 
auxquelles il est sujet, ne revenaient à de courts intervalles anéan- 
tir les forces corporelles, opprimer le jugement et menacer l'exis- 
tence. » 

De 4850 à 4864, Ëd... a été atteint de complications et de ma- 
ladies intercurrentes diverses que nous allons énumérer : en 
4853, variolofde; en juin de la même année, en octobre 4834, en 



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76 RECUEIL DE FAITS. 

janTier 1855, en novembre et décembre 4857, congestions mênin- 
gitiques succédant à des séries d'accès. A. partir de 1857, les accès 
sont devenus plus violents et plus nombreux. Voici d'ailleurs leur 
marche de 4850 à 1860: 



AXN&ES. 


Accès. 


aitnAes. 


ACCÈS. 


ANNÉES. 


ACCÈS. 


1850. . . 


3 


1854. . . 


47 


1858. . . 


167 


1851. . . 


80 


1855. . . 


47 


1859. . . 


188 


1352. . . 


35 


1856. . . 


45 


1860. . . 


180 


1853. . . 


61 


18î)7. . . 


151 


1861. . . 


? 



1861. 25 novembre, — En mangeant du ragoût de mouton, 
deux morceaux de côtes se sont arrêtés dans l'œsophage, ont 
exercé une compression sur le larynx et déterminé la mort par 
asphyxie, 

AuTOPsiK. — Thorax : engouement pulmonaire; — corps Hrangci*s 
de Vœsophage. — Les autres organes n*ont rien offert de particulier. 

Le cerveau pesait 650 gr. 11 a été remis à M. Broca, qui Ta fait 
mouler et déposer au musée de la Société d'anthropologie. M. Du- 
catte, dans sa thèse *, en a tracé une description minutieuse que 
nous ne pouvons reproduire à cause de sa longueur; nous nous 
bornerons aux points principaux : 

Description du cerveau. — « La plus grande longueur du cer- 
veau, 128 millimètres; de l'extrémité frontale antérieure à la scis- 
sure de Rolando, le long du bord sagittal, 88 mill.; de la scissure 
de Rolando à la scissure occipitale externe, 36 mill. ; de celle-ci au 
pôle occipital, 23 mill. 

a La plus grande largeur du lobe frontal, 85 mill.; du lobe tem- 
poral, 98 mill. ; du lobe occipital, 73 mill. La plus grande hauteur, 
60 mill., et la circonférence horizontale, 377 mill. 

« La longueur réduite à 100, on a les proportions suivantes : 
longueur du lobe frontal, 68,75; du lobe pariétal, 28,12; du lobe 
occipital, 17,96; largeur du lobe frontal, 66,40; du lobe pariéto- 
temporal, 76,56; du lobe occipital, 57,03; la plus grande hauteur, 
46,87 ; la circonférence horizontale, 294,53. 

« En comparant Ed... à la négresse de M. Baillarger, on trouve 
les différences suivantes proportionnellement à la longueur totale : 
En faveur d*Ed..., longueur du lobe frontal, 4,62; largeur du 
même lobe, 2,27. En faveur de la négresse, longueur du lobe pa- 
riétal, 7,74, et du lobe occipital, 5,95; largeur du lobe temporal, 
13,65, et du lobe occipital, 3,83: plus grande hauteur, 43,99; cir- 
conférence horizontale, 8,73. » 

1 la microcéphalie au point de vue de Vataviitme] thèse de Paris, 1880. 
Les deux Plancrks que nous avons fait faire par M. Leuba, d'après le 
mo\ilage du Musée d'anthropologie, permettent de se rendre compte des 
principaux caractères que présente rencéplmle. 



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DE LA MICROCÊPHALIE. 77 

Les Planches I et II, qui accompagnent cette observation, 
nous permettent de nous borner à une courte description. 

Leslobes frontaux sont aplatis, très allongés, îrréguliers. La pre* 
tmére drconvolution frontale (F^), des deux côtés, occupe la plus 
grande partie du lobe frontal, de sorte que les autres circonvolu- 
tions du lobe semblent refoulées et atrophiées à son avantage ; à 
droite, elle semble s'étendre jusqu'à la scissure de Rolando en 
refoulant en bas et eu arrière la circonvolution prérolandique. 
Des deux côtés, elle présente Tincisure longitudinale propre à 
rhomnie ; cette incisure est plus longue à gauche, où elle se ter- 
mine eu arrière par une bifurcation qui représente la partie 
supérieure du sillon prérolandique; à droite, elle gagne oblique- 
ment en arrière le bord sagittal de l'hémisphère^ sans bifurcation. 

La deuxième circonvolution frontale (Ff), à gauche et à droite, 
est très petite, refoulée par la première, de telle sorte qu'elle sem- 
ble avoir perdu ses connexions normales avec la circonvolution 
frontale ascendante en arrière, et la face orbi taire du lobe frontal 
en avant. 

La troisième circonvolulion frontale (F3)est divisée de chaque côté 
en deux parties^autérieure et postérieure, par Tangle supérieur de 
la fosse sylvienne et Tincisure longue à gauche, rudimentaire à 
droite. L'espace compris entre l'extrémité inférieure de la circon- 
volution frontale ascendante (Fa) et cette incisure est extrêmement 
atrophié. C'est dans la partie la plus postérieure de cet espace 
qu'est localisée la faculté de la parole : Edern, on se le rappelle, 
ne prononçait que quelques mots. 

La Planche II donne une idée très exacte de la disposition des 
irois circonvolutions orbitaires (Oj, Oj, Oj) de leurs incisures et des 
htllons qui les séparent. 

Revenons à la face" convexe (Pl. I). La frontale ascendante gau- 
che (Fa) est irrégulière, mais assez distincte, tandis que la droite 
est très irrégulière, pour ainsi dire absorbée par la première cir-* 
convolution frontale. Le sillon de Bolando est moins profond qu'à 
l'état normal et s'arrête à une certaine distance au-dessus de la 
scissure de Sylvius, « comme chez le fœlus de neuf mois», écrit 
M. Ducatte. 

La première circonvolution pariétale (Pl. 1} offre sur le bord supé- 
rieur une incisure courbe qui est la terminaison de la scissure 
sous-frontale. 

La deuxième circonvolution pariétale, mince dans sa partie anté- 
rieure qui se continue avec la première temporale, s*élargit vers 
l'extrémité du premier sillon temporal, dans sa partie postérieure 
qui présente plusieurs incisures. 

La première circonvolution temporale (T i) s'anastomose avec la 
seconde en avant et avec la deuxième pariétale (P^) en 



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78 RECUEIL DE FAITS. 

arrière. — La secondu circonvolution temporale (Tj) s'anastomose 
avec la deuxième pariétale en arrière et, en avant avec les 
troisième et quatrième temporales (Pl. II). Tj, T4. — Les lobes 
occipitaux sout très petits. 

« Entre le sillon occipital et la scissure calcarine, dit Ducatte, 
s'étend le lobule sous-occipital, formé des quatrième et cinquième 
circonvolutions occipitales, continues en avant avec les troisième, 
quatrième et cinquième temporales. La quatrième occipitale s'unit 
avec les troisième et quatrième temporales fusionnées; la cin- 
quième occipitale avec la cinquième temporale par le pli de passage 
occipito-hippocampique. A gauche, la quatrième et la cinquième 
circonvolutions temporales sont séparées par un sillon linéaire qui, 
en avant, s'arrête à un peu plus d'un centimètre du bord antérieur 
du lobe temporal, et, en arrière, dans la portion antérieure de la 
cinquième circonvolution occipitale où la cinquième temporale 
s'anastomose avec la cinquième occipitale et celle-ci avec la troi-' 
sième et la quatrième temporales fusionnées. A droite, la quatrième 
et la cinquième circonvolutions temporales sont séparées par un 
sillon très long qui, en avant, s'étend presque jusqu'au bord anté- 
rieur du lobe temporal, et, en arrière, se bifurque en deux bran- 
ches dont l'externe sépare la quatrième de la cinquième circon- 
volution occipitale et l'interne se perd dans la cinquième occipi- 
tale, près de l'extrémité antérieure de la scissure calcarine, » 

Nous n'ajouterons aucun commentaire sur les scissures, les sil- 
lons, etc., ni sur la face interne que le moulage et les planches 
n'ont pu reproduire et nous terminerons par quelques remarques 
très brèves. 

I. La description résumée du cerveau montre que, en 
maintes régions, on observe un état fœtal. 

II. Dans ce cas, de même que dans celui de Ch... {Af^ckioes 
de Neurologie, t. IV, p. 52-60), la microcéphalie est indubi- 
table, puisque, d'après Broca, la microcéphalie commence 
lorsque le cerveau pèse 1 ,049 gr. chez rhomme et 907 gr. chez 
la femme, et que le cerveau d'Ed... ne pesait que 650 gr. 

III. La comparaison entre les Planches I et II, relatives au 
cerveau d*Ed..., et les Planches I et II du tome IV, qui repré- 
sentent le cerveau de Ch..., permettra de constater de pro- 
fondes différences entre ces deux cas de microcéphalie. 

IV. Au dire de Gratiolet, « les microcéphales constituent 
une catégorie particulière de nains ne dépassant guère la taille 
des enfants de dix ans... » Ed... avait une taille bien au-dessus 
de la moyenne, et Ch... mesurait 1 m. 65. 

V. Ducatte pense que, « chez les microcéphales, il y a lou- 



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BB LA MALADIE DE BASEDOW. 79 

jours, avec ou sans atrophie des organes génitaux, absence 
complète de manifestations génésiques, à Texception, toute- 
fois, de Conrad SchubelndreyerS qui, une seule fois, eut Tair 
de vouloir violer la femme de son frère, et de la Paria indoue, 
de Shortt, qui eut, paratt-il, un enfant mort-né ». Uétat et le 
fonctionnement des organes génitaux, chez nos deux malades, 
ne confirme pas cette opinion. 

Comme on le voit par ces quelques remarques, Thistoire de 
la microcéphalie est loin d'être faite. C'est avec des observa- 
tions bien prises, des descriptions précises et des planches des- 
sinées avec un soin méticuleux, qu'il sera possible d'arriver à 
une notion précise. Ce qui ressort, cependant, de ces deux 
observations et de la comparaison des planches, c'est que la 
microcéphalie n'est pas toujours due au même genre d'arrêt de 
développement. 



REVUE CRITIQUE 



SUR LA N.ATURE ET SUR QUELQUES-UNS DES SYMPTOMES 
DE LA MALADIE DE RASEDOW; 

Par PiBRftE MARIE. 



La maladie de Basedow a passé par des fortunes bien di- 
verses depuis qu'elle a été élevée au rang d'entité morbide, et 
l'ingéniosité des physiologistes en chambre s'est exercée sur 
elle avec une prédilection toute particulière; pneumogastrique 
ou grand sympathique, afTection du cœur ou anémie, tout ce 
qui de près ou de loin a quelque rapport avec le goitre et 
rexophthalmie, tout cela, disons-nous, est devenu la base 
d'une théorie sur la pathogénie de cette affection. Fallait-il 
dilater un vaisseau ? vite on paralysait le grand sympathique; 

i Vogt. — Mém, sur les microcéphales, p. 26. 



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80 REVUE CRITIQUE. 

— faire coutracter des fibres musculaires lisses? on excitait ce 
même grand sympathique ; — accélérer les battements du 
cœur? ici) grand embarras» quel choix faire entre l'excitation 
de ce nerf et la paralysie du pneumogastrique ? Il en est, 
croyons-nous, en pathogénie comme en thérapeutique : beau- 
coup de remèdes, peu de guérisons ; beaucoup de théories, peu 
de vérité. 

Nous n'avons pas, pour notre part, Tintention d'ajouter une 
nouvelle hypothèse à toutes celles qui onl été émises à plaisir 
sur ce sujet; mais^ comme il nous arrivera forcément, dans 
l'interprétation des symptômes de la maladie de Basedow, 
d'employer, faute de mieux, le mot de névrose, nous tenons à 
donner dès maintenant une brève explication à ce sujet. 
Certes, nous nous garderions bien, et pour cause, de chercher 
à définir ce que c'est qu'une névrose ; aussi, nous ne nous ser- 
virons de ce mot que dans le sens purement conventionnel 
d'affection caractérisée par un trouble des fonctions nerveuses 
d'une nature spéciale, et ne s'accompagnant pas des lésions 
que l'on observe plus ou moins communément dans les autres 
affections. 

Dans un récent travail ' inspiré par notre maître, M. le pro- 
fesseur Gharcot, nous nous sommes efforcé de démontrer que 
la maladie de Basedow était due, non pas à l'altération plus 
ou moins apparente de tel ou tel nerf, non pas môme à une 
névrose du pneumogastrique ou du grand sympathique, mais 
à une névrose affectant les caractères d'une névrose générale. 
Nous préférons ce mot de névrose générale à celui de névrose 
centrale, parce que cette dernière épithète préjuge en quelque 
sorte un siège à cette affection, et que, de plus, elle n'exprime 
pas assez, à notre avis, la dissémination à tout l'organisme des 
symptômes observés. 

Plus récemment encore a paru un travail fort intéressant 
de notre ami G. Ballet, sur quelques troubles dépendant 
du système nerveux central dans le cours de la maladie de Ba« 
sedow, et dont le titre seul indique assez l'esprit dans lequel 
il a été conçu '. C'est ainsi que l'auteur y rapporte plusieurs 

* p. iMarîe. — Contribution à Vétude et au diagnostic des formes frustes 
de la maladie de Basedow. Thèse de Paris, 1883. 

* Gilbert Ballet. — De quelques troubles dépendant du système nerveux 
central observes chez les malades atteints de goitre exophthalmique, {Re- 
vue de médecine^ avril 1883.) 



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DB LA MALADIB DB BASEDOW. 81 

observations, dans lesquelles les malades présentèrent de véri- 
tables attaques épileptiques ou des attaques épileptiformes ; 
dans d^autres cas, il montre que des phénomènes paralytiques 
pins ou moins prononcés peuvent survenir, et que ces phéno- 
mènes peuvent consister soit en hémiplégies, soit en paraplé- 
gies^ soit en ime gêne plus ou moins accentuée de certains 
mouvements volontaires ; on a même observé une paralysie à 
forme hémiplégique accompagnée de troubles de la sensibilité 
(hémianesthésie) et même d'un léger degré d'aphasie passa- 
gère. En outre de ces accidents placés sous la dépendance im- 
médiate du système nerveux central, M. Ballet en signale 
d'autres qui, bien certainement, sont dus à un mécanisme 
analogue. Nous voulons parler des troubles de la sécrétion 
urinaire : polyurie, glycosurie, albuminurie, qui, très proba- 
blement, et nous partageons en cela Topinion de M. Ballet, 
sont beaucoup plus fréquents qu'on ne serait tenté de le croire, 
d'après les observations recueillies jusqu'à ce jour. 

Nous-mêmes nous avons, dans le travail cité plus haut, rap- 
porté un certain nombre d'observations soit personnelles, soit 
puisées dans des publications diverses où se trouvent signalés 
des symptômes dépendant très vraisemblablement d'un trouble 
des fonctions du système nerveux central. Diarrhées paroxys- 
tiques présentant ce caractère spécial de survenir d'une façon 
brusque, généralement sans coliques, de durer quelques 
heures et de se terminer non moins brusquement qu'elles 
avaient commencé ; — boulrmie, ou tout au moins violents et 
fréquents accès de fringale ; — vomissements quelquefois in- 
coercibles; — accès d'angoisse précordiale revêtant absolu- 
ment l'aspect du syndrome angine de poitrine \ — augmenta- 
tion du nombre des respirations qui se trouvent portées en 
moyenne au chiffre de vingt-quatre par minute ; — toux fré- 
quente, quinteuse, sans expectoration notable; — sufiurs 
abondantes généralisées ou localisées, s'accompagnant souvent 
d'une sensation de chaleur purement subjective; — manifes- 
tations cutanées telles que vitiligo, taches pigmentaires, chute 
des sourcils et des cils, urticaire, etc. 

Tous ces symptômes si divers pourraient à la rigueur, pris 
isolément, s'expliquer, il est vrai, par l'hypothèse d'une alté- 
ration des nerfs pneumogastrique ou grand sympathique, mais 
quand on les voit exister chez le même malade simultané- 
ment, quand on les voit coïncider avec des troubles psychiques 

ARCHIVES, t. VI. 6 



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82 REVUE CRITIQUE. 

OU avec les phénomènes décrits par M. G. Ballet (accidents 
convulsifs, hémiplégie, hémianesthésie, glycosurie, etc.), com- 
ment pourrait-on s'arrêter à cette idée qu'une altération plus 
ou moins grossière du nerf vague ou du grand sympathique 
soit seule en cause ? 

D'ailleurs, il est un autre phénomène propre à la maladie de 
Basedow, dont nous avons, dans notre thèse, fait une étude 
détaillée, et qui nous semble apporter un argument précieux à 
la manière de voir que nous venons d'exposer : c'est le trem- 
blement. Dans aucun des quinze cas de maladie de Basedow, 
type ou fruste, qu'il nous a été donné d'observer, nous n'avons 
vu manquer ce symptôme; aussi avons-nous cru, dans nos 
conclusions, pouvoir le considérer comme constant dans la 
maladie de Basedow, et nous sommes-nous efforcé de décrire 
les caractères particuliers qui'permettent sinon de le considé- 
rer comme absolument spécial à cette affection, du moins de 
le distinguer des tremblements observés dans d'autres affec- 
tions (paralysie agitante, tremblement sénile, paralysie géné- 
rale, alcoolisme). Dans ses formes les mieux accentuées, ce 
tremblement est généralisé et occupe les différents muscles du 
corps; mais fréquemment aussi, il n'est constatable qu'aux 
seules extrémités, et notamment aux extrémités supérieures ; 
quelquefois assez prononcé pour ]i*endre celles-ci tout à lait 
inhabiles à certains travaux (écriture, couture, etc.)^ il est sou- 
vent moins marqué, et, pour le reconnaître, il est nécessaire 
de faire étendre le bras du malade et d'observer directement sa 
main et ses doigts. Le rhythme de ce tremblement est assez 
rapide, surtout si on le compare à celui du tremblement sénile 
ou de la paralysie agitante, et avec le tambour à réaction dont 
nous avons fait usage, nous avons constaté que le chiffre 
moyen des oscillations par seconde est de huit et demi, tandis 
que, dans les deux maladies ci- dessus désignées, il n'est que de 
cinq ou six oscillations dans le même laps de temps. 

Du reste, l'existence du tremblement dans la maladie de 
Basedow n'avait pas échappé à un certain nombre de méde- 
cins, et nous avons pu relever sa mention dans dix-huit obser- 
vations provenant de différents auteurs; mais son existence 
n'avait pas frappé spécialement l'attention de la plupart de ces 
auteurs, qui se sont contentés purement et simplement de 
le noter ou qui ont rapporté son apparition à la présence 
d'altérations des centres nerveux indépendantes de la maladie 



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DE LA MALADIB DE BASBDOW. 83 

de Basedow. Parmi les médecins qui avaient déjà remarqué le 
tremblement de la maladie de Basedow, il en est un, M. Gué- 
neau de Mussy, que nous avons omis de citer dans notre thèse. 
Son mémoire ' sur ce sujet nous étant inconnu à cette époque, 
M. Fernet a bien voulu nous le signaler et nous sommes heu- 
reux de réparer ici notre omission, les faits qui y sont rappor- 
tés sont trop intéressants et concordent trop bien avec ceux 
des autres auteurs et les nôtres pour que nous manquions 
l'occasion d'en donner un rapide résumé. 

Observation L — Jeune mariée de dix-neuf ans; surmenage in- 
tellectuel; exophthalmie ; goitre. Pouls : 120. u Les mouvements 
étaient saccadés, irréguliers, tout à fait choréiques ; ce trouble des 
fonctions motrices persistait pendant le sommeil qui était intei^ 
rompu et agité. Les yeux, saillants outre mesure, étaient par mo- 
ments agités d*une sorte de nystagmus ; pendant plusieurs semaines 
les anomalies de la fonction locomotrice furent poussées si loin 
que la malade ne put pas marcher ; elle faisait quelques pas irré- 
guliers, et tantôt se précipitait en avant, tantôt se rejetait en 
arrière ; elle sentait d'ailleurs très bien qu'outre son arythmie et 
son incohérence, la contractilité musculaire était affaiblie; en 
explorant le pouls, de fréquents soubresauts des tendons se fai- 
saient sentir au niveau du carpe, i» — Grises de vomissements in- 
quiétants par leur persistance ; d'autres fois, après plusieurs se- 
maines de constipation, des crises de diarrhée soudaines, violentes, 
mais de peu de durée. Au bout de huit ou dix mois, les mouve- 
ments choréiformes cessèrent pour ne plus reparaître, bien qu'il y 
eût toijgours quelque chose de brusque et de saccadé dans ses mou* 
vements, et un peu de tremblement dans les membres. La voix 
était habituellement rauque ; il y avait une toux fréquente, quin- 
teuse, persistant avec opiniâtreté. Quelques mois plus tard, la ma- 
lade succomba, probablement à la suite d'une tuberculose pulmo- 
naire aiguë. . 

Observation n. — Homme atteint d'une affection cardiaque, 
présentant une tuméfaction du corps thyroïde et une saillie con- 
sidérable de l'œil limitées au côté droit, et ayant des mouvements 
choréiformes dans le bras du môme côté. 

Observation III. — Demoiselle de trente ans; saillie anormale 
au côté droit du cou ; lobe droit du corps thyroïde très Volumineux. 
— Les deux yeux sont saillants, mais l'œil droit Test beaucoup 
plus que le gauche. Quand, étant assise, elle appuie la pointe du 

« Mémoire lu à la Société de Thérapeutique (9 novembre 1881) par 
M. Guéneau de Mussy. 



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84 RBYUB CRITIQUE. 

pied sur le sol, elle est parfois prise de tremblement; elle a remar- 
qué ce phénomène qui n*est pas constant, et elle ignore s'il est 
plus prononcé d'un côté que de l'autre. Pouls : 432. 

Observation IV. — Homme de quarante ans, arthritique, lym- 
phatique, hypochondriaque ; amaigrissement considérable ; exoph- 
thalmie; plus tard, goUre. Pouls : 420 à 128. — Coloration bistre 
foncée de la face avec plaques pigmentaires en virgules dans les 
fosses temporales et sur la paupière inférieure. Quand il était de- 
bout, il écartait les jambes d'une manière insolite, comme s'il avait 
besoin d'élargir sa base de sustentation, et quand, étant assis, il 
soulevait le pied en l'appuyant sur sa pointe, tout le membre se 
mettait à trembler jusqu'à ce qu'il laissât le talon retomber sur le 
sol. Ses bras tremblaient fortement quand il les étendait en écar- 
tant les doigts. Sur les deux côtés du cou et au niveau du mé- 
diastin, il y avait tuméfaction des ganglions lymphatiques. 

M. Guéneau deMussy fait à ce propos remarquer les troubles 
de rinnervation cérébro-spinale présentés par ces quatre ma- 
lades, simulant la chorée chez deux d'entre eux, et revêtant 
chez les deux autres Faspect de tremblement ; il pense que ce 
tremblement pourrait bien exister plus souvent qu'on ne le 
signale généralement. Il se demande si le développement des 
symptômes de la maladie de Basedow n'est pas, jusqu'à un 
certain point, sous l'influence de l'incitation produite sur le 
pneumogastrique parles ganglions tuméfiés situés au voisinage 
de ce nerf. Peut-être la maladie de Basedow serait-elle d'ori- 
gine périphérique comme certaines myélites ? Peut-être la pro- 
duction exagérée du pigment cutané serait-elle due (ainsi que 
le pense M. Grunhow, Congrès international de Londres) aussi 
à cette incitation morbide du pneumogastrique qui, on le sait, 
prend une si grande part dans la formation du plexus solaire. 

Et maintenant que nous avons énuméré tous ces symptômes 
si divers, ne semble-t-il pas plus rationnel de les rapporter à 
un état morbide spécial qu'à une altération localisée au tronc 
de tel ou tel nerf? D'ailleurs, si, abandonnant pour quelques 
instants le terrain purement clinique sur lequel nous nous 
sommes placé jusqu'à présent, nous voulions, nous aussi, em- 
prunter à la physiologie quelques arguments à l'appui de notre 
manière de voir, ne pouvons-nous pas invoquer en sa faveur 
les expériences de Filehne»? On sait, en effet, que cet auteur 

* W. Filehne. — Zur Pathogenese der Basedow'schen krankheit {Sit^ 
kungsberichten der physxk. med. Societdt zu Erlangen, 14 juillet 1879). 



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DB LA MALABIB DB BASBDOW. 85 

parvint, dans un cas chez le lapin, par la cautérisation du 
quart supérieur des corps restiformes à produire simultané- 
ment la tachycardie, le goitre et Texophthalmie (celle-ci était, 
parait-il, peu prononcée); plusieurs fois, la section pratiquée 
au même niveau amena l'apparition isolée d'un ou de deux de 
ces symptômes. C'est donc là une expérience qui prouve assez 
nettement que le fameux trépied qui sert de base au goitre 
exophthalmique peut être directement produit par une lésion 
centrale. Est-ce à dire pour cela que l'on puisse produire expé- 
rimentalement la maladie de Basedow ? Nous ne le croyons 
pas, du moins dans l'état actuel de la méthode expérimentale. 
En effet, nous admettons que l'on puisse, comme l'a fait Fi- 
lehne, donner naissance, soit isolément, soit simultanément, à 
la tachycardie, au goitre, à l'exophthalmie; on aura produit 
ainsi un goitre exophthalmique, mais non la maladie de Base- 
dow, de même que la piqûre du quatrième ventricule donne 
naissance à la glycosurie, mais non au diabète, de même 
qu'une lésion de la partie postérieure de la capsule interne 
produit l'hémianesthésie, mais non l'hystérie. Nous l'avons 
déjà dit, la maladie de Basedow ne dépend pas uniquement de 
la triade goitre, exophthalmie, etc., elle est constituée aussi et 
surtout par cet état nerveux particulier que nous avons décrit! 
plus haut et dont le tremblement est un des symptômes les 
plus nets et les plus constants. 

Aussi pourrait-on, jusqu'à un certain point, admettre V exis- 
tence distincte (Tun goitre exophthalmique et de la maladie de 
Basedow. Dans la première classe, on rangerait ces goitres, 
dans le cours desquels on pourrait voir (ainsi que notre excel- 
lent collègue Bénard en a publié des exemples récemment), 
par suite de la compression, survenir de l'exophthalmie, et 
qui nous semblent faire partie de cette variété que notre 
maître, M. Le Dentu, appelle le goitre exophthalmique chirur- 
gical; la seconde classe, la maladie de Basedow proprement 
dite, serait constituée par les cas où se trouvent coïncidant ou 
non avec la célèbre triade le tremblement et les phénomènes 
nerveux multiples dont nous avons parlé plus haut. 



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86 RBVUB CRITIQUE. 

DU MÉRYGISME; 
Par BOURNEVILLE et SÉ6LAS. 

I. — DÉ LA RUMINATION CHEZ LBS ANIMAUX. 

« Certains animaux ont la faculté de ramener dans la bouche 
pour les soumettre à une nouvelle mastication, à une nouvelle 
insalivation, à une nouvelle déglutition les aliments déjà ingé- 
rés. Ce mode préparatoire de digestion se nomme rumina^ 
tion. 

<i Propre à un ordre de mammifères qu'on désigne, par cela 
même, sous le nom de fuminantSj le pouvoir de ruminer a été 
attribué par quelques naturalistes à d'autres animaux tels que 
la taupe-grillon et la sauterelle parmi les insectes ; les écre* 
visses, les crabes, les limaçons parmi les crustacés et les mol- 
lusques; le saumon, la dorade parmi les poissons; le pélican 
et le héron parmi les oiseaux; tels enfin que la marmotte, le 
cochon d*Inde, le lapin et le lièvre dans la classe des mammi- 
fères. » (Longet*.) 

Des études plus précises ont démontré l'erreur de ces asser- 
tions, et aujourd'hui les physiologistes sont d'accord pour ne 
reconnaître Texistence de la rumination que chez les mammi- 
fères de Tordre des ruminants. 

Nous ne donnerons pas ici une description détaillée du tube 
digestif de ces animaux. Nous rappellerons seulement que leur 
estomac se compose de quatre parties : 1^ le rumen ou panse; 
2° le bonnet ou réseau; S"" le feuillet; V la caillette. 

LsL panse est la plus grande de ces cavités ; c'est là que s'en- 
tassent les aliments incomplètement mâchés. Chez quelques 
animaux, le chameau en particulier, la panse présente des 
groupes de diverticules qui paraissent destinés à servir de ré- 
servoir aux boissons, car lei'.r ouverture plus étroite que le 
fond n'en permet guère l'accès aux aliments solides. — Le 
bonnet, qui vient après la panse, est beaucoup plus petit ; c'est 
le véritable réservoir des liquides. — Le feuillet, ainsi que son 

i Traité de physiologie, ff> éd., t. !•% p. 128. 



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DU HBRYCISMB. 87 

nom l'indique, présente des lames plus ou moins développées, 
suivant les animaux ; entre ces lames se rassemble la bouillie 
alimentaire. — La cailletle, sécrétant le suc gastrique, consti* 
tue Testomac véritable. 

Ajoutons que la panse et le bonnet communiquent directe- 
ment avec Tœsophage, qui se continue ensuite sous la forme 
d'une gouttière ou rfemi-cami/ jusqu'au feuillet, lequel commu- 
nique à son tour avec la caillette. 

Tjes animaux chez lesquels on remarque cette conformation 
particulière de l'estomac et qui méritent véritablement le nom 
de ruminants, sont : le bœuf, le mouton, la chèvre, l'antilope, 
la girafe^ l'axis, le chevreuil, le daim, le renne, l'élan, le cerf, 
le chevrotain, le lama, le chameau. 

On trouvera dans les livres spéciaux des détails intéressants 
sur les phénomènes et le mécanisme de la rumination chez les 
mammifères. Nous nous contenterons ici d'une revue rapide, 
sans exposer les expériences ou les théories pour lesquelles 
nous renverrons le lecteur aux traités de physiologie. 

D'après les expériences de Plourens, les aliments grossiers 
tombent en partie dans la panse, en partie dans le réseau, 
tandis que les aliments atténués, demi-fluides ou réduits en 
bouillie, se rendent à la fois, mais en proportion variable, 
dans les quatre compartiments gastriques. Quant aux boissons, 
elles tombent directement dans les deux premiers estomacs et 
se rendent aussi dans les deux derniers par la gouttière œso- 
phagienne et par le bonnet. 

Pour ramener les aliments dans la bouche, deux ordres 
d'organes doivent intervenir. Les uns, organes immédiats, 
sont les* estomacs eux-mêmes; les autres, agents médiats ou 
auxiliaires, sont les muscles abdominaux et le diaphragme. 

Les physiologistes sont très peu d'accord sur le mode d'ac- 
tion des premiers. Duverney, Peyer, Perrault, Daubenton, 
Flourens, Colin ont fait à ce sujet nombre d'expériences et 
émis différentes théories. Ce dernier expérimentateur, trou- 
vant inexactes les expériences de Flourens qui donnaient à 
la gouttière œsophagienne le principal rôle dans l'acte de la 
rumination, explique ainsi le mécanisme de la réjection des 
aliments dans l'œsophage : la panse et le réseau se contractent 
simultanément; — la première pousse vers l'orifice inférieur 
de l'œsophage des aliments très délayés, et le second, des 
liquides; — l'œsophage semble alors se relâcher et se dilater 



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88 REVUE CRITIQUE. 

poilr permettre aux aliments et aux liquides de s'introduire 
dans la cavité; puis il se referme et éprouve alors une con- 
traction antipéristaltique qui porte les aliments et les liquides 
vers la bouche. Les matières alimentaires y arrivent donc dans 
un grand état de mollesse et mélangées avec une forte propor- 
tion de liquide qui est dégluti par l'animal en une ou plusieurs 
gorgées. 

Cette théorie est en grande partie conforme à la vérité. 
Cependant la cause de la réjection n'est pas telle que l'admet 
Colin ; ainsi que le démontrent les explications théoriques de 
Chauveau, contrôlées par les recherches expérimentales de 
Toussaint. Voici en résumé, et sans entrer dans le détail des 
expériences, quel est d'après ces physiologistes le mécanisme 
delà rumination. 

Au moment de la réjection, la glotte se forme et en même 
temps survient une contraction 1res énergique et très brusque 
du diaphragme, qui détermine dans la cavité Ihoracique une 
diminution de pression, par suite de laquelle le poumon, dont 
l'élasticité est mise en jeu, attire en tout sens les parois de 
l'œsophage. Ainsi dilaté, ce conduit remplit le rôle d'un tube 
rigide dans lequel on ferait l'aspiration. Les matières délayées 
de la panse se précipitent donc dans l'orifice béant de l'œso- 
phage, et alors une cotitraction du pilier droit du diaphragme, 
séparant les matières engagées, provoque une contraction 
antipéristaltique de l'œsophage qui les amène à la bouche. 

Cette théorie diffère donc de la précédente en ce quelle 
refuse un rôle actif à la panse et au bonnet, et qu'elle établit 
que la diminution de pression intra-pulmonaire est indispen- 
sable à la pénétration des aliments dans l'œsophaj^e. Si, en 
effet, on pratique une ouverture à la trachée, ce qui revient à 
empêcher les effets de l'occlusion de la glotte, les côtes inter- 
viennent alors et se soulèvent brusquement en même temps 
que le diaphragme pour produire cette dépression. 

Quant au rôle du diaphragme et des muscles abdominaux, 
il a été bien établi par Flourens qui, paralysant ces muscles 
par la section des deux nerfs diaphragmatiques et de la moelle 
au niveau de la sixième vertèbre dorsale, a rendu chez le 
mouton la rumination très difficile et même impossible. 

Au momeqt où la pelote alimentaire s'engage dans l'œso- 
phage, on remarque un mouvement brusque dans le flanc de 
l'animal; le mouvement se compose d'une inspiration brusque 



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DU BIBRTCISMB. g9 

flniyie d'une expiration rapide. Quand le bol est arrivé dans 
Tœsophage, il est porté dans la bouche par Faction des fibres 
spirales croisées. On peut constater cette ascension par le tou- 
cher et même par la vue. 

Une fois parvenue dans la bouche, la pelote alimentaire est 
soumise à une seconde mastication, qui est suivie d'une se- 
conde déglutition très rapide; puis, dès que le bol est descendu 
dans Testomac, un autre bol succède et remonte bientôt vers 
la bouche. 

Les aliments, après avoir été ramenés dans la bouche^ sont 
donc redescendus dans les réservoirs gastriques ; mais alors, 
devenus plus fluides, ils s'engagent plus facilement dans la 
gouttière œsophagienne, sans déterminer Técartement de ses 
bords, et peuvent être ainsi conduits directement dans le 
feuillet. Béclard admet cependant qu'une partie passe encore 
dans la panse et le réseau pour être ruminée de nouveau. 

Tel est, aussi succinctement que possible, le mécanisme de la 
rumination chez les animaux. Nous allons maintenant aborder 
l'étude de ce phénomène dans l'espèce humaine. 



n. — DE LA RUMINATION CHBZ l'hOMME, 

Dé finition. Nature du mérycisme, — « Nous avons trouvé 
dans les meilleures étymologies, disent Percy et Laurent S que 
le mot mérycisme^ composé de trois autres, signifiait rappeler 
de loin et écraser quelque chose : eprofundo haurire et in minu- 
tas particulas incidere; ou, mieux encore, comme le disent 
quelques hellénistes, revolvere, excàere, replieare ctbum; action 
que les Allemands, souvent plus expressifs dans leur langue 
que nous le sommes dans la nôtre, ont nommée widerfauen, 
mâcher de nouveau^ et que nous avons appelée ruminer ou ru- 
mination, sans songer à ce que ces locutions pouvaient avoir 
de dégradant pour notre espèce. » 

Plusieurs auteurs ont donné des définitions du mérycisme; 
la plupart nous semblent exactes. Cependant, nous nous per- 
mettrons de relever dans quelques-unes certains points qui 
nous paraissent ne pas correspondre à la réalité des faits. 

Racle appelle mérycisme « la faculté qu'ont certaines per- 

^ Dictionnaire en soixante volumes, article Mérycisme. 



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90 RBVUB CRITIQUA. 

sonnes de vomir à volonté et de choisir parmi les matières 
ingérées celles dont elles veulent débarrasser Testomac ». En 
outre, cet auteur assimile complètement le mérycisme au vo- 
missement, dont il ne serait qu'une modalité. Pour nous, 
comme pour plusieurs auteurs, entre autres Percy, Laurent, 
Cambay, le mérycisme doit être bien distingué du vomisse- 
ment. Nous ne discuterons pas ce point en ce moment ; nous y 
reviendrons à propos du diagnostic. L'examen des observa- 
tions contenues dans ce travail prouvera lui-même surabon- 
damment que la définition précédente, correspondant d'ailleurs 
à une affection rare, ne peut en rien s'appliquer aux phéno- 
mènes du mérycisme. 

Il est encore un point sur lequel une autre définition du 
méricysme a attiré notre attention. C'est le suivant : on trouve 
dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales une 
définition dans laquelle les auteurs, tout en indiquant fort 
bien en quoi consiste le mérycisme, le qualifient de maladie. 

Or, le mérycisme est-il un phénomène morbide ? Voici la ré- 
ponse qu'a faite, antérieurement à cette question, le D' Cam- 
bay, qui était lui-même mérycole : 

« Je ne crois pas que le mérycisme soit un phénomène morbide ; 
et si on lit avec attention les diverses observations de mérycisme, 
on ne trouve pas qu*i) fût accompagné d'aucun symptôme qui 
annonçât un état morbide. Tous ceux qui en étaient affectés se 
portaient bien et, chose remarquable, chez plusieurs d*entre eux, 
quand ils étaient affectés d'une maladie quelconque, ce phénomène 
cessait de se produire. Or, puisque chez eux il n'avait lieu que 
lorsque toutes les fonctions se faisaient régulièrement, en un mot, 
dans un état de parfaite santé, n'est-on pas porté à en conclure 
que ce n'est pas une maladie ? Pour mon compte, je puis dire que 
je ne le regarde nullement comme tel; j'ai toujours joui d'une 
excellente santé, et si quelque chose m'eût indiqué qu'il fût nui- 
sible, je l'aurais empêché d'avoir lieu, puisqu'il dépend de ma vo- 
lonté; loin de cela, je le regarde comme très utile, puisque, par ce 
moyen, je puis débarrasser mon estomac des substances qui lefati» 
gueraient, et par l'élaboration nouvelle que je fais subir aux ali- 
ments, je facilite singulièrement son action. » 

Cette opinion avait déjà été émise par Pipelet, lorsqu'il écri- 
vait (foc. a7., p. 14): 

f Eduliam omne ad nutriendum tanto utiiius aptiusque com- 
muni omnium sententift perhibetur, quanto fuerit dentium officio 



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DU MBRYCISMB. 91 

peuitiùs subactum et comminuiuin. Inde manifesto liquet rumi- 
nalum cibum reficiendo corpori, utiliorem esse prœcipitanier de* 
Torato aut obi ter duntaxat prœmunso, ni si laieos œgritudo impe- 
diat vel prœvertat in cibo alendi efOcaciam. » 

Quant à nous, nous partageons absolument lavis de ces 
auteurs ; et Texistence du mérycisme chez des individus bien 
portants, sa suspension par les maladies intercurrentes fré- 
quemment observée, Tabsence de symptômes morbides conco- 
mitants, rinfluence parfois remarquée de la volonté sur sa 
production, la sensation de plaisir qui l'accompagne le plus 
généralement, la douleur qui suit Tarrêt volontaire du méry- 
cisme (Obs. XX}, et, si cet arrêt se prolonge, son influence dé- 
sastreuse sur Tétat général (Obs. YIII et IX) nous semblent 
prouver surabondamment que le mérycisme n'est pas une ma- 
ladie. Nous admettrions plutôt le terme affection, dont se 
servant, pour le désigner,. Percy et Laurent, Littré et Robin. Ce 
qualificatif générique pouvant, d'après les derniers, s'appliquer 
à toute condition contre nature de l'organisme : monstruosi- 
tés, infirmités, vices de conformation. 

Maintenant que nous avons insisté sur ce point qu'il nous 
paraissait important d'élucider, nous terminerons en donnant 
une définition du mérycisme. Celles de Percy, de Littré et 
Robin^ de Gambay nous paraissent bien dépeindre ce phéno- 
mène; mais la plus nette est peut-être celle de Longet. C'est 
elle que nous adopterons en la modifiant toutefois légère- 
ment : 

Le mérycisme consiste en ce que, au bout cTun temps plus ou 
moins long après le repas^ les aliments remontent à la bouche 
sans effort et presque toujours sans nausées pour être soumis à 
une nouvelle mastication^ à une nouvelle insalivation et à une 
digestion ultérieure. 

Ce phénomène, comme on le voit, se rapproche beaucoup de 
celui qii'on désigne chez les animaux sous le nom de rumina- 
tion. Aussi, le plus souvent, mérycisme et rumination sont-ils 
considérés comme synonymes, bien que méi^ycisme désigne 
particulièrement la rumination dans l'espèce humaine. 

Historique. — Avant le milieu du xvii* siècle, on ne s'était, 
croyons-nous, jamais occupé du mérycisme, et encore les ou- 
vrages de cette époque sont-ils pleins de confusion et les 
observations toutes superficielles. Les auteurs, disposés tou- 



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92 REVUE CRITIQUE. 

jours à rechercher le merveilleux et assimilant complètement 
le phénomène du mérycisme à la rumination des animaux, 
ont cherché à pousser plus loin le rapprochement et ont pré- 
tendu que les mérycoles naissaient de parents cornigère? ou 
Tétaient eux-mêmes (Bartholin, Ettmuller, Bonnet, Prhodius, 
Peyer). Cependant, sur cent cas de comigères réunis par 
Sachs^ on ne trouve qu*un seul ruminant. D'autres auteurs 
ont supposé Texistence de plusieurs estomacs chez les méry- 
coles (Salmuth, Bartholin); mais quand on a observé ces cas, 
c'était plutôt des loculames placées dans le ventricule, et en- 
core les sujets n'étaient-ils pas mérycoles. C'est, du moins, 
l'avis de Morgagni qui, avec Valsalva, avoue n'avoir jamais 
rencontré de mérycoles (Lib. 3, ép. XXJX, p. 89). 

Peyer {Merycologia si've de rumtnantibus et ruminaiione corn- 
mentariusy 1685) cite de nombreux exemples de mérycisme, 
entre autres celui d'un moine, cornigère, et celui d'un gentil- 
homme padouan, issu d'un père cornigère. 

Ce fut Fabrice d'Acquapendente [De vartetate ventris et tnies- 
tint) qui, le premier, commença à parler plus sagement du 
mérycisme, en le séparant de l'existence des cornes dans les 
deux cas cités par Peyer. Voici d'ailleurs les faits importants 
à relever dans ces deux observations : 

Observation I. — Chez le gentilhomme padouan, la rumination 
était involontaire et provoquait un certain plaisir. Il ne mastiquait 
pas les aliments avant de les avaler pour la deuxième fois. Après 
la mort, on constata que Yestomac était unique et très dilaté. 

Observation IL — Quant au moine, il mourut à trente-huit ans, 
dans un état de maigreur excessif attribué par Jean Burgower au 
vice de digestion dont il était affecté. Son estomac était unique; 
VcB&ophage était très épaissi; aussi Plazoni n'hésite pas à voir là la 
cause première du mérycisme. 

Parmi les auteurs qui, vers la même époque, ont écrit sur 
le mérycisme, nous mentionnerons en passant Daniel Ludwig, 
Burgower, Perineti, Leunert, Abraham Will, Wepfer; mais 
leurs observations sont toujours bien incomplètes. Ce n'est 
guère qu'en 1786 qu'on rencontre un travail sérieux sur le mé- 
rycisme; il est dû à Pipelet. Dans sa thèse [De vomùuum di-- 
vet^sis speciebus a miratuis distmguendis)^ il fait bon marché des 
prétendues causes de mérycisme admises jusque-là et surtout 
de la présence des cornes chez les mérycoles. Il distingue aussi 



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DU MBRTGISMB. 93 

le vomissement produit par une lésion accidentelle de celui 
qui constitue le mérycisme, et rapporte les deux cas observés 
par Fabrice d'Acquapendente ainsi que plusieurs autres em- 
pruntés à Wirsthier, Welsh, Salmuth, etc., et que nous au* 
rons d'ailleurs l'occasion de mentionner à divers endroits de ce 
mémoire. 

Quelques annés plus tard, nous trouvons signalé par M. Rou- 
cher un cas de mérycisme chez un conscrit de Farmée d'Italie. 
M. Delmas cite un cas semblable observé chez un étudiant en 
médecine. 

En 1808, M. Roubieu {Ann. de la Soc, méd, de Montpellier) 
parle d'un fait du même genre qu'il a observé. Percy, dans 
l'article Mérycisme (du Dictionnaire en soixante volumes)^ rap- 
porte une observation personnelle, dont le trait le plus saillant 
est la suspension par une attaque [de goutte des phénomènes 
de mérycisme. 

En 1812, M. Tarbës publie dans la Bibliothèque médicale une 
observation de mérycisme survenue chez un enfant de cinq 
ans à la suite d'une variole, et guéri à vingt ans par le coït. 

Cette observation paraît avoir attiré l'attention sur ce point 
particulier de la pathologie; car, peu de temps après, et dans 
le même recueil, on trouve successivement des cas de rumina- 
tion dus à James Copland, George Nesd Hill, Bryand. 

Sans y insister pour le moment, et simplement pour com- 
pléter cet exposé rapide des travaux faits sur le mérycisme, 
nous citerons un travail sur la rumination dans l'espèce hu- 
maine dû à Weiling et publié en 1823 {Ueberdas Wiederkauen 
bei Menschen); la thèse de M. Cambay, en 1830 IDu mért^cisme 
et de la digestibilité des aliments)^ où l'auteur, mérycole lui- 
même, étudie les phénomènes observés sur sa propre per- 
sonne; puis des observations dues àDucasse (1836, in Froriep 
Nolizen, t. XLVH, p. 95), à Elliotson [Ibid, t. XLV, p. 337). 
Des faits analogues ont encore été rapportés par MM. Vincent 
{Comptes rendus de F Académie des sciences, 1853), Rossier 
{Journal des conn. méd., 1862), Châtelet {Gaz. des hôp,, 1863), 
Bourneville {Mémoire sur la condition de la bouche chez les 
idiots, 1863), Fronmûller {Gaz. méd. de Strasbourg, 1866), 
Armingaud (thèse, 1867). Nous examinerons plus tard en 
détail toutes ces observations. 

Plus récemment encore, Ireland, dans son Traité de l'idiotie ^ 
signale en passant l'existence du mérycisme chez les idiots, 



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94 REVUB d'anatomib bt de physiologib. 

mais ne fait que mentionner simplement, à i*appui de son 
dire, Tobservation de Becco, publiée par Tun de nous. 

En 1874, le D' W. Graham {The Chicago med. Examiner, 
1874, 1" mars, p. 118) rapporte l'observation d'un cas de ru- 
mination cfaez l'homme. En 1880, à la séance du 25 octobre, le 
D' Lorenzo Monti a adressé à la Société médico-psychologique 
une note, citée à la correspondance, sur un cas de mérycisme 
observé chez une imbécile épileptique. Enfin, notre ami M. R. 
Blanchard a publié dans le Dictionnaire de médecine et de chi- 
tnirgie pratiques, un très-intéressant article auquel nous aurons 
l'occasion de faire des emprunts. (A suivre). 



REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE 



L Connexions cérébrales et cérébelleuses dés ni" à 
xn" paires nerveuses du cerveau, — Racines spinales des 
nerfs sensoriels du cerveau; par C.-F.-W.Rollbr*. {Allg. 
Zeitssckr. f. Psych, u.psych, g'encArf.itferfïV., XXXVIII, 2et 3.) 

Il n'est pas d'analyse qui puisse suppléer à la lecture atten- 
tive d'un mémoire d'anatomie puisque les détails constituent 
la description même. Nous dirons simplement que ce mémoire 
est divisé en trois parties. La première, sous le titre à' Aperçu 
des connexions entre les nerfs cérébraux bulbaires^ le cerveau et 
le cerveletj établit qu'il existe des voies d'union directes ou 
indirectes entre les organes en question et les deux centres. 
Par exemple, la plus grande partie des fibres rectilignes du. 
raphé des pyramides uniraient par l'intermédiaire de la subs- 
tance grise (richesse du raphé en cellules) les nerfs bulbaires 
au pédoncule cérébral ; le ruban de Reil contiendrait les fibres 
cérébrales de l'acoustique, du trijumeau, du glosso-pharyngien ; 

i Voyez les Archives de Neurologie^ t. Il, p. 293. 



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RBTUB D ANATOMIB BT DB PHYSIOLOGIE. 95 

le faisceau longitudinal postérieur serait en rapport évident 
avec les noyaux de l'hypoglosse, du facial, de Toculo-moteur 
externe, du pathétique, du trijumeau, en rapport probable 
avec ceux de roculo-moteur commun et deracoustique. Le mé- 
canisme de ces continuités exige le tracé de lacis ; même ré- 
flexion pour les connexions de Thypoglosse, du glosso-pharyn* 
gien, de l'acoustique et du trijumeau avec le cervelet. Un 
résumé des travaux parus sur ces divers points termine cette 
partie. 

La seconde section est réservée aux racines spinales des nerfs 
sensoriek du cefweau. Le trijumeau prendrait son origine dans 
la moelle, par sa racine ascendante, au niveau de l'entrecroise, 
ment des pyramides, dans le renflement latéral de la corne 
fosiérieuie {caput cornu posten'orts de Clarke) ; le glosso-pha- 
ryngien émanerait du cordon cunéiforme (faisceau grêle in- 
terne) ; Tacoustique aurait une racine spinale dans le faisceau 
cunéiforme proprement dit ; enfin, le nerf optique aboutirait, 
par le ruban de Reil, au faisceau pk'opre dû cordon antérieur 
qui doit être distingué du faisceau pyramidal de Flechsig. Tel 
est le squelette de ce chapitre, bourré, au reste, de détails 
bibliographiques et techniques. 

Une dernière partie examine, sous le titre de Considérations, 
l'influence physiologique qu'exercent les organes centraux sur 
les nerfs criiniens précités. Pour le cerveau, il n'y a et il ne 
saurait y avoir de doute. Quant au cervelet, M. RoUer admet 
son action coordinatrîce sur les nerfs moteurs, son rôle à 
l'égard des perceptions sensitivo-sensorielles étant absolument 
inconnu. On ignore également si les racines spinales appor- 
tent aux nerfs un courant moteur, sensible, ou double ; ici se 
place la question de la sensibilité centrifuge, récurrente, c'est- 
à-dire irradiant en sens inverse de l'influx du nerf qui tend à 
gagner le cerveau. Opinions contradictoires de Stilling, Turck, 
Brown-Sequard, Clarke, Goll, W. Krause, d'une part, et de 
GoHz, Gerlach, Henle (actions réflexes simples), d'autre part. 
Malgré une expérience exacte et précise de M. Vulpian, relative 
au trijumeau, M. RoUer tend à souscrire à l'existence de voies 
réflexes dans ces racines ; la rapidité et la multitude des mou- 
vements qui succèdent aux impressions sensorielles sans parti- 
cipation de la conscience lui paraissent être concluantes, au 
cas même où les faisceaux en question contiendraient égale- 
ment des fibres centripètes. P. K. 



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96 BBVCB D*ANAT01IIB ET DB PHYSIOLOGIE. 

II. SOH UN FAISCEAU DB SUBSTANCE BLANCHE JUSQU'aLOBS BAREMENT 
OBSERVÉ A LA BASE DU CERVEAU DE l'HOHME; par AntOQ BUMM. 

(Arch. f. Psyçh. u, Nervenk., XIII. 1.) 

Ce faisceau prend naissance à la base de rexlrémité du lobe 
temporal et se dirige parallèlement au bord antérieur de la 
bandelette optique, sur la face ventrale du bord inférieur de la 
cloison transparente, le long de la substance perforée antérieure dont 
il coulourne le bord médian au milieu de la surface des hémisphères 
cérébraux. Tangent en avant à la commissure antérieure, il a*épuise 
sur le septum lucidum sous la forme d'une irradiation en éventail. 
Large d'environ deux millimètres, il est constitué par des fibres 
nerveuses à myéline, extrêmement ténues ; son développement est 
infiniment plus prononcé du côté droit. 11 unirait la cloison trans- 
parente & la pointe du lobe temporal. P, K. 



III. ObIGINB DU TBAGTUS OLFACTOBIUB ET STRUCTURE DES LOBBS OLFACTIFS 

DE l'homme et d'autres mammifâiues ; par G. Golqê. (Arch. Itai. de 
BioL, 1. 1, p. 454). 

Les fibres du tractus olfactorius prennent leur origine, non dans 
les cellules de la couche grise des lobes olfactifs, mais dans le 
réseau de fibrilles qui existe dans toute cette substance. Ce réseau 
lui-même est constitué : 

4 « Par des cellules ganglionnaires dont le prolongement cylindraxe 
se subdivise en totalité en filaments extrêmement minces (premier 
type) ; 

2* Par des cellules ganglionnaires dont le prolongement cylindraxe^ 
au lieu de se subdiviser, reste distinct et traverse le réseau pour aller 
s'unir aux faisceaux de la couronne rayonnante (deuxième type) ; 

3» Par des cylindraxes, appartenant à des fibres nerveuses dont 
un grand nombre semblent provenir de la commissure antérieure, 
et qui se subdivisent à la façon des prolongements cylindraxes du 
premier type ; 

4« Par des filaments provenant des fibres nerveuses qui, con- 
servant leur individualité, vont se mettre en rapport avec les 
prolongements cylindraxes du second type ; 

S*" Enfin, par les fibres du tractus olfactorius. 

En somme^ les cellules ganglionnaires de la couche grise des 
lobes olfactifs sont en rapport avec des fibres du tractus, de la 
couronne rayonnante et de la commissure antérieure ; mais il n'y a 
continuité directe qu'entre les fibres de la couronne rayonnante et 
les cellules ganglionnaires du second type. (îette disposition se re- 
trouve chez tous les mammifères, l'homme compris^ à quelques 
détails près. 



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REVUB D*ANATOMIB ET DU PUYSIOLOOIB. 97 

IV. Variétés des circonvolutions cÉiiéBRJkLES chez l'bommi; par 
Gh. GiAcoMixi. (Arch. ital. de BioL, t. I, p. 231 et p. 332.) 

Les archives ne donnent qu*un résumé de ce long et intéressant 
travail, pour lequel Fauteur a examiné plus de deux cents cerveaux. 
Nous nous contentons de le signaler, attendu que le grand nombre 
de faits qu'il contient en rend l'analyse à peu près impossible, 

V. Sur LA STRUCTURE DE LA uoELLK ÉPimÈRE; par J.-B. Laura. 
(Arch. ital, de Biêl., t. I, p. 146.) 

Les recherches de M. Laura ont été faites spécialement sur la 
moelle épinière du veau. Nous nous bornons à reproduire ses con- 
clusions : 

4« Les cellules de la corne antérieure envoient leurs prolonge- 
ments cylindraxes, dans le plus grand nombre des cas, aux racines 
antérieures ; 

2*' A la formation de la commissure antérieure concourent des 
libres : a) des différents points de la corne antérieure ; 6) des dif- 
férents points de la corne postérieure ; 

3« Les cellules du noyau de Stilling ou colonne de Clarke sont 
munies, elles aussi, d'un prolongement cylindraxe, qui se dirige 
d'abord en dedans, puis, après un long trajet dans cette direction, 
se replie en dehors, et va constituer un large faisceau, qui se porte 
dans le cordon latéral; 

4* Au cordon latéral arrivent des fibres : a) des différents points 
de la corne antérieure ; 6) des différents points de la corne posté- 
rieure ; 

3* Les cellules de la corne postérieure sont munies de prolonge- 
ments cylindraxes, qui se portent dans les directions les plus variées : 
a) dans la commissure antérieure ; b) directement en avant aux 
racines antérieures ; c) dans le cordon latéral ; d) dans le cordon 
postérieur; e) à travers la ligne médiane, et en arrière du canal 
central, dans la corne opposée. 

On trouve fréquemment dans la moelle des cellules adjacentes, 
qui envolent leurs prolongements cylindraxes dans des directions 
opposées, ce qui nous démontre qu'elles servent d'intermédiaire au 
changement de direction des fibres qui y arrivent. J. Pignol. 

VL La reproduction des perceptions de mouvements dans l'espace 
TACTILE. Recherches de psychologie expérimentale ; par Gabrielc 
BuccoLA (Extrait de la Rivista de filosofia scientifica, I, fasc. 6, 
1882.) 

L'auteur arrive aux conclusions suivantes : 

i* La reproduction d'une perception quelconque de mouvement 

Archives, t. VI. 7 



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98 RSVUB D ANATOMIE ET DB PHT810L031B. 

dans l'espace tactile de la main a une darée tougours plus grande 
que la perception réelle ; 

2* A mesure qu'augmente la vitesse du mouvement excitateur, ou 
à mesure que diminue le temps de la perception de mouvement 
dans Tespace tactile, la durée de la reproduction mentale se prolonge 
davantage. Les erreurs de la reproduction sont inversement pro- 
portionnelles à la vitesse du mouvement ; 

3* A égalité de conditions d'espace, la zone cutanée qui, par 
expérience et par habitudes physiologiques, possède un coefficient 
plus élevé de sens tactile, quand elle est excitée par un corps en 
mouvement, quelle qu'en soit la vitesse, donne des temps de repro- 
duction comparativement plus brefs que ceux appartenant à la re- 
production du mouvement sur les surfaces cutanées dont la sensibilité 
est moins nette ; 

4* La reproduction du mouvement dans les régions cutanées que 
nous avons examinées, les conditions mécaniques de la vitesse étant 
supposées identiques, présente des erreurs de temps d'autant plus 
petites que la surface excitée est plus grande. R. B. 

VII. Sur la circulation du sang dans le cerveau de l'homme; par 
A. Mosso. Leipzig, in-8* de 222 pages avec 87 flg. et 9 planches, 
1884. 

VIII. Des mouvements de l'iris chez l'homme a l'état physiologique^ 
par G. Jorissennb. (Extrait des Annales de la Société de médecine 
de Gond, iS%\.) 

IX. Etude CRrriQUE expérimentale sur les centres moteurs corticaux ; 
par A. Marcacci. Travail du laboratoire de physiologie de la 
Sorbonne {Areh. UaL de BioL, 1. 1, p. 64.) 

La première partie de ce travail est seule publiée. La seconde, 
où la question sera examinée surtout au point de vue clinique, le 
sera ultérieurement. 

M. Marcacci a été amené, par une série d'expériences fort bien 
conçues, k nier complètement l'excitabilité de la substance grise. 
Après avoir excité les régions dites motrices du cerveau, il l'anesthésie 
localement, avec un mélange réfrigérant : l'excitabilité du cerveau, 
mesurée par l'écartement des bobines de l'appareil de Dubois- 
Reymond, demeure sensiblement la même avant et après la réfri- 
gération. Nous no pouvons malheureusement rendre compte en détail 
des expériences de l'auteur : nous nous contenterons de reproduire 
ses conclusions, que leur hardiesse et leur originalité rend dignes 
de la plus grande attention : 

i^ LsL couche grise corticale n'est pas excitable par elle-même; 



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KEVUfi DE PATU0L06IE NERVEUSE. 99 

2^ Lecerveaa des nouveau-nés, et même celui des animaux avant 
la naissance, donne les réactions du cerveau des adultes; 

30 Les phénomènes qu'on a attribués jusqu'ici au cerveau, doivent 
l'être probablement au mécanisme médullaire simple, qui se rap- 
proche beaucoup de celui des actes réûexes spinaux; 

4» L'entrecroisement des fibres qui transportent l'excitation volon- 
taire ne se fait pas, au moins selon les résultats de l'expérimen- 
tation sur les animaux, au point de la décussation des pyramides, 
mais probablement beaucoup plus en haut. 

X. La perception endoptique de la couleur du fond del'cbil; 
par C. ËMERY. {Arch. ital. de BioL, 1. 1, p. 225). 

L'auteur pense que la perception des couleurs est fortement 
influencée par la coloration propre du fond de l'œil « par le reflet 
roupe qui éclaire continuellement notre rétine ». Il croit trouver 
dans ce fait l'explication de quelques troubles fonctionnels, l'achroma- 
topsie en particulier. Cette théorie, à laquelle on ne peut refuser 
une certaine vraisemblance, mériterait d'être étudiée plus à fond. 

R. B. 



REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE 



L Des paralysies générales spinales a marche rapide et cu- 
rables; par L. Landouzy et J. Déji&rine. (Revuede médeciney 4882, 
n«» 8 et lî.) 

C'est une forme nouvelle de paralysie générale spinale que dé- 
crivent MM. Landouzj et Déjerine, à qui on doit déjà d'importants 
travaux sur la pathologie du système nerveux. S'il faut rapprocher 
cette affection de celle décrite par Duchenne sous le nom de para- 
lysie générale spinale subaigué^ elle en diffère par la rapidité de son 
évolution et sa parfaite curabilité. A une observation personnelle, 
les auteurs ont joint une observation inédite du professeur Char- 
cot, deux de Frey, une d'Eisenlohr, deux de Goldtammer et une 
de Lincoln. Leur malade ayant été, après guérison complète, em- 
porté par la phthisie pulmonaire, ils ont, pour la première fois, 
examiné la moelle et les muscles. 



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100 HBVUB DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 

Après ou sans une courte fièvre, sans aucune douleur, un adulte 
(ou un enfant) s*aperçoit que ses forces vont s*affaiblissant. Au 
bout d*un mois environ, Timpuissance motrice est telle que, con- 
damné au lit, il ne peut seulement pas s'y tenir assis, ni manger 
seul. Réduit en même temps à Tétat squelettique, ses membres 
n*ont aucune altitude vicieuse, tant Tatrophie se répartit égale- 
ment. La comparaison avec un malade atteint d'atrophie muscu- 
laire progressive montre quelle disproportion existe entre l'atrophie 
et la paralysie bien plus marquée que celle-là n'aurait fait croire. 
Il s'agit bien d'une amyotrophie paralytique. La face, le diaphragme, 
les intercostaux, les sphincters sont respectés ; nulle altération de 
la sensibilité. 

Avec rabolition complète des réflexes tendineux existe une exa- 
gération considérable do la contraction idio-rousculaire, des palpi- 
tations fibrillaires, une diminution de la sensibilité électrique, le 
phénomène de la contraction secondaire (Brenner), et enfîn la 
réaction dégénérative. L'excitabilité des troncs nerveux a baissé. 

Après être demeurée deux ou trois mois stationnai re, Taffection 
s'amende progressivement. Au bout de six à huit mois, le malade, 
malgré l'absence de réflexe patellaire, est rendu à la vie com- 
mune ; ses muscles ont recouvré volume et puissance. Rien chez 
l'un d*eux, suivi durant quatre ans, rien n*a démenti la guérison. 

A Tautopsie du premier sujet, les muscles offrent, à l'œil nu, 
leur couleur et leur volume normaux ; la moelle est anémiée, ses 
racines normales, les nerfs des membres manifettement .atrophiés. 

L'examen histologique a conflrmé les prévisions de la clinique. 
Les lésions médullaires occupaient les cornes antérieures dans 
toute la hauteur du névraxe. Les grosses cellules motrices globu- 
leuses, atrophiées, plus pigmentées, granuleuses, privées par place 
de prolongements sont bien moins colorées par le carmin, et vrai- 
semblablement en voie de réparation. Telles sans doute les altéra- 
tions des paralysies diphthériques, qui, à l'inverse des téphromyé- 
lites ordinaires et pareilles à celles ici décrites, permettent après 
des troubles aussi profonds le retour de la fonction. A travers ces 
cellules malades, le faisceau pyramidal indemne ne peut trans- 
mettre aux muscles Tincitation volontaire. 

Les fibres musculaires dûment striées offrent une multiplication 
abondante des noyaux du sarcolemne et de la substance contractile 
elle-même; le protoplasma qui les entoure s'est infiltré de pigment. 

Quant au diagnostic, on peut facilement distinguer l'affection de 
la paralysie spinale aiguë de l'adulte, qui se dislingue, <iu début, 
par la brusquerie des accidents, la fièvre intense, la paralysie mus- 
culaire d'emblée au summum, bien loin d'être progressive. Il y a 
ici, à la période d'état, prédominance de l'amyotrophie paralytique 
sur certains groupes musculaires, tandis que là elle porte égale- 
ment et symétriquement sur tous les muscles. 



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RBVUB DB PATHOLOaiB NBRVBUSB. lOt 

Nulle notion étiologique. Il existait, dans la moelle examinée, 
un vieux foyer de paralysie infantile. 

Au traitement général tonique, on joindra Tusage des courants 
faradiques qui retardent la dégéneTation du muscle séparé de son 
nerf. (Brown-Séquard, Déjerine.) D. Bernard. 



IL Des troubles vertigineux dans le tabès {vertige de Méniét*e 
tabétique); par Marie et Walton. {Revue de médecine y 1883, n» 4.) 

Dans les travaux où cette question a été abordée, on n'a pas re* 
cherché quelle part il fallait attribuer aux lésions de l'oreille 
externe et moyenne, & celles du nerf auditif dans la production de 
la surdité, des bourdonnements d'oreille et du vertige. On n'avait 
pas signalé encore la grande fréquence de ce syndrome clinique 
au cours du tabès. MM. Marie et Walton l'ont rencontré dix-sept 
fois sur les vingt-quatre tabétiques examinés par eux. Us ont avec 
soin noté dans chaque observation l'état objectif et fonctionnel de 
Tappareil auditif. Presque constamment, le début du vertige de 
Ménière tabétique a coïncidé avec celui du tabès. Les symptômes 
ne diffèrent en rien de ceux qu'on observe alors qu'il ne relève pas 
de cette affection. Dans le plus grand nombre des cas, l'examen 
par la montre révéla une diminution considérable de l'acuité audi- 
tive, tandis que le diapason appliqué sur le squelette de la télé la 
montrait normale. La présence de bouchons de cérumen, l'exis- 
tence d'une myringite, d'une otite moyenne, l'imperméabilité de 
la trompe expliquèrent cette contradiction. Les auteurs n'ont re- 
trouvé aucune de ces lésions chez trois de leurs tabétiques affectées 
de vertige de Ménière et douées d'une acuité auditive parfaite» 
tandis que les sept malades indemnes de cet accident, et plusieurs 
sujets du même âge pris au hasard, les présentèrent avec une égale 
surdité. Il faut donc renoncer à faire dépendre le vertige de Mé- 
nière tabétique d'une dégénération du nerf auditif. MM. Marie et 
Walton le rapportent à des lésions des origines cérébelleuses ou 
bulbaires et des fibres elles-mêmes de la portion de la huitième 
paire qui provient des canaux semi-circulaires, et préside au sens 
de l'espace. Cette hypothèse est conforme aux données récentes de 
l'analomie et de la physiologie, exposées récemment dans ce jour* 
nal par Erlitzky. D. Bernard. 

IIL Étude SUR LA PATEiooÉifiE des ulcères variqueux; par Quénu. 
{Revue de chirurgie, i882, n°41.) 

Frappé du défaut de rapport existant fi*équemment entre le dé- 
veloppement des varices et la production des ulcères, des modiQ* 
cations profondes subies par tous les tissus, les os eux-mêmes du 



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108 BEVUB DE PATHOLOOIB NBRVBUSB. 

membre malade, Tautear a cherché à établir par des recherches 
histologiques que raltération des nerfs est un facteur important 
dans la genèse de ces pertes de substance. Il vériRe ainsi par Tob- 
servation anatomique une notion que F. Terrier avait clinique- 
ment établie déjà. La ressemblance existant entre le processus 
ulcératif et celui des troubles trophiques d*origine nerveuse ressort 
bien d'ailleurs des divers phénomènes qui précèdent et accom- 
pagnent l'apparition de Tulcère^ à savoir : l'œdème, la pigmen- 
tation de l'épiderme, les taches rouges prurigineuses, l'hypersécré- 
tion sudoripare, l'allongement des poils, l'incurvation et la défor- 
mation des ongles, les troubles de la sensibilité, et finalement la 
bulle, l'escharre rougeâtre, la plaie à bords inégaux et relevés. 
Dans les six cas examinés, la névrite interstitielle n'a jamais fait 
défaut. Le nerf, pris dans lés tissus sains, est augmenté de volume; 
ses veinules dilatées. Le tissu conjonctif du névrilème s'hyperplasie 
autour des veinules d'abord, puis peu à peu autour des faisceaux 
primitifs ; la gaine lamelleuse se fusionne avec lui. Les faisceaux 
primitifs sont pénétrés et leurs tubes nerveux dissociés, atrophiés 
par des travées fibreuses et vasculaires, sans aucune névrite paren- 
chymateuse concomitante. Il n'y a pas là inflammation propagée, 
car on la trouve loin de l'ulcère, sur les nerfs profonds; elle n'offre 
aucun des caractères de la névrite ascendante. Le développement 
de la sclérose est constamment parallèle à celui des varices, des 
veines du nerf ou de celles qui l'avoisinent. Le nerf, qui résiste si 
énergiquement aux irritations mécaniques, est atteint ici dans sa 
circulation même et peut réagir sans lésions très avancées. Le repos 
facilite la circulation veineuse du membre en général, celle de ses 
nerfs en particulier. Aiilsl s'expliquent ses heureux effets. 

D. Bernard. 

IV. Contribution a l'étude des lésions du bulbe consécutives a la 
MÉNINGITE chronique; par G. Hayem et C. Girauoeau. {Revue de 
médecine, 1883, n* 3.) 

Si les lésions des nerfs comprimés par les exsudats de la ménin- 
gite chronique d'emblée, si celles des muscles qui en relèvent sont 
bien connues, on n'a pas encore parlé des modifications subies par 
le bulbe en pareil cas. Deux observations ont permis aux auteurs 
de combler cette lacune. 

11 s'agit dans Tune d'un exemple rare de pachyméningite osseuse 
externe, ayant englobé les nerfs de la sixième et de la septième 
paires; dans l'autre, d'une méningite alcoolique s'étant prolongée 
sur le tronc de la douzième paire. Ces nerfs étaient réduits à de 
minces cordons fibreux; les muscles qu'ils animaient, à l'état 
graisseux. La protubérance et le bulbe avaient subi une atrophie 
très apparente dans la moitié correspondant à la racine des nerfs 



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RBVUB DB PATHOLOGIB NBRVBV8B. 103 

intéressés. Cette atrophie dépendait d*une raréfaction des filets 
d'origine, de la diminution du nombre et du volume des cellules 
de leurs noyaux passés à Tétat fibreux. Ces lésions ressemblent à 
celles que MM. Dickinson et Yulpian ont décrites dans la moelle 
des amputés. D. B. 

V. Abcès de la BioioN vertêbralb postérieure chez les nouveau- 
nés; DIFFICULTÉS DE LEUR DIAGNOSTIC; par GuÉNiOT. {Revuc fiien- 
sueUe des maladies de l'enfance, février 1883.) 

Dans deux cas, au milieu de la région dorsale et au cou, Tautenr 
a observé sur la ligne médiane, sans œdème ni rougeur des tégu- 
ments, une tumeur fluctuante, offrant sous l'influence des cris un 
accroissement de sa tension et une certaine expansion. Il s'agissait 
d'un abcès Aroid. L'expansion ainsi observée dépendrait des anas- 
tomoses nombreuses qui relient entre elles les veines intra et 
extra-racbidiennes, de la plénitude des réseaux veineux sous-cuta- 
nés au moment de TeAbrl. La ponction exploratrice tranchera 
le diagnostic d'avec certaines méningites. L'expectation semble 
bien indiquée par le premier fait, car les téguments rougirent et 
s'œdématièrent bientôt au niveau de la tumeur que le chirurgien, 
d'abord très indécis, ouvrit d'emblée. D. B. 



Y1. Sur l'élonoation des branches du trijumeau dans le traitement 
DU BLÉPHAROSPASME DOULOUREUX ; par F. Panas. (Avch. d*ophihal' 
mologie, 1. 1, p. 385.) 

A une observation personnelle, l'auteur a réuni trois faits de 
Kocher, Grainger Stewart et Masing. 11 s'agit toujours de névralgies 
rebelles ayant résisté à toutes les médications. Le succès de Téton- 
gation dûment pratiquée a été immédiat. 

Kocher attribue l'absence de douleurs après l'élongation, con* 
trairement à ce- qui s'observe après la névrotomie et l'excision ner- 
veuse, à l'absence de névrite sur le bout central. Outre l'inconstance 
de ce fait, les lésions du nerf tiraillé ne sont pas moindres que 
dans les deux autres opérations. 

L'examen d'un fragment de nerf rompu et réséqué a montré au 
professeur Panas les tubes nerveux privés de myéline, réduits k la 
gaine de Schwann et au cylindre d'axe. Ces lésions ne relevaient 
]»as de la névralgie, car l'expérimentation sur des nerfs sains les a 
reproduites. Elles expliquent les succès de l'élongation qui, sous 
peine d'échec, doit être faite à fond et provoquer l'insensibilité de 
U région malade. 

L'auteur a vu sur le cadavre les tiraillements du nerf sus*orbitaire 
porter sur le ganglion de Casser. Chei sa malade chloroformée, ils 



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104 RBVUB DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 

provoquèrent une issue brusque et abondante de mucus- nasal par 
la narine du côté intéressé. Après Topération, il y eut tarissement 
prolongé de la sécrétion. Cette action à dislance dispense de la re- 
chercbe dangereuse des nerfs dans Torbite. 

Le lieu du passage du sus*orbi taire est indiqué par le change- 
ment de forme du bord du coronal qui, d'arrondi à son niveau, 
devient brusquement tranchant. Une iacision de trois centi- 
mètres, parallèle au sourcil et très voisine de lui, conduit sur le 
nerf : une incision égale oblique en bas et en dehors, passant à. 
un centimètre du bord orbitaire, sur le nerf sous-orbitaire. L'apo- 
physe malaire du maxillaire supérieur sert de point de repère. 

Les malades n'ont pas été revus longtemps après l'opération. 
Les résultats définitifs demeurent donc inconnus, aussi bien 
d'ailleurs qu'après les autres procédés. La simplicité du manuel 
opératoire, les succès obtenus là où avait échoué la section, feront 
préférer l'élongation. D. Bernard. 

VII. De la surdité dans l'hémiânesthésie bystérioue; par 
G.-L. WàLToN (de Boston). {Brain, part. XX, 48«3.) 

Après une rapide revue de Tétat de nos connaissances sur Thé- 
mianeslhésie des hystériques, et notamment les travaux de M. le 
professeur Gbaroot et de Richer, Fauteur rappelle que Féré (Arch, 
de Neurologie, 1882) avait déj& constaté chez les hystériques la 
surdité du côté de Thémianesthésie, ainsi que la perte de la sen- 
sibilité au niveau des parois du conduit auditif eiterne, et émis 
cette opinion qu'il existe dans le cerveau des centres sensiUfs 
fournissant à la fois aux organes des sens et à leurs téguments. 
Jolly, Uspenski, avaient, eux aussi, constaté la surdité des hysté- 
riques. Gellé, Urbantschitsch avaient vu cette surdité présenter les 
phénomènes du transfert. 

M. Walton a repris sur les hystériques de la Salpétrière l'étude 
de cette question, et a constaté qu'en effet, tout le conduit audi- 
tif externe, et le tympan lui-même participent à l'hômianesthésie ; 
que le degré de la surdité correspond à celui de Tanesthésie, c'est- 
à-dire qu'& une hémianesthésieplusou moins complète correspond 
une surdité plus ou moins prononcée ; que la surdité des hysté- 
riques est soumise aux lois du transfert, et suit les variations de 
celui-ci. 

De plus, et c'est là surtout la partie originale de ses recherches» 
M. Walton a étudié les caractères de cette surdité dans les cas où 
rhémianesthésie n'est qu'incomplète, et a constaté qu'alors la 
perception' des vibrations du diapason par l'intermédiaire des os 
du crâne est abolie, tandis qu'elle persiste par l'intermédiaire du 
tympan lorsque le diapason est placé à une faible distance de 
l'oreille (pourvu qu'il ne s'agisse pas de sons très élevés) ; c'est U 



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KEVUB DE PATHOLOQIE NERVEUSE. IQS 

un fait très intéressant, car il se retrouve chez les vieillards, dans 
la surdité dite sénile. Et à ce propos, Fauteur fait la remarque 
judicieuse que cette surdité dite par défaut de transmission osseuse 
ne tient nullement à une altération des os du crâne, car, loin d'affai- 
blir la propagation du son, la soudure des différentes sutures de- 
vrait, au contraire, la favoriser; si la perception des vibrations, par 
l'intermédiaire de la boite crânienne ne se fait plu8> ce n*est donc 
pas dans Tétat des os qu'il faut en recherohei* la raison, mais dans 
l'état des centres récepteurs ; c'est encore à un état spécial de ces 
mêmes centres qu'il faut attribuer le phénomène analogue constaté 
dans l'hystérie. P. M. 



VUI. De la syphilis de la mdbllb ; par M. F. Gebifp. 
{Arch. f. Psyck. u. N&rvenLy XII, 3.) 

L'observation qui sert de fondement à ce travail nous parait 
mériter la peine d'une analyse. 11 s'agit d'une femme de quarante- 
trois ans portant sur elle les signes d'une infection antérieure, et 
présentant, à la suite d'une manie puerpérale, d'abord de la mé- 
lancolie, puis de l'agitation avec désordre dans les idées. A ce mo- 
ment ou constate des troubles moteui*s manifestes, tels que du trem- 
blement et des mouvements choréiformes dans les mains et les bras, 
de la parésie faciale, de l'inégalité pupillaire, de la blépharo ptôse, 
et, finalement, de l'affaiblissement dans les membres inférieurs. 
Pendant une quinzaine de jours, la température s'abaisse à 34^ 
et 30<»,5 pour revenir k la normale et monter brusquement à 40 
et 42*». Après des alternatives d'excitation et de dépression, et une 
nouvelle hypothermie (32*'), la malade, démente, tombe soudain 
dans le coliapsus et succombe. L'autopsie décèle des taches blanches 
et des nodosités dans les artères de la base de rencéphale (artérite 
syphilitique). La moelle offre sur toute la coupe de l'hyperplasie 
du tissu interstitiel, ainsi qu'un exsudât inflammatoire périvascu- 
laire, qui commençaient à comprimer les éléments nerveux. Inflam- 
mation de la pie*mère de cet organe ; artérite très prononcée ; 
phlébite oblitérante. — L'auteur considère les lésions pie-mériennes 
et vasculaires comme spécifiques ; les altérations médullaires en 
seraient la conséquence. P. K. 

IX. Contribution aux affections du système nerveux cen- 
tral; par Claus (de Sachsenberg). {Arch^ f. Psych. m. Ner- 
venk., XIL 3.) 

L Sclérose cérébro-spinale muUiloculaire. — L'observation 
complète présentée par Tauteur offre deux particularités : 



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106 REVUB DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 

i<^ En outre des foyers soléreuz disséminés, on rencontre à la 
convexité des hémisphères de la méningite et des lésions atro- 
phiques chroniques des circonvolutions ascendantes. Rappro- 
chant ce fait de ceux qui ont été publiés jusqu'à cer jour, M. Glaus 
émet cette loi que c toutes les fois ou au complexus symptoma- 
tique delà sclérose multiloculaire s'ajoutent les manifestations 
évidentes de la démence paralytique, il existe de la niéningo-en- 
céphalite chronique de Técorce aboutissant à Tatrophie des élé- 
ments, principalement dans le champ du cerveau antérieur m. 
2"* Alors que les procédés de durcissement de la moelle accusent 
une dégénérescence symétrique des cordons postérieurs à la 
limite des faisceaux de GoU et de Burdach dans le segment 
dorsal supérieur^ Texamen microscopique ne démontre que 
de faibles altérations.' M. Claus mentionne trois faits sem- 
blables parmi des psychopathes n'ayant d'ailleurs présenté 
aucun symptôme d'origine médullaire ; il n'observa qu'une 
faible augmentation de volume du tissu conjonctif. 

IL Atrophie du cervelet chez un dément*épileptique. — Nous 
relevons dans l'observation fort rudimentaire du malade, de la 
mydriase gauche, de la déviation de la langue du même côté, 
de la paralysie faciale droite, une démarche chancelante avec 
tendance à tomber en avant et difficulté extrême de se redresser. 
La progression des phénomènes entraine dans les deux derniers 
mois, l'alitement presque constant. L'étude macroscopique se 
résume en l'existence d'altérations méningitiques chroniques, 
d'ime sclérose très prononcée, au pourtour delà corne d'Ammon 
et de la circonvolution de l'hippocampe du côté droit, avec nom- 
breuses pertes de substance, d'une diminution de volume con- 
sidérable des circonvolutions du cervelet, devenu jaune-blan- 
châtre. Induration de ces régions; réduction des zones corticales 
atrophie de l'olive droite. P. du cerveau revêtu de ses membra- 
nes i3i>0. P. du cervelet 110. L'analyse microscopique révèle 
l'intégrité de la moelle, l'aspect classique des points scléreux 
dans le cerveau. Ces endroits dans le cervelet sont caractérisés 
par une rougeur intense, l'atrophie des cellules de Purkinje et 
des cellules de la couche externe, l'épaississement strié des pa- 
rois vasculaires couvertes de granulations graisseuses et de cel- 
lules granuleuses ; la substance blanche est sillonnée de tractus 
de tissu conjonctif fortement teintés en rouge ; atteinte partielle 
du corps rhomboïdal. 

m. Sous le titre de forme de dégénérescence pa$*tieulière de la 



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RBVUB DB PATHOLOGIE NERVBUSB. 107 

moelle de rhomme, Fauteur appelle rattention sur un foyer de 
myélite chronique ovale mesurant un centimètre qu'il rencontra 
chez un paralytique général dans la zone intermédiaire anté- 
rieure du cordon latéral. Ayant constaté, en outre, les lésions 
classiques de la méningo-périenccphalite, il rapproche ce fait 
des observations de Westphal dans lesquelles la sclérose en 
foyer a affecté la forme dedénience paralytique.Westphal aurait 
également vu plusieurs fois semblable altération à localisa- 
tion identique, notamment dans un cas de dégénérescence des 
cordons postérieurs, sans psychose. P. K. 

X. Des rapports qui lient l\ syphilis au tabès; par M. Pi'sinelli. 
{Arch, f, Psych, u, Ntrvenk., Xll, 3.) 

L'auteur a dressé une statistique h Taide de cinquante et un cas 
d'alaxie locomotrice. Absence de syphilis antérieure ou actuelle 
dans 47 p. 400. L'infection avait précédé la maladie en seize cas 
(31 p. 100); neuf malades (17,6 p. 100) avaient eu un chancre sans 
accidents secondaires bien certains. Deux autres faits sont absolu- 
ment douteux quant à la nature du chancre constaté. Deux obser- 
vations sont relatées en détail ; les tabéliques en question avaient 
présenté, l'un un exanthème syphilitique grave, l'autre des accidents 
cérébraux de même nature. Les premiers symptômes de l'ataxie 
se montrèrent dans les deux cas de six à vingt-un ans après l'infec- 
tion. Ces documents sont loin d'entraîner la conviction que la sy- 
philis ait engendré le tabès, car, sur huit autopsies qui purent être 
pratiquées, on ne rencontra que trois fois des lésions viscérales (tes- 
ticule et système osseux) ; de plus, môme chez les tabétiques anté- 
rieurement infectés, le traitement antisyphilitique ne donna jamais 
de résultat éclatant. Telle est la conclusion de M. Pusinelli. P. K. 

XL Contribution a l'étude des troubles de l\ sensibilité et 

DE l'acuité visuelle DANS LES LÉSIONS DES CIRCONVOLUTIONS 

cérébrales; par le M. Bbrnhardt. {Arch. f. Psych» ti. Ner- 
t;en*.,XII, 3). 

L'auteur, à défaut d'autopsies, discute le diagnostic des quatre 
observations suivantes, à la lumière des faits de ce genre déjà 
publiés par Nothnagel, Vetter, Gelpke, Kahler, Senator, Hoff- 
mann (F.-A.), Petrina, Baumgarten, Curschmann, Wernicke, 
Westphal, Samelsohn et des études expérimentales de Munk. 

Observation 1. — 11 s'agit d'une femme de cinquante-trois ans 
présentant, en mai 4877, des nausées, des vomissements, un 



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108 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 

affaiblissement très prononcé du côté droit, sans perte de connais- 
sance; quelque embari*as de la parole : rétablissement au bout de 
quatorze jours. En février i878, elle se plaint que Fœil droit, en 
arrière duquel elle avait éprouvé une sensation de pression, y voit 
moins; en même temps elle ne peut se servir de la main droite. La 
malade voit comme à travers un nuage ; l'examen démontre que 
Tobnubilation bilatérale occupe les trois quarts supérieurs de la 
moitié droite du champ visuel, tandis que Facuité centrale et le 
fond de Tœil sont restés normaux. Âchromatopsie de la zone affec- 
tée ; l'appréciation des distances a subi une altération parallèle 
dans la même région. Affaiblissement évident de la sensibilité du 
bras droit, principalement à partir du coude jusqu'en bas, la pres- 
sion et la pesanteur y sont imparfaitement perçues ; Tinflexion de 
la main sur la face dorsale de Ta vant-bras détermine des mouve- 
ments involontaires dans les doigts auxquels d'ailleui*s, on peut 
imprimer des mouvements qu'ils conservent sans que la patiente 
en ait conscience. 

Obs. II. — Un homme de cinquante ans, atteint de sciatique, est 
pris soudain d'hémiparésie gauche de courte durée à la suite de 
prodromes d'ordre sensilif ; pas de perte de connaissance. Hémia- 
nopsie totale et paresthésie du même côté. Sept mois après, con- 
vulsions cloniques du bras gauche à plusieurs reprises; légère 
fatigue intellectuelle. 

Obs. III. — A la suite d'une émotion violente une femme de qua- 
rante-cinq ans ressent un affaiblissement psychique dont elle a 
conscience, puis, de temps à autre, des secousses dans les extrémités 
gauches. Pas de paralysie ; diminution de tous les modes de la sen- 
sibilité y compris l'excitabilité électro-cutanée et électro-muscu- 
laire. Légère parésie du facial inférieur et mydriase pupillaire du 
même côté. Hémianopsie homolatérale ; papilles rouges à con- 
tours mal limités. 

Obs. IV. — Symptomatologie identique et, en outre, alaxîe de 
l'extrémité atteinte, les troubles de la sensibilité, s'étendant aussi 
à la moitié correspondante du cou, de la nuque et du tronc. 

Ces attaques d'hémiplégie brusques qui surviennent sans 
perte de connaissance et ne sont imputables, en somme, qu'à 
des troubles de la sensibilité excluent, dit M. Bernhardt, l'at- 
teinte de la capsule interne et des ganglions de la base ; il est 
plus probable qu'elles émanent de lésions dam les zones corti- 
cales en rapport avec la perception sensible. U hémianopsie doit 
être considérée con;me une complication dureste de même ordre 
[zones occipitales de Munk). Les fonctions sensitives sont en défi- 
nitive plus ou moins troublées selon que les altérations ont plus 
ou moins progressé en étendue comme en profondeur. P. K. 



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RRVUE DB PATHOLOGIE NERVEUSE. 103 

XII. D'UxNE AFFECTION SPINALE PARTICULIÈRE ORSERVÉE CHEZ DES 

buveurs: par G. Fischer (de Caniistatt). {Arck. f. Psych. m. iV«'- 
venk., XIII, 1.) 

L'inlérèt de celle élude clinique pure gll dans les parliculariiés 
suivantes : à la suite d'excès alcooliques et nicoliniques, deux 
individus présentent une parésie, avec atrophie du système muscu- 
laire. L'excitabilité électrique a disparu et Ton note |la réaction 
dégénéralive de Erb. Les muscles de Téminence thénar dont la 
moUlité volontaire est inlacle sont insensibles au courants fara- 
diques et galvaniques^ toutes chances d'erreur ayant élé minutieu- 
sement écartées. En même temps, il existe une ataxie incontestable 
de la diminution de la sensibilité cutanée, un certain degré d'anal- 
gésie; Je sens musculaire et les réflexes patell aires ne se manifestent 
plus. Ralentissement des réflexes cutanés» doubles sensations et 
autres anomalies de la perception douloureuse. En outre, état fé- 
brile, symptômes gastriques, affaiblissement de ractivité cardiaque 
avec accélération du pouls. Facultés intellectuelles exlraordinai- 
rement faibles. La guérison s'effectue, du moins à peu près com- 
plètement. M. Fischer rapproche ces faits de ]& poliomyélite antérieure 
subaiguè ; il pense qu'une partie des symptômes doivent ôlre ratta- 
chés à des altérations de ce genre dans les cornes grises antérieures. 

P. K. 

XIII. GlIOME A L*EXTRÉUITÉ SUPÉRIEURE DU FILUM TERMINALE AYANT CUU- 
PRIMÉ ISOLÉMENT LES FILETS NERVEUX VÉSICAUX l par B. LaCRMANN. 

(Arch, f. Psych. m. Nei^enk,^ XIII, 1.) 

Un homme de qua.rante-six ans souffre depuis deux ans de dou- 
leurs en urinant, la miction ne s'exécute souvent qu'au prix des 
plus grands efforts, tandis qu'à d'autres instants l'urine s'écoule 
malgré lui goutte à goutte. Six mois plus tard, il est pris de dyspep- 
sie accompagnée de douleurs et de vomissements; il maigrit. Peu 
de temps après, il ressent des pareslhésies (formications, sensations 
de chaleur et de froid) dans les extrémités inférieures. A son entrée 
à rhôpital, on constate de l'athéromasie des artères périphériques, 
de l'hypertrophie du ventricule gauche ; on perçoit la vessie sous 
la forme d'une tumeur dure extrêmement sensible à la pression. 
Des sondages antiseptiques répétés évacuent une urine d'abord 
claire ne contenant que peu de sédiment, puis sanglante et albu- 
mineuse ; dès lors la miction s'effectue spontanément sans efforts, 
mais en causant des douleurs très intenses. La région vésicale 
demeure excessivement sensible. Les phénomènes ultérieurs sont 
tels que l'on porte le diagnostic de carcinome de la vessie. L'éma- 
ciatiou et radynamie s'accroissent si rapidement que le malade 
meurt dans le collapsus un mois après son admission. 



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110 RBVUE DB PATHOLOGIE NERVEUSE. 

Voici ce que Ton rencontre à l'autopsie : Textrémité conique de 
la moelle est en quelque sorte fichée dans une tumeur de six cen- 
timètres de long qui, réduite en haut, se continue dans le filuni 
terminale, sur une distance de neuf centimètres. Sa constitution 
ressemble à celle de la substance blanche du cerveau; la surface en 
est un peu lobulée sur certaines coupes. Les branches nerveuses de 
la queue-de-cheval sont partout indépendantes du néoplasme qui, 
d'ailleurs, ne renferme aucune fibre nerveuse; il est composé de 
cellules rondes et allongées ici en amas, là en rapport avec un 
épais treillis fibreux : cellules araignées. Par places, globules 
granulo-graisseux. Nulle dégénérescence dans la moelle, -r- Les 
rapports, la nature de la tumeur, son lieu d'implantation, l'inté- 
grité de la queue-de-cheval expliquent la paralysie isolée des nerfs 
vésicaux, à l'exclusion des autres filets nerveux. M. Lachmann pense 
avoir eu alfaire à une tumeur congénitale analogue à certaines 
formes de tumeurs du sacrum. P. K. 



XIV. Un cas d'uémorruagie de lx protubéranck ayaiNt entraîné 

DES DÉGÉNÉRESCENCES SECONDAIRES DANS LE RUBAN DE ReIL; par Paul 

Meyer. [Arch, f, Psych. u. Ncrvenk. XIII, 1.) 

11 s'agit d'un homme de quarante-huit ans ayant d'al)ord pré- 
senté une légère attaque apoplectiforme passagère ; cinq ans après, 
à la suite d'une émotion, difficulté dans l'arliculation des mots, 
hémiplégie faciale droite, contracture du coude gauche en flexion, 
sans ictus ni troubles de la connaissance. Quatre jours plus tard, 
après une discussion, délire avec affaiblissement des facultés. 
A ce moment, hémiplégie faciale droite totale, parésie linguale, 
affaiblissement et incertitude du bras gauche , parésie de la 
jambe gauche, hémianesthésie très prononcée du même côté, 
Iiyperesthésie de la moitié droite de la face, alors que sa moitié 
gauche est anesthésique en partie; auesthésie de la cornée 
et de la conjonctive droites, paralysie complète des muscles 
droit externe droit et droit interne gauche, kératite commen- 
çante à droite. Rien d'anormal quant à la réaction pupillaire 
ou à l'état ophthalmoscopique. Exagération des réflexes patellaires 
à gauche. La motilité des extrémités gauches ne tarde pas à s'a- 
méliorer; mais le membre supérieur y reste le siège d'une ataxie 
extrême, avec incertitude dans les mouvements de par la perte 
du sens musculaire. A ces phénomènes s'ajoute l'absence de réflexe 
abdominal et crémastérien des deux côtés, la diminution du réflexe 
plantaire gauche, la réaction dégéuérative de Erb à Télectrisation 
du facial droit, l'augmentation de l'hémiplégie faciale gauche. La 
langue se sillonne, la parole devient de plus eu plus incompréhen- 
sible. Broncho-pneumonie. — On trouve à l'autopsie une sorte de 



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RBVUB DB PATHOLOGIE NERYBUSE. lil 

feston dans la moitié antérieure droite du quatrième ventricule, 
dont le plancher, à ce niveau, offre une coloration brun-jaunâtre. 
L'examen histologiqoe démontre Texistence d'un vieux foyer apo- 
plectique dans les deux tiers inférieurs de la moitié droite de la 
protubérance ; il occupe la région correspondante de Tétage supérieur 
du pédoncule, c'est-à-dire le champ des fibres motrices (substance 
réticulée) et le domaine du ruban de Reil (Roller); intégrité du 
faisceau pyramidal. Destruction du noyau du facial et de Toculo-mo- 
teur externe, des fibres radiculaires de ce dernier nerf, des origines 
fasciculaires et d*une partie des fibres du tronc de la septième paire. 
Intégrité de l'ocuto-moteur commun. La partie supérieure du noyau 
de la cinquième paire a disparu; ses racines descendantes ne sont 
détruites qu'au point d'émergence du nerf ; en ce qui concerne sa 
racine ascendante, l'altération n'a porté que sur les fibres qui, du 
locuê ccmileus gagnent l'entrecroisement et le raphé. L'olive supé- 
rieure a subi la destruction avec une portion des fibres profondes 
de la protubérance. Dégénérescence des feuillets médian et latéral 
du ruban de Reil, & l'exception du faisceau qui l'unit au pédoncule 
cérébral : l'altération ne dépasse pas en haut la région des tuber- 
cules quadrijumeaux inférieurs, mais elle atteint son maximum 
au voisinage du quatrième ventricule, où le ruban de Reil a en tota- 
lité disparu ; plus bas, dégénérescence du ruban • Les fibres 
motrices moyennes et latérales réticulées, l'olive inférieure et la 
substance réticulaire avoisinante, les pyramides sont demeurées 
intactes. Dans la région inférieure de la moelle allongée (entrecroi- 
sement des faisceaux sensitifs), on rencontre, à droite, en arrière 
du cordon pyramidal, une zone de dégénérescence triangulaire. 
Les lésions ne se poursuivent pas au-dessous de la troisième paire 
cervicale. Il est & remarquer que les dégénérescences secondaires 
sontcaractérisées : au-dessous du foyer, par la diminution de volume 
des fibres et Thyperplasie de lanévroglie ; au-dessus du foyer, par 
l'abondance de cellules granuleuses. Les nombreux anévrysmes 
miliaires trouvés à la convexité, dans le centre ovale, dans la 
protubérance, dans le bulbe, expliquent la pathogénie de Thémor- 
rbagie. P. K. 



XV. Altérations du système aNerveux central affectant parti- 
culièrement LES CORDONS POSTÉRIEURS DE LA MOELLE DANS l'eRGO- 

tisme; par Franz Tuczek. (Arch, f, Psych, u, Nef'venL, XIII, 1.) 

L'auteur tient la promesse faite par lui au Congrès de Bade en 
18811. ]i complète Tétudc clinique de M. Siemens* et relate les 

ï Archives de Neurologie^ t. III, p. 242. 
* Archives de Neurologie, %, 111, p. Îf8. 



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112 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 

résultats de ses expériences sur les animaux. L'intérêt nosogra- 
phique de ce nouvel apport (27 observations) réside dans la manifes- 
tation d'une manie pure chez deux enfanta de sept et douze ans 
(fillette et garçon). La forme psychique demeura généralement 
celle de la démence aiguë avec stupeur, accès d'angoisse, perturba- 
tions diverses de la connaissance, phénomènes épileptiformes cons- 
tants. Pour M. Tuczek il s*agit là d'une épilepsie corticale ; il en 
appelle à la déchéance intellectuelle concomitante si rapide, à la 
fréquence de manifestations psychiques équivalentes des accès 
spasmodiqiies*, à Tataxie et aux troubles de la parole succédant aux 
crises. Tous les malades présentèrent aussi des symptômes de lésions 
dans les cordons postérieurs ; l'autopsie de quatre d'entre eux en 
met Tezistence hors de doute. L'altération bilatérale, étendue à toute 
la hauteur de la moelle, se limitait symétriquement aux faisceaux 
de Burdach, ou du moins commençait par les bandelettes latérales. 
L'analyse histologique décelait l'atrophie des fibres nerveuses* 
par la prolifération du tissu conjonctif farci de cellules-araignées. 
C'est, dit M. Tuczek, un tabès à marche aiguë. L'auteur rapproche 
enfin l'absence du phénomène du genou de l'expansion de la 
lésion à la région lombaire ; il admet qu'elle puisse être le premier 
symptôme de l'altération des cordons postérieurs et pense que le 
phénomène du genou est un réflexe tendineux (une observation de 
retard du phénomène avant sa disparition). Le bilan anatomopa- 
thologique du cerveau est constitué dans l'espèce par de la pa- 
chyméningite externe, de la congestion corticale et de la dégénéres- 
cence graisseuse des vaisseaux moyens de l'écorce ainsi que de la 
substance homologue de la corne d'Âmmon. Les expériences en- 
treprises avec l'ergot, Tergotine, l'acide scléroti nique employés à 
l'intérieur ou en injections sons-cutanées chez la souris, la poule, le 
lapin, le chien, le chat, demeurèrent négatives. Malgré l'émaciation, 
les vertiges, la stéatose viscérale, les phénomènes paraplégiques 
et même ataxiques, les réflexes patellaires persistèrent et la moelle 
resta indemne. P. K. 



XVI. MÉMOIRE SUR LA DÉVIATION CONJUGUÉE DES YEUX ET LA 
ROTATION DE LA FACE DANS LES LÉSIONS BULBO-PROTUBÉ- 
RANTIELLES; A PROPOS d'uNE TUMEUR DE CETTE RÉGION; 

par Quioc. [Lyon médical^ 1881, n*»» 27-30.) 

L'auteur rappelle les travaux publiés sur ce sujet, et les 
points demeurés obscurs malgré leur importance. 
Graux n'a pas expliqué la rotation de la tête effectuée du 



« Archives de Neurologie, l. IV, p. 93. 



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REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 113 

môme côté que la déviation des yeux par deux de ses malades 
et tous les animaux chez lesquels il avait réussi à provoquer 
cette déviation. 

Landouzy à distingué la rotation croisée sans inclinaison de 
la tète de la rotation directe avec inclinaison^ sans démontrer 
que le centre immédiat de la première soit le noyau de la 
branche externe du spinal et non, comme celui de la seconde, 
les cornes antérieures de la moelle cervic>ale. La clinique et la 
physiologie permettent de croire que des fibres directes relient 
à Técorce cérébrale le centre immédiat de la rotation di- 
recte et des fibres croisées le centre immédiat de la rotation 
croisée. 

Plusieurs cas échappent aux lois ainsi établies d*après Tob- 
servation. On a trop oublié les ganglions nerveux de la base du 
cerveau dont deux, la couche optique et les tubercules quadri* 
jumeaux, sont de nature réflexe. Ces derniers ont des rapports 
déjà connus avec le noyau de Tabducens^parle faisceau trans- 
verse du pédoncule de Gudden. L'auteur montrera qu'ils en 
ont aussi avec les centres rotateurs de la tête et que la lésion 
des fibres qui les relient donne lieu à des troubles de nature 
spéciale consistant dans la suppression de la tonicité des 
muscles innervés par eux. L'influx volontaire parvient tou- 
jours à ces centres et annihilera par moments l'absence de 
tonicité. 

Les tubercules quadrijumeaux envoient leurs bras dans la 
couronne rayonnante, et les deux faisceaux du ruban de Reil 
dans la calotte, voie réflexe de Meynert. Les fibres de la calotte 
ne s'entrecroisent que dans la moelle. On voit l'association 
croisée qui en résulte pour les noyaux d'origine bulbaires et 
médullaires des nerfs destinés aux muscles de la rotation. 

Âdamûck, en excitant le tubercule quadrijumeau antérieur 
droit, provoquait la déviation conjuguée à gauche (signe de la 
marche croisée des fibres dans ces tubercules), et parfois aussi 
la déviation de la tête. Longet put faire suivre la lumière d'une 
bougie par pure action réflexe à des animaux privés de toute 
la portion des hémisphères supérieurs aux ganglions de la 
base. Peut-on sans effort ne pas tourner la tête du côté où l'on 
regarde? Ainsi la physiologie démontre les relations annoncées 
par l'anatomie. Un schéma résume les idées de l'auteur. 

Un malade du professeur Gayet, après une céphalalgie in- 
tense et continue, fut pris sans diplopie, ni fièvre, ni convul- 

Archives, t. VI. 8 



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114 RBVUB DB PATHOLOGIB lYBRVBUSB. 

sions, ni paralysie, de déviation conjuguée des yeux à droite. 
La face tournée de même n'était nullement inclinée; les 
muscles du cou ni paralysés, ni contractures. Geite rotation 
disparaissait sous Tinflutence de la volonté. L'occlusion de O G 
permettait à D de se porter vers la gauche. Le diagnostic 
porté fut : tumeur de la moelle allongée, destruction du noyau 
de Tabducens gauche et de son anastomose avec Toculo-nioteur. 
A Tautopsie, on trouve une tumeur de la grosseur d'une noi- 
sette en avant du noyau de Tabducens, parmi les fibres verti- 
cales de la calotte, et sur le trajet du tronc de ce nerf. 

Ainsi se trouvent confirmées les données anatomiques pré- 
cédentes; ainsi est contredite l'opinion de Graux qui voyait 
l'anastomose de l'abducens et de l'ooulo-moteur dans des fibres 
verticales sous-épendymaires, et leur faisait gagner le noyau 
même de la troisième paire. Ces fibres obliques dans le plan- 
cher se dirigent vers le tronc de l'oculo-moteur. (Pierret.) 

La rotation de la tète, corrigée par la volonté, ne dépendait 
que d'un défaut de tonicité des rotateurs croisés du côté droit 
et de la prédominance consécutive de ceux du côté gauche. 

Passant en revue les observations de déviation conjuguée 
des yeux et de rotation de la face dans lesquelles l'autopsie a 
montré des lésions de la moelle allongée, l'auteur conclut que 
la déviation conjuguée des yeux du côté opposé à la lésion 
procède d'une lésion portant sur la partie postérieure de la ré- 
gion bulbo-protubérantielle, et celle qui a lieu du même côté 
d'une lésion affectant les parties de l'encéphale supérieures à 
cette région. Cette dérogation à la loi de Prévost et Landouzy 
ne subit elle-même d'exception qu'en ce qui concerne peut- 
être le cei^elet et les faisceaux de la calotte unissant à l'abdu- 
cens les tubercules quadrijumeaux* 

L'exiitenoe de ghénomènos pathologiques du côté des 
membres indique une lésion atteignant les pyramides, leur 
absence, sa localisation à la partie postérieure de la région 
bulbo-protubérantielle. 

La rotation de la face, dont les conditions sont encore ici 
obscures, a lieu du même côté que la déviation des yeux et 
manque plus souvent qu'elle dans les affections de la protubé- 
rance. L'état fonctionnel des muscles dont elle relève n'a au- 
cun rapport avec celui des mnscles des membres. 

D. Bernard. 



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REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ilS 

XVII. CONTBIBUTION A l'bTUDE DR LA PHTSI0L06IE DES COUCHES 

OPTIQUES ; par J. Luys. {L'Encéphale^ n* 3, 4882.) 

On sait que M. Luys est Fintroducteur, en France, d'une théorie 
d'après laquelle les couches optiques seraientle point de concentra- 
tion de sensibilité générale et spéciale et qu'il 7 a décrit un certain 
nombre de noyaux acoustique, optique, olfactif, sensoriwn corn" 
munCf affectés chacun à un mode de sensibilité distinct. Cette 
théorie n'a rien qui répugne et se recommande comme toutes les 
théories schématiques, par un caractère séduisant de simplicité ; 
mais est-elle démontrée? M. Luys se garderait d'en douter et son 
principal argument est une vieille observation de John Hunter 
Junior, lue le 23 juin 1824 à la Société médico-chirurgicale de 
Londres qu'il vient de reproduire encore une fois, dans son journal 
l'Encéphale. Nous verrons ce que pèse celte pierre angulaire de la 
théorie des centres optiques de M. Luys. 

En déterminant dans la constitution anatomique de nos tissus 
des désordres variés, la nature ne se propose nullement de nous 
guider dans l'étude des maladies, et si l'on veut utiliser les expé- 
riences auxquelles elle se livre parfois, sans le vouloir, il faut s'as- 
treindre à une méthode d'examen et de discussion dont M. Gharcot, 
dans ses Leçons sur les localisations cérébrales f a parfaitement 
posé les bases. Il faut, en ce qui concerne l'étude des localisations, 
par exemple, choisir de préférence les faits cliniques simples et, 
autant que possible, observés dans ce but spécial ; il faut aussi 
n'accorder de valeur qu'aux lésions bien nettes, détruisant un or- 
gane ou un département bien circonscrit. Les autres faits doivent 
être rangés, non parmi les faits négatifs, mais parmi les faits nuls 
que si, par exemple, l'on cherche à connaître, par voied'expérienc. 
pathologique, les fonctions de la capsule interne, un foyer étende 
et diffus, ayant détruit la capsule et les régions voisines, aussi bien 
qu'une tumeur à lent accroissement comprimant les libres sans les 
détruire, seront de nulle valeur, tandis qu'un foyer destructif bien 
limité devra être rangé parmi les faits de valeur positive. Voyons 
maintenant si l'observation que M. Luys a rendue fameuse réalise 
ces conditions d'étude et si cet observateur n'en a pas exagéré l'im- 
portance. 

Cliniquement, d'abord, la valeur de cette observation nous parait 
faible: elle est trop ancienne et trop complexe. Une jeune fille de 
dix-sept ans est prise de céphalalgie violente et opiniâtre, de ver- 
tiges, de syncopes, puis de douleurs vertébrales, articulaires, etc., 
qui ne lui laissent aucun repos. Bientôt son ouïe s'affaiblit, sa vue, 
d'abord troublée par de la myopie, de la macropsie, se perd ensuite 
d'une manière passagère, puis d'une manière définitive ; il survient 
des attaques convulsives. L'odorat, le goût diminuent et dispa- 



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116 RBVUE DB PATHOLOGIE NERVEUSE. 

raissent à leur tour; enfin Tinielligence s'obscurcit, les troubles 
trophiques apparaissent et la malade succombe dans un état d'épui- 
sement complet, deux ans après l'apparition des premières attaques 
convulsives et quatre ans après le début de la maladie par la 
céphalée temporale. 

Les résultats de Fexamen anatomique n'étaient pas faits pour 
jeter beaucoup de lumière sur la pathogénie d'accidents aussi nom- 
breux : ils sont exposés, d'ailleurs, d'une manière très incomplète 
par l'auteur. On trouva les couches optiques envahies par une 
tumeur fougueuse « n'affectant pas les corps striés^ mais s'étendant 
dans les parties adjacentes du cerveau et du cervelet et aussi à la 
pointe inférieure de la faux du cerveau ». Voil& tout. Il n'est pas 
question, bien entendu, de localisation ni de limitation exacte du 
mai et si la planche qui accompagne le mémoire donne une belle 
image des ventricules envahis par la tumeur, aucun dessin de 
coupe n'y est annexé. 

Or, pour nous restreindre an point de vue spécial auquel M. Lujs 
publie depuis si longtemps cette vieille observation, de quoi s'agit- 
il ? de déterminer le siège des lésions qui ont amené chez la jeune 
malade de Hunter, la perle successive de l'ouïe, de la vue, du goût 
et de l'odorat. Ces paralysies successives sont-elles dues à des 
lésions: <» des nerfs, 2» de la capsule interne, 3® ou de la couche 
optique elle-même? Là est toute la question. L'autopsie peut-elle 
la résoudre ? Non, parce que la lésion trop étendue, trop diffuse, 
trop incomplètement décrite, d'ailleurs, peut justifier chacune de 
ces trois hypothèses et n'en justifie, par conséquent, aucune. La 
tumeur, en effet, ayant envahi « les parties adjacentes du cer- 
veau et du cervelet jusqu'à l'angle inférieur et postérieur de la 
grande faux du cerveau, devait tout au moins comprimer les tuber- 
cules quadrijumeaux, bien qu'il n'en soit nullement question ; la 
capsule interne, d'autre part, était sans doute plus ou moins inté- 
ressée ; l'ulcération de la cornée et la perte de Toeil gauche qui 
.survinrent dans le dernier temps, sembleraient, ainsi que le re- 
marquent MM. Lussana et Lemoigne, impliquer le trijumeau dans 
l'affaire ; mais rien ne nous servirait de continuer des hypothèses 
sur une observation incomplète et, par elle-même, dénuée dans 
l'espèce de toute valeur démonstrative. 

Ceci n'empêche pas M. Luys de chercher à démontrer son hypo- 
thèse par son hypothèse elle-même, et de nous faire voir comment 
les choses se sont certainement passées dans ce cas «unique », ainsi 
qu'il l'avoue lui-môme. Chemin faisant, il ne ménage pas les incré- 
dules, et en particulier, MM. Lussana et Lemoigne, qui, « entraînés 
par leurs idées personnelles », ont parlé de paralysie du triju- 
meau. M. Luys laisse, d'ailleurs, chacun libre de tirer » de celte 
observation magistrale, les conclusions naturelles qu'elle fournit». 
Il a seulement voulu « montrer aux esprits indépendants que lavé- 



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REYUB DÉ PATHOLOOIE NBRVBUSB. t17 

rite est moins dans les livres officiels que dansTobservatioa directe 
de la nature et qu'un fait clinique bien constaté par des témoins 
impartiaux, à Tabri de toute radiation officielle ambiante» vaut 
mieux, à lui tout seul, qu'une série d'observations plus ou moins 
complaisamment recueillies et qui n'ont souvent d'autre but que 
de satisfaire les théories scientifiques à la mode. » E. Ghaubard. 

XVllI. Contribution a l'encéphalopathie saturnine; par Ullrich. 
{AUg. Zeilsckr. f. Psyck. u.psych. gerichtl, Medic., XXXIX, 2 et 3.) 

L'observation dont suit l'analyse constitue le substratum de ce 
travail. Cn homme de trente-neuf ans présente depuis six mois des 
S3rmptômes permettant de croire à an début de démence paraly- 
tique. Tels l'amnésie, l'incertitude de la démarche et des tremble- 
ments des mains, des troubles de la parole s'aggravant à l'occasion 
de violentes émotions morales. Un beau jour, accès épileptiforme ; 
révolution de la maladie ressemble dès lors à celle d'une paralysie 
générale sans prédominance de symptômes psychiques; une dé- 
mence absolue ne tarde pas néanmoins à apparaître. Voici quels 
étaient les signes somatiques. Inégalité pupillaire, ataxie linguale, 
aphasie passagère, contractures alternantes des extrémités, dimi- 
nution de l'excitabilité électro-musculaire, atrophies musculaires 
drconscrites, accès épileptiformes, anesthésie générale à l'exception 
de la tête hyperesthésique, amaurose à peu près complète en ce 
sens que la sensation de lumière subsiste (pas d'altérations ophthal- 
moscopiques) , oblitération temporaire du goût et de l'odorat. 
Àdynamie, hypothermie; mort. L'autopsie décèle l'existence d'une 
lepto-méningite chronique avec atrophie cérébrale, hydrocéphalie 
interne, granulations épendymaires. Le cerveau contient, à l'analyse 
chimique, une assez notable proportion de plomb dans les circonvo- 
lutions pour qu'on puisse en obtenir un grain ; le cervelet, les corps 
opto-striés, les méninges en renferment en abondance. L'auteur 
en conclut que l'intoxication saturnine peut entraîner à sa suite 
une véritable paralysie générale, qu'il y a, dans l'espèce, une ac- 
tion directe du plomb sur les centres, et que les symptômes qui 
échappent à cette explication (anesthésie, amaurose, etc.) doivent 
être considérés comme issus de perturbations fonctionnelles dues 
aux troubles de nutrition de même cause. P. K. 

XLX. Epilepsib jacksonnienne dans le domaine du facial gauche. 
Foyer de ramollissement de la frontale ascendante du côté droit, 
OCCUPANT LE CENTRE DU FACIAL; par Knecht. (AUq. Zdtschr. f, 
Psych. îi. psych. gerichtl Medic., XXXIX, 2 et 3.) 

L'homme de quarante-neuf ans, qui fait le sujet de cette observa- 
tion, présente de la parésie du facial gauche, des tremblements 



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118 RBVUB DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 

convulsifs dans les muscles innervés par ce nerf (pertes de connais- 
sances inconstantes) et, de temps à autre, dans la jambe du môme 
côlé. La percussion révèle Texistence d'une zone circonscrite dou- 
loureuse au-dessous de la tubérosité pariétale droite. La mort sur- 
vient au milieu de la répétition croissante des crises convulslves 
(perte de connaissance absolue). On trouve à Tautopsie un foyer de 
ramollissement du volume d'une cerise, sur le bord antérieur de la 
frontale ascendante à la hauteur de la seconde frontale. C'est à 
lui que M. Knecht attribue les convulsions cépbaliques ; il rattache 
celles de la jambe gauche à des stases temporaires collatérales 
émanées du foyer. P. K. 

XX. De l'atrophib avec scLéaosB du cervelet ; par Kirchboff 
{Arch. f. Psych. m. Nervenk., Xîl, 3). 

La première observation, qui sert de soutènement à ce travail, 
concerne une ûllette de cinq ans, qui, indemne d'hérédité, est 
prise subitement pendant quatre jours de convulsions hémilatérales 
gauches, laissant après elles une parésie passagère du bras de ce 
côté. Puis se montrent de grandes crises épileptoldes, prédominant 
d'abord du côté gauche (facial ; athétose de la main) pour aboutir 
à un état de mal de quinze jours ; consécutivement, amnésie, hé- 
bétude profonde, congestion très prononcée du fond de l'œil. Peu 
après, nouvel état de mal (on compte jusqu'à quarante-six à cin- 
quante crises en un jour) cédant la place à la démence avec 
gAtisme, vertige, affaiblissement des extrémités inférieures, incer- 
titude et ataxie motrices, perte de la notion de situation des 
membres. Â ces symptômes viennent se joindre un exanthème 
vaso-paralytique, de l'incoordination phonétique, une paraplégie 
complète avec projection du tronc et de la tête en avant, de Téma- 
ciation : congestion très grande de la papille gauche (par pression 
intracérébrale). On trouve, à l'autopsie, un ventricule latéral droit 
très dilaté, gorgé d'un liquide clair. L'hémisphère cérébelleux 
. gauche, considérablement diminué de volume, est atrophié, induré ; 
l'altération a porté de préférence sur le lobe postérieur du vermis 
et de l'hémisphère, dans les lames transverses, dans le toit, dans 
le bourgeon terminal et sur les parties correspondant à gauche 
au tubercule de la valvule. 11 s'agit d'un processus scléreux, greffé 
sur un arrêt de développement (absence complète des cellules de 
Purkinje dans la zone atrophiée). — Même ordre de lésions, mais 
disséminées dans tout l'organe, en ce qui a trait à la seconde 
observation. Il s'agit ici d'une fille de vingt ans, imbécile, mais 
s'intéressant à sa famille et connaissant les personnes de son entou- 
rage. Elle s'occupait malgré une lenteur extrême et du tremblement 
, menu dans les mouvements ; la parole était traInante.-*M. Kirchhoff 
s'arrête en terminant aux propositions suivantes toutes provisoires : 



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REVUS t>B PATHOI/)aiB NERVEUSE. t!9 

1* Une atrophie hérailatérale du cervelet d'orifirine embrjogé- 
nique suivie de sclérose peiit entraîner des troubles de la motilitô 
de la moitié du corps homologue ; 

2« Un tel arrêt de développement appartient à la fin de la vte 
intra-utérine ; 

3* Il semble qu'on soit autorisé à établir un rapport entre la 
lésion des lames transverses du cervelet et les troubles moteurs du 
môme côté du corps. P, K, 

XXI. CONTHIBUTION A L*£TUDB DB LA PARALT8IB ASCBNDANTB 

Aiouâ ; par Richard Schulz et Friedreich SchuIiTzb (de Hei» 
delberg). [Arch. f. Psych. u. Nervenk., XII, a.) 

Un homme de quarante-quatre ans, ayant eu quatre ans au- 
paravant la syphilis, prend en quelques jours quatre bains de 
vapeur pour se débarrasser d^un coryza, le seul résultat obtenu 
se manifeste par la transformation en pesanteur de la fatigue 
légère qu'il éprouvait dans les jambes quatre semaines aupara- 
vant. En onze jours se développe de la parésie des extrémités 
inférieures, accompagnée de la disparition des réflexes patel- 
laires; bientôt Ton constate une paraplégie flasque absolue et 
de la parésie du bras gauche, de la difficulté à manger, les 
masséters faiblissant en même t^mps que la déglutition de- 
vient pénible, de la paralysie des muscles de la nuque. Mic- 
tion pénible; troubles purement subjectifs de la sensibilité des 
orteils ; suppression totale des réflexes cutanés et tendineux. 
En dépit du traitement mercuriel (frictions), associé à Tinges- 
tien d'iodure de potassium, à la révulsion et aux émissions 
sanguines locales, moins d*un mois après le début de raffec- 
tion survenaient des troubles de la parole et de la respiration, 
de rincontinence d'urine, de l'impossibilité de produire l'effort 
physiologique. Les nerfs et muscles des extrémités infé- 
rieures ne répondent plus à l'excitation faradique ; on y cons- 
tate au courant galvanique la réaction dégénérative. Les 
muscles fléchisseurs des bras sont également inexcitables à 
Télectrisation galvanique, les extenseurs présentant la réaction 
dégénérative. Inexcitabilité complète des nerfs des jambes 
même à l'aide de vingt éléments, les nerfs radial et cubital réa- 
gissant faiblement à leur sollicitation. L'application des cou- 
rants continus ascendants le long de la colonne vertébrale^ 
jointe aux effets de la kathode sur les muscles et nerfs des 
membres inférieurs, détermine en vain une légère améliora- 



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120 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

tien ; la complication (l*une]bronchite catarrhale emporte le ma- 
lade en huit jours. Durée de Taffection nerveuse : deux mois ; 
nul accident de décubitus. — Le microscope permet de recon- 
naître : àFétat frais, la réduction de la fibre musculaire qui appa- 
raît comme poussiéreuse et dépourvue de striations transverses, 
le morcellement de la myéline dans les tubes nerveux, le ramol- 
lissement de la moelle ; — sur les préparations durcies, la tumé- 
faction du tissu conjonctif et des cylindres-axes, mais Tabsence 
de cellules granuleuses dans les faisceaux pyramidaux jusqu'à la 
hauteur de Tentrecroisement dans les cordons antéro-latéraux à 
la région dorsale inférieure et sur la limite des zones latérales 
des cordons postérieurs à la région dorsale supérieure; les 
muscles infiltrés de granulations graisseuses et de noyaux de 
hypergen^se.La substance grise des cornes antérieures avait ses 
grosses cellules tuméfiées, disparues par places (formation de va- 
cuoles); mêmes boursouflements partiels le long des tractus de 
cylindres-axes qui en émanent, sur le noyau d'origine du facial, 
et dans les fibres radiculaires antérieures. En un mot, il s'agirait 
i*uïïe poliomyélite antérieure aiguë y la substance blanche ayant 
participé aux lésions, notamment les cordons latéraux : Von- 
gine syphilitique semble de toute évidence aux auteurs de ce 
travail. Les troubles prononcés de Texcitabilité électrique cons- 
tituent pour eux Toriginalité de l'observation dont ils maintien- 
nent, au jour des démonstrations anatomiques, la dénomina- 
tion : M. Fried. Schultze affirme du reste, en outre, qu'il vient 
d'observer un fait analogue tout récemment. P. K. 



SOCIÉTÉS SAVANTES 



SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE 



Séance du it mars 4883. » Présidence de M. Motet. 

M. Charpentier donne lecture d'un rapport sur les travaux de 
M. Pierret, candidat au titre de membre correspondant. M. Pierret 
est élu membre correspondant de la Société, 



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SOGIÊTBS SAVANTES. 121 

M. Gahnier lit un rapport sur la candidature de M. Vallon, qui 
est aussi nommé membre correspondant. 

Discussion sur Vavcait projet de loi modifiant la loi du ^0 juin 
i838. — M. MoTCT, établissant un parallèle entre Tancienne loi de 
1838 et la nouvelle qui vient d'être déposée au Sénat, expose les 
garanties apportées à la sortie des aliénés des établissements 
publics et privés, par les modifîcations intercalées dans le texte 
soumis aux législateurs. Chemin faisant, M. Motet rend justice aux 
hommes qui, dans la rédaction de Tancienne loi, ont presque 
tout prévu et n*ont laissé que peu de prise à la critique la plus 
sévère. 

M. FoviLLE demande si ^ d'après la nouvelle loi, un malade 
maintenu par décision de la chambre du conseil , aura le droit 
d*inferjeter appel; et, en se plaçant à un point de vue opposé, si 
un parent, qui a obtenu le placement d'un des siens, aura le droit 
de faire appel de la décision en vertu de laquelle le malade, 
déclaré guéri, sera rendu & la liberté. 11 me semble, dit-il, qu'il 
serait indispensable que la famille fût prévenue de là sortie immi- 
nente de son parent, quelques jours avant que la sortie ne 
devienne effective, de façon à permettre aux intéressés d'interjeter 
appel de la décision qui a autorisé cette sortie. 

La question, on le voit, vaut la peine d'être discutée, et je 
fais appel à nos collègues pour savoir si de pareils cas se sont 
présentés à leur observation. 

M. Blanche. — J'ai eu avec fllM. Foville et Christian à formuler 
des conclusions sur une demande en interdiction. Les premiers 
juges maintinrent le malade^à l'asile; mais, peu après, il fut 
interjeté appel de la sentence et le malade fut mis en liberté. 

M. Foville se rappelle fort bien lecas auquel M. Blanche vient de 
faire allusion; il s'agissait d'une interdiction jugée en séance pu- 
blique. La jurisprudence est établie sur ce point, mais reste muette 
quand il s'agit d'une demande de sortie. La décision, étant alors 
rendue en Chambre du Conseil, n'est point publique; il n'y a pas, à 
proprement parler, de jugement. Tous les intéressés peuvent-ils 
ou ne peuvent-ils pas faire appel d'une décision prise dans ces 
conditions ? 

M. Blanche. — Cette guérison aurait mérité d'être discu* 
tée au sein de la Commission qui a élaboré le nouveau projet 
de loi. 

M. Motet. — L'intervention de la famille ne peut avoir d'effet 
suspensif; si la mise en liberté est prononcée, le malade sortira 
immédiatement de l'asile. 

M. Blanche. — Il me paraîtrait meilleur qu'il en fût autre- 
ment. 

M. Foville. — Sans nuire à l'esprit de libéralisme qui a inspiré 



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Iâ2 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

la loi, il serait bon d'insérer un article additionnel contenant 
l'obligation de prévenir la famille de la décision prise, afin de lui 
permettre de présenter ses objections et lui donner le temps 
d'énoncer les raisons pour lesquelles elle redoute la sortie qui 
vient d'être prononcée. 

M. Motet. — Dès l'instant où la liberté individuelle est en jeu, 
il ne peut y avoir aucune raison de surseoir à une décision de 
sortie^ dont l'effet doit être immédiat. 

M. Dagonet fait remarquer qu'en pareil cas la responsabilité du 
médecin est complètement dégagée. 

M. Blanche. — Assurément, mais il ne s'agit pas seulement de 
responsabilité, il faut aussi penser aux dangers que court l'entou- 
rage de certains aliénés. 

M. Beaume. — Ce point est d'autant plus important, que certains 
magistrats n'examinent même pas les dossiers avant de prendre 
une décision. Je connais un aliéné dangereux remis en liberté 
par un tribunal, sous prétexte qu'aucune autorité n'était inter- 
venue dans sa séquestration; or, en réalité^ le préfet avait ordonné 
le placement d'oftlce. 

. M. Motet. — 11 nous resterait encore bien d'autres questions 
à discuter. En voici trois que, pour ma part, je voudrais voir 
résolues par la nouvelle loi : 4<* les sorties à titre d'essai; 2^ le 
traitement à domicile des aliénés inoffensifs; 3<^ la situation des 
aliénés criminels. 

Ces questions seront mises & l'ordre du jour de la Société. 

M. B. 

Séance du 9 avn'H 883. — Présidence de M. Motet. 

M. LE Président annonce la mort de M. Lasègue, et donne lec- 
ture du discours qu'il a prononcé au nom de la Société. 
La séance est ensuite levée en signe de deuil. M. B. 

Séance du 30 avril 4883. — Présidence de M. Motet. 

Prix EsquiroL Après la lecture du rapport de M. Cotard, le prix 
Esquirol est décerné à M. Millet, ancien interne de Sainte-Anne. 

Eloge de Parchappe, M. Ritti prend ensuite la parole pour pro- 
noncer l'éloge de Parcbappe. M. B. 

Séance du 28 mai 4883. — Présidence de M. Motet. 

Les hypnotiques hystériques considérées comme sujets d'expérience 
en médecine mentale, (Illusions, hallucinations, impulsions irrésis- 



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SOCIETES SA.VAKTBS. 123 

tibles provoquées ; leur importance au point de vue médico-légal); 
par Gh. Fébé. — L'état mental des hystériques a été le siget 
d'études très importantes de la part de MM. Huchard^ et Legrand 
du SauUe', nous ne chercherons point à ajouter aux travaux de 
ces auteurs en ce qui concerne les troubles spontanés de Tintelli- 
gence dans Thjstérie ; nous nous bornerons à Tétude d'un groupe 
de faits tout particulier. 

Parmi les phénomènes si nombreux et si variés que Ton observe 
chez les hystériques et, en particulier, dans cette forme d'hystérie 
bien connue aujourd'hui sous le nom d'hystéro-épilepsie ou grande 
hystérie, ceux que Ton à groupés sous le nom d'hypnotisme sont 
sans contredit des plus curieux et des plus intéressants au point de 
vue spécial de la médecine mentale et de la médecine légale. 

On comprend sous le nom d'hypnotisme plusieurs états nerveux 
différents qui peuvent être ramenés, d'après M. Charcot ^, à trois 
types fondamentaux : 1^ état cataleptique; 2^ état léthargique ; 
3* état de somnambulisme provoqué. Nous allons rappeler briève- 
ment les caractères principaux de ces trois états. 

A, État cataleptique. — Il peut se produire : i® primitivement 
soQs l'influence d'un bruit intense et inattendu, d'une lumière vive 
qui frappe le regard, par la fixation prolongée d'un objet quel- 
conque, etc. ; — 2^ consécutivement à l'état léthargique lorsque 
l'on ouvre les yeux du sujet dans un lieu éclairé. Le sujet catalep- 
tique est immobile, comme pétrifié. 11 regarde fixement les yeux 
ouverts. Les différentes parties du corps sont susceptibles de con- 
server les attitudes qu'on leur communique pendant un temps 
très long sans qu'il se manifeste aucun des phénomènes qui accom- 
pagnent ordinairement l'effort. Les réflexes tendineux sont abolis, 
rhyperexcitabilité neuro-musculaire n'existe pas. Il y a insensibilité 
complète à la douleur ; mais les sens spéciaux et le sens muscu- 
laire conservent une partie de leur activité. C'est ce qui permet 
d'impressionner le sujet par voie de suggestion et de provoquer 
des hallucinations, des impulsions automatiques. Sous l'influence 
de la suggestion^ les attitudes fixes artificiellement imprimées aux 
membres font place à des mouvements coordonnés en rapport avec 
l'hallucination ; quand la suggestion a cessé, le sujet redevient 
immobile. 

B. État léthargique. ~ Il est déterminé : <« primitivement parla 
fixation d'un objet quelconque, ou par Tocclusion avec compression 

» H. Huchard. — Caractère, mœurs, état mental des hystériques 
{Archives de Neurologie, t. III, 188S.) 

• H. Legrand du Saulle. — Les hystériques; étal physique et état 
- mental, actes insolites délictueux et criminels; In-S» 1883. 

* Charcot. — Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1882. 



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124 SOCIETES SAVANTES. 

légère desyeux^ etc. ; S^ consécutivement à Tétat cataleptique, par 
rocc]usion des paupières ou par le passage dans un lieu obscur. On 
entend un bruit laryngé spécial, il vient un peu d*écume aux lèvres 
et le sujet s'affaisse dans la résolution complète ; les membres sont 
flasques et pendants. Les réflexes tendineux sont exagérés. L*hyper- 
excitabilité ne uro -musculaire existe toujours à des degrés divers : 
les muscles se contractent sous l'influence d'une irritation méca- 
nique, portant soit directement sur les muscles eux-mêmes, soit sur 
le nerf qui les anime; il s'agit d'une contraction permanente, 
d'une contracture qui ne se résout que par l'excitation des muscles 
antagonistes. Les téguments sont insensibles à la douleur, et, bien 
que les gens conservent un certain degré d'activité, le sujet se prête 
peu en général aux suggestions. Cet état est donc le moins inté- 
ressant au point de vue spécial qui nous occupe. 

L'état cataleptique et l'état léthargique peuvent être localisés, en 
conservant tous leurs caractères à un seul côté du corps, suivant que 
l'on ouvre ou que Ton clôt l'œil du côté correspondant. 

C. État de somnambulisme provoqué. — Il peut être provoqué 
primitivement par la fixation du regard ou par diverses pratiques 
(procédé de Faria, etc.). On le produit secondairement chez les sujets 
plongés dans l'état cataleptique ou l'état léthargique en exerçant 
une friction légère ou une simple pression sur le vertex. Dans cet 
état, qui correspond plus particulièrement àce qu'on appelle le som- 
meil somnambulique, les yeux sont incomplètement clos, les pau- 
pières souvent agitées de frémissements. L'hyperexcitabilité neuro- 
musculaire n'existe pas, la résolution des membres est beaucoup 
moins prononcée que dans l'état précédent. Mais si, par l'excitation 
. mécanique des muscles ou des nerfs, on ne peut pas provoquer de 
contractions permanentes, il es>t possible par de légers attouche- 
ments (passes des magnétiseurs), par un souffle léger dirigé sur la 
peau, etc., de produire une rigidité musculaire spéciale, un état 
cataleptoïde différant de la contracture liée à l'hyperexcitabilité 
neuro-musculaire en ce qu'elle ne se résout pas par l'excitation des 
antagonistes et de l'immobilité cataleptique en ce qu'elle oppose 
une résistance quand on veut modifier l'attitude. — Les téguments 
sont insensibles à la douleur ; mais certains modes de la sensibilité 
de la peau, ainsi que le sens musculaire et les sens spéciaux sont 
le siège d'une hyperexcitabilité spéciale, grâce à laquelle par in- 
jonctions ou par suggestions on peut provoquer des actes automa- 
tiques très complexes. Cet état est celui qui se prête le mieux à 
notre étude actuelle. — On peut faire cesser cet état de som- 
nambulisme provoqué, soit en ouvrant les yeux, le sujet tombe 
alors eu catalepsie, soit en les fermant et en comprimant légère- 
ment les globes oculaires pour plonger le sujet dans l'état léthar- 
gique. 



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SOCIETES SAVANTES. 125 

Lorsqu'on a présents à Fesprit les différents caractères de ces 
étals, il est facile de les reconuaitre sur un sujet hypnotique quel- 
conque et d'éviter, comme on Ta fait trop souvent, d'attribuer à la 
léthargie ou à la catalepsie des phénomènes qui appartiennent au 
troisième état. 11 est indispensable, dans toutes les expériences faites 
sur les hjrpnotiques, de pouvoir déterminer à chaque instant et 
d'une manière précise dans quel état le sujet se trouve sous peine 
d'erreurs graves. Maintenant que nous sommes en mesure de nous 
placer dans ces conditions, nous allons passer à l'étude des phéno- 
mènes qui doivent nous occuper spécialement dans les divers états 
de l'hypnotisme. 

I. Nous laisserons de côté l'état léthargique, parce que, bienquela 
sensibilité générale et spéciale ne soit pas totalement abolie, il est 
en général impossible d'impressionner le sujet avec assez d'inten- 
sité pour pouvoir communiquer avec lui et lui donner des sugges- 
tions ou des impulsions. 

II. Dans la catalepsie j on peut communiquer avec le sujet par des 
procédés très divers. Et d'abord, par l'intermédiaire du sens muscu- 
laire : ainsi, si on donne aux membres une attitude tragique, de 
menace, par exemple, on voit les sourcils se froncer et l'expression de 
la physionomie se mettre en accord avec la position des membres 
(Braid, Gharcot et Richer *). Inversement, si on électrise les 
muscles de la face et que Ton donne artificiellement au visage 
l'expression de la terreur, les membres vont prendre une attitude 
correspondante (Chariîot et Richer*). Les phénomènes d'association 
se manifestent d'une manière instantanée pour ainsi dire et les 
attitudes plastiques ainsi obtenues sont aussi permanentes que celles 
de la catalepsie en général. 

Le sujet cataleptique peut encore être impressionné par les 
organes des sens •. Ainsi, si on frappe vivement son attention en 
lui parlant brusquement, on peut lui suggérer l'idée qu'elle entend 
une voix amie ou détestée et tout de suite la physionomie prend 
l'expression de l'affection et de la joie, ou de la haine et de la 
terreur. 

Si on attire son regard en agitant la main devant ses yeux et 
que, par des gestes appropriés, on figure un objet agréable ou 
horrible, on provoque les mômes modifications de l'expression ; on 

• Gharcot et Richer. — Contribution à Vétude de l'hypnotisme chez les 
hystériques, {Archives de Neurologie, 1881 et 1883.) 

• Gharcot et Richer. — Note on certain facts of cei^ebral automatism 
observed in hysteria, during ihe caialeptic period of hypnotism. (Journal 
of nervous and mental science, t. X, i883.) 

• Bourneville et Regnard. — Iconographie photographique de la Salpé' 
trière, t. III, p. U9. — P. Richer. — Etudes cliniques sur la grande 
hystérie, '\n-^^l%%\. 



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126 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

les reproduirait de même en faisant porter les suggestions sur les 
sens du goût ou de Todorat. 

Mais, tandis que, par Tin termédi aire du sens musculaire, on 
n'obtient que des attitudes flxes, des actes purement mécaniques 
en quelque sorte, lorsqu'on agit sur les sens spéciaux, on peut pro- 
voquer des mouvements automatiques combinés et rationnels d'une 
certaine durée. Ainsi, si on suggère an sujet Tidée d'un bruit 
terrible et continu ou d'un animal effrayant qui le poursuit, il 
fuit en poussant des cris de terreur ; si on lui suggère Tidée d'un 
oiseau qu'on lui met dans les mains, il le caresse pendant 
quelques instarfts avant de retomber dans l'immobilité cataleptique. 

Dans cet état, les sens peuvent devenir le point de départ de 
mouvements automatiques beaucoup plus prolongés que l'on peut 
^'expliquer par la persistance de l'impression sensitive et par une 
association d'idées antomatiques qui fait que le contact d'un objet 
suggère l'idée de s'en servir. La nommée B... étant plongée dans 
l'état cataleptique, on lui met dans les mains son crochet et son 
ouvrage commencé ; elle régularise la position des deux objets, 
et se met à faire des mailles, mais elle fait toigours le même mou- 
vement et la même maille. Elle fait une tresse sans fin qu'elle ne 
relie pas au reste de l'ouvrage. Ce travail peut durer des heures, 
toujours avec la même régularité automatique. Un fait intéressant 
à noter, c'est que, pendant que le sujet est ainsi occupé à son tra- 
vail automatique, si l'on vient à fermer un œil, le côté corres- 
pondant du corps tombe dans l'état léthargique, le bras reste immo- 
bile dans la résolution, tandis que l'autre main continue à faire les 
mêmes mouvements combinés qui sont devenus inutiles par leur 
isolement, mais qui ne cessent que lorsque l'objet tenu dans la 
main vient à tomber. Donc, même pendant l'activité automatique, 
il reste possible de dédoubler le sujet (hémicatalepsie, hémilé- 
thargie). 

D'autres actes analogues peuvent être provoqués par le seul fait 
de placer dans la main du sujet hypnotique les instruments qui 
servent à les accomplir, à condition, toutefois, qu'il en connaisse 
préalablement l'usage : un objet inconnu ne provoque aucune 
suggestion. Dans tous ces actes, il est difficile de dire quel est le 
sens qui prend le plus de part à la suggestion ; il semble, la plupart 
du temps, que ce soit le toucher. 

Certains actes qui ne sont pas purement mécaniques, comme 
l'action d'écrire, par exemple, qui nécessite la mise en jeu, non 
seulement de la main qui trace les caractères, mais encore de la 
pensée qui les coordonne dans un certain ordre, ne peuvent pas 
être suggérés par la seule présence de l'instrument qui sert 
à l'accomplir. Si on met une plume entre les doigts de B... en 
catalepsie, elle prend l'objet^ mais mollement, et la laisse tomber 
au bout de quelques instants, sans avoir fait un mouvement pour 



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SOCIÉTBS SAVAMTBS. 127 

s'en senrir. Si, tandis qu'elle la tient, on lui dicte à haute voix les 
mots les uns après les autres, ou mieux encore syllabe par syllabe, 
on arrire à lui faire tracer quelques phrases avec Torthographe 
qu'elle connaît; mais les lignes sont irrégulières, précisément 
parce qu'elle» sont écrites sous Tiniluence de suggestions succes- 
sives et sans lien pour le sujet. Cependant, en prenant soin de 
rectifier la position de la main, on peut obtenir un autographe à 
peu près impossible à distinguer de ceux qui sont composés pen- 
dant la veille. Je n'insisterai pas maintenant sur les conséquences 
possibles de ces sortes d'actes suggérés pendant l'état catalep- 
tique, et qui ne peuvent laisser aucun souvenir, puisque le sujet 
est absent au moment où il les accomplit. 

Ces différenfs actes consécutifs aux suggestions provoquées par 
L'intermédiaire des organes des sens, montrent que les objets 
qui les déterminent sont sentis d'une façon précise, et que, lors- 
qu'il s'agit d'objets imaginaires dont l'idée a été inculquée soit 
par la voix, soit par les gestes, ces derniers sont sentis comme 
s'ils existaient réellement; les objets qui Ggurent dans une halluci- 
nation provoquée sont perçus comme des objets réels. Nous avons 
pu en fournir la preuve en particulier en ce qui concerne la 
vision i : si l'on fait approcher ou éloigner l'objet, on voit la pu- 
pille se dilater proportionnellement. 

C'est là un phénomène qui écai^te toute idée de simulation. 
Ajoutons que, pendant la durée de l'hallucination visuelle, la sensi- 
bilité générale de l'œil est profondément modifiée chez certains 
sujets; en eifet, dans l'état cataleptique, la conjonctive et la 
cornée, en dehors du champ pupillaire, sont en général insensibles. 
Sur la plupart des sujets, on peut les toucher avec un corps étran- 
ger sans provoquer de réflexes palpébraux ; chez P..., par exemple, 
sitôt qu'on a développé une hallucination visuelle, la sensibilité 
des membranes externes de l'œil revient dans l'état où elle existe 
dans la veille. Ce fait vient à l'appui de ceux que nous avons déjà 
apportés pour établir la corrélation qui existe entre la sensibilité 
spéciale non seulement dans l'hystérie*, mais encore dans les 
lésions organiques du cerveau '. Jusqu'ici, nous n'avons parlé que 
des suggestions et d* hallucinations temporaires^ ne persistant que 

* Ch. Féré. — Mouvements de la pupille et propriétés du prisme dans les 
hallucinations provoquées des hystériques. {Société de Biologie^ 17 décembre 

1881. — Archives de Neurologie, 1882, t. III, p. 291.) 

« Gh. Feré. — Note sur quelques phénomènes obsen^és du côté de l'œtl 
chez les hystéro-épileptiques, soit pendant Vattaque^ soit en dehors de 
V attaque. {Société de Biologie y 29 octobre 1881, ef Archives de Neurologie, 

1882, t. III, p. 281.) — Hémi-hyperesthésie sensitive et hémi-anesthésie 
sensorielle. (Société de Biologie, 5 novembre 1881.) 

s Gh. Féré. — ContribtUion à l'étude des troubles fonctionnels de la 
vision par lésions cérébrales, 1882, p. 147, 149, 198, etc. 



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128 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

pendant la durée de l'état cataleptique, et suivies d'actes automa- 
tiques relativement peu compliqués. Notons que l'on peut encore, 
pendant cet état, suggérer des hallucinations persistantes qui durent 
après le réveil, et dont la réalité est mise en évidence par ce fait 
que, dans Thallucination visuelle, on peut dédoubler l'image fictive 
en plaçant un prisme devant un des yeux ou en déviant méca- 
niquement un globe oculaire, toujours l'image fausse est placée 
conformément aux lois de la physique. 

m. Mais c'est surtout dans Tétat de somnambulisme provoqué * 
que l'on peut étudier les hallucinations persistantes et complexes 
parce que les sens sont plus facilement impressionnés ; et, le sijget 
répondant beaucoup mieux aux interpellations, il est plus facile 
d'entrer en communication avec lui. 

Dans le somnambulisme provoqué, on peut suggérer à l'hypno- 
tique des illusions ou des hallucinations diverses de l'ouïe, de l'odo- 
rat, du goût, de la vision, du toucher, qui persistent quand le 
sujet est réveillé. En ce qui concerne les hallucinations visuelles, 
leur réalité peut être démontrée encore comme précédemment 
par la déviation du globe oculaire, par l'interposition d'un prisme 
devant Tun des yeux. Si l'objet de l'hallucination visuelle consiste 
en un portrait, par exemple, placé sur un plan fixe, sur une table, 
un corps quelconque placé sur la table masque l'image. Si, au 
contraire, la suggestion a placé le portrait sur un plan mobile, sur 
une plaque de carton dont les deux faces offrent une apparence 
tout à fait identique, l'image sera toujours vue sur la même face 
du carton, et quel que soit le sens dans lequel on le lui présente, 
l'hypnotique saura toujours placer les faces et les bords dans la 
position qu'il occupait au moment de la suggestion, de telle façon 
que l'image ne soit ni renversée, ni même inclinée. Si on renverse 
le carton suivant ses faces, le portrait n'est plus vu. Si on le ren- 
verse suivant ses bords, le poi'trait est vu la tête en bas. Jamais 
l'hypnotique n'est prise en défaut, qu'on lui couvre les yeux, que 
l'on se place derrière elle, pendant que l'on change les positions 
de l'objet, les réponses sont toujours parfaitement conformes. 

Il faut remarquer que, pour que l'objet soit toujours vu suivant 
les mêmes proportions, il faut que le plan sur lequel son image a 
été suggérée soit toijgours à la même distance du si:get. Ainsi, 
supposons que l'hypnotique étant convenablement préparée, on 
place un ruban métrique sur une feuille de papier blanc et qu'on 
lui suggère l'idée que l'on marque un point noir en face de chaque 
division centimétrique : après le réveil de la somnambule, on lui 
dit de marquer un trait sur chaque point imaginaire ; elle fait une 

^ Ch. Richet. — Du somnambulisme provogué {Journal de tÀnatomie et 
de la Physiologie^ 1875; Hevue philosophique, 1880; Archives de Physio- 
logie, l«8i, etc.) 



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SOCIBTES SAVANTES. 1^9 

série de lignes qui sont toutes à égale distance, mais séparées par 
un intervalle plus grand qu'un centimètre. L'erreur est due à ce qu'il 
a fallu rapprocher le papier pour tracer les lignes et que les inter- 
valles, vus de plus près, ont paru plus considérables. En somme, 
cette erreur n'est qu'une preuve de plus de l'objectivité de la 
sensation. Quand l'objet sur lequel figure l'hallucination peut être 
éloigné ou rapproché, au gré de l'hypnotique, l'image est toujours 
vue avec ses dimensions exactes, comme le montre l'expérience 
suivante : 

Sur une feuille de papier blanc, nous plaçons une carte égale- 
ment blanche ; avec une pointe mousse, mais sans toucher le pa- 
pier, nous suivons le contour du carton en suggérant l'idée d^une 
ligne tracée en noir. Quand le sujet est réveillé, nous lui deman- 
dons de plier le papier suivant ces lignes fictives ; il tient le papier 
à la distance où il était au moment de la suggession, et il le plie 
en formant un rectangle exactement superposable à la carte. 

Nous avons insisté en particulier sur les hallucinations de la vue, 
parce que ce sont celles dont la réalité peut être le plus facilement 
contrôlée, mais les hallucinations et les illusions provoquées de 
l'odorat, de l'ouïe, du goût, du toucher ne sont pas moins saisis- 
santes. 

Nous allons résumer quelques-unes des conséquences des sug- 
gestions, illusions ou hallucinations provoquées des sens supé- 
rieurs. 

Vue, — On peut suggérer une appréciation fausse sur la forme 
d'un objet que le 8i]get verra plus grand ou plus petit ou déformé. 
Si, par exemple, on lui inculque l'idée que telle personne a une 
difformité quelconque du visage, on verra la somnambulique, encore 
plusieurs heures après son réveil, prendre une expression de dé- 
goût ou d'horreur, et cela, toutes les fois que son regard se portera 
du côté de cette personne qui deviendra un objet de répulsion quel- 
quefois permanente; nous avons employé cette manœuvre avec 
succès pour faire cesser des relations de certaines hystériques. 
L'illusion peut aller jusqu'à produire une erreur sur l'identité d'une 
personne : telle hypnotique à l'état de veille ira prodiguer des 
caresses à une personne qu'elle déteste notoireolent, si pendant 
le sommeil somnambulique on lui a suggéré l'idée qu'il s'agit 
d'une autre personne qu'elle aime, et l'erreur peut durer dans 
certains cas toute une journée jusqu'à ce que le sommeil 
naturel ou une attaque soit venue interrompre l'illusion. 
L'hallucination n'est pas moins persistante, le siyet pourra 
voir pendant toute une journée un objet imaginaire, une personne 
absente dont on aura évoqué la présence pendant le sommeil 
somnambulique. 

Ouie. — Sous l'influence de la suggestion, l'hypnotique confond 
la voix d'une personne inconnue avec celle d'une personne connue 

ARCHIVES, t. VL 9 



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130 80CIÊTB8 SAVANTES. 

et absente ; elle peut entendre des voix qui n'existent nullement, 
qui lui donnent des ordres, qui lui répètent des injures, des paroles 
obscènes, etc. 

Goût. — Si on a présenté à Thypnotique un morceau de papier, 
par exemple, en lui disant que c'est un gâteau, à son réveil, elle 
va le manger avec délices. Dans d*autres circonstances, elle sera 
convaincue que les aliments sont empoisonnés. Si on lui a suggéré 
ridée d'une substance nauséeuse, la sensation pourra être assez 
intense pour provoquer le vomissement. 

Odorat — Il peut devenir le siège de sensations erronées du 
même genre. Le sujet sentira, par exemple, qu'on lui envoie de 
mauvaises odeurs par le trou de la serrure, etc. 

Il faut remarquer que les hallucinations provoquées peuvent être 
Mnîla<érate«; un objet fictif peut être vu d'un seul œil, une voix 
imaginaire entendue d'une seule oreille, etc., si l'auteur de la sug- 
gestion l'a voulu ainsi, tandis que, l'organe du côté opposé conserve 
sa sensibilité normale. Ou encore on peut suggérer une hallucina- 
tion d'un côté, tandis que l'on supprime complètement la vue du 
côté opposé, qu'en inculquant en même temps l'idée de cécité, de 
surdité unilatérale. Dans d'autres circonstances, enfin, on peut sug- 
gérer des hallucinations difiérentes de chaque côté; M. Dumontpal- 
lier a déjà signalé des faits de ce genre. 

Les illusions et les hallucinations de toucher revêtent des formes 
encore plus variées; tous les modes de la sensibilité de la peau peu- 
vent être atteints ensemble ou séparément. Une des plus curieuses 
hallucinations de ce genre est celle qui résulte de la suggestion 
d'une plaie: le sujet décrit la douleur d'une manière dififérente, sui- 
vant qu'il s'agit d'une plaie par instrument tranchant ou par ins- 
trument contondant; toutefois, sa description ne répond à la réalité 
que s'il a antérieui*ement éprouvé un de ces accidents. Mais ce qui 
est le plus remarquable, c'est qu'eu même temps se développe 
l'hallucination de la vue : le sang coule, etc., et il résulte un délire 
systématisé plus ou moins persistant dans lequel l'halluciné se plaint 
de douleurs imaginaires, se fait des pansements appropriés, porte 
son bras en écharpe, tout comme s'il s'agissait d'une plaie véritable. 

Gela nous conduit à dire que les illusions et les hallucinations 
des sens spéciaux peuvent être provoquées simultanément et se 
combiner : l'hypnotique peut être amenée, par exemple, k faire 
erreur sur l'identité d'une personne ou à accepter la présence 
d'une personne absente dont elle reconnaîtrait les traits, la voix, 
etc. On comprendra les conséquences possibles de cette illusion ou 
de cette hallucination, si un acte délictueux ou criminel venait à 
être commis sur l'hypnotique ou devant elle, dans ces circons* 
tances; il en résulterait une accusation portant sur un innocent et 
qui serait soutenue avec la conviction la plus profonde. L'illusion ou 



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80CIBTBS SAVANTES. 131 

rhallucinaiiou peut porter sur l'acte lui-même et conduire à des 
conséquences analogues. 

Ce n'est pas seulement sur les sens que peuvent porter les sug- 
gestions: il est possible de provoquer des illusions et des hallucina- 
tiens viscérales ; la sensation d'un corps étranger dans l'intérieur du 
corps, etc., etc. Mais les suggestions les plus remarquables de ce 
groupe, celles dont Teflet est le plus facile à contrôler sont celles 
qui ont trait aux besoins naturels. S'il s'agit de la soif ou de la 
faim^ sitôt après son réveil l'hypnotique réclame avec insistance à 
manger ou à boire, et si on lui présente des aliments ou une boisson 
elle les avale gloutonnement. Si la suggestion porte sur le besoin 
d'uriner, etc., on voit le sujet à peine éveillé prendre une attitude 
embarrassée; cberche-t>on à le retenir en lui offrant ce qu'il 
convoite avec le plus d'ardeur, il ne tient aucun compte des offres 
qu'on lui fait et bientôt il s'échappe en courant pour aller sa- 
tisfaire son besoin imaginaire. La suggestion de sensations gêné- 
siques provoquerait des désirs tout aussi impérieux et dont on peut 
prévoir les conséquences. 

G*est ici Je lieu de rappeler que, chez quelques hystériques, il 
existe sur certains points du corps des régions {zones éragénes) ^ 
qui ne sont pas sans analogie avec les zones hyslérogènes, et dont 
le simple attouchement, dans l'état de somnambulisn^ provoqué, 
détermine des sensations génitales assez intenses pour amener 
lorgasme. Une nommée W... offrait au niveau de la partie supé- 
rieure du sternum une zone de ce genre, dont la simple pression 
provoquait une sécrétion abondante de liquide vulvo-vaginal. Ces 
phénomènes ont été provoqués plusieurs fois, à l'insu de l'observa- 
teur, qui eût pu se trouver sous le coup d'une accusation des plus 
graves, s'il n'avait pris la précaution indispensable, dans ces con- 
ditions, de n'être jamais seul avec le sujet. Si nous rapprochons de 
ce fait la possibilité de suggérer à la somnambule l'hallucination 
de la présence d'un individu quelconque, on comprendra à quelles 
mystifications coupables on peut arriver. 

Ce n'est pas tout : ce n'est pas seulement sur les sens et sur les 
viscères que peuvent se manifester les suggestions de sensations 
fausses, il est possible de suggérer l'idée d'une altération de struc- 
ture de toute la substance; l'hypnotique, par exemple, va se réveiller 
tout étonné en disant : « Je suis de verre, ne me touchez pas ; » et, 
comme conséquence de cette idée fausse, il va se développer 
un délire systématisé. D'autres délires du même genre peuvent 
être créés à volonté, dès qu'on a suggéré une sensation fausse por- 
tant sur l'un quelconque des sens spéciaux. 

Nous avons montré plus haut qu'O est possible de reconnaître 

1 Ghambard. — Du somnambulisme en gériérrU; nature^ analogies j 
signification nosologique, elc. Thèse de Paris; 1881. 



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192 SOCIÉTÉS SAVAMTB8. 

que, dans les hallucinations sensorielles provoquées, les supercheries 
ne peuvent entrer pour rien. La simulation n'a aucune part non 
plus dans les phénomènes dont nous venons de parler ; la sincé- 
rite de la sensation et du délire est démontrée indirectement par 
Texpérience suivante : W...estdans le sommeil somnambulique pro- 
voqué ; nous lui inculquons Tidée qu'à son réveil son bras droit 
sera paralysé. Notre étonnement fut grand, quand^ à son réveil, 
nous la trouvons non seulement avec une paralysie flasque du bras 
droit, mais dans Timpossibilité d'articuler un mot : Tintelligence 
éuit intacte; elle comprenait parfaitement tout ce qu'on lui disait; 
mais la pointe de la langue était fortement attirée à gauche, et se 
mouvait difficilement. Le sujet ne pouvait pas deviner que cette coïn- 
cidence, intéressante à plus d'un titre, fût possible. Cette association 
s'explique par le voisinage des centres moteurs du membre supé- 
rieur dîroit et des muscles qui concourent à la fonction du langage 
articulé dans Técorce de l'hémisphère gauche du cerveau. 

On pourra s'étonner que les sujets se réveillent ainsi avec une 
difformité grave ou dégoûtante, c'est à peine s'ils marquent du 
chagrin. S'il ne s'y joint pas une sensation fausse de douleur, il 
est rare qu'ils s'affligent; il semble qu'ils sont parfaitement rassurés 
sur l'issue de l'accident. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit 
d'hystériques et que les hystériques supportent avec la plus grande 
indifférence toutes les misères qui surviennent spontanément et 
tout aussi brusquement du fait de leur maladie : on en voit, par 
exemple, rester coutracturées de plusieurs membres pendant des 
mois, sans marquer d'impatience, sans se plaindre de leur sort, 
comme le feraient des malades atteints de la même infirmité pro- 
duite par une lésion organique. C'est là une particularité bien 
connue du caractère des hystériques. 

En outre des illusions et des hallucinations, il est encore possible 
dans l'état de somnambulisme provoqué de suggérer des idées 
fUees, des impulsions irrésistibles auxquelles l'hypnotique réveillée 
obéira avec une précision mathématique. Ainsi nous montrons à la 
somnambule, sur un plan uni, un point fictif que nous ne pourrons 
retrouver que par des mensurations multiples et nous lui comman- 
dons d'enfoncer un canif sur ce point après son réveil : elle 
exécute l'ordre sans hésitation, avec une exactitude absolue en 
rapport avec la netteté de l'hallucination visuelle. Un acte criminel 
serait exécuté avec la même ponctualité. Notons que cet acte peut, 
à la volonté de l'expérimentateur, n'être accompli que plusieurs 
heures, plusieurs jours peut-être après la suggestion; les faits de 
cet ordre rapportés par M. Ch. Richet ^ ne sont point exception- 
nels; nous en avons observé un certain nombre. 

* Ch. Richet. — La pei^sonnalité et la mémoire dans le somnamhU" 
lisme. {Revue philosophique^ 1883, p. i25.) 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 133 

11 faut remarquer que pour obtenir soit les illusions et les hallu- 
cinations, soit les impulsions irrésistibles, il est nécessaire que le 
somnambulisé ait répondu à Tordre de suggestion par un signe 
d'intelligence et de consentement; et, dans le dernier cas, l'acte est 
accompli avec d'autant plus de rapidité et d'énergie que la sugges- 
tion a été donnée avec plus d'autorité. Lorsque le commandement 
a été fait doucement, mollement, l'hypnotique se trouve, au réveil, 
dans mi état d'esprit très intéressant à étudier. On la voit inquiète, 
obsédée par l'idée fixe d'accomplir un acte ridicule et dégoûtant, 
d'aller embrasser un crâne, par exemple; elle hésite longtemps, 
quelquefois même elle exprime son hésitation: « Je suis donc folle! 
J'ai envie d'aller embrasser ce crâne. C'est absurde, je voudrais ne 
pas y aller, mais je sens que je ne résisterai pas, etc. ». Le fait est 
qu'elle y va. C'est la reproduction expérimentale de l'altération de 
la volonté qu'on retrouve dans certains aliénés qui, eux aussi, « vou- 
draient bien, mais ne peuvent pas vouloir ^ )). La réaction indivi- 
duelle' du sujet est atténuée; c'est l'auteur de la suggestion qui 
veut et il ne peut pas ne pas obéir. L'hypnotique est absolument 
le sujet de l'expérimentateur ; sa responsabilité morale est nulle. 

Ces faits montrent que Thypnotique peut devenir un instrument 
de crime d'une effrayante précision et d'autant plus terrible que, 
immédiatement après l'accomplissement de l'acte, tout est oublié ; 
l'impulsion, le sommeil et celui qui l'a provoqué. Nous pourrions 
citer un certain nombre d actes, au moins inconvenants, commis par 
des hystériques, et qui n'étaient autre chose que des miniatures de 
crimes expérimentaux accomplis par un sujet inconscient, dirigé 
par un coupable resté inconnu. 

11 faut noter que certains individus peuvent avoir sur une 
hypnotique donnée une influence spécialement active, une action 
élective, une puissance suggestive plus marquée que d'autres. 
D'autre part, une hypnotique peut résister à une suggestion déter- 
minée qui se trouve en opposition, par exemple, avec un sentiment 
profond : une de nos malades avait conçu une affection très 
vive pour un homme, elle avait eu beaucoup à en souffrir ; mais sa 
passion n'était pas éteinte. Si on évoquait la présence de cet homme, 
elle donnait immédiatement les signes d'une grande affliction; 
elle voulait fuir, mais il était impossible de lui faire consentir 
un acte quelconque qui aurait pu être nuisible à celui dont elle 
avait été la victime; elle obéissaità tout autre ordre d'une manière 
automatique. En somme, la réaction individuelle, la volonté, n'est 
pas complètement abolie ; l'hypnotique parait conserver son iden- 
tité morale pour les actes habituellement et énergiquement voulus ; 

1 Billod. -^ Ànn. méd. psych,, 1847, et Des Maladies mentales et ner- 
veuses, 1882, t. i^y p. 144. 
• Ribot. — Maladies de la volonté, 1883. 



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Idi 80GIBTBS SAVANTES. 

elle est complètement supprimée dans les autres circonstances. 

Que Ton veuille bien considérer que l'état de sujétion de l'hypno- 
tique, n'est point en contradiction avec ce que Ton observe à 
]*état normal ; il s'açrit seulement d'une exagération des phéno- 
mènes, qui permet de mieux comprendre ce qui se passe chez les 
sujets, regardés comme sains d'esprit, et qui subissent d'une 
manière inconsciente l'influence d'une volonté étrangère se subs- 
tituant à la leur, en les rendant pour ainsi dire insensibles à toute 
autre excitation extérieure. La résistance absolue de la somnam- 
bule dans une circonstance donnée met en évidence la nécessité 
d'être ce qu'on a l'habitude d'être. L'homme, dont la sensibilité 
est normale et est réputé en équilibre mental, réagit à chaque 
impression qu'il subH; mais la réaction n'est pas assez rapide 
pour qu'il ne tienne pas compte des impressions antécédentes. 
A l'état normal, le temps qui s'écoule entre l'excitation et le 
réflexe est assez long pour qu'on ait pu croire à un libre choix ; 
dans certaines conditions pathologiques au contraire, chez l'hys- 
térique, par exemple, qui jouit d'une véritable hyperexcitabilité 
psychique, les réflexes sont plus brusques, parce que les sensa- 
tions sont plus intenses, l'excitation la plus faible est immédiate- 
ment suivie d'une réaction dont la rapidité exclut l'idée de rai- 
sonnement, et qui rend compte de la mobilité de ces sujets. Chez 
l'hypnolique somnambuiisée, la réaction individuelle est suppri- 
mée, la volonté est annulée ou du moins atténuée dans la même 
proportion que la sensibilité. Pendant le sommeil somnambu- 
lique, l'expérimentateur exerce sur l'excitabilité du sujet une 
action inhibitoire qui se manifeste après le réveil, et d'où il résulte 
que la somnambule ne peut plus, pendant une période indéter- 
minée, avoir de réactions propres et obéit passivement aux sugges- 
tions. En somme, dans tous ces faits, l'existence d'un libre arbitre 
et d'une responsabilité morale ne peut pas même être mise en 
question; il s'agit de modiGcations de la sensibilité qui comman- 
dent des modifications de réaction. 

Lorsque des hystériques hypnotisables ont servi de sujet au même 
expérimentateur pendant plusieurs jours, elles finissent souvent 
par rester dans un état d'obsession permanente; elles sont pos- 
sédéeSf pour ainsi dire, aussi bien le jour, pendant la veille, que la 
nuit dans leurs rêves. Cet état d'esprit s'accompagne d'hallucina- 
tions spontanées dont la forme varie, mais dont l'expérimentateur 
est toujours l'objet. Telle deviendra succube, telle autre sera tour- 
mentée, embrassée, etc. Si plusieurs sujets se trouvent réunis dans 
les mêmes conditions et s'il y a des confidences échangées, il pourra 
en résulter une sorte d'épidémie de délire hystérique, dans lequel 
les hallucinations seront suivies d'impulsions, d'actes violents, etc., 
qui rendent compte des différentes péripéties du drame qui s'est 
terminé par la mort d'Urbain Grandier. Nous avons assisté à une 



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S0CIBTB8 SAVANTES. 135 

ébauche de persécution de ce genre qui a suffi à nous montrer 
que ces sortes d'expérimentations devaient être conduites avec la 
plus grande prudence. 

Dans cette étude succincte, nous nous sommes surtout attaché à 
montrer : !• que, dans divers états de l'hypnotisme, il est possible 
de provoquer des illusions^ des hallucinations, des impulsions irré- 
sistibles, etc., dans lesquelles la supercherie ne joue aucun rôle ; 
2« qu'en conséquence, on peut déterminer des délires expérimentaux 
d'un grand secours pour l'étude des délires spontanés ; 3* que la 
médecine mentale peut trouver dans Thystérique hjrpnotisable un 
précieux sujet d'expérience. 

Mais la possibilité de l'expérimentation en médecine mentale 
n'est pas le seul point intéressant qui soit mis en lumière par ces 
faits, dont l'importance, au point de vue médico-légal, ne peut 
échapper. Nous avons cru d'autant plus important de montrer que 
l'hypnotique peut devenir un instrument de crime que des faits 
récents prouvent que l'expérimentation sur ces si:gets n'est pas 
seulement pratiquée par des médecins et dans un but de recherche 
scientifique. 

M. Legrand du Saulle lit un rapport médico-légal sur un cas de 
vertige épileptique. (Sei*a publié in extenso,) 



CONGRÈS ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS 
ALIÉNISTES ALLEMANDS. 



SESSION D EISENâCE. 

Séance du 13 septembre 1882. 

La table présidentielle est occupée par MM. Lœhr, Nasse, Zinn ; 
secrétaires : MM. Tuczek et Ullrich. 

M. le président Nasse ouvre la séance par des paroles de bien- 
venue. 11 explique qu'on a choisi ce lieu de réunion pour le faire 
concorder avec celui du congrès des naturalistes. Berlin, qui avait 
d'abord été désignée, dut être abandonnée après l'incendie de l'ex- 
position d'hygiène de cette ville. Lettres d'excuses de MM. Westphal, 
Hergt, Schtile, Jung, Sioli. La Société a perdu pendant l'année 
MM. Runge, Siebert, Levinstein; ces collègues laissent d'unanimes 



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136 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

regrets : l'assemblée s'associe aux paroles du président et se lève 
en rhonneur de leur mémoire. Appel nominal tenant lieu de pré- 
sentation mutuelle. 

L'ordre du jour appelle le rapport du bureau sur la mise à 
exécution des conclusions votées par la Société dans sa dernière 
séance *. — En ce qui concerne les asiles pour buveurs, aucune 
proposition n'ayant été soumise au Reichstag dans le courant de 
Tannée, le bureau s'est contenté d'envoyer au chancelier une 
longue lettre qui rappelle les décisions de la Société. M. Nasse fait 
ressortir en outre que, malgré le statu quo, la question prend de 
jour en jour plus d'importance dans l'opinion publique. En mars 
deiTiier, des médecins, des économistes, des ecclésiastiques, ont 
échangé, dans la province du Rhin, des pourparlers ayant pour 
but de fonder en Allemagne une société contre l'abus de l'alcool, 
à l'instar de colles de la France, de la Hollande el de la Belgique. 
Le 28 octobre prochain, à l'occasion du congrès ressortissant à la 
politique sociale et à la charité publique, doit se tenir àFrancfort- 
sur-le-Mein une conférence sur ce sujet; des invitations doivent 
être lancées par toute TAUemagne aux hommes de toutes profes- 
sions que la question intéresse. Il faudra saisir ce moment pour 
passionner le grand public, car c'est le seul moyen de supprimer 
les obstacles qui, se dressant encore devant nous, fout échec à la 
fondation des asiles pour buveurs et de faire reconnaître l'état 
d'esclavage psychique de ces malheureux.— Les modi/îcahons à faire 
subir aux cartes de recensement * des asiles ont également été sou- 
mises par. le bureau au ministère des cultes, au ministère de l'in- 
térieur, à la chancellerie. Le mémoire adressé en triple expédition 
propose le type adopté par la Société, conformément aux conclu- 
sions votées par elle. 

Enfin, le président consulte la Société sur l'opportunité de 
s'adresser, comme le demande M. le professeur Fûrstner, de nou- 
veau au Conseil fédéral, afîn de faire entrer dans les eicamens proba- 
toires la psychiatrie. 11 rappelle que la première pétition est 
demeurée sans réponse. M. Fûrstner insiste sur la nécessité de 
relever notre profession et d'éviter les scènes regrettables qui ont 
lieu à chaque instant publiquement, à propos des expertises 
médico-légales. Il veut des épreuves orales et la fréquentation 
d'une clinique, conformément aux décisions de la Commission 
compétente, consultative, réunie par le chancelier en 1878. La 
discussion à laquelle prennent part MM. Zinn etMendel, montre le 
bien fondé des arguments précédents. En conséquence, la Société 
invite le bureau à adresser de nouveau au ministre de l'intérieur 



» Archives de Neurologie, t. Y, p. 389. 
• Archives de Neurologie, t. V, p. 399. 



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SOCIBTÊS SAVANTES. 137 

une demande dans le même sens qu'en 1878, en arguant des 
nouveaux motifs. Adopté. 

M. de RiNECKER entre et prend place à la table présidentielle. 
Acclamations de joie de l'assemblée en l'honneur de son jubilé; il 
y a cinquante ans que l'éminent professeur est docteur. Le prési- 
dent communique à la Société, à la satisfaction générale, qu'une 
adresse lui a été envoyée au nom de la Société. M. de Rineckrr 
remercie de ces attentions qui, affirme-t-il, constituent son plus 
beau cadeau. 

M. Pelman. Soins préventifi à V égard des épileptiqves, — Il étudiera 
la question à lalumière du mémoire de Jolly, publié dans ]esArchiv 
fur Psychiatrie, Xlll, 2 *, tout en y apportant les résultats de son 
expérience personnelle. L'épilepsie comprend aujourd'hui des 
états divers, quant à la violence, à la durée, à la fréquence, qui 
revêtent les caractères communs d'intermittence, de convulsibillté, 
de vertige. C'est une maladie chronique qui souvent dure toute la 
vie et dont la complète guérison est une exception. L'auteur passe 
ensuite à quelques données statistiques concernant l'Allemagne. 
11 existe en moyenne 4,5 épileptique pour i,000 habitants; la 
Prusse comprend 40,000 épiieptiques sur 20,000,000 d'habitants; 
l'empire allemand comprend 67,500 épiieptiques sur 45,000,000 
d'habitants. La maladie porte chez 70 p. 400 des sujets sur les âges 
au dessous de vingt et un ans, chez 12 p. 100 sur les trois premières 
années de la vie. Les épiieptiques meurent généralement avant 
cinquante ans. Le sexe y est représenté à peu près en égale pro- 
portion. — Proportion des aliénés : 

Duché de Bade, sur 4,38S aliénés, en 4868, 224 épiieptiques. 

Duché de Wurtemberg, 7 p. 400 des aliénés sont épiieptiques. 

Autres états allemands, 2,4 à 42,7 p. 400 des aliénés sont épiiep- 
tiques. 

Asile de Stefansfeld, 5 p. 100 des aliénés sont épiieptiques. 

Prusse, fin décembre 1876, sur 44,953 aliénés, 4,144 sont épiiep- 
tiques. 

Province du Rhin, 1881 ; 23,3 p. 400 des aliénés sont épiiepti- 
ques. En somme 4/10 des épiieptiques sont en même temps des 
aliénés. Conclusions générales : 

1^ C'est aux asiles qu'incombent les épiieptiques aliénés, qu'ils 
soient atteints de perturbation mentale Iransiloire ou chronique. 
2oCeux qui, sans être aliénés, sont incapables de travail productif, 
et qui réclament un traitement hospitalier, doivent être répartis 
en des colonies organisées pour eux, colonies de grande étendue, 
établies à la campagne, où Ton puisse procurer aux malades des 
occupations fructueuses. 3® Les jeunes épiieptiques appartiennent 

• Archives de Neurologie, t. V, p. 369. 



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138 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

de droit à des installations particulières, dans le genre des asiles 
d'idiots et qui, dans certaines circonstances, pourront être annexés 
aux asiles d'idiots. 4® C'est la bienfaisance privée, fût-elle d'ordre 
religieux, qu'il convient de faire intervenir pour ces fondations, 
quitte à l'Etat à la soutenir s'il le faut. o° Auxépileptiquesquin'ont 
pas besoin ou n'ont besoin que passagèrement de soins hospita- 
liers, on réservera le traitement policlinique et l'admission tempo- 
raire dans les hôpitaux ou hospices; des quartiers spéciaux devront 
être institués à cet elfet. 

A la suite d'une longue discussion très nourrie, à laquelle parti- 
cipent MM. Binswanger, Pelman, Fûrstner, Mendel, Gudden, 
Zinn, Kessler, Rinecker, voici la motion générale adoptée à l'una- 
nimité. « La Société, reconnaissant la nécessité de soins préven- 
tifs meilleurs et plus complets pour les épileptiques, invite le 
bureau, en s'adjoignant parmi ses collègues des collaborateurs 
compétents, à examiner à fond le sujet et à présenter un compte- 
rendu sur la question au prochain congrès ». 

Le président propose ensuite de remettre au lendemain matin 
le mémoire sur le placement des criminels aliénés ; les membres 
de la Société seront plus dispos pour prendre part à la longue 
discussion que ce rapport soulèvera probablement. 

M. ScHWAAB. Assistance des invalides psych(ypatkes de la guerre de 
1870-71. — Sous ce titre, l'auteur attire l'attention de la Société sur 
le sort de ces malheureux, en réclamant son intervention. Trois 
catégories de vétérans aliénés ont, par suite de la nature même de 
leurs troubles intellectuels consécutifs au service de guerre, été 
exclus des bienfaits de la loi sur les pensions militaires. {^ Les uns 
étaient notoirement depuis longtemps atteints de raflediji men- 
tale à l'époque du délai dernier de forclusion; par suite il y avait 
impossibilité pour eux à revendiquer, et, de plus, l'inteliijjnce ou 
la bonne volonté de leurs proches leur faisait défaut, fo Les autres 
à la même époque parfaitement aliénés refusaient de le recon- 
naître, et leur entourage les considérait non comme des fous, 
mais comme des individus moralement pervers. 3^ D'autres enfin 
au même moment étaient depuis longtemps en puissance de la 
maladie, mais elle n'était pas développée. Tous ces invalides méri- 
tent qu'on s'occupe d'eux parce qu'ils sont incapables de travail, 
parce qu'ils ont besoin de soins, et qu'enfin ils sont, beaucoup 
d'entre eux notamment, privés de leur libre arbitre. Gomme c'est 
la guerre qui est la cause de leur maladie, c'est à TÉtat qu'incombe 
le devoir de les assister. 

Sur l'observation que les autorités que ce soin regarde n'ont 
jusqu'alors cessé de témoigner de leur bienveillance et de leur 
libéralité en pareille occurrence (Gudden, Loechner), que c'est 
affaire de réclamations relatives à chaque cas particulier et n 



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S0CIBTB8 SAVANTES. 139 

d*une déclaration générale de la Société, M. Schwaab retire sa 
motion. 

M. ZiNN présente, pour clore la séance, les comptes de la Société 
qui se résument en 228 marcs S2 de bénéfices en caisse. Vérifica- 
tion de MM. Fûrstner et Brosuis. Pendant cette vérification, 
MM. de Rinecker et Zuin sont élus de nouveau comme membres du 
bureau. 

Séance du 16 septembre 1882. 

« 

Il parvient au bureau pour être distribué un tirage à part du 
Zeitseh. des Kônîgl. preuss. Staiist, Bureaus^ année 4882, intitulé : 
Les Infirmes dans la population prussienne au l'^^ décembre 4880, 
par le D' Guttstadt. 

Le président ouvre la séance en donnant la parole au rappor- 
teur, M. ZiNN, sur le placement des personnes aliénées ou suspectes 
^aliénation mentale, qui sont, pour cause de crime o*i délit, inculpées, 
accusées ou condamnées. C'est le résumé de l'ensemble des questions 
scientifiques, administratives, hospitalières et pénales qui se ratta- 
chent à ce sujet ^ En voici les conclusions : 

4* Dans les asiles d'aliénés, on ne peut ni ne doit prendre de 
dbpositifs spéciaui, ordonner des installations particulières pour 
les personnes déjà reçues à l'établissement comme aliénées ou 
soupçonnées atteintes d'aliénation mentale, qu'elles soient préven- 
tivement séquestrées, que leur peine ait cours, ou que leur temps 
de pénalité ait pris fin; le médecin prendra à leur égard les mêmes 
mesures que celles sur lesquelles il peut compter à l'éf^ard des 
malades dangereux, et rien de plus. Les principes, les précautions 
en usage pour le traitement, la surveillance et la sécurité des 
malades dangereux, leur sont seuls applicables. L'asile d'aliénés 
est impuissant en pareils cas à fournir contre les évasions, les 
suicides, les homicides et la sécurité publique les mêmes moyens 
de préservation que rétablissement pénitentiaire. 

Il est du devoir des directeurs d'asiles de conserver à leur éta- 
blissement son caractère hospitalier en toutes circonstances, et de 
décliner toute responsabilité à l'égard d'exigences plus étendues. 
2^ L'instruction et l'expérience psychiatriques sont absolument 
indispensables aux médecins des établissements pénitentiaires. 
3» Les psychoses aiguës, et celles que l'on suppose devoir évoluer 
promptement chez les prisonniers, seront traitées à la prison. 11 
faut dans ce but créer des installations spéciales là où elles man- 
quent. 4*» On doit s'efforcer d'ériger des établissements péniten- 
tiaires et des prisons, pour les condamnés atteints d'affaiblisse- 

ï Société psychiatrique de Berlin, 1882. [Archives de Neurologie, t. V, 
p. 40e. 



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140 SOCIÉTÉS SA.VANTBS. 

ment physique et psychique, semblables aux prisons d*inYaIides 
qui existent en Angleterre. C'est à ces prisons-là qu'il faut ratta- 
cher des quartiers d'aliénés qui satisfassent à toutes les exigences 
des soins à donner aux aliénés. On transférera dans ces quartiers 
tous les prisonniers en cours de peine devenus fous, à la condition 
qu'ils tombent sous le coup de la conclusion n" 3, qu'ils consti- 
tuent des criminels proprement dits. Us y seront laissés tant qu'ils 
seront dangereux pour la sécurité publique. M® Les personnes qui 
en état d'aliénation mentale ont commis un délit ou un crime, 
seront traitées et soignées, tant qu'elles auront besoin de soins 
hospitaliers, dans un asile d'aliénés habituel, il n'y a pas lieu 
d'enfermer de tels malades dans un asile pour criminels aliénés, 
ou dans un quartier pénitentiaire d'aliénés. 6" Les personnes dont 
on instruit l'affaire ou dont l'état mental parait douteux à l'époque 
de l'acte délictueux, peuvent ôtre soumises à l'observation sans 
balancer dans un usile d'aliénés, si elles ne sont pas des criminels 
antérieurement condamnés et très dangereux. 

Le rapporteur fait remarquer en terminant que ces conclusions 
toutes provisoires n'ont été rédigées par lui que pour fournir des 
points de repère à la discussion. Elle a lieu en eflfeL A la suite 
des développements présentés par MM. Gutsch, Gudden, Hitzig, 
Fiirstner, Ideler, Snell, Mendel, Binswanger, Nasse, l'assemblée se 
rattache unanimement à la motion de Zinn, dressée par lui sur 
les bases de ses conclusions. Cette motion, dont les termes contien- 
nent la substance même des alinéas précédents, sera envoyée aux 
gouvernements des états confédérés allemands ainsi qu'au chan- 
celier. 

Après une pause d'un quart d'heure, on passe au débat touchant 
la communication de l'année dernière de Siemens sur les considé- 
rations pratiques et légales au sujet de V évasion des aliénés hors de 
l'asile. On se rappelle, en effet, qu'à la fin de sa communica- 
tion ^ il soumettait ces deux points à la discussion de ses collè- 
gues : 

4® L'asile a-t-il le droit d'user de moyens de violences envers 
ses malades, en dehors du territoire de l'établissement? 2o A qui 
incombe en cas d'évasion les dépenses de la réintégration? Il est 
en tout cas évident pour lui que l'établissement, qui a accepté la 
charge d'un malade, doit empêcher une évasion et s'efforcer, 
quand elle s'est produite, de réintégrer l'aliéné. 

M. Zinn. Dans le Brandebourg, il faut que les autorités locales 
interviennent, et les dépenses sont débattues civilement; s'il y a 
faute de l'asile, la commune refuse de payer : d'où un procès. 

M. Gudden. £n Bavière, les dépenses extraordinaires sont sup- 
portées par ceux qui doivent des aliments ; on y fait rentrer celles 

i Archives de Neurologie, t. V, p. 399. 



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SOCIETES SAVANTES. l4l 

qui nous occupent, bien qu'on ne soit pas rigoureux à leur propos. 
Pourquoi, en effet, l'asile a-t-il laissé le malade s'évader ? En dehors 
du domaine de rétablissement, je le fais suivre, m'adressant au 
besoin à la direction de la police, et, en tout cas, ne requérant 
Tautorité locale de la commune que quand il est dangereux. 

M. RippiNG traite la question au point de vue du droit. Gomme 
mandataire des personnes ou de l'autorité qui a fait enfermer 
l'aliéné, on a le droit de le réintégrer. L'emploi de la force ou 
plutôt son mode, dépend de la forme de la résistance (passive ou 
active), déployée par le malade. 11 faut toujours agir en bon père 
de famille. La mesure est impossible à déterminer; on veillera 
simplement du début à la fin de l'aventure à ne pas être taxé 
de négligence grossière, car c'est elle qui doit décider à la charge 
de qui les dépenses sont imputables. 

M. HiTziG déconseille l'emploi de la force et porte la dépense au 
compte du coupable. 

M. LE Président. Du moment où un malade a quitté l'établis- 
sement en s'évadant nous ne sommes plus en droit de le réintégrer 
que par voie judiciaire, en faisant valoir les motifs qui militent en 
faveur de sa réintégration. Nous n'avons pas à eu supporter les dé- 
penses quand on ne peut démontrer notre culpabilité. 

M. Tuczisn. Contiibution à Vétude de Vhypoclwndrie. — L'hypo- 
chondrie, considérée comme perturbation psychique, n'est pas une 
maladie autonome, c'est un symptôme partiel de mélancolie, ou 
de folie systématique. Elle se montre bien des fois dans les psychoses 
simples ou complexes sans que la nature hypochondriaque des 
idées délirantes serve au fond à déterminer le rang clinique de la 
psychose. Enfin, la mélancolie dite hypochondriaque ne se trans- 
forme pas en folie systématique, la folie systématique hypochon- 
driaque n'aboutit pas à la démence. 

M. Gnauck. Yalew de rhyoscyamine pour la pratique psychia- 
trique^. L'hyoscyamine amorphe contient surtout de l'hyoscine; 
or l'hyoscine est une préparation pure, qui, employée seule en in- 
jections cutanées à 0,0005 à 0,001 et 0,002 est hypnotique, mais 
très toxique même à ces faibles doses. L'hyoscyamine épurée, 
colorée, très peu soluble, excepté quand on ajoute beaucoup 
d'alcool, a des effets très peu constants, incertains et souvent 
toxiques à la dose moyenne de 0,04. Enfin l'hyoscyamine cristal- 
lisée, blanche, très pure à la dose sous-cutanée de 0,005 à 0,02 est 
celle qu'il convient d'employer, parce que, complètement pure, elle 
peut se formuler à des quantités tout à fait déterminées, elle 
hypnotise fortement et sûrement, produit très peu d'effets toxiques 
marqués et se prête très bien, vu sa solubilité, à l'injection hypo- 

^Archives de Neurologie, U IV, p. 137, ÎS». 



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142 SOCIETES SAVANTES. 

dermique. Son action la plus importante est celle qu'elle produit 
comme hypnotique et cela sans qu'on obtienne d'effets toxiques. 
Elle agit plus rapidement et plus activement chez les aliénés, que 
chez les gens bien portants ; dix minutes après Tadministration, le 
pouls de 76 monte à 1 iO, <30, puis baisse parallèlement et c'est 
alors que se montre le narcotisme. Que ce dernier soit complet ou 
qu il se borne à une simple lassitude, le palient est calmé, quoique 
non analgésie. Le sommeil est long, dure toute une nuit. La meil- 
leure formule d'injection est : eau distillée 20 gr., eau de laurier 
cerise 40 gr., liyoscyamine 30 centig. ; 1 centig. d*hyoscyamine«= 
2 gr. de chloral ■« 3 centig. de morphine — 3 gr. de K. Br. 
M. Gnaccr a vu en des cas rebelles 3 centig. agir plus vivement que 
12 centig. de morphine. Chez les agités, il faut sur le champ in- 
jecter I centig. ; chez les tranquilles, on part crescendo de 5 millig. 
On peut atteindre 2 et même Sceutig. Prodromes de l'intoxication : 
augmentation du délire, hallucinations spéciales (gros animaux), 
dilatation pupillaire maxima. Quand on n'observe pas du tout de 
dilatation pupillaire, c'est que le médicament restera impuissant. 
L'effet calmant subit exige une seule dose convenable; l'effet graduel 
émanera de petites doses répétées. Lorsque de petites doses demeu- 
rent inertes, mieux vaut augmenter d'un bond que de multiplier les 
doses; ce procédé est parfaitement compatible avec un traitement 
continué trois à quatre semaines. Cette prolongation est obliga- 
toire pour les formes chroniques, entrecoupées d'accès d'agitation. 
Les accidents consécutifs sont entre autres le collapsus qui, très rare 
d'ailleurs, ne met jamais la vie en danger ; il est toujours facile de les 
éviter en se guidant sur la soif, la sécheresse buccale, la lourdeur 
de tête, l'abattement, la diplopie, en quelques cas l'aggravation 
de l'agitation (idiosyucrasie), tous phénomènes au surplus passagers 
et sans suite ; la morphine en est au reste un antidote excellent. 
La rougeur de la face, la sensation de brûlures et de piqûres par 
tout le corps avec éruption érythémateuse seront aussi prises en 
considération. La déchéance pondérale que détermine un long 
usage, n'atteignit jamais plus de 1,000 à l,bOOgr.; il ne faut 
toujours pas la confondre, non plus que Tinappétence qui l'ac- 
compagne, avec le mauvais état de la nutrition qui provient du 
délire morbide. En résumé, c*est un excellent médicament, et le 
seul obstacle que Ton rencontre à son emploi journalier, c'est son 
prix élevé. La daturine, dite légère, en serait le succédané; mais 
son action moins constante est un peu plus faible ; 4 centig. de 
daturine correspond environ à 0,008 d'hyoscyamine. L'auteur se 
loue, en terminant, des alcaloïdes de Merck (de Darmstadt). 

M. Lœhr. Que faut-il faire des individus précentivement arrêtés chez 
lesquels on a diagnostiqué la psychose ? Généralement l'autorité judi- 
ciaire assigne aux prisonniers de ce genre, dangereux jxmr la sécu- 
rité publique, un asile d'aliénés, par l'intermédiaire de l'adminis- 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 143 

tratioD, et ordonne leur mise en tutelle. Or, dans le cours de 
Tannée dernière les choses se sont passées autrement en trois cas 
particuliers à Berlin. Trois individus de ce genre ont purement et 
simplement été mis en liberté. Le premier était un escroc. Dans le 
second fait^ il s'agit d'une bonne d'enfants, ayant empoisonné 
Tenfant confié à ses soins avec de l'acide sulfurique. Enfin, la 
troisième observation concerne un jeune homme de 17 ans, atteint 
d'épilepsie avec hallucinations, accès d'angoisse et impulsions, qui 
deux fois admis à l'asile et congédié sur les instances et réclamations 
de sa mère, était arrêté pour meurtre commis sur la personne de 
celle-ci. Déclaré irresponsable, il était tout bonnement congédié. 
L'ayant de nouveau arrêté pour vagabondage, la police demandait 
naïvement s'il fallait le séquestrer à l'asile, ou le laisser en liberté. 

Eh bien! ceci prouve pour M. Lœhr qu'il y a des lacunes dans la 
loi. Il en appelle à la motion du Reichstag, qui, consulté sur les 
paragraphes 51 et 58 du code pénal, émettait le vœu que le chan- 
celier s'occupât de présenter un projet qui réglementât les 
errements à suivre pour empêcher les personnes dangereuses et 
irresponsables de nuire à nouveau Aucune suite n'ayant été 
donnée à ce vœu, il faudrait venir à la rescousse pour accélérer le 
résultat final, en insistant sur la nécessité de consulter le mé- 
decin expert sur la conduite à tenir, après le rapport, à l'égard du 
malade. C'est affaire à la Société. 

Discussion : M. v. Guoorn. La police est armée; elle a le droit et 
le devoir d'ordonner, en pareille circonstance, sur la remarque in- 
dispensable alors du médecin du danger que le malade fait courir 
à la sécurité publique, la séquestration de l'aliéné et par suite de 
le rendre inoffensif. 

Telle est également l'opinion de M. Zinn : Les lois existantes 
suffisent parfaitement. La police seule est coupable de négligence ; 
M.Lœchner partage complètement cette manière de voir. En consé- 
quence, M. Lœhr retire sa proposition. 

M. le président clôt la séance qui termine le congrès de cette 
année et souhaite que les membres de la société puissent se réunir 
en d'aussi bonnes conditions Tannée prochaine. MM. Benno, 
Eckelmann, Grunewald, Hans Lœhr, Matthaes, Poensgen, Sioli sont 
nommés membres titulaires. (Allg. Zeiisckr.f, Psych., XXXIX, 5.) 

P. KÉRAVAL. 



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144 SOCIÉTÉS SAVANTES. 



SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE LÉGALE 
DE VIENNE 



Séance du 30 novembre 1881 

M. Meynert, président, souhaite la bienvenue aux membres de 
la société réunis pour reprendre le cours des séances. H croit 
devoir cesser la lecture de son mémoire sur les sensations * parce 
qu'il a déjà traité complètement le sujet ailleurs (réunion des na- 
turalistes de cette année); il se trouvera d'ailleurs eu mesure d'en 
remettre des extraits à ses collègues. Enfin, les leçons de choses 
étant supérieures aux meilleures descriptions, il présente à la 
société un malade de sa clinique atteint du délire des buveurs. 

M. HoLLŒNDER après des considérations générales sur l'hystérie 
présente deux cas-typesde cette affection. H insiste sur l'importance 
de la théorie de Meynert : faiblesse irritable qui se traduit par 
l'exagération de l'action des centres sous-corticaux, comparée à 
celle du cerveau. Le diagnostic différentiel d'avec l'épilepsie repose 
sur l'existence des symptômes intervallaires. Le premier fait 
concerne de l'aphasie, des troubles de la vue, de l'anesthésie de la 
muqueuse pharyngienne, de l'hyperesthésie cervicale, de la sensi- 
bilité à la pression au lieu de passage des portions thoraciques et 
lombaires de la moelle. Le second fait a trait à de l'analgésie avec 
hémiparésie gauche. Chez les deux malades, M. Hollœnder provoque 
des phénomènes d'hypnotisme et de transfert. 

M. HoLLER, trésorier-économe de la société, reçoit les remer- 
clments de l'assemblée pour les peines qu'il se donne; ses comptes 
ont été apurés par les censeurs MM. Pohl et Schwab. 

Séance du 21 décembre 1881. 

M. Meynert présente un malade de sa clinique et montre qu'il 
agrémente une prétendue perception tout à fait fugace de détails 
d'une netteté particulière. Il décrit une place rasée dans la forêt, 
place tout à fait circonscrite au milieu de laquelle se serait dressée 
une fleur volumineuse. La raison pour laquelle une hallucination, 
tout à fait fugitive, devient le point de départ d'idées délirantes 
qui se poursuivent en de multiples directions conceptuelles, ce 

>V. aux Revues analytiques. 



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SOCIBTBS SAVANTB8. 145 

motif poarrait résider dans la durée, la répétition oa l'impression 
de netteté spéciale de cette hallucination. Voici les explications 
pathogénétiques de l'auteur. Un épileptique tombe par suite du 
spasme des vaisseaux artériels de tout un hémisphère ; mais on 
peut supposer que le spasme vasculaire se puisse limiter à un 
département des hémisphères. Que ce spasme partiel aille jusqu'à 
Tobturation et l'on aura, parallèlement, comme dans l'oblitéra- 
tion embolique, une hyperémie artérielle, collatérale, qui engen- 
drera une irritation. Un rétrécissement prononcé d'un vaisseau 
artériel provoquera une diminution de pression dans les rameaux 
collatéraux. La production de ces phénomènes dans les hémisphè- 
res n'engendre pas l'hallucination, mais Thyperémie en question 
peut faire illusion à l'individu au moment où l'hallucination s'ef- 
fectue, où elle parvient à la connaissance. La sensation subjec- 
tive revêt de telles couleurs, sous Tinfluence de Tafflux sanguin, que 
le sensorium en conserve l'empreinte. Ces hyperémies collatérales 
excitent de même les centres sensoriels sous-corticaux ; c'est sous 
leur action que naissent les hallucinations. 



Séance du 8 février 4882. 

Le président communique à la Société la lettre de retrait de 
M. Nusser ObersanUûtsrath, 

M. Hollande R lit son travail sur la Moral Jnsanity ^ Il en con- 
clut que cette affection n'est pas autonome, qu'elle n'est qu'un 
syndrome greffé sur d*autres formes morbides. 

La discussion s'engage. — M. Gauster considère ce complexus 
symptomatique comme le signe de la faiblesse intellectuelle : les 
motifs égoïstes qui poussent les malades à des actes pervers ne peu- 
vent être domptés par leur jugement défectueux ; c'est donc bien 
une affection symptomatique d'autres maladies. — M, Holiœnder 
fait remarquer que si, dans tous les cas, la faiblesse psychique est 
évidente, la cause des actes pervers est non dans celte faiblesse, 
mais dans le délire des grandeurs et les idées de persécution. — 
M.. Heynert 4it que les mêmes éléments nosographiques se retrou- 
vent dans Ta manie, la folie circulaire, la folie systématique, les 
affaiblissements psychiques qui suivent les maladies graves. 

Séance du 29 mars 4882. 

Sur la proposition de M. Pohl, la Société décide de multiplier ses 
séances. Elles auront désormais lieu le deuxième jeudi du mois. 

■Nous Tanalyserons aux Revues analytiques. 

Archives, t. VL 10 



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IM SOCIÉTÉS SAVANTES. 

; .tt. PoHL prt^se de consacrer désormais une revue critique aux 
ti:<j^vaux imprimés, tant, dans les séances que dans Torgane dfi ia 
Société. Adhésion unanime. 

M. Je PâÉsiDENT porte à la connaissance de la Société, la mort 
de M. Emmanuel Mildner, directeur de Ta^ile de Klosterneuburg 
et du professeur IKichek. Il exalte, comme de juste, leurs mérites 
dans la spécialité. L'assistance se lève en leur mémoire. Le prési- 
dent conimunique ensuite le motif du retrait de M. Ruben. 

M. Meynert présente deux malades de sa clinique : un cas inté- 
ressant d'aphasie; un cas de démence. 



Séance générale du 4 mat 1882. 

M. PoHL communique son travail sur la folie impulsive *. La con- 
tinuation en est remise à la séance prochaine. 

Présentation des comptes pour Tannée 1881-82, par M. HoUer. 
Restant en caisse 215 florins, 46 kreuzers. Compte-rendu annuel 
des travaux de la Société, par M. Frilsch. Nous en omettons à 
dessein la liste. Qu'ils aient été lus en séance ou publiés dans les 
annales de la Société, nous les analyserons à leur tour dans les 
Archives de Neurologie, 

Bureau pour l'année 4882-83 : Pi^ésidenty M. Meynert; vice-prési- 
deiity M. Hofmann; trésoiier-économe^M. Holler;secrétoires,MM. Hol- 
lœbder et von Pfungen; conseil dadministrationf MM. Wimmer, 
Pohl, Fritsch, Pfleger. 

La continuation du mémoire de M. Pohl est remise à la séance 
suivante. 



Séance du 29 novembre 1 882. 

M. Meynert, président, adresse des paroles de bienvenue aux 
membres de la Société, rassemblés pour reprendre le cours de 
leurs travaux. 

La Société reçoit comme nouveaux collaborateurs : MM. Noth- 
ûagel, Kundrat, Leidesdorf, Svetlin. 

Le président annonce le retrait de M. Fieber. 

M. le professeur Meynert. De nouvelles manières de voir ont 
refusé au noyau lenticulaire toute importance immédiate pour 
l'innervation hémilatérale de la motilité; ces fonctions ont été 
attribuées exclusivement à la portion correspondante de la capsule 
interne. L'auteur fait remarquer que tel est le nombre des trous- 

ï Voir aux Revues analytiques. 



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SOCIETES SAVANTES. 147 

seaux de libres^ qui issus du noyau lenticulaire, Tont se confondre 
avec Ja capsule interne et a^ec le pied du pédoncule cérébi^, 
qu*il est tout à fait impossible d*empêcher qu'une lésion de la 
capsule interne ne détruise à jamais des éléments du noyau lenti- 
culaire. Le noyau lenticulaire commande par là aux mouvements 
du membre supérieur. Il est aussi en relation avec le système de 
projection de Técorce ; toute sa surface externe se relie à récorc«- 
par des irradiations très nettes, issues de la capsule externe (prépa- 
rations de Wernicke) ; c'est ce qui explique ces faits de paralysie 
bémilatérale, accompagnée d'aphasie par destruction ou intlam- 
mation de Técorce de l'insula. 



Séance du 1 2 décembre i 882. 

Discussion sur la folie impulsive. —Pour éviter que Ton ne se perde 
en des discussions théoriques, on se guidera sur l'histoire d'Un 
cas concret, dont M. Fritsch trace avec le soin le plus minutieux 
le tableau clinique. 

M. Meynert, après avoir discuté les mobiles et les raisons des 
actes du sujet en question, demande à M. Pohl si, pour lui, la 
folie impulsive est une maladie autonome, ou si elle ne constitue 
que l'élément morbide de plusieurs entités psychopathiques. 

M. Pohl pense que les manifestations 'dont il a trailé ne sont 
que des éléments morbides, mais qu'il était bon d'appeler l'atten- 
tion sur eux par une monographie, vu leur importance médico- 
légale. 

Séance du 30 janvier 1 883. 

M. Meynert communique un cas d'encéphalite avec aphasie 
amnésique et atazique mélangées. Ces phénomènes servent de 
transition naturelle aux troubles de la parole des paralytiques gé- 
néraux, qui ont pour substratum anatomique l'interruption de la 
conductilité dans les fibres d'association détruites et la mise hors 
de fonction des cellules corticales. Comme ces altérations sont 
grossières dans l'encéphalite et plus légères dans la paralysie 
générale, les troubles sont plus caractérisés dans la première que 
dans la seconde. 

M. Meynert prend la parole sur un cas d'aphasie qui s'était 
montré quatre semaines environ avant la mort. L'autopsie révéla 
une encéphalite de la corne d'Ammon du côté gauche. L'atrophie 
de la corne d'Âmmon dans Tépilepsie laisse à entendre quit 
existe un rapport spécial entre la corne d'Ammon et le système 
vasculaire. L'hystérie, ce type de perturbation vasculaire, est le 



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148 SOCIÉTÉS 8AVANTBS. 

théâtre d'aphasies passagères, qui ne sauraient s'expliquer que par 
une anémie des centres de la parole, aussi prompte à se montrer 
qu'à s'évanouir. Dans le cas qui nous occupe, l'encéphalite de la 
corne d'Ammon pourrait être invoquée comme facteur, vu la persis- 
tance de Taphasie, mais à la condition d'admettre que ce foyer en 
permanence déterminerait une anémie continue des centres du 
langage. 

Séance du \^^ févrùr 4883. 

MM. PoUak et Yeronese sont nommés membres de la Société. 

M. von Pfungen traite à la lumière d'une série d'observations 
personnelles les phénomènes de paralysie des muscles de l'œil 
qui se montrent dans la méningite. Il envisage, en particulier, les 
paralysies qui ne sauraient s'expliquer par l'interruption de la 
conductiiité des fibres nerveuses à la base, celles qu'il faut ratta- 
cher à la lésion d'un organe coordinateur. La physiologie expéri- 
mentale rapprochée de l'anatomie pathologique, permet de loca- 
liser cet endroit dans la région du cerveau moyen ; il faut expli- 
quer ces paralysies par l'infiltration méningitique des membra- 
nes qui recouvrent les tubercules quadrijumeaux. Ce mémoire sera 
publié en détail. (Jahrbùcher f. Psychiatrie, IV; 4, 2, 3.) 

P. Kéraval. 



SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU RHIN 



Séance du 48 juin 4 881 K 

MM. Hecker, Burkardt et Siebert sont nommés membres titu- 
laires. 

4* M. ScHOLZ communique à la Société un rapport médico-légal con- 
cernant un épileptique accusé d'incendie. 11 s'agissait d'un homme 
de trente-quatre ans ayant été atteint d'épilepsie à ia suite d'un trau- 
matisme céphalique. Accès réguliers. La nuit, pertes de connais- 
sance assez semblables au somnambulisme durant une heure et plus : 
amnésie complète. Aucune anomalie psychique dans l'intervalle. 
On l'accusait d'avoir,la nuit, mis le feu à un hangar éloigné delà 

^Archiues de Neurologie, t. III, p. 108. 



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SOCIBTES SAVANTES. 149 

maison voisine. Pris sur le fait, il s'était enfui. Le lendemain, II ra- 
contait à ses camarades quMI était Tauteur du crime, tandis que, dans 
les interrogatoires répétés qu'il subit, il prétendait s'être couché 
comme d'habitude et s'être levé à l'heure ordinaire le lendemain. 
M. Schulz conclut à Tirresponsabilité. L'observation à l'asile con- 
firma le diagnostic : accès convulsifs réguliers avec états d'obnubi- 
lation passagère, mais durant un certain temps sous forme de 
somnambulisme. M. Schulz insiste à ce propos sur la différence 
entre la perte de connaissance envisagée au point de vue psycho- 
logique et médico-légal. Pendant la perte de connaissance, psycho- 
logiquement parlant, les actes n'émanent pas de conceptions en* 
chaînées; ils n'ont pas de but déterminé. L'état d'hypnotisme et 
l'obnubilation de la connaissance de Tépileptique diffèrent égale- 
ment. L'hypnotisé ne fait rien de lui-même ; il n'est que l'auto- 
mate de la volonté de l'hypnotiseur : les phénomènes do l'hypnose 
émanent d'excitations qui vont agir sur les centres du patient, 
centres qui réÛéchissent les mouvements. Dans les états d'obnubi- 
lation psychique, l'activité autonome de la conscience n'est pas 
supprimée ; il existe toujours une certaine activité conceptuelle qui 
fournil l'acte, aussi l'absence de souvenir n'est-elle pas un symp- 
tôme constant et l'amnésie n'est-elle pas pathognomonique du 
trouble de la connaissance de l'épileptique. Inversement la persis- 
tance de la mémoire ne saurait être d'emblée considérée comme 
une preuve médico-légale à l'appui de la conscience de l'individu 
incriminé. 

Nassb, qui eut le malade en observation à l'asile, constata les 
accès d'épilepsie, les accidents nocturnes, une grande irritabilité 
du caractère et des impulsions, même en dehofrs des accès. Il exis- 
tait comme aura une odeur subjective de musc. L'historique de 
l'acte et la diversité dans les allégations du coupable lui font 
penser que l'individu a commis cette action dans un état de pro- 
fonde somniation somnambulique. 

2<* M. Oebec&e lit son mémoire sur \es Onctions {révulsives) du crâne 
dans laparalysie générale progressive. Il sera publié in extenso*. — La 
discussion que ce travail suscite met en lumière l'opinion de Nasse 
et de Ripping, qui dénient à la méthode toute espèce d'utilité. 

Z^ M. Hertz. Rapport médico-légal sur un cas d affaiblissement 
intel!e*ituel aphasique. Ce rapport concerne un vieillard de 76 ans. 
resté aphasique depuis 186i, à la suite d'un traumatisme céphali- 
que. Aphasie complète; le malade ne ^'exprime plus et ne com- 
prend plus ce qu'on lui dit. Gomme on ne s'est pas occupé de 
refaire léducation de la fonction, elle s'est éteinte et a disparu 
presque complètement. On eut grande peine à lui faire comprendre 

' Revues analytiques. 



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150 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

qu'il devait faire un héritage à Jfllich, endroit qu'il connais- 
sait déjà avant 1861. Il ne saisit pas ce qu*on lui lit, ne comprend 
ni récriture, ni les caractères imprimés, ne peut compter 
jusqu'à dix. Les nouvelles monnaies lui sont absolument étran- 
gères ; il en de même des jeux. Son vocabulaire courant est extrê- 
mement restreint. . . Conclusion, a A la suite de cette blessure, B... 
est devenu à un haut degré muet et sourd pour la parole : il l'est 
resté. En même temps, il a été atteint dans la faculté de lire et 
d'écrire. Il n'a donc pas été à même d'acquérir des moyens adju- 
vants complémentaires pour se faire comprendre. Nous savons que 
la parole et la pensée sont des facultés connexes, que la défec- 
tuosité verbale est proportionnelle à la défectuosité intellectuelle; 
sans la parole ou ses succédanés, nous ne saisissons ni ce qui a 
rapport à notre personnalité ni ce qui concerne |celle des autres. 
Toute réduction dans la parole limite le champ de nos acquisitions 
et celui de la compréhension des notions de nos semblables... B... 
n*est pas un dément absolu, mais il est descendu à Tétat d'insuffi- 
sance intellectuelle de Tenfant. Sa pensée est aussi misérable que 
sa parole... » 



Séance du 12 novembre 1881. 

Les nouveaux membres admis sont MM. Roller, Schreiber, 
Rumpf, Gergens. 

A la suite de quelques résolutions concernant certaines modifi- 
cations à apporter aux statuts de la Société, on passe aux commu- 
nications suivantes : 

1» Ripping. Eapports des maladies de femmes avec les troubles psy» 
chiques de ces dernières. Publié in extenso *. 

2o Schuchardt. Modifications pondérales qui suivent les accès d^épi- 
lepsie. Publié in extenso *; 

3<* Eickholdt. Pathogénie des attaques de paralysie dans les mala- 
dies mentales. Sera publié *. 



Séance du M juin 1882. 

. M. LE Président informe l'assemblée de la mort de M. Runge (de 
Nassau). La Société perd en lui un collaborateur actif et ardent. 
L'assistance se lève en sa mémoire. 

* Archives de Neurologie^ Revues analytiques, t. V, p. 37 J. 

* /rf., irf., t. V, p. 370. 

* Nous Tanalyserons alors. 



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SOGIETBS SAVANTES. 151 

io M. U£RTi. Sur la Constatation de la cause anatomique du délire 
aiffuidiùpatkique. Cette cause réside dans la forme et le volume des 
deux trous déchirés postérieurs par lesquels la plus grande partie 
du sang veineux revient du crâne dans la veine jugulaire interne. 
Celui de droite est d'ordinaire le plus grand (74 fois sur 400 d'après 
Rûdinger); il reçoit le sang qui, de iasurfacedu cerveau, se jette dans 
le sinus longitudinal supérieur et de là dans le sinus transverse 
droit. Le trou de gauche reçoit le sang qui revient de la profon- 
deur du cerveau et du cervelet et se jette dans le sinus droit pour 
gagner le sinus transverse gauche. RUdinger est le seul qui consi- 
dère les différences de diamètre de ces canaux comme normales ; 
d'ailleurs, il ajoute qu'il ne les a jamais trouvés tous deux étroits 
absolument «t respectivement parlant. M. Hertz les a rencontrés 
dans la maladie en question tous deux rétrécis et dans des condi* 
tions telles que la circulation compensatrice ne se pouvait effec- 
tuer au moyen des veines émissaires qui passent par les trous du 
même nom. De là évidemment un rétrécissement du calibre 
interne des veines jugulaires entraînant la stase^ avec toutes ses 
conséquences, au point de vue des fonctions du cerveau. 1/auteur 
a actuellement observé onze cas de délire aigu idiopathique. Le 
dernier concernait une femme de trente-neuf ans qui, adroite, ne 
présentait pas de sinus transverse; les dépressions osseuses corres- 
pondantes manquaient également. La partie postérieure du trou 
déchiré postérieur ne contenaitque les nerfs ; la portion antérieure 
renfermait un sinus pétreux fort volumineux, aboutissant dans 
la veine jugulaire. Absence des veines habituelles ordinaires. A 
gauche, le trou déchiré postérieur mesurait pour plus grand diamè- 
tre 4!2 millimètres et 8 millimètres dans son plus petit, soit à peu 
près 4 millimètre de moins que normalement. 

L'étude nosographique faite par M. Hertz à la lumière de ses 
observations, se résume ainsi : La maladie comprend deux formés 
dont révolution est indifféremment très prompte. Une forme 
maniaque; une forme mélancolique. Le stade prodromique est 
surtout long dans cette dernière. U se manifeste, surtout dans la 
forme maniaque, par de Texpansivité verbale et épistolaire. Six cas 
de récidive sous la même forme; quatre pour la manie, deux pour 
la mélancolie. Les causes sont la prédisposition, les malformations 
crâniennes. Le sexe concernait dans respèce,qua Ire hommesetsept 
femmes. L'âge variait de vingt à soixante-neuf ans. Le diagnostic 
n'est jamais facile quand on a affaire à une première atteinte; on 
ne sait si l'on est en présence d'une mélancolie anxieuse avec 
agitation, d'une manie avec fureur au début, ou, chez les individus 
d'un certain âge, à une paralysie progressive avec agitation pro- 
dromique, ou enfîn à une méningite. L'époque des règles favorise 
l'explosion de la maladie. 



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152 SOCIETES SAVANTES. 

La fièvre ne saurait servir de guide, car, même à la période 
d'acmé, on constate de grandes oscillations thermiques. Signes 
favorables pour les deux formes : pouls constamment très rapide* 
désordre extrême dans les idées, loquacité saugrenue, prévention 
anxieuse, terreur, agitation motrice sans but, déchéance rapide 
consécutive à l'agitation, hallucinations sensorielles .terrifiantes. 
Signes particuliers à la forme maniaque : impétuosité enragée sans 
tendances aggressives, mais dangereuse pour la sécurité du malade, 
exagération des réflexes, insomnie, refus de nourriture, dysphagie* 
constipation, anurie, refroidissement des extrémités, enrouement, 
regard terne, coloration terreuse de la face. Quand l'agitation mo* 
tri ce cède, le patient reprend ses sens, éprouve une sensation for- 
cée de bien être, devient gai et content. Pas de convulsions, du 
moins dans huit cas. Durée entre douze et dix* sept jours; mort 
dans huit observations dont deux de mélancolie. La mort résulte 
de préférence de paralysie du cœur. Quand il se montre des com- 
plications d'hypostasc pulmonaire, Thyperthermie est considérable. 
La transformation chimique du sang stagnant accélère la mort 
par la moelle allongée. L'autopsie décèle un type d'injection vas- 
culaire des veines et des artères, sans œdème ni hydrocéphalie, 
dans le cerveau moyen, le cervelet, la portion supérieure de la 
moelle. Intégrité des artères. Coloration bleue, grise, (brune, des 
centres en question. Sang noir, dépourvu de consistance. Stases 
lymphatiques (vaisseaux et espaces) visibles à. Tœil nu. 

Tous ces détails autorisent à substituer à la dénomination précé- 
dente celle à^hyperémie stasique vraie de l'encéphale par cause méca- 
nique. 

Traitement. Bains chauds avec fortes révulsions cutanées suivis 
d'enveloppement dans des couvertures de laine pour obtenir des 
sueurs profuses et prolongées. Convalescence de durée variable. 

t^ Jehn. De la valeur thérapeutique des enveloppements [draps) hu- 
mides dans le traitement des psychoses. Ce travail sera publié in ex- 
tenso séparément ^ 

La discussion qui s'engage sur ce sujet met en relief l'opinion 
contradictoire de Ripping pour qui ce mode hydrothérapique ne 
s'applique qu'aux mélancoliques stupidcs à la condition qu'il soit 
continué longtemps, durant plusieurs mois. Il n'est indiqué que 
lorsque la nutrition, la circulation cutanée et la chaleur du corps 
sont considérablement diminuées. Il n'a pas de valeur quand on a 
affaire à de l'agitation motrice, qu'il s'agisse de la manie ou de la 
mélancolie. 

3* Von VoiGT. Sur le délire d'épuisement. 

L'auteur appelle de ce nom un processus pathologique qui se 
développe à la suite d'un violent épuisement psychique ou soma- 

> Nous l'analyserons alors. 



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80GIBTB8 SAVANTBS. 153 

tique, a une évolution courte, est polymorphe et changeant dans 
ses symptômes. Il fait généralement explosion, après\ine violente 
émotioo, brusquement; mais, quelque temps auparavant, le surme- 
nage somatique et psychique s'était invariablement manifesté par 
toute sorte de malaises nerveux et des hallucinations isolées. Il dé- 
bute la plupart du temps par un accès d'angoisse d'intensité variée, 
auquel succède une agitation rapidement croissante qui, en peu de 
jours, atteint son acmé, et demeure telle quelle» à part quelques 
oscillations vespérales, pendant plusieurs jours et semaines, pour 
tomber soudain. Souvent Tanxiété et la manie se relaient ; c'est là 
le cachet caractéristique de la psychose : selon que l'angoisse ou 
la turbulence prédomine, ou observe des conceptions et hallucina- 
tions tristes ou gaies. En même temps, tremblement généralisé, 
tremblement fibrillaire de la face, titubation, troubles légers de la 
parole, violentes palpitations de cœur avec irrégularité du pouls, 
alternative de congestion et de pftleur. Aussi, le pronostic paralt-il 
défavorable. Mais il n'en est rien, la guérison survenant en 
moyenne an bout de deux à trois semaines. L'amnésie totale au 
début de la convalescence fait place à une connaissance parfaite 
quand la guénson est devenue complète ; aloi*s aussi les idées dé- 
lirantes perdent de leur corps et se rectifient spontanément. Autre 
forme : explosion non plus aussi soudaine ; prédominance des hal- 
lucinations au début; période d'acmé, comme plus haut* Ces entités 
se développent presque sans exception sur un terrain prédisposé pai' 
l'hérédité on autrement. 11 s'agit d'individus irritables, pleurards, 
dénués d'énergie, d'enfants en un mot. Quelquefois elles se 
greffent sur une psychose primitive dont elles constituent parfois le 
stade initial imprimant alors à la maladie un caractère dégénéra- 
tif. Pronostic favorable, excepté quand il y a insufGsance intellec- 
tuelle congénitale : dans ce cas, la terminaison est la démence avec 
agitations périodiques. Rarement les malades viennent à l'asile à 
cause de la brièveté de révolution : douze cas sur 2,250 admissions. 
L'absence d'hyperthermie, le peu de gravité des phénomènes d'exci- 
tation et de paralysie psycho-somatiques différencient le délire. en 
question du délire aigu. 11 est plus intense et de moins courte, du- 
rée que le délire alcoolique. 

Discussion : Nasse. De semblables états se voient aussi passagère- 
ment en d'autres modalités psychopalhiques. Ils ne constituent 
donc point une entité particulière. D'ailleurs, jusqu'ici on a désigné 
sous le nom de délire d'épuisement et d'inanition des troubles psy- 
chiques à caractère dépressif qui succèdent à des maladies soma- 
tiques fébriles aiguës graves. (AUg. Zeitsschr, f. Psych, XXXIX, 6.) 

P. Uraval. 



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15i SOCIÉTÉS SAVANTES. 

SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALIÉNISTES DE LA SILÉSIE 



SEANCE DE BRESLAU. 

te novembre 488t, 

M. le professeur Neumann lit un rapport sur les récents travaux 
de membres de la Société. 11 s'agit en premier lieu du compte rendu 
annuel de tasile d'aliénés de Brieg, publié par les soins du directeur, 
le D' Aller; cet établissement serait surtout remarquable par lé 
bon marché de la pension ; quant à l'hérédité, peut-être en va-t-on 
chercher trop loin les stigmates. — Le professeur Berger a publié 
dans le Ceniralblatt de Neurologie (n« 22, 4882) un cas de paralysie 
générale chez la femme; pour lui, cette maladie est éminemment 
plus rare dans ce sexe et elle n'y revêt que par exception la forme 
classique quant à la modalité, à la durée, à l'évolution observées. 
Les femmes atteintes se livraient dans bien des cas à des occupa- 
tions qui appartiennent à l'homme. 

M. Leppmann communique un cas de morphinisme concernant un 
homme de trente ans; il s'agissait d'une récidive. On le guérit en 
diminuant très rapidement les doses des injections journalières et 
enfin en leur substituant du chloral ; il éprouva des phénomènes 
réactionnels violents, mais sans gravité. L'auteur recommande cette 
méthode pour les cas qui ne sont pas compliqués d'une autre affec- 
tion somatique et qu'on peut surveiller à l'établissement. Les autres 
exigent qu'on procède au sevrage graduel; on substituera notam- 
ment à la morphine d'autres narcotiques. Le mélange de codéikie 
(0,02 à 0,03 centigr.) et de monobromure de camphre (0,.H0 cen- 
tigr.) conviendrait parfaitement. 

La discussion que ce fait soulève met en lumière la nécessité de 
dénoncer à l'autorité les pharmaciens qui délivrent avec autant de 
facilité des substances toxiques. 

M. Berger, ayant obtenu de bons résultats du bromure Séthyle dans 
six cas d'exaltation psychique, signale ce médicament déjà mis en 
relief par M. Bourneville. lien lait inhaler chaque jour aux malades 
cinq à dix grammes ; la narcose qui suit n'est que de courte durée ; 
mais elle laisse après elle un calme.très prononcé et persistant. 

Les membres présents promettent d'apporter à la prochaine 
séance les résultats de leurs expériences. 

Les discussions ont été alimentées par MM. Neumann, Berger, 
Kohn, Leppmann, Bruntzel, Eicke, Alter, Kahlbaum, Kleudgen. 
{Allg. ZeUschrJ. Psych., XXXIX, 6.) P. Kéraval. 



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BIBLIOGRAPHIE 



I. Htstero-Neuroses {The pathology, diagnosis and H'ealment of 
Ihe diseases of wùmen) ; par Graily Ukwitt. 4* éd., London, 188), 

Sous le nom d'hystéro-neuroses, proposé par Engelmann {Amer, 
gyn. trans.^ 4878, t. II), M. Graily Hewitt étudie, dans quatre chapi- 
ires de son traité, les troubles nerveux qui peuvent être attribués à 
une lésion de Tutérus: ce sont les nausées et les vomissements, les 
attaques hystériques ou les phénomènes sensitifs de l'hystérie, Thys- 
téro-épilepsie, certains troubles mentaux , certaines céphalalgies : 
i® Les nausées et les vomissements se rencontrent très fréquem- 
ment dans les maladies de Tutérus; ces troubles sont souvent liés 
surtout aux flexions utérines. L'auteur rapporte plusieurs faits dans 
lesquels les phénomènes gastriques avaient disparu par le traitement 
de l'affection utérine. M. Hewitt admet la division par Engelmann 
des hystéro-neuroses stomacales en trois catégories : a) constantes, 
6) menstruelles, c) gravidiques. Parmi les causes des premières, 
Engelmann cite un cas de rétroversion, un cas d'occlusion valvu- 
laire de Forifice interne par un fibrome, une induration du col avec 
sténose du canal; 2<> L'auteur rapporte seize cas dans lesquels desma- 
nifestations hystériques étaient liées à des déviations utérineset ont 
disparu pour la plupart, sous l'influence du traitement ; 3o Dans 
neuf observations,des déviations utérines, soit seules soit associées à 
des troubles menstruels, étaient eu connexion avec des troubles 
mentaux, le plus souvent la mélancolie, qui ont quelquefois cédé 
au traitement . 4* La céphalalgie peut être mise en rapport soit 
avec une déviation, soit avec des corps fibreux de l'utérus. Gh. F. 

IL Màladits de la moeUe épinién ; par Btrom-Bramwell, traduit de 
l'anglais par PocPiNEL et Thoikot. Paris, Lauwereyns, édit., 4883. 

L'étude des maladies de la moelle ne date pas de si longtemps 
déjà, et n'est pas tellement avancée qu'elle se trouve condensée 
et mise au point dans tous les traités de pathologie. — Les maté- 
riaux épars dans les ouvrages publiés tant en France qu'à l'étraii- 
ger ottt besoin d'être rassemblés et combinés entre eux. — Les 
progrès incessants de la neuro-pathologie doivent être au ftir et fi 
mesure recherchés dans les pi:Q)licatioiis récentes et soigneusement 



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156 BIBLIOGRAPHIE. 

enregistrés Don sans une critique éclairée. Rassembler les faits, 
en extraire les enseignements indiscutables, grouper ceux-ci, les 
classer, puis, après cette analyse soigneusement opérée, faire une 
rapide synthèse et, par conséquent schématiser les résultats a^^quis, 
tel est, à notre avis, le vrai rôle du manuel moderne, telle est la tâche 
que s*est proposée M. Byron Bramwell et qu'il a pleinement remplie. 

Prenant pour base les récentes études d'anatomie et de physio- 
logie sur les centres nerveux et pour point de ralliement l'exis- 
tence du segment médullaire eu tant qu'entilé anatomo-physiolo- 
gique et anotomo-pathologique, ce médecin distingué a passé en 
reVue les différentes affections de la moelle, rapprochant les 
lésions dessymptômes, montrant leur union intime, leur enchalne- 
nient logique, leur dépendance fatale, illustrant le tout de nom- 
breux et excellents schémas soit écrits, soit dessinés. 

MM. Poupinel et Thoinot ont rendu un véritable service en tra- 
duisant cet ouvrage. Gh. F. 

III. La potencépkalie (Étude anatomique); par Kundrât. (Graz, 1882.) 

Nous n'en sommes plus à Tépoque où en présence d*un sourd- 
muet, d*un idiot, on se contentait de formuler l'expression senten- 
cieuse d'arrêt de développement. Aujourd'hui, nous prétendons 
allez plus loin, nous prétendons faire parler Tanalomie pathologi- 
que et demander compte à la pathogénie des lésions de la 
raison d'être des symptômes. Nous refusons d'admettre que, par 
caprice, Thistogênie ait fait banqueroute et que tel individu soit en 
déficit d'un nerf auditif, tel autre d'une série de lobes cérébraux de 
par les arrêts du hasard. L'exaiben minutieux des faits nous donne 
chaque jour raison et nous apprenons à mesure des progrès de nos 
investigations que la surdi-mutité a ses origines pathologiques de 
même ordre que la pneumonie. U en est ainsi pour Tidiotie. Ces 
grandes mutilations con géniales ou précoces ne sont que la der- 
nière conséquence de processus anatomopathologiqiies intra-utérins 
oo'prématurés qui impnment à ces prétendus arrêts de développe- 
ment spontanés, un type particulier ; suivant ce type, telles ou 
telles régions sont plus ou moins réduites à néant. Aussi, est-il à 
croire que, dans un laps de temps qui peut-être n'est pas loin, 
nous posséderons des entités cliniques de l'idiotie en correspon- 
dance avec les modalités anatomiques. En tout cas, tel est le desi- 
deratum auquel il est permis de penser que tout mémoire un peu 
étudié donne une satisfaction approchée. Gelai de H. Kundrat 
nous semble contribuer au résultat dans ce sens. 

Sous le titre de parencéphaiie, il a réuni vingt-neuf observations 
empruntées aux auteurs et douxe qui loi sont personnelles, dans 
lesquelles la substance des hémisphères cérébraux se présente 



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BIBLIOGRAPHIE. 157 

i l'observateur en un point de son étendue, comme un trou de 
profondeur variable. La définition de cette forme d'arrêt de déve- 
loppement appartient à Heschl.Le trou en question s'ouvre dans la 
cavité de l'aracbnolde, ou bien, recouvertcommed'un pont par cette 
membrane entière, il pénètre plus ou moins loin dans la masse 
dn cerveau, atteignant jusqu'à l'épendyme, voire même jusqu*au 
ventricule. Suivant qu'on l'examine à différentes périodes de la 
rétrocession, il j a lieu de distinguer : une porencépbalie en évo- 
lution ; une porencépbalie en élat de développement ; une poren- 
cépbalie compliquée d'hydrocéphalie ; une porencépbalie stéréoty- 
pée par la cicatrisation. La plupart du temps congénitale, il s'en 
faut cependant que, même alors, elle provienne d'une inaptitude 
innée, quasi mystérieuse de l'individu à se développer normale- 
ment; elle peut, comme dans la forme ar>.quiso, être la résultante 
de processus anatomopathologiques, qui s'attaquent aux premiers 
linéaments du tissu nerveux ou même à un plus parfait état delà 
texture. Le mécanisme exact nous échappe, mais il est certain, dit 
M. Kundrat, que, lorsque la porencépbalie est congénitale, on 
constate une disposition radiaire des circonvolutions vers le bord 
ou le centre de la perte de substance ; on voit alors les circonvo- 
lutions, revêtues de la pie-mère, plonger vers le fond du cratère, 
et aller constituer les parois de la fosse jusque sur l'épendyme, 
tandis que l'arachnoïde forme couvercle au trou à la superficie du 
cerveau. Semblable disposition n'existe pas dans la porencé- 
pbalie acquise, ou du moins elle n'y est que très peu accusée; 
ici, les circonvolutions se terminent ex abrupto sur les con- 
fins du trou. La cause anatomique de ces malformations réside, 
qu'elles soient acquises ou congénitales,dans un processus de ramol- 
lissement du cerveau. Il s'agit bien d'une encéphalite, mais d'une 
encéphalite caractérisée par une hyperplasie vasculaire avec pro- 
lifération du tissu coi^onctif, les éléments nerveux subissant une 
métamorphose rétrograde. Le ramollissement a généralement 
pour facteur immédiat une anémie locale qui peut elle-même 
provenir de causes diverses ; il émane plus rarement d'hémorrha- 
gie et de thromboses. Sur ce terrain il importe de tenir compte 
des territoires vasculaires et des zones régionales atteintes. Le 
siège de la porencépbalie était : 

En 27 cas, le rlomaine de la sylvienne; 

3 — — de l'artère cérébrale antérieure; 
5 — — — postérieure; 

4 •— un terriloire non ch*iiniiu'' parles autenrs; 
3 — les lobes Ironiaux; 

5 — la région de l'insula et son pourtour; 
5 <- — du sillon de Rolande; 

it — la convexité des hémisphères ; 
5 — les lobes temporaux. 



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158 BIBLIOGRAPHIE. 

- Uuand la poreucéphalie esl congénitale ou qu'elle a été acquise 
de très bonne heure, Fidiotie en est très souvent la conséquence, 
mais non toujours, non nécessairement. 11 existe des tropbles 
de la parole qui, le plus habituellement est remplacée par des cris 
inarticulés en rapport avec les sentiments du sujet. Il n'est pas 
le moins du monde rare de rencontrer des paralysies qui de toutes 
les extrémités, qui simplement des membres opposés au fojer; 
ces paralysies sont toujours permanentes et se compliquent très 
souvent de contractures. Enfin, des malformations symétriques ou 
asymétriques du crâne peuvent en être le produit. 

Telle est la teneur résumée de Tétude de M. Kundrat, les consi- 
dérations dont nous pourrions la faire suivre dans l'espèce ne vau- 
draient peut-ôtre pas pour le lecteur, étant donné nos quelques 
remarques préliminaires, la reproduction de ses conclusions géné- 
rales. Les voici : lo La poreucéphalie est une formation défectueuse 
du cerveau produite par des processus destructifs qui, dans leur 
essence et leur cause, ne sont pa5 différents de ceux qu*engendrent 
rhémorrhagie, Fembolie, la thrombose, l'anémie ; è° leur parti- 
cularité réside simplement dans leur siège à la surface du cerveau 
et dans leur forme qu'explique le haut' degré de développement 
du processus destructif pouvant aboutir à l'absence complète des 
parties atteintes ; 3« ils se peuvent produire pendant la vie fœtale 
(poreucéphalie congénitale) ou pendant la vie extra-utérine (poreu- 
céphalie acquise] ; 3^ les processus congénitaux sont de beaucoup les 
plus fréquents; leurs formes sont typiques : ils n'atteignent que 
l'ensemble des circonvolutions cérébrales et dérivent généralement 
d'une anémie dans les départements corticaux des artères cérébra- 
les (dans la région de la sylvienne principalement) ; l'hydrocépha- 
lie qui s'y montre propage l'anomalie à l'ensemble du manteau 
des hémisphères jusqu'aux ganglions de la base ; 5^ par cela qu'ils 
sont congénitaux, ils troublent le développement de l'organe 
central, occasionnent directement des modifications dans le dispo- 
sitif des circonvolutions et indirectement un arrêt de développe- 
ment qui se manifeste d'habitude sous le masque de l'idiotie fré- 
quemment alliée à l'absence de la faculté du langage ; 6® quand 
lès régions motrices de l'écorce sont atteintes, il existe toujours 
une paralysie fréquemment accompagnée de contracture ; 7^ les 
processus acquis pendant la vie extra-utérine, en général plus 
rares^ proviennent d'une embolie, d'une hémorrhagie et peuvent 
avoir aussi une origine traumatique. Ils ne troublent pas la mor- 
phologie architectonique du cerveau, quant à l'ordonnancement 
des circonvolutions, mais, quand ils sont très précoces, ils en 
arrêtent le développement, de sorte qu'ici encore on a affaire à 
l'idiotie ; la faculté de parler n'est jamais absente, mais il peut y 
avoir de l'aphasie. On constate aussi dans cette forme des paraly- 
sies avec contractures ; elles sont la conséquence et des destruc- 



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BIBIJOGRAPHIE. t59 

lions corticomotrices et des altérations des ganglions et de la cap- 
sule interne, produits de la cause génératrice (embolie). Dans 
ce dernier cas, elles sont suivies de dégénérescence descendante ; 
S^ les défauts de substance congénitaux et acquis (précoces) peu- 
vent également produire des malformations du crâne symétriques 
on asymétriques; le crâne est tantôt augmenté, tantôt diminué de 
volume. Quand la malformation est unilatérale, c'est le côté cor- 
respondant à la défectuosité qui est atteint ; 9^ guérison possible 
par cicatrisation et fermeture du trou ; mais les effets persistent» 
les destructions étant irréparables. (Neuf belles planches permet- 
tent de suivre la description). P. Ki&àVAL. 



INDEX BIBLIOORAPHIQTJB 

Le délire chronique ^ son évolution {éluàe clinique); par Gérente.' 
thèse de Paris, 4883. 

Contribution à r étude des atrophies musculaires à distance, appelées 
encore atrophies réflexes; par Deschamps. Thèse de Paris, 4883. 

Essai sur la pathogénie du crétinisme ; par Yeroan. Thèse de Paris, 
1883. 

De Vélongation du nerf nasal externe dans le traitement du glau" 
corne; pair Trousseau. Thèse de Paris, 4883. 
. Essai sur les altérations fonctionnelles et organiques de Vapparêil de 
la vision, survenant sous rinfluence combinée de r alcool et du tabac ; 
par David. Thèse de Paris, 4883. 

Du tremblement; par Gougelet. Thèse de Paris, 4883. 

Essai sur la Morphœa alba (variété de lésion trophique de la 
peau); par Pautry. Thèse de Parb, 4883. 

Antécédents et causes dans la maladie de Parkinson; par Lhirondel. 
Thèse de Paris, 4883. 

De la chute d/es ongles, de la chute des dents et des douleurs névral- 
giques dans Vataxic locomotrice et le diabète ; par Boni eux. Thèse de 
Paris, 4883. 

Dé réiongation nerveuse dans tataxie et les affections médullaires; 
par Jacquemin. Thèse de Paris, 4883. 

Du goitre exophthalmique chez V homme; par Daubresse. Thèse de 
Paris, 4883. 



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FAITS DIVERS 



SoaftTÉ coNT&B L*ABU8 DU TABAC. ^ Cette Société met au con« 
cours pour i883 des prix variant de 400 à 30D francs. La question 
de médecine est ainsi posée : Physiologie du fumeur. Habitudes, 
tenue, caractère. Influence du tabac sur les facultés et les fonc- 
tions affectives, intellectuelles, digestives, etc. — Le prix consiste 
en livres d'une valeur de 200 francs environ. Le fondateur, 11. A. 
Berlherand, s'engage en outre à publier gratuitement, dans la 
Qaxêite médicale de C Algérie ^ le mémoire couronné. Le programme 
détaillé du concours sera adressé gratuitement aux personnes qui 
en feront la demande au président, 38, rue Jacob, Paris. 

Bureau db statistique municipale. — M. Jacques Bertillon vient 
d'être nommé chef des travaux de statistique municipale de la 
ville 4,0 Paris, en remplacement de son père, M. le W A. Bertiilon, 
récemment décédé. 

AsiLB D^AuiNÊs DB Letne. — Par suite de Técroulement d*un 
mur k Tasile de Leyne (Lot), six malades ont été tués et trois 
blessés, dont un grièvement. 

Nouveaux journaux. — M. Rovalewsky vient de publier, à Char- 
ekov, un nouveau journal de neurologie ^ qui a pour titre : 
Archivei de psychiatrie, de neurologie et de psychologie légale. — Le 
second numéro contient les mémoires suivants : Cas rare de 
grande hystérie, par Pasternatzkv ; *- Introduction à la psychiatrie, 
par Frese ; — Sur le sentiment de la colère chez les animaux, par 
Fesenko; — Distribution anatomiigise des libres motrices des nerfs 
chez l'homme, laliqiinet lagreMmUe^ par Beloousoff; -^Stupewr, 
par Kovalewsky ; — Les colonies dTaliénés, par Lione; — De Vefet 
de TétectricUé sur la tête, par Orchanslj. T. D. 

— Nous venons de recevoir de Saint-Pétersbourg le premier 
numéro de la première revue russe consacrée spécialement aux 
maladies nerveuses et mentales. Cette revue, publiée sous la direc- 
tion de M. le professeur J. Mierzejewski, porte le nom de Messager de 
clinique mentale et nerveuse (Wiestuick psyckiairii, uerwi pathologie), 

— Le premier numéro du Medico*legal Journal, publié sons les 
auspices de la Medico-legal Society de New-York , a paru en 
juin 1883. 

Le rédacleur^érant, Bouuixvaxx. 



•7«8. 



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Vol. VI. Septembre 1883. N" 17. 



ARCHIVES DE NEUROLOGIE 



médecinl: légale 



VERTIGES ÉPILEPTIQUES. - ASSASSINAT. - ACQUlTTEMEiNT ; 

Par M. LEGRAND DU SAULLE, 
Médecin en cher de riDGrmcric spéciale des aliénés près le Dépôt de la Prérccturc. 



René Nouaux, ué le 30 septembre 1855, est culU- 
valeur à Fyé (Sarthe) ; il est de taille assez élevée et de 
constitution robuste. Il est médiocrement intelligent 
et a fréquenté les écoles jusqu'à Tâge de quatorze ou 
quinze ans environ. Vers cette même époque, il 
aurait ressenti quelques éblouissements vertigineux. 

A dix-sept ans, il a reçu un jour sur le sommet de 
la tête une pièce de bois, et il a été grièvement blessé: 
Dès que j'eus recueilli de lui cette particularité, je lui 
fis aussitôt couper les cheveux à l'endroit indiqué, 
et je constatai effectivement une cicatrice linéaire de 
cinq à six centimètres. 

Depuis deux ou trois ans, il éprouvait parfois de 
grandes douleurs de tète et quelques secousses; sa 
vue s'obscurcissait momentanément. « Il me passait^ 
dit-il^ un nuage; je ne voyais presque plus rien, mais 

Abchives, l. VI. M 



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162 MEDECINE LÉGALE. 

cela passait très vite. Quand cela me prenait en 
travaillant, je m'asseyais un instant, et puis je repre- 
nais mon ouvrage. Quand j'étais dehors, à lâchasse, 
par exemple, je marchais tout droit devant moi, et il 
m'est arrivé de me tromper de chemin, d'êlre tout 
hébété et d'avoir fait une ou deux lieues à travers 
champs, sans savoir où j'étais... On m'avait dit que 
j'avais des migraines )>. 

La signification si importante de ces malaises, en 
apparence fort légers, était à peu près passée inaper- 
çue, ou du moins avait été méconnue. On avait pu 
relever chez lui de grandes inégalités d'humeur et de 
caractère, — et c'est ainsi qu'il avait paru tantôt 
emporté, menaçant et violent, et tantôt timide, 
taciturne et débonnaire; — mais le secret de ces deux 
physionomies différentes n'avait point été entrevu 
encore. 

Le 23 septembre 1882, Nouaux est incorporé au 
31' régiment d'artillerie, au Mans, en qualité de réser- 
viste. Là, il souffre de la tête, est pris de peur à 
chaque instant et s'hallucine de la vue et de l'ouïe. 
Il croit voir un jour ses camarades déguisés en 
Zoulous, ayant le corps enveloppé d'un drap et 
portant une ceinture rouge autour de la tête. Il entend 
chuchoter auprès de lui; il voit qu'on le menace, 
qu'on en veut à sa vie, qu'on met sa tête à prix. 
Glacé d'épouvante, il tire son sabre et se met sur la 
défensive. « Le premier qui se serait approché, dit-il, 
je l'aurais tué ». Son maréchal-des-logis-chef entre, 
lui parle avec douceur et lui demande son sabre. 
Nouaux obéit et rend son arme. 

Nouaux, qui pleure beaucoup, fait peu de service. 



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VERTIGES ÊPILEPTIQUES. 163 

Il a toujours peur qu'on ne lui fasse du mal. Deux de 
ses camarades placent sou lit entre les leurs; mais il 
n en couche pas moins avec son sabre-baïonnette. 

Le 8 octobre, il reçoit avec bonheur la visite de sa 
sœur, accompagnée de Poupart, son cousin et son 
fiancé. On va prendre un repas à Tauberge, mais il 
pleure, mange très peu et rapporte qu'il a peur, qu'il 
y a des jeunes militaires que ton fait passer au bleu 
et qui disparaissent. 

A la caserne, on le croit malade, et on lui dit d'avoir 
à se rendre à la visite du médecin. Il s'y rend, mais il 
entend tenir autour de lui ce propos : « On lui fera 
comme aux autres... du tabac! ». Effrayé, il se sauve 
aussitôt et ne consulte pas. 

Parvenu au terme de ses vingt-huit jours, il a 
encore peur d'être pris ou d'être tué; il craint de ne 
pas avoir son livret en règle, il se lamente, demande 
à l'un de ses camarades si ce n'est pas lui qui lui a 
soufflé de la poudre dans F oreille^ redoute d'être empoi- 
sonné, a peur des consommations qu'on lui offre, 
et rentre enfin dans sa famille. 

Le lendemain, 21 octobre, il part pour la chasse, 
défend qu'on dise où il est, dans la crainte qu'on ne 
vienne l'arrêter, rencontre Poupart, son cousin et 
son futur beau-frère, et refuse la consommation qui 
lui est offerte par ce dernier. « J'ai refusé, dit-il, 
parce que j'avais grand peur ». Il rentre le soir un 
peu mouillé, se sèche auprès du feu, mange la soupe 
et attend, pour finir son repas, que sa sœur et 
Poupart soient arrivés d'un pays voisin, où ils se sont 
rendus pour faire des achats, à l'occasion de leur 
prochain mariage. Les fiancés entrent, se mettent à 



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164 MÉDECINE LÉGALE. 

table , et Nouaux , qui ne s'est point assis , prend 
son fusil, et, sans aucune provocation, fait feu deux 
fois sur Poupart, qui tombe foudroyé. On s'empresse 
autour de la victime, Nouaux est poussé dans la cour, 
regarde par une fenêtre, brise un carreau, rentre, 
s'empare d'un couteau qu'il avait affilé dans la journée, 
se précipite sur le cadavre de Poupart et lui enfonce 
son arme dans la gorge. Tout le monde s'enfuit, 
excepté le meurtrier. Nouaux reste seul une heure et 
demie en face de sa victime, et n'a point la pensée de 
se dérober aux poursuites. Quelqu'un passe et il 
l'invite à boire un verre de cidre : « C'est pour la 
dernière fois, dit-il, ils sont allés chercher les gen- 
darmes pour m 'arrêter ». 

A ce moment, Nouaux est-il sain d'esprit ou aliéné? 
Peut-il être considéré comme responsable de l'acte 
accompli? 

M. le D' de Paoli a pensé que l'accusé jouissait de 
la plénitude de ses facultés intellectuelles, et qu'il 
était responsable. M. le D' Mordret a été d'avis que 
Nouaux pouvait être un alcoolisé chronique, un per- 
sécuté halluciné et impulsif, un fou dangereux et un 
irresponsable. 

En ce qui me concerne, j'affirme que Nouaux est 
un vertigineux épileptique, ayant des périodes d'accès 
s'accompagnant d'hallucinations de la vue et de l'ouïe, 
d'idées de persécution, de craintes d'empoisonnement, 
de terreurs imaginaires et d'impulsions homicides sou- 
daines, avec abolition partielle du souvenir. 

Nouaux n'est ni un alcoolisé chronique, ni un 
aliéné permanent, ni un simulateur. Il est toujours 
de bonne foi, et, dans ses longues périodes de calme. 



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VERTIGES ÉPILBPTIQUES. 165 

de lucidité et de raison, il dit aussi bien ce qui pour- 
rait être interprété contre lui, que ce qui est de 
nature à lui être favorable. Il ne s'arrête que là où la 
mémoire lui manque et il dit alors : « Je ne sais pas... 
je ne me souviens pas ». Ses souvenirs lui retracent, 
par exemple, la scène subite des deux coups de feu 
tirés sur Poupart, mais il ne sait plus ce qui s'est passé 
après. L'accès de fureur aveugle, pendant lequel 
il a coupé la carotide primitive droite du cadavre de 
sa victime, est pour lui lettre morte. Son clavier 
cérébral possède une note muette. Or, ce phénomène 
d'amnésie épileptique est aujourd'hui très connu*. 

D'autres particularités sont également biffées de sa 
mémoire : le H octobre, par exemple, il a écrit à sa 
sœur une lettre de laquelle j'extrais ce passage : «... Je 
vais vous apprendre une mauvaise nouvelle. On m'a 
mis à prix. Celui qui me tuera aura 1,500 francs. J'ai 
entendu ça, c'est pourquoi je ne peux plus vous re- 
voir. Je ne sais pas d'où que ça part. Je ne me chagrine 

pas pour ça. Je me défendrai jusqu'à la fin » Or, 

toutes les fois que l'on park de cette lettre à Nouaux, 
il déclare que l'on doit se tromper, qu'il n'a pas écrit, 
qu'il ne se souvient pas. 

Aucun signe physique et intellectuel ne trahit chez 
Nouaux des habitudes alcooliques. Comme la plupart 

U'cn ai récemment encore observé un exemple des plus IVappants. Un 
garçon crémier assassine son meilleur camarade, rue Saint-Roch à Paris, 
et, lorsque je Tinterroge, il ne se souvient de rien, demande où il est, 
ignore ce qui s'est passé et ne se rend compte de rien. Il réclame la vi- 
site de son camarade et lui écrit une lettre très affectueuse. 11 est telle- 
ment troublé et malade qu'on arrive à lui cacher pendant longtemps le 
meurtre dont il est l'auteur. Cet épileptique, sous l'influence d'un traite- 
ment par le bromure de potassium, était tellement rétabli au bout de 
trente mois, qu'il a pu quitter l'asile Sainte-Anne, être rendu A sa famille 
et reconduit dans la Haute-Saône. 



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166 MÉDECINE LÉGALE. 

des névropathes, il ne pouvait pas boire un ou deux 
verres de vin sans souffrir de la tête^ sans avoir des 
éblouissements, sans trembler beaucoup, sans passer 
une mauvaise nuit et sans être presque incapable de 
travailler le lendemain. 

En dehors de ses vertiges et des troubles psychiques 
ou hallucinatoires qui les accompagnent ou les suivent, 
Nouaux ne présente aucune trace d'aliénation mentale. 
Il ne croit pas avoir d'ennemis, ne se plaint de per- 
sonne et n'en veut à personne. Il y a cinq ans^ il avait 
eu à la chasse une difSculté avec Poupart : tous deux 
avaient tiré sur le même lièvre: chacun crovait l'avoir 
tué et ce fut Poupart, qui, au grand désappointement 
de son cousin, emporta l'animal dans sa carnassière. 
Mais de la dispute il ne resta vestige. Pendant ses 
vingt-huit jours, Nouaux loua même la générosité de 
Poupart qui lui avait apporté le 8 octobre, au Mans, 
deux paquets de tabac et une somme de cinq francs. 

Il n'y a pas lieu, en conséquence, de s'arrêter un 
seul instant à l'hypothèse d'un délire fixe, permanent 
et systématisé des persécutions. 

Lorsque Nouaux a eu des vertiges, il lui est arrivé 
de s'halluciner de la vue et de l'ouïe, d'être affolé par 
la peur, de pleurer, de trembler, de se croire parvenu 
à l'heure dernière de sa vie et de se mettre sur une dé- 
fensive armée, qui n'était en somme pour lui qu'une 
sorte de protection légitime et nécessaire; mais une fois 
que les hallucinations avaient disparu et que la peur 
n'existait plus, on ne retrouvait plus chez lui d'idées 
de persécution. 

Le jour de l'attentat, entre trois et cinq heures en- 
viron, il a entendu, au bourg de Fyé, des hommes qui 



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VERTIGES ÊPILKPTIQUES. 167 

disaient : « On ne va pas le laisser s'en retourner, bien 
sûr. » Nouaux, déjà si perplexe et si ému, s'est ra- 
pidement éloigné, s'est vu poursuivi bientôt par sôpt ou 
huit hommes, s'est mis à courir à travers les champs, 
s'est un peu égaré dans sa fugue inconsciente et a fini 
par rentrer chez lui. On ne sait que trop ce qu'il y a 
faitl^ 

L'ordre de succession des phénomènes morbides est 
donc le suivant : V secousses, céphalalgie, puis ver- 
tiges; S"" angoisses, pleurs, sanglots, hallucinations 
des sens, peurs sans motifs, fugues possibles ; S"" idées 
de persécution, terreurs imaginaires, impulsions pa- 
thologiques soudaines; 4** abolition partielle du souve- 
nir, absence de regrets. 

La résultante scientifique de toutes les pièces du 
dossier est mathématiquement contenue dans cet ordre 
de succession. 

Il y a six semaines, à son arrivée à l'infirmerie spé- 
ciale des aliénés près le dépôt de la préfecture de 
police, Nouaux était très fatigué et réellement souffrant. 
Il pleurait, avait peur, croyait qu'on allait le mettre à 
mort et présentait une attitude perplexe tout à fait 
étrange. Sous l'influence de soins appropriés, il se re- 
mit assez vite. Je portai alors le diagnostic que l'on sait 
et je me gardai bien de lui prescrire du bromure de 
potassium, car ce médicament aurait tout à fait mas- 
qué son état. 

Nouaux, surveillé jour et nuit, à tous les instants, ne 
s'est jamais démenti. Il a été calme, doux, poli, bien 
portant; il s'alimentait bien et dormait parfaitement. 
Ses réponses sur tous les détails relatifs à son affaire 
ont toujours été invariablement les mêmes. Il était ce- 



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168 MÉDECINE LÉGALE. 

pendant facile de prévoir qu'il aurait, un jour ou l'autre, 
des accidents significatifs. Je les attendais et ils se sont 
effectivement produits. 

Le 10 mai 1883, Nouaux est triste; il pleure, se 
sent la tête lourde^ mange à peine, craint de ne plus 
retourner dans son pays et de ne plus revoir sa mère 
et sa sœur. En ma présence, il a une secousse subite 
(Iras et épaule gauches). On l'envoie à la promenade; 
il rentre, ne parle pas, verse d'abondantes larmes et 
pousse des sanglots. Le soir, il se plaint beaucoup de 
la tête, se couche, et, d'après le rapport du veilleur, il 
n'a pas dormi un seul instant; il a constamment pleuré 
et gémi. Il paraissait désespéré. 

Le 11 mai, il entre très pâle dans mon cabinet; il 
est tout bouleversé et lance sur moi ce regard tragique 
si spécial aux épileptiques en proie à des accès. Il me 
répond à peine quelques mots, est demi-hébété et ne 
comprend à peu près rien de ce que je lui dis. Il a 
plusieurs secousses devant moi, finit par avouer qu'il 
en a eu beaucoup dans la nuit, qu'à un moment donné 
il ne savait plus où il était et qu'a/ a un peu peur tout 
de même. Sa langue est très blanche. Je lui prescris 
un purgatif. 

Le 12 mai, Nouaux est frais, dispos, souriant; il 
revient très gai de la promenade, cause longtemps 
avec moi, mange bien, dort parfaitement. Il est très 
lucide et ne pleure plus. 

Le 13 mai, je cherche à obtenir de lui quelques pa- 
roles de regret, mais je n'y parviens pas. Nouaux est 
indifférent, insouciant, égoïste, complètement dépourvu 
de sentiments affectifs et incapable de prononcer un 
seul mot de pitié au sujet de sa victime. 



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VERTIGES ÊPILEPTIQUES. 169 

Le criminel a sauvent des attendrissements et des 
repentirs qui touchent et émeuvent. L'épileptique as- 
sassin est d'une sécheresse implacable. Que d'exemples 
analogues n'ai-je pas rapportés* ! 

Le 14 mai, Nouaux est un peu larmoyant. A son 
réveil, il a eu mal à la tête. Son langage est un peu 
diffus. Aurait-il eu quelques manifestations vertigi- 
neuses nocturnes ? Je lui annonce qu'il va retourner 
au Mans et il ne témoigne ni surprise, ni plaisir, ni 
mécontentement. Il a si peu conscience de sa situation 
et il se préoccupe si peu de son avenir ! 

En résumé : V Nouaux est un épileptique vertigi- 
neux^ avec hallucinations temporaires, délire momen- 
tané par accès et impulsions extrêmement dangereuses ; 
2' le 21 octobre 1882, il était affecté d'un grand 
trouble de la raison et ne jouissait aucunement de sa 
liberté morale; 3° dans mon opinion, il devrait être 
séquestré dans un établissement spécial d'aliénés. 

A Paris, le lîi mai i 883. 

P. S. — Le 13 juin 1883, Nouaux passa devant la 
cour d'assises de la Sarthe et fut acquitté. L'autorité 
administrative a dû le diriger sur un établissement 
d'aliénés. 

Legrand du SauUe.— Elude médico-légale sur les épileptiques, VanSy 
1877. 



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PATHOLOGIE MENTALE 



QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR L^ÉVOLUTION DU DÉLIRE 
DANS LA VÉSANIE»; 

Par le Dr Paul GÉRENTE. 



Quelles sont les terminaisons, les issues possibles 
qui se présentent au malade dans la vésanie, au cours 
de cette évolution que nous venons de décrire? Telle 
est la question qui nous reste à étudier. 

Les imbéciles, les semi-imbéciles, pour n'en dire 
qu'un mot en passant, lorsqu'ils sont atteints de dé- 
lire, sont soumis, eux aussi, à la loi d'évolution; eu 
les observant de près, scrupuleusement, nous Tavons 
toujours constaté. Mais, chez eux, cette évolution de- 
vient singulièrement rapide, et en même temps heur- 
tée, décousue. Souvent, à n'importe quelle période, 
surtout sous l'influence du traitement, il y a des arrêts, 
des interruptions plus ou moins longues, des inter- 
valles que parfois on pourrait presque appeler des 
rémissions. D'autre part, chez eux, les diverses pé- 
riodes (bien qu'on puisse le plus souvent les découvrir) 
sont moins nettes, s'enchevêtrent réciproquement; on 
trouve plus longtemps chez eux, sinon presque tou- 
jours, cette coexistence des sentiments pénibles et des 
sentiments expansifs, qui ne se retrouve chez les vésa- 

1 V. le îi" 46, p. 17. 



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DU DÉLIRE DANS LA VÉSANIE. 171 

niques ordinaires que dans la phase de transition. 
Enfin se produisent souvent des reculs : un imbécile 
déjà en pleine période expansive peut, à certains mo- 
ments, ressentir toute une poussée de sentiments pé- 
nibles et présenter comme un flot passager d'idées de 
persécution ou de démonomanie, par exemple ; ou 
bien, en sens inverse, un imbécile qui n'en est encore 
qu'à la période de dépression peut, au beau milieu de 
ses idées pénibles, et avant même tout essai de systé- 
matisation, présenter une boufl'ée de sentiments ambi- 
tieux*. Quoi qu'il en soit, à toutes les périodes, les 
conceptions délirantes des imbéciles auront un carac- 
tère de confusion, d'incohérence, de puérilité; elles ne 
peuvent que refléter l'état mental de ces êtres, si pro- 
fondément déchus dès leur naissance. 

Parmi les vésaniques, ceux qui auront été le plus 
profondément pénétrés de l'influence héréditaire se 
montreront, dans le développement de leur délire, 
essentiellement intermittents. Il ne faut point l'oublier, 
le fond morbide, chez eux, subsistera toujours : ce 
seront des anormaux, « des prédisposés ». Mais l'accès 
délirant, chez eux, guérira plus facilement et pourra 
guérir, alors même que nous nous trouverions en pleine 
éclosion d'idées ambitieuses. Voyez, par exemple, le ma- 
lade dont parle MoreP; voyez celui dont parle M. Ma- 
gnan\ qui guérit d'un accès remontant à cinq ans, 
et déjà parvenu à la période expansive. Nous-même 



iMagnan. — Leçons faites à Tasile Sainte-Anne, LS8I. (Inédites.) 
•Morel. — Eludes cliniques, etc., t. I, p. 163 et suiv., 362 et suiv. 
» Mafçnan. — Leçons sur le délire des persécutions, faites à l'asile Sainte- 
Anne, p. 27. Paris, i877. 



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172 PATHOLOGIE MENTALE. 

avons pu en recueillir une observation assez nette où 
un délire de persécution avec idées ambitieuses guérit 
au bout de deux ans et demi. 

Pour cette catégorie de vésaniques, il est donc im- 
possible d'affirmer l'incurabilité de l'accès délirant, 
même arrivé à la période de systématisation. Ces faits 
cliniques ont leur importance au point de vue de cer- 
taines questions sociales. Notamment, en vue du di- 
vorce, on a voulu fixer un nombre d'années au delà 
duquel Taccès délirant sera devenu incurable. D'après 
ce que nous venons de voir, on ne saurait adopter ce 
critérium, et ce n'est point là qu'il faut chercher la 
solution du problème. « Tous ceux qui s'occupent sé- 
rieusement de l'anatomie pathologique de la folie sont, 
encore aujourd'hui, dans l'impuissance d'indiquer 
quels désordres matériels répondent au délire présenté 
par le malade. Et les exemples, bien que rares, cités 
par les auteurs, de guérison de l'accès délirant après 
cinq, dix, quinze ans et même davantage, paraissent 
protester contre l'hypothèse d'une lésion absolument 
irrémédiable au bout d'un nombre fixe d'années*. » 

Parvenu enfin à la dernière période de sa vésanie, 
ayant perdu tout espoir de retour à une vie sociale 
ordinaire, que devient le malade ? Profondément affai- 
bli au point de vue mental, il tombe dans la démence. 
Mais cette démence, terme ultime de la vésanie, a 
plusieurs faces. 

Parfois, cette démence est simple. — Au cours de 
l'évolution délirante, et après les péripéties les plus 

1 Mag^nan. —Leçons faites à Tasile Sainte-Anne, 1882. (Inédites.) 



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DU DÉLIRE DANS LA VÊSANIE. 173 

diverses, peu à peu les troubles de la sensibilité ont 
pu s'émousser et un à un disparaître chez le patient. 
Les saillies délirantes, d'abord pénibles, puis ambi- 
tieuses, ont pu, elles aussi, avec le temps, s'atténuer, 
s'affaisser : et enfin, au bout de trente ans, de qua- 
rante ans ou même plus, arrive le calme plat. Seule- 
ment, avec l'activité délirante s'en est allée aussi l'acti- 
vité mentale, qui était son substratum ; et nous n'avons 
plus devant nous, fatigué de sa longue carrière, devenu 
indifférent à tout, qu'un être où toute pensée, tout 
désir sont presque éteints; complètement inoffensif, 
incapable d'aucune initiative, il peut être rendu à sa 
famille; dans son affaissement mental, il ne délire 
plus. Quelques auteurs appellent cela gnérison\ est-ce 
donc une guérison que de ne plus délirer, parce 
qu'on n'a plus la force de combiner des pensées, parce 
qu'on n'a plus de quoi délirer? 

Chez d'autres déments, bien qu'au fur et à mesure 
de leur affaiblissement mental la scène délirante soit 
devenue de plus en plus pauvre; bien que les troubles 
de la sensibilité ayant à peu près cessé ne se trouvent 
plus là pour aider à leur délire, persiste l'altération 
du caractère et des sentiments. Devenu complètement 
incohérent, le malade reste pourtant ou acariâtre ou 
dominateur; c'est le dernier vestige d'un ancien délire 
ou pénible, ou expansif. 

Chez certains déments, encore, persistent, de plus, 
divers troubles de la sensibilité; ceux-ci seront alors 
interprétés de façons diverses, selon qu'il restera plus 
ou moins de traces de l'activité délirante, et nous 



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i7i PATHOLOGIE MENTALE. 

aurons aiasi diverses formes de démence. — Ces di- 
verses formes, d'ailleurs, ces variétés, ces subdivisions 
de la démence n'ont par elles-mêmes, nosologique- 
ment, aucune existence propre : ce sont simplement 
des apparences diverses d'un même fond, la démence. 
Pour nous, à travers ces tableaux variables, le seul 
fait qui importe, le seul qu'on doive retenir, c'est 
l'état de profonde déchéance mentale qui se retrouve 
partout le même : la variété des formes dépend sim- 
plement de conditions secondaires, qui diffèrent chez 
tel ou tel malade. — Par exemple, nous trouverons de 
vieux hallucinés chroniques en démence, et chez qui 
persisteront parfois des sentiments pénibles si , chez eux , 
l'évolution vésanique s'est attardée à cette période. Mais 
le plus souvent, chez ces vieux hallucinés, nous trou- 
verons des sentiments de grandeur, d'expansion. L'être 
mental, en effet, affaissé de longue dale^ a perdu chez 
eux toute initiative, tout contrôle sur lui-même et sur 
le dehors; les instincts, quelques sentiments élémen- 
taires et de plus ou moins vieilles habitudes sont seuls 
à survivre. Si, à ce moment, le malade se trouve de- 
puis quelque temps déjà habitué à des sentiments de 
grandeur, comme il ne peut plus apprécier ses rela- 
tions avec le monde extérieur, comme chez lui la 
conscience du milieu réel et de son contraste avec 
l'être imaginaire n'existe plus, il arrive à végéter dans 
le monde heureux de ses anciens rêves. Si alors on 
recherche quelles peuvent être ses conceptions ambi- 
tieuses, expansives, on n'en trouvera que d'enfantines 
et mal cohérentes; et ce qui frappera dès l'abord, ce 
sera simplement le sentiment de satisfaction, de béati- 
tude dont paraîtra pénétré le dément. Nous avons là 



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DU DÉLIRE DANS LA VÊSANIE. 173 

une classe de déments qui vient compléter le tableau 
de Calmeil : ceux-ci ne songent plus à « l'injustice de 
leurs sujets » ; du fond de la dégradation la plus abjecte, 
tout repoussants de puanteur, sous les habits les plus 
dégoûtants, souverains fainéants et heureux , ils vous 
souriront bêtement et sans la moindre amertume. 

11 est enfin un phénomène que nous avons remarqué 
à maintes reprises chez d'anciens délirants chroniques, 
de vieux vésaniques devenus déments à la suite de leur 
période d'expansion, c'est la réapparition de préoc- 
cupations hypochondriaques. Mais ces préoccupations 
diffèrent de celles du début. A la fin de l'évolution 
vésanique, en effet, l'état mental est tout autrement 
affaibli que dans les premiers temps, et, par suite, les 
conceptions délirantes de ces périodes extrêmes ne 
pourront présenter le même ensemble, la même cohé- 
sion relative que dans les débuts. Toutes les anciennes 
saillies du délire se sont l'une après l'autre affaissées; 
il ne subsiste plus avec quelques troubles de la sensi- 
bilité qu'une hypochondrie incohérente. On ne saurait 
donc assimiler ces deux formes hypochondriaques : 
l'une, du début, est un vrai délire; l'autre, vers la fin 
de l'évolution, n'est plus guère qu'un essai de délire. 

Ce retour d'hypochondrie s'explique, sans doute, 
d'abord par les sensations douloureuses plus ou moins 
vagues qu'amène souvent avec elle la vieillesse, et 
peut-être par la persistance de troubles dans la sensi- 
bilité viscérale ou dans la sensibilité sensorielle, puis 
par une diminution de l'activité délirante. Pour inter- 
préter ces troubles de la sensibilité par quelque idée 
ambitieuse ou de persécution, il faut, en effet, un effort 



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176 PATUÛLOGIIS MENTALE. 

mental plus grand évidemment que pour une inter- 
prétation hypochondriaque : celle-ci, quand il s'agit 
d'une sensation plus ou moins pénible, est à peu près 
la première et, en tout cas, la plus proche qui se pré- 
sente à l'esprit. — Tel est le mode d'explication qui 
nous paraît le plus vraisemblable; nous ne le présen- 
tons que comme une hypothèse qui a besoin d'être 
vérifiée par d'ultérieures observations. 

Nous ne saurions, du reste, faire de cette hypochon- 
drie confuse, survenant au sein d'un affaiblissement 
mental avancé, l'apanage exclusif de la démence vé- 
sanique; nous la retrouvons, en effet, cette hypochon- 
drie, avec les mêmes caractères d'indécision, avec les 
mêmes conceptions flottantes, mal déterminées, soit 
dans la démence sénile simple, soit dans la démence 
dite apoplectique, c'est-à-dire avec athéromes céré- 
braux, soit enfin dans la démence qui termine parfois 
ces vies aventureuses de certains héréditaires mal équi- 
librés. 

Cette hypochondrie ne fait guère après tout qu'exa- 
gérer un état assez habituel chez les personnes âgées. 
La plupart des vieillards, en effet, assistant à leur 
propre déclin, voyant leur corps se dégrader, leurs 
facultés mentales baisser peu à peu, n'en viennent-ils 
pas, peu ou beaucoup, à se préoccuper de leur santé? 

Telles sont les diverses faces de la démence^ cette fin 
de toute vésanie : démence simple, démence avec per- 
version des sentiments affectifs, démence avec senti- 
ments pénibles, démence avec béatitude, démence 
hypochondriaque. Nous voici donc arrivés à la fin de 
ce travail; quelle est la loi générale qui s'en dégage? 



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DU DÉLIRE DANS LA VÉSAME. 177 

Les divers types de vésauiques que nous avons suc- 
cessivement analysés, dont nous avons essayé de re- 
produire les traits caractéristiques, constituent, nous 
senible-t-il, les étapes diverses d'une même évolution, 
V évolution du délire vésanique. 

Qu'on veuille bien prendre ces malades suivant la 
méthode scientifique et les rapprocher, on sera immé- 
diatement frappé des caractères communs qu'ils pré- 
sentent sous leur diversité de surface, et l'on recon- 
naîtra d'abord un même fond morbide, puis une même 
marche pathologique. 11 suffit, en effet, de prêter 
attention et de vouloir dégager la loi permanente de 
la forme accidentelle; et, dès lors, quand se présentera 
ce qu'on appelle une démonomanie, un délire des per- 
sécutions, une toxicophobie ou toute autre . . .phobie 
qu'on voudra, il sera facile de reconnaître qu'il s'agit 
tout simplement de la période dépressive, de la période 
d'hyperalgésie mentale (perversion douloureuse du 
sens émotif^) avec concentration pénible, autrement dit 
de la première phase du délire vésanique. Qu'on parle 
ensuite de mégalomanie, de théomanie, etc., il s'agira 
d'une phase ultérieure du délire chronique au cours 
de son évolution, à savoir la période d'expansion 
apparaissant peu à peu et coïncidant d'ailleurs avec un 
affaiblissement intellectuel plus ou moins profond. 
Sous toutes ces variétés, la maladie primordiale^ essen- 
tielle^ c'est lapefDersion du sens émotifs c'est r altération 
du sentiment^ tantôt pénible^ tantôt expansif^ chez vu 
être mentalement débile; c'est elle, au fur et à mesure 
que se développent les troubles de la sensibilité, au 

* Voyez Cerise et Morel, loc. cit. 

Archives, t. VI. l-j 



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178 PATUOLOGIS MENTALE. 

fur et à mesure qu'évolue la yésanie, c'est elle qu'on 
retrouve toujours^ ÎDspirant, préparant toutes tes idées 
délirante». Isoler chacune de ces périodes, les présen- 
ter comme des individualités mwbides qui auront cha- 
cune leur histoire propre, nous parait être un singu* 
lier artifice pour démembrer la pathologie mentale et 
compliquer l'étude de la vésanie. 

Pour nous donc, il n'y a point de monomanes; il 
n'y a que le vésanique, délirant chronique, aux di- 
Terses périodes de son évolution. La lypémanie suicide 
ou homicide, la démonomanie, le délire des persécu- 
tions, la manie ambulatoire ou insurrectionnelle, la 
logomafiie, la talpafoire, le métromonodélire, etc., ne 
sont point des entités irréductibles; le fou mordetir, 
ou éplucheur, ou mutilateur, ou aménomane, ou mé- 
galomane, ou tbéomane^ etc., ne représente point 
des espèces morbides distinctes. Toutes ces formes 
délirantes n'ont aucune existence par elles-mêmes, de 
quelque nom qu'on les babille ; elles ne sont que les 
aspects, les moments divers d'une évolution vésa- 
nique, laquelle marche suivant sa loi caractéristique, 
'outen se prêtant aux conditions accessoires du milieu, 
et, ptfr suite, à toute une série de variations possibles. 
Qu'on nous permette une comparaison : ces forme» 
délirantes ne sont, pour ainsi dire, que les diverse» 
facettes d'un même cristal, brillant de couleurs diverses 
selon la nature et l'incidence des rayons qui viennent 
l'illuminer. 

Sans doute, on remarquera des nuances, des combi^ 
naisotis variables : les malades ne sont pas tous ap- 

t Voyez Guislain. — Op, et loc» citât. 



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DU DBLIUE DANS LA VÉSANIB. 179 

pelés à suivre du même pas révolution vésaniqueau 
travers de toutes ses périodes classiques ; ild peuvent 
s'attarder à telle phase plus longtemps; parfois même, 
comme nous Favons vu, ils peuvent S'y Jierpétuer et y 
atteindre le dernier ferme, è'esf-à-dire la démence, 
sans avoir connu peut-être (bien qiié lè fait doive être 
plus rare) les phases ultérieures de l'évolution véàani^tiè 
ordinaire. Sans doute, en matière aussi délicate^ que la 
matière morbide, il n'est point de type qu'on puisse 
dire absolument immuable : tant d'éléments multiples 
peuvent intervenir dans le pi^oblème, que la solution 
peut s'en trouver, du moins en apparence, singulière- 
ment modifiée ; tel ordre de phénomènes pourra être 
si fugitif qu'il aura échappé à une observation rapide; 
tel autre fera tellement relief qu'il masquera le reste 
aux yeux d'un observateur qui s'en tient aux saillies 
délirantes ; enfin, nous le répétons, l'évolution même 
pourra être incomplète, et telle de ses dernières 
périodes fera défaut. Mais il n'y a aucune raison pour 
constituer, avec de tels malades, des espèces morbides 
nouvelles. — N'y a-t-il pas, dans toute maladie, des 
variétés à évolution incomplète ? CilonS, par exemple, 
certaines maladies nerveuses, Thystéro-épilepsie, la 
maladie de Parkinson ou paralysie agitante, l'ataxie 
locomotrice, etc., dont nos savants mattres ont si 
clairement démontré l'individualité, et qu'ils ont si 
nettement décrites; ces maladies né se présentent-elles 
pas parfois sous des aspects fort dissemblables, elles 
qui pourtant se rapportent chacune à un type bien 
défini ? Que deviendrait la nosologie, si de chaque 
variation il fallait constituer une entité pathologique, 
comme on a voulu faire en aliénation mentale ? Le 



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1^0 PATHULUGIE NERVEUSE. 

type supérieur est donc là, comme un iudex : il faut 
le bien connaître, dans sa forme générale; et Ton 
saura toujours alors le reconnaître derrière chaque cas 
clinique particulier. — Or, nous estimons qu'une 
étude clinique attentive pourra distinguer toujours, 
parmi ses variations secondaires, le type caractéristique 
que nous avons voulu décrire; nous estimons que, 
chez les vésaniques purs, délirants chroniques, on 
pourra toujours reconnaître une progression du délire, 
identique, lorsqu'elle s'effectue jusqu'au bout. 

Telle est la loi nosologique que ce travail avait pour 
objet d'étudier: Y évolution du délire dans la vésanie. 



PATHOLOGIE NERVEUSE 



CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES 
NON TRAUMATlQUES(Sut<e)'; 

Par MM. A. PITRES, pryfesseur à la Faculté de médecine de Bordeaux, 
et L. VAILLARD, médecin-major de seconde classe. 



Observation VIL — Ataxîe locomotrice, — Arlhropathie de 
l'articulation métacaiyo-phalangienne de r index droit ': maux 
perforants plantaires, dystrophie des ongles des orteils. — 
Tuberculose pulmonaire, — Altérations des divers nerfs péri- 
phériques correspondant aux troubles trophiques '. 

Jean Cour.., âgé de quarante-cinq ans, garçon de salle, est 

^Archives de Neurologie, n<* 14, p. 191, et n» 15, p. 290. 
Observation clinique résumée d'après les notes recueillies par 
M. Prioleau, interne du senice. 



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DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES NON TRAUMATIQUES. 181 

entré àThôpital Saint-André de Bordeaux (service de M. Pitres) 
le 25 novembre 1882. 

Danssa jeunesse, Cour.. .aeuplusieurs fois des glandes autour 
du cou. A Tâge de dix-neuf ans, il a eu une blennorrhagie et des 
chancres mous. Un peu plus tard, il a été atteint de rhumatisme 
articulaire aigu. A vingt-huit ans, il a eu encore des chancres 
qui n'ont été suivis d'aucun accident secondaire. A trente-sept 
ans, il vit apparaître sur la face plantaire du pied droit, au 
niveau de Tarticulation métatarso-phalangienne, un mal perfo- 
rant qui persista pendant quatre ans et nécessita, en 1879, l'am- 
putation du gros orteil droit. Ce mal perforant n'avait été pré- 
cédé d'aucune douleur appréciable. Mais, après son apparition, 
le malade commença à ressentir des douleurs fulgurantes, qui 
revenaient par accès une ou deux fois par mois et siégeaient sur- 
toutdans les deux membresinférieurs.Auxdouleurs fulgurantes 
à type lancinant, se joignirent bientôt des crises de vomisse- 
ments incoercibles. Puis, en 1881, le malade éprouva des four- 
millements douloureux, continus et très pénibles dans les doigts. 
Un jour, il s'aperçut que l'index droit était rouge et tuméfié, et 
quelque temps après, quand la tuméfaction se fut dissipée, il 
remarqua que l'articulation métacarpo-phalangienne de ce 
doigt était difforme et beaucoup plus mobile que précédemment. 
Vers la fin de la même année, un second mal perforant^ tout à 
fait semblable à celui qui s'était développé antérieurement à la 
face plantaire du gros orteil droit, apparut dans le point symé- 
trique du côté opposé ; mais il guérit après deux mois de repos et 
de pansements réguliers à l'iodoforme. A partir de cette époque 
Cour., commença à éprouver quelques troubles du mouvement. 
La sensation de résistance du sol devint obtuse, et la marche 
devint hésitante et incertaine, surtout dans l'obscurité. En 
même temps, se montrèrent les signes d'une évolution tuber- 
culeuse du poumon : toux, expectoration abondante, amai- 
grissement, perte graduelle et rapide des forces, sueurs noc- 
turnes, etc. 

Lorsque le malade entre à l'hôpital (25 novembre 1882), il 
présente les symptômes les plus évidents d'une phthisie pul- 
monaire très avancée et devant amener bientôt la mort. 

Il présente en outre une série de troubles nerveux qui font 
diagnostiquer chez lui une ataxie locomotrice progressive. Ces 
troubles sont les suivants : 

Le malade ne ressent plus, depuis quelques mois, de douleurs 



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182 PATHOLOGIB MBRVBUBK. 

fulyurante» à type lancinant ; maU il éprouve très souvent 
des douleurs constrictives semblables à celles que pro- 
duirait le pincement brusque de la peau avec une tenailUe. 
Qe^ douleurs surviennent par crises, et siègent surtout aux 
geuonxt ftux mollets et aux pieds. Il existe en outre une 
sensation pénible et continue de fourmillement douloureux au 
Qjveau des doigts. 

La sensibilité cutanée au contact, 4 la douleur et à la tem< 
pérature est conservée normale, sai^f dans les points qui seront 
indiqués plus loin. La vue est normale, mais il y a de temps en 
temps de la diplopie transitoire. 

Le réflexe rotulien est totalement aboli des deux côtés. 

La marche est un peu hésitante, surtout lorsque les yeux 
sont fermés. Le malade sent la résistance du sol du pied droit, 
mais il lui semble souvent que le pied gauche repose sur une 
couche d'ouate. Le sens musculaire est assez bien conservé : 
les jambes ne sont pas perdues dans le lit. 

L'articulation métacarpo-phalangienne de l'index droit est 
déformée. Les tètes osseuses qui la constituent sont plus volu- 
mineuses qu'à l'état normal. Il est facile de luxer la phalange 
sur le métacarpien et tout aussi facile de réduire la luxation. Ces 
mouvements ne provoquent aucune douleur : ils s'accompa- 
gnent de quelques craquements articulaires. La peau qui re- 
couvre l'articulation malade n'est ni rouge, ni épaissie. Elle 
est le siège de douleurs spontanées, continues, qui s'étendent 
à tous les doigts, et ont lé caractère de fourmillements doulou- 
reux. Sur la face dorsale de la main, la peau qui recouvre 
l'articulation malade présente un léger degré d'anesthésie : les 
piaûres légères y sont perçues c^mme simples contacts, et les 
piqûres profondes ne provoquent pas de sensation douloureuse. 
La masse musculaire de l*éminence tbénar est un peu plus 
grêle du côté droit que du côté gauche, sans qu'on puisse dire 
qu'elle soit véritablement atrophiée. 

Les maux perforants ont laissé des traces persistantes. A 
droite, l'amputation du gros orteil a laissé une cicatrice linéaire ; 
à gauche, on aperçoit à la face inféro-interne de la première 
articulation métatarso-phalangienne une cicatrice blanche, 
froncée, peu épaisse qui occupe la place du mal perforant guéri 
en 1881. 

L'ongle du gros orteil gauche est dystrophié : il est épaissi, 
sa face supérieure est striée en travers par plusieurs sillons 



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DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES NON TRAUMÂTIQUES. 183 

transversaux profonds ; son bord libre mesurant huit milli- 
mètres d'épaisseur est irréguiier, dentelé ; sa substance s'émiatte 
et se détaehe par petits fragments. Cet ongle du gros orteil 
gauche s'est détaché, un jour de Thiver de 1881 , pendant que 
le malade avait son mal perforant. Il est tombé spontanément 
sans qu'aucune violence extérieure puisse expliquer sa chute, 
laissant à nu tout le lit ungué^l. L'ongle du petit orteil gauche 
est difforme ; il est constitué par nu petit bourgeon eomé, de 
forme conique, très épais, et si peu adhérent aux parties sous- 
jacentes que le malade Ta enlevé un matin à la visite sans effort 
et sans douleur. Les autres ongles sont à peu près normaux ; 
ils présentent seulement quelques stries transversales peu pro« 
fondes. 

La sensibilité présente quelques troubles au niveau des pieds. . 
Les piqûres sont faiblement perçues sur la face dorsale des 
deux pieds. Quelquefois, elles ne produisent qu'une sensation 
légère au moment ou elles sont pratiquées, et d^ux ou troia 
heures après, le malade ressent aux places où elles put été faites 
une véritable douleur qui persiste longtemps. Il y a do Tanes* 
tbésie véritable et à peu près complète : 1* au niveau et au 
pourtour de la cicatrice de Tancien mal perforant du côté gauche 
dans un rayon de deux à trois centimètres ; 3"* au niveau de la 
face dorsale des phalangettes des premier et cinquième orteils 
gauches; 3^ sur toute la pulpe du gros orteil gauche; 4* au 
pourtour de la matrice unguéale du troisième orteil droit. 

Mort le 17 janvier 1883. 

AuTOPsiB. — Dure-mère rachidienne saine. Arachnoldite de 
la face postérieure de la moelle dans les deux tiers inférieurs 
de la région dorsale. Atrophie des racines postérieures au 
même niveau. 

Teinte grise translucide de toute Taire des cordons postérieurs, 
très appréciable sur les coupes de la région dorsale de la moelle; 
teinte grise limitée aux cordons de Goll dans la région cervicale ; 
bulbe, protubérance et encéphale sains. 

Poumons infiltrés de nombreuses granulations tuberculeuses 
jaunes disposées en grappes péribronchiques. Plusieurs ca« 
vernes du volume d'une noix et d'une noisette dans les lobes 
supérieurs des deux poumons. 

Rien de particulier dans le foie et la rate. Cœur normal. 

De nombreux fragments de nerfs des pieds^ des mains et des 
membres, et quelques racines rachidiennes ont été recueillis au 



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ISÎ. PATHOr.OOïE NElîVEUSE. 

moment de Fautopsie et préparés pour Texamen histologique, 
d'après les procédés précédemment indiijués. A Texamen 
macroscopique tous les nerfs périphériques paraissent sains. 
Les racines postérieures de la région dorsale seules sont mani- 
festement altérées : elles sont grisâtres, translucides et beau- 
coup plus grêles qu^^i l'état normal. 

ËXAMBN HiSTOLOGiQUE. — Nevfs dîi membre supérieur droit . — 
Le médian et le radial au niveau de l'extrémité inférieure du 
bras sont sains. Des fragments de ces nerfs dissociés après 
Taction de l'acide osmique ne présentent aucune altération 
notable : les fibres nerveuses, le tissu conjonctif interstitielles 
vaisseaux paraissent tout à fait normaux. Sur des coupes trans- 
versales préparées après durcissement dans la solution de 
bichromate de potasse dans la gomme et l'alcool, on ne dis- 
tingue aucun faisceau atrophié. Les fibres sectionnées perpen- 
diculairement à leur axe ont partout leur aspect normal ; elles 
ont toutes conservé leur cylindre axe et leur gaine de myéline. 
La branche dorsale du radial à la partie inférieure de 
i'avant-bras. est profondément altérée. Sur les préparations 
obtenues par dissociation, après immersion dans l'acide 
osmique à 1 pour 150, on distingue un grand nombre de fibres 
nerveuses atrophiées et présentant les apparences décrites dans 
le type 5. A côté de ces fibres très nombreuses, on aperçoit un 
certain nombre de fibres saines, avec des gaînes de myé- 
line forte^nent colorées en noir par l'osmium, interrompues 
à des intervalles égaux par des étranglements d'apparence 
normale, possédant dans chaque segment interannulaire un 
noyau no '. hypertrophié et traversées par des incisures sembla- 
bles à ceUos des fibres nerveuses les plus saines. En treles fibres 
complètement atrophiées et les fibres tout à fait saines, on ne 
trouve pour ainsi dire pas d'intermédiaires. C'est à peine, si 
de loin à loin on rencontre une fibre altérée selon le type 3. 
On n'en rencontre pas une seule avec les apparences de la 
fragmentation en bloc (type i) ou en boules (type 2), on n'en 
trouve aucune atteinte d'atrophie avec granulations ambrées 
(type 4). 

Des altérations identiques dans leur nature se rencontrent 
dans tous les nerfs de la main sur lesquels a porté l'exa- 
men. Les seules difl'érences que nftus ayons pu reconnaître 
dans ces différents nerfs, portent sur la proportion rela- 
tive des fibres saines et des fibres atrophiées. Les branches 



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DES NKVRITES PKRIPHKRIQUKS NON TRAUM \TIQUES. 185 

terminales des collatéraux interne et exte^me dorsal et pal- 
maire de l'index, renferment une assez grande proportion de 
fibres saines, à côté de faisceaux de fibres tout à fait atrophiées 
(type 5). Les branches palmaires qui donnent naissance aux 
collatéraux palmaires de Tindex renferment proportionnelle- 
ment moins de fibres saines que les branches terminales des 
mêmes nerfs. La grande majorité des fibres est atrophiée. 
Quelques-unes présentent encore des varicosités remplies de 
protoplasma et de gouttelettes de volume variable de substance 
graisseuse colorée en brun-foncé par l'osmium. On y trouve 
en outre un nombre assez grand de fibres grêles à contours 
gris-cendré, formées par la juxtaposition bout à bout de 
segments relativement très courts, et paraissant être des fibres 
régénérées. 

Le nerf collatéral interne palmaire du pouce et le collatéral 
externe palmaire de r annulaire ^oni beaucoup moins malades 
que les nerfs de l'index, mais on y découvre cependant quelques 
fibres atrophiées et quelques fibres variqueuses ; toutefois le 
nombre des fibres altérées est moins considérable que celui des 
fibres saines. En résumé, altération profonde de tous les nerfs 
collatéraux de l'index et de la branche dorsale du nerf radial 
à la partie inférieure de l'avant-bras. Altération légère des 
nerfs collatéraux du pouce et de l'annulaire. Intégrité des 
troncs du nerf radial et du nerf médian. 

Nerfs du membre inférieur droit, — Le plantaire interne 
(fragment pris au voisinage de la cicatrice de l'amputation du 
gros orteil) est extrêmement difficile à dissocier. Il faut 
dépenser beaucoup de peine pour séparer les uns des autres 
les faisceaux nerveux et pour les détacher du tissu conjonclif 
qui les enveloppe. Une fois isolés et convenablement dissociés, 
il est 'facile de reconnaître que ces faisceaux sont presque 
uniquement composés par des fibres totalement atrophiées 
(type 5). Les fibres ayant conservé leur gaine myélinique et 
leur aspect normal sont extrêmement rares ; il en existe cepen- 
dant quelques-unes. On voit aussi de loin en loin des fibres 
fragmentées en boules (type 2), ou variqueuses avec goutte- 
lettes graisseuses (type 3). Aucune ne renferme de granula- 
tions ambrées (type 4). En revanche, à côté des fibres com- 
plètement atrophiées, il n'est pas rare de rencontrer une ou 
plusieurs des fibres grêles à segments courts, que nous 
considérons comme des fibres régénérées. 



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186 PATHOLOGIE NERVEUSE. 

Dans le tibi'al pottén'eur (fragment pris au milieu de ia 
jambe) la grande majorité des fibres sont normales. Mais on 
trouva de loin en loin quelques faisceaux de fibres atrophiées 
(type 5) ou des petits groupes constitués par quatre ou cinq 
fibres fragmentées variqueuses (type 3). 

Les nerfs collatéraux du deuxième orteil sont altérés de la 
même façon que le nerf plantaire interne^ mais à un moindre 
degré en ce sens que le nombre des fibres saines y est propor- 
tionnellement plus considérable. 

Les nerfs sciatique et crural n'ont pas été étudiés. 

Nerfs du membre inférieur gauche. — Les nerfs collatéraux 
internes et externes du gros orteil, le nerf plantaire interne 
présentent les mêmes altérations que le nerf plantaire interne 
du côté droit, la plupart des fibres sont atrophiées avec aspect 
conjonctif(type 5). Dans le ^iWa/ po«/^mwr, au contraire, la 
plupart des fibres sont saines, on y rencontre à peine de loin 
en loin quelques fibres atrophiées (type 5), ou fragmentées en 
boule (type 2), mais les fibres malades sont en infime minorité, 

Leb nerfs de la cuisse n'ont pas été étudiés. 

Racines rachidiennes, — L'examen a porté sur deux paires de 
racines provenant de la région dorsale supérieure et sur deux 
paires provenant du renflement lombaire. 

Les racines antérieures dorsales sont saines. Les racines 
postérieures, très diminuées de volume à Tœil nu, sont presque 
exclusivement composées de fibres nerveuses totalement 
atrophiées ne présentant plus traces de myéline (type h) ; c'est 
à peine si, dans chaque préparation, on peut trouver de loin en 
loin une ou deux fibres contenant de la myéline et encore 
celle-ci est fragmentée en blocs irréguliers. Le reste est 
uniquement composé de gaines vides, réunies en faisceaux 
serrés, légèrement ondulés, de couleur sépia. Les noyaux, 
assez nombreux, sont pou colorés. 

Les racines antérieures lombaires sont tout à fait normales. 
Les racines postérieures sont loin d'être aussi altérées que leurs 
congénères de la région dorsale. La plupart de leurs fibres sont 
revêtues de myéline; mais cette myéline est irrégulière, bossuée, 
fragmentée en gros blocs. Les noyaux des segments sont en 
général volumineux. Çà et là, on trouve un certain nombre 
de gaines vides isolées ou réunies en minces faisceaux, pâles 
et renfermant des noyaux nombreux assez fortement colorés 
par le carmin. 



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DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES NON TRAUMATIQUES. 187 

Réflexions. — L'observation que aoue venons de 
rapporter nous paraît extrêmement instructive. Elle 
nous montre plusieurs troubles trophiques (maux 
perforants plantaires, dystrophie des ongles des orteils, 
arthropathie de l'articulation méiacarpo-phalangienue 
de l'index) se développant dans le cours d'une afaxie 
locomotrice progressive, et l'autopsie permet de recon- 
naître des altérations profondes des nerfs se distribuant 
à toutes les parties sur lesquelles siégeaient ces troubles 
trophiques. 

Existe-t-il entre ces deux phénomènes, c'est-à-dire 
entre les névrites d'une part et les troubles trophiques 
d'autre part, un rapport de cause à effet? Cela est 
vraisemblable; mais les observations dont nous dispo- 
sons ne sont pas encore assez nombreuses pour qu'on 
puisse affirmer d'une façon générale la constance de ce 
rapport. 

Dans toupies cas, s'il est probable que les troubles 
trophiques sont sous la dépendance directe d'altérations 
des i)erfs correspondants, il est certain que toutes les 
névrites périphériques ne donnent pas nécessairement 
lieu à des altérations appréciables de la nutrition de la 
peau, des ongles, ou des tissus sous-jacents. 

Dans l'observation qui précède, nous voyons, en 
effet, que des altérations évidentes des nerfs pollatéraux 
du pouce et de l'annulaire droits n'ont donné lieu à 
aucun trouble trophique de la peau, ni des tissus pro- 
fonds des doigts correspondants. Il semble, en d'autre§ 
termes, que tous les troubles trophiques soient provo- 
qués par des altérations primitives des nerfs, mais que 
toutes les altérations des nerfs ne provoquent pas néces- 
sairement des troubles trophiques. 



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188 PATHOLOGIE NEUVKL'SE. 

Notons incidemment que, dans Tobservation que nous 
étudions, les névrites révélées par l'examen histologique 
des nerfs siégeaient exclusivement sur les branches 
périphériques terminales de certains nerfs, et que les 
altérations inflammatoires ou dégénératives des fibres 
nerveuses, ne se propageaient pas uniformément de la 
périphérie jusqu'à la moelle ou inversement de la 
moelle jusqu'à la périphérie. La moelle était sclérosée 
dans certains points : les racines postérieures corres- 
pondantes étaient dégénérées, ainsi que les extrémités 
terminales de certains nerfs périphériques, tandis que 
les troncs nerveux intermédiaires et les racines anté- 
rieures étaient normaux. Nous retrouverons la même 
distribution dans les observations suivantes qui se 
rapportent aussi à des cas d'altérations primitives de la 
moelle, suivies, à un moment donné de leur évolution, 
de névrites périphériques et de troubles trophiques 
cutanés. * 

Observation VIII. — Mal dé Pott, — Abcès par congestion; 
déviation de la colonne vertébrale sans symptômes de compres- 
sion médullaire, — En avril 1882, myélite aiguf*, eschares 
multiples à développement rapide. — Altercation des nerfs 
périphériques et des racines postérieures correspondantes *. 

Olivier Marcel, âgé de dix-neuf ans, vernisseur de meubles, 
est entré à Thôpital Saint-André, salle XVI, lit H (service de 
M. Pitres), le 28 avril 1882. Jusqu'en 1871, c'est-à-dire jus- 
qu'à l'âge de neuf ans, il a joui d'une bonne santé. Pas de ra- 
chitisme, pas d'antécédents scrofuleux. En 1871, il tomba au 
fond d'une sablière de dix mètres de profondeur. La commo- 
tion fut violente, mais il ne perdit pas connaissance et put 
rentrer seul chez lui. Quelques mois après cette chute, il com- 
mença à ressentir des douleuis qui, partant de la région lom- 
baire de la colonne vertébrale, s'irradiaient en ceinture dans 

Observation H inique rociioillie par M Dutil, externe du service. 



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1>FS NEVUITES PERIPHEKIQL'ES NON TUAUMATigtES. ih'ô 

la direction de l'ombilic et provoquaient une sensation de 
constriction très énergique sur la partie moyenne de Tabdo- 
men. Tourmenté par ces douleurs, il perdit Tappétit, et Tem- 
bonpoint diminua. £n 1873, un premier abcès par congestion 
s'ouvrit sur le côté droit de la colonne vertébrale, à la hauteur 
de la deuxième vertèbre lombaire : il suppura longtemps et 
obligea le malade à rester au lit. Cet abcès était à peine tari 
qu'un second se formait sur le côté gauche de la colonne verté- 
brale, à la hauteur du précédent. C'est pendant le séjour pro- 
longé au lit, auquel Tobligèrent ses douleurs et ses abcès, que 
le malade devint bossu. Peu à peu, la région dorsale de la co- 
lonne vertébrale s'incurva de façon à former un angle obtus 
ouvert en avant. Tous ces accidents cessèrent cependant : les 
abcès se tarirent, les douleurs s'apaisèrent, et, depuis cette 
époque jusqu'au mois d'avril 1882, Olivier put reprendre ses 
occupations, travailler à son atelier, et même acquérir, malgré 
la déviation très marquée de la colonne vertébrale, une certaine 
habileté dans l'exercice de son métier. 

Le 5 avril 1882, il éprouva des fourmillements dans les 
membres inférieurs, surtout à droite. La marche était gênée, 
difficile, et la jambe droite pliait souvent sous le poids du 
corps; cependant Olivier pouvait encore aller à sou travail. 
Mais le 23 avril, en voulant descendre de son lit, il tomba 
lourdement à terre, et, depuis ce jour>, il lui fut impossible de 
se tenir debout. Le 27 avril, rétention d'urine. Il entre à l'hô- 
pital le 28. 

Etat actuel, le 29 avi^il 1882. — Le malade est chétif, amai- 
gri, pâle. Il est toujours couché dans le décubitus latéral droit 
ou gauche, sagibbosité l'empêchant absolument de rester dans 
le décubitus dorsal. Quelquefois il se fait asseoir sur le bord de 
son lit pour se délasser. — Pas de fièvre. - La colonne verté- 
brale présente une courbure considérable et régulière formant 
un angle arrondi, ouvert directement en avant et s'étendant de 
la quatrième vertèbre dorsale à la deuxième vertèbre lombaire. 
De chaque côté de la partie inférieure de cette courbure 
existent les cicatrices des anciens abcès par congestion. La 
pression sur la ligne des apophyses épineuses est douloureuse 
seulement au niveau des trois premières vertèbres lombaires. 
Le thorax est déformé, saillant en avant; le jeu du dia- 
phragme parait cependant régulier, il n'y a pas de gêne respi- 
ratoire. 



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190 PATHOLOGIB NERVEUSE. 

Le malade se plaint d'une douleur contusive, profonde, qui 
part de la région lombaire, s'étend vers Tabdomen en longeant 
les deux crêtes iliaques et s'arrête toujours à douze ou quinze 
centimètres de la ligne blanche. Cette douleur, qui diffère 
beaucoup des douleurs constrictivcs en ceinture autrefois 
éprouvées par le malade, est continue, mais elle s'exaspère 
considérablement le soir et la nuit. Elle ne s'étend jamais à la 
verge. Sur les régions cutanées qu'elle occupe, la peau a ses 
caractères normaux; elle conserve sa sensibilité à la piqûre, 
au contact et à l:i température. Il existe cependant une plaque 
anesthésique de la largeur de la paume de la main sur la 
ligne médiane, à la hauteur de la troisième vertèbre lombaire. 

Les membres supérieurs ne présentent rien d'anormal. Les 
membres inférieurs sont paralysés. Quand on les soulève, ils 
retombent inertes et flaccides sur le plan du lit. Les mouve- 
ments volontaires sont impossibles; les réflexes tendineux ro- 
tuliens sont abolis et les réflexes au chatouillement de la 
plante des pieds sont très faibles. 

Le malade éprouve depuis quelques jours une sensation per- 
manente de froid dans les deux pieds. Cette sensation est 
purement subjective, la température de ces parties n'est pas 
abaissée. La sensibilité des membres inférieurs est abolie au 
niveau de la face antérieure des genoux et des cuisses et de la 
face interne des jambes; dans le reste de leur étendue, elle est 
intacte. 

Rétention complète d'urine; la miction n'a lieu que parle 
cathétérisme. Les urines sont un peu hématiques, d'une odeur 
fortement ammoniacale, louches, troubles, et renferment une 
proportion notable de mucus et de pus. — Constipation opi- 
niâtre ; depuis dix jours, il n'y a pas eu de garde-robes. Pas 
d'eschares. > 

En somme, mal de Pott]ancien ayant donné lieu à une dé- 
viation très notable de la colonne vertébrale sans accidents de 
compression médullaire. Dans les derniers jours, symptômes 
de myélite aiguë ; paraplégie avec plaques d'anesthésie cuta- 
née ; rétention complète d'urines. 

Pendant le courant du mois de mai, l'état d'Olivier ne s'est 
pas sensiblement modifié. Cependant, dans les derniers jours 
de ce mois, les membres paralysés deviennent complètement 
aneslhésiques jusqu'au dessus du pubis en avant et de la crête 
iliaque en arrière. Malgré cette anesthésie, le malade éprouve 



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DtS NÉVRITES PERIPHERIQUES NON TKAUMAÏIQLES. 191 

des picotements dans les mollets et des sensations de brûlure 
qui re3(aspèrent à certains moments et deviennent très pé- 
nibles. Vers cette même époque, une eschare se forme sur la 
partie moyenne de la fesse droite, et presque en même temps 
une deuxième eschare apparaît sur la fesse gauche. Le sacrum 
présente à peine un peu de rougeur. 

Le 1 a juin, Tétat général est très mauvais ; amaigrissement 
considérable, perte de Tappétit, frissons, sueurs. Le malade se 
plaint beaucoup d'élancements douloureux dans les deux 
jambes et quand on lui demande d'indiquer avec le doigt la 
direction que suivent ces élancements, il indique exactement 
la trajet du nerf sciatique. Les eschares fessières mesurent 
chacune environ six centimètres carrés. 

Le 16 juin, une troisième eschare est apparue au niveau de 
la région trochantérienne droite. Dans le point correspondant 
du côté gauche, il n'existe qu'un peu de rougeur. Les bords et 
le fond des eschares fessière et ti'ochantérienne sont insen- 
sibles à la pression et à la piqûre, comme tout le reste des 
membres inférieurs. 

Le lendemain, une quatrième eschare apparaît au niveau de 
la région trochantérienne gauche. 

Le 19 juin, les eschares fessière et trochantérienne ont 
pris un développement énorme. Dans leur fond noirâtre et pu- 
trilagineux on aperçoit les muscles dénudés et des lambeaux 
flottants de tissu fibreux sphacéié. 

Le 21 juin, le malade est mourant. Les eschares sont distri- 
buées de la façon suivante : au niveau de la base du coccyx 
eiiste une petite ulcération arrondie de trois centimètres de 
longueur sur deux centimètres de largeur. Au niveau du grand 
trochanter du côté droit se trouve une énorme eschare de treize 
centimètres de diamètre, profonde, à bords décollés. Sur la 
fesse du même côté, on voit une deuxième eschare de sept cen- 
timètres de diamètre environ. Sur la malléole externe droite, 
on remarque une phlyctène reposant sur une surface violacée, 
comme ecchymotique, de la largeur d'une pièce de 5 francs en 
argent. 

Du côté gauche, les eschares fessière et trochantérienne se 
sont réunies et forment une vaste plaie au fond de laquelle 
apparaît l'articulation coxo-fémorale ; les muscles sont détruits 
et le grand trochanter est à nu. Sur la malléole interne et sur 
la malléole externe on trouve deux petites ecchymoses viola- 



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192 l'ATHOLOGlK NERVEUSE. 

cées (le quatre à cinq centimètres de diamètre, sur lesquelles 
Tépiderme est soulevé par une nappe de liquide séro-sanguino- 
lent. Ce sont évidemment deux eschares au début. 

Mort le lendemain ^-2 juin. 

Autopsie. — Les organes thoraciques et abdominaux ne pré- 
sentent pas d'altérations dignes d'être notées. Le cerveau est 
rouge et, sur sa surface, on aperçoit quelques plaques hortensia 
disséminées sur les circonvolutions frontales et sphénoïdales. 

Après avoir ouvert le canal racTiidien, on voit que la dure- 
mère est saine dans toute son étendue, sauf au niveau de la 
partie la plus saillante de la bosse; là elle est en rapport par 
sa face externe et dans une étendue de sept à huit centimètres 
avec un amas allongé, de deux centimètres d'épaisseur, d une 
matière rougeâtre, molle, se fragmentant facilement et ren- 
fermant au milieu d'une substance gélatiniforme de petits 
amas caséeux dont quelques-uns ramollis ressemblent à de 
petits abcès (pachy méningite externe caséeuse). Ce tissu adhère 
fortement à la face externe de la dure-mère rachidienne : il 
n'a contracté au contraire aucune adhérence avec les os. 

La moelle étant enlevée et la dure-mère incisée dans toute 
sa longueur, on constate que la pie-mère est saine ; même au 
niveau de la plaque de pachyméningite, elle ne présente ni 
rougeur, ni fausses membranes, ni adhérences. La moelle 
elle-même a sa consistance normale dans les régions cervicale 
et lombaire ainsi que dans la moitié supérieure de la région 
dorsale. La moitié inférieure de la région dorsale, au contraire, 
est molle, diffluente, d'un blanc éclatant.' Sur les coupes 
fraîches, on remarque, dans les parties supérieures de la moelle, 
une sclérose très apparente des cordons de GoU. Sur les sec- 
tions pratiquées dans le renflement lombaire, les cornes grises 
sont peu distinctes de la substance blanche, et il est évident, à 
l'œil nu, qu'à ce niveau la structure de la moelle est profon- 
dément altérée. 

Nous avons recueilli, pour en faire l'examen histologique, 
des filets cutanés sur les limites des eschares fessières, tro- 
chantériennes et sacrées, des fragments des nerfs fessiers et de 
divers troncs nerveux des membres inférieurs, enfin plusieurs 
ganglions lombaires et sacrés avec les racines correspondantes. 
Aucun de ces organes ne paraissait altéré; ils n'étaient ni 
rouges, ni tuméfiés, ni ramollis; rien ne permettait à l'œil nu 
de les distinguer de nerfs et de ganglions tout à fait normaux. 



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DES NÉVRITES PEIUPHÊRIQUES NON TRAUMATIQUES. 193 

Examen histologiqub. — 1* Nerfs cutanés cotrespondant 
aux eschares fessières, trochantériennes et sacrées, — Toutes les 
préparations provenant des faisceaux nerveux recueillis dans 
la peau, au voisinage des eschares précitées, révèlent des alté- 
rations profondes des fibres nerveuses. Toutes les fibres qui 
composent ces faisceaux sont atrophiées, réduites à l'état de 
gaines vides et présentent Taspect de fibres conjonctives 
(type 5). 

La peau de la fesse étant innervée principalement par le ra- 
meau fessier du nerf fémoro-cutané^ branche collatérale du 
plexus lombaire, nous avons examiné les racines rachidiennes 
attenantes aux troisième et quatrième ganglions lombaires 
droits et gauches. Les fibres des racines antérieures sont toutes 
absolument saines. Dans les racines postérieures correspon- 
dantes, on trouve un bon nombre de fibres avec des fragmenta- 
tions en blocs de la myéline (type 1). Mais les tubes normaux 
sont en majorité. Les ganglions eux-mêmes n'ont pas été exa- 
minés. 

2* Nerfs fessiers supérieurs droit et gauche, — Toutes les 
fibres de ces nerfs sont fragmentées en boules (type 2). 

3* Branches du musculo-cutané et du saphène péronier au 
voisinage des phlyctènes malléolaires du côté gauche , — Toutes 
les fibres provenant de ces nerfs sont altérées, toutes sont 
atrophiées, à un degré plus ou moins avancé. Les plus nom- 
breuses ne sont représentées que par des gaines vides colorées 
en jaune (type 5), les autres contiennent encore quelques 
granulations ambrées. Â ces deux formes dominantes de 
Taltération vient s'ajouter, sur quelques tubes, la fragmentation 
de la myéline en fines gianulations avec état variqueux 
(type 3). 

4* Tronc du sciatique popllté externe gauche. — Toutes les 
fibres sont encore lésées sans exception, mais moins profon- 
dément ^ue les précédentes. L'altération principale y est 
figurée par les types 2 et 3 qui paraissent exister en égale 
proportion et à côté desquels on rencontre aussi le type t et 
quelquefois le type 4. 

5*» Tronc du sciatique gauche. — Dans les nombreuses prépa- 
rations examinées, les tubes nerveux étaient sains et les coupes 
transversales du nerf faites pour vérification, après durcisse- 
ment par le bichromate de potasse, n'ont décelé aucune alté- 
ration appréciable. 

Archives, t. VL 1 3 



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194 PATHOLOGIE NERVEUSE. 

6* Ganglions lombaires et sacrés^ con^espondanl au plexus 
sacré gauche. — L'action insuffisante de Tacide osmique n'a 
pas permis une étude rigoureuse de Tétat des fibres nerveuses 
dans ces ganglions. Les coupes, pratiquées sur ceux de ces 
organes qui avaient été traités par le bichromate de potasse, 
n*ont montré aucune modification notable des cellules. 

7* Racines correspondant â ces ganglions. — Les racines 
antérieures sont absolument saines. Dans les racines posté- 
rieures les fibres de structure normale sont en majorité; 
quelques-unes cependant paraissent être en voie d'altération 
manifeste et présentent leur myéline fragmentée en blocs 
irréguliers (type 1). 

8* Nerfs du membre inférieur droit. — Les nerfs homologues 
du côté droit offrent des lésions analogues à celles du côté 
gauche, mais moins avancées dans leur évolution et surtout 
moins généralisées à toutes les fibres. Aussi trouve-t-on dans 
le musculo-cutané et le saphène péronier, un certain nombre 
de tubes sains et une minime quantité de gaines vides à 
côté de fibres où l'altération dominante est figurée par les 
types 1,2 et 3. De même, le tronc du sciatique poplité 
externe n'est que faiblement et partiellement atteint ; le 
sciatique a paru intact aussi bien sur les préparations à l'acide 
osmique que sur les coupes après action du bichromate. 

9» Ganglions lombaires et sacrés^ correspondant au plexus 
sacré droit. — Mêmes observations que pour les congénères du 
côté gauche. 

10** — Racines correspondant à ces ganglions. — Les fibres 
des racines sont en très grande majorité normales; quelques- 
unes seulement présentent la fragmentation en blocs (type i). 
Dans les racines postérieures beaucoup de fibres sont saines, 
quelques-unes montrent également la fragmentation en blocs. 

iV Nerfs de la queue de cheval. — Plusieurs de ces nerfs 
Dnt été examinés ; sur toutes leurs fibres la myéline est 
encore fragmentée en blocs. 

12* Les racines antét*ieures et postérieures de la région cer- 
vicale, étudiées par comparaison avec les précédentes, ont 
paru absolument normales. 

Réflexions. — Malgré son apparente complexité Tob- 
servatioQ qu'on vient de lire comporte certains ensei- 
gnements. Elle se résume en somme en ceci : dans le 



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DES NÉVRITES PÉRirHÊRlQUES NON TRAUMATIQUES. 195 

cours d*une myélite par compression , on voit se déve- 
lopper des troubles trophiques cutanés consistant en 
esch'ares sacrées, fessières et trochantériennes, et en 
phlyctènes, reposant sur une surface violacée, au niveau 
de la malléole externe droite et des deux malléoles du 
côté gauche; ces lésions cutanées correspondent à des 
altérations considérables et relativement très étendues 
des nerfs périphériques. Les nerfs de la peau au voisi- 
nage des eschares de la fesse sont atrophiés et presque 
complètement détruits. Les filets nerveux recueillis au 
voisinage des phlyctènes malléolaires sont gravement 
altérés. 

Mais ce qu'il y a de particulièrement intéressant dans 
l'état des nerfs périphériques, c'est que l'altération 
remonte, en s'atténuant, le long des troncs nerveux. 
Dans les nerfs des membres qui sont plus favorablement 
disposés pour cette étude, on voit que les rameaux cuta- 
nés du musculo-cutané et du saphéne péronier sont 
profondément altérés, que les sciatiqqes poplités ex- 
ternes sont moins gravement atteints et que les fibres 
du tronc des sciatiques sont tout à fait normales; de 
telle sorte que les névrites qui coexistent avec les alté* 
rations trophiques de la peau paraissent se développer 
de la périphérie vers les centres, ou du moins qu'il 
n'y a pas de continuité apparente des altérations 
nerveuses depuis les centres jusqu'aux extrémités péri- 
phériques. 

Nous avons pensé tout d'abord que les résultats de 
nos examens tenaient à ce que les fibres périphériques 
altérées étaient pour ainsi dire perdues au milieu des 
fibres saines dans les gros troncs nerveux des membres. 
Mais nous avons dû renoncer à cette interprétation. 



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196 PATHOLOOIB NERVEUSE. 

Nous nous sommes astreints, en effet, à examiner un à 
un tous les faisceaux du scia tique et du crural. Nous 
avons pour cela dissocié (un peu grossièrement, il est 
vrai, car une dissociation délicate aurait exigé plusieurs 
semaines de travail assidu) chacun des faisceaux cons- 
tituant le tronc du sciatique et le tronc du crural, sans 
en excepter un seul, et, dans ces examens multipliés, 
nous n'avons trouvé aucun faisceau altéré. 

Ce n'est pas là évidemment une démonstration 
absolue, car, dans ces examens rapides et nécessaire- 
ment incomplets, quelques fibres malades auraient pu 
échapper à notre attention; mais il faut ajouter que 
sur les coupes transversales complètes des troncs ner- 
veux durcis par l'immersion successive dans le bichro- 
mate de potasse à 2 p. 100, dans la solution de gomme 
et dans l'alcool, nous n'avons découvert aucune altéra- 
tion appréciable des faisceaux ni des fibres de ces troncs 
nerveux. 

L'étude des racines rachidiennes a fourni, dans le 
cas qui nous occupe, des résultats analogues à ceux de 
l'observation VII. Tandis que les fibres des racines 
antérieures correspondantes aux nerfs altérés étaient 
presque toutes saines, la plupart des fibres des racines 
postérieures apparteaant aux mêmes paires étaient 
manifestement altérées. 

Dans l'état actuel de nos connaissances, il est difficile 
de donner une raison plausible de ces différences entre 
l'état des racines antérieures et postérieures. Nous nous 
contentons de signaler le fait sans chercher à l'expli- 
quer. Notons cependant qu'il paraît avoir une certaine 
fréquence, car il est encore signalé dans l'observa- 
tion suivante. 



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DBS NÉVRITES PÊRIPHBRIQUBS NON TRAUMATIQUES. 197 

Observation IX. — Myélite consécutive à une carie des ver- 
tèbres cervicales. — Eschare sacrée; début d'eschares aux 
talons : bulle pemphigoide sur la face interne du calcanéum 
gauche, — Dystrophie des ongles des gros orteils, — Altéra- 
tions des nerfs périphériques^. 

Rose (Joseph), quarante-deux ans, journalier, est entré le 
26 novembre 1882, à Thopital Saint- André de Bordeaux, dans 
le service de M. le professeur Verobly, pour une paraplégie. 

Vers la fin de juillet 4882, Rose commença à souffrir de dou- 
leurs ayant le caractère de brûlures siégeant entre les deux 
épaules^ s'irradiant dans les deux membres supérieurs et s'ac- 
compagnent de soubresauts musculaires des bras et des avant- 
bras. Ces douleurs revenaient par accès aussi bien la nuit que 
le jour. Chaque accès durait de un quart d'heure à une demi- 
heure, et il y avait dix à douze accès par vingt-quatre heures. 
En môme temps les mouvements du cou devenaient difficiles et 
la tête était maintenue raide, immobile. Un peu plus tard se 
montra un affaiblissement progressif des membres supérieurs, 
du tronc, puis des membres inférieurs. Les masses musculaires 
s'amaigrirent notablement. La paralysie des membres devint 
complète : rétention d'urines ; défécation involontaire. 

Le 24 décembre, on constate pour la première fois sur la 
partie médiane du sacrum une eschare large comme la paume 
de la main qui s'étend rapidement les jours suivants en surface 
et en profondeur. 

Mort le 1*' janvier 1883. 

Autopsie le 2 janvier. — Sur le cadavre, nous constatons les 
altérations cutanées suivantes : 

4^ Une immense eschare sacrée, médiane, de plus de vingt 
centimètres de diamètre, ayant mis à nu le sacrum et disséqué 
les muscles fessiers, à fond irrégulier et sanieux. 

2o Une tache brune, d'apparence ecchymotique se trouve au 
niveau de chaque talon. Au niveau de ces taches, l'épiderme est 
décollé et enlevé : le derme est à découvert, sans être ulcéré. 
Chacune de ces taches mesure environ cinq centimètres de dia- 
mètre et, en pratiquant une incision, on constate que ia teinte 
brune occupe toute l'épaisseur du derme et du tissu cellulo- 

1 Résumé d'après l'observation clinique communiquée par M. le pro- 
fesseur Vergely. 



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198 PATHOLOOIB NERVEUSE. 

adipeux sous-dermique jusqu*au calcanéum. Il D*y a pas trace 
de collection sanguine. 

3"* Une bulle du volume d une noisette remplie de liquide 
séro-sanguinoient existe au niveau de la face interne du calca- 
néum gauche. 

4"* Les ongles des deux gros orteils sont épaissis, difformes, et 
présentent sur leur face supérieureplusieurs stries transversales 
profondes. Enfin, une toute petite tache brune se trouve à Tex- 
trémité la plus antérieure du gros orteil gauche. 

En enlevant la moelle, on constate que les troisième, qua- 
trième et cinquième vertèbres cervicales sont friables, et for- 
mées par des trabécules osseuses rougeâtres, baignant dans un 
détritus puriforme. La dure- mère cervicale est notablement 
épaissie, tapissée par des. fausses membranes grisâtres. Pas 
d'adhérences avec la pie-mère. Celle-ci est rouge très vascu- 
laire dans ses trois quarts inférieurs. La moelle est diffluente, 
véritablement liquide dans le point qui correspond aux ver- 
tèbres cariées. Au-dessus et au dessous elle parait saine. Rien 
d'anormal dans le bulbe, la protubérance et le cerveau. 

Granulations miliaires dans les deux poumons. Épanchement 
séreux abondant (deux litres environ) dans la cavité pleurale 
droite. Les autres organes ne présentent rien de particulier. 

Un grand nombre de fragments nerveux des divers segments 
des nerfs du membre inférieur gauche, depuis les collatéraux des 
orteils, jusqu'aux troncs du sciatique et du crural, et quelques 
racines rachidiennes lombaires, ont été plongés dans la solution 
ordinaire d'acide osmique pour être examinées au microscope. 
Les nerfs cutanés au voisinage de l'eschare sacrée n'ont pas 
été étudiés. Nous indiquerons très brièvement les résultats de 
l'étude microscopique des nerfs du membre inférieur gauche 
et des racines correspondantes. 

Examen histologiqub des différents nerfs du membre 
INFÉRIEUR GAUCHE. — Les colUitéraux du gros orteil sont 
profondément altérés. Us renferment tout au plus un tiers de 
fibres saines. Plus de la moitié de leurs fibres sont fragmentées 
en blocs (type 2), ou en boules (type 3), ou complètement 
atrophiées (type 5). 

Les filets cutanés recueillis au voisinage immédiat de la bulle 
malléolaire sont extrêmement difficiles à dissocier. Us contien- 
nent une énorme quantité de gaines vides, accolées et 
adhérentes. Quelques fibres renferment encore delà myéline 



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DES NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES NON TRAUMATIQUES. 199 

fragmentée en blocs ou en boule; mais cette myéline est 
maniFestement altérée: elle s'est colorée en gris terne sous 
rinfluence de Tosmium et il n'est pas vraisemblable que cette 
coloration soit due à une action insuffisante du réactif, car, de 
loin en loin, on aperçoit des gouttelettes de myéline ayant 
pris une belle couleur brune. 

Les nerfs saphène intetme et externe sont peu altérés. La 
plupart de leurs fibres sont normales. Celles qui sont altérées 
sont peu nombreuses et présentent des varicosités remplies de 
noyaux prolifères et de masses de protoplasma finement 
granuleux enveloppant des gouttelettes graisseuses vivement 
colorées en noir. 

Les nerfs tibîal antérieur et tibial postérieur présentent les 
mêmes altérations que les saphènes, peut être même le 
nombre des fibres altérées y est-il proportionnellement moins 
considérable. 

Les nerfs crural et sciatique sont parfaitement sains : sur 
un grand nombre de préparations soigneusement examinées 
nous n'avons pas rencontré de fibres manifestement altérées. 

Dans les racines antérieures, la grande majorité des fibres 
est normale. Çà et là on découvre quelques très rares fibres 
fragmentées en boules (type 2). Dans les racines postéineuresy 
presque toutes les fibres sont fragmentées en boules (type ^). 

Réflexions. — Si Toii veut bieu négliger les détails 
pour s'en tenir au fond même des choses, on verra 
bien vite que cette observation présente avec la précé- 
dente d'étroites analogies. Dans les deux cas^ il exis- 
tait une lésion médullaire et une altération évidente 
des racines postérieures correspondantes. Dans les 
deuxcas,il s'était produit, à un momentdonné, plusieurs 
foyers de névrites périphériques, ayant provoqué l'ap- 
parition de divers troubles trophiques cutanés. Dans 
les deux cas enfin, ces névrites siégeaient exclusivement 
sur les branches terminales des nerfs : les troncs ner- 
veux intermédiaires et les racines antérieures, étaient 
demeurés parfaitement indemnes. 



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200 PATHOLOGIE NERVEUSE. 

Il est assez malaisé de comprendre comment une 
lésion médullaire peut exercer primitivement son 
influence sur les terminaisons périphériques des nerfs, 
en épargnant les troncs nerveux intermédiaires. Il 
serait assurément plus simple, plus satisfaisant pour 
l'esprit, d'admettre une propagation continue de l'in- 
flammation de la moelle aux racines, des racines aux 
troncs nerveux et des troncs nerveux aux terminaisons 
périphériques. Mais l'étude des faits ne permet pas 
d'accepter cette hypothèse. Nous serions très disposés 
à penser que la lésion centrale est une condition pré- 
disposante et non pas une cause immédiate des névrites 
périphériques qui se montrent dans le cours des afl^ec- 
tions des centres nerveux. 

Dans cette hypothèse, la lésion centrale modiGerait 
l'état de la nutrition des nerfs périphériques, mais ne 
serait pas sufiisante par elle-même pour produire 
nécessairement des altérations inflammatoires ou dé- 
génératives des nerfs périphériques. Ces altérations 
se produiraient sous l'influence immédiate de conditions 
accessoires accidentelles, telles, par exemple, que la 
compression qui s'exerce ^u niveau du sacrum, des 
fesses, des talons, des malléoles, c'est-à-dire dans les 
points où se développent presque toujours les troubles 
trophiques cutanés consécutifs aux afl'ections céré- 
brales ou médullaires. Quoi qu'il en soit, il y a une 
diff^érence radicale entre la marche centripète des 
névrites spontanées, liées aux afl'ections cérébrales ou 
médullaires, et les dégénérations wallériennes centri- 
fuges qui surviennent consécutivement aux sections 
transversales des nerfs. 



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DE3 NÉVRITES PÉRIPHÉRIQUES NON TRAUMATIQUBS. 201 



III 



Les observations qu'on vient de lire sont trop peu 
nombreuses pour qu'on puisse en tirer des conclusions 
générales : il est possible d'en dégager cependant 
quelques enseignements qu'il n'est pas inutile de si- 
gnaler brièvement. 

Elles prouvent tout d'abord que la névrite périphé- 
rique non traumatique est une affection relativement 
commune, puisque, dans un laps de temps restreint, et 
dans un service d'une activité moyenne, nous avons 
pu en réunir neuf observations. Mais elles montrent 
aussi que ces névrites ne produisent pas de désor- 
ganisation apparente à l'œil nu, des filets nerveux 
sur lesquels elles siègent, de telle sorte que, pour les 
reconnaître, il est nécessaire de se livrer à une étude 
patiente et attentive. L'examen macroscopique est in- 
suiiisant dans la plupart des cas pour en révéler 
l'existence, et, pour apprécier exactement l'état d'inté- 
grité ou d'altération des tubes nerveux, il faut de toute 
nécessité recourir à un examen microscopique régulier. 

Les altérations qui caractérisent les névrites non 
traumatiques sont des altérations parenchymateuses. 
Elles portent exclusivement, au moins à leur début, 
sur les tubes nerveux eux-mêmes. Le tissu conjonctif 
reste normal pendant un temps relativement long; il 
ne s'épaissit que lorsque la névrite a déjà détruit ou 
profondément altéré Ips tubes nerveux eux-mêmes. 

Il y a de grandes analogies apparentes entre les 
altérations nerveuses que nous avons observées et les 



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202 PATHOLOGIE NERVEUSE. 

dégénératioDS wallérienaes. Toutefois, il n'y a pas 
entre les deux processus une identité complète. Tandis 
que les dégénérations waliériennes ont une évolution 
régulière, dont les phases se succèdent à des intervalles 
connus et parfaitement déterminés par Texpérimen- 
tation, les névrites ont, au contraire, une marche extrê- 
mement variable. Elles peuvent, en quelques jours, 
en quelques heures, amener une destruction complète 
des tubes nerveux ou durer, pour ainsi dire, indéfi- 
niment dans un même nerf. D'autre part, tandis que 
les dégénérations waliériennes ont toujours une marche 
centrifuge, les névrites peuvent prendre naissance 
dans les extrémités périphériques des nerfs, s'étendre, 
en s'atténuant, dans les branches nerveuses voisines de 
ses extrémités et disparaître totalement dans les troncs 
nerveux; elles paraissent ainsi avoir une marche 
ascendante centripète. Même dans les cas où ces né- 
vrites paraissent liées à des altérations primitives des 
centres nerveux, nous n'avons pas trouvé d'altérations 
continues, entre la moelle et les nerfs altérés. Entre 
l'altération centrale et l'altération des nerfs périphé- 
riques, les troncs nerveux étaient sains et présentaient 
toutes les apparences de l'état normal. 

Toutes les névrites périphériques ne donnent pas 
lieu à des troubles trophiques ou sensitifs appré- 
ciables. Ces troubles n'apparaissent probablement que 
lorsque la proportion des fibres altérées est assez 
considérable. Ils varient du reste, dans leur nature, 
selon la fonction des nerfs altérés et selon les degrés 
de l'altération. Ce sont, selon les cas, des èschares 
rapides(OBS. I, II, III, VIII, IX), des ulcérations n'ayant 
pas de tendance à la guérison (Obs. V), des éruptions 



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DE LA CEPHALEE DBS ADOLESCENTS. 203 

vésiculeuses d'herpès (Obs. IV) ou de bulles pemphi- 
goïdes (Obs. IX), des maux perforants plantaires 
(Obs. VII), des œdèmes chroniques et durs (Obs. VI), des 
arthropathies (Obs. VI, VII), des dystrophies des ongles 
(Obs. VII, IX). Le plus souvent, ces troubles trophiques 
s'accompagnent d'auesthésie locale des téguments, ou 
du fond des ulcérations; mais cela n'est pas constant : 
la peau qui recouvrait les articulations affectées d'ar- 
thropathies dans Tobservation VI ne présentait pas de 
troubles appréciables de la sensibilité. 

Telles sont les conclusions principales qui nous 
paraissent ressortir de l'étude de nos observations. 
Nous n'entrerons pas dans de plus longs développe- 
ments, désireux que nous sommes de n'aborder, pour 
le moment, aucune question historique ou théorique, 
et de laisser à notre travail le caractère d'un simple 
recueil de faits. 



CLINIQUE NERVEUSE 



DE LA CÉPHALÉE DES ADOLESCENTS»; 
Par le Dr Théodore KELLER. 

Le caractère de parité que nous avons constaté pour 
la marche de la maladie, nous le constaterons de même 

>V. le n* 16, p. 1. 



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201 CLINIQUE NERVEUSE. 

pour le siège et la nature de la douleur. Nos jeunes 
malades ont été unanimes à la localiser dans la région 
frontale. Ils ne se sont jamais plaints de la partie occi- 
pitale de la tète et rarement des régions latérales. La 
plupart indiquaient une place nettement limitée à la 
partie antérieure du front et qui s'étendait tout au plus 
jusqu'à la naissance des cheveux. L'un d'entre eux 
nous a même dit que la douleur occupait une place 
grande comme une pièce de cinq francs. Ces jeunes 
malades étaient du reste faciles à interroger; ils se 
rendaient, en général, très bien compte de leurs sensa- 
tions et s'expliquaient d'une façon très précise. Sur la 
nature de leurs douleurs, les renseignements qu'ils 
nous ont donnés n'ont pas été moins concordants. 
Presque tous souffraient, dans l'acception réelle du 
mot, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Ils em- 
ployaient, pour définir leurs sensations, des expressions 
imagées et vives; ils parlaient d'élancements, de tenail- 
lement, de morsure, de dilacération dans la profon- 
deur. Cette intensité des sensations n'existe pas, comme 
on sait, dans beaucoup d'autres formes de céphalal- 
gies, et notamment dans celles liées aux états névro- 
pathiques ordinaires où les malades n'accusent le plus 
souvent que des sensations vagues et diffuses. Quand 
l'affection était arrivée à son degré le plus élevé, nos 
jeunes malades portaient d'ailleurs sur leur visage la 
marque de leur souffrance. Ils avaient les traits con- 
tractés, les yeux étaient cernés et un voile de tristesse 
était habituellement répandu sur toute leur physio- 
nomie. 

Le diagnostic différentiel de cette affection ne nous 
paraît pas difficile à établir. Aucun de nos malades ne 



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DE LA CÉPHALÉE DES ADOLESCENTS. 205 

sentait la douleur à la pression sur le trajet des ra- 
meaux nerveux de la région; nous n'avons donc point 
eu affaire à une névralgie. Ce n'était pas davantage 
une migraine, car la douleur n'était pas unilatérale, 
elle ne se propageait pas aux yeux et ne s'accompa- 
gnait que par exception de troubles de l'estomac. Li 
migraine ne procède d'ailleurs que par accès; elle n'a 
pas la continuité de cette céphalée. L'affection qui, en 
apparence, s'en rapprocherait le plus serait Tasthéno- 
pie sous ses différentes formes. Mais nos jeunes ma- 
lades ne se plaignaient pas des yeux; leur vue ne se 
troublait pas quand ils s'appliquaient, la grande 
lumière ne les incommodait pas particulièrement; la 
douleur de tète persistait malgré le repos le plus com- 
plet des yeux; enfin, quelques-uns d'entre eux avaient 
consulté des spécialistes distingués qui, après mûr 
examen, avaient déclaré ne pouvoir rattacher leur état 
à un trouble del'accommodation. Pour quelques-uns de 
nos malades, les parents et même certains de nos 
confrères avaient craint un moment l'imminence d'une 
méningite ou de quelque autre affection grave du cer- 
veau. Si de pareilles craintes peuvent exister tout au 
début de l'affection, surtout quand elle fait son appa- 
rition brusquement, l'observation plus rigoureuse des 
symptômes et la marche de la maladie suffiront pour 
les dissiper. 

Nous avons en somme affaire à une névrose dou- 
loureuse du cerveau. Voyons si nous pouvons lui don- 
ner quelque explication. Nos connaissances physiolo- 
giques et anatomo-pathologiques ne nous permettent que 
des conjectures sur l'état des centres nerveux. Chaque 
fois qu'il s'agit de troubles purement fonctionnels. 



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206 CLINIQUE NERVEUSE. 

S'il était bien démontré que les modiBcatîons de la 
circulation dans le cerveau suffisent à elles seules à 
provoquer des manifestations douloureuses semblables 
à celles que nous étudions, nous supposerions volon- 
tiers avoir affaire à une hyperémie de cet organe. 
Nous savons, en effet, qu'il existe une prédisposition 
toute particulière à la congestion des centres nerveux 
chez les enfants et chez les adolescents. Nos malades 
se plaignent d'ailleurs souvent de chaleur à la tète ; 
ils ont la face congestionnée, les oreilles rouges ; 
ils ressentent par moments des battements dans le 
cerveau et ont les extrémités froides. Ils fuient les 
appartements chauffés; ils se plaisent au grand air, 
surtout quand le temps est frais. Il est vrai que, d'autre 
part, l'acte de se pencher, de tousser, de faire des 
efforts n'aggrave pas leurs douleurs, comme on Tob- 
serve dans les états congestifs du cerveau plus fran- 
chement caractérisés. La localisation de la douleur 
limitée à une seule et même région, est aussi difficile à 
expliquer, dans un état purement hyperémique. Il 
nous semble donc que c'est dans un processus plus 
intime que nous devons rechercher la cause de cet 
état cérébral. Ceci nous amène à parler de l'étiologie 
de l'affection. 

Chez les parents de plusieurs de nos enfants, la 
diathèse arthritique était indéniable. Eux-mêmes ont 
présenté dans le cours de leur maladie ou auparavant 
des manifestations rhumatismales. M. Charcot nous a 
dit avoir souvent constaté la coexistence de cette dia- 
thèse dans les cas qu'il a observés. On sait, du reste, 
combien les céphalalgies, sous toutes leurs formes, sont 
fréquentes dans les races goutteuses. Mais, pour certains 



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DE LA CBPHALËB DES ADOLESCENTS. 207 

de nos malades, ce vice constilutioniiel n'existait ni 
chez eux ni chez leurs antécédents. Nous ne rencon- 
trons pas non plus de prédisposition nerveuse congé- 
nitale. Les parents de nos enfants n'ont eu ni affection 
organique des centres nerveux^ ni état névropathique 
qui mérite d'être signalé. Que d'enfants sont d'ailleurs 
rhumatisants ou nerveux, et combien peu en pro- 
portion sont atteints de cetle céphalée I L'origine du 
mal n'est donc pas là exclusivement. 

Quand le mai débute, nos jeunes malades sont tous, 
on le remarquera, à l'âge où la croissance et le déve- 
loppement de tous les organes prennent une intensité 
nouvelle sous l'influence de la puberté qui approche. 
A ce moment de la vie, comme Tout établi tous les 
médecins ' qui se sont surtout voués aux maladies de 
l'enfance, il existe dans l'organisation une vulnérabi- 
lité toute spéciale pour certaines affections aiguës et 
chroniques. C'est ainsi que l'on voit apparaître à cet 
âge les premières manifestations de l'hystérie, l'épilep- 
sie, les tics, la tuberculose, la chorée, la chlorose, et, 
dans l'ordre chirurgical, les déviations de la taille, la 
târsalgie, les exostoses, l'ostéite épiphysaire', etc., etc. 
Cette sensibilité de l'organisme a bien certainement 
des causes complexes ; mais la plus évidente nous 
paraît être celle qu'a signalée M. le professeur Bou- 
chard ', à savoir, la déséquilibration qui peut se ma- 

* Voir Ducamp. — Des maladies de croissance, 1823. 
Régnier. — Maladies de la croissance. Thèse de Paris, 1860. 
Richard (de Nancy). — - Traité des maladies de Venfaiice. 

Jules Simon. — Conférences thérapeutiques et cliniques sur les mala- 
dies de fenfance^ p. 110. 
Foussngrives. — Hygiène de Venfance, 

* Gosselin. — Clinique chirurgicale de la Charité, t. I^r. 

' Bouchard. — Des maladies par ralentissement de la nutritiouy p. 37. 



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208 CLINIQUE NERVEUSE. 

uifester à cet âge entre l'apport nutritif et les frais 
considérables auxquels est soumis le corps sous l'in- 
fluence de la croissance juvénile. Plusieurs de nos 
jeunes malades souffraient bien certainement dans 
leur nutrition générale, quand il nous a été donné de 
les voir pour la première fois ; ils grandissaient rapi- 
dement, ils se fatiguaient facilement, ils étaient pâles et 
anémiques. Chez d'autres, de pareils troubles étaient 
moins manifestes. Mais pourquoi le processus n'affec- 
terait-il pas certains organes à l'exclusion des autres? 
Ne voit-on pas tous les jours des malades souffrir 
d'affections du système nerveux, sans qu'ils aient rien 
perdu des apparences de la santé ? 

Rien ne défend donc d'admettre que, chez nos ado- 
lescents, le cerveau s'est trouvé modifié sous l'influence 
de la croissance et en vertu de quelque idiosyncrasie 
particulière. En acceptant cette explication, on com- 
prendrait mieux le fait important de la localisation de 
la douleur dans la région frontale. Nous savons, en 
effet, qu'il existe une certaine indépendance fonction- 
nelle entre les différents territoires du système ner- 
veux central et notamment les circonvolutions céré- 
brales. Nous savons ainsi que les facultés importantes 
de l'attention et de la concentration de la pensée rési- 
dent dans les lobes frontaux. Or, à l'âge qu'ont nos 
enfants, ce sont ces fonctions qui sont le plus mises à 
l'épreuve. Ils ont terminé leur première instruction 
et commencent à être soumis au programme univer- 
sitaire, lequel, on ne l'ignore pas, leur impose de 
grands efforts et surcharge lourdement leur bonne vo- 
lonté. Qu'est-ce que le travail intellectuel de l'enfant, 
si ce n'est l'exercice continuellement répété de l'atten- 



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DE LA CÉPHALÉE DES ADOLESCENTS. '209 

tioii et de la réflexion? Il u'v a doue rieu de bien 
étonnant à ce que les régions où siègent ces facultés 
puissent souffrir chez eux plus spécialement. 

Du reste, nous ne prétendons pas qu'entre le mal de 
tète et l'application du cerveau il y ait une relation abso- 
lue. Comme nous Tavonsétabli plus haut, lacéphalée peut 
faire son apparition d'une façon absolument brusque, 
sous rinfluence de causes accidentelles, indépendantes 
de toute contention d'esprit. De même nous voyons 
que, chez la plupart de nos jeunes malades, la douleur 
persistait souvent dans le repos intellectuel le plus par- 
fait et que, guérie momentanément, elle peut reparaître 
dans une période de même repos. Tel a été le cas de D. . . 
qui, par deux fois, a pu se croire débarrassé du mal et 
qui en a été repris dans les conditions les meilleures, 
en apparence, d'hygiène physique et intellectuelle*. De 
ce que la céphalée peut exister en dehors de toute con- 
tention d'esprit, il n'en faudrait cependant pas conclure 
que celle-ci ne joue aucun rôle dans la maladie. Nous 
nous rappelons, en effet, que, chez la plupart de nos 
jeunes malades, les douleurs se manifestent pour la 
première fois vers la fin de l'année scolaire, à l'époque 
où le travail devient plus difficile et plus soutenu pour 
les examens qui approchent. Tous essayent de conti- 



> Voici la suite de l'observation de D... Au mal de tête s'ajouta au bout 
de peu de jours un état de malaise général avec anorexie, abattement, 
Trissons erratiques qui firent craindre le dél)ut d'une fièvre typhoïde. 
Mais l'observation thermométrique ne permit de constater aucune éléva- 
tion de température. Dans ces conditions, M. Bucquoy conseilla de sus- 
pendre momentanémeut l'hydrothérapie. Quelques semaines plus tard, 
l'enfant étant allé passer quelques jours à Fontainebleau avec son pare, 
il s'y sentit si bien qu'on résolut de l'y laisser chez un garde. Il y est 
resté tout ce printemps, prenant beaucoup d'exercice dans la forêt; ses 
douleurs de tête ont disparu, mais il ne peut pas encore s'appliquer à 
l'étude. 

ARCHIVES, t. VI. 14 



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210 CLINIQUE NEUVEUSE. 

nuer leurs études, et ils le peuvent, en effet, au début; 
mais tous voient leurs maux de tète augmenter en rai- 
son même des efforts qu'ils fout, et ils sont forcés, 
après un certain temps, d'abandonner leurs études ou 
de les restreindre dans des proportions considérables. 
Quand l'affection est arrivée à son apogée, ce n'est 
pas seulement le labeur scolaire qui exaspère le mal, 
c'est alors la lecture, même celle dite de délassement; 
c'est l'audition d'un récit, une simple conversation, 
l'acte de réfléchir lui-même, en un mot, tout ce qui 
éveille l'attention, tout ce qui met en mouvement 
l'élaboration directe de la pensée. L'influence du travail 
intellectuel est donc des plus évidentes : il entretient 
et aggrave le mal de tète. Il y a là une sorte d'action 
en retour du mal sur lui-même. La douleur est, du 
reste, toujours moindre au matin, après le sommeil ; 
elle reprend dans la matinée, surtout quand l'enfant 
s'applique; s'il fréquente l'école, c'est vers le soir 
qu'il souffre le plus. 

On pourrait croire qu'il y a chez nos jeunes malades 
une faiblesse congénitale des facultés intellectuelles, 
laquelle les rendrait plus accessibles aux affections 
du cerveau. Il n'en est rien. Enfants, ils ont tous mon- 
tré, sauf une exception, une intelligence ordinaire; 
bien plus, quelques-uns étaient même particulièrement 
bien doués et occupaient les premières places parmi 
leurs condisciples ^ On n'est pas en droit non plus d'in- 
criminer, chez eux, la mémoire, qui reste, en général, 
bonne malgré la maladie. D'ailleurs, aussitôt rétablis, 



1 En témoignage de ce fait, nous pouvons dire que deux de nos con- 
fVères les plus distingués, qui sont actuellement médecins des hôpitaux, 
ont souffert de cette affection pendant plusieurs années de leur enfance. 



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DE LA CËPHALEB DES ADOLESCENTS. 21 f 

ils regagueut le temps qu'ils ont perdu et repreaueut 
à Técole le rang auquel ils peuvent prétendre par leur 
âge. On ne peut pas davantage leur reprocher une 
mauvaise volonté: ils sont soumis et désireux de bien 
faire. La plupart sont fort jiumiliés de rester inactifs à 
l'âge où tous leurs camarades travaillent; tous ne de- 
mandent qu'à continuer leurs études et à s'acquitter de 
leurs devoirs. 

On a remarqué qu'une seule de nos observations con- 
cernait une fille. La maladie paraît, en effet, n'atteindre 
que rarement ce sexe. Plusieurs médecins, auprès des- 
quels nous avons cherché des renseignements, nous 
ont assuré avoir souvent vu l'affection chez des gar- 
çons, mais non chez des jeunes filles. Seul M. H. Gué- 
ueau de Mussy nous a dit avoir observé un cas. 
La raison de ce fait nous échappe. On ne peut guère 
l'imputer aux habitudes intellectuelles, car on sait que 
de nos jours, les jeunes filles font des études presque 
aussi laborieuses que celles des garçons. 

Nous signalerons, en passant, la différence qui existe 
entre cette céphalée et les symptômes d'une affection 
des adultes qui devient de plus en plus commune, no- 
tamment chez les Américains. Nous voulons parler de 
la névrasthénie, ou plutôt, de la parésie cérébrale, une 
des formes de cet état. Grâce à M. Gharcot principale- 
ment, nous avons eu l'occasion d'étudier bien des fois 
cette affection pendant ces dernières années. Dans 
presque tous les cas que nous avons vus, il n'existait 
pas de vraies douleurs; les malades se plaignaient d'é- 
prouver à la tète une sensation de compression qui sié- 
geait surtout à la région occipitale et s'irradiait vers les 
tempes ; ils n'accusaient point de douleur au front. Ils 



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âlâ CLINIQUE NËRVEDSfi. 

ne pouvaient ni écrire, ni lire, ni s'occuper de leurs 
affaires ; mais c'était bien plutôt par une sorte d'inca- 
pacité cérébrale qu'en raison des souffrances occa- 
sionnées par le travail. Cet état est dû le plus souvent 
à des fatigues intellectuelles excessives. Mais c'est un 
fait curieux de constater combien, pendant ces deux 
périodes de la vie, les sensations se localisent dans des 
régions différentes, et combien elles revêtent un ca- 
ractère dissemblable. Il semblerait que le cerveau de 
l'enfant s'irrite douloureusement avec plus de facilité 
que celui de l'adulte. 

Si l'affection est réellement en rapport avec la crois- 
sance, elle a chance de guérir spontanément au mo- 
ment où l'organisme a parfait son développement, ou 
même auparavant, en vertu d'efforts effectués par la 
nature pour rétablir l'équilibre rompu pendant un 
temps par ce travail physiologique. Les choses parais- 
sent, en effet, se passer ainsi le plus souvent. Ceux de 
nos confrères qui ont été à même d'observer quelque- 
fois cette affection, dans tout son cours, nous ont dit 
l'avoir vu s'épuiser, en général, vers la vingtième année. 
Selon M. Charcot, cette guérison s'effectuerait souvent 
pendant le volontariat. Nul doute que le changement 
de vie, auxquel sont alors soumis les jeunes gens, n'ait 
sa part dans cette guérison. Il est aussi certainement des 
cas légers, où le mal ne fait, pour ainsi dire, qu'effleu- 
rer l'adolescent ; l'observation VI est peut-être un de 
ces cas. Mais, par contre, il en est d'autres où l'affec- 
tion est réellement tenace. Quelques-uns de nos jeunes 
malades souffraient depuis plusieurs années quand 
nous avons été appelés à les soigner. B... a atteint 
aujourd'hui sa vingt-troisième année et il est encore 



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DU LA CBPHALÊB DBS AD0LB8CBNTS. 213 

dans le même état qu'il y a cinq ans, à l'époque où il 
nous fut adressé. 

De même, un de nos amis, autrefois professeur dans 
un lycée de province^ nous a cité l'exemple d'un en- 
fant qui dut quitter le lycée à l'âge de treize ans pour 
des douleurs de tète de cette nature. On essaya de lui 
donner l'instruction à la maison, et ce fut notre ami 
qui fut chargé de cette tâche. Mais, au bout de peu de 
temps, il dut l'abandonner, l'enfant étant incapable de 
fournir aucun travail sérieux* Le père, désolé, fut 
obligé de renoncer complètement à l'idée de lui faire 
terminer son instruction et le voua à l'agriculture. Le 
jeune homme est âgé aujourd'hui de vingt-cinq ans, et, 
malgré la vie en plein air et le repos d'esprit auquel il 
s'est assujetti, il n'est pas encore débarrassé de ses 
douleurs. 

Que la maladie puisse d'ailleurs guérir ou non par 
le seul progrès du temps, il n'en importe pas moins 
d'en délivrer l'enfant au plus vite, puisque, d'une part, 
elle le fait souffrir, et que, d'autre part^ elle compro- 
met son instruction. Voyons donc quels sont les moyens 
que l'on peut lui opposer. 

Il n'y a pas à compter sur l'effet des médicaments. 
Nos jeunes malades les avaient essayés presque tous 
sans résultat. Le repos absolu de la tète, le grand air 
soulagent les malades, et peuvent même les guérir, 
quand l'affection est légère. Mais, comme l'attestent 
plusieurs de nos observations, tout cela est insuffisant 
dans les cas plus graves. La mer, les eaux miné- 
rales ont une action plus sensible. Ragatz a produit 
une amélioration, à deux reprises, chez le malade du 
D' Blache. M. Bucquoy nous a dit avoir constaté les 



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214 CUNIQUE NERVEUSE. 

bons effets des eaux de Saint-Nectaire. Son jeune client 
a été affranchi de ses douleurs durant tout le temps 
qu'il a séjourné dans cette station. Toutefois, il a été 
repris par le mal aussitôt qu'il en est revenu. Il est, du 
reste, compréhensible que les eaux thermales, elles 
aussi, n'aient pas une complète efficacité dans une 
affection de cette nature, où la cause, par moments 
assoupie, a une tendance incessante à se réveiller sous 
chaque nouvel effort de la croissance. C'est donc à 
une médication dont les effets puissent être dosés et 
soutenus plus sérieusement qu'il faut avoir recours, 
et celle qui remplira ces conditions le plus avanta* 
geusement nous paratt être l'hydrothérapie. Par la 
complexité de son action, elle répondra à toutes 
les exigences de l'état de nos malades. Par sa puis- 
sance reconstituante, elle relèvera les fonctions nutri- 
tives de l'organisme; par son action spécifique sur le 
système nerveux, elle modifiera directement l'innerva- 
tion; enfin, par son action vasomolrice et révulsive, 
elle pourra avoir son utilité pour modifier la circula- 
tion cérébrale. L'expérience démontre la vérité de ces 
principes. Nos observations prouvent, en effet, que 
nous avons toujours pu soulager rapidement les ma- 
lades qui nous ont été confiés et que nous avons 
réussi dans presque tous les cas à les mettre à même 
de reprendre leurs études iuterrompues, ce qui est, en 
somme, le résultat essentiel à acquérir. 

Il serait trop loug de dire ici comment nous avons 
appliqué le traitement à chacun de nos jeunes malades. 
Nous sommes de ceux qui estiment que l'hydrothérapie 
ne saurait être une médication à formules toutes pré- 
parées d'avance, comme on est trop souvent porté à le 



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DE LA CÊPHALKB DBS ADOLESCENTS. 215 

croire. On a vu, par nos observations, que plusieurs de 
nos jeunes malades, qui s'étaient adressés à des établis- 
sements non médicaux, s'en étaient mal trouvés. On 
confiera donc ces sortes de traitements à des médecins 
consciencieux et expérimentés et on ne les laissera 
pas aux soins d'un personnel ignorant de la médecine 
et par cela même incapable et inhabile. 

En principe, comme c'est l'action tonique de l'hy- 
drothérapie que l'on aura à rechercher dans presque 
tous les cas, c'est aux applications froides que l'on 
aura recours , sauf contre-indications tirées des cas 
particuliers. Parmi les procédés à mettre en usage, ce 
sera la douche mobile en jet brisé à laquelle nous don- 
nerons la préférence. Cette forme de douche, à la pro- 
pagation de laquelle M. le professeur Charcot a tant 
contribué, et qui pourrait être appelée française, aussi 
bien par l'emploi spécial qu'elle a dans notre pays que 
par les services qu'elle y rend, est, en effet, celle qui 
peut être maniée avec le plus de facilité et le plus de 
légèreté. C'est celle qui répondra le mieux aux exi- 
gences de ces traitements qui sont parfois fort délicats, 
surtout dans les débuts. 

Le traitement sera toujours de longue durée. Ceux 
de nos malades qui l'ont interrompu trop tôt ont été 
repris de leurs maux de tète. Au contraire, ceux qui 
ont persévéré ont, en générai, évité ces retours. Au 
commencement de la cure, on fera cesser tout travail 
de tète, pour placer l'enfant dans les meilleures con- 
ditions possibles. Plus tard, on pourra mener ensemble 
les études et le traitement. Enfin, une fois remis, le 
jeune garçon sera soumis encore de temps en temps 
au traitement pour assurer sa guérison. 



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216 CLINIQUE NERVEUSB. — CÉPHALÊB DES ADOLESCENTS. 

Les observations que nous venons de rapporter se 
ressemblent toutes tellement qu'il nous paratt su- 
perflu de démontrer que, dans tous ces cas, nous 
avons eu sous les yeux une même et unique affection. 
Si quelquefois nous avons insisté un peu longuement 
sur les détails, dans l'exposé des faits, c*était précisé- 
ment pour bien mettre en lumière cette grande analogie. 
Voyons maintenant en quoi consiste cette affection sin- 
gulière qui est peut-être moins rare qu'elle ne pourrait 
le paraître au premier abord, puisque, dans notre seule 
pratique personnelle, il nous a été donné d'en observer 
une dizaine de cas, pendant un nombre d^années rela- 
tivement restreint. 

C'est ordinairement vers l'âge de neuf ou douze ans 
que nos jeunes malades ont commencé à se plaindre de 
la tète. Jusque-là ils avaient tous une santé assez bonne. 
Quelques-uns avaient été un peu délicats dans leur 
première enfance , mais aucun d'entre eux n'était plus 
particulièrement sujet à la céphalalgie. 

La marche de la maladie a été la même dans presque 
tous les cas. Nos jeunes garçons ont accusé d'abord des 
maux de tète passagers, auxquels ils n'accordaient 
qu'une attention relative et qui ne les empêchaient pas 
de continuer leurs études; mais bientôt ces maux de tête 
sont devenus plus fréquents, plus tenaces, et ils for- 
çaient l'élève à interrompre par intervalles ses classes. 
Finalement ils se sont établis, dans la plupart des cas, 
d'une façon si persistante, et se sont aggravés tellement 
qu'ils ont obligé nos jeunes gens à suspendre presque 
complètement tout travail intellectuel, et cela pen- 
dant un temps en général fort long. Chez deux de nos 
malades^ le début de l'affection a été au contraire tout 



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ENCÉPHALITE rAUENCHYM.VTEUSE. 21 i 

a fait brusque. Elle est survenue sous Tinfluence d'uue 
cause accideateHe, un embarras gastrique ou un refroi- 
dissement. Cependant^ chez un seul d'entre eux, le 
jeune C..., la douleur s'est établie d'emblée et a per- 
sisté avec l'intensité et les caractères qu'elle devait con- 
server pendant le reste delà maladie. Chez le second, 
les symptômes ont disparu au bout de peu de jours ; 
ce n'est que plusieurs mois plus tard que la maladie 
s'est de nouveau manifestée ; mais, cette fois, pour suivre 
la marche lentement progressive qu'elle a présentée 
dans l'ensemble des autres cas et qui nous parait devoir 
être la règle. 



RECUEIL DE FAITS 



ENCÉPHALITE PARENCHYMATEUSE LIMITÉE DE LA SUBSTANCE 
GRISE, AVEC ÊPILEPSrc PARTIELLE (Jacksonienne) COMME 
SYNDROME CLINIQUE; par M. S. -F. Danillo. 

(Laboratoire de la Clinique des maladies du système nerveux 
de M. Cbarcot.) 

Nous nous proposons de décrire ici les résultats de Texamen 
histologique du cerveau d'une malade, morte dans le service 
de M. Gharcot, en présentant les phénomènes pathologiques 
susmentionnés. 

N'ayant pas à nous occuper de la clinique dé ce cas, nous 
nous bornerons à en mentionner les points les plus importants 
en donnant un court extrait des o1)servations qui en ont été 
prises par MM. les D" Ballet et Féré. (Salle Duchenne, de Bou- 
logne.) 



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âl8 IIBCUEIL DE FAITS. 

Quant aux altérations anatomiques qui seront Tobjet de 
notre étude, elles nous paraissent présenter certaines particu- 
larités qui nous autorisent, croyons-nous, à les envisager 
comme une entité anatomo-pathologique spéciale et à les dési- 
gner sous le non^ placé en tête de notre mémoire. 

Ck)mme données cliniques, les faits principaux sont les sui- 
vants : 

La nommée F..., âgée de vingt-deux ans, est entrée dans le 
service de M. le professeur Gharcot le 23 mars 1882, affectée 
d*attaques d'épilepsie partielle gauche. 

L'attaque commence toujours par une aut^a sensitive (dou- 
leur au creux épigaslrique), passe ensuite à Tépaule gauche et 
suit ce bras jusqu*aux extrémités digitales. Les convulsions 
commencent par le bras gauche; les doigts se ferment et se 
contractent en formant une sorte de griffe. Au début de Tat- 
taque, les yeux se tournent vers la droite et en haut; la face 
se porte à gauche, ainsi que la langue qui dévie vers ce côté. 
On observe ensuite des battements des paupières avec contrac- 
tion de la pupille. Les membres inférieurs sont en extension et 
la jambe gauche est agitée, ainsi que le bras, de trépidations, 
avec abduction consécutive du pied. A la suite des attaques, la 
face se couvre de sueur; il ne se produit jamais de perte de 
connaissance ni pendant, ni après les attaques, qui sont sui- 
vies d*une paralysie flasque du bras et de la jambe gauches, 
qui n'est pas toujours constante, mais qui survient surtout 
après les crises d'attaques mulliples. Cette paralysie se mani- 
feste également à la face ; la bouche est alors tirée vers la 
droite et en haut, Touverture palpébrale gauche est plus grande 
que la droite, le sillon naso-génien est plus effacé à gauche. 
S'il se produit un intervalle de trente à quarante-cinq minutes 
entre les attaques, la paralysie faciale disparait ; mais celle des 
membres du côté gauche persiste pendant toute la période des 
attaques pour ne cesser que quelques jours après la fin d'une 
de ces périodes d'attaques convulsives. 

La première attaque a eu lieu à l'âge de cinq ans, sans pro- 
dromes ; elles ont persisté pendant plusieurs mois, se produi- 
sant d'abord jusqu'à cinquante fois par jour et descendant en- 
suite de vingt à six. Elles ont cessé vers six ans pour reparaitre 
à dix ans, pendant six semaines environ, où elles ont été sui- 
vies d'une période de calme de huit mois. 

A cette époque, nouvelles séries d'attaques, à la suite des- 



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ENCÉPHALITE PARENCHYMATBUSE. 219 

quelles la malade est entrée à la Salpôtrière où elle est restée 
deux ans. Pendant ce temps, trois séries d'attaques, avec six 
mois d'intervalle entre chacune d'elles. Étant sortie, elle a, 
pendant quatre mois, une nouvelle série d'attaques de même 
force et de même fréquence. A l'âge de seize ans, après un re- 
pos de huit mois, elle entre à l'hôpital Saint-Antoine à deux 
reprises différentes, puis est admise à l'Hôtel-Dieu. Enfin, ainsi 
que nous l'avons indiqué ci-dessus, elle est placée en dernier 
lieu dans le service de M. le professeur Gharoot. 

La température normale du sujet oscille de 37^ à 3V,5 pour 
s'élever à 38%5 et 39^,4 pendant les attaques. 

La dernière série d'attaques a commencé à la clinique, le 
19 octobre 1882, par les phénomènes déjà énoncés; puis elles 
sont devenues de plus en plus fréquentes, accompagnées d'hal- 
lucinations terrifiantes. Du 29 au 30 octobre, la malade a eu 
cent seize attaques diurnes et cinquante-huit nocturnes. Le 
5 novembre, elle est dans le conia, avec température de 38«,3, 
précédant de trois jours la mort qui survient le 8 novembre. 

A l'autopsie du cerveau, les principales données notées par 
M. Féré sur le cahier anatomo-pathologique de la clinique, 
d'où nous les reproduisons, sont les suivantes : 

Encéphale : poids total, 1,380 grammes; hémisphère droit, 
675 gr. ; hémisphère gauche, 547 gr. Cervelet : lobe droit, 
coupé au ras de la protubérance, 62 gr. ; lobe gauche, 51 gr. 
L'hémisphère droit est plus volumineux. La tuméfaction du 
lobe droit est plus prononcée dans la région frontale. La ca- 
vité arachnoïdienne ne contient pas de liquide. La tuméfaction 
de l'hémisphère droit, plus prononcée dans le lobe frontal, se 
fait aussi sentir dans les lobes sphéno'idal et occipital. Le lobe 
droit a, en quelque sorte, pénétré dans le lobe gauche. En ar- 
rière, cependant, l'adhérence est beaucoup moins marquée 
entre les deux hémisphères et on peut facilement faire péné- 
trer le doigt, par la scissure longitudinale, jusqu'au corps cal- 
leux. En enlevant la pie-mère du côté droit, on endommage la 
substance cérébrale. Les circonvolutions sont tassées et pâles, 
comme dans l'hémorrhagie cérébrale. 

Dans l'hémisphère droit, au fond du sillon qui sépare la pre- 
mière frontale de la deuxième, immédiatement en avant de la 
coupe pédiculo-frontale, on trouve un épaississement de la 
substance grise qui se trouve au voisinage des centres mo- 
teurs, mais ne les intéresse pas. On remarque un contraste 



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220 RECUEIL DB FAITS. 

entre la substance grise des circonvolutions du côté droit et du 
côté gauche. Du côté droit, elle paraît être plus pâle, plus 
épaisse que de Tautre côté, présentant en même temps un 
aspect lardacé ^ 

Ayant fait, d*après le conseil de M. Gharcot, des mensura- 
tions exactes de la partie épaissie de la couche de la substance 
grise qui tapisse le sillon entre les deux circonvolutions (pre- 
mière et deuxième frontales) de ce côté et les autres parties de 
Técorce grise, et en les comparant avec des endroits identiques 
de rhémisphère gauche^ nous avons pu constater les résultats 
suivants : 

L'épaisseur de la substance grise du fond du sillon entre les 
deux circonvolutions du côté droit est égale sur coupe à sept à 
huit millimètres, tandis que, du côté gauche, elle n'a que trois 
à quatre millimètres dans le même endroit. Les deux branches 
qui forment les parois du sillon font saillie de trois millimètres 
environ au-dessus du niveau de la substance blanche sous- 
jacente. Au contraire^ sur l'hémisphère gauche, la surface de 
la coupe des deux substances (grise et blanche) ne présente pas 
de différence sur ce point. 

Les dessins, pris en avant de la coupe pédiculo-frontale des 
endroits identiques des deux hémisphères, démontrent bien, 
du reste, la différence existant entre l'épaisseur relative de la 
substance grise. La coupe de l'hémisphère lésé (droit) est pré- 
sentée par la surface frontale à l'endroit le plus saillant de 
l'épaississement de la substance grise. [Fig. i et 2.) En re- 
montant vers la périphérie, la différence devient moins sen- 
sible, et, enfin, à un centimètre environ des deux côtés du 
sillon, les parties avoisinantes de la surface convexe ne pré- 
sentent presque pas de différence notable, quant à la largeur 
relative de la couche de substance grise. (Ftg. 1 et 2.) 

Dans la direction frontale, cet épaississement se fait voir en 
coupe sur cinq centimètres de largeur au fond du sillon, en 
passant ensuite insensiblement dans les parties qui paraissent 
être saines. Dans la direction occipitale^ la différence de lar- 
geur de la couche de substance grise, dans des endroits iden- 
tiques des deux hémisphères, est moins prononcée. La largeur 
relative de la substance grise, en d'autres points, ne présente 
pas de différence sensible. La consistance au toucher, de même 

^ Les pièces de ce cerveau ont été présentées k la Société anatomique 
par M. Ballet, pendant le mois de novembre 1882. 



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BNCÈPUALITE PARENCHYMATBUSË. 221 

que la résistance sous le scapel de la partie épaissie est la 
même, est semblable à celle des autres portions des deux hé- 
misphères. Après durcissement (bichromate de potasse à 
2 p. 100), la différence entre les parties similaires devient plus 
prononcée encore quant à la largeur. La coloration ne présen- 



Fig. \, représentant la coupe de Fig. i, représcntunl la coupe de 
riiémisphère droit (malade). lliémisphère gauche (sain). 

tant pas, cependant, de dissemblance, les autres parties de la 
région corticale, ainsi que les ganglions centraux, n'offrent pas 
d'altérations visibles à Tœil nu; toutefois, le piqueté rouge de 
la coupe des deux substances (grise et blanche) est plus pro- 
noncé à droite qu'à gauche. En somme, la lésion présente à 
Texamen macroscopique un épaississement de la substance 
grise, sans altération de consistance. Cet épaississement est 
étroitement localisé dans la région que nous avons décrite, 
avec un petit foyer de ramollissement de la substance blanche 
sous-jacente de deux millimètres environ d'épaisseur. Pas de 
trace de dégénérescence secondaire. 

L'examen histologique, à l'état frais, était fait après la dis- 
sociation, par la méthode de M. Ranvier {Archives de Physio- 
logie^ 1883, n"* 2, p. 180). Les coupes ont été traitées par le 
carmin, l'hématoxyline et le méthyl vert; ils ont été employés 



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•222 RECUEIL DE FAITS. 

aussi quelquerois pour l'étude à Tétai frais. Gomme réactifs 
chimiques, nous avons également fait usage d'alcool (à 95 
p. 100) et d'acide acétique (2 p. 100). Les mensurations micro- 
métriques ont été faites avec 2/7 Verick. 

La substance grise de la partie lésée, examinée à Tétat frais, 
présentait les éléments suivants : cellules et fibres nerveuses ; 
fibres, noyaux et cellules de la névroglie; vaisseaux, cristaux 
de cholestérine; granulations graisseuses et pigmentaires. 

En donnant la description des altérations des cellules ner- 
veuses, nous suivrons la méthode de Deiters, indiquée par lui 
dans son ouvrage classique*, en prenant pour type les grandes 
cellules pyramidales de cette région. Remarquons, cependant, 
que les cellules des autres couches présentaient les mêmes-^ 
altérations. Le corps des cellules est tuméfié à différents de- 
grés, présentant tantôt seulement une tuméfaction trouble 
du protoplasma, se colorant par les réactifs d'une manière uni- 
forme. Cette tuméfaction se bornait exclusivement au corps, 
dans certaines cellules, sans se continuer sur les prolongements 
qu'on pouvait isoler alors avec la cellule sur une longueur 
de quatre-vingt-dix à cent micro millimètres. Dans ces cas, le 
noyau et le nucléole conservaient leur forme et leur position nor- 
males et ne présentaient pas d'hypertrophie. (Pl. III, fig. 1.) 
Sur d'autres cellules, beaucoup plus nombreuses que les précé- 
dentes, l'altération paraissait poussée à un degré beaucoup plus 
avancé, la tuméfaction se propageant alors non seulement sur 
le protoplasma, mais aussi sur les prolongements (le cylindre- 
axe compris). Ces prolongements sont alors quelquefois grossis 
et présentent neuf à dix micro-millimètres de diamètre à leur 
origine. Les cellules, ainsi tuméfiées, n'offrent pas de trace de 
pigmentation normale du protoplasma; quant au noyau et 
au nucléole, ils conservent encore leurs caractères distinctifs 
dans l'état d'hypertrophie «i-dessus mentionné et, au contraire, 
on voit que le noyau prend également part à la tuméfaction 
giônéralisée de la cellule, car il occupe presque tout l'intérieur 
du protoplasma, qui est représenté alors par une mince cein- 
ture périphérique se colorant d'une façon homogène par les 
réactifs. Le noyau ainsi hypertrophié présente alors de trente 
à trente-six micro-miJlimètres de diamètre et soixante à 
soixante-six micro-millimètres pour le corps de la cellule, 

• Untersiicfiangen tteber Cehirn tind Huckenmark des Menschen, 1863, 



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ENCKPHALITE PARBNCHYMATEUSE. :>:23 

mesures prises entre les origines des proloogentents qui, bien 
que tuméfiés à leur origine, 8*amincissent très rapidement 
(Pl. III, fig. 2) et ne peuvent être suivis que sur quarante à 
quarante-six micro-millimètres au plus. Le noyau, dans ces 
cellules ainsi hypertrophiées, conserve tantôt sa place cen- 
trale, tantôt, au contraire, paraît être refoulé vers la péri- 
phérie, ne présentant alors qu'un disque de dimensions va- 
riables, et même faisant complètement défaut. En faisant 
mouvoir le corps de la cellule sous le verre , on peut 
constater facilement la position excentrique du noyau et 
Taspect vitreux de la cellule. La dernière forme de l'altération 
cellulaire est enfin la formation des vacuoles (vacuolisation des 
cellules). Ainsi, certaines cellules tuméfiées, présentant les 
caractères que nous avons décrits précédemment, font voir 
dans leur protoplasma des vacuoles de grandeur différente, 
excédant quelquefois les dimensions d'un leucocyte. Nous 
n'avons trouvé des vacuoles que dans le corps de la cellule, 
mais jamais dans les prolongements, comme cela a lieu dans 
certaines myélites toxiques expérimentales décrites par nous 
[Phosphore y 1880), et par Popoff (Arse/iic, 1882). Le noyau des 
cellules ainsi vacuolisées ou bien était refoulé vers la périphé- 
rie, ou, si les vacuoles étaient nombreuses, ne se retrouvait 
plus, et le corps de la cellule était formé par un entrecroise- 
ment dé lignes courbes, vivement colorées par les réactifs, 
tandis que les parties comprises entre Tentrecroisemeut ne 
Tétaient pas. Ainsi le carmin, le méthyl vert, Tacide osmique 
coloraient parfaitement les travées de la substance du proto- 
plasma non lésée encore, en laissant libres les parties de forme 
circulaire. (Pl. 111, fig. 3.) Quand le corps des cellules prend 
une forme polygonale, dans l'intérieur duquel s'entrecroisent 
les minces travées de la substance non encore lésée (ce qui in- 
dique déjà un degré de vacuolisation fort avancé), les prolon- 
gements subissent alors une atrophie très considérable, ne 
présentant que des pointes très minces et très courtes. 

Les altérations de la forme des cellules se présentent de la 
manière suivante : le corps, soit fusiforme, soit pyramidal, se 
tuméfie comme nous l'avons dit, prend une forme arrondie et, 
plus tard, tout en conservant ses caractères d'hypertrophie, 
affecte une forme polygonale irrégulière. Les mensurations de 
ces cellules isolées, prises en des endroits identiques des deux 
hémisphères, nous ont donné les chiffres suivants : Hémisphère 



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224 RBCUBIL DE FAITS. 

rfroi* (partie tuméfiée). Cellules pyramidales, dites géantes; 
corps entre Torigine des prolongements, soixante à soixante-six 
micro-millimètres ; noyau, de dix-huit à trente-six micro-mil- 
limëtres. Hémisphère gauche^ même région ; corps, quarante à 
quarante-cinq; noyau, six à neuf. On voit donc que la diffé- 
rence est considérable et la tuméfaction très prononcée. Les 
mensurations des cellules des autres couches nous ont donné 
des résultats analogues. Le méthyl vert colorait ces cellules 
hypertrophiées et vacuolisées d'une couleur verte, sans passer 
au violet indiquant la réaction amyloide. (Kurschmann : Die 
Beziehungen des methyl-grûns zur amyloid degenertrten Getve- 
ben; Virchoivs Archiv, 1880, Bd. LXXIX.) Le picrocarminate 
et Tacide osmique donnaient aussi leur réaction connue; les 
vacuoles restaient alors incolores. 

Les cylindre-axes isolés ne nous ont présenté qu'une tumé- 
faction moniliforme, ce qui par soi seul, comme on le sait, ne 
peut nullement indiquer une altération pathologique; ils se 
coloraient d'ailleurs d'une manière uniforme par les réactifs. 

Les altérations des vaisseaux (capillaires et vaisseaux de ca- 
libre), en ce qui touche leurs parois, sont les suivantes : tumé- 
faction des noyaux au point de fermer la lumière du capillaire 
dans certaines parties ; prolifération de ces noyaux, que nous 
avons pu parfaitement constater sur des vaisseaux et capillaires 
isolés traités à Thématoxyline. Sur les vaisseaux de calibre, 
cette altération des parois se présente sous forme de gonfle- 
ment des noyaux longitudinaux et transversaux des tuniques. 
On trouve alors un épaississement considérable des parois; cet 
épaississement n'est cependapt pas constant. Certains vais- 
seaux ne présentent qu'une tuméfaction des noyaux, sans alté- 
ration visible de leur lumière ; d'autres, au contraire, présentent 
une prolifération des noyaux très abondante (de sorte que les 
parois paraissent en être presque totalement tapissées), et 
acquièrent ainsi un épaississement considérable. Nous avons 
pu trouver dans l'épaisseur même des parois de ces vaisseaux 
des granulations pigmentaires de couleur jaunâtre et inso- 
lubles par l'alcool (95®), mais solubles par l'acide acétique 
(2 p. 100). L'espace sous-adventitiel des vaisseaux de calibre 
contenait toujours une certaine quantité de globules rouges, 
des leucocytes et des granulations qui paraissaient consister 
dans l'agglomération des noyaux de la gaine lymphatique. Ces 
granulations se remarquent principalement dans les espaces 



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ENCÉPHALITE PARENCHYMATBUSfi. 2^5 

sous-adventitiels des vaisseaux dont les parois sont épaissies, 
ou qui sont atteints de tuméfaction et de prolifération des 
noyaux des tuniques. Ces espaces ne contenaient que des glo- 
bules rouges et des leucocytes. En outre des noyaux de la né- 
vroglie, qu'on pouvait reconnaître à la coloration intense de 
leur nucléole par Thématoxyline et leurs corps pâles et arron- 
dis, nous avons aussi trouvé des cellules dites araignées, avec 
de nombreux prolongements très déliés et se colorant égale- 
ment bien par l'hématoxyline. Nous n*avons jamais constaté 
sur ces cellules soit de la tuméfaction, soit de la vacuolisation 
analogues à celles des cellules nerveuses. . Le diamètre du 
corps de ces cellules n'excédait jamais six à neuf micro-milli- 
mètres. 

Les cristaux de cholestérine, de dimensions variables, se 
présentaient sous forme de tablettes rhombiques solubles dans 
Talcool. Nous avons aussi trouvé des corps arrondis fortement 
réfringeants, se colorant bien par Tacide osmique et solubles 
dans lalcool. Quant aux granulations pigmentaires, les unes 
présentaient une coloration jaunâtre, avec forte réfringence ; 
les autres, au contraire, offraient les caractères bien connus 
du pigment d'origine hématique (coloration noire, solubilité 
dans Tacide acétique avec insolubilité dans Talcool). Dans la 
substance blanche, petit foyer de ramollissement offrant les 
éléments connus (granulations graisseuses, globules rouges et 
blancs, grains de pigment hématique, vaisseaux de calibre 
avec extravasation sous-adventitielle très prononcée, mais 
sans prolifération ni tuméfaction des noyaux de leurs tuniques. 
Les cylindres-axes présentaient quelquefois une tuméfaction 
moniliforme. Les vaisseaux isolés, pris dans d'autres parties 
de la région corticale, ne nous ont présenté que des altérations 
analogues à celles de la substance blanche du foyer de ramol- 
lissement, sans épaississement des parois. Les cellules ner- 
veuses des lobes frontaux, temporaux et occipitaux des deux 
hémisphères, pris avec les vaisseaux des mêmes points, ne pré- 
sentaient point d'altérations notables, soit dans la forme du 
corps et des prolongements, soit dans leur réaction aux ma- 
tières colorantes. 

Avant de décrire les résultats de l'examen histologique des 
coupes, nous ferons remarquer qu'elles ont été faites avec le 
microtome de Jung (de Heidelberg), ce qui nous a permis de 
les faire de grandes dimensions et par séries topographiques de 

Archives, t. VL 15 



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226 RRCUEIL DE FAITS. 

tout le territoire de i*altération (les deux substances comprises, 
grise et blanche). 

En examinant ces coupes à un faible grossissement (Ve- 
rick 3/2), l'attention est attirée tout d'abord sur la tuméfaction 
notable des cellules nerveuses, qui les atteint indifféremment 
dans toutes les cinq couches de la substance grise. Les cellules 
tuméfiées sont disposées dans Tordre connu. On le constate en 
étudiant les coupes prises verticalement, dans la direction 
antéro'postérieurej à des profondeurs différentes de la partie 
atteinte. En examinant les coupes prises vers le milieu du fond 
du sillon, et en les comparant ensuite avec celles des parties 
périphériques et plus voisines de la surface convexe, on voit que 
la tuméfaction devient moins prononcée dans ces dernières. 
Dans la partie horizontale de la région corticale, les cellules 
des couches superficielles de la substance grise sont encore 
faiblement tuméfiées, en passant insensiblement dans la ré- 
gion voisine, sans altération notable des éléments nerveux. 

Sur des coupes à double coloration, hématoxiline et carmin, 
et examinées au même grossissement, nous avons pu cons- 
tater la présence des noyaux de la névroglie, plus nom- 
breux au voisinage des vaisseaux de calibre et des capillaires 
(Pl. III, fig. 4). Ces noyaux, disposés par groupes suivant la di- 
rection des vaisseaux, se montrent en plus grand nombre dans 
la partie profonde et plus centrale de Tépaississement. Dans les 
parties périphériques voisines de la surface convexe, elles sont 
plus clairsemées. Les cellules araignées n'ont été trouvées que 
dans le fond du sillon. En remontant vers la surface et en 
examinant les coupes prises dans les deux directions (frontale 
et occipitale) près de la portion la plus tuméfiée, ou pouvait 
constater que, tandis que le tissu interstitiel et les vaisseaux 
ne présentaient pas d'altérations notables, les cellules ner- 
veuses présentaient les caractères de la tuméfaction pronon- 
cée. Enfin, dans les parties plus centrales, la trame de la né- 
vroglie offrait un entre-croisement très riche et plus dense 
et se colorait plus vivement que dans les parties périphériques 
et excentriques des branches ascendantes du sillon. 

A un grossissement de 3/7 et 3/8 Vérick, les altérations 
des cellules nerveuses se présentaient avec les caractères que 
nous avons indiqués en décrivant ces éléments à Tétat frais 
après dissociation. En étudiant les coupes topographiquement 
et par séries, on voit que la tuméfaction du corps et des pro- 



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ENCÊPHALITK PAUENCIIYMATEUSE. 227 

longemenU des cellules sans vacuolisation est la règle et qu*il 
et plus rare de rencontrer une cellule à la fois tuméfiée et 
vacuolisée. Dans les parties plus centrales, on trouve cepen- 
dant nombre de ces cellules (dites géantes) tuméfiées et vacuo- 
lisées en même temps, avec atrophie plus ou moins prononcée 
des prolongements. Sur certains points, nous avons pu cons- 
tater qu'au voisinage des vaisseaux, les altérations des cel- 
lules étaient beaucoup plus prononcées. Ainsi, souvent, une 
cellule vacuolisée et ayant perdu son noyau et ses prolonge- 
ments, présentait une véritable ceinture formée par un capil- 
laire avec tuméfaction des noyaux de sa paroi, tandis qu'au 
contraire les cellules qui se trouvaient un peu plus éloignées 
des vaisseaux ne présentaient alors qu'une tuméfaction trouble, 
avec ou sans conservation du noyau et du nucléole*. Nous 
avons aussi pu voir, qu'au voisinage des vaisseaux avec proli- 
fération des noyaux et extravasation sous-adventitielle abon- 
dante, avec présence des granulations jaunâtres, se trouvant en 
dehors de la gaine lymphatique des vaisseaux, ces dernières 
paraissaient pénétrer dans le corps des cellules voisines en 
formant ainsi des excavations dans le protoplasma du corps 
cellulaire. 

En examinant attentivement le rapport mutuel entre les 
vaisseaux de cette région et les cellules nerveuses, on peut 
constater qu'il n'existe pas de parallélisme entre l'évolution 
des altérations de ces deux parties. Les vaisseaux des parties 
profondes présentent un épaississement notable de leurs parois, 
avec les caractères déjà décrits sur les préparations faites avec 
dissociation ; mais dans les endroits les plus rapprochés de la 
surface convexe, les capillaires ainsi que les vaisseaux de ca* 
libre, ne présentent qu'une tuméfaction peu appréciable des 
noyaux des parois, sans prolifération ou division. Les cel- 
lules nerveuses, au contraire, dans ces endroits conservent 
les mêmes caractères de la tuméfaction très prononcée. On 
remarque encore que cette tuméfaction cellulaire diffuse et 
qui se propage indifféremment dans toutes les couches, est 
accompagnée do leur vacuolisation, mais seulement dans les 
endroits où se trouvent les altérations des parois vasculaires, 
avec présence de noyaux libres dans la trame de la névroglio 

^ Le fait que nous indiquons ici est seoiblable à celui qui est constaté 
par M. le professeur Micrzejewski : Lésions de la région corticale dans 
-ia parali/sie générale, {Archives de Physiologie, 1875.) 



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228 RECUEIL DE FAITS. 

et des cellules dites araignées. Relativement à la prépondé- 
rance de ces deux formes d'altération des cellules et des vaiS'- 
seaux, on peut remarquer que l'épaississement des parois des 
vaisseaux ainsi que la vacuolisation des cellules se rencontre 
beaucoup plus rarement, ainsi que les cellules araig;nées. Ainsi, 
nous n'avons jamais rencontré la vacuolisation de plusieurs cel- 
lules dans un même endroit; cette altération ne s'observe que 
sur quelques cellules, relativement peu nombreuses. L'épais- 
sissement des parois, avec les caractères déjà décrits, et la pré- 
sence des éléments dans la gaine lymphatique est également 
moins fréquent que la simple extravasation sous-adventitielle 
des éléments du sang. C'est surtout lorsqu'on examine les 
sections transversales des vaisseaux, sur des coupes colorées par 
l'hématoxilinc; qu'on peut très bien ne rendre compte de cette 
différence. Ayant fait, à titre de comparaison, des coupes à 
l'endroit identique de l'hémisphère opposé, nous avons ainsi 
pu bien constater la différence notable qui existe entre la vue 
d'ensemble des deux côtés. En comparant les figures 5 et 6 
(Pl. Ili), on peut l'apprécier très nettement. 

La trame de la névroglie est un peu plus épaisse et parait 
avoir les mailles plus serrées avec des fibres plus fortes et plus 
colorées dans les parties profondes. Sui* la périphérie et dans 
les régions plus éloignées du siège de la tuméfaction, les cou- 
pes des parties identiques ne présentent pas de différence sen- 
sible, elle devient presque nulle dans les couches superficielles 
de la partie horizontale de la substance grise. La présence 
des cellules tuméfiées seule indique quelle est la partie qui 
appartient à l'hémisphère lésé. Quoique nous n'ayons pas trouvé 
dans d'autres parties de la région corticale, d'altérations des 
cellules nerveuses, nous devons cependant remarquer que l'hy- 
perémie des capillaires, ainsi que celle des vaisseaux de calibre 
sans altération des parois, avec extravasation dans les gaines 
lymphatiques, était beaucoup plus prononcée sur l'hémisphère 
droit. Cette différence était surtout très marquée dans toute 
l'étendue du lobe frontal. 

La substance blanche des circonvolutions, ainsi que celle 
des parties centrales, ne présentait rien d'anormal, sauf une 
dilatation des vaisseaux et de leurs gaines lymphatiques, plus 
prononcée du côté droit. La pie-mère, examinée d'après les 
mêmes méthodes, et prise en différents points avait seulement 
ses vaisseaux plus dilatés dans la région frontale du côté droit ; 



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BNCÉPHALITB PARBNCHYMATEUSB. 229 

présentant, en outre, des agglomérations considérables des 
éléments du sang dans son tissu. 

Les résultats histologiques démontrent donc que, dans une 
partie limitée de la substance grise de la zone dite motrice de 
rhémisphère droit, nous nous trouvons en présence d'une 
lésion présentant deux caractères distincts. Les premiers se 
rapportant à Taltération des éléments nerveux (cellules), les 
seconds à celle de la névroglie et des vaisseaux. Autrement 
dit : la lésion doit-elle être envisagée comme une encéphalite 
interstitielle avec altercation consécutive des cellules nerveuses, ou 
bien est-ce le contraire qui a lieu et doit-on la considérer 
Comme une encéphalite parenchymateuse avec altérations inters- 
titielles consécutives? Où doit se trouver le point tranchant la 
question ; dans le tissu interstitiel ou dans les cellules? 

Sur plusieurs coupes, nous avons pu constater la tuméfac- 
tion des cellules à un degré très avancé alors que la névroglie 
et les vaisseaux ne présentaient pas d'altérations notables, et 
que la différence entre les endroits identiques des deux côtés 
des hémisphères consistait uniquement dans la présence des 
cellules tuméfiées sur les coupes du côté droit. Dans d'autres 
parties, cependant, la tuméfaction des cellules se trouvait as- 
sociée à des altérations de la névroglie et des vaisseaux ; ce qui 
indiquait un processus pathologique interstitiel apparaissant 
avec les altérations parenchymateuses. Remarquons que la 
vacuolisation des cellules nerveuses se trouvait exclusivement 
dans les parties qui avaient des cellules araignées et où les 
vaisseaux étaient profondément altérés dans la structure de 
leurs parois (tuméfaction des noyaux des tuniques, leur proli- 
fération, présence des noyaux libres des parois de la gaine 
lymphatique dans l'espace sous-adventitiel, granulations pig- 
mentaires, etc.). Ces lésions, cependant (vacuolisation des 
cellules et encéphalite interstitielle), étaient tellement peu 
prononcées, comparativement à la prédominance bien marquée 
de la tuméfaction des cellules, que nous nous croyons pleine- 
ment autorisé à considérer les cellules nerveuses comme le 
véritable point d'issue du processus pathologique, basant avant 
tout nos conclusions sur les faits déjà indiqués : présence des 
cellules tuméfiées dans un stroma non lésé, avec des vaisseaux 
sans altérations de leurs parois. Quant au fait de la présence 
d'un processus interstitiel dans les parties plus profondes, 
nous pensons l'expliquer par les considérations suivantes : 



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230 RBCDEIL DE FAITS. 

On sait que les cellules nerveuses, après la tuméfaction du 
débuts subissent ensuite une atrophie, précédée quelquefois 
de vacuolisation, avec destruction totale. On peut donc par- 
faitement admettre que, pendant cette période, Tirritation se 
propage sur le tissu interstitiel entourant les cellules et, tout 
en exerçant une influence destructive sur ces éléments, amène 
en môme temps une modification notable dans le tissu envi- 
ronnant. Les éléments de la névroglie deviennent alors plus 
nombreux, les cellules nerveuses, en se vacuolisant, finissent 
par disparaître et leur place est prise par des éléments de nou- 
velle formation d'origine connective. Or, les vaisseaux pré- 
sentent aussi, en même temps, des lésions irritatives et les 
altérations de leurs parois, par la prolifération de leurs élé- 
ments constitutifs, ajoutent encore à Tinfluence des éléments 
du tissu interstitiel. Quant à la supposition qu'il s'agit ici de 
deux processus différents, opérant leur évolution synchroni- 
quement (encéphalite parenchymateuse et interstitielle), nous 
pensons qu'elle est la moins admissible; en raison de la pré- 
sence des lésions parenchymateuses des cellules, alors que le 
tissu interâtitiel et les vaisseaux ne sont pas encore altérés. 
Aussi, nous croyons que la lésion principale consiste, dans le 
cas que nous étudions, dans un processus pathologique qui a 
dû débuter par les cellules nerveuses et qui, dans certains . 
endroits, où il était plus ancien, a amené les altérations inters- 
titielles consécutives à Tatrophie des éléments nerveux 
affectés tout d'abord. Le processus d'altération des cellules 
(alors parenchymateux) est plus ancien dans l'endroit où nous 
constatons les lésions des vaisseaux et les cellules araignées. 
Il résulte de ces faits que, dans cette région seulement, on 
trouve les cellules dans un état de destruction plus avancé, 
représenté par la vacuolisation et la perte des prolongements. 
Dans les autres parties, au contraire, la lésion se borne à 
différents degrés de tuméfaction trouble. La présence de cel- 
lules offrant un degré d'altération plus avancé, au fond du 
sillon et dans les parties plus centrales indique également, à 
ce qu'il nous semble, que les éléments nerveux (cellules) doi- 
vent être considérés comme le point de départ de l'altération. 
Quant à la tuméfaction des cellules des couches superficielles 
et des parties excentriques, leur état présente la première 
période de l'évolution d'un processus qui est très intéressant 
par la présence des lésions parenchymateuses par excellence 



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ENCÉPHALITE PARBNCHYMATBUSË. 23t 

et qui sont limitées sur un certain espace de la substance grise 
corticale. 

M. le professeur Gharcot, qui, avec sa bienveillance habi- 
tuelle, a bien voulu examiner nos préparations, a attiré notre 
attention sur Tanalogie des altérations que nous avons consta- 
tées avec celles qu'il a décrites pour la première fois, en 1872 \ 
sur les cellules des cornes antérieures de la moelle dans la 
téphro-myélite antérieure. Il remarqua, en outre, qu'actuelle- 
ment, on ne connaissait encore rien d'analogue pour le cer- 
veau. En effet, si Ton compare notre description des altérations 
des cellules à celle faite par M. Charcot (foc. cit.^ p. 184), on 
voit parfaitement que rien ne s'oppose au rapprochement de 
ces deux ordres de faits. Ce rapprochement est d'autant plus 
fondé qu'il n'y a aucune raison d'admettre qu'une cellule ner- 
veuse dite motrice de la région corticale, cellule qui ressemble 
morphologiquement à celle des cornes antérieures, réagisse 
anatomiquement d'une façon différente de cette dernière. 

Nous croyons que les considérations de Weigert * nous auto* 
risent à envisager ces altérations comme un processus distinct et 
primaire. Cet auteur, en discutant la question des altérations 
dans le corps des cellules, remarque que, dans certaines formes 
de myélites, les cellules nerveuses peuvent subir spontané- 
ment une altération qui ne rappelle en rien les données clas- 
siques que l'on attribue en général aux altérations inflamma- 
toires, mais qui sont distinctes aussi par les réactions chimiques, 
de la dégénérescence dite amyloïde. Cette lésion se caractérise 
principalement par la tuméfaction de la cellule, avec altéra- 
tions atrophiques consécutives du noyau et du protoplasma. 
Considérant la ressemblance du processus que nous avons dé- 
crit avec celle des caractères indiqués par cet auteur, nous 
croyons pouvoir admettre son opinion et ranger les altérations 
que nous avons présentées dans le processus qu'il a proposé de 
nommer : nécrose par coagulation (coagulation-nécrose). 

En admettant cette explication, la présence des cellules tu- 
méfiées et altérées à divers degrés, dans une trame de névro- 
glie qui ne l'est pas, n'a rien d'étrange et indique, au contraire, 
que les observations anatomo-pathologiques de 1872, de 

* Charcot. — Leçons sur Us maladies du système nerveux ^ 1880. 

* Ueber pathotogische gerinnungs Vorgange. {Virchow^s Archiv , Bd. 
LXXIX, 1880.) 



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232 RBCUfilL Dfl FAITS. 

M. Charcot, et les considérations théoriques de M. Weigert, 
de 1880, se trouvent confirmées par les résultats de Tétude 
histologique sur une autre partie du système nerveux central. 

Malgré nos recherches bibliographiques, nous n'avons pu 
trouver rien d'analogue aux faits que nous présentons ici. 
D'après les descriptions des lésions que nous avons données, 
on voit bien qu'elles diffèrent complètement, comme étude 
microscopique, des scléroses en foyers de la région corticale 
décrites dans ces derniers temps. Ainsi, dans le cas de PoUak 
[Archiv fur Psychiatrie^ Bd. XII, 1881, p. 157. Congénitale 
multiple Herdsclerose der Centralnerven Systems) y il s'agit de 
petits noyaux d'endurcissement trouvés sur les circonvolutions 
d'un enfant idiot. Dans celui de Brûckner (Archivfûr Psychia- 
trie, Bd. XII, p. 551-563. Ueber multiple tuberôse sclérose der 
gross Himrinde), les altérations microscopiques trouvées sur 
le cerveau d'une femme de vingt-deux ans, atteinte d'épilepsie 
partielle, se présentent sous forme de foyers de sclérose de la 
substance grise des circonvolutions. Histologiquement^ la né- 
vroglie est très épaissie. La substance grise, immédiatement 
sous la pie-mire, présente des fibres onduleuses et très fortes, 
mais on n y constate pas la présence de cellules nerveuses, 
tandis que les noyaux de la névroglie s'y montrent en grand 
nombre. Ces noyaux se trouvent aussi abondamment autour 
des vaisseaux qui contiennent une grande quantité de noyaux 
ronds dans les espaces lymphatiques périvasculaires. Dans 
certaines parties, les grandes cellules multipolaires sont tumé« 
fiées sans altération des prolongements. Remarquons, cepen- 
dant, que l'auteur ne dit rien de l'état des parois des vaisseaux, 
et qu'il se borne à la constatation de la tuméfaction des 
grandes cellules multipolaires de Técorce. Il reste muet sur 
l'endroit où il a trouvé cette tuméfaction et ne parle pas de 
Tétat du tissu environnant, ce qui est fort important au point 
de vue qui nous intéresse. En indiquant ensuite que, dans 
d'autres parties, les cellules pyramidales ne présentaient pas 
d'altération, il remarque que leur disposition en couches ré- 
gulières est infirmée et qu'il y a là une irrégularité dans la 
direction des prolongements. En comparant ces données aux 
résultats de nos recherches, on en pourra constater aisément 
la différence. 

Dans le mémoire de MM. Bourneville et Brissaud [Archives 
de Neurologie de 1880, p. 392- il 2. Contribution à F étude de 



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BNCEPHÂLITB PARBNCHYMATEUSE. 233 

ridiotie)^ il s'agit des tubérosités superAcielleg que les auteurs 
nomment polio-mcéphalùe tubéreuse. Ils insistent encore sur 
ce que cette lésion ne leur a jamais paru s*étendre jusqu'au 
fond des sillons et des scissures. Us croient que le point de 
départ de Taffection réside plutôt dans la névroglie de la subs- 
tance grise corticale, avec localisation dans les parties les 
plus superficielles du cerveau. Mais quelle est la cause de cette 
localisation? Us ne Tindiquent pas et ne se croient pas auto- 
risés à émettre des hypothèses sur ce point, et ils remarquent 
seulement que le voisinage des méninges n'y joue aucun rôle, 
car ces membranes étaient relativement intègres. 

L'examen histologique des coupes, sur des fragments préa- 
lablement durcis au bichromate d'ammoniaque à 40 p. 100, 
fait par M. Brissaud, indiqua l'absence des éléments nerveux, 
épaisseur de la trame névroglique, présence des cellules arai- 
gnées et vascularisation excessivement restreinte de ce tissu 
morbide. Enfin, M. Pozzi, dans une note sur la cirrhose granu- 
leuse des circonvolutions y etc. {Encéphale, 1883. N* 2, p. 155 à 
177), décrit un cas de lésions de la région corticale du cerveau 
d'un aliéné. Ces lésions se présentent sous deux formes : l'une 
analogue aux faits indiqués par Bourneville et Brûckner {Ctr- 
rhose hypertrophique) ; l'autre sous forme de cirrhose atro- 
phique granuleuse. Cette dernière, d'après M. Pozzi^ n'était 
pas encore connue avant lui. Histologiquement cependant, les 
altérations sont les mêmes que celles qui sont décrites dans le 
travail de MM. Bourneville et Brissaud. Nous relèverons, en 
passant, dans la note de l'auteur, l'analogie qu'il croit pouvoir 
trouver entre le foie et le cerveau dans l'évolution de la cir- 
rhose. Si on veut se rappeler la différence fondamentale qui 
existe entre le tissu interstitiel de ces deux organes, différence 
bien connue des personnes compétentes, ce rapprochement 
paraîtra au moins singulier. 

Notre aperçu bibliographique serait incomplet si nous n'a- 
joutions pas que, dans un travail très approfondi, qui nous 
fut indiqué par M. Charcot. M. Klebs a étudié la question des 
néoplasmes dans le système nerveux central. [Beitràge zur 
Geschwulst Lehre, 1877. I. Heft. Séparât, abdruck aus Prager* 
Viertel Jahrschrift. Bd. CXXVI et CXXXIII). 

Dans ce mémoire, l'auteur dit qu'on trouve Certaines formes 
de gliomes avec éléments, dont la nature nerveuse n'est 
pas discutable. Comme dans le cas qui fait l'objet de cette 



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234 RECUEIL DE FAITS. 

étude, il s*agit essentiellement d'altérations de ces éléments, 
nous croyons utile de résumer ici les faits présentés par 
M. Klebs, afin de faire ressortir la différence qui existe entre 
les altérations qui appartiennent aux néoplasmes qu'il dé- 
nomme neurogltomes et les résultats de nos recherches. 

Se fondant sur Texamen de neuf cas de ces tumeurs dans 
diverses parties du système nerveux central, M. Klebs dis- 
tingue trois périodes bien tranchées dans leur évolution : hy- 
pertrophie diffuse des éléments nerveux (fibres et cellules) ; 
ensuite compression des parties normales voisines et, enfin, la 
délimitation du tissu environnant. Ces altérations consistent 
dans la présence d'éléments considérablement hypertrophiés 
(cinquante-six micro-millimètres avec noyaux de cinq à six 
micro-millimètres) qu'il nomme : formations semblables aux cel- 
lules gangb'onnatres (Ganglien zellenâmliche Gebilde, loc, cit.^ 
p. \S). Ces formations qui possèdent les mêmes caractères mor- 
phologiques et chimiques que ceux des cellules nerveuses, mais 
qui ne les sont pas pourtant, présentent des dérivés soit de ces 
éléments, soit des fibres nerveuses. En donnant la description 
de ces éléments, l'auteur insiste beaucoup sur la présence dans 
leur protoplasma de quelques noyaux et de plusieurs nu- 
cléoles. Ce fait s'expliquerait, d'après lui, par la segmentation 
de cellules nerveuses et par la formation d'étranglements sur 
les cylindres-axes hypertrophiés, avec leur division consécutive 
et formation des noyaux et nucléoles dans ces parties hyper- 
trophiées. Dans les périodes plus avancées, ces tumeurs subis- 
sent une altération présentant tous les caractères de la sclérose 
sans cependant donner lieu à une altération notable des vais- 
seaux et de leurs parois. 

Quoiqu'il résulte de notre examen, qu'ainsi chez M. Klebs, 
la principale altération consiste dans la tuméfaction des cel- 
lules nerveuses il n'en existe pas moins une différence fonda- 
mentale qui est la suivante : nous n'avons jamais trouvé d'hy- 
pertrophie des cylindres-axes présentant les caractères indi- 
qués par cet auteur ; en outre, la présence de deux ou plusieurs 
noyaux dans une cellule nerveuse des centres, dans cer- 
tains cas au moins, est un fait actuellement encore très discu- 
table; quoique Figges et d'autres le mentionnent depuis long- 
temps pour la paralysie générale; mais des recherches ulté- 
rieures ont démontré depuis que s'il n'est pas Ja suite d'une 
illusion optique de l'examen d'une coupe, il ne se rencontre 



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ENCEPHALITE PARBNCHYHATfiUSB. 233 

que fort rarement sur une cellule isolée, ou plutôt même 
jamais (Mierzejewski). Il n*est cependant pas impossible que 
cette segmentation puisse avoir lieu, si on veut bien se rap- 
peler surtout des récentes recherches de Auerbach et de 
Flemming sur la cariokynèse. Mais, quand à nous, nous ne 
Tavons pas encore observé jusqu*ici chez les adultes, ni dans 
la moelle, ni dans le cerveau. On voit donc que sur ce 
point, il existe une différence entre les résultats des re- 
cherches de M. Klebs et les nôtres. Nos résultats sur ce 
point sont conformes aux recherches de P. Mayer et H. Beyer. 
{Archiv fur psychiatrie^ 1882, p. 392. Ueber parenchymatôse 
enizundungen im central nerven System und ihre beziehun- 
gen zûr gllomé) qui ont étudié le cerveau d'un homme de 
soixante et un ans, présentant une lésion du lobe frontal 
droit (pas de localisation de la lésionj avec vive coloration 
rouge foncé. Microscopiquement, ils ont trouvé des corps 
analogues aux cellules avec plusieurs noyaux, hypertrophie 
des cylindres-axes, avec formation des noyaux dans leur inté- 
rieur et formations d'étranglements et vascularisation très 
abondante avec multiplication des noyaux des tuniques. En 
admettant avec Klebs {loc. cit,)^ la possibilité de la formation 
des corps celluliformes des cylindres-axes, ils n*ont jamais pu 
constater ni la segmentation directe des cellules nerveuses ni 
leur néoformation, avec les caractères distinctifs apparte- 
nant à ces éléments. Ces auteurs croient ici avoir à faire à un 
processus parenchymateux inflammatoire qui devrait présenter 
une transition aux néoplasmes homologues du système ner- 
veux central. Nous n'avons pas ici à discuter leur point de 
vue, que nous nous bornons seulement à signaler, ayant déjà 
exposé précédemment nos idées à ce sujet. 

Pour terminer nous rappellerons que Samuel Wilks {Guy*s 
H ospùal Reports, iS6Q, i, XLl, ^. 227), discutant la question 
de la localisation des lésions dans Tépilepsie partielle, insiste 
sur ce point que c'est dans la substance grise du cerveau qu'il 
faut les chercher. Nos recherches, à ce qu'il nous semble, per- 
mettent de préciser ce fait encore plus nettement. Nous dirons 
donc que les cellules nerveuses elles-mêmes, pour cette fois au 
moins, peuvent être regardées comme le véritable fons et 
orlgo maliy ainsi qu'il le dit en parlant de la substance grise en 
général. 



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236 RBOUEIL DB FAITS. 



EXPLICATION DE LA PLANCHE III 

Fig. 1. — Cellule pyramidale géante isolée de la région de la lésion. 
Tuméfaction du corps au début, sans altération du noyau et du nucléole. 
(Verick. 3/7.) 

Fig. 2. — Cellule de la même région, tuméfaction plus prononcée, in- 
téressant le noyau et le nucléole, et se propageant sur les prolongements 
qui s'amincissent rapidement (Verick, 3/7.) 

Fig, 3. — Vacuolisation d'une cellule pyramidale prise du fond du sillon. 
Déplacement du noyau à la périphérie, atrophie des prolongements forte- 
meut tuméfiés à leur origine. (Verick 3/7.) 

Fig, 4. — Coupe verticale par la partie tuméfiée à la base du sillon, 
près de la substance blanche. Double coloration à Thémotoxyline et au 
carmin. Tuméfaction des cellules à divera degrés avec conservation des 
noyaux dans leur protoplasma. Les noyaux sont particulièrement nom- 
breux au voisinage des vaisseaux. (Verick, 3/2.) 

Fig, 5. — Coupe verticale à travers la substance grise du fond du sillon 
entre la première et deuxième frontales de Thémisphère sain (gauche). 
Les grandes cellules pyramidales ne présentent pas d'altérations ni du 
corps ni des piolongements, ni du noyau. Coloration par le carmin. 
(Verick, 3/7.) 

Fig, 6. — Coupe identique à la précédente par le même endroit de 
l'hémisphère lésé (droit). Tuméfaction des cellules à divers degrés, avec 
ou sans déplacement du noyau. Le centre est occupé par une grande cel- 
lule tuméfiée et vacuolisée en même temps avec atrophie des prolonge- 
ments. Les vaisseaux et les noyaux libres de la névroglie sont peu nom- 
breux. (Verick, 3/7.) 

N.'B, — Tous les dessins ont été faits à la chambre claire de Romens- 
hausen. 



IDIOTIE ET ÉPILEPSIE PARTIELLE CONSÉCUTIVE A UNE 
MÉNINGO- ENCÉPHALITE CHRONIQUE; par Bournkville et 
Leplaivr. 

Le fait qu'on va lire fournit un nouvel exemple de la forme 
d'idiotie^ consécutive à une méningo-encéphalite chroniquey 
sur laquelle Tun de nous a déjà appelé Tattention à diverses 
reprises. Le diagnostic anatomique a pu être porté durant la 
vie; il est donc probable que, dans un temps prochain, il sera 
possible de tracer un tableau complet de cette forme d'idiotie, 
qui, dans ce cas, était compliquée à^épilepsie partielle. 



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IDIOTIE ET ÉPILBPSIE PARTIELLE. 237 

Observation. — Grand-père et grand'mère paternels paralysés.— 
Oncle maternel paralytique général,'^ Frères et sœurs morts de con- 
vulsions. 

Convulsions de deux mois à deux ans. — Méningite à trois ans, 
suivie d'affaiblissement paralytique du côté gauche. — Premiers ver- 
tiges à trois ans et demi, — Premiers accès vers quatre ans. — 
Diminution progressive des facultés inteltecttielles : idiotie^ ou mieux 
démence, — Traitement des accès par Vacide sclérotinique, — État 
de mtiL —Température élevée»— Amélioration.'^ Broncho-pneumo- 
nie. — Mort. 

Autopsie : Adhérences de la pie-mère à la substance grise. — 
Décortieation totale f par foyers f de la substance grise. — Induration 
et atrophie de la substance blanche sous-jacente. Différence de 420 
grammes entre les deux hémisphères cérébraux. — Lésions pul- 
monaires. 

Boargui...^ âgé de six ans, est entré le 11 septembre 4882, à 
Bicètre (service de M. Bourneville). 

Renseignements fournis par son père (10 novembre 4882). — P^e, 
quarante-cinq ans, homme de peine ; pas d'excès d'aucun genre ; 
assez intelligent ; pas d'accidents nerveux. [Père, cultivateur, mort 
à soixante-quatre ans tde paralysie j un peu de partout, mais surtout 
de la langue».— Mère, quatre-vingt-deux ans, bien portante, pas 
d'attaques de nerfs. ~ Grand^mère maternelle, morte paralysée. *- 
Pas d'aliénés, etc., dans la famille. 

Mère, trente-sept ans, fait son ménage, intelligente, d'habitude 
bien portante, actuellement convalescente d'une fièvre typhoïde ; 
elle n'a pas d'attaques, mais est très nerveuse et se trouve quel- 
quefois mal, à la suite de contrariétés. [Père, soixante -quatre ans, 
fruitier, en bonne santé. — Mère, morte de la poitrine à vingt-huit 
ans.— Un frère est mort de paralysie générale progressive dans le 
service de M. J. Voisin, à Bicétre, il y a un an, après y être resté dix- 
huit mois; il avait commis de nombreux excès de boisson. — Pas 
d'autres aliénés, pas de paralysés, pas de difformes, ni de suicidés 
ou de criminels dans la famille.] — Pas de consanguinité. 

Dix enfants et fausses couches : i** garçon, quatorze ans, intel- 
ligent, pas de convulsions;— 2* fille, morte à neuf ans d'accidents 
pulmonaires ayant duré huit jours; convulsions iusqa'k quatre ans; 
était très intelligente ; — 3<^ fille, morte en nourrice à deux mois, 
on ne sait de quoi ; aurait eu de légères convulsions ; . — 4t* garçon, 
mort de diarrhée & un mois ; pas de convulsions ; — 5<* garçon, 
bien portant, a eu des convulsions jusqu'à trois ans; — 6* fausse 
couche à six mois, sans motifs ; — 7* allé, morte & deux ans et 
demi de méningite, avait déjà eu des convulsions ; - 8<» fausse couche: 
— 9^ notre malade; — 1(^ fille, de sept mois, pas de convulsions. 



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218 RECUEIL DE FAITS. 

Nol}'^ mnlade. Uiciideparliculier lors de la conceptinriy durant la 
yrosesse, ni à la naissance. Nourri au sein par sa mère jusqu'à dix- 
huit mois. A deux mois, premières convulsions ayant duré de cinq 
à dix minutes. Depuis cette époque jusqu'à l'âge de deux ans, il en 
aurait eu à cinq ou six reprises ; elles étaient courtes et légères ; 
pas d'autres détails. Il a commencé à parler et à marcher seul à 
un an et a été propre vers quinze mois. A trois ans, il était bien 
constitué y ressemblait aux autres enfants et allait à l'asile. C'est à 
cette époque qu'il a eu une méningite qui aurait duré six semaines, 
et pendant laquelle il aurait été quinze jours sans connaissance, 
délirant, mais n'aurait pas eu de convulsions. Dans le cours de la 
maladie, le bras gauche perdit la sensibilité et le mouvement; le 
médecin n'aurait pas exploré la jambe. Après cette maladie, 
B... marcha difficilement et eut tout le côté gauche plus faible; mais, 
au, bout d*un mois, il marchait bien et pouvait se servir de son bras 
gauche. La parole était plus lente qu'avant la maladie ; il ne 
bégayait pas. 

Deux mois après la convalescence, il retourna à l'asile ; il apprenait 
bien et avait de la mémoire, mais, tous les huit à dix jours, il avait 
un iiétourdissementt : il tombait par terre brusquement et se rele- 
vait aussitôt. Six mois plus tard, ces étourdissements ayant augmenté 
de fréquence, il fut renvoyé de l'asile; il était âgé d'environ 
quatre ans. 11 resta alors à la maison. Les étourdissements devinrent 
plus fréquents et finirent par être quotidiens; souvent il se blessait, 
et il s'est ainsi cassé toutes les dents. 

Le premier accé^ eut lieu en novembre 1884. Dans un accès 
(février 1882), il se brûla le cou et la figure avec une marmite de 
soupe et cette brûlure mit six semaines à guérir. 

A partir de l'année 4882, il eut plusieurs vertiges et plusieurs 
accès par jour sans jamais avertir. La parole devint de plus en 
plus difficile, et, à partir du mois de juillet, la déchéance intellec- 
tuelle s'est accusée : il est devenu gâteux, vorace ; la marche s'effec- 
tuait difficilement, il désaprit Tusage du couteau et de la fourchette 
et mangeait lentement avec une cuiller. 11 bave depuis dix-huit 
mois. Il reconnaît son père, mais moins sa mère; autrefois cares- 
sant, il est maintenant indifférent. Les accès et les étourdissements 
au moment de l'entrée revenaient jour etnm^; mais, la nuit, ce sont 
plutôt des étourdissements. Depuis sa méningite, il a très rarement 
des cauchemars; il n'en n'avait jamais eu auparavant. Traitement 
antérieur par le bromure de potassium. Ni succion, ni balancement, 
ni grincement de dents. Pas d'accès de contracture. — Aucune 
lièvre éruptive. Croûtes fréquentes du cuir chevelu. — Diagnostic : 
Idiotie consécutive à une méningo-encéphaliie ; épUepsie, 

Du 5 au 28 octobre, la température s'est toujours maintenue 
entre 38« et 38o,8, sauf une élévation isolée à 40«, le 8 au matin. 
Le â6, revacciné sans succès avec du vaccin humain à droite et du 



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IDIOTIE ET ÊPILEPSIE PARTIELLE. 239 

vaccin de génisse à gauche ; du 29 octobre au 8 novembre, la tempé- 
rature a oscillé entre 38® et 37«,6, 

1" décembre, — Injections hypodermiques d'acide sclérotiniqiie^ 
(X gouttes de la solution Prévost — 1 centigramme 4/î). 

40.— 3 centigrammes d*acide sclérotinique. 

15. — 4 centigrammes \/t. Pendant le mois de décembre, 
il y eut 194 vertiges, dont 169 pendant le jour (maximum 20, le 
13); pendant la nuit, il n'y en eut que deux fois: une fois 40 et 
Taulre 45. Les accès, dans la même période, ont été au nombre de 
456. Les diurnes ont été quotidiens, sauf une interruption de deux 
jours et une de trois, lis ont été au nombre de 135, et leur maxi- 
mum a été de 41 (25 décembre), La nuit, il y en eut 5 du !•' au 29; 

6 dans la nuit du 29 au 30, et 10 dans la nuit du 30 au 31. Ces 
accès ont toujours été localisés au côté droit. 

30. — Le malade qui descendait à la petite école, se trouve trop 
faible pour se lever, et reste au lit. 

31. — T. R. 39". — Soir: T. R. 39'',4. Dans la nuit du 31 dé- 
cembre au 1*' janvier, 40 accès. 

1883. {*' janvier, ^ Les injections d'acide sclérotinique sont 
portées à XX gouttes (6 centigrammes); ces injections n'ont ja- 
mais produit d'acxïidents locaux, ni généraux. T. R. 39«, 6. Dans la 
journée 120 accès. A 3 heures, T. 42®, 6 ; à 5 heures, T. 44 ",8 ; à 

7 heures, T. 41 %6. 

Dans la nuit du l^r au 2, 30 accès ; T. à 9 heures du soir, 40<>; 
& 4 1 heures, T. 42<' ; & 4 heure du matin, T. 42^2 ; à 3 heures, 
T. 420,5. 

2. —T. R. 42^4. Dans la journée, 499 accès. La tête, le tronc, et 
les membres sont symétriques. Organes génitaux normaux. Le ma- 
lade est dans le décubiius latéro-dorsal droit ; la tête repose sur la 
joue droite; la face est pAle; les yeux sont cernés; les paupières 
enflammées sont closes; en les soulevant, on voit que les globes, 
oculaires sont dirigés vers la droite; pupilles égales et contractées 
malgré Tobscurilé relative ; narines pulvérulentes ; lèvres sèches, 
couvertes de fuliginosités. 

Le bras droit est rapproché du tronc; l'avant-bras est en demi- 
flexion et demi-pronation; la main est fléchie ; les doigts sont à 
demi-fléchis sur le métacarpe ; les phalanges sont étendues ; le 
pouce est dans Tadduction, 

La cuisse droite est étendue sur le bassin ; la jambe est presque 
étendue. Pas de contracture ; le pied est fortement fléchi et dans 
Tadduction; les orteils sont en position normale. 

Du côté gauche, la flexion incomplète prédomine aussi, mais le 
malade modifie de temps en temps et spontanément sa position. 

* Voir Bourneville et Bricon. — Manuel des injections sous-cutanées. 



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240 RECUEIL DE FAITS. 

On imprime facilement des mouvements à la tète et au cou. Il y 
a un peu de raideur des muscles extenseurs du rachis. 

Le malade, depuis hier matin, n'a pris qu'un potage. Pas de 
dysphagie, ni de vomissements ; selles diarrhéiques involontaires. 
L'enfant ne tousse pas ; rien à l'auscultation. 

Cet état habituel est traversé par des crises revenant & inter- 
valles variables ; il y en a quelquefois plusieurs en cinq minutes ; 
mais aijgourd'hui, il est rare qu'il y ail plus de cinq minutes entre 
deux accès. 

Description d'un accès. L'attitude habituelle s'exagère; les mem- 
bres du côté droit se raidissent davantage ; puis, on observe une 
trémulation du membre inférieur droit, pendant laquelle la jambe 
se fléchit un peu sur la cuisse, tandis que le pied s'étend sur la 
jambe. 

A la face, trémulation des muscles du côté droit, plus marquée 
sur les muscles qui attirent à droite la commissure labiale; la di- 
rection des yeux à droite s'exagère aussi ; mouvements du rele- 
veur de la paupière et des élévateurs de l'aile du nez. 

Pendant ce temps, du côté gauche, se montrent des mouve- 
ments irréguliers, consistant surtout dans les mouvements de cir- 
cumduction de l'épaule, l'abduction du bras, et la flexion de la 
jambe. Ni stertor, ni écume. Lorsqu'on remue le malade, il 
pousse quelques gémissements très faibles. L'état comateux est 
permanent; nul indice de connaissance dans l'intervalle des accès. 

Traitement : Sulfate de quinine, i gramme en 4 paquets ; eau- 
de-vie allemande, 4 5 grammes ; 4 sangsue derrière chaque oreille. 

3. — Dans la nuit, on a compté 55 accès, T. R.40<». A la visite du 
matin, l'état de l'enfant parait s'être notablement amélioré : il est 
moins incliné à droite ; il ouvre spontanément les yeux et semble 
regarder autour de lui ; les sensations désagréables se traduisent 
par des gémissements plus accentués ; le chatouillement de la 
plante des pieds produit des réflexes très marqués à droite, très 
peu à gauche; il n'y a pas d'exagération des réflexes rotuiiens. Le 
bras droit soulevé retombe aussitôt, tandis que le bras gauche se 
maintient un peu. Même chose aux membres inférieurs. 

Sonorité normale dans la poitrine. — Le malade prend un peu 
de lait. T. R. à une heure 41*. — Le soir T. R. il*,2. Dans la journée 
soixante-dix-huit accès. Traitement : deux injections sous-cutanées 
de gr. 10 de sulfate de quinine; eau-de-vie allemande, 20 gr.; — 
lotions vinaigrées. 

4. — Dins la nuit, quia été mauvaise, douze accès. Le matin, 
amélioration. T. R.39*. — Le malade est couché sur le dos, les yeux 
ouverts ; de temps en temps, on note des mouvements de la bouche. 
L'enfant est assez éveillé, il demande spontanément & boire. Selles 
abondantes. — Même traitement; les injections d'acide scléroti- 
nique sont suspendues. ~T. R. à une heure 41*,4. Dans la journée, 



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IDIOTIB ET âPILBPâllS PARtIBLLB. ûii 

quatre-vingt-quinze accès dont quatre-vingts après la visite (onze 
heures). — Soir : T. R. 42«,2. 

5. — Durant la nuit, quatre accès T.R. 39^,6. Les convulsions sont 
toujours limitées au côté droit. Léger érythème des fesses. ^ In- 
jections de sulfate de quinine ; — lavement purgatif; — une sang- 
sue derrière l'oreille gauche T. R. à une heure, 39»,8 ; — soir, T. R. 
40<^,4. Dans la journée cinquante accès. 

6. — Neuf accès pendant la nuit. A cinq heures T. R. 40<» ; — à 
huit heures 39*; — & une heure de Taprès midi, T. R. 42<*,6. Dans 
la journée vingt accès. 

7. — Le malade n'a eu dans la nuit qu'un seul accès ; il appelle 
sa mère et demande à boire. T. R. 40* ; — à une heure, T. R. 39*,6. 
— Soir : T. R. 39* ; pas d'accès. 

8. — Un accès dans la nuit. T. R. 39*. - Soir : T. R. 39*,6. Un 
seul accès dans la journée. 

9. — Pas d'accès dans la nuit, qui a été bonne ; l'amélioration 
s'accentue. Le malade répond à quelques questions, demande du 
lait et repousse le bouillon. Les mains sont fraîches; le pouls est 
assez fort (84). T. R. 38*, 8. — Le malade qui, à son entrée, pesait 
seize kilogr.,n'en pèse plus que quatorze. — Soir : T. R. 39*,6. Les 
accès ont disparu. 

10. — Le malade est éveillé et dit : «Mère, j'ai soif». La face est 
pâle; les joues sont pleines; les pupilles égales et normales; les 
lèvres sèches. — L'enfant donne Içs 4bux mains quand on les lui de- 
mande, mais la droite semble .plus faible; il soulève les deux 
jambes sans qu'on note de différence; cette nuit, il s'est tenu assis. 
•^ 11 tousse un peu: sonorité légèrement diminuée aux deux bases; 
respiration un peu forte en arrière et à droite. — Soif vive, ventre 
volumineux, mais souple, diarrhée. — T.R. 40*. —-Traitement : ipéca ; 
lait, deux œufs. — Soir : T. R. 40*. 

11. — Face pâle, cyanosée. Le malade tousse un peu, se plaint 
sans cesse. Pas d'oppression. — La poitrine résonne mal en arrière 
et à droite. Respiration rude, mêlée de quelques râles fins au voisi- 
nage de l'aisselle droite. T. R. 39*,6. — Soir : T. R. 40*. Dans la 
soirée, le malade a été pris d'oppression et n'a plus voulu rien 
prendre. Toux rare. 

12. — Le malade est cyanose surtout aux lèvres et aux paupières; 
il prend un peu de lait avec beaucoup de peine; ne parle plus et 
reste dans la position qu'on lui donne, la tète dans l'extension ; P. à 
124, fort, replier; R. 44; T. R. 40*. A la percussion, le son est obs- 
cur et à l'auscultation, la respiration est soufQante par places en 
arrière et à droite. — Langue humide, soif vive ; pas de vomisse- 
ments; ventre volumineux, souple, non douloureux; le colon parait 
distendu; diarrhée jaunâtre, glaireuse. —A la fin de l'examen, le 
malade prononce quelques mots. — Inaction de la main droHe. La 

AacHivKs, t. VI. 46 



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342 RBCUBIL DB FAITS. 

jambe droite ne répond qu*aux excitations un peu fortes; alors elle 
se fléchit, mais il y a une différence très sensible avec le côté 
gauche. 

A partir de cinq heures de Taprès-midi, Tenfant a cessé de 
parler et a refusé de boire. Il aurait rendu « de la mousse » par la 
bouche et le nez. La diarrhée a cessé. T. R. 40<*,6. 

43. — Le malade est comme endormi, les paupières fermées, les 
entr'ouvrant à peine quand on Tinterpelle; pupilles égales; traits 
notablement altérés.— Respiration très brusque, saccadée. Toux peu 
fréquente. Râles dans les grosses bronches et quelques râles uns au 
moment de la toux à la région moyenne et postérieure du poumon 
droit. — Un peu de raideur de la nuque ; le malade a grincé des 
dents ; les mâchoires sont un peu serrées. T. R. it*^. Dans la journée 
l'altération des traits s*est accentuée ; pas de vomissements ; consti- 
pation. Toux et plaintes fréquentes; mâchoires un peu sen*ées. Re- 
jet de mousse. — Soir : T. R. 41®. 

U. — Mort à cinq heures du matin. T. R. après la mort 44°. 
Poids, 42 kilogr. 800. 

Les accès et les vertiges ont eu la marche ci-après : 

ACCÈS. VEBTI6K8. 

Du U au 30 septembre 1882 63 » 

Octobre 260 777 

Novembre 115 589 

Décembre 156 194 

Du 1« au 14 janvier 1883 467 » 

AuTOPSiB, le ib janvier. — On trouve sur la cuisse droite deux 
ecchymoses, intéressant toute Fépaisseur du tissu cellulaire sous- 
cutané ; la cuisse gauche en présente trois. Elles répondent aux 
dernières injections hypodermiques, pratiquées pendant la vie. La 
décomposition parait rapide. Au bout de 28 heures, et par un 
temps froid, Tépiderme du cuir chevelu est soulevé et se détache 
par grandes plaques. Les cavités séreuses (plèvres, péritoine, péri- 
carde), ne présentent ni épanchement, ni adhérence. 

Thorax. — Le poumon gauche pèse 470 grammes, il est un peu 
œdématié et congestionné dans le lobe inférieur. Le poumon droit 
pèse 260 grammes, il y a quelques adhérences lâches dans la scis- 
sure interlobaire ; ecchymoses sous-pleurales à ce niveau. Dans 
tout le lobe inférieur et dans toute la partie du lobe supérieur, 
on trouve les lésions de la broncho-pneumonie à la période d'hépati' 
sation rouge ; quelques lobules du lobe inférieur sont même sur 
le point de passer à VhépatxsaUon grise, — Comr, 80 gr., sain. 

Abdomen. — Foie, 670 grammes, pas de calculs, normal ainsi 
que la rate (35 gr.) et les reins qui pèsent chacun 65 grammes. 

Tête.-^ Cuir cAeve/u peu épais; pas d'ecchymoses. Crdne, très 



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IDIOTIE ET BPILBPSIB PARTIELLE. 343 

épais, très dur; bosses frontales égales, peu saillantes; bosses pa- 
riétales très proéminentes ; la tète est relativement volumineuse 
surtout dans sa partie postérieure (diamètre antéro-postérieur de 
la calotte crAnienneo- 47 centimètres; transverse U centimètres)* 
Base du crâne symétrique. Liquide céphalo-rachidien un peu plus 
abondant qu*à Tétat normal. La pie-mère est louche en un grand 
nombre de points et offre une vascularisation asaez prononcée, 
représentant des lésions d'âge différent. Les divers organes de la 
face inférieure du cerveau sont symétriques; les faces internes des 
lobes frontaux sont unies par quelques adhérences. 

Encéphale^ 930 grammes; cervelet et isthme, 430 gr.; hémisphère 
droit, 335 gr. ; hémisphère gauche, 425 gr. Les hémisphères du cer- 
velet sont égaux et normaux. 

Hémisphère droit. — Les circonvolutions frontales sont assez déve- 
loppées, assez plissées ; la pie-mère se détache bien au niveau des 
4'o et 3* circonvolutions; mais, au niveau de la 2% on enlève avec 
elle la couche superficielle de la substance grise dans la moitié de 
son étendue. La circonvolution frontale ascendante est comme 
hypertrophiée dans sa moitié supérieure ; la pie-mère ne lui adhère 
qu*à son extrémité tout à fait inférieure. Le sillon de Rokmdo est 
assez profond et normal. La circonvolution pariétale ascendante 
n'est libre d'adhérences que dans les 2/4 moyens de sa face anté- 
rieure; elle est comme atrophiée dans toute sa hauteur, et surtout 
dans sa moitié supérieure où elle n'atteint que le quart de la lar- 
geur de la partie correspondante de la frontale ascendante. Le 
sillon qui limite en arrière la pariétale ascendante, présente dans 
toute sa hauteur une sorte d'infiltration cellulaire et a une colo- 
ration noire-ocreuse. 

Tout le lobe pariétal, et la partie postérieure des circonvolutions 
temporales sont adhérents, sauf en quelques points, à la pie-mère qui 
s'enlève difficilement; sur certaines circonvolutions même, en dé- 
cortiquant, on enlève toute la substance grise et on met à nu le sque- 
lette de substance blanche, laquelle est indurée et atrophiée. Ce foyer 
se prolonge en avant sur toute la première circonvolution frontale 
où se trouve cette dernière lésion, ainsi que sur les deuxdigitations 
postérieures du lobule de finsula qui sont atrophiées et indurées. 
On détache facilement la pie-mère des digitations antérieures du 
lobule de l'insula, de l'extrémité antérieure du lobe temporal, de 
la face inférieure du lobe frontal, de la face convexe du lobe oc- 
cipital et de la face interne des lobes temporo-occipitaux. 

A la face interne, on trouve quelques adhérences superficielles à 
la partie moyenne de la circonvolution du corps calleux ; à la partie 
supérieure de la première circonvolution frontale, il existe des 
adhérences plus marquées, et une atrophie relative delà partie supé- 
rieure du lobe carré, qui limite en dedans le foyer décrit plus haut. 



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244 RBCUBIL DE FAITS. 

Le ventricule latéral offre une dilatation uniforme ; mais une 
couche encore assez épaisse le sépare du foyer. 

Hémisphère gauche. — Les circonvolutions sont bien développées 
et mn disproportionnées comme de l'autre côté. En décortiquant la 
pie-mére, on enlève en un certain nombre de points une couche 
plus ou moins épaisse de substance grise, notamment: 4 <» sur toute la 
moitié postérieure de la première circonvolution frontale; 2« sur 
toute la partie moyenne des frontale et pariétale ascendantes; 3» sur 
r extrémité supérieure de ces detix circonvolutions; 4« sur quelques 
points de la deuxième frontale, (la troisième frontale est à peu près 
saine) ; 5^ sur les deux premières temporales et sur le pli courbe. 

. A la face interne, on note quelques adhérences au niveau du 
lobe carré, du lobe temporal, à la partie antérieure du lobe para- 
central, à la partie avoisinaute de la 1'* frontale et enfin à la par- 
tie antérieure de la circonvolution du corps calleux. 

Réflexions. — I. Il s'agit, ici, d'un enfant qui, sauf quelques 
convulsions légères et éloignées, survenues de deux mois à 
deux ans, se développait normalement tant sous le rapport 
physique qu'au point de vue intellectuel, lorsque, à trois ans, il 
fut atteint d'une méningite aiguë grave. Durant la convalescence, 
on remarqua seulement qu'il avait le côté gauche plus faible : 
ce qu'expliquent les lésions étendues de Y hémisphère droit qui 
pèse cent vingt grammes de moins que le côté gauche. 

IL Alors que Tenfant semblait rétabli, il a été pris de ver- 
tiges, d'abord très distants, puis de plus en plus rapprochés. 
Bientôt des accès d'épilepsie vinrent s'y ajouter. 

IIL Sous Tinfluence de ses accès, et surtout des vertiges, 
les facultés intellectuelles, qui, dit-on, n'avaient guère été 
modifiées par la méningite^ ont décliné avec une grande rapi- 
dité et l'enfant ne tarda pas à offrir tous les symptômes cliniq^ies 
de ïidiotie complète : parole embarrassée, mémoire affaiblie et 
ensuite presque nulle, difficulté progressive de la marche, bave, 
gâtisme, perte des sentiments affectifs, etc., etc. 

Cet ensemble symptomatique, que l'on a coutume de désigner 
sous le nom d'idiotie, nous parait beaucoup plutôt comparable 
à la démence paralytique et, n'était le langage reçu, nous pré- 
férerions cette dernière dénomination. 

En nous fondant sur les antécédents et sur Yétat du malade 
à l'entrée, nous avons porté le diagnostic : méningo-encéphalite 
chronique, que l'autopsie est venue confirmer. 

ly. Les lésions observées à l'autopsie rendent parfaitement 
compte de la déchéance des facultés intellectuelles. Relevons 



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IDIOTIE ET ÉPILEPSIE PARTIELLE. 245 

encore une fois cette décortication totale, par foyers, de quelques 
circonvolutions, dont Tun de nous a publié, il y a quelque 
temps^ un très bel exemple '. 

V. iJétat de mal, auquel a succédé la broncho-pneumonie 
terminale, a offert tous les caractères classiques. Le nombre 
des accès a été considérable et, particularité intéressante, du- 
rant ce temps, les vertiges ont été supprimés. 

YI. Considérés en eux-mêmes, les accès ont présenté des 
symptômes spéciaux : les convulsions étaient limitées au côté 
DROIT du corps. Nous avions donc sous les yeux un exemple 
typique de Yépilepsie hémiplégique. Si Ton se rappelle que, 
après la méningite aiguë, Tenfant avait une paralysie du côté 
GAUCHE, on pourrait s'étonner que les convulsions existassent, 
au contraire, du côté droit et y fussent limitées. Nous voyions 
là, en effet, une sorte d*anomaIie. Mais Tautopsie est venue 
nous fournir Texplication de ce fait, en nous montrant des foyers 
de méningo-encéphalite au niveau du lobe paracentral et desjar- 
convolutions frontale et pariétale ascendantes de rhémisphère 

GAUCHE. 

EXPLICATION DES PLANCHES 

PLANCHE ly. 

Méningo-encéphalite : face convexe de rhémUphh^ droit. 

Fa, firontale ascendante. 
Pa, pariétale ascendante. 
P, pli pariétal supérieur. 

7, partie postérieure des circonvolutions temporales. 
T^, première temporale. 

La Planche montre, entre P et T, un vaste foyer intéressant le pli pa- 
riétal inférieur^ le pli courbe, etc. 

PLANCHE V. 

Méningo-encéphalite : face interne de l'hémisphère droit. 

Ce, circonvolution du corps calleux. 

Fi, face interne de la première circonvolution frontale. 

Lq, lobe carré. 

« Boumeville et Wuillamié. — Archives de Neurologie, t. ÏII, p. 327 » 
pi. VIII. 



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REVUE CRITIQUE 



DU MÉRYCISMËi; 

Par BOURNEVILLE et SÉ6LAS. 

III. — DU MBRYGISMB CHEZ L*HOMMB SAIN d'bSPRIT. 

Quand nous avons entrepris ce travail sur le mérycisme, 
nous nous proposions de l'envisager seulement chez Tidiot ou 
Taliéné dément. Mais le cours de nos recherches nous ayant 
amené à recueillir plusieurs cas du même genre observés chez 
l'homme sain d'esprit et présentant des particularités intéres- 
santes, nous avons pensé qu'il serait bon de joindre ces obser- 
vations aux autres, afin de nous faire une idée aussi exacte que 
possible du phénomène que nous étudions. 

On pourrait presque, avec les faits observés chez les hommes 
sains d'esprit, faire une monographie du mérycisme : on y 
trouve, en effets des indications intéressantes sur ses causes, 
son mode de début, ses symptômes et sa marche. Cependant, 
nous préférons réserver l'étude clinique pour la seconde partie 
de notre travail, où les observations prises chez l'idiot sont 
souvent plus complètes à quelques points de vue. Nous nous 
contenterons pour le moment de signaler les particularités qui 
ressortent des observations recueillies chez les individus jouis- 
sant de l'intégrité de leurs fonctions intellectuelles, sur les 
causes et le début du mérycisme. 

Les auteurs anciens, qui ont parlé du mérycisme, ont 
tout d'abord considéré ce phénomène comme intimement lié 
à la constitution même de l'individu et comme tel se déve- 
loppant avec lui. — Uâge serait donc, dans ce cas, peu impor- 

1 Voir le n» 16, p. 86. 



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DU HÊRYCISME. 247 

tant à considérer; nous verrons par la suite que cette proposi- 
tion est absolument juste et que le mérycisme peut débuter 
aussi bien dès la plus tendre enfance que dans Tadolescence ou 
même dans Tâge adulte. 

Sennert et Daniel Perinetî admettent, en dehors de Tâge, 
rinfluence presque exclusive de Vimitatton. 

Observation III. — Daniel Perineti {Med. pract,, Hb. III, sect. ii, 
cap. 8) cite le cas d'un enfant de sept à huit ans qui, ayant tété 
des chèvres pendant deux ans, se mit à ruminer par imitation. 

Observation IV. — Sennert {Med, prat,^ lib. III, p. 4) cite le cas 
d*un Suisse qui devint ruminant pour avoir vécu avec des bestiaux 
et qui communiqua sa maladie à sa femme (?). 

D'après cette dernière observation, Tinfluence de Timitatîon 
se manifesterait non seulement des animaux à Thomme ; 
mais encore de Thomme à Thomine. Nous enregistrons, quant 
à présent, ces faits sans commentaires. (Voir Obs. XXIII.) 

L'hérédité surtout, comme nous le verrons plus loin, joue 
un très grand rôle dans Tétiologie du mérycisme. Nous avons 
déjà dit plus haut que les premiers auteurs, admettant l'iden- 
tité comme aflfection du mérycisme et de la présence des cornes, 
pensaient que les mérycoles étaient fils ou pères de comigères. 
Plus tard, on n'admit plus que l'hérédité du mérycisme lui- 
même, et les cas de productions cornées, ob^rvés dans ces 
derniers temps chez les mérycoles (Hebra, Bérard et Lan- 
douzy) sont tellement en minorité qu'ils ne doivent être re- 
gardés que comme de simples coïncidences. Voici maintenant 
quelques faits qui montrent que le mérycisme peut être héré- 
ditaire. 

. Observation. V. — J.-B. Winlhier, rapporte l'histoire d'un Sué- 
dois de quarante-cinq ans, qui, après avoir eu dans son enfance 
des éructations acides, fut atteint de rumination à Tâge de trente 
ans. — Sou /l/s, à l'âge de vingt-quatre ans, fut atteint de la même 
maladie, mais la pudeur la lui fit surmonter, du moins en public ! 

En dehors de l'influence de l'hérédité, qui nous parait incon- 
testable bien que les phénomènes de rumination ne soient 
apparus qu'assez tard, nous signalerons dans cette observation 
l'influence de la volonté sur la guérison du mérycisme chez le 
fils ; et la présence antérieure chez le père d'éructations acides. 



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2^8 RBVUÉ CRITIQUE. 

D*autres fois,, et le plus souvent, le mérycisme héréditaire 
se manifeste dès Tenfance, ainsi qu*on le voit dans l'obser- 
vation suivante : 

Observation VI. — Mérycisme héréditaire. — Apparition dès l'en- 
fance. — Suspension par les maladies intercurrentes. {Froriep's No- 
tizen, t. XLV, p. 337.) — On trouve dans les Transactions philoso- 
phiques VhisioiTe d'un cas de mérycisme relatif à un jeune homme 
de Bristol, âgé de vingt ans, et dont le père était mérycole. Lui- 
môme ruminait depuis aussi longtemps qu'il pouvait s'en souvenir. 
La rumination, toujours précédée d'une sensation de plénitude à 
Tépigastre, commençait environ un quart d'heure après le repas, 
s'il y avait eu beaucoup de liquides absorbés ; sinon un peu plus 
tard. Si ce repas avait été» copieux, l'intervalle se prolongeait en 
conséquence. Les aliments, remontant dans l'ordre où ils avaient 
été digérés, étaient broyés une deuxième fois sans aucun dégoût 
de la part du malade, puis redescendaient dans l'estomac sans don- 
ner lieu à de nouveaux phénomènes. Les maladies intercurrentes 
interrompaient la rumination. 

Cette dernière particularité se retrouve dans l'observation 
que nous allons maintenant rapporter et qui, de plus, nous 
fournit un nouvel exemple de l'hérédité du mérycisme. 

Observation VIL — Hérédité. — Mérycisme dès l'enfance, invo- 
lontaire j partiel. — Mastication complète. — Santé générale bonne.— 
Suspension du phénomène par les maladies intercurrentes. {Fronep*s 
Notizen, t. XLV, p. 337.) — Le D' Elliotson rapporte le cas d'une 
dame de quatre-vingt-neuf ans qui rumine dès sa plus tendre enfance. 
Elle jouit d'une excellente santé et vit depuis très longtemps de 
la manière suivante : au déjeuner, elle mange du pain blanc et des 
pommes de terre ; le soir, du thé et quelquefois du café. Elle mdche 
complètement les aliments : avant la rumination, cette dame n* éprouve 
jamais de sensations de plénitude stomacale. La rumination se prQ- 
duit en général après chaque repas ; elle est constante après le dluer. 
Elle arrive parfois aussitôt après le repas, d'autres fois une heure 
après ou même davantage : elle est accélérée par Tingestion d'une 
grande quantité d'eau. Les aliments remontent dans la bouche^ en 
produisant un bruit semblable à vm gargouillement ; ce sont les pre- 
miers ingérés qui reviennent les premiers. Le vin, la bière, le cidre 
ne reviennent jamais; le thé ne remonte que le soir; l'eau remonte 
toujours et parait favoriser beaucoup la rumination. Les parties 
solides des oranges remontent constamment dans la bouche tan- 
dis que le jus reste dans l'estomac. Les substances médicamen- 
teuses restent toujours dans l'estomac. Les aliments qui sont rumi- 



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DU MÉRYCISMB. 249 

nés n'ont pas un goût désagréable. Il faut en excepter le thé et 
les substances grasses qui, parfois^ reviennent à différentes re- 
prises jusqu'à ce que la malade les rejette. La rumination est 
involontaire. Elle est toujours suspendue dans le cours des mala- 
dies intercurrentes. 

Le père et Tun des frères de cette personne étaient ruminants ; 
mais ils sont morts de bonne heure. 

En dehoss du fait d'hérédité, nous remarquerons, sans y 
insister pour le moment, que chez cette mérycole : 1^ la 
mastication était complète ; ^ que le mérycisme était partiel 
et involontaire; 3« qu'il était suspendu sous Tinfluence des 
maladies intercurrentes ; 4"* que la santé générale fut toujours 
bonne, et cela jusqu'à un âge avancé. 

Cette dernière proposition pourrait faire penser à l'innocuité 
du mérycisme, prenons garde et remarquons que la mérycole 
dont il s'agit ne songea jamais à entraver cette fonction anor- 
male. Dans le cas contraire, et les deux observations suivantes 
le prouvent, le mérycisme, arrêté dans sa production, peut 
influer gravement sur la santé générale. 

Observation VIII. (Ducasse, Ibid,) — L'homme qui fait le sujet de 
cette observation parvint à Vàge de soixante-dix ans, bien qu'il ait 
ruminé dès sa plus tendre enfance. Chaque fois que le mérycisme 
était interrompu ou ne s'accomplissait pas régulièrement, il tom- 
bait malade, et n'était bien portant que s'il reprenait de plus belle. 
Dans les dernières années de sa vie^ il ne ruminait pas aussi bien 
qu'auparavant. — A l'autopsie, on constata un squirrhe du pylore; 
et une ulcération cancéreuse sur la grande courbure, au voisinage de 
la rate. 

Observation IX. — M. Vincent (Compte rendu de l'Académie des 
sciences; 4853, t. XXXVIU, p. 31) rapporte un cas de mérydsme, 
observé chez M. Willame et datant de la jeunesse. Cette perversion 
des fonctions digestives avait commencé à se montrer dès le dé- 
but d'un voyage enmer; mais elle avait persisté après le débarque- 
ment. La rumination s'opérait environ une demi-heure après 
l'ingestion des aliments et, dans l'espace de dix années, elle avait 
réduit le malade à un état de marasme qui semblait annoncer 
une fin prochaine. Ce fut alors que, sur l'avis d'un médecin, il 
essaya de soumettre à une seconde mastication les aliments qui 
remontaient de l'estomac presque dans le même état où ils avaient 
été avalés. L'assimilation ne s'exécuta jamais que d'une manière 
très imparfaite comme le prouvait l'état de maigreur et de fai- 
blesse du sujet. Cependant, avec cette santé languissante, il vécut 
encore quarante-cinq ans et atteignit l'ùge de qmtre-vingt'trois ans. 



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250 RBVUB GRITIQUB. 

Nous nous sommes un peu écartés de Tétiologie en faisant 
remarquer l'influence du mérycisme sur la nutrition : l'obser- 
vation précédente nous y ramène en nous montrant qu'en 
dehors de l'hérédité, le mérycisme peut éclater sous l'influence 
de causes occasionnelles : ici c'est un voyage en mer; dans le cas ci- 
après, c'est une cause à peu près semblable, un traumatisme, 
qui provoque l'éclosion des troubles de la digestion. 

Observation X. — M. Boucher, médecin à Montpellier, cite le 
cas d'an conscrit de l'armée d'Italie qui fut réformé pour une ru* 
mviation dont il rapportait la cause à une chute faite sur l'estomaCf 
et à la suite de laquelle il cracha le sang pendant cinq mois. 

Ces deux derniers faitsnousont montrélemérycisme éclatant 
sous l'influence de causes traumatiques; dans celui que nous 
allons rapporter les mêmes phénomènes sont dus à une autre 
cause, la voracité, La voracité a été souvent signalée comme 
cause du mérycisme et la vérité est qu'elle se retrouve chez la 
plupart des mérycoles. Maintenant est-ce là une cause ou un 
symptôme? Gela est bien difficile à affirmer ; car, si l'on cite 
des mérycoles qui le sont devenus assez tard par suite de 
voracité, on en cite d'autres, mérycoles dès l'enfance, et chez 
lesquels la voracité était aussi manifeste. Quoi qu'il en soit, 
nous ne nous appesantirons pas plus longtemps, actuelle- 
ment, sur cette partie de notre sujet et nous rapporterons les 
exemples suivants sans commentaire : 

Observation XI. — Salmuth {Obs, med, cent,, 4, obs, C, p. 59) 
cite le cas d'un écolier de Marienburg qui était atteint de rumi- 
nation. Il était très vorace et avalait les aliments presque sans 
trituration. Il avait moins de quinze ans. 

L'existence de la voracité, très nette dans le cas précédent, 
l'est aussi dans bien d'autres (Obs. XVII, XVIII, XIX). Ce fait 
presque général, comme on le verra, souffre cependant quel- 
ques exceptions, témoin la suivante : 

Observation XII. — Daniel Ludwig (Ephémérides des curieux de la 
nature; Dec. 1, années IX et X, Obs. GLX) rapporte le cas d'une jeune 
fille, très sobrej atteinte d'une rumination qui la dégoûtait^ et 
qu'elle ne pût maîtriser tout en diminuant de plus en plus la quan- 
tité d'aliments qu'elle insérait. 



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DU MBRYCISME. 251 

C'est là le seul cas, parmi tous ceux que nous avons pu 
recueillir, où la sobriété ait été constatée chez un sujet méry- 
cole. L'observation XIII rentre à ce point de vue dans la règle. 
Cependant, ici, la cause de TafTection ne fut pas la voracité, car 
les premiers phénomènes se manifestèrent à la suite d'une 
maladie aiguë, une variole. Affection bizarre sur laquelle Itts 
mêmes maladies peuvent avoir des causes absolument oppo- 
sées : ici une maladie intercurrente provoque Féclosion du 
mérycisme, tandis que, dans d'autres cas, parmi lesquels nous 
en avons déjà cité quelques-uns au passage, \es maladies inter- 
currentes ont amené la disparition, au moins momentanée, de 
la rumination. 

Observation XIll. •— Mérycisme à la suite d*une variole à l'âge de 
sept ans. — Conservation de V appétit; voracité. — Guérison à vingt 
ans parle coit^ . — Il s'agit d'un jeune homme âgé de vingt ans, 
d'une assez faible constitution, portant au cou des cicatrices de 
scrofule, qui, depuis Tàge de sept ans, à la suite d'une petite 
vérole confluente, éprouve, après chaque repas, des rapports qui lui 
font remonter les aliments de Testomac dans la bouche. A Fori- 
gine, il rejetait ces gorgées d'aliments; mais comme il vit que 
bientôt après il souffrait de la faim, il prit le parti de les mâcher 
et de les avaler de nouveau. Il mange avec appétit, un peu vite et 
ne boit que de l'eau. Une demi-heure après le repas, il éprouve un 
sentiment de malaise dans la région épigastrique et la rumination 
commence. Les aliments en revenant dans la bouche ne paraissent 
avoir subi aucune altération dans Testomac et n'ont pas mauvais 
goût. Aussi les mâche-t-il de nouveau avec plaisir. Quand il s'en- 
dort après le repas, il est forcé de se réveiller au bout de deux 
heures pour vomir tout à la foisles aliments qu'il n'a pu ruminer. 

Ce jeune homme, réformé pour sa maladie, se marie. Le lende- 
main même de ses noces (et il affirme n'avoir jamais usé du coït 
avant cette époque) le mérycisme commença à diminuer. Huit 
jours après, il en était complètement délivré, aussi bien que de la 
soif intense qu'il éprouvait auparavant dès qu'il avait Uni do 
ruminer. 

Ce fait étrange delà disparition du mérycisme sous l'influence 
d'un acte tout physiologique se retrouve encore dans l'obser- 
vation suivante, presque analogue de tous points à celle que 
nous venons de citer. Peut-être est-ce la même ; en effet, 

ï Filhol et Tarbès in Biblioth, med., t. XXXIV, p. 249; t. XL, p. 232; 
t. XLI^p. 375; t. LXXII, p. 119. 



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352 REVUE CRITIQUE. 

dans la première, le mérycisme débute à sept ans, dans la 
suivante à six ans et, à la suite de la même maladie, il disparait 
de la même façon au bout de huit jours de mariage chez les 
deux sujets, vierges tous deux, à peu près vers le môme âge. 
Nous signalons ces rapprochements : comme rien dans nos 
recherches ne nous a indiqué que le second cas n*était qu'une 
reproduction du premier, nous le citerons ici : 

Observation XIV^ — Le nommé Claverie, journalier, ne com- 
mença à ruminer qu*à Tâge de six ans, à la suite d*une petite vérole; 
cela dura ainsi jusqu'à Tftge de vingt-trois ans. A cette époque, il se 
maria: le lendemain de son mariage, il remarqua avec surprise que la 
rumination diminuait ; huit jours après, elle avait totalement cessé, 
sans qu'il éprouvât pour cela des douleurs dans un organe quel- 
conque. Un fait à signaler est que ce jeune homme affirme n'avoir 
jamais eu de rapports sexuels avant son mariage. 

Les troubles fonctionnels de Testomac paraissent aussi jouer 
quelquefois le rôle de causes occasionnelles, comme nous le 
verrons tout à Fheure; d'autres fois, le mérycisme exercerait 
peut-être une action réciproque du môme genre, pouvant 
amener le développement d'autres affections de Testomac: 
c'est ce que semblerait indiquer TObservation ci-dessous ainsi 
que TObsbevation VIII. 

Observation XV *. — Cette observation a trait à un soldat qui 
mourut à Toulouse à Tâge de cinquante-neuf ans. Dès sa plus tendre 
enfance, cet homme eut le pouvoir de rejeter les aliments qui l'in- 
commodaient sans que sa digestion eût & en souffrir le moins du 
monde. De là à la rumination il n'y avait qu'un pas. Il fut vite fran- 
chi, le mérycisme devint bientôt chez cet homme uu acte naturel. 11 
disparut cependant dans le cours de la maladie dont il mourut {cancer' 
du pylore), 

A l'autopsie, rien d'anormal dans la conformation de l'estomac. 
La cavité était simple, sans diverticulum ni rétrécissements. 

Nous penserions volontiers que, dans ce cas, le cancer ne 
serait qu'un résultat de l'action exercée par le mérycisme sur 
les fonctions digestives. Ce phénomème entravant journelle- 
mement le fonctionnement régulier de l'estomac, imposant 
pour ainsi dire une surcharge de travail à cet organe, peut 

1 Ducasse. — Froriep's Notizen^ t. XLVil, p. 9B, 4836. 
* Ducasse, Ibid. 



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DU MBRYCISMB. 253 

parfaitement en avoir fait un locus minoris resistentt'œ fe^vo- 
risant Téclosion des néoplasmes chez un individu en puis- 
sance de diathèse. 

Quant à la suspension ultérieure du mérycisme par le 
cancer, elle peut alors s'expliquer en admettant que le 
néoplasme une fois développé, ayant attaqué la structure 
même de Testomac ait apporté un trouble dans les fonctions 
habituelles de cet organe, surtout si Ton admet avec certains 
auteur que le mérycisme est dû à une susceptibilité exagérée 
de la muqueuse de Testomac ou à une plus grande énergie de 
ses fibres musculaires. Cette hypothèse serait aussi applicable 
à TObservation VIII dans laquelle le sujet, mort d*im 
squirrhe du pylore, ruminait moins bien à la fin de la vie. 

En dehors de la suspension du mérycisme par le fait du 
cancer, nous ferons encore remarquer, dans l'observation qui 
précède, le mode de début du mérycisme qui ne s'est établi que 
graduellement comme dans les Observations IX et XIII. 

Nous avons signalé tout à Theure les troubles des fonctions 
digestives comme pouvant occasionner l'apparition de la 
rumination. Nous rappellerons à ce propos Tobservation Y 
ayant trait à un individu qui avait des éructations acides avant 
l'apparition du mérycisme et nous allons rapporter des obser- 
vations où le phénomène est survenu à la suite d'une indiges- 
tion ou même chez un sujet déjà dyspeptique. Nous ferons 
remarquer aussi que la voracité, le défaut de mastication 
presqu'ordinaires chez les mérycoles,peuvent fort bien rentrer 
dans cette catégorie de causes et ne favoriser l'apparition du 
mérycisme qu'en provoquant d'abord des troubles dans les 
fonctions de l'estomac. 

Observation XVI. — Mérycisme suixenant à la suite d^un excès. — 
Début graduel, — Suspension par un accès de goutte. — Boulimie. — 
IHmijiution du mérycisme^. — M. R..., maître de forges, à trente- 
deux ans, en 1798, eut, à la suite d'une orgie^ une indigestion dont il 
pensa mourir. Puis survint après chaque repas un hoquet ramenant 
des aliments, qui redescendaient ensuite dansTestomac, sans avoir 
aucun mauvais goût. — La rumination, qui finît par s'établir corn- 
plètementy était annoncée par une sorte de spasme de l'cRSophage et 
un besoin à*èructation. En 1806, elle fut suspendue par un accès de 
goutte. 

En 1811^ il fut atteint d'une sorte de boulimie qui dura près de trois 

* Percy. — Dictionnaire en soixante volumes^ art. Mérycisme, 



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254 tlBVUB C&ITl<}tJK. 

mois et ue céda qu'en laissant des douleurs épigastriques, des nau- 
sées au moindre écart de régime, de i*anorexie, et une diminution 
du mérycisme. 

On voit donc que, chez ce malade, outre le début graduel 
déjà signalé (Obs. IX, XIII, XV), ainsi que la suspension par 
les maladies intercurrentes (Obs. VI, VU, XV) , le mérycisme 
apparut à la suite d'une méigestron. Le fait suivant, plus net 
encore à ce point de vue, nous montre le mérycisme apparais- 
sant chez un individu souffrant déjà de dyspepsie. 

Observation XVII. — Mérycisme.— Dyspepsie préexistante. Début 
graduel. — Conservation de Vappétit ; voracité; constipation habi- 
tuelle. — Les liquides ne sont^ ruminés que sHls sont pris en grande 
quantité. — Suspension momentanée de la rumination par contraction 
de la volonté; mais rejet consécutif des aliments en masse ^ — Le 
sujet est UQ homme de moyen âge, d'une assez bonne constitu- 
tion, habitué dès sa jeunesse à manger très vite. Depuis quelques 
années il avait déjà de la dyspepsie et rejetait deux ou trois heures 
après ses repas les liquides iàgérés qui avaient alors un goût aigre. 
Cette affection se changea ensuite en une véritable rumination qui 
se compliqua d'une éruption cutanée. Vappétit était conservé : le 
malade mangeait gloutonnement sans soif; constipation habituelle. 
Sommeil tranquille. Une demi-heure ou une heure après le repas, 
une sensation de plénitude dans la région du cardia Tobligeait à 
faire une grande inspiration ; dès qu'elle se terminait, un bol ali- 
mentaire s'élevait de Testomac et arrivait dans la bouche au com- 
mencement de l'expiration. Il en était ainsi jusqu'à ce que tous les 
aliments eussent été soumis à une seconde mastication qui était 
plus agréable au malade que la première. C'était les premiers ava- 
lés qui revenaient les premiers. Les liquides ne remontaient que 
s'ils étaient pris en grande quantité. Pas dé nausées ni de mauvais 
goût dans la boucbe. Le malade pouvait retenir les aliments en con- 
centrant son attention sur un autre objet au moment de la sen- 
sation de plénitude au cardia. Mais quelque temps après, les aliments 
solides des liquides, devenus acres, amers, revenaient tout à la fois 
et étaient rejetés, mais sans douleurs ni efforts de vomissement. 

Cette affection disparut en quelques semaines sous l'influence de 
purgatifs, de toniques végétaux, de bains tièdes et de frictions 
sèches. 

Nous ferons remarquer, à propos du début graduel déjà noté 
(Obs. IX, XIII, XV, XVI), un fait curieux qui ressort de cette 

» James GoplamI. — Bull, méd., t. LXXIV, p. 417. 



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DU MJBRYCISMS. 255 

observation, c*e8t que les liquides qui, à Forigine, étaient seuls 
ruminés, ne le furent plus tard que s'ils étaient pris en grande 
quantité. Ajoutons que ce fait est un exemple de rumination 
ayant abouti à la guérison sous Tinfluence d*un traitement 
approprié : de plus, chez le sujet actuel, la volonté était impuis- 
sante à retenir les aliments dans Testomac. Les cas de ce genre 
soit relativement fréquents. (Obs. YII.) 

Observation XVIII. — Le D' Delmas a connu un étudiant en mé- 
decine à Paris, Helvétien d'origine et gros mangeur, atteint de 
rumination involontaire mais non incommode. 

Observation XIX. — Blumenbach rapporte^ quatre exemples de 
mérycoles : chez deux la fonction était volontaire et s'accompagnait 
d'une véritable sensation de plaisir. 

Cependant on voit que la volonté peut aussi avoir quelque 
influence sur la production du mérycisme : Darwin cite 
Texemple d'un homme qui choisissait à volonté parmi les 
aliments ingérés dans son estomac 4^eux qu*il voulait ruminer. 
Sans être aussi concluante, Tobservation suivante nous montre 
aussi Faction de la volonté sur la rumination; mais alors la 
rétention des aliments s'accompagnait de douleur: on verra ce 
point signalé encore plus loin (Obs. XXYIII). Ce fait, ainsi que 
Tinfluence de l'arrêt de la rumination sur la nutrition, prouve 
bien que ce n'est pas là une maladie, comme nous l'avons dit 
plus haut, mais une sorte de fonction anormale. 

Observation XX. — M. Roubieu * a observé un jeune homme 
d'une constitution faible, d'un appétit vorace, qui, après ses repas, 
était'sujet à une rumination qu'il ne pouvait empêcher ^ sans souffrir 
de douleurs épigastriques. La rumination étaitprécédée d'éructations, 
ne provoquait pas de dégoût et cessait au bout d'une demi-heure. 
— il périt d'hémoptysie k trente ans. 

Dans I'Observation XVII, nous avons vu aussi un homme 
suspendant volontairement la rumination. Mais, chez lui, cet 
arrêt n'était pas momentané et, malgré la concentration de la 
volonté, les aliments étaient bientôt rejetés en masse. 

Ces quelques exemples nous montrent la volonté agissant 
dans les deux sens, soit pour arrêter, soit pour produire le 

1 Fronep's Sotizeny t. XLV, p. 337. 

^ A^m. Soc. méd, Montpellier , t. IX, p. 283, 1808. 



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â56 REVtJB CRITIQUB. 

mérycisme. Ce dernier point ressort encore de Tobservation 
suivante : 

Observation XXI. — Mérycisme sans effort ni douleur. ^ Influence 
du régime; constipation persistante, — Production volontaire du mé- 
rycisme K — Le D' Fronmûller (de Fûrth) a observé trois cas 
d'hommes ruminants, dont deux superficiellement. Le troisième, 
âgé de vingt et un ans, a sa mère atteinte d'une affection chro- 
nique de l'estomac. Il a son infirmité depuis Tâge de dix ans et il 
l'attribue à Vingestion d*un€ eau fétide provoquée par une soif vive. 
Il fut traité sans succès par les vomitifs. Sauf une constipation per- 
sistante, il se porte assez bien. 

]1 rumine sans effort de vomissements, même souvent avec plaisir, 
et la rumination suit de près le repas. Ce sont les viandes et les 
boissons qui remontent le moins; les légumes remontent toujours. 
Lorsqu'il est tranquille, il peut faire remonter volontairement les 
aliments, mais sans les choisir comme le ruminant de Darwin; il 
peut souvent retenir les aliments. La bouillie alimentaire, d'abord, 
épaisse, devient à la fin liquide et amère. Le soir, il ne rumine pas. 
Langue toujours chargée. 

De plus, cette observation se rapproche de rOnsEavATioN XVII 
par le fait de rumination partielle, c'est-à-dire ne s*exerçant que 
sur certains aliments. Nous avions déjà vu au passage certains 
cas de ce genre. Ainsi, dans rOssERYATioN YII, les boissons 
n'étaient jamais ruminées, de même dans TObservation XVII, 
ici ce sont les viandes et les boissons. Et, de plus, la rumina- 
tion ne suit pas tous les repas. 

Rapprochons de ces faits le suivant, qui est aussi une 
sorte de rumination partielle, mais d'un autre genre, car le 
sujet ramène tous ses aliments de sa bouche, pour n'en 
ruminer ensuite qu'une partie. 

Observation XXII. — Welsh {Obs. med.y ép. XXXVI) rapporte This- 
toire de Edouard Damies qui, une heure ou deux après le repas, ne 
pouvait s'cmpécher de ramener par une sorte de rumination son 
manger dans sa bouche, d'où il rejetait les substances grasses qui 
n'avaient pu convenir à son estomac. 

Bien que cela soit rare, il peut arriver que le mérycisme soit 
provoqué : tel est le cas de M. le professeur Brown Sequard, 
rapporté par M. R. Blanchard. 

^ Gazette médicale de Strasbourg ^ année 1870, p. 1i3. 



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DU MERTCISBIB. 257 

Observation XXIII. — « Chez M. Brown-Séquard, dit-il, le méca- 
nisme s'établit à la suite d'expériences, par lesquelles ce physiolo- 
giste cherchait à déterminer la durée du séjour que devraient 
faire dans Testomac, les divers aliments, pour s'y digérer complé- 
ment. Dans ce but, il reproduisait sur lui-môme les expériences 
classiques de Réaumur et de Spallanzani: il avait une éponge, 
maintenue au dehors par une ficelle, et au centre de laquelle se 
trouvait Taliment. Ces expériences allèrent bien pendant quelque 
temps, puis, à un certain moment, l'estomac se révolta et rejeta 
l'éponjLce. M. Brown-Séquard lutta longtemps contre son estomac, 
dans l'espoir de déterminer en lui une accoutumance; mais le rejet 
de l'éponge persistant et s'accompagnant même de la régurgita- 
tion des aliments, il dut s'avouer vaincu et cesser ses expériences. 
La réjection n'en persista pas moins et constitua pendant long- 
temps une véritable infirmité. » 

Nous dirons avec M. R. Blanchard que « ce nombre restreint 
de cas ne peut évidemment donner aucune idée de la quantité 
relative de mérycoles qui existent de par le monde, car, le plus 
souvent, le trouble fonctionnel dont sont atteints les mérycoles 
ne constitue point une infirmité et n'a môme rien que de très 
agréable : les personnes de cette catégorie n'ont donc aucun 
intérêt à consulter un homme de Tart, n'étant aucunement 
gênées parle retour des aliments. D'autres mérycoles ruminent 
inconsciemment, pour ainsi dire, sans se douter que cet état 
physiologique leur est particulier, et on les étonnerait assuré- 
ment beaucoup si on leur apprenait que cette fonction ne leur 
est point commune avec tous les autres hommes ; tel était le 
cas du sujet observé par Armaingaud. Tel est aussi mon propre 
cas. Je n'ai aucun souvenir de l'époque à laquelle le mérycisme 
a pu s'établir chez moi : en tout cas, il remonte à ma plus 
tendre enfance, et il m'incommode si peu que je l'aurais consi- 
déré comme un phénomène physiologique normal, si les livres 
ne m'eussent appris le contraire. Je m'inquiétais du reste fort 
peu de savoir si les personnes de mon entourage ruminaient 
également, tant la chose me semblait naturelle ». 

Observation XXIV. — Outre les détails qui précèdent, concernant 
son propre cas, M. Blanchard en sgoute d'autres qu'il a consignés 
dans l'article du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, 
d'où la citation précédente est tirée. 11 a remarqué « qu'il ruminait 
davantage quand il prenait rapidement son repas, se livrait, au 
sortir de table, à un travail intellectuel». Suivant sa propre observa- 
tion, chaque réjection serait déterminée par l'abaissement du dia- 

Archives, t. VI. 17 



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258 ttfiVUB CRITIQUB. 

phragrae, et la dépression des muscles abdominaux. « Ces muscles, 
ajoute-t-il, peuvent, du reste, se contracter à des degrés divers, et, 
même en observant dans une Riace, leur action peut très bien pas- 
ser inaperçue ». Et il dit encore : « qu'il mange de préférence cer- 
tains mets, uniquement dans Tattente de Tagrèable sensation qu'ils 
lui procureront lors de la rumination. Quand, cependant, les ali- 
ments séjournent dans l'estomac depuis trois ou quatre heures, il 
est assez fréquent de leur trouver un goût désagréable, amer ou 
acide, suivant le cas. » 

Nous avons terminé la première partie de notre travail et 
rapporté tous les cas à nous connus de mérycisme observés 
chez les individus sains d'esprit. Nous n'en tirons en ce 
moment aucune conclusion générale ; nous espérons qu'on 
nous pardonnera nos longueurs et des redites inévitables. 
Mais nous avons pensé qu'il serait bon de réunir toutes ces 
observations jusque-là disséminées et d'en faire une sorte de 
préface à l'étude complète du mérycisme, que nous allons 
aborder maintenant à propos des cas observés chez les idiots 
ou les aliénés. 



IV. — DU MERYCISMB CHEZ LES IDIOTS. 

Étiologie, — Les catises du mérycisme peuvent se diviser en 
deux classes : les causes occasionnelles et les causes prédispo- 
santes. Nous venons d'en passer quelques-unes en revue dans 
le chapitre précédent; aussi nous ne ferons que les rappeler 
pour mémoire dans cette classiGcation. 

Caisses occasionnelles. — Les causes occasionnelles du méry- 
cisme sont assez nombreuses. Nous avons déjà signalé comme 
pouvant rentrer dans cette classe de causes : Yîmùation (Obs.III 
et IV); en voici encore un nouvel exemple, dont nous ne dis- 
cuterons d'ailleurs pas la valeur. 

Observation XXV. — Abraham Will rapporte le cas d'un idiot, 
né d'une mère idiote, qui s'accoutuma à ruminer après avoir passé 
des années avec des animaux ruminants. {Dictionnaire en soixante 
volumes, art. Méi*ycismc.) 

Nous avons vu aussi le mérycisme apparaître à la suite de 
maladies aiguës (Obs. XIII et XIV), d'un voyage en mer (Obs. IX), 



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DU MÊRTOISMB. 259 

d'une chute sur V estomac (Obs. X). De ce dernier genre de 
causes, on pourrait en rapprocher une qui aurait, suivant 
Cambay, une certaine valeur : c'est la compression de l'estomac 
par les vêtements trop setrés. 

Mais, le plus souvent, c*est à l'occasion de troubles survenus 
dans les fonctions digeslives que se développe le mérycisme. 
Nous avons déjà vu trois observations (V, XVI et XVÙ) dans 
lesquelles le mérycisme est apparu à la suite d'une indigestion 
grave ou chez des individus ayant déjà des éructations acides 
ou souffrant de dyspepsie. Toutes les causes qui viennent en- 
traver les fonctions de l'estomac peuvent par cela même pro- 
voquer, dans certains cas, l'apparition du mérycisme. C'est 
ainsi qu'agirait la voracité, presque ordinaire chez les méry- 
coles, puisque, sur toutes les observations où l'on a songé à la 
rechercher, une seule fois (Obs. XII) elle a fait défaut; on 
comprendrait sous cette dénomination l'action d'introduire 
dans l'estomac une trop grande quantité d'aliments à la fois et 
de manger trop vite, de sorte que l'estomac se trouve rempli 
instantanément. 

A la voracité se rattachent les troubles de la mastication, très 
fréquemment observés chez les mérycoles, qui, pour la plu- 
part, ne mâchent qu'imparfaitement ou même point du tout 
les aliments avant de les avaler pour la première fois. L'insuf- 
fisance de V insalivation y accompagnant presque toujours celle 
de la mastication^ rentre dans le même ordre de causes. 

Les altérations du système dentaire peuvent agir dans le 
même sens, puisqu'elles sont un obstacle à la mastication. 
Dans beaucoup de cas, on n'a pas songé à signaler ce point; 
dans I'Observation XXVIII seulement, il est noté que le sujet 
était absolument privé de dents. Chez les idiots que nous avons 
observés à Bicêtre, le système dentaire était toujours défec- 
tueux, chez Gren.. surtout, où, avec les incisives supérieures, 
presque toutes les molaires font défaut ou sont presque com- 
plètement cariées. On comprend parfaitement que, dans des cas 
semblables, malgré les efforts du sujet, la mastication est tou- 
jours incomplète, surtout s'il y a coexistence de la voracité, 
comme chez Gren. . , et doit occasionner par suite des troubles 
de la digestion. Il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce que les 
altérations du système dentaire soient une cause peut-être 
indirecte, mais en tout cas efficace, du mérycisme. 

On trouve encore, signalées par Cambay, plusieurs causes 



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!260 EBVUE criuqub. — du mérycismb. 

occasionnelles de mérycisme qui n'agiraient toujours qu'en 
troublant plus ou moins l'exercice de Testomac. Telles sont, 
par exemple, Yétude et les travaux stationnatres peu ou point 
actifs immédiatement après le repas; les aliments réfractaires 
à Faction de Testomac, les aliments crus, trop peu ou trop 
cuits, les parties tendineuses, aponévrotiques, les substances 
facilement altérées par le suc gastrique, le lait, les œufs peu 
cuits ; certains poissons, la morue salée, la raie fraîche, les 
œufs de brochet; les viandes dures, coriaces; les corps gras, 
principalement la graisse de mouton ; les substances de mau- 
vaise qualité. Cette dernière cause serait celle du mérycisme 
dans TObservation XXI, où ce phénomène a suivi Tingestion 
d'une eau fétide. Enfin, Vinsuffisance des sucs digestifs {Dict. 
encycl, des Sciences méd.) a été signalée comme pouvant avoir 
une action sur la production du mérycisme. 

Telles sont à peu près toutes les causes que Ton peut appe- 
ler occasionnelks de la rumination chez Thomme^ en ce sens 
qu'elles en déterminent l'apparition à un moment donné et en 
favorisent ensuite l'exercice. Mais aucune d'elles n'est assez 
puissante pour la produire nécessairement; il faut en plus une 
prédisposition particulière tenant à des causes que nous allons 
maintenant examiner. 

Causes prédisposantes, — Vâge^ avons-nous dit plus haut, 
parait n'être qu'une cause de faible importance, car le méry- 
cisme débute à peu près à tout moment de la vie. Cependant, 
sa fréquence parait diminuer à mesure que l'on avance en âge. 
En effet, sur vingtrtrois observations où l'on a noté autant que 
possible l'âge des sujets au moment du début du mérycisme, 
on voit que quinze fois il est apparu avant 15 ans; sept fois 
entre 20 et 32 ans; une seule fois, le sujet avait atteint 40 ans. 

Le sexe semble avoir une certaine influence comme cause 
prédisposante de la rumination. Nous n'oserions pas trop affir- 
mer cette proposition : que l'homme est plus sujet à la rumi- 
nation que la femme. Nous nous contenterons de dire que, 
sur toutes les observations de mérycoles parvenues à notre 
connaissance, il n'y a que cinq individus du sexe féminin en 
comptant le fait observé chez une idiote épileptique, par le 
D' Lorenzo Monti, et que nous n'avons pu nous procurer. 

Nous avons déjà fait remarquer plus haut le rôle de l'héré- 
dité dans la production du mérycisme (Obs. I, V, VI, VII) ; 
nous ne reviendrons pas ici sur ce point; on trouvera d'ailleurs 



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REVUB DB PATHOLOOIB MBNTALfe. 261 

encore plus loin (Obs. XXYIII) un fait de mérycîsaie hérédi- 
taire. 

Ces causes prédisposantes générales ou définitives, même 
avec le concours des causes occasionnelles, sont bien insuffi- 
santes pour expliquer le développement du mérycisme. Aussi 
se voit-K)n réduit à invoquer une prédisposition particulière de 
Tindividu. Tous les auteurs qui se sont occupés du sujet n*hé- 
sitent pas à en placer le siège dans Testomac; mais ils ne sont 
plus d^accord pour en expliquer la nature. Les uns invoquent 
une plus grande excitabilité de la muqueuse de Testomac et 
une plus grande énergie de ses fibres musculaires tenant à leur 
développement exagéré (Gambay); d autres attribuent le méry- 
cisme à une paralysie du cardia {Echo médical, 1859, p. 648); 
d'autres, enfin, en font une névrose de la digestion ou le 
mettent sous la dépendance d'une conformation particulière 
de Testomac (Littré et Robin). Cette diversité d'opinions tient 
vraisemblablement au petit nombre d'autopsies de mérycoles 
que l'on possède et au peu de renseignements qu'elles donnent 
sur les causes de ce phénomène, comme nous allons le voir 
dans le chapitre suivant. {A suivre.) 



REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 



I. La foub boit-bllb être considbréb commb unb cause DB 
DIVORCE? (Discussion entre MM. les D'* Blanche et Luys, 
Bulletin de F Académie de médecine y séances des 9 et 20 mai, 
I3etii0 juin 188*2; Annales médico-psychologiques, juillet 
1882 ; tEncéphale, n»' -2 et 3, 1882.) 

On se souvient que, consultés par la commission parlemen- 
taire chargée d'élaborer le projet de loi sur le divorce, au 
sujet de l'opportunité d'un amendement tendant à comprendre 
la folie parmi les causes de cette mesure légale, MM. les 
D" Gharcot, Magnan et Blanche se prononcèrent pour le rejet 
de l'amendement, et que leur avis fut écouté. 



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262 HBVUB DE PATHOLOGIE MENTALE. 

Peu de temps aprèg, le 9 mai 1882, M. le D' Blanche exposa 
à rAcadémie de médecine les idées qu'il avait soutenues 
devant la commission parlementaire. Le 30 mai^ M. Luys, 
qui n'avait pas été consulté, développa, devant la même com- 
pagnie, la doctrine contraire. II y eut réplique de part et 
d'autre, et c'est cette discussion que nous voulons résumer 
très brièvement en nous appuyant sur Targumentation de 
M. Blanche à laquelle nous nous rallions d'ailleurs, au nom 
de la science, de la légalité et de la morale. 

Cette discussion a placé la question du divorce et de la folie 
sur un terrain à la fois médical, juridique et moral; elle a 
soulevé trois questions que nous allons examiner : une question 
de fait, une question de droit et une question de morale 
sociale. 

A, — La folie, dans certaines conditions, dit M. Luys, doit être 
considérée comme incurable et entraîner le divorce, car l'aliéné 
chronique est un être déchu, « étranger au milieu ambiant », 
un véritable « mort vivant», et place son conjoint dans l'al- 
ternative de mener une vie éternellement triste et solitaire ou 
de se créer une nouvelle famille non reconnue par les lois. 

Se fondant sur certaines théories physio-pathologiques qui 
lui sont propres et « sur des observations statistiques prises 
sur un grand nombre de malades suivis pendant de longues 
années », M. Luys déclare à l'Académie que la « folie » est 
incurable après quatre ans chez les hommes et cinq ans chez 
les femmes. — Bien que nous sachions à quoi nous en tenir 
sur le soin avec lequel il prend ses observations, il nous per- 
mettra de nous étonner de la précision qu'il apporte dans un 
sujet d'une appréciation si difficile. « Folie » est un terme 
vague qui serait plutôt le langage d'un homme du monde que 
d'un aliéniste ; il comprend un grand nombre d'états psychopa- 
thiques très divers, qui sont loin de comporter un pronostic 
aussi général et une disposition légale uniforme. Nous com- 
prendrions encore que M. Luys nous renseignât, avec sa 
statistique, sur le pronostic de la paralysie générale ou de la 
folie circulaire; mais, en allant plus loin, il nous semble 
aller un peu loin dans la généralisation. 

Admettons cependant que les « aliénés », autre mot bien 
vague et que le véritable aliéniste n'emploie que comme.abrévia- 
tion, sous réserve de n'y attacher aucun sens précis, soient, en 
moyenne^ incurables au bout de quatre ou cinq ans de maladie. 



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RBVUB BB PATHOLOOIB MBNTALB. 363 

OU, pour accorder à M. Luys le bénéfice de la rectification ulté- 
rieure, au bout de quatre ou cinq ans de démence, en est-il 
bien toujours ainsi? N'a t-on pas vu, et dans les plus mauvais 
cas, des guérisons tardives plus ou moins complètes ? N*a t-on 
pas vu, même dans les formes les plus graves de la démence 
paralytique, des rémissions souvent très longues, permettant 
aux malades, diminués peut-être, mais encore suffisants, de 
reprendre le cours d'occupations parfois difficiles et élevées ? 
Ne sait-on pas enfin, que beaucoup de délirants partiels 
peuvent être rendus sans inconvénients à leur famille après de 
longues années de chronicité ? Leur délire persiste, mais reste 
latent, si on ne cherche pas à le réveiller ; leur intelligence 
est amoindrie, mais encore suffisante pour leur assurer une 
occupation simple et facile ; leur sensibilité est émoussée, mais 
pa§ au point qu'ils ne puissent jouir des soins de leur famille 
ou souffrir d'en être abandonnés. 

Voilà bien des difficultés dont M. Luys semble faire peu de 
cas. C'est pourtant à cet aliéné chronique, dont le sort est en- 
core si incertain, que l'on voudrait appliquer une mesure qui, 
elle, est parfaitement nette et certaine. — Que, par hasard, il 
guérisse, que la maladie interrompe son cours ou que^ lassée, 
elle lui laisse assez d'intelligence pour rentrer dans la société 
et assez de sensibilité pour souffrir, il n'en sera pas moins 
toujours un a mort vivant », sans famille, sans foyer et saiis 
biens, si sa femme a su lui choisir à temps un successeur 
légitime. 

B. — Que si nous admettons, cependant, que le jugement 
d'une commission de trois médecins soit tellement infaillible, 
que la marché de toutes les psychoses soit assez invariable et 
assez bien connue, que l'usage d'un cerveau humain soit 
d'une appréciation assez facile, pour qu'au bout d'un délai dé- 
terminé, un homme puisse être condamné à la perte définitive 
et irréparable de son foyer, de sa femme, de ses enfants, de 
ses droits familiaux, une pareille condamnation serait-elle 
légale ? Nous ne le pensons pas. Il est, en effet, contraire à 
toutes les règles instinctives et convenues du droit social de 
spolier un homme d'une partie de ses droits ou de ses biens 
sans le mettre à même de les défendre et Taliéné ne pourrait 
le faire ni réellement ni même légalement et cela, parce qu'il 
est un aliéné. — Nous ne saurions, sans trop développer cette 
simple analyse et sans nous exposer à sortir des limites de notre 



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264 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 

compétence, nous étendre davantage sur ce point traité, d'ail- 
leurs, par M. Blanche, dans son premier discours académique. 

C. — Une loi enfin, autorisant le divorce pour cause de 
folie, démoraliserait Tinstitution du mariage : ce serait une 
loi immorale. Les épou?:, dit le Gode, se doivent naturellement 
fidélité, secours et assistance, et la conduite injurieuse ou Tin- 
dignité d'un des deux époux ont pu seuls, jusqu'ici, relever 
l'autre de ses devoirs. — Il était réservé à M. Luys d'y ajouter 
la maladie ; il serait difficile de s'arrêter sur cette pente et 
nous ne voyons pas ce qui empêcherait le mari d'une caneé- 
reuse ou la femme d'un épileptique de réclamer la même 
faveur. 

Ainsi que le fait remarquer justement M. Blanche, les con- 
joints d'aliénés, dont M. Luys tient à réparer l'infortune, 
n'ont assez souvent que ce qu'ils méritent et le malheur dont 
ils se plaignent n'est que le châtiment de leur imprévoyance, 
de l'avarice et de la vanité qui ont présidé à Taccomplissement 
de leur mariage. Il est juste qu'ils en soient punis, et ce 
n'est pas à la loi à réparer leur faute à leur profit, en l'aggra- 
vant aux dépens de leur conjoint désemparé. Pour s'accommo- 
der aux nécessités pratiques et à l'état des mœurs du moment, 
la loi n'en doit pas moins tendre vers l'idéal ; obligée de tolérer 
souvent le vice, elle ne doit jamais le sanctionner. Or, une loi 
admettant la folie, c'est-à-dire la maladie, comme cause de 
divorce, réduisant le mariage à un simple acte d'association 
commerciale, ne ferait que justifier et sanctionner ce que le 
mariage a souvent d'immoral et de honteux. Aussi, nous 
joignons-nous à M. Blanche pour condamner le système que 
M. Luys a cru devoir défendre devant l'Académie au nom des 
faits, de la morale et de la légalité. Ë. Chambard. 

II. Des rapports de la démexce paralytique avec la syphilis ; 
par Snell. [AUg. Zeitsch, f. Psych., XXXIX, 2 et 3.) 

La pluralité des paralysés généraux qui se sont présentés à Tob- 
servation de M. Snell avaient eu antérieurement la syphilis. La 
rareté de la paralysie générale chez la femme, rapprochée de la 
bien moindre fréquence de la syphilis chez elle que chez l'homme, 
ajoute Fauteur, pourrait également servir d'argument en faveur 
d'une relation entre la syphilis et la démence paralytique. D'autant 
plus que les prostituées, chez qui Taffection mentale en ques- 
tion parait être assez f^équente^ constituent le seul élément social 



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REVUE DB PATHOLOOIE MENTALE. 265 

féminin souvent infecté. On sait, au reste, que ]a localisation de 
la syphilis sur le cerveau engendre souvent des phénomènes mor- 
bides très voisins de ceux de la paralysie générale. Toutefois, il 
n'est pas rare de constater entre l'absorption du virus et la ma- 
nifestation de la psychose un répit, la nécropsie ne décelant alors 
aucune altération spécifique du cerveau. Peut-être certaines formes 
de syphilis sont-elles capables de déterminer dansTorgane central 
des modifications persistantes prédisposant tout au moins à la pa- 
ralysie générale ? Peut-être y a-t-il, par exemple, dans ces cas, des 
lésions syphilitiques du cerveau? La solution de Tensemble de ces 
questions d'étiologie et de pathogénie réclame de nouveaux docu- 
ments. P. K. 



in. De l'hyoscyamine; par 0. Kretz. {Allgem. Zeitsch. f. Psych, 
u.psych, gerichtl. medic., XXXIX, 1.) 

Ce médicament conviendrait dans certaines psychoses graves 
ayant résisté à tous les autres sédatifs; telles ces exaltations 
maniaques, ces manies chroniques, ces folies périodiques et circu- 
laires avec agitation qui sont entretenues par des troubles de la 
sensibilité. C'est en agissant sur cette fonction qu*elle vient à bout 
du gâtisme et de la masturbation. Il y aurait contre-indication for- 
melle à l'employer quand il existe des hallucinations sensorielles, 
principalement du côté de la vue. P. K. 

IV. De la sclérose tubéreuse multiloculaire de l'bcorce du cerveau 
(Contribution à lanatomie pathologique de l'idiotie) ; par 
0. Breckner. (Arc^. f, Psych, u. Nervenh., XII, 3.) 

Après un résumé de l'état de nos connaissances anatomo-patho- 
logiques sur l'idiotie, M. Bruckner décrit un fait qui se rapproche 
presque absolument de l'observation de M. Bourneville^ La jeune 
fille que ce fait concerne, issue d'une famille phthisique, mais in- 
demne quant au système nerveux, est en effet une idiote, non apha- 
sique, en proie dès l'âge de neuf ans à des accès d'épilepsie, ainsi 
qu'à des attaques choréiformes se montrant à des intervalles assez 
éloignés ; en ces dernières années, démence complète avec accès 
d'agitation intercurrents. Incertitude et maladresse dans les mou- 
vements; démarche sautillante, sans cependant qu'on pût noter 
de perturbation grossière du côté delà motilité ou de la sensibilité. 
Mort à vingt-deux ans de phthisie. L'ensemble de la surface du 
cerveau est parsemée, rembourrée de nodosités scléreuses, variant 
en grosseur du volume d'un pois au diamètre d'une pièce de 



* Voy. les Arch, de Neurologie, t. V, p. 94. 



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266 RRVUB DR PATHOLOOIE MENTALE. 

cinq francs en argent : on les voit s'élever au-dessus du plan dcB 
circonvolutions ou, par places, s'incorporer à la substance corti- 
cale qu'elles amplifient du double. Le microscope décèle l'eiis- 
ience dans les masses les plus dures d'un tissu conjonctif à fibres 
résistantes englobant de nombreuses cellules rondes, tandis que les 
cellules parencbymateuses ont presque entièrement disparu. Les 
noyaux moins résistants se composent d'un réticulum Iftche, dont 
les mailles fines semblent avoir condensé en un petit espace nom- 
bre de cellules normales de la substance grise. C'est le lobe frontal, 
à l'exception de la troisième circonvolution (à gauche), ou tout au 
moins du segment postérieur de celle-ci (adroite), qui constitue, de 
concert avec les circonvolutions ascendantes du côté gauche, le 
lieu d*élection des foyers, comme quantité et comme grosseur. 
L'auteur attribue : aux lésions frontales, la déchéance intellectuelle; 
à celles de la région molrice,-répilepsie ainsi que les anomalies du 
mouvement. Les deux hémisphères cérébelleux contiennent chacun 
un petit nodus scléreux ; on trouve dans les ventricules un épen- 
dyrae granuleux ainsi que des proliférations polypiformes. 
M. Brtkckner fait ressortir l'analogie de cet état avec l'hypertro- 
phie cérébrale. P. K. 

V. Quelques mots sur les oscillations pondérales de l'économie 
CHEZ LES ÉPiLEPTiQUEs ; par von Oldbroggk (de Saint-Pétersbourg). 
{Arch, f, Psych. u. Nenenk.^ XII, 3.) 

La perte de poids que subissent les épileptiques pendant leurs 
accès est faible; elle ne présente aucun caractère particulier et ne 
saurait par conséquent servir à reconnaître la simulation. Telles 
sont les conclusions basées sur quatre observations bien prises que 
l'auteur dirige contre M. Kowalewski '. P. K. 

VL Des frictions du crane dans la paralysie générale progressive; 
par Oebeke. (Allg, Zeiischr, f, Psych. u. psych, gerichtL Medic., 
XXXVIII, 2 et 3.) 

La révulsion exercée sur le crâne pendant les attaques apoplec- 
tiformes ou épi iepti formes qui menacent immédiatement la vie du 
dément paralytique est-elle utile? L'auteur prétend avoir obtenu 
des améliorations dans l'attaque môme (six observations), avoir 
réussi à reculer la production de nouveaux foyers, et, par suite, 
avoir prolongé la vie des aliénés en question par le procédé suivant : 
dans les vingt^quatre heures qui suivent l'acte, on frotte toutes 
les cinq ou six heures une région du crâne déterminée par les 



* V, les Archives de Neurologie^ t. !î, p. «78» 



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REVUE Dfi PATHOLOOIB MENTALE. 267 

moyens que Ton sait au niveau des zones psycho-motrices supposées 
atteintes, sur une étendue du diamètre d'une pièce de un franc, à 
Taide de la pommade que voici : 

î. Bichlorure d'hydrargyre. 
Gantharides. 

Liqueur de chlorure d'antimoine ^ ââ l nartie 

composée avec 5 p. d'HGl. « ' ^ 

— 1 p. de sulfure noir d*Sb. 

D = 1,34 à 1,36. 

Onguent basilicum 4 parties. 

Il se produit rapidement une eschare que Ton entretient au 
besoin. Malgré la nullité des effets sur Tétat mental, M. Oebeke 
invite à user du remède prématurément, largement, sans en 
marchander l'activité. P. K. 



VII. Communication provisoire sur l'influence de l'atropine sur 
l'épilbpsie; par Kœllner. {Allg, Zeitsch, f. Psych. m. psych. 
gerichtl. Mcd,, XXXVIII, 2 et 3.) 

Toutes les fois, dit Tauteur que Taccès, quelle qu'en soit la forme 
clinique, s'annonce par un pouls fréquent dont la résistance au 
doigt s'écarte de la normale chez l'individu considéré (mollesse 
ou durelé), et concurremment par du myosis, on peut se croire 
autorisé à user des injections sous-cutanées d'atropine, aux termes 
des expériences publiées sur l'action du médicament ainsi employé. 
M. K... affirme, sans cependant appuyer ses assertions sur des 
observations, que l'atropine a exercé en ses mains une certaine 
influence sur l'accès attendu, soit en le retardant, soit en le mo- 
dérant, toujours en assurant le calme mental et en libérant les 
facultés intellectuelles. Disparition de l'hébétude, de l'agitation 
et du gâtisme post — ou prae — paroxystiques, môme chez de vieux 
épileptiques ; répartition plus uniforme dans l'état de mal des 
accès successifs et sédation psychique intervallaire ; augmentation 
du laps de temps intermédiaire à deux accès, et, môme en un cas, 
diminution réelle du nombre des accès : tels sont les résultats 
principaux. L'indication vasculaire, le mode d'administration, 
(un milligr. pour une injection), la nature du médicament (action 
rapide n'influençant pas l'appareil digestif, suppriment d'emblée 
les inconvénients d'un emploi continu (toxicité, saturation). Les 
doses pourraient être élevées à 0,002 (Fasalli) ou 0,003 (Nothna- 
gel), par injection au besoin; on serait averti de la limite de tolé- 
rance par des accidents, d'ailleurs passagers, tels que sécheresse 
de la gorge, vertiges, vomiturilions qui se produisent h la suite 



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268 RBVUB DE PATHOLOGIE MENTALE. 

d'un usage prolongé et fréquent : aucun inconvénient local. Cette 
médication devrait être préférée au bromure^ dans les épilepsies 
incurables. V. K. 



Vin. Superstition et responsabilité; par Otto Schwartzer. 
{Jahrb. f. Psych. , III, 3.) 

Un garde forestier, âgé de quarante-cinq ans, marié, en bonne 
fortune auprès de sa maltresse, mariée de son côté, achève de s'eni- 
vrer en buvant avec elle dans l'obscurité deux ou trois litres de 
vin. Au moment de se coucher auprès d'elle il croit remarquer que 
le corps de celle-ci a la frigidité de la glace. Une telle impression 
lui suggère la pensée qu'au lieu de sa maîtresse il a à ses côtés un 
de CCS farfadets auxquels la croyance populaire attribue le rôle de 
vampire. Cette femme répondant affirmativement à ses questions 
dans ce sens, il la blesse mortellement d'un coup de fusil; la vic- 
time a néanmoins avant de mpurir le temps de témoigner de leur 
parfait accord. Le meurtrier avoue ou conflrme tous les détails de 
l'instruction. Une condamnation, cassée bientôt pour insuffisance 
d'examen médico-légal, entraine l'intervention du médecin-conseil- 
ler {Landessanitdtsrath), Voici dans quel sens ce dernier rédigea son 
rapport. On doit, selon lui, ranger les superstitions dans le cadre 
des conceptions irrésistibles ; toute superstition qui devient pour 
l'individu un article de foi qu'il accepte à l'égal d'un fait démontré 
enlève au croyant son libre arbitre et par conséquent sa responsa- 
bilité. Dans l'espèce ici considérée, Tabsence de préméditation, la 
spontanéité des déclarations, l'ivresse constituent autant de facteura 
additionnels d'irresponsabilité. P. K. 

IX. Contribution a l'étude de la sensation sexuelle contraire 
{inversion du sens génital); par Sterz. {Jiihrb. f, Psych,, IIÏ, 3.) 

Le fait rapporté en détail dans celte note n'ajoute rien aux des- 
criptions et analyses, déjà consignées dans les Archives de Neuro- 
logie^, Les experts nommés conclurent à l'amoindrissement des 
facultés mentales de par le fait d'un défaut d'éducation ; en l'ab- 
sence de tuteur, les impulsions sensorielles ont absorbé l'individu, 
lui faisant perdre toute force de volonté. Le rapport admit cepen- 
dant un certain degré de responsabilité, les entraînements de 
l'inculpé ne participant pas de l'irrésistibilité. Condamnation à dix- 
huit mois de prison. M. Sterz adopte les conclusions de KralTl-Ebiug 
sur cette question. P. K. 

I Voyez les Archives de Neurologie, t. III, p. 53; IV, p. 132; V, p. 374 
et 375. 



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RBVUB DE PATUOLOGIB MBNTALR. 269 

X. De l'infloence des maladies fébriles sur les psychoses; 
par Fritsch. {Jahrb. f. Pifych., UI, 3.) 

11 s'agit d'une communication faite à la Société psychiatrique de 
Vienne sur deux cas de guérison de maladie mentale par un érj- 
sipèle de la face. Le premier fait concerne des manifestations de 
paralysie générale chez un alcoolique, le second a trait à une sorte 
de monomanie exaltée avec hallucinations (hérédité). C'est surtout à 
la fièvre ^ au sens de M. Frilsch, qu'il faudrait attribuer la guérison 
de ces psychopathies, par le mécanisme suivant. Le premier effet de 
la fièvre est d'accélérer les échanges chimiques dans l'intimité des 
tissus; elle relève donc la nutrition du cerveau languissante dans la 
mélancolie et dans un certain nombre d'états maniaques. Les amé- 
liorations observées dans la paralysie générale, sous la même in- 
fluence, s'expliqueraient égalemeut par ce coup de fouet régénéra- 
teur donné à ceux des éléments nerveux dont la destruction n'est 
pas encore complète. C'est pour la même raison que l'écorce céré- 
brale du monomane reprenant sa spontanéité et ses qualités d'as- 
similation, devient apte à renverser, par ses propres conceptions 
rationnelles, l'échafaudage des idées délirantes systématiques éma- 
nées de l'inertie morbide des hémisphères. Les rouages précis de 
ces transformations échappent à l'observateur aussi bien que l'en- 
chaînement des phénomènes qui président au rétablissement de 
la santé de gens valétudinaires tant qu'ils n'ont pas fait les frais 
d'une maladie fébrile ; on ne peut savoir exactement si la pertur- 
bation histogé né tique a.déterminé des régénérations cellulaires, a 
rendu la perméabilité à des vaisseaux sanguins obstrués ou rétrécis, 
a augmenté l'irrigation en tel ou tel territoire. P. K. 

XL Des sensations; par Théodore Meynert. (Jahrb. f. Psych., lU, 3.; 

L'auteur part de l'étude des réflexes. Les uns se manifestent 
par des mouvements de préhension; les autres, par des mouve- 
ments de rejet, chaque espèce étant en rapport avec des actions 
vasculaires différentes. Le centre vaso-moteur sous -cortical, 
d'abord affecté par l'incitation, réagit sur l'écorce d'où repart une 
innervation vasculaire secondaire, et c'est ainsi que la sensation 
émane de ce double jeu, en même temps qu'elle dépose dans les 
couches grises des hémisphères, l'image de l'impression perçue et 
des mouvements qu'elle entraîne. De là les associations d'idées. 
Exemples : telle excitation de la sensibilité agit par le centre 
sous- cortical sur la moelle comme vaso-constrictive, engendrant 
par l'anémie, l'anoxhémie des éléments nei*veux de cet organe, 

t Voyex les Archives de Neurologie, t. l^, p. 476-478. 



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270 RBVUB DE PATHOLOOIB MENTALE. 

le mouvement de rejet primitif inconscient; Teffet vaso-constric- 
teur se propage alors jusqu'à Técorce et, nuisant à la vitalité des 
cellules, arrête de ce fait le travail de la pensée et les phénomènes 
biologiques pour lesquels le cerveau est indispensable ; il s'en suit 
des mouvements de rejet secondaires conscients, pouvant aboutir, 
selon rintensité, à la lipothymie, auxquels est liée la sensation de 
déplaisir, de douleur (asphyxie vasculaire temporaire des centres). 
Les tissus nerveux de Tindividu conservent du processus entier, 
y compris le tonus angio-moteur, un souvenir complet, de sorte 
qu'ultérieurement, la vue, Touïe, le contact des objets qui ont une 
première fois développé la douleur elle-même provoquera à une 
autre époque, sans l'incitation sensible, la conception de l'enchat- 
nepfient phénoménal qui se reproduira avec ses mêmes effets 
physiques et moraux, par le même mécanisme; la sensation 
désagréable sans la douleur corporelle s'appelle une émotion, une 
passion, une douleur psychique et se rattache aussi aux processus 
d'arrêt vaso-moteurs. La sensation qui entraîne le réflexe d^ pré- 
hension développe un mécanisme inverse dans le système cérébro- 
spinal, par les foyers vaso-kinétiques déjà nommés; à l'hyperémie 
corticale est lié un sentiment de bien-être en rapport avec le flux 
ininterrompu de la pensée. En somme, d'après Meynert, l'écorce 
du cerveau préside à deux séries d'élaborations actives : à l'inner- 
vation psychogénétique, — à l'innervation des vaso-constricteurs, — 
l'activité de chaque ordre de ces fonctions étant en opposition 
l'une par rapport à l'autre. La nature de l'incitation produit soit 
une anémie, soit une hypérémie vasculaire, et la sensation en soi 
est la forme de perception subjective de la somme des phéno- 
mènes physiologiques énumérés, en même temps qu'elle exprime 
les états inverses de la nutrition de l'écorce. L*emmagasinement 
dans les foyers corticaux des images commémoratives des sensa- 
tions assure l'activité cogitative et la lutte pour la vie en poussant 
l'être à fuir les sources de destruction, à rechercher au contraire les 
sensations de félicité. La multiplicité de tous les actes, les manifes- 
tations de la liberté, devraient être rattachés à ces mêmes 
phénomènes, ainbi que les idées de sacriflce et la reconnaissance 
de l'humanité tout entière pour ses bienfaiteurs, l'immorta- 
lité. P. K. 

XII. DÉMENCe AIGUE, STUPEUR, ÉTATS DK MÊME ORDRE; par SchCLB. 

(AUg. Zeilschr. f. Psych. w. psych. gericktl, Iferftc, XXXVllI, 
2 et 3.) 

11 n'y a pas lieu, dit l'auteur, de différencier la stupeur de la 
démence aiguë par la notion de la simple obnubilalion des phéno- 
mènes psychiques ou de l'abolition de la pensée, la forme du 
trouble de la connaissance ne pouvant servir à pareille détermi- 



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REVUB DE PATHOLOGIE MENTALE. 271 

nation. La même évolution, les mêmes symptômes psychiques, 
sensitifs, moteurs, trophiques, se rencontrent dans les deux moda- 
lités cliniques; toutes deux peuvent aboutir aux mêmes termi- 
naisons, et les variabilités du pronostic s'appliquent aux deux 
processus en dépit des signes attribués par M. 0. Binswanger à 
chacun d'eux {Charité' Annal,, sixième année). L'intensité plus 
grande dans les troubles de la conscience qui ressortit pour Bins- 
wanger à la démence aiguë, couvre une question de degré dans 
Tétat pathologique et non une différenciation dans la nature de la 
maladie. La stupeur au surplus n*est, ajoute M. Schûle, qu'un 
syndrome qui peut exister ou manquer dans la démence aiguë, 
de même que dans toute autre entité psychopathique ; il est des cas 
dans lesquels elle est effectivement synonyme de la démence 
aiguë primitive, parce qu'elle existe en cette dernière au suprême 
degré et en constitue le signe principal, comme le délire dans la 
pathologie mentale : souvent aussi, dans la folie, elle n'est que 
passagère. Après avoir appuyé l'ensemble de ces idées sur des 
observations, des analyses et des critiques, M. Schûle distingue, 
relativement à la cause, une stupeur psychique (pseudo-stupeur de 
Westphal), qui comprend les formes abortives et aboutit à l'extase, 
à la catalepsie (mélancolies, folie systématique sexuelle, hypno- 
tisme); — une stupeur directement organique (suite des maladies 
fébriles graves, puerpéralité, folie épileptique, paroxysmes mania- 
ques, folie suicide, délire aigu) ; — une stupeur cataleptique ou 
tétanolde (folies systématiques sexuelles , manie avec agitation 
motrice); — une stupeur intercurrente relevant des formes cata- 
toniques de la folie systématique. La genèse résulte toujours de 
vaso-constrictions cérébrales (phénomènes d'arrêt psychiques). 
Quant aux caractères, au pronostic, au mécanisme exact de 
chacun des éléments de la stupidité, étudiés en détail par 
M. Schale, ils ne se prêtent pas à l'analyse, la pathologie générale 
psychologique exigeant la lecture intégrale des explications termi- 
nologiques qui la constituent en l'absence d'une physiologie 
psychique rigoureuse. P. K. 

XIIL La perte en poids de L'écoNoiiiE peut-ellb servir de signe 

DIAGNOSTIQUE d'uN ACCÈS d'BPILEPSIB ANTÉRIEUR; par G. KraNTZ. 

{Allg. Zeitschr, f, Psych.u, psych, gerichtl. Jtfedtc, XXXL\, 1.) 

Des pesées méthodiques pratiquées pendant longtemps (quatre 
cents pesées matinales régulières, cent quarante-huit pesées à la 
suite des accès), chez sept malades en observation, ont démontré 
à l'auteur l'impossibilité de formuler une loi concernant le poids 
du corps à la suite de l'accès d'épilepsie. On ne saurait contester 
que les accès graves sont plus souvent suivis que les crises légères 
de déchéance pondérale ; mais il ne s'agit pas là d'un phénomène 



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27*2 SOCIBTÊS SAVANTES. 

coDstant, car M. Krantz a également noté dans les mêmes condi- 
tions un état statlonnaire, voire une augmentation dans le poids 
des individus qui venaient de faire les frais des phénomènes con- 
vulsifs. P. K. 

XIV. Quelques observations sur la température dans la folie 
périodique; par Haase. {AUg. Zeirschr.f, Psych. u. psych. gerkhtl, 
Mcdtc, XXXIX, 4.) 

Dix-sept observations servent de justification au travail de 
M. Haase. 11 prenait chez ces malades la température matin et 
soir. Voici les conclusions auxquelles il est arrivé : Tagitation des 
maniaques est toujours liée à une ascension thermique, dont le 
degi*é correspond à l'accroissement de l'agitation; pendant les 
rémissions (périodes de calme), leur température somatique est 
presque constamment au-dessous de la normale. Toutefois, le 
chiffre de 38« n'a jamais été atteint. Deux de ces aliénés ont pré- 
senté le type thermique inverse (température matinale plus élevée 
que la température vespérale) pendant leurs accès. 

Les deux observations qui ont trait à la mélancolie concernent 
un acmé thermique assez respectable (38<> ont été notés) pendant 
la période d'agitation. Ici la température baisse également à 
mesure que l'accès prend fin (apparition de la dépression), mais 
safls descendre au-dessous de la normale. 

Examinés dans leur ensemble, la plupart de ces malades ressor- 
tisseut à la folie chronique ou secondaire et sont hantés par des 
hallucinations. P. K. 



SOCIÉTÉS S.4VANTES 



SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE 



Séance du 23 juin 1883. — Présidence de M. Motet. 

Après la lecture d'un rapport de M. Charpentier sur la candida- 
ture de M. Feré, qui est nommé membre titulaire de la Société, 
M. Motet demande à M. Legrand du Saulle où en sont les travaux 
de la statue de Piuel. 



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SOCIETES SAVANTES. ^73 

M. Legrând du Saulle. La statue doit être placée, vous le savez, 
au milieu delà place Pinel, dans Taxe de la porte delaSalpétrière; 
mais la commission des bâtiments civils, qui voudrait voir la sta- 
tue dans rintcrieur de la Salpètrière, objecte que si on la place en 
face de la porte^ elle gênera la circulation et nous propose de la 
mettre un peu de côté. Le retard dans Térection du monument 
vient donc du mauvais vouloir de rAssistance publique. Notre 
Société a fait hommage à la Ville de Paris d*une statue, dont la 
place a été désignée dans un décret signé du président de la Repu- 
plique; nous sommes donc dans notre droit strict en exigeant la 
piace qui nous a été promise. L'affaire en est là. 

Laissez-moi, maintenant vous entretenir d'un autre sujet. Dans 
un procès récent, il m'a été posé une question à laquelle il est sou- 
vent fort difficile de répondre; vous allez voir pourquoi : En quoi, 
m*a-t-on demandé, le fait d'avoir un père aliéné constitue-t-il pour 
un criminel un droit à l'indulgence du jury? Dans le milieu où une 
semblable question est posée, il y a souvent des fils d'aliénés. Je 
voudrais que la société m'indiquât une formule qui permettrait de 
dire la vérité sans froisser aucune susceptibilité. Un jour un fils 
d'aliéné, siégeant sur le banc du ministère public, me posa cette 
même question d'hérédité et je fus très embarrassé pour émettre 
mon opinion. 

M. Delaslvuvr. Il est difficile d'établir une règle fixe dans cet 
ordre d'idées. Pour l'épilepsie, par exemple, les lois de l'hérédité 
changent suivant que le fils est né avant ou après les premiers 
accès des ascendants. 

M. Falret. En thèse générale, l'hérédité à elle seule ne suffit pas 
pour constituer fut<ilemeut des circonstances atténuantes pour un 
criminel ; c'est plutôt Tindice qu'il y a une recherche à faire dans 
l'observation de l'individu lui-même et non pas dans ses ascen- 
dants; il faut trouver en lui des stygmates physiques ou moraux 
pour pouvoir conclure à une irresponsabilité. Et alors l'expert ré- 
pond, sans froisser aucune suâceptibité, car chaque fils d'aliéné 
qui l'écoute pourra dire : « Moi, je n'ai pas ces slygmates, donc je 
ne deviendrai pas fou ». 

M. Legrand du Saulle. L'expert se place bien toujours d'abord à 
ce point de vue particulier, mais souvent les avocats ou le minis- 
tère public généralisent la question. 

M. LuYS. Par ce seul fait qu'on est fils d'aliéné, on ne devient 
pas forcément aliéné, mais on porte en soi des germes qui peuvent 
se développer tôt ou tard. L'hérédité chez un criminel doit donc 
faire pencher vers un atténuation de peine. 

M. Motet. La préoccupation bien légitiuic de M. Legrand du 
Saulle nous est commune à tous. En justice, nous sommes quelque- 
fois placés entre une vérité scientifique et les égards dus, noi. 

Archivks, t. VI. 18 



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27* SOCIETES SAVANTES. 

seulement au public, mais encore à l'accusé lui-même. Il faut 
mettre do la mesure dans ses réponses, c^tr le médecin ne doit pas 
oublier que derrière Taccusé il y a un homme qui l'écoute avide- 
ment. Dans les cas auxquels il est fait allusion en ce moment, nous 
ne voulons pas Tacquittement qui serait un déni de justice, mais 
une atténuation dans la peine, car il y a eu un crime indéniable et 
que la société doit se défendre. Si Taliénation est manifeste, il est 
bien évident que l'individu doit être complètement irresponsable et 
envoyé dans un asile. 

M. FÉaé rappelle que dans certains cas d'épilepsie héréditaire 
indéniable, la maladie était restée à l'état latent chez le procréa- 
teur longtemps après s'être manifestée chez le produit. 

M. Legrand du Saulle rapporte l'histoire clinique d'une petite 
fille qui, à la suite d'une fièvre typhoïde, est restée pendant vingt et 
un jours en état de mal épileptique et dont les attaques ont atteint 
le chiffre énorme de 8,000, malgré une dose quotidienne de huit, 
dix, et même quinze grammes de bromure. Les crises ont cessé 
tout à coup sans que l'enfant parut épuisée; elle dansait même le 
surlendemain. 

M. MagiNan. Si la malade était hystérique le fait serait moins 
étonnant. A combien de degrés s'élevait la température pendant 
les crises? 

M. Leguand du Saulle. La température n'a pas dépassé 37<»,5. 

M. Magnan. Ce n'est pas la règle. Dans Tépilepsie, la température 
s'élève davantage pendant l'attaque. Peut-être s'agit-il là d'acci- 
dents hystériques chez une épileptique. Ce retour brusque à la 
santé est encore une raison pour mettre au moins un point d'inter- 
rogation devant le diagnostic d'épilepsie ^ 

M. Motet. Vous vous souvenez encore de l'affaire Monasterio qui 
a fait tant de bruit dans la presse politique ; ne pensez-vous pas 
qu'il serait bon, pour ramener ce roman fantaisiste à sa véritable 
proportion, de mettre la discussion de l'affaire à Tordre du jour 
de la prochaine séance? Ce serait d'autant plus urgent que 
les médecins aliénistes très injustement attaqués, à ce propos, 
l'ont été avec une telle apparence de raison qu'un journal médical 
anglais, s'en rapportant aux racontars de la presse politique, var 
publier dans un de ses prochains numéros un résumé de l'affaire. 
L'article en préparation donnera à l'affaire Monasterio une consé- 
cration scientifique presque officielle et absolument inexacte, qu'il 
importe de réfuter. Marcel Briamd. 

^ La remarque de M. Magnan est très exacte. Nous avons vu, à la Sal- 
pètrière, une malade, nommée Chalu.., qui était en tout point comparable 
à celle dont il est ici question. (B.) 



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SOCiÉrÉS SAVANTES. 275 



SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES 
DE BERLIN! 



Séance du 9 janvier 4882. — Présidence de M. Westphal. 

Sur la proposition de M. Mehlhausen^ on procède par acclama- 
lions au renouvellement du bureau et de la commission de récep- 
tion. Puis Ton décide de fêter Tanniversaire de la fondation de la 
Société le 13 février par un banquet. 

M. MoELi présente une modification imaginée par lui au rhéostat à 
manivelle coudée. Dans la discussion qui s'engage à ce propos, 
M. Beruhardt revient sur le rhéostat présenté par M. Wernicke dans 
la séance de novembre 4881 *; il le repousse à cause de son prix 
élevé et pense qu'en Introduisant un rhéostat quelconque dans le 
réseau accessoire du circuit, on peut arriver à réduire au minimum 
les oscillations dans la force du courant. C'est aussi Tavis de 
M. Remak. 

M. Westphal montre des préparations microscopiques qui pro- 
viennent de l'écorce du cerveau et de la substance blanche conliguê 
du malade dont il a parlé dans la séance de novembre ' qui pré« 
sentait de Thémianopsie. L'écorce est seule altérée : rétraction des 
cellules pyramidales et déchéance de leurs prolongements. 

M. BmswANGER présente un cerveau atteint de porencéphalie. 
L'individu auquel il apparienait était pendant la vie paralysé et 
ataxique dans la moitié du corps opposée à l'altération. Celle-ci 
consiste en un infundibulum qui, partant du lobe de Betz, pénètre 
dans la profondeur sans gagner le ventricule latéral. A l'exemple 
de KundratS M. Binswanger rattache la pathogénie de la perte de 
substance à une encéphalite circonscrite, causée par une anémie 
aboutissant à la nécrose (préparations microscopiques à l'appui). 

Séance du 13 mars 1882. — Présidence de M. Westpoal. 

M. Moeli présente des préparations de la moelle cervicale d'une 
femme morte de myélite aiguë. Voici quelle avait été la sympto- 

• Archives de Neuro/ogie, l. IV, p. 246. 

• /rf., irf., p. 253. 
3 Ai., id., p. 234. 
*/t/., t. VI, p. 156. 



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276 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

matologie : paralysie soudaine des deux jambes, puis des avant- 
bras. Dès le troisième jour, disparition des réûexes tendineux ro- 
tuliens; puis, faibles accès de fièvre, accidents du décubitus, parésie 
vésicalc. Le douzième jour, diminution considéra])le de l'excitabi- 
lité des muscles de la main à Fégard des deux sortes de courants. 
Le treizième jour, mort par suffocation. On rencontre une destruc- 
tion complète, par places, des cornes antérieures, entre la qua- 
trième et la sixième paire cervicale ; foyers récents dans la subs- 
tance blanche principalement des cordons autéro -latéraux ; pas 
d'autre altération. L'auteur fait remarquer que ce cas ne saurait 
renverser les manières de voir actuelles sur la localisation qui cor- 
respond à l'absence du phénomène du genou, parce que la mort 
survint de bien bonne heure par rapport à la disparition de ce 
réÛexe et qu'une lésion brusque aussi prononcée survenue en des 
sef^ments haut placés a bien pu exercer une inÛuence sur le réflexe 
rotuiien. 

Discussion : M. Remae demande si la réaction dégénérative exis- 
tait, et si les nerfs périphériques ont été examinés après la mort. 
M. Moeli réplique que les racines antérieures ont été examinées et 
trouvées intactes. L'excitabilité électrique n'était diminuée qu'au 
pouce, pour les deux sortes de courants, sans qu'il existât de modi- 
fication dans la forme des convulsions. 

M. Blnswanger communique un cas de iwneur cérébrale {gliome 
de Vépcndymc) avec préparations à l'appui. Cette communication ne 
donne lieu à aucune discussion. 

M. Gnauck prend la parole sur les rapports qui existent entre lu 
mélancolie et la folie systématique. 

M. Reinhard demande si chez les personnes observées par l'ora- 
teur les émotions douloureuses étaient vivement senties pendant 
le stade mélancolique et si les manifestations morbides n'avaient 
pas quelque chose de vaîiue, d'indécis. Réponse négative. 

M. ScHRÔTTER fait remarquer que le premier fait relaté rappelle 
une psychose intermittente qui aurait eu comme stade prodro- 
mique la lypémanie, suivie de folie systématique, pour se terminer 
par la démence. Il n'en était rien cependant, reprend M. Gnauck, 
car les idées délirantes d'ordre lypémaniqiie avaient complètement 
cessé lors du stade de folie systématique; la séparation était tran- 
chée comme elle n'est pas dans la psychose typique. 

M. Westphal se rallie pour beaucoup de cas produits aux ma- 
nières de voir de l'observateur. La première des observations de 
M. Gnauck lui a fait l'impression d'une psychose indépendante de 
l'émotion morale. Quant à la seconde, il ne voit aucune raison de 
rejeter les idées de l'auteur. 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 277 

M. Wbstphal traite d'une soitrce d'erreur datis la recherche du 
phénomène du genou. Mémoire publié in-extenso*. 

La discussion correspondante à laquelle prennent part MM. West- 
phal, Senator, Lewinski, Remak, Wernicke, Moell, met en lumière 
les points suivants relatifs à la tonicité musculaire et aux réflexes 
tendineux. L'excès de tension musculaire du tétanos rhumatismal 
s'oppose à ce que le réflexe tendineux se manifeste ; il n*est d'ail- 
leur pas prouvé que la tonicité musculaire soit un phénomène 
réflexe. Les expériences dans lesquelles on essaie chez Tanimal de 
produire la tonicité musculaire en excitant les nerfs moteurs et les 
provoquer ensuite par le choc, les réflexes tendineux restent sans 
effet. Knfîn l'expression de flaccidité usitée pour les paralysies sert 
simplement de contraste à celle de contracture ; or, la tonicité mus- 
culaire ne fait pas forcément défaut dans les paralysies flasques 
et la preuve, c'est que les paralysies flasques en apparence, 
au début, peuvent plus tard se transformer en convulsions 
spasmodiques (Westphal). La tonicité est un réflexe ; aussi l'in- 
terruption des voies centripètes entralue-t-elle la cessation de la 
tonicité et des réflexes tendineux, mais sans que nécessairement 
les deux genres de phénomènes aient en même temps disparu, l'un 
pouvant exister alors que l'autre n'existe plus. Quand la tension 
musculaire a baissé le phénomène du genou peut être décelé (Se- 
uator). La tonicité musculaire facilite le dégagement des réflexes, 
elle rend possible l'excitation des terminaisons des nerfs sensitifs 
(Lewinski). Dans la myélite dorsale, où les extrémités inférieures 
sont en état de paralysie flasque, les phénomènes tendineux peu- 
vent encore être conservés, ce qui n'est pas le cas pour la myélite 
lombaire ; ceci tendrait à démontrer que le phénomène du genou 
ne dépend pas de la tonicité musculaire (Wernicke). Immédiate- 
ment après les attaques d'épilepsie grave, les muscles sont flasques, 
et le phénomène du genou n'existe pas (Moeli). 

Séance du 8 mai 4 882, — Présidence de M. Westphal. 

M. Moeli '.Remarques sur l'examen de la réaction des pupilhs. 
(Publié inextenso*.) 

Discussion: MM. Sandrr et Reinhard pensent que le cerveau joue 
un rôle dans la production des phénomènes en question. Le pre- 
mier se fond sur ce fait que, de même que dans la narcose chlo- 
roformiquc et dans le sommeil, la connaissance faisait défaut et 
que lorsque, dans ces conditions, on excitait la sensibilité, la dila- 
tation pupillaire était en raison directe de la diminution de Tétat 

* Analysé aux Revues analytiques. 

'On en Iroijvera Tanalyseaux Revues analytiques. 



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278 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

de sommeil. Le second insiste sur la suspension de la dilatation, 
pupillaire pendant le coma, dans un des cas de Moeli. 

M. BiNswANGER rappelle que, chez les épileptiques, on rencontre 
souvent des anesthésies totales et que, par conséquent, il faudrait 
se demander si Tanesthésie n'existait pas chez ceux dont la réac- 
tion pupillaire est indiquée comme nulle. 

M. Mendel fait une communication, accompagnée de pièces à 
Tappui, sur la dégénérescence grise du pédoncule cérébelleux supé- 
rieur, publiée dans le Neurologisches Centralblatt de 1882». 

A ce propos, M. Binswanger appelle l'attention sur les recherches 
publiées tout récemment par Bechetrew, d'après lesquelles des lé- 
sions de la paroi interne du troisième ventricule entraîneraient 
des troubles dans l'équilibration, comme celles du labyrinthe. Ces 
résultats viendraient & Tappui de l'opinion de l'orateur, pour qui le 
pédoncule cérébelleux supérieur serait la voie par laquelle se trans- 
mettraient les impressions visuelles chargées de servir de régula- 
teurs aux mouvemenls et à l'attitude du corps. 



Séance du itjuin i882. — Présidence de M. Westphal. 

M. Binswanger fait sa communication annoncée sur la simulation 
de la folie. Elle est basée sur la série des criminels dont il dispose, 
et qui ont dû passer sur les contrôles de l'assistance publique, pen- 
dant les années 1880 et 1882. U en observait trente et un en 1880, 
quarante-deux en 1881 : cinq, pendant la première année, ont été 
reconnus comme simulateurs ; seize, l'année suivante. Il les divise 
en trois groupes, en ce qui concerne la modalité psychopathique : 
l^les stupides (confusion dans les idées); 2<^ les anxieux (hallucina- 
tion) ; 3* les maniaques (fureur). Des exemples topiques sont relatés 
à l'appui de chacun de ces groupes. 

L'heure avancée contraint à remettre la discussion &la prochaine 
séance. 

Séance du ^0 juillet 1882. — Présidence de M. Westphal. 

M. Senator rapporte un cas à'anesthésie du trijumeau siégeant du 
côté gauche qui comprenait l'ensemble des branches du nerf. Rien 
de particulier dans les anannestiques; pas de syphilis. Publié in 
extenso^. Cette observation, outre les troubles neuroparalytiques etles 
troubles du goût localisés aux deux tiers antérieurs de la langue, 
est remarquable par l'existence de vertiges et de tuméfactions inter- 

* Analysée aux Revues analytiques. 
Voir aux Revues analytiques. 



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80C1BTBS SAVANTES. 279 

mUtentes occupant les articulations du genou et du pied, dont la ge- 
nèse demeure inexpliquée. 

La discussion relative & la communication de M. Binswanger, qui 
a rempli la dernière séance, est alimentée par MM. Lewin, Bins- 
wanger, Liman, Moses, Ideler, Bflr, Westphal, Moeli, Richter (de 
Dalldorf) et Mendel. Plusieurs d*entre eux ont eu l'occasion d*ob* 
server certains des criminels en question ; les uns les considèrent 
comme des simulateurs réels, complets ; les autres admettent qu'il 
s'agissait bien là d'aliénés, mais que quelques symptômes étaient 
simulés par eux. 

Séance du 13 novembre i88S. ^ Présidence de M. Westphal. 

M. Bernhàrdt, sous le titre de : Contribution à la pathologie du 
tabès, envisage des accidents apoplectiformes tout spéciaux, survenus 
prématurément ou dans le cours de la maladie, accompagnés ou 
non de phénomènes paralytiques, et pouvant se compliquer d'apha- 
sie. Ces états passagers sont susceptibles de complètement dispa- 
raître, alors que le tabès progresse comme d'habitude. Ce seraient des 
complications rares n'ayant pas de substratum anatomique céré- 
bral, les individus examinés n'étant au reste ni cardiaques ni sy« 
philitiques. Les facultés psychiques étaient demeurées ai)solument 
intactes à la suite des attaques décrites, il faut rejeter l'idée d'at- 
taques congestives; aucun signe dans la symptomatologie des cas 
en question n'autorise à penser à la sclérose en plaques qui donne 
lieu & des cas semblables. 

Discussion : M. Mendel a quelquefois observé en pareil cas la 
démence ultérieure. Mais M. Bernard affirme qu'il n'y a pas lieu de 
suspecter la paralysie générale, ni dans ces observations, ni dans 
celles qu'il a recueillie dans la bibliographie. Erb et Leyden n'ont 
point mentionné ces accidents dans le tcJoes. 

M. Wernicke fait ressortir que, même dans les affections en 
foyer, on peut observer la rapide rétrocession des symptômes para- 
lytiques, mais il est possible qu'on ait affaire ici & une affection 
vasculaire comme il s'en produit chez les vieux tabétiques; les 
mêmes manifestations se voient quand le processus, dépassant les 
cordons postérieurs, empiète sur les cordons latéraux. Trois éven- 
tualités sont donc admissibles; !<* celle d'une hémiplégie ordinaire; 
même genèse vasculaire; 2« celle du passage de la lésion aux 
cordons latéraux ; 3^ celle d'une affection encéphalique de nature 
spéciale, en rapport avec le tabès. Mais, pour lui, les faits de M. Ber- 
nhart ne rentreraient pas dans cette dernière catégorie. M. Ber- 
nhart souscrit aux développements de M. Wernicke ; il sait bien que 
la troisième espèce de processus demeure encore inexpliquée, mais 
il maintient que les cas communiqués par lui rentrent trait pour 
trait dans la série des accidents tabétiques encore peu connus. 



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280. SOCIÉTÉS SAVANTES. 

M. Shidt. Sur un trouble fnental consécutif à Vintoxication par 
Viodoforme. — Il s'agit d'une femme de soixante-sept ans atteinte 
d'un ulcère chronique du pied, pansé chaque jour à riodoforme. 
Au bout de trois mois (absorption de vingt grammes d'iodoforme 
par mois), céphalalgie, hallucinations, agitation, mélancolie. Plus 
tard (le traitement dura quatre à cinq mois), elle ne reconnaît plus 
les personnes ni son entourage; hallucinations multipliées de Touïe 
et de la vue sans rapport intime avec ses idées délirantes; affaiblis- 
sement intellectuel. En somme, évolution chronique du trouble 
psychique consécutif à un usage prolongé du poison, qui rappelle 
les intoxications par Topium, Talcool, le haschisch. 

M. Stisinacer appelle l'attention sur Taction cumulative de 
riodoforme, à Tinstar du K. Br., sur la ressemblance entre les in- 
toxications causées par ces deux substances, sur la lenteur avec 
laquelle toutes deux sont éliminées. 

M. HiRscHBERG rapprochc d'autant mieux l'intoxication en ques- 
tion de celle due à l'alcool, qu'il a observé un cas d'amblyopie 
émanée de riodoforme; Tamblyopie ?e comporta dans l'espèce 
comme Tamblyopie nicotinique ou alcoolique. Il s'agit de savoir si 
la psychose décrite ici relevait bien de l'absorption de l'iodoforme. 

A la recommandation de M. Westphal d'être prudent au sujet 
d'un pareil diagnostic, Langenbeck n'ayant jamais rien vu de sem- 
blable, M. Smidt répond que, dans la genèsf^, l'intoxication par 
riodoforme, la constitution de la préparation (poudre fine), le lieu 
et le mode d'application de la substance (rôle des pansements 
compressifs, sensibilité extrême de la cavité péritonéale), exercent 
une grande influence. 



Séance du {\ déeem&re 488*2. — Présidrnce de M, Westphal. 

M. HiRscHDERG présente un malade qui lui sert d'introduction 
pour traiter d'un trouble de la vue chez un paralytique général. Les 
individus que vise ce travail étaient atteints soit d'une amblyopie 
ordinaire due & une atrophie du nerf optique, soit d'hémianopsie, 
ou encore, comme chez le sujet présenté, d'un scotome central pro- 
gresaif. Cet homme, âgé de quarante-quatre ans, est en proie à une 
diminution de la vision centrale réduite au 1/6 de la normale; 
champ visuel etchromatopsie normaux. Grande ressemblance avec 
l'amblyopie des alcooliques et des fumeurs. Progression des acci- 
dents quoique le malade ait cessé de boire et de fumer; iN. 0. blanc 
verdâtre, à contours nettement accusés. Un examen ultérieur dé- 
cèle une paralysie progressive évidente. 11 y a en résumé dans 
Tespèce un scotome relatif; une seule partie des fibres do la fovea 
centralis est incapable de fonction. Les pupilles ne réagissent que 
Taiblement, mais elles réagissent.^ 



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SOCIKTKS SAVANTE*. 281 

M. Uemak rappelle à ce propos la forme de trouble de la vue dé- 
crite par Fûrstner chez les paralytiques généraux. 

M. Wernickr rapporte le fait d'un paralytique examiné par lui il 
y a peu de temps; & l'examen objectif, pas de trouble grossier, pa- 
pilles normales; en divers endroits du champ visuel, scotome dissé- 
miné sous la forme de taches, dont l'amplitude est tout & fait 
irrégulière ; absence d*bémianopsie. 

M. MoELulit un travail sur la dégénérescence secondaire. Il a, de 
concert avec M. Binswanger, constaté qu'à la suite des lésions expéri- 
mentales de l'écorce et de la substance blanche du cerveau, il sur- 
vient constamment une dégénérescence secondaire. Elle peut se 
produire sans qu'il y ait paralysie complète, mais souvent il existait 
les troubles de la. sensibilité déjà décrits. Il est probable que dans 
la capsule interne du chien les tractus centrifuges et centripètes 
sont voisins les uns des autres. En procédante des lésions du cerveau 
moyen d'un seul côté, M. Mocli a vu survenir une forte dégénéres- 
cence du cordon latéral opposé et de certaines fibres du faisceau 
pyramidal dans le cordon latéral du même côté. Celte dégéné- 
rescence bilatérale tient-elle à la destruction de fibres qui, du côté 
frontal, se rendent aux deux moitiés du tronc, ou provient-elle de 
ce que, chez le chien Jes membres n'ayant pas les mêmes fonctions 
que chez l'homme, chaque extrémité est en rapport avec les deux 
moitiés du cerveau, c'est ce dont l'orateur espère pouvoir décider 
succinctement. Il en appelle à la dégénérescence bilatérale consé- 
cutive & des foyers unihitéraux, exceptionnelle chez Thomme, parce 
qu'elle est peu cherchée, ainsi qu'à l'opinion des investigateurs 
français que les extrémités qui occupent le même côté que le 
foyer présentent aussi une légère diminution dans la force muscu- 
laire. 

Au cours de la discussion qui s'engage, M. Wernicke indique que 
dès le mois de juin i882 il a vu chez M. Gierke à Breslau des résul- 
tats positifs relativement à la dégénérescence descendante consécu- 
tive aux lésions de l'écorce du cerveau. 

M. Gnauck présente à la Société un homme de trente-cinq ans 
souffrant depuis un an de céphalalgie accompagnée de bourdonne- 
ments d'oreilles et de diminution de l'acuité visuelle. Ce malade a 
perdu les deux moitiés externes du champ visuel j c'est en mars 1882, 
c'est-à-dire quatre mois après le début des accidents que s'aggra- 
vèrent les symptômes du côté de la vue au milieu de l'exacerbation 
de la céphalalgie, de douleurs de la nuque et de douleurs de reins 
des plus violentes. Pas de troubles de la motilité ni de la sensibilité ; 
tête sensible aux chocs, colonne vertébrale sensible aux contacts; 
disparition du phénomène du genou; léger œdème du corps entier. 
Pas d'albumine dans les urines. Puis l'ensemble des phénomènes 
s'amende sauf le trouble visuel qui depuis la fm de mai est resté 
tel quel. On constate une hémianopsie hétéronyme latérale qui 



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282 SOCIRTÉS SAVANTES. 

passe par le point de fixation ; pupille gauche atrophiée et déco- 
lorée; pupille droite décolorée. Acuité visuelle à droite = 1/2; à 
gauche — 4/1^* ^^^ pupilles réagissent. A ceci se borne la sympto- 
matologie. L'orateur croit que le processus pathologique (probable- 
ment une tumeur) occupe l'angle antérieur du chiasma. 

M. Wernicre demande si l'auteur a remarqué que la réaction des 
pupilles soit différente selon qu'on éclaire les moitiés de rétine qui 
sentent la lumière ou celles qui sont anesthésiques. Grande difficulté 
de ce genre d'examen (Wilbrand, Moeli, Westphal, Hirschberg) 
qui, d'ailleurs incertain, donne un résultat négatif (Westphal). 

Pour M. Westphal, on peut penser dans l'espèce k une atrophie 
vraie du nerf optique, tandis que, pour M. Hirschberg, les lignes de 
séparation verticales plaideraient plutôt en faveur d'une affection 
du chiasma. 

M. Bernhardt demande quelle est entre les expressions hémio- 
pie, hémianopsie, hémianopie, celle qui convient ici. M. Hirschberg, 
rejetant le mot hémiopie, adopte le terme d'hémianopsie, ou même 
celui d'hémianopie, le sens reposant en somme sur l'emploi de Vx 
privatif. {Arch, f. Psych, u. Nervenk., XIF, 4.) P. Kéraval. 



SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN 



Séance du iojuin 4882. 

M. Lœhr, en sa qualité de président, communique à l'assemblée 
l'état de ses affaires et lui fournit un court rapport sur l'année 
sociale qui vient de s*écouler. On procède ensuite, conformément 
aux statuts, au renouvellement du bureau : M. Lœhr est à l'anani- 
mité choisi de nouveau comme président, M. Bemhard est nommé 
secrétaire. 

M. Lœhr prend la parole sur Yexamen dans les asiles d'aliénés 
des états psychiques douteux. Cette question était en somme la 
même que celle traitée à la séance de décembre {88i ■, ainsi qu'au 
Congrès des aliénistes allemands (Eisenach, septembre 4882 *)^ nous 
nous contenterons de reproduire les conclusions de l'auteur : 

I* Quand, dans un cas douteux, il sera nécessaire de rechercher 
si un individu, préventivement arrêté, est aliéné ou non, la mai- 

I Archives de Neurologie^ t. V, p. 400. 
»W.. t. VI, p. IS3. 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 283 

son de santé pour ps7choi>athes conslituera le lieu le plus propre à 
se rendre compte de Tétat mental ; 

2<^ Lorsque des actes criminels graves motivent l'examen de l'état 
psychique, Tasiie d'aliénés n'est pas disposé de telle sorte qu'on soit 
en mesure de répondre du sujet que l'on vous confle, de s'assurer 
de l'auteur du crime. Pour acquérir cette garantie, il faudrait cons- 
truire des aménagements spéciaux ; mais on donnerait alors à 
l'asile une cellule de prison qui ne serait plus favorable au traite- 
ment médical des malades, au parfait développement des soins 
hospitaliers; l'aspect de l'établissement serait impropre à dissiper 
les préjugés que le public conserve encore à l'égard des asiles d'a- 
liénés ; 

3<^ Pour concilier les droits des malades avec la sécurité publique, 
le mieux est de transporter l'individu à examiner dans un établis- 
sement d'aliénés rattaché k un établissement pénitentiaire, ou à 
un asile pénitentiaire vrai, comme cela se pratique en Saxe, ou 
sous une autre forme en Angleterre. De tels errements, que Ton 
commence également à suivre en Amérique rallient en ce moment 
les suffrages d'autres États cultivés; 

4<* Tant qu'il n'existera pas de construction de ce genre, il faudra 
s'en remeUre au directeur de l'établissement psychiatrique du 
soin de décider, après examen préalable de l'individu en question, 
s'il veut le recevoir en observation dans son asile, ou si celui-ci 
^oit rester dans la prison jusqu'à ce qu'on ait posé le diagnostic ; 

5<^ Si, en dépit de sa résistance motivée, le médecin de l'asile est 
forcé de recevoir l'individu à examiner, il devra décliner formel- 
lement toute responsabilité & l'égard de l'obligation de s'assurer 
de la personne du sujet qu'on lui impose. 

La discussion, à laquelle prennent part MM. Schrœter, Zinn, 
Reinhard, Edel, Lœhr, aboutit & l'abstention de conclusions tou- 
chant un problème qui doit faire l'objet du prochain Congrès des 
aliénistes^ Tout le monde est d'avis qu'il y a actuellement des la- 
cunes à combler. 

M. Mendel communique à la Société un fait de paralysie pro- 
gressive des aliénés. Il s'agit d'un homme entaché d'hérédité ayant 
commis des excès de boisson, des excès vénériens. Dès l'âge de 
trente-quatre ans, on constatait une dilatation de la pupille gauche ; 
à trente-six ans, dilatation de la pupille droite. Ce n'est qu'à 
trente-huit ans qu'apparaissent les premiers symptômes psychiques 
(idées d'empoisonnement, tentatives de suicide) ; plus tard méga- 
lomanie, accès épilepti formes et apoplectiformes survenant coup 
sur coup, et entraînant une démence très prononcée, paralysie 
générale et contractures. Mort douze ans après l'apparition de la 
première modification de la pupille» huit ans après l'occurrence des 

^Archives de Nt^urolngie, l. VI, p. 139. 



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284- SOCléTÊS SAVANTES. 

premiers symptômes psychiques. L'autopsie témoigne de Taspect 
macroscopique des lésions de la ménin^'o-encéphalite, surtout au 
niveau de riiémisplière droit dans les lobes pariétaux. Le micros- 
cope décèle l'existence d'une encéphalite interstitielle généralisée 
de Tartérite de Heubner, de la dégénérescence stéatopigmentaire 
du noyau de Toculo-moteur commun, de la dégénérescence des 
pyramides dans les cordons latéraux (préparations à l'appui). L'ora- 
teur fait remarquer : 1<^ la longue durée de la maladie ; S*^ la para- 
lysie prématurée de Toculo-moteur commun ; 3« la sclérose des cor- 
dons latéraux dans ses rapports avec les contractures; 4« la nature 
du processus rapprochée de la syphilis artérielle; le cas sera publié 
i;) extenso. 

Discussion : M. Jastrowitz met en lumière que Albr. de Grœfe a 
considéré la dilatation pupillaire qui saute d'un côté h l'autre 
comme pathognomoniquc d'une affection organique du cerveau. 11 
ne tend pas à admettre que la paralysie générale procède d'une 
encéphalite parenchymaleuse. 

M. Mendel est d'avis que la remarque de Grœfe sur les pu- 
pilles sautantes s'applique à d'autres états de la pupille qu'à celui 
de son cas. Bien que l'on ne puisse admettre, dans l'espèce, une 
encéphalite parenchymateuse, il a constaté ce genre de lésion^ pen- 
dant l'évolution anatomique d'un stade précoce de la paralysie 
générale (stase lymphatique péricellulairc avec atrophie consécutive 
des cellules}. 

M. Reinhard lit un travail sur Vemploi des bains pei^manents dans 
le décubitus gangreneux des psychopathes paralysés. Le mémoire 
sera publié en détail^ 

Au cours de la discussion, MM. Lœhr et Jastrowitz se rattachent 
à ce mode de traitement; ils emploient pendant le repos au 
lit des coussins d'eau et appliquent sur les ulcères de la poudre 
d'iodoforme. {Allg. Zeitshr., f. Psych,, XXXIX, 5.) P. Kkraval. 

* On en trouvera l'analyse aux Revues analytiques. 



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BlBLlOGRAPHIIi 



IV. Les phénomènes hystériques et les révélations de sainte Thérèse 
par G. Hahn, professeur de physiologie au Collège de la Compa- 
gnie de Jésus, il Louvain. (Mémoire couronné au concours de 
Salamanque; extrait de la Revue des Questions scientifiques , 

4883.) 

Nous nous bornerons à reproduire sans commentaires la conclu- 
sion de cette très intéressante étude : 

« Nous nous sommes proposé d'examiner si les visions et les ré- 
vélations de sainte Thérèse présentent un caractère surnaturel, 
susceptible d'être démontré avec toute la rigueur des procédés 
scientifiques. Dans cet examen, nous n'avons pas invoqué les ga- 
ranties que peuvent fournir Tacte solennel de la canonisation et le 
caractère divin de l'Église dont Thérèse était membre; nous 
n*avons pas même profité des analogies que nous aurait procurées 
la comparaison des révélations de la sainte avec d^autres révéla- 
tions d'une incontestable authenticité; procédé très légitime ce- 
pendant, employé avec beaucoup de succès dans ce genre de 
questions par des théologiens éminents, et en parfaite harmonie 
avec les exigences d'une critique éclairée. 

« L'analogie, en effet, est un puissant moyen d'investigation 
dans l'application des sciences expérimentales aux cas individuels; 
à l'égal des autres procédés d'induction, elle permet de remonter 
avec certitude jusqu'à l'origine des phénomènes, et il n'est pas 
rare de voir le médecin, par exemple, en état d'établir le diagnos- 
tic le plus assuré sur la simple ressemblance du cas qui se pose 
devant lui avec telle maladie dont ses observations antérieures lui 
ont révélé la cause ca'^hée et l'évolution intime. Mais c'eût été affir- 
mer dans nos prémisses qu'il y a de véritables révélations, et, con- 
formément à l'esprit de la troisième question du concours de Sala- 
manque, nous avons préféré rester constamment sur un terrain 
accessible aux rationalistes. 

« Nous n'avons pas prétendu découvrir ce caractère surnaturel, 
en étudiant telle ou telle révélation séparée de l'ensemble. Quand 
un fait de ce genre date de trois siècles, on conçoit aisément que 
les détails transmis par le témoignage incomplet des documents 
historiques puissent être insuffisants pour démontrer directement 
sa nature. C'est là ce que disait notre second chapitre. 



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'2sG niULiotiUArHiE. 

« Au contraire, lorsqu'il est permis d'examiner et de comparer 
un grand nombre de faits semblables, la démonstration peut deve- 
nir abordable; alors môme que chaque fait isolé pourrait dériver 
de plusieurs causes différentes, il arrive que l'ensemble doit l'attri- 
buer à une seule, à Texclusion de toutes les autres. 

« Or, des faits comme ceux qui nous occupent ne peuvent avoir 
que deux origines différentes : ou bien Thystérie avec son cortège 
de symptômes hypnotiques, ou bien Taction d*un être supérieur, 
étranger & notre monde visible. 

c( L'hystérie, dans ses manifestations ordinaires et pour ainsi 
dire vulgaires, est assez généralement connue ; mais la cause et le 
mécanisme des phénomènes étranges qu'elle présente, surtout 
lorsqu'elle est portée à son paroxysme, ne sont pas encore entrés 
dans le domaine de la vulgarisation. L'école de M. Charcot a fait 
faire à la théorie de ce mal des progrès considérables, et ces nou- 
velles observations sont de date si récente qu'elles pourraient fort 
bien n'être pas encore connues de tous nos lecteurs. C'est une 
lacune que nous avons voulu combler dans les chapitres III et lY. 
Nous y avons d'abord considéré les caractères de l'état hystérique, 
puis nous avons passé eu revue les diverses périodes de l'attaque, 
avec les modifications qui s'y introduisent parfois par l'immixtion 
de phénomènes hypnotiques. 

« Après avoir ainsi déterminé la nature de cette maladie, dont 
les manifestations sont parfois si singulières, nous étions en me- 
sure d'examiner si elle pourrait servir à expliquer les phénomènes 
extraordinaires dont l'âme de Thérèse fut le théâtre. 

« Gomme les rationalistes ne lisent guère la Vie des Saints, et 
que, en dehors de l'Espagne, ils ne peuvent être très familiarisés 
avec les œuvres de la religieuse castillane, nous avons donné 
quelque développement au récit des événements qui ont rempli sa 
vie. 

« Ces faits nous ont permis d'apprécier le caractère physique et 
moral de la sainte. Au point de vue physique, elle était aflligée 
d'une maladie épileptiforme, dans laquelle nous avons reconnu 
tous les symptômes organiques de la grande hystérie. Son orga- 
nisme était singulièrement impressionnable, et cette grande exci- 
tabilité se trahissait au dehors par les troubles physiques qui carac- 
térisent la névrose hystérique. 

« Au début de notre travail^ nous avions déduit de l'observation 
expérimentale une corrélation à peu près constante entre le carac- 
tère physique et le caractère moral des hystériques : l'impression- 
nabiiité de l'organisme se communique généralement à Tintellî- 
gence et à la volonté, qui deviennent à leur tour mobiles et 
variables. La réformatrice du Garmel fait exception à cette loi, et 
nous avons établi ce caractère exceptionnel sur des faits incontes- 
tables. Autant les hystériques sont généralement volages, incons- 



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lilUUOGKArUlE. '2H7 

tantesy passionnées, autant sainte Thérèse était grave, réUcchie, 
patiente, persévérante. 

« Dans l'acception commune, le mot hystérie embrasse & la fois 
les phénomènes organiques et les phénomènes intellectuels. Ce 
serait donc aller à rencontre de la vérité que de dire, sans correctif 
aucun, que la noble Espagnole était hystérique. Si l'exactitude 
exige le respect des nuances, à plus forte raison réclame -t-elle le 
respect des distinctions profondes et essentielles. Désireux d'éviter 
l'introduction de locutions nouvelles, je ne trouve, pour exprimer 
ma pensée, aucune formule plus satisfaisante que celle-ci : Thérèse 
souffrait d'une hystérie organique, elle n'était nullement atteinte 
d'hystérie intellectuelle. 

« C'est même trop peu dire, car, sous le rapport intellectuel et 
moral, elle était au pôle opposé des hystériques ordinaires. 

« Ces considérations, basées sur les faits, nous ont montré quel 
fonds nous pouvions faire sur la rectitude de son jugement. En 
dehors de ses révélations, elle nous a habitués à la plus grande 
exactitude dans ses narrations, à la franchise la plus entière. 
Ennemie de l'exagération, elle apporte dans Texamen des faits 
une intelligence droite et sûre d'elle-même. Il suffît qu'elle soit 
aussi scrupuleuse de la vérité dans l'exposé de ses visions, pour 
que nous soyons à même de les bien apprécier. 

« Les manifestations extraordinaires dont elle fut l'objet se 
divisent en deux classes : aux unes, elle attribue le démon pour 
auteur; les autres, elle les rapporte à la Divinité comme à leur 
source. Que le phénomène se rapporte à la première classe ou & la 
seconde, nous ne la surprenons jamais en défaut dans sa descrip- 
tion des faits. 

« Pouvons-nous en dire autant de l'interprétation qu'elle leur 
donne ? Ces deux espèces de modifications internes ne sont point 
solidaires l'une de l'autre ; le défaut de science médicale pouvait 
fausser l'interprétation des premières, si exacte qu'en eût été l'ob- 
servation. A notre avis, c'est ce qui est arrivé ; mais, évidemment, 
on ne peut pour cette raison mettre en suspicion les facultés intel- 
lectuelles de notre sainte, et vouloir que, par contagion, elles 
fussent infectées d'hystérie. 

a Les manifestations divines ont de tout autres caractères, et 
comme, au rapport de Thérèse, elles ont été l'objetnon d'une déduc- 
tion raisonnée, mais d'une intuition immédiate, si l'erreur s'y 
était glissée, elle eût atteint non l'interprétation des phénomènes, 
mais l'observation elle-même; fait très important à noter, car il 
pose très nettement la distinction entre les phénomènes divins et 
les phénomènes diaboliques. Nous avons examiné successivement 
les différents caractères des manifestations divines; nous avons 
discuté au point de vue purement scientifique les assertions de la 
sainte, et nous sommes arrivé à celte conclusion, que, si Dieu 



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*iS8 DIOLIOGKAPUIE. 

n*était pas Tauteur de ces visions, il fallait choisir entre Thypo- 
thèse absurde d'une intelligence qui se trompe sciemment elle- 
même et rhypothèse insoutenable d^une personne éminemment 
sincère, ennemie au souverain degré de la divulgation des secrets 
de son âme, et ourdissant toutefois de plein gré un tissu de révé- 
lations fictives dans un but do déception. Aucune de ces deux 
alternatives ne paraîtra admissible & un savant de bonne foi, fut-il 
incrédule et rationaliste. C'est pourquoi nous croyons avoir prouvé 
que, quand les rationalistes accordent à sainte Thérèse de Jésus 
une grande promptitude et une grande force de réflexion, une 
connaissance claire, exacte et profonde des opérations de son 
âme, ils nous offrent, même sous ce point de vue, une preuve con- 
cluante pour démontrer que la sainte était parfaitement à même 
de distinguer entre le naturel et le surnaturel, et qu'elle n'est pas 
victime d'une illusion, quand elle parle de ce second ordre avec 
autant d'assurance que du premier. 

c< Ces paroles, empruntées à la troisième question du concours 
de Salamanque, résument parfaitement notre travail et peuvent 
lui servir d'épilogue. >» Ch. F. 

V. Die japanische kak-ke (Béribéri) ; par B. Schelbe. 
(Leipsig, 4882.) 

C'est une monographie très complète tant au point de vue histo- 
rique (très curieux chapitre sur les mentions faites de cette maladie 
dans l'ancienne littérature japonaise), qu'au point de vue clinique 
et anatomo-pathologique ; l'auteur rapporte un certain nombre 
d'observations suivies d'autopsies, soit personnelles, soit emprun- 
tées à d'autres auteurs. 

La fréquence de la kak-kè (— maladies des jambes — , béribéri) 
serait considérable, puisqu'en 4878, sur un relevé des cas de celte 
affection dans les garnisons de différentes villes, on n'en a pas 
constaté moins de 38 cas sur 400 soldats ; il est vrai qu'en 4877, 
la proportion n'avait été que de 47 p. 400, mais c'est encore là un 
nombre très élevé. 

La kak-kè s'observe surtout dans les grandes villes, dans les 
agglomérations d'individus, on la même vue plusieurs fois éclater 
sur des navires, — Le maximum de fréquence est pendant les mois 
chauds, et surtout pendant le mois d'août. 

La kak-kè est extrêmement rare chez les Européens ; l'auteur 
n'en connaît que deux cas bien certains (un Allemand et une An- 
glaise) ; les hommes sont beaucoup plus souvent atteints que les 
femmes. C'est une maladie surtout de Tadolescence (maximum de 
fréquence, 15 à 25 ans). Au point de vue clinique, l'auteur distingue 
quatre formes de kak-kè : une forme rudimcntaire, une forme 
atrophique, une forme hydropique, une forme aigiiè pertiicieuse. 



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BIBLI06RAPHIB. 289 

En somme, les symptômes principaux de cette maladie sont, 
d'après Scheube : \^ une paralysie motrice et sensitive, surtout des 
membres inférieurs, accompagnée quelquefois de phénomènes 
d'excitation, et coïncidant avec une atrophie des muscles; — 2* une 
affection du cœur constituée objectivement par Taccélération (80 à 
100 et même 120) et Taffaiblissement des battements ; et subjec- 
tivement par des troubles d'intensité diverse pouvant acquérir le 
plus haut degré dans la dyspnée asphyxique terminale de la forme 
aiguë pernicieuse ; — Z^ les hydropisies, soit dans le tissu cellulaire 
sous-cutané, soit dans les cavités séreuses ; — 4* un abaissement de 
Caciivité rénale. 

Quant à la nature de Taifection, l'auteur rappelle que Wernich 
et Anderson ont pensé que la lésion primitive siégeait dans la 
moelle, et le premier se basait sur l'existence fréquente de séro- 
sité dans les méninges pour appuyer son opinion ; mais Scheube 
fait remarquer que les hydropisies existant très souvent dans la 
kak-kd, il n'est pas étonnant qu'elles atteignent aussi les mé- 
ninges. D'ailleurs, dans les cas d' Anderson, de Simmons, de Baelz 
et de l'auteur où l'examen de la moelle a été pratiqué, on n'a pas 
trouvé de lésions ; dans deux autopsies cependant (Bacly, Scheube) 
on a vu l'atrophie de quelques cellules des cornes antérieures, 
mais ces lésions ne seraient que secondaires, et non primitives. 
La vraie lésion initiale serait périphérique et constituée par 
une névrite multiple à marche subaigué; et, en effet, Scheube 
a , dans deux cas , constaté l'inflammation des nerfs avec 
tendance à la cirrhose ; ces altérations étaient plus accentuées 
dans les petites branches que dans les gros troncs ; il a vu aussi 
que les muscles atrophiés étaient inGItrés d'éléments embryon- 
naires avec augmentation du tissu conjonctif, et en conclut 
qu'ils étaient le siège d'une inflammation aboutissant à Tin- 
duration. Il pense que les lésions peuvent se propager aux racines 
médullaires, et croit môme dans un cas en avoir observé dans les 
ganglions spinaux et les racines adjacentes ; quant à l'atrophie 
des cellules des cornes antérieures qu'il a trouvée dans un cas, 
la regarde comme secondaire. D'ailleurs, l'aspect clinique de la 
maladie accuse bien sa nature périphérique; c'est ainsi que les 
troubles fonctionnels sont inégalement développés des deux côtés, 
quelquefois même une seule extrémité est atteinte ; l'atrophie mus- 
culaire est très précoce et très développée ; même dans les périodes 
peu avancées de la maladie, il y a diminution de l'excitabilité 
électrique. A ces troubles moteurs qui, il est vrai, peuvent se re- 
trouver dans les affections médullaires avec lésions des cornes 
antérieures, il faut agouter, — et c'est là ce qui plaide pour la na- 
ture périphérique de la maladie, — l'existence de troubles tro- 
phiques et sensitifs, et notamment la sensibilité toute spéciale des 
troncs nerveux et des muscles & la pression. 

AncHivKs, t. VI. 49 



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290 BIBUOORAPUIE. 

' Quant à la dégénérescence graisseuse du cœur qu'il a vue quel- 
quefois très intense, Scheube tend à l'attribuer à une névrite du 
pneumogastrique, ainsi que l'accélération des battements du cœur. 

Les hydropisies, l'œdème devraient être rapportés soit aune 
paralysie des vaso-moteurs, soit au trouble trophique des parois 
des vaisseaux (Baelz), soit aux lésions des nerfs, et sont analogues 
à l'œdème des hémiplégiques et de certaines myélites. 

Lai diminution de la sécrétion urinaire, rapparition de l'aibu- 
' ininurie seraient dues à ralTaiblissemenl de l'action cardiaque. 

En résumé, la conclusion de Scheube sur la nature de la kak-kë 
est la suivante : 

' La kak'kè est constituée par une névrite multiple à marche subaiguè 
produite par un poison spécial. 

La nature de ce poison est jusqu'à présent inconnue, mais il est 
probable que Ton a afiaire à une maladie de nature infectieuse. 

P. Marie. 



YL Note sur vingt^deux opérations de goitre ; 
par MM. Louis et Auguste Reverdin. 

Ces vingt-deux opérations se répartissent de la façon suivante : 
M extirpations totales de la glande thyroïde (14 g. parenchymateux 
5 g. kystiques, < g. lobule), 2 extii^pations partielles (1 g. parenchy- 
mateux, 1 g. lobule, yénucléation (g. lobule), 2 incisions avec résec- 
tion partielle de la paroi (g. kystiques). 

Ces différentes méthodes opératoires sont décrites avec soin ; 
- leurs applications respectives, les avantages et les inconvénients 
qu'elles présentent sont très judicieusement exposés. 

Sur ces vingt-deux opérations, deux seulement ont été suivies de 
mort, toutes les autres ont guéri : dans un seul cas, il y a eu réci- 
dive & la suite d'une extirpation partielle, ce qui a nécessité une 
' opération complémentaire. 11 n'est question ici que des goitres 
proprement dits et non des diverses tumeurs malignes de la thy- 
roïde. 
La guérison a toujours eu lieu rapidement (27 jours à Thôpital, 

• 8 & la clinique). Les malades ont été pansés d'après les règles les 
plus strictes de la méthode antiseptique, et, le plus souvent, la 
réunion a eu lieu par première intention. 

Ce simple exposé suffira, nous l'espérons, à montrer l'intérêt 

chirurgical de ce travail, et nous regrettons de ne pouvoir lui 

donner plus de développement, mais cette brochure se recommande 

encore à un autre point de vue , ainsi que nous allons essayer de 

-le démontrer en passant en revue les accidents consécutifs à l'ex- 

• tirpation du goitre. 

Ces accidents sont divisés en immédiats et consécutifs : les accidents 



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BIBLIOGRAPHIE. 391 

immédiats sont Vhémorrhagie et la sufocation. L'extrême gravite 
que peuvent revêtir ces deux complications, et particulièrement 
la dernière, doivent engager le chirurgien à ne pas pousser trop 
loin Tanesthésie, ou même, ainsi que Je conseillent MM. Reverdin^ 
à s'en passer tout à fait. 

Parmi les accidents consécutifs, les plus constants sont les troubles 
de la phonation (raucité de la voix, aphonie) et de la déglutition 
(dysphagie), l'hypertrophie de la cicatrice, quelques troubles circur 
laloires (refroidissement, petitesse du pouls), et enfin des accidents 
nei'veux (tétanie, hystérie, myxœdèine ?) sur lesquels nous devons 
insister particulièrement. 

La tétanie s'est présentée chez trois femmes nullipares qui 
avaient subi l'extirpation totale de la glande. ^— C'est au moment 
où on faisait lever ou asseoir les malades pour le pansement que se 
sont déclarés les phénomènes tétaniques (contracture des doigls, 
de la main, des membres supérieurs, etc.) — Billroth avait déjà 
signalé cette complication qu'il avait observée également chez des 
femmes et après Textirpation totale (48 fois sur 68 opérations). — 
C'est là, d'après les auteurs, un phénomène réflexe lié, sans doute, 
à une irritation du grand sympathique sans qu'il soit nécessaire 
de faire intervenir les organes génitaux de la femme dans la pa- 
thogénie. Kocher ayant observé un cas de tétanie chez un jeune 
garçon. 

V hystérie a succédé chez une malade à l'extirpation totale (mutisme 
subit, crise de dyspnée, anesthésie, hyperesthésîe ovarienne, etc.), 
et le développement de la névrose a coïncidé avec l'apparition 
de troubles menstruels. — Chez une autre malade, au contraire, 
hystérique avant l'opération, les attaques disparurent après Tex- 
tirpation de la thyroïde. On ne saurait actuellement tirer/ de ces 
deux faits isolés et contradictoires, une preuve de l'influence de la 
suppression du corps thyroïde sur les phénomènes hystériques. 

A côté de ces accidents, dont le mécanisme duit s'expliquer par 
une modiflcation du système nerveux sympathique, nous devons 
maintenant en signaler d'autres d'une interprétation un peu plus 
difflcile et encore peu connue : « Ceux-ci sont tout à fait spéciaux 
« à ïextirpation totale et se caractérisent par une pâleur progressive 
« de la face, une tuméfaction œdémateuse des mains et du visage 
« (lapression du doigt ne laisse pas d'empreinte), de la fatigue et de 
a la faiblesse générale, de la maladresse dans les mouvements et 
w quelques troubles inteUectuels plus ou moins a^ccusés (lenteur de 
« la parole, diminution de la mémoire, etc.) » C'est toujours deux 
ou trois mois après l'opération çt après ui^e période de bren-ètre 
assez marquée, que ces accidents se développent. Ils disparaissent, 
en général, mais toujours très lentement et après une période sta- 
tionnaire souvent fort longue. 

Quelle peut être la pathogénie de ces accidents? Il est incontes- 



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992 INDBX BIRMOORAPHIQUB. 

table que ces phénomèaes se rapprochent beaucoup de ceux que l'on 
observe chez les crélins, mais raiialogie que nous signalons 
est encore plus frappante si on les compare à ceux du myxœdème. 
Ce qui conQrme ce rapprochement, c'est l'état d'atrophie de la 
thyroïde qui a été signalé dans beaucoup d'observations de myxœ- 
dème. De là à supposer que la suppression de la glande thyroïde 
dans un cas,ratrophie de cette même glande dans Tautre, retentissent 
sur la composition du sang et sont la cause de Tinflitration des 
tissus par la mucine (Ord.), la transition semble logique. Pourtant 
cette théorie hématopsiétique, malgré ce qu'elle a de séduisant à 
première vue, est rejetée par MM. Reverdin. — S'appuyant sur des 
arguments qu'ils nous est impossible de reproduire ici, ces auteurs 
préfèrent accorder, dans la pathogénie de ces accidents, un rôle 
prépondérant aux lésions nerveuses sympathiques résultant de l'o- 
pération. 

Le corps thyroïde serait un centre d'innervation vaso-motrice 
dont la suppression modifierait les échanges organiques et déter- 
minerait Tinfiltration des tissus par la mucine. 

Pour se prononcer entre ces deux théories, il faudrait préalable- 
ment savoir si la mucine est réellement la cause du myxœdème 
et si la bouffissure, signalée par MM. Reverdin, a bien la même ori- 
gine ; il faudrait en outre rechercher d'où provient la formation 
exagérée de cette substance et quelle est l'altération du sang qui 
résulte de la suppression de la glande thyroïde. 

Toutes ces questions sont encore à l'étude : ce n'est que par de 
nombreuses observations et de nouvelles recherches expérimentales 
qu'elles pourront être élucidées. 

Pour n'avoir pas résolu cet intéressant problème de physiologie, 
le travail de MM. Reverdin n'en est pas moins remarquable : il 
établit, d'une part^ le brillant parti que l'on peut tirer de l'interven- 
tion chirurgicale dans la thérapeutique du goitre; il nous montre, 
d'autre part, qu'i! pourrait bien exister certaines relations, plus 
étroites qu'on ne l'avait cru jusqu'ici, entre le crétinisme, le myxœ- 
dème ou état crétinoïde et les accidents que nous venons de signa- 
ler et auxquels les auteurs proposent de donner le nom de myxiB- 
déme opéraUdre, G. D. 



INDBX BIBLIOORAPHIQUB 

JBssat sur les hallucinaiùms; par Gautier (de Beauvallon). Thèse de 
Paris, i883. 

Essai sur la valeur des signes de la guérisùn chez les aliénis ; par 
GuiLLEMiN. Thèse de Paris, 4883. 

Des animalies et des formes frustes de la sclérose en plaques disse' 
minées ; par Bouicli. Thèse de Paris, 4883. 



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INDEX BIBLIOORAPRIQUB. 293 

ConaidéraiioM mr les troubles ti'ûphiques <2es ongles dans quelques 
maladies des centres nerveux; par Militchevitch. Thèse de Paris, 
4883. 

De la pseudo-fièvre hystérique; par Pinard. Thèse de Paris, i883. 

Contribution à V étude de VanencéphaUe ; par Lanlaigue. Thèse de 
Paris, 4883. 

Essai sur Vétiologiê de répilepsie tardive ; par Delamf. Thèse de 
Paris, 4883. 

Quelques considérations sur les gommes de rencéphale; par François. 
Thèse de Paris, 4883. 

De la folie à double forme ; par le D' Mordret. Thèse de Paris, 
4883, in-8o. 

Manuel des maladies mentales; par Bra. Paris, 4883. 

Des nouvelles acquisitions sur la rage; par Roux. Thèse de Paris, 
4883. 

Des paralysies, névralgieSy trotU>les trophiques et vaso--moteurs qui 
surviennent sous Tinftuence de fintoxication par le gaz oxyde de car- 
bone; par Simon. Thèse de Paris, 4883. 

£ssat sur les tumeurs de la voûte du crâne constituées par du liquùle 
céphalo-rachidien, consécutives au traumatisme y ou de la céphalhydrocde 
traumatique; par Vivier. Thèse de Paris, 4883. 

De la paralysie faciale chez les diabétiques ; par Grégoire. Thèse de 
Paris, 4883. 

Étude sur quelques variétés dorbophites de la grossesse ; des acci- 
dents nerveux qui peuvent leur être attribués; par Aubiban. Thèse de 
Paris, 1883. 

Étude sur Vvnfiuence de la musique et son histoire en médecine ; par 
SouLA. Thèse de Paris, 4883. 

Des lésions de f orifice mitral chez les ataonques; parÂLBESPr. Thèse 
de Paris, 4883. 

Etude sur le tabès dorsal spasmodique, sclérose primitive des faisceaux 
latéraux; par Jabineau. Thèse de Paris, 4883. 

De la polyurie consécutive aux traumatismes du crâne ; par Maucotel. 
Thèse de Paris, 1883. 

La constriction permanente des màehoinê de cau<e dentatre, et son 
traitement ; par Ducbateau. Thèse de Paris, 4883. 

Étude sur Tétiologieet la pathogénie du Béribéri ; par Burel. Thèse 
de Paris, 4883. 

Contributions à l'étude du Béribéri chez les annamites ; par Pbilip. 
Thèse de Paris, 4883. 

Contribution à Vétude de tinftuence du moral sur le physique ou 
influence du système nerveux sur la nutrition ; par Lagarrigue. Thèse 
de Paris, 4883. 

De la forme méningitique de la fièvre typhoïde chez les enfants ; par 
FoNTAGNY. Thèse de Paris, 4883. 

De la rachialgie; par Lemoi.ne. Thèse de Paris, 4883. 



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29i -VARIA., 

. Du pronostic des paralysies 4iphthériHques\ par Espanet. Thèse de 
Paris, 18^3. 
Du fugophthalmùs paralytique, etc.; par Olivier. Thèse de Paris, 

. De là paralysie spinale infantile; par M»'« Benoist. Thèse de Paris, 

1883. 

.De. ht démence précoce chez les jeunes aliénés héréditaires; par 

Gauthier*. Thèse de Paris, 1883. 

Considérations sur quelques points de la paralysie générale; par 
Grégoire. Thèse de Paris, i883. 

Des cardiopathits réflexes d^origine brachiale ; par Lassègue. Thèse 
àe Paris, 4883. 

Du suicide dans quelques formes d^aliénation mentale ; par Clament. 
Thèse de Parts, 4883. . 

Du pemphygus chez les Mystériques; par Franceschi. Thèse de 
Paris, 4883. 

, Contribution à T étude des troubles cérébraux consécutifs d la dothié- 
nentérie;piv Reddon. Thèse de Paris, 1883. 

. Contribution à l'étude de la périencéphalite diffuse et de son traite- 
ment ; par Trilhe. Thèse de Paris, 4 883. 

Étude sur les cliorées des adultes ; par Vassitch. Thèse de. Paris, 1883. 
. Contribution à Vétude des ostéophytes de la dure-mère dans la pa- 
chyméningite (pachyméningite ostéo-membraneuse) ; par Deligny. 
Thèse de Paris, 1833. 

Étude sur un cas d'éclampsie puerpérale précoce ; parCAix. Thèse de 
Paris, 1883. 

Syphilis cérébrale précoce ; psLT Masceo:^. Thèse de Paris, 4883. 



VARIA 



. ENTRETIEN DES ALIENES. 

.On sait qu'aux termes de rarllcle 28'de)a loi du 30 juin 1838 
sur les aliénés. Les hospices sont tenus envers les départements à 
une indemnité proportionnée au nombre des aliénés qui étaient 
entretenus antérieurement dans ces hospices, en- vertu de fonda- 
tions spéciales, et qui ont élé placés, depuis 1838j dans un asile dé^- 
partemental. ^Lorsqu'une contestation s'élève enlr^ un départeniQnt 



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VARIA. 29&J 

et un hospice relativement à cette contribution, il est statué par le^ 
Conseil de préfecture. : l 

. La situation qui précède semblait être celle des hospices de Tou- 
louse: depuis 1818, ils receTaient gratuitement les aliénés de l'ar- 
rondissement. Aussi, en 1,838, leur imposa-t-on, eu les déchar- 
geant de cet entretien^ une subvention au profit du département 
chargé de ce service. Dans ces dernières années^ la Commission 
administrative des hospices civils de Toulouse éleva, devant le Çon-. 
seil de préfecture delà Haute-Garonne, la prétention d'être dé-, 
chargée de cette contribution. Sa demande ayant été réponssée, le 
Conseil d'Etat au contentieux a statué sur l'appel formé contre 
cette décision. 

La Commission administrative alléguait que, si led hospices rece^ 
vaient autrefois gratuitement des aliénés, c'était non en vertu de-, 
fondations affectées à ce service, mais en vertu d'un simple usage, 
qui, bien que constant, n'avait pu devenir, en 1838, le principe, 
d'une subvention envers le département. Le Conseil d'Ëtat, condr-! 
mant une jurisprudence antérieure, a décidé que, malgré l'absence 
de fondations, le fait d'avoir constamment reçu gratuitenient des' 
aliénés, suffisait pour imposer aux hospices la charge d'une pçirtie 
du service, aujourd'hui départemental, des aliénés. 

Le Conseil d'Etat a également statué sur un recours formé de- 
vant le Conseil d'Etat par la ville d'Angers, contre un arrêté d» 
Conseil de préfecture de Maine-et-Loire. Cet arrêté avait rejeté la 
demande de la ville, tendant à jce qu'il fût déclaré que les indem? 
nités payées par la ville d'Angers au département,; pour l'entretiei^ 
des aliénés dans l'asile départemental faisaient double emploi avec 
celles que payaient les hospices d'Angers, 

Le Conseil d'Etat, considérant quç le litige s'élevait ici entre 
une commune et des hospices, au sujet de leur part respective dan4 
la dépense du service des aliéaés; que, d'ailleurs, la subv.eilli'on 
de la ville est réglée définitivement par le Conseil général, qui â 
décidé que la juridiction administrative était incompétente pour 
connaître de la question. En conséquence, il a annulé l'arrêté du 
Conseil de préfecture, et s'est lui-même déclaré incompétent au 
fond. (Conseil d'Etat statuant au contentieux.) 



A PROPOS DBS ANESTHêsiQUBS. 

La question des anesthésiques étant toujours Tobjet des préocr 
cupations du Corps médical, nous avons pensé curieux de rèpro* 
duire le chapitre suivant de la réimpression du livre de Jean Wier: 
Pistoires, disputes et discours des illusions et impostures de.s diabfesi 
qui composent l'un des volumes de la Biidioihéque diabolique. . , 



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De quelques medicamens naturels^ qui endonmemt & for le 
moyen de/quels les farcieres fani quelques/ois trompées s 
Item de leurs ouguens^ & de quelquesplantes endonuamtes, 
qui troublent merueilleufement Fefprit. 

Quekjues fois pour mieux £iire valoir la marchandire , 
les forcieres s'aident d'aucuns medicamens naturels : par 
lefqueb^ après quelles Te font oinâes & frotees tout le corps 
(félon qu'elles font enfeignees par leur maiflre cauteleux) 
elles penfent & s'afTeurent pouuoir incontinent pafler par la 
cheminée^ & voler en Tair ça & là^ pour affilier aux dances, 
aux banquets delicau, aux embraflemens & fpeâades de 
chofes agréables : lefquelles toutefois ce fubtil ouurier leur 
reprefente par fonge, pendant que fans y penfer, elles font 
tombées en vn profond & léthargique fomme, incontinent 
après qu'elles fe font oinâes de Tonguent endormant. Et afin 
que Ion ne penfe que ce que ie dis foyent fables, i*ay bien 
voulu tranfcrire ici ce que lean Baptifle Pone Neapolitain, 
fubtil recercheur des caufes cachées, a efcrit au fécond liure 
de fa Magie naturelle, ou bien des miracles des chofes natu- 
relles : La desbordee cupidité, dit-il, a tellement gagné l'en- 
tendement des hommes, que mefmes ils abufent des chofes 
que la nature leur a données pour leur commodité : fi bien 
que les forcieres compofent des onguens de plufieurs de ces 
chofes brouillées : & encore qu^elles y meflent plufieurs chofes 
fuperftitieufes, fi eft-ce que qui regardera de près, verra que 
les efeâs procèdent de la vertu naturelle. le raconteray ce 
que i*ay entendu. Elles font d'elles bouillir vn enfant en 
vn vailTeau de cuyure, & en prenent la graifle qui nage au 
deiïus, & font efpaiffir le dernier bouillon en manière dVn 
confumé : puis elles ferrent cela pour s'en aider à leur vfage : 
elles y meflent du perfil, de Teau de rAconite, des fueiiles 
de Peuple & de la fuye : ou bien elles font en cefte manière. 
Elles meflangent de la Berle, de TAcorum, vulgaire de la 
Quinte-fueille, du fangde chauuefouris, delà Morelle endor- 
mante, & de l^huyle. Ou bien fi elles font des autres com- 
pofitions, elles ne font diflemblables de cefle ci. Elles oignent 
auec ceft onguent, toutes les parties du corps, les ayant aupa- 
rauant frottées iufques à les faire rougir, afin d'atirer la cha- 
leur, & relafcher ce qui eftoit eftrainâ par la froidure. Et afin 
que la chair fott relâchée, & que les pertuis du cuir foyent 



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VARIA. 297 

ouuerts, elles y meflent de la graiiTe ou de Thuyle : il n*y a 
point de doute que ce ne foit afin que la vertu des fucsdefcende 
dedans^ & qu^elle foit plus forte & puîCTante. Ainfi penfent- 
elles eftre portées de nui£l à la clarté de la Lune par Pair^ aux 
banquets, aux mufiques, aux dances, & aux embraOTemens des 
plus beaux ieunes hommes qu^elles défirent. Telle eft la vertu 
deTimagination, & reffeèldes impreflions, que prefque toute 
cette partie du cerueau que Ion nomme memorative, en eft 
remplie. Et pour autant que de leur naturelle inclination elles 
font adonnées à croire de léger, elles prenent tellement ces im- 
prenions, que mcfme les efprits en font changez, & iour & 
nuit nepenfentàautrechofe. Encorey font-elles plusprompies, 
dautant qu^elles ne viuent communément que de poires, 
racines, chaftaignes, & légumes. Ainfi que ie m*eforçois de 
defcouurir ces chofes plus foigneufement (car i*en eftois encore 
en doute) ie rencontray vne certaine vieille^ du nombre de 
celles que Ion nomme forcîeres, & qui fuccent le fang des 
petits enfans au berceau. Cefte vieille, de fa propre volonté, 
me promit qu'en bref elle m'en donneroit refponfe : elle 
commanda que tous ceux qui eftoyent auec moy, & qui 
euffent peu îeruir de tefmoins, fortiflent dehors, ce qui fut 
fait : puis nous la vifmes par les fentes de la porte, qu'elle fe 
frota tout le corps d'vn onguent, comme elle tomba en terre 
par la vertu des onguens endormans, & entra en vn femme 
trefprofond. Nousouurifmes la porte, & entrafmes dedans, 
nous la commençafmes à fraper : mais fon fomme eftoit fi 
fort, qu onques elle n'en fentitrien. Ainfi nous retournafmes 
hors la porte : & cependant, la force des onguens eftant di- 
minuée elle fe refueilla, & nous conta plufieurs folies : 
afauoir qu'elle auoit pafTé la mer & les montagnes, & rien 
ne nous refpondoit qui ne fut faux. Nous luy nions tout, & 
elle Tafermoit dauantage : & encore que nous luy monftrif- 
fions le marques des batures, fi eft-ce qu'elles sbbfiinoit 
dauantage. Voila ce qu'en efrit I. Baptîfte Porte. 

Hierosme Cardan fait mention dVn onguent prefque fem- 
blable à ceftuy-ci, par l'onâion duquel il apert que Ion 
void merueilles, car il parle là des chofes qui ne font point, 
& toutesfois font veuës. Il eft compofé de graifTe d'enfant 
(comme ils difent) de fuc d'Ache, d'Aconite, de Quînte- 
fueille, de Morelle, & de fuye. Toutesfois on croid qu'elles 
dorment cependant qu'elles voyent ces chofes. Elles penfent 



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298 VARIA. 

voir des théâtres, des beaux iardins, des banquets, des beaux 
ornemens, des veftemens, des beaux ieunes hommes, des 
Rois^ des Magiftrats : & mefme, toutes chofesdefquelles elles 
fedele£lent, & dont elles penfent eftre iouiflantes. Elles voyent 
aufli des diables, des corbeaux, des prifons, desdeferts, & des 
tourmens. Voila doncques les caufes des fonges violens. Il 
ditauffî qu^elles viuent d'ache^ de chaftaignes, de feues^ d'oi- 
gnons, de choux, & de phaifols : toutes lefquelles chofes 
efmeuuent des fonges turbulens. Et ainfî endormant elles 
penfent eftre portées en diuerfes régions, & là auoir plufieurs 
afeélions, félon la complexion dVne chacune d^elles : & le 
tout par Taide de Tongucnt. Tadioufteray ici vne huyle qui 
n'a pas moins de vertu à faire dormir longuement & profonde- 
ment. Prenez de la graine d'yuraye, d'hyofcyame, ou hane- 
bane, de ciguë, de pauot rouge & noir, de laiâue, de pourpier, 
de chacune quatre parties, de Therbe, nommée Belle-done 
par les Italiens, vne partie : faites de Thuile de toutes ces 
chofes félon Part, & en chacune once d'icelle meflez vn fcru- 
pule d'opiumïque Theba. Puis prenez vn fcrupule ou vn 
fcrupule & demi de cefte huile, & il en enfuyua vn fomme 
de deux iours. l'efcrirois volontiers en cet endroit d'vne li- 
queur, laquelle fait dormir incontinent qu'elle eft prife feule- 
ment à la quantité d'vne goûte ou deux : & qui mefme fait 
dormir autant d*heures que Ion en prend de goûtes : tou- 
tesfois il vaut mieux ne la diuulguer. Ainû doncques il 
y a plufieurs plantes conues par ceux qui entendent les chofes 
naturelles : comme Tyuraye, Therbe que les Italiens nom- 
ment Belle-done, Topium, l'hyofcyame, la ciguë, les efpeces 
de Pauot, la Morelle furieufe, & plufieurs autres, par lef- 
quelles l'entendement eft ofté, ou du tout troublé: telle- 
ment que celuy qui en vfera, femblera eftre fol en parlant, 
en oyant, & en refpondant : ou bien il tombera en vn profond 
fommeil par Pefpace de quelques iours : Tvfage de toutes 
lefquelles chofes i^ay mieux aimé taire, comme font aulïï les 
eaux, les vins, les poudres, les trochifques, les huyles, & le 
moyen de les compofer : qu'en les efcriuant donner occafion 
à quelcun d'en abufer. Car Tauteur bénin de tout bien, a 
toufiours donné Tefprit, lequel fait proufiter & aide, & non 
celuy qui fait le mal & qui aporte nuifance. Toutesfois afin 
que Ion s*en donne garde, i'adioufteray deux hiftoires aflez 
profitables touchant la vertu de ces médecines endormantes. 



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VARIA. 299 

Il y auoit vne femnje vn peu trop adonnée à fon proufil & 
aflez conue (louiesfois elle eft defia morte) laquelle auoit 
loué par plufieurs iours, des bateurs en grange : & à celle 
fin qu'elle les nourrift à plus petis frais, elle auoit faitamafler 
de Tyuraye, qu'elle fit moudre & méfier auecques de la fa- 
rine de feigle, & en fit du pain. Mais après que les bateurs 
en eurent mangé, ils entrèrent premièrement en vne longue 
folie : puis cftans esblouis & lafîezde tourner, ils tombèrent 
tous en vn profond & long fomme : tellement qu'au lieu de 
faire la befongne de la vieille, ils ronfloyent incelTamment : 
ce qu'ils continuèrent tant qu'elle fe fut aperceuë, au bout de 
deux ou trois ioursj de la faute qu'elle faifoit & iufques à ce 
qu'elle euft fait changer le pain. 

Davantage Renier Solenandre, do£leur médecin fort expéri- 
menté en l'obferuation & vfage de plufieurs chofes, qui efl 
mon compagnon en Teftat de noftre iref-illuftre Prince, & 
qui m'a communiqué les chofes qu'il auoit obferuees apartc- 
nantes à ce mien traifté, m'a raconté que lors qu'il eftudioit 
à Louuain, lan mil cinq cens quaranteneuf, fous Hierome 
Brachel, il vid l'enfant de Seruais Saflen libraire, eftre tour- 
menté d'efmerueillables fymptomes, pour auoir mangé 
vne grapette de Therbe nommée belle-done, laquelle par cas 
fortuit & fans y penfer, comme efiant ignorant des chofes, à 
caufe de la ieunefie, il auoit (penfant par aueoture que ce 
fut vne cerife) cueillie& mangée au iardin de Gemme Frifon 
fon voifin,* lequel pour lors prenoit plaifir à efleuer cefte plante 
qui eftoit en fleur, auec quelques autres. Le petit enfant de- 
uint premièrement furieux & n'auoit conoiflance ni de perc 
ni de mère: puis il commença à aparoiftre languifiant & de 
corps &d'efprit. Monfieur Brachel efiant appelé, s'efmerueilla 
de ces accidens fi fubits & dangereux : puis efiant entré en 
foupçon que parauenture il auoit pris quelque venin mania- 
que^ il s'en quit du lieu où iIauoitefié^& ce quec'ed qu'il auoit 
fait. On luy refpondit qu'il auoit efté iouër au iardin de 
Gemme Frifon, & que Ion l'auoît veu à lentour de la plante 
de laquelle il auoit tiré quelques grappettes. Toutesfois auant 
que Ion euft defcouuert cela, il eftoit defia tombé en vn fomme 
tellement profond, que Ion ne l'en peut retirer iufques à vingt 
& quatre heures après, qu'eftantefueillé de foy-mefme, il com- 
mença à conoiftre premièrement fon père, & puis les autres : 
fi eftoit-il toufiours vn peu endormi, iufqu'à ce que Ion lui' 



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300 FAITS DIVERS. 

eut fait ufer de quelques remèdes, félon Tart commun^ par 
lefquels il fut du tout guéri. 

Ce qui auint a vn Gentil-homme Gafcon, eft encore beau- 
coup plus efmerueillable, d'autant qu'il femble eftre ridi- 
cule, & toutefois digne de commiferation. Ce pauure homme 
ayant efté pris par les Turcs fur le chemin, & mené en Italie, 
fut donné à vn grand Seigneur, qui eftoit Beglierbeg, comme 
ie penfe, delà le Bofphore de Thrace, & Capitaine de gendar- 
mes en la Macédoine. Il fut aCTez humainement receu au 
commencement félon la manière de faire des Barbares, pour 
autant qu*ils Tauoyent dédié pour le plaifir du Seigneur, 
à caufe qu^il efloit ieune & beau. Or auint vn iour qu^à force 
de boire & de manger plufieurs & diuerfes viandes, il tomba 
en vn fomme qui lui dura trois iours : à la fin duquel 
eftant efueillé & voulant vriner, il aperceut que Ion luy 
auoit coupé les genitoires : & lors tout edonné il conut 
combien il auoit dormi, &pourquelle raifon onPauoit traité 
fi opulemment & délicatement, & mefme de quelle viande il 
efloit entré en ce fomme fi profond. Il retourna en fin en fon 
païs, & allégua cède caufe, pour laquelle il fe pafiferoit 
aifément d'edre marié. Albert le grand & Diofcordei, efcriuent 
que Ion trouue en Egypte vne pierre nommée Memphyte (à 
raifon de la ville de Memphis), laquelle edant mife en poudre, 
& beuè auec de Teau & du vin, fait vn lel endormilfement 
de tous les fens que Ion ne fent aucune douleur. Cela e(t 
allégué parles lurifconfultes, lors qu'ils efcriuent des géhennes 
& tortures. 



FAITS DIVERS 



Nominations et promotions. -^ M. Pjchenot, ancien interne de 
Tasile d'Aix, a été nommé médecin adjoint de Tasile de Bassons 
(2« classe), en remplacement de M. Dauthony, non acceptant. — 
M. GiRMo, ancien interne des asiles de Montauban, Blois et Charenton 

été nommé médecin adjoint (2* classe) de l'asile de Saint-Lac à 



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FAITS DIVERS. ~ 301 

Pau, en remplacement de M. H. Vedie, mis en disponibilité sur sa 
demande. — Dans la séance du 22 mai, M. Lunier a été élu 
membre de l'Académie de médecine (section d*hygiène, de méde- 
cine légale et de police médicale). 

Faculté de médecine de Paris. — Le concours pour la place de 
chef do clinique des maladies du système nerveux vient de se ter- 
miner par la nomination de M. le D' P. Marie. — M. le D' R. Blan- 
chard vient d'être nommé professeur agrégé à la suite du dernier 
concours. — Nos lecteurs apprendront avec plaisir la nomination 
de nos deux amis et dévoués collaborateurs. 

Asile d'aliénés de Bordeaux. — Par décision ministérielle, des 
consultations gratuites pour les maladies mentales et nerveuses 
auront lieu, à Tasile des aliénés, le mardi et le samedi de midi à 
deux heures. {Gaz, hebd, des sciences médicales, de Bordeaux.) — 
C'est là une excellente mesure qu'on ne saurait trop généraliser, 
car elle permettrait de soigner, en dehors de l'asile, un certain 
nombre de malades. Nous sommes convaincu que le traitement 
externe des aliénés est appelle à rendre de grands services. Rappe- 
lonsy à cette occasion, qu'il existe depuis plusieurs années à l'asile 
clinique Sainte-Anne et k la Salpétrière^ et enfin que, à Bicôtre, 
les médecins donnent quotidiennement des consultations. Toute- 
fois, tandis que, dans les deux premiers établissements que nous 
venons de citer, les médicaments sont donnés gratuitement, il n'en 
est pas encore de môme à Bicêtre où l'Administration tolère seule- 
ment la délivrance de bons de bains ou de douches. 

Asile d'aliénés de Bron. — Le lundi 3 décembre 4883, il sera 
ouvert à la Faculté de médecine de Lyon un concours public pour 
la nomination de deux internes titulaires et de deux internes sup- 
pléants, appelés à faire le service de médecine à l'asile de Bron, du 
{«'janvier 1884 au 31 décembre 4 886, c'est-à-dire pendant trois ans. 

Les internes titulaires seront logés, nourris, chauffés et éclairés, 
et recevront un traitement de 600 fr. pour la première année et de 
800 fr. pour les deux autres. Ce traitement pourra ôtre exception- 
nellement porté à 1,000 fr. Les internes suppléants recevront le 
traitement et les avantages en nature des internes titulaires qu'ils 
sont appelés à remplacer. (Lyon médical.) 

AsiLB d'aliénés du Var. — Dans sa séance du 2 juillet, la Chambre 
des députés a adopté un projet de loi autorisant le département du 
Var à emprunter une somme de 4 ,400,000 fr. applicable à la cons- 
truction d'un asile public pour les aliénés. 

NÉCROLOGIE. — M. le D' Petit, médecin en chef du quartier ré- 
servé aux aliénés à l'hospice Saint-Jacques de Nantes, est décédé le 
8 juin. — Le D' U.-B. Wilbur, médecin en chef de l'asile des idiots 



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302 FAITS DIVERS. 

de Syracuse (État de New- York), est mort subitement le i" mai. . 
{Journal of Insanity.) — M. le D' DuiioNT(de Monteux), bien connu 
par son Testament médical et par le récit de ses névroses, est mort 
au mois de juillet, à Rennes; il était âgé de qualre-vinpt-un ans. 

Société française de tempérance. Programme (ksprix et récompenses 
à décerner en 1884. — Le Conseil d'administration de la Société, 
dans sa séance du 6 juin i88f , a décidé : !• que tous les travaux 
se rapportant à la tempérance et aux boissons alcooliques envisa- 
gées sous le rapport soit de leur composition, soit de leur action 
sur l'économie, seraient admis au concours; — S*» que des récom- 
penses pourraient être accordées aux travaux imprimés aussi bien 
qu'aux travaux manuscrits envoyés à la Société. 

La Société ne met au concours aucune question spéciale, mais 
elle appelle particulièrement Tattention des concurrents sur les 
questions suivantes : De Talcoolisme héréditaire; — Action sur 
Téconomie des eaux-de-vie de cidre et de poiré; — Mesures qu'il 
convient de prendre à Té^^ard des ivrognes d'habitude. 

Une somme de 2,0)0 fr. sera répartie entre les auteurs des mé- 
moires couronnés. Les ouvrages ou mémoires devront être remis 
au secrétariat général de l'œuvre, rue de l'Université, 6, avant le 
1" janvier de l'année 1884. 

Exposition fréniatrique a Voghera. — Le quatrième congrès de 
la Société fréniatrique italienne doit avoir lieu au mois de sep- 
tembre 1883, à Voghera. A celte occasion, on organise, dans la 
même ville, une exposition fréniatrique, d'un caractère exclusive- 
ment technique et scientifique, destinée à faire connaître les pro- 
grès récemment accomplis dans la science psychiatrique, dans l'or- 
ganisation administrative, dans l'agencement technique des asiles 
d'aliénés. 

L'exposition comprendra quatre catégories d'objets : 

4 ** Appareils et instruments scientifiques pour l'étude somatique 
des aliénés ; figures et préparations relatives à l'anatomie et à l'his- 
tologie du système nerveux ; 

2*^ Projets, plans, modèles relatifs à la construction des asiles, 
des cliniques psychiatriques, des sections pour idiots, pour agités, 
etc.; 

3° Objets d'hygiène manicomiale et de mobilier spécial ; lits, 
sièges, portes, fenêtres, moyens de contention, appareils pour 
Talimentation forcée, appareils électro-lhérapiques, préparations 
chimiques, etc ; 

4® Publications scientifiques, journaux de psychiatrie, de neuro- 
logie et d'anthropologie, rapports administratifs. 

Les objets destinés à l'exposition doivent êtres adressés à la Com- 
mission ordonnati'ice de l'exposition fréniatrique, à Voghera, du 
15 août au lo septembre. Les frais de l'expédition et de réexpédi- 



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BULLETIN BIBLIOGRAPUIQUK. 303 

tion sont à la charge des exposants. Le président de la commission 
est le professeur Raggi« 

Le programme que nous avons sous les yeux ne dit pas si l'expo- 
sition est purement italienne ou si les étrangers y seront admis. Il 
suffirait d'écrire au D' Raggi pour s'en assurer. 

L'incendie de l'asile du D' Boyd. — The Lancet {\S aotii) nous 
' apprend qu'un incendie a détruit Tasile d'aliénés du D*" Boyd. En 
voulant combattre le fléau, lui, son fils et plusieurs malades ont 
trouvé la mort. Le journal anglais insiste sur la situation parti- 
culière qui existe, en cas d'incendie, dans un asile où souvent les 
malades ne peuvent ôtre d'un grand secours. Ce triste événement 
montre combien il est indispensable de pourvoir les établissements 
hospitaliers d'eau en abondance et de nombreuses bouches d'in- 
cendie. 

Les ALIÉNÉS EN UBERTÉ. — La Cronica mcdicd quirurgica de la 
Habana raconte le fait suivant qui démontre l'importance de la 
séquestration des aliénés une fois que le médecin a constaté leur 
irresponsabilité. Les D" Mulcay et Pardinas avaient certifié la dé- 
mence d'un nommé Garcia. Quelques jours après, pris d'un accès 
de fureur, cet homme, armé d'un revolver, se rendit chez le 
D"^ Mulcay. Celui-ci, prévenu par ses amis, eut le temps de se ren- 
fermer chez lui; mais son père, qui venait le voir, reçut une balle de 
revolver qui ne lui fit, heureusement, qu'une blessure légère. Per- 
sonne n'osait approcher. Les gendarmes appelés furent obligés pour 
se défendre de faire usage de leurs armes, et le malade fut tué d'un 
coup de fusil. (Ânn, méd, psycholog.) 



BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 



AififUAL BBPORT (forticth) of the managers of the State Lunatic asylum 
ai Utica, for ihe year 1882. Broch. In-S» de 103 pages. Albany, 1883, 
Weid, Tarsons el G««. 

ÀNJtUAL REPORT {Sixtij -eigth and sixty-ninth of the trustées ofthe Massachu- 
setts gênerai hospitaL Deux broch. in-8o formant ensemble 131 pages. Bos- 
ton, 1881-1882, Geo. H. Ellis. 

BiAKCHi (L.). — Sidle compensazioni funzionali délia corteccia céré- 
brale. Conlribuzione sperimentale, Broch. in-8o de 73 pages. Napolî, 1883. 
Tipograûco dell' Dnione. 



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30i BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 

BouRNBViLLE, BoNNAiBB et WuiLLAMii. — Rec/ierches cliniques et théra- 
peutiques sur fépilepsie, Vhystérie^ et Vidiotie, compte rendu du service 
des épileptiques et des enfants de Bicétre pour l'année 1881. In-8* de 180 
pages, avec 18 figures et 7 plancheSi en chromo-lithographie. Prix : 6 fr.; 
pour nos abonnés, prix : 4 fr. 

BaA (M.). — Manuel des maladies mentales. Un volume in-!8 de 
282 pages. Prix : 4 fr. Paris, 1883. Librairie Â. Delahaye et £. Lecrosnier. 

Brukkt (D.). — Rapport présenté au conseil général de CEure (session 
d'août 1882} sur V asile public daliénés d'Èvreux, Extrait du procès-verbal 
des délibérations du Conseil général. Broch. in-8* de 77 pages. Évreux, 
1882. Imprimerie Quettier. 

BnccoLA fS.}. — Sut tempo délia dilatazione reflessa delta pupilla 
nella paralisi progressiva degli alienati ed in altre malattie die centri- 
nervosi. Broch. in-8« de 13 pages. Reggio-Emilia, 1883. Typografia di 
Stefano Galderini e Figlio. 

BnoM-BaAiiWBLL. — Maladies de la moelle épinière. Ouvrage traduit 
de l'anglais par MM. 6. Toupinel et L.-H. Thoinot. Un volume in-8»de 
332 pages. Prix : 14 fr. Paris, 1881, librairie H. Lauwereyns. 

Gampan (L.). — Asile public d'aliénés de Cadillac. — Compte rendu mé- 
dical de l'exercice^ 1881. Broch. in-8« de 91 pages. Bordeaux, 1882. Gou- 
nouilhou. 

DouTBEBEifTE. •— Compte moral et administi^atif de V asile départemental 
daliénés de Blois pour Vannée 1882. ln-4<» de 48 pages. 

Maudsley (H.). — La pathologie de Vesnrit, Traduit de l'anglais par 
Fermont. Un volume in-S» de 600 pages. Prix : 10 fr.. Paris, 1883. Li- 
brairie Germer Baillière. 

MBDrco-LBGAL 80C1BTT op New-Yobk {Papcf^s rcad before the) from ils 
organization. Second séries. Un volume in-8« cartonné, de 528 pages. New- 
York, 1882. W.F. Wauden Houten. 

Wbstphal. — Démonstration Zweier Faite von Thomsen' scher Kran- 
kheit. Extrait du Berliner Klinische Wochenschrift, 1883. Broch. in-8« de 
6 pages. Berlin, imprimerie Schumaker. 

Westpoal. — Ueber eine dem bilde der cerebrospinalen graven, dege- 
neration ahnliche erkrankung des centralen nervensystems orme anatomis- 
chen befumi nebst einigen bemerkungen ùber paradoxe contraction. Broch. 
in-8* de 48 pages. Berlin, 1883. Imprimerie Schumacker. 



Le rédacteur-gérant j Bocbiteville. 



£«ixu&, Oii. âi*M«»»¥, tu.p. •* 9g3, 



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Toi. VI. Novembre 1883. N» 18 



ARCHIVES DE NEUROLOGIE 



CLINIQUE NERVEUSE 



AFFECTIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DU PIED 
CHEZ LES TABÉTIQUES (Pied tabétique); 

Par MM. J.-M. CHARCOT et Gh. FÉRÉ. 



Décrites pour la première fois par l'un de uous \ les 
affections osseuses et articulaires des ataxiques sont 
aujourd'hui bien connues, au moins dans leurs traits 
généraux et lorsqu'elles siègent, comme c'est la règle, 
sur les os longs des membres et sur les grandes articula- 
tions. Elles ont été depuis lors le sujet de travaux impor- 
tants dus à MM. Ball%Clifford Albutt, Rosenthal, Weir 
Mitcheir, Bourneville et Forestier*, Blum', Michel*^ 

• Charcol. — De quelques arthropathies cowécutives aux affections du 
cerveau et de la moelle épinière, {Àrch. de Physiologie normale et path<h 
logique, 1868.) 

• M. Bail. — Des arthropathies consécutives à l'ataxie locomotrice, 
(Gax. des Hâp., 1868 et 1869.) 

• American Joum,, aTiil 1873. 

« Forestier. — Ktude sur quelques points de Cataxie locomotrice, etc. 
Thèse de Paris, 1874, et Revue photogr* des Hôpitaux, 1870-1872. 

• A. Blum. — Des arthropathies d'origine nerveuse» Thèse d'agrégation 
en chirurgie, 1876. 

• Michel. -^ Btiule sur les arthropathies survenani dans le cours de 
Vataxie locomotrice progressive. Thèse de Paris, 1877. 

Archive», t. VI. 2U 



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oGî) CLINIQUE NERVEUSE. 

Buzzard*, WestphaP, etc., etc. La plupart des musées 
anatomo-pathologiques possèdent actuellement des 
spécimens de ces lésions : le musée de la Salpêtrière 
esta cet égard particulièrement riche'. 

Presque toutes les observations publiées jusqu'à ce 
jour ont trait à des lésions des grands os longs des 
membres et des grandes articulations ; et il n'a point 
encore été question, que nous sachions, d'altérations 
analogues portant sur les os courts et les petites arti- 
culations du pied*. C'est sur un groupe de faits de ce 
genre que nous désirons appeler l'attention. 

C'est au mois d'avril 1881, que nous avons observé 
le premier exemple de cette aflFection. 

Observation I. — Ataxie locomotrice. — Crises laryngées. 
— Troubles de la miction. — Douleurs fulgurantes, anestkésie, 
incoordination^ phénomènes oculo-pupillaires. — Défoi*mation 
des pieds. 

M. de G.., quarante et un ans^ se présente à la consultation 
de la Salpêtrière le 30 avril 1881. 

En 1869, il a eu une toux spasinodique qui a duré plusieurs 
mois, et a fini par s'accompagner de crises laryngées, avec re- 
prises bruyantes, et accès de suffocation, pendant lesquels il est 
tombé deux ou trois fois sans connaissance. En 1871 , il s'est 
aperçu d'une difficulté à uriner, et se crut atteint de rétrécis- 

1 Buzzard. — On articular and osseous lésions in locomotor ataxy, 
(A'ed. Times and Gaz. y febr. 1880.) — On the affection of bottes wid 
joints in locomotor ataxy and ils association vcith gastn'c crises. {Trans, 
of the f,ath. Soc. of London, 1880.) 

* Berliner kliniche Wochenschrift, }\x\\\çii J88I. 

» Ch. Féré. — Description de quelques pièces relatives aux lésions os- 
setises et articulaires des ataxiques, conservées au musée anatomo-patho- 
logique de la Salpêtrière. (Arch. de Neurologie, 188Î, t. IV, p. 202.) 

* Dans leur Contribution à Vétude des névrites périphériques non trau- 
matiquesy MM. Pitres et VaiUard rapportent un cas d'arthropathie de 
rarticulation métacarpo-phalangienne de l'index droit chez un ataxique. 
{.irch. de Neurologie, t. VI, n" i7, p. 180.) 



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AFFECTIONS DU PIED CHEZ LES TABÊTIQUKS. 307 

sèment : il fut sondé par Michaud(de Louvain), qui ne trouva 
rien. Pendant le premier mois de 1879, il commença à éprou- 
ver des douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs. 
Quelques mois après, il vit double pendant quelque temps. 
Au mois de septembre de cette année 1879, il commença à 
souffrir des pieds qui -se sont mis à se déformer. Il a cru, à 
cette époque, avoir affaire à une entorse ; mais 
sans toutefois pouvoir retrouver le souvenir 
d*un traumatisme quelconque. Les parties 
malades étaient un peu douloureuses ; mais il 
n'en souffrait pas assez pour être empêché de 
marcher. Depuis deux mois seulement, il y a 
des douleurs sur le trajet des nerfs cubitaux. 

Signe de Romberg. — Anesthésie presque 
complète (froid, étincelle électrique) des pieds 
et des jambes; incoordination motrice depuis 
dix-huit mois). — Réflexes rotuliens abolis 
des deux côtés. — Myosis (pupilles petites et 
égales). — Pas de troubles gastriques. 

Les deux pieds offraient exactement la 

même déformation^qui, toutefois, était plus 

prononcée à droite. {Fig, 3.) Le bord interne 

du pied était considérablement augmenté „. , . ,. 

j, . • j X A 1 *• • Fi^. 3. — Arthropa- 

d «épaisseur dans toute la partie qui corres- h^îq ju pied droit. 

pond au scaphoïde, au premier cunéiforme 
et à Tarticulation tarso-métatarsienne. En outre, le métatarse 
en masse était dévié en dehors, de sorte qu'il existait sur le 
bord interne du pied, au niveau de Tarticulation tarso-méta- 
tarsienne, un angle fortement saillant. On ne constatait point 
de craquements au niv»eau des parties déformées. 

Ces lésions symétriques du pied, se présentant en 
dehors de toute autre cause connue chez un ataxique 
avéré, nous parurent devoir être rapprochées des lé- 
sions osseuses et articulaires si fréquentes chez les 
tabé tiques. 

Mais la diffusion de la déformation, l'absence de cra- 
quements articulaires, nous portèrent à penser que, si 
les articulations étaient affectées, elles n^étaient pas 



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308 CLINIQUE NBRVEVSB. 

seules en jeu, et que les os aussi devaient être lésés. 
Toutefois, en l'absence de vérification anatomique, 
nous crûmes devoir rester sur la réserve^ relativement 
à la nature intime de Taffection qui nous parut provi- 
soirement désignée suffisamment sous le nom de pied 
tahétique. 

Peu de temps après, au Congrès de Londres, M. H. 
W. Page* présenta un malade, ataxique aussi, qui 
offrait une déformation du pied tout à fait semblable 
à celle que nous venons de décrire. M. Page rattacha, 
sans hésiter, cette affection au groupe des arthropathies 
tabétiques. 

Observation II. — Arthropathie dans un cas de tabès dorsai 
(A.-W. Page.) 

Le malade est un homme de trente ans. L'affection a com- 
mencé en octobre dernier par un gonflement de la jambe 
droite et du pied, qui étaient douloureux tout d*abord. Puis la 
douleur passa et le gonflement du pied resta le symptôme 
principal. 

Le cuboïde, lescaphoïde, les trois cunéiformes et les os du 
métatarse paraissent augmentés de volume, et on peut les 
mouvoir Tun sur Tautre dans toutes les directions. Les ma- 
nœuvres auxquelles on soumet le pied ne semblent pas provo- 
quer de douleurs. La plante du pied était le siège d'une anes- 
thésie douteuse. Au bout d'un mois, il se produisitune solution 
de continuité de la couche cornée de la plante du pied droit, et 
il se fit une ulcération non douloureuse à l'extrémité du gros 
orteil. Un mois après, le pied droit était resté dans le même 
état, mais plusieurs sillons cornés étaient apparus sur l'autre 
pied. Us étaient tout àfait indolores. Le malade n'offrait aucune 
particularité dans sa démarche. Le réflexe patellaire était absent 
des deux côtés; on trouvait le signe d'Argyll Robertson. C'est 
sous notre observation que le pied gauche commença à être 

1 Transactions of the international médical congress, London, 1881, 1. 1, 
p. 12*. {BriY» Aferf./oum, avril 1824, p. 772.) 



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AFFECTIONS DU PIBD CHEZ LES TABÉTIQUBS. 309 

affecté de la même manière que le droit, très rapidement, et 
sans douleur. Il raconta que quatre années avant il avait souf- 
fert de vives douleurs lancinantes dans les jambes. Deux ans 
auparavant, il avait présenté des symptômes de débilité ner- 
veuse et éprouvé des vomissements quotidiens, qui avaient 
commencé et cessé tout à fait subitement sans que leur début 
et leur fin aient eu aucune cause connue. 

Au mois de janvier 1882, nous eûmes Toccasion 
d^observer une dame jeune, chez laquelle le tabès 
avait débuté dix ans auparavant par des douleurs 
fulgurantes dans la face, et qui présentait des troubles 
urinaires, l'incoordination motrice, l'abolition du ré- 
flexe palellaire, le signe d'Argyll Robertsou, etc. Peu 
de temps après, des accès de douleurs fulgurantes 
siégeant au niveau des articulations métatarso-phalan- 
giennes du gros orteil, il s'était produit une déforma- 
tion des parties dures de ces articulations, qui étaient 
augmentées de volume et formaient un angle saillant 
en dedans. En même temps, il s'était manifesté, au 
niveau de l'articulation tarso-métatarsienne, des deux 
côtés, une saillie angulaire non douloureuse, portant 
seylement sur la face dorsale du pied. 

Observation III. Ataxie locomotrice ; début à dix-huit ans, pas 
de syphilis ; — Douleurs fulgurantes, troubles vésicaux et 
oculo'pupillaires, incoordination. — Déformation des pieds. 

M"*« X..., de Bordeaux, vingt-deux ans. Pas d'antécédents 
nerveux dans la famille, dit-elle. Elle-même n'a jamais offert 
d'autres troubles névropathiques que ceux qui constituent la 
maladie actuelle. Âtoujours été bien portante dans sa jeunesse. 
Pas de trace de syphilis. Elle s'est mariée à dix-sept ans. Un 
an après tout au plus Selle commençaà avoir dans la tête et dans 

4 Maintes fois déjà nous avons fait la remarque que chez la femme, 
les premiers symptômes de Taffection tabétique se manifestent souvent 
de très bonne heure, à T&ge de dix-huit, vin^, vingt-cinq ans, ce qui n'a 
pas lieu très certainement au môme degré chez IMiomme. 



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310 CUNrQUK KRRVEUSE. 

la face des douleurs fulgurantes ; au niveau des points où elles 
produisaient, la peau était sensible au toucher. Quelques mois 
après, des douleurs analogues ont apparu dans les jambes ; 
mais cessant quelquefois pendant des mois entiers. Ces dou- 
leurs étaient surtout intenses au-devant des tibias, où le moin- 
dre frottement était insupportable. Quelquefois aussi il y avait 
une sensation de contriction autour des membres. 

Il a trois ans, elle a commencé à éprouver des troubles vési- 
caux ; rétention et crises douloureuses ; depuis un an et demi 

les urines déposent. A partir de la 
môme époque les douleurs fulgu- 
rantes ont notablement diminué ; 
mais alors apparut l'incoordina- 
tion motrice : elle s'aperçut qu'elle 
ne pouvait plus marcher dans 
l'obscurité ; elle avait des troubles 
de l'équilibre sitôt qu'elle fermait 
les yeux; même assise sur un fau- 
teuil, si on enlevait la lumière, 
elle oscillait. Jamais de diplopie. 
Quelquefois petits accès de toux 
nerveuse pendant la nuit. 

9 janvier 1882. — Incoordina- 
tion motrice, abolition des réflexes 
FigA. - Arihropaihie du pied patellaires. Signe d'Argyll Robert- 
droit, son, pupille droite plus grande. 

Il existe aux deux pieds, au ni- 
veau de l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil 
des deux côtés, une saillie angulaire, mais pas de craquements 
articulaires. (Il y a deux ans elle avait eu des douleurs fulgu- 
rantes au niveau de l'articulation métatarso-phalangienne du 
côté droit, et les mômes douleurs s'étaient montrées du côté 
gauche il y a deux mois). L'articulation tarso- métatarsienne 
forme également une saillie presque à angle droit, des deux 
côtés, sur la face supérieure du pied. Cela s'est produit depuis 
un an graduellement, sans douleur ni gonflement. On ne pro- 
voque ni craquements ni mouvements anormaux au niveau 
des articulations déformées. [Fig. 4.) 

Enfin, tout dernièrement, nous voyions une dame de 
trente-six ans qui fut affectée de troubles visuels pour 



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AKFKCTIONS DU PIED CHEZ I,ES TADÊTIQUES. 311 

la première fois il y a huit ans environ, et chez la- 
quelle révolution du tabès paraît avoir été précipitée 
depuis quatre ans, par une succession d'émotions mo- 
rales pénibles. Le diagnostic ne saurait être douteux ; 
nous relevons, en effet, dans l'histoire de cette dame 
l'existence de douleurs fulgurantes, d'incoordination 
motrice, d'anesthésies, de douleurs en cuirasse^ de 
troubles des fonctions urinaires et génitales, de perte 
des réflexes patellaires, etc. Elle présente en outre, 
des arthropathies avec déformation considérable des 
deux genoux. On voit enfin du côté droit, une défor- 
mation du pied exactement reproduite par la figure 5, 
et qui rappelle, d'une manière frappante^ l'aspect des 
déformations observées dans les autres cas. Le bord in- 
terne du pied droit offre un épaississement très considé- 
rable depuis le cou- de-pied, jusqu'au niveau de l'arti- 
culation tarso-métatarsienne inclusivement, et d'où il 
résulte un effacement à peu près complet de la voûte 
plantaire. Le métatarse paraît portéen dehors,commes'il 
était luxé; cette déviation produit une saillie angulaire 
de l'articulation tarso-métatarsienne. Ces parties sont 
indolores et paraissent l'avoir toujours été, ou peut s'en 
faut; il n'y a jamais eu ni rougeur,ni craquements, etla 
marche serait restée possible si d'autres articulations ne 
s'étaient prises, et surtout si l'incoordination motrice 
des membres inférieurs n'existait au plus haut point. 

Observation IV. — Ataxie locomotrice. — Hérédité^ syphilis^ 
émotions morales pénibles. — Troubles de la vision, tncoor- 
dination, douleurs fulgurantes ; troubles urinaires, arthropa- 
thi'es des genoux, — Déformation du pied droit. 

M"*«R... de N..., trente-six ans. Nous relevons, parmi les an- 
técédents héréditaires Texistence d'une tante et d'un oncle 



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312 GUNIQUB NERVEUSE. 

maternels aliénés. Elle-même n'a jamais, dit-elle, offert de 
troubles névropathiques. Elle s*est mariée une première fois à 
vingt ans. Au bout d'un an, elle mettait au monde après six 
mois de gestation, deux fœtus mort-nés. Â la suite de cette 
couche^ on a constaté Texistence d'une éruption mal déter- 
minée aux organes génitaux, et quelque temps après, elle eut 
au front quelque chose qu'elle appelle im eczéma, qui dura 
plusieurs mois et ne laissa pas de trace. Vers la même époque, 
elle perdit non seulement ses cheveux, mais une grande partie 
des poils du pubis. Depuis lors elle n'a plus rien présenté qui 
puisse être attribué à la syphilis ^ 

Un an environ après ses premières couches, elle en eut une 
seconde, l'enfant vint bien à terme, mais mourut peu de temps 
après, sans qu'il soit possible aujourd'hui de déterminer à 
quelle maladie il succomba. 

L'année suivante elle eut une nouvelle couche, l'enfant vint 
mort à huit mois. Elle avait vingt-cinq ans lorsqu'elle donna 
naissance à son quatrième enfant, une fille, qui aujourd'hui 
encore est bien portante. Son mari mourut alors de phthisie 
pulmonaire. 

Dix-huit mois ou deux ans plus tard, elle commença à 
éprouver des troubles de la vision, elle vit double de temps en 
temps, et sa vue resta plus ou moins troublée, dit-elle, pendant 
environ deux ans. Les symptômes oculaires disparurent sans 
qu'il se soit produit, semble-t-il, aucun autre phénomène mor- 
bide ; elle n'aurait jamais eu de douleurs fulgurantes, elle est 
très affirmative sur ce point. Se croyant en parfaite santé, elle 
se remaria; elle avait alors trente-deux ans environ. 

Jusqu'à son accouchement qui eut lieu l'année suivante tout 
alla bien ; mais elle avait affaire à un mari qui semble être 
dipsomane et qui de temps en temps s'enivre tout une série de 
jours pendant lesquels il est d'une violence extrême. Trois 
jours après son accouchement, il faillit mettre le feu à son lit; elle 
en éprouva une grande frayeur, et depuis ce moment, elle est 
restée très émotive. Quand elle voulut se lever, trois ou 
quatre semaines après la délivrance, elle remarqua tout 
de suite que ses jambes étaient faibles et obéissaient ma- 
ladroitement : quand elle essayait de marcher dans l'obscurité, 

1 Nous relevons particulièrement, dans ce cas, parmi les circonstances 
étiologiques, l'influence combinée de l'hérédité nerveuse (tante et oncle 
maternels aliénés), et de la syphilis. 



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AFFECTIONS DU PIED CHEZ LES TABÉTIQUÉS. 313 

elle était prise immédiatement d'une anxiété très pénible, 
parce qu'elle sentait que l'équilibre allait lui manquer. 

A cette époque, elle commença à éprouver des douleurs ful- 
gurantes dans les membres inférieures. Aux points où se ma- 
nifestaient des douleurs, elle constata fréquemment Texistence 
d'une sensibilité douloureuse de la peau disparaissant peu de 
temps après les fulgurations. Elle a observé aussi quelquefois 
des bleusy dont elle ne pouvait pas s'expliquer l'origine, n'ayant 
souvenir d'aucun choc. En môme temps elle avait des dou- 
leilrs dorso-lombaire et une sensation de contriction très pé- 
nible à la base du thorax. 

Quatre mois après son accouchement, elle eut au membre 
inférieur gauche quelque chose qu'on appela une phlébite : il 
y eut du gonflement diffus, au niveau du genou surtout, sans 
douleur intense, sans rougeur et sans fièvre, au moins très 
forte à ce qu'il parait. 

Un an plus tard environ, le pied droit commença à se défor- 
mer et à se tordre en dedans pendant la marche qui devint sur- 
tout gênée alors par l'incoordination des mouvements ; mais 
la région déformée n'était affectée que de douleurs insigni- 
fiantes. 

Quelques mois après le genou gauche commença à se dislo- 
quer, l'articulation n'a point été douloureuse, mais parait 
avoir été le siège d'un gonflement assez considérable. 

Au mois de novembre 1881, le genou droit est devenu à son 
tour le siège d'un gonflement considérable sans grande dou- 
leur, sans rougeur et s'est déformé. 

En même temps que les deux genoux se déformaient la peau 
et le tissu cellulaire sous-cutané des deux membres inférieurs 
devenait le siège d'un épaississement éléphantiasique, s'éten- 
dant depuis le cou-de-pied jusqu'à la racine du membre. 

Depuis un an les douleurs paraissent avoir beaucoup dimi- 
nué, mais il est survenu des troubles urinaires ; au moindre 
effort l'urine s'échappe. Elle est sujette à la constipation. 

Etat actuel (juillet 1882). — La vue est assez bonne, pas de 
diplopie. Les paupières sont un peu tombantes. Myosis. Signe 
d'Argyll Robertson. De temps en temps nous avons été témoin 
d'accès de toux avec reprise coqueluchoïde qui n'avaient pas 
frappé l'attention de la malade, mais qui semble exister depuis 
plusieurs années déjà; ces accès de toux la réveillent souvent 
la nuit. Sensation de constriction thoracique en cuirasse, s'exa- 



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31 i CLINIQUE NKKVEUSB. 

gérant par moments. Rarement elle se plaint de douleurs ra- 
chidiennes vers la partie supérieure de la région lombaire. 
Plaques d'anesthésie varibles comme siège et comme inten- 
sité sur le ventre et les membres 
I inférieurs. Anesthésie plantaire 

très marquée. Perte du sens mus- 
culaire dans les membres infé- 
rieurs ; la malade a perdu la notion 
de leur position : quand elle ne les 
voit pas, elle ne reconnaît point les 
mouvements communiqués. Ces 
troubles n'existent pas aux mem- 
bres supérieurs. Cependant il existe 
un certain engourdissement des 
mains sans localisation spéciale. 
L'incontinence d'urine est très va- 
riable suivant les jours; elle aug- 
mente quand la malade est sou- 
mise à une émotion. Ordinaire- 
ment il y a constipation ; mais on 
observe de temps en temps des 
diarrhées qui se manifestent sans 
motif, et cessent de môme. Les 
sensations génitales et les désirs 
sont complètement abolis depuis 
le dernier accouchement. Aboli- 
tion des réflexes patellaires. 

Il existe dans le genou gauche 
des mouvements de latéralité et de 
flexion antérieure, qui empêchent 
f'/^.5.— Arthropatliiedugenou; complètement la station, sans le 
pied ataxique. secours d'un appareil contentif ; le 

genou droit est aussi le siège des 
mouvements de latéralité, mais la malade peut encore se sou- 
tenir un peu sur ce membre. Elle ne peut faire quelques pas 
que soutenue par deux personnes et elle lance ses jambes de 
côté d'une manière tout à fait caractéristique. Même quand 
elle est ainsi soutenue, si on lui fait fermer les yeux, il lui de- 
vient à peu près impossible de faire un pas. 

Du côté droit, la partie inférieure du fémur parait augmen- 
tée de volume et les condyles font saillie en arrière de l'articu- 



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AFFECTIONS DU PIED CHEZ LES TAnÊTIQUES. 315 

lation. Du côté gauche, le condyle externe semble porté à la 
fois en arrière et en dehors; mais le fémur ne parait pas aug- 
menté de volume. 

Le pied droit offre une déformation très considérable. Le 
métatarse et les phalanges sont déviés en dehors dans leur en- 
semble, et forment sur le bord interne du pied un angle obtus 
avec le tarse. Au niveau de Tarticulation tarso-métatarsienne le 
bord interne du pied offre un épaississement très manifeste, et il y 
a là {fig. 5) une saillie arrondie qui s*étend en dehors sur le 
dos du pied. Le creux plantaire est à peu près effacé ; il semble 
que tous les os du tarse participent à la tuméfaction. 

Les ongles des deux pieds sont dystrophiés, particulièrement 
à droite. Aux mains, ils ne présentent point d'altération appa- 
rente, mais ils sont moins épais et poussent moins vite qu'au- 
trefois. 

L'-épaississement éléphantiasique des deux membres supé- 
rieurs n'a subi aucune modification ; on peut se rendre compte 
de cette déformation du membre par Texamen de la figure 6. 

Il peut donc exister chez les ataxiques, une aff'ec- 
tion spéciale du pied, s'accompagna nt d'une déforma- 
tion au niveau de Tarticulation tarso-métatarsienue, 
caractérisée par une saillie angulaire prédominant 
le plus souvent sur le bord interne (Obs. I, II, IV), 
quelquefois sur la face dorsale du pied (Obs. III). 
Cette affection n'est sans doute point très rare, puis- 
que nous l'avons rencontrée trois fois en deux ans. 

La lésion semblerait au premier abord n'affecter 
que l'articulation tarso-métatarsienne; et, bien que 
l'augmentation de volume des parties dures de la ré- 
gion tarsienne permît de soupçonner des altérations 
plus complexes, l'examen clinique des faits ne suf- 
fisait pas, à lui seul, à étayer une opinion défini- 
tive. 

L'anatomie pathologique ne nous a pas fait attendre 
longtemps la solution de la question. Un cas analogue 



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316 CLINIQUE NERVEUSE. 

à ceux que nous venons de relater s'étant présenté à 
THôtel-Dieu, Tautopsie a pu être faite, et M. leD'Capi- 
tan a bien voulu nous remettre les pièces qu'il a recueil- 
lies. 

Observation V. — Examen du squelette du pied dans un cas 
d'affection compkxe des os et des articulations chez un 
ataxique. {Fig. 6.) 

Calcanéum (14). — La facette postérieure de la surface articu- 
laire supérieure est encore facilement reconnaissable; ou re- 
marque seulement à son pourtour un certain nombre de petites 
productions ostéophytiques. La facette antérieure est au con- 
traire complètement usée et comme évasée. La surface articu- 
laire antérieure n*est plus reconnaissable. La petite apophyse 
est augmentée de volume et déformée, mamelonnée. 

Astragale (13). — Il n'y a que la surface tibiale et les sur- 
faces malléolaires qui soient reconnaissables. La face supé- 
rieure est complètement usée, la tète a disparu ou du moins a 
été séparée (12) au niveau du col et est à peine reconnaissable 
parmi les fragments informes qui ont été trouvés à la place 
du tarse. 

Cuboîde (9).— Il est représenté par une masse irrégulière et 
ne peut être reconnu que par la gouttière de la face inférieure. 

Le scaphoîde est représenté par deux fragments irréguliers 
(10 et 11) à surface poreuse. 

Premier métatarsien {\), — Considérablement épaissi à sa 
partie postérieure qui est complètement soudée au premier 
cunéiforme (6). Le deuxième métatarsien (2) est également 
soudée au deuxième cunéiforme (7) . Toutes les surfaces articu- 
laires postérieures des trois autres métatarsiens sont plus ou 
moins altérées, détruites par usure sur certains points. Vingt- 
cinq fragments osseux de volume divers et de formes irré- 
gulières se sont détachés des os principaux : un de ces frag- 
ments, plus volomineux (8), rappelle par son aspect général le 
premier cunéiforme^ sans que toutefois on puisse être plus 
affirmatif sur son identité *. 

1 La pièce a été présentée à la Société anatomiqiie le 13 juillet 1883. 



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AFFECTIONS DU PIED CHEZ LES TABÊTIQUBS. 317 



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318 CLINIQUE NBKVEUSB. 

Nous uMasisterons pas louguemeût sur ces lésions 
dont les caractères très spéciaux frappent nécessaire- 
ment à première vue. Les surfaces articulaires infé- 
rieures de Tastragale, les surfaces articulaires du cal- 
canéum sont érodées, usées, avec quelques petites vé- 
gétations sur leurs bords; Tastragale est fracturé trans- 
versalement au niveau de son col; le scaphoïde, le 
cuboïde, sont usés, déformés, à peine reconnaissables. 
Il s'en est détaché de nombreux petits fragments parmi 
lesquels on ne saurait qu'avec peine reconnaître le troi- 
sième cunéiforme. Le premier cunéiforme est augmenté 
de volume, épaissi dans le sens de la hauteur, il en est 
de même de la partie postérieure du premier métatar- 
sien auquel il est soudé. Le deuxième cunéiforme, 
déformé en arrière, est aussi soudé au deuxième méta- 
tarsien. Tous les os du tarse et du métatarse offrent un 
aspect spongieux, une friabilité, une légèreté inusités. 

Ces lésions complexes, en dehors de tout trauma- 
tisme, de toute affection suppurative du pied, ne peu- 
vent être rapprochées que des lésions osseuses et arti- 
culaires du tabès. Le malade étant nettement ataxique, 
ainsi que Ta d'ailleurs démontré l'examen de la moelle 
épinière, l'origine de l'affection du pied ne parait pas 
pouvoir rester douteuse. 

Il peut, comme on le voit^ se présenter, dans lé 
cours de l'ataxie locomotrice une affection complexe 
du pied dans laquelle les os et les articulations sont 
le siège de lésions analogues à celles qu'offrent dans 
les mêmes circonstances, les os longs et les grandes 
articulations. Cette affection que nous proposons de 
désigner [)Our plus de commodité par la dénomination 



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DU LANGAGE CHEZ LfiS ENFANTS. 313 

de pied tabétique mérite de fixer rattention,car, prin- 
cipalement dans les cas où elle se montre isolée, elle 
peut faire errer le diagnostic. 



PHYSIOLOGIE 



\^\} DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE CHEZ LES ENFANTS; 
Par M. SIKORSKY (de Saint-Pélersbouig). 

Le mode de développement du langage chez les 
enfants est encore très peu connu. Ce que l'on sait de 
cette intéressante question n'en touche guère que le 
côté phonétique, c'est-à-dire le développement des 
sons. Parmi ceux qui se sont occupés de cette question, 
nous citerons Sigismuud*, Darwin ", Vierordt', Preyer *, 
Kiissmaul', Taine% Lôbisch', Schultze% Preyer', 
Sîmonovich**. Nous trouvons que ces auteurs s'en sont 

» Sigismuud Berlhold. — Kiml und Weit, Braunschweiiî, 1856. 

* Darwin. — Diographische Skizze eines Kindes^ dans Cosmos, t. l^»", 
Î877, p. 374 lalleinand). 

a Vierordt. — Analomie und Physiologie des Kinderaiters. Tiibingen, 
1881. 
*Preyer. — Die Seele 'ies Kindes. Leipzig, 1881. 
■ KussmauL — Die Sprachslôrungen. [Zemsens Handùnchj. 
•Taîne. — Revue philosophique j t. I^"", 1876. 
^Lôbiscli. - Eidwickelungsgeschichte der Seele des Kindes. Wien, 1831. 

• SchuUze. — Die Sprache.des Kindes. Leipzig, 1880. 

» Preyer. — Psychogenesis, dans Deutsche Rundschau. Mai 1880. 
lo ^inie Simonovich. — Observatiotis sur l'acquisition du langage. (En 
russe.) 1881. 



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320 PHYSIOLOGIB. 

tenus, dans le cours de leurs investigations, au pro- 
gramme suivant : l^ époque de Tapparition de sons dis- 
tincts ; 2* caractère des premiers sons émis par l'en- 
fant; 3** dans quelle succession s'accomplit le dévelop- 
pement de la gamme des sons. Voici quelles sont les 
principales données obtenues à l'aide de ce programme. 
De très bonne heure, c'est-à-dire dans la première 
moitié de la première année, ou même les premiers 
trois mois, on peut saisir dans sa voix, à titre de 
nuance plus ou moins nette, soit une voyelle soit une 
autre, servant à exprimer une sorte de sensation; c'est 
ainsi que les nuances a et é^ dans la voix, signifient^ 
Tune plaisir, l'autre malaise. Enoutre^on peut encore 
distinguer dans la voix de l'enfant les nuances plus ou 
moins précises, des sons e et i. Des consonnes, c'est 
Vm qui apparaît le premier, puis vient le b et bientôt 
après arrivent graduellement les autres consonnes la- 
biales, linguales et, en dernier lieu, gutturales. Entre 
les troisième et quatrième mois on remarque, pour la 
première fois, une combinaison caractéristique de sons, 
sous forme de syllabe, telle que mam^ amnij nla^ ml^ 
etc. Ces syllabes sont, à ce moment là, encore absolu- 
ment dénuées de tout sens symbolique, de tout rap- 
port avec les idées ; néanmoins, l'enfant les répète sou- 
vent et avec plaisir, bien que évidemment, il se complaise 
exclusivement à l'effet d'acoustique. Vers la fin de la 
première année de la vie de l'enfant, l'intention se fait 
évidente dans l'émission des sons et des syllabes, et, à 
partir de cet instant, l'étude du langage devient plus 
active. Telles sont les principales données coutenues 
dans les ouvrages des auteurs précités. Passons main- 
tenant à nos observations personnelles. 



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DU LANGAGE CHEZ LS3 BNFANTS. 3âi 

Nous nous ea sommes tenus eu partie, dans notre 
ouvrage, au même programme que les différents aU' 
tcurs ; nous avons principalement porté notre attention 
sur l'histoire du développement des sons et sur le mé- 
canisme de la combinaison des sons, c'est-à-dire sur la 
formation des syllabes et des mots du langage. Yoici 
le procédé que nous avons adopté pour le recueil des 
matériaux : V Nous avons noté par écrit les paroles de 
chaque enfant séparément; 2* Nous avons continué à 
les noter pendaat une durée de plusieurs mois; 3° Nous 
avons collationné les rédactions successives d'un seul 
et même mot fournies par l'enfant à diverses époques. 
Nos propres enfants, ceux de nos connaissances et 
enfin ceux des Enfants-Trouvés, sont les sujets sur les- 
quels nous avons pratiqué nos observations. Nous 
avons également tenu compte du vocabulaire de mots 
d'enfaots fournis par Preyer, Schultze et différents 
auteurs. Nos investigations concernent surtout la pé^ 
rîode du langage conscient, c'est-à-dire celui de la 
deuxième et delà troisième année de la vie de l'enfant. 
Les manifestations de la période antérieure ne sont 
rapportées qu'autant qu'elles concourent à élucider les 
côtés généraux de la question. 

Les particularités du langage des enfants sont, jus- 
qu'à un certain point, susceptibles de classification et 
nous allons en faire Ténumération rapide. 

En premier lieu, le langage des enfants ne com- 
porte point de moi^ polysyllabiques) mais est formé, la 
plupart du temps, de combinaisons monosyllabiques. 
Ordinairement, les enfants adoptent une des syllabes 
ou tout au plus deux d'un mot donné pour en faire le 
représentant de ce mot lui-même tout entier; c'est 

ARCHIVES, t. YI. 21 



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322 PHYSIOLOGIK. 

ainsi, par exemple, que Tenfant de Taine* prononce 
cola au lieu de chocolat. 

La structure élémentaire de la syllabe constitue la 
deuxième particularité de la langue des enfants. Le 
langage de Teufant ne renferme pas dans une même 
syllabe deux ou trois consonnes de suite; il n'admet 
qu'une voyelle, soit seule, soit jointe à une consonne, 
comme représentant de syllabe entière, de combien de 
sons, d'ailleurs, qu'elle soit formée en réalité : lan^ 
par exemple, au lieu de blanc] assort^ au lieu de garçon. 
Dans les exemples de Schuitze* grosmiama (grand'- 
maman) se prononçait omama^ c'est-à-dire que, de 
cinq sons réunis dans la première syllabe, une voyelle 
seule était conservée. Cette structure élémentaire de 
la syllabe est une des particularités les plus caractéris- 
tiques de la langue des enfants. 

Une particularité ultérieure du gazouillement enfan- 
tin est constituée par le manque de précision de chaque 
son en particulier. Les voyelles sont souvent plus au 
moins mouillées, de sorte que a devient, par exemple, 
une sorte de son mixte entre a et fa, et ou occupe le 
milieu entre ou et iou. En outre, on retrouve fréquem- 
ment dans la langue des enfants des voyelles tron- 
quées. Les consonnes également sont remarquables 
par l'absence de précision, de netteté. Mais, le plus 
caractéristique de tout, c'est l'amollissement qu'affectent 
toutes les consonnes en général, les consonnes lin- 
guales surtout. Ce symptôme^ très important sous le 
rapport théorique, constitue une des maaifestations 



* Revue philosophique, t. I*', 1876, p. il. 
< Loc^ cit.. D. 39. 



* Loc* Cit, p. 39 



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DU LANGAGE CHEZ LES ENFANTS. 323 

les plus frappantes et les plus saillantes {tiabouié^ fiasse^ 
au lieu de tabouret, tache). 

Un trait bien caractéristique du langage des enfants, 
consiste dans la substitution des sons les uns aux 
autres : tioix^ par exemple, aulieu de croix. 

Les enfants, dans leur gazouillement, offrent entre 
eux de notables modifications. Ces modifications ne 
proviennent pas seulement de la différence des sons 
accessibles à Tenfant, à un moment donné, comme 
l'admettent les auteurs; mais elles dépendent encore de 
beaucoup d'autres conditions. L'expérience démontre 
que Tenfaut, tout familiarisé qu'il soit avec un cer« 
tain son, ne l'emploie cependant pas toujours là où il 
le faudrait; par exemple, il prononce nettement bébé et 
néanmoins, dit pouale^ au lieu de boire; ambou^axi lieu 
de tambour^ et dans le même temps, il dit foi, comme 
il le faut. Mais, ce par quoi le langage des enfants 
diffère surtout, c'est par le procédé qu'ils adoptent 
dans leur pratique linguistique. 

Nous avons constaté deux principaux procédés qui 
déterminent deux types de langage. Quelques enfants 
s'arrêtent à l'étude minutieuse des sons d'un mot, et 
en retiennent, fort juste, un sur plusieurs. Ces sons 
peu nombreux, mais effectifs, leur servent à représen- 
ter tout entier un mot, quelquefois assez long, comme, 
par exemple, l'enfant de Taine qui disait cola au lieu 
de chocolat. Mais^ quoique ces enfants-là prononcent 
facilement des sons à part, le procédé de combiner ces 
sons en syllabes leur offre encore beaucoup d'embarras. 

D'autres enfants, au contraire^ saisissent surtout la 
structure syllabique du mot, sans se préoccuper d'en 
étudier les sons constitutifs. Les mots que prononcent 



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324 , PHTSIOLOOIB. 

ces enfants-Ià répondent d'ordinaire, fort exactement, 
au nombre de syllabes des mots employés par les 
grandes personnes, tout en s'en écartant extrêmement 
par la qualité des sons; par exemple, l'enfant dit titille 
au lieu de petite fille. Quelquefois le mot, tel que Tem- 
ploie Tenfant, ne contient plus un seul de ses vrais 
sons: Eweban^ par exemple au lieu de éléphant^ et 
pourtant dans l'ensemble, tant par le nombre des syl« 
labes que par l'accent et l'inflexion de voix qu'emploie 
l'enfant dans la prononciation de certaines parties du 
mot, vous sentez quelque chose qui rappelle de bien 
près le mot véritable, son squelette indubitablement. 
Ainsi donc, les enfants commencent de très bonne 
heure à spécialiser : les uns étudient principalement 
les sons, les autres la structure syliabique du mot. Les 
enfants qui ont 9iAo^Xé \e procédé des sofis (procédé 
phonétique), s'enrichissent graduellement de nouveaux 
sons qu'ils s'appliquent à étudier ; aux sons hors de 
leur portée, ils en substituent d'autres déjà acquis, et 
cette substitution, du moins en ce qui concerne une 
certaine période, offre des traits constants qu'il est 
facile de découvrir, lorsqu'on est tant soit peu fami- 
liarisé avec le langage des enfants. Une petite fille des 
Enfants-Trouvés employait le / à la place du ch (dans 
chat, par exemple), un autre remplaçait le ch par un s. 
Lorsque l'enfant adopte dans l'étude du langage le 
procédé syliabique^ les sons se substituent indifférem- 
ment les uns aux autres ; son attention est visiblement 
concentrée sur le maintien de la dimension du mot et 
des contours généraux de l'association syliabique ; la 
question des sons qui remplacent la syllabe est re- 
léguée au second plan. C'est chez ces enfanls-là que 



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DU L/LNOilOB CHBZ LES ENFANTS. 325 

Ton trouve, le plus souvent, la répétition, ou plus 
exactement, la conglomération de syllabes identiques ; 
c'est là, sans contredit, la voie la plus élémentaire 
pour arriver à compléter par des sons le squelette 
déjà déterminé d'un mot. Ma fille disait ninanade au 
lieu de limonade. 

L'étude de la parole avec le procédé syllabique^ est 
assez ardue ; toutefois les enfants se mettent hardi- 
ment à parler à l'aide de la provision de sons la plus 
limitée. Les enfants, qui adoptent le procédé phoné- 
tique dans leur langage, sont beaucoup plus embar- 
rassés ; souvent ils omettent des syllabes entières, ou 
n'en conservent que les voyelles ; aussi leur voyons- 
nous beaucoup plus fréquemment des syllabes mono- 
gammes (d'un son unique), tandis qu'au contraire, 
avec le procédé syllabique, les voyelles ne restent 
presque jamais isolées et les syllabes se complètent 
toujours par des consonnes, alors même que ces der- 
nières ne correspondent en rien aux véritables sons 
que demande le mot. 

Les deux catégories du langage des enfants ont 
entre elles, sous le rapport extérieur, une différence 
bien tranchée. La parole des enfants dM procédé sylla- 
bique semble courante et facile, tandis que la parole 
du second type parait embrouillée, confuse. Or, en 
réalité, aucun des deux langages ne l'emporte sur 
l'autre. Les mots entiers des uns ne sont en rien au- 
dessus des mots tronqués des autres, car ces mots 
complets sont formés par la répétition de sons ana- 
logues ou identiques. 

On peut dire, en somme, que la phonétique offre 
d'égales difficultés aux enfants des deux catégories. 



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326 PHYSIOX.OGIE. 

L*étude a nécessité de la part des enfants une durée 
de temps à peu de chose près la même, de sorte que 
la plus grande assurance et la facilité relative, due au 
procédé syllabique^ ne donnent en définitive aucun 
avantage particulier à Tenfant. Ainsi donc, il n'y a 
entre les enfants des deux catégories qu'une seule 
différence essentielle qui consiste en ce que les uns 
construisent facilement des syllabes avec des sons ^ tandis 
que cela est difficile aux autres; mais les matériaux dont 
sont construites les syllabes offrent, dans l'un et 
l'autre cas, des qualités à peu près équivalentes et un 
degré égal de perfection et de fini. 

Tel est, en gros, l'exposé des principaux faits carac- 
térisant le développement du langage des enfants. Nous 
allons tâcher maintenant de les expliquer. 

Le langage de l'homme est, comme on sait, le ré- 
sultat du jeu simultané de trois mécanismes distincts, 
à savoir : d) le mécanisme respiratoire^ b) le mécanistne 
vocale c) le mécanisme articulateur. Le fonctionnement 
coordonné, simultané, de ces organes ne se manifeste 
pas d'emblée dès la naissance de l'enfant, mais il n'ap- 
paraît que graduellement. L'appareil vocal est le pre- 
mier qui entre enjeu ; dès l'instant de la naissance, la 
voix se manifeste avec les propriétés d'une fonction 
parfaitement développée et devient dès lors une des 
manifestations émotionnelles les plus importantes de 
l'enfant. 

Quant au fonctionnement coordonné des deux 
autres mécanismes respiratoire et articulateur, il ne 
se développe que beaucoup plus tard. Il offre des rap- 
ports extrêmement complexes. Et, de fait, si la syllabe 
n'est qu'une masse de sons émis dans une seule iin- 



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DU LANGAGE CHEZ LES ENFANTS. 327 

pulsion expiratoire \ il est facile de comprendre que 
la tâche de l'expiration deviendra d'autant plus diffi- 
cile que la syllabe contiendra plus de sons et que ces 
sons seront plus différents entre eux d'après le méca- 
nisme de leur prononciation. Or les sons, on le sait 
déjà, diffèrent les uns des autres, entre autre, par la 
force de tension expiratoire indispensable à leur arti- 
culation, et même, par exemple, des sons aussi voisins 
que p et b ne sont pas semblables sous ce rapport, 
(j) exige une plus grande tension expiratoire que b*); 
de sorte que chaque syllabe possède en propre son 
étendue expiratoire et chaque mot son canevas expira- 
toire particulier, dans lequel doivent s'insérer les sons 
articulés. Nous coasidérons cette expiration fractionnée 
et graduée comme un mécanisme indépendant et nous 
l'appelons, par abréviation, expiration articulatoire^ à 
l'exemple de Claude Bernard qui distingue V expiration 
respiratoire et ^expiration vocale comme étant diffé- 
rentes \ Dans l'expiration articulatoire formant le 
squelette d'un certain mot et dans l'articulation des 
sons de ce mot nous avons deux séries de manifesta- 
tions parallèles, qui sont l'une pour l'autre ce que 
serait un bas-relief pour le moule dans lequel il a été 
coulé, c'est-à-dire que, rapportés, ils doivent s'em- 
boîter strictement. Ce travail merveilleux exige une 
coordination extrêmement subtile des mouvements 
expiratoires et articulatoires inaccessibles au bébé qqi 
n'en est encore qu'au début de l'étude du langage* 

* Sievers- — Grundzùge der Phonelik, 2 Auflag. Leipzig, 1881, p. 156. 

* Sievers, — Iderriy p. 56. 

» Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nei^veux, Paris, 
•1858, t. Il, onzième leçon, p. 330-331. 



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3â8 PHYSIOLOOÏB. 

Voilà la cause principale de Timpossibilité de com- 
biner les sons que nous rencontrons à chaque pas, 
même chez les enfants qui sont déjà bien connus, dans 
la prononciation de plusieurs mots enfantins. Aussi 
constatons-nous dans la langue des enfants une ten- 
dance constance à simplifier une tâche au-dessus de 
leurs forces. L'enfant obtient la simplification, comme 
nous Tavons déjà vu, en omettant plusieurs sons de 
chaque syllabe, ne conservant que les voyelles, soit 
seules, soit jointes à une consonne. Il obtient une sim- 
plification ultérieure, en modifiant les mots de façon 
que les sons de deux syllabes voisines diffèrent le 
moins possible, par exemple, ninanade au lieu de 
limonade. Il est aisé à comprendre qu'avec cela les 
impulsions expiratoires de deux syllabes voisines sont 
les plus semblables, et que par conséquent la tâche de 
Y expiration articulatoire devient plus simple. La simple 
répétition de consonnes analogues nous offre le der- 
nier degré de ce mode de simplification. Ce principe 
devient parfaitement évident lorsque Ton compare 
entre eux une grande quantité de mots d'enfants. 

Si maintenant nous mettons en regard les deux 
types de développement du langage (syllabique et 
phonétique), nous verrons que leur différence consiste 
en ce que, dans un cas c'est la pratique de t enfant dans 
[expiration articulatoire qui occupe le premier plan, 
tandis que dans le second c'est l'exercice de la prononcia- 
tion des sons^ c'est-à-dire du travail de T articulation, dans 
le sens rigoureux du mot. Ce fait est la meilleure preuve 
de l'indépendance de chacun des mécanismes du lan- 
gage à part. — Passons à présent à l'analyse du pro- 
cédé avec lequel les enfants étudient des sons à part. 



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DU LANOAOE CHEZ LES ENFANTS. 329 

En suivant objectivement le caractère des sons de 
Tenfant on acquerra la certitude que la plupart des 
sons de l'enfant s'élaborent par voie de métamorphose 
constante et de transformation des mouvements arti- 
culatoires élémentaires les plus simples. Cette propo- 
sition importante a déjà été établie par Taine\ Le déve- 
loppement successif et la complication des mouvements 
articulatoires constituent l'essence de la modification 
des sons correspondants. Il est vrai qu'on remarque 
assez souvent comme qui dirait l'apparition spontanée 
de sons inaperçus jusque-là, par exemple un enfant 
qui ne pouvait pas prononcer le k^ qui, hier encore, di- 
sait thoix au lieu de croix^ prononce aujourd'hui cor- 
rectement ce même mot. Mais l'observation résout 
facilement cette apparente contradiction. L'enfant, 
dont la mémoire en avait contracté l'habitude, pronon- 
çait bien, dans un mot donné, le son t net et pur au 
lieu de it, mais, par contre, l'observation découvre dans 
une quantité d'autres mots des sons transitoires entre 
le / et le À, des sons plus voisins soit du /, soit de Vh. 
Si l'on prolonge la même observation pendant un cer- 
tain laps de temps, l'existence de sons transitoires de- 
viendra parfaitement évidente. A force de pratique, 
l'enfant apprend enfin à prononcer le son ^, et alors il 
applique soudainement ce résultat d'efforts soutenus 
au mot dans la prononciation duquel il avait longtemps 
maintenu, par purisme, l'ancienne rédaction d'une 
époque éloignée. C'est non seulement par l'analyse 
phonétique, mais encore, et ce qui est bien plus pro- 
bant, par l'observation du mécanisme lui-même de la 

« Bévue philosophique, t. I^^, 1876, p. 5 et 6. 



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330 PHYSIOLOGIE. 

prononciation que nous nous sommes convaincu de 
cette marche des processus. Les enfants qui substituent, 
comme on Ta pu constater par les exemples rapportés, 
le son / auson Ar ont bien réellement employé à l'ori- 
gine le / indifféremment dans tous les cas où se ren- 
contrait soit le son t^ soit le son A ; mais, par la suite, 
conservant le / dans les cas où il devait réellement fi- 
gurer, ils ont placé, dans les mots commençant par ^, 
la langue non pas au bord des dents, mais beaucoup plus 
loin, de sorte que leur / devenait de t dental^ t palatal. 
L'évolution des sons dont nous avons cité un exemple, 
se remarque dans presque tous les sons de la langue 
des enfants. Nous avons fréquemment rencontré 
chez des petits bébés des sons tel que /, sous une 
forme si peu différenciée que nous avions de la peine 
à décider s'il fallait rapporter le son en question à un 
/ mouillé ou à un s^ quelquefois même il rappelait le 
th sifflant des Anglais. De même, les sons v et font 
parfois un timbre nasal, ce qui les rapproche, jusqu'à 
un certain point de m. En général, les sous primitifs 
de l'enfant ont des qualités diverses : les uns portent 
un caractère spécifique de l'alphabet plus ou moins 
nettement exprimé ; les autres, beaucoup moins réus- 
sis, ont un caractère équivoque. Dans le cours de 
toute la période de l'apprentissage du langage, on ren- 
contre à la fois beaucoup de formes transitoires, dont 
l'enfant use sans choix, manifestant ainsi une grande 
inconstance, de sorte que la différence même des sons 
entre eux est encore confuse pour l'enfant. Plus tard 
et peu à peu, à force de pratique, l'enfant finit par 
faire élection de quelques sons auxquels il se fixe. Ces 
types de sons déterminés sont admis par tous les au- 



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DU LANGAGE CHEZ LES ENFANTS. 331 

leurs, ce sont les consonnes m, i, p^ /*, /, 5, /i, ^; à 
ces sons nous ajouterons encore le k qui, chez les en- 
fants russes du moins, se manifeste assez tôt; nous 
les appelerons, pour abréger, sons de la période anté- 
rieure; toutes les voyelles s'y rattachent. Ce sont là 
presque exclusivement les sons qui forment les mots 
des enfants dans la première moitié de la seconde 
année. Mais, à Tépoque où ces sons sont déjà devenus 
fixes, les autres sont encore absolument inaccessibles 
à l'enfant, tels sont ch^j\ r par exemple et, en partie, 
ts et /. Pourquoi ces sons demeurent-ils hors déportée? 
Schultze répond à cela que les sons dont la pronon- 
ciation entraîne une plus grande dépense de force 
musculaire sont difficiles àTenfant, et ne peuvent être 
prononcés avant une certaine époque. Mais cette ex- 
plication est invraisemblable au point de vue de la phy- 
siologie des sons, sans parler d'une quantité de faits 
dénotant que la principale difficulté du travail arti- 
culaire réside dans la complexité de la coordina- 
tion des différents mouvements et non dans leur inten- 
sité absolue. II faut rapporter au nombre des sons de 
la période antérieure les consonnes labiales m, />, v^ 
/*, les dentales rf, /, n, s et la gutturale g (dans ffoûi 
par exemple). Aux sons ultérieurs se rapportent les pa- 
latales y, ch^ 2, r, /. Pourquoi le développement s'ac- 
complit-il en deux périodes? On peut répondre à cette 
question par les considérations suivantes. Les con- 
sonnes linguales (/, n, * et aus^i s) résultent de l'appli- 
cation de la pointe de la langue contre le bord des 
dents et vers la partie antérieure de la cavité buccale 

1 JV russe qui ne correspond pas tout à fait à Vn français, et qui rap- 
pelle plus ne dans cabane, par exemple. 



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332 PHYStoLoarB. 

en général^ et les consonnes g^ k^ de la position de 
la base de langue à la partie postérieure. Les diffé- 
rentes positions palatales de la pointe de la langue, 
pendant Tarticulation des sons ch et ;\ n'ont pas la 
môme précision locale; il en résulte que, grâce au 
peu de sensibilité du voile au palais, le moment de la 
sensation musculaire peut surtout servir à établir les 
différentes positions palatales de la langue^ tandis que 
les positions dentales et glottiques peuvent être déter- 
minées d'après les sensations musculaires et tactiles. 
Ceci constitue, assurément, une différence psycho- 
physique notable. Cette manière d'envisager la chose 
permet d'expliquer, à ce qu'il nous semble, le fait 
absolument général de l'apparition tardive dans la 
langue des enfants des consonnes palatales. L'appa- 
rition hâtive de la voyelle i, qui porte, jusqu'à un cer- 
tain point un caractère palatal, n'infirme en rien notre 
explication, car l'émission des voyelles n'exige pas 
une localisation des mouvements bien stricte et 
s'effectue dans certaines limites assez étendues. Les 
consonnes labiales, à l'exception du t;, apparaissent très 
tôt. Leur présence hâtive peut s'expliquer par la pré- 
cision du point d'articulation et le développement de 
la sensibilité tactile des lèvres provenant de l'exercice 
des mouvements de succion. Schultze a déjà signalé 
l'importance pédagogique du mécanisme de succion 
pour le langage futur. 

L'individualité dans la marche du développement 
du langage se manifeste assez fortement dans l'élec- 
tion de certains sons sur lesquels l'enfant arrête parti- 
culièrement son attention et qui constituent, pour ainsi 
dire, la première étape dans le processus de l'acqui- 



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DU LÀ1>IQAQ£ CHEZ LBS BNFANTS. 333 

sition du langage conscient. Ainsi, pour ce qui con- 
cerne les consonnes linguales, il y a des enfants qui 
s'arrêtent particulièrement sur le /, d'autres sur 1'^ 
et quelques-uns enfin sur Tm', et ils substituent de 
préférence ces sons-là aux autres consonnes linguales. 
Plus loin, la différence se révèle encore dans la pro- 
portion des consonnes sonores et chuchotantes ; les 
uns usent plus volontiers des premières, les autres des 
secondes, indifféremment quant au besoin réel {pouale 
au lieu de boire, zalade au lieu de salade). 

Le développement des sons de la période ultérieure 
natt des formes de sons fondamentales de la période 
antérieure. Les voies physiologiques qu'affecte un tra- 
vail pour atteindre un certain but sont fort diverses, 
de sorte qu un seul et même son, qu'une seule et même 
forme d'articulation définitivement individualisée peut 
être le résultat de métamorphoses non semblables. Par 
exemple, le son;, provient chez quelques enfants de 
r^, en traversant une longue suite de formes transi- 
toires entrer et y; chez d'autres, il dérive du sou 
voyelle t, en subissant un accroissement successif de 
la nuance chantante, c'est-à-dire par voie de rétrécis- 
sement graduel du canal palato-lingual jusqu'au point 
produisant enfin un son sifflant au lieu de la voyelle 
i. De même que dans la période antérieure, vient à 
son tour le différenciement des consonnes de la pé- 
riode ultérieure; elles offrent la même variabilité et la 
même inconstance que les sons de la période anté- 
rieure^ et l'enfant les emploie sans choix, substituant 
avec la plus grande inconstance les sons les uns aux 

^ N russe dental* 



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334 PHYSIOLOGIB. 

autres. Mais ces différentes substitutions de sons indi- 
quent les différentes directions que prend le dévelop- 
pement de la phonétique enfantine. Ce n'est que par 
la suite que ces tendances se dégageront définitive- 
ment. 

Nous terminerons ici toute interprétation de faits 
isolés, pour tenter d'esquisser, dans ses traits les plus 
généraux, le plandu développement du langage, depuis 
les premiers et les plus simples mouvements du jeune 
être encore privé de la parole, jusqu'au développement 
des mouvements d'une complexité merveilleuse, qui 
constituent la parole de l'homme. 

Déjà, dans les premiers crisde l'enfant, sont contenus 
in ovo toutes les variétés des mouvements articulatoires 
futurs qui sont répartis en deux grands groupes phy- 
siologiques : 1"* mouvements dans la région de l'orifice 
labio-mandibulaire ^ dont le premier représentant est la 
nuance de la voyelle a dans la voix du bébé ; 2* mou- 
vements de la langue, dont la nuance é nous offre le 
premier indice. Comme on le sait, pendant la pronon- 
ciation du son a la langue demeure passive dans la ca- 
vité buccale, mais pendant le son^ elle participe acti- 
vement à l'articulation. De sorte qu'on peut dire que, 
dans le premier cri de l'enfant, — manifestation pre- 
mière de sa sensibilité générale, — sont contenus en 
germe les mouvements de toutes les parties du méca- 
nisme articulatoire de la langue, des lèvres, etc. De 
ce germe se développent peu à peu deux catégories 
des mouvements d'articulation: Tune labiale, l'autre 



1 L^amolHssenient général de toutes les consonnes des enfants, dont il 
a déjà été question plus haut, est le résultat d'une coopération super- 
flue de la langue dans les mouvements articulatoires. 



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DU LANGAGE CHEZ LES ENFANTS. 335 

linguale dont Facquisition est presque simultanée et 
qui, au fur et à mesure de leur développement gra- 
duel, entrent dans les combinaisons les plus variées 
avec les mouvements expira toires et vocaux, ce qui 
est nécessaire pour former les différents sons du lan- 
gage. Les premiers pas dans la voie de l'acquisition 
de ces mouvements complexes, sont caractérisés par 
une grande imperfection. En réalité, dans beaucoup 
de sons émis par Tenfant, le mécanisme vocal participe 
là où la qualité du son devrait l'exclure, donnant, 
comme il le fait, au lieu de sons chuchotants des sons 
sonores (au lieu de couteau, — gouteau) ; de même on 
discerne continuellement dans la langue des enfants 
des mouvements articulatoires plus ou moins précis de 
la langue, justement dans les cas où se prononcent des 
labiales, pendant lesquelles la langue devrait rester 
inactive et à l'inverse , on sent plus ou moins l'action 
des lèvres là où ne devrait succéder que des linguales 
pures. Il n'y a pas encore différenciement arrêté des 
mécanismes et l'impulsion volitionnelle dépasse, jus- 
qu'à un certain point, le but, en embrassant, à un de- 
gré plus ou moindre, toutes les parties des différents 
mécanismes de la parole. Mais c'est peu à peu et pas à 
pas que s'établit l'isolement individuel de chacun des mé- 
canismes, et alors les impulsions vol itionnelles suivent 
une route strictement délimitée, d'où s'en suit un dif- 
férenciement plus net des mouvements articulatoires 
et des sons qu'ils impliquent. 

Les mots de l'enfant gardent l'empreinte étonnante 
de toute la route qu'il parcourt dans l'étude de la pho- 
nétique du langage. L'acquisition par l'enfant du lan- 
gage oral s'effectue pas à pas ; chaque jour son réper- 



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33b CLINIQUB MJS^TALfi. 

toire s'enrichit d'expressions nouvelles, constituées 
d'après les exigences phonétiques d'une période don* 
née, tandis que, parallèlement, subsistent encore des 
mots de formation ancienne, ayant acquis droit de 
cité d'un emploi journalier; ces mots-là, sous forme de 
tradition vivante, passent chaque jour dune phase de 
développement à l'autre. De sorte qu'en regard de 
mots d'une construction assez parfaite, on rencontre, à 
chaque instant, dans la langue si vive des enfants, une 
foule de produits d'une phonétique primitive et impar- 
faite. Ce caractère du développement de la parole est 
la source de la diversité et de la variabilité du langage 
des enfants, du mélange bigarré des formes acquises 
établies avec les formes arbitraires, et des exceptions 
incompréhensibles au premier abord. Mais, dès qu'on 
en considère Tordre historique, le langage des enfants 
devient à l'instant plein de sens et rigoureusement 
conséquent. 



CLINIQUE MENTALE 



DES HALLUCINATlOiNS BILATÉRALES DE CARACTÈRE 
DIFFÉRENT SUIVANT LE COTÉ AFFECTÉ; 

Par le D^ MAGNAN, médecin de l'asile Sainte-Anne. 



Les hallucinations, qui ont déjà été Tobjet de tant 
de travaux, conservent le privilège d'attirer Tattention 
et de susciter constamment de nouvelles recherches. 



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DES HALLUCINATIONS BILATÉRALES. 337 

C'est qu'en effet, ce syndrome, qu'on l'envisage au 
point de vue de la clinique, de la physiologie patho- 
logique, de l'histoire, de la médecine légale, ne cesse 
pas de présenter d'intéressants aperçus. 

Les hallucinations affectent habituellement les deux 
moitiés symétriques du même sens ; c'est-à-dire que 
l'halluciné, comme l'homme normal, entend des deux 
oreilles, voit des deux yeux, perçoit, en un mot, par 
les deux côtés, les images subjectives qu'il exté- 
riorise. 

Dans quelques circonstances, ainsi que CalmeiP, 
Moreau*, Michéa* et bien d'autres l'ont signalé, l'hal- 
lucination est unilatérale et frappe l'une des deux 
parties similaires de l'appareil sensoriel. C'est par un 
œil, par une oreille, par un côté du corps que le pa- 
tient se trouve influencé. 

Enfin, dans quelques cas plus rares, rhallucination 
est bien bilatérale, mais elle se montre avec des ca- 
ractères qui varient suivant le côté; l'oreille droite, 
par exemple, entend des choses agréables, tandis que 
l'oreille gauche ne perçoit que des injures. C'est là un 
phénomène curieux qui n'a pas encore été éludié, qui 
mérite de nous arrêter et que l'on rapprochera, avec 
fruit, des expériences de physiologie pathologique 
auxquelles se prête l'hystérie. 

L'examen des quelques faits que nous allons rap- 
porter donnera une idée nette de cette dualité sympto- 
matique et apportera une preuve de plus à la théorie 

« Calmeil. — Dictionnaire en trente volumes : HallucinatioDS, t. XIV, 
p. 517. 

* Moreau (de Tours) . — La psychologie morbide dans ses rapports avec 
la philosophie de l'histoire, 1859, p. 331. 

* Michéa. — Du délire des sensations, p. 106. 

Ahchives, t. VI. S2 



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338 . CLINIQUB MBNTALB. 

du dédoublement et de rindépendance fouctiounelle 
des hémisphères cérébraux. Nous verrons aussi que 
rhallucination, en tant que manifestation des délires 
chroniques, suit une marche parallèle aux conceptions 
délirantes, et comme celles-ci, après avoir présenté à 
l'origine un caractère pénible, elle affecte plus tard un 
caractère ambitieux, qui se met en harmonie avec les 
idées expansives du délire. 

L'observation suivante est des plus caractéristiques 
à ce double point de vue ; elle nous fournira aussi un 
exemple remarquable de la coexistence d'un délire 
épileptique et d'un délire vésanique chez le même 
sujet*. 

Il s'agit d'un forgeron, âgé de trente-quatre 
ans, qui puise dans l'hérédité sa double prédisposi- 
tion morbide. La grand'mère maternelle et la mère 
sont épileptiques de même qu'un de ses frères. Le 
père alcoolique, violent et brutal, est mort infirme à 
Bicètre ; un cousin germain maternel est atteint de dé- 
lire chronique; d'abord persécuté, il en est arrivé au- 
jourd'hui à la période ambitieuse. 

Dès l'âge de quatorze ans^ la grande névrose s'af- 
firme chez le malade 6.., de la manière la plus mani- 
feste : il péchait sur le bord de la Seine^ lorsque, sous 
le coup d'un vertige, il tombe à l'eau; on le retire 
promptement, on l'étend sur la berge et, au bout de 
quelques instants, revenant à lui, il témoigne sa sur- 
prise de voir ses vêtements mouillés. 

Plus tard l'attaque s'accompagne de violentes con- 
vulsions et G... se voit réformé du service militaire 

1 Magnan. — Leçons sur Vépilepsie, 1882, p. 31 et '74. 



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DBS HALLUCINATIONS BILATERALES. 339 

poar cause d'épilepsie. Un phénomène singulier pré- 
cède l'attaque, c'est une saveur acre, un goût de sang; 
cette aura se montrait également chez la grand'mère 
et chez le frère, désignant aiosi la partie faible, la 
région cérébrale sur laquelle frappe d'abord la dé- 
charge épileptique. Après l'attaque. G... reste habi- 
tuellement hébété, il se brosse, frotte les mains, se- 
coue les habits, répète machinalement les mêmes 
gestes; mais, parfois, il entre en scène d'une façon 
plus active. Un jour, par exemple, il déplie le volet 
d'une boutique, l'agite et le casse, sans garder le 
moindre souvenir de cet acte. Une autre fois, il saisit 
à la gorge une femme qu'il ne connaît pas, la serre 
avec force, et l'eût étranglée, sans l'arrivée du mari 
qui le repousse, et lui assène deux coups de balai sur 
la tète. Conduit au poste, il reste silencieux, hébété, 
puis étonné, il regarde autour de lui et s'informe des 
motifs de son arrestation, tout ce qui s'est passé étant 
non avenu pour lui. 

Il est bon de noter que, sous l'influence des bro- 
mures, les attaques sont actuellement plus rares. L'é- 
pilepsie ne saurait être mieux caractérisée : hérédité 
directe, aura, vertiges, attaques, délire inconscient, 
action favorable de la médication biomurée. 

Le délire chronique est tout aussi bien dessiné chez 
ce malade. Dès l'enfance. G... est triste, vit à l'écart, 
ne rit jamais, « J'étais, dit-il, le souffre-douleur de la 
maison. » A l'âge viril, ses tendances mélancoliques 
s'accusent davantage ; Tépilepsie meltant obstacle 
à son mariage^ il devient irritable, impressionnable, se 
croit en butte à des injustices et traduit sa résignation 
inquiète par les mots : « Je n'ai jamais eu de chance» • 



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340 CLINIQUE MENTALE. 

A vingt-six ans, le délire s^accuse; les camarades l'io* 
jurieot, le menacent et il commence à entendre par 
l'oreille droite des propos grossiers: « Tète de cochon, 
hure de cochon, bon à tuer, fainéant... » ; c'est de ce 
côté aussi que le diable lui parle plus tard et que se 
trouve le mauvais génie. Au milieu des idées tristes, 
se font jour peu à peu des préoccupations d'un autre 
ordre. Il doit faire, dit-il, un héritage de plus d'un mil- 
lion qui s'accumule depuis sept générations. La nuit, 
il contemple le firmament, il interroge les astres, les 
étoiles, la lune. Pour se rapprocher de la voûte céleste, 
il se loge sous les toits, dans les maisons les plus éle- 
vées, il fait des découvertes, il cherche le point du 
centre du soleil et voit à travers, à l'aide d'un instru- 
ment de sa composition. De plus en plus orgueilleux, 
plein de son propre mérite, il en arrive à se demander 
s'il n'est pas le fils de Dieu. Il émet divers apophtheg- 
mes sous forme sentencieuse : le plus petit est le plus 
grand; le plus bas le plus haut; la pauvreté est la ri- 
chesse, etc., etc. A ce moment les injures perçues par 
l'oreille droite diminuent, et il commence à entendre 
des encouragements, des éloges ; mais c'est par l'oreille 
gauche : « Ne te fais pas de mauvais sang, tu seras 
heureux.» On lui dit souvent des choses qui le font 
rire. Dieu lui-même lui conseille de persister dans le 
bien... C'est à gauche que se tient le bon génie. Par- 
fois, il entend un bruit de sonnerie; quand la sonnerie se 
produit à droite, il lui arrive quelque chose de fâ- 
cheux, quand elle est à gauche, c'est l'indice d'une 
bonne nouvelle. 

Le bon et le mauvais génies forment ainsi une sorte 
de Manichéisme qui le gouverne. Depuis deux ans, les 



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DES HALLUCINATIONS BILATÉRALES. 341 

hallucinations gaies, ambitieuses prédominent, et c'est 
toujours par Toreille gauche qu'il entend, Toreiile 
droite ne lui transmettant que des choses désagréables, 
d'ailleurs de plus en plus rares. 

De même que pour l'épilepsie, rien ne manque au 
délire chronique : influence héréditaire, périodes d'in- 
quiétude, de persécution, phase ambitieuse, tendance 
à la systématisation. 

Si l'épilepsie s'est améliorée sous l'influence du 
traitement, le délire chronique paraît devoir suivre sa 
marche progressive pour aboutir après sa phase ambi- 
tieuse à la période de dissolution des idées, à la dé- 
mence. 

Au point de vue spécial où nous nous plaçons, le 
cas est des plus démonstratifs. Les hallucinations pé- 
nibles se cantonnent, dès le début, à droite; très fré- 
quentes d'abord, elles marchent d'un pas égal avec le 
délire. Celui-ci se transforme peu à peu, change de 
couleur, il s'éclaircit et, simultanément, les halluci- 
nations agréables se produisent, mais c'est à gauche 
qu'elles se fixent; elles deviennent de plus en plus 
fréquentes, tandis que les hallucinations pénibles rési- 
dant à droite s'atténuent insensiblement. 

D'autre part, un même trouble fonctionnel, une son- 
nerie, se produit dans l'une et l'autre oreille; le malade 
lui donne une interprétation différente, suivant qu'elle 
siège à droite ou à gauche. Gomme les hallucinations, 
elle est de bon augure à gauche, de mauvais présage 
à droite. C'est bien là un phénomène singulier, l'hé- 
misphère gauche répondant au côté droit, voué à la 
tristesse et marquant la première période de la mala- 
die ; l'hémisphère droit répondant au côté gauche dis- 



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3i"2 CLTNIQUK MENTALE. 

posé à la joie et faisant presque entièrement les frais de 
la seconde période. Je rappellerai, à propos de l'inter- 
prétation différente donnée à la sonnerie suivant le 
côté affecté, une observation d'hallucination bilatérale 
du toucher, rapportée par le fameux publiciste Jean 
Bodin, d'Angers, dans son ouvrage sur la démonoma- 



nie \ 



Il s'agit d'un personnage qui, après avoir pendant 
un an prié Dieu de lui envoyer un bon ange pour le 
guider dans toutes ses actions, avait fini par entendre 
la voix de Dieu qui lui disait : « Je sauverai ton âme. » 
Depuis cette époque, un esprit familier l'accompagnait, 
« lui donnant un signe sensible, comme le touchant à 
Yoreille dextre^ s'il faisait quelque chose qui ne fut 
bonne, et à V oreille senestre^ s'il faisait bien; et s'il ve- 
nait quelqu'un pour le tromper ou le surprendre, il 
sentait soudain le signal à l'oreille dextre; si c'était 
quelque homme de bien et qui vint pour son bien, il 
sentait aussi le signal à Yoreille senestrer>. C'est ici 
une hallucination du toucher, de même nature à droite 
et à gauche; ce qui varie c'est l'interprétation du ma- 
lade donnée au signal favorable à gauche, défavorable 
à droite. 

Dans les trois observations suivantes les hallucina- 
tions ont un caractère pénible à gauche, et agréable à 
droite. 

Un homme de quarante-huit ans, ancien soldat du 
génie, adonné depuis longtemps aux boissons alcoo- 
liques, a présenté, à la suite d'abus plus fréquents, 
plusieurs accès de délire toxique, s'accompagnant 

« Bodin. Angevin. — La démonomanie des sorciers, CIO, 10, XCVnî, 
p. 7a (livre I»"", chap, ii, de VÀssociation des esprits avec les hommes.) 



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DBS HALLUCINATIONS BILÂTBRALBS. 343 

d'hallucinations pénibles, multiples, mobiles : on l'in- 
juriait, il sentait de mauvaises odeurs, il voyait des 
chats, des rats, des oiseaux, un singe qui lui sautait 
sur la poitrine et Tétouffait, il éprouvait des déman- 
geaisons et des picotements sur tout le corps« 

Au bout de quelques jours, le délire perd de son 
activité, le malade se calme, mais il conserve long- 
temps des idées de persécution. 

Il a déjà été traité une fois à Tasile de Dijon et deux 
fois à Sainte-Anne. A sa dernière entrée, le 2 novembre 
1882, il raconte qu'il entend des voix, deux indivi- 
dus dont l'un l'injurie et l'autre le console. L'insul- 
teur lui parle à gauche, le traite d'imbécile, d'animal, 
critique son travail ; le protecteur intervient par l'o^- 
reille droite, l'encourage et le console. Parfois, ils ne 
sont pas seuls et d'autres voix s'ajoutent aux premières. 
Ils parlent tantôt simultanément, tantôt les uns après 
les autres, mais chaque groupe conserve son côté, 
sans se départir de son langage particulier. 

Un autre malade, âgé de trente-quatre ans, serru- 
rier, dont le père était alcoolique, avait trois sœurs 
atteintes d'hystérie, et un frère traité à Bicêtre pour 
de l'alcoolisme. Lui-même, après de nombreux abus 
de boissons a été pris deux fois de délire alcoolique et 
conservait, après les accès, des préoccupations hypo- 
condriaques et des craintes d'empoisonnement. 

A sa seconde entrée à Sainte-Anne, le 1 6 février 1 881 , 
pendant plus de dix jours, il entendait par l'oreille 
droite des propos convenables, des paroles édifiantes 
sur Dieu, la sainte Vierge ; par Toreille gauche, au 
contraire, arrivaient des discours orduriers et l'on par- 
lait des obscénités du diable. 



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344 CLINIQUE MENTALE. 

Ce malade adonné à l'absinthe a présenté, en outre, 
comme certains vertigineux épileptiques, une phase 
délirante inconsciente. 

Le dernier malade est encore un héréditaire abusant 
des boissons alcooliques, âgé de trente-cinq ans ; il 
est né d'un père ivrogne qui a voulu se suicider, et 
d'une mère hystérique qui, à la suite d'une contrariété, 
eut un jour une attaque convulsive suivie de délire 
avec paroles extravagantes et grossières. Il a toujours 
eu une tendance à la tristesse, et son chagrin est aug- 
menté par la crainte d'être un enfant naturel ; il ne 
sait comment cela finira, dit-il, car son esprit est de- 
puis plusieurs années hanté par des idées de sui- 
cide. 

(1 a commencé de bonne heure à abuser des bois- 
sons spiritueuses, et parfois, quand surviennent des 
idées mélancoliques, il est poussé impulsivement à 
boire. C'est aussi après avoir bu, dans ces conditions 
maladives, qu'il est porté au suicide. Il fait, en peu 
4'années, de nombreuses tentatives: il se jette dans 
la Saône d'où il est repêché ; il se pend, on coupe la 
corde ; il tente de s'asphyxier, mais s'étant levé du lit^ 
il tombe et le bruit de sa chute attire les voisins ; il 
fait sans succès plusieurs tentatives d'empoisonnement. 
Dans les cinq dernières années, il a eu plusieurs accès 
de déliré alcoolique, accès très courts d'une durée de 
deux à trois jours, débutant la nuit et s'accompagnant 
d'hallucinations caractéristiques : il voyait des rats, 
des journaux étalés, des affiches qui défilaient sur le 
mur, des figures grimaçantes qui grossissaient et di- 
minuaient, des personnages costumés, sautant, dan- 
sant, riant, se moquant de lui. Pendant ces accès pas- 



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DKS HALLUCINATIONS BILATERALES. 3i5 

sagers d^alcoolisme, les hallucinations se produisaient 
avec les mêmes caractères des deux côtés. 

En dehors de cette efflorescence délirante, et dans 
l'intervalle des crises, il conserve des idées de persé- 
cution, il se croit poursuivi dans la rue, il craint d'être 
assassiné. Parfois il entend, dit-il, une conversation 
dans une oreille et une conversation différente dans 
l'autre ; par l'oreille gauche, arrivent des injures, des 
menaces : « Tu n'es qu'un voleur, un propre à rien, 
a viens donc, misérable, que je te frappe... » 

Par l'oreille droite, au contraire, ce sont des choses 
-agréables: on fait son éloge, on l'encourage, il entend 
des paroles affectueuses : « Mon chéri, nous serons 
« heureux... » 

L'oreille gauche qui reçoit les injures et dans la- 
quelle les voix sont plus fortes est plus souvent mise 
en jeu que la droite. 

Ces trois derniers malades, adonnés aux boissons 
spiritueuses, ont présenté à diverses reprises des 
bouffées de délire alcoolique avec des hallucinations 
très actives, occupant tous les sens apparaissant aussi 
bien à droite qu'à gauche. Ce délire très bruyant se 
superpose à l'état mental préexistant qu'il masque 
pour un temps. Puis avec la disparition de ces acci- 
dents passagers, nous voyons persister le délire pri- 
mordial auquel cette secousse donne plus d'inten- 
sité'. 

Le mélancolique impulsif multiplie ses tentatives de 
suicide et tend à systématiser ses idées de persécution, 
le délirant chronique est plus vivement persécuté, et, 

» Magnan. — De VAlcoolisme^ des diverses formes du délire alcoolique 
et de leur traitement, Paris, 187^ p. 68 et Î35. 



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•^*^ CLINIQUE MBNTALB. 

chez tous les trois, nous voyons commencer à paraître 
quelques idées ambitieuses. 

Pourquoi, dans Talcoolisme, cette généralisation du 
délire? C'est que la cause, le poison, distribué dans 
tout Fencépliale, agit sur tous les centres sensoriels et 
provoque, dès que la dose est suffisante, des halluci- 
nations de tous les sens ; mais, au début ou à la fin de 
Taccès de délire alcoolique, à mesure que les phéno- 
mènes s'atténuent, il peut y avoir des localisations 
spéciales qui ont pour siège V organe faible plus vive- 
ment impressionné par l'agent toxique; de là des hal- 
lucinations limitées à un sens et parfois même à un 
seul côté. 

Chez les quatre malades, l'oreille ne présentait au- 
cune altération, l'acuité de l'œil était la même à droite 
et à gauche, ils entendaient le tic tac de la montre à 
des distances à peu près égales des deux côtés, il n'y 
avait rien localement. . 

Pourquoi sur quatre cas, trois fois les idées ambi- 
tieuses, celles qui marquent une étape plus avancée 
de la maladie étaient-elles prédominantes à droite ? 
Est-ce que l'hémisphère gauche, en vertu de sa préé- 
minence serait frappé le premier dans l'évolution du 
délire? En soulevant cette question, nous ne cherche- 
rons pas à la résoudre, puisque nous sommes là en 
présence de faits exceptionnels, et qu'en général, au 
contraire, les hallucinations dans le délire se montrent 
également des deux côtés avec leur caractère pénible 
d'abord et ambitieux plus tard. 

Chez ces quatre malades le délire, remontant à une 
date déjà ancienne, commençait à revêtir les carac- 
tères de la chronicité, il affectait, en effet, avec une 



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DES HALLUCINATIONS BILATERALES. 347 

systématisation plus grande, uue forme expansive. 
Les hallucinations suivent en g'énéral, sous ce rapport, 
la marche du délire, et c'est ainsi que nous avons vu 
surtout chez le premier malade G.., les hallucinations 
pénibles s'installer les premières dans l'oreille droite, 
tandis que les hallucinations agréables siégeant à 
gauche ont été plus tardives. 

Les premières d'abord très nombreuses ont diminué 
progressivement d'intensité, suivant en cela une 
marche inverse aux secondes qui d'abord, très rares, 
sont devenues prédominantes et se montrent parfois 
seules mais, toujours à gauche. 

Les troubles sensoriels unilatéraux ou bilatéraux de 
caractère différent, qui sont relativement rares dans le 
délire chronique, se montrent plus fréquemment dans 
l'hystérie et peuvent, en tout cas, être facilement pro- 
voqués. (Voir Charcot, Progrès médical^ 1878, p. 37). 

Parmi les nombreuses expériences faites sur des 
hystériques hypnotisées dans le service de M. Charcot 
à la Salpêrière, expériences rapportées avec beaucoup 
de détails dans le bel ouvrage de M. Paul Richer ', on 
agit successivement sur l'un et l'autre hémisphère qui 
simultanément répondent de façon différente aux in- 
citations différentes, si b'ien que le sujet peut se trou- 
ver cataleptique d'un côté, léthargique de l'autre, ou 
bien somnambulique. Si, pendant que le patient sous 
le coup d'une hallucination provoquée se livre à une 
mimique active, on ferme l'un des yeux, le côté cor- 
respondant se trouve immobilisé ; le discours continue, 
l'hallucination se poursuit, si c'est la paupière gauche 

" p. Richer. — Études cliniques sur rhystéro-épilepsie, 1882. 



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3i8 CLINIQUE MBNTALB. 

qui a été abaissée, mais la parole est supprimée immé- 
diatement, l'aphasie intervient si rocclusion porte sur 
l'œil droit. 

Une hystérique entrée plusieurs fois à Sainte-Anne 
m'a présenté un exemple très net de transfert d'une 
hémiplégie droite à gauche et de la cessation immé- 
diate de l'aphasie, sous l'influence d'une vive émotion. 

Cette malade âgée de quarante-six ans, était entrée 
une première fois le 4 août 1879, avec une aphasie 
accompagnée d'hémiplégie droite qui, restée station- 
naire environ un mois, disparut très rapidement. Â 
une seconde entrée, le 5 décembre 1880, la malade 
arrive non plus aphasique, mais avec une perte ab- 
solue de la mémoire ; elle ne pouvait indiquer ni son 
nom, ni son adresse, ni sa profession, ni son état 
civil: «Je ne me rappelle pas, disait-elle, si je suis ma- 
riée, si j'ai des parents ; mais si j'avais un mari ou des 
parents, ils viendraient me chercher. » 

Elle était hémianesthésique et hémiparétique du 
côté droit. Au bout de trois mois d'amnésie persis- 
tante^ la mémoire revint en quelques jours. Le 30 juil- 
let 1882, elle est encore amenée, avec de l'aphasie et 
de l'hémiplégie droite. Elle sort au bout de trois mois 
améliorée mais non guérie, elle était encore aphasique 
et faible du côté droit. Le soir même de sa sortie, elle 
a une violente discussion avec ses parents et le lende- 
main au lever^ elle se trouve paralysée du mouvement 
et du sentiment du côté gauche; mais la parole est 
redevenue entièrement libre et il n'y a plus traces d'a- 
phasie. 

Tous ces faits se prêtent un mutuel appui pour 
prouver l'indépendance des hémisphères cérébraux, 



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DBS HALLUCINATIONS BILATERALES. 349 

mais ]a démonstratioQ est surtout éclatante lorsqu'on 
provoque des hallucinations différentes de chaque côté 
comme M. Dumontpallier l'a fait sur une de ses ma- 
lades de la Pitié, dans une de mes leçons à Tasile 
Sainte-Aune. Après avoir placé la malade dans l'état 
de somnambulisme, il lui dit à l'oreille droite qu'il fait 
beau et que le soleil brille pendant qu'une autre per* 
personne lui dit à l'oreille gauche qu'il pleut. Du côté 
droit le sujet sourit, tandis qu'à gauche, l'abaissement 
de la commissure labiale traduit le désagrément que 
cause le mauvais temps. Puis continuant l'expérience, 
et faisant intervenir la vue et l'ouïe on décrit à l'o- 
reille droite le tableau d'une fête champêtre à laquelle 
prennent part des jeunes filles et des jeunes gens. Ce 
tableau qui est perçu par l'hémisphère cérébral gauche, 
se traduit par le sourire sur la moitié droite du visage, 
tandis qu'à gauche, le visage exprime l'émotion qu'à 
causée l'imitation de l'aboiement d'un chien à l'oreille 
gauche. Cette double expression du visage si opposée 
est des plus saisissante. « Il me semble, ajoute 
M. Dumontpallier, que, quand on peut à volonté 
mettre en évidence, par certains procédés, l'activité 
psychique, sensitive et motrice des centres nerveux et 
cela isolément d'un seul côté^ ou simultanément des 
deux côtés du corps, on a démontré de la façon la 
plus absolue et la plus indiscutable l'indépendance 
fonctionnelle de chaque hémisphère cérébral. » {Union 
médicale, 15 et 19 mai 1883). 

Dans les hallucinations bilatérales de caractère dif- 
férent, chaque groupe est sous la dépendance évidente 
*de l'un des hémisphères; mais dans quelle région de 
l'hémisphère doit-on les localiser? 



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350 CLINIQUE BIBNTALB. 

Lorsque M. Baillarger' publia sou remarquable mé- 
moire, il combattit avec succès la théorie exclusive- 
ment périphérique qui place dans l'organe lui-même 
le siège de rhalluciuation; il repoussa également la 
théorie psychique ou centrale qui fait de ce syndrome 
un phénomène purement intellectuel, et il mit en avant 
la théorie mixte ou psycho-sensorielle qui paraissait 
répondre à toutes les exigences. 

Cette théorie acceptée par la plupart des auteurs, 
qui semblait ne plus devoir donner prise à la discus- 
sion se trouve de nouveau mise en question depuis les 
recherches sur les localisations cérébrales de Fritsch, 
d'Hitzig' de Ferrier', de Munck*, et depuis que la 
clinique étayée par Tanatomie pathologique est venue 
prouver qu'une lésion d'un centre cortical déterminé, 
donne lieu suivant son intensité à la perturbation ou à 
Tabolition d'une fonction déterminée. 

Tamburini s'appuyaut principalement sur Tanatomie 
et sur la physiologie expirimentale démontre avec un 
rare talent de critique riusuffisance de la théorie 
psycho-sensorielle ; il donne pour siège aux hallu- 
cinations, les centres corticaux où sont perçues 
les impressions et arrive à cette conclusion que 
les hallucinations ont comme cause fondamentale 



1 Baillarger. ~ Des HaUucinations ; des causes qui ies produisent et des 
maladies qu'elles caractérisent^ 1843. 

«Frilsch et Hitzig. — Reicherfs und Du Bois Reymond's Arch,, 4870, 
heft. m. - Hitzig, ReicherVs und Du Bois Reymond's Arch,, 4873- 
1874. 

- «Ferrier. — Des fonctions du cerveau^ Paris, 1878; De la localisation 
des maladies cérébrales^ Paris, 1880 ; oiivniges traduits par H. de Va- 
rigny. 

* Muiick. — Berl. Kiin. }Vochenschr.^ 1877 ; Yerhandlung der physioU 
Gesellsch. zu Berlin, 1877-78-79. 



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DES HALLUCINATIONS BILATÉRALES. 3 j l 

un état d'excitation des centres sensoriels de técorceK 
Aux nombreux arguments fournis par la physiologie 
expérimentale en faveur de cette théorie, la clinique 
vient tous les jours ajouter de nouvelles preuves. Jus- 
qu'ici, en effet, toutes les fois que dans les cas de 
cécité ou de surdité psychiques, le résultat anatomo- 
pathologique a pu être fourni; chaque fois, dis*je, les 
régions que la physiologie expérimentale avait dési- 
gnées comme centres sensoriels corticaux, ont été 
trouvées altérées; dans quelques cas il est vrai, la lé- 
sion était plus étendue et dépassait les limites assi* 
gnées à ces centres, mais néanmoins en comparant ces 
faits, en superposant les divers schémas fournis par les 
auteurs, on trouve toujours une région commune qui 
correspond justement au centre sensoriel cortical. On 
peut s'en assurer eu comparant pour la cécité psychi- 
que les cas de Déjerine*, de Broadbent* et le mien*, 
d'après lesquels la région du pli courbe est plus par- 
ticulièrement intéressée; pour la surdité psychique, 
les faits de Wernicke', de Giraudeau*, de Fritsch', 

« Taraburini. — La théorie des hallticinations, {Revue scientifique , 
29 janvier 1881. 

Luciani et Tamburini. — Recherche sperimeiUale 6uU funzioni del cer- 
vello : centri psycho-sensori corticali, Re^io Ërailia, 1870. 

* Déjerine. — In thèse (Skwortzoff, Cécité et surdité des mots dans 
l'aphasie^ p. 53.) 

» Broadbent. — Cérébral mechanism of thought and speech, {Med. chir, 
Trans., t. LV, 1872.) 

* Magnan. — Cécité des mots ou cécité psychique. (Compte rendu de la 
Société de Biologie. 5 mai 1883.) 

»Vernicke. — Der aphasische symptomen comptex. Breslau, 1874, 
p. 39. 

•Giraudeau. — Note sur un cas de surdité cérébrale» {Revue de Affîc/e- 
cine, 18820 

T Fritsch. — Wiener Medicinische Presse^ 1880. 



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352 CLINIQUE MENTALE. 

(service de Meynert) et le mien* qui désignent la partie 
moyenne de la première temporale ; enfin deux cas 
mixtes, de cécité et de surdité psychiques de Chauf- 
fard', et de d'Heilly et Chantemesse *, dans lesquels 
les deux régions sont atteintes. 

Deux fois, c'est une tumeur qui faisait les frais de 
la destruction ; la lésion bien circonscrite se trouvait 
limitée pour la cécité psychique au pli courbe (fait de 
Déjerine] et pour la surdité psychique à la partie 
moyenne de la première temporale (fait de Girau- 
deau). 

Dans un récent article du Progrès médical^ M. Ber- 
nard rapporte un cas de suppression brusque et isolée 
de la vision mentale des signes et des objets, qui a fait 
l'objet d'une importante leçon de M. Charcot. Dans les 
rêves, ce malade n'a plus comme autrefois la repré- 
sentation visuelle des choses, seule la représentation des 
paroles lui reste. « Le sens de la représentation inté- 
rieure me manquant absolument^ fait observer le 
malade, mes rêves se sont également modifiés. Aujour- 
d'hui, je rêve seulement paroles,tandis que je possédais 
auparavant dans mes rêves la perception visuelle. » 

La destruction du centre cortical qui recueille et 
conserve les images visuelles explique entièrement 
cette situation mentale nouvelle. Quand, au contraire, 
ce centre cortical se trouve excité, c'est l'inverse qui 
se produit, les images visuelles font les principaux 

* Magnan. — Aphasie, surdité des mots ou surdité psychique, (Compte 
rendu de la Société de Biologie, 12 mai 4883. 

« Chauffard. — Sur un cas de cécité et de surdité cérébrales. [Revue de 
Médecine, 10 novembre 4881.) 

■ D*HeiUy et Chantemesse . — Note sur un cas de cécité et de surdité 
verbales. (Bulletins de la Société anatoroique, avril, mai, juin 1882, p. 324.) 



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DES HALLUCINATIONS BILATERALES. 353 

frais des rêves. A l'état normal, en effet, si pendant 
le sommeil une lumière est approchée des yeux du 
dormeur, ou si des substances odorantes sont répan- 
dues auprès de lui, les centres corticaux visuels, olfac- 
tifs, sollicités par ces impressions donnent naissance 
à des images qui suivant leur caractère produisent un 
rêve ou un cauchemar. Les centres psychiques supé- 
rieurs sont au repos et Tautomatisme seul concourt à 
la production de ce phénomène. Dans certains états 
pathologiques, dans l'épilepsie par exmple, survien- 
nent des phénomènes analogues, seulement la cause 
excitante, au lieu d'être une impression extérieure, est 
une décharge centrale, qui du même coup annihile la 
conscience (région antérieure), et stimule au contraire 
les centres sensoriels de l'écorce (région postérieure). 

Dans ces conditions, le patient se trouve transformé 
en un véritable automate, agissant d'une façon incons^ 
ciente, poussé par les incitations de la région des 
centres sensoriels, à des actes, qui échappent au con- 
trôle supérieur momentanément voilé. 

Quelques mots encore sur les hallucinations unilaté^ 
raies qui par leur évolution et leurs caractères géné- 
raux ne diffèrent pas des hallucinations bilatérales dont 
nous venons de nous occuper. Si les hallucinations 
unilatérales se montrent au début d'un délire chro- 
nique, elles sont de nature pénible; elles sont expan- 
sives, au contraire, si elles interviennent à la période 
de systématisation et de transformation ambitieuse du 
délire ; en un mot elles suivent celui-ci dans sa marche 
progressive. D'autre part il n'y a nulle différence pour 
le siège et la genèse, et c'est encore aux centres senso- 
riels de l'écorce qu'il faut les rattacher. 

Archives, t. VI. 23 



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354 CLINIQUE MENTALE. 

Dans un travail sur les hallucinations unilatérales 
{Encéphale, 1881), M. le D' Régis a publié TobservatioD 
d'un malade atteint d'hallucinations unilatérales de 
l'ouïe avec otorrhée purulente, dont la guérison a été 
obtenue après un traitement efficace contre l'inflamma- 
tion de l'oreille. Ce fait prouve qu'une otite a pu faire 
développer des hallucinations chez un individu prédis- 
posé, en état de réceptivité morbide ; mais que cette 
prédisposition, suffisante pour entrer en action dès 
qu'elle était sollicitée par un stimulant étranger, restait 
latente dès que l'équilibre physiologique se trouvait ré- 
tabli. 

Des faits analogues sont nombreux en pathologie 
mentale sans qu'une filiation intime puisse être établie 
enlre la cause apparente et le phénomène obtenu. 

Si, chez un individu prédisposé, le froissement du 
nerf cubital devient pour le patient les morsures d'un 
animal qui ronge le petit doigt, sera-t-on en droit de 
soutenir qu'une irritation du cubital produit une halluci- 
nation du toucher? D'ailleurs, les hallucinations uni- 
latérales ne sont pas rares et sur quatre cas d'halluci- 
nations unilatérales de l'ouïe, que j'ai eu l'occasion 
d'observer récemment, une fois on notait de la dureté 
de l'ouïe et une hémiplégie faciale du même côté et 
trois fois l'oreille était intacte des deux côtés. Voici en 
quelques mots une de ces observations : 

Une femme, âgée de quarante-trois ans, après une 
phase délirante de persécution pendant laquelle, elle 
prétendait qu'on la poursuivait, qu'on l'injuriait, qu'on 
l'empêchait de travailler, qu'on faisait des expériences 
sur elle, qu'on la forçait à pousser des cris d'animaux, 
a commencé à p;*ésenter des idées ambitieuses. Elle a 



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DBS HALLUCINATIONS BILATÉRALES. 355 

subi, dit-elle, l'opération du Saint-Esprit, et elle va 
donner le jour à un fils aussi savant que le Christ. Dieu 
lui fait des révélations ; elle doit renouveler le rôle de 
Jeanne d'Arc, elle doit sauver la France. Dieu lui parle, 
mais seulement et exclusivement par Toreille droite, 
c'est un talisman qui va jusqu'au ciel. Il lui a ordonné 
de venir à Paris, et, guidée par le soleil, elle s'est 
mise en route. Elle doit gouverner, elle sera présidente 
de la République. 

L'ouïe est normale et la malade entend également 
bien des deux côtés. Au début de la maladie les hallu- 
cinations de l'ouïe étaient bilatérales, ses ennemis lui 
parlaient des deux côtés. 

En résumé : 

i"" Les hallucinations bilatérales de caractère diffé- 
rent, suivant le côté affecté, sont indépendantes d'une 
altération locale des organes périphériques ; 

V Elles ne diffèrent des autres hallucinations ni par 
leur mode d'apparition, ni par leur évolution, ni par 
leurs caractères généraux. Elles marchent parallèle- 
ment au délire lui-même; 

3° Elles sont une nouvelle preuve du dédoublement 
et de l'indépendance fonctionnelle des hémisphères cé- 
rébraux et elles désignent comme siège organique les 
centres sensoriels de l'écorce ; 

4"" Les expériences dans les différents états d'hypno- 
tisme de l'hystérie corroborent de tout point les résul- 
tats de la clinique. 



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RECUEIL DE FAITS 



CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE, LA DÉGÉNÉ- 
RESCENCE DES FAISCEAUX PYRAMIDAUX SE PROPAGEANT 
A TRAVERS TOUT L'ENCÉPHALE; 

Par M. le P' A. KOJEWNIKOFF (de Moscou). 



Le 7 septembre 1880, entra à la clinique des maladies ner- 
veuses Wassily Mennschof, cordonnier, âgé de vingt-neuf 
ans, atteint d'un dérangement dans les mouvements des extré- 
mités et en partie dans ceux du tronc. 

Anamnèse. — Le malade ne parait présenter aucune prédis- 
position aux maladies nerveuses ; mais, dès son enfance, il 
8*est trouvé dans de mauvaises conditions hygiéniques. Logé 
le plus souvent dans des caveaux humides, se nourrissant mal 
et insuffisamment, il était obligé de travailler beaucoup. Jeune 
encore, il se livra à Teau-de-vie, s'enivrait fréquemment et, 
dans cet état, prenait souvent froid, ou était maltraité par ses 
camarades. Dans sa dix-neuvième année, il s'adonna à l'ona- 
nisme et plus tard aux relations, par trop fréquentes, avec les 
femmes. 

De toutes les maladies ayant quelque rapport avec son état 
actuel, nous devons mentionner une uréthrite qu'il a eue à 
l'âge de dix-neuf ans ; cette maladie dura presque une année 
et fut accompagée d'une épididymite. A vingt-cinq ans il eut 
une seconde uréthrite, cette fois-ci beaucoup plus aiguë et 
plus intense, accompagnée d'un rétrécissement qui, persistant 
jusqu'à ce moment, cause une certaine difficulté d'uriner. Son 
mal actuel date du printemps de 1878, quand une nuit, au 
moment du co'lt, le malade ressentit un tremblement au pied 
droit ; le lendemain sa démarche était moins libre, son pied 
droit ne lui obéissant plus aussi bien ; ce malaise s'aggrava 
peu à peu, le tremblement du pied se répéta de temps en 
temps; parfois ce pied était pris d'une extension involontaire. 



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CAS DB SCLÉROSB LÀTBRALB AMYOTROPHIQUB. 357 

Au printemps de 1879, un dérangement pareil apparut dans 
le pied gauche, ce qui rendit la marche très pénible. Sur Tor* 
donnance d'un médecin, il s'appliqua plusieurs vésicatoires le 
long de la colonne vertébrale, et adopta un genre de vie beau« 
coup plus régulier, ce qui lui procura un soulagement remar- 
quable, mais passager. Bientôt après, le mal s'aggrava de 
nouveau; outre le dérangement dans les mouvements des 
extrémités inférieures, le malade commença à remarquer que 
les mouvements du tronc n'étaient plus aussi libres ; dès le 
printemps de 1880, les mouvements des extrémités supérieures 
devinrent aussi très gênés ; depuis cette époque jusqu'à l'en- 
trée du malade à l'hôpital, le mal parait avoir été stationnaire. 

Etat actuel (7 septembre 1880). — Le malade est grand de 
taille, mais d'une constitution débile^ la cage thoracique est 
faiblement développée ; le tissu sous-cutané contient peu de 
graisse ; les muscles offrent de même peu de développement. 
Le symptôme principal que présente le malade consiste en un 
dérangement dans les mouvements des extrémités inférieures 
surtout. Le malade peut encore marcher, mais avec une grande 
difficulté; sa démarche est très singulière : il rejette légèrement 
la partie supérieure du tronc en arrière, plie un peu les 
jambes aux articulations du bassin et du genou, et les avance 
avec beaucoup de peine ; les extrémités inférieures manquent 
évidemment de flexibilité. Le talon du malade ne touche pas 
le sol, tandis que la partie antérieure du pied glisse sur le 
plancher, le patient ne pouvant l'en détacher; la moindre 
irrégularité du sol peut le faire tomber. Pendant la marche, 
les jambes sont rapprochées, le bout des pieds est tourné en 
dedans, et chaque pas est accompagné d'un certain sautillement. 
La locomotion coûte à Mennschof de grands efforts, de sorte 
que, après avoir fait quelques pas, il est obligé de s'arrêter ; 
ce n'est qu'après un peu de repos qu'il peut se remettre en 
marche ; la fatigue et les émotions rendent ses mouvements 
plus difficiles et plus pénibles. Dans la position horizontale, le 
malade peut faire avec ses jambes toutes sortes de mouvements, 
quoique avec une certaine difficulté. L'examen démontre que 
la force des jambes est diminuée, mais peu sensiblement; la 
gêne des mouvements est produite principalement par la rigi- 
dité continue des muscles ; le malade le sent bien lui-même et 
se plaint d'avoir les pieds constamment comme serrés. Cette 
rigidité augmente pendant les mouvements, qu'ils soient 



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358 RECUEIL DE FAITS. 

passifs ou actifs; pendant les mouvements passifs, flexion ou 
extension, elle se manifeste par une grande résistance, et, pen- 
dant les mouvements actifs, elle devient si ihtense parfois que 
le malade ne peut la vaincre, il est obligé de laisser passer un 
certain temps avant de pouvoir exécuter un nouveau mouve- 
ment. De temps en temps, même pendant le repos, il se pro- 
duit dans les membres inférieurs de Mennschof une extension 
involontaire ; quelquefois aussi les jambes, plus souvent la 
droite, sont prises de mouvements convulsifs dans les muscles 
adducteurs do la cuisse, ce qui produit un croisement des jambes. 
Outre cela, tout grand effort, ou une position incommode, 
provoque dans les membres inférieurs des trépidations (épi- 
lepsie spinale) qu'on peut arrêter par la flexion forcée des 
orteils. Les muscles des extrémités inférieures sont peu déve- 
loppés, mais ne présentent aucun symptôme d'atrophie ; leur 
contractilité électrique est intacte; les réflexes cutanés sont 
normaux, tandis que les réflexes tendineux sont notablement 
exagérés : un léger coup sur les tendons, surtout sur les rotu- 
liens, provoque des mouvements très énergiques, accompagnés 
quelquefois de trépidation. 

On remarque aussi de la raideur dans les muscles du dos; 
ceux qui sont placés le long de la colonne vertébrale sont 
particulièrement tendus et rigides ; le malade se sent pour 
ainsi dire tiré en arrière. 

Les mouvements des extrémités supérieures présentent un 
dérangement analogue, mais à un degré beaucoup plus faible ; 
la force des bras n'a presque pas diminué ; tous leurs mouve- 
ments sont restés possibles ; par contre, les petits mouvements 
des doigts et des mains sont gênés par la rigidité des muscles, 
qui, quoique peu développés , ne présentent aucune trace 
d'atrophie ; leur contractilité électrique est normale, les réflexes 
tendineux sont exagérés. 

La sensibilité, étudiée avec le plus grand soin, est trouvée 
intacte sur tous les points et dans tous ses modes. Les fonc- 
tions des organes des sens et de Tintelligence sont de même 
normales. 

Les organes de la poitrine ne présentent aucun dérangement; 
les organes de la digestion fonctionnent régulièrement ; les 
urines sont normales et en quantité suffisante, mais la miction 
est un peu embarrassée, Turine sort en mince filet à cause 
d'une stricture, dont l'exploration a démontré l'existence. 



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CAS DB SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 359 

Le malade est resté à la clinique à peu près un mois (il en est 
sorti le 18 octobre 1880); pendant tout ce temps, il prenait du 
nitrate d'argent; en outre, on employa d'abord Télectrisation 
de la moelle épinière par le courant galvanique, puis on posa 
des vésicatoires le long de la colonne vertébrale. 

Aucun changement remarquable, sauf quelques fluctuations 
dans rintensité des symptômes morbides, ne survint pendant 
cette période; mais, vers la fin du séjour de Mennschof à 
Thôpital, les mouvements des extrémités supérieures et infé- 
rieures étaient devenus un peu plus libres. Bientôt après la 
sortie de la clinique, le dérangement dans les mouvements 
redevint le même, puis survint une toux qui ne cessa de 
s'aggraver. Vers la fin du mois de décembre de Tannée 1880, 
le malade eut pour la première fois une abondante hémoptysie ; 
il perdit plusieurs onces de sang (deux grands verres). Depuis 
ce moment jusqu'à la fin de sa vie, sa santé faiblit constamment; 
il fut obligé d'entrer à l'hôpital, il en changea à plusieurs 
reprises. Au mois de mai 1881, il eut le typhus, ce qui aggrava 
sensiblement la maladie de poitrine ; à la mi-juin se produisait 
une nouvelle hémoptysie; la faiblesse [générale, spécialement 
celle des jambes, augmentant à vue d'œil, il se vit obligé, le 
22 septembre 1881, d'entrer derechef à la clinique des maladies 
nerveuses. 

Etat actuel (22 septembre 1881). — Cette fois-ci, Menns- 
chof est tout à fait épuisé ; il a encore beaucoup maigri ; ce 
changement est dû principalement à la maladie de poitrine ; 
il tousse beaucoup et expectore d'abondants crachats mucoso- 
purulents. L'exploration de la poitrine montre l'existence 
d'une induration dans la partie supérieure du poumon droit ; 
la percussion rend un son mat; on trouve à l'auscultation un 
souffle bronchique, avec une grande quantité de petits râles 
sous-crépitants et de la bronchophonie ; au sommet du poumon 
gauche, il y a aussi de la matité et une expiration prolongée 
avec force râles muqueux fins ; en un mot, le malade présente 
tous les symptômes d'une phthisie pulmonaire très avancée. 
Etat général fébrile ; température variable, s'élevant, le soir, 
jusqu'à 39^ c; la nuit, sueurs profuses ; mauvais appétit ; soif; 
respiration accélérée ; le pouls a jusqu'à cent pulsations à la 
minute; peu de sommeil; légère constipation; l'écoulement 
des urines est, comme autrefois, entravé par la stricture men 
tionnée plus haut. La déglutition, l'articulation et la phona- 



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360 RECUEIL DE FAITS. 

tion^ ainsi que les fonctions psychiques et celles des organes 
des sens, sont restées tout à fait normales. 

Le malade est très faible ; il peut encore marcher, mais avec 
peine ; sa démarche a le même caractère qu*auparavant. Dans 
la position horizontale, il peut faire toutes sortes de mouve- 
ments avec les jambes, quoique leur force, surtout celle de la 
droite, soit évidemment diminuée. Le principal obstacle à la 
liberté des mouvements est, comme autrefois, la rigidité des 
muscles, rigidité qui à chaque effort augmente encore, surfout 
dans les muscles extenseurs des jambes; souvent ces dernières 
sont prises de trépidation. Pendant les mouvements passifs, on 
sent dans les articulations du genou et du pied la résistance 
des muscles. Les réflexes tendineux sont très exagérés : un 
coup sur le tendon rotulien provoque dans la jambe une se- 
cousse accompagnée de tremblement ; un choc sur d*autres 
tendons, ainsi que sur les muscles et le tibia, détermine aussi 
des contractions musculaires très prononcées ; les réflexes cu- 
tanés, au contraire, ne sont pas exagérés, car un coup sur la 
peau pliée, ou une piqûre d'épingle n'en produit pas du tout, 
le chatouillement de la plante des pieds n*en provoque que de 
légers. 

Comme tout le reste du corps, les muscles des extrémités 
inférieures sont considérablement émaciés ; mais on n*y re- 
marque aucun signe d'atrophie, leur contractilité électrique 
est normale. La sensibilité, dans tous ses modes, est intacte 
non seulement dans les jambes, mais encore sur toute la su- 
perficie du corps. Les mouvements des membres supérieurs, 
quoique possibles, sont gênés, particulièrement dans les doigts : 
cela provient de la rigidité musculaire. La force des mains, 
celle de la droite surtout, a considérablement diminué : la 
main gauche presse le dynamomètre jusqu'à 7â^, la droite n'at- 
teint que 65*. 

Les muscles des membres supérieurs, surtout ceux des 
mains, offrent un faible développement ; les éminences thénar 
et hypothénar ont beaucoup plus diminué de volume que les 
autres parties du corps ; il est évident que nous rencontrerons 
ici une atrophie musculaire; la contractilité de ces muscles est 
quelque peu affaiblie, tandis que, dans les autres muscles du 
corps, elle est intacte ; les réflexes cutanés de cette région ne 
sont pas exagérés^ tandis qu'un coup sur les tendons et les 
muscles provoque de brusques et amples mouvements. 



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CAS DE SCLÉROSE lATÉRALE AMTOTROPHIQUE. 36 1 

Mennschof vécut encore trois mois ; pendant cette période, 
il ne se produisit aucun changement essentiel dans le dérange- 
ment du système nerveux; seul, ramaigrlssement des muscles, 
comme celui de tout le corps du reste, faisait de rapides pro- 
grès; les mouvements réQexes provoqués par un choc sur les 
tendons ou les muscles, devenaient de plus en plus exagérés : 
on pouvait les produire, non seulement sur les extrémités, 
mais aussi sur le tronc, particulièrement sur les muscles de 
Tépaule et du cou (sur la face, ces réflexes ne se produisaient 
pas) ; les mouvements volontaires avaient conservé leur carac- 
tère ; la sensibilité était intacte. 

Mais l'aSèction des poumons fit de rapides progrès; la pneu- 
monie se propagea, il se forma des cavernes ; la fièvre prit un 
caractère hectique ; la température atteignait parfois W ; par- 
fois aussi, le malade avait des frissons, des sueurs profuses et, 
sans cause apparente, des diarrhées. 

Les derniers jours de la vie, la voix devient rauque et plus 
faible, mais Tarticulation et la déglutition se maintinrent in- 
tactes jusqu'à la fin. L'émaciation et Tafifaiblissement augmen- 
tant de plus en plus, Mennschof succomba le 23 décembre. 

Autopsié. — De toutes les lésions anatomiques constatées à 
Tautopsie qu'exécuta M. le prof. Klein, je ne décrirai en détail 
que celles qui se rapportent au système nerveux et aux mus- 
cles, ne faisant que mentionner brièvement les autres. 

Cavité thoracique, — Les deux feuillets pleuraux étaient 
fortement soudés des deux côtés; les poumons, surtout le droit 
qui était beaucoup plus volumineux, étaient parsemés d'une 
grande quantité de nœuds durs, de différente grandeur, dissé- 
menés dans le lobe inférieur du poumon gauche ou réu- 
nis en masse durcie dans le lobe supérieur du poumon 
droit. Les parties endurcies contenaient un grand nombre de 
cavernes, qui, variant de la grosseur d'un pois à celle d'une 
noix, communiquaient entre elles et étaient remplies d'un li- 
quide puriforme d'un jaune grisâtre. Dans les grosses bronches, 
on trouvait des bronchectasies cylindriques^et en forme de 
sac; les glandes bronchiques présentaient une dégénérescence 
caséeuse. 

Le cœur n'avait rien d'anormal. Sur la partie postérieure de 
l'épiglotte et, à la surface des ligaments vocaux inférieurs, se 
trouvait une large*ulcération tuberculeuse. La glande thyroïde 
avait légèrement' augmenté de volume. 



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362 RECUEIL DE FAITS. 

La membrane muqueuse de T^s/omao était épaissie et mame- 
lonnée. Dans la partie inférieure de i'intestin grêle, se trou- 
vait un grand nombre de tubercules caséeux et des ulcères tu- 
berculeux. 

Le foie, de dimension et de consistance normales, contenait 
dans son parenchyme brun-rougeâtre de nombreux tubercules 
miliaires. Le diamètre longitudinal de la rate avait légèrement 
augmenté et la consistance en était flasque. Sur la périphérie 
des reins se voyaient les indices de tuberculose disséminée ; 
dans une des pyramides de Malpigbi se trouvait un petit tuber- 
cule mou et transparent. Le fond de la ve$sie, légèrement dis- 
tendue, était d'un rouge-ardoisé. La prostate et les vésicules 
séminales étaient intactes. 

La forme du crâne était régulière, ses os ne présentaient 
aucune anomalie ; les membranes du cerveau étaient saines. 

Le cerveau, à l'examen extérieur, ne présentait aucune mo- 
dification ; les circonvolutions étaient normales et bien déve- 
loppées. A la base du cerveau, quelques artères étaient athéro- 
mateuses. Le cerveau, ainsi que le bulbe, furent mis dans une 
solution de bichromate de potasse, en vue d'un examen ulté- 
rieur. Il n'y avait rien d'anormal dans le cervelet. Les os du 
rachis ne présentaient aucune altération ; la dure-mère de la 
moelle épinière était intacte, la pie-mère bien ténue et trans- 
parente ; sur la surface postérieure, on trouvait quelques pla- 
ques calcaires ; le plexus veineux était rempli de sang. La forme 
et la grandeur de la moelle épinière étaient normales; sa con- 
sistance était un peu molle, surtout dans la partie thoracique ; 
sur les coupes transversales, on voyait clairement que les fais- 
ceaux latéraux avaient une teinte grisâtre qui les distinguait du 
reste de la substance blanche. La substance grise^ dans la par- 
tie thoracique, avait une teinte rougeâtre, comme si elle eût 
étéhyperémiée. 

A l'œil nu, les racines des nerfs spinaux paraissaient être nor- 
males ; il faut excepter les racines antérieures du cou, qui étaient 
plus fines et d'une légère teinte grisâtre ; les nerfs périphériques 
des extrémités ne présentaient également aucune modification. 

La majorité des muscles du tronc et des extrémités avaient 
un aspect normal quoique, en vertu de l'émaciation de tout le 
corps, ils fussent maigres et secs : les muscles des mains, au 
contraire, et surtout ceux des éminences thénlir et hypothénar 
étaient visiblement atrophiés, pâles et flasques. 



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CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPHTQUE. 363 

Examen MICROSCOPIQUE. — En dissociant des fragments de 
la moelle épinière à rétat frais ou après une macération dans 
une faible solution de bichromate de potasse, on trouvait une 
grande quantité de corps granuleux. Un examen minutieux 
démontre que ces derniers ne se trouvaient que dans les fais- 
ceaux latéraux ; dans les autres parties de la moelle -r- fais- 
ceaux postérieurs et antérieurs et substance grise — il n y en 
avait pas du tout ; mais dans les faisceaux latéraux, ces corps 
granuleux étaient en très grand nombre tout le long de la 
moelle, de la partie lombaire jusqu'au bulbe. En même temps 
on s'assura que la myéline, dans les fibres nerveuses des fais- 
ceaux latéraux, avait diminué. Ces corps granuleux étaient dis- 
posés dans les faisceaux latéraux des deux côtés d'une manière 
tout à fait symétrique, et en quantité à peu près égale & gauche 
et adroite; leur nombre diminuait graduellement de haut en 
bas. Quelques-uns des vaisseaux delà moelle épinière conte- 
naient dans leurs espaces périvasculaires une telle quantité de 
gouttelettes de graisse, que, dans certains endroits, ils parais- 
saient noirs. Ainsi, cette première investigation nous prouva 
que nous avions à faire à une dégénérescence symétrique des 
colonnes latérales de la moelle épinière, ce qui fut en tout 
point confirmé par l'examen des coupes de la moelle durcie. 
Sur les coupes transversales colorées par le carmin ou le picro- 
carmin, puis éclaircies, on voyait clairement que la dégénéres- 
cence suivait la moelle épinière dans toute sa longueur presque 
symétriquement des deux côtés, et occupait la place caractéris- 
tique, c'est-à-dire la partie postérieure des colonnes latérales ; 
l'espace occupé par la dégénérescence diminuait graduellement 
de haut en bas. Ainsi, dans la portion cervicale, la partie dégé- 
nérée se présentait de chaque côté sous la forme d'un triangle, 
dont la base était tournée vers la périphérie de la moelle, mais 
ne l'atteignait pas, en étant séparée par une couche de fibres 
nerveuses normales (directe kleinhirn-seitenstrang-bahnen de 
Flechsig) ; le sommet se dirigeait vers la substance grise, mais 
ne la touchait pas non plus ; le côté postérieur de ce triangle 
confinait par sa partie externe à la corne postérieure ; sa par- 
tie interne était un peu distante de la substance grise ; le côté 
antérieur du triangle ne se dessinait pas aussi nettement ; sa 
coloration diminuait graduellement, atteignait langle externe 
de la corne antérieure, et la dépassait môme un peu. Dans la 
partie thoracique, la dégénérescence occupait la même place 



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361 RBCUBIL DE FAITS. 

et se présentait de même sous la forme d'un triangle ; seule- 
ment ses dimensions en avant étaient moindres que dans la 
partie cervicale ; ici, de même que la base de ce triangle n'attei- 
gnait pas la périphérie de la moelle, la partie antérieure n'é- 
tait pas non plus aussi nettement dessinée que la partie posté- 
rieure. 

Enfin, dans la partie lombaire^ la dégénérescence occupait 
encore moins de place ; elle représentait de même un triangle, 
dont la base atteignait ici la périphérie de la moelle, le som- 
met étant tourné vers la substance grise, dont il était un peu 
séparé; du reste, dans cet endroit les limites de la dégénéres- 
,cence n'étaient pas bien dessinées. En un mot, la dégénéres- 
cence des colonnes latérales occupait dans notre cas la place 
qui a été si souvent notée dans les cas de sclérose latérale amyo- 
irophique. Tout le reste de la substance blanche de la moelle 
(il sera question plus tard de la substance grise) dans les fais- 
ceaux antérieurs et postérieurs ne présentait rien d*anormal 
tout le long de la moelle épinière, en sorte que, même dans sa 
portion cervicale, la partie interne des faisceaux antérieurs 
(faisceaux de Tûrk) était intacte (ce qui nous fait penser que 
nous avions affaire à un entrecroisement complet des pyra- 
mides). Ainsi, c'étaient les faisceaux pyramidaux qui étaient 
atteints et l'examen ultérieur a démontré que leur dégénéres- 
cence existait non seulement dans toute la moelle épinière, 
mais aussi dans le bulbe et le cerveau proprement dit. 

Dans le bulbe, la dégénéresence allait le long des pyramides ; 
les coupes transversales faites à différentes hauteurs dans le 
bulbe durci ont clairement démontré que les pyramides étaient 
fortement altérées, dans toutes leurs dimensions; mais la dé- 
générescence n'atteignait que les pyramides seules, toutes les 
autres parties du bulbe étant dans un état parfaitement 
normal'. 

Dans la protubérance, comme l'on pouvait s'en assurer en 
examinant les coupes tranversales à l'état frais, la dégéné- 
rescence allait le long de la moitié antérieure (inférieure) en 
suivant les fibres longitudinales; il s'y trouvait une grande 
quantité de corps granuleux, disposés symétriquement, et en 

Cette dégénérescence étendue sur toute la surface des coupes des 
pyramides conûrme encore ropiiiioD que nous avons émise plus haut du 
complet entrecroisement de leurs libres dans notre cas. 



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CAS DB SCLÉROSB LATBRALB ÂMYOTROPHIQUB. 365 

quantité égale à droite et à gauche, tandis que, dans la partie 
postérieure (supérieure) de la protubérance, on n'en trouvait pas 
du tout. Dans les pédoncules du cerveau [crura cerelnn), il y 
avait de même une grande quantité de corps granuleux ; en 
examinant minutieusement, il était possible de déterminer assez 
exactement la région occupée par ces corps. Ainsi, on n'en trou- 
vait que dans le pied du pédoncule, tandis qu'il n'y en avait ni 
dans la calotte {tegmentum), ni dans la substance noire de 
Soëmmering. Même dans le pied du pédoncule, ils occupaient 
une place strictement limitée : sur une coupe faite par le milieu 
du pédoncule perpendiculairement à la direction de ses fibres 
cette place présentait la forme d'une trapèze ; ce dernier occu- 
pait à peu près le tiers moyen du pied du pédoncule, en s'in- 
clinant un peu du côté extérieur; sa base étroite touchait à la 
substance noire de Soëmmering, tandis que sa grande base 
atteignait la périphérie du pédoncule. Dans les deux pédon- 
cules^ la place occupée par les corps granuleux était parfaite- 
ment symétrique. 

Malheureusement nous n'avons pu déterminer avec plus de 
précision les limites de cette dégénérescence, car il était im- 
possible de faire des coupes transversales dans les pédoncules 
durcis : la partie dégénérée devenue friable s'émiettant sous le 
rasoir. 

Dans notre cas, la dégénérescence des faisceaux pyramidaux 
allait donc de l'extrémité inférieure de la moelle épinière, sans 
interruption aucune jusqu'aux hémisphères du cerveau. Main- 
tenant une question très intéressante et fort importante se pré- 
sentait : dans quel état se trouvaient les hémisphères du cer- 
veau? la dégénérescence s'y propageait-elleî et, dans ce cas, 
quelle direction y suivait-elle? Pour résoudre ces questions, on 
fit dans les deux hémisphères, pendant qu'ils étaient encore 
assez mous, plusieurs coupes horizontales. On s'assura que 
nulle part, dans l'un ou l'autre hémisphère, il n'y avait d'alté- 
ration macroscopique ; la surface de chaque coupe présentait un 
aspect tout à fait normal. 

Nous primes dans différentes parties de chaque coupe de 
petits morceaux delà substance cérébrale et nous les soumîmes 
à l'examen microscopique ; celui-ci montra que dans plusieurs 
endroits, strictement déterminés et délimités, se trouvaient une 
plus ou moins grande quantité des corps granuleux^ indices de 
la dégénérescence des éléments nerveux, tandis que, dans tous 



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366 RBCUBIL DE FAITS. 

les autres endroits du cerveau, on n'en trouvait pas un seul. 
Dans les deux hémisphères ces corps se trouvaient à des places 
parfaitement symétriques et identiques; des deux cotés, ils 
étaient en quantité presque égale, à peine un peu plus nom- 
breux du côté droit. Les points où se trouvaient les corps granu- 
leux ont été notés avec une grande précision sur des dessins 
représentant exactement les coupes étudiées; on y a aussi noté 
la quantité respective de ces corps à chaque endroit. Les dessins 
ci-joints, choisis entre tous, représentent tantôt Thémisphère 
droit, tantôt Thémisphère gauche, vu que les corps, granuleux 
y étaient disposés tout à fait symétriquement. La place des 
corps granuleux est indiquée par de petits cercles et la quantité 
plus ou moins grande par la teinte plus ou moins foncée de ces 
cercles. 

La figure i (PL YI) représente une coupe horizontale de 
rhémisphère gauche, coupe faite au niveau du bord inférieur 
de l'opercule ; on voit sur cette coupe les gros ganglions du cer- 
veau et entre eux la capsule interne'. Les corps granuleux se 
trouvaient ici en très grande quantité, mais sur un espace très 
limité, précisément dans la moitié postérieure de la capsule 
interne entre la couche optique et le noyau lenticulaire ; en 
divisant la moitié postérieure de la capsule en quatre parties 
égales, on voyait que le troisième quart en partant du genou 
de la capsule était seul occupé par les corps granuleux. Malgré 
de nombreuses recherches, on n'a trouvé de ces corps dans au- 
cune autre partie de la capsule, ni dans aucun autre point de 
cette coupe. Dans les coupes supérieures, les corps granuleux 
occupaient une surface de plus en plus étendue, mais leur nom- 
bre sur un espace déterminé devenait de plus en plus petit. 

La figure 2 (PI. VI) représente une coupe de Thémisphère droit 
faite à un centimètre et demi plus haut que la précédente et tra- 
versant le noyau caudé. Les corps granuleux qui ne se trou- 
vaient que dans la substance blanche, y occupaient une région 
voisine de la partie postérieure de la limite externe du noyau 
caudé, vis-à-vis des circonvolutions centrales. Sur la coupe 
faite à un centimètre plus haut que la précédente {fig.3^ PI. VU, 

^ Accidentellement, cette coupe ne s'est pas faite tout à fait horizonta- 
lement, mais avec une légère inclinaison d'aiTière en avant, de sorte que 
la coupe touche par derrière le splenium et que par devant elle passe 
au dessous du genou du corps calleux; les autres coupes se firent parai* 
lèlement ù la première* 



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CAS DE SCLÉROSE LATERALE AMYOTROPUIQUE. 367 

hémisphère droit) les corps granuleux étaient disséminés sur 
un espace encore plus grand que dans la seconde coupe ; ils se 
trouvaient exclusivement dans la partie moyenne de cette sur- 
face; ils étaient plus nombreux dans lu portion interne; de là, 
toujours en moindre quantité, ils se propageaient des deux 
côtés de la scissure de Rolando ; en avant de ce sillon, c'est-à- 
dire dans la circonvolution frontale ascendante, il y eu avait 
beaucoup plus qu'en arrière (dans la circonvolution pariétale 
ascendante); et même dans la première de ces circonvolutions, 
il n'y en avait que dans la partie qui confine à la scissure de 
Rolando. 

La figure 4 (PI. VII) représente une coupe de l'hémisphère 
gauche, faite à un demi-centimètre plus haut que la précédente : 
ici les corps granuleux se massaient encore plus à l'extérieur, 
c'est-à-dire des deux côtés de la scissure de Rolando ; ils 
étaient en beaucoup plus grande quantité dans la circonvolu- 
tion centrale antérieure que dans la circonvolution centrale 
postérieure ; dans l'une, comme dans l'autre, on n'eu trouvait 
que dans la partie avoisinant la scissure de Rolando. 

La figure 3 (PI. VIII) correspond à une coupe de l'hémisphère 
droit faite à un demi-centimètre environ plus haut que la précé- 
dente, de sorte que la partie supérieure de l'hémisphère qui fut 
enlevée n'avait que trois quarts de centimètre d'épaisseur; on 
y voit que la surface occupée par les corps granuleux était de 
nouveau moindre ; ils se trouvaient exclusivement dans la cir- 
convolution centrale antérieure, en partie près de la scissure 
de Rolando, en partie^ dans la région moyenne de la circon- 
volution. 

Nous n'avons pu trouver un seul corps granuleux dans la 
substance grise des circonvolutions, centrales ou autres; des 
coupes faites, après le durcissement, dans les circonvolutions 
centrales et les parties avoisinantes, ont démontré que la subs- 
tance grise n'y présentait aucune modification. 

La présence des corps granuleux dans ces endroits déter- 
minés des hémisphères nous prouva que nous avions devant 
nous le même processus morbide que celui de la moelle épinière 
et du bulbe, c'est-à-dire une dégénérescence des fibres nerveu- 
ses. Que cette altération n'était pas secondaire, mais bien 
protopathique, cela était prouvé par l'absence complète de 
toute autre modification pathologique dans le cerveau et sur- 
tout par la disposition symétrique de la dégénérescence dans 



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368 RBCUEIL DE FAITS. 

les deux hémisphères ; dans Tencéphale, comme dans la moelle 
épinière, nous nous trouvons en présence d'une sclérose symé- 
trique primitive. Gomme cette dégénérescence montait sans in- 
terruption aucune du pédoncule du cerveau à travers tout 
l'hémisphère jusqu'à son écorce, on peut en conclure que les 
fibres dégénérées vont aussi sans interruption aucune à travers 
tout l'hémisphère qu'elles y constituent le prolongement des 
mêmes faisceaux pyramidaux, qui descendent sans interruption 
des hémisphères cérébraux à travers les pédoncules, la pro- 
tubérance, le bulbe et toute la moelle épinière. 

Outre l'altération des faisceaux pyramidaux, on pouvait ob- 
server chez notre sujet quelques modifications, peu graves du 
reste de certains muscles, des nerfs périphériques et de la subs- 
tance grise de la moelle épinière. Quant aux muscles, on voyait 
déjà du vivant de M... que ceux des mains, et particulièrement 
ceux des éminences thénar et hypothénar, étaient atrophiés ; 
l'autopsie n'a fait que le confirmer. L'examen microscopique, par 
dissociation ou par coupes transversales, a démontré que les 
musclesles plus atrophiés étaient les interosseux des deux mains, 
et ceux des éminences hypothénar et thénar; les muscles de la 
surface externe de Tavant-bras étaient aussi atteints, mais très 
faiblement. Les autres muscles des extrémités supérieures et 
inférieures ne présentaient aucune modification. Dans les 
muscles atrophiés, on rencontrait parmi des fibres tout à fait 
normales quelques fibres très amincies; dans quelques-unes 
de ces dernières, la substance contractile avait un aspect granu- 
leux; dans certains endroits on pouvait remarquer une aug- 
mentation du nombre des noyaux musculaires; dans d'autres 
fibres le sarcolemme était rempli d'une grande quantité de 
noyaux, sans trace de substance contractile. Partout d'ailleurs, 
même dans les muscles les plus atteints, le nombre des fibres 
normales était beaucoup plus grand que celui des fibres 
modifiées. 

L'examen de morceaux des nerfs médian et cubital, pris sur 
l'avant-bras, a montré que l'immense majorité de leurs fibres 
étaient à l'état normal, mais, par la dissociation, on en trouva 
quelques-unes de modifiées ; elles étaient très amincies à la 
suite delà diminution de la myéline, paraissait-il; dans d'au- 
tres, la gaine de myéline était par places interrompue; de quel- 
ques autres fibres il ne restait que la gaîne de Schwann, avec 
une petite quantité de gouttelettes de myéline. 



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CAS DB SCLEROSE LATERALE AMYOTROPUIQUB. 3(>9 

Le névrilemme ne présentait aucune modification ; en géné- 
ral le procès morbide dans les nerfs périphériques était très 
peu prononcé, ne présentant, semblait-il^ qu'une simple atro- 
phie des filets nerveux. De toutes les racines des nerfs spinaux, 
il n'y avait que les racines antérieures des nerfs cervicaux in- 
férieurs qui présentassent quelques modifications: à Tœil nu, 
elles étaient un peu amincies et avaient une teinte grisùtre ; 
l'examen microscopique y montra les mêmes modifications que 
dans les nerfs médian et ulnaire, c* est-à-dire une atrophie en 
général très peu prononcée et limitée à quelques fibres ner- 
veuses seulement. 

La substance grise de la moelle épinière a été très soigneu- 
sement examinée, soit sur des coupes transversales, soit par la 
dissociation de petits morceaux de la moelle encore fraîche ; 
dans les cornes antérieures de la partie cervicale, quelques- 
unes des cellules nerveuses avaient subi les modifications pa- 
thologiques suivantes : elles ne se coloraient plus par le carmin 
et ses analogues ; elles contenaient trop de pigment ; quelques- 
unes d'entre elles ofiFraient une forme anormale arrondie, et 
semblaient privées de prolongements; dans quelques autres 
le noyau n'était pas visible, ou ne l'était qu'à peine ; enfin de 
quelques cellules il ne restait qu'un amas de pigment. Il est à 
remarquer que le nombre des cellules ainsi modifiées était insi- 
gnifiant relativement à celui des cellules normales. Le reste de 
la substance grise dans la portion cervicale était complètement 
normal ; la névroglie dans cette région était de iiiôme intacte. 
Dans les régions thoracique et lombaire, la substance grise de 
la moelle épinière n'était pas modifiée. * 

Nous voyons donc que les altérations pathologiques de cette 
dernière catégorie, c'est-à-dire les altérations de la substance 
grise de la moelle épinière, des racines antérieures, des nerfs 
périphériques, ainsi que celles des muscles, étaient beaucoup 
moins prononcées que celles des faisceaux pyramidaux, ce qui 
était, du reste, en harmonie complète avec les manifestations 
cliniques. La substance grise du bulbe était de môme tout à fait 
indemne ; les cellules qui constituent le noyau du nerf hypo- 
glosse semblaient elles-mêmes être normales et en nombre 
complet. 

A la suite de Texamen des phénomènes cliniques et anato- 
mopathologiques que présentait notre sujet, nous sommes bien 
convaincu qu'il était atteint de cette forme morbide que M. le 

AncHivEs, t. VI. 24 



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370 KKCU1£1L DK FAIT;». 

professeur Gharcot a décrit sous le nom de sclérose latérale 
amyotrophique K Seulement, le cas présentait plusieurs parti- 
cularités: ainsi, les phénomènes amyotrophiques n*apparurent 
que vers la fin de la vie de noire sujet et ne furent jamais très 
prononcées ; pendant longtemps la maladie ne se manifesta 
que par des symptômes de dérangement des mouvements vo- 
lontaires, c'est à-dire par une faiblesse parétique accompa- 
gnée de phénomènes spasmodiques ; les symptômes bulbaires, 
si communs dans cette maladie n'existaient mémo pas. Cette 
dernière circonstance peut s'expliquer par le fait que la mala- 
die n'atteignit pas son complet développement, ayant, pour 
ainsi dire, été coupée par la phthisie qui emporta le patient. 
Si ce dernier eût vécu plus longtemps, il est très probable que 
l'atrophie aurait progressé et que les symptômes bulbaires se 
seraient manifestés ; d'ailleurs, dans la description de plusieurs 
cas faite par quelques auteurs, nous voyons que l'atrophie 
musculaire et les dérangements du bulbe ne s'observent que 
pendant la dernière période de la maladie, c'est-à-dire long- 
temps après les désordres dans les mouvements volontaires. 
Quoiqu'il en soit, notre cas et ceux qui lui ressemblent parais- 
sent prouver que le processus morbide commence dans les fibres 
nerveuses qui constituent les faisceaux pyramidaux et ne passe 
que plus tard dans la substance grise ; en effet, nous avons trouvé 
un procès largement distribué et très prononcé dans la substance 
blanche des centres nerveux et de fort légères altérations dans 
la partie grise de la moelle épinière. 

Mais le principal intérêt que présentait notre cas consiste, à 
notre avis, en ce que la dégénérescence des faisceaux pyrami- 
daux se propageait à travers tout l'encéphale, jusqu'à son 
écorce; serait-ce un cas isolé ou bien un |)hénomène inhérent 
à la sclérose latérale amyotrophique ? C'est ce que les obser- 
vations ultérieures démontreront. Quoique la majorité des ob- 



« Les phénomènes morbides étaient, du vivant môme de notre malade, 
si nettement prononcés que déjà, pendant son premier séjour à la cli- 
nique, nous avons pu diap^nostiquerla sclérose des colonnes latérales de 
la moelle épinière. Un seul point était indécis : nous ne savions si nous 
avions devant les yeux un cas de sclérose amyotrophique pas encore 
complètement dévdoppée ou un cas de tahes spasmodique nvec altéra- 
tion des colonnes latérales seules. Pendant le second séjour de Mennscbof 
à la Clinique, lorsque Tatrophie des muscles de la main se déclara, nous 
démontrâmes à MM. les étudiants que nous avions à nous occuper d*uii 
cas de sclérose latérale amyotrophique. 



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CAS DE SCLBUOSE L/VTÉRALE AMYOTROPHIQUE. o71 

servateurs admette la possibilité d'une propagation semblable', 
jamais^ à notre connaissance, la description de cette dégéné- 
rescence des faisceaux pyramidaux à travers tout l'encéphale, 
n'a été faite. A la vérité, MM. Kahler et Pick* émettent l'opi- 
nion que, dans un des cas étudiés par eux, la dégénérescence 
des faisceaux pyramidaux passait à travers tout l'encéphale : 
ils se basaient, d'un côté, sur la possibilité de suivre la dégé- 
nérescence h travers toute la moelle épinière, le bulbe, la pro- 
tubérance et les pédoncules du cerveau et, d'autre part, sur 
l'existence d'une atrophie des circonvolutions centrales'; mais 
au fond, ce n'était guère qu'une supposition, le cerveau 
n'ayant pas été exploré *; dans le cas de MM. Kahler et Pick, il 
n'est pas prouvé qu'il existât une relation quelconque entre 
l'atrophie des circonvolutions centrales et la sclérose des fais- 
ceaux pyramidaux. Dans notre cas, on pouvait démontrer avec 
la plus grande exactitude que la dégénérescence passait sans 
interruption à travers toute la moelle épinière, le bulbe, la 
protubérance, les pédoncules du cerveau, la capsule interne 
et tout l'hémisphère jusqu'à l'écorce de ce dernier; mais il 
nous est impossible de déterminer dans quelle partie de ce 
long trajet la maladie s'est déclarée : a-t-elle commencé dans 
la moelle épinière en suivant une marche ascendante ? Est- 
elle apparue dans les hémisphères et descendue de là dans la 
moelle épinière ? Cette dernière supposition nous paraît la 
plus plausible, car les altérations pathologiques des hémis- 

ï J.-M. Charcot {Leçons sur les localisations cérébrales^ p. 405) ; « Enfin 
le desideratum qui manquait encore à la description anatomique de la 
sclérose amyotrophique. à savoir la prolonj^ation pédonculo-cérébrale de 
la sciéroiie latérale, vient d'être rempli par MM. Pick et Kililer, dans 
l'observation, etc. » — Flechsig (Ueber System Erkrankun<ren im Hûcken- 
mark [Archiv der Heilkunde^ XIX, Jahrgangr, p. 74) : « Leidcr ist es in 
Folge dessen anch ungewiss, wo die in Frappe stehende slrangformige 
Degeneralion der Pyramidenbahnen ilir obères Ende erreicht. Es spricht 
vorder Uand nichts gegen die Ansiclit, dass dies erst in der Hirnrinde 
geschiet. » 

*Prag, Vierleljarh.y Bd. 141 und 142; Se()aratabdriick 1879, p. 157. 

* Loc. cit., p. 167. Endlich glaiiben wir kaum aiif Wiederspruch zu 
stossen. wenn wir die macroskopisch nacligevviesene Atrophie der Cen- 
tral windungen als Bewees fur die Ausbreitung der Processes inden Pyra- 
midenbahnen durch die innere Kapsel und die St<ibkranzfaserung bis zur 
Grosshirnrmde auffnhren. 

* Loc. cit., p. 166. Der Rest der Gehirns ging leider fdr die miscrosko- 
pische Untersuchung verloren. 



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372 RECUEIL DE FAITS. 

phères etde la moelle épinière offraient le même développe- 
ment et étaient de môme ancienneté. 

Donc, si les Qbres des hémisphères, dont nous avons constaté 
la dégénérescence, constituent en effet la continuation des 
faisceaux pyramidaux de la moelle épinière (ce dont on ne 
peut guère douter), notre cas offre une nouvelle preuve que 
les faisceaux pyramidaux vont des pédoncules cérébraux à tra- 
vers la capsule interne et à travers tout l'hémisphère jusqu'à 
l'écorce de ce dernier sans s'interrompre dans les grands gan- 
glions; il peut servir à déterminer quelle direction ces fibres 
prennent dans l'encéphale. Ce dernier fait est d'autant plus 
important que ce que nous connaissons sur cette direction se 
réduit à fort peu de chose ; à ce que nous croyons, il n'existe, 
pour la déterminer, qu'une preuve positive : ce sont les résul- 
tats auxquels est arrivé M. Flechsig dans ses investigations sur 
le développement des centres nerveux ; encore Flechsig ne 
parle-t-il qu'avec une certaine indécision*. Jusqu'à maintenant 
la direction de ces fibres dans le cerveau d'un adulte est com- 
plètement inconnue. 

En étudiant dans notre sujet cette direction, nous avons 
trouvé les données suivantes: En entrant des pédoncules du 
cerveau dans les hémisphères, les faisceaux pyramidaux vont, 
sous la forme d'un faisceaux compacte dans la capsule ; ils 
occupent le troisième quart de la partie postérieure de la cap- 
sule en comptant du genou et se trouvent entre la couche 
optique d'un côté et le deuxième et en partie le troisième 
(externe) segment du noyau lenticulaire de l'autre. En mon- 
tant, ils tournent le noyau caudé dans son tiers postérieur; 
puis, divergeant de plus en plus, se dirigent vers l'extérieur et 
quelques-uns atteignent, à peu près à la hauteur moyenne des 
hémisphères, la substance grise qui constitue le fond et les pa- 
rois latérales du sillon de Rolando. D'autres fibres, montant 
encore plus haut, suivent les courbes des hémisphères en s'ap- 
prochant de plus en plus de la surface de ces derniers; elles 
restent toujours dans le voisinage du sillon de Rolando. Les 
dernières fibres, enfin, montent jusqu'au sommet des circonvo- 
lutions centrales. De cette manière, la direction de ces fibres 

*Ueber system Erkran^ngen im Rûckcmmark. {Archiv der Heilkundt;, 
XVIII, Jahrjîan^, p. 294.) Zur Anatomie iind Enlwipkelungsgeshichte der 
Leilniijîshahiipn ini Grossliirn des Meiischen. (Archiv fur Analoniie und 
EniwickelanysgeshichLc, 1881 .) 



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CAS DE SCLÉROSE LATÉRALE AMYOTROPHIQUE. 373 

représente un éventail ou plutôt une pyramide aplatie d'avant 
en arrière dont la base est formée par une certaine partie de la 
surface convexe des hémisphères et dont le sommet se trouve 
dans la capsule interne. (La fig, 6, Pl. VIII, représente schéma- 
tiquement la direction de ces fibres dans Tun des hémisphères 
du cerveau.) Comme il est plus que probable que ces fibres, 
atteignant dans un certain endroit la substance corticale grise, 
s'y terminent, nous pouvons envisager ces parties de la subs- 
tance grise comme contenant les centres de ces fibres. 

Dans notre cas, les fibres dégénérées n'atteignaient la subs- 
tance grise que dans la moitié supérieure des circonvolutions 
centrales, surtout dans la circonvolution antérieure; ime par- 
tie notable de ces fibres arrivait jusqu'au sommet de ces cir- 
convolutions. Mais il est évident que nous avions affaire à la 
dégénérescence d'une partie seulement des faisceaux pyrami- 
daux, car chez M..., les mouvements volontaires du cou, de la 
langue, de la face étaient normaux ; ceux des membres supé- 
rieurs étaient peu atteints, ceux du tronc un peu plus et ceux 
des membres inférieurs, quoique les plus gravement modifiés, 
n'étaient pas complètement anéantis. En conséquence de ce 
qui précède, nous devons admettre que les centres corticaux de 
ces mouvements atteints doivent se trouver dans la partie de 
l'encéphale vers laquelle se dirigeaient les fibres dégénérées, 
c'est-à-dire que les centres des mouvements des jambes, du 
tronc et, en partie, des extrémités supérieures se trouvent dans 
la substance grise, qui recouvre la moitié supérieure des cir- 
convulutions centrales, surtout de la circouvolution antérieure. 

Cette conclusion est en harmonie complète avec les re- 
cherches expérimentales de Hitzig, de Fcrrier et d'autres, et 
avec des faits pathologiques qui prouvent que les centres mo- 
teurs des extrémités se trouvent dans la partie supérieure de 
la zone motrice et que ceux de la face et de la langue sont dans 
la partie inférieure. Il est à présumer que ces centres occupent 
en général une surface beaucoup plus étendue que dans notre 
cas. Comme chez M..., les mouvements des extrémités infé- 
rieurs n'étaient pas complètement paralysés et que ceux des 
membres supérieurs n'étaient que très faiblement dérangés, 
nous pouvons présumer qu'une partie seulement des fibres qui 
dirigent ces mouvements était lésée, et que la surface occu- 
pée par les terminaisons des fibres dégénérées ne représentait 
qu'une partie de celle qu'occupent ces centres. 



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374 RRCURFL DE FAITS. 

Pour terminer, nous jugeons nécessaire d'attirer l'attention 
sur le fait suivant: En montant, plusieurs des fibres pyrami- 
dales des hémisphères rencontrent dès Tabord la substance 
grise qui constitue le fond et les parois du sillon de Rolando, 
et s'y terminent probablement; quelques autres seulement 
atteignent la substance grise qui recouvre la surface exté- 
rieure des circonvolutions ; il est évident alors que quelque 
processus morbide (ime tumeur, par exemple) qui n'agirait 
que sur la surface des hénfiisphères sans pénétrer dans la 
profondeur du sillon, pourrait ne produire aucun dérangement 
dans les mouvements, ou, s'il en produisait, ce ne serait qu'à 
un degré insignifiant, malgré Texistence d'altérations dans les 
circonvolutions centrales ; peut-être cette circonstance pourrait- 
elle expliquer certains cas pathologiques qui paraissent con- 
tredire la règle générale des localisations des fonctions dans 
Técorce du cerveau. En achevant cet article, je me fais un de- 
voir et un plaisir de témoigner ma plus sincère reconnaissance 
à M. leD' Wladimir Rolh, mon ancien chef de clinique, qui a 
bien voulu m'aider dans ce travail. 

Moscou, 15/27 mai 1883. 

EXPLICATION DES PLANCHES 

PLANCHE VI 

Fig. 1 . — Coupe horizontale de rhémisphère gauche immédiatement sous 

l'opercule, 
L. /"., Lobe frontal. 
L. t., Lobe temporal. 
L. oc,f Lobe occipital. 
Se, 8. Scissure de Sylvius. 
Ins.^ Insula de Reil. 
V. L, Ventricule latéral. 
N. c, Noyau caudé. 
N. /., Noyau lenticulaire. 
C. opt., Couche optique. 
Sp. c. c. Coupe du corps calleux. 
C. in. a.. Moitié antérieure de la capsule interne. 
C, in, p., Moitié postérieure de la capsule interne. 
X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 

Fig. 2. — Coupe horizontale de l'hémisphère droit à 1;2 centimètre environ 
plus haut que la précédente. 

l. f., rx)be frontal. 



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CA.S DE SCLBROSB LATERALE AMYOTROPHFQUB. 3 

L. oc. Lobe occipital. 

Se, S, a,, Rameau ascendant de la scissure de Sylvius. 

Se. pr., Scissure praecentrale. 

C. c. a., Circonvolution centrale antérieure (frontale ascendante). 

Se. R.j Scissure de Rolando. 

C. c. p., Circonvolution centrale postérieure {pariétale ascendante). 

Se. par.. Scissure interpariétale. 

Se. S. h.f Rameau horizontal de la scissure de Sylvius. 

C. c, Corps calleux. 

N, c,y Noyau caudé. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 



PLANCHR VII 

Fig. 3. — Coupe horizontale de V hémisphère droit à un eentimètre plus 
haut que la seeonde. 

L. /"., Lobe frontal. 

L. oc, Lobe occipital. 

Se. pr.. Scissure prœcentrale. 

C. c. a., Circonvolution centrale antérieure. 

.Se. R.f Scissure de Rolando. 

C. c. p., Circonvolution centrale postérieure. 

Se. par., Scissure interpariétale. 

Se. S. h., Rameau horizontal de la scissure de Sylvius. 

Se. t. 8 , Scissure temporale supérieure ou parallèle. 

C. c. c, Circonvolution du corps calleux. 

L, c, Lobule carré. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 

Fig. 4. — Coupe horizontale de V hémisphère gauche à Ijî, eentimètre 
environ plus haut que la troisième. 

L. /., Lobe frontal. 

C. c. c. Circonvolution du corps calleux. 

L, par., Lobule paracenlral 

L. c.. Lobule carré. 

Se. pr., Scissure praBcentrale. 

C. c. a. y Circonvolution centrale antérieure. 

Se. R., Scissure de Rolando. 

C e. p., Circonvolution centrale postérieure. 

Se, par., Scissure interpariétale. 

X, Place où ont été trouvés les corps crranuleux. 



PLANCHE VIÏI 

Fig. 5, — Coupe horizontale de P hémisphère droit à i;2 centimètre plus 
haut que la quatrième. 



L. f.. Lobe frontal. 

S. f. L, Sillon frontal I•^ 



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J 



376 REVUE CRITIQUE. 

Se. pr.f Scissure praecen traie. 

C. c. a.f Circonvolution centrale antérieure. 

Se, H., Scissure de Rolando. 

C. 0. p., Circonvolution centrale postérieure. 

Se. par.. Scissure interpariétale. 

C. fi\ /., Circonvolution frontale ^«. 

L. par, y Lobule paracentral. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 

Fig. Q.— Coupe frontale de l'hémisphère droit à travers la circonvolution 
cenlrule antérieure. 

Se. S.j Scissure de Sylvius. 
Ins., Insula de Reil. 
L. t.j Lobe temporal. 
A. m., Avant-mur. 
N. /., Noyau lenticulaire. 
C. A., Corne d'Ammon. 
C. opt., Couche optique. 
C. in., Capsule interne. 
C. c., Corps calleux. 
N. c, Noyau caudé. 

X, Direction des faisceaux pyramidaux indiquée schématiquement. 
X\ Fibres de ces faisceaux, qui se terminent au fond de la scissure 
de Rolando. 



REVUE CRITIQUE 



DU MÉRYCISME*; 
Par BOURNEVILLE et SÉGLAS. 

ÏV. — DU MÉRYCISMB CHEZ LES IDIOTS ET LES ALIÈNES. [Suité). 

Anatomie pathologique. — Nous avons essayé de démontrer 
plus haut que le mérycisme n'est pas un phénomène morbide : 
aussi ne faut-il pas s'étonner de trouver dans les quelques au- 

» Voir le n» 16, p. 86, et le n» 17, p. i47. 



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DU MÊRYCISMB. 377 

topsies de méricoles qu'on a pu faire une absence complète 
de lésions organiques. L'anatoinie pathologique ne peut guère 
nous fournir que des données sur des anomalies de confor- 
mation ou de structure de Torgane qui doit être regardé 
comme le siège du mérycisme, c'est-à-dire de l'estomac, encore 
ces données sont-elles bien vagues. 

Etan* lonnée l'identité presque complète du mérycisme et 
de la rumination des animaux, la première idée qui vient à 
Tesprit est de pousser plus loin Tanalogie, et Ton est enclin à 
s'imaginer que l'estomac des méricoles, par un vice bizarre de 
conformation, doit se rapprocher beaucoup de celui des mammi- 
fères ruminants. C'est ainsi que Salmutz, Bartholin, avaient 
supposé chez les mérycoles l'existence de plusieurs estomacs ; 
mais quand on a observé ces cas, ce n'était plutôt que des di- 
verticulum placés dans l'estomac et encore les individus n'é- 
taient pas mérycoles. L'autopsie n'a jamais montré rien d'anor- 
mal dans la conformation de l'estomac des individus atteints 
de mérycisme. Dans les Observations I, II, VIII, XV, ainsi 
que dans les suivantes, l'estomac était toujours unique, la ca- 
vité simple, sans diverticulum ni rétrécissements. 

La dilatation de testomac est peut-être l'état qu'on a le plus 
fréquemment observé à l'autopsie. Arnold en a vu trois cas; 
Peyer Ta aussi notée. (Obs. I.) Dans l'autopsie de l'individu qui 
fait le sujet de I'Observation XXIX on trouve que la grosse 
tubérosité de testomac était plus développée que d'ordinaire et 
en contact avec le diaphragme^ même à l'état de vacuité. 
La position de l'estomac, normale d'ailleurs, était plus verticale 
que de coutume ; en outre, le diaphragme était notablement 
épaissi. Nous ajouterons que Rossier a constaté sur le vivant 
cette dilatation de l'estomac. (Obs. XXVIII.) Bryand a trouvé 
le contraire dans l'observation suivante. {Biblioth.méd,, t. LU, 
p. 117.) 

Observation XXVI. — Anne Ferry, fiJle d*un tisserand, eut à l'âge 
de quinze mois la coqueluche qui dura pendant quatre mois. A 
cette époque, ses parents aperçurent quelques symptômes dHmbé- 
eillitéy qu'ils n'avaient point encore remarqués. A onze ans, elle 
pouvait rejeter à volonté par la bouche les aliments que conte- 
nait son estomac ; mais cette faculté fut accompagnée au bout de 
quelques mois, de toux, de dyspnée, de maigreur, qui firent des 
progrès rapides et se terminèrent par la mort. 

Autopsie. — Léger épanchement d'un fluide jaunâtre entre la 



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378 ur.vuR critique. 

dure-mère et Tarnchnoïde ; vaisseaux de la pie-mère engorg-és ; 
plaques nombreuses de lymphe coagulée sur la surface du cervelet; 
épanchement semblable des ventricules droit et gauche ; poumons 
remplis de tubercules ; adhérences de la plèvre costale, ^tomac 
très contracté; muscularité du, }yyhre évidemment augmentée; quantité 
considérable de lymphe coagulée à la surface des intestins 
grêles; pancréas très volumineux, dur, comme cartilagineux. 

La « muscularité » plus développée du pylore, à laquelle l'au- 
teur attribue la faculté de rumination, n'a été notée que dans 
ce seul cas. Nous en rapprocherons TObservation II où l'œso- 
phage a été trouvé très épaissi, et I'Observation XXIX où la 
même remarque fut faite à propos du diaphragme. 

D'un autre côté, M. Hill a publié dans son Fssat sur les 
moyens de prévenir et de guéinr raliénation mentale^ un 
exemple de mérycisme. Le malade ayant succombé à une 
attaque cfépilepsie, Y on a remarqué, à l'ouverture de son cadavre, 
que l'estomac avait une ténuité extrême et que les rides de la 
membrane muqueuse étaient entièrement usées. Ajoutons que 
les deux autopsies de mérycoles que nous avons pratiquées ne 
nous ont donné que des renseignements négatifs. 

En résumé, absence de vices de conformation et dilatation 
de l'estomac, tels sont les deux points mis en relief par les au- 
topsies. Quant au développement exagéré du système muscu- 
laire des organes de la digestion, invoqué comme cause du 
mérycisme, nous ne pouvons guère, d'après les recherches sur 
le cadavre, l'ériger en principe. D'un autre côté, si les phéno- 
mènes de rumination n'avaient été observés que chez des 
idiots, on eut pu se croire autorisé à former l'hypothèse d'une 
cause cérébrale; mais le grand nombre de faits observés chez 
des gens sains d'esprits réduit à néant cette idée. Il résulte de 
toutes ces considérations que l'on se trouve réduit à n'admettre 
comme principe du mérycisme qu'une disposition nerveuse, 
particulière, susceptibilité exagérée de la muqueuse stomacale, 
d'après Gambay; à en faire, en un mot, avec les auteurs que 
nous citions tout à l'heure, et en attendant mieux une névrose 
de la digestion. 

Symptômes et mécanisme, — Avant d'aborder l'étude de 
l'acte du mérycisme, il nous paraît utile d'examiner en quelques 
mots l'état des voies digestives et le mode d'ingestion des ali- 
ments chez les individus qui y sont sujets. 

Du côté des voies digestives il n'y a rien de bien particulier 



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DU MÉUYCISME. 3' 9 

à noter. La langue est bonne, Tappétit conservé et même aug- 
menté, sauf certains cas exceptionnels comme celui deRossier 
(Obs. XXVIII), où le sujet, déjà malade, avait encore vu son 
état s'aggraver sous Tinfluence de vomitifs répétés. La soif est 
plus souvent modérée; l'abdomen est souple, non distendu; ce- 
pendant, dans TObservation XXVIII, on a noté une dilatation 
notable de rhypochondre gauche; nous n'avons jamais relevé 
ce fait. Chez nos idiots, les selles étaient toujours normales et 
régulières; il n'en est pas toujours ainsi; on a, en efiTet, signalé 
quelquefois (Obs. XVII, XXI, XXVIII) une constipation persis- 
tante. Le seul point défectueux de l'appareil digestif serait 
peut-être Tinsuffisance du système dentaire, qui présente, 
comme on le verra par les observations suivantes, des altéra- 
tions souvent considérables. (Obs. XXVIII, XXX.) 

Quant à l'assimilation, elle se fait généralement bien, à con- 
dition toutefois, comme nous l'avons déjà dit, qu'on n'inter- 
rompe pas le cours de la rumination. 

Le mode d'ingestion des aliments présente des particularités 
plus importantes. Nous avons déjà signalé l'existence de la 
voracité dans plusieurs observations; on va la retrouver encore 
dans celles qui vont suivre; c'est là un fait presque général et 
il est même quelquefois étonnant de voir des mérycoles se 
bourrer de viandes, depommes de terre, de pain, qu'ils avalent 
gloutonnement sans même boire pour en faciliter l'ingestion. 
(Obs. XXVIII.) Voici d'ailleurs un bel exemple de voracité déjà 
publié par l'un de nous *. 

Observation XXVII. — En dépit de tous les soins dont il était 
l'objet, X... avait conservé une voracité insatiable; une surveillance 
perpétuelle était indispensable; car ordures, débris de légumes, 
excréments même..., tout était bon pour son inépuisable appétit. 
A table, placé à côté d'un maître, isolé de ses camarades, il dévo- 
rait en un clin d'œil ce qu*on lui donnait. Son assiette était-elle 
vide, on le voyait, le regard fixe, convoitant voluptueusement la 
part de son petit compagnon d'infortune le plus rapproché. Celui-ci 
était-il distrait une seconde, Becco (c'était le surnom du malade) 
se précipitait comme un trait, le produit du vol était englouti. 
On lui coupait sa viande par morceaux ; mais, pour lui, les dents 
étaient inutiles, il ne daignait pas s'en servir. Puis une heure, 
plus ou moins, après le repas, on le surprenait mâchonnant avec 

ï Boumeville. — Mémoire sur la condition de la bouche chez les idiots, 

1862. 



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380 REVUR CRITIQUE. 

une sorte de bonheur, les yeux brillants de plaisir, des morceaux 
entiers de chair, restés presqu'inlacts, qui reprenaient bientôt le 
chemin de l'estomac. 

Il est fort aisé de comprendre qu'avec une pareille voracité, 
il ne peut y avoir une mastication et une insalivation suffisantes. 
Aussi, à part TObservation VU, toutes les fois qu'on a songé à 
examiner la digestion buccale, Ta-t-on trouvée imparfaite. 
Nous avons noté le fait dans nos observations de Bicétre, car 
il nous est arrivé de retirer les aliments de la bouche du ma- 
lade au début de !a rumination et de les trouver alors pres- 
qu'intacts. 

Les aliments sont ingérés : queva-t-il maintenant se passer? 
Il y a généralement un certain intervalle entre le repas et le 
début de la rumination; mais cet intervalle est très variable, 
et cela chez le môme sujet. Nous avons souvent observé le début 
de la rumination quelques minutes après le repas, tandis 
qu'une autre fois, le même individu n'avait pas encore com- 
mencé à ruminer au bout d'une heure. L'intervalle qui sépare 
le repas du début de l'acte est certainement sous l'influence de 
quelques conditions particulières : c'est ainsi qu'un repas co- 
pieux, l'ingestion d'une grande quantité de liquides ou de 
certains aliments particulièrement agréables au goût de l'indi- 
vidu peuvent hâter le moment de la rumination. Quoi qu'il en 
soit, l'espace de temps qui la sépare du repas peut varier de 
quelques minutes à une heure et plus : en général, c'est au 
bout d'un temps assez court, d'un quart d'heure en moyenne, 
que se produit la première régurgitation. 

Mais, avant que la première bouchée ne soit remontée dans 
la cavité buccale, il peut se produire certains phénomènes, 
sortes de prodromes de l'acte qui va s'accomplir. Presque tous 
ceux que l'on a pu constater sont consignés dans l'observation 
suivante : 

Observation XXVIII. — Démence épileptiqxie. — Mérydsme; wora- 
cité ; défaut de mastication. — Description du mérycisme. — État des 
voies digestives. — Diminution des phénomènes sous l'influence d'un 
traitement belladone {Journal des Connaissances médicales, 1862, p. 181 ). 
— Louis C..., agriculteur, âge de soixante-cinq ans en 1860, a 
joui d'une bonne santé jusqu'à l'âge de cinquante-six ans. Il ne 
peut donner aucun renseignement sur ses parents. 

En 185*2, il eut, un jour, un accès de manie avec grande excita- 
tion et hallucinations de la vue. Quelque temps après, il tomba 



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DU MÊRYCISMR. 381 

suhiteinciil à terre sans connaissance. Au bout d*un moment, il 
sortit de son état comateux avec des cris, une grande agitation 
et de Técume sanglante à la bouche. Des accès pareils se sont 
répétés dès lors cinq à six fois par an, jusqu'en 4 808. Depuis 
lors, jusqu'en 1860, il n'eut aucun accès. Cette année, il en eut un 
à peu près par mois. 

Lors de la première chute, le malade resta un mois sans parler, 
puis les mots revinrent peu à peu ; mais il éprouva toujours pour 
parler une difficulté qui va s'augmentant ; en môme temps, la 
mémoire s*aiTaiblit graduellement. 

Un peu après Taccès de folie qui caractérisa le début de la ma- 
ladie, G..., qui de tout temps avait mangé fort avidement et pres- 
que sans mâcher, commença à ruminer. Cela n'arrivait d'abord que 
pour la salade. Peu à peu, cet acte suivit toute espèce d'aliments 
et chaque repas. Depuis six mois, le malade, qui vaquait à ses 
affaires, s'affaiblit de plus en plus. Depuis la recrudescence des 
accès épileptiques qui s'est manifestée au début de cette année, 
il a commencé à ressentir souvent des verti^'es pendant la station 
et la marche. Ces vertiges sont devenus si pénibles que depuis 
trois mois, il a été obligé de garder le lit. Dans les derniers temps, 
il a été traité presque exclusivement par Tusage des vomitifs répétés 
tous les huit jours et cette médication a considérablement aggravé 
son mal. Les forces déclinent; l'appétit^ autrefois exagéré, est presque 
perda : il y a des renvois acides et des vomissements spontanés peu 
abondants après les repas , phénomène qui ne se produisait 
jamais alors que le malade pouvait encore suivre ses occupations. 

État actuel, 14 mai 1860.— Le malade est au lit; c'est un homme 
bien proportionné, d'un tempérament lymphatico-sanguin, amaigri 
par une longue maladie. Il porte sur sa ligure un cachet d'imbé- 
cillité que sa parole semble confirmer. — L'intelligence est obtuse, 
la mémoire affaiblie. Ce qui le préoccupe surtout, c'est la rumina- 
tion, puis les vertiges. La première se montre généralement peu 
de minutes après les repas. Elle n'est habituellement précédée 
d'aucun sentiment douloureux, et le malade n'a pas conscience 
de son début. Seulement, depuis l'usage des vomitifs, il ressent 
une pesanteur à Vépvjastre, surtout au moment où commence le 
retour des aliments. Il peut retenir mais non empêcher l'acte par 
l'effet de la volonté; mais alors il éprouve à l'estomac un poids si 
insupportable qu'il est obligé de laisser le phénomène se produire. 
Il peut ruminer dans toutes les positions, plus facilement dans la 
position assise. Quand cela lui arrive, il y a, en général, fort peu 
d'intervalle entre deux gorgées; cependant, lorsque la rumination 
tire à sa fin, les intervalles augmentent. Quand le malade peut se 
tenir debout ou marcher, les intervalles sont plus longs, mais la 
durée totale s'allonge en proportion. Celle-ci était habituellement 
de deux à trois heures pour le dhier, d'une demi-heure à une 



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382 KEVUE CRITIQUE. 

heure pour le déjeuner ou le souper; depuis Teinploi des vomî- 
Lifs, elle varie de trois à quatre heures pour le diner. Autrefois le 
goùl des alimenta ne forçait jamais à les recracher : depuis les 
vomitifs, cela lui est arrivé quelquefois, parce qu*il leur trouvait 
aloi*s une saveur insupportable. 

L'ordre de retour des aliments est le suivant : ce sont les lé- 
gumes qui se présentent les premiers à la bouche, puis la viande ; 
ils sont habituellement fort peu altérés, le malade avalant ^Mouton- 
uement la nourriture presque sans la mâcher. Vers la (lu de la 
rumination, ils consistent plutôt en une bouillie qu'en parties ali- 
mentaires distinctes. Les liquides ingérés ne reviennent jamais 
seuls à la bouche; mais les gorgées sont plus nombreuses quand le 
malade avale de grandes quantités d'aliments liquides qu'il affec- 
tionne, vu la perte de ses dents et la faiblesse de son estomac. 
Avant le traitement, le nombre des gorgées est de 6-12 pour le 
déjeuner; it-21 pour le dîner; 7-16 pour le souper. 

La bouche est complètement privée de dents ; la langue rugueuse, 
couverte d'un enduit épais et portant plusieurs traces de mor- 
sures; le ventre, ballonné vers le haut, donne à la pression dans la 
région épigastrique un gargouillement commç celui d'une outre à 
moitié remplie de liquide. Toute cette région, depuis Tombilic 
jusqu'à la région costale gauche donne le même timbre de percus- 
sion. On trouve une matité relative dans les parties qui corres- 
pondent au liquide évidemment accumulé dans l'estomac dilaté. 
Les régions inférieures de l'abdomen n'olfrent aucune matité. Le 
foie et la rate ont le volume normal. 

Depuis nombre d'années, la coîutipation est habituelle : elle a 
augmenté depuis l'usage des vomitifs. Soif modérée; urines nor- 
males. Rien au cœur; un peu d'emphysème; sensibilité et moti- 
lilé intactes. 

Le malade fut d'abord mis à une diète sévère et, le 19 mai, on 
régla sou régime de la façon suivante : Suppression des légumes, 
soupes, bouillies, liquides. Usage de viandes blanches rôties, de 
pain et de vin coupé avec de l'eau de Seltz. On prescrivit aussi des 
pilules d'aloès et de rhubarbe. 

Le 26 mai, le malade va mieux ; il se lève un peu et a moins de 
vertiges. L'appétit est bon, la rumination se montre encore tous 
les jours. Le uombre des régurgitations est toujours le même ; 
mais elles se font sans aucune gêne. La langue est nette, les selles 
quotidiennes. Plus de gargouillement abdominal à la palpation. 

Le 9 juin, on prescrit l'extrait alcoolique de noix vomique (0,07a) 
et sous l'intluence de ce remède, le nombre des régurgitations di- 
minue des deux tiers. — Mais à la fin de juillet le retour plus fré- 
quent des vertiges, l'existence de soubresauts musculaires, font 
reprendre le premier traitement. — Les mois d'août et septembre 
se passent sans aggravation. 



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DU MÊUYCISME. 383 

Avec le mois d'octobre oa reprend la. noix vouiique. Les vertiges 
deviennent très fréqueuts.;Le H octobre, G... est pris d'un accès 
d'agitation maniaque, qui se renouvelle le i novembre. Alors, on 
clierche à conjurer ces attaques par la belladone (0,02 d'extrait 
environ par jour), à doaes croissantes et avec quelques intermis- 
sions le régime alimentaire reste le même. 

Le 15 février le malade va bien : les vertiges ne reviennent plus 
que rarement, l'hébétude est moins marquée^ la parole plus libre. 
La langue est nette, l'appétit modéré ; les régurgitations persistent, 
mais moins fréquentes (six à dix par jour) et seulement au 
4iner. — Depuis quelque temps, le malade a pu reprendra quelques 
occupations. 

Sans nous occuper dans ce cas de la description du méry- 
cisme et de son traitement, dont nous aurons à parler dans la 
suite, nous relèverons parmi les phénomènes prémonitoires 
de l'acte : des éructations fréquentes, quelquefois même du 
hoquet, que nous avons aussi observés, surtout les premières, 
presque constamment chez nos malades. D'un autre côté, nous 
n'avons pas trouvé le ballonnement abdominal signalé dans le 
fait précédent. La sensation de plénitude à Vépigastre dont il 
est parlé dans ce cas et mentionnée par Cambay a été notée 
encore chez d'autres mérycoles (Obs. VI, XIII, XVII); nos 
malades étant en général incapables de fournir aucun rensei- 
gnement, nous n'avons rien de personnel à dire sur ce point. 
Ajoutons, à ces prodromes, Yabsence de nausées et le spasme de 
fœsophage qui ont été indiqués quelquefois. (Obs. XVI.) 

Ces symptômes se manifestent, en général, pendant un temps 
très court et sont suivis presque immédiatement du renvoi de 
la première bouchée. Gomment ce renvoi se produit-il ? C'est 
ce que nous allons maintenant examiner. 

Le mécanisme du rejet des aliments dans la rumination, 
qui n'est pas indiqué dans le fait précédent, se trouve déjà 
tracé à grandes lignes dans une autre observation que nous 
jugeons utile de rapporter avant d aller plus loin dans l'étude 
des symptômes. 

Observation XXIX. •— Idiotie; mérycisme, — Voracité', 'pas din^ 
salivation ni de mastication : fonctions digestives intactes. — Début de 
la rumination deux ou trois minutes après le repas. Mécanisme, arrêt 
fnomentané par le décubitus dorsal. {Gazette des hôpitaux, 1863, p. 245, 
el Journal de méd. de Lyon, 1866, p. 303.) — Jean G..., âgé de qua- 
torze ans, est entré à l'hospice de l'Antiquaille le 17 mars i8o7. 



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J 



384 RBVUE CRITIQUB. 

11 est né à Villefranche. Il est impossible d'avoir des renseigne- 
ments sur sa famille ou sur ses premières années. 

Il a la taille d'un enfant de douze ans à peine et est idiot dans 
toute la vigueur de Texpression. Les manifestations intellectuelles 
sont nulles; il ne prononce jamais une parole; il est calme, tran- 
quille. Le front est bas, couvert eu partie par les cheveux. Les lèvres 
sont volumineuses et paraissent plus saillantes encore, grâce à un 
mouvement de succion qui lui est familier. 

Il se tient habituellement accroupi dans un coin, les veux fixés 
à terre, immobile ou imprimante la tôte un balancement mono- 
tone. Sa physionomie n'exprime habituellement ni peine ni plaisir. 
Il ne manifeste ses sensations que dans un seul cas et d*une seule 
manière. Lui fait-on mal, soulfre-t-il, il pousse un cri inarticulé, 
toujours le même, puis il rentre dans sou calme ordinaire. 

Il ne sait pas prendre les aliments qui sont devant lui pour les 
porter à sa bouche. Il faut les lui mettre dans la main ou mieux 
dans la cavité buccale. Lorsque cette dernière estrestée vide quelque 
temps, on voit bientôt la salive s'en écouler au niveau de chaque 
commissure et tomber sur les vêtements. 

Sa nourriture de prédilection consiste en pain, soupe et viande. 
Il mange diffkHement les iégumes, les fruits; souvent même il refuse 
de les avaler. 

Ce qui frappe d'abord chez lui, c'est la manière dont il prépare 
le bol alimentaire. A peine les aliments sont-ils dans la bouche, 
que la déglutition s'opère sans qu'il y ait presque insalivation etmas- 
tication. On peut lui faire absorber ainsi une très grande quantité 
de mie de pain par exemple et cela sans boire. A peine peut-on 
lui faire accepter quelques gouttes de liquide. 

Dès qu'on a cessé de lui remplir la bouche, il semble se re- 
cueillir ; après un temps très court, deux ou trois minuteSy il penche 
la tête en avant, étend le cou, contracte simultanément son diaphragme 
et ses muscles abdominaux^ il ajoute une légère inspiration^ et bientôt 
un premier bol alimentaire remonte sans effort dans la bouche. 11 
s'accompagne parfois d'un léger gargouillement qui siège au pha- 
rynx. A ce moment seulement commence la mastication. 

Les premiers bols sont compo.-és d'aliments presque normaux : 
après quelque temps, ils commencent à s'altérer ; à la fin de l'opé- 
ration ils n'offrent plus l'aspect que d'une pûtechymeuse. Le temps 
de la rumination varie avec la quantité d'aliments ingérés dans 
l'estomac. On peut suivre ainsi les diverses altérations que subit 
le bol alimentaire dans l'acte stomacal de la digestion : pendant 
tout le temps que dure le travail, il a les yeux fixés; loin de pa- 
raître souffrir, il se frictionne parfois la poitrine avec un air de 
satisfaction assez marqué. 

Quand toute la masse ingérée a subi cette seconde mastication, 
il reprend son immobilité [)remière et la salive ne tarde pas à 



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DU MÉRYGISME. 385 

s'écouler de nouveau. Tel est le spectacle que nous offre cet idiot 
après cha>{ue repas. Malgré cela la santé générale est intacte, les 
forces sont normales, les selles régulières, les urines rares. Rien en 
un mot ne semble, dans Torganisme, souffrir de ce trouble patho- 
logique qui semble presque physiologique chez notre malade. 

Chez ce jeune mérycole, on arrêtait pour un moment le 
cours de la rumination, si on le maintenait coucAé sur le dos, la tête 
renversée en arriére. 

Malgré le mérycisme physiologique du malade, rien d*anormal 
dans son estomac, si ce n'est peut-être la grosse tubérosité plus 
développée que de coutume. Sa position était aussi un peu plus ver- 
ticale que d'ordinaire. Cette grosse tubérosité était en contact avec 
le diaphragme, même à l'état de vacuité. Le diaphragme était 
épaissi d'une manière très notable. 

Voûte crânienne amincie ; — épanchement sanguin sous les tégu- 
ments du crâne; —méninges normales; — ciixonvolutions indurées, 
lassées contre les enveloppes par Texpansion des ventricules laté- 
raux distendus par de la sérosité. — Corps ca//eiM5 aminci, jaunâtre. 
— On trouve cinq tumeurs cérébrales siégeant toutes sur le trajet 
des plexus choroïdes, sur les plexus eux-mêmes, sur le plancher 
des ventricules. Bien que la lésion soit surtout à droite (trois tumeurs 
dont deux volumineuses mesurant de cinq à sept centimètres acco- 
lées vers la partie antérieure de la couche optique, entrant un peu 
dans la corne frontale), il n'y a jamais eu hémiplégie, strabisme ou 
paralysie. — Le trigone est ramolli, déformé; le septum lucidum a 
disparu; les corps striés et les couches optiques ramollies. 

Les reins sontdurs, volumineux, présentent une grande quantité de 
tumeurs de volume variable, pédiculées ou non et s'attachant sur 
la substance corticale ou dans Tinlérieur des pyramides. — Une tu- 
meur (volume d'une noisette) semblable a été trouvée dans le foie. 

Examen miscroscopique, — Les tumeurs du cerveau ont un aspect 
encéphaloîde : elles renferment un suc blanchâtre analogue au suc 
cancéreux et présentent de grosses cellules avec de gros noyaux à 
nucléocles comme les cellules cancéreuses. On trouve aussi des élé- 
ments de nature conjonctive. 

Dans les tumeurs des reins, on trouve un grand nombre de 
noyaux conjonctifs en général peu difformes. Les canalicules uri- 
nipares ont disparu dans les points envahis. Les cellules épithé- 
liales de leur face interne se trouvent encore, mais infiltrées de 
graisse. 

La tumeur du foie est constituée surtout par des noyaux conjonc- 
tifs peu altérés dans leur forme et réunis par une matière amorphe 
peu consistante et très granuleuse. 

Nous reviendrons tout à Theure sur la description du mé^ 
rycisme une fois établi : pour le moment nous ne nous occu- 

Archives, t. VI. 23 



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386 REVUB CUITIQUK. 

perons que de son mécanisme. D'après le fait précédent, la 
flexion de la tète, Textension du cou, la contraction simultanée 
du diaphragme et des muscles abdominaux, une légère inspira- 
tion, une sorte de gargouillement, et tous ces phénomènes 
avec peu ou pas d'efforts, tels sont en somme les phéno- 
mènes qui se produisent généralement au moment où 
la rumination s'opère : nous retrouverons la plupart d'entre 
eux chez les sujets que nous avons observés. Entre tous, 
le plus important est incontestablement la contraction du 
diaphragme et des muscles abdominaux ; aussi est-ce celui qui 
a le plus fixé l'attention des observateurs et sur lequel ont 
porté les discussions. Certains médecins, Percy et Laurent, ont 
nié absolument l'action de ces muscles dans la production du 
mérycisme ; et voici, d'après eux, le mécanisme de ce phéno- 
mène. On y retrouvera, d'ailleurs, la plupart des points que 
nous venons d'indiquer. 

a Quand les regorgements vont se produire, la tète est portée en 
haut et en avant ou en bas contre le sternum. Un bruit sourd el 
comme un bouiHonnement se fait entendre d*abord dans le pha- 
i-ynx ; puis un aulre bruit plus clair, plus brusque (tic), comme celui 
d'une soupape qui s'ouvrirait tout à coup. Au milieu de ces mou- 
vements, Vœsophage éprouve des tractions, des succussions qui sol- 
licitent Testomac et en attirent plutôt qu'elles n'en font expulser 

une portion des matières qui y sont renfermées Aucun effort 

du côté de l'enceinte musculaire abdominale ni du diaphragme, 
aucune action appréciable de la part de l'estomac quoique bien 
sûrement celui-ci ne soit pas étranger à ce qui se passe au dedans 
de lui-même. Le mérycole attentif est inquiet, attend le conmien- 
cément de la rumination. Il le hâte en faisant entrer de l'air dans 
l'œsophage où son accès serait si propre à produire cet état de ré- 
plétion et de trop plein qui favorise de plus l'évacuation de cel 
organe. Il cherche à en attirer de l'un et de l'autre pour l'excréter ; 
il allonge et élargit tour à tour le canal œsophagien, le tic a lieu. 
C'est le signal de l'ouverture de cardia par lequel une colonne d'à* 
liments fait aussitôt irruption comme si elle eut été poussée par 
une puissante compression ou qu'un mouvement particulier qu'on 
appellera, si l'on veut, antipéristaltique l'eût forcée par ses puis- 
santes ondulations à s'échapper ainsi. » 

Un autre auteur, Gambay, donne une explication qui s'éloigne 
passablement de celles que nous venons de rapporter. Pour 
lui, l'appel d'air que fait souvent le mérycole au moment de 
ruminer, n'a pas pour effet la dilatation de l'estomac, car cet 



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DU MKRYCISMB. . 387 

air n'est pas avalé. C'est une simple inspiration qui a pour 
but d'abaisser le diaphragme ; en même temps il y a une légère 
contraction des muscles de l'abdomen. L'estomac, qui se trouve 
alors comprimé par les deux plans musculaires et par les 
intestins, qui sont refoulés vers lui, réagit sur les substances 
qui le distendent, et une masse alimentaire force le cardia, 
gagne Tœsophage et le pharynx dont les contractions suc- 
cessives l'amènent dans la cavité buccale. Tout en admettant 
la participation du diaphragme et des muscles de Tabdomen, 
l'auteur ajoute que leur action est si faible que le mérycolo 
lui-même ne la perçoit que s'il y fait attention. En outre, elle 
n'existerait que pour la première gorgée après laquelle les 
contractions de l'estomac, que l'auteur localise dans la grande 
courbure, suffiraient seules pour continuer le niérycisme. Par 
ce dernier point, cette théorie se rapproche de la précédente, 
dont elle no diffère, somme toute, que par l'action attribuée 
aux muscles abdominaux et diaphragmes. 

Pour nous, voici, d'après ce que nous avons observé, la façon 
dont se produit la rumination. 

Il nous semble évident que le mérycole sent approcher Tins- 
tant où la rumination va se produire ; car, à ce moment, il 
semble se recueillir et attendre. Cet instant est quelquefois 
très court, quelques secondes à peine, comme chez Juven... 
(Obs. XXXI), qui n'interrompait guère son balancement habi- 
tuel quand la bouchée allaitremonter.ChezGren... (Obs.XXX), 
ce fait était plus visible, car il cessait ses cris ou ses rires pen- 
dant unpeuplus de temps, jusqu'à ce que le bol alimentaire fut 
revenu à la bouche. Chez ce dernier enfant, d'ailleurs, tous 
les phénomènes du mérycisme étaient beaucoup plus nets que 
chez l'autre. En même temps le haut du corps est générale- 
ment incliné en avant et la tête portée en avant et en haut. 

Que se passe-t-il alors ? Nous avons vainement recherché 
l'inspiration initiale dont parlent quelques auteurs. Le sujet 
étant mis à nu, nous n'avons jamais vu le thorax so dilater, 
les intestins s'abaisser, les muscles inspirateurs se contracter. 
Nous pensons, au contraire, vu l'absence de mouvements appa- 
rents du côté du thorax pendant ces quelques secondes que le 
malade interrompt seulement sa respiration, emprisonne l'air 
qui reste dans la cavité pulmonaire, et immobilise ainsi son 
diaphragme. Quant à l'appel d'air, plus ou moins marqué, 
mais qui, néanmoius, existe presque toujours, il se fait, à notre 



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388 RBVUÉ CRITIQUE. 

avis, du côté des voies digestives, et cela, à cause des éructa- 
tions sonores qui accompagnent le renvoi àes aliments. Ce fait 
était surtout manifeste chez Gren..., qui avalait de Tair, pro- 
duisait alors une sorte de fausse éructation suivie presqu*instan- 
tanément d'une autre vraie accompagnant les aliments qui 
remontaient en produisant en plus cette espèce de gargouille- 
ment déjà signalé ci-dessus. Si Ton ajoute à cela une légère 
contraction des parois abdominales, portant surtout sur les 
droits antérieurs qui se tendent^ avec une légère dépression 
des fosses iliaques, on aura tous les phénomènes apparents 
qui provoquent le retour des aliments dans le pharynx. Ajou- 
tons que cette contraction abdominale est très peu marquée, et 
qu'il faut môme parfois la rechercher soigneusement pour pou- 
voir la constater. Ainsi, chez Juven..,onne voyait guère qu'une 
sorte d'ondulation de la paroi ; d'un autre côté, nous avons 
observé le fait pendant toute la durée de la rumination ; cepen- 
dant, à partir du moment où les aliments remontent à l'état de 
pâte, cette contraction devient à peine visible. Disons enfin 
qu'elle est toujours instantanée. 

On voit donc, en somme^ que, pour nous, le mécanisme se ré- 
duit aux trois points suivants : appel d'air dans l'estomac^ im- 
mobilisation de la cage thoracique et par suite du diaphragme, 
légère contraction des parois abdominales, le tout sans aucun 
phénomène d'effort. Mais, en définitive, ces agents ne nous 
paraissent pas suffisants, et nous croyons que le principal 
réside dans l'exagération des mouvements de l'estomac, qui 
doit se contracter et réagir sur les matières qui le distendent 
pour en provoquer l'expulsion ; et peut-être aussi, dans la con- 
traction des fibres longitudinales de l'œsophage nécessaire 
pour dilater le cardia qui, on le sait, reste sans cela fermé 
môme sous de fortes pressions de gaz contenues dans l'estomac. 
Quant aux mouvements, péristaltiques de l'œsophage et du 
pharynx, nous ne serions pas éloignés de croire qu'ils existent ; 
car nous avons observé qu'il s'écoulait un espace de temps 
faible, mais appréciable, entre les phénomènes apparents indi- 
qués ci-dessus et l'arrivée des aliments dans la bouche. Gela 
nous fait penser que ces aliments ne sont pas rejetés violem- 
ment en masse, ce qui s'explique bien par la faiblesse des 
forces mises en jeu, mais qu'ils cheminent plus lentement, 
grâce aux mouvements du canal œsophagien. 

Mous avons exposé longuement diverses théories cherchant 



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DU MBRYCISBIE. 389 

à expliquer le mécanisme de la rumination ; il nous reste à 
examiner maintenant ce qui va se passer une fois que les 
aliments sont revenus dans la bouche. L'observation suivante 
nous donnera, à ce sujet, de nombreux renseignements : 

Observation XXX. — Idiotie : hérédité {grand'mère, grand*tante et 
cousine aliénées.— Mère migraineuse, — Grand*mére maternelle hys- 
térique, Mérycisme : Altérations considérables du système dentaire. 

— Voracité. — Troubles de la mastication,— Description du méry- 
cisme. — Pas de troubles digestifs . — Santé générale bonne, — Idiot 
grimpeur. Albert Gren..., est né à Paris le 2 juin 1867, entré à Bi- 
côtre le i août 1 876. (Service de M. Bourneville.) 

Antécédents. {Renseignements fournis par sa mère, 9 décembre 
4 880). PérCy quarante ans, marié à vingt-cinq ans et demi, sobre, 
calme, n'a jamais fait de maladies; pas de migraines, taille petite. 
[ PèrCy mort il y a longtemps, on ne sait de quoi; ne buvait pas. — 
Mère, bien portante, pas de migraine, ni d'attaques de nerfs. Elle 
était enceinte du père de notre malade avant d'être mariée et 
l'abandon de son amant la rendit comme folle pendant quelques 
semaines, mais elle ne fut pas enfermée. — Une tante maternelle 
a été folle. — Une cousine germaine, devenue folle à la suite d'une 
grossesse, a été enfermée à Sainte- Anne en 4879. — Un cousin ger- 
main, aliéné, a été à Sainte-Anne en 1878 : il a eu aussi la syphilis. 

— Pas de suicides, ni de criminels, ni de difformes.] 

Mère : trente-sept ans, couturière, bien portante, de taille 
moyenne. Elle a, depuis deux ans, des mi^roines fréquentes, surtout 
avant ou après les règles, accompagnées parfois de vomissements, 
de bourdonnements d'oreille, de vertiges, et la forçant à garder le 
lit pendant deux jours. Elle n'a jamais eu d'attaques de nerfs, ni de 
maladies graves. [Père, mort par accident, buvait beaucoup, n'a 
jamais eu de troubles nerveux. — Mère : cinquante-six ans, con- 
cierge, bien portante ; d'un caractère irritable, aurait eu une ving- 
taine de fois environ, à la suite de contrariétés, des attaques de 
nerfs durant de cinq minutes à une heure; pas de migraines. — 
Pas d'aliénés, etc., dans la famille.] Pas de mérycoles ni du côté 
du père, ni du côté de la mère. — Pas de consanguinité. 

Deux enfants : 1<» notre malade ; 2® une fille, bien conformée, 
morte à treize jours, en nourrice, de convulsions. 

Notre malade.— Grossesse bonne; durant son cours, pas d'alcoo- 
lisme, pas d'émotions vives, pas de traumatismes. — Accouche- 
ment à terme, lent (quatorze heures) : la tête resta longtemps 
au passage et l'enfant était tout noir en venant au monde; la tête 
était très développée.— H fut nourri au sein par sa mère jusqu'à qua- 
torze mois. A cette époque, il commença à marcher et ses premières 
dents parurent, la dentition était complète à deux ans ; pour le 



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390 KKVUE CRITIQUE. 

reste, il était très en relard : à trois ans, il ne disait que : u papa, 
maman», et quelques monosyllabes. Seulement on ne s en inquiétait 
pas parce que le père avait lui-même parlé très tard. A trois ans et 
demi, il fut atteint d'une hydropisie qui envahit les mains, les pieds, 
les jambes, Tabdomen : il fut soigné par M. Triboulet; il n'avait 
pas eu la scarlatine. Cette maladie dura trois mois et demi, plus 
deux mois et demi de convalescence. Avant cette maladie, il était 
gai, caressant, intelligent : après, l'intelligence disparut de plus en 
plus. A quatre ou cinq ans, il avait, par moments, des crises (trois 
ou quatre par jour) dans lesquelles il se cognait la tète contre les 
murs, ou se jetait par terre. 

Le mérycisme fut observé pour la première fois à Tâge de 
quatre ans et demi. A l'origine, la rumination ne se produisait 
que lorsque Gr... était en colère, peu à peu elle devint constante 
et suivit chaque repas. C'était les aliments solides qui étaient ru- 
minés. Gr... était très vorace, mangeait avidement avec ses mains 
de tous les aliments et les avalait de suite sans mûchei'. Pas de 
salacité, jamais de vomissements ; selles quotidiennes, diarrhée 
rare ; gâtisme ; Gr... n'a, d'ailleurs, jamais été propre. Il n'a jamais 
eu de convulsions, de croûtes, de glandes, de dartres, d'opthal- 
mies, etc. Sommeil bon. 

Il a la manie de grimper partout où il trouve une issue ; il ne 
vole pas, sauf les gâteaux et les poupées : il aime beaucoup la rue, 
la musique, et tout ce qui tourne, les roues de voitures, les tour- 
niquets. Actuellement encore on lui apporte des jouets qui tournent. 

État actuel (août 4882). — Télef petite; voûte du crâne un peu 
irrégulière. Du côté gauche, on sent, à l'union du frontal avec le 
pariétal, une dépression allongée transversalement. En aiTÎère 
l'asymétrie est plus prononcée, la bosse occipitale gauche est à 
peine sensible, tandis que la droite est très saillante. Front bas, 
les bosses frontales ne font pas de saillie, les arcades sourcilières 
sont peu marquées : circonférence delà base, 51 centim. ; diamètre 
antéro-postérieur (compas Budin), 47,3, diamètre bi-temporal, 
4 4,3; diamètre bi-pariétal, 4 4,6. Pas d'asymétrie de la face. 
Regard vague; iris gris brun, pupilles normalement dilatées, égales 
et contractiles. Pas de straiisme ni de conjonctivite. Nez court, 
écrasé. Bouche^ très grande, lèvres très épaisses, saillantes et ren> 
versées en dehors, surtout l'inférieure. — Voûte palatine régulière, 
symétrique, assez profonde; voile du palais, luette, piliers, amyg- 
dales réguliers. Maxillaire supérieur régulier et symétrique. Les 
deux incisives médianes, cariées jusqu'à la gencive, font défaut, 
ainsi que les deux grosses molaires gauches, la première petite 
molaire droite et la première grosse molaire du même côté. 
La deuxième grosse molaire gauche et la deuxième petite molaire 
droite sont cariées au sommet de la couronne. 

Maxillaire inférieur régulier et symétrique. La première petite 



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DU MÊRYCrSME. 391 

molaire et la première grosse molaire manquent à droite et à 
gauclte. La deuxième petite molaire gauche est gâtée à la cou- 
ronne. Les dents qui restent sont bien rangées, Tarticulation est 
normale. 

Oreilles grandes, très détachées de la tète, bien ourlées; lobule 
semi-adhérent. 

Cou court. — Thorax bien conformé pas de déviation du rachis. 
L'abdomen ne présente pas un développement exagéré. 

Les membres supérieurs, bien conformés, sont courts. Les doigts 
sont aussi très courts : les ongles sont complètement rongés à 
cause de la succion continuelle, et Tépiderme est comme macéré. 
Les membres inférieurs, bien conformés, ne présentent aucune trace 
de rachitisme ni de scrofule; orteils courts, voûte plantaire nor- 
male. 

Organes génitaux : Verge petite; prépuce très long formant 
un phimosis. On ne sent pas les testicules dans le scrotum; rien 
à Tanus. Onanisme fréquent. 

Cheveux et sourcils châtains ; absence de poils aux aisselles, aux 
jambes, au pubis. Pas de cicatrices. — Un petit noBvus du côté gauche 
au-dessous des fausses côtes, et deux autres aux extrémités du 
bord interne de l'omoplate du côté droit. 

Rien dans les poumons ni au cœur. — Langue nette. Abdomen 
souple, foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles 
régulières sans constipation ni diarrhée, rumination, gâtisme. 

La sensibilité générale est conservée, mais les sensations sont 
perçues assez lentement. Les sens spéciaux, surtout l'odorat, sont 
assez obtus. Taille, i mètre 20; poids, 26 kil. 200. 

Gr..aime toujours la musique,les roues et les voitures où il essaye 
de grimper. II n'est pas coléreux, ne se bat pas avec ses camarades ; 
parait assez craintif, et a surtout peur des chiens et des chais, — Il 
a souvent des accès de cris, qui durent de quinze à trente minutes, à 
la suite desquels, il se roule par terre et se cogne la tête. Pas de 
grincement de dents, pas de balancement; il ne bave pas, mais suce 
continuellement ses doigts. 11 sait se déshabiller, mais ne peut 
s'habiller ni se laver seul, il a l'habitude, en se couchant, de défaire 
complètement son Ut et de jeter les oreillers par terre; il veut 
aussi avoir toujours les bras nus, et il retrousse continuellement ses 
manches jusqu'au-dessus du coude.— Parole nulle. Gr... reconnaît sa 
mère ; quand il l'aperçoit, il va au-devant d'elle, la prend par la 
main, la fait asseoir et s'empare du sac qu'elle apporte pour regarder 
dedans. — Onanisme fréquent et devant n'importe qui ; il parait 
cependant comprendre qu'il fait mal, mais éclate de rire lors- 
qu'on le gronde. 

il est très gourmand : quand les aliments arrivent au réfectoire, 
il va toujours soulever les couvercles et flairer les plats. Si cela 
lui convient, il retourne à sa place en sautant; si, au contraire, les 



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392 REVUE CRITIQUE. 

aliments lui déplaisent, il crie et tape contre les murs ou trépigne. 
Si quelque chose lui plalt à table, et que son assiette soit vide ou 
qu'on serve les autres avant lui, il pousse des cris épouvantables. 
Il mange à peu près de tout ; cependant il a des préférences 
marquées pour les viandes rôties, les pommes de terre et le ma- 
caroni ; en général, il ne mange pas beaucoup de légumes, surtout 
les choux, les petits pois, les carottes ; il refuse absolument les 
œufs et le riz au lait. U n'aime pas beaucoup le vin. 

Il mange seul, la plupart du temps avec ses doigts; pourtant on a 
obtenu qu'il emploie aussi quelquefois la cuiller. La première chose 
qu*il fait, une fois servi, est de casser son pain en plusieurs morceaux 
qu'il met dans son assietteavec laviande. Généralement il commence 
par manger la viande, à moins qu'il n'y ait des pommes de terre 
avec elle, et garde le pain pour la fin du repas. U est excessivement 
v^race; le plus souvent, il avale des bouchées absolument intactes, 
en mettant quatre ou cinq dans sa bouche à la fois. Nous l'avons 
vu ainsi manger deux côtelettes en l'espace d'une minute. Quelque- 
fois cependant, mais rarement, il semble faire des mouvements de 
mastication; mais, même dans ce cas, elle est tout à fait insuffi- 
sante, et l'on s'aperçoit lorsque les aliments remontent ensuite, 
qu'ils n'ont pas été triturés le moins du monde. Lorsqu'il a vidé 
son assiette, il va prendre avec ses doigts la viande de ses voisins 
surtout lorsque c'est un de ses mets favoris. Jamais il ne vole les 
légumes. U ne mange son pain qu'en dernier lieu et parait le 
mastiquer plus longtemps que la viande. 11 ne boit pas du tout 
pendant le repas, ni à la fin et même lorsqu'on le fait boire, il dé- 
tourne le plus souvent la tête, ou n'avale qu*une gorgée en faisant 
la grimace. Il préfère tremper dans son vin des morceaux de pain, 
ou même des aliments, barbotter dedans avec ses mains et jeter 
le tout ensuite dans son assiette ou surtout sur la table. Il ne 
manque jamais de se livrer à cet exercice, si on laisse son gobelet 
à sa portée. Lorsqu'il a fini son repas, ce qui, eu général, ne 
demande que quelques minutes, il se lève quelquefois, erre de côté 
et d'autre, sous les tables et ramasse des croûtons qu'il avale; 
mais, le plus souvent, il reste sur sa chaise, et attend tranquillement 
le moment de la rumination, en suçant toujours ses doigts. 

La rumination se produit au bout d'un temps assez variable, 
quelquefois cinq minutes, d'autres fois une heure et plus après le 
repas. Elle arrive plus rapidement lorsque le repas s'est composé 
des mets favoris de l'enfant ; en moyenne, il faut compter vingt 
minutes avant le retour de»aliments. Il est évident pour nous que 
le malade sent arriver le moment où la régurgitation va se pro- 
duire; car alors il cesse de têter ses doigts, se recueille, penche la 
tête sur le sternum ; puis il la porte eu avant, allonge le cou et 
fait uu appel d'air qu'il introduit évidemme.it dans l'estomac, car 
on voit fort bien le mouvement de déglutition : il provoque ainsi 



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DU MBRYCISME. 393 

toujours une éructation très sonore, immédiatement suivie d'une 
seconde, accompagnant les aliments qui remontent alors en pro- 
duisant un bruit de gargouillement. Ajoutons qu'entre ces deux 
éructations, [il avait légèrement contracté la paroi abdominale 
(tension des droits antérieurs, dépression des fosses iliaques) ; le 
thorax restant d'ailleurs absolument immobile. Tous ces faits se 
passent presqu'instantanément, en quelques secondes, et Ton ne 
peut guère les observer qu'en s'y prenant à plusieurs reprises. 
Notons encore que jamais nous n'avons remarqué de nausées, ni 
aucun phénomène d'effort ; la face reste la môme, et la respiration 
ne subit pas de modifications appréciables ni dans son rythme, ni 
dans sa fréquence. 

Les aliments remontent alors dans la bouche, non pas en masse, 
mais plutôt, croyons-nous, d'une façon successive. Car, à ce moment, 
l'enfant penche le thorax en avant en tendant le cou, gonfle les 
joues, ferme les yeux et la bouche, devant laquelle il met môme 
souvent sa main, et il se passe un temps appréciable, pendant 
lequel on entend distinctement le bouillonnement des aliments qui 
remontent, avant que la bouche soit ouverte et que la mastication 
commence. Ce temps doit correspondre au trajet dti bol alimen- 
taire depuis le cardia jusque dans la cavité buccale. 

Une fois tout le bol alimentaire revenu dans la bouche, Gr... 
se renverse sur sa chaise, gesticule, tape des mains, rit aux éclats. 
Puis la mastication commence: elle est généralement assez longue, 
surtout pour les premières bouchées, et dure quelquefois quatre à 
cinq minutes pour la môme. Les bouchées qui remontent les der- 
nières sont à peine mastiquées et sont, pour ainsi dire, ravalées de 
suite. Pendant ce temps, l'enfant manifeste le plus grand plaisir, 
et il interrompt môme souvent la mastication par un rire prolongé. 
Pas de mouvements de latéralité de la mâchoire. Une fois mâchés 
suffisamment, les aliments reprennent le chemin de l'estomac et 
une nouvelle bouchée ne tarde pas à remonter. 

Le bol alimentaire qui remonte ainsi comprend généralement 
dans sa composition une partie de tous les aliments qui ont formé 
le repas; cependant ce sont toujours les viandes qui dominent, le 
pain et les légumes sont en moindre quantité. Gela est très facile 
â constater, du moins au début, car, à la fm de la rumination, 
l'aspect de la masse alimentaire qui remonte rend toute distinction 
impossible. 

Cet aspect change, en effet,à mesure que la rumination s'avance. 
Les premières bouchées se composent de matières presqu'in- 
tactes et ne portant aucune trace de mastication antérieure. Â 
mesure que la rumination se fait, ces matières primitivement 
solides ne remontent plus dans la bouche qu'à l'état de hachis et 
plus tard se présentent enfin sous l'aspect d'une pâte chymeuse. 

Les intervalles des gorgées varient aussi suivatit le moment de 



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39 i REVUB CRITIQUE. 

la rumination. Au début, Gr..., après avoir mâché très longtemps 
les aliments revenus dans sa bouche, finit par les avaler de 
nouveau. Puis immédiatement il provoque une éructation et la 
gorgée suivante remonte de suite sans intervalle appréciable. Au 
contraire, à mesure que la rumination tire à sa fin, les gorgées 
s'espacent de plus en plus et les dernières sont quelquefois sé- 
parées par un intervalle d'une dorai-heure. En même temps nous 
avons remarqué que la durée de la mastication était abrégée pour 
chaque bouchée et que les dernières étaient avalées presque de 
suite après deux ou trois mouvements des mâchoires. D'un autre 
côté, les efforts des muscles abdominaux, déjà faibles au début, 
sont encore moins appréciables à la fin de la rumination et passent 
souvent môme inaperçus; les éructations manquent aussi sou- 
vent à cette période. 

La durée de la rumination ainsi que le nombre des gorgées est très 
variable. Parfois, le nombre des gorgées peut arriver à la trentaine 
et la rumination durer d'un repas à Tautre. D'autres fois il n'y a 
que deux ou trois régurgitations et, au bout d'une demi-heure, tout 
est fini. Nous avons observé que la durée la plus habituelle de la 
rumination était de une heure et demie à deux heures et le nombre 
des gorgées de douze à quinze. Cette différence de durée de ru- 
mination peut tenir à une foule de causes, et nous avons vu que, 
chez le sujet actuel, la rumination était plus lente à se produire et 
durait moins longtemps, si l'on contrariait l'enfant, si on changeait 
ses habitudes, si on lui donnait à manger des mets dont il était 
peu friand ou s'il était indisposé. 

La rumination suit tous les repas, aussi bien le déjeuner que le 
diner, et se présente toujours sous le même aspect. Sa durée ne 
subit pas non plus de modifications sensibles. Après la soupe du 
matin, l'enfant rumine encore le plus souvent; mais alors il n'y a 
guère que deux ou trois gorgées qui remontent. La rumination 
est, dans le cas actuel, un fait habituel et il est rare qu'elle manque 
après un repas. Pourtant, depuis un an, ce fait, jadis inconnu, se 
présente quelquefois. 

Toutes les substances ingérées sont ruminées. Néanmoins il en 
est quelques-unes dont l'ingestion semble favoriser et prolonger la 
rumination. Ce sont, d'ordinaire, les substances sol ides,les viandes, 
surtout les viandes rôties, et, parmi les légumes, les pommes de 
terre : nous avons dit plus haut que c'était là les mets favoris de G... 
Les soupes sont ruminées aussi, mais d'autant plus facilement 
qu'elles sont plus épaisses; et il arrive souvent que les potages li- 
quides ne sont pas ruminés. Dans tous les cas, ces aliments sont 
ruminés de suite et ne remontent plus après l'ingestion des autres 
substances qui composent le repas. Parmi les liquides, c'est le lait 
qui remonte le plus facilement; les boissons en général nesont pas 
ruminées, d'ailleurs 1 enfant souvent ne boit pas. Cependant lorsque 



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DU MÊRYCISME. 395 

les liquides sont ingérés en grande quantité nt coup sur coup, ils re- 
viennent ^ve%ci\\ immédiatement dans la bouche; ou bien môinnsont 
rejetés instantanément dans le gobelet, piu's ravalés de nouveau. 

La rumination s'exécute aussi bien dans la position assise que 
dans la station debout. Le décubilus dorsal la suspend un moment; 
mais elle ne tarde pas à reprendre comme auparavant. Il se pro- 
duit aussi quelquefois une suspension momentanée, lorsqu'on 
cherche à distraire l'enfant et à occuper son attention. Dans tous 
les cas, la rumination se fait avec plaisir et chaque régurgitation 
est généralement suivie d'un accès de rire bruyant. Jamais l'enfant 
n'a de vomissements et ne rejette ses aliments. Il arrive parfois 
qu'il prend dans la main la bouchée qui vient de remonter : il fait 
alors un espèce de triage avec ses doigts, jette ce qui lui déplaît, 
par e)teraple les tendons... mais remet dans sa bouche le reste 
qu'il mâche 'et avale ensuite. 

Ajoutons, pour terminer, que l'enfant ne souffre nullement du 
mérycisme, que la santé générale est excellente et que son poids a 
augmenté de 2 kil. 300 de juillet 18S1 à juillet 1883, et la taille de 
H centimètres. • 

La pepsine, administrée d^abord à la dose de 50 centig., puis de 
75 avant chaque repas n'a pas produit de modifications sensible 
sur le mérycisme. Le premier jour, il ne s'est produit ni le matin 
ni le soir; le deuxième jour, il a manqué aussi le matin; et l'en- 
fant n'a ruminé le soir que deux gorgées après sa soupe, rien après 
le repas. Le troisième jour, il n'a ruminé que deux fois le matin, 
une heure»après le repas ; le soir, il n'a pas ruminé. Le jour sui- 
vant, le mérycisme a repris comme d'habitude et n'a plus présenté 
aucune modification. 

Sans insister dans cette observation sur les caractères parti- 
culiers de ridiotie, l'hérédité, etc., nous signalerions Yétat de 
délabrement du système dentaire qui n'est pas sans doute 
sans influer beaucoup sur la production du mérycisme par 
suite des troubles de mastication qui en résultent; puis la 
voracité y très marquée chez Gr... D'ailleurs, cet enfant étant 
un type parfait de mérycole, on trouve, nettement indiqués 
chez lui, les phénomènes qui peuvent servir à expliquer le 
mécanisme de Tacte en même temps que la description de 
l'acte lui-même. La plupart de ces faits se retrouvent dans les 
observations précédentes, ainsi que dans celle que nous allons 
rapporter. 

Observation XXXL — Idiotie^ épilepsie. — Mérycisme; voracité.-^ 
Influence des accésépileptiquLS sur le mérycisme. —Santé générale bonne. 
— Juven.. (Ferdinand-Albert-Philippe), né à Paris le 2 juillet i872, 



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396 REVUE CRITIQUE. 

est entré le 20 octobre i 877 à Bicêlre. (Service de M. Boorne- 

VILLE.) 

Antécédents.— RenseigTiements fournis par kjére (24 octobre 4879). 
— Pare, qudranle et un ans, forgeron, vigoureux et bien portant; 
pas d'excès de boisson, aurait eu à dix-buit ans k un coup de 
sanp^ » et le « sang brûlé •. Pa»? de syphilis. [Père, soixante-dix- 
huit ans, receveur d'octroi, bien portant. Pas de maladies ner- 
veuses, excès de boisson. — Mère, morte subitement à cinquante- 
neuf ans de la rupture d'un anévrisme : « C'était une femme bien 
sage. » Aucun antécédent nerveux. Deux frères bien portants, ma- 
riés, ont quatre et sept enfants tous bien portants, n'ayant jamais 
eu de convulsions.] 

Méret quarante-deux ans, lingère, intelligente, assez forte, 
asthmatique, facilement imtable; elle n'a jamais eu d'attaques de 
nerfs. — Pas de névralgies, de migraines; variole grave- en 1870. Pas 
de dermatoses. [Père, mort d'une inflammation d'intestin : aucun 
excès, pas de maladies nerveuses. — Mère, bien portante, intelli- 
gente, pas de maladies nerveuses. Trois sœurs bien portantes ont 
des enfants très bien constitués : un seul, âgé de sept ans, a une 
tète très grosse, mais est intelligent : il louche et a eu des convul- 
sions. Un cousin germain est mort fou à Tasile de Nantes.] 

Pas de consanguinité. 

Deux enfants : i^ notre malade; 2® une fille, bien constituée, 
morte à cinq semaines d'une diarrhée cholériforme. 

Notre malade. Pendant la grossesse, à cinq mois, la mère a eu 
une peur si violente qu'elle s'est trouvée mal sur le coup et n'a re- 
pris ses sens qu'au bout d'un quart d'heure. Accouchement à terme, 
facile; élevé au sein par sa mère jusqu'à ving-six mois. Rougeole 
à quatre mois ; vacciné, pas de variole. — A trois ans, contusion 
violente de la tête à la suite d'une chute ; croup à cinq ans. — A 
sept semai nesy on a remarqué des petites secousses dans les bras 
avec des crispations dans les mains et des mouvements dans les 
yeux. Il fut soigné pendant cinq ans par le bromure de potassium ; 
les accès sont allés en augmentant jusqu'à l'entrée. Le minimun 
des accès en vingt-quatre heures était de sept à huit, et le maximun 
de trente. A un moment, il y eut une période de trois mois qui se 
passa sans accès et pendant laquelle il maigrit beaucoup. Les accès 
sont diurnes et nocturnes; pas d'étourdissements. Juv... n'a jamais 
prévenu. 

Il n'a marché qu'à quatre ans, n'a jamais parlé, a toujours gâté. 
Pas d'ophthalmies, d'abcès, de dartres, de croûtes dans les cheveux ; 
un abcès sur le côté droit du cou dont la cicatrice reste visible. 
Onanisme fréquent: on était obligé de lui attacher les bras. 

Il a commencé à niminrr à dix mois, après avoir mangé ou bu. 
Il avalait ses aliments de suite, gloutonnement; pas de salacité. 
On n'avait jamais vu de ruminants dans la famille. 



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DU MÉRYCISME. 397 

Etat actuel{a.otLi 1882). — Tête très volumineuse, développée dans 
sa partie postérieure, saillie très prononcée deroccipital au niveau 
de la protubérance. La calotte crânienne est plate et semble taillée 
suivant un plan incliné de droite à gauche. Front bas et étroit; 
bosses frontales saillantes ; au-dessous d'elles, dépression assez 
marquée. Pas de saillie des arcades sourcilières : la partie gauche 
du front parait un peu plus déprimée que la droite . Circonférence 
de la base, 50 centimètres ; d'une oreille à l'autre, 30 ; diamètre 
antéro-postérieur (compas Budin), 16,3; diamètre bi-pariétal, 44,2; 
diamètre bi-temporal ; 12. Face ronde, symétrique. Yeux : iris giis 
brun, pupilles normales, égales et contractiles, pas de strabisme, 
ni de conjontivites. — Nez petit; bouche moyenne, lèvres peu épaisses. 
Voûte palatine assez large, profonde, symétrique ; voile du palais, 
amygdales, luette, piliers réguliers et symétriques. Maxillaire su- 
périeur, régulier et symétrique. Les deux incisives médianes sont 
larges et dentelées : la canine droite, la canine gauche et la pre- 
mière molaire gauche manquent. Les deux petites molaires droites 
sont cariées jusqu'à la gencive. — Maxillaire inférieur, régulier et 
symétrique : la deuxième molaire gauche est détruite. 

Oreilles grandes, séparées de la tête, bien ourlées; lobule dé- 
taché. 

Cou court : cicatrice d'abcès ganglionnaire sur le bord antérieur 
du sterno-mastoïdien gauche ; pas de glandes. 

Thoi-ax bien conformé, colonne vertébrale rectiligne. Abdomen 
souple, sans développement exagéré. 

Membres supérieurs bien conformés, assez gros; doigts longs. 

Membres inférieurs, — Pas de traces de rachitisme, rectilignes, 
assez musclés; doigts longs; voûte plantaire normale. — Organes 
génitaux. Testicules descendus; verge normale; prépuce long, sans 
phimosis. Pas de poils au pubis. — Peaw. Cheveux châtain foncé 
très abondants ; sourcils, cils longs et fournis. Pas de poils aux 
aisselles, au pubis, ni sur les membres. Pas de ganglions au cou, 
aux aisselles, ui aux aines. 

Sensibilité générale intacte; sens spéciaux obtus. — Rien au cœur 
ni aux poumon^.— Langue bonne ; appétit conservé; immination, — 
Selles normales y pas de vomissements, pas de dilatation stomacale. 
— Foie et rate normaux. — Poids, 23 kil. 600 ; taille, i mètre 16. 

Cet enfant marche très bien, grimpe partout, mais ne sait pas 
descendre les escaliers, il est toujours en mouvement, court après 
les feuilles, tourne dans les cours en secouant ses mains, ou en les 
tapotant Tune contre l'autre et en poussant de petits cris : « Euh! 
euh ! » ou en souûant ! Lorsqu'il aperçoit une porte ouverte il sort 
sans savoir où il va aller et sans idée du danger, s'il y en a. Il 
aime à clapoter dans l'eau et à pousser les cailloux avec ses pieds. 
Parfois colère, surtout quand on le débarbouille, quand on lui 
coupe les cheveux. Bave, balancement; suce rarement ses doigts; 



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398 KKVUK CKITIQIIK. 

a plutôt rhabitudo de los mettre dans ses oreilles. Jl est vorace, 
gourmand et voleur; pas do salacité; ^'âtisme; onanisme persis^ 



tant. Il ne sait ni se laver, ni s'habiller, ni se déshabiller. Parole 
nulle ; ne dit que « papa, mauiau ». 11 ne comprend rien et ne^fait 



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DU MÊKYCISMK. 3*J0 

môme aucun signe, il reconnaît maintenant son père et sa mère, 
ce qu*il ne faisait pas à rentrée. Il est caressant, et parait affec- 
tionner d'une façon particulière l'enfant Perrin qui s'occupe uu 
peu de lui. 11 est impossible de fîxer son attention. 

\.*épilep$ie se traduit chez lui par des accès et des vertiges : en 
1880 il a eu 132 accès et 4o vertiges ; en 1881, 286 accès et 512 ver- 
ti^'es, en 1882, 259 accès et.o2 vertiges jusqu'au mois d'août. Il a 
eu, en janvier 1881, une rouz/eo/e qui a duré six semaines cl pendant 
laquelle il n'a eu aucune manifestation épileptique. (Voir Profjrês 
médicaly 2 septempre 1882, p. 663.) {Pig. 7) >. 

Description des accès •. Chez cet enfant, les grands accès eux- 
mêmes n'ont jamais une grande intensité. Le plus ordinaire- 
ment, il pousse un cri, penche le dos en arrière, tend la tôle 
et les bras en avant; les pieds et les mains sont dans l'extension 
et la rotation en dedans. En même temps les globes oculaires sont 
tournés en haut et la bouche est largement ouverte. (Période to- 
nique.) Petites secousses téta niformes dans les membres, mais sur- 
tout dans les paupières ; puis secousses cloniques généralement 
de peu d'étendue et de durée : elles sont quelquefois moins pro- 
noncées à droite. Ronflement, bave sanguinolente, émission d'u- 
rine; sommeil. Les accès se produisent surtout après les repas. 

J... ne sait pas manger seul. Il est très vorace. Sitôt que son re- 
pas est devant lui, il se saisit du pain qu'il se met à manger tout 
d'abord; puis il prend les autres aliments à pleine main, môme 
les bouillies, et les porte à sa bouche en en laissant tomber la plus 
^Tande partie. Lorsqu'on le fait manger, il avale la plupart des 
aliments de suite, sans les mâcher. Parfois quelques bouchées 
ne sont avalés qu'après des efforts de mastication, i^endant tout 
le temps du repas, il ne cesse de gratter la table avec les ongles, 
il ne manifeste pas de répugnance pour les liquides; néanmoins, 
la plupart du temps il boit peu, et finit à peine sa portion do vin. 
il lui arrive souvent de prendre avec sa main ce qui se toruve dans 
l'assiette des voisins ; mais ces emprunts sont toujours faits au ha- 
sard et sans distinction d'aucun mets, différent en cela de Gr... 
qui, lui, ne vole jamais que la viande. Il n'a de préférence pour au- 
cun aliment. 

Cet enfant, qui d'ailleurs est toujours très remuant, n'a pas plu- 
tôt fini ses repas qu'il se met à courir de tous côtés en tapant dans 

< Voir aussi : Bourneville et Bonnairc. — Recherches cliniques et thé' 
rapeutiques sur Npilepsie, Chystérie et Vidiolie, compte rendu du service 
pendant 1881, p. 97. 

* Gomme le lecteur Ta sans doute remarqué, nous continuons à donner 
dans nos observations la description des accès ^ aûn d^amver bientôt à 
donner au tableau aussi exact que possible des diverses variétés d'accès 
épileptiques. 



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400 RBVUB CRITIQUE. 

ses mains et en poussant ses cris habituels. Il ue reste assis que 
si on le place sur une chaise basse : mais^ même dans c^ cas, il se 
balance la plupart du temps en soufflant bruyamment et en agi- 
tant ses mains. Lorsqu'il reste par hasard tranquille, il se penche 
en avant, met Tindex de chaque main dans Toreille correspon- 
dante et demeure ainsi quelques minutes, puis reprend son balan- 
cement. 11 ne suce ses doigls que très rarement; il ne cesse de 
baver. 

La rumination met toujours un certain temps avant de se pro- 
duire et ce n'est, en général, que 3o ou iO minutes en moyenne 
après le repas que la première régurgitation se produit. A ce mo- 
ment, il allonge le cou, penche un peu la lôte, provoque une éruc- 
tation, qui est suivie du rejet des aliments qui remontent avec bruit 
dans la bouche. Ces phénomènes sont constants. Chez cet enfant 
les efforts sont encore moins exigeants que chez Gr... et même en 
l'observant avec attention et à plusieurs reprises nous n'avons noté 
ni grande inspiration^ ni mouvements du thorax, mais seulement 
parfois une légère ondulation de la paroi abdominale. La respiration 
est réguhère,le vjsage reste le môme et l'enfant interrompt à peine 
son balancement ou sa promenade. Parfois il demeure quelques 
secondes la tôte penchée en avant, les joues gonflées, semblant 
attendre que toute la gorgée soit revenue. Alors il la retourne dans 
sa bouche comme s'il se gargarisait^ fait à peine trois ou quatre 
mouvements de mastication et la ravale de suite. Pas de mouve- 
ments de latéralité. 

11 nous a été impossible de reconnaître ici l'ordre de retour des 
aliments et leur état au commencement et à la fin de la rumina- 
tion. Cet acte s'accomplissait toujours la bouche fermée et à cha- 
que tentative que nous avons faite pour l'ouvrir, J... avalait pré- 
cipitamment ce qu'il avait dans la bouche, de telle sorte que nos 
efforts sont restés infructueux. 

Au début de la f*umination, les gorgées ne sont guère séparées 
que par un intervalle d'une minute ; mais, à mesure qu'elle s'a- 
vance, cet inteixalle augmente, et peut, à la fin, atteindre trente mi- 
nutes et plus. A ce moment, il est impossible de saisir la moindre 
trace d'effort; d'un autre côté, la mastication, toujours peu longue 
môme au début, ne se fait plus et les bouchées sont ravalées ins- 
tantanément. 

Il est assez difficile, dans le cas actuel, d'être fixé sur la durée 
précise de la rumination et le nombre des gorgées. En effet, Juv... 
a très souvent, après ses repas, des accès épileptiques qui inter- 
rompent toujours la rumination et l'empôchcnt même de se mani- 
fester lorsqu'elle n'est pas commencée. Lorsque ce contre-temps 
ne se produit pas, nous avons observé que la moyenne des gorgées 
était de douze à quinze et que la durée de la rumination variait le 
plus souvent entre une heure et demie et deux heures. 



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DU MBRYCISME. 401 

La rumination suit aussi bien le dîner que le déjeuner et se 
présente toujours sous le môme aspect. Cependant il arrive assez 
souvent que, môme en dehors des accès d'épilepsie, l'enfant ne 
rumine pas après un repas, qui alors est toujours celui du soir ; 
d'autres fois, mais plus rarement, la rumination manque toute 
une journée. Ce fait ne s'est montré que cette année. 

Toutes les substances ingérées sont également ruminées; ce- 
pendant ce sont toujours les matières solides qui le sont le plus. 
Les liquides ou les potages ne le sont pas constamment, et, s'ils 
reviennent, ce n'est qu'un petit nombre de fois et de suite, après 
leur ingestion, avant que l'enfant n'ait pris le reste de son repas. 
La rumination ne parait provoquer aucun dégoût. Juv. . . rumine 
également bien, assis ou debout. Le décubitus dorsal ne fait que 
suspendre momentanément les régurgitations. Jamais les aliments 
ne sont rejetés au dehors. 

Le mérycisme semble être ici an acte physiologique : Tenfant 
a belle apparence, sa santé est bonne; son poids a augmenté de 
400 gr. depuis le mois de janvier ^ 882 et sa taille de centimètres. 

La pepsine, à la dose de 50 centig., puis 75 avant chaque repas, 
n'a donné aucun résultat. 

Nous noterons encore^ dans ce cas, un fait que nous avons 
déjà signalé dans le précédent : le mauvais état des dents. D'un 
autre côté, la voracité, ainsi que tous les autres caractères de 
la rumination, se retrouvent ici, nioins marqués, il est vrai, 
que chez Gr... mais cependant très évidents. 

Les aliments, une fois revenus dans la bouche, sont soumis 
à une seconde mastication^ généralement longue et conscien- 
cieuse. A ce propos, Burgower avait signalé chez les mérycoles 
des mouvements de latéralité de la mâchoire. On ne les a 
notés nulle part et nous ne les avons pas observés chez nos 
idiots. Quoiqu'il en soit, cette seconde mastication, complète au 
début de la rumination, est moins longue à mesure que Pacte 
s'avance et les dernières bouchées sont presque avalées de suite 
après leur régurgitation. Gela peut s'expliquer assez facilement 
si l'on considère Yétat des aliments qui remontent au commen- 
cement et à la fin de la rumination. Dans le premier cas, en 
effet, ils reviennent presque intacts ; c'est alors qu'intervient 
énergiquement la mastication ; plus tard ils ne se présentent 
plus que sous l'aspect de hachis on même de pâte (Obs. XXI, 
XXVI, XXVII, XXX) et l'on conçoit dès lors qu'ils nécessitent 
bien moins le secours des dents. 

Quant au mode de retour des aliments, le résultat de nos 

Archives, t. VI. ^6 



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402 RRVUB D£ PATHOLOGIE MENTALE. 

recherches ne concorde pas avec ce que nous trouvons dans les 
Observations VI, VII, XVII où il est dit que les aliments re- 
viennent dans Tordre où ils ont été ingérés. Nous avons tou- 
jours vu les aliments ingérés, du moins les solides, entrer tous 
à la fois dans chaque gorgée; quant aux liquides, s'ils remon- 
taient, c'était de suite après Tingestion, à condition, toutefois, 
que le malade ne mangeât plus rien après. 

Vmtervalle qui sépare les gorgées varie aussi aux différents 
moments de Tacte. Presqu'insensible au début, il va toujours 
en augmentant à mesure que la rumination progresse. Rosseir 
avait signalé cette particularité (Observation XXVI). 

{La fin au prochain numéro). 



REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE 



XV. I.KS TROUBLES DE LA VUE d'oRIGINE CÉRÉBRALE CHEZ LES PARALYTIQUES 

GÉNÉRAUX ; par Carl Stçnger. {Archiv, f. Psych, u, Nervenk,^ 
XIII, i.) 

Sous ce titre, rauteur éludie d'abord la cécité psychique caracté- 
risée par ce fait que les individus voient sans reconnaître les 
objets, sans en comprendre Tusage ;la notion de ces derniers ne leur 
revient qu'au fur et à mesure qu'ils en prennent connaissance à 
l'aide des autres sens. Les lésions, consécutives aux attaques con- 
gestives, portaient, soit, comme dans les expériences de Munk, sur 
le lobe occipital exclusivement (obs. l), soit sur le lobe temporo- 
occipital (obs. II). L'ensemble des attaques dont chacune était inva- 
riablement suivie dans l'espèce des mêmes phénomènes finit par 
amener Vamaurose cérébrale ou cécité corticale (obs, IV et V) ; à ce 
moment, la perception est abolie, M. Stenger tend à admettre que 
le lobe occipital renferme deux centres : l'un situé à la pointe et 
correspondant à la zone A.^ de Munk présiderait aux conceptions que 
font naître les impressions visuelles, aux images qu'elles déposent 
dans l'écorce (images du souvenir) ; sa destruction entraînerait la 
la cécité psychique. L'autre plus étendu aurait pour fonction de 
percevoir; son anéantissement expliquerait la cécité corticale totale; 



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REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 403 

il reste au surplus indéterminé ^ Au lobe occipital serait égale- 
ment dévolu yhémianopsie croisée (obs. VI et VII), seulement les 
couches optiques, les tubercules mamillaires et le lobe pariétal 
participaient aussi dans ces faits aux altérations. — En terminant, 
le clinicien fait remarquer les hallucinations de la vue généralement 
bilatérales comme les autres manifestations, survenues avant ou 
après les attaques congeslives tant pendant la cécité psychique 
qu'au milieu de Tamaurose complète (obs. II, V et Vil). P. K. 

XVI. Sur l'état de la température dans quelques formes de maladies 
MENTALES {rapproché du centre régulateur de la chaleur) ; par 
W. Bechtgrow. {Archiv. f. Psych, u. Nervenk., Xlll, 1.) 

L'auteur étudie successivement la température dans la mélan- 
colie, la manie, la démence consécutive et Tidiotie. 43 courbes. Il 
divise la mélancolie eu égard à ses phases thermiques, et, en parti- 
culier, la mélancolie avec stupeur en trois périodes : 1° période de 
début ou d'agitation : T. R. normale ou hypothermie pouvant 
atteindre 40»; — 2» stade de profonde dépression; hypothermie 
parfois très accusée ; 3° stade de guérison : température normale ou 
hypothermieau début qui, dans ce cas, est de bon augure (améliora- 
tion psychique rapide. Le plus souvent, dans l'espèce, (la tempéra- 
ture du matin est supérieure à celle du soir (type inver.se) mais ceci 
ne se remarque que lorsque la maladie est à sa phase de parfait 
développement ou bien pour l'hypothermie du stade de guérison 
quand elle existe. La température périphérique présente outre un 
fréquent abaissement de 0,15 k 0,9 des différences locales d'un 
côté à l'autre qui atteignent quelquefois 4®, 2», 3°, 4«; états passa- 
gers sous la dépendance de troubles de la circulation cutanée. Ces 
manifestations, de concert avec la diminution des matières azotées 
et de Turée excrétée par l'urine, conduisent M. B... à incriminer des 
modifîcations dans la circulation et la crase du sang entraînant 
des diminutions dans les échanges stachiolosiques. L'individu 
déprimé soumis à un bain tiède perd en effet moins de chaleur qu'un 
individu sain, c'est-à-dire qu'il en fournit moins. — La manie offre 
à la période de dépression prodromique une hypothermie qui 
peut aller à 36,5 ; à la période d'agitation extrême, une hypo- 
thermie qui restitue la température normale; à la période de 
calme ou d'épuisement une nouvelle hypothermie. Type inverse 
à la période de complet développement du second stade. Diminution 
des matériaux constitutifs de l'urine ; c'est donc ici le travail mus- 

^M. Stenger explique le mécanisme fonctionnel de ces centres par des 
considérations histologiques qni sont les mômes que celles déjà consi- 
gnées dans l'analyse du mémoire de M. Tuczok sur la disposition de 
fibres dans récorce. (Archives de Neurologie.) P. K. 



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4()4 RBVUB DE PATHOLOGIE MBNTALE. 

cuiaire qui est la source de la production de chaleur. — \a 
démence et Tidiotie présente des irrégularités thermiques irrégu- 
lières, inconstantes, dépourvues de type. — Les conditions de la vie 
des psychopathes étant complètement insuffisantes, comme d'ail- 
leurs les éléments d'ordre extérieur ou somatique, pour expliquer 
les particularités thermiques, il faut, de concert avec la pathologie 
expérimentale, admettre les troubles d'un centre régulateur de 2a 
chaleur siégeant dans Técorce. P. K. 

XYII. De la conscience de la maladie dans les affections mentales; 
par Arnold Pick. (Arch, f. Psych. u. Nervenk. XIII, 3.) 

Après un résumé historique des faits cliniques prouvant que les 
malades avaient conscience de leurs anomalies psychiques, M. Pick 
admet que la conscience de la maladie se décompose en sentiment 
de l'état morbide, et discernement de l'état morbide. Le sentiment 
de l'état morbide provient de sensations ayant pour point de départ 
le cerveau ; telles la céphalalgie prémonitoire, la sensation de vide, 
de dilatation, d'ouverture et de fermeture du crâne peuvent bien être 
en rapport avec des modifications du côté des méninges^ du liquide 
céphalo-rachid^n, etc.. Le discernement de l'état morbide procède, 
lui, du raisonnement; ainsi, en est-il pour les héréditaires qui, par 
exemple, à l'école, constatent leur médiocrité intellectuelle. La plus 
grande partie de la conscience de la maladie revient encore au 
discernement dans la folie systématique hallucinatoire. Il en est 
autrement pour la folie impulsive. D'ailleurs, le sentiment de la 
maladie conduit fréquemment au discernement de Tétat de mala- 
die (discernement rétrospectif), mais, à coup sûr, ce n'est pas dans 
l'hypochondrie. La plupart des psychoses témoignent de l'existence 
de la conscience qui nous occupe ici ; aussi, le groupe des folies 
avec conscience doit-il simplement signifier que, dans ces dernières, 
la conscience de la maladie est un des phénomènes les plus sail- 
lants et les plus constants. P. K. 

XV11I. De la réaction des pupilles des aliénés sous l'influence de 
l'excitation des nerfs sensibles ; par G. Moeli. (ArcA. f, Psych. 
Nervenh., XUI, 3.) 

(ihez les individus bien portants, l'excitation des nerfs sensibles 
de la peau à la piqûre et au contact d'objets mousses, entraîne 
presque toujours une dilatation pupillaire, excepté chez les si^ets 
d'un certain âge (cinquante ans) où elle fait parfois défaut, malgré 
l'application de courants faradiques intenses. En tout cas, il faut 
tenir compte de différences individuelles. Dans la paralysie géné- 
rale, la dilatation d'origine cutanée (courant faradique cervical) 
est surtout absente chez les hommes dont les pupilles réagissent 



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REVUE DB PATHOLOGIE MENTALE. 405 

mal à la lumière. Elle fait exclusivement défaut chez les femmes 
dont la réaction pupillaire à la lumière est défectueuse. L'absence 
de réaction à Téclairage et à l'excitation des nerfs sensibles pré- 
domine chez les malades .qui ne présentent pas le phénomène du 
genou. Parmi ces derniers, en effet, les 4/5 n'offrent pas de réac- 
tion pupillaire; la proportion n'est que d'4/3 pour ceux qui pré- 
sentent le phénomène du genou. Aucune espèce de réaction 
pupillaire pendant Tépilepsie ou le coma qui suit les affections 
encéphaliques. Les hystériques en état d'hémianesthésie subissent 
la dilatation pupillaire sous l'influence de l'excitation des régions 
anesthésiques. Le fonctionnement de l'écorce du cerveau n'est donc 
pas nécessaire pour que la pupille se dilate à la suite des incitations. 
C'est probablement à une altération du cerveau moyen, de la 
moelle allongée^ qu'il faut attribuer la disparition de la réaction 
pupillaire des paralytiques généraux. P. K. 

XIX. Les troubles dans l\ sphère du système nerveux périphérique 
CHEZ LES AUÉNÉs; par TiGGEs. (/1//^. Zeitsschr, f. PsycA., XXXIX, 
t et 3.) 

Ce mémoire traite successivement des sensations anormales de la 
sensibilité à la pression, des perturbations des fonctions sensorielles 
de la peau et de la sensibilité musculaire, des troubles moteurs et 
vasomoteurs que l'on observe chez les aliénés. Voici les particula- 
rités qu'il nous paraît intéressant de mettre en relief. 

Les sensations anormales qui se montrent dans la lypémanie 
peuvent être limitées de préférence ou exclusivement à telles zones 
ou s'étendre plus ou moins au corps entier. La sensibilité à la pres- 
sion s'y allie souvent et porte aussi sur des territoires plus ou moins 
étendus; ces territoires ne sont parfois décelés que par l'application 
à demeure du courant constant. Les exacerbations de ces phéno- 
mènes accompagnent très fréquemment celles des symptômes 
psychiques ; mais ce n'est pas la règle. Quand la psychose est pré- 
cédée de sensations anormales il y a lieu d'admettre une relation 
anatomique entre les deux ordres de manifestations ; il ne s'agit 
plus de simples réflexes. La moelle et la moelle allongée se font 
pour les irradiations des sensations et de l'hyperesthésie à la pres- 
sion les conducteurs de l'encéphale. Les diverses fonctions de la 
sensibilité cutanée sont très fréquemment atteintes en môme temps 
que l'on constate des sensations anormales, dans la mélancolie et la 
folie systématique. Elles sont alors le plus souvent émoussées. On 
n'observe pas de modalité typique à leur égard non plus que de 
différences particulières qui permette d'attribuer tel genre à la 
mélancolie, tel autre à la folie systématique. La môme propriété 
du tact en divers endroits du corps ou les différentes qualités de ce 
sens chez le môme individu, offrent des diversités multiples. Le dé- 



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406 RBVUB DE PATHOLOGIE MENTALE. 

doublement de la pointe du compas constitue un phénomène d'ir- 
radiation qui provient soit de ce que la faculté d'apprécier ia distance 
est exagérée, soit de ce que la sensibilité à la douleur est plus grande 
(mélancolie, folie systématique, épilepsie) ; les troubles trophiques 
et fonctionnels propres à la psychose entrent aussi en ligne de 
compte. La diminution de la sensibilité à la douleur dans la stupi- 
dité est susceptible d'une prompte compensation. C'est la moelle, 
la moelle allongée, et, môme en certains cas, le cerveau qu'il faut 
dans l'espèce incriminer. Parmi les troubles moteurs qui appar- 
tiennent à la lypémanie, il faut remarquer les tremblements, la 
raideur de la colonne vertébrale et des membres, les convulsions 
cloniques des membres et du tronc ; les contractions toniques sont 
plus rares. De ces symptômes, les uns sont des réflexes issus des 
troubles de la sensibilité avec lesquels ils coïncident quant au 
temps et quant au lieu. La tension musculaire et la résistance que 
l'articulation oppose aux mouvements qu'on essaie d'imprimer au 
membre se présente, au moins temporairement, dans tous les cas 
de stupeur et de démence paralytique, chez 77 p. 400 des mélan- 
coliques, chez 24 p. 100 des maniaques; ce n'est pas un réflexe, 
car elle coïncide avec la diminution de la sensibilité à la douleur. 
Parmi les troubles vaso-moteurs assez fréquents dans la mélancolie 
qui s'accompagne de sensations anormales, il importe de noter la 
rougeur de la face et des oreilles avec sensation subjective de cha- 
leur, soit continue, soit par accès de plusieurs heures, souvent uni- 
latérale, qui affecte tantôt le môme côté, tantôt des côtés différents, 
tantôt les deux côtés à la fois avec une égale intensité. Elle passe 
quelquefois de l'autre côté après avoir occupé un seul côté pendant 
des années : en un cas, ce passage s'effectue sous l'influence du 
chloral. Les différences thermiques d'un côté à l'autre n'ont jamais 
dépassé 1<',4 R. A. la moitié de la face plus rouge peut correspondre 
du myosis, mais ce n'est pas la règle. Parfois, le côté plus rouge 
présentera une plus forte sécrétion sudorale. P. K. 

XX. Rappout médico-légal sur l'état mental de Dely-Mehembd, 

ACCUSÉ DE MEURTRE SUR LE LIEUTENANT-COLONEL RUSSE KUMVEREAO; 

par L. MoNGERi. {Jcûirb.f. Psych.Jllf 3.) 

L'intérêt de ce rapport réside dans les développements en vertu 
desquels l'auteur rejette l'existence d'une affection mentale. 
Détails morcelés sur les mœurs turques. P. K. 

XXL Contribution a l'étude de l'insanity moral; par A. Hollcendbr; 
(Jahrbùch. f, Psych., IV, 4.) 

La folie morale procède de la mégalomanie bien que, chez les 
malades en question, le délire des grandeurs n'affecte point une 



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RBVUS DB PATHOLOOIB MENTALE. i07 

forme fixe, ne soit pas stéréotypé. Us sont parfaitement aptes à 
apprécier les droits d'aulrui et à comprendre leurs devoirs person- 
nels, mais la mégalomanie à laquelle ils sont en proie, les sollicite 
à lutter contre les principes sociaux. Telle est la substance de la 
discussion psychologique de M. Hollœnder. P. K. 

XXII. Sue la folie impulsive ; par E. Pohl. [Jahrhuch. f, Psych.^ V, 1.) 

Les études et observations de Pohl Tentratnent à considérer la 
folie impulsive comme une neuro-psychose dégénérative, du genre 
maniaque, qui, se développant chez des individus entachés d'héré- 
dité ou chez des névropathes prédisposés, s'associe assez souvent à 
certaine.* formes d'aliénation mentale ou à certains états psycho- 
pathiques. Elle se manifeste par des impulsions paroxystiques issues 
de sensations anormales, qui, quelle qu'en soit l'origine périphé- 
rique ou centrale, portent le malade à commettre des actes violents 
ou pei*vers contre lui-même ou ses semblables. P. K. 

XXIii. Un cas de folie circulaire ; par Schœper. (JVeuro/. Centralbl.^ 

4882.) 

Ce sont les troubles de la circulation qui donnent à l'observation 
son cachet. Chaque période de manie était caractérisée par une 
fréquence très grande (400-'l28) et une tension très faible du pouls 
presque dicrote, la température marquant 37»,5 à 37«,6. Inverse- 
ment, la phase de mélancolie s'annonçait par 60 à 68 battements 
par minute, le pouls acquérant une tension excessive et la tempé- 
rature étant de 37» à 37»,4. 

Au moment où la mélancolie va se transformer en manie et 
inversement, on peut obtenir des tracés tenant plus ou moins de 
la période qui va venir, c'est-à-dire tenant plus de celle qui va ve- 
nir que de celle qui précède; mais il faut jouer de bonheur pour 
saisir la nature sur le lait, car la transformation est prompte. 
Enfin, si la période maniaque est teintée de dépression, on a un 
pouls dont la courbe ne se rapporte ni à un stade ni à l'autre, un 
pouls non classé comme l'état psychique du malade. Ces caractères, 
qui sont les mômes pour toutes les branches artérielles, suffisent 
pour éclairer le diagnostic sur la valeur psychopathique de l'hu- 
meur du malade et déceler les accès abortifs, l'état psychique 
s'inscrit en quelque sorte par la tension artérielle. Plus de cent 
tracés en font foi chez le môme individu. Telle est du moins Topi- 
nion de M. Schœfer qui attribue aux troubles circulatoires les 
complications somatiques (herpès et asthme) qui hantèrent tou- 
jours, dans l'observation envisagée, la période maniaque. Les médi- 
caments (nitrite d'amyle, morphine, ergotine, digitale) qui agissent 



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408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 

sur la tension yascuiaire n*eurent au resle que peu ou point d'ac- 
tion sur Tune ou Taulre des périodes. P. K. 

XXIV. Un cas de paralysie progressive; parO. Berger. 
(Neurolog. CentralbL, i882.) 

n s'agit d'une forme de démence ayant débuté chez une femme 
de vingt-trois ans par des attaques d'hémiplégie consécutive à des 
troubles vaso-moteurs (pâleur, frigidité), avec impossibilité de par- 
ler (conservation de la connaissance). Ces sortes d'accès passagers, 
qui n'ont rien de congestif, sont plus tard suivis de rigidité des 
membres et s'accompagnent, à une époque bien plus avancée de la 
maladie, de convulsions cloniques des muscles de la face. L'au- 
topsie ne rend pas compte de leur genèse, que M. Berger tend à 
rattacher à l'excitation du centre vaso-moteur de Técorce. P. K. 

XXV. Idées délirantes et délires; par Siemens. 
{Neurol. CentralbL 1882.) 

Le délire (de la fièvre, des intoxications, des affections soma- 
tiques) est consitué par des paroles insensées, des divagations 
agies et parlées au hasard sans que le malade ail seulement cons- 
cience de leur existence. La notion de l'idée délirante au con- 
traire repose sur le mécanisme anormal des conceptions ou as- 
sociations de conceptions ; ce sont elles qui faussent la conscience 
du sujet et exercent sur la façon de sentir et les tendances de l'in- 
dividu une influence pathologique; le malade s'appuie sur les 
conceptions en question pour agir. Il conviendrait de systéma- 
tiser cette différence dans la terminologie et de ne point em- 
ployer indistinctement le mot délire pour l'expression idée dé- 
lirante. P. K. 

XXVI. Sur les courbes sphyghographiques du pouls chez les aliénés ; 
par H. Grashey. (Arch. f. Psych. m. Nervenk.f Xlll, 2.) 

Voici brièvement les résultats de cette étude d'hydrodynamique 
physiologique. La diminution du travail des nerfs vaso-moteurs 
engendre non le pouls lent (tardiis) ; mais un pouls dicrote à som- 
met aigu. Le pouls lent commun est produit par l'augmentation 
de la résistance de l'ensemble des ramifications terminales de l'ar- 
tère radiale. Le pouls lent arrondi {rotundo-tardus) des aliénés 
dérive de la diminution du travail du ventricule cardiaque. Les 
pouls lents que l'on observe chez la plupart des aliénés ne per- 
mettent pas de conclure que les névropathies constitutionnelles 
doivent être rattachées à une diminution d'action des vaso-moteurs. 

P. K. 



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REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409 

XXVII. Manik transitoire consécutive a la fièvre intermittente des 
OUVRIERS en laiton; par 0. Bins-Wanger. (iVeuro/. CentralbL, 
1882.) 

L'obsenration est à lire en entier. Le malade avait des accès de 
cette fièvre depuis trois ans. L*auteur pense que, comme pour la 
malaria, la psychose qui nous occupe a remplacé Taccès fébrile. 
Elle en constituerait la forme larvée. P. K. 

XXVIII. Notes sur l'épilepsib; par F. Siemens. {Neurol, CentralbL, 

1882.) 

Sous ce titre, M. Siemens examine Tallure des pupilles chez une 
épileptique de vingt ans à partir du cri initial. L*épilepsie datait ici 
d'un ergotisme épidémique^ et avait opiniâtrement résisté au 
traitement. Le cri s^accom pagne toujours d'un myosis maxima qui 
très promptement se transforme, dès la période de convulsions 
toniques, en mydriase maxima. A la phase d'acmé de cette période 
Tiris n'existe plus tant la dilatation est extrême; à ce moment, 
dévination conjuguée des yeux en haut. Le stade clinique entraine 
une dilatation forte mais non plus exagérée; celle-ci diminue 
progressivement pendant le stertor et le coma. Finalement myosis. 
Pendant le myosis et la mydriase maxima, pas de réaction à la 
lumière. Avis pour la simulation. P. K. 

XXIX. Contribution a la casuistique des troubles psychiques 
transitoires ; par L. Lowenfeld. (Neurolog. Centralbl., 188Î.) 

Il s'agit d'une sorte de manie transitoire caractérisée par de 
l'obnubilation do la vue, de violentes douleurs de tête, des vomis- 
sements, des hallucinations de la vue, du désordre dans les idées^ 
de l'aphasie ataxo-annésique, de l'exsultation survenue chez une 
femme indemne d'antécédents héréditaires et de tares organiques, 
mais sujette dès l'enfance à des accès de migraine. Durée : six 
heures. Les particularités de l'accès font pencher l'auteur vers 
l'opinion qu'il avait affaire à un équivalent d'hémicranie, à un 
simple trouble cérébral fonctionnel remplaçant la migraine. 

P. K. 

XXX. Hypothermie chez les auénés; par Hbbolo. {Arch. f, Psych. 

u. Nervenk. y Xlil, 3.) 

Quatre observations de l'auteur montrent que chez les paralysés 
généraux et les déments, la température peut systématiquement, et 
progressivement, s'abaisser jusqu'à 30« et môme 25*», 7, sans qu'on 



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ilO RRVUR DB PATHOLOOTK MBNTALB. 

puisse invoquer aucune cause extérieure à l'orpanisnie. Il faut donc 
penser que le centre ivgulateur de la chaleur a eu dans l'espèce à 
souffrir; comme on rmcontre des lésions dans le système nerveux 
central, c'est à ses altérations qu'on doit s'en prendre. P. K. 

XXXI. Communications sur le pouls chez les aliénés ; par Glaus. 
{AUg. ZeUschr. f. Psych., XXXIX, 5.) 

Sous ce titre, M. Claus publie les résultats de vingt-cinq mois 
de recherches sur 126 aliénés hommes, et 82 aliénées femmes. 11 
nous donne 32 tracés pris à l'aide du sphygmographe de Marey. 
D'une manière générale, il consigne que, chez les femmes, le pouls 
lent (tardus) est plus fréquent que chez les hommes, qu'il appar- 
tient principalement à un âge avancé, que les formes de ce pouls 
ne semblent pas aussi défavorables, quant au pronostic, que le 
veut Wolff (A//i7. Zeitschr. f. Psych., t. XXIV à XXVI). U l'a notam- 
ment observé chez 71 hommes dont 9,8 p. 100 guérissent; chez la 
femme la proportion des guérisons est dans l'espèce de 20 p. 100. 
Dans la plupart des cas le pouls suit la marche de la température et 
souvent dans les mêmes rapports que chez les individus normaux. 
Passant ensuite aux entités psychopathiquesTauteur affrme n'avoir 
jamais observé le pouls normal chez les paralj^iques qu'il a exa- 
minés à cet égard (13 hommes, 1 femme) ; ou bien le pouls était 
tricrote avec anomalies telles qu'irrégularités dans la ligne de des- 
cente, ou bien il était lent et ne devenait fréquent qu'aux périodes 
d'agitation, ou bien enfin, il présentait un tricrotisme parfait. En 
ce qui concerne la folie périodique (4 faits), chaque période n'est 
pas invariablement accompagnée d'une inégalité dans la tension 
vasculaire dans la modalité sphygmique: il y a des cas dans les- 
quels le pouls demeure qualitativement égal à lui-môme, quels que 
soient le stade, les augmentations dans la fréquence et la force 
dépendant de changements semblables dans l'action du cœur. En 
ce qui a trait aux épileptiques (12 observations), le pouls est exce»- 
sivementlent chez les individus d'un certain âge, tricrote et tardo- 
tricrote chez les individus jeunes ; il reste à peu près tel quel dans 
les heures qui suivent l'accès. M. Claus eut l'occasion de prendre 
un tracé pendant un accès; il nota une fréquence considérable, 
une plénitude plus grande pendant la période clonique; le pouls 
ordinaire du sujet qui était tricrote devenait alors dicrote, et môme 
monocrote pendant les inspirations profondes ; une heure après 
l'accès il avait repris sa forme originelle. P. K. 

XXXIl. Contribution a l'étiologie de l'épilbpsie pendant l'enfance; 
par Jehn. [Neurohg. CentralbL, 1882.) 

Causes : un soufflet entre le cou et l'occiput chez un enfant de 



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RBVUB DB PATH0L06TB MBNTALB. i11 

douze ans; violente frayeur chez un garçon de sept ans. Le premier 
accès suivit immédiatement ou presque immédiatement la cause. 
Gaérison à l'aide de K. Br. seul ou associé à K. J. Hydrothérapie. 

P. K. 

XXXIII. Altérations de l'êcorcb du cerveau pendant le premier stade 

DE LA PARALYSIE PFOGRESSIVh DES aLIÉNÉS; par E. MeNDEL. (NeUTOl, 

CentralbL, iSSi.) 

Observation dont le tableau clinique était tel que le diagnostic 
porté fut: mélancolie simple. L*examen microscopique seul décela 
la paralysie générale. Le début de la lésion est manifesté dans la 
couche névroglique: épaississement; cellules-araignées; épais feu- 
trage de fibres englobant des cellules-araignées disséminées, les 
éléments nerveux étant à peine perceptibles; cellules araignées ou 
connexions avec les vaisseaux remplis de globules blancs; globules 
blancs dans les parois et les espaces adventices; intégrité des 
cellules nerveuses. L'auteur fait ressortir que la prolifération rm- 
cléaire et les altérations vasculaires ne constituent pas le stade pre- 
mier de la maladie et que les lésions les plus intenses occupent le 
voisinage du centre de la parole, ce qui explique pourquoi la pa- 
ralysie générale se trahit d'ordinaire par des troubles de la parole. 

P. K. 

XXXIY. Sur les troubles spinaux chez les fous pellagrrcx ; par 
Silvio ToNNiNi. {Rivista di Freniatria, 1883, fasc. L) 

L'auteur n'admet pas l'opinion émise par Raggi et Alpago-No- 
vello d'après laquelle, chez les pellagreux, il y aurait le plus généra- 
lement diminution on abolition des réflexes tendineux ; il se range 
plutdt k l'avis de Seppili et arrive aux conclusions suivantes : 

4» Chez les pellagreux, à la 3« période, les réflexes tendineux 
manquent rarement, et quand cela a lieu, on trouve généralement 
une cause spéciale ayant amené la diminution de l'excitabilité ré- 
flexe de la moelle. 

2* L'exagération des réflexes tendineux est au contraire fréquente 
et a lieu parallèlement avec l'état spasmodiqne des groupes mus- 
culaires, et est rendue plus apparente par l'élévation de la tempé- 
rature. 

3° Ce qui vient d'être dit pour les pellagreux à la 3« période 
s'applique aussi dans les autres périodes, mais dans des proportions 
moins notables. 

4« L'examen de l'excitabilité réflexe des tendons détruit une des 
analogies qui peuvent exister entre la pellagre et l'ergotisme et 
coïncide plutôt avec les phénomènes décrits par Brunelli et pa'* 
Marie chez les individus atteints de lathvrisme. 



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412 REVUB DB PATHOLOGIE MRNTALB. 

L'auleur signale aussi la fréquence plus grande des ostéômes dans 
Tarachnoîde spinale chez les pellagreuz, qui ont présenté des 
troubles moteurs et sentitifs prononcés. — Il a rencontré ces os- 
téômes chez il p. 400 des pellagreuz qu'il a observés, ce qui n'est 
pas inférieur au chiffre donné par Tamburini pour les paralytiques; 
il a soin de faire remarquer que ses pellagreuz n'étaient pas d*an 
ftge avancé. P. M. 

XXXV. Anomalies de la nutrition au stade de convalescbncb 
DE la manie; par Sioli. {NeuroL CentralbL, 4882.) 

La période d'agitation se manifesta dans les deuz observations 
en question par un amaigrissement en rapport avec l'ezcès de dé- 
penses. Kn revanche, la convalescence coïncida avec une augmenta- 
tion de poids si rapide et si considérable que Tauteur considère 
celle-ci comme issue d'une trophonévrose. Dans les deuz cas, l'obé- 
sité s'accompagna de la production de tuméfactions modérément 
dures, élastiques, adhérant intimement auz os; pas de réaction 
inflammatoire même pour celle qui s'ouvrit spontanément (éva- 
cuation pendant quelques jours d'une petite quantité d'un liquide 
séreuz) ; résorption complète dès que reparut l'état normal. L'au- 
teur explique qu'il ne saurait être question d'une périostite cachec- 
tique favorisée par un traumatisme ; l'absence d'accidents de ce 
genre, la période de calme où l'on était alors, la multiplicité des 
tuméfactions dans l'un des faits, l'amélioration de la psychose et de 
l'état général, le défaut de phénomènes inflammatoires ou spéci- 
flques contrediraient à pareille allégation. Pour lui, il se serait, dans 
l'espèce, effectué quelque anomalie dans les centres trophiques, 
dont l'équilibre revenu dans l'organisme aurait fait justice. P. K. 

XXXVl. Contribution a la pstchopothologie du jeune âge; par 
Drosnes. {Messager de psychiatrie et neuropaihologie, de Saint- 
Pétersbourg, 4883). 

L'auteur cite les cas déjà connus de la forme mentale appelée 
hébéphrénia en ajoutant deux observations personnelles. L'auteur 
pense que Vhébéphrénia n'est pas une forme mentale sui generis 
et croit que c'est l'âge où Tenfant devient adulte qui joue le rôle 
prédominant dans les manifestations syraptomatiques des psychoses 
du jeune âge. Bubnoff. 

XXXVIL Délire aigu avec dégénérescence diffuse des artères du 

CERVEAU ET PLUSIEURS FOYERS DE RAMOLLISSEMENT DE LA SUBSTANCE 

CERVICALE ; par Erlitzky. {Ibid.). 

Dans l'étiologie de ce cas — excès de travail intellectuel et sy- 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 4 1 3 

philis, — Tauteur attire Fattention sur ie fait que la syphilis grave 
du cerveau avec les manifestations spécifiques primaires et secon- 
daires très bénignes s'observe surtout chez des personnes qui tra- 
vaillent beaucoup intellectuellement. La marche de la maladie 
est la suivante : 

Trois ans après la syphilis primaire, — forme très bénigne 
— maux de tête et diplopie. Deux ans après, aphasie avec 
agraphie de peu de durée. Cinq mois après, à la suite des émo- 
tions, violentes dépressions, perte graduelle et profonde de cons- 
cience (connaissance), avec hallucinations variées et nombreuses. 
La température a monté plusieurs fois à 39^. Mort vers la fin de 
la quatrième semaine, après la dernière rechute. (Malheureuse- 
ment, Tauteur |ne nous donne pas Tautopsie des autres organes.) 

A l*autopsie du cerveau, on trouve : Artères athéromatenses 
surtout la syl vienne gauche; une de ses branches complètement 
oblitérée et un petit foyer de ramollissement dans la substance 
grise et blanche correspondant à la partie nourrie par cette branche 
(dans la partie postérieure de la troisième circonvolution fron- 
tale gauche). — Un pareil foyer de ramollissement dans la protu- 
bérance à gauche de la ligne médiane. L'examen microscopique 
montre une forte hyperémie de tous les capillaires de la substance 
grise corticale dont les parois sont épaissies par places. Les parois des 
petites artères sont épaissies et ont subi par places la dégénérescence 
graisseuse. — L*auteur explique la dépression profonde et les hal- 
lucinations par rhyperémie de la substance corticale due au foyer 
de ramollissement ; l'auteur fait la supposition qu'un faisceau de 
nerfs vaso-moteurs se trouve juste à cet endroit. Bubnopf. 



SOCIÉTÉS SAVANTES 



SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE 



Séance du ZO juillet 4883. — Présidence de M. Motet. 

IHscussion sur lapseudo-paralysie générale syphilitique.— M, Chab- 
PENTiER communique à la Société Thisloire d'une femme présen- 
tant des lésions syphilitiques qui simulaieuL une paralysie générale ; 



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414 SOCIÉTÉS SAVANTKS. 

celte malade, lorsque M. Charpentier la vit pour la première 
fois en avril 1883, dans le service de M. Moreau de Tours à la Sal- 
pôlrière, était déjà gâteuse; elle passait ses journées accroupie 
sur une chaise, laissant écouler sa salive, la langue pendante, ne 
se remuant qu'avec peine et ne prenant sa nourriture que si on la 
stimulait vivement. Outre cet état mental, elle présentait à la ré- 
gion frontale gauche trois (tériostites gommeuses, une gomme de 
la paupière supérieure gauche, une atrophie des papilles constatée 
par M. Parinaud, une cicatrice à la narine gauche consécutive à 
une aliénation ayant dû avoir une durée fort longue, une défor- 
mation du nez avec perforation des veines, un écoulement na- 
sal purulent, abondant et fétide et, enfin, un écoulement analogue 
par Toreille gauche, où, plus tard, M. Hermet constata une perfo- 
ration à la moitié inférieure du tympan. La malade n'était pas 
visitée, elle était à la Salpêtrière depuis le 9 février, c'est-à-dire 
depuis deux mois, allant s'affaissantde jour en jour. Nul autre ren- 
seignement que ceux fournis par les certificats. Certificat d'entrée 
à la Salpêtrière : démence consécutive à la paralysie générale. Cer- 
tificat de Saint-Anne, où la malade n'était restée qu'une journée : 
Affaiblissement des facultés mentales avec sensiblerie ; confusion 
dans les idées, incohérence, faiblesse musculaire. Certificat à la 
préfecture de police : Paralysie générale, affaiblissement des fa- 
cultés, hésitation de la parole, inégalité pupillaire, inconscience de 
sa situation; arrêtée dans la rue, ne sachant plus retrouver son 
domicile. Sans chercher à préciser son diagnostic, M. Charpentier 
se fondant sur les manifestations syphilitiques, prescrivit quatre 
grammes d'iodure de potassium et des frictions mercurielles quo- 
tidiennement répétées. Quinze jours après le commencement du 
traitemenl , les sécrétions du nez et de l'oreille étaient taries, les 
gommes diminuées; la malade comprenait un peu, tendait le 
membre qu'on lui indiquait, marchait avec peine, essayait de sou- 
rire pour montrer qu'elle comprenait; mais les mots qu'elle pro- 
nonçait étaient encore trop confus, le langage trop empâté pour 
être intelligible. Elle ne gâtait plus. Quinze jours plus tard, elle 
pouvait elle-même fournir les renseignements de l'observation. Elle 
est giletière, mariée, séparée de son mari; pas d'aliénation ni de 
maladies nei-veuses dans sa famille ; un écoulement vaginal après 
son maria^'e, pas de maladies depuis ; maux de gorge fréquents ; 
chute de cheveux. A la suite de céphalalgies frontales et occipitales, 
accompagnées de nausées et de vomissements, elle eut, il y a quatre 
ans, une attaque de nerfs avec perte de connaissance, mouve- 
ments impulsifs et écume. Depuis, ces attaques se sont renouve- 
lées avec les mêmes caractères, mais plus généralement pendant 
la nuit; elles revenaient deux à trois fois par mois dans la der- 
nière année. C'est à la suite d'une de ces attaques, qu'elle fut con- 
duite a la prélecture de police, mais elle ne se rappelle pas dans 



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SOCIÉTÉS SA.VANTB8. 4lÔ 

quelles circonstances. jLes autres attaques étaient toujours accom- 
pagnées de perte de connaissance; mais presque toujours sans 
morsure de la langue, ni délire, jamais de paralysies, contractures 
ni troubles de la sensibilité. De moins en moins apte au travail, 
elle n'a jamais été malade et n'a pas présenté d'autres symptômes 
pouvant se rattacber à Tépilepsie. Elle n'a jamais remarqué les 
manifestations syphilitiques qu'elle présente ; elle ne se souvient 
pas avoir jamais déliré; au moment où elle fournit ces renseigne- 
ments, la mémoire présente des lacunes ; elle a au moins cons- 
cience de sa situation, s'inquiète de son avenir et de sa famille ; 
elle cherche longtemps ses réponses, la parole est lente, empâtée, 
mais ni scandée, ni bredouillée; pas de frémissement vermiculaire 
de la langue, ni des lèvres; la physionomie a repris de l'expansion ; 
mais la commissure labiale droite est abaissée , elle serre moins 
bien de la main droite et traîne un peu la jambe de ce côté. Deux 
des trois gommes frontales ont disparu; elle travaille avec les in- 
Armières, mais ne peut lire, ni coudre à cause des troubles de la 
vue. M. Charpentier élimine l'hypothèse d'une coïncidence simple 
entre l'amélioration des troubles mentaux et celle des manifesta- 
tions syphilitiques extérieures, en se fondant sur l'aggravation des 
deux crises de symptômes, tant que la thérapeutique spéciale n'est 
pas intervenue et sur leur amélioration rapide et parallèle dès le 
début du traitement. Après avoir diagnostiqué une démence d'a- 
près les symptômes éuumérés, M. Charpentier élimine successive- 
ment la démence avec stupeur mélancolique, la démence alcoo- 
lique, la démence post-épileptique, et conclut à une démence 
consécutive à une paralysie générale^ en se fondant sur les données 
du certificat de la préfecture, sur l'élimination des autres causes 
de démence, et en faisant remarquer néanmoins l'absence de tout 
délire, mais contradictoire, ambitieux ou autre, et l'absence de 
frémissement vermiculaire de la langue et des lèvres. Quant à la 
pathogénie, M. Charpentier élimine Tidée d'un foyer purulent ou- 
vert par les fosses nasales et l'oreille, l'idée d'une méningite par 
irradiation d'une ostéite et admet une irritation méningitique su- 
baiguë, lente, par nappe gommeuse, des méninges, ou de la subs- 
tance grise ou par gomme développée à la face interne du crâne. 
11 se demande également si, en raison de l'analogie de ces symp- 
tômes avec ceux delà paralysie générale type, on ne pourrait pas 
supposer dans ce cas et sous toute réserve néci'opsique, l'existence 
d'une diifusion proliférante cellulaire méningitiqueetencéphalique, 
analogue aux lésions de la paralysie générale, mais conservant en 
outre de Tétiologie de sa production, un modus vivendi qui lui a 
permis de céder à l'action du spéciQque. 

M. Magnan. Nous devons tout d'abord remercier notre collègue 
M. Cliar|)entier de son intéressante communication. Quelle que soit 
la discussion que peut entraîner rinterprétation de ce fait, il n'en 



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416 SOCIETES SAVANTES. 

restera pas moins ce résultat thérapeutique à savoir : une affec- 
tion grave du cerveau très favorablement modifiée par une médi- 
cation spécifique. 

Si, sous ce rapport, l'observation n*offre aucune prise à la critique, 
il n'en est plus de même lorsque, restant sur le terrain où s* est 
placé M. Charpentier, on considère les signes présentés par sa ma- 
lade comme semblables à ceux de la paralysie générale. Qu'il me 
soit permis de rappeler que j'ai eu l'occasion d'examiner cette 
malade avant son entrée à laSalpêtrière,et que j'ai été sollicité à 
l'examiner d'autant plus attentivement que le certificat de notre 
collègue M. Garnier portait paralysie générale. Entre autres signes, 
M. Garnier signale l'hésitation de la parole^ qui n'existait plus le 
lendemain, ce qui n'a rien d'extrordinaire ici, puisque la malade se 
trouvait sous le coup d'une attaque épilepti forme récente lors- 
qu'elle a été conduite à la préfecture de police. Tout le monde 
sait que, chez tous les épileptiques simples, l'attaque peut être 
suivie d'un trouble passager de la parole. 

Pour ma part, je n'ai pas pu m'arrôter au diagnostic paralysie 
générale et j'ai conclu à l'affaiblissement intellectuel avec sensi- 
blerie et faiblesses musculaires partielles, c'est-à-dire à l'existence 
d'une lésion circonscrite et non d'une lésion diffuse généralisée. 
La nature de la lésion ne pouvait être déterminée à ce moment, 
en Tabsence de tout renseignement, en l'absence aussi des mani- 
festations syphilitiques dont M. Charpentier a été plus tard témoin. 
La malade en quittant mon service n'était donc pas, à mon avis, 
atteinte de paralysie générale. Voyons ce que disent les symptômes 
observés depuis cette époque par M. Charpentier et qu'il vient 
d'exposer avec tant de soin et de sagacité. Examinons d'abord la 
motilité : A deux reprises, M. Charpentier déclare que la parole 
était lente et empâtée, et, pour qu'il n'y ait pas de confusion, il 
ajoute qu'elle n'était ni bredouillée ni scandée. Or, pour nous tous, 
c'est déjà un renseignement précieux que la lenteur et l'empâte- 
ment de la parole. 

L'hésitation du paralytique général est caractéristique, et, pour 
ma part, lorsque je tiens à bien faire pénétrer cette notion dans 
l'esprit des élèves, j'ai l'habitude de placer, à côté l'un de l'autre, 
cinq ou six paralytiques atteints, par la maladie, à des degrés pro- 
pressivement plus intenses. Le premier, tout à fait au début avec 
ses accrocs qui commencent à paraître, un deuxième avec de l'hé- 
sitation intermittente, un troisième avec de l'hésitation continue, 
puis un paralytique offrant des coupures dans son langage, scan- 
dant les mots, puis en6n un paralytique psalmodiant. 

Eh bien ! tous ces troubles de la motilité ont un air de famille, 
et quand on a ainsi suivi cette sorte de gamme, l'oreille perçoit 
des caractères communs entre l'hésitation légère du début et la 
parole scandée et psalmodiante de la fin. Je suis convaincu, pour 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 417 

ma part, que le jour où nous aurons un moyen facile d'enregis- 
trer la parole^ nous obtiendrons sur tous les tracés des signes qui 
nous permettront de lire ce caractère commun. Mais si, à côté du 
paralytique, nous plaçons des déments séniles, des individus atteints 
de ramollissement ou d'hémorrhagie cérébrale, des sujets avec des 
tumeurs, les troubles de la parole sont tout autres et c'est là que 
nous retrouvons la lenteur et l'empâtement. Si, avec M. Charpen- 
tier, nous poursuivons rénumération des symptômes, nous voyons 
que la langue restait pendante et embarrassée entre les dents. Quel 
est donc le paralytique général chez lequel, à moins de complica- 
tion ou de lésion accessoire, on trouve la langue pendante ? Mais 
môme à la troisième période, la langue est mobile et tout le 
monde a remarqué le jeu de trombone qu'elle présente à ce mo- 
ment, quand on invite le paralytique à la sortir hors de la bouche. 
L'hésitation de la parole, ce symptôme capital de la paralysie 
générale, n'existait pas chez le malade. Mais si la parole était em- 
pâtée, si la langue était immobile, il y avait aussi un abaissement 
de la commissure droite el encore une parésie du côté droit. Ce 
sont tout autant de symptômes absolument différents de ceux qui 
caractérisent la paralysie générale. Quelle est donc la signification 
de ces symptômes ? N'est-ce pas la manifestation d'une lésion 
circonscrite ? Et l'état mental ? Il y a surtout une profonde obtu- 
sion qui empêche la malade de prêter attention à ce que l'on dit 
ou à ce qui se passe autour d'elle ; toutefois lorsqu'on insiste, on 
arrive à se faire comprendre el à obtenir ce que l'on désire. Il faut 
dit, M. Charpentier, l'exciter et en quelque sorte la réveiller. 11 y 
a donc somnolence des facultés, l'oppression et non la perte 
réelle comme dans la paralysie générale. C'est avec la plus grande 
peine qu'on parvient à la faire manger, non parce qu'elle refuse ou 
qu'elle ne peut pas, mais parce qu'elle n'y songe pas ; en la stimu- 
lant elle reçoit les aliments. 

Est-ce ainsi que se montre le paralytique général ? Celui-ci, 
môme à la dernière période (à moins de délire hypochondriaque), 
dès que vous le placez en face de son assiette, s'y précipite, et 
s'aidant, à la fois des mains et des lèvres, engloutit, si on ne le 
surveille, tout ce qui est à sa portée. Au bout de quinze jours, 
M. Charpentier observe que la malade répond quelques mots mon- 
trant qu'elle comprend les questions, mais elle éprouve rapidement 
une fatigue intellectuelle. 

Quelque temps après on ne constate guère que quelques lacunes 
de la mémoire. 

Nous ne trouvons pas dans cet état l'afTaiblissement réel et pré- 
maturé des facultés ; c'est, on le voit, de l'hébétude, de l'obtusion 
et de la diminution de la mémoire, le jugement et la portée intel- 
lectuelle ne sont pas abolis. 

Quant aux lésions, ce qui s'est passé hors du crâne, les trois 

Archives, t. VI. 27 



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418 SOCIETES SAVANTES. 

gommes frontales, permettent de supposer qu'un travail analogue 
s'est produit dans la cavité crânienne. Une ou plusieurs gommes, 
avec l'irritation qu'elles développent dans le voisinage, expliquent 
suffisamment ce qui a eu lieu. Peut-être aussi Fostéite nasale n'est- 
elle pas étrangère à la névrite optique constatée par M. le D^ Pari- 
naud. 

Il ne faut pas perdre de vue que les lésions permanentes ou 
d'une certaine durée, des lésions fixes en un mot, qu'elles soient 
limitées, circonscrites ou diftuses, donnent lieu souvent à des phé- 
nomènes intermittents, s'exaspèrent par intervalles. Pourquoi? 
c'est qu'avec la lésion fixe, immobile ou lentement croissante, se 
montrent des phénomènes accessoires surajoutés : congestion, 
œdème, troubles vasculaires de tout ordre sans compter l'irrita- 
tion fonctionnelle ; ces phénomènes dont le développement est 
souvent très actif provoquent des accidents qui viennent troubler 
la marche de la maladie principale. 

M. Garinikr. Il y a peut être aussi chez cette malade les éléments 
de deux maladies dilTéreutes : syphilis et paralysie générale. Un 
paralytique général peut en eÔet contracter la syphilis. 

M. DhXAsiAUVE. On entend depuis quelque temps parler de pseu- 
do-paralysie générale, il serait bon d'en finir avec ce mot qui ne 
veut rien dire et qui constitue une erreur clinique. On est paraly- 
tique ou on ne l'est pas. Il y a une paralysie générale type autour 
de laquelle viennent se grouper une foule d'autres formes ayant 
des caractères communs, mais aussi des symptômes dissemblables, 
qu'on ne peut détacher de la principale maladie pour créer une 
maladie nouvelle, la pseudo-paralysie. 

M. Voisin a observé des syphilitiques en démence qui avaient la 
parole lente, avec des paralysies partielles et qui n'étaient que 
syphilitiques. 

M. Motet, frappé des dissemblances qui séparent la paralysie 
générale des maladies qu'on désigne du nom de pseudo-paralysie 
générale, rappelle combien selon lui M. Lasègue avait raison de 
ne voir que la syphilis cérébrale là où M. Fournier croyait avoir 
une paralysie générale syphilitique. Marcel Briand. 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 4 19 



SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLliN 



Séance du \'ô décembre 1882 *. 

M. Lœhr ouvre la séance eu donnant connaissance à rassemblée 
des affaires qui concernent la société. Il si^'nale, en terminant, la 
mort de MM. Levinstein et de Gellhorn; l'assistance se lève en leur 
honneur. Il fait également connaître la motion de M. Falck qui 
propose que « dorénavant la Société tienne des séances régulières 
tous les deux mois. » Diaprés le § 7 des statuts, cette motion devra 
être discutée dans la séance générale annuelle du 15 juin prochain. 

M. Frœnkel prend la parole sur le thème que voici: Crimes 
commis dans l'état d'inconscience. Il s'agit de deux faits à propos 
desquels un premier rapport avait mis en avant l'idée d'un affaiblis- 
sement psychique consécutif à des accès d'épilepsie agissant de 
concert avec l'ivresse. L'un a trait à un incendie, l'autre à un in- 
fanticide. Dans les deux cas, on avait affaire à des hommes mariés 
dopuis longtemps, originaires du môme village qu'ils habitaient et 
n'ayant, jusqu'en ces dernières années, donné aucun signe de dé- 
rangement moral. Leurs désordres datentdujour où des accidents 
épileptiques ont pris naissance, à la suite d'un traumatisme cépha- 
lique. La famille avait gardé sur ces phénomènes le plus profond 
silence, de sorte que Topinion publique les considérait comme de 
simplesbuveurs. Voici d'ailleurs, le résumé des particularités propres 
à chaque cas. 

I. Homme de cinquante-deux ans ayant un frère cadet, épilep- 
tique dès l'enfance, rapidement tombé en démence, et un cousin 
germain idiot. 11 prétend en outre que son père, après avoir souffert 
de la goutte pendant vingt ans, aurait présenté de la déchéance 
psychique. Depuis l'accident, cause de son traumatisme, on aurait 
constaté chez lui des anomalies singulières du canictère. Un beau 
jour^ il quitte sans raison son travail, cherche dispute à sa femme 
qui est obligée de s'enfuir, et, peu après, on voit sa maison en feu. 
Sur ce, jérémiades hypocrites ou paraissant telles, en même temps 
qu'il va gêner la manœuvre des pompiers, puis on n'obtient de sa 
part que réponses variables, contradictoires, aveux sans vergogne, 
ou négations sans preuves, sans système. 11 s'agit de savoir: 1» s'il 
est bien épileptique; 2® s'il a commis l'acte incriminé sous une in- 

* Voir les Archives de SearologiCj t. VI. p. 28i. 



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420 SOCIÉTÉS SAVANTKS. 

Ûueii ce morbide entraînant Tirresponsabilité. L'observation à Tasile 
ayant révélé des attaques de çrand et de petit ma], M. Frœukel 
tend à croire aux allégations émises d*une épilepsie durant depuis 
trois ans et stimulée par Tivresse. Par suite, au moment de Tacte, 
rinpestion d'alcool avait provoqué, outre l'ivresse, Télat d'obnubi- 
lation épileptolde propre, à lui seul, à supprimer le libre arbitre. 
M. Frœnkel ajoute que de tels malades sont capables d'avoir des 
intentions perverses, sous pareilles influences, sans qu'ils soient 
pour cela responsables de leurs déterminations ; car, revenus à eux, 
ils n'ont pas conscience de la sollicitation de leur volonté dans un 
but criminel. Une ordonnance de non-lieu permit plus tard de cons- 
tater déûnitivement la réalité de Topinion émise sur l'existence^ 
chez ces malades, d'états de somniation épileptolde. 

II. H..., 42 ans, marié depuis dix-huit ans, rentre aussi inopi- 
nément de son travail, coupe la gorge avec un rasoir à son plus 
jeune enfant âgé de six ans, tente d'assassiner son fils de dix ans, 
et de se suicider. La rumeur publique impute cet acte à une jalou- 
sie que rien ne justifie; elle parle aussi d'excès de boisson depuis 
quelques années. L'enquête montre en outre que depuis une chute 
de voiture dans laquelle il fut presque écrasé, cet individu serait, 
à des périodes de quatre à six semaines, en proie à des accès d'épi- 
lepsie. Les circonstances qui précèdent, accompagnent, et suivent 
lacté criminel, sont identiques à celles du premier fait. Les ré- 
ponses et les allures du sujet au milieu même du drame et immé- 
diatement après la scène, font supposer la plénitude de la con- 
naissance à l'instant considéré. Et cependant l'étude du malade 
révèle des idées de persécution greffées sur des hallucinations de 
la vue et de louîe, qu'un premier médecin attribue à des excès 
alcooliques prolongés, mais que M. Frœnkel impute à l'épilepsie 
qu'il constate à cette occasion. Le meurtre a été commis dans l'in- 
tervalle de deux accès, sous l'intluence d'une manie transitoire 
remplaçant à ce moment l'accès convulsif (équivalent psychique). 
Confirmation clinique ultérieure. 

L'auteur rapproche de ces deux observations le fait de manie 
transitoire découvert par lui dans Tacite {Annales^W, chap. 54), 
relatif au préteur Plantius Silvauus; il croit que c'est le plus ancien. 

Discussion. — M. Ideler renvoie au cas de Holzepfed (de Char- 
lottembourg) dans lequel il s'agissait d'une épilepsie notoire datant 
de la jeunesse. 

M. Lœur rappelle les analogies que l'on trouve dans les concep- 
tions doubles (idéogénèse double] et dans l'hypnotisme. 

M. Kyselein appelle l'attention sur les équivalents hallucinatoires 
qui peuvent durer plus de huit jours, comme il l'a observé dans un 
cas; les troubles sensoriels survenaient, dans Tespèce, quand on se 
servait d'atropine associée au K. Dr. et disparaissaient lorsqu'on 
traitait les malades par la morphine. j 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 421 

M. Knecht a observé dans son établissement des états de pareille 
sorte plus de cent fois. 

M. Idrler différencie les actes impulsifs inconscients des actes 
inconscients ayant l'air réûéchi. Cette distinction constitue aujour- 
d'hui pour lui un fait patent. 

M. RiCHTBR (de Dalldorf). Contribution à la casuistique des lésions 
de Vécorce du cei*veau. L'observation communiquée se rapporte à 
un homme de soixante- quatorze ans, ayant été atteint d'une at- 
taque d'hémiplégie suivie dès l'abord de symptômes d'aliénation 
mentale qui prennent tout à coup un accroissement brusquo. 
M. Richter constate, à côté de l'affaiblissement psychique, une 
hémiplégie faciale gauche ne portant que sur la motilité, mais com- 
prenant toutes les branches du nerf, voire le lingual et les rameaux 
du digastrique et du stylo-hyoïdien, ainsi qu'une hémiparésic du 
membre supérieur du même côté, avec hyperalgésie, épaississement 
et refroidissement des tissus. Les deux extrémités inférieures sont 
plus faibles, surtout celle de gauche. On observe tardivement de la 
dilatation pupillaire du côté gauche. Rien dans le domaine de la 
sensibilité, ni des organes des sens. L'autopsie révèle des plaques 
de ramollissement dans Thémisphère droit. Elles commencent dans 
le fond d'un sillon qui, parti de la scissure frontale parallèle, à peu 
près à 4a moitié de la hauteur de l'hémisphère, se porte en avant, 
intéressent par conséquent une petite partie de la seconde frontale, 
s'étendent sur la circonvolution frontale ascendante en son tiers 
moyen, envahissent la partie correspondante du fond du sillon de 
Rolande, de la paroi antérieure et de la paroi postérieure de la 
pariétale ascendante, et du fond de la scissure interpariétale 
(portion verticale parallèle au sillon de Rolando). La zone de des- 
truction se continue dès lors sans interruption le long du sillon 
interpariétal jusque sur le lobule du pli courbe (gyrus angulaire) 
et, par les circonvolutions de passage, sur le lobule pariétal supé- 
rieur qui est intégralement envahi. Du lobule du pli courbe, l'alté- 
ration passe dans la 2* circonvolution occipitale. Partout la lésion se 
borne exclusivement à la substance grise; elle n'occupe qu'une 
profondeur de t mil. dans la couche blanche sous-jacente. Pour 
M. Richter, les destructions résultent d'une hémorrhagie piemé- 
rienne diffuse qui se serait effectuée en bloc. L'auteur insiste sur 
l'étendue purement corticale du processus. U ajoute: a Bien que la 
paralysie des deux extrémités et du facial s'expliquent déjà par la 
lésion des circonvolutions ascendantes, le ramollissement du lobule 
du pli courbe peut être invoqué pour la pathogénio de la paralysie 
des extrémités, car j'ai, le 2 décembre 4882, pratiqué l'autopsie d'un 
homme qui avait été atteint d'une parésie des deux extrémités du 
côté droit et chez lequel je trouvai simplement un ramollissement 
jaune du gyrus angulaire du côté gauche. » 



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4*22 SOCTÉTÉS SAVANTES. 

M. EcKELMANN. Lcmploi de Vxodoffmne chez les aliénés. Sous ce 
litre, M. Eckelmann restitue à l'iodofornie la place qui lui convient 
comme agent antiseptique. C'est un agent merveilleux dans la 
cliirurgie des psychopathes. Il ne faut pas s'inquiéter à l'excès des 
dangers toxiques signalés. L'auteur publie quinze observations dans 
lesquelles il s'est bien trouvé de son emploi à l'asile d'Eberswald ; 
il l'a, dans ces cas, employé avec succès souvent à des doses très 
considérables, car nous comptons dans l'un des fails 800 grammes 
utilisés en six mois. On n'a pas à redouter dans l'espèce d'action 
nocive sur l'état mental, seulement il faut s'entourer de précautions» 
examiner chaque jour le pouls et la température, analyser les 
urines. Voici au surplus les conclusions : 

A. L'emploi de l'iodoforme doit être évité autant que possible : 
i* Chez les individus dont le cœur est peu énergique; 

2*» Dans toutes les conditions qui favorisent l'absorption du poison 
par l'économie, c'est-à-dire : chez les sujets gras, car l'iodoforme est 
soluble dans la graisse — de concert avec l'acide phénique, qui 
favorise la mise en liberté de l'iode — dans les grandes plaies 
récentes, saignantes, parce que la décomposition des hématies, qui 
en résulte, libère l'oxygène qui chîisse l'iode du composé; 

3* Dans les conditions qui entravent la rapidité d'élimination du 
poison, c'est-à-dire: dans la néphrite —(l'acide phénique pouvant 
déterminer une néphrite, c'est encore une raison pour ne pas l'as- 
socier à l'iodoforme) — dans les affections vésicales. 

B. L'emploi de l'iodoforme parait indiqué : 4® Dans les lésions 
tuberculeuses; — î« Dans les conditions où aucun autre antisep- 
tique n'est possible: chez nos malades agités et malpropres; — 3" 
Dans les plaies déjà infectées; — 4«» Dans les petites plaies récentes 
après qu'on s'est rendu maître de l'hémorrhîigie; — ;><> Dans les 
opérations autoplasliques;— 6" Dans les grandes opérations au voi- 
sinage des ouvertures naturelles. 

C Mesures de prudence qui doivent présider à l'usage de l'iodo- 
forme: i" Ne jamais employer l'iodoforme qu'à la dose la plus 
petite possible, car la gravité de l'intoxication est toujours en rap- 
port avec la quantité du médicament usité; — 2® Contrôler chaque 
jour le pouls et la température; — 3° Examiner chaque jour l'u- 
rine; y rechercher les sels iodiques. 

Il va de soi qu'on interrompt à la moindre menace d'intoxication, 
car on ne connaît pas d'antidote contre l'iodoforme. 

Dans la discussion qui s'engage à ce sujet, MM. Eyselein, Richter, 
Eckelmann appuient les conclusions formulées. L'iodoforme en pan- 
sement sur les ulcères du col utérin n'a, entre les mains du pre- 
mier orateur, jamais engendré d'accidents nerveux; Tétat psychique 
des aliénés n'a jamais été influencé par ce médicament, ni en mal, 
ni en bien, ajoute M. Richter: enfin, termine M. Eckelmann, si la 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 423 

prudence est ordonnée chez les cardiaques et les rénaux, on ne 
saurait se passer de cette substance dans les cas de tuberculose 
chirurgicale. 

M. Brrnhard communique à la Société Thistoire de deux cas de 
délire aigu survenu à la suite d'une psychose préalable. Il com- 
plique, dans le premier cas, une folie exaltée hallucinatoire ; une 
hystéromanie, dans le second. Les phénomènes caractéristiques 
furent constitués par un trouble profond dans la connaissance des 
sujets atteints, par une agitation motrice sans frein d*ordre im- 
pulsif, par des intervalles lucides contrastant au plus haut point 
avec l'irréûexion tumultueuse de l'automatisme des actes, par la 
participation des processus végétatifs à Taffolement psychomoteur, 
par l'issue mortelle en rapport avec ce surmenage. L'autopsie 
décela également, dans les deux observations, Thyperostose crâ- 
nienne, et l'hypertrophie du cœur gauche, qui sont, pour M. Jehn 
[Archw, f. PsycA., VIII, p. 599), les deux facteurs des fusées conges- 
tives pathogénétiques dont le substratum anatomo-pathologique 
trouvé à lautopsie est représenté par Thyperémie cérébrale vei- 
neuse et la stase lymphatique. {Allg. Zeitsch, f. Psych, XL, 1 et 2). 

P. KÉRAVAL. 



XV CONGRÈS DES ALIÉNÏSTES DE L'ALLEMAGNE 
DU SUD -OUEST» 



SESSION DE KARLSRUHE 

Séances des 24 et 22 octobre 1882. 

Au nom des curateurs, M. Schule souhaite la bienvenue à l'as- 
semblée. Sur sa proposition, M. de Rinecker est, par acclamation, 
choisi comme président. Après avoir expédié les affaires courantes, 
on passe à Tordre du jour qui appelle en premier lieu la commu- 
nication de M. DE Rinecker sur l'action des doses réfractées d'hydrate 
de chloral dans les périodes d'agitation. Il s'agit de l'agitation exces- 
sive qui, parfois, accompagne le stade d'exaltation maniaque des 
paralytiques généraux, les états d'obnubilation psychique post- 
épileptique, l'extase hallucinatoire des hystériques, la mélancolie 
active, et l'alcoolisme chronique (raptus mélancolique et raptus 

* V. les Arch. de Neurologie, t. IV, p. i3i. 



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4*24 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

alcoolique). Dans ces cas, Tauleiir a obtenu un résultat très 
avantageux de doses minimes (0,îo; 0,30; 0,50 centigr. au plus 
par dose) d*hydratc de cliioral, en administrant les deux premières 
à des intervalles d'une demi-heure, et les autres à des intervalles 
d'une heure ou davantage, de telle sorte que, dans les vingt-quatre 
heures, les malades aient absorbé 2 à 3 gr.50 centigr. au maximum 
du médicament. Les efiFets salutaires se font d'ordinaire sentir dans 
les quelques heures qui suivent l'ingestion ; ils se traduisent par le 
calme et un changement complet et brusque dans l'humeur du 
sujet. C'est ainsi que tel paralytique général le matin mégalomane, 
arrogant, perdra le soir toute prétention et répondra convenable- 
ment aux questions qu'on lui pose. Pour obtenir un calme persis- 
tant, il faut d'Jiabitude prolonger le traitement pendant plusieurs 
jours; on ne dépassera pas trois jours, sous peine d'observer la 
plupart du temps les effets du coilapsus. Ces trois jours de traite- 
ment, dans un cas de démence paralytique récente, eurent à ce 
point raison du stade d'exaltation maniaque très marqué chez 
l'individu considéré que ce dernier put être rendu à la liberté, 
après qu'on se fût assuré à l'asile, pendant une observation de 
quatre semaines, que le fonctionnement psychique avait repris son 
activité normale; le malade retourna à ses occupations. Ces doses 
réfractées calment sans hypnotiser; elles sont d'une administration 
facile, car on peut les mélanger aux boissons ou aux aliments; 
elles ne sont pas dangereuses, si l'on ne dépasse pas le temps de 
traitement de trois jours. On obtient par ce procédé le maximum 
des effets utiles du chloral, préférable h la niorphine en ce sens 
qu'on n'a pas besoin d'en élever les doses, tout en évitant l'intoxi- 
cation chloralique : on sait, en effet, que, comme l'alcool, le chloral 
en petites quantités prolongées agit sur l'encéphale, le muscle 
cardiaque, les centres neuro-vasculaires, l'appareil gastro-hépa- 
tique. 

Discussion, Elle met en lumière qu'on abandonne généralement 
aujourd'hui les hautes doses de chloral jadis usitées, mais que 
presque partout les doses qu'on administre sont plus élevées que 
celles de M. de Rinecker. M. Jolly, pour éviter l'élévation des doses 
et l'accoutumance, usité plus volontiers la morphine associée au 
chloral. ËnOn, M. Schule rappelle une communication de Zeller 
qui, à l'époque des premiers essais de l'hydrate de chloral, admi- 
nistra sans résultat 3 à (3 gr. du médicament; il prescrit de son 
côté 50 centigr. à 1 gramme, trois à quatre fois par jour. 

M. DE Rinecker communique l'histoire d'un cas d'aliénation 
mentale consécutive à une leucorrhée extrômenjent abondante, pré- 
sentant un certain degré de périodicité; cet écoulement qui 
empestait toute une chambre, condamnait, par son incurabilité, 
la malade à l'isolement; or, cet ostracisme avait développé gi'a- 
duellement chez elle une mélancolie accompagnée de misanthropie. 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. t25 

L'autopsie décèle l'existence d'un utérus bicorne surmontant un 
vagin double. Un des compartiments vaginaux, qui ne s'ouvre pas 
à Textérieur, s'est transformé en un foyer purulent gros comme un 
poing d'enfant; ce foyer communique par un étroit conduit, au 
fond du vagin, avec le second compartiment ou vagin normal qui, 
lui, aboutit à l'extérieur de la vulve. 

M. FuERSTNER. Sur les psychoses dans les affections de V organe de 
Vouie, Les relations qu'affectent les organes des sens périphériques 
avec la genèse des hallucinations sont multiples et paraissent par- 
fois contradictoires. C'est ainsi qu'on constatera des hallucinations 
chez des malades dont les organes des sens sont détruits ou fonc* 
tionnent moins bien (hallucinations de l'ouïe propres à l'isolement, 
hallucinations nocturnes, hallucinations de la vue chez des aveugles 
par accidents, etc.). M. Fuerstncr limite son sujet à Vinfluence que 
des processus pathologiques anormaux de V organe de Vouie exercent 
sur les hallucinations et ultérieurement sur la genèse des psychoses. 
Il a observé, en ce qui le concerne, deux cas de mélancolie greffée 
sur des bruits intra-auriculaires s'étant produits à l'état aigu (bruits 
vasculaires d'origine hématique) dans la chlorose (!' observation), 
ou par compression des vaisse<iux du cou du fait d'un goitre dont 
le volume variait dans des limites très étendues (I observation). Les 
deux malades guérirent. Ces deux observations doivent être rap- 
prochées du cas de Moos dans lequel le golfe de la jugulaire pré- 
sentait une largeur anormale. M. Fucrstner parle ensuite de la 
fréquence des idées mélancoliques chez des individus en proie à 
des sensations auditives subjectives, que l'on conslale ou non chez 
eux une lésion de l'appareil de l'ouïe; ces idées les conduisent sou- 
vent au suicide. Ces sensations subjectives sont souvent le point de 
départ d'illusions, puis d'hallucinations, qui engendrent des con- 
ceptions délirantes. La folie systématique occupe à cet égard le 
premier rang. Parmi les causes prédisposant à une genèse sem- 
blnblo, il faut ranger l'âge avam'.é ; mais, alors, la systématisation 
du délire se montre plus rare, l'individualité psychique du malade 
résiste davantage, elle conserve son assiette de sorte qu'il arrive à 
se tenir longtemps en dehors des phénomènes morbides. Pronostic 
défavorable. L'auteur aborde en troisième lieu les troubles 
psychiques qui, se présentant la plupart du temps sous la forme 
d'accès d'agitation, accompagnent les> processus inflammatoires 
aigus de la caisse terminés par la suppuration. Ils devraient en 
partie être attribués à des modifications dans la pression intra- 
crânienne; ainsi une observation de SchCile montre une rétrocession 
rapide d'une psychose existante, à la suite d'une otorrhée purulente 
profuse quis'établissait sans prodromes; M. Fuerstner a observé une 
évolution semblable. Enfin, en ce qui concerne la surdité nerveuse 
ou la déchéance soudaine de l'acuité auditive, l'auteur a vu ces 
accidents être, en deux cas, suivis de mélancolie, notamment chez 



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426 SOCIÉTÉS PAVANTES. 

des vieillards. Il insislo sur ce fait que, chez les individus dont les 
fonctions de Touïe ont baissé, les troubles psychiques passent 
facilement inaperçus, parce qu'ils sont moins communicatifs avec 
les personnes qui les entourent. II n'est pas rare alors qu'on 
constate des tentatives de suicide de leur part sans qu'elles 
paraissent préparées. Ce travail sera publié in extensoK 

Discussion. M. Schcle, tout en confirmant Texactitude des 
observations et des conclusions du mémoire, reprelte de n'y avoir 
pas vu mentionné l'athérome qu'il a trouvé à plusieurs reprises 
comme cause d'hallucinations de Touïe. Il a aussi observé des 
bruils de l'oreille très pénibles dans un cas d'hypcrostose du 
rocher. 

M. JoLLv met en parde contre la tendance que l'on a à attribuer 
aux bruits auriculaires une trop grande importance pathogénétique 
relativement aux psychoses, car les bruils survivent à la psycho- 
pathie, et ils peuvent cesser alors que celte dernière subsiste. Il lui 
serait du reste facile de citer des observations analogues pour la 
vue; parfois de petits troubles dans les milieux réfringents 
deviennent l'occasion d'illusions dont le caractère consiste dans la 
variété dps dimensions, selon qu'elles sont projetées à une distance 
plus ou moins grande. 

M. KiRN raconte l'histoire d'un cas observé par lui qui prouve que 
des hallucinations évidentes de l'ouïe n'entraînent pas nécessaire- 
ment une psychose. 

M JoLLT rappelle à ce sujet les expériences que le botaniste 
Nœgeli fit sur lui-même à l'égard d'hallucinations de la vue consé- 
cutives à une tension exagérée de la fonction pendant des recherches 
microscopiques assidues. 

M. ScuûLK prend la parole sur les effets accessoires de Thyoscya- 
mine. Tout nervin héroïque possède, en dehors de son action cura- 
tivc, une action accessoire qui limite ou empêche l'action médica- 
menteuse, en transformant l'agent en toxique. Ce sont les actions 
accessoires, impcissibles à éviter, qui constituent le danger des in- 
jections hypodermiques de morphine (shock) pourtant si utiles, de 
l'usage prolongé du chloral (dyscrasiehématique, dystrophie, action 
vasomotrice), du K. Br. (torpeur cérébrale et ataxie spinale du 
bromisme). En présence des exaltations enthousiastes et illimitées 
dont l'hyoscyamine est actuellement l'objet, il est opportun d'en 
faire connaître les effets accessoires. Un exposé méthodique de ces 
effets est d'autant plus urgent que, tandis que pour la morphine et 
le K. Br., on commence par de petites doses pour augmenter gra- 
duellement selon le besoin, et prolonger ensuite l'ingestion médi- 

i Nous lui consacreioiis alors une plus ample analyse si les notes que 
nous publions ici n'en mettent pas suffisamment en relief la teneur. 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 427 

camenteuse, rexpéricnce enseif^no que rhyoscyamine no réussit 
en thérapeutique que si, d'un sei 1 coup, on arrive à la dose 
maxima. on risque la dose la plus forte. Malheureusennent, nous 
n'avons ptis d'échelle physiologique qui nous permette d'é- 
valuer approximativennent la dose convenable, celle qui est indiquée 
pour tel individu dans tel cas particulier, celle qui doit agir sans 
nuire. Aussi sommes-nous devenus insensiblement si audacieux 
qu'étant donnée une constitution vigoureuse, disposant d'organe» 
respiratoires sains, nous ne reculons pas d'emblée devant 1 centi- 
gramme d'hyoscyamine cristallisée de îtferck ; à côté de cela, chez 
la femme, ou pour peu qu'on se défie de l'état du cœur et des 
gros vaisseaux, on se contentera de la moitié. Or, le shock manque 
rarement à la suite de ces doses initiales; il consiste en : ataxie, titu- 
hation, adynamie, aphonie, raucité de la voie, crampes pharyn- 
giennes, pâleur de la face, lividité des lèvres, ralentissement et 
parfois petitesse du pouls, dilatation quelquefois considérable des 
veines. Jusque-là, il n'y a aucune crainte à avoir; ces accidents 
passagers disparaissent plus ou moins vite : un seul cas, celui de 
Mendel, se termina par la mort. Quoi qu'il en soit, ce n'est que le 
shock passé, que l'effet curatif désiré se produit; les malades de- 
viennent plus calmes, plus ordonnés pour un temps plus ou moins 
long. Mais il y a aussi des effets accessoires qui restreignent ou 
même rendent illusoire l'effet curatif, et forcent plus ou moins 
prompiement à suspendre le médicament» Les voici : 

\** Convulsion spasmodique de V œsophage et sécheresse du pharynx, 
telles que toute ingestion alimentaire est, le jour même, impos- 
sible. C'est, pour le malade, un véritable supplice de Tantale auquel 
ajoute encore l'altération des sensations gustatives; le pain leur 
semble de la paille ; l'eau, du plomb qui vient leur comprimer la 
gorge. Dans les cas observés par M; Schûle, il dut interrompre le 
traitement, et jamais il ne put obtenir l'assuétude des sujets; 
chaque injection était suivie des mômes phénomènes; 

2® Troubles dans la perception sensoi*ielle. Les uns, légers, se 
rattachent à la mydriase : une malade voyait partout des cheveux; 
la préoccupation de les enlever lui faisait perdre le bénéfice du 
calme. Les autres consistent en des apparitions douées de formes : 
grimaces, caricatures, spectres ; de là des angoisses ; 

3» Troubles sensoriels proprement dits ou directement psychiques. 
L'auteur cite deux cas caractérisés soit par des hallucinations, soit 
par des pseudo-hallucinations entraînant des conceptions irrésis- 
tibles tellement vivaces que l'individu, véritable croyant, est en 
pleine anxiété. Rêves de même nature, sensations d'incubes. Dans 
une des observations, la malade avait absorbé deux fois par jour 
trois milligr. ; les désordres disparurent aussitôt après la cessation 
du médicament. Dans l'autre, qui concerne aussi une femme, il fal- 
lut des mois pour que les hallucinations disparussent définitivement ; 



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i28 SOCIÉTÉS SAVANTES. 

4« Troubles intellectuels. Le délire hyoscyaminique consiste en 
Tapparition sous forme aiguë de conceptions incohérentes, confuses, 
puériles, accompagnées de loquacité, mussitation, grimaceraenls 
et rires immotivés, radotages de diverses sortes, troubles dans la 
perception, sensations vertigineuses bizarres (ballottement), illu- 
sions relatives à la forme, à la couleur, à la dimension des objets, 
notamment des membres du malade. Du moins est-ce le tableau 
nosographi((ue très résumé que nous permettent de tracer les 
quatre faits cités. Généralement, tout cesse avec la suspension de 
Tagent médicamenteux. C'est moins, en somme, un délire qu'un 
désordre complet dans les idées et les paroles qui les expriment. 

K* Douleurs musailaires redoutables dans les jambes. Ces accidents 
que Schule a vus survenir chez deux de ses malades, arrachent 
des cris aux patients immédiatement après les premières doses 
d'hyoscyamine. 

Discussion, Elle permet de distinguer deux courants d*opinions. 
Les uns semblent, avec M. Fcerstner, redouter la dénutrition qui 
accompagne invariablement l'absorption de l'hyoscyamine, et qui 
se traduit par une perte en poids de l'individu en traitement ("con- 
(Irmation sur ce point de M. SchQle). Les autres avec M. Kretz * pa- 
raissent penser qu'en usant de la plus grande prudence à l'égard 
de l'administration du médicament dans les psychopathies récentes, 
on est autorisé à essayer de faire bénéficier les malades de ses 
effets thérapeutiques, et qu'en tous cas, chez les aliénés chroniques, 
les avantages obtenus compensent largement la diminution de 
poids des sujets en traitement. — M. de Rineceer rappelle, à ce 
propos, la communication faite au congrès des aliéuistcs allemands 
d'Hisenach en 1882, par Gnauck qui, favorable au médicament, 
attribue les effets pernicieux relatés au choix des préparations*. 
Or, MM. Schûle et Fuerstner font remarquer que c'est précisément 
de l'hyoscyamine de Merck qu'ils se sont exclusivement servis. 

M. KiRN. Communications sur les psychoses consécutives aux affec- 
tions fébriles '. Sous ce titre, M. Kirn présente l'histoire de six psy- 
choses émanées de fièvre typhoïde, érysipèle,rhumatisme articulaire, 
bronchite aiguë, qui, toutes, à l'exception d'un cas ayant duré 
plusieurs semaines, ont évolué dans l'espace de quelques jours. 
Quatre d'entre elles se montrèrent au début ou à la phase d'acmé 
de l'affection fébrile (psychoses fébriles vraies), c'est-à-dire au 
moment où l'hypertliermie et l'accélération de la circulation en- 
traînent de l'excitation cérébrale, et présentèrent, par intervalles, 

* Archives de Neurologie , t. IV, p. 137. 

* Archives de Neurologie f t. VI, p. 141. 

» Archives de Neurologie, t. Il, p. iCi, et t. IV, p. 103 (mémoire do 
E. Kraepelin). 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 429 

le tableau symplomatique d'une agi talion psychique très marquée ; 
on constata même, en deux cas, du délire aigu suivi de mort. Deux 
antres observations témoignent de l'apparition de la psychose au 
moment de la disparition des phénomènes fébriles (psychoses 
aslhéniques); la vésanie, qui coïncida dans Tun des cas brusque- 
ment avec la défervescence subite de la température, devrait être 
rapportée, dans Tespèce, à la modification soudaine apportée dans 
rirrigation encéphalique ; elle devrait être, dans le second, im- 
putée à des troubles de la nutrition du cerveau, à raison de son 
évolution bruyante en rapport avec la rétrocession graduelle des 
accidents pyrétiques. Ces psychoses asthéniques diffèrent des psy- 
choses fébriles par le développement plus parfait de? idées dé- 
lirantes : guérison. Dans la plupart des observations (cinq), ou 
arriva à fournir la preuve d'une prédisposition acquise, c'est-à-dire 
d'un terrain préparé par des influences ayante au préalable, agi 
sur les facultés psychiques. 

M. JoLLY insiste à ce propos sur la prédisposition relativement 
à la genèse des psychoses asthéniques. 11 a été frappé, quand il 
s'occupait du même sujet, de l'absence absolue de documents à 
l'appui de l'assertion tant de fois émise que les accès de fièvre in- 
termittente peuvent être remplacés par des accès de folie apy ré- 
tique; il n'en a pu trouver d'observations personnelles, ni d'exemples 
dans la bibliographie. 

M. Kretz. — Remarques pour servir à VtUude de la folie aiguè 
partielle. — L'auteui* a, dans ces derniers temps, eu l'occasion d'en 
observer plusieurs cas qui, sans présenter rien de particulier 
quant à l'étiologie, offrent un tableau clinique précis, à raison de 
la netteté de la pathogéuie et de l'évolution de l'ensemble des 
faits et doivent être réunis sous le titre de: formes classique, pures, 
simples. On peut les diviser en deux groupes : 

1. Le premier comprend les modalités caractérisées par Vappa- 
rition primitive d'fiaUucinationsou d'illusions y portant presque exclu- 
sivement sur la vue et l'ouïe, qui deviennent après coup les facteurs 
des idées délirantes ; ces dernières sont mobiles et ne présenLuiit 
aucune tendance à se fixer. Ces entités morbides présentent, au 
point de vue spécial où nous nous plaçons, deux stades inté- 
ressants à étudier: le stade des prodromes et le stade du début. 
Les prodromes durent une semaine ou deux; le malade, inquiet, 
en proie à un malaise général, à une sorte de pressentiment vague 
qu'il va lui arriver quelque chose de fâcheux, est tout à coup surpris 
par une hallucination ou une illusion de la vue ou de l'ouïe mal 
définie : on l'appelle pour lui demander ceci ou cela ; il voit un 
objet de sa chambre se promener. 11 s'adonne à ces impressions 
fausses, les recueille avidement, sans réagir contre elles. A ce 
moment, on observe parfois une légère rémission. Puis, sans répit 



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430 SOCIETES SAVAM'ES. 

ni trêve, le patient assiste à une succession kaléidoscopique d'hal- 
lucinations les plus variées, les plus mobiles que Ton puisse ima- 
giner ; elles donnent naissance à des conceptions délirantes aussi 
polymorphes, aussi fugitives, dont la rapidité d'allures ne laisse 
guère le temps au sujet de se reconnaître. Cependant, elles ne l'ab- 
sorbent pas au point de lui faire perdre de vue les scènes princi- 
pales de la pièce qui se joue devant lui, de lui en enlever le sou- 
venir exact. En un mot, il n'existe aucun désordre dans les idées ; 
il semble que le moi soit simplement spectateur des troubles 
psycho-sensoriels; aussi n'y a-t-il pas de délire des actes et Tim- 
pressionnabilité aifective dcmeure-t-elle indemne. C'est, en somme, 
un délire par JialluciJiations. 

11. Le second groupe renferme les types morbides dans lesquels 
ce sont les conceptions délirantes qui ouvrent la scène et dominent 
le cadre symptomatique. Ici, c'est le délire qui entraine les halluci- 
nations. Lesprodi'ômes sont les marnes que dans le premier groupe, 
l^uis, soudain, apparaît une idée délirante, sous Tintluence de la- 
quelle le patient va demeurer dans tout le cours de la psychose ; il 
sera absorbé en entier par elle : ce n'est que lorsque l'échafaudage 
de la conception délirante a jeté ses fondations que se montrent 
les hallucinations ; elles viennent renforcer, colorer le délii^e sans 
l'altérer. La vigueur et l'intensité des hallucinations entraînent 
alors des manifestations d'ordre passionnel. En un mot, les idées 
délirantes et les hallucinations se combinent pour édifier un en- 
semble morbide [lartout continu et logique dont la forme se rap- 
proche des modalités chroniques de la folie systématique pri- 
mitive. 

M. Kretz n'attribue aucun des groupes à une étiologie spéciale ; 
il pciise que Ton n'est nullement fondé à imputer l'ensemble de 
ces cas à une infirmité cérébrale. Leur évolution peut atteindre six 
mois. Le pronostic en est favorable. 

Discussion. M. Jolly a vu la folie systématique chronique se dé- 
velopper de la même façon en certains cas. 

M. FuERSTNER. Il s'cu faut de beaucoup, à son sens, que le pro- 
nostic soit aussi favorable que le veut M. Kretz. L'élément affectif 
du cerveau est souvent très vivement touché; de plus il est fré- 
quemment impossible de savoir si les idées délirantes ou les hallu- 
cinations se sont montrées les premières ; enfin, le désordre dans 
les idées appartient aux psychoses de tous genres et ne saurait 
servir de caractère pour aucune. 

M. KiRN a, à plusieurs reprises, vu l'isolement ôti*e la cause 
unique de faits semblables; l'isolement supprimé, il a obtenu une 
issue favorable, une marche rapide. 

M. DE RiNECKER rappelle qu'une conclusion conforme au deside- 
ratum exprimé par l'auteur, relativement à l'insuflisante appré- 



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SOClETBô SAVANTES. 431 

ciatiun de la folie partielle primitive par la uomeuclature qui 
sert de base à la statistique, a déjà été conçue par le cougrès des 
aliénistes allemands; malheureusemeu^ faute d'une entente géné- 
rale, on dut retirer la conclusion Tannée suivante. 

M. Fischer. Sur les cellules capitonnées. — \près avoir traité des 
indications des cellules capitonnées, des difficultés de leur aména- 
gement et des imperfections fâcheuses qui en résultent; après avoir 
discuté les avantages et les inconvénients des cellules dont les 
parois sont en toile à voile (cellules de Sclilager), l'auteur conclut 
en ces termes : 

i'* Les cellules capitonnées constituent une nécessité inéluctable 
pour qui veut traiter certaines manifestations morbides des 
psychopathes ; 

2'' Comme ces manifestations morbides se montrent dans les 
états pathologiques des formes les plus différentes représentées eu 
tout établissement d'aliénés, comme elles mettent en certaines cir- 
constances la vie des malades en danger, il est du devoir de tout 
établissement de construire des cellules capitonnées en nombre 
proportionné; 

S*" La construction incomplète d'un asile ne saurait être alléguée 
comme un motif suffisant à justifier l'absence de ces cellules ; 

4<* Comme un ne connaît actuellement pas d'installation de 
capitons qui mérite une absolue recommandation, nous devons 
nous imposer l'oblifîation d'avoir à nous former un jugement re- 
latif aux améliorations possibles des systèmes existants jusqu'ici, en 
les essayant dans la pratique. 

Discussion, M. Jolly insiste vivement sur le danger d'une em- 
bolie graisseuse \ mentionnée par M. Fischer dans certains états 
d'agitation. Le nombre de cas de ce genre, pour être petit, n*en 
est pas moins constant; aussi, pour parer àcet accident, a-t-il dû 
se résigner à l'emploi des moyens de coercition. D'après ce qu'il a 
vu, au sujet des cellules capitonnées, surtout en Angleterre, celles 
qui ne sei-vent pas sont en bon état, taudis que toutes celles que 
l'on utilise sentent mauvais. 

M. FuKRSTNER reconnaît le besoin de semblables agencements, 
quoique les cas qui les nécessitent soient très rares. Certains des 
malades en question, surtout les aliénés qui se frottent aux parois 
ne sauraient être laissés dans ces cellules qui sont insuffisantes pour 
eux. Elles ont, d'ailleurs, bien des inconvénients. On ne peut no- 
tamment les tenir propres et la surveillance est, avec elles, trop 
limitée. 

M. ScHŒFER lit un long mémoire sur la protection des médecins et 
des gardiens contre les attentats dont ils sont l'objet de la part des 

* Archives de Neuroloyie, t. I, p. 585. 



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432 SOCIETES SAVANTES. 

aliénés, — A une époque où l'on s'occupe de préserver les tra- 
vailleurs de l'industrie des effets des accidents et des conséquences 
de la vieillesse, il serait injuste d'oublier les travailleurs du service 
hospitalier des aliénés. N'est- il pas équitable de s'efforcer de pro- 
curer aux gardiens des malades une situation égale à celle que 
nous nous efforçons d'assurer aux malades eux-mêmes ? Une ré- 
vision des malades plus ou moins dangereux pour leur entourage 
permet de les diviser en sept catégories : 

4® Les aliénés tapageurs et délirants; 

2° Les aliénés à penchants homicides, capables de se livrer à 
des voies de fait ; 

3® Les malades en proie à une tendance aggressive passagère : 
hallucinés, maniaques périodiques et surtout épileptiques; 

4® Malades calmes, mais tourmentés par des idées de persécution 
ou nourrissant quelque animosité pour d'autres motifs ; 

5® Malades des hautes classes de la société, qui, ayant leur 
chambre spéciale et leur gardien particulier pendant la nuit, ne 
peuvent accomplir leurs projets d'évasion qu'en se débarrassant 
d'un témoin. On rangerait dans ce groupe, outre les fous systéma- 
tiques et les maniaques chroniques, le nombre incalculable des pa- 
ralytiques généraux ; 

6° Les malades atteints d'entilés psychopathiques les plus 
variées, qui se sont évadés, qui sont en train de s'évader, ou qui, 
ayant de toute autre façon échappé à la surveillance, peuvent être 
munis d'une arme ou se sont barricadés. La lutte pour la liberté 
les rend capables de tout; 

7« 11 existe une foule inombrable de cas ne rentrant dans aucune 
des catégories précédentes qui tous ressortissent à ce fait indéniable 
que tout aliéné, fût-il le plus inoffensif en apparence, peut, une 
fois en passant, devenir dangereux. 

Or, Taliéniste a un double rôle à jouer dans la question : 

L En ce qui concerne la prophylaxie, il lui faut se préserver lui- 
même et préserver ses gardiens. — Comme médecin, il est en 
butte à toute Tinimitié des aliénés, parce qu'il détient l'aulorité; 
aussi les attentats dirigés contre lui, surtout quand il est directeur, 
sont-ils les plus fréquents. En conséquence, il ne perdra jamais de 
vue le danger que lui fait courir sa profession; il ne se présentera 
jamais seul devant ses malades ; il isolera pendant la visite les 
aliénés agités ou dangereux; il n'accordera aux individus suspects 
ou capables de devenir dangereux, la liberté d'allures qu'ils ré- 
clament, qu'autant qu'elle sera compatible avec le soin de sa 
propre sûreté. — Les gardiens sont exposés de leur côté aux 
attentats, à raison de leur contact journalier avec les malades, de 
leurs devoi» professionnels qui consistent à aller au devant du 
danger dans Tintérêt même des individus conOés à leurs soins, à 
traiter ces derniers, malgré leurs violences, selon les règles de 



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SOCIÉTÉS SAVANTES. 433 

riiumanité, de i^indulgeuce et du no-restraint. Tant de dévoûment 
mérite tous les égards et toutes les précautions. C'est pourquoi il 
faut leur recommander qu'eu toutes circonstances nécessitant leur 
intervention, ils agissent toujours en nombre, qu'ils isolent les ma- 
lades ; on emploiera, au besoin, dans la cellule, le système d'inon- 
dation en usage à Stefansfeld, le jet de la pompe pour débusquer 
ceux qui se sont réfugiés dans un endroit inaccessible, etc. On 
mettra le gardien à l'abri, la nuit, d'un aliéné isolé, en Tisolant 
lui-même dans un cabinet voisin ou en transférant l'aliéné dans un 
dortoir adapté à la surveillance continue ; on multipliera les sur- 
veillants dans les jardins ou les endroits retirés, etc. Soit dit sans 
préjudice des décisions à prendre dans chaque cas spécial. 

11. Au point de vue de la loi, le médecin doit attirer l'attention 
du législateur sur le rôle qui incombe à l'Etat au sujet de la pré- 
voyance que la société ne saurait refuser aux gardiens. La situation 
de noire personnel est la même que celle de la population géné- 
rale des travailleurs. Cette profession expose aux mêmes fatigues, 
aux mêmes dangers que celle des ouvriers qui vivent au milieu des 
machines. Son sort doit donc au même titre être légalement 
assuré contre les nécessités de toutes sortes. Cependant, confor- 
mément à l'adage : Qui trop embrasse mal étreint : on peut, pour 
le moment, borner ses désirs à assurer les gardiens et les gardiennes 
contre les accidents proprement dits. Ceci obtenu, on pourrait en- 
suite prendre en main la question des pensions à attribuer aux em- 
ployés en question, atteints par la maladie et la vieillesse. De là à 
étendre les mêmes mesures de prévoyance sociale aux gardiens 
hospitaliers ordinaires, aux infirmiers qui affrontent chaque jour 
la contagion, il n'y a qu'un pas ; on verrait plus tard. 

En conséquence, M. Schœfer propose & l'assemblée de vouloir 
bien : 

I ^ Déclarer qu'il est tout à fait désirable que le sort des gardiens 
et gardiennes des établissements hospitaliers soit, d'une manière 
générale, assimilé à celui des autres travailleurs, et pris en consi- 
dération par la législation future, et qu'en particulier, dans le 
projet de loi en préparation sur l'assurance contre les accidents, on 
comprenne soit l'ensemble des gardiens hospitaliers, soit, tout au 
moins, les gardiens des asiles d'aliénés. 

2» Charger les curateurs du Congrès de porter cette décision & 
la connaissance du bureau de la Société des aliénistes allemands, 
et de le prier de tenir conseil sur la teneur de cette première con- 
clusion, sauf à l'adresser ensuite, sous forme de mémoire, auReichs- 
tag ou au conseil fédéral allemand; enfin d'informer les curateurs 
de ses agissements. 

Avant de procéder à l'ouverture de la discussion, le président 
expose que, vu son mode de composition et le département qu'il 
représente, le congrès n'est pas autorisé à prendre une décision 

Archives, t. VI. 28 



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434 BIBUGGRAPHIE. 

dans une question d'une importance si générale. Les membres ras- 
semblés ici peuvent se borner à émettre une déclaration dans le 
sens de la proposition, et à lancer la question ainsi soulevée. Adhé- 
sion de Tauteur. 

M. JoLLY insiste sur la difficulté de trouver et d'indiquer les mo- 
tifs fondamentaux d'une réglementation législative. Pour lui, elle 
n'aurait de raison d'être que si elle s'appuyait sur des chiffres sta- 
tistiques concernant le nombre et le genre d'accidents arrivés dans 
chaque asile. 

M. DE RiNfiCKER fait remarquer que c'est précisément dans l'exposé 
des motifs que résidera le travail du comité de la société des alié- 
nistes allemands; c'est à lui qu'il appartient de préparer les maté- 
ri$Lux de la question. 

M. ScHULE accepte sans réserve la motion de M. Schœfer, bien 
qu'il soit, en somme, extraordinairement rare que Ton ait à dé- 
plorer des lésions sérieuses de la part des aliénés. Dans les vingt 
années qu'il a passées à Illenau, il n'en connaît que deux cas. 

Le vote par voix individuelles conclut à l'adoption des deux ar- 
ticles. Seulement, le premier se bornera à parler, conformément à 
la proposition de M. JoUy, du personnel des gardiens des aliénés. 

Eu égard au congrès des naturalistes qui.doit se tenir à Fribourg 
l'année prochaine, la réunion de Karlsruhe n'aura pas lieu. 

MM. Schûle et Kirn sontde nouveau nommés curateurs pour iS84. 
{Allg, Zeitschr, f, Psych. XL, 4 et 2). P. Kkraval. 



BIBLIOGRAPHIE 



VII. Du délire épileptique ou plutôt de Vinfluence de Victus épilep- 
tique sur Vétat général normal et pathologique; par Respaut. 
Thèse de Paris, 1883. 

On est toujours trop porté à attribuer à Tépilepsie tous les trou- 
bles mentaux qui se présentent chez un épileptique. M. Magnan ' 
a montré qu'un épileptique peut être en même temps alcoolique 
et délirant chronique et que, chez un tel sujet, Tépilepsie, l'alcoo- 
lisme et la vésanie peuvent se côtoyer, tout en restant distinctes. Le 

i De la coexistence de plusieurs délires chez le même aliéné, {Archives 
de Neurologie, t. I, p. 49.) 



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BIBLIOâRÂPUlË. 435 

travail de M. Respaut vient à Tappui de la môme idée, tout en s* ap- 
puyant sur des faits d'un ordre un peu différent. 

En dehors ne ses attaques, les épileptiques se trouvent dans des 
états psychiques qui présentent des variétés sans nombre, a) Cet 
état est pathologique s'il s^agit de sujets qui sont en même temps 
alcooliques, délirants chroniques, impulsifs, etc. ; 6) mais môme 
chez des sujets sains, en dehors de Tépilepsie, l'état psychique est 
très différent suivant les habitudes, la profession, l'éducation, etc. 
Qu'il soit normal ou pathologique, qu'il soit permanent ou transi- 
toire et précédant l'attaque, cet état psychique détermine la forme 
du délire, auquel l'ictus épileptique imprime son cachet pathogno- 
monique, l'inconscience. On peut retrouver dans l'état psychique 
antérieur les éléments du délire épileptique, comme on y retrouve 
les éléments du rêve. Hughlings Jackson a cherché à expliquer les 
troubles intellectuels qui suivent ces accès épileptiques en disant 
que la décharge épileptique annule l'action directrice, paralysant- 
momentanément les centres les plus élevés, (les centres de lavoli- 
tion, les centres modéro-moteurs de Ferrier), les centres inférieurs 
restant seuls en activité, ne peuvent plus déterminer que des actes 
automatiques, qui varient précisément suivant l'état cérébral anté- 
rieur. 

Que l'état psychique antérieur soit normal ou pathologique, l'in- 
fluence de l'action épileptique est la même; mais elle peut se ma- 
fesler sous deux formes, a, Dans l'une, le malade, après le choc, 
poursuit une idée préexistante, ou continue un acte commencé, 
met à exécution un projet récemment combiné, etc. La disposition 
mentale existante au moment de l'ictus n'est pas interrompue, 
qu'elle consbte en idées raisonnables, se rapportant à la profession 
par exemple, ou en idées de suicide, eu délire alcoolique, en hallu- 
cinations sensorielles, etc.; b) dans l'autre, Tictus interrompt l'idée 
immédiatement préexistante, ou l'acte commencé et détermine 
une action qui est ou bien la répétition d'une action ancienne iden- 
tique, ou bien l'exécution d'une idée antérieure. Le délire épilep- 
tique n'est, en somme, souvent que l'exécution automatique d'une 
idée préexistante ou normale ou pathologique ; il en résulte de là 
qu'on est tenté d'attribuer la responsabilité de l'acte qui semble 
prémédité à un malade qui a agi avec une inconscience complète. 
La gravité du délire varie, on le comprend, suivant, que le sujet 
est sain d'esprit et qu'il n'a, par exemple, que des préoccupations 
professionnelles, ou que c'est un vésanique ordinairement en butte 
à des impulsions homicides ou suicides. Gh. F. 

VIII. De la chute et de la dystrophie des ongles chez les ataxiques ; 
par Domecq Turon. Thèse de Bordeaux, 4883. 

On peut observer chez les ataxiques, en dehors de toute cause 



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436 BIBLIOGRAPHIE. 

traumatique, des chutes spontanées des ongles des orteils (Joffroy, 
Pitres, Pouget, Roques). Ce phénomène se produit surtout au ni- 
veau des gros orteils, mais quelquefois aussi au niveau des autres. 
Elles sont souvent précédées de douleurs vives, persistant de quel- 
ques joura à trois ou quatre semaines et quelquefois d'une tache 
ecchymotique sous-unguéale. Elles se produisent fréquemment 
plusieurs fois consécutives et à des intervalles variables chez 
les mêmes malades. Elles peuvent se manifester à plusieurs 
âges de la maladie. La chute spontanée des ongles peut avoir 
lieu dans d'autres maladies que Tataxie locomotrice, et parti- 
culièrement dans les sections des nerfs périphériques et dans la 
sclérose en plaques. H est vraisemblable qu'elle dépend immédia- 
tement d'une altération inflammatoire ou dégénérative des nerfs 
des orteils. Dans les mômes conditions, il peut se produire des d.ys- 
trophles des ongles dues aux mômes causes et accompagnées des 
mômes troubles. Ch. F. 

IX. Patkogénie et accidents nerveux du diabète sucré (Thèse d'agré- 
gation) ; par le D' Ferdinand Dreyfous, ancien interne lauréat, 
(médaille d'argent), des hôpitaux de Paris, etc. 

Cette thèse se divise en deux chapitres que l'auteur a séparés 
d'une façon absolue, et auxquels il n'attribue pas une égale impor- 
tance. M. Dreyfous a pensé, avec raison, qu'il devait résumer l'his- 
toire si complexe de la pathogénie du diabète. L'état actuel de la 
science n'autorise pas un médecin impartial à se prononcer sur 
cette question délicate; et si rien n'eût été plus aisé que d'allonger 
presque indéfiniment ce chapitre, sans profit, puisque la conclu- 
sion était et ne pouvait être que négative ou hésitante; il était plus 
utile de donner un exposé concis et complet des recherches faites 
sur le sujet et des discussions auxquelles il a donné lieu depuis 
Willis. M. Dreyfous a préféré ce dernier procédé. 

On peut être étonné de voir tout lien faire défaut entre les deux 
parties de ce mémoire; en effet, il existait une transition toute indi- 
quée; de la théorie nerveuse du diabète, on était amené à l'étude 
des accidents nerveux qui en dépendent. L'auteur n'a pas pensé 
qu'il lui fût possible d'adopter cette théorie à l'exclusion des autres; 
dès lors il ne pouvait pas, en la réservant pour la dernière, lui at- 
tribuer une importance prépondérante. En comprenant la patho- 
génie du diabète comme il l'a fait, cette transition lui échappait; 
à vrai dire, elle n'eût rien ajouté à l'intérêt de son travail. 

Après avoir établi la distinction entre la glycosurie, qui est un 
symptôme, et le diabète, qui est une maladie, M. Dreyfous est for- 
cé de rappeler quelques notions relatives à l'évolution du sucre 
dans l'économie. Il suit le sucre depuis son entrée dans le tube di- 
gestif, où sa fabrication dans la glande hépatique qui l'emmagasine 



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BIBLIOGRAPHIE . 437 

Télabore et le déverse dans le sang, jusqu à sa destruction, sa dé- 
composition et son utilisation dans les tissus. Il rappelle ensuite 
Texpérience fameuse de Claude Bernard qui produit la glycosurie 
en piquant le plancher du quatrième ventricule en un point situé 
entre l'origine des nerfs acoustiques et pneumogastriques, et les 
expériences récentes de M. Laifont qui précisent le rôle des divers 
départements du système nerveux dans le mécanisme de la glyco- 
surie. Cette étude nous conduit à une classification des théories du 
diabète fondées sur la physiologie. 

L*auteur peut alors faire la critique des théories principales du 
diabète, en se basant sur la physiologie, Tanatomie pathologie, la 
clinique. La théorie gastro-intestinale, sans être suffisamment fon- 
dée, a pourtant abouti à une thérapeutique rationnelle : la suppres- 
sion des féculents. La théorie hépatique a eu une époque glorieuse, 
quand Cl. Bernard eut montré que le foie est un organe produc- 
teur et éliminateur; mais pour Cl. Bernard la glande hépatique de- 
vrait rester toujours intacte chez le diabétique, ce qui est en con- 
tradiction avec les données actuelles de Tanatomie pathologique 
et même de la clinique. M. Dreyfous montre que si l'illustre 
physiologiste, entraîné par ses découvertes, a exagéré le rôle du 
foie, il a bien vu que le diabète est, avant tout, un trouble de 
nutrition. — La théorie nerveuse nous a fait passer en revue les lé- 
sions des centres nerveux et des nerfs rencontrées chez les diabé- 
tiques; mais « leur diffusion, leur multiplicité, leur variabilité, 
leur sttperflcialité, dans bien des cas, prouvent qu'il faut être sur 
ses gardes dans l'appréciation de leur valeur exacte... le diabète 
n'a pas de lésion nerveuse qui lui soit propre ». Bien moins con- 
testable est l'importance d'un choc traumatique ou moral dans la 
production du diabète, de môme que les liens de parenté intime 
qui existent entre le diabète et certaines névroses. Là les faits abon- 
dent et concordent. « L'influence nerveuse et donc Tune des causes 
du diabète, mais elle n'en est pas la cause prochaine » et exclusive. 

Les théories rattachant le diabète à un trouble de nutrition, et, 
en particulier celle de M. Bouchard, qui le rattache à un ralentisse- 
ment de la nutrition, reposent sur des données cliniques et étiolo- 
giques de la plus hautevaleur: pour lui, la glycémie des diabétiques 
est due à un défaut de consommation du sucre dans les tissus. 
L'apparition du diabète chez des personnes qui se retirent de la vie 
active, sa fréquence dans les professions sédentaires et chez les su- 
jets arthritiques, tout cela prouve que dans le diabète il y a un ra- 
lentissement de la nutrition. Yuilà le fait indiscutable. Mais ce ra- 
lentissement est-il le point de départ du diabète? Est-il cause ou 
effet? Suffit-il à expliquer le diabète maigre, le diabète pauvre, 
aussi bien qu'il explique le diabète gras, celui des riches? 

La même réserve s'impose pour la théorie pancréatique. Les faits 
publiés par M. Lancereaux ont un intérêt réel, la lésion pancréatique 



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43S BIBLIOORAPHTB. 

est trop fréquente dans le diabète maigre pour être négligée. 
Mais que dire des auteurs qui, comme M. Baume!, force ut la note au 
point de faire de tout diabète une maladie du pancréas? 

Ainsi se trouvent justifiées les conclusions de l'auteur que nous 
reproduisons textuellement. « Dans Tétat actuel de la sciencct 
aucune des lésions du foie, du pancréas, du système nerveux, etc., 
rencontrées à Tautopsie des diabétiques, ne peut être considérée 
comme la lésion du diabète. Ces altérations sont, au contraire, con- 
sécutives au fonctionnement anormal'de ces différents organes par 
le fait de la maladie primitive. De môme que, dans les maladies du 
sang il existe une altération primitive ou secondaire des organes hé- 
matopoiétiqueSf de même, dans le diabète, il existe une altération 
des organes qui produisent, digèrent, modiOent, assimilent le sucre 
et qu'on pourrait appeler glycopoiétiques. Car, quoiqu'on pense du 
diabète, c*est d'emblée ou secondairement une maladie générale 
qui doit, comme telle, agir sur tous les tissus, elle peut frapper spé- 
cialement tel ou tel appareil; mais il répugne d'attribuer le diabète 
à la lésion d'un organe unique; à une maladie générale^il faut une 
cause générale. 9 Telles sont les données du problème qui jusqu'ici, 
reste iusoluble. 

« Mais de ce que la cause première reste impénétrable, il ne s'en 
suit pas que nous n'ayons aucune notion sur la pathogénie du 
diabète. Cette cause, quelle qu'elle soit, peut être réveillée et 
misa en action par des causes occasionndles, par un trouble sur- 
venu dans l'évolution du sucre, dans sa production, dans sa 
digestion, etc. On comprendrait alors qu'une lésion fonctionnelle 
ou même organique du foie, qu'une alimentation féculente, qu'une 
hygiène défectueuse, qu'une émotion morale puissent troubler 
l'équilibre nutritif mal établi. 

« Ainsi compris, le diabète serait un quant à sa nature, multiple 
quant à son origine. Une autre hypothèse pourrait encore être 
formulée. Le diabète évolue différemment suivant la façon dont 
réagissent les diabétiques. 11 en est de lui comme de la tuberculose 
qui atteint tel ou tel organe, parce q\ïi\ est le u locus minoris re- 
sistentise » du sujet (cerveau, testicule, poumon) et qui a des 
aspects variables suivant le terrain où elle se développe. Ici c'est la 
phthisie fibreuse, la phthisie arthritique, là, la phlhisie scrofuleuse. 
De môme, le diabète touche plus spécialement le foie, le système 
nerveux, voire même le pancréas qui seraient le « locus minoris 
resistentiœ » du malade; ou bien suivant le terrain où il prend 
naissance, il sera goutteux, nerveux, etc., si le sujet est goutteux 
ou nerveux. Les variétés tiendraient donc au terrain et non à la 
nature de la maladie qui resterait unique au milieu de ses variétés. 

« Cette.um^é^ de diabète est elle-même sujette à révision : il est 
possible qu'il y ait, non pas un diabète, mais des diabèteSy et que 
leur étude attentive permette de rattacher chacune d'eux à une 



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BIBLIOGRAPHIE. 439 

étiologie et une anatomie pathologique toujours la même pour 
une modalité clinique déterminée. Certains auteurs sont déjà 
entrés dans cette voie : M. Lancereaux, en faisant de la lésion pan- 
créatique le substratum anatomique du diabète maigre, et surtout 
Senator, qui distingue un diabète neurogène, un diabète digestif, 
gastroentérogène, hépatogène. 

<c Une enquête, dirigée dans le sens que nous indiquons, per- 
mettra peut-être un jour de décrire plusieurs diabètes ayant chacun 
sa pathogénie particulière.. Aujourd'hui une pareille tentative 
nous paraît prématurée. » 

La deuxième partie de ce travail n'est pas nouvelle pour les 
lecteurs des Achives de Neurologie^ qui n'ont pas oublié une revue 
à ce sujet et à laquelle l'auteur a fait de nombreux emprunts. 
Aussi releverons-nous principalement les aperçus originaux et les 
faits sur lesquels on a peu insisté dans ce mémoire *. 

M. Dreyfous a bien indiqué les caractères de ces accidents 
nerveux : « au point de vue des phénomènes nerveux, le diabète 
est une affection protéiforme ». Un autre caractère, que nous 
signalons dès le début, parce qu'il est commun à tous ces symp- 
tômes sans exception, c'est que ce sont des manifestations 
imprévueSy survenant à une époque quelconque du diabète; ils 
n'ont pas d'époque iixe : alors même que la maladie est connue, 
rien ne peut faire prévoir s'il se produira, à un moment donné, des 
manifestations nerveuses. Elles se différencient donc de celles de 
l'alcoolisme; encore mieux, de celles de la syphilis; dans l'alcoo- 
Itsme, l'étude des antécédents des malades permet, dans une cer- 
taine mesure, d'annoncer leur imminence; dans la syphilis, où 
les étapes sont encore mieux marquées, alors même que les 
accidents sont subits en apparence, on peut, par une étude rétros- 
pective des faits, les relier presque à coup sûr à des phénomènes 
morbides antérieurs, méconnus ou oubliés, mais certains. 

Passant aux troubles de motilité,V aulenr décrit l'affaiblissement 
musculaire du début; il indique un fait peu connu et qui mérite 
d'être relevé : un traumatisme, si léger qu'il soit, peu devenir 
l'occasion d'une perte rapide et inattendue des forces du malade. 
Quant à sa cause, ne peut-on la trouver dans l'effacement de l'in- 
fluence nerveuse centrale, chez les diabétiques ? Rappelons-nous 
que le professeur Bouchard a signalé chez eux l'absence du 
réflexe patellaire, et que M. Landouzy l'a constatée cinq fois sur 
douze cas observés. S'appuyant sur ce fait, M. Dreyfous s'exprime 
ainsi : « Elle est l'indice d'un état particulier du système nerveux 
qui débute par l'affaiblissement musculaire et aboutit au coma 
diabétique. Si la motilité est seule atteinte tout d'abord, il n'y faut 

* Bernard et Féré.— Dw troubles nerveux observés chez les diabétiques. 
{Àrch, de Neurologie^ 1882, t. IV, p. 336.) 



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4iO BIBLIOGRAPHIE. 

voir qu'un fait de notion constante en neurologie; dans les maladies 
de la moelle, la lésion d'une région limitée peut abolir la rootilité, 
tandis que la sensibilité persiste tant qu'un cordon nerveux, si petit 
qu'il soit, peut en assurer la transmission vers les centres 
nerveux. » 

Les paralysies doivent être divisées en paralysies vulgaires et pa- 
ralysies diabétiques. Ces dernières peuvent être des monoplégies, 
des hémiplégies et même des paraplégies. Quatre caractères les 
individualisent : elles sont initiales, c'esl-à-dire apparaissant au 
début reconnu de la maladie, incomplètes, associées et rarement 
isolées, enfin mobiles et passagères. 

La paralysie de la sensibilité peut présenter les mêmes carac- 
tères. D'autres troubles de sensibilité, tels que l'hyperesthésie, les 
névralgies, méritent d'être signalés. Amélioration par le traitement 
diabétique, intensité de la douleur, résistance à la médication des 
névralgies, distribution symétrique ou capricieuse : voilà ce qu'elles 
présentent de particulier. Mentionnons la névralgie du pneumo- 
gastrique indiquée par M. le professeur Peter, et, d'une façon toute 
spéciale, ïangine de poitrine observée pour la première fois chez 
les diabétiques par M. Vergely. Comme les paralysies étudiées plus 
haut, cette angine de poitrine ne serait pas pure; elle serait souvent 
provoquée par un refroidissement, parfois nocturne (Dreyfoos), 
curable par le traitement anti-diabétique. 

Les troubles des fonctions génitales et des organes des sens sont 
ensuite décrits. Mentionnons quelques faits nouveaux dans l'étude 
des troubles oculaires. A l'ophthalmoscope, on rencontre deshémor- 
rhagies rétiniennes qui peuvent être caractéristiques du diabète 
(Parinaud); ou bien, sans lésion ophthalmoscopique, il existe de 
l'amblyopie ou de l'hémiopie. Quant aux paralysies oculo-motrices, 
elles sont incomplètes, passagères, associées comme celles des 
membres (Parinaud). 

Parmi les troubles cérébraux, le plus important est « un chan- 
gement profond dans l'allure du malade : il perd toute initiative 
individuelle et devient véritablement apathique, et pour ainsi dire 
passif: il perd et la faculté et le désir, le besoin, le goût de l'acti- 
vité sous une forme quelconque ?. . . A cette perte de force im- 
pulsive, ajoutons la diminution de tous les appétits (Laségue). 
Ainsi le malade a la force de marcher^ mais il n'y a aucun goût : 
l'idée ne lui vient pas, ou, si elle vient à son esprit, il n'a pas le 
courage de passer de la conception à l'exécution. » 

« Il refuse toute nourriture; il ne saurait dire pourquoi, mais il 
n'a de goût à rien ; les mets les mieux choisis, ceux qu'il préfère 
habituellement, rien ne peut l'y engager; il n'en a pas idée, et il 
ne mange pas. » Nous recommandons à nos lecteurs le tableau de 
ce que M. Dreyfous appelle Vétat mental du diabétique. 

Il cite ensuite la narcolepsie, le délire, les vertiges, syncopes^ 



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BIBLIOGRAPHIE. 411 

apoplexies, puis quelques troubles vaso-moteurs et trophiques parmi 
lesquels la rétraction de l'aponévrose palmaire. 

Il arrive enfin à la description de Taccident le plus redoutable 
de tous : le coma diabétique : il le (caractérise d'un mot ; c'est un 
coma dyspnéique . Le coma peut apparaître à trois époques : 
1® coma initial et précoce ; 2<' coma tardif; 3* coma apparaissant 
dans le cours du diabète reconnu. M. Dreyfous donne de ce coma 
diabétique une description didactique en adoptant la division 
suivante : A. Période prodromique ; phénomènes d'excitation ou de 
dépression, douleurs, convulsions che;5 l'enfant, et surtout odeur 
suigeneris, — B. Période d'invasion. Suivant que ce sont les phéno- 
mènes respiratoires, digestifs ou généraux qui dominent la scène 
pathologique, on peut distinguer les variétés suivantes : phase 
dyspnéique, caractérisée par un rythme spécial (type Kussmaul et 
Kien). — Phase abdominale qui vient présenter les trois types 
suivants : péritonitiques, gastriques et cholériformes. — Enfin plus 
rarement, phase d'épuisement. — C. Pàiode comateuse. Une fois 
établi, le coma rétrocède rarement. Il présente deux caractères : 
i« il s'accompagne d'hypothermie; 2® il ne s'accompagne pas de 
convulsions, ni de contractures. 

Dans Vétiologin du coma diabétique, relevons deux faits impor- 
tants : 4° son apparition à l'occasion d'un voyage, d'une fatigue, 
d'un choc moral ou physique, d'un accident médical ou chirurgical 
intercurrent (colique hépatique, diarrhée, opération de cataracte); 
2<* l'influence nocive des narcotiques chez les diabétiques qui sont 
sous le coup du coma. 

La pathogénie des accidents comateux reste encore obscure, on 
a invoqué les théories suivantes: 1*» lipémie; 2® urémie; 3* anurie; 
4» hyperglicémie ; 3* acétonémie; 6» déshydratation des tissus. 
Toutes ces causes peuvent intervenir suivant les cas « il est une 
condition invariable et qui donne à ces accidents leur véritable 
cachet : c'est le terrain où ils se développent, c'est l'impossibilité 
de réagir oùse trouve le diabétique, c'est son état de défaillance ». 
De plus les globules sanguins chez les diabétiques absorbent moins 
d'oxygène ; le fait qui s'observe dans l'urémie et dans les fièvres 
graves, où la dyspnée apparaît au premier plan de la scène 
morbide, explique peut-être pourquoi la souffrance des centres 
nerveux dont l'amoindrissement est alors porté jusqu'à un anéan- 
tissement complet, s'exprime par l'apparition du coma dyspnéique. 

Cet état de défaillance, sur lequel M. Dreyfous insiste au com- 
mencement et à la fin de cette étude, lui permet de reconnaître 
une certaine unité au milieu de la multiplicité et de la diversité 
des accidents nerveux : c'est là un point que l'auteur a eu le mérite 
de bien mettre en lumière mieux, croyons nous, qu'on ne l'avait 
fait avant lui. Cn. F. 



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4i2 FAITS DIVERS. 



INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 



Du tremblement; par Gougelet. Thèse de Paris, i883. 

Essai sur les altérations fonctionnelles et organiques de T appareil de 
la vision survenant sous Vinfluence combinée de l'alcool et du tabac; 
par David. Thèse de Paris, 4 883. 

De Vélongation du nerf nasal externe dam le traitement du glaucome ; 
par Trousseau. Thèse de Paris, 1883. 

Contribution à Vétude des atrophies musculaires à distance appelées 
encore atrophies réflexes; par Desc.hamps. Thèse de Paris, 4883. 

Essai sur la pathogénie du crétinisme; par Verdan. Thèse de Pa- 
ris, 1883. 

Observation d'hysténe chez un jeune homme de dix-sept ans; par le 
D' Rueff. (France médicale, t. 1", 188Î). 

Observation de sclérose en plaques disséminées : début apoplecti- 
forme, hémiplégie droite, troubles de la sensibilité; pas d\iutopsk; 
par M. Lecoq. (France médicale, t. I", 1882). 

Hémichorée avec hémianesthésie sensitive et sensorielle chez une 
jeune fille hystérique, Guérison rapide parla faradisation d'un point 
limité du tégument exteime; par Je D' Merklen. [France médicale, 
t. 1", 1882). 



FAITS DIVERS 



Asiles d'alténés de la Seine. — Concours pour la nomination à 
six places vacantes d'interne titulaire en médecine dans les asiles 
publics d'aliénés du département de la Seine (Sainte -Anne, Ville- 
Evrard et Vaucluse). — Le lundi, 3 décembre 1883, k midi précis, 
il sera ouvert à Tasile Sainte-Anne, rue Cabanis, u<» 4, à Paris, un 
concours pour la nomination à six places d'interne titulaire en 
médecine actuellement vacantes dans lesdits établissements. Les 
candidats qui désirent prendre part à ce concours devront se faire 
inscrire à la préfecture de la Seine, bureau du personnel, tous les 
jours, les dimanches et fêtes exceptés, de onze heures à trois 
heures, depuis le jeudi 4" jusqu'au samedi 17 novembre 1883 
inclusivement. 

Conditions de Vadmission et formalités à remplir. — Pourront 
concourir à l'internat en médecine dans les asiles de Sainte-Anne» 



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FAITS DIVERS. 443 

Ville-Évrard et Vaucluse, tous les étudiants en médecine pourvus 
de douze inscriptions et âgés de moins de trente ans révolus, le 
jour de Fouverture du concours. 

Chaque candidat, pour être inscrit au concours, doit produire les 
pièces ci-après : 1*» Un acte de naissance; 2*» Un extrait du casier 
judiciaire; 3® Un certificat de vaccine; 4» Un certificat constatant 
qu'il est pourvu de douze inscriptions en médecine; 5» Un certi- 
ficat de bonnes vie et mœurs délivré par le maire de sa commune 
ou le Commissaire de police de son quartier. Toute demande 
d'inscription faite après l'époque fixée par les affiches pour la clô- 
ture des listes, ou qui ne serait pas accompagnée de toutes les 
pièces ci-dessus désignées, ne sera pas accueillie. 

Les épreuves du concours aux places d'interne en médecine sont 
réglées comme il suit : Épreuve d* admissibilité : 1® Une épreuve 
écrite de trois heures sur un sujet d'anatomie et de physiologie du 
système nerveux. Cette épreuve pourra être éliminatoire si le 
nombre des concurrents dépasse le triple des places vacantes. — 
Épreuve définitive : 2° Une épreuve orale de quinze minutes sur 
un sujet de pathologie interne et de pathologie externe, après un 
quart d'heure de préparation. — Le maximum des points à accorder 
pour chacune de ces épreuves est fixé ainsi qu'il suit : pour 
l'épreuve écrite, trente points. Pour l'épreuve orale, vingt points. 
Le sujet de l'épreuve écrite est le même pour tous les candidats. Il 
est tiré au sort entre trois questions qui sont rédigées et arrêtées 
avant l'ouverture de la séance par le jury. 

Pour les épreuves orales, la question sortie est la même pour 
ceux des candidats qui sont appelés dans la même séance. Elle est 
tirée au sort entre trois questions qui sont rédigées et arrêtées par 
le Jury avant l'ouverture de chaque séance. L'épreuve orale peut 
être faite en plusieurs jours, si le nombre des candidats ne permet 
pas de la faire subir à tous dans la même séance. Les noms des 
candidats qui doivent subir l'épreuve orale sont tirés au sort à 
l'ouverture de chaque séance. Le jugement définitif porte sur l'en- 
semble des deux épreuves (écrite et orale). Les premiers reçus au 
concours sont nommés internes titulaires. 

La durée des fonctions des internes titulaires est de trois ans. 
Les internes titulaires reçoivent, outre Iç logement, le chauffage, 
l'éclairage et la nourriture, dans les proportions déterminées par 
les règlements, un traitement annuel fixe de huit cents francs à 
l'asile Sainte-Ânne et de mille cent francs aux asiles de Ville-Évrard 
et de Vaucluse. La répartition des internes dans les divers services 
d'aliénés se fait dans l'ordre de classement établi par le jury 
d'examen. Ce mode de répartition assure à presque tous les internes 
un séjour d'au moins une année sur trois dans un des services de 
l'asile Sainte-Anne, situé dans l'enceinte de Paris. Un interne ne 
pourra rester plus de deux ans dans le même service. Tout interne 



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444 FAITS DIVERS. 

titulaire est autorisé à passer sa thèse de doctorat aussitôt après 
sa nomination. 

— Concours pour deux places d'internes en pharmacie. — Un 
concours pour la nomination à deux emplois d'interne en phar- 
macie, dans les asiles publics d'aliénés de la Seine (Sainte-Ânne 
à Paris, Ville-Evrard et Vaucluse dans Seine-et-Oise), sera ouvert 
le lundi 10 décembre i883, à une heure précise. Pourront prendre 
part & ce concours tous les étudiants en pharmacie âgés de 20 ans 
au moins et de 27 ans au plus. 

Les candidats devront se faire inscrire à Paris, au siège de la 
Préfecture delà Seine (bureau du personnel), du 8 au 27 novembre 
iSii inclusivement. Chaque candidat devra produire les pièces ci- 
après : l^Un acte de naissance; — 2« Un extrait du casier judi- 
eiare ; — 3« Un certificat de vaccine ; — 4" Un certificat de bonnes 
vie et mœurs ; — 5« Des certificats constatant trois années d'exercice 
dans les pharmacies, dont une dans la môme maison. — Le con- 
cours porte sur la chimie, la pharmacie et Thistoire naturelle. 

La durée des fonctions d'interne est de trois ans. — La répar- 
tition des intermes dans les divers services d'aliénés se fait dans 
Tordre de classement établi par le jury d'examen. Les avantages 
attachés à la situation d'interae dans les asiles publics d'aliénés 
de la Seine comportent le logement, le chauffage, l'éclairage, la 
nourriture et un traitement fixe et annuel de 800 francs . à l'asile 
Saint-Anne et de 1,100 francs dans les asiles de Ville-Evrard et 
de Vaucluse, situés en dehors Paris. 

NÉCROLOGIE. — M. Parrot, professeur de clinique des maladies 
des enfants, est décédé le 5 août. Outre de nombreux travaux de 
pathologie médicale, M. Parrot a publié de nombreuses recherches 
sur la Neurologie, parmi lesquelles nous citerons : Etude sur Vencé- 
phalopathie urémique et le tétanos des nouveau-nés (Arch. gén. de 
Méd., 187J8); — Sur le ramollissement de l'encéphale chez le nou- 
veau-^é (Arch, de Physiologie, 4873J; — Observation d'atrophie 
complète du lobule de l'insula et de la troisième circonvolution du 
lobe frontal du côté droit, avec conse^^vation du langage et de la 
faculté du langage articulé; — Sur un cas d'hydatide du cer- 
veau; — Note sur un cas de rupture de la moelle chez un nouveau-né^ 
par suite de manœuvres pendant l'accouchement; — Sur un cas de 
lipome de la pie-mère cérébrale; — Sur un cas de paralysie infantile 
(avec M. Joffroy); — Note sur l'analomie pathologique de la 
paralysie faciale consécutive à Vapplication du forceps (avec M. Troi- 
sier) ; — Recherches sur le développement du cerveau chez les enfants 
du premier dge;— Considération sur le zona (Union médicale, 4856); 
— Etude sur la sueur de sing et les hémorrhagies névropa- 
thiques (Gaz, Hebd,, 4859); — De la dislocation des os du crâne dans 
la méningite chez les enfants (Revue de Médecine, 4882); — Articles : 



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FAITS DIVERS. 4i5 

Angine de poitrine, asthme^ ramollissement cérébral, dans le 
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, de M. De- 
chambre. 

Nominations. — Par arrêté du 12 septembre 1883, M. le D' Paul 
GÉRENTE est nommé directeur-médecin de deuxième classe de Tasile 
départemental d'aliénés, en construction à la Bouzaréa, près Alger. 

— M. le D' Camuset, médecin-adjoint de Tasile de VaucJuse 
(Seine), est nommé médecin en chef du quartier des aliénés de 
l'hospice Saintr Jacques, de Nantes; en remplacement de M. le 
D' Petit, décédé. Cette vacance existait depuis une dizaine de 
mois et aurait dû être comblée depuis longtemps. 

Congrès international des sciences médicales de Copenhague. — 
Ce congrès, qui s'ouvrira du 40 au 16 août 1884, comprend une 
section de neurologie et de psychiatrie, ayant pour président 
M. le professeur Steenberg et pour secrétaire M. le D' Friedenreich. 

Programme provisoire de la section de psychiatrie et de neurologie. 
I. Psychiatrie. — i. Aperçu statistique sur les maladies mentales 
et les institutions psychiatriques des pays du nord ; — 2. Propo- 
sition de conformité des comptes rendus annuels des asiles d'alié- 
nés des différents pays ; — 3. Le rôle des colonies dans le traite- 
ment des aliénés ; — 4. La valeur des exercices dans le traite- 
ment des maladies mentales ; — 5. Le rôle des écoles pour. la pro- 
duction des maladies mentales ; — 6. La température du corps 
pendant les stades primaires]des maladies mentales; — 7. L'aliéna- 
tion mentale dans Tenfance; — 8. Perversité de l'instinct sexuel; 

— 9. Les troubles psychiques qui peuvent remplacer un accès épi- 
leptique;— 10. Le rôle de la syphilis dans ia paralysie gé- 
nérale ; — 11. Des caractères anatomiques des cerveaux des idiots ; 

— 12. Quelle méthode faut-il préférer pour désaccoutumer de 
l'usage de la morphine et en quelles conditions se fait-il le mieux ? 

IL Neurologie. — 1. L'effet des lésions des nerfs périphériques 
pour produire des altérations anatomiques dans les organs ner- 
veux centraux ; — î. Dégénérations secondaires dans le cerveau et 
dans la moelle épinière ; — 3. Les troubles de la parole d'origine 
corticale ; — 4. Les troubles de la vision d'origine corticale ; — 
5. Epilepsie corticale ; — 6. Neuroses vasomotrices et trophiques ; 

— 7. La valeur des affections des organes périphériquesi(surtout les 
organes sexuels) pour produire des troubles fonctionneles des 
nerfs, spécialement l'hystérie ; — 8. La sclérose latérale amyo- 
trophique ou paralysie bulbaire progressive amyotrophique, sur- 
tout à l'égard de la constance des lésions anatomiques et de sa 
différence ou son identité avec l'atrophie musculaire progressive 
(Aran-Duchenne) ; — 9. La curabilité du tabès dorsalis ; — 
10. Le rôle de la syphilis dans l'étiologie du tabès dorsalis; — 



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446 FAITS DIVERS. 

4 1 . La paralysie de Landry est-elle une maladie particulière ou 
seulement un symptôme qui peut être produit par différents pro- 
cessus pathologiques? — 12. La valeur de la tension des nerfs 
comme méthode de guérison. 

Les adhérents qui jugeront convenable de faire des additions 
ou des modifications à ce programme, sont priés de communi- 
quer leur avis au président de la section, avant le 1*" décembre 
1883. 



Le rédacteur-gérant^ BouBiŒvaLE. 



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TABLE DES MATIÈRES 



Aliénation mentale consécutive à 
une leucorrhée, 424. 

Aliénés (hors de Tasile), 140 ; — 
(troubles dans la sphère du sys- 
tème nerveux périphérique chez 
les),405; — (pouls chez les), 408, 
410; —(hypothermie chez les), 409; 
—(protection des médecins K des 
gardiens contre les attentats dont 
Us sont Fobjet de la part des), 
431. 

Aliénés (entretien des), 294, 303. 

Aliénés criminels, 139, 142. 

Anesthésiques, 295. 

Aphasie, 147. 

Aphasique (affaiblissement intellec- 
tuel), 149. 

Asiles, 301. 

Assassinat par un épileptique, 161. 

Ataxiques (affections osseuses et ar- 
ticulaires du pied chez les), par 
Charcot et Féré, 303. 

Atropine (influence sur Tépilepsie), 
267. 

Basedow (sur la nature et sur quel- 
ques-uns des phénomènes de la 
maladie de), par Marie, 79. 

Béribéri, 288. 

Blépharospasme douloureux (traite- 
ment du), 103. 

Bromure d'éthyle, 154. 

Buveurs (affections spinales parti- 
culière observée chez les), 109; — 
(asiles pour les), 136. 

Cellules capitonnés, 431. 

Céphalée des adolescents, par Th. 
Keller, 1, 203. 

Cérébrales (connexions — et céré- 
belleuses des 3« à 12« paires 
nerveuses), 94. 

Cérébrales (variétés des ciixonvolu- 
tions), 97« 



Cerveau (sur un faisceau de subs- 
tance blanche jusqu'alors rare- 
ment observé à la base du), 96 ; 
(circulation dans le), 98; — (prépa- 
rations microscopiques du), 275 ; 
— (lésions de Técorce du), 421, 

Cervelet (atrophie avec sclérose du), 
118. 

Circonvolutions cérébrales (troubles 
de la sensibilité et de Tacuitê vi- 
suelle dans les lésions des), 107. 

Chloral à doses réfractées dans les 
périodes d'agitation, 423. 

Congrès annuel de la Société des mé- 
decins aliénistes allemands, 135. 

Congrès des aliénistes de l'Allemagne 
du sud-ouest, 123. 

Conscience de la maladie dans les 
maladies mentales, 404. 

Couleurs (perception des), 99. 

Crimes commis dans Tétat d'incons- 
cience, 419. 

Délire aigu idiopathique (cause ana- 
tomique du), 151, 412, 423. 

Délirantes (idées), 408. 

Démence paralytique et syphilis, 
par Snelf, 264. 

Démence aiguë, stupeur, états du 
môme ordre, 270. 

Déviation conjuguée des yeux et ro- 
tation de la face dans les lésions 
bulbo-protubérantielles, 112. 

Diabète ipathogénie et accidents 
nerveux du), par Dreyfous, 436. 

Divorce et fohe, 26 1. 

Drap mouillé dans les psychoses, 
152. 

Encéphalite parenchymateuse limi- 
tée de la substance grise * avec 
épilepsie partielle comme syn- 
drome clinique, par Danillo, 217. 

Ëncéphalopathie saturnine, 117. 



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448 



TABLE DBS MATIÈRES. 



erte en poids à la suite 
'd'un accès d'), 271; — (patho- 
génie de Tépilepsie pendant ren- 
fance), UO. 

Epilepsie jacksonnienne, 117. 

Epilepsie, vertiges, 161. 

Epilepsie (influence de Tatropine 
sur i'), 267; — (notes sur 1), 409. 

Epileptique (du délire — ou plutôt 
de rinfluence de Tictus epilep- 
tique sur Tétat général normal et 
pathologique), par Respaut, 434. 

Epileptiques ( oscillations pondé- 
rales chez les), 266; —(soins pré- 
ventifs à l'égard des), 137; — 
(accusé d'incendie), 148. 

Ergotisme, 111. 

Exposition phréniàtrique de Yo- 
ghera, 302. 

Folie et divorce, 261. 

Folie aiguë partielle, 429. 

Folie périodique (température dans 

la), 272; — (impulsive), 407; — 

(circulaire), 407. 
Folie (simulation de la), 278. 
Folie avec conscience (recherches 

sur la), par Marandon de Mon- 

tyel, 34. 

Genou (phénomène du), 277. 
Goitre, 290. 

Hallucinations (des) bilatérales de 
caractère diflérent, suivant le 
côté affecté, par Magnan, 3:^6. 

Hyoscyamine, 205 ; — - (effets acces- 
soires de T), 426. 

Hypnotiques hystériques considérés 
comme sujets d'expérience en 
médecine mentale (illusions, hal- 
lucinations, impulsions irrésisti- 
bles provoquées, leur importance 
au point de vue médico-légal), 
par Féré, 122. 

Hypochondrie, 141. 

Hystéro-neuroses, 155. 

Hystériques (les phénomènes et les 
révélations de sainte Thérèse), 
par Hdhn, 285. 

Hystérique (surdité dans Thémianes- 
thésie), 104. 

Idiotie et epilepsie partielle consé- 
cutive à une méningo-encépha- 
lite chronique, par Bourneville et 
Leflaive, 236. 

Invalides psycopathes de la guerre 
de 1870-1871, 138. 



lodoforme chez les aliénés, 422. 
Iris (mouvements de Tj, 98. 

Kakké, 288. 

Langage (développement du) chez 

les enfants, par Sikorsky, 319. 
Loi de 1838, 121. 

Maladies mentales (température 

dans quelques formes de), 403. 
Manie transitoire consécutive à la 

fièvre intermittente des ouvriers 

en laiton, 409. 
Médico-légal (rapport), 406. 
Méningite chronique (contribution 

à rétude des lésions du bulbe 

consécutives à la), 102. 
Mérycisme (du), par Bourneville et 

Séglas, 86, 246, 376. 
Microcéphalie, par Boarneville et 

Wuillamié. 72. 
Moelle (dégénérescence secondaire 

de la), 281 ; — (structure de la), 

97; ■— (syphilis de la), 105; — 

(maladies de la), par Byrom- 

Bramwell, 155. 
Moral insanity, 145, 406. 
Morphinisme, 154. 
Moteurs (centres corticaux), 98. 
Mouvements (perception des), 97. 
Myélite aiguë, 275. 

Névrites périphériques non trau- 
matiques (contribution à l'étude 
des), par Pitres et Vaillard, 180. 

Noyau lenticulaire, 146. 

Olfactif (tractus), 96. 

Optiques (physiologie des couches), 

115. 
Ouïe (psychoses dans les affections 

de l'organe de 1') 425. 



Paralysie générale (troubles de la 
vue dans la), 280; — chez la 
femme, 154; — altérations de 
récorce cérébrale dans le premier 
stade de la), 411. 

Paralysie progressive, 408. 

Paralysie générale syphilitique 
(pseudo-), 413. 

Paralysie générale (frictions du 
crâne dans la), 266. 

Paralysie générale spinale à mar- 
che' rapide et curable, 99. 

Paralysie ascendante aiguë, 119. 

Paralysie progressive aes aliénés, 
283. 



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TABLE DES MATIERES. 



Paralytiques généraux (les troubles 
de la Yue d^rigine cérébrale chez 
les), 402. 

Pédoncule cérébelleux (dégénéres- 
cence grise du), 278. 

Pellagreux (fous), 4H. 

Psychopathologie du jeune flge,412. 

Porencephalie, 156, 275. 

Protubérance (cas d'hémorrhagie 
de la — ayant entraîné des dégé- 
nérescences secondaires dans le 
ruban de Reil), 110. 

Psychiques (états douteux), 282. 

Psychoses transitoires , 409. 

Psychoses consécutives aux affec- 
tions fébriles, 428. 

Pupille chez les aliénés, 404. 

Pupilles sautantes, 284. 

Rhéostat à maniyelle coudée, 275. 

Sclérose tubéreuse mulliloculaire 
de Técorce du cerveau, parBrQck- 
ner, 265. 

Sensations (des), 144, 269 

Sensation sexuelle contraire, 268. 

Société psychiatrique de Berlin, 282, 
419. 

Société de psychiatrie et de psycho- 
logie légale de Vienne, 144. 

Société psychiâtiique de la province 
du Rhin. US. 

Société médico-psychologique, 120 
272, 413. 



4i9 



Société de psychiatrie et des mala- 
dies nerveuses de Berlin, 275. 

Sorcières (de quelques médicaraens 
naturels, qui endorment et par 
le moyen desquels les — - sont 
quelquefois trompées, etc.)» 296. 

Spinale (affection particulière ob- 
servée chez les buveurs), 109. 

Superstition et responsabilité, 268. 

Syphilis et tabès, 107. 

Système nerveux central (affections 
du), 1 05 ;— (dans Tergotisme) .111. 

Tabès (accidents apoplectiformes 
du — ), 279;— troubles vertigi- 
neux dans le), 101. 

Tabétique (pied), par Gharoot et 
Féré, 305. 

Température dans la folie péiiodi- 
gue, 272. 

Trgumeau (anesthésie du), 278. 

Ulcères variqueux { pathogénie 
des), 101. 

Vertébrale (abcès de la région), 103. 

Vésanie (quel(]ues considérations 
sur révolution du délire dans 
Id ), 17, 170. 

Vésicaux (Gliome à l'extrémité su- 
périeure du filum terminal, 
ayant comprimé isolément les 
flleu nerveux ), 109. 



Archives, l. VI. 



29 



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TABLE 

DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS 



Bechterew, 403. 

Berger, 134. 408, 

Bernard, 101, 102, 103. 104, 114. 

Bernhardt, 107, 279, 423. 

Blanchard, 98, 99. 

Blanche, 121, 261. 

Binswanger, 275, 276, 278, 409. 

Bourneyflle, 72, 86, 296, 246, 376. 

Briand, 122, 274, 418. 

Brûckner, 265. 

Bubnoff, 412, 413. 

Bumm, 96. 

Byrom-Bramwell, 155, 

Chambai-d, 117, 264. 
Charcot, 303. 

Charpentier, 130, 272, 413. 
Glaus, 105, 410. 

Danillo, 217. 
Déienne, 99. 
Delasiauve, 273, 418. 
Deny, 292. 
Doraecq-Turon, 435. 
Dreyfous, 436. 
Drosnes, 412. 

Eckelinan, 422. 
Emery, 99. 
Erlizky, 412. 
Eyzelein, 420. 

Féré, 123, 155, 156, 272, 274, 288, 

305, 435, 436, 441. 
Fischer, 109. 
Foville, 121. 
Fraenkel. 419. 
Fritsch, 209. 
Fuerstner, 425. 

Gamier, 418. 
Gérenle. 17, 170. 



Giacomini, 97. 
6iraudeau,102. 
Gnauck, 141, 281. 
Golgi, 96. 
Grashey,408. 
Grieff, 103. 
Guéniot, 1('3. 

Haase, 272. 
Hahn, 283. 
Hayem, 102. 
Hertz, 149, 151. 
Hewitt, 155. 
Hirschberg, 280. 
Hollaender, 145, 406. 

Ideler, 420, 421. 

Jehn, 152, 410. 
Jorissenne, 98. 

Kéraval, 95. 96, 105, 107, 108, 110, 
111, 112, 118, 119, 120, 143, 153, 
154, 159, 265, 266, 267, 268, 269, 
270, 271, 282, 403, 404, 405, 406, 
407, 408, 409, 410, 411, 412. 423, 
434. 

Keller, 1, 203. 

Kirchholf, 118. 

Kirn, 428. 

Knecht, 117. 421. 

Rœlhier; 267. 

Kojewnikof, 357. 

Krantz, 271. 

Kretz, 265, 429. 

Kundrat, 156. 

Lachmann, 109. 

Landouzy, 99. 

Laura, 97. 

Leflaive, 236. 

Legrand du Saulle,161, 272, 273,274 . 



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TABLK DKS AUTEURS Kf DHH COLLABORATEURS. 



451 



Leppmann, 154. 
Lœhr, 142, 282, 420. 
Luys, 115, 261, 273. 

Magnan, 274, 336, 415. 

Marandon de Montyel, 34. 

Marie, 79, 290, 101, 105, 412. 

Marcacci, 98. 

Mendel, 278, 279, 283, 411. 

Meyer, 110. 

Meyneit, 144,146,147,209. 

Moeli, 275, 281, 404. 

Mongeri, 406. 

Mosso, 98. 

Motet, 121, 273, 274, 418. 

Oebeke, 266. 
Olderogge, 266. 

Panas, 103. 
Pelinan, 137. 
Pfungen (von), 148. 
Pignol, 97. 
Pick, 404. 
Pitres, 180. 
Pohl, 407. 
Pusinelli, 107. 

Quénu, 101. 
Quioc, 112. 

Reinak, 276. 
Reinhard, 276. 
Respaut, 434. 
Reverdin, 290. 
Rinccker, 423, 424. 



Richter, 421, 
Roller, 94. 

Scheube, 288. 
Schœfer, 407. 
Schule, 426. 
Schultze, 119. 
Schulz, 119, 148. 
Schwaab, 138. 
Schwartzer, 268. 
Séglas, 86, 246. 
Senator, 278. 
Siebold, 409. 
Siemens, 140, 408, 409. 
Sikorsky, 319. 
Sioli, 412. 
Snell, 264. 
Stenger, 402, 431. 
Sterz, 268. 

Tigges, 405. 
Tornnini, 411. 
Tuczek, 411, 141. 

Ullrich, 117. 

Vaillard. 180. 
Voigt, 152. 
Voisin, 418. 

Wallon, 101, 104. 
Wernicke, 279. 
Westphal, 2';5, 276, 277. 
Wuillamié, 72. 

Zinn, 139. 



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Archives de Neurolodie. T. VI. PL.I 



■\(0 



Imp Eccquet fi\ Pans 



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EXPLICATION DES PLANCHES 



PLANCHE PREMIÈRE 



Microcéphalie : face convexe du cerveau. 



F«, première circonvolution frontale. 
F% seconde circonvolution frontale. 
F», troisième circonvolution frontale. 
Fa, frontale ascendanle. 
Pa, pariétale ascendante. 
S A, sillon de Rolando. 
PS lobule pariétal supérieur. 
P*, lobule pariétal inférieur. 



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hS\ WXPUrATTON TiFS PT.ANrHlîS. 



PLANCHE II 



Microcéphalie : balte du cerveau. 

0\ première circonvolution orbitaire; 

O*, seconde circonvolution orbitaire. 

0«, troisième circonvolution orbitaire. 

T*, T\ troisième et quatrième circonvolutions temporales. 



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Archives de Neurologie. T. VI. PL. IL 



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Imp-Beccruct fr.Eans. 



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Ai^cliives de KourolocSic 



T. VI, pi.i;: 




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T-mpSecqucl fr Paris. 
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EXPLICATION DES PLANOHRS. 455 



PLANCHE m 



Fig, 4. -J^ Cellule pyramidale gféante isolée de la réo^ion de la lésion. 
Tuméraction du corps au début, sans altération du noyau et du nucléole. 
(Verick. 3/7.) 

Fig, 2. — Cellule de la même région, tuméfaction plus prononcée, in- 
téressant le noyau et le nucléole, et se propageant sur les prolongements 
qui s'amincissent rapidement (Verick, 3/7.) 

Fig. 3. — Vacuolisation d'une cellule pyramidale prise du fond du sillon. 
Déplacement du noyau à la périphérie, atrophie des prolongements forte- 
ment tuméfiés à leur origine. (Verick 3/7.) 

Fig, 4. — Coupe verticale par la partie tuméfiée à la base du sillon, 
près de la substance blanche. Double coloration à Thémotoxyline et au 
carmin. Tuméfaction des cellules à divers degrés avec conservation des 
noyaux dans leur protoplasma. Les noyaux sont particulièrement nom- 
breux au voisinage des vaisseaux. (Verick, 3/2.) 

Fig. 5. — Coupe verticale à travers la substance grise du fond du sillon 
entre la première et deuxième frontales de Thémisphère sain {gauche). 
Les grandes cellules pyramidales ne présentent pas d'altérations ni du 
corps ni des piolongements, ni du noyau. Coloration par le carmin. 
(Verick, 3/7.) 

Fig, 6. — Coupe identique à la précédente par le même endroit de 
l'hémisphère lé.sé {droit). Tuméfaction des cellules à divers degrés, avec 
ou sans déplacement du noyau. Le centre est occupé par une grande cel- 
lule tuméfiée et vacuolisée en même temps avec atrophie des prolonge- 
ments. Les vaisseaux et les noyaux libres de la névroglie sont peu nom- 
breux. (Verick, 3/7.) 

N,'B, — Tous les dessins ont été faits à la chambre claire de Uomens- 
hausen. 



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456 EXPLICATION DR9 PLANCHES. 



PLANCHE IV 



Méning<hencéphalite : face connexe de f hémisphère érùit, 

fa, frontale ascendante. 

Pa, pariétale ascendante. 

Pf pli pariétal supérieur. 

r, partie postérieure des circonvolutions temporales. 

rS première temporale. 

La pLiNCBi montre, entre P etT, un vaste foyer intéressant le pli pa- 
riétal inférieur^ le pli courbe, etc. 



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vrchives de Neurolodie • • .T. VI, PI. IV. 



.mp Becquct fr.Pans . 

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Archives de Neurologie . T. VI , PI . V 



up.Becquel Ir. Paris. 

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EXPUCATION DES PLANCHES. 457 



PLANCHE V 



Méningo-encéphcUite : face interne de nièmisphère droit, 

Ccy circonvolution du corps calleux. 

f 1, face interne de la première circonvolution frontale. 

Lq^ lobe carré. 



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458 EXPLICATION DKS PLANCHES. 



PLANCHE VI 



Fig. 1 . — Coupe horizontaie de thémispkère gauche immédiatement sous 

l'opercule, 

L, f,, Lobe frontal. 

l, t. y Lobe temporal. 

L» oc,. Lobe occipital. 

Se, S, Scissure de SyWius. 

Ins,, Insula de Reil. 

K. /., Ventricule latéral. 

N. c, Noyau c-audé. 

JV. /., Noyau lenticulaire. 

C. opt,y Couche optique. 

Sp, c. c, Coupe du corps calleux. 

C in. a., Moitié antérieure de la capsule interne. 

C. in, p.f Moitié postérieure de la capsule interne. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 

Fig, 2. — Coupe horizontale de f hémisphère d$x>it à 1;2 centimètre environ 
plus haut que la précédente, 

L, f,y Lobe frontal. 

Z. oc, Lobe occipital. 

Se, S, a., Rameau ascendant de la scissure de Sylvius. 

Se, pr., Scissure praecentrale. 

C. c,a,f Circonvolution centrale antérieure (frontale ascendante). 

Se, R.j Scissure de Rolando. 

Ce, p,, Circonvolution centrale postérieure (pariétale ascendante). 

Se, pat\. Scissure interpai'iétale. 

Se, S, h.f Rameau horizontal de la scissure de Sylvius. 

C, c, Corps calleux. 

N, c, Noyau caudé. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 



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Archives de Neurologie. 



T. VI. PL VI. 



Fi g, 1. 



Fig. 2. 



... V 



I 



In S 



p.. 



-U.c. 
. c.in. 

..Tl.l. 

. C.in. 

...X. 

. . . 1. op 
. . sp. c 



. s. a. 
.sc.pr. 
. .ce. a. 
... sc.r. 

X. 

...-CC. p 

sc.pni 

ce 

Se su 






1.0. 



[mp .Becauel "fr. Paris . 



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Archives de Neirrolodie. ' T. Yl. PI. VII. 



Fiq. u. 



c. pr. 
c. a. 
sc.K. 

ce, a. 
sc.K. 
ce. p.. 

sc.pc 



. sc.sli. 
sets. 



Fiq. 4. 



^,.; - '^'^ Imp 3 eccju et :fr . Pan s . 



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EXPLICATION D£S PLANGUKS. 45t) 



PLANCHE VU 



Fig. 3. — Coupe horizontale de l'hémisphère droit à un centimètre pins 
haut que la seconde. 

L. /*., Lobe frontal. 

L, oc,f Lobe occipital. 

Se. pr., Scissure prsBceiitrale. 

C. c. a., Circonvolution centrale antérieure. 

•Se. A., Scissure de Rolando. 

C. c. p.f Circonvolution centrale postérieure. 

Se. par,. Scissure interpariétale. 

Se. S. A., Rameau horizontal de la scissure de Sylvius. 

Se*, t. «., Scissure temporale supérieure ou parallèle. 

C c. c, Circonvolution du corps calleux. 

L. c. Lobule carré. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 

Pig» 4. — Coupe horizontal de Vliémisphère gauche à i/i centimètre 
environ plus haut que la troisième. 

L. f.f Lobe frontal. 

C, c. c, Cij'convolution du corps calleux. 

L. par., Lobule paracentral 

L. c, Lobule carré. 

Se. pr., Scissure praecentrale. 

C. c. a., Circonvolution centrale antérieure. 

Se. A., Scissure de Rolando. 

C, c. p., Circonvolution centrale postérieure. 

Se. par.. Scissure interpariétale. 

X, Place où ont été trouvés les corps fl^ranuleux. 



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460 EXPLICATION DES PLANCHES. 



PLANCHE Vlll 



Fig.h, — Coupe horixontcUe de Vhimiiphère dtoil à 1/f centimètre plu» 
haut que la quatrième, 

L, f,y Lobe firontal. 

S. f. /., Sillon firontol !«'. 

Se. pr.f Scissure prœcentrale. 

C. c. a., GircoDvolulion centrale antérieure. 

Se, A., Scissure de Rolande. 

C. c. p,f Circonvolution centrale postérieure. 

Se, par,, Scissure interpariétale. 

C. /y*. /., Circonvolution frontale !'•. 

L. par,, Lobule paracentral. 

X, Place où ont été trouvés les corps granuleux. 

Fig. 6. — Coupe fi^ontale de VhémUphère droit à travers la circonvolution 
centrale antérieure. 

Se, S., Scissure de Sylvius. 
Ins,, Insula de Reil. 
L. t,, Lobe temporal. 
A, m,, Avantrmur. 
iV. L, Noyau lenticulaire. 
C. A., Corne d'Ammon. 
C. opt,. Couche optique. 
C. m., Capsule interne. 
C. c, Corps calleux. 
N. c, Noyau caudé. 

X, Direction des faisceaux pyramidaux indiquée scbématiquement. 
X\ Fibres de ces faisceaux^ qui se terminent au fond de la scissure 
de Rolando. 



Kvrciii. Ui HninaT, inip —1183. 



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Arcliives de Neurologie. T. VI. PI. VIII. 



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'^ Imp.JJecquel fr. Paris. 



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